an une ne nnnne A. OA "2e sr UP bn 7 A à Se en \ V suis N \ se EC 74 4 AGA:ÂÈ ARR 2 RAOR A À PM a Le RE AN LR ( (EN Le Le Re *e Ce \ à NUE GE Re A, ACTE CDN PNA + NONRERUR Se à! p = ee S \ 4 5% — NN NN Os =. À DES fi] CT EN AAPRRERER BRAIN RE RON RQ ne Le NN ar SE MN \ ul PA LA < ne CS 5 M à nn À AA ANA À : / 4 =. | 2 à AAA Ÿ ln ana nd | 4 5 D | | ù PR apan, k TA AA EN Æ - RS à eh , = œ— À A = \ A 4 1 à 46 5 | "Er D? ‘| H { Re w "} * > 1, . CLR, / M ” L . $ à ; ‘ hate » 3 L € nt ‘ L] . . D n - À Le “. à : ' ' ’ ' Ü , LE be ‘ e , 7: à v . à IN . . v “ Ï « 4 ‘ d » « ‘ ù S L + à . Fe * ; { ' « à ù ; £ , . 4 1 « : \Q » > = - ' > En. » > LL” ge À : ï ke PL «ag JUN 1887 ANNALES FRANÇAISES ET ÉTRANGÈRES D'ANATOMIE DE PHYSIOLOGIE. Se = Lune” 4 - NATH r AéIA DU HA ANNALES K FRANÇAISES ET ÉTRANGÈRES D ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE, APPLIQUÉES A LA MÉDECINE ET A 9 HISTOIRE NATURELLE ; van MM. LAURENT (de Toulon ), D. M. P. NCIEX PROFESSEUR D'ANATONIE ET DE PHYSIOLOGIE, CUIRURGIEN EX CHE* DE LA MARINE HN RETRAITE, CHLVALIEN DE LA LÉGIOX-D'HONNEUK, MEMBRE DE LA SOCIÉTÉ ANATOSIQUE DE PARIS, COEUESPOXDANT DE LA SOCIÉTÉ PHILOMA - TIQUE On PARIS ET UE PLUSIEURS SOCIÉTÉS SAVANTES £ efs P.F. A. BAZIN ( de Basseneville), D. M. P. MEMBRE FONDATEUR DE LA SOCIÉTÉ MÉDICALE D'OBSERYATION ; Avec des planches dessinées PAR M. JACQUEMART. H pôots 0)0Ey not parny ” dÀ) st èx +59 évdeyouévov TA odaiu mapi ÉraoTOY yéy0s Étiou To Gplatoy. Arisrotezis de Incessu animalium lib.c. 2. La nature ne fait rien au hasard : elle donne toujours à chaque animal ce qui convient le mieux à l’essence de son être. TOME PREMIER. # PARIS, F.-G. LEVRAULT, LIBRAIRE-ÉDITEUR , Rue de la Harpe, 81, à Paris, et même maison à Strasbourg. A LONDRES, CHEZ J. B. BAILLIER AIRIE SCIENTIFIQUE, 219, Regent Street, hr ES AU ns 7 Te : » . + 4 v v : à, mn ay "RPEN à Ft ns. + pe CAS Ed EE À . a ie) LOU 481 PATATE UV ! ; . INTRODUCTION. Li Les corps organisés sont l’objet d’études si nombreuses , si : a FC #. ; . étendues et si difciles, qu il'serait important de perfectionner Y'art d'observer et d’expérimenter; afin d'approfondir de plus en plus la science qui analyse et groupe tout ce qui a trait à l'é- tude de ces corps. Parmi les corps naturels, l'homme s’offre lui-même le premier à sa propre observation , et comme le plus élevé dans la série organique, et comme dominateur de toutes les espèces vivantes de notre globe. A ce double titre, il se présente tout naturelle- ment le premier à l'attention du philosophe, du naturaliste et du médecin. Dans son élat naturel, qui est l’ordre social, l'homme vit sous la domination de la loï religieuse, de la loi politique et des lois du monde matériel. Il ne nous convient nullement d’envisager l'homme sous le double point de vue civil et religieux; bien que les idées qui s’y rattachent soient toutes aussi positives que celles qui n’ont trait qu'a son organisation matérielle. Nous aurons nécessairement l’occasion de parler des fonctions du système nerveux, et d'indiquer la lacune immense qui sépare encore et séparera peut-être toujours, la psychologie de la physiologie. Du reste , bien que notre recueil aspire à prendre un caractère philosophique, nous éviterons, autant que possible, de nous éloi- gner de l'étude de l'organisme matériel, que nous noùs propo- 1 2 INTRODUCTION. sons d'envisager sous le point de vue du médecin et du natura- liste. De la nécessité de pourvoir aux besoins les plus ordinaires , sont nées les professions purement industrielles ; de celle de conserver sa santé, sa vie, naquirent la médecine, la physique, la chimie, toutes les sciences naturelles et l'astronomie elle- même. On sait en effet, qu’outre l'influence des corps qui nous entourent, ou avec lesquels nous sommes, pour ainsi dire, en contact, à laquelle nous sommes soumis aussi bien que tous les corps organisés, les corps célestes agissent aussi sur l’ensem- ble des êtres. Il suffit de penser à l'influence des climats, des saisons , du jour et de la nuit, pour concevoir que l'étude de ia physique, de la chimie, et que'des notions exactes d’astrono- mie et de géologie doivent précéder celles de la science des êtres organisés ; ou en d’autres termes, des sciences naturelles et mé- dicales. Parmi ces dernières sciences, celles dont la c nnaissance est la plus importante, sont sans contredit l'anatomie et la physiologie qui sont appelées à à rendre à la médecine et à l’his- toire naturelle , les mêmes services que les sciences physico-chi- miques rendent chaque jour, à l'industrie. Remarquons toute- fois, en passant, que l’industrie elle-même et les beaux arts em- pruntent à chaque instant, des lumières à l'anatomie et à la physiologie. Dans l’ordre chronologique la médecine est la mère ou au moins la sœur ainée de l’histoire naturelle. Obligée de se res- treindre dans la pratique de ses devoirs ERYSS l'humanité souf- frante, elle se verrait bientôt dominée dans | l'ordre "hiérarchique des connaissances humaines, par la science de la nature entière, si la philosophie médicale pouvait oublierson origine, l'homme. Pour rendre à la médecine son véritable lustre, et lui conserver sa prééminence, il faut que l'anatomie et la physiologie de l’homme, éclairées par l'anatomie et la physiologie animale et végétale dominent, en fait et en droit, toutes les autres scien- ces des corps organisés; et rendent ainsi, de plus en plas in- INTRODUCTION - 3 tie l'alliance des sciences médicales et des sciences naturelles proprement dites. Au reste, deux faits accomplis chez les nations les plus civilisées de l'Europe viennent à l'appui de ce que nous ve- nons de dire : ces faits accomplis sont 1° l'illustration de l'anatomie et de la physiologie comparées et des autres sciences naturelles, pardes médecins et les chirurgiens de notre époque ; 2° l'ad- mission des docteurs en médecine à l’enseignement de ces scien- ces non-seulement dans les Facultés de médecine, mais encore dans les Facultés des sciences et les colléges royaux en France. En assignant à l'anatomie et à la physiologie un rang aussi élevé, nous ne croyons nullement avoir à encourir le reproche d'être tombés dans l'exagération. Il suffit d’ être ÊR du sens le plus commun, pour concevoir qu'il faut connaitre les organes , c'est-à-dire le siége des phénomènes réguliers que l’on y ob- serve, pour bien apprécier les perturbations ou les irrégularités + ces phénomènes. F - En procédant le plus souvent de lhomme aux animaux et aux végétaux, nous serons sûrs d'être toujours compris par les médecins et les naturalistes. Maïs lorsque nous aurons à envisa- ger certaines questions, surtout celles du développement, quoi- que toujours obligés de marcher du facile au difhcile, c’est-à- dire du plus patent au plus latent, nous emploierons aussi quel- quefois les procédés de l'anatomie et de la physiologie philoso- phiques,qui argumentent du simple supposé ou réellement connu au composé plusou moins diflicile à analyser et à connaitre dans tous ses détails. La philosophie médicale est donc non-seulement humanitaire par sa manière de procéder, mais elle est encore essentiellement logique; puisqu'elle procède de ce qui est le plus senti en soi ou reconnu le plus rationnellement pratique, à ce qui est de moins en moins senti hors de soi, et par conséquent à ce qui est de moins en moins connu ou à l'inconnu. En caractérisant ainsi ce que nous entendons par philosophie médicale, nous voulons faire contraster le point de vue éminemment logique et pratique 4 INTRODUCTION. ” où nous nous placons avec les divers points de vue d'où nn parties les diverses philosophies, purement spéculativés, soit anciennes, soit modernes. Au reste, aucune de ces philosophies, plus ou moins ultra-métaphysiques, n’a le droit de ravir àla médecine l'honneur d’avoir dévoilé les mystères de l’organisa- tion de l'homme et de tous les. êtres vivants; et d’avoir puissaî- ment contribué à la fondation de toutes les institutions nie pour l'étude de ces êtres : et nous constatons que tous les philo- sophes, à toutes les époques de l'histoire du genre humain, ont dû et devront nécessairement, partir du point de vue médical, soit pour s'élever à toutes les conceptions qui constituent le spiritualisme, so st pour descendre dans toute la série des corps organisés et des corps bruts. . C’est ici le lieu de répondre aux détracteurs de la physiologie, de la médecine et des sciences dites d'observation en général : et nous ferons remarquer à ce sujet, que les personnes peu fa- milières avec les procédés que suit notre esprit dans l'étude des rapports qui existent entre l’homme et tout ce qui l’environne, et dans celle des rapports des êtres entre eux, reproches aux sciences d'observation leur incertitude, la dépendance où elles se trouvent à l'égard d’autres branches de la science, oùle caleul peut êtreemployé comme principalmoyen d'investigation.Etsous ce rapport, les naturalistes, les physiologistes et surtout les médecins, ont été souvent présentés comme des hommes consa- crant leur temps et leurs veilles à soutenir des hypothèses ,.et dont les connaissances étaient le plus souvent non susceptibles d’une application un peu rigoureuse, ou sans utilité pratique. On leur a encore reproché à tous de se laisser dominer par des systèmes éclos hors de la sphère de leur science. Nous al- lons démontrer que ces reproches ne sont nullement mérités. L'intelligence humaine est une ; elle trouve en ellezmême les principes qui lui servent de guides dans la recherche de la vé- rité. Sa marche peut être plus ou moins rapide, directe ou indi- recte , paraitre même quelquefois rétrograde ; cependant les INTRODUCTION. ÿ principes qui la font agir sont essentiellement invariables. C'est avec ce qu’elle sait qu’elle cherche ce qu’elle ne sait pas; et elle le trouve d’autant plus tôt, qu’elle s'appuie sur un plus grand nombre de faits bien démontrés. Un certain nombre de pareils faits qui se lient entre eux, ou s’entréclairent, forment une série de vérités qui constituent une branche de la science ; ou, si l'on veut, une science particulière. Mais comme tout s’en- chaine dans la nature, aucune partie des connaissances humai- nes ne peut acquérir de stabilité, devenir, comme on le dit, une science faite, sans contribuer aux progrès des branches de la © science avec lesquelles elle a le plus d’affinité. On ne doit donc pas s'étonner de voir les sciences d'observation suivre les fluc- tuations, les révolutions qu'imprime à la philosophie l'appari- tion d'un homme de génie, ou la découverte d’une grande vé- rité; puisque c'est une conséquence des lois que suit l'esprit " humain pour arriver à la vérité. Du moment où notre intelli- gence accepte un fait, elle veut de suite en connaitre la valeur; pour cela elle emploie deux procédés , le raisonnement et l’ex- # périence. A l'aide du premier , le fait dont elle s'occupe entre dans une théorie déjà existante, en renverse une, ou en fait naitre une nouvelle ; à l’aide de la seconde, elle le compare avec d’autres faits qui lui sont déjà connus, elle le leur superpose, pour ainsi dire. C’est une nouvelle valeur dont elle veut con- naître toutes les valeurs commensurables etincommensurables : et ce n’est qu'après un travail qui exige souvent beaucoup de temps, de patience et de bonne foi, ou d'amour du vrai, qu’elle arrive à connaitre la véritable importance des faits. Voilà pour- quoi ceux qui se livrent à l'étude des corps organisés , qui em- brasse tant de branches de la science, sans qu’il soit permis de dire d'aucune d'elles : c'est une science faite, ont dû néces- sairementsappuyer sur les sciences qui sont assez avancées pour mériter cette qualification : voilà pourquoi ils sont entrainés presqu’à leur insu, à généraliser outre mesure, les faits bien éta- blis qu'ils rencontrent dans leur spécialité scientifique. Qu'on 5 INTRODUCTION. cesse donc de leur adresser ces reproches qu'ils n'ont pas plus mérités que les physiciens et les chimistes Les phénomènes que nous présentent les corps organisés, sont si nombreux et si va- riables, et les lois de leurs variations sont si peu connues, que l'on ne doit guère s'étonner si quelques esprits adonnés à ces pénibles études, préfèrent la déduction et l'induction à l’expé- rience ; trois choses que l'on ne doit jamais séparer sous peine” d'erreur. Que l'on jette un coup d'œil sur la marche de la science; que l'on se rappelle l'influence exercée par les découvertes de Har- vey, et de Newton; et les faits surabonderont pour démontrer l'exactitude de ce quenouswénons de dire. Harvey, par son immense découverte, a mis plus de vérités dans les sciences médicales que tous ceux qui l'avaient précédé. Sans lui Boerhaave, Hoffmann, Haller, Bichat eussent été des hommes remarquables; mais à moins qu'ils n’eussent découvert » la circulation, que saurions-nous en physiologie, en pathologie? Mais la découverte de Harvey n’a pas été seule fertile pour la science; celle des lois de la pesanteur, de l'électricité, en don- # nant une nouvelle impulsion aux sciences physico-chimiques 3 ont contribué pour leur part, et elle a été large, à mettre hors de doute un certain nombrede lois qui régissent les corps or- ganisés, aussi bien que ceux qui ne le sont pas. À Borelli, à Bocrhaave, à Hoffmann, à Haller même, nous devons l’alliance de la physique et de la chimie à lascience des corps organisés (1). e ” (x) Nous ne pouvons nous empêcher de citer, à cette occasion, le pass suivant, que nous emprüntons au premier volume de L'ORGANISAT DES ANIMAUX de M. le professeur Ducrotay de Blainville; parce qu'il vient à l’appui de ce quenous disons sur l'alliance des lois de la vie, avec celles qui régissent tous les corps de l'univers, et parce que l'importance des sciences anatomiques y est présentée avec autant de dignité que d’éloquence. Cette simple énumération des diverses sortes d'application immédiate de la connaissance des animaux, parmi lesquels nous sommes forcés de compren- dre notre espèce, suffira sans doute pour bien faire sentir quels sont le but ‘ INTRODUCTIL X. j: ÿ « Qu'est-il Re arrivera toujours. On à voulu tirer de quelques faits capitaux plus que l’on en pouvait tirer; plus surtout que les connaissances contemporaines ne permettaient de le faire; et Bichat, né des travaux de Haller, de Hunter et de Vicq d’Azir surtout, vint proclamer avec Stahl, que l’introduc- tion où l'application des lois qui régissent les corps anorgani- ques aux corps organisés , avait été la peste (1) de la science dela vie, au moment même où il édifiait cette partie de la science qui nous met le plus à portée de constater l'influence de la physique et de la chimie dans une foule de circonstances, où il ne voyait que ses différentes espèces de sensibilités. L’anato- mie générale est la gloire de Bichat; mais en avancant qu'un espace presqu'immense sépare la nature et l'essence des scien- . Ne dia et physiologiques; en soutenant contre Vicqd’Azir, q * » tions organiques; et en affirmant que les propriétés vitales sié- gent essentiellement dans les solides, il a retardé l'élan rapide ärritabilité et la sensibilité étaient autre chose que des fonc- travaux devaient imprimer à la physiologie et à la patho- logie. Cette dernière branche des sciences médicales lui doit beau- up; mais il suffit maintenant, de jeter un coup d'œil sur sa rie biologique pour ÿ apercevoir de grandes erreurs : F1 . , 4 RS de ce traité. Démontrer d’une part d posteriori , c'est-à-dire une comparaison exacte, que l'homme est le chef-d'œuvre, le souverain des créés, le seul qui puisse en concevoir l’ensemble ; Qui puisse sentir gun ex! qup ” l'harmonie sublime de cet ensemble, et remonter jusqu'à la nécessité d’un “= 2 q Dieu, d'une âme universelle; de l’autre, faire voir que si son intelligence peut s'élever si haut qu’elle semble remonter à sa source, son corps est cepen- dant souris aux mêmes lois physiques que tout l'univers créé; et par con- ent, rendre évidente cette influence réciproque du corps et de l’intelli- gence, par des faits irrécusables pris dans l'étude de tou les animaux , aussi : bien que dans lui-même, tel est le but le plus philosophique auquel puissions prétendre. (Introduction, page xrx1.) 1) 1v. Notissima hoc genére est physicæ doctrinæ labes. (Stahl; de ” alienis ex |” al is.) 8 INTRODUCTION. « Puisque les maladies, dit:l, ne y ue. des altérations des . « propriétés vitales, et que chaque ae différent des autres « sous le rapport de ces propriétés, il est évident qu'il doit en « différer aussi par ses maladies. Done dans tout organe com- « posé de diflérents tissus, l’un peut être malade, lesautres rester « intacts ; » si l'on ajoute que, suivant le même auteur, «toute « idée de fluide est étrangère aux propriétés vitales ; que ces « dernières ont essentiellement pour siége les + on aura résumé toute la philosophie de nor anatomo-pathologique : qui a régné depuis Bichat jusqu’à nos jours. Dans cette école, et par là nous entendons les médecins qui persistent à soutenir avec lui, qu'il n’existe aucun rapport entre les sciences physi- ques et la physiologie ; dans cette école, disons-nous, l'anatomie générale, la physiologie ne jouent plus qu’un rôle secondaire ; Ja physique, la chimie, les lumières de l'anatomie comparée, sont à-peu-près comptées pour rien : d'où vient cela ? on le voit, c'est encore la même cause qui a produit le même résültat. L’anatomie générale, l'anatomie de tissus, aidée de tous les moyens de dissection possible, depuis le scalpel jusqu'atix plus forts grossissements microscopiques; depuis la simple macération jusqu'aux réactifs chimiques : cette anatomie qui emprunte des moyens d'investigation à toutes les bratiches dessciences natu- relles ; qui d'un regard scrutateur suit l'être organisé dans toutes Îles phases de sa formation, aussi bien que dans celles d sa dissolution , qui, en un mot, interroge la vie et la mort, est appelée à jeter une vive lumière sur la biologie. Mais ce n’est » pas ainsi que l’ont concue les successeurs dé Bichat. Nous par- lons en général, nous sommes heureux d'être forcés d'ad e de nombreuses exceptions ; et les hommes qui les forme - viennent chaque jour plus nombreux. Nous disons donc ,que les anatomo- pathologistes purs, prenant la science tell quel l'a- vait laissée Bichat, se sont bôrnés à faire une appl tioneri- goureuse de ses principes : et, commeselon lui, iln d'y avait à demander à Ja physique et à la chimie Non bn rien de- « INTRODUCTION, 9 mandé ; les plantes ne jouissent que de la sensibilité du dernier ordre , on ne leur a rien demandé ; les liquides, les fluides sont de simples excitateurs des propriétés vitales, et l’on a cherché exclusivement , dans les solides, les causes de la santé et de la maladie, de la mort et de la vie. Et le médecin patho- logiste pur , ignorant, pour ainsi dire par principe , la phy- sique , la chimie , nous allions dire l'anatomie , ne révant plus que lésions de tissus , a marché en avant , et s’est fourvoyé jus- qu'a nier l'existence de la science qui seule pouvait donner une valeur bien réelle à ses travaux ; jusqu'à proclamer enfin la futilité de la physiologie... Bichat conduisait là ; il fallait y arriver, et chose remarquable, ceux qui y sont arrivés les pre- miers sont ceux qui ont le mieux servi la science. Où en sommes-nous maintenant ? Que s'est-il fait dans les sciences anatomiques et physiologiques depuis Bichat jusqu’à nos jours ? quel est le système dominant de notre époque ? quels sont les points de ces sciences qui doivent de préférence appe- * Jer l'attention de Vexpérimentateur. Ce n’est point ici le lieu de répondre à toutes ces questions, sur lesquelles nous avons l'espoir d’appeler prochainement l’at- tention de nos lecteurs ; nous dirons seulement que les se- cousses politiques qui depuis si long-temps préoccupent les esprits parmi nous , ont réagi d’une manière nécessairement nuisible aux progrès des sciences dont nous nous bornons à ‘indiquer quelques desiderata. Mais avant tout, hätons-nous de dire ce que tout le monde a d’ailleurs bien compris, c’est que si la physiologie et la pathologie de Bichat conduisaient à l'oubli de l'anatomie et de la physiologie elle-même , son anatomie gé- nérale était appelée à un autre sort. Cette anatomie, que M. de Blainville nomme à juste titre, anatomie médicale; et à laquelle nous devons les travaux pathologiques qui illustrent notre épo- que. Et, l’on nous aurait très-mal api si l'on pouvait sup- poser < d'après ce que nous avons dit tout-à- heure, que nous seri ons portés à pensen que les auteurs de ces travaux n'ont 10 INTRODUCTION. pas rendu de grands services à la science : bien loin de là, nous afhrmons le contraire. La pathologie qu'ils oni faite, est une pathologie par laquelle il fallait passer pour aller plus loin. C’est ce que sentent parfaitement , maintenant surtout, en France, M. Broussais, que nous nommons, et nous ne faisons que lui rendre justice , le continuateur de Bichat sous le point de vue médical ; M. Magendie dont les recherches sur le système ner- veux méritent l'attention de tous les physiologistes , et dont les nombreuses vivisections ont si puissamment contribué à ren- verser les hypothèses physiologiques de Bichat ; M. Orfila, dont les travaux dirigés vers un autre but , mais dans la même direc- tion, ont démontré à satiété, que, dans un très-grand nombre de circonstances , les corps réagissent dans l'organisme vivant comme hors de cet organisme; M. Andral dont l'excellent Traité d'anatomie pathologique résume le passé de la science en formulant déjà son avenir ; M. Bouillaud dont les excellents travaux ont jeté une si vive lumière sur les maladies de l'appa- reil circulatoire; et M. Louis, dont tous les efforts ont eu pour but de porter dans l'examen de l'homme malade, et dans l'é- tude des lésions morbides , la rigueur des méthodes employées par les physiciens et les chimistes. Il est encore un grand nom- bre de nos confrères dont les noms se présentent naturellement à notre pensée ; mais nous dépasserions de beaucoup, les bornes que doit avoir cette introduction, si nous voulions nommer tous ceux qui, comme nous, sont persuadés qu'il faut faire tous ses efforts pour combler cet espace immense que Bichat et son école ont signalé entre les sciences physiques et physiologi- ques. — Revenons : l'anatomie des tissus de cet homme cé- lèbre , disions nous , était appelée à un autre sort que sa phy- siologie et sa pathologie : en effet, c’est à cette anatomie que nous devons les travaux d'anatomie et de physiologie de M. de Blainville, qui doit, selon nous, être considéré comme le créa- teur de la véritable anatomie physiologique. Nous ne doutons nullement, que les amis de la science ne partagent les prets LL INTRODUCTION. 11 que nous éprouvons en voyant la publication de ce grand et im- mense travail suspendue depuis si long-temps. Si nous ne par- lons ici que de nos compatriotes, ce n’est pas que nous croyons que la science n'ait marché qu'en France. Un des principaux objets quese proposent n6s Annales, est précisément de prouver je contraire ; et de tâcher d’initier, autant qu'il sera en nous de le faire , tous ceux qui s'occupent des sciences naturelles, aux travaux si nombreux de la savante Allemagne, de l'Angleterre et de l'Italie. Avant d'énumérer les points sur lesquels nous désirons ap- peler l'attention de nos lecteurs, nous leur rappellerons que nous désirons n'enregistrer que des faits bien positifs. Mais qu'est-ce qu’un fait positif ? qu'entendons nous par là ? Voici notre réponse. Nous savons très-bien qu'il est presque impossible que dans les sciences d'observation, un grand nom- bre d'hommes puissent être parfaitement d'accord sur un nom- bre malheureusement très-grand des objets de leurs études, Car, tout en admettant, en soutenant même, que l’on puisse, au, ! moyen d’une observation longue et consciencieuse, et de l’ana- lyse rigoureuse des phénomènes observés, remonter à de certains faits, auxquels se rattachent d’une manière à-peu-près invariable un plusou moins grand nombre de phénomènes, et qui, par cela même, font loi; tout en soutenant qu'il y a des principes inya- riables au moyen desquels notre intelligence peut arriver à la "connaissance des véritables rapports qui existent entre l'homme et l'ensemble des étres ; et qu'il y à par conséquent pour elle, quelque chose d’absolument vrai,et d’absolument faux; on est aussi forcé d'admettre que nous ne sommes pas tous doués au méme degré , d'attention, de patience, de persévé- rance, de perspieacité, Le même objet ne pourra done s'offrir méme à un pe mbre d’observateurs, si non bien rarement, sous le même a à de yue, et par le même nombre de faces; il fera doncnaitre eneux des idées différentes. Que faire alors Fr voir de nouveau, puis revoir encore l'objet que l'on croyaitavoir L 12 INTRODUCTION. bien vu ; n'émettre son opinion d’une manière aflirmative, que lorsque les choses ont acquis, non-seulement pour celui qui les étudie, mais pour quiconque veut les voir sans prévention , le dernier degré d'évidence; traiter du reste avec respect ceux qui ne sont point arrivés au même résultat que nous; telle est notre profession de foi scientifique; et nous croyons avoir suffisamment répondu. Ainsi, tous les faits conscienrieusement et soigneusement constatés, quels que soient les auteurs, illustres où encore inconnus, quels que soient les procédés, phy- siques ou chimiques, n'importe, pourvu qu'ils puissent contri- buer à l’ayancement de l'anatomie de tissus, de l'anatomie z00- logique et végétale, de la physiologie comme science expéri- mentale et de la médecine scientifique, seront sûrs d’être favo-. blement accueillis par nous. En envisageant l'anatomie et la physiologie sous le point de vue de leur application à l’histoire générale des corps organisés, il est bien entendu que nous serons dans la nécessité de ras- sembler tous les faits positifs déjà connus et de les fasciculer pour en former des groupes naturels ou des séries homogènes. Nous promettons aussi de ne jamais passer sous silence aucun des faits pour ainsi dire inaltendus qui tendent à modifier les doctrines établies, surtout lorsque ces faits en apparence in- solites seront publiés par des investigateurs habiles et cons- ciencieux. Quelles que soient l’activité et la marche progressive de l'esprit humain dans la recherche de la vérité , on ne doit point se dissimuler, qu'il ne faut ni hâter, ni précipiter le cours des étudesetdes investigations. Une marche régulière, ni trop lente, ni trop rapide , et le temps convenable pour peser et apprécier les faits par la double voie de l'observation et de l'expérimen- tation , sont indispensables pour donner à ces faits le degré de maturité et de certitude qu’on est en droit d'exiger, et pour leur assigner ainsi un caractère vraiment scientifique. Le progrès de l'anatomie et de la physiologie nous semble surtout , + INTRODUCTION. 13 devoir être de plus en plus lié, ou subordonné à cette marche régulière et prudente de l’espritthumain. Les moyens d'arriver à cette marche régulière nous seront fournis par l’art d'observer et par celui d’instituer des expé- riences pour l'appréciation des phénomènes de la santé, des maladies et des monstruosités. Nous distinguerons les expériences, en expériences faites par la nature elle-méme, et en expériences que Thomme a imaginees pour lui dérober ses secrets les plus mystérieux. Cette marche régulière nous semble surtout devoir naïtre des résuitats de la discussion des principes qui ont été proposés, pour servir de base dans toutes les sciences ; et par conséquent en anatomie et en physiologie, scit par nos devanciers, soit par nos contemporains. Les résultats d’une discussion sévère sur ce sujet si important, nous permettront d'apprécier à leur juste valeur, les travaux récents des anatomopathologistes, ceux des embryologistes, ét ceux surtout, des anatomistes et physio- logistes comparateurs, qui ontessayé de formuler tout ce qui a trait à la science de l'organisation, envisagée dans toute son étendue et dans ses rapports avec les sciences physico-chimi- ques. ° “, Un des besoins de l'esprit hümain nous parait être en- core de bien distinguer les points importants qu'il s'agit d'explorer et d'approfondir maintenant : ces points sont nom- breux et les sujets qu'ils embrassent sont très-difhciles à creuser. Nous essaierons de les présenter tous réunis dans un travail auquel se livre l'un de nous. Au moment actuel nous croyons que les recherches sur le développement des animaux et sur la structure intime de l'organisme animal dans l’état nor- mal et dans l’état morbide réclament les premières toute notre attention. Cest dans ce but que nous nous empresserons de publier soit des analyses des travaux exécutés de nos jours, soit les résultats de nos propres recherches sur ces deux points essentiels de l'anatomie et de la physiologie. 14 INTRODUCTION. Nous nous proposons encore d'aborder avec le plus d'oppor- tunité possible toutes les grandes questions de ces deux sciences. Parmi ces grandes questions déjà soulevées et celles qu’on pourrait soulever encore, nous placons au premier rang les questions qui se rattachent : 1° au système nerveux, envisagé dans toute la série animale , 2° aux organes dont les usages sont encore problématiques, tels que le thymus, les corps thyroïdes, surrénaux , les conduits de Gaertner etc. etc. Les médecins et les naturalistes auxquels notre recueil s'a- dresse, verront nettement que notre but est de porter les expé- -rimentateurs à examiner et à scruter tous les points jadis explorés par les Harvey, les Malpighi, les Haller, les Morgagni, les Bichat, les +Vicq d’Azir. Ces points sont de nos jours attaqués par les breux investigateurs de la France, de l'Allemagne , de TAsgleterre et de l'italie. Nous aurons donc à présenter des comptes rendus suffisamment détaillés de tous ces travaux si importants ; et si notre pensée est bien comprise , nous rempli- rons une double mission ; 1° celle de mettre et de tenir au cou- rant du fouyement cet soit les médecins praticiens ; soit les naturalistes observateurs des mœurs des animaux, qui n’ont pas le temps de faire des recherches en anatomie ei en physiologie ; 20 d'offrir aux investigateurs dans ces deux séien- ces , des résumés de travaux exécutés par nos devanciers et leurs contemporains. Ces résumés leur feront ainsi connaître l'état actuel des diverses spécialités de la science et pourront leur épargner un temps précieux. Cette idée de rendre nos annales très-utiles aux médecins et aux naturalistes, dont le temps est absorbé par leurs pratiques spéciales et de favoriser le travail des investigateurs, nous semble être tout-à-fait conforme aux intérêts et aux progrès de Ja science. Notre but est aussi d'enregistrer, ainsi que nous l’avons déjà dit, tous les efforts que les physiciens et les chimistes font cha- que jour pour éclairer la physiologie. Mais nous ne devons INTRODUCTION. 15 point dissimuler à nos lecteurs que l’histoire naturelle des phé- nomènes de la santé et des maladies de l’homme , des animaux et des végétaux réclame principalement notre attention. C’est pourquoi nous attacherons moins d'importance aux explications physico-chimiques des fonctionsorganiquesqu’à l'histoire exacte de tout ce qui à trait à la structure et aux phénomènes physio- logiques des animaux , sans négliger les phénomènes de la vé- gétation qui pourront éclairer l'anatomie et la physiologie ani- males. Au but des annales francaises et étrangères d'anatomie et de * physiologie se joint encore le désir d'arriver à la solution d’un problème non moins important , savoir : De rassembler dans le moins d'espace possible le plus de faits positifs pour apprendre dans le moins de temps possible le plus de choses utiles en anatomie et en physiologie ; 1° de contexture, 20 de structure et 3° des régions et de procurer ainsi plus de temps pour l'observation , l'expérimentation et les vérifications des faits soit nouveaux soit anciens. Si nos efforts et nos bonnes intentions sont appréciés et nous méritent les encouragements de nos confrères, nous ferons de notre côté tous les sacrifices possibles pour répondre aux de- mandes qui pourront nous être adressées pouraméliorer et per- fectionner notre journal et rendre nos publications plus éten- de et plus fréquentes. FAITS POUR SERVIR A L'HISTOIRE GÉNÉRALE DU DÉVELOPPEMENT DES ANIMAUX (1). Ces faits sont présentés pour donner une idée générale de la composition de l'œuf et du mécanisme de l’organogénie dans toute la série animale. Les distinctions établies dans le règne animal d’après la vivi-" parité, l'oviparité, l'ovoviviparité, la gemmiparité et les di- verses sorles de scissiparité des espèces indiquent nettement et sans autre commentaire que la nature effectue le développement des êtres animés d’après.des procédés plus ou moins simples ou plus ou moins complexes. D'après les principes établis dans notre introduction nous avons à examiner ces procédés en exposant les faits acquis an- ciens ou nouveaux, en commencant par l'homme et les animaux supérieurs pour descendre jusqu'aux plus inférieurs. Le but de cet examen comparatif est évidemment de tendre à simplifier des questions qui nous paraissent encore si em- brouillées qu "il est impossible aux embryogénistes de se bien comprendre entr'eux. Nous nous en occuperons dans nos prochains numéros , notre (1) En discutant sous le point de vue purement logique cette question , nous avons été conduit à rapprocherles résultats de l'observation la plus gé- nérale des êtres circonscrits dans le temps et dans l’espace, et nous avons pro- posé que d’après les observations d'Herschell le père, il fallait admettre trois sortes d'individus naturels, savoir : des sidéraux, des végétaux et des ani- maux. En effet ces trois sortes d'individus se forment et se constituent dans le temps etdans l’espace; les premiers comme corps astronomiques, inorgani- sés, et les deux autres comme corps plus ou moins organisés. La formation des corps sidéraux présente donc des caractères qui correspondent, mais contrastent avec la formation des végétaux et des animaux. AU DÉVELOPPEMENT DES ANIMAUX. 1 14 intention est de nous borner pour le moment à un exposé de faits qui nous ont paru dignes de fixer l'attention des anato- mistes et des physiologistes. Ges premiers faits sont les résultats de nos observations sur le mécanisme de la formation du canal intestinal, de l’allantoïde, de l’amnios, du poulet et de la vési- cule ombilicale des limaces. Nos observations ont été faites à l’occasion de notre thèse du concours, sur le développement des organes urinaires et par suite de nos recherches sur le développement des limaces et autres mollusques gastéropodes. Elles nous ont mis dans la né- cessité d'étudier en même temps des œufs et des embryons de tortues, de grenouilles et de salamandres terrestres et quel- ques embryens delapins. Nous avons pris beaucoup de précau- tions pour nous prémunir contre les illusions et les erreurs très- fréquentes dans toute investigation longue et difficile, et nous désirons que les personnes qui se livrent à ce genre de recher- ches veuillent se donner la peine d'examiner attentivement les faits, avant de se déterminer à les combattre ou à les approuver. L'œuf de l’homme et des vertébrés, mammifères, oiseaux et reptiles écailleux qui ne respirent pendant toute la durée de la sie extra-utérine que par des poumons, est composé 1° de trois membranes vésiculiformes , 2° de deux appareils vasculaires transitoires , et 3° d’'humeurs soit renfermées dans les mem- branes , soit versées à l'extérieur de l'œuf et 4° d’une ou de deux enveloppes. En procédant dans l'ordre de la stratification observé de dehors en dedans, et en mettant à profit les déterminations des embryogénistes modernes, on trouve : à l'extérieur de l'œuf dé- veloppé de l'homme et des mammifères, une substance albumi- neuse qui, fluide d’abord et versée par la muqueuse utérine, s’est ensuile coagulée sous forme de membrane connue sous le nom de caduque. Cette couche albumineuse membranifiée autour de l'œuf se 'continue avec une couche semblable qui revêt l'in- A « A : . térieur dej l'utérus, et d'après quelques observateurs, un li- TOM. 1!. 2 18 FAITS RILATIFS quide nutritif serait normalement contenu dans le sac formé par les deux lames de la couche albumineuse. Nous préférons la dénomination de couche atbumineuse à celles proposées jusqu’à ce jour , parcequ'’elle indique à la fois et nettement son défautde texture, l'espèce de fluide organique qui la constitue en se solidi- fiantet de plusson analogie avec l'albumen de l'œuf des ovipares. On voit ainsi de suite comment il se fait que dans les œufs destinés à être incubés plus ou moins long-temps dans un uté- rus ;, Falbumen revêt la forme d’une simple couche ou mem- brane et ne se conserve point à l’état d’une enveloppe liquide albumireuse semblable à l'albumen contenu dans une coque plus ou moins calcaire ou mucoso-cornée, ainsi qu’on le voit dans les œufs des ovipares. On reconnait ainsi la convenance de réunir sous le nom com- mun de couches adventives les liquides versés par la surface muqueuse de l'utérus. Ces liquides sont 1° dans les mammi- fères , seutement celui qui en se coagulant forme la couche al- bumineuse sans coque ; 2° dans les oiseaux et les reptiles , l’al- bumen , les membranes de la coque et la sueur calcaire dont la concrétion solidifie la couche membraneuse la plus extérieure de l’albumen. En dedans des couches adventives on observe le corps nommé ovule qui s’est séparé de l'ovaire. En adoptant cette détermivation et cette analogie qui nous paraissent avoir élé sufisamment démontrées, il nous semble qu'on est ainsi conduit rationnellement à la signification exacte des autres parties de l'œuf des vertebrés qui respirent toujours par des poumons depuis le moment de leur’sortié de l'œuf. Cetœuf se compose done 1° de l’ovule, produit de Povaire, et 2° des couches adventives versées par les surfaces d’un intestin génital, utérus où oviducte. De Tovule. Ce produit de l'ovaire n’est lui-même composé d’abord que d’une seule couche où membrane sphéroïde ren- fermant un liquide nutritif et globulineux plus ou moins opa- que , au centre duquel existerait une vésicule, d'après les re- AU DÉVELOPPEMEMT DES ANIMAUX. 19 cherches de Purkinjé. Cette vésicule, qui contient un fluide clair, n'a qu'ûne existence temporaire, puisqu'on ne l'observe plus dans l'ovule qui a quitté lovaire. Au reste tout ce qui a trait à l'existence ct aux usages de cette vésicule étudiée dans la série animale , exige un si grand nom- bre de recherches difficiles et très-délicates, qu'on ne saurait trop encourager les efforts des embryogénistes qui étudient ayec persévérance l’origine première des ovules dont cette vési- cule serait l'élément primordial. La couche ou membrane externe de l’ovule est connue sous les noms de chorion ou de membrane vitelline. C'est elle qui est recouverte immédiatement par les couches adventives pen- dent le, trajet et le séjour de l'ovule dans l'oviducte ou l'utérus. Nous renvoyons l'exposé des opinions émises sur la formation de cette membrane dans l'ovaire lorsque nous traiterons de lo- vification ou de la formation des ovules et des œufs dans toute la série animale. Dans l'œuf du poulet pris pour type de celui des vertébrés ovi- pares oiseaux et reptiles écailleux, on trouve dans l’intérieur de la membrane vitelline, 1° la substance liquide oléoalbumineuse ou le jaune, 2°sur un point de la surface de ce jaune une tache blanche connue sous le nom de cicatricule. Nous aurons à exa- miner également les résultats des observations faites sur le méca- nisme de la sécrétion du jaune et la formation de la cicatricule. La petitesse des ovules des mammifères rend très-difcile l'e- tude du liquide nutritif analogue du jaune de l'œuf et de la ci- catricule de ces animaux. Toutefois il convient d'établir ici que du moment où l’on pourra se procurer des ovules de mammi- fères didelphes et de monotrêmes vivants, aussi facilement qu'on le peut à l'égard des autres mammifères, ces difficultés seront beaucoup amoindries. Après avoir constaté que l’ovule avant la fécondation se com- - pose: 1° d'une membrane dite du jaune (futur chorion}; 2° d’un jaune ou de son analogue offrant à sa surface la cicatricule et 20 FAITS RELATIFS 3° profondément d’une vésicule remplie d’un fluide clair qui disparaît ensuite, il convient d'étudier l'ovule fécondé et d’exa- miner 1° les autres membranes remplies de liquides; 2° les ap- | ramifient, en ayant bien soin d'établir pareils vasculaires qui s comment ces membranes et ces appareils vasculaires apparais- sent, s'accroissent et se constituent au fur et à mesure que le travail embryogénique s'effectue. Or, cet examen ayant été fait avec une grande perséverance par des investigateurs très - ha- biles, nous n’aurons presque qu'à présenter les résultats de ces investigations en les formulant avec netteté, s’il nous est possible, et avec concision. Ces résultats ont trait: 1° à un organe appelé membrane du germe ou blastoderme ; 2° à l'embryon, et 3° aux membranes et aux appareils vasculaires qui tirent leur origine soit du blasto- derme, soit de l'embryon. Nous n'avons nullement l'intention de les exposer ici systé- matiquement ; il nous suflira de les indiquer au fur et à mesure qu'ils auront trait à l'objet de nos recherches. 10 L'ovule très-petit des mammifères nageant dans le liquide de la vésieule de Graaf n’est composé à son origine que d’une seule membrane très-ténue, sphérique et contenant un liquide analogue au vitellus ou jaune de l’œuf des ovipares. C’est cette membrane qui deviendra par le progrès du développement ce qu'on nomme le chorion. 2° Par suite du molimen formateur on voit se développer une deuxième membrane sous-jacente, concentrique et connue sous le nom de blastoderme ou couche blastodermique. Dans le point de l'œuf connu sous le nom de cicatricule appa- rait en même temps le disque proligère composé : 1° d’un feuillet séreux , 2° d’un feuillet dit muqueux et d’une couche intermé- diaire appelée par Pander couche vasculaire, que nous preférons nommer couche plastique. Tous les ovologistes ont admis que le feuillet muqueux doit former, en se repliant, le canal intestinal, et se continuer avec la portion du blastoderme au-delà dn disane AU DÉVELOPPEMENT DES ANIMAUX. 21 proligère qui devient la vésicule ombilicale. M. Coste ( x ) lui- même a admis cette détermination , et il s’en est servi pour ex- pliquer en même-temps la formation du canal intestinal et celle de la vésicule allantoïdienne. Des observations directes, très -nombreuses, 1° sur le déve- loppement des œufs de mollusques gastéropcdes (Limaces , Hé- lices, Paludine vivipare), 2° sur l'œuf du poulet dans les pre- miers jours de l’incubation nous ont fourni des résultats qui ne nous permettent point d'admettre la théorie de la formation du canal intestinal de l'embryon admise jusqu’à nos jours et nous ont déterminé à substituer à l'opinion ancienne celle que l’obser- ation plus attentive permet de constater avec facilité. Or nous avons vu toujours la vésicule ombilicale, soit chez ces mollusques soit chez le poulet se continuer dès les premiers temps, avec un trajet canaliculaire creusé dansle tissu plastique du disque proli- | gère, qui doit être plus tard le canal intestinal. Cette continuation se fait dès le principe , au moyen d’une ouverture étroite que nous-pensons devoir être le résultat de la déchirure sur un point de la xésicule émbilicale distendue chez le poulet par le liquide du blanc qui est endosmosé. Nous avons pu constater par des ex- périences nombreuses que cette vésicule ombilicale qui est con- tractile chez les mollusques indiqués ci-dessus, pousse sous l'influence de la force qui préside à l'endôsmose , pousse , dis- je ; d'abord le liquide le plus ténu qu’elle absorbe, et produit ainsi un trajet canaliculaire étendu de l'extrémité orale à l’ex- trémité anale de l'embryon, et c’est ce trajet qui deviendra le canal intestinal. Ainsi, d’après les résultats de nos observations directes , la théorie qui expliquait la formation de ce canal au moyen de plis se recourbant l’un vers l'autre sur la ligne médiane pour s’y réunir et se confondre en un raphé commun, cette (1) Voyez Recherches sur l'origine de l'allantoïde chez les mammi- fères et les oiseaux, par M. Coste, dans fe bulletin scientifique et industriel du Réformateur du 25 août 1835, compte-rendu de la séance du 24 août de l'Académie des Sciences de Paris. 922 FAITS RELATIFS théorie était fondée sur une illusion dont il est indispensable de s'enquérir. À ce sujet il est de la plus haute importance de dé- terminer plus exactement qu'on ne l’a fait jusqu’à ce jour l’é- poque de la formation de l'amnios. Qu'on remarque bien qu'il n’est nullement ici question du mécanisme de la formation des membranes de l'œuf appelées 19 chorion où membrane vitelline , 2° membrane blastodermi- que où se forment le disque proligère et la vésicule ombilicale. Nous avons à nous occuper seulement de l’époque relative à l'apparition de ces membranes. Or nous prenons acte ici du si- Jence des embryogénistes sur l’époque de la formation de l'am- nios et sur les opinions nombreuses émises sur la manière dont cette membrane se continue avec l'embryon. Or, d’après nos'ob- servations et desdissections de plusieurs disques proligères d'em- bryons d'oiseaux, nous avons été conduit à penser, 1° que l'amnios existe dès l’origine du disque proligère et qu'il n’est autre chose que le feuillet séreux de Pander ; 2° que l'amnios se continue avec le tissu plastique de l'embryon dans toute la circonférence de son ouverture, bornée en avant par lecapuchon céphalique, en arrière par le capuchon pelvicaudal et sur les côtés par le rebord des parois thoraco-abdominales qui viennent converger l’une vers l’autre pour. former lombilic. L’amnios nous à paru se continuer même avec le péritoine dans tout le contour de cette large ouverture ; or comme le cœur est alors très-rapproché de la tête, comme les poumons n’ont point encore apparu ou sont très-petits, il en résulte que lamnios se conti- nuant avec le péritoine qui cloisonne la poitrine et le bas ventre, parait ainsi continu avec le diaphragme ou les rudiments derce muscle. Mais il est bien important de noter ici que cette conti- nuité de l’'amnios a lieu non-seulement avec la séreuse abdomi- pale, mais encore avec le Lissu plastique du rebord des parois thoraco-abdominales. M. Thomson avait reconnu avant nous que l'embryon se continue avec le péritoine d’une part, et de l’autre avec l'épi- AU DÉVELOPPEMENT DES ANIMAUX. 23 derme de l'embryon. Mais, nos observations étant faites sur des embryons dans lesquels le tissu cutané externe n’était point encore développé , nous n’avons pu constater que la continuité de l’amnios avec le tissu plastique de la membrane qui forme le rebord de l'ouverture abdominale qui est alors très-grande. On voit aussi très-manifestement dans les embryons de poulet , au sixième jour, que le péritoine recouvre le pédicule de la vési- cule ombilicale, et se continue avec la lame externe de cette vésicule. IL importe ici de constater que le mécanisme de Ja for- mation du capuchon céphalique , de celle du capuchon cau- dal et des saillies latérales des paroïs de l'abdomen , alors largement ouvert, consiste dans l'accroissement de la cou- che plastique du disque proligère qui, se recourbant du côté de sa face sternale vers un point central, entraine dans son recourbement le feuillet séreux; et c’est ainsi que nous ont paru se constituer de plus en plus 1° l'embryon et la vésicule ombili- cale, et 2° l'amnios qui, d’abord appliqué immédiatement sur la peau de l'embryon, ne devient distinct que lorsqu'il commence à contenir un liquide dans sa cavité. Or, cette cavité de l'am- nios offre un cul-de-sac dans tout le pourtour de l'ouverture, alors très-grande, de l'abdomen. On sait que cette ouverture ve- nant à se rétrécir de plus en plus, tend à comprimer le col de la vésicule ombilicale, celui de la poche allantoïdienne et les vaisseaux omphalo-mésentériques et ombilicaux qui correspon- dent à cet orifice, connu sous le nom de nombril ou ombilic. On sait aussi 1° que la vésicule ombilicale ou la poche du jaune rentre dans l'abdomen de l'embryon des oiseaux et des autres vertébrés ovipares ; 2° que la poche allantoïdienne des oiseaux et des reptiles écailleux ne rentre point dans le ventre et reste dans la coque de l'œuf au moment de l'éclosion ; 3° que tous les oiseaux et les reptiles écailleux n’ont point de cordon ombi- lical, quoique possédant tous les éléments qui servent à consti- tuer ce cordon ; et 4” que dans les vertébrés plus ou moins 24 FAITS RELATIFS vivipares, le cordon ombilical est, ou imparfaitement, ou complé- tement développé, et que la vésicule ombilicale ne rentre point dans le ventre des mammifères monodelphes ou fæœtipares. D’a- près les dernières observations faites par M. R. Owen, sur des embryons de mammifères didelphes et ornithodelphes ou mono- trèmes, on peut ajouter que la vésicule ombilicale ne rentre point dans le ventre des mammifères qui sont considérés comme se rapprochant le plus des oiseaux. La vésicule ombilicale, l'al- lantoïde, les appareils vasculaires déployés sur ces deux poches, le placenta, le chorion sont donc abandonnés par le fœtus des vivipares au moment de la naissance, tandis qu'une partie seu- lement de ces enveloppes est délaissée par le fœtus des ovipares au moment del’éclosion. C’est dans le moment où le cordon ombilical des vertébrés vivipares est constitué plus ou moins complètement, et où l’ou- verture abdominale est fermée par l'agglutination de son con- tour avec la circonférence du cordon, que la continuité de l'am- nios avec le péritoine n’est plus démontrable, et ilapparait que le feuillet amniotique qui sert de gaine au cordon se continue ayec l'épiderme de la peau de l'embryon autour de l'anneau ombilical. C’est dans le tissu plastique originaire de lembryon qui ré- pond à la couche vasculaire de Pander que se développent; 1° sur la ligne médio-dorsale , la vésicule alongée qui devient l'or- gene substratum du développement de laxe cérébro-spinal chez les vertébrés; 2° à l'aboutissant des vaisseaux nés du sinus circulaire de la figure veineuse , le cœur et tous les vaisseaux qui en partent; et 3° toutes les parties qui forment les parois des cavités cräniennes , faciales et thoraco-abdominales. On sait, et il est suffisament démontré maintenant, que l’ac- tion formatrice du tissu plastique, jointe au développement des vaisseaux de l'embryon, préside à l'accroissement progressif des parois buccales et thoraco-abdominales qui convergent l’une vers l'autre , non pour s’y souder et s’y suturer par des raphés imaginaires, mais par le fait même de cet accroissement progres- AU DÉVELOPPEMENT DES ANIMAUX. 95 sif vers deux points communs, 1°la bouche qui est et reste béante, et 2° l’'ombilic qui se ferme ultérieurement. Nous nous bornons à indiquer ici , qu'à partir des vertébrés amphibiens et des poissons, on n’observe point d’amnios, ni d'allantoïde dans toute la série animale; or nous ne nous at- tendions nullement à constater l'existence de ces deux sacs membraneux dans les mollusques soumis à nos recherches. Mais l’existence d’une vésicule ombilicale aussi développée que celle de ces mollusques et le mécanisme déjà indiqué de la formation de leur canal intestinal nous suggérèrent l’idée de rechercher le procédé par lequel se forme la poche allan- toïdienne. Nous avons cru d’abord que cette poche pourrait ètre une extension de la vésicule ombilicale, lorsque nous croyions encore à la formation du canal intestinal par la conver- gence des deux plis membraneux sémicanaliculaires. Mais nous fûmes forcé d'abandonner cette opinion des embryogé- nistes, en assistant pour ainsi dire à la formation du canal in- testinal d’un mollusque à œuf transparent et limpide. Et cette formation, avons-nous dit, était évidemment due au creusement d’un trajet canaliculaire dans le tissu plastique de embryon au moyen d’un liquide poussé par la vésicule ombi- licale qui absorbe et endosmose dans sa cavité le liquide albu- mineux ambiant. Or ce trajet étendu de l'ouverture de la vésicule ombilicale, 1° vers le point où sera la bouche et 2° vers celui où doit se trouver l'anus, s'organise ici en canal digestif non par le mécanisme de plis convergents vers une ligne médiane ; mais d’après le même procédé qui nous semble devoir présider à la formation de toutes les cavités ou canaux or- ganiques ; c'est-à-dire au moyen 1° de liquides, 2° d’un agent d'impulsion et 3° d'un tissu plastique recevant les formes creuses ou rudimentaires qui se constituent en tubes vas- culaires ou splanchniques. Ainsi, d’après notre manière de voir fondée sur les faits que nous avons fréquemment obser- vés , les canaux intestinaux se forment par le même mécanisme 26 FAITS RELATIFS que les canaux vasculaires; c’est-à-dire sous l'influence de li- quides mis en mouvement dans des directions déterminées vers des points également déterminés. Lorsqu'on réfléchit mürement sur les phénomènes d’endos- mose qui seffectuent nécessairement dans l'intérieur des œufs; 1°incubés, soit dans des utérus, soit sous le ventre des parents; 2° excubés dans des milieux aériens plus ou moins humides, ou dans l’eau sous l'influence d’une température variable ; dans ces diverses circonstances , on ne peut s’empé- cher de reconnaitre que la membrane vitelline ou du jaune des œufs et les liquides du jaune et du blanc présentent des con- ditions.prévues pour le mécanisme de l'organogénie. Or les phénomènes de la formation du canal intestinal chez les mol- lusques gastéropodes à œufs cornés transparents ou à œufs cal- caires rendus artificiellement transparents, soumis à nos obser- vations, pouvant étre observés directement pendant que le développement s'opère, on peut se convaincre que, lorsque la vésicule ombilicale est définitivement constituée par un mode de développement que nous indiquerons bientôt, elle agit évidemment comme un sac membraneux fermé d’abord de toutes paris, et qui absorbant le liquide du milieu albumi- neux ambiant, se distend de plus en plus progressivement et finit nécessairement par s'ouvrir sur un point qui est intermé- diaire entre l'extrémité céphalique etle côté droit du bouclier. Nous n'avons pu déterminer exactement l'instant où s'opère cette déchirure de la vésicule ombilicale qui s'ouvre dans le point indiqué et ce point est placé sous le bord antérieur du bouclier. Mais nous avons pu reconnaitre le premier trajet du liquide qui , étendu entre l'extrémité orale et le futur orifice anal, constitue le premier état rudimentaire du tube digestif, à l'époque ou au moment de l'apparition dutrajet intestinal chez le Zimazx flavus L. où limace blonde des caves. Nous avons également constaté par l'observation directe que le canal intestinal se forme par le méme mécanisme chez AU DÉVELOPPEMENT DES ANIMAUX. 27 l'embryon de l'oiseau , et que l’allantoïde se forme à l'extrémité du rectum alors imperforé. Cette formation reconnait encore pour cause le courant du liquide poussé par la vésicule ombi- licale et qui, s’accumulant à l'extrémité du rectum, reflue vers l'ombilic et convertit en vésicule allantoïde le tissu plastique primordial de cette région pelvienne antérieure. La formation de l’allantoïde coïncide avec l'apparition des artères ombilicales dont les ramifications répandent les courants sanguins qui forment les radicules , les branches et le tronc de la veine ombilicale qui ramène elle-même le sang d’un placenta plus ou moins imparfait vers le foie et le cœur de l'embryon. Nous avons aussi remarqué que l'apparition de l'allantoïde, détermine celle de l’amnios qui, quoique préexistant à l'al- lantoïde , ne s’isole et ne devient distinct de la peau de l’em- bryon qu'au moment où une portion du fluide allantoïdien est endosmosé et passe dans la cavité de lamnios. Ainsi le liquide absorbé par la vésicule ombilicale uni à celui qu’elle contient servirait non-seulement, 1° à creuser le canal intestinal, 20 à former la poche allantoïdienne qui devient ensuite trame du placenta, cordon ombilical et vessie urinaire ou cloaque, ce qui nous semble avoir été démontré clairement par M. Coste. Mais de plus une portion du liquide allantoïdien passe par en- dosmose dans la cavité de l’'amnios. Ce liquide n’est donc ni pri- mitivement, ni probablement jamais l'urine de l'embryon ou du fœtus , puisque les reins n’existent point ou sont encore rudi- mentaires, lorsque l’allantoïde est très-grande et recoit par son ouverture de communication avec le retum, son liquide qui vient lui-même du canal intestinal et par conséquent de la vési- cule ombilicale (1). LaunENr. La suite au prochain Numéro , où nous donnerons les figures relatives à nos observations. (1) Voy. notre thèse pour le concours d’anatomie. Sur ta texture et le développement de l'appareil urinaire. Chez Baillière, libraire, rue de l'École-de-Médecine, n° 13 bis. DE LA STRUCTURE DE LA MEMBRANE SCLÉREUSE, SOUS-POSÉE À LA PLÈVRE PULMONAIRE, ET DE L'HYPERTROPHIE DE CETTE MEMBRANE. PAR M. BAZIN. Galien et la plupart des anatomistes modernes ont considéré la membrane qui tapisse, en y adhérant d’une manière plus ou moins intime, la paroi interne du thorax, et la face externe des organes qui y sont contenus comme étant double, ou, pour me servir du langage actuel, comme formant deux larges bulles qui, en s’adossant l’une à l’autre, à-peu-près sur laligne médiane, laissent entre elles, au-devant de la colonne vertébrale , et en arrière du sternum, deux espaces auxquels on a donné le nom de médiastins postérieur et antérieur. « Cette membrane suc- » cingente, dit l’illustre anatomiste de Pergame(1), tapisse ou » enveloppe touts les organes contenus dans le thorax, de la » même manière que lepéritoine revêt la surface des organes si- » tués au-dessous du diaphragme. Il en nait des prolongements » membraneux qui divisent en deux la cavité du thorax. Et » c’est justement en cela que la plèvre diffère du péritoine; car » elle est véritablement double, tandis que le péritoine n’offre » qu’une seule cavité. » Vésalesoutint, au contraire, que la plèvre se comportait comme le péritoine. « Præterea, » dit-il, en terminant sa description de la plèvre, « neutiquam investigandum est, nüm præter (1) À1X 6 drebwsbs odros Unoveiverar mAct rois Évdoy 700 Oüpzr0s ôpydvots, ds à m:- purévaos ÉdEyBn ax EdieyOn rois #47 roy ppsvüy" éE adrou dE rai dzppÉTONTOS dueéyos Tôs Oopaxe JEVQvrz, nat xar Tour dy Eyor pL6voY h ruTacxEU% dtage- PôrTos ar mpos roy neptTévetoy, re dirros drprEGS écart, oùy;, es domep éA=tr0s (nspt varopuray Évystpiszmy. DEÀ., ë:) DE LA STRUCTURE DE LA MEMBRANE SCLÉREUSE. 29 » membranas singulis costis perindè ac reliquis ossibus orbi- » culatim cireumdatas una tantüm in universo thorace costas » intüs suceingens sit membrana, quemadmodüm .eam des- » cripsimus : rüm unum ver duæ sint statuende : nt una qui- » dem dextra esset, ea silizet quæ dextram thoracis cavitatem » succingeret, una cum dextra intersepiente membrana ; illa » autemsinistra, quæ ibidem thoracis cavitate obduceretur , et » ejus sedis interdividentem membranam simul efformaret ; » quod prorsus non esset absurdum, esset peculiaris differentia, » qua succingens costas membrana à peritanæo distingueretur, » quum id unicum revera sit: illa autem duplex haberetur , » quemadmodüm etiam Galenus, libro septimo, de adminis- » trandis sectionibus utcunque manifesté censuit. » Lib. VI, C. IT, p. 496. ( Edente Boerhaave). M. R. Colombo, élève et successeur de Vésale , réfuta l’opi- nion de son maitre, et soutint avec Galien, l'existence de deux plèvres, séparées sur la ligne médiane par les médiastins ; en- fo, il parait être le premier qui ait professé que la plèvre est composée de deux feuillets, l’un interne, l’autre externe , entre lesquels se distribuent des veines, des artères et des nerfs (1). Avant d'exposer le résultat de nos propres recherches, il- est bien de rappeler ici, à ceux qui pourraient l'avoir oublié, que Halier a considéré comme une erreur , la découverte de Colombo, et a fait honneur à Winslow de l'avoir fait disparaitre de la science (2). Il est bon de remarquer que cette erreur , si {x) Cùm duplicem hanc succingentem membranam dico, ne existimes me dextram illam tantum, et sinistram appellare, sed ubique duplicem esse pleu= ram aio, duas scilicet esse membranas, quarum altérs interiora est, externa altera, inter quas venæ, arteriæ, nervique præterlabuntur. R. Colombi de re anatomica lib. XV. Parisiis, 1562, p.414 (2) « Errorem a Realdo Colombo natum, a Gasparo Bartholino repetitum fere omnes anatomici receperunt. Ruischius equidem pleuram in duas la- minas diffcillime dividi experiendo didicit : eyersam tamen fictitiam illam pleuræ duplicaturam, Winslowo debemus. » Elementa physiologiæ, T. 1, p. 253. 30 DE LA STKUCTURE toutefois, c'en est une, eut de nombreux partisans , parmi les- quels Haller a été obligé de compter C. Bartholin et presque tous les anatomistes, et jusqu’à Ruisch lui-même. Je ferai re- marquer encore que tous les anatomistes anciens qui ont étudié la plèvre ont choisi la plèvre costale plutôt que la plèvre pul- monaire pour sujet de leurs dissections, et, qu’en conséquence, ils ont trouvé, ce qui est, en effet, pour la plèvre costale, quand on enlève la couche scléreuse sous-posée avec, qu’elle n’adhérait aux parois thoraciques que par un tissu cellulaire assez lâche dans lequel il se développe assez souvent de la graisse , etc. La structure de laplèvre, considérée dans la série des animaux vertébrés, fait nécessairement partie des recherches que j'ai entreprises sur la structure intime de l'appareil respiratoire de cette grande classe d'animaux. C’est là que l’on trouvera con- signé avec détail, tout ce quise rattache à cette question. Je dé- montrerai que les séreuses ont à-peu-près, sans exception, une couche fibreuse ou scléreuse à laquelle elles adhèrent par leur face externe. Les preuves de cette démonstration prises dans la série animale, feront voir que la couche scléreuse qui constitue très-souvent une véritable membrane, est suscepüble de modi- fications dont la physiologie comparée peut tirer plusieurs con- séquences importantes. Maintenant, je me bornerai à poser en fait qu'il n'est aucun organe qui n'ait son enveloppe propre, etque, sous çe rapport, le poumon est loin de faire une excep- tion; que les enveloppes propres de tous les organes contenus où contenants sont susceptibles de trois états qui sont : r° un réseau scléreux, mince , à larges mailles, ce qui l'a fait prendre pour du tissu cellulaire par un grand nombre d’anatomistes ; 2°une membrane fibreuse ou scléreuse dont l'épaisseur, la densité de tissu sont variables ; 3° une plaque osseuse. On doit à notre collaborateur , M. Laurent, des travaux du plus haut intérét sur plusieurs points d’histologie, et c’est d'après lui que nous nommons tissu scléreux ce que l’on avait, avant lui, nommé tissu fibreux. M. de Blainville a adopté le même langage dans DE LA MEMBRANE SCLÉREUSE. 31 sa physiologie comparée, également d’après M. Laurent, qu'il a cité. Voilà pour la question générale. Si l’on étudie le poumon de l'éléphant, on y trouve une plèvre, cela va sans dire ; mais au - dessous de la séreuse proprement dite, on trouve l'enveloppe fibreuse ou scléreuse qui a échappé à touts les anatomistes, à l'exception. de Colombo, tellement pro- noncée que le nom de membrane propre du poumon de l'élé- phant lui a été donné. C’est encore à M. de Blainville que je dois la faveur d’avoir pu la disséquer et l'étudier. Un poumon de panthère qui était morte phthisique, dans le courant du mois d'août dernier, en me présentant une hyper- trophie considérable de l'enveloppe propre du poumon, que j'a- vais déjà reconnue dans plusieurs animaux, et notamment sur le poumon de l'ours blanc, est venu mettre hors de doute pour moi , l'existence de cette membrane scléreuse sous-pleurale dans un animal où dans l’état normal , elle n’est pas plus apparente que chez homme. En effet, il suflt de jeter un coup d'œil sur la figure ( fig. 1, pl. 1 ) pour acquérir une conviction aussi com- plète qu'il est possible de le faire sans examiner la pièce anato- mique elle-même, de existence de cette membrane. Comme on le voit, cette hypertrophie est tellement prononcée que l’on croi- rait plutôt voir une couche musculaire qu'une membrane f- breuse ; et j'avoue que telle fut ma première impression. Mais M. de Blainville, auquel je fis part de cette pensée, en lui mon- trant la pièce anatomique, m’assura que ce ne pouvait étre que du tissu fibreux ; et ce fut pour me convaincre qu'il fit mettre a ma disposition un lambeau de la membrane propre du pou- mon d’éléphant. Après avoir enlevé la couche de tissu cellulaire qui sépare la séreuse proprement dite de cette membrane, on apercoit une couche que l’on serait bien tenté de croire muscu- lire. En effet, elle présente ( fig. 2, pl. 1.) des faisceaux de fi- bres parallèles , dont la directionrest bien marquée, qui s’en- tre-croisent dans certains points avec d’autres faisceaux ; enfin cette membrane a un aspect tout aussi musculaire que la vessie. 32 DE LA STRUCTURE I! n'y avait qu'un moyen de lever toute espèce de doute : e’était de s'assurer si les fibres dont se composait cette membrane, normale pour l'éléphant, normale aussi pour la panthèére , mais hypertrophiée , appartenaient au tissu musculaire, ou au tissu scléreux ou fibreux. Les figures 3, et 4, présentent le résultat de l'examen microscopique que j'en ai fait. On voit fig. 3, pl. 1. deux fibres musculaires étudiées avec deux lentilles de M. Ch. Chevalier, qui grossissent 406 fois en diamètre. La fig. 4 offre un petit lambeau de la membrane poumon d’éléphant, vu avec le même grossissement, qui présente tous les caractères du tissu scléreux. Je continuerai ce sujet dans un prochain numéro. Avant de terminer Je veux cependant prévenir les objections qui pour- raient m'être faites sur la structure dela fibre musculaire. Plu- sieurs observateurs y ont vu des séries de globules, d’autres l'ont vue sous forme de tubes recouverts de globules et d’une es- pèce de réseau vasculaire ; d’autres enfin, l'ont représentée sous forme de faisceaux de tubes sur lesquels on apercoit cà et là, quelques granulations. Je ne sais pas si on l’a déjà repré- sentée comme elle se trouve ici. Je crois pouvoir dire avec cer- titude , que ces globules ne sont autre chose que de la graisse. Pour s’en convaincre, il suffit de traiter la fibre musculaire con- venablement préparée, par une solution étendue de potasse pure, ou par l’alcool; on parvient ainsi à faire disparaitre tous les prétendus globules, et à obtenir une fibre musculaire nette. Pour ce qui est des lignes transversales, toutes les préparations ne les offrent pas, ou ne les laissent apercevoir que très-faible- ment: mais comme dans ce cas, les fibres musculaires ont un beaucoup moindre diamètre que celles sur lesquelles on les aper- çoit aussi clairement que surla fig.3, pl. x, il est probable qu’elles sont distendues longitudinalement dans un cas , et qu'elles sont dans leur état naturel ou voisin de la contraction dans l’autre. Du reste ceux qui pourraient avoir des doutes sur l'exactitude des figures que je donne ici, pourront en toute liberté, s’adres- DE LA MEMBRANE SCLÉREUSE. 33 ser à moi; je conserve mes préparations que je me ferais un plaisir de leur faire voir. On pourrait supposer , d'après ce que je viens de dire tout-à- l'heure, que les recherches de MM. Prévot et Dumas me sont inconnues ; il n’en est pas ainsi ; il est vrai qu'ils ont vu sur ce qu'ils appellent fibre primaire, des lignes transversales ; mais ils ne les ont pas vues comme je les vois, et comme chacun peut les-voir ; ils les ont représentées avec des ondulations qu’elles n'ont réellement pas. Enfin, ils ont supposé qu’elles apparte- naient à l’enveloppe ou gaine de la fibre musculaire , ce que je crois être une erreur. Ces Messieurs étaient sous l'influence des opinions de Bauer et d’Everard Home, qui voulaient absolument que des fibres musculaires fussent composées de globules. Ces derniers observateurs, qui voyaient si nettement avec un grossis- sement de 300 diamètres, des globules dans la fibre musculaire, n'avaient pu voir d’animalcules dans la semence d’un cerf tué à l'époque du rut, avec un grossissement de 400 diamètres. Nous reviendrons sur ce sujet (1). EXPLICATION DE LA PLANCHE I. Fig. 1. Portion d’un poumon de panthère , sous laquelle existait une vaste caverne. a. Membranescléreuse ou enveloppe! propre du poumon hy- pertrophié. b. Plèyre ou séreuse détachée de la membrane scléreuse à laquelle elle adhère par sa face externe. Fig. .2. Membrane propre du poumon d’éléphant ( Elephas indicus ) qui est formée par du tissu scléreux. Fig. 3. Fibres scléreuses vues ayec un grossissement de 400 ‘diamètres. Fig. 4: Deuxfibresmusculaires, vues avec le même gros- _sissement. , (9 M. le docteur Hbllatd, qui s'occupe d'anatomie de |tissu, m'assure qu'il « constamment va la fibre musculaire comme je l’ai fait représenter. Tom. 1. 3 SUR LA GÉNÉRATION DES MARSUPTAUX, AVEC UNE DESCRIPTION DE L'UTÉRUS DE KANGUROU DANS L'ÉTAT DE GESTATION. Par R. Owen, M. R:C.S,., sous-conservaieur du Muséum du collége des chirurgiens de Londres. Extrait des Transactions philosophiques. — 2e partie;année 1854 ; PAR M. BAZIN. Dans tous les genres qui forment le groupe des Marsupiaux, l'utérus est double, et le véritable vagin est divisé par une cloi- son médiane en deux canaux latéraux , dans une grande partie de sa longueur. Le tube digestif et les organes de la génération s'ouvrent dans une espèce de cloaque ou cavité commune. Cowper est le premier, suivant M. Owen, qui ait constaté que l'organe générateur (le pénis ) présentait aussi bien que l'appareil femelle, des rapports avec les mêmes organes des ver- tébrés ovipares. Au pli de la peau qui sert à former la poche de la femelle, correspond dans le mâle, celui qui forme le scrotum. Ilest digne de remarque que le muscle suspenseur de la glande mammaire de la femelle du kangurou est l'analogue du muscle suspen- seur du testicule du mâle. Les deux sexes ont encore de com- mun avec les ovipares deux veines caves supérieures, et l'ab- sence de l'artère mésentérique inférieure. Les os marsupiaux , Si communs dans les reptiles, nese trou- vent que dans cet ordre de mammifères. Ils servent à comprimer les glandes mammaires , à protéger les organes contenus dans l'abdomen, contre les coups et les chocs qu'ils pourraient rece- voir des petits, quand jeunes encore, ils viennent se reposer ou se réfugier dans cette poche. Dans le mâle, les muscles cré- masters s’y insèrent. SUR LA GÉNÉRATION DES MARSUPIAUX, 35 L'accouplement desces animaux ne présente rien de particu- lier, si ce n’estles nombreuses répétitions de l'acte vénérien pendant une longue embrasse. Avant la découverte de l’opossum , par Tyson (1), on n'avait que des idées vagues sur le mode de reproduction de cesanimaux. Les travaux de Hunter, Home, MM. G. St-Hilaire, de Blain- ville etde Morgan, ont donné beaucoup d'intérét à cette question. . M. Owen ayant eu à sa disposition l'utérus d’un macropus major ( Kangurou ), en état de gestation, s'est trouvé à même e jeter quelque lumière sur ce sujet. L'utérusavait un volume triple de celui qu'il présente dans l'état de vacuité ; il avait deux pouces de long et quinze lignes de large, sans y comprendre les trompes. L'épaisseur de ses pa- rois variait d'une à deux lignes. Dans l’état de vacuité, cette épaisseur n’est pas d’une demi-ligne. La couche musculaire n’é- tait point le siége de cette augmentation d'épaisseur; elle était due à la membrane interne dont les plis et les rides offraient des saïllies irrégulières, bien que la surface en füt lisse, quand on la distendait. On a mis l'œuf à découvert en incisant longitudinalement l'utérus et l'enveloppe la plus externe de l'œuf. La longueur verticale du fœtus était de sept lignes ; il en avait seize à partir de la tête à l'extrémité de la queue, eten suivant la courbure du dos. Celle de la tête elle-même était de trois lignes et demie. ‘Owen aétudié les rapports existant entre la mère et le fœtus ; on n’a pu découvrir aucune trace de placenta. On s’est assuré que les filaments pulpeux que présentait le bord de la section n'étaient autre chose que des replis membraneux. Dans un seul point, les membranes de l'œuf adhéraient ou semblaient adhérer à l'utérus ; c'était près du bord droit de l’ou- verture qu'on y avait pratiquée; mais on s’assura que celte adhérence apparente n'était constituée que par des replis de la {1) Philosoph, transact., vol. 20. p. 139 6 36 sUR LA GÉNÉRATION membrane utérine qui recevaient dans leurs interstices une por- tion du chorion. # Le chorion était extrêmement mince; la surface en était lisse, non villeuse par conséquent. L'examen microscopique n’y fit point apercevoir de vaisseaux. À l'intérieur du chorion, se trou- vait uneautre membrane qui était très vasculaire. Le fœtus était contenu dans une membrane amniotique transparente. Les quatre extrémités et la queue étaient très visibles ; mais les orteils et les jambes de derrière n'étaient pas développés. LE narines étaient largement ouvertes ; les paupières, incomplète- ment fermées, permettaient cependant d’apercevoirun peu du globe de l'œil. La langue sortait de la bouche qui, à cause du développement incomplet des mächoires, présentait une ouver- ture plus considérable que dans le fœtus des mammifères ordi- naires. Les conduits auditifs étaient indiqués par de légères dépressions au-dessous desquels s'apercevaient très bien, ayant environ une demi ligne de longueur de chaque côté, les ouver- tures branchiales. Ayant'dilaté ces ouvertures, on a reconnu que de chacune d'elles, partaient deux conduits qui allaient se rendre au pharynx. Les extrémités antérieures bien séparées du tronc se terminaiént par cinq doigts armés d’ongles. Les membres antérieurs avaient deux lignes de longueur ; les posté- rieurs n’en avaient qu'une. La queue était longue de deux li- gnes. La trace des côtes s’apercevait sur les côtés du tronc. Le canal de la moëlle épinière s’apercevait entre” les rudiments réunis de la colonne vertébrale. En arrière du cordon ombi- lical, existait un petit pénis saillant, derrière lequel on aperce- vait l'anus. | En détachant le chorion, on le trouva adhérent à la mem- brane musculaire dont il vient d’être question, et dans laquelle la tige du cordon ombilical prenait une expansion soudaine. La membrane vasculaire formait un cône dont le sommet était le cordon ombilical, et la base l'expansion vasculaire sus indiquée. Le cordon était formé de deux vaisseaux co ntenant DES MARSUPIAUX. 37 du sang coagulé ( veines ) et d’un vaisseau vide ou artère. On n'a point trouvé d’autre membrane. Le cordon ombilical long de deux lignes, et d’une ligne de diamètre, contenait une petite anse intestinale. Les deux veines ombilicales, après s'être réunies, formaient un tronc commun qui se dirigeait en arrière, au-dessous du duodénum; et après s'être uni à la veine mésentérique, ce tronc arrivait à la face inférieure du foie et se perdait dans ce viscère : c'était donc une veine omphalo-mésentérique ou vitelline. Le troisième vaisseau, passant entre les circonvolutions de l'intestin grêie, le long du fmésentère, se rendait à l'aorte abdominale , et correspondait à une artère omphalo-mésentérique ou vitelline. La membrane dans laquelle elles se distribuaient, correspondait donc à la couche vasculaire de la membrane germinale qui enveloppe le jaune des animaux ovipares, où à la vésicule ombilicale de Pembryon des mammifères. L'estomac n’offrait point la forme d’un sac qu'on lui connait dans l'adulte ; il ressemblait plutôt à un estomac de carnivore. Le foie était bilobé ; les lobes en étaient égaux et symétriques. Les ventricules du cœur étaient réunis et présentaient les mé- mes rapports que dans l’adulie. Cette circonstance est digne de remarque ; car un développêment aussi complet ne s'observe pas dans les autres mammifères, à une époque semblable de la vie utérine. L’aorte et l'artère pulmonaire étaient complète- ment formées ; ; elles envoyaient des branches considérables au PERS le conduit artériel était, au contraire, très petit. On n a pu suivre les artères branchiales. Les poumons avaient à-peu-près le volume du cœur qui avait une ligne de longueur et ä-peu-près autant en largeur. Les reins ;: 9 la même forme et la même position que dans l'adulte ; les capsules surrénales avaient la moitié du vo- lume des reins. Les testicules, situés au-dessous des reins , étaient de moitié plus gros que ceux-ci, à cause du volume considérable de l’é- 35 SUR LA GÉNÉRATION pididyme. Ces organes restent dans l'äbdomen pendant sixse- maines après la naissance , dans ces animaux. M. Owen met ici en note qu'il a trouvé plus tard, sur un fœtus mammaire de Kkangurou, âgé de 1 5 jours, des restes d’un ouraque ét d’artères ombilicales où vésicales. Il dit avoir trouvé également des traces d’ouraque sur de très-petits fœtus mam- maires de petaurus pygmæus et d’autrestphalangers. Il n’y avait point d’allantoïde ni même de vessie urinaire dans ce fœtus. ch Comme la vésicule ombilicale avait été ouverte avant d’être mise dans l'esprilé de vin, on n’a pu rien savoir sur la nature de ce qu'elle contenait; mais elle était considérablement déve- loppée. M. Owen entre dans quelques détails qui ont pour but de faire ressortir les différences qui existent entre le développe- ment de l’ovule des mammifères et de celui des oiseaux; et il arrive à cette conclusion, que l'ovule du kangurou quitte l’ovisac dans un état correspondant à celui des mammifères ordinaires; et augmente de la même manière, à mesure qu’il descend vers l'utérus. é . La structure de l'ovaire du kangurou, son aspect après l'im- prégnation , ne diffèrent point de l'ovaire des autres mammi- fères. & 28 Cependant, après quele fœtus est arrivé à la fin des deux tiers de sa vie intra-utérine, il n’existeencoreaucune adhérence entre le chorion et l'utérus. On n’apercoit rien qui doive rem- plir les fonctions d’un placenta ; et, tout en accordant, par con- séquent, que la membrane formée par les vaisseaux ompha o- mésentériques puisse transmettre au fœtus sa nourriture ’ il reste à trouver comment la respiration s exécute: Il est proba- ble, cependant, que, nonobstant l'interposition du chorion, il se fait une combinaison chimique entre le carbone du sang, du fœtus, répandu sur la large surface de la vésicule Te et l'oxygène du sang maternel, distribué sur la membrane si vas- DES MARSUPIAUX. 39 *étlaire qui tapisse l'utérus. Il peut se faire que cet échange suf- fise à un fœtus si imparfait, et pendant une existence utérine d’une sigourte durée (1). La membrane vasculaire qui enveloppe le jaune de l'œuf des poissons, n'étant point séparée de la membrane corticale par une masse d’albumine interposée , suffit à la respiration aussi bien qu'à la nutrition, jusqu’à ce que les organes respiratoires jermañents, c'est-à-dire, les branchies, soient complètement développés. Dans les reptiles les plus élevés, et dans lesoiseaux, la structure temporaire surajoutée à l'enveloppe vasculaire du ne, pour l'élimination des produits d’excrétion ou des par- ”ties nuisibles au naissant embryon, ne commence à se déve- lopper qu’à une période assez avancée de sa formation. Les recherches de J. Hunter, sur le développement de l'œuf de Voie, prouvent que la tête, les yeux et les quatre extrémités Sont très developpés, tandis que l’allantoïde n’est encore qu’une petite vésicule; et il est plus difhcile de s'expliquer la respira- tion, jusqu’à ce qu'elle aitatteint un développement complet , tant dans l'oiseau que dans l’œufdu kangurou. Mais les animaux inférieurs nous présentent des phénomènes bien plus difficiles àconcevoir. Plusieurs entozoaires non-seu- lement vivent, mais se reproduisent privés du contact de l'air. Il est une période , où, dans les oiseaux comme dans les mammifères ordinaires, un organe respiratoire temporaire est nécessaire à la continuation de la vie intra-utérine ; mais on sait qu'avant la formation de cet organe, tout mammi- fère se développe au moyen de vaisseaux omphalo-mésenté- riques; et c’est une remarque digne d'intérêt, que la membrane. sur laquelleils se répandent, ou la vésicule ombilicale, offre son plus grand développementyet persiste le plus long-temps dans l'ordre des rongeurs qui, après les marsupiaux, ont les rapports (1) On voit ici que M. Owen ne fait aucune attention à l'artère ombilicale qu’il dit avoir observée : à quoi peut servir une artère ombilicale ou vésicale, si ce n'est à former un placenta ? à M 40 SUR LA GÉNÉRATION l x ‘ les plus frappants avec les oiseaux, auxquels les animaux #4" bourses passent par la transition la plus naturelle et la moins interrompue. w? L’organe qui sert à l'élimination des particules np fe dans embryon des mammiféres est d’abord, comme dans les oiseaux, une allantoïde qui, naissant de la partie inférieure de l'intestin se développe dans des proportions différentes, dans différents ordres. Mais bientôtles vaisseaux ombilicaux qui race gten Ad cherchentun contact plus intime avec la surface vasculaire de la matrice, de là, l’organisation du chorion. On pourrait supposer qu’une allantoïde etune vésicule ombi licale se développeraient à une période plus tardive de lagesta- * tion que celle où le fætus en question, qui n’était qu'aux deux tiers de cette époque. Cependant, aucun fœtus de kanguro de Petaurus (Phalanger), n’a présenté de traces de veine Nr 4 licale ou d’artères qui s’étendissent au chorion pour organisée un placenta. Il n’est pas probable qu'une aliantoïde sé déve- loppe, si ce n’est pour servir de réceptacle à l'urine. Ainsi de chorion ne s’organiserait pas, et les marsupiaux seraient essen- tiellement ovovivipares (1). Cats Ainsi, ressemblance parfaite aux embryons des oiseaux et des mammiféres ; mais quand la vésicule ombilicale ne suffit plus à la respiration, leurs poumons acquièrent un développement pré- coce; ils quittent l'utérus et vont respirer au dehors, au lieu de respirer par un organe temporaire ( placenta. ) $ 2. Sur le fœtus mammaire des marsupiaux. L’opossum de Virginie porte pendant 26 jours, suivant Barton et Rengger. Le kangurou (macropus major) pendant jou. Ce dernier nombre est le résultat de l'observation direëte, faite au Jardin Zoologique de Londres-par M. Owen lui-même. Au (1) Dans ce cas à quoi serviraient les artères ombilicales que M. Owen au- railéncore trouvées quinze jours après la naissance ? LA a DES MARSUPIAUX. 41 La moment de la naissance, le petit kangurou avait 14 lignes de it puis le bout du nez jusqu'à l'extrémité de la queue. On a séparé le petit de la mamelle, et on l’a fait sortir de la » poche. La mère s’est placée sur son train de derrière, ou as- sise , à saisi son petit avec ses lèvres, a ouvert sa poche avec l'extrémité de ses pieds et l'y a reporté en y enfonçant sa tte. jusqu'aux yeux. Ici le kangurou rappelle les chiens, les chats et les souris qui se servent aussi de leur bouche pour porter leurs petits. Dans cette circonstance, le jeune kangurou ne put ressaisir le ma- melon. Mais M. Collie (Zoological Journal, n° XVII, p. 239) assure qu'un jeune kangurou, qui avait une fois et demie lader- à nière phalange du petit doigt en longueur , que lon avait sé, paré du mamelon, ne l'avait pas encore repris au bout d’une heure, mais s’y trouva attaché de nouveau, au bout de la seconde heure. M. Morgan a répété la même expérience et a obtenu le méme résultat. Dans l’un et l'autre cas, le jeun@ani- mal a été laissé dans la poche de la mère. ù | M. Owen a fait ia remarque que le cerveau d’un jeune ei gurou offre une plus grande consistance que celui d’un fœtus des brebis de même taille ou du même äge. Le kangurou mammaire qu'il décrit , avait 18 lignes de longueur. Da:.s aucun fœtus on n’a trouvé de traces de veine ombilicale. » Dans ce dernier , les testicules étaient encore plus volumine que les reins, et n “1 ne s'opère que lorsque le fœtus mammaire a atteint trois pouces de. longueur, à Fe de l'extrémité de la queue jusqu’au bout du nez. M. Owen a point trouvé de thy mus. Le dév eloppe- ment précoce du poumon rendrait-il celüi de cette dernière glande inutiles? Ou cette absence résulterait-elle du mode de dévelop intra-utérin ? cela parait d'autant plus probable que dans les classes d'animaux ovipares et ovovivipares le thy- mus n'existe qu'à l’étatrudimentaire ou point du tout. M. Owen admet avec MM. Geoffroy et Morgan que le jeune nt pas encore sortis de l'abdomen. Ceci | 4 42 SUR LA GÉNÉRATION PS utof est trop faible pour attirer le lait de la mamélle de sa mère dans sa bouche, par les seuls efforts de succioni;tet que, à cause de cela , la glande mammaire est pourvue d’un muscle analogue au crémaster, pour injecter le lait dans la bouche du nouveau né. Comme on ne peut guère supposer que les efforts de succion du jeune fœtus harmonisent toujours avec ceux que fait la mère pour lui injecter son lait , on devrait na- turellement craindre que le jeune kangurou ne fût à chaque instant, exposé à périr par ce défaut d'accord. Mais la nature y a pourvu par une modification dont la découverte est due à M. le professeur Geoffroy. Hunter semble avoir prévu la nécessité de ce rapport indispensable entre le larynx et les narines posté- ‘rieures. L'épiglotte et les cartilages aryténoïdes sont alongés et rapprochés ; et la fente de la glotte se trouve ainsi située ausom- met d’un larynx-conique, qui fait saillie dans les fosses na- sales postérieures, comme cela a lieu dans les cétacés, où il est étroitement embrassé par le muscle du palais. Le passage aé- rien se trouve ainsi séparé tout-à-fait du pharyox, et le lait in- jecté passe en un courant divisé de’chaque côté-du larynx, à l'æ- sophage. Ld $ 3. Structure et analogies de l'appareil générateur femelle dans les marsupiaux. Les variations de structure que présente l'appareil généra- “teur femelle dans les différentes classes d'animaux vertébrés ovi- pares, sont moins nombreuses, et moindres que celles que l'on observe dans plusieurs ordres et dans plusieurs genres de mam- mifères. Ce qui caractérise le type ovipare, sous ce point de vue, c'est le développement de l'ovaire gauche et de son oviducte à l’ex- clusion des mêmes parties du eôté droit, pour les oiseaux ; et l'absence d'union sur la ligne médiane, des conduits excréteurs, » qui restent séparés jusqu’à leur terminaison, dans tous les ani- maux ovipares, où ils se développent des deux côtés, comme des MARSUPIAUX.. 43 dans les reptiles, à peu d’exceptions près. Mais quelle que soit la ressemblance de l'appareil, une grande différence n’en existe pas moins, sous lerapport du lieu où se développe l'œuf; et sous celui de l’état où il quitte la mère. Ainsi, ce n’est certainement pas d’après la seule inspection des ovaires que l’on serait arrivé à cette conclusion, que tous les serpents venimeux sont ovovivi- pares, tandis que ceux qui ne le sont pas sont ovipares ; qu’une pareille différence se rencontre entre le Zacerta crocea, et le lacerta agilis, qui sont des espèces si rapprochées qu’elles ont été long-temps confondues par les naturalistes. Cependant, de er s’est assuré que les petits du lacerta crocea , sont complè- tement développés dans l’oviducte, et en sortent vivants sous forme de lézards. Ce qui l'a conduit à cette conclusion, que, dans les animaux ovipares à sang froid, la période d’existence intra-utérine et sa durée dépendent plutôt de la constitu- tion ‘originaire de l'œuf , que de la structure de l'appareil "générateur : et que l'on doit attacher peu d'importance aux cpinions sur le mode de génération d'un animal, qui repo- sent exclusivement sur la structure de la partie efférente de Pappareil générateur. Un rapport assez intime existe cependant , dans les mammi- fères, entre les enveloppes de l'œuf et l'utérus ; de sorte que les modifications de ce dernier organe sont évidemment en rapportavec les différents états de l'œuf. | prenant pour point de départ l'homme , et en suivant les modifications de l'organe générateur femelle , dans les diffé- s ordres des mammifères , on trouve qu'il s'approche de la cture du type-ovipare de deux manières : savoir, par une oblitération du museau de tanche , ce qui caractérise Ja sép ra- tion de l'utérus du vagin dans cette classe ; et par une division lus en plus croissante de l'utérus.et du vagin , jusqu’à ce Is deviennent Deux tubes séparés dans toute leuraéténdue: Ces deux modes de déviation concourent à donner à l'appareil générateur des marsupiaux édentés de la ressemblance avec ce- : ' 44 SUR LA GÉNÉRATION lui des reptiles. Mais d’après ce qui vient d'être dit, on ne serait nullement autorisé à dire d’après la seule inspection de l'appa- reil générateur femelle de l'ornithorinque , que son œuf sort recouvert d’une coque dure comme celui des oiseaux ; et qu'il contient un fœtus dans un état de développement analogue. +" On ne rencontre dans aucun genre de mammifères, ce ca- ractère d'unité et de concentration, en même temps que chaque partie reste bien distincte, que l’on observe dans l'homme. Car, dans les ordres inférieurs , outre les différences dont il & été déja question, il existe toujours un alongement de l'utérus avec un amincissement de ses parois ; et l'ouverture de l’urètre et du vagin se confondent. Gette dernière déviation commence dans les singes : on voit déjà dans les Lémursiens ou makis, les angles de la matrice s'alonger , et prendre la forme de cornes : la scissure médiane augmente ; et les cornes l’emportent sur le. corps de l'organe , dans les carnivores , les cétacés , les rumi- nants et les mb srries: Maïs c'est dans les rongeurs , qui déjà dans plusieurs points de leur organisation, offrentidel'a- nalogie avec celle des oiseaux, que l’on rencontrepour la pre- miére fois, dans la série animale, un utérus complètement. séparé en deux moitiés latérales. Cette structure, il est vrai, ne s’observe point dans tous les genres de cet ordre; mais outre le lièvre et le lapin, dans lesquels d’après de Graaf et Curier, il existe un utérus double ou bifide, une semblable disposition se rencontre dansles genres Sciurus, Arctomys, Spalax, Bathyer- gus, Echimys, Eretizon, (F. Cuv.) , et Hydrochærus, tandis que dans les genres, Mus, Cavia, he et Dasipr une portion de la véritable matrice reste non séparée ; bien q celle: à laquelle le nom de corps de l'utérus convienne , soit très- petite ou même rudimentaire. Néanmoins , bien quedans ces genres , le corps de l'utérus existe, le véritable vagin Et rema quable à à cause de sa longueur, et de sa capacité, dans ceux où le corps de la matrice a cessé d exister. Jusque là, le vagin se présente sous la forme d'un caral _ res MARSUPIAUX. 45 simple, communiquant avec le passage urétro-sexuel par une seule ouverture; au moins après l'imprégnation. Mais un fait remarquable et intéressant, c’est que le vagin étant traversé par une cloison étroite et verticale dans le paresseux, la jument , l'ane , la truie, dans la vache, et probablement dans d’autres rumirants, le vagin se trouve communiquer avec le passage urétro-sexuel , par une double ouverture. Ce septum ou cloison est considérée par les vétérinaires comme un hymen dans la ju- ment. Cette même partie offre quelquefois la même conforma- tion dans la femme. On l'a vue dans quelques cas, se prolonger sur la ligne médiane jusqu’à l'utérus. A cause de la petitesse du fœtus au moment de la naissance , cette conformation peut persister sans inconvénient dans les marsuoiaux. Dans quelques genres , le vagin est entièrement divisé ; dans d’autres, cette division n’est que partielle. Dans ce cas, c'est toujours la portion du vagin qui fait suite au passage urétro-sexzel qui est cloïsonnée. La véritable matrice est complètement divisée dans tous les genres de marsupiaux , el chaque moilié est ’une forme aion- gée comme dans les rongeurs. Les complications surajoutées à l'organe générateur femelle, ; dans les marsupiaux , appartiennent donc plutôt auffhsin qu'à l'utérus , et sont propres à rendre Fexpulsion du fœtus hors u vagin moins rapide après qu'il a été expulsé dé la matrice , que dans les autres mammifères (1). . e (x) Cette conclusion est en FuS directe avec celle de M. Geoffroy- St.-Hilaire, qui pense que la parturition prématurée ou précoce des marsu- piaux résulte de l'absence detoute constriction du côté de l'utérus et du vagin, analogue à celle du col de l'utérus, dans les mammifères ordinaires; mais la non-existence du col de l'utérus et’ de son orifice) ne peut être soutenue qu'en prenant une portion du vagin pour l'utérus. Cet organe , dans les marsupiaux , ne s'éloigne pas plus du type primitif, l'utérus humain , qu'il ne le fait dans les rongeurs, Burdach considère les vagins (seitencanælen) des marsupiaux comme les analogues des canaux glandulaires décrits par " 46 SUR LA GÉNÉRATION Ces complications présentent de grandes variétés dans les dif- férents genres des marsupiaux. Il résulte des observations de M. Owen que la capacité du vagin et de la poche sont d'autant plus considérables que celle de l'utérus est moindre. Dans le Didelphys dosigera , Yutérus surpasse un peu les vagins distendus en longueur. Dans la plupart des marsu- piaux les vagins descendent d’abord comme pour communiquer directement avec le conduit ou passage urétro-sexuel ; mais dans ce petit opossum , où la poche abdominale consiste en deux légers replis longitudinaux ; et où les petits, comme l’in- dique son nom trivial, sont portés sur le dos de la mère, chaque tube, après avoir embrassé le museau de tanche, se continue immédiatement en haut et en dehors, puis se dirige en bas et en dedans; et, après une seconde flexion en haut, redescend à côté du tube du côté opposé, pour se terminer parallellement à l'extrémité du canal de l’urètre dans.le passage commun. Dans les phalangers , quand les vagins sont étendus , ils sont un peu plus longs que l'utérus. Ayant examiné un phalanger nain, (petaurus pygmæus ), dont la poche contenait deux petits, M. Owen trouva que l'utérus avait un diamètre trois fois plus co idérable que dans l’état de vacuité ; tandis que les vagins avaient conservé leurs dimensions. Ce fait montre que la gesta- tion, dâns cette espèce, a lieu dans des circonstances semblables à celle du Kangurou. Les vagins, après s'être insérés à l'utérus, parcourent en descendant ensemble, la moitié de la distance qui sépare leur point d'insertion à la matrice, et le’canal urétro- sexuel. Ils n’ont aucune communication entre eux. De la partie de ces culs-de-sac , ils se continuent en haut et eu dehors, en formant une courbure qui les fait ressembler aux anses d'un vase ; ils descendent ensuite , en$se rapprochant , et se terminent À Malpighi et Gaertner, arrivés à leur développement complet. Mais ces ca- naux, qui s’observent dans les ruminants , les pachydermes, etc., ne condui- sent pas du canal urétro-sexuel au museau de tanche, mais bien aux liga- ments larges et aux ovaires. DES MARSUPIAUX. 47 tout près l'un de l’autre, comme dans l'exemple précédent. Dans le dasyure de White, ( Dasyurus viverrinus) et dans le sarigue à oreille bicolore. (Didelphis virginiana), les culs- de-sac médians des vagins descendent jusqu'au passage urétro- sexuel, et s'y attachent sans communiquer entr'eux: La cloison qui les sépare est complète; elle est composée de deux couches qui sont formées par l’adhérence des deux vagins dans ce point. Pour arriver au canal commun, chaque tube se continue en dehors de la partie supérieure du cul-de-sac, et après avoir formé la courbe ordinaire , se termine parallèlement à l’orifice de l’urètre. Les vagins dans les dasyures sent proportionelle- ment plus petits que l'utérus du sarigue , mais ils ont la même . forme. Dans une autre espèce, le didelphis opossum de Linnæus, il paraitrait, d’après la description et les figures de Daubenton (1), que la cloison des culs-de-sac médians serait incomplète ; mais il n'est pas sûr que cette communication n'ait pas été le résultat de la parturition , ou d’une rupture accidentelle. S'il était démon- tré que cette différence de structure tint à l’espèce, cela rap- procheraït l'opossum du type des organes femelles du phalanger, du wombat, et du kangurou. La grandeur du vagin l'emporte de beaucoup sur celle de Vutérus dans Je dernier animal ; et le septum du cul-de-sac étant toujours ‘plus ou moins incomplet , il existe ainsi une ca- vité commune aux deux matrices. | 3 M: Owen a en vain cherché une communication entre l’ex- trémitéborgne du sac médian et la cavité urétro-sexuelle. On avait supposé l'existence d’une pareille communication, pour expliquer lepassage du fœtus, de la matrice dans la cavité com- mune : cependant il n'existe aucune continuité de tissu entre ces parties. * La dernière fe de l'organe ‘généfäteur femelle des’mar- es; qui mérites d'être remarquée, est celle du Potoroo (1) Buffon, Hist. nat, T. X, ñ 48 SUR LA GÉNÉRATION ( kangurou rat, macropus minor, pl. Al, fig. 4.). Le type en est le même que celui du même organe du grand kangurou 5 mais le cul-de-sac médian et le vagin atteignent un développe- ment beaucoup plus considérable. Il s'étend non-seulement jus- qu'à la cavité urétro-sexuelle ; mais 1l se dilate dans tous les sens , de manière à présenter une cavité beaucoup plus considé- rable que celle de l'utérus. Les deux vagins naissent sur /les côtés de cette cavité, se dirigent en bas, et se terminent, comme à l'ordinaire , dans le canal urétro-sexuel. La structure de l'utérus , dans tous les genres dont il vient d’être question , est aussi distincte de celle des vagins que dans les rongeurs. La tunique fibreuse, ou tunique propre de l'uté- rus, est plus épaisse que celle des vagins; et la membrane qui la tapisse est peu consistante et vasculaire, disposée.en rides ir- régulières et nombreuses ; elle donne aux différentes coupes de l'utérus une épaisseur qui n’est point réelle ;à cause des rides dont il vient d'être question. Les vagins , au contraire , sont'ta- pissés , dans toute leur étendue, par une pellicule fine, quise laisse facilement détacher , même du milieu du cul-de-sac, que l’on considère si généralement comme le corps de l'utérus dans le kangurou. La surface interne des culs-de-sac de l'opossum est lisse, tandis que le fond de la cavité unique du kangurou et dupoto- roo offre un aspectréticulé: La membrane qui tapisse les:ca- naux latéraux, dans tous les genres , est disposée en-plis longi- tudinaux ; disposition qui caractérise levéritable vagintde la plupart des véritables mammifères. Les canaux latéraux s'ou- vrent dans le canal urétro-sexuel sans y faire de saillie ; mais à la distance de trois quarts de pouce de leur terminaison , il éxisie un rétrécissement et'une petite saillie valyulaire où le pénis s'arrête probablement. Ceux qui considèrent lecul-de-sac et les canaux latéraux comméwne modification du PE 4 lu- térus prendront ces saïllies pour les analogues du museau de tanche. Mais comme dans les phalangers ( petaurus ) et les sa- 14 DES MARSUPIAUX. 49 rigues (opossum), On ne trouve qu'une contraction des canaux M iginaux ; et que dans ces derniers, aussi bien que dans le kan- gurou , les véritables matrices offrent l'ouverture valvulaire qui les caractérise, comme dans les rongeurs, sans ayoir la moindre apparence d’une transformation insensible en un cul-de-sac va- ginal ; la Structure en question , ne peut être considérée comme suffisante pour détruire une détermination qui s'appuie et sur la texture , et sur les rapports et sur les fonctions de l'organe dont il s’agit. D'ailleurs, le large et unique vagin de quelques rongeurs , tels que le Lièvre , le lapin , et le paca , offre à son entrée, un peu au-dessus de l’ouverture de l’'urètre, un repli membraneux en forme de valvule, que Daubenton considérait comme la limite du corps de l'utérus: L'examen de l'utérus dans l’état de gestation dans les différents genres, sa durée re- lative , l'étude de l'œuf ou de l'utérus imprégné du petit sarigue sans poche de l'Amérique du sud, sont indispensables à celui qui voudrait s'expliquer l'usage des différentes formes des or- ganes femelles des marsupiaux. On peut remarquer du reste, que, bien que ces variations de formes soient très-compliquées en app?rence, dans les kangurous et les phalangers, elles s'éloi- oins cependant du type normal dans ces marsupiaux que dans les sarigues et les phalangers Ydlants ( didelphides et petauri). Car la différence essentielle consistant dans la division du vagin en deux canaux , on la trouve très-complète — dans les deux derniers genres; tandis que dans le kangurou , celte division n’est que partielle; et la complication des organes consisté d'avantage dans leur largeur et leur étendue qu’en toute * autre chose. Il est important d'observer que la division du tube efférent nese continue pas#comme on pourrait naturellement Je suppo- ser , de l'utérus dans le vagin ; mais qu’elle commence à la ca- vité urétro-sexuelle, et s'arrête près de l'utérus, dont les orifices s'ouvrent dans le canal commun. L La situation de la cloison vaginale radimentaire ; ou l’hymen TOM, I. 4 50 SUR LA GÉNÉRAWON quel’on rencontre dans les mammifères ordinaires, correspond à celle de cette cloison que l'on vient de décrire dans le kangu- rou” Et, dans un cas où elle s'était développée d’une manière extraordinaire sur un sujet humain , on trouva qu'elle avait obéi aux lois générales de formation, et qu’elle correspondait à un utérus complètement bifide (1). Dans ce cas, la cloison vaginale était verticale ; elle commen- çait àl’entrée du vagin, et se terminait à un pouce environ des orifices utérins. Cette cloison, dit le D'. Purcell, était char- nue , d’une épaisseur considérable ; et comme la plupart des autresmédiastins du corps humain, se composait de deux lames adossées et réunies , qui appartenaient à chacun des vagins, lesquels avaient aussi chacun un muscle constricteur (2): , (1) Ce vice de conformation a été décrit par le docteur Purcell dans le 64 volume des Transactions philosophiques , et la pièce a été déposée dans le Muséum du collége royal des chirurgiens. (2) Le docteur Thomas Blundell a fait voir à M. Owen un vice. de confor- mation semblable, sur une de ses malades. La cloison commencait à l'entrée » du vagin et se prolongeait à la hauteur d’un pouce. Le docteur Blundell ft disparaître cette"cloison par une opération. — Nous regrettons que l’on ne se soit point assuré si le museau de tanche présentait une ou deux ouvertu ; s, ce'qu’il était très-facile.de faire au moyen du spéculum ou du toucher. Mile professeur Cruveilher a réuni, dans son Anatomie pathologique du cos humain (4e livraison, pl. 5), plusieurs cas analogues, parmi lesquels on doit distinguer ceux qui lui ont été fournis par M. le docteur Bérard jeune (&g: 1). M. le docteur Cassan (fig. 3), et celüi du professeur Lauth (fig. 4). — Dans les deux cas recueillis par MM. Lauth et Bérard, il y avait véritablément deux vagins, bien’ séparés dans toute leur longueur, et aboutissant chacun à un museau de tanche. Celui qui est dù au docteur Cässan ne différait des deux précédents qu’en ce que le vagin ne commençait qu'à un pouce au-des-# sus de l'ouverture commüne. Le sujet de l'observation de M. Bérard avait été mariée trois fois’ elle n'avait eu qu'un seul enfant, à l’âge de 19 ans. L’en- fant vint à terme et mourut en naissant. L'accouchement avait été très-la- borieux. M. le professeur Cruveilher rapporte ; en outre, deux cas d’utérus bifide et un cas d’utérus cloisonné, dans lesquels le vagin n’a présenté rien de par- ticulier. Dans tous ces cas, on a toujours trouvé seulement deux ovaires. DES MARSUPIAUX, 51 Pour comprendre le rapport que l'appareil sexuel-féminin de l'ornithorhinque et celuimde l'échidne ont avec ceux des mam- mifères ordinaires , il faut avoir présents à:l'esprit, les degrés par lesquels la forme humaine ou concentrée , passe pour arri- ver à la forme ovipare : le premier pas vers cette dégradation est marqué par le paresseux: À , l'utérus présente encore une cavité uniloculaire, alongée sans apparence de cornes ; mais il n'y a plus de museau de tanche qui indique la ligne de démar- cation entre la matrice et le vagin qui, par cela même, rappelle l'oviducte d’un reptile. La même disposition se remarque dans + le tatou noir (dasypus novem cinctus), ( pl. IT fig. 2.); mais æ dansle tatou à tête de belette (Tatou Encoubert.Das. Sexcinctus , octodecim cinctus ) , les angles de la matrice sont déjà un “peu alongés. Dans ces derniers genres, aussi bien que dans ceux auxquels l’épithète d’édentés convient le mieux , tels que les Pangolins et les Fourmiliers , le canal urétro-sexuel est formé, comme dans les tortues , par une extension pu conti- # nuation de l’urètre ou de la vessie urinaire dañs laquelle le con- Muitgénital s'ouvre par un petit orifice ( dans les paresseux , à l'état vierge , il en existe deux ), absolument de la même ma- nière que l’urètre communique avec le vagin dans les autres mammifères. Rien n'indique la séparation de l'utérus et du va- gin, Maintenant , tandis que d’un côté, l'ornithorhinques#et +. présentent une division complète de la partie effé- relte de leur appareil générateur , comme les autres marsu- piaux ; de l’autre, ils conservent dans la composition de chaque moitié latérale , et dans son mode de terminaison , leur affinité à l'ordre des édentés , dans lequel Cuvier les a placés. De la réu- nion de ces caractères du type ovipare du système générateur, que lon rencontre séparément dans d’autres mammifères, ré- sulte cette affinité à la structure des mêmes parties dans les rep- tiles, qui a conduit à supposer qu'ils formaient une classe dis- tincte d'animaux. La complication de l'appareil scapulaire des monotrèmes , des mandibules , de l'ornith orhinque , et la 52 SUR LA GÉNÉRATION structure du pénis, qui est telle, que bien qu'il soit parcouru dans toute sa longueur, par un canäl, il n’est propre qu’à la transnussion du sperme, sont autant de circonstances qui les éloïgnent des mammifères ; tandis que leur cloaque, leur veine- cave supérieure double , et l'absence de leur artère mésentérique inférieure, sont autant de rapprochements vers le type ovipare, M qui leur sont communs avec les autres marsupiaux. En résumé, . on peut considérer tous ces animaux comme ur groupe er- rant de mammifères caractérisé par une génération ovoyivi- pare. . Pa Il parait qu'il n’est pas rare de rencontrer dans l'utérus des » marsupiaux, des tumeurs fibreuses et d’aatres encore, dont # le volume et la consistance varient. Il paraitrait que E. Home aurait été singulièrement induit en erreur, en croyant recon- . naitre dans une de ces tumeurs les restes d’un fœtus. M. Owen cherche à découvrir un principe qui puisseendre raison deïce qu'il y a au moins en apparence , d’anormal dans le mode de développement du kangurou , ete. Il pense que | les formes extérieures , c’est-à-dire le développement consiiéieble du train de derrière, qui aurait pu rendre la parturition difi- cile, les mouvements saccadés de ces mêmes membres, que tout cela considéré par rapport à la mère , n'explique rien : car les gefboises, dont les formes sont les mêmes, ne quittent point l'utérus plustôt que les autres rongeurs. Ilserait plus philosophique de considérer la génération comme une série d'actions vitales subjéctives à l’ensemble de l'être en- gendré , et à son perfectionnement relatif, en tant que comparé avec d’autres espèces, qu'aux modifications partielles de l'or- ganisation de la mère. | On admet que tous les animaux vertébrés forment dans 1 la série des êtres, une grande division , ou groupé , caractérisé par un plan de formation qui, quelque varié qu'il soit, pour répondre à la sphère et à la puissance d’action qui leur est pro- pre, jouit de caractères suffisamment constants pour être DES MARSUPIAUX. 53 considéré comme un type facile à distinguer du reste des animaux. Mais d’un antre côté, le mode de génération le plus ordinaire aux animaux vertébrés , est le même que celui qui se rencontre dans le plus grand nombre des animaux inférieurs ; c’est la génération ovipare. Dans ce mode de génération , l'œuf une fois formé , détaché el imprégné ; jouit de toutes les propriétés qui lui sont néces- saires pour parcourir tous les degrés de son développement , : ans avoir aucun rapport avec l'animal sur lequel il s’est formé. D il suit que la génération qui exige que l’œuf continue ses ports avec la mère, comme dans les mammifères à placenta, forme une exception à la règle que suit la reproduction des ani- "4 maux vertébrés. = L'on est ainsi conduit à se demander en quoi ces animaux s'écartent des autres classes de ce groupe, ou leur sont supé- rieurs, pour que dans la génération, leur mère concourre pen- dant un temps tellement plus long, à l’entier développement du ricuvel être ? C’est dans les mammifères que le cerveau acquiert toute sa perfection : on peut suivre cet organe dans les différents ordres, et le voir se compliquer de plus en plus, jusqu'à ce qu'il ait atteint dans l'homme, ce degré de perfection qui le sépare du reste des animaux. Et si l'addition de nouvelles facultés à un organisme exige une modification dans son mode de dévelop- pement, à quelle autre , sinon à celle qui consiste dans le per- fectionnement du système nerveux, pourrait-on rapporter la véritable génération vivipare ou placentaire ? Car on ne voit pas que sous Je rapport des fonctions digestives , circulatoires , respiratoires , locomotives ou de température, les vertébrés mammifères l'emportent sur les oiseaux. En considérant la chose de ce point de vue , il s'ensuit que les animaux chez lesquels la vésicule ombilicale persiste le plus long-temps, et où le placenta est le moins vasculaire , devraient 54 SUR LA GENÉRATION offrir un cerveau d'autant plusésimple; et c’est en effet ce que l’on observe dans les Cheiroptères et les Rongeurs, dont le cer- veau ressemble à celui des oiseaux par l'absence des circonvolu- tions et le peu de volume des hémisphères cérébraux. Dans ces différents ordres , le cervelet est tout-à-fait découvert. Dans les marsupiaux , les opossums et les dasyures présen- tent encore un plus grand degré de simplicité dans la forme de leur cerveau : leurs hémisphères cérébraux n'ont.pas plus de convolutions que dans le castor , et laissent les corps quadri- jumeaux , aussi bien que le cervelet, à découvert ; la fissure qui sépare la couche olfactive des lobes antérieurs, au lieu, d’être inférieure , comme dans les rongeurs, est latérale ; etlle rapport qui existe entre l'épaisseur des masses latérales et la lar- geur des ventricules latéraux, est moindre ici que dans aucun ordre de mammifères. l * Pour ce qui est du cerveau du kangurou, bien que peu après sa naissance , il ressemble par sa structure à celui des vertébrés les plus inférieurs, cependant sa forme devient ensuite plus compliquée que celle de celui des opossums ou des dasyures. Un certain degré d’infériorité dans le développement des au- tres organes nerveux, joint à d'autres points de ressemblance avec les animaux vertébrés inférieurs , semble jusqu’à ce jour, être le phénomène qui se lie le mieux avec le mode de géné- ration des marsupiaux. Tous ces animaux sont remarquables par leur peu d'intelli- gence; presque tous sont aphônes. Quand on les irrite, ils ne font entendre qu’une espèce de sifflement ou de grognement guttural. Le wombat, en pareille circonstance , émet un fort sifllement qui rappelle celui d’un serpent. Ces analogies avec les reptiles méritent d’être remarquées. Il existe un ordre de mammifères qui , outre certaines analo- gies qu'ils ont avec les reptiles , dans la structure de leur appa- reil générateur et autres , ont un cerveau aussi simple que les opossums, ou sarigues à orêilles bicolores, ce sont les édentés. .e L DES MARSWPIAUX. 55 D'où ilsuit que pour déterminer le rapport qu’il peut y avoir entre un développement placentaire, une longue existence intra- utérine , et le perfectionnement du cerveau ; uneconnaissance exacte du mode de développement des édentés ,.est indispen- sable. DESCRIPTION DES PLANCHES. ” Fig. 5. Pi. I. Communication du véritable vagin avec le canal °ou la cavité urétro-sexuelle par un orifice double,résultant d’un xice de conformation de la membrane hymen , observée sur un individu de notre espèce. Fig. 6. Pr. I. Section du canal urétro-sexuel, présentant une communication par un double orifice, résultant de la confor- mation normale de l'hymen chez la truie. Fig. 1. Pr, Il. Section du canal urétro-sexuel du kangurou; dans chacune de ces figures, A . désigne l’urètre, et'B. l'entrée ” du vagin. Fig. 2. Organes femelles du tatou noir (Dasypus novem- cinctus.) Fig. 3. Organes femelles du sarigue (Didelph : dorsigera.) Fig. 4. Organes femelles du kangurou-rat Gran Whitei, Lesson.) Les, mêmes lettres indiquent les mêmes parties dans toutes les figures. A. Ovaire. B. Trompe de Fallope (dans les figures 3 et 4, portion mem- braneuse de la trompe de Fallope , Home.) C. Utérus (corne de la matrice, Tyson, Daubenton. Fig. 3 et 4, portion glanduleuse de la trompe de F. allope , Home ; ad uterum , Geoffroy.) D. Museau de tanche (dans les figures 3 et 4, terminaison valvulaire des trompes, Home.) _ Æ. Cul-de-sac médian du yagin (corpus uteri, Tysôn, Dau- è a 56 SUR LA GÉNÉRATION DES MARSUPIAUX. e* .* benton, Geoffroy ; uterus, Home:) É.É. Portion du vagin ou- verte (uteri reduplicati, et vagina, Tyson; vagina, Geoffroy ; canaux-utérins latéraux, Home.) F. Canal urétro-sexuel (canalis communis, ou passage com- mun de l'urètre et de deux vagins , Tyson ; canal urétro- sexuel, Geoffroy ; vagin , Home). G. Vessie urinaire. H. Urètre. Fig. 5. Organes femelles du kangurou dans l'état de gesta- tion. L'utérus imprégné c, est ouvert aussi bien que le chorion, ou membrane corticale du fœtus :; on voit ce dernier suspendu par le cordon ombilical k. a ovaire gauche, où l'on voit un corpus luteum volumineux ; l'orifice par où l’ovule est sorti n’est pas encore fermé. * Ligaments de l'ovaire. On a passé des soies de sanglier dans les trompes de Fallope, é, é, é, e, vagin et cul-de-sac médian, pris sur un autre sujet, et ajoutés à cette matrice en remplacement de la même partie qui n’avait pas été conservée. g e MÉMOIRE SUR LES TISSUS ANIMAUX EN GÉNÉRAL, ET SUR LES TISSUS ÉLASTIQUES ET CONTRACTILES EN PARTICULIER. Les trois classes de savants, médecins, vétérinaires et natu- e | ralistes qui, chez toutes les nations civilisées cultivent les sciences anatomiques, s'accordent, en général; à reconnaitre Pexactitude des déterminations que le célèbre Haller a proposées au sujet du nombre deséléments solides de l'organisme animal. ” On sait que ce physiologistea admis 1° un élément cellulaire fon- damental, générateur d’un très-grand nombre de tissus blancs plus ou moins condensés ; 2° deux éléments secondaires, le tissu musculaire et le tissu nerveux. Chaussier a porté le nom- re de ces solides élémentaires à quatre, et les a désignés sous les noms de fibre cellulaire, fibre albuginée, fibre musculaire et fibre nervale. Ces deux déterminations dominent toutes les vues générales de Bichat et toutes celles des histologistes modernes. Elles noustont paru d’une importance et d’une exactitude si fsrandes, que nous avons cru, depuis long-temps, devoir les prendre pour bases dans des recherches sur les affinités natu- relles des tissus simples de l'homme et des animaux. L'étude de tissus observés comparativement 1 dans leur état hygide s bide, etsur des monstres chez l’homme, 2 dans l'organisme des animaux vertébrés et des invertébrés, nous avait permis de les distribuer en quatre groupes principaux, désignés! sous les noms : 1° de tissus cellulaires ou muqueux de Bordeu , 2° de tissus scléreux correspondant en partie à la fibre albuginée de Chaussier , 3° de tissus saréeux ou charnus répondant à l’élé- ment musculaire, 4° et, enfin, de tissus nerveux. Le groupe des tissus cellulaires ou muqueux nous avait paru 58 MÉMOIRE RELATIF devoir être caractérisé par les divers degrés de condensation de la substance organique qui, d’abord, presque fluide à l’état nais- sant, offrait ensuite des modifications très-nombreuses en se solidifiant. Nous avions cru qu'il suffisait d'indiquer les trois modifications principales, depuis l’état aquoso-muqueux, jus- qu'à la condensation en membranes séreuses des vaisseaux, des viscères, et en membranes synoviales; et nous avions indiqué ces modifications à l’aide des termes scientifiques, analogues à ceux usités dans la nomenclature chimique. En procédant ainsi, le tissu cellulaire de l'intérieur des organes étant en général le moins dense, devait recevoir le nom de tissu hypo-muqueux , lorsqu'il était à l’état hydro-muqueux ; le tissu cellulaire exté- rieur et intermédiaire aux organes, offrant une densité supé- rieure à celle du précédent, et une spongiosité plus ou moins extensible, adipeuse ou séreuse, devait être appelé tissu proto- muqueux : et enfin, le tissu cellulaire condensé et laminé aux sur- facesdes cavités splanchniques,desarticulations mobiles et des or- ganes vasculaires, nousapparaissant comme unesorte de transition des tissus cellulaires ou muqueux à d’autres tissus qui passaient à la consistance dure, nous avaitsemblé mériter la dénomination de tissu seléro-muqueux, en raison de ce que le tissu membraneux se dispose en poches ou kystes normaux nous l’avions'aussi appelé tissu kysteux. Prenant ensuite en considération 1° ce fait si connu en z00- tomie que la membrane sclérotique est fibreuse , cartilagineuse ou‘osseuse, dans une étendue plus ou moins grande chez di animaux ; 2°les formations et les transformations pren à sous les noms de fibrifications, cartilaginifications et d'ossifi- cations normales ou anormales dontles tissus cellulaire et albu- giné de Chaussier sont évidemment le siége, nous crümesde- voir former un groupe des tissus fibreux, cartilagineux et os- seux, réunis sous le nom commun de tissus scléreux ou durs. Les anciens anatomistes nous avaient déjà mis sur la voie, en donnant à la membrane fibreuse des enveloppes du cerveau le "4 AUX TISSUS ANIMAUX. 29 nom de dure-mère, et l'on sait que dans quelques espèces ani- males, la tente du cervelet (chats) ou la faux du cerveau existe à l’état osseux. En procédant méthodiquement, chaque sorte de tissu scléreux devait être dénommé d'après son degré de du- reté. Nous crûmes donc qu'il y aurait utilité à nommer tissu hypo-scléreux le tissu fibreux, tissu proto-scléreux le tissu cartilagineux et tissu deuto-scléreux le tissu osseux. Nous avions réuni d'abord les tissus élastiques aux tissus charnus ou sar- ceux dont ils formaient l’une des modifications principales, et, conduit par l’analogie, nous avions formé théoriquement trois modifications principales des tissus nerveux. Des observations plus exactes nous ont obligé de modifier les premiers résultats de nos recherches en histologie générale, : Nous avions eu soin de ne pas confondre le tissu fibreux jaune avec le tissu fibreux blanc, et nous le considérions comme inter- médiaire aux uissus scléreux et au tissu charnu ou sarceux ; c’est pourquoi nous proposames de lui donner le nom detissu scléro sarceux, C'est-à-dire, participant de la nature des tissus durs ou scléreux , et de celle des tissus charnus ou musculaires. Nous croyions alors que dans le cas où la soudure des lames des vertèbres entre elles dans la vieillesse , serait le résultat de l'ossification des ligaments jaunes, céqui n’est pas démontré, on devrait admettre une sorte de tissu jaune ou élastique qui s'ossifierait naturellement et normalement. Le professeur Lobstein avait publié, dans le Journal universel des sciences médicales , \es résultats de ses observations sur le deyie la matrice qu'il regardait comme analogue ou semblable au tissu jaune de la tunique moyenne des artères chez les jeunes filles vierges. Mais le tissu de l'utérus estévidemment musculaire pen- dant la gestation, et cette organisation était indispensable pour le mécanisme de l'accouchement. Il s’opérerait donc, si la détermi- nation de la nature élastique du tissu de l'utérus chez les jeunes filles vierges est exacte, il s’'opérerait , dis-je, une véritable transformation normale d’un tissu jaune et élastique en tissu musculaire. Nous n'oSons point affirmer que cette transforma- } 60 MÉMOIRE RELATIF tion est possible, mais nous n'avons point l'occasion de recueillir les faits qui doivent la mettre en évidence ou l’infirmer , et, d’après Lobstein, il faudrait établir une deuxième sorte de tissu - élastique qui se carnifierait naturellement et normalement. Il existerait une troisième modification du même tissu qui persiste ‘toujours dans sa texture originelle et ne subit jamais ni Ja transformation osseuse ni latransformation charnue ou sarceuse. N'ayant pu nous procurer des utérus desujets de divers âges, sur lesquels il faudra vérifier les assertions de Lobstein, nous ne pouvons rien affirmer aujourd’hui sur ce point; mais nous sommes éloigné de croire à cette transformation du tissu élasti- que en tissu musculaire; et il serait possible qu’il y ait eu illusion dans les observations de Lobstein , parce qu’en général, les transformations normales des tissus se font de l’état moins con- sistant à une solidité plus grande. Nous croyons encore qu'on aurait tort de regarder prématurément la soudure des lames vertébrales comme le résultat de l'ossification des ligaments jaunes. Cette soudure peut avoir lieu par l'extension de l'ossificationdes lames qui, en se rapprochant, compriment , atrophient le tissu jaune inter-vertébral et le font disparaitre complètement, de même que la pression continue et la percus- sion par les pulsations d’un anévrisme atrophient les tissus os- seux environnants, et en déterminent l'absorption complète. Ayant eu l’occasion d'observer fréquemment les prétendues ossifications des artères, ayanteu la précaution de faire macérer pen ant plusieurs mois des artères dites ossifiées et de les exa- minér avec soin à la loupe, nous avons acquis la certitude que le üssu jaune des artères ne s’ossifiait point dans ces cas sous l'in- fluence du grand âge, et les prétendues ossifications de ces vais- seaux nous ont paru n'être rien autre chose que des concrétions ossiformes ou des dépôts de matières terreuses entre la tunique interne et la tunique moyenne. Mais il parait que dans certains cas, les fibres jaunes de la tu- nique moyenne des artères acquièrent réellement une dureté AUX TISSUS ANIMAUX. 61 “éburnée ou pierreuse, sans prendre en aucune manière le ca- ractère de tissu osseux normal, et c’est ce que nous avons eu l’occasion d'observer tout récemment sur des fragments d’une aorte ossifiée qui nous ont été donnés par notre confrère , M. Thomson. Il sera nécessaire, au reste, de déterminer la nature chimique et plusexactement les formes ou les apparences diverses sousles- quelles se montrent les fausses ossifications du tissu jaune qu’on rencontre aussi quelquefois dans l'épaisseur du ligament cer- vical des vieux chevaux et des vieux animaux ruminants. Les deux formes principales sous lesquelles on observe ces fausses ossifications qu’on rencontre fréquemment sur les sujets d'un âge très-avancé sont: 1° l'aspect crétacé outerreux ; et 20le facies mat ou poli d’un corps dur comme l'ivoire ou un caillou. Mais on sait que les tissus osseux sont aussi, dans les maladies, envahis par des substances qui altèrent, étouffent leurtexture et les font passer à l’état crétacé, ou éburné, ou pétré. On concoit donc la nécessité de mettre plus deprécision etlde netteté dans le langage qui doit exprimer en anatomie Pau gique les divers degrés ou formes d’induration , de ramollisse- ment et d'envahissement par des substances de diverse nature que subissent les tisus organiques des animaux, et il faudra recueillir les résultats de l'observation comparative de l'engor- gement stéatomateux des artères et dela transformation grais- seuse des muscles, et ceux de la comparaison des fausses ossifi- catiôns des tissus jaunes élastiques avec celles des tissus mus- culaires , en ayänt bien soin de ne pas confondre les fibres tendineuses avec les fibres charnues molles. Les faits sur lesquels devrait être établie la distinction des tissus jaunes en ceux qui seraient normalement les uns ossifia- bles , les autres carnifiables manquent donc à la science , et il est probable au contraire que dans toute la série des organismes animaux où l’on observe ce tissu bien caractérisé, il persiste toute la vie dans sa texture originelle. Il est donc possible que ‘# 62 MÉMOIRE RELATIF les affinités des tissus jaunes avec d’autres tissus aient été exagé- rées, et ilconvient de donner sur ce point une appréciation plus exacte de ses caractères anatomiques et physiologiques. Parmi ces caractères, celui qui au premier abord s'offre à l'observation la moins attentive est sans contredit la couleur très-prononcée de ce tissu dans les animaux supérieurs, couleur qui tranche nettement sur celle des tissus plus ou moins blan- châtres appartenant à l’élément fondamental de Haller et aux fibres cellulaires et albuginées de Chaussier. Aussi les histolo- gistes qui l'ont distinguée des autres solides vivants lui ont-ils donné le nom de tissu jaune. Mais la couleur rouge des mus- cles sert aussi à différencier leur tissu charnu et à le distin- guer des aatres tissus simples , et cependant on s’est bien gardé de leur imposer le‘nom de tissu rouge, puisque la fibre char- nue offre toutes les nuances de coloration depuis la transpa- rence la plus limpide (tissu charnu des Méduses) jusqu’à la blan- cheur plus ou moins translucide ou opaque et depuis la teinte ro- sée plus ou moins grisâtre jusqu’au rouge le plus intense et le + plus noirâtre. On sait au reste maintenant en histologie que la couleur n’est point un caractère valable pour différencier d’une manière exacte les diverses sortes de solides vivants À texture simple composée ou complexe. L'observation de toutes les diversités de couleur qu'on peut constater dans une même es- pèce de tissu examiné comparativement dans toute à série du règne animal fournit à ce sujet des faits très-nombreux assez généralement connus. Nous n’en indiquerons ici qu'unseul trés-saillant et devant être mis ici en relief à cause de sa singu- larité et de sa rareté au milieu de tous les faits du même ordre. Cette particularité fort remarquable est la couleur verdätredu tissu osseux d’une espèce de poisson (orphie), et cette couleur exis- te naturellement dans l’état normal. Par ce fait seul et par beau- coup d’autres du même genre, on reconnait facilement que Jes dénominations de tissus blancs ou albuginés , de tissus jau- neset de tissus rouges, etc., etc., doivent être abandonnées. AUX TISSUS ANIMAUX. 63 # Un autre caractère physique du tissu jaune se pot en première ligne. C'est son genre d’élasticité comparée avec beaucoup de raison à l’élasticité du caout-chouc, d’où sa déno- mination de tissu élastique. Mais l’élasticité existant à divers degrés et sous divers modes dans un très-grand nombre de solides tissus ou non tissus, il a fallu et il faut encore réunir les deux épithètes jaune et élastique pour caractériser avec exactitude le tissu que nous examinons en ce moment. La science n'a pu mieux faire jusqu’à présent, et malgré les re- cherches faites dans ces derniers temps sur ce tissu, on n’est point parvenu à lui assigner le rang auquel son rôle physiologi- d° prescrit de le placer. Les caractères anatomiques et physiologiques des organes à texture jaune élastique ont été bien étudiés et bien définis dans les traités modernes d’histologie. Mais les données four- niesipar la chimie animale sur la substance organique caracté- ristique de ce tissu sont encore si incomplètes qu’on peut sans inconvénient les passer sous silence. Il y aura même opportu- fité et convenance parfaite à considérer les éléments chimiques . ou Fe 30728 imnédiil du tissu jaune élastique comme une .s nce' sui generis produit tioulier de l'élaboration nu- tritive qui fabrique pour ainsi dire toutes les substances des tissus vivants, et tous les autres solides sans texture. Nous sa- vonsiau reste que lichimi® animglege peut, du moins dans l'état ue de la science avoir la prétention de déterminer “exacte A iverses sortes de combinaisons des élé- ments matériels qui consgtuent les produits deWaction vitale; à et Bichat a fort judicieusement établi que les chimistes ne peuvent agir dans l'analyse des tissus ou solidessvivants’, qu'a- près que ces tissus ont été pre à l’état cadavérique, ce qui ne permet point d'avoir une fofentière aux résultats de leurs travaux, sAux divers caractères physiques, chimiques et anatomiques du tissu jaune élastique se rattachent naturellement ses usages 64 MÉMOIRE RELATIF . " ou 1e rôle physiologique dont il est chargé dans les divers points de l'organisme. Or si l'appréciation des fonctions des divers organes et appareils tend à devenir de plus en plus exacte au fur et à me- sure que nous connaissons mieux en eux les usages ou les agen- ces des tissus qui entrent dans leur composition, nous reconnais- sons ainsi l'utilité de rechercher et de déterminer la véritable * finalité de l'emploi du tissu jaune élastique considéré dans ses affinités avec les autres tissus essentiellement moteurs. Quel est donc le degré d’importance du rôle physiologique du tissu jaune élastique, dont lanature chimique nous est très- imparfaitement connue ? Quoique l'usage des diverses parties douées de ce genre d’élasticité soit réellement très-facile à déter- miner, les physiologistes nous paraissent n'avoir pas suflisam- ment insisté sur ce sujet. Il faut en convenir tout de suite, la finalité, physiologique du tissu jaune élastique n’est point du premier ordre ; ses usages sont subordonnés son importance dans l’organisme estsecondaire,et c’est à nos yeux ce degré d'im- portance moindre qui est la cause du peu d’attention que les histologistes jui ont donnée.Oublié en quelque sorte danspresq touteslles systématisations et classifications des‘tissus org niques des animaux, presque toujour$Seon fondu avec les tissus ligar en- teux ou fibreux blancs dont äl serait une simple modification , le tissu jaune élastique nous semble , d'après un fait anato- mique qu'il convient de .signaler ici, devoir être placé en histologie € rang d'ordre voulu par la nature, de ses fonc- tions. Dans nos premières recherches nous’avions bienreconnu® avec d'autres physiologistes que’les corps jaunes” élastiques des diverses parties des animaux ne se présentaient pas toujours, soit commeédesdigaments inter-osseux, soit comme des tuniques artérielles oa des ventrières abdominales, et que dans quelques cas ces corpsljaunes élastiques remplacaient évidemment des corps charnus et contractiles rouges ou blancs qui sonfdes or- ganes musculaires. Nous nous'étions alors bornés à constaterice fait physiologique, et nous avions négligé les inductions anato- AUX TISSUS ANIMAUX. 65 miques qui en découlent naturellement. Ces inductions nous ont poussé à examiner si, dans les implantations des corps jaunes élastiques sur les os , le tissu de ces corps s’identifiait avec celui des os en pénétrant plus ou moins dans leurs interstices et en sc perdant insensiblement entre leurs lames. Nous examinions alors le corps élastique du bord antérieur de l'aile d’un aigle et nous reconnümes que Ce corps, qui se présentait sous la forme d'un ventre musculaire unique, se terminait à chacune de ses deux extrémités l’une en dehors, l’autre en dedans, par un ten- don tout-à-fait semblable à ceux des muscles composés d’un, de deux ou de plusieurs ventres charnus (1). M. Thomson, qui de son côté faisait en 1835 de semblables recherches sur d’autres corps jaunes élastiques eten communiquait les résultats à l’Académie des Sciences de Paris, a aussi constaté que les li- gaments jaunes des vertèbres et les ventrières abdominales sont également terminés à leur insertion sur les os par des fibres tendinetses inextensibles. Il a bien voulu nous montrer ses pré- parations et nous avons de plus étudié ensemble les ligaments élastiques de la colonne vertébrale du Chacal, de la Chèvre du Népaul et les ligaments inter-épineux dorsaux chez l'homme. MM. Thomson et Velpeau assurent aussi avoir vu plusieurs fois que ces ligaments inter-épineux de l’homme, ordinairement blancs etinextensibles, étaient jaunes, élastiques, et si l’on a égard à ce que ces ligaments inter-épineux sont représentés au cou par des muscles, on reconnait ainsi la combinaison des tissus cotractiles avec les tissus jaunes et rétractiles pour effectuer les mouvements des diverses régions de la colonne vertébrale dont la solidité est due à des tissus plus ou moins durs. Ces faits con- (1) Nous avons fait cette première remarque dans le courant du printemps de 1834, et c'est après nous être convaincu, pendant l'année 1834 et 1835, que cette même structure existait dans l'aile d'un très-grand nombre d'oi- seaux, que nous avons considéré ce fait comme positif et susceptible d’être introduit dans la science. Nous reconnaissons que notre remarque n’est qu'une simple confirmation d'un fait déjà observé par Meckel et Lauth fils. Tom. I. 5 66 MÉMOIRE BELATIF firment le rapprochement des tissus musculaires et contractiles avec les tissus jaunes élastiques , ou rétractiles, que nous avons déjà proposé ( Annal. de Médec. physiol. décembre 1826 ). Mais en ayant égard au fait d’un corps jaune élastique qui se présente sous la forme d’un ventre charnu terminé par deux tendons, on est naturellement induit à rapprocher ces organes élastiques qui sont rétractiles de ceux connus sous le nom de muscles , qui sont très-peu élastiques et très-contractiles. Ainsi sous le double point de vue de leurs caractères arctomi- ques et physiologiques, on pourrait former sous le nom de tissus charnus ou tractiles, un genre qui comprendrait le tissu de la chair molle peu élastique plus ou moins contractile et fatigable, et le tissu de la chair dense, très-élastique, plus ou moins rétrac- tile et infatigable. Il est nécessaire en caractérisant ces tissus de bien faire ressortir leurs différences antithétiques coexistant avec les affinités de texture et d’usages qui servent à les grouper na- turellement. On voit donc que l'harmonie d'action exige des contrastes. Si nous rapprochons maintenant les faits physiologiques qui nous autorisent à proposer en histologie l'institution d’un genre de tissus tractiles ou moteurs, des vues générales introduites dans la science par Bordeu, Haller et Chaussier, nous serons na- turellement induit à admettre un seul tissu primordial déjà ca- ractérisé par Bordeu sous le nom impropre de tissu muqueux. C'est de ce tissu primordial et formateur que sortent tous les autres tissus vivants de l'organisme animal, les uns simples, les autres composés et les troisièmes complexes. Les anciens anatomistes avaient distingué les solides vivants ou les tissus en similaires ou simples et en dissimilaires ou com- posés et constitués par des éléments dissemblables. Nous avions nous-même adopté comme base de classification cette distinc- tion en tissus simples ou monohistes, en tissus composés ou po- lyhistes, et par suite en tissus surcomposés ou complexes ou per- pob'histes. Mais nous ayons reconnu ensuite qu'un même tissu AUX TISSUS ANIMAUX. 67 organique , tels que le tissu des organes vasculaires , celui des organes tégumentaires, etc., peut présenter les trois degrés de texture d’après lesquels il serait simple , composé , ou complexe soit dans les divers points d’un même organisme, soit dans les diverses espèces de la série animale, selon les modifications de ses usages physiologiques. Nous croyons donc qu’il y a conve- nance de revenir aux distinctions fondées par Bichat dans son Anatomie générale, tout en y apportant les changements exigés par le progrès de la science à notre époque. Ce tissu primordial ou muqueux de Bordeu doit étre consi- déré comme la gangue organique qui se transforme elle-même surdivers points déterminés en une foule de tissus vivants qui de bonne heure reçoivent ie complément de la texture voulue pour le genre de fonctionnement physiologique auquel ils sont desti- nés. Le tissu primordial peut être appelé tissu rudimentaire et les tissus qui luisuccèdent dans despoints déterminés pourraient, en raison de ce qu'ils forment le complément de l’organisation animale, être caractérisés sous le nom de tissus complé- mentaires , pour les distinguer des autres tissus qui, entrant comme éléments, dans leur composition, ont été appelés avec raison tissus élémentaires. Nous verrons bientôt comment les travaux de Bichat et ceux des Zootomistes modernes, nous ont mis sur la voie d'apprécier le rôle physiologique de tous les tissus complémentaires. Pour le moment, nous devons faire remarquer que les tissus moteurs où tractiles, soit contractiles soit rétractiles, réunis en un seul genre, sont des tissus élémentaires et qu'à ce titre ils doivent être rapprochés: 1° des tissus sustenteurs ou tectiles cons- titués par l'élément fondamental de Haller, qui forme le tissu plastique, vulgairement cellulaire et le tissu albuginé ou ce- lui de toutes les parties dures, fibreuses, cartilagineuses et osseu- ses; et »° des tissus sensibles formés par la pulpe moelleuse ou par la pulpe nerveuse. Avec ces données d'une observation plus sévère et plus exacte, 68 MÉMOIRE RELATIF nous sommes en mesure de proposer les modifications, qu’il convient d'apporter aux déterminations de Haller et de Chaus- sier qui ont servi avec raison de point de départ dans les études histologiques. Ces modifications doivent avoir pour but de se rapprocher de plus en plus de la vérité. Elles nous mettent sur la voie d’une nouvelle classification de tous les tissus de l'organisme vivant. Nous devons nous borner à l’exposer ici très-succincte- ment pour arriver à ce qui a trait aux tissus élémentaires. Le premier tissu ou solide vivant est la membrane du blasto- derme au centre de laquelle se développe l'embryon. C'est le tissu primaire où primordial qu'on pourrait appeler blasto-der- mique ( de blastos germe ) ou mieux Tissu blasteux. Ce nom est préférable à celui de tissu muqueux. Ce tissu est la gangue organique dans laquelle se forment tous les autres solides vi- vants, similaires oudissimilaires, c’est-à-dire, simples, composés etcomplexes. Parmi ces solides, les uns forment la trame vi- vificatrice de tout l'organisme. Nous les désignons sous le nom commun de Tissus tramulaires. Ce groupe renferme les tissus des trames cellulaire, vasculaire et névrulaire quise subdivisent encore en tissus simples, composés ou complexes. Les détails de cette subdivision nous entraineraient trop loin. Les autres cons- tituent les strates ou les couches diverses vivifiées par les tissus précédents. Nous les appelons Tissus stratulaires ; à ce groupe se rapportent les tissus ossulaires , musculaires et ana taires externes et internes ou viscéraux. Les subdivisions nat relles de ces trois genres de tissus, disposés en strates, ne doi- vent point nous arrêter ici. Enfin, un troisième grand groupe de solides vivants, disposés en amas ou agglomérations d’élé- ments anatomiques, mérite le nom de Zssus glomérulaires. Ce groupe de tissus très-nombreux se subdivise naturellement en trois genres, savoir : les agglomérations d'éléments anato- miques, connus sous le nom 1° de bulbes, 2° de follicules et 3°de vésicules ovulifères, d'ou les distinctions 1° de tissus bulbulai- AUX TISSUS ANIMAUX. 69 res, 2° tissus folliculaires où glandulaires ; et 3° de tissus ovai- res ou ovulaires. L'analyse des principaux grou pes des espèces de tissus dérivés 1 du premier solide vivant ou tissu blasto-dermique, à l'aide des données scientifiques acquises de nos jours, nous permet de réduire les éléments organiques tissulaires à trois principaux groupes, chacun, subdivisible ainsi qu'il suit : Tissus ELÉMENTAIRES. 1e GROUPE. Tissus de glu animale , ou Tissus gluteux. Ce nom nous paraît préférable à la dénomination de Bordeu, tissu mu- queux, parce qu’il fait ressortir la différence entre la consistance de glu des solides et la consistance muqueuse des fluides. 1 Genre. Tissus de glu persistant à l’état plastique ou Tissus plasteux. à 2e Genre. Tissus de glu endurcie , ou Tissus scléreux. 92e GROUPE. Tissu de chair animale, où Tissu charneux. 1° Genre. Tissu de chair molle, ou Tissus sarceur. 2 Genre. Tissu de chair dense, ou Tissus pycneux. Nous proposons cette dénomination (de ruxpùs dense) pour mieux caractériser le tissu jaune élastique et pour le reconnaître d’après sa consistance de chair dense. 3° GROUPE. Tissus de pulpe animale, ou Tissus pulpeux. 4er Genre. Tissus de pulpe moelleuse, ou Tisus moëlleux. 2e Genre. Tissus de pulpe nerveuse ou Tissus nerveux. Ainsi, chaque genre de tissu élémentaire renferme un tissu à un degré moindre, l’autre, à un degré plus élevé de l'espèce de consistance propre au genre. < Un seul caractère, la consistance, sert donc de base à toutes les dénominations des solides ou tissus élémentaires dont les formes variables et les combinaisons en proportions diverses constituent tous les tissus composés ou complexes , classés d’a- près leur disposition générale et harmonique dans tous les points de l'organisme. En admettant théoriquement pour chacun de ces six genres 70 MÉMOIRE RELATIF de tissus élémentaires ; trois modifications principales ou trois principaux degrés de consistance, signifiés par les termes scien- tifiques, sub, mi, et sur, où hypo,, proto et deuto, on se pro- cure l'avantage de fixer par une nomenclature rationnelle les faits bien constatés et ayant acquis une véritable sanction scien- tifique. Il ne suffit point d’avoir acquis les vérités , il faut les retenir, et Linnée nous la dit : les choses périssent sans les noms. Nous terminerons ces considérations très-rapices sur l’un des points les plus importants de l’anatomie générale, en faisant re- marquer l'indispensable nécessité d'appliquer à l'étude des tissus animaux et végétaux, une manière nouvelle d'envisager les parties solides de l'organisme vivant que nous avons proposée depuis dix ans. Cette manière consiste à distinguer les solides 1 en ceux qui ont une texture plus ou moins évidente et qui sont en mêmetemps plus ou moins vivants: et 2° en solides qui, n'étant plus composés d'éléments tissulaires jouissant de la vie, doivent être séparés des premiers. Il convient de joïndre à cette première considération de l’état tissulaire ou non tissulaire des solides, le passage de l'un de ces états à l’autre. La science qui traite des tissus des corps organisés étant appelée Æisto- logie, nous avions nommé les tissus, solides histes, et les non tissus, solides anhistes. Ces derniers solides avaient été rappro- chés par nous des humeurs dans lesquelles on ne peut admettre aucun arrangement tissulaire avant leur concrétion ou solidifi- cation vitale. Le point de vue où nous nous sommes placé , nous a con- duit à rejeter parmi les solides sans texture vivante oules solides anhistes, 1° lesprétendus tissus cornés ou plutôt la substance cornée qui prend dans le règne animal des formes d’épithélium ’épiderme, de poils, de plumes, de piquants, d’écailles, de becs, d'ongles , de griffes, de sabots, de fanons, de cornes pleines ow creuses, etc. ; 2° les prétendus tissus dentaires ou mieux la subs- tance calcaire qui revêt les formes de dents, de dards, de piquants AUX TISSUS ANIMAUX. 71 ou aiguillons, dedéfenses, de plaques, de croûtes, de coquilles,de test, de polipier, etc., etc. , de pierres ou concrétions auditives, nommées otolithes et otocontes par M. Breschet. Il est facile de reconnaître la correspondancedes substances cornées et calcaires des animaux, caractérisées comme solides, dures et anhistes,avec les tissus durs et vivants appelés par nous tissus scléreux. Mais, dans cette correspondance, nous tenons plus à faire ressortir les différences et les antithèses que les analogies. Il existe aussi dans l’intérieur de l'organisme des animaux et des végétaux des solides très-durs qui sont pétrés ou éburnés. Suivant les histologistes du règne végétal, l’'épiderme lisse ou subéreux des végétaux serait un tissu cellulaire d’abord vivant et devenu anhiste et mort. En anatomie hygiologique ou pathologique, on constate sans cesse que les tissus fibreux, cartilagineux, osseux en se conden- sant, sous diverses influences, deviennent de vraies parties sans texture appréciable. Certains cartilages diarthrodiaux ne sont autre chose qu’une espèce d’épiderme chondreux. Enfin , les éburnisations et les pétrifications des tissus osseux exostosés ou enostosés sont si gé- néralement connues, qu'il suffit ici de les indiquer. Une subs- tance anhiste, très-élastique, d'apparence cornée, forme le liga- ment placé près de la charnière des coquilles bivalves , et agit comme un antagoniste du muscle qui rapproche les valves. La chimie ne nous a point encore appris si la nature organique de cette substance cornée élastique des coquilles, a quelque ana- logie avec celle des tissus jaunes élastiques des animaux supé- rieurs. Trouvera-t-on parmi les substances anhistes des produits qui puissent correspondre aux substances tissulaires des solides vivants appelés tissus musculaires et tissus pulpeux, soit de la moelle, soit des nerfs ? On sait que les tissus de plusieurs coquilles se présentent sous la forme de filaments tendineux, attachés d’une part à un 72 MÉMOIRE RELATIF muscle et de l’aûtre au corps extérieur ; 2° que les Mollusques bivalves changent leur muscle de place en croissant ; et les anatomo-pathologistes ont désigné l’une des matières, appelées tissus morbides hétérologues sous lenom de matière cérébrifor- me. Des observations dirigées sous les points de vue chimique et histologique sont encore nécessaires pour décider la question d’une correspondance réelle entre les six genres de tissus élé- mentaires etsix autres genres de substances anhistes observa- bles dans la série animale et dans la série des transformations nombreuses que l’âge et les maladies déterminent dans les par- ties solides des corps organisés. Avant que ces observations , faites avec une grande exactitude, aient été recueillies, il serait imprudent d'établir des vues généralessur ce sujet. Nous devons nous contenter pour le moment des résultats obtenus par les médecins praticiens qui ont formulé tous ces changements mor- bides des tissus en les désignant sous les noms d’endurcisse- ments ou fausses ossifications , de ramollissements ou fausses carnifications et d’engraissement ou transformations graisseuses des tissus. Il faut, en parcourant les anciens traités de pathologie et les traités d'anatomie pathologique des modernes, étudier compara- tivement et avec soin la nomenclature des matières qui forment les tumeurs ou les lésions organiques chroniques, et l'on arrive à ce résultat important qu’il fautnécessairement venir se placer de nouveau au point de vue des médecins humoristes , si l’on veut bien apprécier toutes les formations et transformations de la ma- tière organique animale ou végétale. L'importance de cette étude comparative nous paraît si grande et d’une si impérieuse nécessité pour les progrès de la physiologie et de la pathologie , que nous avons été conduit à diviser l’anatomie générale en trois grands départements; savoir : l'anatomie des régions ou to- pographique ; l'anatomie descriptive des organes ou organogra- phique et l'anatomie de contexture qui, dans notre manière de AUX TISSUS ANIMAUX. 7 voir, embrasse lestissus, les sangs ou fluides vasculaires et les exhèmes ou tous les matériaux émanés du sang. Aux deuxsortes d'anatomie topographique etorganographique déjà établies par nos devanciers et nos contemporains, nous pro- posons d'ajouter l'anatomie de contexture qui, étudiant la com- position matérielle ou la crase de toutes nos parties, abstraction faite des vues de régions et d’organes,embrasse à-la-fois les tissus, les fluides vasculaires ou sangs et les humeurs qui en émanent ou exhèmes. Cette troisième espèce d'anatomie dite de contexture et non simplement de texture, nous parait mériter le nom d'anatomie crasiographique. L’anatomie générale telle que nous la concevons , comprend donc la topographie, l'organographie et la crasiographie du corps humain et de l’organisme des animaux et des végétaux. Dans notre manière de voir l'anatomie générale d’une seule espèce, ou de toute la série des corps organisés doit embrasser les trois points de vue appelés topographique, organographique et crasiographique. Et l'organisme vivant, ainsi envisagé suc- cessivement, doit être étudié dans les états sain ou hygiolo- gique, maladifou pathologique , et anomal ou monstrueux ou . tératologique. S'il est facile d'imaginer un champ d’études aussi difciles et aussi vastes, il est évidemment impossible matériel- lëment et moralementà un seul homme de l'exploiter avec fruit sur tous les points, à moins que les procédés de l'art d'étudier et de travailler manuellement ne soient perfectionnés en raison de la difficulté des sujets pour venir suppléer à la faiblesse de notre esprit et à l'imperfection de nos travaux manuels en ana- tomie. Je me propose plus tard de présenter quelques réflexions sur un sujetaussi grave et aussi difficile. 74 INSTITUTIONS. L'examen des institutions universitaires ét extra-universitaires dans lesquelles les sciences anatomiques et physiologiques sont ensei— gnées, tous les établissements ouverts pour l'étude théorique ou pra- tique de ces sciences, les divers genres d'industrie même auxquelles ces sciences donnent lieu, sont un sujet digne non-seulement de l’at- tention des médecins et des naturalistes, mais encore de celle des per- sonnes qui cultivent les autres sciences, les lettres et l’industrie. Nous aurons à examiner le rang que l'anatomie et la physiologie occupent dans les Facultés de Médecine, dans celles des sciences , et dans les instituts extra-universitaires. Nous devons pour le mo- ment nous borner à appeler l'attention de nos lecteurs sur les prin- cipes qui ont présidé à l'institution des diverses espèces d'anatomie et de physiologie dans les diverses écoles. Or, dans une Faculté de médecine de l’homme, ces deux sciences ont pour but la connais- sance du corps humain appliqué à la pathologie et à la thérapeu- tique de l'espèce humaine. Dans les écoles vétérinaires , l'anatomie et la physiologie des animaux domestiques est encore une science qui doit étre appliquée à la connaissance des maladies et dela guérison d’un certain nombre d’espèces animales. Dans les écoles d'histoire naturelle , l’anatomie etla physiologie soit des animaux, soit des vé- gétaux , semblent avoir pour but les classifications du! règne animal et du règne végétal et tout ce qui a trait aux mœurs, aux stations et à la géographie , à la culture ou à la domestication des espèces de ces deux règnes. Ainsi, dans les trois sortes d'institutions que nous ve- nons d'indiquer , les sciences anatomiques ont principalement pour but de prêter immédiatement leurs lumières à la médecine ou à l’his- toire naturelle, C’est dans les Facultés universitaires des sciences proprement dites et dans d’autres institutions extra-universitaires que l’anatomie et la physiologie peuvent étre enseignées sous le point de vue le plus général. Dans cette manière d'envisager ces deux sciences, la tendance de l'esprit humain est de partir du point de vue de l’observation la plus générale et la plus sévère , de s'élever aux conceptions philo- 75 sophiques les plus positives et à cet effet de vérifier constamment les résultats de l'observation et ceux de la méditation. D’après ce simple aperçu on reconnaît facilement que l'anatomie et la physiologie prennent rang dans les institutions soit comme sciences spéciales et appliquées , soit comme sciences générales, abs- traction faite de leur application d’abord , et considérées ensuite dans utilité de toutes leurs applications à Ha médecine, à l’histoire natu- relle, à l’industrie, aux beaux-arts et à la philosophie générale, Tels sont les principes qui ont présidé aux institutions des chaires d'anatomie et de physiologie. Nous examinerons dans une série d'articles , les diverses doctrines de ces sciences professées de nos jours , en signalant les principes , les méthodes et les résultats du mode d’enseignement suivi par les professeurs et les résultats de la manière d'étudier des élèves. L. NOUVELLES SCIENTIFIQUES. RÉPERTOIRE DE FAITS. Entrecroisement. M. le Docteur Thomson, poursuivant toujours ses recherches sur l'anatomie des régions inguinale, crurale et pérméale de l’homme et de quelques mammifères, confirme chaque jour par des faits nouveaux la disposition de l’entrecroisement des fibres tendineuses ou aponévrotiques, et des fibres musculaires sur les lignes médianes , ventrale et dorsale. Il vient de constater dernière- ment que les filets de terminaison des branches nerveuses d’une moitié latérale du corps de l’homme, s’entrecroisent aussi manifestement avec les filets semblables de l’autre moitié. Cet entre croisement des bran- ches nerveuses a été observé au périnée et à la face. Ces faits doivent nécessairement fixer l'attention des médecins, pour les guider dans l'interprétation des phénomènes physiologiques et pathologiques, d’après lesquels on a cru jusqu’à ce jour pouvoir admettre des raphés en anatomie et des limites sur les lignes médianes, pour expliquer l'isolement des fonctions du côté droit et du côté gauche du corps de l’homme, dés vertébrés et de tous les animaux pairs et symétriques. Argonaute argo (1.) Madame Jeannette Power ayant observé que ce mollusque reproduisait les fragments de la coquille où il est renfermé, en a conclu que cette coquille était vraiment celle qui appartient à cet animal, contradictoirement à l’opinion émise par M. de Blainville sur ce sujet. Cette dame a vu aussi que les petits animaux de cette espèce 76 de Mollusques céphalopodes encore dans l'œuf, et même au moment de l’éclosion, n’ont point encore de coquille, et que ce n’est que quelque temps après la sortie de l’œuf que ces animaux se montrent recouverts de coquilles, à divers âges , qui sesont developpées, dit-elle, sous ses yeux. Ces observations rectifieraient l'erreur de Poli, qui avait cru voir les petits mollusques avecleur coquille, lorsqu'ils étaient encore dans l’œuf. Au reste, ces faits ne sont qu’indiqués dans une petite brochure ayant pour titre : Ragguaglio delle osservazioni ed esperiense sullo argonauta argo (L), da madama Jannette Power del Professore Maravigna. Ce mémoire nous a paru contenir des assertions et non les détails nécessaires pour infirmer où confirmer les opinions émises sur ce point encore litigieux. Observations physiologiques sur les limaces. Le limax cinereus, en outre de la coloration qui le différencie , du limax flavus (limace blonde des caves), s’en distingue encore par les caractères suivants , d’après les observations physiologiques faites par M. Laurent. Le limax cinereus pond 70 à 80 œufs ronds, transparents, et non en chapelet. Le jeune animal au moment de l’éclosion, offre déjà deux bandes noires distinctes , tandis que le limax flavus, dont la couleur est d’un jaune verdâtre sans bandes, ne pond qu’une trentaine d'œufs ovales plus grands et en chapelet, c’est-à-dire, réunis par un filament mucoso corné. Le limax cinereus est très-carnivore, et attaque les limax agrestis , et les espèces de limaces plus petites, ce que ne fait point la limace des caves, si ce n’est lorsqu'elle est affamée. Des observations et des dissections nombreuses faites sur les em- bryons de la Limace jaune ou des caves, de la L. grise ou cinereus, de la L. agrestis et de la L. rouge faites en 1855 et 1836, ont permis à M. Laurent de constater : 10 que la vésicule pourvue d’un pédieule (V. compte rendu des séances de l’Académie des Sciences de Paris, 19 octobre 1855), aboutit au canal intestinal et qu’elle doit étre re- gardée comme la vésicule ombilicale. 20 Que la rame caudale del’em- bryon des limaces rouges, ou Arions rufus est très longue et trèsétroite, tandis que le même organe est très large dans la limace jaune et plus tourte et moins large dans les L. grise et agrestis. 77 D'après un certain nombre de faits, le même observateur est porté à croire que les individus des espèces L. agrestis et Arion rufus, à qui un seul accouplement suffit pour plusieurs pontes , meurent épuisés en quelque sorte par cette grande activité des fonctions génératrices, ce qui n’a point lieu pour les individus des espèces L. jaune et L. grise. En se livrant à ces recherches embryologiques et ovologiques , M. Laurent a recueilli un certain nombre de faits relatifs à la mons- truosité que nous ferons connaître dans nos prochains numéros. Influence des métamorphoses sur le nombre des yeux. L'étude des yeux chez les animaux inférieurs peut fournir à la théorie générale des appareils sensoriaux des données importantes ; aussi les étudie-t-on chaque jour avec plus de soin. M. Ebrenberg a considéré comme étant des yeux les organes placés à l’extrémité des rayons des astéries ou étoiles de mer, qui avaient déjà été étudiés par différents observateurs. M. Ebrenberg a également fait connaître une annélide de la classe des chétopodes, qu'il appelle amplicora, et chez laquelle il existe, dit-il, des yeux sur l'extrémité postérieure aussi bien que sur l’antérieure. On sait que chez les annélides les points oculaires que M. de Blainville appelle pseudo-oculaires parce que leur véritable nature n’a pas encore été signalée, fournissent d’ex- cellents caractères pour la distinction des genres. Enfin nous ajoute- rons que M. Gervais a récemment constaté que chez divers ani- maux de la classe des Myriapodes, les changements apportés par l’âge portent non-seulement sur le nombre des pattes et sur celui des anneaux du corps ; mais encore sur les yeux qui sont bien moins nombreux chez les jeunes que chez les adultes. « Cristatelle. M. Gervais a adressé à l’Académie des Sciences, dans sa séance du 26 déc embre 1836 , une première notice de ses observations sur les œufs et l’animal de la Cristatelle. r M. Turpin , dans la séance suivante du 9 janvier 1837, a présenté le résultat de ses propres observations faites sur ces œufs et cet animal, d’après les individus qui lui avaient été donnés par M. Gervais. Attendu que tous les faits relatifs au développement des animaux in: férieurs doivent servir à l’histoire générale de l’ovologie et de l’em- bryologie animale, nous reviendrons sur ce sujet, lorsque M. Gervais 78 aura terminé le travail sur les œufs et l’animal de la Cnistatelle qu’il doit publier prochainement. Anatomie pathologique. M. Gluge a présenté à l’Institut ( Académie des Sciences), le 2 janvier 1837, un mémoire sous le titre suivant : recherches microscopiques sur le fluide contenu dans les cancers encé- phaloïdes. Nous rapportons ici textuellement le résultat de ses re- cherches : « Tous les tissus encéphaloïdes, quel que soit l'organe où » ils se développent, contiennent un liquide blanchâtre de la consis- tance du pus phlesmoneux. En l’examinant au microscope, on y » voit des corps globuleux en si grande quantité qu’on peut dire que » les trois quarts de ce liquide consistent dans ces globules. Pour les L2 »._ bien étudier, il faut les examiner avec un grossissement de trois cents » diamètres au moins. Ces corps n’ont pas tous un même volume; les » plus petits, plus gros queles globules du pus ont un diamètre environ » 0,008 de millimètre ; leur forme est loin d’être régulière, cependant » elle approche de la formesphérique.Ils présentent une surface inégale, » on y distingue des points et des lignes courbes noirâtres et des bords » pellucides, on en voit aussi dans la partie saine en apparence de » l'organe affecté, par exemple dans la partie des poumons encépha- » loïdes encore crépitante. Outre ces corps globuleux, les tissus encé- » phaloïdes contiennentquelquefois en assez grand nombre, des cristaux » très distincts , de formes et de grandeurs différentes dont quel- » ques-uns sont longs de 0,12 de millimètre; ils ne se forment peut- » être qu'après la mort. Ces cristallisations comme produits patholo- » giques sont plus fréquentes qu’on ne le pense ordinairement. J’ai » trouvé par exemple, que les concrétions articulaires dans la goutte, » contiennent dans une matière formée par l’exsudation , des cristaux » très nombreux dont le diamètre n’est pas le double de celui des glo- » bules du pus. » M. Gluge a joint à son mémoire une planche où sont figurés les globules et les cristaux des tissus encéphaloïdes. Anatomie végétale. M. C. Montagne vient de constater entre les lames de l’hymenium ; ou membrane fructifère du genre Agarie, ete. (V. comptes rendus des séances de l'Académie des Sciences, année 18357, n° 1 ), l'existence d’un tissu particulier dont la présence sous formes diverses ou l’absence lui ont paru susceptibles d'offrir de bons caractères pour le but essentiel de ses recherches qui était la subdivision 79 du genre Agarie, Ce tissu que l’auteurnomme interlamellaire ne fournit cependant aucun caractère important, tant qu’il est filamenteux ; mais lorsqu'il revêt la forme vésiculaire et globuleuse, il acquiert une grande valeur pour la classification, parce qu’alors il y a concordance de ces formes tissulaires avec le port et les formes extérieures. NOUVELLES RELATIVES AUX ARTS ANATOMIQUES. Pour faciliter les investigations dans les recherches anatomiques et physiologiques, nous enregistrerons tous les nouveaux procédés qui facilitent l'étude des corps organisés animaux et végétaux, et nous recevrons avec plaisir toutes les communications qui pourront nous être faites à ce sujet. Pour observer avec la plus grande facilité le mécanisme du déve- loppement des Mollusques, M. Laurent ne s’est point contenté de re- courir aux œufs transparents des Limaces , il est encore parvenu à rendre tels les œufs calcaires des Arions et des Hélices, par deux procédés. Le premier consiste à enlever, au moyen de l’eau acidulée avec quelques gouttes d’acide acétique, toute l'enveloppe calcaire des œufs opaques, et à laver de suite l’œuf rendu transparent avec de l’eau pure. L'embryon meurt toujours dans cette opération, mais on peut conser- ver pendant quelques mois ces œufs rendus ainsi transparents dans de petits tubes de verre remplis d’eau. On peutainsi réunir dans un même tube toute une série d’embryons morts. Le deuxième procédé est anatomique; on enlève avec la pointe d’un scalpel la croûte calcaire de l’œuf sans le briser. Ce procédé, qui exige beaucoup de patience et d'attention, a l’avantage de ne point faire périr l'embryon, et les œufs. rendus transparents de cette manière, permet- tent d'observer le développement de tous les Mollusques à œufs cal- caires et opaques, avec la même facilité que pour les œufs naturelle- ment transparents. Par ce deuxième procédé, on peut également se procurer toute une série d'œufs renfermant des embryons vivants de tous les âges, depuis le moment de la ponte, jusqu’à celui de l’éclosion, ce qui per- met d'observer en méme temps toutes les phases et les progrès du développement. COURS D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE qui sont faits à Paris, pendant le semestre d’hiver. 1° À lu Faculté des Sciences. — M. GEOFFROY ST-HILAIRE ; Anatomie comparée, les mardis et samedis à midi. 9° Au Muséum d'istoire naturelle. — M. DE BLAIN VILLE. Zd, En son absence , M. Coste exposera cette année, les résultats de ses recher- ches en ovologie et en embryologie comparées , les lundis et vendredis à une heure. M. MIRBEL , anatomie et physiolo- gie végétales, appliquées à la culture, les mardis et samedis à2 h. et 114. 5° Au Collège de France. — M. MAGENDIE, physiologie expé- rimentale RES à la médecine, les lundis, mercredis et vendredis à 11 b. 4° 4 la Faculte de Médecine, — M. BRESCHET, anatomie descrip- Cours d'ana- tomie, ou de physiolugie faits à l’école pratique. üve, les mardis , jeudis et vendredis à 10 h. et demie. | MM. BROC. Amphithéâtre n. 3, à onzeh. tous les jours excepté le dimanche et le jeudi. DUFRESSE — n. 1, à midi, les jeudis, mar- dis et ne MASSE. — n. 1, à midi, les lundis, mer- credis et vendredis, LAURENS ( d’Alby ) — n.2, à midi, — Id. RIGAUD — n. 2, à uneh. tous les jours excep- té le dimanche et le jeudi. HALMAGRAND — n. 1,àuneh. — Jd. CHASSAIGNAC et NELATON.-—n. 3, à une h. Zd. DENONVILLIERS. — n. 2, à deux h. — Id. LACROIX. — n. 2,à uneh. — Id. TIVET. — n.1, àquatreh. —— Jd. BLANDIN. — n. 3, à quatre h. tous lesjours ex- cepté dimanche et mardi. LIGNEROLLES. — n. 1, à cinq h. tous les jours excepté le dimanche. GIROU. — n. 1, samedi LAURENT (de Toulon) n. 2 anatomie et physiolo- | gie pres et comparées les mardis, jeudis et samedis à À Ja fin de cecours, M. Bazin exposera les résultats de ses recher- ches sur la structure de l’appareil respiratoire. LE Annals L 4 te: d'Anatomt dt d rAysiolegre PAIE a ——————— ——————]—— Lun de Cddrien rue riche 7 7e nas fee cr._ d'Ânatomi de physiologie ns: Luth de © Adrien rue Rucher EXPÉRIENCES SUR L’IMBIBITION DES TISSUS DANS L'AGE EMBRYONNAIRE ’ PAR M. LAURENT. Avant de reprendre l'exposé des faits relatifs au développe- ment des animaux , à la composition des œufs et au mécanisme de l’organogénie, nous croyons devoir exposer les résultats d’un certain nombre d'expériences sur les tissus des embryons de certains mollusques qui se prétent le plus à ce genre d’expéri- mentation. Lorsque les œufs des limaces sont déposés naturellement dans des lieux humides et obscurs, aux époques ordinaires des pon- tes des diverses espèces de cette famille de gastéropodes, les tis- sus de l'embryon se développent normalement, au sein d’une vapeur humide et à une température plus ou moins froide, mais au dessus de 0. Les tissus embryonnaires peuvent alors être distingués en ceux qui sont transparents et contractiles et en ceux qui sont seulement translucides et d’une couleur plus ou moins fauve ou même un peu brune. Les tissus transparents sont celui de la vésicule ombilicale et celui de la rame caudale, au moyen de laquelle l'embryon exécute des mouvements de rotation d’arrière en avant. Ayant remarqué que la couleur, plus ou moins foncée quoi- que translucide du corps de l'embryon, ne permettait de distin- guer qu'avec peine les rudiments des viscères qui existent ce- pendant déjà, je m'étais déterminé à disséquer ces embryons très jeunes extraits de l'œuf, soit encore vivants, soit plus ou moins long-temps après leur mort. Mais la plasticité du tissu de ces embryons disséqués successivement, dans l'air, dans l’eau simple , et même dans une huile très claire, est telle qu’on ne peut, quelque patience qu’on y mette, parvenir à isoler les ru- diments des organes développés sous la peau de l'animal nais- 6* . 82 EXPÉRIENCES SUR L'IMBIBITION DES TISSUS sant. Après avoir bien constaté l’inutilité de tous les efforts ten tés dans ce but, je me déterminai à asphyxier une douzaine d'œufs contenant des embryons de limax agrestis de divers âges, en les plaçant au fond de tubes en verre de deux à trois pou- ces de longueur et de trois lignes environ de diamètre. L'expérience m'avait appris que presque tous les embryons se développent normalement dans l’eau, quoique un peu plus lentement, lorsque , placés dans des verres de montre, ils sont à peine recouverts par une couche très mince de ce liquide en contact avec l'air par une surface très large. Les œufs placés au fond des tubes de verre, étaient au contraire recouverts par une colonne d’eau d’environ deux pouces de hauteur et de trois lignes de diamètre; j'avais été conduit à imaginer de les placer dans de semblables conditions, parce que quelques embryons de ceux mis dans des verres de montre un peu moins plats, n'avaient paru être malades et languissants , lorsqu'ils étaient plus éloignés que les autres de la surface de l'eau, qui dans quelques cas avait été mise en plus grande quantité dans les verres de montre. Vingt-quatre heures de séjour au fond d’une colonne d’eau des dimensions indiquées ci-dessus, suffisent pour asphyxier complètement les embryons de divers âges qu’on reconnaissait être , avant l'expérience , en pleine activité de développement, par l'énergie des mouvements du cœur, et ceux de leur rame caudale et de leur vésicule ombilicale. Il est facile de reconnai- tre, que la vitalité de ces embryons est enrayée par le défaut d'aération de l’eau, au moyen du ralentissement des mouve- ments de leurs organes locomoteurs transitoires. Mais le phé- nomène que nous cherchions à produire, dans le but de remé- dier à l'inutilité des dissections faites sur ces embryons, était une infiltration générale de tout le tissu de l'embryon , afin de reconnaitre le trajet des viscères et la position des centres et même des principaux filets nerveux. Ces expériences que nous avons répétées un très grand nombre de fois ont toujours pro- A DANS L’AGE EMBRYONNAIRE. s3 duit l'effet que nous en attendions. À l’aide de cette imbibition générale qui s'opère lentement en plongeant les œufs au fond d’une eau non aérée , tout le tissu , auparavant presque opaque du corps de l'embryon devient très transparent. L'eau qui im- bibe tout ce tissu si plastique et si difficile à disséquer, n’altère point cependant la couleur jaunätre du tube intestinal , ni la couleur rougeûtre des ganglions sus et sous-æsophagiens , et cette préparation, si facile à faire et qui ne coûte aucune peine, ni aucune perte de temps, montre les rudiments des organes développés sous la peau avec tant de netteté , qu'on devra pro- bablement la préférer toujours à des isolements au moyen de dissection, faites avec les instruments tranchants les plus déliés. Nous avons indiqué que dans toutes ces expériences, les em- bryons rendus artificiellement leucophlegmatiques n'étaient qu'asphyxiés. Il était facile de le reconnaitreen constatant 1° leur immobilité par faite après les vingt-quatre heures de séjour dans eau non suffisamment aérée; 2° la réapparition des mouve- ments de leur queue, de leur vésicule et de leur cœur, ün quart d'heure ou vingt minutes après les avoir placés dans un verre de montre, avec une nappe d’eau qui les recouvre à peine et se trouve ainsi en contact par une large surface avec air. J'ai cru aussi reconnaître que la lumière diffuse et même la lumière solaire, jointe à l’action de l’eau très aérée, hâte beau- coup la résurrection des embryons asphyxiés, et, chose à l’a- quelle nous nous attendions, l'infiltration de tout le tissu de la- nimal diminue, quoique lentement, et la coloration plus ou moins foncée du corps de l'embryon revient graduellement et ne permet plus alors de distinguer facilementles contours etla cou- leur des organes rudimentaires développés sous cette peau. Nous avons répété les expériences d’asphyxie, pour produire limbibition des tissus embryonnaires , et celles de résurrection pour ramener les embryons à leur état normal, jusqu'à trois fois sur les mêmes embryons dont on peut ainsi ralentir ou re- 84 EXP. SUR L'IMBIBITION DES TIS, DANS L'AGE EMBRYONNAIRE. tarder à volonté {le développement. Nous nous proposons de poursuivre ces recherches, dans le but de fixer l'attention des histologistes et des embryologistes sur les phénomènes dynami- ques qui président au développement des tissus et des organes. Nous devons ici faire connaître que, d’après un certain nombre d'observations comparatives, faites sur des embryons de mollusques et de poulet, les phénomènes dynamiques du développement des animaux, en faisant abstraction de ceux de l'imprégnation du germe par le fluide fécondateur et de ceux qui président à l'élaboration vitale des premiers fluides nutritifs de ce germe imprégné, nous semblent pouvoir se réduire à deux, savoir : 10 la formation plüstique des premiers solides vi- vants disposés primordialement sous forme membraneuse et 2°les phénomènes d’endosmose des fluides gazeux ou aqueux des milieux ambiants qui, coïncidant avec les formations plastiques, concourent ainsi soit au creusement des canaux organiques vas- culaires dans le tissu blasto-dermique, soit à l’extension du tube intestinal, du moment où la vésicule ombilicale , étant consti- tuée, communique avec le rudiment de ce canal, 707 par une ou- verture étroite, résultat d'une prétendue déchirure, ainsi que je lai avancé (1); mais bien par une ouverture large et un col qui est le rudiment du pédicule futur de cette vésicule. En rectifiant ainsi cette détermination erronnée relativement à la formation du canal intestinal du poulet, nous recon- naissons l'exactitude des observations de Wolff, de Pander, de Baer et de M. Coste ; et notre but est, en ce moment, de re- chercher la part que la force d’endosmose de la vésieule ombili- cale prend à l'extension du canal intestinal et, par suite, au dé- veloppement de l’allantoïde et à celui des poumons. En obser- vant les phénomènes dynamiques qui président au développe- ment des embryons de limaces, on est naturellement conduit à rechercher ceux qui sont observables pendant le développement des animaux vertébrés, etc. (1) Voyez notre 1°" numéro. Janvier 1637, page 27. RECHERCHES SUR LES FIBRES PRIMITIVES DES TISSUS CELLULAIRES ET TENDINEUX SAINS, ENFLAMMÉS ET GANGRÉNÉS, ETC. s PAR M. GLUGE, ( de Berlin, ) docteur en médecine. ls 4 Depuis un grand nombre de siècles, on a cherché à détermi- ner la nature de l'inflammation par les hypothèses , plutôt que par l'observation directe; et jusque dans ces derniers temps, quoiqu'on prétende avoir fait d'immenses progrès dans la con naissance des maladies, la plupart des questions les plus simples restentisans réponse, si l'on consulte les livres du reste très- estimables des Pathologistes. Tel est l'état actuel de la science à l'égard de ce phénomène pathologique dont on parle tous les jours et qui prend une part si grande dans la plupart des ma- ladies. Avant que toutes les questions el egh à l'infammation soient résolues, il ne faut pas espérer de pénétrer plus avant dans la détermination de la nature des autres états pathologi- ques. Les observations suivantes ont pour objet la part que prennent à linflammation deux sortes de tissus vivants étudiés sous le point de vue de leur. structure intime. Elles serviront d introduction à à un travail plus é étendu sur les: différentes pha- ses de Vinflammation que je me propose de publier (1). Je ne parlerai ici que des tissus cellulaires et tendineux dont la structure ne peut être contestée, quoique. j'aie étendu mes expériences sur plusieurs autres tissus, par exemple celui des membranes séreuses, des muscles, etc. (1) Nous possédons déjà des observations sur les capilaires des trssus en- flammés, et un travail très scientifique de M. Miescher vient ajouter de nouveaux faits à la doctrine sur l'inflammation des os. TOM, 1. 6 86 RECHERCHES SURÔLES TISSUS Le microscope dont je me suis servi, fabriqué par MM. Pis- tor et Schick à Berlin permet un grossissement de 1,200 dia- mètres. Le grossissement de 290 et 480 auquel j'ai recours ordinairement fournit une clarté très-grande et une vue très- nette des objets. SI. Du tissu cellulaire. Les anatomistes qui ont traité de ce tissu peuvent être distin- gués en quatre classes. Les auteurs de la première, M. Wolf, Rudolphi, J. F. Meckel l'ont défini une matière amorphe , se- mi-fluide, formée seulement après la mort, de lames et de fibres: D'autres, tels que Haller et Bichat, attribuaient au tissu cellulaire les formes distinctes de lames et de fibres. D’autres encore ont cru observer les éléments de ce tissu et semblent avoir été induits en erreur par une illusion d'optique, telest M. Milne-Edwards qui a vu le tissu cellulaire composé de glo- bules que je n'ai jamais observés même avec le grossissement le plus fort, Fontana et Treviranus qui ont admis des cylin- dres tortueux ont plus approché de la vérité. Enfin MM. Foh- mann et Arnold ont pensé que le tissu cellulaire n’était autre chose qu'un lacis de vaisseux lymphatiques, opinion qu'on peut facilement réfuter, attendu que les fibres cellulaires n’of- frent jamais des caractères indispensables pour constituer un canal; abstraction faite des autres faits. La première description vraie de ce tissu a éfé donnée par M. Krause et M. Jordan (1). Le tissu cellulaire est constitué par des lames blan( hâtres, pellucides et élastiques. Ces lames contiennent des faisceaux plus ou moins tortueux, ce qui dépend de la manière dont il est étendu sous le microscope. Ces tortuosités ne sont pas ré+ gulières. Elles sont évidemment produites par l'élasticité du tissu. Ces faisceaux sont disposés sous desangles souvent droits; ils constituent de cette manière un véritable réseau, et sont composés de fibres très-délicates , égales, Cylindriques; situées (x) Le travail de ce dernier a été inséré dans les archives de Muller, 1834. CELLULAIRES ET TENDINEUX. 87 parallèlement l'une auprès de l’autre. Le nombre des fibres ‘contenues dans un seul faisceau varie de 3 à 5 et à plus. Leur - diamètre est de 0,000 lignes et plus. Le grossissement le plus fort, appliqué avec une pression convenable , ne montre ja- mais une division plus fine de ces fibres primitives. Jamais _ aussion ne voit une interruption ou anastomose soit des fibres, soit des faisceaux. Tel est le caractère du tissu cellulaire, par- tout où ilentre dans la composition des organes, il est bien distinct des autres tissus; et ceux qui veulent réunir tous les és tainement à cette idée funeste d'unité et de simplicité dans la , nature , préconisée par quelques naturalistes, s'ils voulaient prendre la peine d’étudier les différences admirables des tissus avec le microscope et le scalpel. Du reste, il est.impossible que D ceux qui ont nié la structure d’un tissu si évident l’aient ob- servé au moyen du microscope qui le montre sous le même as- us en un seul, ce qui est très-commode , renonceraient cer- | pect pendant la vie ou après la mort. Une autre erreur que nous devons signaler encore est de prétendre avoir vu des ; globules adhérant aux fibres cellulaires, let de n avoir point re- connu que ces “globules pe sont autre chose que des vésicules adipeuses. . Ô Cest dans les interstices de ce tissu, qui communiquent en- tréux, qu'existent les “cellules qui contiennent la graisse. Si lon veut comparer le tissu cellulaire des animaux avec celui » des lantes, il faut comparer ces cellules, et non le tissu cellu- ! n masse, ainsi que l'ont fait des anatomistes très-célèbres. É objet de notreMémoire ne nous permettant point d'entrer | "ais de plus grands détails, disons seulement un mot de ces … cellules graisseuses. Si l’on considère une petite lame de graisse À sous le microscope, on aperçoit une quantité considérable de 4 ellules K. PRO qui paraissent communiquer entre elles. à | Mais ce n’est qu'une apparence, puisqu'on peut isoler facile- ment les cellules et reconnaitre qu’elles sont rondes, fermées de moutes parts. Leur diamètre est de -7 à .£ de milli- - 88 RECHERCHES SUR LES TISSUS mètre. Les plus forts grossissements ne m'ont point permis de voir des fibres dans ces enveloppes de la matière graisseuse. Si l’on comprime avec quelque précaution ces cellules , la matière graisseuse en sort sous forme de gouttelettes transparentes qui ont un diamètre tantôt égal, tantôt beaucoup supérieur à celui des globules de sang. L’enveloppe reste vide et comprimée. L'expérience est facile à répéter. Une lame de graisse étendue avec précaution ne présente que des cellules fermées. Leur com- pression en fait sortir une infinité de gouttelettes de graisse. Cette disposition de la graisse en cellules fermées est la plus commune; elle offre quelques différences et la graisse parait, sur divers points, être sécrétée dans les interstices du tissu cel- lulaire, sans formation de cellules spéciales. Elle diffère encore dans le lard et+l’on observe dans toute espèce de graisse qui res- semble à cette couche adipeuse sous-cutanée, que les cellules - sont plus grandes , d’un diamètre double de celui des cellules graisseuses de l'homme, et qu’elles renferment un très-grand nombre de petites gouttelettes graisseuses très-peu transparen- tes, qui par ce dernier caractère et par l’uniformité de leur'fi- gure se distinguent au premier aspect de la graisse humaine. Les globules de la graisse du porc sont touts ronds, deux fois plus grands que les globules du sang: Leur surface, quoiqu'unie en apparence, offre cependant des granulations. Un examen at- tentif montre ces cellules telles que nous venons de les dé- LA? crire. F à Il est, du reste, assez remarquable que, dans le lard salé ÿ le sel se retrouve dans l'intérieur de la masse graisseuse entre . . «a les cellules, sous forme de petits cristaux. ‘ $ 2. Du tissu cellulaire des parties enflammées. J'ai incisé l'épiderme et une portion des muscles di cuisse ou d’une partie d’un lapin, etirrité la plaié au moyen de l'al- cool ou d’un fer incandescent, et après qu'une grande quantité de matière avait été exsudée par les parties superficielles ou % : - CELLULAIRES ET TENDINEUX. 89 proies , J'abpris une portion de tissu cellulaire, et Î ai vu qu'une lamelle mince que j'avais choisie était déjà devenue opaque et qu’elle était recouverte d’une matière jaunâtre. Sou- mise au microscope, elle n’était point traversée par la lumière. Cependant quelques points libres, soit artificiellement ou par hasard, ou moins recouverts laissaient voir clairement que la structure du tissu cellulaire n’était point changée. Ayantensuite enlevé avec précaution la matière exsudée , j’ai constaté que la structure du tissu était normale sur tous les points, et je n'ai apercu aucun changement ni dans le diamètre , ni dans la dé- cüssation des fibres. La figure 2 montre la matière de l’exsu- dation recouvrant le tissu dont une portion restait libre ou à sn découvert. Mes recherches sur le tissu cellulaire étudié pendant les phases diverses et les divers modes de l'inflammation , ne me laissent aucun doute à ce sujet, et m'ont conduit à conclure que, dans la période de l'exsudation , le tissu cellulaire n'é- prouve aucune altération. Quant à la forme de la matière exsudée, elle ne contient pas . de particules circonscrites. Je n’ai pu y découvrir ni fibres, ni globules distincts, et les particules qui en contenaïent la masse s'étaient agglomérées en se moulant sur les formes de la partie subjacente. » J'ai provoqué ensuite la suppuration en introduisant un corps . étranger dans la plaie, et enlevé une portion de tissu cellulaire dans le point le plus recouvert de pus, etcependant ce tissu re- couvertpar les globules du liquide purulent n "était changé en aucune manière, ni dans les diamètres, ni dans la décussation, et je n'ai jamais vu ni la disparition d’une fibre quelconque , ni l'interruption de ces fibres et des. fascicules, Ces recherches ont été faites par moi sur des lapins vivans aifa que sur le corps humain pendant | la vie et sur le cadavre, dont j'ai enlevé le tissu des ulcères chroniques malins, et cependant j je n'ai jamais trouvé le : moindre changement. Que dis-je ? les fibres primi-, : 90 EpRROe SUR LES TISSUS tives di tissu M aaires étaient si loin d’être changées, que le tissu pris’au milieu de l'ichor du éadavre séché par hasard:con<: servait sa structure naturelle pendant un temps assez long: $. 3. Sur la structure du tissu des tendons. Nous ne parlerons ici que des fibres qui sont propres aux tendons, car le tissu fibreux , loin d’être identique, partout of- fre des différences très-remarquables même dans les divers points des parties qu'il constitue presque entièrement. Ainsi les tendons sont composés de trois sortes de fibres, savoir : cel- les du tissu cellulaire, celles du tissu fibreux réticulaire et cel- les enfin qui leur sont propres. Ce sont les dernières dont la structure est parfaitement adoptée aux fonctions des tendons et qui sont unies avec les fibres musculaires d’une manière toute particulière que nous signalerons dans une autre oc- casion. Cette structure est très remarquable. Les fibres de fers cylindrique, généralement ondulées, sont parallèles et disposées: en faisceaux très-serrés et parallèles entre-eux. Lediamètre de ces fibres est de 0,0007 lignes et plus. Leurs ondulations sont plusrégulières qu’elles ne le paraissent dans le dessin. La forme, de ces fibres a déjà été reconnue par Fontana ; mais M. Milne Edwards y a trouvé une: structure globuleuse: Nous pouvons signaler cette opinion comme une erreur. $. 4 De l'inflammation du tissu tendineux. Jai institué, sur le tissu des tendons observé pendant les dif- férentes périodes de l’inflammation, les mêmes expériences que pour le tissu cellulaire ; mais je n’ai observé dans ce tissu au- cun changement, ni pendant Lexsudation, ni pendant la sup- puration. k Je crois que ce résultat doit exciter l'attention parce que l'ex- périence qu’on peut répéter fréquemment avait été faite dans le but de trouver un changement quelconque. Les mêmes ré- cninuratREs ET TENDINEUX, 91 sultats ont été obtenus sur les membranes séreuses et les ‘muscles. Ces observations militent contre l'opinion émise par plu- sieurs pathologistes au sujet des globules du pus qui ne seräient autre chose que les particules rejetées et séparées des parties enflammées. Les détails exposés ci-dessus renversent également la théorie de KR cicatrisation d’un très-célèbre physiologiste qui fait consister ce travail organique dans l'extension ou l’élon- gation des parties après la suppuration. Ce point exigerait des explications que nous ne pouvons donner en ce moment. + $: 5. Sur la gangrène du tissu cellulaire et du tissu tendineux Les tissus gangrénés se présentent sous un aspect tout autre. F ai fait des recherches très-nombreuses sur des parties de‘ia- pinsdont j'avais produit artificiellement la gangrèneet sur celles que je retirais en même temps des ulcères gangréneux des hom- mes malades à l'Hôpital de la Charité de Berlin. L’extinction de la vitalité inhérente aux tissus uifraiie ei la destruction de leur nature. Le tissu gangréné qui -en masse parait noir n'offre plus qu’une couleur brune jaunä- tre lorsqu'il est étendü sur une surface large. Ïl ‘adhère beau, coup à à la lame de verre sur laquelle il est étalé et né présente rien de remarquable à l'œil nu, si ce n’est une plûs grande mollesse , et plus d'épaisseur. Cependant le tissu ir vo m'a paru différer même dans ce cas du tissu cellulaire par une té- nacité plus ! forte et par une couleur beaucoup moins foncée. Le microscope le montre sous un aspect différent, au grossis- sement de 2go0. Je me suis servi quelquefois d’éau de peur qu'il ne s’opérät soudainement un changement dans une partie aussi molle, et pour constater l'identité des résultats obtenus par des moyens différents. Jusqu'ici j'ai observé deux degrés de destruction gan- gréneuse. i "Dans le premier on peut voir encore au milieu de la subs- 92° RECHERCHES SURVLES TISSUS. tance molle composée de corpuscules épars, des fascicules iso- lés; leur forme ondulée ne permet aucun doute sur Jeur structure et un examen répété prouve qu'ils sont composés; de fibres tendineuses. Mais ces fibres n’adhéraient plus entre-elles + etles corpuscules incohérents que nous avons décrits, {conser- Wvaient seulement la direction des fibres; ce qui indiquait latran- sition à une destruction complète de la texture. Cette sorte’ de structure gangréneuse, si l’on peut s'exprimer ainsi, persistait dans le tissu'à l’état sec, pendant une journée et même plus. On sait en effetque la dissolution gangréneuse des tissus, diffère de la dissolution cadavérique ou putride. Dans le second degré la lame du tissu gangréneux éténdu sous microscope n'offre qu'une masse de corpuscules d'une ‘couleur brüne-jaunätre d’une forme irrégulière, tantôt plus arrondie, ‘tantôt plus angulaire et également variable; quant au volume, voilà le degré le plus développé de la gangrène, dans lesteas où il reste encore une trace de matière organique. ( Voyez la planche). | Je pourrais facilement exposer avec plus de détails les déduc+ AT . - RE SR tions de ces recherches sur l'inflammation et les terminaisons . rde ces eut à genres de tissus, même avant l'exposition desautres + tissus sous le même rapport ; mais je n'ai en vue que de donner des faits'et j'e j'en abandonne l'explication au lecteur. « Tels sont les résultats des expériences faites pour déter- minerla participation des solides vivants à l'inflammation. Un cas singulier de gangrène du gros orteil s'étant préseié dans le service de M. Breschet (Hôtel-Dieu de Paris); sur un homme de 40 à 50 ans, j'ai pu observer les mêmes phénomè- nes décrits ci-dessus dans tous les tissus des parties molles: 11 était impossible de reconnaître les formes primitives dés”nerfs qui du reste paraissaient sains à l'œil nu. On sait que d’après la découverte importante de M. Ehrenberg, les nerfs, principale- ment ceux distribués aux muscles, contiennent des canaux distincts, cylindriques, renfermant une substance subglobuleüse « Abanuser TENDINEUX. 93 que lon peut faire sortir. Eh bien! on ne retrouvait HA la moindre trace de cette structure dans le cas de gangrène que nous venons de rapporter. Mes observations ont été faites immé- diatementaprès la séparattion spontanée de l’orteil, on n’a pu trouver ni dans les vaisseaux, ni dans la constitution très-phleg- matique du malade, la cause déterminante de cette gan- grène. Nous traiterons dans un autre mémoire, de l’action que le pus exerce sur les parties solides, selon qu’il est plus ou moins long-temps en contact avec elles. 66. Nous joignons ici des remarques sur quelques autres maladies auxquelles les tissus précédents prennent part. L’opi- nion d’un illustre anatomiste francais, que les altérations patho- logiques ne sont que des produits de sécrétions et que les par- ties solides ne participent point à ces altérations est peut-être vraie dans le plus grand nombre de cas; mais elle n’est pas démontrée par l'examen microscopique des tissus, qui seul pourrait la justifier. Les observations suivantes jointes à celles qui précèdent ajouteront quelques faits à l'appui de cette opinion. Les fibres primitives du tissu cellulaire dont j'ai comparé le diamètre ne sont nullement changées dans l’ædème, ni dans les tumeurs graisseuses (lipomes ) dans lesquelles la graisse est - déposée sans différer de celle des parties saines. Dans les cas où la graisse est augmentée dans les organes, par exemple dans les membres qui par suite du rachitisme n’exercent plus leurs fonctions, ce n’est pas le tissu cellulaire qui est augmenté, mais bien la! graisse. On peut constater en effet que les gouttelettes graisseuses dont le diamètre varie de celui des globules du sang “humain à-7 de millimètre, sont déposées en nombre infini Je entre les fibres. Je dois à l'extrême complaisance de MM. Bres- ” chetet Dalmas d’avoir pu faire des recherches sur une femme rachitique âgée d'environ 80 ans dont le squelette avait 25 pou- es Me longueur, qui depuis très-long-temps ne s'était nulle- 94 RECHERCHES SUR LES TISSUS : ment servi fo membres inférieurs et chez laquelle les muscles offraient cet aspect qui a fait dire que les fibres musculaires se sont changées en graisse (opinion très-erronée ). J'ai vu au moyen du microscope des gouttelettes de graisse en très-grand nombre entre les fibres primitives des muscles décolorés et cel- les des enveloppes des nerfs et des tendons, tandis que les gouttelettes étaient très-peu nombreuses dans les intervalles des fibres primitives des tendons et des nerfs. Ce qui est très-re- marquable c’est que le nombre des cellules graisseuses n’était pas augmenté par l'accumulation de la graisse. Les gouttelettes graisseuses n'étaient pas renfermées dans des cellules. Elles étaient simplement déposées entre les fibres musculaires. Nous signalerons dans une autre occasion les différences de ces fibres musculaires décolorées avec les mêmes fibres dans l’état sain. Dans l’endurcissement du tissu cellulaire des enfants,ce n’est ? nullement la fibre de ce tissu qui s’est endurcie. Son diamètre ne change jamais dans cette maladie. On devrait donc remplacer l'expression endurcissement du tissu cellulaire par celle exacte de congélation ou solidification de la graisse qui offre en effet un aspect différent de celui de l’état sain, puisqu'elle se présente sous la forme de tubercules assez durs et comme congelés. Quant aux fibres tendineuses, nous avons une seule remar- que à ajouter. On nous a montré quelquefois ce tissu chângé (disait-on) en fibres musculaires. Mais jamais nous n'avons pu voir ce changement. Les fibres musculaires ont des caractères trop distincts pour qu'on puisse les méconnaitre. Telles sont les observations que nous avions à présenter sur le sujet que nous nous étions proposé de traiter. Nous noussommes * s bornés à rapporter les faits tels que nous les avons observés, sans y ajouter les réflexions qu'ils peuvent suggérer. Nous pensons que , pour tue scientifiquement les phénomènes qui se passentd ans l'état morbide, ce ne sont pas les réflexions qui nous mänquent , mais bien des faits positifs et en ii # LL: ‘+ … CELLULAIRES JET TENDINEUX. 95 suffisant pour permettre d'établir sur une base solide la doc- trine de l'anatomie et de la physiologie pathologiques. EXPLICATION DE LA PLANCHE. Toutes les figures ont été dessinées par M. le professeur Fro- riep, qui a eu l'extrême complaisance de les rendre avec ce grand soin qu'il attache à ses dessins pathologiques. Le grossis- sement est de 290 déc. Dans les endroits où les fibres se trouvent plus rapprochées l'une de l'autre, ce rapprochement provient seulement de l'extension fortuitement moins grande. - Fig. l*. Tissu cellulaire, État normal de l'homme. Décussa- tion des fibres à angles et distribution de celles-ci en faisceaux. La graisse comprimée ne présente pas bienla forme microsco- "pique. Sa représentation n’entrait pas dans mes intentions lors- que le dessin en a été fait, il y a deux ans. Fig. IT. Tissu cellulaire recouvert de la matière d’exsudation, enlevé de la cuisse d'un lapin vivant. Là où l’exsudation est la plus épaisse, la forme du tissu a disparu. Elle se voit à travers la couche qui est mince. Fig. NII. Tissu tendineux enlevé du tendon d’un lapin vi- vant ; les fibres présentent des ondulations régulières , chaque courbure d’une fibre s’adaptant toujours à l’autre. Fig. IV. Le même tissu recouvert de la matière d’exsudation, que j'ai enlevé en quelques endroits pour laisser voir sa struc- ture non changée. Un peu de matière exsudée est dessinée à part. Fig. V. 1. Tissu cellulaire provenant d’un lapin vivant, re- couvert de globules de pus, qui étaient en nombre infini, quoiqu’on en ait représenté peu; leur volume est un peu va- riable. Pour faciliter la comparaison, un globule du sang du méme animal a été dessiné. Dans divers endroits, an voit aussi la matière de l’exsudation, ce qui arrive quelquefois , les deux 96 RECHERCHES SUR LES TISSUS degrés d'inflammation pouvant très-bien exister dans la même partie en même temps. Fig. N. 2. Tissu tendineux recouvert de globules de pus d’un lapin vivant. Fig. NI. Portion du tissu enlevé d’un ulcère gangréneux d’un homme vivant. f Il est arrivé par hasard qu’au moment de l’exécution du des- sin, j'ai pu représenter la forme du tissu tendineux, qu’on peut signaler comme le premier dégré de la destruction gangré- neuse, cette forme ne se conservant pas toujours. Fig. NIL. 1. Tissu cellulaire ou autre , résolu en petits cor- puscules, d’une forme variable, mais circonscrite. Fig. NIIL. 2. Tissu tendineux : il a déjà perdu sa cohérence et se trouve composé seulement de corpuscules irréguliers ; mais la forme extérieure est conservée : on peut même pour- suivre assez loin chaque fibre réunie dans les faisceaux, quoi- que sa continuité organique soit interrompue. MÉMOIRE SUR LA RÉTROVERSION DE L’UTÉRUS DANS L'ÉTAT DE VACUITÉ , CHEZ LES FEMMES MARIÉES > NULLIPARES OU VIERGES. Par P.F, A. BAZIN ( de Bassenerville }, D. M. P. On s'explique difficilement comment on possède encore si peu de faits sur la rétroversion de la matrice chez les femmes non enceintes , et chez les femmes nullipares ou même vierges ; puisque cet accident n’est rien moins que rare chez elles, et qu'il parait démontré qu’elles y sont plus sujettes que les fem- mes enceintes, chez lesquelles il a été signalé beaucoup plus tôt. Hippocrate et ses successeurs, j'entends les médecins grecs et latins, ont signalé les différentes espèces de déplacement de Tutérus. Roderic de Castro, Mauriceau, Lamotte ont décrit la rétroversion de l'utérus chez les femmes enceintes. Grégoire en fit la démonstration à son élève Levret. Ce ne fut qu'en 1554 que Hunter ( W®) fixa l'attention de ses auditeurs , et plus tard de ses lecteurs, sur cet état morbide. Depuis lors, la rétro- version de la matrice dans l'état de gestation a été décrite par tous les accoucheurs ; mais il n’en a pas été de même de la ré- troversion dans l’état de vacuité. Hippocrate a considéré le célibat et la vacuité de l'utérus comme une cause de suppression de règles, et par conséquent comme pouvant déterminer l’'engorgement de l'utérus. « Les femmes dont l'utérus est entretenu dans un état d'humidité convenable par les rapports conjugaux, et qui ne demeure point vide, sont peu sujettes aux dérangements de matrice. C'est pourquoi celles qui vivent dans un célibat trop «bsolu sont exposées à la suppression des règles etc » (1). (1) « Hy PL7] EE Gets at pirpat dnd dugreine ral 2oUix ju xevürat , où Pnièios & orpéportuL, TOUT C2 aéruos yivereu disre advras Euuubets, olx jun Apevonéms TÂs Jv- axe (Hip, op. de natura mul., lib.) 98 MÉMOIRE J'ai plutôt rendu l'esprit de ce passage que je n’en ai donné Ja traduction. Ceux qui comprendront le texte verront de suite que la délicatesse de notre langue ne m’eût pas permis de .e faire. Le christianisme tel que le comprend l'église catholique, a souvent fourni aux médecins l’occasion de s’assurer de l’exac- titude des opinions du père de la médecine (1). À une certaine époque de la vie de tous les êtres organisés, les fonctions de l'appareil reproducteur exercent une si grande influence sur tout l'organisme que toutes les autres fonctions leur sont subordonnées. Tous les appareils sont comme forcés de concourir synergiquement au grand acte de la reproduction de l'être. Aussi les anciens, dans leur langage emphatique, avaient-ils représenté l'organe générateur et notoirement l’uté- rus, comme « un animal avide de reproduction qui, dès que la femme était arrivée à la fleur de l’âge, ne supportait qu'avec im- patience, et souvent avec indignation, le retard qu’on lui impo- sait ; qui, en se portant € cà et là dans toutes les parties du corps, tourmentait les malades, leur coupait la respiration , leur faisait éprouver les plus terribles angoisses, les accablait de toutes sor- tes de maux ; t'ne leur accordait aucun repos jusqu ace que, comme les es il se fût chargé des fruits de l'amour(2). Qui a raison ici ? Est-ce Platon, ou les bonnes gens qui ont pensé et pensent encore, qu'il est indifférent pour la santé, qu'une femme se marie ou vive dans le célibat; qui croient même qu'il n’y a que les femmes mariées qui soient sujettes aux affections de l'utérus? Pour nous , quoi que l’on ait dit à l'époque du (1) Cela ne veut pas dire qu’un certain nombre d'individus des deux sexes ne puissent vivre dans le célibat le plus absolu sans en être malade. Toutes les fois que les fonctions d'un organe sortent de la sphère commune, celles des autres organes où appareilsperdent de leur énergie : c'est pour- quoi le célibat coûte si peu aux”personnes dont l'esprit est fortement oc- cupé. ‘ (2) Timœus vel de natura.… Ac prorsus est in homine vulva perinde acin animali quoddam animal, Aretaei, Ib, C. XI. ni ” SUR LA RÉTROVERSION DE L'UTÉRUS. 99 grand Haller, « Tamdiu vero sua utero forma molisque re$tat, quamdiu virginitate fruitur fœmina. » ( Disputat : anatomica- rum select: vol. V, p. 381. ), nous sommes de l'avis de ceux qui croient qu'un organe qui exerce une si grande influence sur l'organisme ne peut être réduit, pour ainsi dire, au néant sans conséquences ficheuses ; et que le célibat et les écarts que sou- vent ilamène, doivent être considérés comme l’origine d'une foule de désordres physiques et moraux. Il serait du plus haut intérétde vérifier par les méthodes statistiques ce que l'observa- tion nous a déjà appris à cet égard sur l’homme et les animaux. . Si la proposition d'Hippocrate était démontrée à postériori, c'est-à-dire par un nombre suffisant de faits, on s’expliquerait cette autre proposition d’Aristote, qui dit que la femme seule est sujette aux maladies de l'utérus. En effet, seul entre tous les * animaux, l'homme a la faculté de modifier dans de certaines li- mites, ses conditions d'existence; et les effets de cette faculté ne se bornent pas aux objets sur lesquels il doit naturellement agir: il les éprouve lui-même ; et il est bien rare qu'il ne lui en coùte . cher d’avoir pu Para quelques moments, et sur quelques “individus, contrarier les lois de la nature. Serait-il vrai que la plupart de nos maladies physiques et morales seraient-les suites des fréquentes infractions que nous faisons à ces lois ? Il n’y a que ceux qui nient l'existence d'une intelligence créatrice et di- rectrice qui pourraient dire non. Pour ma part je confesse que . Jai la simplicité de croire que l'œil ‘est fait pour voir, l'oreille F2 entendre, et l'appareil reproducteur pour reproduire. Je crois en un mot à la vérité de notre épigraphe : La nature ne fait rien en, vain. : © Bien que les faits dont j je vais donner l'analyse ne soient pas très nombreux ; bien que plusieurs manquent de détails que Von serait en droit d'exiger de tout observateur , cependant ils n'auront pas été inutiles, si, comme je ne puis en douter, ils con- tribuent à fixer l'attention des médecins sur une maladie à v l'existence de laquelle ils ne croyaient pas naguère. 100 MÉMOIRE Les écrits d'Hippocrate, avons-nous dit, contiennent plusieurs passages qui prouvent que les déplacements de l'utérus avaient fixé son attention. Dans son livre intitulé Iepi. quvaixemne œpuoloc De natura mul, on trouve ce qui suit : « Si l'orifice de lutérus est infléchi (si os uteri complicatum fuerit. ?v üronrvy07 ro toroue r@v pnrpéwv. ) La valeur du mot Gromel est douteuse, mais ce-) pendant la suite de ce passage me porte à croire qu'il s’agit d’un: déplacement de l'utérus: « si l’orifice de l'utérus est infléchi, ( géniculé, caché ), les règles ne viennent pas ; ou si elles vien- nent, elles paraissent à peine, et ne sont pas d’une bonne na- ture. Si la femme a des rapports avec son mari, elle souffre, et éprouve des douleurs à l’hypogastre et dans les lombes ; si l'on touche on ne rencontre pas le col de l'utérus ». C'est surtout cette dernière phrase qui me porte à croire qu'il s’agit ici d’un déplacement. L’inclinaison latérale est clairement indiquée par le passage suivant : « si l'utérus se porte vers la région iliaque, alors les règles ne coulent plus ; il ya de la douleur au bas-ven- tre, et dansles flancs. Si l’on touche, le doigt rencontre l’orifice de l'utérus dans l’une des régions iliaques». Il me paraît indubi- table que le père de la médecine avait en vue la rétroversion de l'utérus, quandil a dit, «si l'utérus est porté vers le milieu des reins ou des lombes, il y a de la douleur à l'hypogastre et en- suite dans les mémbrestinférieurs ; la défécation devient dif-, cile et s'accompagne de douleurs plus aiguës ; l'urine ne coule que goutte à goutte ; les malades ont des défaillances ou tombent , dans l'abattement ». Après avoir décrit le traitement, il ajoutes, que celles qui sont attaquées de cette maladie deviennent stéri- les, parce que leur matrice se ferme: ce qui nous autorise à pen- ser qu'il s’agit ici de la rétroversion dans l’état de vacuité. Je donne en note l'original du passage avec la traduction latine (1). LI [3] Hy ai Area às xd ppéaoy Ty Ebay daty, ddbyn aye Th vetapa yaatépa ra rà + exËlax batépoy, kit dxôTuy dnomarian, dûbvar éyycvovra Ebrepa xel à nénaTos Tpos- sf SUR LA RÉTROVERSION DE L'UTÉRUS. 101 Le même livre contient encore deux autres passages qui au- raient bien du fixer l'attention des médecins sur cette maladie ; les voici: « Si l'utérus prend une position transversale , l’ori- fice se trouve situé obliquement, et les règles manquent quel- quefois ; ou bien si elles apparaissent, elles cessent tout-à-coup. Elles ne sont pas d’une bonne nature non plus, et beaucoup moins abondantes qu'a l'ordinaire. L’utérus ne conserve pas la liqueur séminale pendant ce temps ; il y a de la douleur à l'hy- pogastre, etc. » (p. 576.) « Si l'utérus est renversé (repiorpapüau), les règles se suppriment , la conception n’a pas lieu, les régions hypogastriques et lombaires deviennent douloureuses. Le doigt explorateur ne rencontre pas le col de l'utérus parce qu'il est trop éloigné.» (p. 570.) Il est bien évident que dans ces diffé- rents passages , il s’agit de divers déplacements de la matrice . dans l'état de vacuité ; il en est de même de ceux indiqués par Aspasie , dans le 4° discours de la Tétralogie d’Aëtius, chapitre 77 : «Si l'inclinaison de l'utérus a lieu en arrière ou en bas ,il s’en suit de l’engourdissement et de la difficulté dans le mouve- : . ment des membres inférieurs : quelquefois même le mouvement * est tout à fait impossible, et la douleur insupportable; la consti- -pation devient opiniätre, les clystères ne passent pas à moins que la malade ne se mette sur les genoux. Les gaz intestinaux eux-mêmes, sont retenus, et les douleurs deviennent plus aiguës quand la malade veut s'asseoir , particulièrement si l'inclinai- son a lieu vers l'anus. Mais si l’inclinaison se fait vers le pubis, la partie inférieure du ventre et la région sus-pubienne se gon- flent, et deviennent douloureuses. Il y a quelquefois rétention dpysret, xaù vo dbpoy orébec rat Mmobuyésu....…. root 0 »al quai èx Talrns TA vobcou yiyoyra.— Si uteri ad medios lumbos fuerint, dolor imum ventrem , deinde crura detinet, cümque ventris onus deponit, acutiores suboriuntur, stercusque non nisi vi progreditur , urina guttatim fertur, et animo linquitur.— Ste- riles auter et claudæ ex hoc morbo evadunt. De naturä mulierum in Hippocrat, -opera T, II, p. 542. Edente Kühn. TOM, 1. 7 .” 102 MÉMOIRE d'urine. Quel que soit le mode d’inclinaison ou de rétraction de l'utérus, il faut employer le même traitement que dans les inflammations ou dans les exacerbations de cet organe. Dans les cas de relâchement et d’inclinaison, on doit principalement avoir recours aux émollients. Si la maladie persiste, il faut seser- vir des remèdes les plus propres à combattre l’abaissement de l'utérus, et à changer l'habitude du corps de la malade.Dans les cas de rétroversion nous procédons au traitement comme il suit :(at vero aversionem versus anum ita curabimus ; ) nous recom- mandons à la matrone d'introduire son doigt dans l’anus et de pousser l'utérus en avant; ensuite nous faisons placer à de- meure, dans le rectum, une bougie ( glandem ) de quatre pou- ces de long. On a soin de mettre un fil à son extrémité infé- rieure afin de pouvoir la retirer plus facilement. » On recom- mande ensuite desinjections huileuses par l'anus et par le vagin. Le même auteur recommande la réduction au moyen d’une sonde et du doigt, dansle cas d’inclinaison de l'utérus. La malade devra se coucher sur le côté opposé à celui vers lequel lincli- naison de l'utérus a lieu. « Si vero in obliquum retractio incli- nat, primüum eadem fomenta adhibeantur : deinde obstetrix spe- cillo cum digito submisso, uteri collum dirigat, ægra vero in contrarium parti affectæ latus, aut supina decumbat. » Les pessaires médicamenteux, si souvent recommandés par les an- ciens, et à peu près inconnus aux modernes, si l’on en excepte quelques médecins qui n’ont eu qu’à se louer d’avoir recours à des topiques dans des cas de maladies du col de l'utérus, sont indiqués ici par Aspasie. « Pessis insuper mollientibus aperien- tibusque utemur, et ex prœdictis oleis aliquod infundemus, et pectini lanam vino et rosaceo imbutam, aut succum seminis lini cerato exceptum imponemus.…..… Eadem etiam repentinos uteri dolores faciunt, non singula solum per se, sedsetiam si- mul conjuncta. Mulier autem acclivi capite decumbat , et si compositus recte uterus rursus retrahatur ; et si urina suppri- matur, fistula vesicæ ad hoc destinata projiciatur : et si ab his SUR LA RÉTROVERSION DE L'UTÉRUS. 105 exacerbatio fuerit exoluta, quiescendum est. Cæterum pro af- flictionis magnitudine , si ægram adolescentem et sanguineam nacli fuerimus, considerabimus an cubiti vena secanda : deinde menses proyocantia propinabimus, et pessis mitioribus ute- mur. » ( Artis medicæ principes, Tom. II, p. 819. Edente H. Stephan. 1567. ) J'ai cité ce passage parce qu’il prouve, selon moi, bien clairement, que la rétroversion de la matrice chez les femmes non enceintes, les nullipares et probablement chez les vierges, ayait été observée par cet auteur. Si nous rencontrions unemalade adolescente et sanguine, que conclure de là? Que depuis Aspasie, qui vivait à une époque inconnue, mais probable- ment long-temps avant Aëtius qui vers la fin du 4° siècle, puisait dans ses écrits, on a perdu de vue la maladie qui nous occupe. Rodrigue de Castro reproduisait, environ deux siècles plus tard, mais d’une manière incomplète, ce qu'avaient dit Hippo- crate, Aspasie , etc., sur les maladies des femmes. On peut en dire autant des différents auteurs que J. Spach a réunis sous le titre de Gynæciorum vel de mulierum, etc., morbis et affectibas. (579). Il faut arriver à Levret, c'est-à-dire vers le milieu du 18° siè- cle, pour voir l'attention des médecins être de nouveau attirée par les déplacements de l'utérus dans l'état d’imprégnaticn. Guillaume Hunter eut en 1754 l’occasion de se convaincre de lexactitude des opinions du médecin francais et de l'utilité des conseils qu’il donnait à ses élèves. Desgranges de Lyon rassem- bla tous les faits connus de rétroversion de l'utérus ; il présenta son mémoire à l’Académie de chirurgie qui le couronna en 1785. Leyret et Saxtorph paraissent avoir été les premiers. depuis la renaissance des lettres qui aient soutenu que la rétroversion de l'utérus pouvait avoir lieu chez les nullipares et chez les vierges. Frédéric Jahn, auquel on doit une dissertation sur la rétroversion publiée à Jéna en 1787, n'admet de rétroversion complète que chez les femmes enceintes. « Tamen uteri virginei seunon gravidali retroversio quantum ego quidem intelligo, n / 104 MÉMOIRE partim paulo obseurior, parlim minor est, quam ut morbi nomen mereatur. » (V. Sylloge operum miuorum præstantsWad art. obstetriciam spectantium quam curavit D. J. C. T. Schlegel. T. a. p. 612). Depuis lors, la rétroversion de la matrice hors l'état de grossesse a été indiquée comme possible par presque tousles médecins qui ont traité des maladies des femmes ; mais il ést facilé de voir par le peu de détails qu'ils donnent à ce sujet, qu'ils n’ont pas eu occasion de traiter cette maladie. Aussi est-il tout à fait inutile de les nommer ici. L'Allemagne possède depuis long-temps déjà, plusieurstravaux sur la rétroversion de l'utérus dansl'état de vacuité. Un des plus intéressants est celui du D'. Guillaume Joseph Schmitt, ayant pour titre: Bemerkungen und Erfahrungen ueber die Zu- rückbeugung der Gebaermutter bey Nichtschwangern nebst einigen Beobachtungen über die Vorwaertsheugung.C. A°R. Remarques etexpériencessur la rétroversion de l'utérus chez les femmes non enceintes, suivies de quelques observations d’an- téversion. Vienne, 1820, 8°: Je vais en donner l'analyse. Ja- nalyserai également quelques faits du même genre, qui ont été publiés dans ces derniers temps par M. Hervez de Chepoin, dans les mémoires de l’Académie de médecine, et par madame Boivin et M. Dugès, dans leur traité des maladies de l'utérus. Je ter- minerai ce mémoire par le récit d’un cas de rétroversion que j'ai observé moi-même, sur une vierge et par quelques remarques sur les causes, la marche et le traitement de cette affection. Le premier cas de rétroversion de matrice hors Vétat de grossesse, dont il ait été question en Allemagne, est celui que Richter à publié dans le 5° volume de sa bibliothèque chirur- gicale, p. 132. Cette observation avait été recueillie par le D". Willich de Mülhausen ; mais comme il n'a pu avoir d’autres preuves de la vacuité de l'utérus que les assertions de sa malade qui du reste, avait 43 ans, nous pensons avec M. Schmitt qu'il faut considérer ce fait comme douteux. 1. En 1591, Schneider, médecin du bureau de bienfai- SUR LA RÉTROVERSION DE L'UTÉRUS. 105 sance à Balby, a communiqué une observation qui a été égale- ment insérée dans le recueil de Richter. La malade qui en fait le sujet avait 57 ans. Elle avait une rétention d'urine qui du- rait depuis sept jours ; elle n'avait pas eu de selles depuis 48 heures, malgré les lavements qu’elle avait pris. L'auteur ajoute qu'elle offrait tous les autres symptômes d’une rétroversion de matrice. L’orifice de l'utérus était fortement appliqué contre la symphyse pubienne. Il n’est fait aucune mention de l’état du corps de la matrice. Une forte pression exercée avec le doigt sur le col de l'utérus, afin de l’éloigner du pubis, fit rendre à la malade huit pintes (kannen) d'urine, l'intestin fut vidé aumoyen d’un lavement, ce qui fit disparaitre tous les acci- dents et procura du repos à la malade. On lui prescrivit plus tard une dose de sel de Glauber (sulfate de potasse). Au bout de deux jours, nouvelle rétention d’urine, et deux plus tard encore, tous les accidents reviennent. Schneïder eut recours au moyen qui lui avait déjà réussi; mais en vain cette fois. Ce fut alors qu'il se demanda si une rétroversion de matrice ne pourrait * pas avoir lieu chez une femme non enceinte ? Il fit mettre la malade sur les coudes et sur les genoux; il introduisit deux doigts dans le rectum, et rencontra un corps dur qu'il poussa vers le pubis. La malade éprouva un sentiment de déchirement intérieur qui lui fit pousser un cri. Elle put uriner immédia- tement après cela, et fut complètement guérie. Il est évident que cette femme n’était pas enceinte. 2. En 17092 le D’. Kirschner de Pœsneck publia un cas qui pouvait servir de pendant à celui qui précède. ( V. Stark’s Ar- chiv für die geburtsh : B. IV st. 3. S. 637). La malade avait 52 ans. Il y avait dix ans qu’elle n’était plus réglée. Il est très probable que la rétroversion était arrivée peu à peu; car déjà pendant l'été de 1791, elle éprouva des douleurs sous forme de coliques, auxquelles depuis peu avaient succédé tous les’ symptômes d'une rétroversion. Cependant le toucher fit reconnaitre que la rétroversion n’était pas complète; l'utérusétait 106 MÉMOIRE engorgé, rénitent et très-sensible au moindre contact. La pre- mière tentative de réduction pratiquée au moyen de deux doigts introduits dans le vagin, donna lieu à l'expulsion. d’uné grande quatité d'urine échauffée (probabiement chargée en cou- leur). Laréduction complète ne fut obtenue qu'après plusieurs essais. On s’occupa ensuite de l’irritation, du mouvement fébrile qui furent combattus avec succès. Il ne resta plus qu’un léger abaissement de la matrice contre lequel on prescrivit l'application d’une éponge imbibée d’une infusion de camomille, de mille- feuilles et de sauge, Le D°. Schweighauser de Strasbourg a rencontré 44 cas de rétroversion de matrice : 35 ont été observés sur des femmes non enceintes ; les 5 autres seulement appartiennent à l’état de grossesse. Parmi les 35 premières, il y avait une femme de 72 ans; un cas a été observé pendant une suite de couche, et un autre a été fourni par une vierge. La présence de l’hymen ” ne permettait pas d'élever de doute sur son état (1). Osiander dit avoir observé quatre cas de rétroversion de l'u- térus dans l’état de vacuité. L’un de ces cas a présenté ceci de particulier, c’est qu'il existait une adhérence entre l'utérus et le ligament sémilunaire de Douglas. 3. Le D'. Brünninghausen, de Würzburg, a nbié dans le journal de Siebold (année 1819, B. III: st. 1.), un cas de rétrover- sion dans l’état de vacuité, qu'il avait observé chez une femme de 30 ans, qui sept semaines auparavant, était accouchée pour la 4° fois. Cette femme était âgée de 30 ans, maigre, mais pour- tant bien constituée. Ayant fait un effort pour lever un poids considérable , il lui survint le lendemain, une métrorrhagie ac- compagnée de symptômes de plus en plus alarmants. Deux mé- decins la combattirent l’un après l'autre, par les moyens hémos- tatiques ordinaires, sans résultat. L'hémorrhagie durait depuis (nAufsaetze über einige physiologische und praktische Gegenstænde der Geburtshülfe. Nürnberg, 1817, bey Schrag XXVIIL Von der Rückbeu- gung der Gebaermutter. S. 251—261. SUR LA RÉTROVERSION DE L'UTÉRUS. 107 trois semaines , et la malade était arrivée au dernier degré de fai- blesse: le D'. Brünninghausen fut appelé. Le toucher lui fit re- connaitre que l'utérus avait la forme d’une cornue : c est-à-dire que le fonden était porlé en arrière, tandis que le col n'était pas assez dévié pour occasioner une difliculté dans l'émission de l'urine. Il tenta dabord la réduction en introduisant deux doigts dans le vagin, sans succès; ensuite dans le rectum , ce qui eutun succès complet. Afin de prévenir une rechute que la du- rée de la maladie, le relâchement des parties, consécutif à un ac- couchement récent, devaient faire craindre, on recommanda à la malade de se tenir, pendant quelques jours, couchée sur le côté, et aussi souvent que possible, sur le ventre. En outre, on intro- duisit dans le vagin, une éponge taillée-en forme de cylindre, . enxeloppée d’un limge, sous forme de pessaire. Le D'. Schmitt a fait précéder les onze observations de rétro- ersion que contient son livre par une soixantaine de pages, où il entre dans tous les détails désirables sur les causes, la mar- che et le traitement de cette maladie : fidèle au plan que je me suis proposé, je vais de suite, donner l'analyse de ses obser- vations, nous reviendrons plus tard sur sa théorie. * 4. Première observation. Le 26 novembre 1812,le D'.S. est appelé près d’une femme grande, gréle, maigre et délicate, âgée d'environ trente ans. Seïze ans auparavant, elle était accouchée au huitième mois de sa grossesse, d’un enfant mort. Elle m'était point redevenue enceinte depuis. Merstrues régu- lières jusqu'au début de la maladie actuelle que lon fait - remonter à cinq mois, et que l’on attribue au froid qui avait soudainement arrêté l'écoulement des règles, et occasioné des crampes douloureuses d’estomac et d’intestins; une constipation qui dura huit jours, et qui s'accompagne de ballonnement de lhypogastre, de nausées, de vomissements, de fièvre, ete. On fit prendre à la malade des bains, du calomel et un grand nom- bre de lavements. Avant qu'ils eussent amené des selles, et ce ne fut que le 13° qui yréussit, la malade était tourmentée de 108 MÉMOIRE fréquents accès de ténesme pendant lesquels l'anus s’ouvrait lar- gement, et expulsait une quantité considérable de mucus gluant, semblable à du blanc d'œuf. Schweïghauser met l'expulsion de ce mucus au nombre des signes caractéristiques de cette maladie, et y attache une grande valeur séméioti- que. Schmitt fait remarquer qu'il ne faut pas y attacher une valeur trop absolue, puisqu'on le rencontre dans d’autres affections. Bien que l'intestin eüt été abondamment évacué, il n’en ré- sulta que peu de soulagement, même momentané. La constipa- tion revint plusieurs fois; on la combattit par des lavements salins, qui, à la fin, rendirent le ventre douloureux, tendu. La malade était agitée ; il y avait de l’insomnie, etc. La défécation et la miction n'avaient pas lieu tout à fait sans douleur; l’urine était rouge, peu abondante et riche en dépôt briqueté. Peu avant que le docteur Schmitt füt appelé, les règles avaient paru pour cesser de suite. Ce furent ces symptômes qui portèrent le médecin à soupconner un déplacement de l'utérus: Le docteur Schmitt trouva ( le 26 novembre 1812 ) le ventre tendu, sans être dur, insensible à la pression, excepté dans les flancs, où la malade éprouvait, principalement dans le flanc gauche, un sentiment de pesanteur, de tension douloureuse qui s’étendait jusque dans le bassin, et quelquefois semblait suivre, dans la région pubienne, le trajet des ligaments larges; mais dont la direction la plus ordinaire était vers l'anus. Ce senti- ment de pesanteur s'accompagnait fréquemment du besoin d’aller à la selle, et persistait même après que la malade avait satisfait à ce besoin; ce qui donnait lieu à l'expulsion d’une quantité con- sidérable de mucus. Le pouls était fébrile; il y avait une légère exacerbation chaque soir. On reconnut par le toucher qu’une masse sphérique, de consistance charnue, lisse, remplissait prin- cipalement en arrière, la cavité du bassin. L’extrémitéinférieure de cette masse était un peu aplatie et descendait si bas qu’on pouvait l’apercevoir en ouvrant la vulve. On ne put trouver le SUR LA RÉTROVERSION DE L'UTÉRUS. 109 col de l'utérus qu’en portant le doigt aussi haut que possible derrière le pubis, où il se trouvait situé un peu à gauche de la symphise.En explorant par l'anus, on trouva un corps globuleux, lisse, charnu qui ne permettait qu'avec difculté, et cela du cô- té droit, d’aller plus loin. Le diagnostic ne pouvait être douteux, c'était à une rétrover- sion complète de l'utérus que l'on avait à faire. D'ailleurs tous les symptômes de la maladie étaient là. En y regardant avec at- tention, le docteur Schmitt s’apercut que les cylindres excré- mentitiels étaient aplatis. Il ne crut pas devoir tenter la réduc- tion; parce que le plus léger attouchement, la plus légère pres- sion exercée sur l’utérus, qui paraissait avoir contracté des adhé- rences avec le bassin, causaient de vives douleurs. Le mode de traitement suivant qui lui avait réussi dans des cas analogues fut adopté : il recommanda à sa malade de se tenir constamment couchée sur le côté , le bassin un peu plus élevé que le reste du trone, et un peu fléchi sur ce dernier ; de se coucher sur le ven- tre aussi souvent et aussi long-temps qu’elle le pourrait, et d’é- viter de se tenir sur le dos. Un bain tiède tous les jours, émul- sion huileuse en lavement et en injections portées sur la partie malade au moyen d’un long tube en gomme élastique. Mais avant tout, comme la vessie était distendue par une grande quantité d'urine, le docteur Schmitt introduisit deux doigts dans le vagin, les plaça entre le pubis et le col de la matrice qu’il poussa en arrière. Cette manœuvre permit à la malade d’uriner abondamment, et lui procura un soulagement consi- dérable. Après que l’on eut fait usage pendant quelques jours, de ces moyeus, les accidents commencèrent à diminuer, le mouve- ment fébrile cessa, les nuits devinrent plus tranquilles, etc. On essaya alors, en introduisant deux , puis trois doigts dans le va- gin, de faire quelques légères tentatives de réduction, qui bien que l'utérus füt plus mou, moins sensible, ne produisirent que peu d'effet. Ces tentatives furent journellement répétées ; mais 110 MÉMOIRE l’auteur confesse qu’elles ne servirent pas à grand chose. Il re- marqua qu'à mesure que la matrice redevenait plus molle, elle perdait de sa sensibilité et de son volume. Les autres moyens fu- rentcontinuésavec persévérance. Les selles et l'urine étaient ren- dues assez librement, et la dernière quelquefois en plus grande quantité qu’en santé. L'état de la malade s’améliorait de jour en jour ; le sommeil et l'appétit commencaient à revenir peu à peu; on s’assura qu'à mesure que le fond de l'utérus s'éloignait du périnée, son orifice s’éloignait de l’arcade pubienne, et de- venait de plus en plus facile à atteindre. Peu après les règles parurent, ce qui fut considéré comme d’un heureux augure : les craintes que l'on avait que, comme cela était déjà arrivé plusieurs fois, elles ne cessassent trop tôt, furent vaines; elles continuèrent comme en santé, faiblement d’abord, puis abon- damment, sens douleur ou du moins sans accidents. Le sang était de bonne nature, ne contenait pas de caillots. La malade s’en trouva très bien; les nuits devinrent paisibles, le sommeil bon, et elle mangea avec beaucoup d’appétit. Il va sans dire que pendant les règles on s’abstint de toute tentative de réduc- tion, et que les bains furent discontinués. On se contenta de faire de temps à autre, quelques explorations au moyen desquel- les on acquit la conviction que l'utérus revenait de plus en plus, sous tous les sapports, à l’état normal. Après que les menstrues eurent coulé assez abondamment pendant huit jours, sans in- terruption , elles cessèrent tout à fait, et la réduction se trouva alors complète. Lorsque le 13 décembre, il revit la malade, qu'il trouva hors de son lit, se disant tout à fait bien , il s’assura par le toucher que l'utérus avait à très peu de chose près son volume normal; et était bien en place, seulement un peu plus bas que dans l’état ordinaire. Il conseilla le repos sur le côté, de ne pas se tenir longtemps debout, des injections avec beaucoup de sauge et les espèces aro- matiques; un bandage en F.; il ne survint point d'accident. 5. Seconde observation. L'auteur ayant déjà publié cette SUR LA RÉTROVERSION DE L'UTÉRUS. 111 observation ( Jahrbücher der deutschen Medic. u. Chir. B. I. st. 1 S. 113), l'a donnée ici presque sans détails. Il s’agit d’une petite juive trapue, qui avait trop tôt quitté son lit après être accouchée, et s'était beaucoup fatiguée en changeant de quartier. Cette malade fut en danger : il y eut par conséquent des acci- dents fort graves provenant de ce que la matrice, qui avaitle vo- Jlume de la tête d’un enfant, reposait contre le rectum, et pro- duisait une constipation opiniatre, Les lavements ne produi- saient aucun effet, à moins qu'ils ne fussent donnés avec un “long tube. L’urine coula toujours à peu près librement, les bains tièdes parurent lui faire beaucoup de bien. La réduction, qui se fitlentement, dut principaiement étre attribuée aux seuls efforts de la nature, et peut-être à quelques légères tentatives de ré- duction. 6. Troisième observation. Octobre 1815. Une bourgeoise qui n’était plus jeune, mais qui était habituellement bien por- tante, forte et qui avait de l'embonpoint, avait eu onze couches heureuses, se croyait de nouveau enceinte, et pensait étre au troisième mois desa grossesse. Après une promenade un peu longue, elle fut prise de fortes douleurs qui s'accompagnèrent d'hémorrhagies et autres signes d’un avortement. Une sage- femme fut appelée qui, ayant rencontré un corps arrondi dans le vagin, eut la maladresse de le prendre pour la tête d’un enfant! Elle le saisit, tira dessus sans pouvoir l’a- mener au dehors. Plus tard le médecin de la maison, qui était aussi accoucheur, fut appelé. Il ne reconnut point la nature de la tumeur qui occupait le vagin; mais il faissa à la nature le temps de compléter l'avortement. Après cela les lochies coulè- rent pendant quelque temps, et la femme essaya de se remettre sur pied. Elle n’y fut pas plus tôt qu’elle éprouva un sentiment de pesanteur dans la partie postérieure du bassin, avec un ti- raillement comme si quelque chose eut descendu; elle res- sentit en outre une espèce de distension douloureuse dans le flanc droit. Ce n'était pas la première fois qu'elle éprouvait cette 112 MÉMOIRE dernière sensation; mais elle nefs’était jamais aussi fortement fait sentir. Il y avait de la constipation, et les matières ne sor- taient qu'avec une très grande difficulté. Le D'. Schmitt futap- pelé 10 jours après la fausse couche. Il trouva l'utérus courbé comme uneretorte. Le col en était mou, un peu alongé et aminci, résultat des tiraillements auxquels il avait été soumis; l’orifice utérin était dans l’état normal, et situé contre l’arcade pubienne, tandis que le corps de l'utérus présentant la consistance d’une masse charnue, se trouvait enfoncé dans la cavité pelvienne et en contact avec le rectum. Comme l'émission de l'urine était li-" bre, et l'utérus très sensible, le D'. S. ne fit aucune tentative de réduction. Il se contenta de recommander le coucher latéral, et même de se tenir sur le ventre ou en pronation le plus sou- vent possible, et d'éviter les efforts pendant la défécation. Dès que la sensibilité de la matrice aurait cessé, il conseilla au mé- decin ordinaire d'introduire deux doigts dans le vagin, et de faire tous les jours, quelques légères tentatives de réduction afin d'aider les efforts de la nature. Ce ne fut qu'après qua- rante-deux jours de l'emploi de ces moyens, que la réduction fut complète. Dès que la malade, après être restée pendant quel- ques jours sur le côté et sur le ventre, se sentit mieux, elle quitta lelit, ce qui nécessairement retarda sa guérison. Afin de prévenir une rechute, le médecin ordinaire prescrivit l’applica- tion d’un pessaire à tige (le pessaire de Zeller). Mais la malade ne put le souffrir que pendant deux jours. Il prescrivit des injections avec une décoction d’écorce de chéne qui produisi- rent un bon effet. Les règles reparurent bientôt; et peu après survint une grossesse quise termina très-heureusement. Cette femme est accouchée deux fois encore, la dernière de deux ju- meaux, et cela sans accidents. ÿ 7. 4 Obs. La princesse D., dame russe, délicate, petite, maigre, extrémement sensible, d’une constitution délicate, âgée d'environ 30 ans, et mère de plusieurs enfants, devint'enceinte il y a deux ans, et accoucha d’une môle. Pendant sa grossesse SUR LA RÉTROVERSION DE L'UTÉRUS. 113 elle éprouva de fréquentes envies d’uriner qui persistèrent après l'accouchement, et devinrent si fréquentes qu'il y avait des nuits où elle prenait une cinquantaine de fois le vase de nuit. Elle éprouvait en même temps,dans la région pelvienne un sen- timent douloureux ; cette douleur était plus forte vers la sym- physe du pubis, et diminuait par la pression que la malade exer- cait de temps à autre, elle-même en cet endroit. La digestion se faisait mal, et il y avait peu d’appétit. Elle était sujette à un écoulement muqueux par le vagin. On avait eu recours à des bains de différentes espèces ; les ferrugineux avaient paru lui convenir, les sulfureux n'étaient point supportés. Les règles al- laient bien ; les selles étaient très petites et difficiles. Le docteur Schmitt toucha cette malade le … octobre 181 (à et trouva une rétroversion complète de l’utérus. Le corps de la matrice paraissait un peu dur, sensible au toucher. Le fond se trouvait en contact avec le rectum, et l’orifice en était si- tué si haut sous l’arcade pubienne que ce ne fut qu'avec difi- culté que le doigt put atteindre la lèvre antérieure. On fità plusieurs reprises des tentatives de réduction en introduisant deux doigts dans le vagin, qui ne produisirent que peu ou point de résultat. Le coucher en pronation fut recommandé autant que possible : toutes les fois que cette position devien- drait fatigante , la malade dut se tenir couchée sur le côté, avec le bassin un peu plus élevé que le reste du tronc. On prescrivit des injections astringentes faites avec des substances végétales, l'introduction dans le vagin, d’une éponge imbibée du liquide qui devait servir aux injections. La liberté du ventre fut en- tretenue aa moyen de lavements. Tout s’améliorait , et l’on prévoyait déjà une fin heureuse et prompte à cette maladie; lorsqu'en novembre, la princesse s’enrhuma , et se donna probablement quelque fatigue à l’oc- casion d’une grande fête. Il se manifesta une forte douleur vers la région pubienne, dans le bas-ventre, aux lombes, mais principalement vers les reins , et sur le trajet des uretères. L’u- 114 MÉMOIRE rine coula en petite quantité d’abord etavec douleur, puis s’ar- rêéta presqu'entièrement. Elle était trouble, rougeätre , devint bientôt jumenteuse, et donnait par dépôt, lun sédiment abon- dant muqueux et briqueté. Le docteur Schmitt ayant touché sa malade, fut très surpris de trouver que non-seulement la rétro- version n’existât plus, mais qu’il y eüt plutôt une espèce d'anté- version ; car le col de l'utérus était tellement porté en arrière qu'il se trouvait en contact avec le rectum. L'utérus, le col sur- tout, parut plus volumineux que dans l'état normal. Le toucher ne causa aucune douleur. L’urètre seul conservait un peu de sensibilité; cependant il n'offrait rien de particulier. La leu- corrhée avait complètement disparu ; ce qui fit soupconner que l'usage des injections astringentes avait probablement déplacé le mal, en le transportant de l’appareil génital à l'appareil uro- poiétique. On prescrivit des boissons mucilagineuses, des émul- sions huileuses en injections et en lavements, des bains tièdes. Ces moyens firent disparaitre peu-à-peu les accidents. L'urine revint tantôt claire, tantôt trouble. On prescrivit l'Uvaursi, qui augmenta considérablement la sécrétion de l’urine, et cela au grand soulagement de la malade ; plustard on administra des pi- lules composées d’extrait d’aconit, d’antimoine diaphorétique et d'un peu de muse ; elles produisirent un bon effet, Il ne resta à la malade que son ancienne douleur dans la région pubienne, et une dysurie plus ou moins sensible. On soupconna la pré- sence d'une pierre dans la vessie : appelé à sonder la malade, le docteur Schmitt n’y trouva rien. Injections dans le vagin avec une décoction de racine de guimauve, de camomille et de jusquiame. La malade se trouve mieux. Les choses allèrent ainsi, à l'exception de la sensibilité de l’urè- tre qui disparut peu à peu, jusqu’au mois de mars 1812. époque à laquelle on trouva que l'utérus avait fait des progrès considérables vers son état normal; seulement le col parut encore un peu dur. La leucorrhée n’était pas revenue; les règles coulaient régulière- ment ; la princesse ne se plaignait plus que de sa dysurie qui 7 SUR LA RÉTROVERSION DE L'UTÉRUS. » 115 revenait encore faiblement de temps à autre. Bains sulfureux de Bade près Vienne ; la malade s’en trouva tout à fait bien; mais comme elle ne prit que peu de bains, il est probable que la distraction eut sa part dans les bons effets qu’elle éprouva de ce séjour. A la suitede quelques émotions vives, ses règles coulentavecune abondance. extraordinaire ; sa dysurie se rétablit, elle éprouve un sentiment insupportable à l'intérieur du bassin, d’où elle conclut que la rétroversion est revenue. Cette pensée lui cause tant d'inquiétude qu’elle part immédiatement pour Vienne. Putérus était considérablement incliné en arrière, il y avait un peu d’engorgement au corps de la matrice seulement, point de sensibilité. On essaya à l'instant même la réduction, mais comme à l'ordinaire sans succès. Du reste, tout allait bien. On se contente de recommander à la malade le repos, de se tenir cou- chée sur le côté. Le docteur Schmitt introduit dans le vagin deux doigts qui impriment au col de l'utérus à plusieurs reprises, un mouvement d'avant en arrière. Cette manœuvre n’ayant causé aucune douleur, l’auteur songea à se servir d’un moyen mécanique pour arriver au résultat qu'il cherchait à obtenir. Il fit immédiatement faire quelques injections dans le vagin avec une décoction de jusquiame , afin d’en diminuer la sensibilité aussi bien que celle des parties voisines : il tailla un morceau d'éponge fine en forme de cylindre qu'il entoura d’un fil dont il laissa pendre une certaine longueur ; il imbiba le tout d'huile, et, le jour suivant, il introduisit ce cylindre dans le vagin, le placa transversalement, entre le col de l'utérus et l’arcade pu- bienne. La portion de fil restée libre en dehors du vagin, devait servira enretirercette espèce de pessaire. La malade se sentit im- médiatement soulagée de la sensation pénible qu’elle éprouvait dans la région pelvienne et vers le col de la vessie. Elle urina avec plus de facilité, et moins souvent; et l'éponge elle-même ne lui causa pas la moindre douleur. Après plusieurs jours de l'emploi de ce moyen, le mieux était très sensible : il était évident que le 116 MÉMOIRE col de l’utérus tendait à s'éloigner de l’urètre, et son fond à se relever. Ces circonstances firent songer à faire l'essai d’un pes- saire. On choisit celui de Levret, que le docteur Schmitt pré- fère à tous ceux qui ont été inventés depuis, En le mettant en place, il eut soin de faire entrer autant que possible le col de l'utérus dans l'ouverture du pessaire. Le résultat que l’on obtint de ce moyen fut l'élévation de la matrice qui se trouva soutenue d’une manière égale, l'émission plus facile de l'urine, enfin la malade put sans inconvénient, se donner quelque mouvement. Cependant, peu de temps après, elle donna la préférence à l’é- ponge, qu'elle mettait et ôtait elle-même avec facilité. L’orifice de l'utérus conserva sa place par rapport à l'axe du vagin; mais la matrice conserva une courbure telle que la partie supérieure de l'utérus se trouvait de niveau avec son orifice. Le docteur Schmitt essaya de remédier à cet état morbide qui pouvait devenir habituel; mais tous ses efforts manuels fu- rent inutiles. Après avoir ainsi tenté la réduction en introdui- sant les doigts en même temps ou séparément dans le vagin et dans Janus, en faisant prendre à la malade diverses positions, il se contenta de la faire tenir couchée sur le côté, de lui faire conserver son éponge et de lui prescrire des lavements pour entretenir la liberté du ventre et éviter ainsi les efforts. Peu de temps après, la princesse l’envoya chercher parce qu’elle se sentait débarrassée de tout sentiment pénible : il tou- cha, et trouva tout rentré dans l’état normal. Il fit continuer encore le coucher horizontal sur le côté, prescrivit des injec- tions avec les espèces aromatiques, et spécialement avec de la sauge. Il toucha de nouveau quelques jours après, et trouva l'utérus plutôt incliné en avant qu’en arrière. L’antéversion n’eut pas lieu cependant. La guérison se soutenait encore plu- sieurs mois après. L'auteur conclut en disant, 1° qu’il ne se serait pas permis un si grand nombre d’efforts manuels si les organes n’yeussent paru indifférents ; 2° que la guérison eut lieu spontanément dès que ” , 4, ns SUR LA RÉTROVERSION DE L'UTÉRUS. 117 la malade put prendre sur elle d'observer pendant un témps convenable, le repos et le coucher latéro-horizontal. 8. 5° Onsenvarion. — Une dame de 27 ans, vive, spirituelle, bien faite, à l'œil vif et aux cheveux noirs, dont la peau était fine, le teint pâle et un peu jaune, fut réglée, pour la première fois, à 13 ans. À la même époque, elle eut une fièvre scarlatine à la suite de laquelle elle resta six mois sans rien voir, sans “pourtant devenir chlorotique. Depuis lors, elle fut régulière- ment, mais faiblement réglée, et toujours avec de fortes coli- ques, jusqu'à l'époque de son mariage, qui eut lieu à 20 ans. A partir de cette époque, les règles coulèrent avec plus d'abon- dance, sans coliques ; quelques douleurs de reins seulement les accompagnèrent. Avortement trois mois après la première gros- sesse, après quoi trois grossesses se succédèrent à peu d’inter- valle. La première n’offrit rien de remarquable, sinon que la ma- lade perdit une quantité de sang assez considérable après l’accou- chement. La sage-femme, pour arrêter cette hémorrhagie, lui mit sur le bas-ventre, des compresses imbibées de liqueurs aromatiques ou spiritueuses, qui causèrent une suppression complète des lochies. De vives douleurs à la tête et'au sein s'en suivirent: on eut recours à la saignée, aux fomentations émollientes ; une fièvre puerpérale se manifesta, et la malade ne put quitter son lit qu’au bout de six semaines. Il lui resta, pendant quelque temps, un léger sentiment de tiraillement dans le bas-ventre, qui disparut pendant lecommencement d’une nouvelle grossesse qui survint peu de temps après la pre- mière. Ses règles parurent quelquefois pendant la première moitié de cette grossesse ; c’est la seule chose digne de remarque qu'elle présenta. Ses couches eurent lieu au moment où [son E. était gjevement malade, ce qui fut cause que cette dame * quitta le lit cinq jours après étretaccouchée, Elle éprouva bien- un sentiment de 1 À de tiraillement qui revenaitcomme : accès, et qui s'accompagnait d’une douleur de chaque côté . de by pogastre qui augmentait quand la malade pro une à d TOM, 1. 148 MÉMOIRE … position horizontale. Cette dernière douleur s'étendait à partir des dernières fausses côtes jusqu'au pubis, et était accompa- gnée d’un sentiment de pesanteur vers l’anus qui, primitive- ment, fut le point de départ de ses souffrances. Un écoulement en blanc par le vagin, dont elle ne s'était jamais aperçue aupara- vant, se manifesta; les douleurs abdominales et pelviennes devin- rent quelquefois tellement fortes qu'il se manifesta un mouvement fébrile avec une tension douloureuse de l'hypogastre, du ténesme et expulsion d’un mucus sanguinolent par l'anus ; la malade fut forcée de seremettre au lit. A tousces symptômes s’ajoutèrent,dans cette dernière circonstance, ceux d’une surexcitation du système nerveux; c’est-à-dire de fortes migraines, une grande suscep- tibilité, de l’effroi, des pleurs involontaires , etc. Ces accidents ne revenaient point d’une manière périodique; cependant ils ne manquaient Jamais au début de chaque époque menstruelle: C'était quelques jours avant l'apparition des règles, et pendant qu’elles coulaient qu'elle se trouvait le plus à son aise, ou le moins incommodée ; les règles, du reste, coulaient très régulièrement. Beaucoup de mouvement ou la station prolongée augmentait le malaïse; elle éprouvait dans les jambes en particulier, un grand sentiment de faiblesse. La voiture était encore plus dif- ficilement supportée. Elle ne pouvait rester assise sur un siège dur ; et si elle restait long-temps assise , il lui restait, dans la région hypogastrique, un sentiment de raideur comme si les parties eussent perdu de leur flexibilité. La leucorrhée aug- mentait avec le malaise, et devenait considérable surtout à l'époque des règles. Cet écoulement était tout-à-fait muqueux , sans odeur; le coït était à peine supportable. omme les douleurs n'étaient pas très fortes et tout-à-fait locales, ce ne fut que lorsqu'elles eurent considérablement aug-Wy menté, c’est-à-dire au bout d’un moïs, que l'on songea à ayoir recours à un médecin. Cette dame avait allaité son premi enfant jusqu’à l’âge de dix mois ; elle ayait été Ven tt d'al- SUR LA RÉTROVERSION DE L'UTÉRUS. 119 laiter le second par une fièvre puerpérale ; et un mal de sein l'avait forcée à discontinuer l'allaitement du dernier. Tous les symptômes morbides de l'appareil générateur furent attribués à un relâchement de matrice ou à un commencement de prolapsus ; et en conséquence des injections astringentes et toniques furent prescrites et des bains de siège de même espèce. On lui fit faire des injections avec le quiuquina, l'esprit de cam- phre, l'alun, le sous-acétate de plomb, etc. ; les bains furent préparés avec les espèces aromatiques ; et intérieurement on luiadministra des préparations de quinquina et de fer. Tous ces moyens continués pendant une année, n'ayant produit au- cune amélioration, la malade partit pour Vienne. Le docteur Schmitt fut appelé le 24 février 1816. Il trouva l'utérus beaucoup plus bas que dans l’état normal; en même temps que la partie supérieure était portée vers la cavité du sacrum et un peu à droite , il y avait une notable augmentation de volume et de consistance, sans que l'on püt songer à l'état squirrheux : une pression un peu prononcée réveillait les dou- leurs de la région hypog gastrique dont ‘ plaignait habituelle- ment la malade. Du reste, l'organe n’offrait rien d’anormal quant à sa forme, l'augmentation de volume exceptée. Le col dirigé d’arrière en avant, et un peu à gauche, était en contact avec l’arcade pubienne ; il offrait un gpeorsement, très marqué, une cossiuinee spongieuse , Vorifice en était béant. La déféca- tion n'était que peu génée à cause de la direction de l'utérus versle Fr droit ; Vurine était rendue sans douleur, mais beaucoup plus souvent que dans l'état normal, et non sans quelque degré _ d'ivritation. Depuis sa dernière couche, en particulier, la ma- _ lade in d'uriner irivolontairement quand élle toussait, riait où faisait quelque fi ; VE engorgement était-il la cause ou l'effet de la maladie ? Cette L, mière opinion parait la plus vraisemblabie: Le 28 mars, le docteur Schmitt fit une tentative de réduction en introduisant deux doigts dans le réctums et, contre son attente, il réussit 120 MÉMOIRE complètement. Cette manœuvre lui fournit l’occasion d'acquérir une nouvelle conviction du degré considérable d’engorgement de l'utérus. ; » Après la réduction, le repos, le coucher horizontal sur le côté, furent recommandés. Le D”. S. conseilla à sa malade d'éviter toute espèce d' effort, et de ne point se coucher sur le dos. Un mieux général résulta de l’observation de ces conseils; mais ce mieux ne fut pas de longue durée : vers le milieu d'avril, tous les accidents revinrent, et la rétroversion avec eux. On eut en- core recours aux mêmes moyens, et deplus on appliqua une éponge pour maintenir la matrice en place. La malade ne put supporter l'usage de ce dernier moyen. Après qu’on eut retiré l’é- ponge, l'utérus se trouva moins éloigné de sa position normale qu’au moment où elle avait été appliquée. Cependant les acci- dents reviennent de temps à autre, ce qui fait soupconner qu'il existe plus qu’ un sim nple déplacement. On a recours aux moyens propres à combattre une congestion sanguine avec tendance à linflammation et à linduration ; on prescrit des bains tièdes, dés cataplasmes émollients, des injections vaginales et des lave- ments de même nature On fait appliquer des sangsues à la vulve et au périnée; intérieurement, on administrele calomel, l'anti- moine diaphorétique, la digitale, etc. Ces moyens n’eurent que peu d'influence sur la marche de la maladie; il est vrai aussi que la récurrence "de fortes exacerbations fit souvent abandon- ner l'usage des moyens internes. Au mois d'août, les douleurs de la région anale dévinrent plus continues et plus insupportables. L’utérus fut trouvé consi- dérablement incliné en arrière ; sa partie supérieure seltrouvait en contact avec le rectum; et comme le col se RE éloi- gné de sa situation normale’, on en conclut que la matrice de- vait avoir la forme d’une cornue, ce qui constituait une Vérita- ble rétroflection. Après la réduction, le docteur Schmitt Ep L duisit dans le vagin un pessaire en lége recouvert de cire, et présentant sur son bord antérieur, uñie échancrure en forme dem F n ” SUR LA RÉTROVERSION DE L'ITÉRUS. 121 croissant, qui, après que les premiers accidents causés par lirni- tation que produit toujours la présence d’un corps étranger} eurent disparu, soulagea la malade en faisant cesser la pression presque continuelle qu’elle éprouvait vers l'anus. Mais comme ce pessaire se déplacait facilement au moindre effort, on le rem- “placa par un pessaire de Levret, que l’on eut soin de choisir avec une ouverture suffisante pour recevoir'le col de l'utérus. La malade s'en trouva incomparablement mieux. Une légère augmentation de l’écoulement muqueux, qui devenait un peu irritant à l’époque des règles, la nécessité de retirer ce pessaire tous les deux ou trois mois, pour le nettoyer ou pour en remet- tre un neuf, telles sont les seules incommodités que cause l'application de ce pessaire. Les bons effets qui en résultèrent se soutinrent pendant près d’unerannée. Dans les premiers jours d' août 1817, les anciennes douleurs reviennent. Le dorteur S. est appelé : la malade dé- sire qu’on lui remette un pessaire ; le docteur S. % consent avec répugnance, parce que, dit-il, «il n’y avait que quelques jours, que les règles avaient cessé, et que je craignais la surexcitation des organes génitaux. » En effet, dès le lendemain de l'application du pessaire, de fortes douleurs se firent sentir dans le ventre et le bassin; il survint de la fièvre; l'écoulement vaginal cessa. Ces accidents continuèrent pendant six jours, et se terminèrent par l'écoulement abondant d’un mucus aqueux et fétide. Les rè- gles parurent le 25 du même mois; mais elles s’arrétèrent bien- tôt, ne coulèrent qu’en petite quantité, et finirent par n'être qu'un suintement séreux et fétides Il y avait en même temps de la douleur dans le ventre et de la fièvre. La malade ne consentit qu'à regret à laisser retirer le pessaire. L'utérus avait augmenté en volume, en sensibilité et en tempé- wature ; l’'inclinaison était devenue aussi plus considérable. Mal- gré tous les moyens auxquels on eut recours, cet état d'irrita- tion persista yeles symptômes généraux et locaux allèrent en augmentant de gravité pendant plusieurs jours. À la fièvre s’a- 122 MÉMOIRE jouta une perte qui se manifestait par l'écoulement alternatif de caillots sanguins et de sérum. La malade éprouvait en outre, de fortés douleurs dans la région sacrée et dans les lombes, qui s’é- tendaient jusqu'aux membres inférieurs; l'urine était jumen- teuse. Get état persista jusqu'au »7 septembre : le 8, la malade était sans fièvre, et ne se plaignait plus que d’une douleur ob-* tuse vers la région pubienne droite, laquelle semblait naïître du fond de l'utérus. Ce dernier organe se trouvait un peu relevé, moins tuméfié et moins sensible. Vers le milieu de la convalescence, c’est-à-dire, vers Fi 18 septembre, survint un nouvel écoulement sanguin qui, en très peu de temps, se changea en une hémorrhagie qui fût devenue “nécessairement mortelle sans les secours intelligents qpi furent donnés à la malade. Des douleurs peu différentes de celles qu'elle avait anciennement éprouvées se firent ressentir dans les lombes, et s'étendirent aux membres inférieurs, en suivant le trajet du nerf crural. Ces douleurs étaient accompagnées d’un sentiment de pesanteur dans la région antérieure du bassin. Le rétablissement cependant continua de faire des progrès. Vers la fin d'octobre, les règles parurent et coulèrent modérément et sans accident ; mais elles furent suivies d’un suintement aqueux accompagné de quelques-unes des anciennes douleurs. Plus tard, cet écoulement devint purement muqueux. Depuis cette époque, tous les symptômes graves disparurent, et les anciennes douleurs abdominales et pelviennes se réduisi- rent à une sensation plutôt incommode que douloureuse, à une légère avance de l’époque menstruelle et à un peu d'écoulement aqueux pendant lequel la douleur augmente , les règles parais- sent comme en santé. Des injections de cigué firent cesser l'écoulement et la douleur. La matrice conservait encore de Pinclinaison , sa face postérieure offrait encore du gonflement et de la sensibilité, mais tout cela à un degré bien moindre qu ’auparavant. « Au mois de février 1818, cet état de bien-être, relativement SUR LA RÉTROVERSION DE L'UTÉRUS. 125 parlant, fut interrompu par le retour des anciennes douleurs, presqu'immédiatement après la menstruation.Le docteur Schmitt demanda une consultation qui eut lieu le 6 mars. Son confrère se trouva entièrement de son avis sur l'état actuel de la malade. Il pensa que la maladie devait être attribuée au traitement er- ronné que l'on avait fait subir à la malade, après sa deuxième couche ; à la fièvre puerpérale qui en avait été la conséquence; que cette maladie avait été augmentée par les écarts de régime qui avaient suivi la dernière, et par l'usage long-temps prolongé des moyens toniques etastringents. Gependant, bien que le réta- blissement complet dut long-temps se faire attendre, la maladie était loin d’être incurable. Des bains de siége, des injections émollientes, furent em- ployées par la comtesse, mais sans en tirer un avantage marqué, ce que le docteur Schmitt attribue au tube grossier de la seringue à injection, qui irritait les parties et les distendait outre mesure: Au mois de février 1819, époque où il vit et toucha la malade pour la dernière fois, l'état locales parties avait peu changé, mais - l'état général était considérablement amélioré. Il n’y avaittplus d'accidents qu'après chaque époque menstruelle, et ils étaient rarement violents. Il a su depuis, par lemédecin ordinaire, que le mieux continua de faire des progrès, de sorte qu’au commen- cement de l'été 1820, toustles symptômes morbides avaient en- tièrement disparu. La comtesse. avait cependant fait plusieurs voyages ; preuve que tout était bien rentré dans l’ordre, puisque les secousses auxquelles elle avait été exposée n'avaient exercé aucune influence sur sa santé. La suite au numéro prochain. RECHERCHES SUR L’EXISTENCE ET L'ORGANISATION (S DES VÉSICULES ADIPEUSES. PAR H. HOLLARD, D. M. P. V. pour les fig, la PI. IV. Le üssu qui renferme le produit plus ou moins liquide ou semi-solide , connu sous le nom de graisse, constitue-t-il un tissu spécial distinct du tissu ambiant, ou n'est-il autre que ce dernier, c’est-à-dire, le tissu cellulaire inter-organique, avec les formes et toute la simplicité qu'il présente dans son état d'isolement ? : " Cette question sort, telle que je viens de la poser, d’une étude attentive des travaux et des discussions dont le tissu adi- peux a été l'objet jusqu'à ce jour. En effet, l’histoire de ce point de la science se résume en deux opinions opposées qui, l'une et l'autre, comptent d’illustres partisans. Les uns veulent que la graisse soit contenue dans des poches ou vésicules d’une orga- nisation plus ou moins complexe, plus complexe du moins que celle du tissu cellulaire, et qui seraient à la fois pour ces produits des organes sécréteurs et des loges de dépôt ; les autres soutiennent que le tissu adipeux n’est que du tissu cellulaire sans modification aucune, et dans lequel la graisse, que ces au- teurs font sortir directement de la circulation à travers les pa- rois des vaisseaux , viendrait seulement se déposer. Il s’agit donc de décider si l’histoire du tissu adipeux n’est qu’un détail de celle du tissu cellulaire, ou si elle doit former un chapitre à part dans l’histoire générale des tissus spéciaux. Occupé dans ce moment de l'étude de ceux-ci, j'ai rencontré la question dont il s’agit dès l'entrée de mon sujet, et malgré tout le mérite des travaux dont elle a été l’objet, je n'ai pas trouvé dans ces RECHERCHES SUR L'EXIST. ET L'ORGANIS. DES VÉSICULES ADIPEUSES. 125 travaux les éléments d’une solution irrécusable. En conséquence, j'ai dû , comme on le verra dans la suite de ce mémoire, cher- cher ces éléments dans l'observation directe des faits. Depuis que le microscope a permis aux anatomistes d'atteindre jusqu'aux plus petits détails de l'organisation , on sait générale- ment que les derniers fragments du tissu graisseux , visibles à l'œil nu, sont des amas de corpuscules inégaux , irréguliers, mais généralement arrondis, bien délimités, et assez indépen- dants les uns des autres, malgré leurs connexions réciproques, pour qu’on puisse les isoler sans les détruire et sans les entamer. Si cet isolement est difficile dans beaucoup de cas , cela tient , comme je m’en suis convaincu par des expériences compara- tives et réitérées, à la fluidité trop complète de certaines graisses ; les corpuscules des graisses solides du mouton ou du bœuf sont ceux qui se séparent le plus facilement. Dans quel- ques endroits, par exemple dans le tissu cellulaire qui sépare les faisceaux des muscles, on rencontre ces corpuscules dans un état d'isolement naturel (fig. 1. d.). Ailleurs et plus ordinaire- -ment, ils sont groupés de diverses manières ; dans le tissu cellu- laire sous-cutané, autour des reins, ete, ils forment des lobules et des masses plus ou moins arrondies (Fig. 1 a) ; dans l'inter- valle des feuillets du mésentère et de l’épiploon , on voit leurs aggrégalions s'étendre en trainées longues, aplaties , irrégu- lières ; ailleurs encore, dans le corps graisseux particulier qui surmonte les organes génitaux et urinaires des batraciens, ces corpuscules s’amassent en appendices digitiformes parfaitement découpés {Fig:1.61,62.). Partout, leurs groupes offrent un rap- port de situation plus ou moins évident avec les vaisseaux san- guins , comme on peut surtout s'en convaincre en examinant la disposition de la graisse épiploïque (Fig. 1.c.), à laquelle se rapportent génériquement les appendices digitiformes dont nous + venons de parler. Mais nulle part, je n’ai pu reconnaitre la dis- position pédiculée que Malpighi assigne aux lobes et aux grains graisseux , disposition qui lui avait suggéré la comparaison si 126 RECHERCHES SUR L’EXISTENCE ET L'ORGANISATION souvent reproduite du lobule graisseux à une grappe de raisin ; je n’ai vu nulle part les grains ou corpuscules adipeux portés par des pédicules. S'il fallait absolument comparer les aggrégats dont il s’agit à un fruit, je préférerais les assimiler ayec Glisson au tissu vésiculeux de l'orange et du citron (x). . Quoi qu'il en soit de la justesse ou de l'inexactitude de ces rapprochements, oceupons-nous, c’est là le point essentiel, de déterminer en quoi consiste le granule adipeux , nous verrons bien par à quels sont ses vrais rapports avec le système vaseu- laire. Malpighi, ce glandulosæ fabricæ fautor notissimus, pour me servir des expressions de Haller (2), regardait la graisse comme sécrétée par des glandes et portée par des conduits ou canaux excréteurs dans de petites vessies ovoïdes closesde toutes parts, appendues aux extrémités des vaisseaux artériels et veineux ; ce célèbre anatomiste n’avait cependant émis que des soupcons et sur les glandes qui sécrétaient la graisse et sur la réalité du rôle qu'il faisait jouer aux stries de l’épiploon, regardées par lui comme des canaux conducteurs de ce produit. Plus tard , il renonca même à ses premières idées sur cesujet (3). Ses suc- cesseurs les adoptèrent néanmoins, mais en les modifiant. Perrault (4) et Collins (5) entre autres admirent dans la loge adi- peuse des follicules sécréteurs, et Morgagni établituneanalogie complète entre les corpuscules de la graisse et le tissu granuleux des glandes (6). Haller démontra que tout ce qu'on avait dit jusqu'alors sur la nature du tissu graïsseux n’était que des con- jectures basées sur de premières apparences; le célèbre physio- (1) De partibus continentibus in genere. Ch. XI. (2) Elem. physiol. T. I, p. 39. (3) Opera posthuma, p. 24. (4) Essais de phys. T. IL, p. 294. (5) Syst. of. anatomy, p. 181. (6) Advers. anat. DES VÉSICULES ADIPEUSES. 127 logiste bernois ne voulut pas même admettre que les corpus- cules graisseux eussent une enveloppe propre vésiculeuse , il les décrivit comme de petites portions de graisse qui ne devaient leur forme et leur circonscription qu'aux aréoles plus ou moins arrondies du tissu cellulaire, dans lesquelles ce conduit venait se distribuer à sa sortie des vaisseaux voisins. Cette doctrine de- vint celle de la plupart des successeurs de Haller, celle de Bi- chat, de M. de Blainville, celle même des auteurs qui , loin de coñcevoir le tissu cellulaire comme naturellement creusé d'a- réoles, le considéraient avec Bordeu comme une simple glu dénuée de formes organiques. Pour ces derniers , la forme gra- nuleuse que présente la graisse au microscope , s’expliquerait par l’épanchement de cette matière goutte à goutte au sein du mucus inter-organique (1). Hunter cependant ne partagea pas lesidées de Haller et de son école; il continua à distinguer . nettement le tissu adipeux du tissu cellulaire proprement dit ; pour lui, les corpuscules sont formées par de vraies vésicules complètement distinctes par leur organisation aussi bien que par leurs fonctions des aréoles de ce dernier tissu (2). Il pré- tendit même que ces vésicules préexistent à la graisse qui les remplit. Mascagni admit aussi leur existence et leur assigna une orga- nisation vasculaire. Enfin, de nos jours, Béclard professa dans nos écoles l'ancienne doctrine de la spécialité du tissu adipeux formé de vésicules qui recevraient dans leurs parois les divi- sions de rameaux vasculaires veineux etartériels , aux quels elles seraient appendues comme les grains d’une grappe de raisin à leur pédicule. Béclard ne pensait pas cependant que ces vési- cules préexistassent à la graisse qu’elles contiennent; elles dispa- raissaient également, selon lui, après l'absorption de cette matière, (1) Wolf deteladicta cellulosa iz Nov. act. acad. Petrop. T. VII.-Meckel, man. d'anat, T.I.—Heusinger. Syst. der hystol. 2 Heft. {2)W. Hunter Remarcks, on cellular membran; #7 medic. observat., and inquiries, T. II. 128 RECHERCHES SUR L'EXISTENCE ET L'ORGANISATION qui n'était à ses yeux qu'un liquide exhalé et non le produit d’une sécrétion glanduleuse, comme le disaient les prédécesseurs de Haller (1). C’est à ce point que la question en est demeurée, cependant je dois ajouter que M. Raspail , dont on connait la théorie organogénique , non seulement admet l'existence des. vésicules adipeuses et de leurs pédicules ou Ailes, mais les fait dériver comme toute partie de l'organisme de vésicules plus grandes, dans lesquelles elles seraient contenues, et auxquelles elles tiendraient par ces prétendues pédicules comme l'embryon tient à sa mère (2). Aleur tour, les vésicules adipeuses en en- gendreraient d’autres qui se laisseraient apercevoir à travers leurs parois. Nous verrons tout à l'heure à quoi se réduisent les faits invoqués à l'appui de cette nouvelle organogénésie. Il résulte du précis historique qui précède, que la question de la nature des corpuscules microscopiques de la graisse doitêtre posée comme suit : Existe-t-il ou non des vésicules adipeuses ? . Quelle est leur organisation, leur mode de formation , le rôle dont elles sont chargées ? T. Existe-t-il ou non des vésicules adipeuses ? Béclard résu- mant les arguments qu’on peutinvoquer en faveur de l'existence d’un tissu adipeux spécial et cysptiforme dit : 1° que si la graisse était enfermée dans des loges closes, elle se porterait sur les par- us les plus déclives, comme fait la sérosité dans l'œdème ; cet argument est fondé sur la croyance que la graisse est pendant la vie, d’une cohésion assez faible pour s’écouler comme un liquide aqueux ; 2° que dans l’anasarque les molécules adipeuses sont isolées par la sérosité qui les baigne, ce qui n’arriverait pas si la graisse était infiltrée dans le tissu cellulaire, et formait untout non interrompu; 3° qu'il est des parties où l’on ne trouve jamais (1) Eléments d'anat. générale.— Additions à l'anat. génér. de Bichat. (2) Nouv. syst. de chimie organ. p. 184. ! Lathéorie embryogéniquede M. Raspail repose sur des méprises, incroya- bles, dont on pourra prendre une idée dans le cours que M. le docteur Coste fait en ce moment au Museum cours qui sera publié très incessamment. DES VÉSICULES ADIPEUSES. 129 , de graisse, bien que le tissu cellulaire y existe comme partout ailleurs ; 4° qu’un peloton graisseux élevé à une chaleur capable de fluidifier complètement son contenu, ne laissera échapper de la graisse qu'autant qu'on y fera une üncision; 5° qu’enfin, les fonctions du tissu cellulaire sont tout autres que celles du tissu adipeux ; mais ce dernier argument ne doit être compté pour rien, car il décide la question par la question elle-même. Il le faut avouer , ces raisons sont au moins insufhsantes ; "quelques-unes même n’ont pas de valeur. Les personnés qui ne xeulent pas de vésicules adipeuses ré pondent à la première, ou comme M. de Blainville, que la graisse, même chez l'animal vi- ant, n'a pas la fluidité qu'on allègue ici, ou comme M. Heu- singer, que dans les espèces où ce produit est décidément hui- leux, dans les oiseaux et les poissons, iltend en effet à s'accu- muler davantage vers les régions les plus déclives du corps; mais ce dernier fait pourrait être considéré plutôt comme ren- trant dans le fait général de l'accumulation de la graisse autour de la cavité viscérale. On peut demander ensuite s'il est bien - certain et si l’on a bien vu que dans l’anasarque, la sérosité va jusqu'à isoler les grains graisseux eux-mêmes ; c’est un fait que je ne nie point, qui serait méme d'accord comme on le verra avec mes conclusions , mais que je n'ai point constaté , et qui n’est pas établi, que je sache, par destémoignages suffisants. En- suite, s’il est vrai que dans les circonstances ordinaires , on ne reucontre pas de graisse dans certaines parties bien pouryues d’ailleurs de tissu cellulaire, au scrotum, par exemple , cela dé- pend évidemment de l'état physiologique de ces parties, car en changeant cet état , vous y produisez l’exhalation graisseuse. Ainsi, il est très facile à concevoir que les vaisseaux de l'ap- pareil génital, chargés qu ils" sont de fournir à une sécrétion spéciale, n’exhalent pas de graisse; ce fait n'est-il pas parfaite- ment d'accord avec celui qui nous montre, dans la série des âges, la graisse d’ autant moins abondante que la faculté de re- production est plus active ? Enfin qui ne sait qu'à la suite de la 130 RECHERCHES SUR L’EXISTENCE ET L'ORGANISATION castration, l’exhalation de ce produit acquiert une grande acti- vité et se propage jusque dans le scrotum lui-même. Enfin, si un peloton graisseux élevé à 40° cent. ne laisse échapper de graisse qu’autant qu’on lincise, cela prouve seulement, à la rie, gueur, que le tissu cellulaire qui entoure ce peloton graisseux est assez dense pour empécher l'écoulement. Je ne saurais m'étonner, en songeant à la faiblesse des raisons sur lesquelles on a fondé généralement la spécialité du tissu adi- peux, que peu de personnes aient cru à cette spécialité et que las plupart des anatomistes aient préféré l'opinion de Haller à celle des anciens qu'on essayait de réhabiliter. Mais si les raisons ont été très faibles, la doctrine elle-même ne l’étaient peut-être pas autant. Des observations miscroscopiques répétées m'ont convaincu que les corpuscules qui composent les lobes graisseux sont réelle- ment formés par de petites vésicules remplies d’une huile tantôt fluide tantôt concrète selon les espèces animales. Seulement, comme je le prouverai plus tard, ces vésicules n’ont pas, à mes yeux, toute l'importance physiologique qu’elles ont eue pour l'é- cole de Hunter. : Un premier fait en faveur de ces vésicules, c'est que les cor- puscules graisseux se laissent séparer les uns des autres et qu’on peut les isoler complètement du groupe dont ils font partie ; cette opération est praticable non seulement sur les graisses solides, comme celles des animaux ruminants, mais encore, bien que moins aisément, sur les graisses diffluentes des animaux à sang froid, notamment sur celle qui constitue les appendices adipeux digitiformes ou corps jaunes des batraciens. Je me suis assuré que ces corps étaient bien réellement des masses adipeuses, quoi qu'en aient dit quelques auteurs ; mais l'huile qu'ils con- tiennent est d’une fluidité telle et d’une nature si évaporable que le papier en demeure à peine taché. Or, si un corpuseule grais- seux qui ne renferme qu’un liquide de ce genre se laïsse isoler sans perdre ce fluide, sans se déformer, il faut bien en conclure DES VÉSICULES ADIPEUSES. 131 que son contenu n’a pas pour seules limites un tissu celluleux ordinaire dont les aréoles s’ouvriraient les unes dans les autres. Lorsqu'on isole ainsi un corpuscule graisseux on trouve as- sez ordinairement sur un ou plusieurs points de sa surface des débris de tissu cellulaire sous forme de filaments ou de flocons informes ; mais ces débris manquent dans beaucoup de cas, et le corpuscule sans rien perdre de sa forme, présente souvent alors une surface parfaitement homogène, ou tout au plus quel- ques stries irrégulières, derniers indices de ses connexions rom- pues. Il est aisé de s’assurer par là que, s’il y a continuité entre le tissu cellulaire proprement dit et la surface du corpuscule graisseux, c’est que celui-ci est entouré d’une enveloppe cysti- forme organique ; mais on s'assure aussi que cette enveloppe n’est pas une simple paroi lamineuse ou filamenteuse de cellule ordinaire, car sa structure tranche assez nettement avec la tex- ture fibrillaire du tissu ambiant dont les débris lui sont demeu- rés attachés ; d’ailleurs il est fort peu probable ‘qu'une paroi de cellule ne partageät pas le sort des fibres qui la formeraient par leur entrecroisement ou leurs anastomoses, lorsqu'on viendrait à déchirer ces fibres pour isoler le‘corpuscule. Les expériences suivantes achèvent de démontrer toute la différence qui existe entre la forme vésiculeuse du tissu adipeux et la forme celluleuse proprement dite. J'ai raclé un morceau de graisse de bœuf, et je l'ai réduit en üne sorte de poudre très divisée que j'ai soumise à un broie- ment incomplet, après quoi j'ai placé cette graisse dans un petit creuset oùe l'ai soumise pendant quelques minutes à l'ébulli- tion. J'avais alors en vue d'étudier la différence de fusibilité que pourrait présenter la même espèce de graisse selon qu’elle était encore unie aux tissus qui lui servent de lieu de dépôt ou qu'elle en a déjà été séparée, et j'avais en conséquence cherché à placer le tissu adipeux dans les circonstances les lès favorables à action que la châleurs devait exércer sur lui. Lorsqu'après quelques minutes d’ébullition, je mis Sür lobjec F du microscope 132 RECHERCHES SUR L'EXISTENCE ET L'ORGANISATION une petite portion du detritus laissé par la graisse fondue, je fus surpris d'y retrouver un très grand nombre de corpuscules adipeux intacts, quoique parfaitement isolés pour la plupart; ces corpuscules avaient donc échappé à la chaleur de leau bouïil- lante, c'est-à-dire à une température deux fois plus forte que celle qui est nécessaire pour fondre la stéarine. Il était bien évi- dent que la graisse ramenée ici tout entière à l’état liquide, avait été contenue sur tous les points de la circonférence du glo- bule par une membrane qui avait même pu se prêter à une certaine extension sans s’érailler. L'eau ambiante avait empé- ché la transsudation de l'huile fluidifiée à travers cette mem- brane. Mais hors de l’eau, la graisse s'échappe du globule aussitôt qu'elle est soumise à une chaleur suffisante pour la liquéfier et pour lui imprimer un mouvement d'expansion un peu sensible. J'ai soumis à plusieurs reprises sur l'objectif du microscope des corpuscules isolés de graisse de bœuf à l’action d’un charbon vif que je tenais à la distance d’un pouce environ. Au bout d’un moment, je voyais s'épancher autour du corpuscule une huile de plus en plus abondante ; dans les premiers instants de ce phénomène, le globule adipeux conservait sa forme et semblait seulement se contracter ; puis il finissait par s’affaisser peu à peu et par se réduire à un detritus informe qui restait comme submergé au milieu de la couche de liquide oléagineux qui ve- nait d’en sortir. J'ai pu me convaincre encore par cette expé- rience de la réalité de existence des vésicules adipeuses (1). IL. Quelle est la nature et l'organisation des vésicules adi- peuses ? Tous les auteurs qui ont admis l'existence de ces vési- cules ont prétendu que chacune d’elles recevait un pédicule (1) M. Raspail est arrivé à la même conclusion, par une expérience qui consiste à fairgagriver graduellement à l'ébullition,de l'alcool tenant des cor- puscules graisseux en suspension. | IL a,va ceux-ci se dilater, puisse déchi- rer en deux ou er | sontlagités par le liquide, mais qui. ne subissent pas d’altération pendant toute la durée del expérience, l.c. p.188. [ DES VÉSICULES ADIPEUSES. 133 vasculaire qui se ramifiait dans ses parois. Ce fait a été répété depuis Malpighi par tous ses successeurs, plus tard | par Hunter, puis par Mascagni, et dans ces derniers temps par Béclard et par M. Raspail. Dans la pensée de ces auteurs, cette opinion se lie à l'idée qu'ils se sont faite de l’origine de la graisse. Ils font émaner ce produit des vésicules elles-mêmes qui jouent iei le rôle d'organes sécréteurs ; il fallait bien dès lors leur accorder des vaisseaux sanguins. Mascagni est méme allé jusqu'à y ad- mettre ( des vaisseaux absorbants et exhalants, comme il en à vu lu reste dans tous les tissus. Pour moi, je l’avoue, j'ai vaine- ‘me cherché et le pédicule et les ramifications vasculaires des prétendues glandes adipeuses, comme les appelle encore M. Ras- pail. Je n’ai vu en fait de pédicules que des fibriles de tissu cellulaire , quelquefois uniques et pédiculiformes , il est vrai , mais encore plus souvent multiples, réticulées, éparses sur diffé- rents points de la circonférence du globule adipeux, et d'une ‘dimension qui exclut l'idée que ce pussent être des yaisseaux sanguins, Les injections à la colle de poisson et au cinabre , m’arrivaient pas à ces prétendus. vaisseaux , ou bien la matière injeclée se montrait épanchée autour d’eux, et colorait les vési- cules d’une manière uniforme, comme cela aurait eu lieu dans un cas d’imbibition. D'ailleurs, je le répète, il y avait dispro- portion entre la plapart des filaments en question et les globules du s sang ; bien plus, j'ai constaté que chez les batraciens, ces derniers globules sont plus gros que beaucoup de vésicules adi- peuses. Quand on PA la graisse qui entoure un rameau vasculaire injecté de l’épiploon, on voit que les vésicules sont jetées sans ordre sur les côtés de ce rameau dont elles suivent exactement le cours ( Fig.1.c.); plusieurs d’entre elles sont complètement isolées des autres, mais aucune ne présente de pédicule et l’on ne voit pas que le vaisseau qu'elles côtoient Pa envoie des subdivisions ; les plus forts grossissements n’en font pas plus découvrir que les grossissements inférieurs, et d'ailleurs, il n'est pas besoin de pouvoirs amplificateurs bien TOM. 1! 9 154 RECHERCHES SUR L'EXISTENCE ET L'ORGANISATION 5 considérables pour apercevoir un vaisseau capillaire sanguin. Fontana ,qui admettait aussi les vésicules graisseuses , ne leur avait trouvé non plus ni vaisseaux ni pédicules (1) ; il n'avait rencontré à leur surface que des débris serpentiformes du tissu cellulaire ambiant. Ces débris se voient en effet sur un grand nombre de ces vésicules (fig. 2. b. et 2), sur d’autres ils man- quent complètement ( Fig. 2. c. d.). Le prétendu pédicule des poches adipeuses joue un, rôle de première importance dans les doctrines de M. Raspail ;* il est appelé à appuyer tout le système organogénique de cet ingénieux observateur : le pédicule ou le hile des vésicules est là comme le témoin des rapports dé généalogie qui unissent les cellules filles aux cellules mères. M. Raspail pense que le lobe graisseux est formé par une grande vésicule à parois fortes et résistantes ; que de ces paroïs sont nées par une action nutritive particulière des cellules plus petites à paroïs moins denses, qui à leur tour, en ont engendré d'autres plus petites encore; il arrive ainsi jusqu'aux vésicules qui renferment immédiatement le produit graisseux, et là, il dit encore apercevoir une nouvelle généra- tion de cellules. Des pédicules ou hiles attachent les vésicules de même formation à la vésicule dont elles descendent et qui les contient ; sans le hile elles demeureraient sans lien organique comme sans certificat d’origine; si vous le faites disparaitre vous ruinez tout le système, qui tient, on le voit, à bien peu de chose. A bien peu de chose, en effet, car je crois impossible de démontrer que les vésicules adipeuses soient pédiculées. M. Raspail convient lui-même que le hile est invisible sur les granules de graisse ferme du mouton et du veau, parce que, dit-il, il a été comprimé comme toutes les facettes du granule adipeux (2); ilest permis de prendre l'aveu du fait sans accepter Texplication, qui est loin de porter sa preuve avec elle. L'auteur ajoute que le hile est plus visible sur les granules de graisse (1) Traité du venin de la vipère. T. IT. p. 257. (2) L. c. p. 197. DES VÉSICULES ADIPEUSES. 155 . - _ . . molle. Qu'est-ce qu'un fait qui est plus visible qu’un fait invisi- ble ; c’est peut-être quelque chose de plus que rien, mais à coup * sûr, ce n’est pas assez pour des hommes sérieux > qui veulent des faits parfaitement visibles, des faits démontrables. Encore une fois, le hile des vésicules n’est jusqu’à présent, pour nous, qu'un débris de tissu cellulaire, qui peut être unique dans quelques cas, comme j'en ai figuré un (fig.2.b.1.), mais qui le plus souvent est multiple ( fig. 2. b. 9.) . Quant à ce que dit M. Raspail des globules qu’on apercoit dafisl'intérieur des vésicules graisseuses, je conviens que beau- coup de vésicules semblent en renfermer (fig.2.d.); mais comme le plus souvent on n’en aperçoit pas la moindre trace, je suis porté Pi que l'apparence, d’ailleurs plus ou moins vague, dont je parle’, est plutôt l'effet des bosselures et des inégalités que pré- sente plus ou moins la surface des vésicules, que l'indice cer- tain dela présence de globules intérieurs, globules qui pour- raient, au reste, fort bien exister sans que la doctrine de M. Ras- pail en füt pour cela plus vraie, car je me suis assuré que la graisse peut, en se solidifiant, se diviser en granulations arron- dies assez semblables à cellés des fluides albumineux. Somme toute, j'admets que la graisse est réellement con- -tenue dans de véritables loges vésiculeuses, parfaitement clo- ses, différentes par conséquent des espaces plus ou moins ou- verts iqu'embrassent les fibres et les lames du tissu cellulaire ; mais jé ne saurais accorder aux anatomistes qui ont professé jus- qu'ici cette conviction , que les parois de ces vésicules soient vas- culaires, et que rien dans leur organisation autorise à les consi- dérer comme des organes de sécrétion (1). Elles ne peuvent donc (1) Après avoir soigneusement étudié les rapports des vaisseaux avec les dépôts graisseux, je me suis convaincu que les premiers laissent transsuder “ätravers leurs parois, la matière de ces dépôts, comme Haller l'a dit, com- me M. de Blainville le professe également. Haller croyait que les artères étaient spécialement chargées de cette exhalation. M. de Blainvilie, au contraire, l'attribue plus particulièrement au système veineux, en se 136 RECHERCHES SUR L’EXISTENCE ET L'ORGANISATION être que des loges de ter dont le tissu doit avoir la plus grande simplicité en même temps qu'une perméabilité considé- rable. Je ne crois pouvoir mieux comparer ce tissu qu’ à celui des membranes séreuses. Pour dire comment je concois la for- mation de ces loges, je devrais entrer dans quelques 2% sur l'étude microscopique que j'ai faite du tissu cellulaire da aps ses divers états, mais ce sujet m'entrainerait bien au-delà de l'espace dont je puis disposer aujourd'hui. Ce sera le sujet d’un autre mémoire. J'aurai également à parler de quelques-unes des dif- férences les plus intéressantes quele tissu adipeux nous offre dans la série des âges et des animaux, sous le rapport de la for- me ou des dimensions des vésicules. EXPLICATION DES FIGURES, PLANCHE IV. » ‘#ù mA Fig. 1. Divers exemples de la manière dont se groupent les vésicules adipeuses. FA . : a. Lobule de graisse sous-cutanée du coati. Bb. Corps jaunes de la grenouille mâle au moment des amours. 1. Ces corps'avec leurs dimensions naturelles ‘et dans leurs rapports avec les testicules et les reins: « c. Graisse jetée autour d’un très petit vaisseau du mésentère injecté. . d. Vésicules éparses dans le tissu cellulaire qui sépare les fibres charnues du veau, pour les montrer à l'état d'isolement naturel. Une matière plastique granuleuse et des fibriles entre- croisées droites ou sinueuses constituent le tissu cellulaire ambiant. Vésicules éparses au sein d’une matière qui est encore à l'état plastique et granuleux, sans forme fibrillo-celluleuse. On la trouve souvent ainsi chez l'animal très jeune et chez les der- niers vertébrés. fondant sur des faits nombreux d'anatomie comparée et sur des considéra- üens physiologiques d'une grande force. DES VÉSICULES ADIPEUSES. 157 Fig. 2. Vésicules isolées. a. Vésicules exposées à l'action d’un charbon et laissant transsuder leur contenu qui se répand tout à l’entour, pendant que l'enveloppe se resserre par elle-même. b. Vésicules ayec des débris de tissu cellulaire. de Débris ayant, l'apparence d’un pédicule, mais qui était composé de fibrilles fasciculées parfaitement semblables à celles qui composent le tissu cellulaire. 2. Débris également constitués par des faisceaux de fibrilles, et n'ayant rien d’un pédicule, montrant par leur nombre etleurs dispositions qu'ils appartiennentau tissu cellulaire aussi bien ‘que ceux dont on voit des traces sur la surface de la vésicule. L'injectionn’arrive jamais dans ces débris. … c- Vésicules polyédriques du bœuf entièrement nues et par R | conséquent sans aucune trace d'attache pédiculiforme. we - X NOTE SUR LA FORME DES EXTRÉMITÉS ARTICULAIRES DU CORPS DES VERTÈBRES DANS LES* OSTÉOZOAIRES OU VERTÉBRÉS hs : : PAR H. D. de BLAINVILLE, » e * Depuis long-temps les philosophes ont fait l’observation que L'erreur semble s'introduire dans Pesprit humain avec plus de facilité que la vérité et que lorsqu' elle a une fois été admise, ce n’estsouvent qu'après un temps fort long et des oscillations assez nombreuses qu’elle en est chassée pour faire place à sa rivale. On peut dire sans crainte d’être taxé d'exagération que l'his- toire des hommes et des animaux , ainsi ME celle des sciences, abonde en preuves de cette opinion : mais ce qui est plus.éton- nant, c’est que dans ce qu'on est convenu de nommer les'scien- ces de faits, la chose a également et trop souvent lieu. A l’ap- pui de cette thèse, je prendrai pour exemple en ce moment la forme des surfaces par lesquelles les vertèbres des animaux du premier type de la série animale s’articulent et se joignent en- tr'elles par leurs corps. On trouve dans les ouvrages d'histoire naturelle, d'anatomie comparée et surtout de palæontologie les plus répandus;.que les classes d'animaux vertébrés se distin- guent fort bien par ce seul caractère et que dans les mammifé- res ces surfaces sont planes, convexo-concaves cylyndriquement ou sphériquement dans les oiseaux et dans les reptiles, et enfin bi-concaves dans les poissons ;et comme cette formule est à la fois très-simple et très-facile d'exposition, elle est passée dans la science vulgaire comme une sorte de monnaie courante dont l'empreinte a été effacée, mais qui n’en conserve pas moins sa valeur, parce qu'on n’y regarde plus. Le fait est cependant que NOTE SUR LA FORME DES EXT. ARTICULAIRES DES VERTÈBRES. 139 sauf les oiseaux qui sont construits sur un plan beaucoup plus uniforme que ceux des autres classes des vertébrés, cette géné- ralisation est tout-à-fait erronnée. Ainsi dans les mammifères, les vertèbres cervicales chez les espèces à col fort long ; comme les chevaux et les ruminans, ont leurs corps fortement convexe en avant et concave en arrière. Parmi les reptiles , les Geckos ont leurs vertèbres aussi concaves en avant qu’en arrière, comme dans les poissons, pour ne pas parler des Ichthyosaures qui sont dans le méme cas, ce qui leur a même valu le nom sous Jequel on les distingue parmi les amphibiens, et les dernières espèces, comme les salamandres, les protées, les sirènes, les *cæcilies ont leurs vertèbres concaves ; il n’en est pas de même des ranaires ou grenouilles où elles sont convexes d’un côté et concaves de l’autre. Enfin j'ai montré dans mon cours d’anato- mie comparée fait en 1836 au Muséum d'histoire naturelle, qu'un poisson fait aussi exception à la forme des surfaces arti- _culaires du corps des vertèbres dans les animaux de sa classe. C'est le Lépiscstée. En effet dans ce genre, il est vrai, déjà fort singulier par d’autres points de son organisation , les ver- tèbres nombreuses, fort larges, et assez courtes,.sont convexes à leur extrémité antérieure et concaves à Ja postérieure ; et bien plus les surfaces articulaires sont encroûtées de cartilages “et par conséquent ceux-ci revêtus de membranes synoviales comme chez tous les oiseaux et la plupart des reptiles. En sorte qu'aujourd'hui il faut rectifier aussi les généralités sur la forme des surfaces articulaires du corps des pièces qui constituent la colonne vertébrale des ostéozoaires ou animaux vertébrés. Dans les mammifères, les vertèbres sont le plus souvent pla- nes aux deux extrémités de leurs corps; quelquefois convexo- concaves; mais toujours sans appareil synovial intermédiaire ou sans solution de continuité. Dans les oiseaux, elles sont constamment convexo-concaves 140 NOTE SUR LA FORME DES EXT. ARTICULAIRES DES VERTÈBRES. cylindriquement et transversalement, et toujours avec appareil synovial et solution de continuité. Dans les reptiles le plus souvent convexo-concaves. sphéri- quement, avec appareil synovial, elles sont queïquefois profon- dément bi-concaves sans solution de continuité. À d Dans les amphibiens, les vertèbres sont aussi souvent con- vexo-concaves avec appareil synovial que convexo-concar. es sans solution de continuité. Dans les poissons enfin, le plus souvent le corps des san bres est profondément ibohdayers ; mais quelquefois aussi il peut être convexo-concave avec appareil synovial. EXPLICATION DES FIGURES. Fig. 1. 2 Vertèbres cervicales du Couagga espèce du genre Equus L. Fig. 2. 2 Vertèbres cervicales du cou d’un cygne. Anas. Fig. 3. Une vertèbre grossie du dos d’un Gecko à goutte- lettes. Fig. 4. Vertèbres d'un Tupinambis. Fig. 5. Vertèbres de Boa. Fig. 6. Les dernières vertèbres du tronc d’une grande Gre- nouille d'Amérique (A. boans. L.) Fig. 792 Vertèbres dorsales de la grande Salamandre des Atteghanis. Fig. 8. 2 Vertèbres costofères du Lépisostée (Lucius 08- seus). Fig. 9. 2 Vertèbres de Morue (Gadus morhua). NOTE SUR UN FAIT OBSERVÉ , SUR LES CHAMEAUX, PAR M. P. E. BOTTA. Les naturalistes ont observé combien l’état hygrométrique et statique du milieu atmosphérique dans lequel vit un animal, a d'influence sur ses formes, grèles, sveltes, élégantes ou au contraire lourdes, empätées ou même engorgées, suivant que ce milieu est constamment sec, et en mouvement, ou bien sa- turé d'humidité et stagnant, comme on peut s’en assurer en visitant comparativement la Hollande et lAndalousie, ‘par exemple ; ils avaient également fait l'observation que l’intro- duction habituelle de boissons abondantes et d’alimens aqueux ou äu contraire de matières alimentaires rares et sèches a un effet évident sur l'embonpoint de l’homme et des animaux; mais ces différents résultats demandant un temps plus ou moins long pour avoir lieu , leur étiologie ne pouvait pas être aussi évidente qu’elle le devient, à ce qu'il nous semble, par suite d’un fait observé en Égypte par M. P. E. Botta, natura- Jiste attaché au Muséum d'Histoire naturelle de Paris et voya- geant actuellement dans l'Arabie heureuse. Voici en quoi il consiste : Les chameaux sont, comme on le sait, les seuls moyens de transport que lon puisse employer dans la traversée des vastes déserts que l'on trouve en plusieurs endroits de l'Afrique et de l'Arabie, et cela parce que de leur nature et surtout par l'ha- bitude qu'on leur en fait prendre dans le jeune âge, ils peu- vent atteindre à une sobriété singulière , pouvant se passer de manger, et surtout de boire pendant un temps véritablement incroyable. Ce qui ne tient pas, pour le dire en passant, à ce que ces animaux sont pourvus d’une sorte de réservoir sto- macal dans lequel l'eau pourrait se conserver, comme cela a été dit et se répète encore tous les jours dans beaucoup d’ou- vrages, mais à la grande étendue de l'appareil salivaire qui chez tous les animaux est en rapport de développement avec la LE pa 7 pe "Te LORS LL 142 NOTE SUR UN FAIT OBSERVÉ SUR LES CHAMEAUX. nature de l'aliment habituel. Or pendant la longue traversée de ia partie du grand désert qui commence ou finit à quelque dis- tance du Caire, suivant que l'on remonte ou que l’on descend le Nil, M. Botta avait eu l’occasion d'observer que ses cha- meaux à mesure qu'ils s'éloignaient du point de départ, mai- grissaient rapidement d’une manière tout-à-fait remarquable. Il avait également confirmé l'observation faite depuis long- temps, que ces animaux semblent réellement sentir l’eau de : fort loin , ce qu'il jugeait par l'augmentation de vitesse.dans la marche des chameaux qui malgré l'épuisement de leurs forces, suite d’une route prolongée, redoublent d'efforts à mesure qu'ils approchent des lieux où elle se trouve, dans l'espoir de trouver à satisfaire le besoin pressant dont ils sont tourmentés. En effet, aussitôt que ces animaux arrivent à un de ces puits si rarement espacés dans le désert, ils se précipitent avec avi- dité sur l’eau plus ou moins bourbeuse qu’ils contiennent et en boivent sans discontinuer pendant un temps fort long. Mais ce qui surprit le plus M. Botta, fut le changement presque subit qui se manifesta en eux. En effet , arrivés à une sécheresse et une maigreur extrême, au bout de quelque temps de, repos, après avoir bu, ils se relevèrent dans un tel état d'embonpoint, qu'il ne pouvait plus les reconnaitre comme lui appartenant. Et comme il n’y avait rien de changé dans leur régime et d'in- troduit dans leurs corps qu’une poignée de nourriture sèche, et la grande quantité d’eau dont ils venaient de se gorger, on voit évidemment que cet embonpoint si subit et si marqué ne peut être attribué qu’à l'introduction du liquide aqueux d'a- bord dans l'estomac, puis dans Jes fluides circulaires , ét même dans le tissu cellulaire, par suite d’une véritable imbibition par continuité de substance aréolaire, capillaire, comme dans & une éponge, et peut-être aussi par ce qu'on nomme aujourd’hui endomose, c’est-à-dire par l’afinité que les liquides d'un orga- nisme vivant ont pour l’eau dont ils ont été privés par une exhalation abondante. BIBLIOGR APHIE. ————————————— ÛÛ—————— NOUVEAU SYSTÈME DE PHYSIOLOGIE VÉGETALE, PAR M. RASPAIL. Ce livre n'est point un de ceux dont l'examen et l'analyse puissent se.faire en quelques jours ; fruit de douze ans de re- cherches, ainsi que l’auteur l'annonce lui-même , rempli d’ob- servations curieuses et de rapprochements ingénieux, présenté sous une forme 'insolite , il étonne et séduit par sa hardiesse même et sa nouveauté. » Or, pour juger un ouvrage dont chaque phrase se formule en principe , et qui cache sous une marche synthétique le boule- "versement de toutes les théories admises jusqu’à ce jour, il faut laisser effacer de son esprit l'impression qui peut dépendre en partie de la forme, et mürir gravement la pensée qui en est le fond. Qu'il nous soit donc permis d’ajourner un jugement défini- tif, que nous voulons porter en conscience, et d'examiner seu- lement, aujourd'hni, la manière dont M. Räspail se pose au mi- lieu de la société lettrée à laquelle son livre s'adresse particu- lièrement. M. Raspail parait animé contre les hommes de science, sur- tout contre ceux qui font partie des académies et sociétés sa- yantes, d’une colère et d’un mépris, qui, des auteurs, s’éten- dent aux ouvrages. Ce nous semble être une sorte de contre- sens ayec les principes qu'il émet dans son introduction, où nous trouvons cette admirable définition du savant : « Dans ma » vénération , je ne leur supposais (aux membres de l’acadé- » mie), d'autre ambition que celle d’étudier et d’être utiles, » d'autre rivalité que celle qui existait entre Ducange et Ma- » billon, la rivalité de la modestie. » Est-ce donc là la seule ri- yalité qui existe entre M. Raspail et ses devanciers ? Non certes, si nous en jugeons par son langage. La part de gloire que 144 NOUVEAU SYSTÈME DE PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. lui assurent ses travaux est cependant assez grande, sans qu’il cherche à atténuer celle de ses antagonistes et à leur arra- cher feuille à feuille les lauriers recueillis dans un champ où il lui restait une si ample moisson à faire ! Et ici, il faut le dire, pour justifier en partie M. Raspail, les poursuites politiques dont il a été l’objet ont sans doute égaré son esprit dans une fausse voie ; les rêves du grabat de la prison lui ont inoculé une misanthropie que le magique tableau des merveilles de la nature n’a pu effacer complètement. Aussi voyons-nous avec une joie sincère ce savant rentrer dans la carrière, dont il eût été à désirer pour la science qu'il ne sortit jamais, et où il rencon- trera , nous osons l’affirmer , beaucoup plus de gens prêts à l'applaudir, que d’ennemis disposés à lui susciter des persécu- tions. Mais il serait à désirer qu'il se pénétrât de cette pensée que tous ceux qui travaillent à la recherche de la vérité, de quel- que manière qu'ils le fassent , sont utiles à leurs successeurs, et qu'il traitâtayec un peu plus d’indulgence et de respect les erreurs et les théories de ceux qui n'ont pas vu comme lui. La science est une arène où le combat ne doit avoir lieu qu'avec des armes courtoises : or , l'accusation n’est point une réfutation , et il est toujours fâcheux de voir prendre à partie les personnes pour les choses. Un des inconvénients de cette polémique brülante à laquelle se livre M. Raspail nous semble dominer tous les autres : si la science est un culte, n'est-il point à craindre qu’en respectant ses ministres, on ne porte la multitude à en déserter les autels ? Que M. Raspail y réfléchisse : quand on a dispersé les prêtres, qu'on les a livrés aux outrages et au mépris de la foule, qu’on a renversé le temple, il n’est plus temps d’aspirer au titre de grand-prêtre ; et ceci n’est point une critique, car le mérite de M. Raspail. comme son ardeur dans ses laborieuses recherches lui donnent certainement le droit de figurer parmi ceux qui concourent activement au mouvement scientifique qui nous ) semble s’opérer aujourd'hui. NONVEAU SYSTÈME DE PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 145 Après ces quelques réflexions sur la discussion et la critique de M. Raspail, qu’il nous soit permis d’effleurer en passant quel- ques-unes des sommités philosophiques de son livre. Nous avoucrons que nous y avons trouvé de ces propositions qui étonnent , non par leur nature , mais par la hardiesse avec la- quelle elles sont présentées; ainsi, quand , après avoir critiqué le savant qui, dans son cabinet, reconstruisait le monde avec quelques ossements fossiles, M. Raspail nous fait, à son tour, assister aux merveilles de la création, par le moyen des gaz, de l'eau et de la lumière, qui, transformés en vésicules animées de là puissance du développement, forment le premier végétal du globe ; quand il nous montre les formes se fécondant entr'el- les, se multipliant par d’admirables et d'incalculables progres- sionS, nous ne nous sommes point sentis disposés à rire ; ces ées qu'on retrouve dans la philosophie de Lamarck , dans celle de Geoffroy-St.-Hilaire, et particulierement da les li- 4 des naturistes allemands n'étaient point nouvelles pour nous ; nous ne nous sommes point pris à rire, dis-je ; car mal- gré les langes étroits de notre éducation mesquine et su- perstitieuse , nous aimons à méditer sur les apercus vastes et nouveaux ; mais nous nous sommes étonnés: Eten effet, M. Raspail veut, d’un côté, qu’à l’aide des dévia- tions qui s’opèrent sous nos yeux dans la nature , nous établis- sions la courbe d’une progression infinie, et de l’autre il repousse toutes les hypothèses de Cuvier sur la succession des races ani- males, par la seule raison qu'un trop petit nombre de faits avait servi à les asseoir. Or, nous ne concevons point par quelle opé- ralion géométrique M. Raspail continuera une courbe sur cinq points, lorsque M. Cuvier n'aura pu établir la sienne. avec vingl. Peut-être serons-nous obligé d’avouer un jour humblement la petitesse de notre esprit en creusant davantage l'œuvre de M. Raspail ; mais nous ne pouvons nous dispenser de convenir aujourd’hui que cette théorie nous semble, sinon détruire l’idée 146 NOUVEAU SYSTÈME DE PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. de la puissance créatrice de Dieu, du moins la diminuer prodi- gieusement , et cette vérité nous semble se formuler raisonna- blement par cet exemple, qu'il y aurait plus de gloire pour un homme à élever une pyramide monolythe qu’à poser la pre- mière pierre d’un édifice semblable que d'innombrables ouvriers viendraient achever après lui. ji En résumé , le livre de M. Raspail, malgré ce que sa forme peut avoir de blessant pour une certaine classe de lecteurs et les propositions peut-être un peu paradoxales qu'il contient, sera étudié avec fruit par tout le monde. Il pourra soulever, comme le dit son auteur, des discussions et des orages; mais il restera comme un monument d’érudition et de patiente obseryation ; il ne laisse rien à désirer, d’ailleurs , sous le rapport de l’or- dre et de la clarté; les faits s’enchainent naturellement, et les planches qui servent à les corroborer ou à les mettre en évi- dence sont exécutées avec un luxe et une précision qui en font. un des plus beaux ouvrages produits par la typographie mo-. derne. | Dans un prochain article, nous examinerons la théorie scien- tifique de M. Raspail, et nous critiquerons avec soin les diver- ses parties de son livre. " Nous ne terminerons pas sans jeter un rapide coup d'œil sur le chapitre physiologie expérimentale de M. Raspail. Ce cha- pitre , quoi qu’en ait dit l’auteur, n’est qu’une diatribe spiri- tuelle contre l’ordre social actuel et contre les tendances politi- ques du jour. Nous ne pouvons nier qu'il n’y ait dans cette es- quisse à vue d'oiseau, des pensées grandes et généreuses et quel- ques critiques que nous reconnaitrions vraies, si elles ne s’adres- saient plus directement à notre fragilité d'hommes qu'à nos institutions elles-mêmes. Mais quant à l'utopie révée par l’auteur, et par suite de la- quelle, celui qui se livre à l'étude des sciences s’interdirait par ce fait seul toute participation aux affaires publiques, mous la trouvons inexécutable. Non point que nous nous fassions ici D 2 2 NOUVEAU SYSTÈME DE PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. 147 l'avocat des synécuristes, mais par la seule raison qu’un homme habitué à l'observation consciencieuse et éclairée des faits et aux déductions logiques qui découlent de ces faits est plus propre qu'aucun autre à embrasser les hautes questions politiques et économiques; c’est un inconvénient grave pour la science, nous lavouons, puisqu'il en résulte souvent que le cabinet de l’obser- vateur est abandonné pour la tribune aux harangues; mais cet inconvénient est tellement inhérent aux mœurs de notre épo- que, que M. Raspail lui-même n’a pu y échapper et que sa haute capacité l'avait fait appeler à diriger des masses politi- ques avant qu'il ne füt posé en législateur scientifique. À, Jacquemanr. COURS D’ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE qui sont faits à Paris, pendant le sémestre d'été. A la facullé des Sciences, — M. MIRBEL , anatomie et physiologie végétale, les mardis et samedis à 10 h. et demie. M. LAURENT, chargé de suppléer M. de BLAIN VILLE , anatomie géné- rale et comparée, les mardis et samedis à midi et demi. Au Collége de France. — M. MAGENDIE, leçons sur les phéno- mènes physiques de la vie, les mercre- dis et vendredis, à 11 h. À la Faculté de Médecine. — M. CRUVEILHER, anatomie patho- logique, les lundis et vendredis, à 4 b. MM. HOLLARD, physiologie humaine et comparée , les lundis et jeudis, à 11 h. Amphithéâtre A l'École z n. 2. ie se : GIRALDES, anatomie chirurgicale , à une h. tous ours les jours. damtomie, | MAISON-NEUVE, /d. tous les jours à midi. de physiologie, MANEC, à Clamart, à midi. Id. GUERSANT, tous les jours, à 4h. Ampbh. n. 3, MICHON, anatomie chirurg. Amph. n. 1, à 2h. \ Cours particuliers. Zootomie pratique. — M. BOURJOT, rue Geof- froy-l’asnier , n. 98. Les laboratoires de M. BOURJOT sont ouverts toute l’année aux personnes qui veulent se livrer à des recherches anatomiques et phy- siologiques. , Lo 17 FU CEbider feu F9. en ca ri Annales fr et Li. d'An ales L- et Ltr d'Anatomie etde Physiologie P1 5. Levranutt leur F rdibess Zièh Adrien, r, richer, , 7. PF. SUR LA STRUCTURE INTIME DE LA SUBSTANCE OSSEUSE DES DENTS. PAR Fx. DUJARDIN. Depuis les travaux remarquables de Tenon sur la structure et EE le développement des dents (x), les anatomistes se sont oc- cupés d'approfondir de plus en plus ce sujet ; et aujourd’hui on est assez généralement d’accord pour admettre, avec Blake (2), que l'émail est sécrété par la surface interne du sac ou de la capsule dentaire, tandis que la substance osseuse ou l'ivoire est produite par la surface de la pulpe dentaire. Mais faute d’un examen approfondi, avec un microscope assez puissant, On à répété que la partie osseuse de la dent est une substance excré- tée, morteou inerte, ne participant plus à ia vie et formée decou- ches juxta-posées où ne pénètrent aucuns vaisseaux. C’est ainsi que Cuvier l'a considérée dans son anatomie comparée et dans l'article dent, du dictionnaire des Sciences Médicales. M. de Blainville, d dans le nouveau dictionnaire d'histoire naturelle en | 1817, dit que la substance osseuse des dents est excrétée ou m , Que Sa structure est évidemment écailleuse, ou composée LL qui, s’'emboitant les unes dans les autres, se pousse de dedans en dehors. t. Desmoulins , dans le dictionnaire classique d'histoire naturelle , en 1824 , dit positivement que la dent est formée par l'exhalation de couches concentriques et susceptibles d’une grande cohésion, qu'aucune des différentes couches de Ja dent n'est vivante ni susceptible d’accroissement, autrement que par Ch14 1: (1) Communiqués à l’ancienne Académie des Sciences en 1767 et im- primés dans les Mémoires de l'Institut en 1798. {2) De dentium form:tione et stucturâ in homine et animalibus 1798. ro. 1 . 10 # Ù 150 SUR LA STRUCTURE INTIME juxta-position extérieure de parties nouvelles; enfin, il assi- mile entièrement ces couches supposées, avec celles des ongles ou‘des cornes , ou avec celles de coquilles des mollusques. M. Em. Rousseau, dans son anatomie comparée du système dentaire, en 1827, s’en réfère, sur ce point, à l'opinion de Cu- vier, qui avait vu les couches de cette substance alternativement colorées en rouge, dans les dents d’un jeune animal, nourri de temps en temps avec de la garance ; et admet comme lui, que l'ivoire ne présente ni pores ni suc médullaire et que les stries paralièles qu’on y observe sont produites par la coupe des lames dont il se compose. Cependant, déjà en 1687, Leeuwenhoek avait bien observé la structure de la substance osseuse, et Malpighi lui-même, vingt ans auparavant, avait eu des notions exactes sur la struc- ture de l'émail. Leeuwenhoek, pourvu d'instruments plus puissants, avait bien reconnu les tubes parallèles ou canaux creusés dans la subs- tance osseuse, il les avait même nr assez ACER et évaluait leur diamètre à +, de pouce ou 5 ligne (2#=;3 milli- mètre). Il avait vu, dans certains cas, ces canaux pénétrés après la mort, par la couleur du sang décomposé (1), il croyait aussi les avoir vus remplis en partie d’une matière calcaire, plus opaque, chez les vieux animaux. Enfin, il admettait que ces tubes sont formés par des vaisseaux qui, partant de l'intérieur, se con- tinuent à l'extérieur dans la gencive. On pourrait donc penser que, sur ce sujet comme sur beaucoup d’autres points, les idées théoriques de l’illustre micrographe auraïent nui au crédit de ses observations réelles; mais une autre cause qui empécha beaucoup de physiologistes d'ajouter foi à ces observations, ce fut l'impossibilité de les répéter. En effet, Leeuwenhoek se ser- (1) Ce même fait s’observe fréquemment sur les dents des hommes morts du choléra ou asphyxiés par le gaz acide carbonique, l'infiltration du sang décomposé arrive jusque sous l'émail, et les dents sont colorées d’une nuance brune rougeûtre plus ou moins prononcée. + matin ._ “m, ft DE LA SUBST. OSSEUSE DES DENTS. 151 vait de simples lentilles d’un très court foyer ; et, aujourd’hui core, lorsqu'on a acquis l'habitude de se servir de ces lentilles, on les emploie volontiers concurremment, sinon préférablement aux meilleurs microscopes composés. Or, pendant tout le dix- huitième siècle et le premier quart du dix-neuvième, on négli- gea entièrement le microscope simple pour se servir des mi- croscopes composés ; et celui-ci, construit alors sans lentilles achromatiques et sans diaphragmes convenables, montrait si peu distinctement certains détails d'organisation intime , qu’on était conduit à révoquer en doute ce qu’avaient vu les premiers micrographes. Dans ces derniers temps, seulement, on a songé à vérifier la structure des dents avec l’aide des microscopes perfectionnés : M. Purkinje à Breslau et M. Retzius à Stockholm, s’en occupè- rent, chacun de son côté, et arrivèrent à des résultats’ presque semblables. Le premier avait considéré plus particulièrement la structure de l'émail, l’autre, celle de la substance osseuse; et, suivant eux, cette substance bien loin d’être une simple sécré- tion inerte et formée de couches concentriques juxta-posées, se composait de fibres ondulées et de tubes ou de canaux eylin- driques creux qui, de la cavité de la pulpe se portent en rayon- nant vers la surface. M. Retzius trouva, en outre, que ces ca- naux se ramifient presque régulièrement sans communiquer | “es uns avec les autres, et il ajoute que la même structure se montre dans les dents de tous les vertébrés, ce qui est contre- dit par l'observation réelle et même par les observations de Malpighi; mais, sur ce point, M. Retzius se trouve d'accord avec beaucoup d’autres anatomistes et particulièrement avec Desmoulins. Si l'on s’en tient à ces nouveaux résultats, on aura passé d’un extrême à l’autre relativement à la structure des dents, et après avoir considéré les dents comme une substance excrétée et sans vie, on leur attribuera au contraire, une struc- “ture très complexe et en quelque sorte vasculaire. De mon côté, ayant eu connaissance des travaux récents de 152 SUR LA STRUCTURE INTIME MM. Purkinje et Retius par l'analyse qu’en donna en 1836, le journal allemand de Müller (_Archiv für Anatomie, etc.) et par une lettre de M. Retzius à l'Académie de Sciences de Paris, je voulus constater les faits annoncés, et je suis-arrivé à des ré- sultats si différents, que tout au moins les physiologistes seront engagés à.les vérifier par eux-mêmes avant d’adopter une opi- nion définitive. Je décrirai d'abord le procédé que j'ai employé parce que , dans des observations de cette nature, rien n’est plus difficile que de se préserver de toute illusion ou cause d'erreur. Trois moyens se présentent pour observer la substance: os- seuse en lames minces : l’une consiste à déterminer des cassu- res nombreuses et à choisir parmi les fragments, une esquille ou petite écaille très mince ; l’autre, à scier la dent en petites plaques qu'on amène ensuite au degré de minceur désirable en les usant et Les potissant comme on le fait pour des lames de verre ou de bois fossile; le troisième moyen, celui que j'ai employé, consiste à enlever avec un ciseau très tranchant des lamelles ou copeaux, dont la ténuité est extrême. Pour cela je me sers d’un petit ciseau de graveur sur bois, dont le manche s'appuie contre la paume de la main et qu'on peut guider avec une très grande précision. On enlève ainsi des lamelles, soit dans le sens des félures quise produisent dans la dent par le choc, soit parallèlement à la surface, soit enfin perpendiculairement à l'axe; puis, en choisissant parmi ces lamelles étendues sous l'eau entre deux plaques minces de verre poli et soumises au micros- cope dont l'éclairage est convenablement modifié, on parvient à voir leur structure avec une telle clarté qu'on ne peut conser- ver le moindre doute. Un choix est à faire parmi ces lamelles, car les unes sont inégales ou trop épaisses ; d’autres ont été pri- ses dans une direction tant soit peu oblique sur le plan qu'on veut étudier ; d’autres enfin présentent des rides parallèles au trenchant du ciseau et produites par le rebroussement de la substance. Ces rides offrent quelquefois l'apparence de gras ce DE LA SUBST. OSSENSE DES DENTS. 15. naux transverses ; or, Leeuwenhoek parlant de semblables ca- naux qu'il n'aperçut pas dans toutes ses observations, on est conduit à penser qu'il aura pu se servir de ce procédé pour ob- server l'ivoire et les dents. Les copeaux très déliés, qu’enlèvent les tourneurs, pourraient être employés de même, s'ils étaient pris exactement dans une des directions où il est nécessaire d'observer. MM. Purkinje et Retzius n'ont pas fait connaitre, du moins que je sache, comment ils ont préparé les lamelles soumises par eux à l'observation ; cependant, l’expression employée à ce sujet, dans l'analyse de leur travail, donne à penser qu’ils se sont ser- vis de lamelles amincies et polies par le frottement. C’est ainsi que je pourrais m'expliquer comment mes résultats diffèrent autant des leurs. J’ai expérimenté aussi sur mes lamelles de sub- stance osseuse l’action de l’acide nitrique, et après avoir ex- pulsé les builes de gaz carbonique , j'ai trouvé ces lamelles de- venues seulement plus transparentes maïs sans aucun indice de complication de structure ; de sorte que leur transparence con- firme encore l'opinion prise de l'observation directe. Quant au mode d'éclairage, il est de la plus grande impor- tance de le varier convenablement ; car ce qui, dans un cas, pa- rait être une saillie, ou le résultat d’un accroissement de den- sité, donne une apparence contraire dans un autre cas et pré- sente l’idée d’une véritable cavité. Ce n’est donc que par la com- paraison avec d’autres objets éclairés de même et dont la forme estconnue, tels que des fibres ou des poils, des bulles de gaz ou des gouttelettes d'huile qu’on peut être fixé sur la vraie nature des saillies ou cavités apparentes ; ou bien aussi en observant la netteté des contours et l'étendue des ombres au delà ou en decà de ces contours, ce qui se peut faire , surtout , par la va- riation du mode d'éclairage. J'arrive maintenant à l'énoncé des faits que j'ai observés : 4" une lamelle prise dans le sens des cassures naturelles perpen- ire etit , à la surface, montreides canaux presque paral- : 154 SUR LA STRUCTURE INTIME lèles irréguliers, faiblement ondulés et communiquant souvent entre eux par des lacunes de même calibre, dirigées perpendi- culairement dans le sens même des lamelles. Ces canaux ontun diamètre des à millimètres et sont séparés par des interval- les de 55 à + mill. occupés par une substance parfaitement ho- mogène. La vraie nature des canaux est démontrée par l'aspect des lamelles sur les bords où elles sont si minces, que les parois du canal se trouvent enlevées sur les deux surfaces; il en ré- sulte une fente de même diamètre. La substance intermédiaire dans l’état naturel ou après l’action de l'acide nitrique, ne pré- sente pas la plus petite différence appréciable de texture ou de densité au voisinage des canaux, même au bord des lamelles qui sont irrégulièrement déchirées. Il m'est done impossible de voir là autre chose que des lacunes laissées dans la substance sécrétée , par des pores ou des interstices de la pulpe dentaire, lesquels pores sont vraisemblablement des orifices de vaisseaux, quoïiqu'ils aient un diamètre beaucoup moindre que celui des globules ou corpuscules sanguins, puisqu'on sait, en effet, que dans certains cas le tissu dentaire s’infiltre de sang décomposé. Ces canaux d’ailleurs ont presque les mêmes dimensions dans tous les animaux où je les ai observés; dans l’homme, lélé- phant, le babiroussa, le cochon, le bœuf, le lapin, etc. Ce qui, d’un autre côté, concourt aussi à prouver que ces canaux sont de simples lacunes, ce sont leurs communications latérales, irré- gulières, qui ne ressemblent nullement à des embranchements de vaisseaux, comme nous le dirons tout-à-l’heure, c’est aussi l'ir- régularité du calibre des canaux eux-mêmes et de leur orifice qui n’est pas toujours parfaitement rond, comme devrait être celuïd’un'véritable canal. On doit noter toutefois, que si la lamelle était prise dans l'intervalle des rangées de canaux, elle pourrait se montrer dans certains endroits, tout-à-fait dépourvue de tubes. 2° Toute lamelle parallèle à la surface de l'émail présente des trous ronds ou ovales, fplus ou moins irréguliers; qui sont les D «à LES DE LA SUBST. OSSEUSE DES DENTS. 155 orifices des canaux, et sont toujours disposés en séries longitu- dinales presque continues. Si l'instrument tranchant a atteint des lacunes transverses, les orifices sont rendus encore plus ir- réguliers, et paraissent communiquer entre eux. Dans ces la- melles comme dans les premières, on voit distinctement aussi qu'il n’y a aucun changement de texture ou de densité autour des orifices; par conséquent, ces orifices appartiennent à des lacunes et non à des canaux pourvus de parois propres. La dis- position des orifices en séries longitudinales, et la direction des lacunes de communication, donnent une explication suffisante de l'aspect soyeux ou satiné des cassures naturelles des dénts et de la facilité avec laquelle se produisent ces mêmes cassures dans le sens longitudinal ; tandis que dans le sens transversal, les dents longues surtout offrent beaucoup plus de resistance. 3° Enfin, une lamelle prise perpendiculairement à l'axe, pré- sente des lacunes et des canaux coupés obliquement, d’où résul- tent des orifices irrégulièrement sinueux et contournés. Les racines des dents offrent la même structure, excepté à la surface externe où cette structure se rapproche de celle des os. Quant à la disposition générale des canaux, elle est en lignes courbes et divergentes qui arrivent perpendiculairement contre la surface de l'émail et s’infléchissent obliquement en bas vers le centre. Les intervalles, sauf les lacunes dé communication, sont homogènes d’une extrémité à l’autre, et ne montrent rien qui indique une formation par couches successives ; on est donc conduit à admettre au contraire, un mode de formation continu. En même temps l’inflexion des canaux conduit à pen- ser que, soit par une sorte de végétation successive de la pulpe déntaire vers le bas, dans les dents susceptibles de croitre durant toute la vie, soit pour toute autre cause, les orifices de cette pulpe dentaire , correspondant aux canaux, deviennent presque ter- minaux, de latéraux qu'ils étaient d’abord, à mesure que la dent 156 SUR LA STRUCT. INTIME DE LA SUBST. OSS, DES DLNTS. s’accroit et que, par suite de son accroissement, : la pulpe den- taire: est resserrée et refoulée vers le bas. | Ilresterait à expliquer les zones plus opaques qui formentdes losanges réguliers dans l'ivoire coupé transversalement ; l’obser- vation microscopique ne m'a rien fait conraitre de précis à ce sujet; je ne puis donc affirmer que ce soit produit par le plus où moins grand nombre des lacunes de communication, : ou par une variation dans les proportions des sels calcaires. En résumé, ces observations me conduisent à admettre) que la substance osseuse des dents est formée d’une manière conti- nue et non par couches successives, qu’elle est homogène et simplement creusée de canaux ou de lacunes, au moyen des- quels elle se trouve toujours en communication avec les liqui- des des parties environnantes, et participe ainsi à leur vitalité jusqu’à un certain point. Mais si la dent participe à Ja vie, ce n’est point en raison d’une structure vasculaire et par des tu- bes ramifiés à parois propres. Un fait qui tend encore à prouver la vérité de cette opinion c'est que, dans la cavité dentaire des dents des ruminants, on trouve fréquemment des concrétions madréporiques, exactement de la même structure que la substance osseuse des dents , mais dont les canaux, partant d'un nouveau centre, sont: plus con- tournés et plus divergents. Il faudrait maintenant démontrer que les dents des reptiles et des poissons ont une structure absolument différente de celle des dents des mammifères. Déjà Malpighi avait annoncé qu’el- les ont une texture distinctement fibreuse; et l’on sait -généra- lement qu'elles sont beaucoup moins fragiles que celles des mammifères. J'ai trouvé des différences singulières dans la structure de la partie fibreuse interne, et dans celle de la cou- che qu’on peut assimiler à l'émail; mais ce sujet est assez im- portant pour devoir faire l’objet d’un travail spécial. < éésèsé Ami sl A à 2, OS de LAS MÉMOIRE SUR LA RÉTROVERSION DE L'UTÉRUS DANS L'ÉTAT DE VAQUITÉ, CHEZ LES FEMMES MARIÉES > NULLIPARES OU VIERGES. Par P. F. A. BAZIN ( de Basseneville }, D. M. P. 9- 6° Obs. Une femme, grêle, maigre, très sensible et d’un caractère inquiet, âgée d'environ trente ans, mariée depuis plu- sieurs années à un homme jeune et vigoureux, avait eu avant son mariage, une grossesse pénible, mais qui s'était terminée à terme et naturellement ; sa santé générale était bonne; les règles paraissaient régulièrement, mais elle ne perdait que peu de sang. Depuis deux ans elle avait été souvent incommodée par une constipation plus où moins opiniatre, par des gaz intesti- ndux qui n'étaient que très difficilement rendus, et qui remon- tant de la partie inférieure du gros intestin vers la supérieure , produisaient le ballonnement du ventre, des douleurs et un ma- laise général. On fit pendant assez long-temps usage de drasti- ques qui vainquirent bien la constipation, mais augmentèrent le malaise et les flatuosités. Cette dame passe l'été de 1812 à Bade; ses règles paraissent neuf jours avant l'époque et coulent bien plus abondamment qu'à l'ordinaire ; le sang est mélé de caillots sanguins dont la sortie est précédée de fortes douleurs expulsives. L’expulsion de ces caillots soulage la malade. Elle fit usage de bains ; les douleurs de ventre, la difficulté d'aller à la selle diminuèrent ; ses seins augmentèrent de volume. Après avoir pris trente bains elle se trouva tout-à-fait bien, et revint à Vienne. Son médecin, qui ne voyait dans sa maladie qu’une inertie du tube digestif, la forca de prendre encore de ses pilules purgatives. Le malaise revint: les fèces furent rendues en petites masses, les gaz malaisément expulsés. A la suite de plusieurs efforts pour uriner , la malade rend par ie vagin une masse sanglante qu’elle compare à un sac 158 MÉMOIRE membraneux rempli de sang, et éprouve un bien-être extraordi- naire après. Le médecin n’attache aucune importance à l’ex- pulsion de ce sac, et fait continuer l'usage des pilules. Enfin, à la persuasion d’une amie, cette dame se laissa exami- ner par une sage-femme qui reconnut un prolapsus de l'utérus que son médecin ne voulut pas admettre. Un autre médecin diagnostiqua une antéversion, prescrivit l'usage du quinquina, des tampons de charpie imbibée d’une solution d’acétate de plomb dans le vagin et le coucher horizontal en supination. Sous l'influence de ces moyens, aucun amendement n’eutlieu: l'utérus conserva son volume et parut s’endurcir. Le docteur Schmitt fut consulté ; il trouva la matrice située très bas dans le petit bassin, engorgée, dure ; le corps de cet organe était en contact immédiat avec le rectum, tandis que le museau de tan- che se trouvait derrière le pubis, un peu à droite, et offrait la même consistance que le corps de l'utérus. Du reste le toucher ne causa aucune douleur ; il n’y avait point de flueurs blanches. On suspend l'emploi de l’acétate de plomb ; on recommande le coucher horizontal sur le côté droit en particulier, et sur le ven- tre aussi souvent que possible ; l’usage du calomel à petite dose, avec injonction d’en discontinuer l’usage dans le cas où il pro- duirait un trouble trop marqué sur la digestion, etc. , et d'entretenir la liberté du ventre au moyen de lavements. Le docteur Schmitt est appelé de nouveau quelques semaines plus tard : la malade perdait du sang neuf jours avant l'époque menstruelle ; le ventre était distendu et très sensible ; il y avait de l'inquiétude et un mouvement fébrile. Le toucher fit recon- naître que l'utérus était peu éloigné de sa situation normale, (la malade s'était presque constamment temue couchéesur le ventre), bien qu'il eût encore augmenté de volume, qu'il füt toujours dur et insensible. La perte était peu abondante, mais l'agitation , l'inquiétude étaient très grandes. Repos et coucher horizontal latéral ; éviter de se mettre sur le ventre, émulsion huileuse. La perte devient si forte que l’on est forcé d'avoir recours à … o fcmddototedteiin cles dt unten à dé. MÉNÉNN DS S SUR LA RÉTROVERSION DE L'UTÉRUS. 159 l'alun : quelques jours après la malade se trouve si bien qu’elle peut se lever. Au dire de la malade qui s'était touchée elle- même avant de quitter son lit, la matrice aurait à peine offert quelques traces d’engorgement et sa consistance aurait été à peu près normale. Cependant, bien qu’il n’y eüt que trois jours qu'elle füt sur pied , le sentiment de pesanteur vers l'anus était revenu, et s’étendait douloureusement comme une barre transversale jusqu’à la région pubienne. L’inclinaison en arrière existait toujours ; le volume de l'utérus était encore assez consi- dérable ; mais la consistance en était normale. Le docteur Schmitt n’a point revu cette malade. Quant à la question de savoir lequel de ces deux états morbides, la rétro- version et l’engorgement, a existé le premier dans cette circons- tance, il est disposé à accorder la priorité au premier qui, dans ce cas , reconnaïlrait pour cause la constipation et les drastiques employés pour la combattre ; le second se serait développé à l’oc- casion de l'irrégularité des règles consécutives au déplacement de la matrice, etc. Tout cela est possible, mais on pourrait, ‘et avec autant de probabilité, supposer que la constipation n’était que la conséquence du déplacement et del’engorgement de l'utérus. 10. 7° Obs. Une femme jeune, très délicate, yeux bleus, peau blanche, sujette depuis sa jeunesse à de fortes crampes convulsives, avait eu un engorgement des glandes abdominales. pendant son enfance. Elle a eu trois accouchements ; les deux pre- miers à terme, le dernier à neuf semaines de grossesse. Les deux premiers ont été laborieux : son premier enfant est venu par le siége, le second était mort; la grossesse avait été très pénible. Constipation habituelle ; règles régulières, mais très abondantes; sentiment de tiraillement douloureux dans le bassin qui s'étend aux cuisses, à la droite en particulier, qui devient quelquefois si fort qu’il interrompt le sommeil ; suintement sanguinolent par le vagin qui dure quelques jours. Elle n’a jamais eu de flueurs blanches ; devient tellement faible qu’elle peut à peine 160 MÉMOIRE quitter son lit ; un léger mouvement fébrile se manifeste le soir. Elle est traitée par un charlatan qui lui fait prendre ! une, eau médicamenteuse qu’il administre àttous ses malades. Le docteur Schmitt ayant examiné cette malade , trouva la matrice située plus bas que dans l’état normal, engorgée, incli- née en arrière , sensible au toucher; le col au contraire était tout-à-fait sain, seulement il se trouvait dirigé vers le pubis. On recommande le coucher horizontal et latéral, de se tenir sur le ventre aussi souvent que possible , des bains tièdes, l'entretien de la liberté du ventre au moyen de lavements, la privation du coit, injections avec une décoction de guimauve, de belladone et de ciguë dans le vagin. Peu après la visite du docteur Schmitt, cette malade retombe entre les mains d’un médicastre, qui attribue sa maladie à une pourriture de l'utérus, et qui fait tous ses efforts pour restrein- dre l'abondance des règles, au moyen d’injections dequinquina, d'écorce de chêne et d'acide phosphorique., Elle éprouve d’a- bord du mieux, mais au bout de quatre à cinq mois de ce traite- ment, il lui survint de si fortes convulsions , accompagnées de symptômes de congestion cérébrale et pulmonaire , que sa vie se trouva en danger. On lui prodigue le muse, le camphre, la wa- lériane, sans autre résultat que l'augmentation des accidents con- vulsifs et cataleptiques , une céphalalgie continuelle, accompa- gnée d'un pyrosis qui ne permet à la malade que quelquesaliments “liquides. La région ombilicale est très douloureuse : à gauche etau-dessous de l'ombilie, on rencontre un endroit où il y a de la résistance, et où la pression cause de la douleur ; lhypogastre est également douloureux, mais c’est dans l'utérus même que là malade souffre le plus; elle compare la douleur qu’elle y éprouve à des coups de couteau. Cette souffrance n’est pas continue ; c’est à l'approche des règles qui coulent toujours très abondant, qu’elle atteint son plus haut degré. Point de leucorrhée. À Le docteur Schmitt reste onze mois sans revoir cette malade: + SUR LA RÉTROVERSION DE L'UTÉRUS. 161 il la uouve considérablement maigrie, et près de l’état de ma- rasme. L'orifice de l’utérus était tellement béant que l’espace interlabial donnait la sensation d’une échancrure profonde; la lèvre postérieure, en particulier, était très gonflée et renversée , sans être dure cependant ni douloureuse ; tout le corps de la matrice était tuméfié, dur, très sensible au toucher, en contact immédiat avec le rectum sur lequel il exerçait une pression con- sidérable ; d’où résultait la constipation opiniatre que l’on était obligé de combattre par des lavements continuels. Le vagin était entretenu dans un état d'humidité notable par du mucus qui n'avait point d'odeur. Cetie malade était alors confiée aux soins d'un honnête homme auquel le docteur Schmitt conseilla d’agir avec pru- dence, de ne point perdre de vue l’état des forces de sa malade, dans tous Les cas de se laisser guider par les circonstances, mais d’avoir toujours en vue l’état de l'appareil digestif, et la menstrua- tion. Contre la maladie locale il recommanda des injections avec une décoction de cigué avec addition d’eau de laurier cerise, d'essayer aussi l'usage des bains tièdes. Une année se passe sans qu'il entende parler de cette malade. Quand il la revoit il trouve plutôt une diminution des symptô- mes morbides qu'un mieux prononcé. Les accidents convulsifs, où plutôt cataleptiques, avaient augmenté de fréquence et de force; plus d’une fois ils s'étaient changés en un évanouissement long-temps prolongé. La malade ne pouvait quitter son lit, ni mére y rester assise un peu longuement sans être exposée à s'évanouir. L’écoulement des règles conservait son caractère ; on fut obligé de discontinuer les bains tièdes, parce qu'après le dixième jour il survint une métrorrhagie. Du reste point d’écou- lement vaginal. Les selles et l'urine passent plus facilement ; l'état général de l'appareil génital est meilleur. Un peu plus lard, douleurs articulaires dans les bras et dans les mains, gonfle- ment des membres inférieurs. Environ un mois après, cardial- gie, puis douleurs abdominales qui se fixent dans la région uté- 162 MÉMOIRE rine d’abord, puis dans un point bien circonscrit de l'abdomen que la malade place dans la région sous-ombilicale droite. Cette douleur qui augmente périodiquement, est d’abord gravative, brülante, puis pulsante, puis ressemble à celle que cause la rupture d’un abcès ; cet état avait duré plusieurs jours quand elle commenca à perdre par le vagin, un liquide mélé de sang et de pus; cet écoulement dura quatre jours , et la malade se sentit très soulagée. Les endroits les plus sensibles étaient l'épi- gastre, la région splénique et la région sous-ombilicale droite. Dans l'étendue de cette dernière on sentait plusieurs masses dures, qui n'étaient probablement que les glandes mésentéri- ques engorgées. Ces tumeurs devenaient douloureuses par la pression. La rétroversion persistait; mais elle avait diminué ; il y avait aussi moins de gonflement, et moins de sensibilité, point de trace d’ulcération. L'état de la malade était déplora- ble, etvoisin de la consomption. On crut pouvoir essayer l'usage de l’eau de Selter, à l'entrée de l'été, mais deux choses man- quaient pour qu'il en résultât quelque bien, l'air de la campa- gne et l'exercice. Le docteur Schmitt revoit cette malade au bout de dix mois : elle disait sentir dans le vagin un corps étranger qui avait Ja forme d’une langue. Son état s'était considérablement amélioré ; les accidents convulsifs et les tumeurs abdominales avaient dis- paru ; la malade avait de l'appétit, et avait repris assez de force, pour pouvoir rester levée pendant plusieurs heures et pouvoir faire le tour de sa chambre. Les règles étaient bien régulières ; elle perdait un peu en blanc; mais l'écoulement n’était pas abon- dant, n'avait pas de mauvaise odeur; seulement parfois il dé- terminait un peu d'ürritation et était puriforme. Ventre mou, un peu de sensibilité à l'hypogastre seulement. L’utérus,a re- pris sa situation normale, quant à la direction, mais il parait en- core un peu bas; son volume est bien moindre, sa consistance et sa forme sont tout-à-fait naturelles. Les lèvres du museau de tanche offrent encore un peu de gonflement et de sensibilité SR LA RÉTROVERSION DE L'UTÉRUS. 163 quand on les touche. Le mucus vaginal est tout-à-fait transpa- rent. Le côté gauche de l'hypogastre était parfaitement libre et in- sensible ; mais le droit était occupé par une tumeur lobulée, et qui offrait deux divisions transversales , en approchant de la matrice dont elle ne paraissait pas une dépendance. L'auteur croit que cette tumeur est due à un engorgement scrophuleux des glandes du bassin. Cette opinion se trouve corroborée par l’état des glandes du membre inférieur correspondant. La tumeur que la malade avait rencontrée en se touchant elle-même, ne pouvait être que la lèvre antérieure de l'orifice utérin. Cette malade ne pouvait supporter l’usage des médicaments internes, par conséquent on était dans la nécessité de se borner à l'emploi des agents externes : ainsi la constipation fut combat- tue par des lavements qui, en général, déterminaient l'expulsion de selles dures rendues avec effort et avec douleur. On ajouta à ces moyens simples, des injections par le vagin avec une dé- coction de ciguë, et l’application d’une éponge recouverte de taffetas ou de linge fin, pour empécher l'antéversion. L'été suivant fut passé à la campagne, et procura une amélio- ration considérable, qui se soutint pendant l'hiver suivant : elle se plaignit seulement de douleurs dans les membres, que lau- teur qualifie de goutteuses, qui se continuèrent pendant la belle saison, parce que la malade vécut dans une habitation humide. Les douleurs, qu’elle appelait des crampes, furent éprouvées de nouveau dans le bassin et les membres inférieurs, la leucorrhée revint. La matière de l'écoulement conservait ce- pendant sa transparence, seulement elle prenait parfois une teinte jaunâtre. Le coït était douloureux, les règles irrégulières s’arrétaient tout-à-coup, et la malade alors éprouvait de fortes douleurs de tête. Enfin l'estomac se prit, et lamaigrissement augmenta. Le D'. examina de nouveau la région hypogastrique droite, et fut très surpris de ne pas y rencontrer la moindre trace de l'engorgement glanduleux qu'il y avait trouvé auparavant. L'utérus était encore situé un peu bas, et un peu plus volumineux 164 MÉMOIRE qu’en santé ; l'inclinaison en arrière n'avait pas encore comple- tement disparu non plus. La lèvre antérieure de l'orifice uté- rin était petite, comme déchiquetée, la postérieure était alongée, renversée en arrière, sans être dure, ni douloureuse : la partie postérieure du corps de l'utérus seule était sensible à la pres- sion. La maladie scrophuleuse ( ou plutôt tuberculeuse ) avait changé de caractère et paraissait s’étre transformée en une affec- tion goutteuse. Il est digne de remarque, qu’à partir du moment où la malade commenca à souffrir de l'estomac , l’amaigrisse- ment nese fit apercevoir qu'aux hanches et aux membres infé- rieurs , tandis que la partie supérieure du tronc conserva son embonpoint. 11. 8% Obs. Une femme non mariée d'environ quarante ans, d’une taille et de l’'embonpoint au-dessus de l'ordinaire ; habi- tuellement constipée, puis affectée d’un ascite , d’un tempéra- ment froid, accoutumée à une vie sédentaire , et éprouvant de fortes coliques à chaque époque menstruelle, qui depuis un an revient d’une manière irrégulière ( elle a été une fois trois mois environ, sans rien voir ). Point de douleur dans la région pel- vienne, point d'écoulement vaginal ; urine facilement rendue. Il y avait trois jours qu’on lui avait fait la ponction, ce qui avait donné lieu à l'écoulement d’une quantité abondante de sérosité. Peu après cette opération, douleurs d’entrailles, pressant besoin d’uriner sans pouvoir y satisfaire. Ce besoin se fait de plus en plus sentir ; la malade parait beaucoup souffrir : on attend pen- dant huit heures, durant lesquelles on avait eu recours aux ca- taplasmes, aux lavements , aux fomentations ; le tout en vain : il fallut introduire une sonde. A partir de ce moment, tous les accidents cessèrent ; mais on fut obligé plus tard de combattre encore la rétention d’urine par le cathéter que lon éprouvait quelque difficulté à introduire à cause d’un obstacle mécanique. Cette circonstance provoque l'examen des parties génitales, et le docteur Schmitt trouva la cavité postérieure du bassin occupée par une tumeur alongée, arrondie, lisse, de con Le STR LA RÉTROVERSION DE L'UTÉRUS. 165 sistance charnue, qui descendait presque jusqu'a la vulve en arrière , et remontait presqu'au niveau du bord supérieur du pubis en avant, où elle se trouvait en contact avec le canal de l'urètre. Il résultait de là que le vagin en arrière, était pour ainsi dire plissé sur lui-même , et offrait par conséquent peu de pro- fondeur, tandis qu’en avant, il était très distendu et plus pro- fond que dans l’état normal. Il était évident que c'était à une rétroversion de la matrice que l’on avait affaire. On ne put trouver le col de l'utérus, circonstance qui pouvait laisser quel- que doute sur la certitude du diagnostic. Le docteur Schmitt essaie de-pousser la tumeur en avant, mais en vain; car il la trouve immobile, Ce premier essai n’ayant point causé de dou- leur, on fait mettre la malade sur les genoux et sur les coudes , et l’on essaie de nouveau la réduction : c’est tout au plus si la matrice éprouve un léger déplacement. Cette position ne permet pas davantage de trouver l'orifice utérin. On recommande le coucher horizontal sur le côté, l'entretien de la liberté du ventre, le cathéterisme, des tentatives de réduction par l'anus et par le vagin tous les jours. Le lendemain au soir, la malade put uriner librement; et deux jours plus tard, les règles parurent, et coulèrent bien, sans douleur, pendant cinq jours. La malade se trouve très bien. Le ventre était vide et flasque et le foie, qui naguère était très xolumineux, a maintenant sa dimension normale. L’ascite pa- rait tout-à-fait guérie. Le toucher ne fait reconnaitre aucune différence dans la position de l'utérus. On fait placer de nou- veau, la malade sur les genoux et sur les coudes, et l’on fait de nouvelles tentatives de réduction, en introduisant deux doigts par le vagin d’abord, ensuite par l'anus. La tumeur est à peine mobile. En essayant la réduction par l'anus, on s’apercut que la matrice était globiforme, et avait le volume d’une petite tête d'enfant ; elle était dure comme une masse de tissu lardacé et tout-à-fait insensible à la pression. On discontinue les tentali= es de réduction, TOM, 1. 12 166 MÉMOIRE Sept jours plus tard, le docteur Schmitt examine de nou- veau cette malade qui avait quitté son lit depuis deux jours. Elle paraissait bien portante; elle se réjouissait d’avoir eu une selle facile, très volumineuse. Cette dernière circonstance prouvait en effet, que le.rectum n’était plus soumis à la pression de l’uté- rus engorgé. La partie inférieure de la tumeur était un peu moindre »et moins près de l'entrée du vagin ; mais en som- me, la rétroversion avait peu diminué. On sent, derrière le pubis gauche, une petite saillie arrondie, que l’on suppose être la lèvre postérieure de l’orifice utérin. Peu loin de là et un peu plus à droite, on rencontre une petite masse, rude, dure comme une pierre, du volume d’un grain de chènevis, que le docteur Schmitt avait déjà rencontrée auparavant. Plus tard, la malade éprouve de la dificulté à aller à la selle, et à introduire la canule de sa seringue; elle se plaint aussi d’une plénitude inaccoutumée du vagin. On procède à un nou- vel examen qui n’apprend rien de nouveau, excepté que, pour la première fois, le docteur Schmitt peut bien circonscrire à travers les parois abdominales, la circonférence de latumeur , et reconnaître qu’elle est beaucoup plus à droite qu'à gauche, ce qui explique la facilité desselles et de l'écoulement de lurine. La rétention que la malade avait éprouvée après la ponction, a pu être causée par le changement de position que l'atérus a dû éprouver à la suite de cette opération. Le docteur Schmitt n’a point revu cette malade. Il apprit de son médecin ordinaire qu’elle paraissait complètement rétablie. Les moyens de traite- ment avaient consisté en layements ; ja malade avait évité desse tenir couchée sur le dos. L'auteur ne doute nullement que cette rétroversion n'ait eu pour cause première un engorgement chronique du corps de l'utérus, qui peu à peu a produit un relichement des ligaments de l'organe, et comme cause secondaire, la constipation etles ef- forts violents pour aller à la selle qui ont dù contribuer beau- coup à rendrela rétroversion complète. SUR LA RÉTROVERSION DE L'UTÉRUS. 167 12. g"° Obs. Une femme de vingt deux ans, appartenant à la classe moyenne, d’une constitution délicate, peau d’un blanc jaune, yeux etcheveux bruns ; réglée à dix-sept ans. Après une grossesse heureuse accouche pour la première fois, en mars 1817, au moyen du levier à cause d’une prétendue obliquité dans la position de la tête de l'enfant. Le 2 décembre 1818, elle fait une fausse couche au sixième mois d’une grossesse dont le début avait été bon, mais qui était devenue extrêmement pénible et s'était accompagnée de douleurs dans la région sa- crée ét dans le côté droit de l’hypogastre. Son accoucheur lui fit faire, après sa fausse couche dont elle se sentait assez bien remise, des injections avec une forte décoction de quinquina. Sept sémaines après sa couche, les règles reparaissent et durent pendant huit jours; elles cessent pour reparaitre deux jours plus tard, etse continuer sous forme d’une perte sanguine chro- _ nique, qui varie sous le rapport de la forme et de la quantité. - Ainsi le sang sort quelquefois par caillots ; en général , le repos au lit arrête l'hémorrhagie; mais ce moyen ne réussit pas tou- jours. Au commencément de cette maladie, elle a éprouvé d'as- s6z fortes douleurs dans le côté gauche, que lon a combattues par desscataplasmes chauds , que l’on s’est bientôtvu forcé de discontinuer, parce qu'ils augmentaient l'hémorrhagie. Plus tard; cetté douleur se change en un sentiment de pesanteur et depression vers l'anus, qui existe encore. À cela s'ajoute de la constipation, et de la difficulté à aller à la selle. Le. février 1819; on appelle un médecin qui en demande un second en consultation : tout ce que la malade éprouve est attribué à à un état de faiblesse et de relâchement; et l'on a re- cours à tous les astringents connus, jusqu'aux sdMentiene d’eau froide ét de vinaigre, sans que la perte s'arrête. On fait venir un troisième médecin, qui fait appeler le docteur Schmitt, le 10 mai. La malade conservait de la fraicheur et ne paraissait pas du tout épuisée, elle conservait de l'appétit et du sommeil ; l'hypo- gastre excepté, le ventre était souple, petit, non sensible ; on n’y 168 MÉMOIRE rencontrait nulle part de dureté ni de gonflement. On rencontre par le toucher, vers le milieu du vagin une masse ronde, lisse, charnue,, de la grosseur d’une pomme ordinaire. On acquiert la certitude que c’est l'utérus dans un état de rétroversion, lors- que le doigt explorateur rencontre le col utérin derrière la sym- physe pubienne. Cette portion de l'organe ne parait pas malade; mais le corps qui en est plus incliné à gauche qu’à droite, et qui par conséquent, se trouve en contact avec le rectum, est sensi- ble à la pression. On essaie la réduction sans résultat; tout le vagin-est très humide à cause de l'écoulement sanguin. Æviter le coucher en supination : électuaire laxatif. Le-x1, elle perd beaucoup plus que de coutume, le pouls est accéléré. Elle s'était tenue couchée sur le côté droit, et avait eu une selle très molle. | Le 19, on reconnait par le toucher que la rétroversion a un peu diminué, l'utérus se trouve un peu plus à droite. Il con- serve son volume et sa forme, il est mou et non sensible. En faisant des tentatives de réduction avec un doigt d’abord , puis avec deux, on s’aperçut que non seulement la matrice cédait et se relevait, mais qu’elle diminuait et que desveaillots de sang sortaient sous l'influence de la pression que ces tentatives exi- geaient. Le docteur Schmitt en conclut que le gonflementrutérin était du en partie au sang épanché dans la cavité de l’organe,ret en partie à celui qui en engorgeait les vaisseaux ; de sorte que dans cette circonstance, l'utérus ressemblait à une éponge imbi- bée de sang. rue On renouvelle ces tentatives le 14, par le rectam d'abord (moyen auquel on renonce parce que le doigt de l'opérateur n’atteignait pas la matrice), ensuite par le vagin, la malade étant couchée sur le côté droit. On parvient pendant cette mañœuvre à rendre à la matrice sa position normale; mais ellerne lafcon- serve pas. L’engorgement, la consistance spongieuse pérsistent; on craint une dégénérescence carcinomateuse. Le 16, il y avait un peu moins de mollesse du côté du corps SUR LA RÉTROVERSION DE L'UTÉRUS. 169 utérin, mais le museau de tanche conservait toute sa flaccidité. Les caillots sanguins qui sortent pendant les tentatives de ré- duction ont une odeur fétide, la partie postérieure de l'organe surtout est douloureuse. La perte avait considérablement dimi- nué; le 19 elle avait complètement cessé. L'utérus, toujours volumineux, était moins dur que quelques jours auparavant; l'orifice utérin était comme dans l’état de santé. Cependant, le docteur Schmitt avait demandé en consultation, un méde- cin célèbre qui partagea ses craintes touchant l’imminence de la dégénérescence cancéreuse. On apprit que la sœur de la malade était affectée d’un cancer utérin, mais la mère jouissait d’une santé parfaite. Le jour suivant la malade perd un peu de sang. Il survient des battements de cœur, de la défaillance. La perte cesse entiè- rement; la malade passe la plus grande partie de la journée hors du lit, elle se sent extraordinairement bien, veut partir pour la campagne pour y passer l'été; "elle ne se plaint plus que d’un léger sentiment de pesanteur vers l'anus qui revient de temps à autre. Le toucher fit reconnaitre que la rétroversion » s'était changée en une inclinaison en arrière; le gonflement de la face postérieure de l'organe existait toujours, le col était dans l'état normal. L'auteur ne doute pas que la rétroversion n'ait été ici consé- cutive à l'engorgement de l'organe. Il attribue le mieux au repos, au coucher sur le côté, et aux lavements qui ont entretenu la liberté du ventre. 13. 10° Obs. Une paysane, ägée de quarante-six ans, d’une grande taille, d’une faible constitution, maigre, teint d’un blanc sale, yeux bleus, avait eu treize enfants qu’elle avait allaités elle-même ; toutes ses couches avaient été heureuses; la der- nière avait eu lieu il y a dix ans: veuve maintenant depuis un an elle a perdu beaucoup de sang à chaque époque menstruelle qui dure environ cinq jours, revient tous les quinze jours, de trois en trois semaines au plus tard, et s'accompagne de coliques, 170 MÉMOIRE de sentiment de pesanteur, de douleurs dans le sacrum. Consti- pation opiniâtre ; l'expulsion des matières fécales n’a lieu qu’a- vec beaucoup d’efforts, l'urine coule librement. La malade, est pâle, faible, æœdème des extrémités inférieures. Tous ces symp- tômes sont en rapport avec la grande quantité de sang qu’elle a perdu. Elle dit avoir joui antérieurement d’une très bonne santé. Sa perte a commencé par l'expulsion de caillots de sang noir, maintenant elle ne perd que du sang liquide, à peine coloré en rouge à la fin de chaque époque, et sans odeur. Le docteur Schmitt avait conclu, d’après ces détails | que la matrice de cette malade était affectée d’un squirrhe ou d’un cancer; mais l'ayant examinée, il fut très surpris, dit-il, de rencontrer une rétroversion complète de l'utérus. L’orifice utérin était en contact avec l’arcade pubienne; la lèvre postérieure était la seule partie du col qu'il fût possible d’atteindre; Le corps de l'utérus était situé un peu bas, mais n’offrait aucun symptôme de dégénérescence; il n’y avait point de sensibilité. On prescrit à la malade le coucher horizontal sur le côté , et sur le ventre, le*plus souvent possible; l’usage de livements pour entretenir la liberté du ventre; intérieurement l'extrait de racine de ratanhia dans de l’eau de camomille et de mélisse, avec sirop d'orange et addition d’un peu d’acide de Haller. M. Schmitt n’a point revu cette malade, Il pense que chez elle la rétroyersion s'était formée lentement, et que les accidents qui lui étaient survenus étaient causés par la position anormale de l'organe et l’âge de la malade. ‘ 14. 11° Obs. Une femme de condition, très jeune, grande, teint d’un jaune päle, yeux bleus, irritable, chlorotique à un très haut degré, et affectée d’accidents nerveux pendant quelque temps avant la puberté, porte des traces d’une affection ra- chitique et scrophuleuse ; il n’y a pas encore tout à fait un an qu’elle est mariée ;son mari lui acommuniqué une blennorrha- gie syphilitique dont’elle n’est pas plus tôt guérie qu’elle devient enceinte. Avortement vers la fin du deuxième mois de la gros- SUR LA RÉTROVERSION DE L'UTÉRUS. 171 sesse , suivi d’une forte hémorrhagie à laquelle succède un écoulement abondant, jaune et fétide. Le onzième jour après sa fausse-couche, s'étant refroidie, des symptômes de métrite se manifestent; on les combat avec succès; mais ils laissent un mouvement fébrile, des douleurs dans la région hypogastrique et dans la région sacrée. La malade perd assez abondamment par le vagin , un liquide purulo-sanguinolent qui irrite les par- tiesexternes. Un mois après l'avortement, métrorrhagie accom- pagnée de douleurs expulsives que l'on prend pour les règles. Lesang qu’elle perd est mêlé de caillots noirs. Miction libre, défécation dificile, l'introduction de la canule dans le rectum cause de la douleur. Le docteur Schmitt est appelé en consulta- tion, six jours après le début de cette hémorrhagie. Le col utérin était situé contre l’arcade pubienne, dirigé à gauche, gonflé, de consistance spougieuse, ne pouvant être circonserit par le doigt ; le corps de la matrice se trouvait en contact immédiat avec la pa- roi postérieure de la cavité pelvienne, son volume dépassait l'état normal ; elle était dure, immobile, sensible à la pression. La région hypogastrique était encore plus sensible à la pression que Putérus ; il n’y avait point de ballonnement. Il était évident que l'utérus était sous l'influence d’une métamorphose morbide qui constituait la maladie principale, tandis que la rétroversion n’en était qu’une conséquence. Il était moins facile de savoir si cette modification morbide reconnaissait pour cause l’inflammation antérieure, ou la syphilis qui aurait pu être incomp'ètement guérie. On prescrivit des bains tièdes, des lavements émollients, des cataplasmes du même genre, le coucher horizontal sur le côté, position dans laquelle la malade se sentait soulagée, bien que dans cet état, il lui füt impossible d'étendre les membres inférieurs sans éprouver un sentiment de tension douloureuse dans l’hypogastre. La malade éprouve du mieux sous l'influence de ce-traitement. On lui prescrit Le calomel à la dose d’un demi- grain, une fois et successivement deux fois par jour. Le mieux fait des progrès en ce que les symptômes morbides externes 172 MÉMOIRE diminuent de plus en plus; mais l’utérus a augmenté de volume, et la rétroversion est encore plus considérable; le toucher cause de la douleur. On continue le même traitement ; la malade se tient constamment sur le côté; une amélioration très prononcée se manifeste. Le mucus vaginal prend le caractère séreux et gluant qu'on lui connait à la fin d’une blennorrhée. Les selles ontun aspect terreux et visqueux, mais sont plus faciles; l'urine est abondante, Quelque temps après, le sentiment de pesanteur dans la région hypogastrique, cesse presque tout-à-coup; mais la douleur dans les flancs persiste, bien qu’elle soit moins forte. L'engorgement et l'inclinaison dela matrice sont bien moindres ; elle a repris sa consistance normale à l'exception de deux espè- ces de noyaux que l’on rencontre à la face postérieure de sa portion vaginale qui sont durs et sensibles au toucher. Les règles paraissent et durent un peu plus long-temps qu’en santé. La malade éprouve de fortes douleurs sur le trajet des li- gaments ronds; les règles sont suivies de l'écoulement d’un li- quide muqueux où l’on apercoit plusieurs petits lambeaux mem- braneux, blanchâtres, en état de décomposition. Serait-ce le dé- tritus d’une fausse membrane qui se serait formée pendant la métrite. La malade se plaint d’une forte douleur frontale , et d’avoir la vue trouble depuis deux jours. Tant que cette cépha- lalgie dura il n’y eut point de douleurs dans la région pelvienne. On touche, et l’on trouve l'utérus normal quant à la forme, au volume et à la consistance. Une salivation commencante fit dis- continuer l'usage du calomel ; ce qui fut peut-être une faute. Après cela, la malade se sent tantôt bien, tantôt mal; mais enfin le mieux l’emporta, puisque la malade put quitter son lit, reprendre des forces et un air de santé. Il n’y avait plus d’écou- lement, les douleurs hypogastriques étaient rares, les règles ve- naient régulièrement, à l'exception d’un léger retard, il n'y avait presque plus d'inclinaison, Le traitement qu'on lui pres- crivit consista selon les circonstances, en purgatifs doux, lave- ments, bains tièdes et emipfections. Les accidents nerveux fu+ SUR LA RÉTROVERSION DE L'UTÉRUS. 173 rent combattus par la valériane et le muse. Le médicament dont on se servit le plus souvent fut le calomel qui, à cause de la constitution lymphatique et nerveuse de la malade, lui convenait parfaitement. On lui fit, à différentes époques, trois applica- tions de douze sangsues à l'hypogastre, pour combattre les dou- leurs qu’elle y éprouvait. Après avoir passé la fin de l'automne et tout l'hiver, tantôt au lit, tantôt dans sa chambre , la malade put au mois d'avril, sortir un peu en voiture. La guérison ce- pendant n’était pas complète : les anciennes douleurs abdomina- les se réveillent de temps en temps, dansle côté gauche en parti- culier ; elles s'étendent sur le trajet des ligaments ronds, les glandes inguinales se gonflent, le membre inférieur devient douloureux. La station s'accompagne d’un sentiment de pesan- teur vers l'anus, et de tension dans l'hypogastre. Elle se plaint d’une faiblesse extraordinaire dans les jambes. La matrice est toujours sensible en arrière. Cependant, l'état maladif qui per- siste ne peut être uniquement attribué à la légère inclinaison que conserve l'utérus. La malade passe l'été sans en retirer de béné- fice. Elle se plaint d’un écoulement muqueux jaunâtre; les rè- gles retardent de plus en plus. On lui fait prendre des bains ‘sulfureux qui paraissent avoir aggravé le mal. On finit par soup- conner la véritable cause du mal, la syphilis. On eut recours aux onctions. Tous les accidents tant locaux que généraux dis- parurent rapidement. Le docteur Schmitt dit avoir déjà observé un cas tout-à-fait analogue, où le calomel administré pendant un mois, guérit une rétroversion incomplète qui reconnaissait pour cause une affection syphilitique. M. Hervez de Chégouin a publié dans les mémoires de l’aca- démie royale de médecine, T. II, p. 319 ; 1833, un mémoire ayant pour titre : « De quelques déplacements de la matrice et des pessaires les plus convenables pour y remédier ». Nous n’en donnerons qu'une analyse très succinte, par la raison que cha- cun peut y avoir recours. Nous agirons de même à l'égard des 174 MÉMOIRE observations de rétroversion consignées dans l'utile Traité des maladies de l'utérus publié par madame Boivin et M. Duegès; et cela par la même raison. 15. La première observation rapportée par M. Hervez de Ché- gouin a pour sujet une femme de vingt-quatre ans. Le début du malaise datait de quelques semaines après son second ac- couchement. On reconnut la cause de la maladie ; et un pre- mier pessaire ayant la forme d'un carré long, assez épais pour remplir le vagin, et surmonté d’une saillie mince en arrière, pour -s’opposer à l’abaissement du corps de l’utérus en ce sens fut appliqué. La malade continua de souffrir et de garder le lit. M. Hervez fut appelé : le toucher lui apprit que le corps de l'utérus, dont la face postérieure était devenue inférieure et même un peu inclinée en avant, avait augmenté de volume, qu'il était sensible au toucher et que le col, dont lorifice tou- chait la partie antérieure du vagin, au dessus du col de la ves- sie, était également tuméfié. L’excrétion de l'urine était libre, parce que:le col utérin se trouvait en contact avec le corps de la vessie, et non avec l’urètre. Il trouva que la concavité du sa- crum était beaucoup plus profonde que chez les autres femmes." Il pensa que, pour arriver au résultat que l’on cherchait, il fal- lait combler cette cavité, et empécher ainsi la matrice de s’y lo- ger. Une bouteille en gomme élastique du commerce, toute simple, assez grosse , assez bombée en arrière et terminée par un col qui, restant à l'entrée du vagin, l’empécherait de chavi- rer lui parut devoir remplir cette indication. Le succès a répondu à ses espérances : les accidents ont dis- paru , et la malade a pu , peu de jours après , faire de longues courses à pied dans Paris, et plusieurs lieues dans la campa- gne. Il y avait deux ans que la malade portait cette espèce de pessaire quand cette observation a été publiée. Avant d’en faire l'application, M. Hervez s'était attaché à dis- siper le gonflement et la sensibilité dont la matrice était le siège, SUR LA RÉTROVERSION DE L'ITÉRUS. 175 par des saignées locales, et en particulier par des ventouses sca- rifiées à la région lombaire où elles paraissent avoir une efficacité spéciale. « La réduction de la matrice est en général une chose facile dansila rétroversion, pendant son état de vacuité. » « Ce pessaire, comme les autres, entretient dans le vagin un écoulement qui a de l'odeur. La plus grande propreté, des lo- tions intérieures par des injections, sontindispensables. Toutes les six semaines environ, ce pessaire a élé changé parce qu'il s’étaitaffaissé ; mais il pourra à l’avenir, être conservé plus long- temps; parce qu’on lui.a donné de la consistance en le remplis- sant avec un moule de liége bien léger. » Après avoir décrit un autre‘pessaire en cercle, offrant une ouverture assez grande pour recevoir le col de la matrice, il ajoute : « J'ai été surpris des occasions assez nombreuses que J'ai rencontrées de l’employer pour des antéversions de la ma- trice chez des femmes jeunes, chez des filles et même parmi celles-ci, chez quelques-unes qui présentaient l'apparence de la virginité. On pense bien, que dans ces derniers cas, il a fallu long-temps ayant de se décider à un pareil moyen ». Nous nous apercevons que nous avons commis une erreur en disant au commencement dece mémoire, que M. Hervez avait rapporté l'histoire de deux cas de rétroyersion; je vois qu'il s'agit de deux cas d’äntéversion, chez deux filles de vingt-quatre à vingt- six ans , et qu'il ne dit pas si elles étaient vierges ou non. ( V. p- 327). L'ouvrage de madame Boivin et de M. Dugès (T.I. p. 163), contient l'histoire très peu détaillée de deux cas de rétroversion de l'utérus dans l'état de vacuité. 16. 1° Une femme depuis plusieurs années n’avait point ses rè- gles ; elle se plaignait d’élancements dans le vagin, et en outre, de divers symptômes d’hystérie. Elle avait trente ans, était veu- ve et n'avait jamais eu d'enfants. L'examen à travers les parois abdominales n'indiquait au- cune lésion , aucune tumeur dans cette cavité. Le vagin était 176 MÉMOIRE vide. Ce n'est qu’en portant le doigt sous le pubis,-que l’on y rencontrait le museau de tanche tuméfié, dur, entr'ouvert, mais non douloureux au toucher. En portant le doigt vers le sacrum, on distingua une tumeur qui parut d'abord être formée par le fond de l'utérus. En examinant du côté du rectum, cette tumeur sembla à l'auteur très volumineuse et composée de deux lobes globuleux adossés l’un à l'autre, disposition qui se faisait re- marquer également, mais moins distinctement, en faisant l’ex- ploration par le vagin. On crut reconnaitre que ces tumeurs avaient leur siége dans le tissu'de l'utérus, mais très près dela surface et dans la paroi postérieure accidentellement devenue inférieure. Les selles et l’excrétion de l'urine étaient faciles ; il était im- possible de faire changer de situation à l’utérus; on s'était con- tenté de faire chaque mois une application de vingt sangsues autour de l’anus. L'auteur suppose que ces tumeurs étaient de naturetfibreu- se. Il: est remarquable que leur présence coïncidait avec une suppression des règles. "On observe ordinairement le contraire: on a vu souvent la plus petite tumeur donner lieu à un afllux de sang considérable. On n’a pas revu la malade. 17- Madame La Chapelle a fourni aux auteurs le fait suivant . Madame … était âgée de trente-huit ans et mère de neuf en- fants. Après une aménorrhée de six sémaines , elle a vu revenir un écoulement de sang qui a continué depuis en médiocre quan- tité. Madame … s'était d'abord crue grosse ; examinée, on trouva l'utérus fortement incliné en arrière, gonflé ; maison ne put pas dire si c'était par un corps contenu dans sa cavité ou par l’engorgement de ses parois. Le col était mou et ouvert, orifice interne fermé, et toutes ces parties fort douloureuses. 18. Le journal du docteur C. F. Kleinert( Allgemeines Re- pertorium der gesammter deutschen medizinisch chirurgischen Journalistik, IX Jahr. I. Heft), cahier de janvier 1835, p. 97, contient le fait suivant : Une femme non enceinte, après avoir “. SUR LA RÉTROVERSION DE L'UTÉRUS. 177 fait un effort pour lever un fardeau sur sa tête, éprouva tout-à- coup, une rétention d'urine et de la constipation. Elle éprouva aussi en se relevant, dans la région pelvienne uné sensation par- ticulière qui ne dura pas. Le toucher fit reconnaitre une rétro- version de l'utérus. On tenta la réduction en faisant mettre la malade sur les genoux et sur les coudes, mais sans résultat. On eut recours au cathétérisme, aux lavements, aux purgatifs doux, puis on essaya de nouveau la réduction, qui cette fois réussit. J'arrive à l'observation de rétroversion de l'utérus chez une vierge, que j'ai en partie recueillie moi-même, et dont je dois la suite à M. le D'Bosch de Maastricht. 19. (28 janvier 1835.)Madémoiselle P. A., âgée de trente-six ans, née à Maastricht, de parents sains, a joui dans sa famille, d’une position sociale avantageuse jusque vers l’année 1820 ; elle Habite la maison royale de Saint-Denis, en qualité d’institu- trice depuis onze à douze ans; d’une taille au-dessus de la moyenne, qui est, d’après M. Quetelet, de 1" 559, pour les femmes belges. ( Voyez Essai de physique sociale par A: Que- telet, Paris, 1835. t. 2, p.6 et suiv.); elle ne présente aucun vice de conformation sans maigreur ni embonpoint; yeux noirs, système phanérique très développé et d’un noir très foncé, peau brune. Douée d'une intelligence ordinaire, ayant recu quelque éducation. _A l'exception de la gale, qui lui fut communiquée dans son enfance par une domestique, elle nese rappelle point d’avoir eu aucune maladie éruptive. Ses règles ont paru pour la première fois de douze à treize ans, sans avoir été précédées d'aucun ma- laisé notable. Sauf quelques coliques hypogastriques pendant un jour ou deux, avant chaque époque, elle a continué d’être réglée régulièrement et sans souffrance. Elle perdait pendant cinq à six jours modérément , n’a jamais eu de flueurs blanches ; as- sure de la manière la plus positive , que jamais elle n’a eu d’habitudes secrètes. Jusqu'à l'époque de son entrée à Saint- Denis, mademoiselle A. dit avoir joui d’une bonne santé, Ce- 178 MÉMOIRE pendant M. le docteur Bosch qui de 1816 à 1820, avait été son médecin, dit, dans les détails très amples qu'il a eu l’obligeance de me transmettre, que ses indispositions ordinaires étaient des dérangements des organes digestifs dont l’irritabilité avait été entretenue par des purgatifs et des vomitifs. Mais je confesse franchement, que par cela même que M. Bosch n’a vu dans l'affection. de matrice de mademoiselle A. que les suites de ce qu'il appelle une Pharyngo-gastro-entéro-cystite : «un exa- men plus aprofondi de cette complication me porte à la consi- dérer la(pharyngo-gastro-entéro-cystite) désormais non comme affection symptomatique et commes’étant développée sous l'in- fluence de la matrice , mais comme maladie primitive idiopa- thique, essentielle, sous l'influence de laquelle la métrite s'étaitau contraire lentement établie», jeconfesse, dis-je, que je suis porté à considérer ces indispositions comme n'ayant eu que peu ou point d'importance sur le, développement de la maladie de l'utérus, et par conséquent je m'en tiens aux asser- tions de la malade, qui m'a assuré qu’elle avait joui d’une santé parfaite jusqu’à l’époque de son entrée à Saint-Denis. Elle n’a jamais craché de sang, sa respirationa toujours été parfaitement libre, n'a pas éprouvé de battements de cœur non plus ; l’aus- eultation et la percussion, répétées à différentes époques, n’ont. rien révélé d’anormal du côté du poumon ou du cœur. Il est souvent arrivé à mademoiselle A. depuis qu’elle est réglée, de perdre un peu de sang dans l'intervalle des règles, quand elle faisait une longue course à pied. Al n’y a que trois ans que cela ne lui arrive plus. Depuis son entrée à Saint-Denis, où elle a été conduite par des revers de fortune arrivés dans sa famille, qui lui ont causé de profonds chagrins, mademoiselle À., qui, en sa qualité d’institutrice;*a dû mener une vie trèsisé-, dentaire, a vu ses règles diminuer peu à peu, au point que de- puis dix mois, elles ne coulent que pendant un à deux jours pendant lesquels elle ne perd que peu de sang, et cesang est moins coloré qu'il n’était autrefois. Les douleurs qui précèdent SUR LA RÉTROVERSION DE L'UTÉRUS. 179 chaque époque menstruelle, qui revient de trois en trois semai- nes, sont devenues tellement vives qu’elle la voit approcher avec une espèce d’effroi. Elle a remarqué qu'elle perdait beaucoup moins quand ellese garnissait que quand elle nele faisait pas. Il y a déjà long-temps qu’elle éprouve une douleur sourde dans le bas-ventre; mais depuis huit mois, elle éprouve des élancements dans la région du sacrum et vers l'anus. Elle a souvent résisté pendant plusieurs heures au besoin d’uriner depuis qu’elle est institutrice ; mais depuis quelque temps, il y a des jours où ce besoin se fait sentir presque de demi-heure en demi-heure, et si elle n’y satisfait de suite, elle n’y réussit plus tard que difficile- ment et avec douleur. Depuis quelques mois, elle éprouve une espèce de tremble- ment interne, un sentiment pénible indéfinissable, qui s'élève de la partie antérieure du bassin vers l’épigastre. L’appétit est devenu très irrégulier et capricieux depuis un an; et elle a un peu maigri depuis six mois. La malade n En pas consenti à un examen qui était indis- pensable , pour s'assurer à quelle affection l’on avait affaire; mais supposant cependant, d’après tous ces détails, qu’il exis- tait un engorgement utérin, je conseillai l'application de vingt sangsues à la face interne des grandes lèvres, trois à quatre jours avant l’époque présumée des règles; des bains de siège tièdes ( que la malade ne prit pas parce qu’elle ne voulait pas que l’on soupconnät la nature de sa maladie dans l'établissement), in- jestions de guimauve à la même température, lavements sim- ples pour combattre la constipation, qui depuis plusieurs années était habituelle. Régime doux. Ces moyens procurèrent un soulagement assez marqué jusque vers la fin d'avril. Dans les premiers jours de mai, je revis la malade qui souffrait de nouveau. La dernière époque menstruelle avait été très pénible. Je ne pus obtenir la permission de tou- cher mademoiselle A. Je lui conseillai de faire une nouvelle ap- plication de sangsues, etc. Pour cette fois, elle ne retira aucun 180 MÉMOIRE avantage de ce moyen. La malade crut que le bain de siége qu’on lui avait préparé pour cette circonstance , était si chaud qu'il arrêta l’écoulement du sang. Le fait est qu'elle en perdit peu ; ce qui n’était pas arrivé la première fois. En général, l'ap- plication des sangsues à la surface interne des grandes lèvres produit une abondante hémorrhagie, ce qui du reste s'explique très bien, quand on se rappelle la structure de ces parties. La persistance ou plutôt l’auginentation de tous ses genres de souf- france déterminèrent mademoiselle A. à demander un congé afin de suivre un traitement régulier. Elle vint habiter Paris chez une de ses parentes. Ce fut le premier juin qu'il me fut permis de m’assurer, par un examen, quelle pouvait être la cause principale de tous les désordres que j'avais à combattre. Le toucher me fut impossible la première fois à cause de l’é- troitesse de la vulve. Cependant le doigt explorateur pénétra , non sans causer une assez vive douleur, dans le vagin jusque vers le milieu de la seconde phalange. Je recommandai deux à trois bains de siège tièdes , des injections émollientes , etj'es- pérai que je pourrais le lendemain arriver jusqu’à l'utérus sans causer aucune lésion aux parties génitales externes. Cest ce qui eut lieu en effet. Voici le résultat du second toucher : on rencontre à environ deux pouces et demi de l'entrée du vagin, un corps arrondi, lisse, assez dur, à peu près insensible à la pression , ayant à peu près deux pouces et demi de diamètre. Ce corps occupe la concavité du sacrum, et se trouve à gauche en contact avec le rectum. Dirigeant mon doigt en avant et eñ haut, je trouve derrière la symphyse pubienne, un tubercule arrondi, ayant au plus six lignes de diamètre, sur lequel jene rencontre rien qui ressemble à l’orifice de l'utérus. Ce tuber- cule, que je supposai alors devoir être le museau de tanche, ce qui était en effet, comme on le verra tout-à-lheure, m’offrait aucune sensibilité et était en contact avec le canal de l’urètre. Je me rappelai que pendant que je recueillais des observations sur les maladies de l'utérus, à l'hôpital de La Pitié, dans le ser- SUR LA RÉTROVERSION DE L'UTÉRUS. 181 vice de M. le professeur Andral et de M. Louis, (M. Lisfranc ne permettait à personne d'interroger ses malades en son ab- sence, autrement j'aurais colligé un plus grand nombre de faits), je me rappelai, dis-je, que j'avais rencontré une jeune malade, et une infirmière, qui toutes deux n'avaient offert une véritable rétroversion de matrice, et qui, à en juger par la douleur que leur avait causé le toucher, et par la dificulté que j'avais éprouvée à atteindre l'organe dévié, devaient tre dans le même état que mademoiselle A., qui, selon moi, offrait tous les signes de la virginité. C'était donc à une rétroversion de matrice que j'a- vais affaire. Je n'avais pas eu de doute sur mes deux premières malades, parce que je m’en étais rapporté à mon propre examen et que je m'étais alors peu enquis de l'opinion des auteurs sur cette affection ; mais voulant faire tous mes efforts pour bien traiter mademoiselle A., je consultai les auteurs; et je trouvai que les modernes, et de ce nombre est M. Nauche, considé- raient la rétroversion de l'utérus dans l’état de vacuité comme très rare; enfin il n'y avait rien qui me prouvät d’une ma- nière irréfragable que cette affection eut été observée chez une vierge. C'est pourquoi, malgré ma répugnance à découvrir mademoiselle A., qui paraissait beaucoup souffrir à la seule idée de permettre un examen oculaire, j'acceptai la proposition qui me fut faite par M°°... sa parente, de l’'examiner au spé- culum. Je me servis d’un speculum ani, ct je trouvai dans l'emploi de cet instrument, peu volumineux, le double avantage de pouvoir l'introduire sans dilacérer la vulve qui s'était un peu élargie par la répétition du toucher, et de pouvoir facile- ment le promener dans les différentes parties du vagin, afin d'y découvrir l'orifice utérin, la seule chose qui püt donner à mon diagnostic le dernier degré de certitude. Le succès fut complet : le spéculum ayant été porté entre le corps de l'utérus et l'arcade pubienne, j'apereus la face postérieure du col de la matrice, ayant la forme d’un cône arrondi; il me fut tout-à- fait impossible alors d’en apercevoir l'orifice. Le corps de la ma- TOM. 1. 13 182 MÉMOIRE trice avait à peu près le volume, et occupait la position que je Jui avais reconnu par le toucher. Je ne n'étais donc pas trompé en pensant que mademoiselle A. était affectée d’uné re- troversion complète de l'utérus. À partir de ce moment, la malade dut, autant que possible, se tenir couchée sur le ventre ou sur le côté. Injections et bains de siége à la température ambiañte, un lavement tous les jours ; tels furent les moyens généraux. Dans l'espacé de deux mois, à trois semaines d'intervalle, on lui fit deux applications de quinze à vingt sangsues aux parties génitales externes, et de plus trois applications de ventouses scarifiées aux lombes. La malade ne perdit guère plus de douze onces de sang par les ventouses. Les deux dernières applications de sangsues ne don- nèrent que peu de sang par les piqûres des sangsues. Le calo- mel fat prescrit à la dose d’un grain uni à un demi grain d'o- pium; mais la malade ayant su qu'il entrait du mercure dans ses pilules, ne les prit pas avec une entière confiance. Le ré- gime consistait en potages légers, et en bouillons Un mieux marqué s'était manifesté même avant la fin du deuxième mois. L'urine pouvait être facilement retenue ét rendue ; l'époque des règles n'était plus accompagnée d'aussi fortes douleurs. Et si l’utérus n'avait point diminué de volume il était moins dévié ; car on pouvait apercevoir l'orifice du col utérin. Lé teint de la malade qui, at commencement de Juin, était päle et plombé, était beaucoup meilleur. Quelques lave- ments opiacés avaient été administrés avec sucéès pour éombat- tre un dévoiement qui dura cint à six jours, et des douleurs hypogastriques. Mais li malade sentait que sa fante voulait partir pour la campagne, qu’en prolongeant son traitement elle deviendrait à charge, elle voulait étre guérie de suite. Je con- naissais les résultats heureux qe MM. Marjolin et Hervez de Chégoin avaient obtenus de l'emploi d’un pessaire dans des cas analogues ; mais j’avouai que ce moyen ne m’inspirait pas une très grande confiance, que je ne voulais pas prendre sur moi cmd Cd SUR LA RÉTROVERSION DE L'UTÉRUS. 183 la responsabilité d’y avoir eu recours sans avoir l'avis des deux grands praticiens que je viens de nommer. J'avais été absent de Paris pendant les trois premières semaines d'août, et jetrouvai, à mon retour, ma malade dans les dispositions d’esprit que je viens d'indiquer. MM. Marjolin et Hervez de Chégoin furent d'accord avec moi sur la nature de la maladie, et pensèrent qu'un pessaire était le seul moyen de guérison. En conséquence, un pessaire de forme très légèrement ovale, offrant une épaisseur beaucoup plus considérable, et une espèce de renflement de bas en haut, dans le segment qui devait occuper la cavité du sacrum, et une ouverture en général beaucoup trop étroite pour recevoir faci- lement le col de l'utérus, fut appliqué par madame Rondet, in- ventrice de ce pessaire. La malade se sent soulagée ; elle part pour Bruxelles, où elle arrive le 6 septembre. Le pessaire est supporté pendant deux mois, pendant lesquels mademoiselle A. fait d'assez longues courses ; puis les douleurs se réveillent. Un second pessaire est appliqué par une sage-femme qui a la maladresse de le mettre de manière que « la partie la plus élevée de sa circonférence, destinée à refouler vers le haut Ja face postérieure de la matrice, se trouvait placée en avant, de sorte que, loin de s'opposer à la rétroversion, elle ne pouvait que l’augmenter.» Le 31 janvier 1836, M. Bosch de Maastricht où la malade s’élait rendue, retira ce pessaire et examina les parties génitales qu'il wouva dans l’état suivant : ç vulve fort étroite et doulou- reuse (j'ai omis de dire que l'application du premier pessaire ne put être faite sans une certaine dilacération de la vulve) ; paroi postérieure du vagin engorgée et dure ; canal de l’urètre gonflé et douloureux ; col utérin, peu développé, nullement doulou- reux;, appliqué contre la symphyse pubienne; son orifice externe est arrondi et fermé. Le corps de l'utérus a conservé sa forme normale ; son volume est le double au moins de celui qu'il devrait avoir, il est dur, etoffre quelques inégalités en arrière, 184 MÉMOIRE où il est également douloureux. Il est renversé en arrière, de manière que sa face postérieure est devenue inférieure : il offre de la pesanteur, il est peu mobile ; toute tentative de réduction est impossible à cause des douleurs qu’elle occasionne ». J'avais moi-même acquis la conviction que M. le docteur Schmitt a acquise par de nombreuses expériences, que ces tentalives sont en général inutiles. M. Bosch trouva la muqueuse vaginale rouge. ]l ne put voir le col utérin avec son spéculum , proba- blement parce que l'instrument ne pouvait être introduit entre le corps de la matrice et l'arcade du pubis. « Fréquent besoin d’uriner ; constipation habituelle ; se/les sèches, dures, arron- dies et peu abondantes ; sentiment de pesanteur vers l'anus, et élancements; douleurs lombaires et dans les cuisses; écoule- ment peu abondant d’un mucus vaginal épais; sentiment de sécheresse à l'isthme du gosier; rougeur et sécheresse des lèvres; tension ; sensibilité de l'épigastre et de l'hypochondre gauche et en général de tout l'abdomen. Coliques fréquentes ; douleurs dans tout le système musculaire ; tristesse ; irascibilité; découragement , peau sèche, rapeuse , d’une teinte jaune sale, yeux enfoncés, entourés d’un cercle livide, soif fréquente , appétit capricieux, préfère les mets épicés, règles coulant en petite quantité, avec de fortes douleurs, mais régulières. » L'usage des pessaires avait donc aggravé la maladie de l’uté- rus, et le trouble général des fonctions qu vient d’être décrit n'existait cerlainement pas à l'époque où la malade quitta Paris. M. Bosch considéra la maladie de mademoisellle A*** comme le résultat d’une phlogose fort ancienne et chronique de l'utérus , et ne vit dans la rétroversion qu'une suite de l’engor- gement de sa paroi postérieure. En conséquence, le 2 fé- vrier 1836, on appliqua dix sangsues dans le voisinage du col utérin. La méme opération fut répétée le 10 et le 14 du méme mois , et le Get le 11 mars. La malade fut tenue au repos ab- solu , au coucher horizontal, (M. Bosch ne dit pas sur quelle face du corps reposait sa malade) lavements et injections émol- SUR LA RÉTROVERSION DE L'UTÉRUS. 185 lientes , cataplasmes de même nature sur le ventre, bains tièdes, alimentation légère. Sous l'influence de ce traitement, les règles deviennent plus faciles et plus abondantes, l'utérus diminue de volume, se redresse , et devient visible au spéculum. M. Bosch tourne son altention vers l'appareil digestif, où il croit découvrir la cause primitive de tous les maux de sa malade : c’est cette cause, qui se manifeste à lui sous une forme telle qu’il la désigne sous le nom de Pharingo-gastro-entéro-cystite, qu’il s'attache à com- battre. En conséquence, la nourriture douce et légère, plus spécialement lactée el végétale qui avait été permise jus- qu'alors , et qui passait, mais qui était laborieusement digé- rée, fut supprimée entièrement. On ne permit à la malade que des boissons adoucissantes et rafraichissantes. On appli- qua douze sangsues à l'épigastre, le 20 mars; le 29 du méme moi et le quinze avril, méme opération ; le 6 et le 22 avril, sept à dix sangsues sont appliquées au col de l'utérus.M. Bosch * découvre, le 29 août, que l'irritation est prédominante dans l'intestin gréle, et, en conséquence, quinze sangsues sont appliquées aux environs de lombilic. Repos absolu, cata- plasmes sur l'abdomen et Les reins, lavements et injections émollientes, bains généraux, potion gommeuse avec addition d’un grain de nitre par once , quelquefois avec un peu d’eau de fleurs d'oranger et de quelques grains de thridace pour com- battre les accidents nerveux qui se manifestent deux fois après les applications de sangsues au col de l'utérus. Sous l'influence de cetraitement, M. Bosch‘trouve que l'inflammation du tube digestif diminue, la malade se sent mieux, moralement et physiquement ; elle peut se lever pour aller au bain et satisfaire à ses besoins. Les règles sont devenues plus abondantes et moins douloureuses, au commencement d’avril et de mai. On accorde quelques aliments à la malade le 15 mai; mais au bout de trois jours les symptômes de la gastrite reviennent et, le 20 mai, on applique douze sangsues à l'épigastre ; et 186 MÉMOIRE le 24 mai et 7 juin, dix sont appliquées au col de l'utérus. A parlir de ce moment, la rétrovexsion n’a plus existé; le museau de tanche occupait le centre de l'excavation du vagin, et jouis- sait d’une mobilité parfaite. Les signes de la gastro-entérite avaient aussi cessé, les selles étaient faciles et régulières (j'avoue ne pas comprendre cette facilité et cette régularité chez une malade qui, depuis bientôt trois mois ,est à une diète à peu près absoluc). L'appétit élait revenu et devenait impérieux. Un potage aux herbes fut permis, et fut bien supporté pendant deux jours, puis on y ajouta un peu d’asperges, d'épinards et de biscuit. Cependant le 13 juin, on juge utile d’appliquer huit sangsues à l'hypochondre gauche et autant à l'hypogastre parce que les règles avaient été en retard , qu'elles avaient élé plus douloureuses et moins abondantes qu'auparavant. On remet la malade à la diète et l'on applique huit sangsues au col utérin; « mais à peine commencerent-elles à fonctionner que. des douleurs vives et lancinantes dans tout l'abdomen, accom- pagnées d'agitation excessive, de cris, de syncopes se mani- festèrent.» On retire le spéculum , on administre des calmants. Depuis cette époque, « je n'ai plus rencontré, dit M. Bosch, l'indication de faire de nouvelles applications de sangsues à l'utérus. » Le 26 août, on applique encore huit sangsues à l’épigastre pour combattre les symptômes d'irritation gastrique provenant de ce que la malade avait mangé quelques fruits {On a recommencé à lui accorder quelques aliments liquides. La malade se tient au lit. On continue les lavements. Le 7 septembre, M. le docteur Bosch était persuadé du ré-. tablissement prochain de sa malade; maïs il pensait qu'elle de- sait rester long-temps soumise à un régime sévère... Hélas ! le 9 novembre suivant, elle n'était plus: Je m'abstiendrai de toute critique sur le diagnostic de M. le docteur Bosch, et sur le traitement très énergique qu'il a cru devoir mettre en nsage. Il portait Le plus vif intérêt à sa malade. Il serait bien pénible pour lui de penser qu'il a pu se tromper. SUR LA RÉTROVERSION DE L'UTÉRUS. 187 J'avais l'intention de faire un résumé des faits contenus dans ce mémoire ; mais comme il dépasse déjà les bornes que nous nous étions proposé de lui donner, nous Jaisserons à nos lec- teurs attentifs à faire ce travail facile. Plusieurs inductions physiologiques et thérapeutiques en découlent bien certainement : ainsi il est bien évident qu’il n'y a point d'époque, pour ainsi dire, dans la vie de la femme adulte, et peut-être même long-temps avant la puberté ( cer- tains retards dans l'apparition des règles ne scraient-ils pas causés par un déplacement de lutérus ? ) qui ne puisse offrir la maladie sur laquelle nous venons d'essayer de fixer l'attention des médecins ; 20 que l'augmentation du volume de l'utérus, quelle qu’en soit la cause, les efforts, les chutes doivent être con- sidérées comme les principales causes des déplacements de lu- térus; 30 que la constipation habituelle, le besoin d’uriner, un sentiment de pesanteur vers l'anus, etc., sont les symptô- mes ordinaires de la rétroversion ; 4° que la réduction artifi- cielle est peu utile et que le coucher horizontal sur le côté où sur le ventre, l'entretien de la liberté du ventre et de la ves- sie, l'emploi opportun d’un pessaire bien choisi et le temps, sont les principaux moyens thérapeutiques (1). (1) La pathologie comparée ne peut nous offrir que peu d'exemples de cette affection : la seule famille d'animaux où l’on aurait quelque chance de la rencontrer serait celle des singes. Si l’occasion de faire quelques recherches à cet égard se présente , nons nous empresserons de Ja saisir. Mais si la rétroversion est une maladie à peu près impos- sible chez la plupart des animaux, il n’en est pas de même de l'anté- version, si l’on en croit le docteur L. Mende ( Beobachtungen und Bemerk£® aus der Geburtsgulfe und gerichilichen medizin, von D. L. Mende, 2tes Bd. 1825, p. 159). Cet auteur place au premier rang comme cause prédisposante de la rétroversion de l’utérus, un diamè- tre antéro-postérieur pelvien trop considérable ; et en général, un bas- sin trop capaces LETTRE A MM. LES RÉDACTEURS DES ANNALES D’ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE, SUR LE POULPE DE L'ARGONAUTE, PAR M. H. DE BLAINVILLE. En consacrant dans le premier numéro de votre journal quelques lignes à l'analyse des observations de Mad. Power au sujet de laquestion du parasitisme du poulpe à léngs bras pal- més dans la coquille de l’argonaute, vousavez montré que vous aviez donné à votre plan toute l'extension dont il.est suscepti- ble, et que si vous ne devez pas vous occuper de zoologie pro- prement dite, ou de classification des animaux, de distinction d'espèces, etc., il n’en est pas de même de ces questions de prin- cipes, qui donnent à la science un si grand intérêt pour les esprits un peu philosophiques.C'est, en effet, une question réel- lement intéressante que celle de savoir si un animal qui ne tient en aucune manière à une coquille, c’est-à-dire à une par- tie ou une production de la peau, et dont la forme n’a absolu- ment rien d’analogue, est parasite dans cette coquille ou bien si elle fait partie de lui, et par conséquent croit et meurt avec lui. Un grand nombre de naturalistes plus ou moins recom- mandables s’en sont occupés et ont soutenu l’une ou l'au- tre opinion, les uns par des arguments appuyés d'observations directes, positives ou analogiques ; les zutres par des assertions anecdotiques ; et la science de l’organisation des animaux est si peu avancée, que le problème semble encore irrésolu, quoïque les principes seuls ne dussent permettre aucun doute. De nou- velles expériences faites en Sicile ont réveillé la discussion, et comme M. le capitaine Rang, par suite de l'invitation qui LETTRE SUR LE POULPE DE L'ARGONAUTE. 189 lui avait été faite par Mad. Power a répété une partie des expé- riences de cette dame, permettez-moi de mettre ceux de vos lecteurs, qui n’y sont pas , au courant de la question, en rappe- Jant brièvement ce que c'est que le Poulpe habitant de l’argo- naute et ce que c’est que la coquille connue sous ce nom par les conchyliologistes. Nous examinerons ensuite les arguments en faveur de chaque opinion, après quoi nous ferons connaître plus en détail les nouvelles observations de M. Rang. L'animal mollusque que l’on trouve habituellement dansla co- quille de l'argonaute est un véritable poulpe, sous tous les rap- ports d'organisation extérieure et intérieure; son corps est ovale ou subglobuleux contenu dans un manteau ou derme épais coloré par de petites taches rouges, violettes, plus nombreu- ses et plus serrées en dessus qu'en dessous , libre dans les deux tiers inférieurs de son bord antérieur, et adhérent ou non distinct dans son tiers supérieur. A la partie antérieure de ce corps est attachée une tête très grosse, pourvue en dessous d’un tube musculo-cutané en entonnoir , s’avançant plus que dans les autres poulpes et dépassant la bouche; latéralement de gros yeux ; antérieurement une paire de grosses dents en forme de bec de perroquet au fonds d’un entonnoir formé par quatre paires de longs bras, garnis de ventouses à leur bord in- terne, libres à leur base et dont la paire supérieure plus longue est comme bridée par une membrane plus où moins large, fort mince, colorée comme le reste du corps, ce qui l'élargit con- sidérablement. M. Rafinesque a donné à ces poulpes à longs bras palmés, sans coquilles, le nom d'Ocythoë qui a été accepté par un assez bon nombre de naturalistes, pour le poulpe de l'argonaute, d’après nous. La coquille que les conchyliologistes ont désignée sous le nom d'argonaute, Argonauta Argo.L., est une coquille fort mince, translucide, comme vitrée, incolore, parfaitement régulière et symétrique, fortement recourbée plutôt qu'enroulée dans le 190 LETTRE SUR JE POULPE même plan vertical, plus ou moins comprimée, à dos plat, étroit, séparée des côtes ou flancs légèrement bombés, par des angles ou carènes très marqués et hérissés de tubercules épineux, creux, croissant régulièrement du sommet à la base, et d’où partent des côtes ou costules transverses. Ce sommet est rond, assez large, en cabochon ; la base antérieure occupée par l'ouverture est largement ouverte, parallélogrammique, à bords fort minces et tranchants: si ce n’est au point de jonction avec le retour de la spire où ils sont plus épais, et forment, de chaque côté, une sorte d'auricule ou de dilatation divergente. Cette coquille, fort mince et partout d’égale épaisseur, est fragile, cassante, sèche et marquée de stries d’accroissement très fines et bien régalières. La disposition de l'animal et de la coquille dans laquelle on le trouve, étant donnée, voyons maintenant à examiner égale- ment d'une manière succinte, non pas les noms et les opinions des naturalistes qui ont soutenu que cette coquille n'appartient pas à cet animal, ou lui appartient, mais bien les raisons, les arguments à l'appui de l’une et de l’autre de ces manières de voir. Et d'abord en faveur du parasitisme, voici ceux que j'ai-dé- veloppés premièrement dans un mémoire ad hoc, inséré dans le journal de physique et ensuite à l’article Poulpe du grand dictionnaire des sciences naturelles. 1° Ce n’est pas toujours la même espèce de poulpe ou de sèche que l’on trouve dans la même espèce de coquille de lar- gonaute, même en adoptant que les anciens et plusieurs mo- dernes se sont trompés en supposant que c'était quelquefois une véritable sèche ou un poulpe à bras non palmés. - 2° Le mode de locomotion à la surface de l’eau, n'est pas le même suivant les différents'observateurs, ou mieux, suivant les différents écrivains, ce qui tend à faire croire, où bien que ce ne sont pas toujours des poulpes à bras palmés, ou qu'ilsne se placent pas toujours de même dans la coquille. DE L'ARGONAUTE. 191 3° En effet, la position de l'animal dans celle-ci n’est pas tou- jours la même, les uns supposent qu'il est dans le même sens qu’elle, le dos correspondant au dos et le ventre au ventre, tan- dis que d’autres disent qu’il y est renversé. 4° Il n’y a absolument aucune adhérence entre l'animal et sa coquil'e, comme le reconnaissent la très grande partie des na- turalistes. L'examen le plus minutieux de l'animal ne montre en effet aucune partie à l'aide de laquelle cette adhérence pour- rait avoir lieu. Il est même à remarquer que le bord dorsal du manteau, celui qui semblerait devoir former la coquille, si cela se passait comme dans les autres malacozoaires univalves, n'est pas libre. 5° La forme de l'animal et de ses parties n'offre aucune con- cordance, aucune analogie avec celle de la coquille et des parti- eularités qu’on y remarque, 6° La peau musculaire qui enveloppe le corps de l'animal n'est pas plus mince que dans toute autre partie ou que dans toute autre espèce de poulpe, non couverte de coquille, ce qni est en opposition avec ce qui existe chez tout les malacozoaires conchylifères. 7° Cette peau est tout aëssi vivement colorée sur le manteau quesur toute autre partie du corps, et que dans les espèces de poulpes ordinaires, ce qui est également contre lanalogie; car tous les malacozoaires et leurs parties, qui sont recouvertes d’une coquille, sont constamment blanchätres ou ne sont jamais colorées. 1 8° L'animal ne remplit pas la coquille dans sa partie posté- rieure sans que, cependant, la partie vide soit séparée de celle qui ne l’est pas par une cloison , ou soit remplie d’une matière calcaire de dépôt, comme cela a également lieu, en pareil cas, chez les malacozoaires conchyliféres. | 9° L'animal peut étre retiré de sa coquille sans éprouver aucune apparence d’inconyénient, sans qu'il suspende ses mou- 192 LETTRE SUR LE POULPE vements, comme Cranch l’a expérimenté d'une manière posi- tive. L 10° Le mode de locomotion et de respiration de ces animaux par la contraction et la dilatation alternatives du sac, ne per- met pas d'admettre qu'il y ait adhérence de la peau avec la coquille, à moins que de supposer que celle-ci soit flexible et élastique, et suive tous les mouvements de celle-là , ce qui est bien loin de la vérité. 11° On a trouvé dans les mers de la Sicile un poulpe dont tous les caractères indiquent un animal semblable à celui qu’on trouve ordinairement dans la coquille de l'argonaute, et, cependant, sans qu'il soit parlé qu'il fût pourvu de coquille. 12° Certaines espèces d’argonautes sont tellement compri- mées, leur cavité tellement profonde qu'on ne concevrait pas comment un poulpe pourrait s’y loger; aussi n'y en a-t-on Jamais rencontré , au contraire des espèces patulées. Les raisons et les arguments que l'on opposa alors au para- sitisme du poulpe et qui le furent en effet principalement par M. de Férussac dans un mémoire lu à l'Académie des Sciences le 10 janvier 1825, mémoire qui obtint l'approbation des commis- saires, MM. Cuvier et Duméril, dont un extrait fut inséré dans le tome 5, p. 137 du Bulletin universel des sciences , et qui le fut tout entier dans le tome II, p. 60 des Mémoires de la Société d'Histoire Naturelle de Paris, sont les suivants : 19 On trouve une espèce particulière de poulpe dans une espèce particulière d’argonaute, assertion qui, füt-elle vraie, prouve seulement que les éspèces sont de pays éloignés ; mais M. de Roissy m'a assuré avoir vu dans les mains de M. de Férussac, dans deux espèces d’argonaute, JA. lisse et PA. à grains de riz, tous deux de la Méditerranée, deux poulpes évidemment de la même espèce. 20 Quand Panimal est rentré dans sa coquille, les deux grands bras se disposent de manière qu'ils correspondent exactement aux deux carènes tuberculeuses du dos de la coquille , et alors, DE L'ARGONAUTE. 193 les ventouses forment les tubereules; assertion qui, füt-elle vraie, ferait produire par des organes cupuliformes , des parties coni- ques, mais qui ne l’est certainement pas; et, en effet, un indi- vidu observé par moi, manquait d’un de ses bras palmés, qui sans doute avait été coupé par quelque poisson, quoique la coquille füt parfaitement régulière. Ou bien, suivant une autre version, celle de M. de Ferussac (mémoire à l'Académie, 10 janvier 1825), la partie palmée des grands tentacules se réunit en une petite masse globuleuse dans la cavité spirale qui n’est pas remplie par l'extrémité du poulpe, sous laquelle les œufs trouvent un abri, et peut-être la chaleur nécessaire à leur développement. Ces ‘œufs sont retenus aux duplicatures des membranes par de petits pédoncules, et forment entre eux une grappe, asserlions qui ne supportent pas même la discussion. 3° Lorsque l'animal est frais et n’a pas encore été retiré de sa coquille , il offre sur son manteau toutes les formes de celle-ci et les impressions des sillons et des tubercules dont elle est ornée; ce qui est certainement, quoi qu’en aient dit d’abord M. Duvernoy, dans le Dictionnaire des Sciences naturelles, et, ensuite M. de Férussac, entièrement controuvé, comme M. Delle Chiaje l’a parfaitement reconnu, et tenait sur les individus observés par ces Messieurs, à ce que les poulpes avaient été bourrés dans leurs coquilles à l'état frais, ce qui les avait pour ainsi dire moulés dans l’intérieur de celles-ci, et avait également produit l’'adhérence des œufs aux membranes des bras palmés que M. de Férussac a observée. i 4: La coquille existe toute formée dans l'œuf , argument qui repose sur l'observation d'œufs conservés depuis long-temps dans l'esprit de vin, faite d’abord par Denis de Monfort, et vn- suite par MM. G. Cuvier, Duvernoy, Duméril, assertion qui me parut reposer sur une illusion, lorsque j'ai examiné les mêmes œufs, et qui, en effet, fut contredite d'une manière victorieuse 194 LETTRE SUR LE POULPE par Everard Home, après un nouvel examen fait par M. Bauer, ét qui, cependant; fut annoncée et reproduite par Poli. *8: La coquille de l’argonaute n'offre aucune trace d’impres- sion musculaire; mais alors il faudrait en conclure que c’est une coquille interne ; car il n’y a que celles-là qui en soient dépour-, vues: G: Enfin l'on n'a jamais trouvé d'autre animal dans la co- quille d’argonaute, ce qui ne peut étre rangé au nombre des arguments; parce que ce qui n’a pas eu lieu jusqu'a un moinent déterminé, peut se montrer le moment suivant. Tel était l'état de la question en 1826, lorsque je publiai l'article Poulpe du Dictionnaire des Sciences naturelles: les arguments en faveur du parasitisme semblaient être aussi puis- sants que nombreux, et comparés à ceux qu’on leur opposait, il semblait que la discussion fût terminée, lorsque l'on an- noncä; comme devant lever tous les doutes, des observations de Poli, communiquées à l'Académie royale des Sciences de Na- ples, dans la séance du 14 décembre 1824, et dont un extrait publié dans l'anthologie de Florence, pour le mois de février 1825, fut reproduit dans le Bulletin Universel des sciences pour 1825, t. vs, p.138, et toujours avec la ritournelle obligée ; ainsi l’histoire de l’argonaute est complètement éclaircie, et l'opinion émise par M. de Férussac est confirméé par l’obser- vation directe du célèbre Poli, L'opinion de Poli, placé au milieu des circonstances les plus favorables, devait en effet apporter dans cette discussion tout le poids’ d’une réputation acquise par de grands travaux. Il serait inutile de rapporter aujourd'hui ces annonces fastueuses intro- duites par de Férussac ou les collaborateurs sous son influence dansle Bulletin Universel des sciences, patce que nous pouvons recourir immédiatement au travail même du savant malacolo- giste italien, inséré dans le tome III de ses testacés des Deux- Siciles, publié plusieurs années après sa mort par son compa- triote et élève M. Delle Chiaje. En voici un extrait étendu. late DE L'ARGONAUTE. 195 En 1793 le roi de Naples; Ferdinand I, que nous ävons eu l'honneur d'accompagner dans sa visite au Muséum d'Histoire baturelle au printemps de 1830 ; et qui nous montra alors com- bien il attachait d'intérêt aux grandes questions d'Histoire naturelle; étant en 1793 occupé à pêcher dans le golfe de Naples , eut l’occasion d’apercevoir un poulpe nageant dans sa coquille à la surface de la mer. Ayant pu s’en emparer sans que l'animal füt le moins du monde lésé, et la coquille elle-même l'étant à peine, le roi s’empressa de l'envoyer soigneusement placé dans l’eau de mer à Poli, son ancien précepteur ; celui-ci fit mettre l'animal dans son réservoir ou vivier , en communi- cation avec la mer ; afin d’en faire le sujet d'observations assi- dues: Lorsque Poli le recut, une masse d'œufs d’un blanc d'ivoire et en forme de grappe était déja sortie et adhérente en dehors au sommet de la coquille, les autres qui étaient encore (1) contenus dans l'ovaire, étaient, à mesure qu'ils étaient mürs, rejetés dans sa coquille elle-même, où ils s’attachaient les uns aux autres en formant une plus grosse grappe au moyen de filaments courts naissant des extrémités de chacun d’eux. Etudiés jour par jour avec une grande altention, ces œufs de blancs d'ivoire qu'ils étaient, commencèrent à présenter un as- pect nébuleux;, puis on put apercevoir deux points rougeätres, un de chaque côté dans la région des yeux ct qui devaient en ef- fet constituer ces organes. Ceux-ci terminés, se montra un au- tre point de la même couleur à l’une des extrémités de l'œuf au devant ou au dessus des yeux, et qu'il fut bientôt facile de re- connaitre comme devant être la bouche. Pendant ce temps, ajoute Poli, nous pûmes apercevoir au (1) Ce fait, qui, ne paraît pas, avoir convenu à la manière de voir que soutenait M. de Férussac, est regardé par lui comme une erreur de ré- daction , cependant le texte de Poli est positif. Cymbæ puppi involutæ adhoærebat ut in tabula 4x fig. 2 exhibetur. Et en effet la figure citée les représente comme l'indique le texte. 196 LETTRE SUR LE POULPE moyen du microscope, une apparence de petite coquille (speci- men conchulæ) comme dans la pinne marine où jambonneau et dans les autres testacés. Ayant crevé quelques-uns de ces œufs au moyen de la pointe du scalpel, nous en fimes sortir des co- quilles extrêmement minces qui, reçues sur des lames de verre et examinées au microscope, nous parurent non seulement s’ou- vrir et se fermer (hiare et claudi); maïs encore nous ofrirent Je charmant spectacle de se rouler sur elles-mêmes (1). (Se- ipsas se revolvi ). Malheureusement à cela se bornent les ob- servations de Poli, le poulpe étant mort après quelques jours de captivité, et ajoute-t-il, de faim et par la faute de l'observateur; mais les œufs n’ont pas pu mourir de faim : que sont-ils deve- nus ? leur développement a dû continuer puisqu'il avait si bien commencé, et la mère ne leur est pas nécessaire. Poli w’en dit rien tandis qu'il s'amuse à les compter et à montrer dans l'im- mensité de leur nombre (19,000) la sagesse providentielle, et cependant il conclut de cette observation si tronquée, si in- complète et même à peu près incompréhensible ; (car comment une coquille univalve ou formée d’une seule pièce, peut-elle s'ouvrir et se fermer et se rouler sur elle-même) ? que la co- quille du poulpe de l’argonante existe certainement dans l'œuf, par conséquent que cet animal adulte n’est pas parasite dans sa coquille où on le trouve, comme Bernard l'ermite l’est dans la sienne. (1) Comme ce passage est d’une grande importance dans la question , qu'il nous soit permis de le donner en note tel qu'il est dans l’originalet cela d'autant plus, que, par inadvertance sans doute, l'auteur de l’ex- trait du mémoire de Poli dans le Bulletin universel des sciences sous la direction de M. de Férussac en a passé sous silence toute la fin, Dum eo res erat, in singulis ovis microscopio contemplatis conchulæ speciem énibi conclusam luculenter observavimus haud secus ac in linna, ceteris que 1estaceis obtinere hisce oculis evidentissime conspeximus. Equidem in illis ab ovorum receptaculo per cullrum sauciato conchæ exilissimæ erümpe- bant, quæ super vitrea lamine receptæ et microscopio subjectæ , non modo hiare, et claudi, sed circa seipsas quoque revolvi jucundissimo speclaculo videbantur. DE L'ARGONAUTE. 197 Du reste, Poli qui reconnait que certainement aucun des nombreux individus qu'il a observés n’offrait aucune adhérence avec sa coquille, propose d'admettre que comme chez les autres animaux mollusques conchilifères bivalves et univalves cette adhérence est intermittente, c’est-à-dire cesse un moment, pen- dant le temps où la coquille croit pour reprendre ensuite. Alors il faudrait croire que par un hasard singulier, tous les individus qui ont été observés étaient sans exception dans le moment de la croissance de leur coquille, si d’ailleurs on trouvait et à dé- couvert sur l'animal, un indice de terminaison musculaire par laquelle se fait l'adhérence et la désadhérence de la coquille des univalves et des bivalves, ce qui n’est certainement pas, de l’a- veu même de Poli; d’ailleurs, comme l’a justement fait observer M. de Férussac lui-même, ce n'est pas par les muscles adhé- renis à la coquille que celle-ci se forme et s'accroit, mais par les bords du manteau. Poli ajoute un argument qui semble avoir plus de va- . leur et qui consiste dans l'observation que la taille du poulpe est toujours proportionnelle à la grandeur de la coquille, ce qui n'est pas toujours, ajoute-t-il, pour le Bernard l’ermite pour lequel ÿ a vu de petits individus dans de grandes coquilles, et, ce qui est plus difficile, de grands dans de petites; mais dans le poulpe qui doit nager dans sa coquille et la saisir à l’aide de ses bras palmés, comme nous allons le voir d’après les nouvelles ob- servalions de M. Rang , le rapport de grandeur entre l'animal et sa coquille était plus rigoureusement nécessaire. Cette obser- vation du rapport de l'animal avec la coquille dans laquelle il habite (également faite par M. C. Prévost qui nous a rapporté à l'appui un choix d'échantillons depuis la taille d’un ou deux pouces jusqu’à trois ou quatre), quoique non applicable à l’undes individus de la collection ancienne du Muséum, fut cependant confirmée par M. Delle Chiaje compatriote et élève de Poli, dans un chapitre de son grand travail sur l’histoire et l'anato- mie des animaux sans vertèbres du royaume de Naples, Fasci- TOM. 1. 14 198 LETTRE SUR LE POULPE cules V. 24 p. 219. Mais en outre M. Delle Chiaje qui eut en- core l'occasion d’observer plusieurs de ces animaux vivants, apporte aussi de nouvelles assertions confirmalrices ou contra- dictoires de celles de ses prédécesseurs et même de Poli. En ef fet, malgré l’assertion positive de celui-ci, que le poulpe ne tient en ancune manière à la coquille, il assure que sur un individu vivant qu'il a eu à sa disposition, il a cru voir une membrane extrêmement mince qui unissait l’un à l’autre. Contre l'assertion de M. de Férussac rapportée plus haut sur la similitude de forme de l'animal et de la coquille, M. Delle Chiaje dit positivement qu'il ne faut pas croire que les sillons bifurqués de la coquille, correspondent à des saillies analo- gues à celles de l'animal, car celui-ci est, au contraire, uni et lisse. Contre celle de M. de Lamark que les sillons et es tubercu- les proviennent des tentacules repliés, il assure que ceux-ci ne correspondent pas aux sillons, en sorte que la conclusion, que suivant M. Delle Chiaje, on doit tirer de ces objections, c'est que l'animal n'adhérant à sa coquille que par le moyen de ses sucoirs, c'est par ces sucoirs que transsude la matière calcaire destinée à l'accroissement progressif de sa coquille, hypothèse encore plus gratuite, encore plus éloignée de l'analogie que toutes les autres et qui n'en est pas moins suivie de Ja formule voulue : La coquille de l’argonaute appartient au poulpe qui J'habite. Contre les différentes assertions de M. de Lamark et de M. de Férussae, sur la position de l'animal dans la coquille, M. Delle Chiaje oppose encore une autre version ; suivant lui l'animal remplissant complètement sa coquille, y est tellement placé que les deux grands bras munis de voiles (la paire dorsale) sont logés dans la partie antérieure et inférieure de la coquille, les deux bras opposés (la paire ventrale) sont placés à l'extrémité postérieure de la carène, là où adhèrent les œufs expulsés de l'ovaire; une autre paire de bras, ou mieux peut-être, les deux QU" In, DE L'ARGONAUTE. 199 autres paires, car il en faut encore deux, occupent les flancs de la coquille, et au niveau de l'entrée de celle-ci se trouvent la bouche, l'entonnoir, l'orifice de l'anus et des oviductes; en sorte que, d’après cette description, il semblerait que lanimal serait sens dessus dessous dans sa coquille. Quoi qu'il en soit, M. Delle Chiaje, ayantobservé un individu vivant, ajoute qu’en mettant ce mollusque dans Peau de mer on xoit qu'à l'approche d’un corps étranger quelconque il se retire de son mieux dans sa coquille qui est toujours proportionnée à sa taille et dont la transparence lui permet de voir à travers, aussi bien ses ennemis que sa proie. Quand il veut changer de place, le poulpe renverse sa coquille, il étale à la surface de l'eau ses deux bras pourvus d’une expansion membraneuse, ainsi que ses tentacules terminés en pointe, et il ne reste dans la coquille que le corps de l'animal qui n’adhère par ce moyen que par une partie des sucoirs les plus rapprochés de la base des tubereules. Aussi, quand il est près de mourir, il abandonne spontanément - son habitation que les sucoirs ne retiennent plus; mais il s’y attache de nouveau, si après en avoir été enlevé, on l’y remet de nouveau. Quoique les observations de M. Delle Chiaje soient évidem- ment, pour la plupart, contradictoires à celles des personnes qui soutenaient la même manière de voir que lui, qu’elles fournissent même un nouvel argument à l'opinion opposée dans la manière dont l’animal est obligé de saisir sa coquille à l'aide de ses suçoirs, il n’en conclut pas moins que la coquille de l'argonaute appartient au poulpe qui Fhabite. Une autre observation, que semble confirmer une supposition que nous avions émise, que ce pourrait bien n’étre que les fe- melles qui s'emparent ainsi d’une coquille étrangère pour y déposer et y couver, pour ainsi dire, leurs œufs, c’est que sur douze individus que M. Delle Chiaje a disséqués, il a vu cons- tamment des œufs fécondés dans l'extrémité pointue de la co- quille et jamais il n’a rencontré d'individus mäles. 200 LETTRE SUR LE POULPE La publication de l'ouvrage posthume de Poli et les observa- tions de M. Delle Chiaje auxquels M. de Férussac avait donné certain retentissement, durent réchauffer la question touchant le parasitisme du poulpe de l’argonaute, et plusieurs personnes cherchèrent à vérifierles arguments anciens ou à en apporter de nouveaux. M. Rapp fut le premier qui, dans une notice sur le nautile papyracé (Vatur wwissenschaftliche Abhandl. Tubing. 1856, IT, 1° cahier) crut trouver un argument nouveau en considé- rant que si la coquille de l’argonaute ne tient pas à l'animal, elle est dans le même cas que l’os dé la sèche, le cartilage du cal- mar; avec cette seule différence que ceux-ci sont intérieurs tandis que l’autre est extérieure; M. Rapp trouve une sorte de transition dans la coquille de la spirul, qui est aux trois quarts interne, et le reste externe; comme s'il y avait réellement la moindre comparaison à faire entre une disposition dans laquelle une coquille est saisie tout entière ou au moins par ses bords, par la peau qui la produit et dont elle fait partie, et celle dans laquelle aucune partie de la coquille n’est en rapport de forme, d'organisation et de contact avec aucune partie de la peau de l'animal. Vinrent ensuite plusieurs observateurs anglais qui apporté- rent de nouveau des matériaux propres à éclaircir la discussion. M. Broderip ( Zoclogical Journal, avril 1828, faisant partie du tome IV, p. 59, tab. IT) amateur zélé de conchyliologie et observateur aussi exact que consciencieux, ayant recu de M. le professeur Buckland un bel échantillon d’ocythoë dans sa co- quille d’argonaute, que celui-ci avait rapporté, l'année précé- dente, des côtes de Sicile, eut la curiosité de chercher lui-même à se faire une opinion, d'abord, quant à l'existence de la coquille dans l'œuf. Il s’adressa à deux personnes habituées aux ob- servalions microscopiques, M. Bauer, si avantageusement connu par les beaux dessins qu'il a fournis à Everard Home età M. le docteur Rogct, pourvu d’un bon microscope d'Amici. DE L'ARGONAUTE. 201 Après un examen attentif, l'un et l'autre furent d’accord pour assurer qu’ils n'avaient pu découvrir aucune trace de coquille dans aucun de ces œufs, et le premier qui avait examiné ceux de l’ocythoé de Cranch pour le mémoire d'Everard Home, s’as- sura que leur structure était tout à fait la même. Quant à la position de l'animal dans la coquille, M. Broderip eut l’occasion de remarquer, d’abord, qu’elle était remplie à moilié par les œufs formant un paquet très serré, en sorte que, ajoute-t-il, il eüt été impossible à l'animal de pouvoir se cacher entièrement dans le corps de la coquille. Ensuite, il s’est assuré quele poulpe était placé de manière que le tube était sur la crête involutée de la coquille, et par conséquent, les bras palmés ou le dos de l'animal vers le dos de la coquille, ce qui, suivant M. James Sowerby, qui a dessiné les deux animaux, était le contraire pour l'ocythoë de Cranch. M. Broderip ajoute, en outre, qu'ayant examiné attenti- vement plusieurs beaux échantillons de coquille d'argonaute, ‘il avait très bien reconnu qu'elles étaient pourvues d’un épi- derme, fort mince à la vérité, mais bien sensible, ce que nous avons aisément confirmé sur un échantillon de l’argonaute que nous a donné M. Lesson; et bien plus, il a cra quelquefois avoir apercu des traces de l'impression musculaire à l'inté- rieur, semblables à ce qu’aurait pu produire l'insertion de par- ties semblables à celles servant d’attache dans la coquille de la carinaire, qui, dans le système de Linnée, était rangée dans le même genre. Peu de temps après, M. E. Gray, l’un des conservateurs du Muséum britannique pour la zoologie, eut aussi l’occasion de s'occuper de la question du parasitisme du poulpe de l’argo- naute, et il proposa un nouvel argument en faveur de cette thèse; voici en quoi il consiste : Tous lesconchyliologistes savent ou doivent savoir que la co- quille d’un jeune animal conchylifère existe dans l’œuf, et que même elle se montre de très bonne heure comme une dépen- 202 LETTRE SUR LE POULPE dance et un produit de la peau, avant la plupart des autres or- ganes; c’est ce que M. Gray a confirmé pour tous les malacozoai- res dont il a pu examiner les œufs. Ils savent aussi que cette coquille de l'animal dans l'œuf, que l’on désigne sous le nom de nucleus, a souvent une formé et une proportion très différentes de celles de la coquille qui la continue et dont elle forme le süm- met; c’est ce dont on voit un exemple manifeste dans les volutes par exemple, et surtout dans la turbinelle à trompe (Turbinélla proboscidea, Lamek): Or, M. Gray a remarqué que dans la co- quille de l’argonaute argo; le rucleus très différent dans sa forme, de la coquille proprement dite, a près de quatre lignes de diamètre, et, par conséquent, est plusieurs fois plus gros que les plus gros œufs du poulpe trouvés dans cette coquille qui n’ont que -- de pouce delongueur surde large, d’où il conclut, évidementavec raison, que le véritable animal de l’argonaute est quand il éclot, beaucoup plus gros et par conséquent, au moins sous ce rapport, différent du jeune poulpe, et que celui-ci ne peut être le véritable constructeur de la coquille qu’il habite; son nucleus, en admettant avec Poli qu'il en fût pourvu dans sa coquille , ne pouvant être plusieurs fois plus gros que son œuf. Quant à l'objection tirée de l'absence, peut-être même plutôt apparente que réelle, de toute impression musculaire sur la coquille de largonaute, M. Gray fait observer que la cari- naire n'en montre pas davantage et que cependant elle tient évidemment à l'animal. Je dois aussi noter qu'un autre compatriote de M. Broderip, placé dans les mêmes circonstances et les mêmes lieux que Poli et Delle Chiaje, c’est-à-dire à Naples, a cru apporter un autre argument en faveur du parasitisme de l’ocythoé, en faisant la remarque que le poulpe contenu dans sa coquille y est fort rare et fort cher, tandis que le poulpe est si commun qu'on le vend au marché à assez vil prix pour servir de nourriture au peuple. Mais M. Smith, auteur de cette observation, lue dans la séance DE L’ARGONAUTE. 203 du 8 septembre 1835, de la Société zoologique de Londres, n’a: til pas confondu d’autres espèces de poulpe avec le véritable ocythoé ou poulpe à bras palmés; c’est ce qui n'est pas absolu: ment hors de doute; quoique M. Rafinesque ait depuis assez long-temps décrit ce poulpe remarquable sans faire mention de coquille. Enfin quoique M. Alcide d'Orbigny ait cru devoir dans une question de science et de raisonnement, faire entrer la considé- ration du nombre et de l'autorité, plus où moins contestable, des voix, ce qui en bonne logique n’a jamais fourhi un argu- ment de quelque valeur, je ne dois pas dissimuler que daris un chapitre de son voyage en Amérique, quoiqu'il n'ait malheureu- sement päs rencontré de ces animaux , il rapporte à l'appui de Ja thèse du non parasitisme, qu'il a observé de ces poulpes * dans des coquilles, dont le bord de l'ouverture était encore membraneux ét parfaitement entier. Ce qui est sans doute vrai, pusqu'il le dit, mais qui ne prouve nullement que “eette coquille appartenait à l'animal, mais; seulement qu'il y avait peu de temps qu'elle avait été enlevée à son véritable propriétaire, Je pourrais aussi rapporter en faveur de la thèse que je sou- tiens, et veux soutenirseulement par des arguments discutables, le fait historique que je communiquai à l’Académie des sciences, au mois de’septembre 1828, au nom de MM. Quoy et Gaimard, pendant leur dernière cireumnavigation, d’un M: Hubstkamp, sécrétaire du gouvernement hollandais à Amboine, qui, les voyant examiner avec une grande attention, un poulpe vivant, contenu dans un argonaute qu'un Malais leur apportait devant lui, se prit à leur dire vivement et sans provocation que l'animal qu'ils avaient sous les yeux n’était pas l'animal de fa coquille, mais qu’il s'en emparait lorsque le propriétaire était mort et que la coquille surnageait ; à quoi il ajouta qu'il avait vu souvent cet animal rampant sur le sable près du rivage et qu’en mageant il renversait son pied comme font la janthine et l'at- £04 LETTRE SUR LE POULPE lante, etmême; en appuyant son dire d’un dessin, qui, quoique fait par un homme qui n’était pas naturaliste , démontra à MM. Quoy et Gaimard que c'était bien d’un gastéropode qu’il s'agissait et même d’un gastéropode, ayant des rapports avec le genre atlante de Pérou et Lesueur. Mais quoique cette asser- tion, sauf la reptation, soit dans une pleine analogie avec la forme de la coquille, je veux bien ne pas la considérer comme un argument, non plus que l’anecdote rapportée dans le Bulle- tin universel des sciences, t. XXII, p. 134, par un observateur anonyme, de pêcheurs de Portvendres dans la Méditerranée, qui lui dirent que ce n’est pas toujours le poulpe qu'ils nom- ment pouffre, qui est dans la coquille, mais un autre animal qui a deux grandes ailes, et qu'ils rencontrent quelquefois quand ils vont bien au large des côtes, opinion qui est généralement répandue sur les bords de la Méditerranée, et je passe mainte- nant à l'exposé des nouvelles observations de M. Rang. Mais avant d'en donner l'analyse, qu’il me soit encore permis de donner un extrait un peu plus étendu que vous ne l'avez fait de la brochure de M. Maravigna sur les expériences de madame Power , puisque ce sont ces expériences qui ont conduit M. Rang aux observations qu’il a détaillées dans sa note à l'Académie. Madame Power, dit M. Maravigna, connaissant les observa- tions de Poli, publiées après la mort de ce savant malacologiste, dans le dernier tome de ses testacés des Deux-Siciles , et se trouvant dans les lieux où les poulpes de l’argonaute abondent, il lui vint dans l’idée de chercher quelques nouvelles preuves du non parasitisme de cet animal dans sa coquille. Sachant que les mollusques conchylifères jouissent de la faculté de repro- duire ou de remplacer les morceaux de leur coquille qui leur ont été enlevés accidentellement, elle brisa en quelques endroits, une coquille d'argonante contenant un poulpe, et elle eut la sa- tisfaction de voir que les morceaux qui avaient été brisés et en- DE L'ARGONAUTE. 205 levés avec le plus grand soin sur la peau de l'animal , furent re- produits. Madame Power a écrit au sujet de ces observations et de ces expériences, un mémoire étendu qu’elle a adressé à M. le pro- fesseur Maravigna , pour le présenter à la Société Gioénienne, dont il est secrétaire, ce qu'il a fait dans la séance de septembre 1835. Malheureusement M. Maravigna ne donne aucuns dé- tails sur la manière dont madame Power a institué ses expé- riences et les a exécutées. Il se borne à aïouter qu à l'appui de ses observations, dont nous venons de donner l'extrait, en em- ployant les expressions mêmes de M. Maravigna , cette dame a envoyé deux coquilles d’ärgonaute avec les morceaux repro- duits, et même l'un des poulpes qui en avait été le réparateur , outre une autre coquille avec son poulpe conservé dans l’esprit- de-vin, et sur laquelle, ajoute M. Maravigna, on voit claire- ment le nouveau travail de l'animal pour réparer le morceau enlevé. Mais madame Power ne s’est pas bornée à ce fait; elle a voulu reprendre le travail de Poli sur les œufs du poulpe de l'argonaute. Ayant en sa possession un grand nombre de ces ani- maux rémplis d'œufs, elle s’est assurée que jamais le mollus- que, à aucune période de son existence dans l'œuf, n’est pourvu de coquille, et qu'il naït ou vient à la lumière entièrement nu ; mais qu'il se fabrique une coquille après sa sortie ; observation neuve et contraire à tout ce qu'a écrit à ce sujet le grand natu- raliste napolitain, ajoute le secrétaire de la Société Gioénienne. Aussi M. Maravigna, étonné de ce résultat, crut-il devoir écrire à madame Power pour lui exposer ses doutes sur la certitude de ces faits, sur la difficulté des observations au microscope, sur les illusions et les erreurs qui peuvent provenir de l'emploi de cet instrument. Madame Power, conduite ainsi à répéter ses observations, ar- riva aux mêmes résultats que la première fois, et elle ajouta à son premier mémoire, non-seulement un supplément dans le- 206 LETTRE SUR LE POULPE quel elle consigna les faits qu’elle avait nouvellement observés , mais elle envoya en même temps à la Société Gioénienne ainsi qu’à son secrétaire, les œufs du poulpe de l’argonaute et les pe- tits poulpes récemment sortis de l'œuf, avec des individus qui avaient déjà plusieurs jours de naissance, et d’autres pourvus de coquilles de différents âges, tous élevés par elle et qu’elle ävait vus croître et se développer sous ses yeux. M. Maravignä afirme avoir spécialement observé parmi les petits poulpes qui lui ont été envoyés, l’un d’eux sortant de l'œuf auquel il était encore attaché, et qui était entièrement dé- pourvu de coquille: Ainsi, ajoute-t-il, les faits observés par madame Power con- duisent à conclure que non-seulement le poulpe dé l’argonaute est le véritable constructéur de sa cequille, et qu'il ne la cons- truit pas dans l'œuf, mais après sa naissance ; mais encore que le petit poulpe; au sortir de l'œuf, ne ressemble pas entièrement à ce qu'il sera par la suite; c’est alors une sorte de petit ver (vernricello) pourvu de deux rangées de ventouses dans la lon- gueur, avec un appendice filiforme à une extrémité et un pelit renflement vers l'autre, où il parait que sont les organes de la di- gestion ; en sorte que, suivant M. Maravigna, on pourrait sup- poser que ce ne sérait d’abord qu’un appendice brachial extré- mement pelit, duquel se développeraient ensüite autant de par- ties qu'il est nécessaire pour le constituer tel qu'il doit devenir par la suite. M. Maravigna termine son extrait du mémoire de madame Power en exprimant le désir que cette dame s'occupe dé recher- ches sur le développernent progressif de l'animal de l'argonaute; pensant que peut-étre, comme Spallanzani et Trembley l'ont montré, celui-ci pour l'hydre verte, celui-là pour la tête cou- pée des limaces terrestres, le développement des organes du poulpe de l'argonaute se fait par voie de gemme animal où de bourgeon, uni peu comme dans les plantes, l'organisation de cés animaux ayan!, suivant lui, beaucoup d’analogie. DE L'ARGONAUTE, 207 Ainsi comme résultat des nouvelles observations, telles que les räpporte, M. Maravigna dans l'extrait du mémoire de mia- dame Poier, extrait que nous avons presque traduit mot à mot; et même sans oublier les réflexions de M. Maravigna; au sujet du premier degré de développement du jeune poulpe ; et qui sérait au moins bien singulier ; on trouve : Comme fait infirmé : La coquille du pouipe de l’argonaute n'existe pas dans l'œuf et même après quelques jours de la naissance ; fait confirmé par M. Maravigna, et qui détruit l'argument le plus fort contre l'opinion du parasitisme du poulpe dans la coquille; et qu’on avait tiré plus spécialement de l'observation de Poli. Et comme faits nouveaux contre cette même opinion. 1° Les morceaux de la coquille préalablement enlevés sont reproduits, fait afirmé aussi par M. Maravigna, mais sans dé- tails sur la place où le morceau a été enlevé, sur le temps de la reproduction et sur la structure comparée de la partie repro- duite. 2° La coquille se forme, se produit hors de l'œuf et par con- séquent après la naissance, également sans détails à l'appui d’une ässertion en contradiction avec tout ce que l'on sait jus- qu'ici sur le développement des animaux mollusques conchyli- fères, et qui par cela même avait plus besoin d’être appuyée dé détails circonstanciés. C’est dâns cet état de choses, dont il avait même été averti par madame Power, que M. Rang, officier de la marine royale, et qui depuis long-temps se livre à l'étude de la malacologie, parfaitement au courant de l’état de la question, a fait des ob- servations qu’il a adressées à l’Académie des Sciences. Placé comme capitaine de port à Alger, il a pu voir un assez grand nombre de poulpes de l’argonaute soit nageant en pleine mer, soit marchant au fond de l'eau ; il a pu même en mettre quel- ques-uns bien vivant dans uné cuve remplie d’eau de mer, et ainsi les observer plus à son aise, 203 LETTRE SUR LE POULPE Connaissant la première expérience de madame Power, qui lui en avait adressé les détails, il s'est empressé de chercher à la répéter. Il a donc enlevé les morceaux de la coquille sur un individu vivant ( malheureusement il ne dit pas où ), et il a re- connu qu’au bout de six jours la brèche faite à la coquille était complètement bouchée et ainsi réparée; « mais, ajoute-t-il, avec bonne foi, malgré notre penchant à considérer le poulpe à bras palmés comme le véritabie constructeur de la coquille qu'il habite, nous ne pouvons pas, à l'exemple de madame Po- wer, considérer cette découverte comme concluante ; en effet, la partie renouvelée n’est qu'une lame mince , transparente, qu'un véritable diaphragme qui n’a ni la contexture, ni la soli- dité, ni la blancheur du reste de la coquille, qui prend une forme irrégulière, comme si elle n’avait pas été produite par les mêmes moyens et les mêmes organes que la coquille. En un mot, suivant M. Rang, cela rappelle tout-à-fait ce qui se passe chez les limacons, lorsque leur enveloppe testacée est cassée, et l’on sait que dans ce cas le collier de l'animal qui seul produit la coquille, n’est plus pour rien dans ce travail de réparation. » Ainsi, en supposant que la réparation de la brèche faite à la coquille de l’argonante pendant qu'il habite, soit réellement comparable à ce qui a lieu sur un colimacon, et soit produite au moyen d’une substance solide, calcaire, ce que nous sommes loin de penser, et soit autre chose qu’une espèce de lame mu- queuse, résultat de la sueur de la peau de l'animal désséchée, on ne peut évidemment rien en induire pour soutenir la thèse que le poulpe habitant de la coquille de l’argonaute en est le vé- ritable constructeur, puisque, comme en convient M. Rang, la lame qui bouche la brèche faite n’a ni la contexture, ni la soli- dité, ni la blancheur de la coquille même, Quant à la nouvelle assertion de madame Power , que le pe- tit poulpe encore contenu dans l'œuf n'offre aucune trace de coquille, laquelle se développe plus tard et après sa sortie , M. Rang n’a malheureusement pas eu l'occasion de la vérifier, les DE L'ARGONAUTE. 209 individus vivants qu’il a eus en sa possession étant peu nom- breux et dans des circonstances peu naturelles, une grande cuve, ou tonneau, remplie d’eau de mer et dans laquelle ils mourraient au bout de quelques jours. * Mais un fait plus nouveau et beaucoup moins contestable , que M. Rang a eu l'occasion d'observer , c'est l'usage des bras palmés dont toutes les espèces d’ocythoés sont pourvues, pour tenir leur coquille, et la manière dont ces animaux se meuvent soit à la surface de la mer, soit entièrement immergés, soit en- fin sur un sol résistant. D'abord M. Rang fait une première observalion , que c’est à tort que les naturalistes ont représenté le poulpe dans la co- quille de l’argonaute, tantôt le dos, c’est-à-dire le côté où sont les bras palmés, du côté du dos de la coquille, et tantôt du côté du ventre de celle-ci. Il assure en effet que c’est toujours dans le même sens et de manière que les bras palmés soient en ar- rière, le ventre ou le côté du tube vers le dos de la coquille, et le dos vers le ventre de celle-ci, c’est-à-dire, en un mot, que l’animal est renversé dans la coquille. C’est ainsi, en effet, que nous l'avons vu et fait dessiner d’après un individu soi- gneusement recueilli par M. Bertrand-Geslin. Cependant, il est assez difhcile de concevoir comment M. de Férussac a pu en faire représenter dans les deux positions contraires, s’il ne les avait pas trouvés ainsi, lui qui savait très bien que l'on avait tiré de cette différence de position un puissant argument en faveur du parasitisme du poulpe. M. Rang ajoute que les deux grands bras palmés dont on ignorait réellement l’usage , car celui de servir de voiles ou de rames comme on l’a supposé, est tout-à-fait controuvé , et qui, dans la position renversée de l'animal dans sa coquille, devien- nent inférieurs, se portent d’abord en arrière s'appuyant sur les auricules de celle-ci, puis se recourbant d’arrière en avant, c'est-à-dire du sommet à la base de la coquille, en s’étalant sur ses flancs, de manière à l'embrasser de chaque côté, et à n'en - 210 LETTRE SUR LE POULPE laisser apercevoir absolument aucune partie, un peu, suivant M. Rang, comme les lobes latéraux du pied des percelaines en- veloppent la coquille de ces animaux quand ils rampent. Voici maintenant comment le poulpe portant sa coquille marche sur un sol résistant au fond de la mer; la coquille étant dans la position normale, le dos en haut et l'ouverture en bas, elle est saisie par les deux bras palmés retroussés ou retournés vers son dos ; les trois autres paires de bras s'agitent latérale, ment, le disque infundibuliforme au fond duquel est la bou- che, s'applique sur le sol et le tube excrétoire est en haut cor- respondant au dos de la coquille, en sorte que M. Rang voit dans ce poulpe ainsi placé une sorte de gastéropode siphonno- branche ,idont ce que tous les zoologistes et les anatomistes ont regardé comme le dos, serait le ventre, et vice versa. Cette opinion que le jeune Merranx , trop tôt enlevé aux sciences na- turelles qu'il cultivait avec beaucoup d’ardeur et de sagacité, a soutenue anatomiquement il y a quelques années, M. Rang la développe en faisant de l’infundibulum une sorte de pied , de la paire de bras inférieurs derenus supérieurs, les tentacules proprements dits, des deux autres paires intermédiaires, les aa- Jogues des appendices tentaculiformes des flancs des mono- dontes et sans doute des bras palmés des espèces de lobes du manteau. Pour infirmer au moins cette manière de voir de M. Rang déduite du fait certain et incontestable de la position du poulpe à longs bras palmés dans la coquille de l’argonaute et de la ma: nière dont il marche sur un sol résistant, ilsuflira peut-être de faire observer qu’il n’est pas moins certain, d’après nos obser- vâtions, que le poulpe à une seule rangée de ventouses, si commun dans la Méditerranée ( et probablement toutes les au- tres espèces de poulpes ordinaires ) ne marche pas ainsi, maïs le dos en haut, et le ventre ou le tube en bas. C’est ce que nous avons pu observer sur un grand nombre d'individus amenés * dans les filets d’une tartane du port de Buch à l'entrée de lé- DE L'ARGONAUTE. 211 tang de Berre dans la Méditerranée. Jetés avec beaucoup d’au- tres animaux vivants sur le pont ils s’'enfuyaient fort vite, dans tous les sens, un peu à la manière des crabes, en faisant pour ainsi dire gros dos, pour que le tube ne touchät pas le sol, c’est- a-dire relevant le point de jonction de la tête et du trone, ram- panL en arrière sur la face inférieure du manteau ou du sac, et en avant à l’aide des quatre bras de chaque côté, les supérieurs en ayant et les inférieurs en arrière, un peu comme les ophiu- res. C’est ce que notre dessinateur M. Prestre, qui nous accom- pagnait , a eu l'occasion de voir comme nous et de reproduire par le dessin. Or, comme de cette double observation il est légitime, ce me semble, d'admettre que le mode de reptation observé sur le poulpe de l’argonaute doit être considéré comme l’anomalie et celui du poulpe libre comme l'état normal ; on voit que le fait curieux rapporté par M. Rang, des bras palmés embrassant la coquille habitée par le poulpe de l'argonaute fournit une nou- * velle preuve qu’elle ne lui appartient pas et qu'il y est parasite. Fo effet, les autres mollusques conchylifères n’ont nullement besoin de tenir ainsi leur coquille, quand ils rampent ou quand ils nagent, puisqu'elle leur est unie organiquement: ils rampent ou nagent saps s’en occuper. Il ne pouvait en étre ainsi des ocythoés ou poulpes à bras palmés. Comme l'animal ne tient en aucune manière organiquement à sa coquille, ce que personne ne peut contester, el que son corps même n’en a nullement la forme, l'ouverture de la coquille étant beaucoup plus large que le fond, en sorte qu'il y serait dificilement retenu mécanique- ment, il fallait bien un moyen volontaire de la fixer autour de lui et l'animal emploie à cet effet ses longs bras étalés, comme le Bernard l'ermite offre une disposition particulière dans une paire de paltes converties en crochets pour accrocher à la columelle de la coquille qui lui sert de demeure. M. Rang a également obseryé que le poulpe à bras palmés pourvu de coquille ne nage pas, comme l'imagination des poè- 212 LETTRE SUR LE POULPE tes, plus que l'observation des naturalistes se plait à nous le ra- conter depuis la plus haute antiquité, et comme on le répète encore trop souvent de nos jours ; c'est-à-dire à l’aide des bras palmés soulevés hors de l’eau et servant de voiles, ou descen- dant dans l'eau et servant de rames. Comme tous les mala- zoaires nageurs conchylifères, le poulpe se place la coquille en bas ; mais ses bras la quittent encore moins que dans la repta- tion, parce qu'étant renversée elle s’en séparerait encore avec bien plus de facilité, et alors la locomotion a lieu, comme dans les autres animaux de cette classe par la dilatation et la con- traction alternatives du sac ou manteau attirant et rejettant l’eau dans laquelle l'animal est immergé. Il nage alors à reculons comme les sèches et les calmars (1). De ces faits observés, et dont on ne peut nier l’authenticité, M. Rang voit dans l'emploi de ces bras palmés pour envelop- per le têt, ou, pour employer ses expressions. » 1° Dans le rapport si bien établi entre l'animal et sa co- quille ; » 2° Dans la forme de ces lobes, qui se trouvent dans tous les poulpes des argonautes , et seulement chez eux; » 3° Dans l’usage de ces lobes, comme manteau entourant le têt, à la manière de tant d’autres mollusques et lobes qui se- raient inutiles si l'animal n'avait une coquille dès sa naissance : un nouvel argument en faveur de l'opinion qui admet que le poulpe est le constructeur de sa coquille ; mais ne serait-ce pas plutôt en faveur de l'opinion contraire ? En effet, de ce qu'un animal a dans son organisation une disposition particulière pour () Nous avons cependant vu plus haut, que M. Delle Chiaje qui a eu l’occasion d’observer beaucoup de ces animaux vivants, dit que l'animal étale ses bras autour de lui, et nous ferons remarquer que l’auteur ano- nyme d’une lettre à M. de Férussac citée p. 204 , dit aussi qu'au retour d'un voyage dans l’Inde, passant sur le banc des Aiguilles, il vit la mer couverte d'une quantité innombrable d'argonautes dont il lui était facile de distinguer les bras s'agitant autour d'eux. d ne ex © DE L'ARGONAUTE. 215 semettre à l'abri sous ou dans un corps étranger , plus ou moins déterminé , conclure, comme M. Rang le fait, que ce corpsap- partient réellement à cet animal, et par conséquent en fait partie, ce serait un argument qui s'appliquerait évidemment aussi bien aux pagures et aux dromies , qu'aux ocythoés, etqui seul n’a réellement aucune valeur. Les longs bras palmés des ocythoés , et peut-être seulement ceux des femelles(3), sont dans le cas de la dernière paire d’ap- pendices des pagures et des dromies devenus des organes pro- pres à saisir, à retenir une coquille plus ou moins spirale pour les premiers , une valve de coquille bivalve, ou un alcyon ou une éponge pour les seconds; c'est une simple relation de cause et d’effet, par harmonie préétablie. La grande expansion membraniforme des bras de l’ocythoë, était une disposition nécessaire pour produire la préhension, la retenue par un ani- mal mou d’une coquille patulée ou largement ouverte , qui sans cela serait tombée au moindre mouvement, et nullement une ‘disposition comparable à ce qui existe dans les porcelaines , par exemple. En effet dans celles-ei ce ne sont pas les lobes latéraux du corps qui retiennent et qui produisent la coquille , mais seu- lement ils la modifienten l'épaississant d’une manière graduelle, plus ou moins irrégulièrement et en laissant dans la ligne médio- dorsale un indice du rapprochement plus ou moins immédiat des deux lobes. On ne voit absolument rien de semblable dans la coquille de l’argonaute qui est toujours excessivement mince, partout d'égale épaisseur , à stries d'accroissement extrémement fines, sans matière .de dépôt, si ce n’est sur les auricules des extrémités de la columelle, et dont la forme générale et partielle ne trouve dans celle du poulpe qui l'habite , ni dans aucune de (1) Nous émettons ce doute, parce que, depuis que je l'ai proposé, il y a quinze ans, M. Gray ayant examiné dix ou douze individus conservés dans le muséum britanique, les a, si je ne me trompe, car je cite de mémoire , trouvés tous femelles, du moins ceux qui étaient encore ac- compagnés de la coquille TOM. 1 15 214 LETTRE SUR LE POULPE ses parties, aucune étiologie, aucune explication qui ait quél- que apparence de vraisemblance. Quant à l'argument tiré par M. Rang, de la coloration plus grande de la base des bras palmés du poulpe , se montrant aussi sur la partie correspondante de la coquille , on pourrait très- bien n’y voir qu'une coloration d'imbibition, sans blesser l’analo- ge, puisque toutes les coquilles d’argonautes n’offrent pas cette coloration ; mais cette concordance est bien trop légère, la cou- leur n'étant pas méme semblable, pour qu’on puisse d’ailleurs y trouver un argument de quelque valeur dans une question aussi importante , scientifiquement parlant. Malgré notre manière de voir si différente de celle de M. Rang dans l'emploi, pour la résolution du problème du pa- rasitisme des poulpes à longs bras palmés, des observations qu'il a dernièrement communiquées à l’Académie, nous n’en regar- dons pas moins sa communication comme fort intéressante , et nous ne saurions trop l'inviter de continuer à employer aux progrès des sciences naturelles les loisirs que les devoirs de son service pourraient lui laisser. Nous prendrons même la liberté de lui demander de faire les observations suivantes, si jamais il se trouvait de nouveau dans une position favorable pour éclair- cir le point d’histoire naturelle dont il est question dans cette lettre. 1° Faire sortir l’animal de la coquille, comme l'a fait Cranchet noter ce qui en résultera. 20 Faire cette expérience non-seulement à sec, mais encore dans une masse d’eau circonscrite, et surtout sur le bord de la mer, à une faible profondeur. 3° S'assurer du sexe de tous les individus observés pourvus de coquilles et si celles-ci contiennent ou non des œufs dans le fond de leur cavité. | 4° Examiner de nouveauet avec soin la position de tous les individus dans la coquille, et surtout suivant qu’ils auront été DE L'ARGONAUTE. 215 pris au fond de la mer ou à sa surface ; car il se pourrait qu’elle ne füt pas toujours la même. 5° Répétant la première expérience de madame Power, s'assurer si la prétendue réparation du morceau enlevé a aussi bien lieu au bord de la coquille, que dans une autre partie de son étendue , et soigneusement noter la durée de l’expérience. 6° Examiner à la loupe et au moyen des réactifs chimiques la structure et la nature du morceau reproduit et comparative- ment avec un morceau de la coquille. 7° Enfin répéter, s'il se peut, la seconde expérience de ma- dame Power et vérifier, si contre toute espèce d’analogie , la coquille n’existant pas dans l'œuf, elle ne parait sur l'animal que quelques jours après sa naissance en notant toutes les circons- tances de son apparition et de son développement. Voilà, messieurs, le point auquel est arrivée cette question du parasitisme du poulpe de l’argonaute, débattue depuis Aris- tote jusqu'a nous, c’est-à-dire depuis plus de deux mille ans et ‘qui ne parait encore indécise aux yeux d’un assez grand nombre de personnes de bonne foi , que parce que la zoologie, en com- prenant même le mot dans toute son acception , est encore sans principes avoués , reconnus, et n’est composée que de faits plus ou moins incomplets ou faussés, estimés , mesurés non pas en eux-mêmes et d’après les règles d’une saine logique, mais d’après l'autorité plus ou moins méritée de ceux qui les ont apportés et du bruit et du fracas qu'ils ont fait en les apportant. Vos lecteurs auront cependant, j'espère , remarqué que pour renverser les arguments des adversaires du parasitisme du poulpe de l'argonaute , il n’y a eu besoin que de rapporter les observa- tions mêmes des partisans de cette même opinion. Ë Ainsi Poli avait dit, d’après une seule observation, que le poulpe est déjà pourvu de sa coquille, lorsqu'il est encore dans l'intérieur de l'œuf, et voilà que madame Power vient assurer le contraire après des investigations faites expressément et répétées 216 LETTRE SUR LE POULPE pour s'assurer du fait; ce qui se trouve parfaitement d'accord avec ce qu'ont observé E. Home, Bauer, Roget et moi. M. de Férussac avait assuré après M. Duvernoy, que le poulpe avait tout-à-fait la forme de la coquille ; et que si j'avais vu le contraire , e’est que l'échantillon que j'avais eu à ma dis- position était altéré ; et voilà que M. Delle Chiaje, qui a vu un assez grand nombre de ces animaux vivants, dit positivement et contradictoirement que cela n’est pas, et que le corps du poulpe est parfaitement lisse et ne correspond nullement aux formes de la coquille , en sorte que l'observation de M. de Férussac se retourne contre lui-même; c’est l'animal qu'il a observé qui était en mauvais état de conservation, et non le mien qui était même d’une fraicheur si parfaite que les taches de la peau étaient encore colorées. M. Delle Chiaje pensait avoir vu une membrane très-mince servant de jonction entre le poulpe et sa coquille ; les observa- tions de Po!i viennent expressément assurer le contraire, comme presque tous les naturalistes l'avaient reconnu. M. de Lamarck avait pensé que les grands bras se plaçaient de manière à pouvoir expliquer la formation de la double carè- ne de la coquille; M. de Férussac leur donne une toute autre disposition appropriée à la conservation des œufs, et voilà M. Rang qui les place encore tout autrement et dans l’usage de retenir la coquille, ce qui est pleinement dans l’analogie et ce qui explique, ce me semble, l'embarras que M. de Férussac m'attribue , et que j'avais en effet à leur sujet. A peine madame l'ower vient elle nous assurer que le poulpe répare les brèches faites à sa coquille, comme le font les Hélices, que M. Rang, par des observations contradictoires , convient de bonne foi qu’il n’y a aucune comparaison à faire entre ce qui a lieu dans les deux cas , et qu’on ne peut en tirer aucun argu- ment contre le parasitisme. M.de Férussac emploie-t-il tous ses efforts pour démontrer la réalité de la navigation du poulpe de largonaute, telle que les DE L'ARGONAITE. 217 anciens l'ont chantée ; c'est M. Rang qui se charge de réduire les choses à leur véritable valeur, en nous assurant que ces voi- les si élégantes sont toujours collées contre la coquille qu’elles embrassent, et que le poulpe nage à la manière. des autres poulpes. Reste donc la nouvelle assertion de madame Power, que la coquille qui n'existe certainement pas dans l'œuf se produit quelques jours après la naissance du petit animal. Quoique scientifiquement parlant, et par analogie il soit impossible d’ad- mettre cette assertion comme un fait; il est également fort dif- ficile de concevoir (les convenances ne nous permettant pas de suspecter la bonne foi) comment madame Power aurait pu être conduite à se faire illusion sur un fait aussi facile à constater. Les zoologistes doivent cependant toujours avoir présent à la pensée que le Patron de la Société d'Histoire naturelle de Paler- me, Gioeni , a décrit et figuré, comme un animal bien distinct, dont il a même détaillé quelques habitudes, l'estomac d’une bulle (B. Lignaria, L.) erreur qui n’a été reconnue que près de 20 ans après, et que M. le docteur Bastiani a également décrit et figuré comme un ver intestinal déclaré tel par l'académie de Sienne un appareil hyolaryngien ou la trachée-artère de quel- que oiseau, probablement du poulet ordinaire, et, pour le dire franchement, ce qui me porterait à penser que madame Power a pu étre entrainée dans quelque erreur au sujet du développement de la coquille après la sortie del’'œuf (du moins d’après l'extrait de son mémoire publié par M. Maravigna) est cequ'’elle dit du déve- loppement du jeune poulpe dans l'œuf. Certainement la descrip- tion qu'elle en donne n’a aucune ressemblance avec ce que dit et figure Poli , et qui est pleinement dans l’analogie, d’après ce que tous les malacologistes savent du développement des sèches et des poulpes. Une autre observation qui n’aura sans doute pas échappé à vos lecteurs , c'est qu’enfin nous devons augmenter nos arguments en faveur de l'opinion du parasitisme, du fait rapporté par 218 LETTRE SUR LE POULPE M. Rang de là manière dont le poulpe emploie la palmature de ses bras supérieurs pour saisir sa coquille en l'enveloppant com- plètement de chaque côté; en effet c'était une véritable lacune à remplir dans l’histoire des rapports du poulpe avec la coquille de l’argonaute, que de savoir comment il la retenait autour de lui. M. Delle Chiaje nous avait bien dit en passant qu’il se ser- vait pour cela des ventouses de la racine des bras; mais il est presque étonnant que personne n'ait, pour ainsi dire, deviné à priori que la particularité exceptionnelle dans l’organisation des espèces de poulpes de cette division , devait avoir pour rapport la particularité la plus singulière et correspondante dans leurs habitudes. Quant à l'usage des bras palmés, se plaçant dans le fond de la coquille pour former une sorte de sac aux œufs, à la récep- tion de ces œufs par les bras palmés au sortir de la matrice, à l'attache de ceux-ci à la membrane et surtout à la supposition (que l'anatomie vérifiera) de canaux intérieurs , en communi- cation avec les organes de la génération, suivant M. de Férussac, à la production de la coquille par les ventouses, comme le pro- pose M. Delle Chiaje, à l'intermittence de l’attache de l'animal à sa coquille comme le suppose Poli, on peut se borner à dire qu’il est fâcheux que dans une discussion scientifique un peu sérieuse, on se laisse aller à de pareils écarts, puisqu'il se trouve encore des personnes que de pareilles raisons peuvent convain- cre, du moins à ce qu'elles disent. EXPLICATION DES FIGURES. 1. La coquille de l’argonaute luisante. 4. nitida (Lamck). vue de profil dans sa position normale. 2. La même, vue en arrière et renversée afin de montrer la forme patulée de son ouverture et des traces sur les tubercules postérieurs de la peau très mince qui la recouvrait. 3. Le poulpe (Ocythoë) des Anciens contenu dans la coquille de l'argonaute renversée, afin de montrer, d'après M. Rang, sa po- EXPLICATION DES FIGURES. 219 sition quand il nage. a a’ a" a'”' sont les bras vus du côté gauche seulement, afin de ne pas embrouiller la figure; les 3 post. infér. flottent dans l’eau, et le 4° antérieur-supérieur s’applique en s’éta- lant plus ou moins sur les flancs de la coquille. b. L’œil vu à travers la coquille. c. Extrémité du tube expiratoire ou de l’entonnoir. d. Place de l’orifice buccal au milieu des bras. ee. Contours du corps vu à travers les parois de la coquille. f. Grappe d'œufs venant d’être pondus et adhérents à l’inté- rieur de la spire de l’Arg. Argo, d’après Poli. f. Quelques-uns de ces œufs grossis. £g. OEufs grossis et en voie de développement. g'. Un de ces œufs encore plus grossis. g' Id. à un degré plus avancé de développement et montrant en arrière ce qu’on a dit être un rudiment de la coquille. g'"". Autre degré de développement antérieur au précédent. 4. Le poulpe à une seule rangée de ventouse, Octopus moscha- tus (Lamck) rampant à la surface d’un sol plat et uni. a a’ a!’ a’! Les tentacules dans le même ordre que ceux de l’ocy- thoë. SUITE DES COURS D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE, Qui sont faits à Paris; pendant le semestre d'été. Muséum d'histoire naturelle. — M. FLOURENS. Anatomie hu- maine et histoire naturelle des races, les mardis, jeudis et samedis à trois heures. M. ISID.GEOFFROY S.HILAIRE. Anatomie et physiologie pour servir à la classification des mammifères, les mardis, jeudis et samedis à 10 heures : et demie. x M. AUDOUIN. Anatomie et physio- logie, pour servir à l'intelligence des mœurs des insectes utiles et nuisibles, les lundis, mercredis et vendredis à 10 heures et demie. M. VALENCIENNES. Anatomie et physiologie pour servir à la elassifica- tion des mollusques, les lundis, mer- credis et vendredis à 9 heures et dem. M. ADOLPHE BRONGNIART. Anatomie et physiologie végétales et pour servir à la classification des fa- milles, les lundis, mercredis et ven- dredis à 8 heures du matin. Cours particuliers — Zootomie pratique M. BOURJOT , rue Geoffroy l’As- nier, n. 28. Les laboratoires de M. BOURJOT sont ouverts toute l’année aux personnes qui veulent se livrer à des recherches anatomiques et physio- logiques. Annales ct Elr. d''Analornie et de Lhssioloiie. 11.0. LA Adrien. o RECHERCHES SUR LES AFFINITÉS ET LES DIFFÉRENCES NATURELLES LC : ù DES APPAREILS ORGANIQUES DES ANIMAUX. L’ anatomie générale e et comparée comprend tous les faits que Tétude de l'organisation végétale et animale a fait découvrir. Nous devons nous borner à comparer ici, les organes et les ap- pareils des animaux pour en faire surgir des analogies et des contrastes qui nous ont paru propres à établir une classification dont la valeur scientifique se déduit de la valeur même des principes qui lui servent de base, Or, les principes étant l'observation directe, la méditation et laconstatation, il sera facile de reconnaitre qu'ils sont à la fois larges et rigoureux autant que le prescrit l'état actuel de la zoolomie positive. Dès les premiers temps de la science anatomique, les parties qu'on avait reconnu étre des combinaisons de tissus ou solides similäires ou dissimilaires , furentconsidérées comme des orga- nes ou des instruments des phénomènes vitaux. On avait en- suite groupé les organes d'après les fonctions communes aux- quellesils concouraient, et ces groupes ont reçu de nos jours le nom d'appareils organiques. Dans les temps les plus reculés la distinction de deux vies, l'une végétative et l’autre animative, avait été établie. Dès-lors les organes et les appareils durent être classés d’après ces deux grandes finalités physiologiques. Mais cette classification, si bien développée par Bichat, ae évidemment sur deux caractères dynamiques trop absolus, ne peut guère s'appliquer à toute la série des animaux , parce que les organes de ces deux vies perdentde plus en plus leurs traits distinctifs au fur et à mesure qu'on s'éloigne de l'homme. Tom. 1 16 222 RECHERCHES SUR LES APPAREILS L'animal, dit M. de Blainville, étant une combinaison définie d'organes destinée à agir d’une manière déterminée dans des cir- constances déterminées doit être considéré par le zootomiste comme constitué : 1° par une enveloppe générale qui le limite en dehors et en dedans, 2° par le système nerveux. Après cette définition générale qui embrasse tous les actes physiologiques considérés dans leur subordination à la constitution de l’orga- nisme animal, M. de Blainville distribue les appareils en trois groupes, savoir: 1° les appareils communs aux deux vies, 2° les appareils de la vie organique, et 3° ceux de la vie animative ou le système nerveux. Nous devions indiquer ici ces détermi- nations dont nous apprécions toute la portée scientifique ; mais en raison de ce quelles distinctions de vie de l'individu , detwie de l'espèce, de vie organique et de vie animale appartiennent plutôt à la physiologie pure qu'à l'anatomie physiologique des organes, nous croyons devoir proposer une nouvelle manière d'envisager l'organisme animal, que nous fondons sur les di- vers genres de vitalisation réciproque des organes, des appä- reils et des groupes d'appareils ou ensembles. ‘ Nous divisons l'organisme animal en trois énsembles dont l'un est limitateur au dehors ou prolimitateur, l’autre limita- teur en dedans et élaborateur. Ces deux ensembles organiques sont vivifiés par le troisième qui est limité, enveloppé et vivifi- cateur. À ces trois grands caractères anatomiques importants des ensembles organiques se lient trois grandes fonctions géné- rales qui s’'enchainent et se nécessitent réciproquement. La peau, les organes des sens et les organes locomoteurs ont été avec raison élevés au rang d'appareils. La peau est la cou- che la plus superficielle de l'enveloppe externe de l'animal ou du manteau. Elle est plutôt un organe très-étendu qu’un véri- table appareil; mais en ayant égard aux parties annexées à cet organe pour la protection de tout l'organisme, on peut élever la peau et ses organes decessoires au rang d'appareil protecteur. Ce vaste appareil tégumentaire externe fournit dans les diver- + OXGANIQUES DES ANIMAUX. 9223 ses régions du corps des annexes aux organés des sens, et c'est ainsi qu'ont été constitués les divers appareils de sensations ex- ternes , connus sous le. nom d’appareils de vision , d’audition, d'odoration , de gustation , de palpation. et du toucher génital. . Ba peau ou le tégument externe se trouve doublé en dessous par une couche profonde d'organes locomoteurs qui adhèrent beau- coup à sa surfaceinterne dans les animaux inférieurs , et c’est lorsque la couche profonde de l'enveloppe externe constituée par les muscles et le squelette est tout-à-fait détachée de la peau sur-jacente, que l'appareil constitué par ces organes locomoteurs semontrecomme ayant une existence à part dans la majorité des animaux vertébrés. Mais la peau fournit encore à cet appareil locomoteur sous-jacent à elle, des dépendances connues sous le nom de membranes alaires (chauve-souris) ou de phanères pennaires ou plumes (oiseaux ); enfin la peau externe se’conti- nueévidemment par les ouverturés naturelles avec les viscères formés par le tégument ou l'enveloppe interne. Cette manière d’envisagerlerôle physiologique de la peau considéré dans ses rapports avec les organes sensoriaux et locomoteurs et les vis- cères nous parait devoir être ici mise en relief. Elle a été for- mulée en une théorie fondée sur la masse des faits fournis par l'dservätion de toute la série zoologique, et c’est à de Blainville que là science est redevable d'avoir le premier avancé et sou- tenu la théorie de l'enveloppe générale du corps des animaux. C'est après avoir controversé cette généralisation importante, que nous en avons reconnu toute la valeur et la portée scienti- fique: Après l'avoir adoptée comme vraie et inattaquable dans ses fondements, nous avons cru devoir y apporter quelques modifications qui nous ont paru être nécessitées par la sévérité même des principes logiques qui avaient dominé l’auteur dans l'institution de sa théorie. Quoique les appareils compris dans l'enveloppe totale du corps soient subdivisibles en ceux de l'enveloppe externe et ceux de Venveloppe interne, on ne peut s'empêcher de constater que v 224 RECHERCRES (SUR LES APPAREII S quelques-uns de cès appareils ont un caractère mixte et sont pour ainsi dire limitrophes entre l'enveloppe externe et l’'enve+ loppe interne, Il faut en outre avoir égard à ce que rcertains organes appartenant à ,une même fonction (parsexemple latres- piration, l'accouplement, etc.) peuvent être placés soit dans le x tégument interne soit dans l'enveloppe externe. La situation des appareils et la considération de leurs corps en relation nor- male que nous avions d’abord prises pour base de notre no- menclature anatomique, ne sont donc point des caractères ap- à plicables à toute la série animale, et c’est là ce qui nous fait modifier nos propres déterminations, tout en consérvant ce- pendant ce qui nous parait avoir une valeur scientifique. Les soins que nous avons mis à donner à nos recherches cette va- leur nous enhardissent à en soumettre les résultats, et je dois ici avouer qu'indépendamment des faits de détail observés par moi-même, j'ai tâché de profiter de tous ceux que j'ai pure- cueillir dans les lecons des professeurs d'anatomie, de physio- logie animale et végétale et de zoologie de la-faculié des sciences et du Muséum d'histoire naturelle.de Paris. C’est à l’aide de ces faits recueillis dans les lecons orales, danses ouvrages des auteurs originaux ou spéciaux et dans mes propres observations, que je suis conduit à formuler la classification des parties orga- nographiques, en partant des animaux supérieurs pour l'appli- quer ensuite aux animaux c'e plus en plus inférieurs. Cette classification organographique nous semble devoir être propo- sée comme une théorie de l'organographie animale qu'il faut considérer ici dans les contrastes qu’elle offre avec l’organogra: phie végétale. . Ce contraste de l’organographic des animaux avec celle des végétaux ressort naturellement des idées les plus générales rela- tives à l'individualité des corps organisés. A cet effet il convient de constater que dans les deux règnes, il existe des individus composés d’une partie commune vivante, sur laqaelle vivent des agglomérations d'autres individus. Cette individualité compo: ORGANIQUES DES ANIMAUX. 295 sée est celle qu’on observe le plus fréquemment dans le règne . végétal, et il faut toujours la prendre en considération en ana- tomie et en physiologie végétales si l'on veut éviter des erreurs nombreuses. Maïs il n’en est pas de même dans le règne animal où l’on voit la grande majorité des espèces animales se com poser * d'individus isolés à sexes mäle , femelle, neutre ou à herma- phrodisme, insuffisant ou suffisant , et dès lots on peut procé- der en anatomie et en physiologie animales en considérant tout Vorganisme animal comme si l’individualité était généralement nou composée , "mais à hermaphrodisme non suffisant. Nous verrons même que le fait de la coexistence des deux sexes dont l'un avorte, fait déjà avancé par Everard Home, nous semble devoir étre repris et soutenu par de nouvelles observations plus exactes et plus nombreuses qui seraient propres à le confir- » mer. Ainsi, dans le règne animal l’individualité composée se montre comme une transition naturelle à l'étude du règne vé- gétal. Mais en anatomie et é physiologie générales des parties organographiques, après avoir reconnu le point de contact et les afinités organiques des végétaux et des animaux , il faut se “résoudre à faire contraster les êtres de plus en plus animés avec ceux qui végèteut simplement. Cette nécessité des contrastes et de la mise en saillie des différences nous semble surtout com- mandée par le besoin d'éviter les erreurs dans lesquelles on pour- rait être entrainé par l'idée spécieuse de’vouloir réduire à l’u- nitémétaphysique les deux règnes des"corps organisés. La phi- Josophie possède depuis long-temps les idées philosophiques de l'härmonie et de la finalité physiologique de ces êtres qui don- nent la solution rationnelle de ces sortes de questions; et dans notre manière de voir les identités, les égalités, les ressemblan- “ces ou homologies!, les affinités ou analogies, les ambiguités ou amphilogies , les 6ppositions, inversités ou antilogies ou contras- tes et enfin les diversités ou différences ou hétérologies, sont au- tant de faits auxquels il faut avoir égard , et tous ces faits sont compris ct embrassés par l'idée de l'harmonie qui devient le som- 226 RECHERUHES SUR LES APPAREILS maire de la multiplicité effective et observable dans la nature matérielle, C'est en ayant égard aux idées d'économie , d'harmonie pré- établie etde finalité physiologique quinous sont fournies par l'an- tique philosophie et par le sens le plus commun, que: noûs avons établi la classification suiyante des organes, des appareïls * et des ensembles de l'organisme animal considéré comme un individu hérmaphrodite. On verra que nous avons préféré les déterminations introduites dans la science par M. de Blainville à celles de Bichat, parceque notre point de vue est anatomico= physiologique, c’est-à-dire que nous ne devons jamais isoler l'anatomie de Ja physiologie, ni réciproquement. Classification des parties organographiques des animaux. Da Le à Troïs grands ensembles servent à grouper naturellement tous les appareils et une grande variété d'organes. Le système en anatomie physiologique n’est pour nous autre chose que l’é- tude comparative, soit de tout l’organisme, soit d’un ensemble; d’un appareil ou d’un organe, ou des solides et des fluides, ôu. des régions dans toute la série animale ; ainsi l'esprit humain peut établir en anatomieet en physiologie des systèmes de tou- tes ces parties. Mais l’ensemble "est umgroupe naturel d’appa- reils existant dans un organisme donné ét ne doit pas étre con- fondu avec le système qui est un résultat du travail intellectuel s’attachant à grouper artificiellement les objets d'étude vour en embrasser la conception générale. a Ces explications étant données, nous ayons prévenu les ér- reurs auxquels le langage habituel aurait pu‘nous conduire. L'ensemble prolimitateur (enveloppe externe }, l'ensemble élaborateur (enveloppe interne) ont été avec raison réunis sous le nom d’enveloppe générale ; mais la nécessité de les envisager dans leurs rapports avec l'ensemble vivificateurou la masse des appareils enveloppés nous porte à les séparer dans la démons- ORGANIQUES DES ANIMAUX. 9227 tration pour nous rapprocher un peu de l'ordre didaçtique suivi en anatomie et en physiologie humaine. ENSEMBLE PROLIMITATEUR OÙ LIMITATEUR EX- TERNE OÙ MANTELLAIRE. Enveloppe externe (B1.) subdivisiblé en trois appareils, savoir : I. APPAREIL PROTECTEUR OU QUTANULAIRE: C’est la peau consi- dérée comme organe de contact et de protectionigénérale au- quel s’ajoutent des parties qui la défendentselle-ménte et d’au- tres parties qui l’abritent et recueillent tout le corps. L'appareil cutanulaire envisagé dans toute l& série animale se compose donc 1° d’un organe essentiel ou du sens général du contact externe , 2° de parties nécessaires (tulamina cutis) qui sont les poils ; plumes, écailles:etc., etc., et 4° quelquelois de parties auxiliaires qui abritent, recueillent tout le corps (celligia corporis) coquilles, tubes artificiels, ete., etc. _ L'appareil cutanulaire fournit un grand nombre de parties annexes aux deux autres appareils de l'enveloppe externe. IL. AprareL PROMONITEUR OU SENSULAIRE, Ainsi nonimé parce que ces ofganes essentiels sont généralement connussous le nom de sens externes qui nous avertissent de la présence des corps placés hors de nous soit au contact, soit à distance. Cet appareil se subdivise naturellement en trois groupes naturels, savoir en sens mécaniques ( palpation et copulation) sens chimiques (saporation et odoration ) sens physiques (audition et vision ). À. APPAREILS DES SENS MÉCANIQUES OU DE TACTILATION (1). Où du toucher actif (BL. ).s’exerçant pour palper ou pour copuler. a. Appareilde palpation. Les organes appelés doigts des mains de devant et de derrière, trompe ou doigt nasolabial et queue prenante ou doigt caudal, sont composés de parties destinées à sentir l'impression du,corps palpé, à modérer cette impression et à recueillir le corps, d'où la coexistence réelle d’un sens uni G) Nous créons le mot factilatio comme fréquentatif deltactio action .. . . d * nl er . . de toucher à l'imitation de agitatio, fréquentatil de actio action. 228 RECHERCHES SUR LES APPAREILS iotrapmpnt aux parlies tutaminales et colligiales. C'est ainsi que la finalité physiologique se trouve accomplie sans exiger trois organes spéciaux qui deviennent distincts dans les appareils suivants ï _ b. Appareil de copuiie. Aux organes connus sous les noms depéñnis, clitoris, mamelons dans les vertébrés sont annexées d’autres'parties appelées fourreau, prépuce, aréoles et d’autres: encore quisont nommés peau scrotale (serotum), vulvaire (gran- des lèvres), mammaire et bursale (marsupium). Ce sont ces ‘petits groupes d'organes affectés au toucher génital (6° sens de Buffon) qu'on doit élever au rang d'appareils de co- pulation. On sait qu'il y a deux sortes d’accouplement, l’un pour la progéniture et l'autre pour la nourriture des petits. Pour que les appareils de copulation agissent harmoniquement il y a contraste et anthithèse dans leur disposition organique. En effet les pénis, les clitoris et leurs annexes qui se corres- pondent en raison inverse dans le coït fécondateur, les mame- lons, les langues et leurs organes accessoires qui sharmonisent dans le coït lactateur, doivent être considérés comme des sortes de palpes où doigts affectés pour un toucher et un plaisir an- nexé à ce toucher spécial. On voit ainsi la transition naturelle des appareils de copulation à ceux de la dégustation. " Les appareils de copulation sont composés en général de trois sortes d'organes : l’ün essentiel, sersorial ( verge ou doigt pé- rial du mäle, clitoris ou doigt pénial de la femelle, mamelon ou doigt pénial de la nourrice), le second plus ou moins nécessaire et tutaminal (fourreausou prépuce, petites lèvres ou prépuce des clitoris, aréole ou prépuce des mamelons.) et le troisième plus ou moins auxiliaire ét colligial c'est-à-dire servant "soit à accrocher la femelle (insectes , poissons ) soit de bourse à la glande testiculaire ou mammaire ou pour MS ee. on Ces trois sortes d'organes plus ou moins distincts con$tituent donc des appareils de copulation qui d’après leur constitution organique sont de vraïs appareils de sensations, mais affectés et ORGANIQUES DFS ANIMAUX. 229 annexés aux fonctions génératrices, de même que les sens de saporation et d’odoration Eu généralement annexés aux fonc- tions assimilatrices. B. APPAREILS DES SENS CHIMIQUES OU DE DÉGUSTATION Où du déguster, action d'apprécier la nature des substances alibiles par leur saveur et leur odeur. a. Appareil de gustation ou. de saporation. Les organes empruntés à la peau (lèvres, joues et glandes salivaires) et ceux empruntés au squelette, (palais osseux, mâchoires) s'ajoutent à la langue et à la muqueuse buccale pour constituer cet appa- reil. La langue en est considérée comme l'organe essentiel ; la chambre maxillaire ou buccale fait l'office du tutamen de ce sens; les dents et les glandes salivaires favorisent l’acte de la D. cet Les joues, les abajoues et les lèvres servent à saisir et recueillir les substanceSalibiles. La condition d'amener à l’é- tat moléculaire les corps pour que leur sapidité soit apprécia- ble est une considération qui doit faire rattacher les organes masticateurs et tutaminaux de la langue, à l'appareil de la gusta- tion ou de saporation qui est le vestibule de l'appareil digestif. Mais il faut noter ici que la langue elle-même se transforme quelquefois en organe de préhension (fourmiliers, caméléon ). Ce qui 'atténue point la détermination proposée et prouve que la nature arrive à des fins voulues par une grande diversité de moyens en rapport avec la diversité des espèces animales et la variété de leur nourriture et du mode de préhension de cette nourriture. b. Appareil d'olfaction ou d'odoration. Des organes em- pruntés au squelette et à la peau s'ajoutent de méme aux sacs olfactifs fonmés par la muqueuse rhinale ou membrane pitui- taire pour constituer cet appareil dans lequel la muqueuse na- sale agit comme l'organe essentiel ou le sensus ; le nez ou cou- vercle osseux et cutané forme le tutamen ; et dont les sinus ol- factifs plus ou moins étendus sont les organes colligiaux. Au lieu de sinus creusés dans l’intérieur, on voit dans certains 230 RECHERCHES SUK LES APPAREILS cheiroptères des cornets olfactifs placés en dehors et affectés à cet usage. Les organes d’odoration sont aussi en connexion physiologique avec ceux qui sécrètent les substances odorantes dont l'expansion et le rayonnement provoque le rapprochement des sexes. C. APPAREILS DES SENS PHYSIQUES OU DE VIBRATILATION {1) qui recoivent l'impression des vibrations très rapides par lesquel- les se manifestent le son et la lumière. a. Appareil de l'audition. Au sensus constitué par l'oreille interne ou le labyrinthe ou chambre auditive, s'ajoutent les organes empruntés au squelette et à la peau qui sont : 1° l'oreille moyenne ou la caisse du tympan et sa trompe qui font l'office de tutamen auris ou de modérateur du son; et 2! l’oreille externe ou le cornet acoustique composé d’un tube et d’un pavillon. Ce cornet agit comme organe colligial,e’est-à-dire ,».chargé de recueillirles ondes sonores. L'appareil de l'audition recoit non- seulement les impressions sonores du monde extérieur ; mais encore celles produites par les appareils de phonation pour le rapprochement des sexes où les besoins sociaux. i b Appareil de la vision. Le globe de l’œilen est le sersus, la chambre optique ou spectative, c’est-à-dire, l'organe essentiel auquel sont annexés les tutamina oculi, empruntés'au squelette (orbite osseux) et à la peau (paupières, voiles palpébraux et les voies lacrymales). Il n’y a point, en dehors de cetappareil, un cornet optique pour recueillir la lumière; mais il.y est suppléé dans l'intérieur de l'œil par les mouvements de l'iris quitdilatent ou resserrent la pupille pour régler la quantité de lumière néces- saire pour une vision nette. L'appareil de la vision, en outre de ses relations avec le monde extérieur , est aussien connexion physiologique avec des organes qui sécrètent des matièresphos- phorescentes et limineuses. La sensation, la tutamination des sens, le recucillement. des (1) Nous créons de même le mot vébrgélatio qui est un fréquentatif de vibratio action de vibrer. ORGANIQUES DES ANIMAUX. 231 corps qui agissent sur les sens, et la correspondance ou les con- nexions de ces sens, soitentr'eux, soitavec d’autres organes ouap- pareils, sont des faits physiologiques qui exigent toutes les modifications, indiquées dans: les divers appareils de promo- nition. Quant aux différences que chacun de ces appareils présente dans toute la série animale; elles consistent dans des perfectionnements relatifs aux degrés de l’organisation et à la na- ture des circonstances dans lesquelles cesappareils doivent agir. Chaque appareil de promonition réduit à sa plus simple consti- tution se montre sous forme de vestiges des organes essentiels, les autres.organes tutäminaux et colligiaux étant les premiers à disparaitre progressivement. IT. APPAREIL PROGRESSEUR OU GRADULAIRE. C’est aux formes diverses des organes de translation des animaux que sont dues les distinctions et les dénominations de plantigrades, digitigra- des, saltigrades, célérigrades, gravigrades, etc. Quel que soit le genre de translation d’un animal qui se meut ou toujours sur le sol, ou toujours dans l’eau, ou très souvent dans l'air, ou alter- nativement dans ces trois principales circonstances. Ce déplace- ment des organismes animaux nous semble devoir être signifié par le mot progression dont la marche ou le pas (gradus) est ’élément ou le type, ce qui justifie les noms que nous venons de proposer en anatomie physiologique pour les mettre en rap- port avec ceux de la nomenclature zoologique. Les organes essentiels de cet appareil sontles muscles et le squelette intérieur ou extérieur. Nous proposons de les désigner sous le nom commun de motoria ou organes moteurs ou m0to-, riaux qui sont dans cet appareil ce que les organes essentiels ou sensoriaux se trouvent être dans l'appareil promoniteur. A ces organes essentiels de la progression ou motoriaux, sont annexés : 1° les diverses sortes de téguments externes adaptés à la nature des milieux où s’exercent les mouvements et à divers usages comme organes tutaminauz (tutamina musculorum ) , aponévroses et peau ; et 2° comme organes colligiaux, les mem- 232 RECHERCHES SUR LES APPAREILS bres et les diverses cxpansions de la peau ( membranes alaires, plumes , lophiodermes ou nagcoires dorsale, anale et caudale des poissons, etc. ) qui, offrant une étendue en surface très grande, servent pour ainsi dire à recueillir les points du milieu sur lequel l'animal doit s'appuyer pour se mouvoir dans la marche, la nage et le vol. / Chacun des trois appareils dits de protection (peau), de pro- monition (sens) et de progression (organes locomoteurs) qui for- ment en commun l'ensemble prolimitateur, contribue plus ou moins aux phénomènes d'expression, soit à l'aide de parties spé- cialisées pour le signalement des sexes ( crêtes et pavillons d’a- mour ou armes pour luttes entre mäles); soit au moyen d’or- ganes sécréteurs de substances odorantes où lumineuses , Soit par l'état physiologique des divers organes extérieurs, sous l'in- fluence des passions nées du besoin de satisfaire les exigences de la vie animale et celles de la vie nutritive. Ces considérations justifient l’institutiou du groupe des appareils communs aux deux vies, par M. de Blainville, qui est le même que notre en- semble prolimitateur. Aïnsi envisagé, cet ensemble fournit au médecin, au naturaliste et au philosophe des signes évidents de l’état des deux autres groupes it organiques qui se déro: bent à nos regards. ENSEMBLE, VIVIFICATEUR OU TRAMULAIRE. La trame cellulaire, l'appareil vasculaire et l'appareil névru- laire constituent cet ensemble. La première hale , ©est-à-dire , inhale, retient etexhale les matériaux qui subissentle tourbillon vital. Tappareil vasculaire recoit et répand les fluides vivifica- teurs nutritifs et excitants ; enfin l'appareil névrulaire Stimulé par le sang artérique , irradie dans tous les solides vivants l'a- gent de l'innervation qui produit le sentiment et le mouvement et préside aux nutritions et aux sécrétions. Il suffit ici de faire remarquer que lorsque dans la série des corps organisés, animaux et végétaux, l'appareil des organes nerveux et celui des vais- ORGANIQUES DES ANIMAUX. 233 seaux sanguins ont, par suite de dégradations progressives, fini par disparaitre complètement, on ne trouve plus pour subs- tratum de la vie, réduite à son dernier terme, que la trame cel- lulaire ou celle constituée par le tissu hydroplastique rudimen- taire des animaux supérieurs, Toutefois, cette trame est plus ou moins envahie par des substances inorganiques ou organiques privées de vie, qui tendent à l’étouffer et à l’annihiler. L'ensemble vivificateur est done constitué par trois grandes trames qui s'adaptent à la nature et aux mouvements des fluides vivificateurs. L: APPAREIL INNERVATEuR. La trame névrulaire ou l'appareil innervateur est celui dont les phénomènes physiologiques les plus patents etles plus manifestes*sont exécutés par les organes de l'ensemble prolimitateur, c’est-à-dire par la peau, les organes des sens et ceux de la progression, et c’est pourquoi nous en pla- consiüci la caractéristique. Dans les animaux sûpérieurs, un axe médullaire (dit cérébrospinal) composé d’un centre (encéphale) et d’un tronc (moelle épinière), des rayons ramifiés ou de; ar- bres nerveux et des réseaux ou capillaires nerveux composent cet appareil disposé en trame innervalrice. Des nodules ou gan- glions nerveux disposés en série ou en anneaux font l'office de centres nerveux Chez les animaux inférieurs. De ces centres, naissent les rayons ou arbres terminés par les réseaux nerveux. M. de Blainvilie a subdivisé l'appareil innervateur des animaux supérieurs en trois appareils secondaires, dont un pour l’en- veloppe externe, un pour l'enveloppe interne et les vaisseaux, et le troisième intermédiaire aux deux premiers. IL. apparait mazareuüR. La trame cellulaire qui le constitue, en outre de sa perméabilité qui se préte aux mouvements des liquides qui s'introduisent dans la trame vasculaire où qui en sortent , en outre de sa cellulosité, qui se prêt» au dépôt des fluides inhérents ou mis en réserve pour la nutrition , se prête encore aux grands mouvements de la peau, des organes des sens, de ceux de la locomotion et des viscères, et de plus, aux phéno- 234 RECHERCHES SUR LES APPAREILS mènes de l’innervation connus sous les moms de’calorification , d'électrisation etaux actions combinées des appareils nerveux et vasculaires qui président à une foule de fonctions. Dans les espèces animales dont l'individualité est composée , la partie commune est constituée par un tissu hydroplastique ou cellu- leux qui unittous les individus agglomérés sur elle. III. ArPareiL circucareur. La trame vasculaire ou l'appareil circulateur ou inhémateur fait pénétrer les sangs ou hèmes dans tous les points de l'organisme, spécialisés pour le compié- ment de l’hématose, pour les exhalations, les sécrétions et les nutritions diverses. Les fluides absorbés y pénètrent et y subis- sent les divers degrés d’hématoses pendant que ceux les plus hématosés, après avoir fourni à l'accroissement de l'organisme, éprouvent des altérations qui exigent des dépurations pandivers émonctoires. Un axe vasculaire composé d’un organe central (cœur) et de grands troncs vasculaires, des rayons ou arbres nés de ces troncs au y aboutissant, et des capillaires ou réseaux vas- culaires, sont les divers organes qui constituent la trame ou le grand appareil vasculaire qui, en raison de la nature des sangs qu'il contient, a été subdivisé en appareil vasculaire lymphati- que, vasculaire du sang noir ou carbonique, et vasculaire du sang rouge ou artérique. Les fonctions de l’appareill vasculaire sont donc liées à celles de l'appareil digestif qui fournit la lym- phe chylique ou le chyle et à celles de l'appareil respiratoire ou se fait le sang artérique. ENSEMBLE ÉLABORATEUR FORELLAIRE. C'est l'enveloppe interne (Bl.) qui recoit aussi le nom de té- gument interne ou viscéral. Dans cet ensemble on groupe na- turellement non-seulement tous les viscères creux connus sous les noms de voies digestives, respiratoires, biliaires, urinaires et génératrices, mais encore tous les viscères pleins ou glandes conglomérées telles que le foie, les reins, les testicules, les ovai- CRGANIQUES DES ANIMAUX. 235 rés, les mamelles et des glandes accessoires. Les substances qui subissent les élaborations de la part des viscères creux ou des viscères pleins sont de trois sortes : les unes viennent de l’exté- rieur et sont asstmilables en partie, les autres sont ou la sub- stance assimilable ou le résidu de ces corps venus de l'extérieur ou des substances impures contenues dans le sang dont l’élimi- nation est nécessaire ; les troisièmes sont des substances extrai- tes du sang et propres à former un nouvel individu. L'ensem- ble élaborateur se subdivise donc naturellement en trois grou- pes d'appareils pour l'assimilation : la dépuration et la géné- ration. dE APPAREIL ASSIMILATEUR OU PABuLAIRE. Trois sortes d’ali- ments l’un gazeux, ou l'air (pabulum vite ou du sang artéri- ‘que }, l'autre aqueax ou l’eau , pabulum de l'élément lympheux des autres sangs ; et le troisième solide ou cibeux, c’est-à-dire la nourriture végétale ou animale ou le pabulum des éléments solides des sangs exigent pour leur assimilation trois ou deux sortes d'appareils connus en anatomie comparée sous les noms de woies äérifères, voies aquifères et voies cibifères. Mais le pabulum vitæ contenu dans l'air humide ou dans l’eau aérée peut aussi être absorbé et assimilé par des saillies du tégument interne (blanchies) et l'eau peut être introduite dans l’orga- nisme soit combinée avec l’air, soit unie à l'aliment solide ; et des voies aquifères spéciales sont alors inutiles à l'économie animale. A. Appareil respiratoire. L'appareil assimilateur de l'ali- ment gazeux constitué soit par des organes respiratoires aé- . riens, soit par des branchies ou organes respiratoires aquati- ques , soit par ces deux sortes d'organes en même temps * (protées, axolott , etc. ). Il faut remarquer ici que les animaux qui ne respirent que l'air, offrent en général soit des rudiments de branchies qui avortent et disparaissent de très bonne heure, soit des branchies qui fonctionnent temporairement et dispa- À ter | péaé raïssent ensuite, tandis que les animaux qui ne respirent que 236 RÉCHERCHES SUR LES APPAREILS l'eau aérée, n'ont jamais de rudiment d'un poumon où sac pul: monaire. La vessie natatoire d’un grand nombre de poissons n6 présente à cet égard qu'une analogie éloignée: Que l'organe respiratoire essentiel soit un poumon ou uné branchie , il faut avoir égard aux organes qui servent à intro- duire Yair ou l’eau soit dans le poumon soit dans la cage au ‘ca- vité branchiüale et à rejeter le résidu de l'assimilation gazeuse C'est ici le cas de faire remarquer qu'à ce résidu s'ajoutent les matériaux de la dépuration respiratoire connus sous le nom de transpiralion pulmonaire et que cette sorte de dépuration n'exige point des organes spéciaux. Mais les appareils respi- ratoires pulmonaires des mammifères; oiseaux, repliles écail- leux et nus, exécutent en outre de leur fonction principale, celle de la phonation ou voix et favorisent chez les oiseaux le jeu de la locomotion aérienne par les sacs où voies aérifères qui communiquent avec le poumon. C’est ici le cas de dire que tous les organes ou instruments des diverses sortes de bruits on sons produits par les animaux étant toujours subordonnés à divers appareils de la peau externe ou de la peau interne , on ne peut leur assigner d'autre rang en anatomie physiologique que celui prescrit par cette subordination même. B.Appareil imbibitoire. L'appareil assimilateur de l'aliment aqueux n'existe d’une manière distincte et isolée que dans cer tains mollusques et les animaux rayonnés. On le désigne avec raison sous le nom de voies aquifères. Faudrait-il ranger ici l'appareil lacunaire de certains poissons ( congres, etc.)? Mais les usages de cet appareil nous sont encore inconnus. On ne peut de même déterminer si les trachées aquifères des animaux rayonnés sont des organes simplement respiratoires ou seule- ment imbibiloires ou remplissent les deux fonctions en même temps. L'appareil des voies aquifères offre sans doute des disposi- tions organiques pour l'introduction, l'accumulation de l’eau | dans l'organisme et pour son rejet; mais les spécialisations Der: a” ORGANIQUES DES ANIMAUX. 237 pour ces phénomènes mécaniques ne sont pas encore connues. C. Appareil digestif. V’appareïl assimilateur de l'aliment solide ou cibeux, généralement connu sous le. nom d’appareil ou de tube digestif ou de voies cibifères, revêt deux formes principaies, savoir: 1° celle d’un sac à une seule ouverture nov ramifié ou ramifié plus ou moins, 2° celle d’un canal à deux ouvertures non dilaté dans quelques points ou offrant des di- latations plus ou moins nombreuses. En ayant égard aux deux fonctions bien tranchées du tube digestif, connues sous les noms de chylification et de déféca- tion, nous pensons que sans altérer en rien la succession et la continuité des organes de ces deux fonctions , il convient de les isoler. Ainsi la première portion du tube digestif est dans la plupart des animaux un appareil d’assimilation cibeuse ou de chylification , tandis que la seconde est affectée à la dépura- tion stercorale. Dans l'appareil assimilateur alimentaire ou chylificateur on observe un organe ingesteur ( æsophage ), un organe retenteur (estomac) et un organe égesteur (les trois-quarts supérieurs ou antérieurs de l'intestin grèle). IL. Apparel DÉPURATEUR OU COPRULAIRE. (du grec x6- æpos excrément). Trois sortes de dépuration s’exécutent en même temps que la chylification s'effectue. L'une entraine l’ex- crément biliaire qui s’unit aux fèces ou résidus de l'aliment solide; l’autre consiste dans l'expulsion de l’excrément fécal ou stercoral ou les fèces de la digestion ; et la troisième dépouille l'organisme de l’excrément urinaire qui sort isolément ou com- biné à lexcrément stercoral. A. Appareil stercoraire. Dans l'appareil de la défécation ou dépuration stercoraire, on observe : 1° ur organe ingesteur (fin de l'iléon), 2° un organe retenteur, (cæcum et colon) et 3° un organe retenteur et égesteur (rectum)k. B. Appareil biliaire. L'appareil de la défécation biliaire se compose 1° d'un organe sécréteur (foie) et de son conduit excré- TOM. 1. 17 988, "u\ RECUENCHES SUR LES APPAREILS La teur (canal hépatique) 2° d'un réservoir {vésicule biliaire) dont le col très-long est très-connu sous le nom de canal cystique et 3° d’un autre canal excréteur appelé cholédoque. Dans cet ap- pareil pour le cours de la bile, Le canal hépatique est l'organe in- gesteur ; la vésicule biliaire, l'organe retenteur, et le canal cho- lédoque, l'organe égesteur. C.Appareilurinaire.La même disposition organiques’observe dans l'appareil dépurateur urinaire. 1° Organe sécréteur (rein) et son canal excréteur ingesteur, 2° vessie urinaire où organe retenteur, et 3° canal de l’urètre ou organe égesteur. Les fonctions de ces trois appareils s’exécutent en grande partie hors de l'influence de la volonté et sans que l’animal en ait la conscience ; mais l'expulsion de l’excrément stercoraire et urinaire est sollicitée par l'appétit ou le besoin de lexcrétion; mais attendu que cette excrétion se fait par l'individu sans le concours d’un autre individu, on n'observe point à l'extrémité de ces trois appareils dépurateurs des organes des sensspéciaux. III. APPAREIL GÉNÉRATEUR OU GÉNITULAIRE. Trois sortes d'organes, les uns fécondateurs ou mäles, les au- tres concepteurs et gestateurs ou femelles et les troisièmes lac- tateurs ou de la nourrice constituent trois appareïls bien dis- tincts dont le groupement forme l'appareil générateur. A. L'appareil fécondateur , ou génital male se compose : 10 d'un organe sécréteur (testicule) et de son canal excréteur ingesteur (canal déférent), 2° d’un organe retenteur (vésicules séminales) et 3° d’un canal égesteur (éjaculateur) et du canal commun à l’urineet au sperme auquel sont annexées la glande prostate et celles de Cowper. | B. L'appareil concepteur et gestateur est constitué de même 1° par un organe sécréteur (ovaires) et son canal excré- teur ingesteur ; (trompes utérines) 2° par un organe retenteur ou congesteur (utérus, matrice) et 3° par un organe éges- teur (vagin). | ORGANIQUES DES ANIMAUX. 239 A chacun de ces deux appareils sont annexés les appareils de copulation qui sollicitent le coït fécondateur, Nous les avons considérés comme les appareils du toucher pour laccouple- ment générateur età ce titre nous les avons rangés dans l’appa- reil promoniteur. C. L'appareil lactateur ou éducateur se compose également 1° d’un organe sécréteur (mamelles) et de canaux excréteurs ingesteurs ; 2° de vésicules ou réservoirs lactiques ou organes retenteurs, et 3° de canaux égesteurs. Ces canaux et les vésicu- les lactiques sont connus sous les noms de galactophores ou de voies lactifères. Ces voies sont en connexion directe avec l'appareil de copulation maternelle ou de la nourrice; et cet ap- pareil du coït lactateur s'adapte à la bouche des nourrissons. Nous l'avons rangé parmi les appareils des sensations copula- trices. Remarques. À cet examen rapide des principales disposi- tions et correlations des ensembles, des appareils et des organes de l’économie animale chez les animaux supérieurs, nous de- vrions faire succéder un apercu de toutes les modifications que subissent les organes et leurs groupes naturels dans toute la série animale; mais ne pouvant présenter cet apercu dans ces recherches, nous sommes forcés de nous borner à dire que ces modifications appréciées théoriquement se réduisent à des mazima, des media et des minima de structure organique qui correspondent à la diversité des espèces élevées ou descendues dans la série animale et à la diversité des circonstances au sein desquelles elles sont appelées à vivre et à se reproduire. OBSER VATION SUR LES ZOOSPERMES. PAR FÉLIX DUJARDIN. La question des animalcules spermatiques, tant controversée depuis un siècle et demi, a fait dans ces derniers temps de grands pas vers sa solution, grâce aux travaux judicieux de plusieurs naturalistes allemands, et particulièrement de MM. Siebold et Wagner. Ne pouvant ici présenter complètement l'histoire de cette question importante , nous renverrons le lecteur à la savante discussion que M. de Blainville a insérée dans son Manuel d’ac- tinologie en 1834; et après avoir présenté en quelques mots le résumé des opinions diverses , professées sur ce sujet, depuis l'instant où Leuwenhoek, le premier en 1677, découvrit les zoospermes, nous nous bornerons à exposer le résultat des ob- servations faites dans ces trois dernières années. Leuwenhoek, qui avait bien vu les zoospermes et qui les avait retrouvés jusque dans les cornes de l'utérus après la fé- condation, ne sut pas reconnaître la communication établie par les trompes entre l'utérus et les ovaires , ef se trouva ainsi con- duit à regarder ces animalcules comme constituant à eux seuls le germe de l'embryon. Cette opinion, mise en opposition avec celle des ovariens tout aussi exclusive, fut partagée par plusieurs hommes d’un grand mérite , et plus récemment en 1773. Glei- chen, tout en admettant que les zoospermes peuvent pénétrer jusqu'à l'ovaire, les regardait encore comme le seul germe de l'animal. Une opinion plus rationnelle en apparence, mais encore trop _SUR LES ZOOSPEIMES. 941 exclusive, consiste à voir dans les zoospermes une partie spé- ciale et définie dn germe, la colonne vertébrale par exemple, comme Lieberkuhn, ou simplement le système nerveux, comme MM. Prévost et Dumas l'ont admis. Suivant une troisième opinion, ce sont bien encore des par- ties vivantes concourant à la formation du germe en même temps que le produit de l'ovaire, maïs sans représenter spécia- lement telle ou telle partie. C’est ainsi que les considèrent quel- ques naturalistes modernes. C’est également ainsi que Needham parait les avoir compris ; on peut citer comme s’en rapprochant beaucoup, l'opinion qui voit dans les zoospermes les représen- tants des grains de pollen et les croit destinés à transporter le fluide fécondant qu'ils renferment. Une quatrième opinion est celle de Buffon qui, n'ayant entre les mains qu'un microscope composé dont personne ne vou- drait se servir aujourd'hui, crut reconnaitre une analogie pres- que complète entre les animalcules spermaliques et ceux des infusions, et n’y vit que des molécules organiques, c’est-à-dire des particules constituantes du germe, mais non vivantes. La cinquième opinion tout-à-fait abandonnée aujourd’hui, grâce au perfectionnement des instruments, n’admettait rien de réel dans l'observation des zoospermes : c'était une illusion produite par le mélange des liquides de densités différentes, ou tout au plus c'était des particules non essentielles, mises en mouvement par la pénétration réciproque des liquides mélan- gés, et leurs prétendues queues étaient analogues à ces stries qu'on voit par réfraction en mélant du sirop à de l’eau. La sixième opinion enfin, celle qui parait la plus solide à beaucoup d’esprits justes, veut ne voir dans les zoospermes que des animaleules parasites, des entozoaires microscopiques aussi étrangers à la fécondation que les vers intestinaux le sont au « phénomène de la digestion. Cette opinion est celle de M. de - Blainville. Nous ne pouvons inscrire comme des opinions distinctes 242 SUR LES ZOOSPERMES. celles qui, ayant toujours en vue les causes finales, attribuent aux z00spermes, considérés comme étrangers à l'être qui les pro- duit, un rôle accessoire, soit de mélanger les liquides, soit de Jes transporter , soit d’irriter les organes, car tout cela n’est point de la physiologie rationnelle. De ces six opinions, la troisième et la sixième, et peut-être la seconde, paraissent seules susceptibles de discussion; mais les observations les plus récentes tendent surtout à confirmer la troisième, celle qui voit dans les zoospermes des parties anima- les vivantes, produites par secrétion et concourant à la forma- tion du germe. Quant aux nuances qui se prononceront dans cette opinion, elles pourront devenir de plus en plus importan- tes : on concoit toutefois qu’on doit s'arrêter, suivant l’expres- sion de Buffon, à la question du combien, et s'abstenir entière- ment de celle du pourquoi; car l'union de la vie à la matière est un problème dont la solution nous est sans doute à jamais interdite. Pour bien concevoir la cause des divergences d’opinions que nous avons indiquées sur ce sujet, il faut se souvenir, d’une part, que l'esprit de système seul guida les premiers observa- teurs, et d'autre part, il faut se rappeler les changements suc- cessifs qu'a subis le microscope, et les chances d’illusion qu'il a dû présenter en raison de ses imperfections progressives. Ainsi, Leuwenhoek habile à se servir de lentilles simples d’un très court foyer , et que sans doute il fabriquait lui-même, ob- serva des détails d'organisation qu’on n’a bien revus que dans ces derniers temps avec les lentilles perfectionnées. Pour suppléer à l’habileté de ce micrographe, les observateurs qui vinrent en- suite compliquèrent le microscope d’une foule de perfectionne- ments, tels qu'un physiologiste célébre disait, il n’ya pas quinze ans, qu'un microscope doit être réputé bon s’il montre les stries dans les écailles du papillon. Qu'y a-t-il donc alors d'inconve- nant à dire que Buffon n’a pas bien vu les zoospermes. Il les a aperçus confusément ; ila aperçu de même des infusoires, où a SUR LES ZOOSPERMES. 243 des corpuscules divers, etil a prononcé une analogie que per- sonne ne voudrait admettre aujourd’hui. C’est également sur le compte du microscope qu'il faut reje- ter l'opinion maintenant abandonnée de ceux qui niaient for- mellement l'existence des zoospermes, et cette autre opinion qui, toute contraire, assigne à ces animalcules une forme symé- trique, des organes distincts, des yeux, un sucoir ou une ven- touse, etc., toutes choses qu’on a devinées d'après une image plus ou moins confuse de l'objet; car il faut bien le dire, c’est l'avis des plus habiles micrographes, quand on porte le grossissement au-delà de 500 diamètres, le microscope, le plus parfait aujourd'hui, ne peut donner une image suffisamment dis- tincte, et par conséquent il ne fait rien apercevoir qu'on n’ait vu déjà à un grossissement moindre. Que doit-on donc penser des figures données par MM. Prévost et Dumas dans les Anna- les des sciences naturelles, et présentant un grossissement de 1500 à 1600 pour la tête, et un grossissement de 2,500 pour la queue? C'est qu'un effet de diffraction a fait paraitre plus grosse cette dernière partie, et par conséquent le même effet a dû causer des erreurs analogues sur le reste , et l'on ne peut les considérer que comme l’amplification arbitraire d’une image confuse. On doit donc, pour apprécier la valeur du témoignage d’un observateur sur ce sujet, faire d'abord la part des instruments dont il a pu se servir à l'époque de ses traveux, et chercher avec soin s'il a su se montrer lui-même assez difhcile sous le rapport de la netteté des images. Or ce n’est guère que dans les travaux récents des Allemands , que nous trouvons sous ce rapport des garanties sufhisantes. M. Rodolphe Wagner (1) a étudié spécialement le dévciop- pement et le mode de formation des zoospermes dans les ani- maux qui ne sont propres à la génération que pendant une sai- son de l'année. IL a choisi le bruant (Emberiza citrinella), ct a {1) Archiv für Anatomie etce., von J. Muller 1836, p. 225. 244 SUR LES ZOOSPERMES. vu les zoospermes se montrer d'abord plus groupés en un fais- ceau ou un écheveau immobile dans une vésicule qui précé- demment n'avait contenu qu'une masse granuleuse, puis se redresser et sortir toujours en touffe de la vésicule qui's’alonge et disparait à l'extrémité; et enfin, ces zoospermes se séparent etse présentent alors avec une tête en tire-bouchon, et une queue excessivement fine. M. Peltier avait communiqué à la société des Sciences naturelles de Paris, en 1535, une observation toute semblable, faite par lui sur les zoospermes de la grenouille; et M. Siebold (1) a vu dansla paludine vivipare , les zoospermes d’abord adhérant à un corps sécréteur, croitre par une sorte de végétation. Il avait d’ailleurs précédemment (2) observé les zoospermes, chez la plupart des animaux invertébrés, se dé- veloppant en groupes-serrés comme des écheveaux enfermés dans des tubes membraneux très minces ; et il avait admis par conjecture, que la matière blanche contenue dans les singuliers appareils séminaux des céphalopodes, nommés par Needham les pompes séminales, il avait, dis-je, admis que cette matière blanche est toute formée de zoospermes capillaires (Haarthier- chen), contradictoirement à l'opinion de M. Wagner qui, l'ayant observée également sur un animal conservé dans l’esprit- de-vin l'avait comparée à un échinorrhynque. ‘ Sur ce point, je puis apporter mon témoignage formel et dire qu'en 1835, j'ai reconnu qu’en effet cette matière blanche chez le poulpe commun de nos côtes est exclusivement formée d’une immense quantité de zoospermes filamenteux qui se meuvent en ondulant. M. Siebold avait aussi, par ses observations plus exactes, rec- tüifié celles de M. Tréviranus (3) qui avait pris pour un dis- que la boucle ou l’anse que forment en se tordant sur eux-mé- mes les zoospermes des animaux invertébrés , et qui avait été (1) Même recueil — 1836, p. 232. {2) Même recueil — 1836, p. 13. (3) Zeitschrift für Physiologie, 1835, t. V. 0: liv. SUR LES ZOOSPERMES. . 245 conduit, par cette fausse remarque à assimiler ces corps aux grains de pollen chargés de porter sur l'ovaire le principe fécon- dant. Toutefois, son idée suivant laquelle ces corpuscules nais- sent à la face interne des vaisseaux sécréteurs, parait devoir étre admise dans certains cas; et dans les autres cas, lorsque les faisceaux des zoospermes sont contenus dans des enveloppes diaphanes, on est encore fondé à regarder ces corpuscules comme formés par végétation sur la masse commune qui leur a donné naissance : c’est là du moins ce qui résulte des obser- vations exactes que je viens de citer, et je dois ajouter que M.-Siebold a été si convaincu de l'impossibilité d’assimiler les zoospermes à des animaux, qu'il a supprimé les expressions detête et de queue pour employer celles de base ou racine et de pointe, en les comparant à des cheveux. A la vérité ces observations ne portent que sur les zoosper- mes des animaux inférieurs, ou tout au plus sur des reptiles et des oiseaux. D'un autre côté, le beau travail de M. Czermak sur les zoospermes des vertebrés en général (1), ayant eu surtout pour but la classification et l'étude zoologique de ces corpus- cules, tend à les faire considérer comme des animaux. MM. Henle et Schwann (2), trompés sans doute par l'appa- rence des renflements du disque ou de la tête des zoospermes, ont cru y voir un organe de succion, une ventouse, et les ont assimilésaux cercaires. Cette opinion est adoptée par M. J. Mül- ler (3), qui a observé les zoospermes vivants du Petromyzon marinus, lesquels, dit-il, sont longs et filiformes avec une tête el- liptique, renflée comme ceux des mammifères, et qui conclut aussi de leur mode de locomotion que ce doivent être des animaux. * La question étant encore dans cet état et pouvant paraître indécise quant aux mammifères, je crois devoir publier à l’ap- (1) Beytrege zur Lehre von den Spermatozoen, 1833, Wien. (2) Archiv für Anatomie, 1835, p. 587. (5) Même ouvrage.Jahresbericht, 1835, p. CLX. 246 SUR LES Z0OSPERMES. pui de l'opinion que j'ai indiquée plus haut, les observations que j'ai eu l’occasion de faire depuis plusieurs années sur les zoospermes de l’homme, du cheval et de l'âne, en me tenant à Fabri de toutes les causes d’illusion qu’on rencontre dans l’em- ploi du microscope, et surtout en obtenant par un éclairage convenable, des images nettes ct sans franges, ce qui permet d'évaluer bien plus exactement le diamètre des filaments les plus fins. Les zoospermes des mammifères et ceux de l’homme en par- ticulier, se composent d’un disque aplati à une extrémité et irrégulièrement renflé à l’autre; extrémité de laquelle part'un filament qu’on appelle improprement la queue. Le disque, dont le contour est un peu elliptique et comme tronqué en avant, est déprimé au centre, peut-être même il est concave dans certains cas, autant qu'on en peut juger par l'ef- fet de réfraction ; il est formé d’une substance diaphane homo- gène réfractant fortement la lumière. Les renflements et les inégalités d'épaisseur, produisent seuls, par transparence, l’ef- fet qu’on a attribué à divers organes qui n’existent reellement pas. Ainsi le point lumineux central est, si le microscope n’est pas excellent, un effet de’ diffraction, et dans un cas con- traire, c’est un effet de la concentration des rayons lumineux , chez ceux des zoospermes qui, étant moins déprimés , agissent sur la lumière comme de petites lentilles ; et la prétendue ven- touse est un point d'adhérence contracté accidentellement par un des renflements du disque. de Le filament est plus épais à la base où il présente plusieurs nodules, ou des renflements inégaux, et même des lambeaux comme des débris de membrane ; il devient ensuite de plus en plus mince, et l'on peut évaluer à un dix-millième de millimè- tre son épaisseur à l'extrémité ; ce qui diffère beaucoup, comme on peut s’en assurer, de la grosseur indiquée dans les figures qu'ont données divers auteurs. Sa longueur totale est de à -- millimètre; elle égale huit fois au moins celle du disque qui n'a SUR LE Z00$PERMES. 247 que + millimètre de longueur. Ces dimensions, qui varient un peu, sont à peine différentes pour les zoospermes du cheval et de l'âne. Il résulte de là que la symétrie qu’on a cru voir dans les zoos- permes n’est point réelle, et que l'irrégularité même de leurs renflements et des lambeaux qui adhèrent à la base du filament montrent que ce sont plutôt des parties détachées que des ani- malcules distincts. Cette opinion se trouve encore appuyée par ce fait que j'avais déjà observé en 1834, et qui a été vérifié plus récemment par M. Donné, savoir que les zoospermes morts con- servent leur forme dans l’ammoniaque, dans la dissolution de carbonate de potasse et dans l'alcool ; et que même on peut coa- guler et dissoudre alternativement la liqueur séminale par l’ac- tion successive de ces réactifs sans que les zocspermes soient al- térés. Or, il n’est pas un animalcule infusoire ou autre qui , traité de la sorte, ne disparaisse complètement ; bien plus, les vrais infusoires comme les paramæcies, les trichodes, etc., quand ils meurent dans le liquide, se décomposent subitement avec difluence, et leur corps ne peut être conservé que par la dessication, ou par l'action des liquides capables de coaguler leur substance molle. On doit donc penser que les zoospermes des mammifères se sont produits par sécrétion, comme le dit Tréviranus, sur la membrane des tubes séminaux auxquels ils étaient fixés par le disque, tandis que le filament libre pouvait se mouvoir d’un mouvement ondulatoire qui va de la base au sommet , comme dans les cils où filaments des infusoires. Ce mouvement, se con- tinuant après que les corpuscules se sont détachés, produit un mouvement de progression en avant qui a fait croire que le dis- que est effectivement une tête. On voit d’ailleurs ce mouve- ment sur place en étudiant les zoospermes des animaux inver- tébrés qui se présentent réunis en faisceaux ou en cordons. À ce sujet, je rapporterai une observation qui date de juin 1835, pendant mon séjour en Provence. Je m'occupaisde cher- 2438 SUR LES ZOOSPERMES. cher les zoospermes des animaux inférieurs, en même temps que M. Siebold préparait ce beau travail par lequel je me suis trouvé devancé ; et je fus particulièrement frappé de la singu- lière disposition des zoospermes de la cigale (T'ettigonia orni). Les testicules de cetinsecte contiennent seulement des filaments isolés qui, mis en liberté par l’écrasement du sac, se tordent en boucles comme on le voit chez les autres invertébrés ; mais dans le reste de l'appareil séminal, se trouvent des cordons blancs très longs dont nous donnerons la figure. Ces cordons, en raison du mouvement commun signalé par M. Siebold, conti- nuent à se mouvoir en se contournant pendant plusieurs heu- res et forment des courbes entrelacées. Si on les regarde à un grossissement de 150 à 300, on voit le côté convexe de ces courbes tout garni de filaments très nombreux et d’une ténuité extrême qui se meuvent en ondulant, et en quelque sorte d’un mouvement flagelliforme ; car la partie qui tient à l'axe du cor- don blanc est raide et immobile, l'extrémité seule se meut en formant un coude qui s’'avance jusqu'a l'extrémité et produit souvent l'apparence d’un nœud ou d’un point noir, qu’on voit s'avancer en même temps et persister plus long-temps à l'extré- mité. Par conséquent, ces filaments supposés libres, se mou- vraient tout comme les zoospermes des mammiféres ; leur lon- gueur est de — millimètre, et leur épaisseur est de == vers l'extrémité. Enfin, et ceci est tout-à-fait d'accord avec ce que nous avons dit plus haut, les réactifs ne les font pas disparaitre, maïs l'acide nitrique affaibli les fait contracter comme des poils grillés on des barbes de plumes , ainsi que le représente la figure. LETTRE à MM. les Rédacteurs des Annales Françaises et Étrangères D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE. SUR LA CAUSE ORGANIQUE DE LA PONTE DU COUCOU DANS UN NID ÉTRANGER, PAR M. H. DE BLAINVILLE. Depuis long-temps, le fait d’histoire naturelle qui a rendu si célèbre le coucou de nos pays, et dont tous les détails ne sont pas encore suffisamment connus, m'a frappé comme tous les z00- logistes et j'ai été souvent poussé à chercher la cause d’une habitude aussi singulière, aussi anormale, qu'aucun autre oi- seau ne présente (1), et qui, étant une véritable nécessité, ne peut dépendre que d’une modification dans l’organisation. Déjà quelques personnes ont supposé d’après le secrétaire de l'Académie des Sciences qui le premier a émis cette opinion à l'occasion d’un mémoire de Herissam sur les organes de la di- gestion du coucou, que la femelle de cet oiseau était obligée de confier à d’autres le soin de l’incubation de ses œufs, parce qu'elle ne pouvait les couver elle-même, et l'on attribue cette impossibilité à la position de l’estomac qui dans ces animaux est situé au-dessous des circonvolutions intestinales, en contact avec les parois abdominales, au lieu d’être, comme dans tous les autres oiseaux, placé au-dessus. Ils supposaient que la dureté de cet organe , surtout quand il est gorgé de nourriture devait avoir pour effet presque certain dans la position que loi- (1) Il y a bien quelques oiseaux qui ne font pas de nid ; mais il n’en existe aucun «qui ne couve pas ses œufs, pas même l'autrache, quoi qu'on en ait dit. 250 SUR LA PONTÉ DU COUCOU seau est obligé de prendre quand il couve , de presser les œufs et de les briser avec facilité dans les mouvements les plus habi- tuels en même temps que la digestion serait empêchée. Le fait anatomique à certainement lieu ; mais la conséquence qu’on en tire est évidemment forcée , car entre l’estomacetles œufs exis- tent toujours les parois de l'abdomen , et cet estomac est lui- même plutôt membraneux que musculaire, d’où l'on peut con- clure que la pression ne peut pas être suffisante pour briser les œufs ; et d’ailleurs on connait plusieurs autres oiseaux , comme les chouettes par exemple, chez lesquelles la même disposition organique a lieu; l'estomac est en dessous en contact immédiat avec les parois de l'abdomen et cependant ces espèces couvent parfaitement leurs œufs. Ainsi il faut, avec Géneau de Mont- belliard, abandonner cette hypothèse et chercher si dans une autre partie de l’organisation ne se trouverait pas une cause plus rationnelle. Voici celle que je crois plus probable et que j'ai communiquée à plusieurs personnes, il ya déjà quelque temps. Pour que l'incubation soit effective, c’est-à-dire pour que les petits éclosent le même jour ou à-peu-près, afin que la mère n'ait pas à la fois à s'occuper, de couver et de chercher la nour- riture des nouveau-nés , il faut non seulement que les œufs éprouvent le même degré de chaleur continue d’une manière uniforme pendant un laps de temps déterminé, ce qui porte la couveuse à mettre alternativement chaque œuf au milieu du nid ; mais encore il est nécessaire que les œufs pondus par la femelle le soient le plus possible à la fois, et dans un intervalle de temps assez court, afin qu’ils soient tous dans les conditions les plus semblables : d’où l’on voit que pour que la ponte d’une certaine quantité d'œufs ait lieu dans le plus bref délai, il faut que l'ovaire par suite de l'orgasme vénérien prenne un accrois- sement presque subit, assez grand pour que plusieurs ovules se développent à la fois, ou presque à la fois, se détachent ensuite et passent presque coup sur coup dans l'oviducte pour sy convertir en œufs complets chacan à son tour, DANS UN NID ÉTRANGER. 251 et dans un court espace de temps. Or, en supposant que l'ovaire chez les femelles de coucou soit très petit, que les ovules ne s'y développent pour aïnsi-dire qu'un à un et à des interval- les assez considérables, ne pourrait-on pas trouver dans cette disposition la cause pour laquelle cet oiseau ne peut couver et est obligé de chercher un nid étranger pour y déposer succes- sivement ses œufs? En effet ces deux actes, la ponte et l’'incuba- tion ne pouvant avoir lieu à la fois, ce sont deux phases suc- cessives d’une même fonction. Depuis plusieurs années que je suis arrivé à cette étiologie, j'ai vainement cherché à la confirmer par une observation di- recte. Je n’ai pas encore été plus heureux dans le cours de cette année, ne pouvant conclure rien de satisfaisant de l'examen que je viens de faire d’une femelle de coucou conservée dans l’es- prit de vin et dont l'ovaire était effectivement extrêmement petit : à votre invitation , je publie mon opinion afin que les personnes mieux placées que moi puissent chercher jusqu'à quel point elle est fondée. Il suffirait, pour cela, de chercher dans l'ovaire ou dans l’oviducte, ou même dans la partie du système vasculaire qui se rend à ces organes, s’il n’y aurait pas quelque chose d’anormal comparativement avec ce qui existe dans les autres oiseaux : une particularité si tranchée dans les mœurs et les habitudes d'un animal devant nécessairement coïncider avec quelque particularité de son organisation. FAITS POUR SERVIR A L'HISTOIRE DU DÉVELOPPEMENT DES ANIMAUX. . ————_—— DEUXIÈME ARTICLE. Essai sur Ja détermination des organes génitaux des hélices, de la vésicule ombilicale et de la rame caudale des embryons de limaces et des hélices. PAR M. LAURENT. En jetant un premier coup d'œil très-rapide sur ce sujet ({ V. cah. janvier 1837, p. 16 et suiv.), nous avons donné un apercu de la composition de l'œuf de l'homme et des mammife- res monodelphes, didelplies et monotrêmes ou ornithodelphes ; nous avons à faire remarquer que l’œuf de tous les oyipares, soit vertébrés, soit invertébrés, est supposé à peu près généra- lement connu, ce qui nous parait encore bier loin de la vé- rilé. Dans notre premier apercu nous nous sommes attachés à indiquer non seulement la propriété nutritive des fluides renfermés dans l’œuf en général et celle des fluides'des milieux ambiants, mais encore les mouvements de ces fluides nutritifs qui, par leur oscillation, président à la formation des vaisseaux. ce qui nous semble établi dans la science, comme un fait positif. Nous avons eu occasion de signaler en même temps les mou- vements lents des fluides qui, passant de l’albumen dans le jaune, nous ont paru propres à dilater et alonger les voies in- testinales et devoir concourir ainsi à leur formation, puisque la pénétration de ces fluides dans les rudiments de ces voies in- testinales, coïncide avec les phénomènes de la force plastique du tissu primordial de l'embryon. | Nous avons dû mentionner à cette occasion les mouvements rapides que la vésicule ombilicale des embryons des gastéropo- des limacés imprime soit aux liquides qu’elle contient, soi DU DÉVELOPPEMENT DES ANIMAUX. 253 aux vésicules remplies de fluides qui occupent la place de ces liquides. Nous avons aussi donné une idée générale des phénomènes d'endosmose et de l'imbibition des tissus dans l’âge embryon- naire de ces mollusques ( V. cah. mars, p.81 ); à ce sujet nous avons reclifié une assertion trop absolué. Au moment où nous songions à remplir envers nos lecteurs, notre promesse de donner les figures relatives à la composition de l'œuf et du mécanisme de l’organogénie générale, nous venons d'observer des faits qui nous semblent réclamer la priorité de publication. Ces faits, auxquels nous croyons pouvoir assigner une caractéri- sation anatomique positive, sont une nouvelle détermination des organes génitaux des mollusques gastéropodes, soit herma- phrodites, soit dioiques, en prenant les limaces, les helices et la” paludine vivipare pour exemple. + Sans nous attacher à faire un exposé des opinions émises tour-à-tour sur ce sujet par Redi, Lister, Swammerdam, G. Cuvier, Wonlich, G. R. Tréviranus, nous y suppléerons dans l'explication des figures relatives à cette nouvelle détermi- nation, en donnant la nomenclature qui formule l'opinion de ces auteurs et l’on connaitra facilement que, de tous les anato- mistes qui ont abordé ce sujet, Swammerdam et G: Cuvier nous semblent être ceux qui se sont le plus approchés de la xérité, tandis que G. R. Tréviranus nous semble au contraire être celui qui s’en est le plus éloigné. De nes recherches sur ce point de la science , il nous a sem- blé résulter évidemment que ce ne sont point les travaux ni les opinions qui manquent à la science anatomique des mollusques ; mais ce qui nous parait manquer essentiellement à notre épo- que scientifique, où l’activité intellectuelle s’exhale en lois doc- trinales, ce qui nous parait manquer essentiellement, disons- nous, c’est évidemment l'absence ou la non-adoption des prin- cipes vrais, propres à donner une bonne direction dans les re- cherches d'investigation. TOM. 1. 15 254 FAITS POUR SERVIR À L'HISTOLRE Nousavons pris pour élendard de la doctrine anatomique de notre journal, la finalité physiologique. Cette finalité com- prend, d’après notre manière de voir, 1° la mise en œuvre des matériaux, 20 les usages des instraments non vivants de lor- ganisme (tels que les dents et les poils, ete. }, les agences des tissus vivants ; êt 3° les fonctions des organes, des appareils et des ensembles. | C'est en prenant ce principe culminant pour point de départ et en nous laissant guider par la nécessité de la constatation qui est notre principe directeur, que nous abordons ici ce sujet qui est un point litigieux de l'anatomie comparée. D'après nos observations anatomiques, que nous devrons corroborer par nos observations physiologiques, les organes gé- * nitaux les plus compliqués des mollusques gastéropodes herma- phrodites, nous semblent devoir étre déterminés ainsi qu'il suit : 1° L'organe en grappe appelé ovaire par G. Cuvier est effec- tivement l'ovaire et non pas le testicule, ainsi que l’a annoncé G. R. Tréviranus. Nous proposons de l'appeler organe où glande ovulipare, c'est-à-dire sécrétant les ovules. É 2° Le conduit excréteur de cette glande, que G. Cuvier ap- pelle premier oviducte , et G. R. Tréviranus , canal déférent; nous semble devoir être caractérisé organe ovuliducte, c'est- à-dire conduit de l'œuf à l’état d’ovule. 3 L'organe que G. Cuvier et G. R. Tréviranus nomment la matrice, se présentant à l'observation directe comme celui dans lequel l'albumen et la coque s'ajoutent à l’ovule fourni par la glande et le canal précédent, doit être caractérisé organe . ovifique. L 4° Un quatrième organe dit de la glu(Swam.), que G. Cuvier appelle portion large du testicule et G. R. Tréviranus glande utérine, nous est apparu dans nos dissections comme une glande ou organe albuminipare, c'est-à-dire versant l'albumen dans la première loge de la matrice,sou organe ovifique au mo- ment où l'ovule est déposé dans cette première loge. DU DÉVELOPPEMENT DES ANIMAUX. 25 Nous poursuivons en ce moment des recherches physiologi- ques qui doivent nous permettre de confirmer où d’infirmer cette détermination dont G. Cuvier lui-même a eu l'idée fugi- tive, qu'il a émise dans son mémoire sur la paludine vivipare. La substance mucoso cornée et les sels calcaires qui forment la coque des œufs, nous semblent être séorétés par les parois de la matrice ou organe de l’ovification. d 5° L'organe nommé par G. Cuvier deuxième oviducte et par Tréviranus vagin, se présente à l'observation directe comme le véritable oviducte, c’est-à-dire comme canal ex- créteur de l'œuf définitivement constitué, c’est-à-dire com- posé d’unovule, enveloppé d’albumen «et renfermé dans un coque. 6° L’organe auquel aboutit l’oviducte, que Cuvier nomme ca- nal commun à la matrice et à la vessie, est, d’après nos obser- vations directes Ze véritable vagin, dans les espèces dont l'ac- couplement consiste en une intromission réciproque des verges. 7° La vésicule du pourpre et les vésicules multifides qui ver- sent leur fluide dans le vagin, sont d’après nos observations des prostates vaginales qui fonctionnent pendant l’accouplement et lors de la ponte des œufs. On sait que les vésicules multifides manquent dans plusieurs hélices et dans les limaces, nous verrons comment il y est sup- pléé. Les sept organes que nous venons d’énumérer, forment la sé- rie des organes génitaux femelles. Voici d’après nos observa- tions quels sont les organes mâles : 1° L'organe appelé par G. Cuvier portion longue du testicule, et par Swammerdam et Tréviranus ligament glanduleux de la matrice, est le véritable testicule. M. Vanbeneden l'a consi- déré comme une prostate. 2° L’organe dit par Cuvier canal déférent et par Tréviranus portion étroite de la verge, est le véritable déférent ou l'organe spermiducte. 356 FAITS POUR SERVIR À L'HISTOIRE 30 L'organc auquel aboutit le déférent ou le spermiduecte, est celui que tous les anatomistes ont regardé comme je pénis ou la verge. Nous devons direque Tréviranus considère le canal dé- férent comme une portion de la verge qu'il fait aboutir et s’ou- vrir dans son prétendu vagin, qui n’est autre chose que le véri- table ovidacte, ainsi qu'on peut s’en assurer par la dissection. 4 La vésicule du pourpre, d’après Swammerdam et Cuvier, que Tréviranus considère comme une vessie urinaire recevant Vurine du rein par un canal particulier, nous semble devoir être regardée comme la prostale qui verse son fluide pendant Vaccouplement ou l'intromission des verges dans le véritable vagin. Cet organe, quoique annexé au vagin, nous semble de- voir étre considéré comme la prostate du pénis, tandis que les vésicules multifides (testicule Swam.) sont la prostate du vagin et fournissent le mucus qui englue les masses d'œufs calcaires. Le canal excréteur de la vésicuie du pourpre offre dans l’he- lix pomatia un très-pelit cœcum. Ce cœcum est extrêmement long dans l’hélix aspersa ; il est moins long et renflé en massue dans l’'hélix obvoluta. Ce cœcum extraordinaire a été considéré parM. Vanbeneden comme un canal déférent où un spermi- ducte. Tels sont les organes génitaux mâles. Les autres parties de l'appareil générateur de ces mollusques gastéropodes hermaphrodites, sont le vestibule commun aux or- ganes mäles et femelles auquel est annexé la bourse du dard dans les espèces qui en sont pourvues. Cuvier a nommé ce vesti- bule, cavité commune de la génération et Tréviranus bourse génitale commune. I n'y a donc point de divergence d'opinion à ce sujet. Les indications caractéristiques des organes génitaux mâles et femelles de l'helix aspersa et de lhelix pomatia pris pour type, telles que nous venons de les proposer, en rappelant les opinions de G. Cuvier et de G. R, Tréviranus, ne doivent être prises ici que comme des assertions qu'il nous faut maintenant prouver. Nous ferons d’abord une première remarque. DU DÉVELOPPEMENT DES ANIMAUX. 257 I est évident que, si au lieu de s’en tenir à des rapports ou des connexions d'organes et à des observations mieroscopiques, les auteurs quinous ont précédés se fussent attachés à disséquer les organes aux diverses époques de la vie et surtout avant, pen- dant et après l'accouplement et la ponte, il est évident qu'au moyen de ces données physiologiques , indispensables dans ces sortes de recherches, ils auraient émis des opinions identiques, tandis que tout est encore litigieux dans ce point de l'anatomie comparée , à cause de la divergence des déterminations propo- sées jusqu’à ce jour. Nous sommes bien loin de vouloir ici atténuer en rien la va- leur des observations microscopiques ; mais nous pensons que lors même qu’elles sont faites avec toute l’exactitude et l'habi- leté possibles, elles ne peuvent dispenser en aucune manière de l'observation des mœurs des animaux. Nous croyons devoir établir ici comme une règle de la plus haute importance dans tout ce qui a trait à la signification philosophique des organes, qu'il faut fonder principalement cette signification sur la finalité physiologique. En suivant cette règle, il est probable qu’on écrira moins d'inspiration sur les points litigieux et on sera as- treint à disséquer les organes dans toutes les périodes de leur existence, mais principalement surtout aux époques d'avant, pendant et après leur fonctionnement. Si cette règle est facile à observer à l'égard des organes respiratoires, digestifs, etc., ete., dont les intermittences d’astion sont très-courtes , il n’en est pas de même relativement aux organes génitaux dont les fonc- tions sont en général assujéties à une saison dite des amours (1). Observations physiologiques sur les organes génitaux des ! helix aspersa et pomatia. En rapprochant les observations directes faites sur l'accou- plement de quelques espèces d’hélices et de limaces , on peut déjà établir que la conjonction sexuelle de deux individus her- (1) Nous prions le lecteur de passer à l'explication des planches/avant d'a- border l'exposé des observations physiologiques qui suivent, 258 FAITS FOUR SERVIR À L'HISTOIRE maphrodites, consiste dans l'intromission réciproque des verges ou dans un simple contact d’un pavillon où sont les orifices des organes sexuels. Ce dernier mode est observable dans l’ac- couplement des limax agrestis tandis que l'intromission des: verges a lieu dans l'accouplement des hélices, de la plupart des limaces et des arions. Lorsqu'on surprend deux hélix aspersa accouplés et qu’on les fait mourir promptement, en les plongeant pendant 15 à 20 minutes dans l'alcool et ensuite dans l'eau, on voit, après avoir mis à découvert les organes génitaux et ouvert le vagin, que le gland de la verge y est étroitement serré et qu'il ne peut en être retiré qu’en faisant un effort. On reconnait aussi que l’ori- fice de ce gland est appliqué sur l'ouverture de l'extrémité an- térieure de la matrice ou de l'oviducte. (V. la fig. pl.VIIL.). On trouve alors le canal déférent rempli d’un liquide qui vient de la glande accolée le long de la matrice. Cette glande, qui est alors assez développée, et son canal sont évidemment le testicule et le canal du sperme qui s’abouche dans la verge. Nous examinerons plus tard ce qui a trait à l’étude micros- copique de ce fluide qui, conservant sa liquidité dans le canal déférent, finit par se concréter et se transformer en un long fi- lament transparent, d'apparence cornée , que Swamerdamm à pris à tort pour extrémité grêle de la verge retournée dans toute sa longueur. Lorsque deux hélix accouplés se séparent, ces deux fila- ments s’entortillent réciproquement en une double spire, ce qui a déjà été figuré par Swamerdamm (V. pl. V, fig. VII, des œuvres de cet auteur). La ressemblance de ce filament à l’ex- trémité grêle ou fouet de la verge a été la cause de l'erreur de ce célèbre observateur. Nous reviendrons encore sur ce filament corné qui ne ren- tre point dans le corps et qui tombe, et nous le comparerons à d’autres filaments que nous avons observés , l’un dans toute la longueur de la cavité intestinale de la verge et l’autre dans DU DEVELOPPEMENT DES ANIMAUX. 259 l'intérieur du conduit excréteur de la vésicule prostatique (ou du pourpre), et dans le cæcum de ce conduit excréteur. Noussommes portés à eroire que c'est l’un de ces filaments cor- nés, qui résultent de la concrétion des liquides versés dans ces organes au moment de J’accouplement, qui aura été considéré par M. Vanbeneden, comme un organe nouveau qu'il a eb- servé et décritdans la parmacelle: Ea raison de la position qu'occupent les différentes parties de la verge au moment de l'accouplement, nous avons cru né- cessaire de la subdiviser en trois portions, l'une postérieure grèle ou fouet qui est fortement entortillée ou roulée en spire irès serrée par l'effet du spasme du coït probablement ; l'autre moyenne, ou la racine qui transmet le sperme à la troisième portion, ou Ja tige de la verge destinée seule à lintromission. Cette tige a la forme d’un T ou d’une massue dont la portion renflée figure un gland auquel on peut distinguer une pointe ou crochet, et un renflement sur lequel est l'orifice qui, s'ap- pliquant à l’orifice de l'organe oviducte, porte sans nul doute le sperme dans l'organe ovifique ou la matrice qui le transmet probablement jusqu’à l'organe ovulipare ou l'ovaire. Tel serait, d’après nos observations, le trajet suivi par le fluide fécondant. Tréviranus lui assigne une autre route en le faisant partir de l'organe en grappe et traverser la matrice pour arriver à la verge. Nous devons ajouter à ces remarques, qu'après avoir dissé- qué un très-grand nombre de fois organe appelé ligament glan- duleux par Swammerdam et Tréviranus, portion longue du testicule par Cuvier et prostate par M. Vanbeneden, nous avons : CR reconnu que cet organe glanduleux adhérent dans toute sa Jon- gueur à la matrice, ayant évidemment un canal excréteur qui aboutit à la verge etune extrémité postérieure qu'onpeut isoler par une dissection soignée de l'organe de la gla, dit portion large du testicule (Cuvier), glande utérine (Tréviranus }, fournit le liquide versé par la verge à l'orifice de l'organe ovi- 260 FAITS POUR SERVIR À L'HISFOIRE fique, et nous parait devoir être considéré seul comme organe spermipare ou le vrai testicule. 1V1ÿ La détermination anatomico-physiologique des organes sexuels femelles devient moins difficile du moment où les or- gales mäles ont pu être caractérisés d'après leurs connexions et la marche des fluides qu’ils versent pendant l’accouplement. L'œuf étant composé d'un petit vitellus ou ovule, d’un al- bumen et d’une coque plus ou moins mucos6-cornée ou calcaire, nous avons recherché quelle était la participation des divers or- ganes qui concourent à l’ovification et à la ponte. Or la couleur seule des substances contenues dans le tissu de Yorgane en”’grappe placé au fond de la spire, le volume moïn- dre de cet organe par rapport à celui de la glande placée à l’ex- trémité de la matrice, la petitesse des vitellus ou ovules par rap- port à la masse de l’albumen, sont déjà des caractères extérieurs qui peuvent faire soupconner le rôle physiologique de ces orga- nes ; si l’on joint à ces caractères les observations de M. Carus, celles de M. Dujardin, et nos propres observations, on est porté à considérer les corps contenus dans l'organe en grappe comme des ovules, quoique entourés de filaments considérés comme des zoospermes. L'opinion de Swammerdam , adoptée par Cuvier à l'égard de cet organe, serait done actuellement fondée sur des caractères suflisants pour lui accorder une détermina- tion scientifique exacte, et cet organe serait évidemment l'ovaire ou l'organe ovulipare, pour mieux préciser sa fonction. Son conduit excréteur, qui vient déposer l’ovule à l'extrémité posté- rieure de la matrice, est donc aussi évidemment un ovuliducte. Ce conduit est à sa glande ce que le spermiducte est à la glande testiculaire ou l'organe spermipare. Pour favoriser laetion du fluide fécondant, il suffit d’un liquide muqueux qui n’est point ici verse dans les voies spermatiques, comme dans les espèces diviques, et ce liquide muqueux est au contraire versé dans le vagin par les organes prostatiques p, cp, Cp, p m, qui lui sont annexés .( V. les fig. #, 2, pl. VIT.) " DU DÉVELOPPEMENT DES ANIMAUX. 261 Mais pour compléter l'œuf , il faut évidemment un albumen dont la quantité proportionnelle au voiume de l’ovule puisse être versé plus ou moins rapidement sur le point de la matrice ou organe ovifique; sur lequel l’ovule ou vitellus est déposé ; non point par déhiscence d’un ovaire comme dans les vertébrés supé- rieurs, mais bien par un canal continu à la glande ovulipare. Pour achever enfin le complément de l'œuf, il faut que la petite masse d’albumen, enveloppant l'ovule, soit immédia- tement circonscrite et contenue par une membrane très-résis- tante, résultant de la concrétion du liquide fourni par la pre- mière loge ou cellule de l'organe ovifique. On peut étudier ce faiten disséquant avec précaution l'extrémité postérieure de la matrice ou organe ovifique, pendant l’ovification, surtout lors- que la ponte étant commencée, on parvient à obtenir des matri- ces renfermant un grand nombre d’œufs, en dérangeant plu- sieurs fois l'animal qui enfonce sa tête dans la terre pour pondre de nouveau. (V. fig. I.) On peut voir alors très-facilement que l'œuf n’a pu étre formé que dans l'extrémité la plus reculée de la matrice ou organe ovifique , par le concours du vitellus venu du canal vitelliducte et de l'albumen versé au même instant dans la première cellule de la matrice par la glande annexée à cet organe, et dès-lors, cette glande nous semble devoir être considérée comme Zor- gane albuminipare dont le canal excréteur, renfermé dans son- épaisseur,’ a été considéré par Tréviranus comme le prolonge- ment de la matrice. Nous reviendrons encore sûr ce point im- portant de l'anatomie et de la physiologie des organes femelles, et nous donnerons alors les figures de détail qui seront néces- saires. D'après nos observations, la tunique interne de la coque qui est plus dense, plus difcile à déchirer avec des pointes d’ai- guilles, est fournie par la première cellule de la matrice, et l'œuf recoit successivement dans les cellules suivantes les couches mucoso-cornées ou calcaires qui complètent la coque. 262 FAIIS POUR SERVIR A L'HISTOIRE Lorsque l'œuf est définitivement constitué, loviducte o vd le pousse dans le vagin, qui le porte dans le vestibule. Ce trajet de l'œuf dans la cavité du vagin nous a semblé devoir étre favo- risé par l’action des vésicules multifides qui y versent alors leur fluide en plus grande quantité. C’est le moment où les prostates mulufides nous ont paru être plus volumineuses. Il se peut que dans les espèces dépourvues de ces vésicules multifides, la vessie du pourpre ou la vésicule prostatique; soit un organe commun destiné à fonctionner à la fois, pendant l’accou- plement et à l'époque de la ponte. Les lois de l’économie animale exigent, en effet, souvent, qu'un seul et même organe remplisse plusieurs fonctions ou une fonciion commune à deux autres. Nous passons, à dessein, sous silence tout ce qui a trait aux zoospermes observés dans les humeurs du testicule, de l'organe en grappe et de la glande utérine, attendu que l’un de nos collaborateurs fournira sur ce sujet les résultats de ses observa- tions microscopiques, et de celles faites en Allemagne. Il nous suffit ici de faire remarquer, que les physiologistes qui font jouer aux zoospermes un rôle favorable aux idées théo- riques qu'ils se sont faites, ne doivent point négliger les consi- dérations anatomico-physiologiques, qui forcent à étudier plus exactement les mœurs des animaux, et à les disséquer et obser- ver dans des circonstances bien déterminées et avec toutes les précautions nécessaires pour se soustraire à des vues théori- ques préconcues. Dans nos dissections des organes génitaux des helix etdes li- max, nous n'ayons point négligé de bien constater si la vessie du pourpre avait réellement une communication avec l’organe de la dépuration urinaire placé à côté du poumon, au moyen d’un prétendu canal considéré par Tréviranus comme un ure- tère, ce qui l'a porté à regarder la vessie du pourpre comme une vessie urinaire annexée aux organes sexuels. Mais tous nos efforts les plus attentifs ne nous ont point permis de découvrir ce prétendu canal. DU DÉVELOPPEMENT DES ANIMAUX. 263 On sait, au reste, que dans les mollusques gastéropodes, l’or- gane de la dépuration verse en général son produit au dehors par un canal qui s'ouvre à côté de l’orifice respiratoire et de l'anus. Nos observations physiologiques faites sur les organes géni- taux des hélix pendant et immédiatement après l’accouplement et la ponte, ne sont pas suflisantes sans doute pour donner à ces premières recherches le caractère d’une démonstration rigou- reuse de nos nouvelles déterminations. Nous nous fesons un de- voir de l'avouer franchement, puisque d’après nos principes nous aurons à étudier tout ce qui a trait aux produits de ces or- ganes, c’est-à-dire aux matériaux qui sont mis en œuvre pour la génération. De la vésicule ombilicale et de la rame caudale des embryons des mollusques gastéropodes. Depuis que nous avons soumis à l'Académie des sciences, de Paris, les résultats de nos recherches faites en 1833, 1836 et le commencement de 1837, sur le développement des mollusques gastéropodes, nous avons observé d’autres embryons de gasté- ropodes pulmonés terrestres et aquatiques qui ont donné lieu aux remarques suivantes. La vésicule ombilicale existe dans tous ces embryons ; elle n’est très-contractile que dans les embryons des limaces. La rame caudale que nous avons dit être plus ou moins large dans les limaces et au contraire très longue et étroite dans les arions, existe de même dans les embryons des hélices aspersa, pomatia, hispida, cellaria et probablement dans toutes les espè- ces d’hélices; mais elle manque dans l’'ambrette, les lymnées etles planorbes et probablement chez tous les pulmonés aquatiques. La contractilité de cette rame est en raison directe de celle de la vésicule ombilicale. En ayant égard à la grandeur et à la rentrée plus ou moins tardive de la vésieule ombilicale, sous un bouclier plus ou moins grand et protégé par une coquille très petite ou plus ou #, 964 FAITS POUR SERVIR A L'HIST. DU DÉVEL. DES ANIMAUX. moins grande, et en joignant à ce caractère anatomique des embryons des mollusques, la considération de la prédominance et de la forme ou de l'absence de la rame caudale pendant le dé- veloppement, on pourra, non seulement s’en servir pour dis- tinguer beaucoup plus exactement les espèces; mais, de plus, la facilité d'observer au moyen de très faibles grossissements Ja formalion des organes et les fonctions embryonnaires, détermi- nera les physiologistes à se livrer à des recherches qui promet- tent à la science les résultats les plus positifs. Nous nous bornons à donnerici les figures relatives au dé- veloppement de la vésicule ombilicale de la limace blonde et du limax agrestis, et à la manière dont cette vésicule se conti- nue avec le canal intestinal dont l'extrémité postérieure ou le rectum se continue elle-même avec le sac pulmonaire placé sous le bouclier. Sans prétendre assimiler exactement cette vésicule ombilicale à celle des animaux vertébrés, nous croyons cependant pouvoir la caractériser ainsi et éviter par là l’écueil de la prendre pour un amas de globules ou pour du tissu cellulaire. Nous avons décrit (1) la réticulation de cette vésicule, sa ren- trée plus ou moins tardive sous le bouclier et la coquille , ses mouvements de contraction et d'expansion qui coïncident avec des mouvements opposés de la rame caudale, nous avons de plus découvert, pendant ces mouvements, l’oscillation des glo- bules sanguins, et nous en donnons les figures dont l’explica- tion seule suffit pour l'intelligence de ces phénomènes. À ces premiers faits relatifs à la physiologie de la vésicule ombilicale des mollusques, que nous avons observés, nous de- vons joindre une anomalie de disposition qui vient confirmer le caractère que nous avons assigné à cette vésicule. Cette anomalie consiste dans l’inversion du pédicule de celte (1)V. Compte rendu des séances de l'Académie des sciences du 19 oc- tobre 1835 et du 20 février 1837, et nos Annales d’anat. etc., cahier de janvier 1837, p. 26. . Geoffroy-Saint-Hilaire, a bien dit en passant quelque part que les incisives des rongeurs devaient ètre considérées comme des canines, mais une assertion en science réelle doit toujours étre considérée comme non avenue lorsqu'elle ne repose sur rien et n’est appuyée sur aucune espèce de considération. 312 SUR QUELQUES ANOMALIES DU SYSTÈME DENTAIRE. comme cela doit être, le zoologiste a pour but d'obtenir une disposition des animaux qui ne rompe pas les rapports natu- rels. Il n’en est pas de même pour l'établissement et la disposi- tion des espèces ; d’après ce que j'ai eu l’occasion d’obtenir sou- vent sur un très-grand nombre d'individus des espèces de mam- mifères qui composent les deux premiers ordres, c’est-à-dire de quadrumanes et des carnassiers, primates et secundates (1), et par conséquent les familles des singes de l’ancien continent, des sapajous ou singes du nouveau, des makis, des cheirop- tères, des insectivores, des carnassiers plantigrades, digitigrades et pinnigrades, je ne connais aucun caractère aussi certain pour distinguer les espèces d’une manière tranchée que la con- sidération du système dentaire , et surtout de la dernière mo- laire, aussi bien en haut comme en bas, maissans que je puisse le moins du monde apercevoir encore aucune relation entre ces différences si fixes et l'espèce de matière alimentaire ou le mode de sa mastication. (1) Il y a déjà long-temps que Daubenton a blâmé l'expression de Quadru- manes donnée au premier degré d’organisation des mammifères, et en effet, outre que dans les premières espèces, plusieurs sont entièrement dépourvus du pouce, caractère distinctif d'une main; on ne peut réellemeut admettre que les sapajous et surtout les ouistitis aient un pouce opposable et par suite une véritable main, Celle de carnassiers que Ton a coutume d'employer pour désigner le second degré d'organisation n’est pas non plus très exacte: car les roussettes , les ours, les kinkajous ne sont pas plus carnassiers que beaucoup de makis , et d’ailleurs ce nom est physiologique. Ne pourrait-on pas alors, imitant Linné, désigner les ordres ou les grandes divisions par des dénominations cardinales, Primates, Secundates, T'ertiates, ou Primari , Secundarii, Tertiarii, Quaternarii , peut-être moins barbares, ces noms ayant déjà été employés par les Romains pour certaines divisions de leurs. urmées ? EXPLICATION DES PLANCHES, PLANCHE I. Mic. 1. Crâne du Canis megalotis d’après l'individu de Cafrerie dont le squelette existe maintenant au museum; a Arcade dentaire de la mâchoire supérieure b; id. de la mâchoire inférieure. Fi. 2. Dents du chien mâtin déjà observé par Daubenton, et qui a une dent molaire de plus à la mâchoire supérieure gauche. Fire. 3. Id. Un chien leyrier d'Egypte de la collection du Museum. Fic. 4. Zd. Do Canis primævus Hogdson, espèce de chien sauvage de l'Inde qui n’a que six molaires de chaque côté de la mâchoire inférieure au lieu de sept comme dans les autres espèces. J'en ai vu deux crânes, un envoyé eu 1856 du Népaul, avec une peau, par M. Hodgson , et l’autre qui existait depuis long-temps à la collection où M. Leschenault l'avait rapporté des Gattes. Fic. 5. Ateles pentadactylus à sept molaires en haut et en bas du côté gauche. Individu rapporté de Cayenne par M. Martin. Frc. 6. Cebus robustus, individu ayant =-* molaires ; il a été rapporté de Cayenne par M. Poiteau. Fig. 7. Océlot, Pelis paradalis ; crâne d’un individu du Mexique acquis en 1837 et n'ayant que quatre incisives supérieures au lieu de six. Fic. 8. Tanrec (Ærinaceus ecaudatus ; espèce vivant à Madagascar, à l’île de France et à Bourbon, 4. Jeune sujet incis. 2 b, incis. ? de l'adulte; une espèce voisine leTendrac (Ærinaceus setosus) a normalement < incisives. PLANCHE IL. Fig. 1. Crâne de l’aye-aye, (Lemur psilidacty lus) d'après l'individu unique que posssèdent lescollections zoologiques et qui a été rapporté à Paris, par Sonnerat. Fic. 2. Le Desmodus rufus, d’après un individu envoyé récemment de la Guyane Française par madame Rivoire. Frc. 5. Le Proteles hyænoïdes du Cap. Fic. 4. Dents de chrysochlore considérées comme représentant celles de quelques animaux voisins dédoublées. Fire. 5. Sarigue vieille dont les dents sont usées jusqu’aux racines et simu- tent des dentsidécomposées, comme celles des chrysochlores. 314 EXPLICATION DES PLANCHES. Fic. 6. Sanglier phascochère (Sus africanus) chez lequel la dent molaire postérieure doit être comme une dent composée. — On a figuré celle de la mâchoire inférieure regardée seulement, la correspondante supérieure étant à peu près semblable. Ù Fic. 7. Le Daman (Hyrax capensis) individu de Syrie par M. Botta. Les crânes de daman de ce pays indiquent certainement que l’espèce y est la même que la plus commune au Cap. Mais il ÿ a dans cette dernière localitéune seconde espèce (Hyrax arboreus). A. Smith. M. Jourdan, professeur à Lyon, a bien voulu m’en communiquer le crâne qu’il s’est procuré à Londres. Nous le citerons parce que le caractère d'une barre entre les incisives et les molaires y est encore plus prononcé que dans l’espèce ordinaire, et que la molaire supérieure offre encore dans l'existence d’un quatrième tubercule, ne se trouvant pas dans le daman ordinaire, une nouvelle preuve de l'importance de cette dent comme caractéristique des espèces. NOTE SUR LES CARNASSIERS INSECTIVORES,. Par M. de H. BLAINVILLE. Dans l'étude qu’il vientde faire du petit groupe de mammifères mo- nodelphes, assez généralement admis sous le noms d’Insecrivores, et qui comprend , avec les trois genres anciennement connus, Taupe, Musaraigne, Hérisson, plusieurs formes nouvelles découvertes dans ce derniers temps, M. de Blainville a cherché, comme il a entrepris de, le faire pour toute la série animale, à déterminer la position de cette fa- mille, ainsi que la disposition et la distribution des espèces qui la composent. Pour leur position dans la série, il a adopté la manière de voir de Storr et de Pallas, qui en font un groupe particulier qui suit celui des chauve-souris ou cheiroptères. Quant à leur disposition, quoique les musaraignes (sorex) soient peut-être plus rapprochées des cheiroptères, par la forme générale, M. de Blainville croit néanmoins devoir com- mencer la série des Insectivores par les Taupes, qui sont pour ainsi dire des Insectivores disposés pour voler dans un milieu plus ou moins meuble, comme les chauve-souris le font dans l’atmosphère qui est, au contraire, un milieu d'une très-faible densité. Il termine par les Hérissons, dont les dernières espèces ont le système dentaire normal des Carnassiers Didelphes; intermédiairement se placent donc les Sorez, qui, en effet, passent aux Taupes par les Desmans , et aux Hérissons par les Gymmures. La distribution des espèces est une con- séquence de leur disposition, M. de Blainville les réunit sous les trois dénominations génériques: Talpa, Sorex, Erinaceus, en prenant en considération l’ensemble de leur organisation et surtout la forme gé- nérale du corps et de ses appendices ; le système dentaire étant trop variable pour que toutes ses différences puissent être considérées comme génériques. La valeur de ces différences est beaucoup plutôt spécifique, et, ainsi envisagée, elle est d’une certitude vraiment re- marquable. 19 Les Taures, T'alpa. Elles se partagent en sections caractérisées 516 CARNASSIERS INSECTIVORES. par diverses particularités du système dentaire et de Ja queue, qui est plus ou moins courte: Chrysochlora, Talpa, Talpa-Sorex, Condy- lurus. 20 Les Musaraïcnes, Sorex. Elles sont groupées d’après la consi- dération du degré de rapprochement ou d’éloignement de leur organisation comparée à celle des Taupes ; ce qui permet de distin= guer parmi elles: les Mygales ou Musaraignes à queue comprimée, espèces tout-à-fait aquatiques; les Solenodons où Musaraignes à queue de rat, et dont l'espèce unique représente seule jusqu'ici les Musa- raignes dans l'Amérique méridionale ; les Soréx proprement dits, par- tagés convenablement par MM. Wagler et Duvernoy en trois groupes, que celui-ci appelle Hydrosorex, Sorex (Crocidura. Wag].) et Amphi- soret. À côté de ces animaux se placent les Macrocélides d'Afrique, qui sont pour ainsi dire les Gerboises des Sorex, et les Cladobates, qui eu sont les Sciurus, et pour lesquels on ne saurait trouver de meilleur nom que celui de Glisorex (Musaraigne-Loir), que leur avait donné M. Dird. ; 30 Les Hérrssons, Erinaceus. L'auteur les dispose d’après la con- sidération des dents, ainsi que d’après celle du développement de ia queue, d’abord longue et écailleuse, comme dans les Gymnures, que l’on à quelquefois, mais à tort, placés parmi les Carnassiers digiti- grades ; puis très-courte comme dans les Hérissons, qui ont une ar- cade zygomatique, ou bien tout-à-fait nulle, comme dans les Tanrecs subdivisiblés en Tandracs et en Tanrecs, d’après la considération de leurs incisives au nombre de 272 de chaque côté dans les premiers, et de 273, ou mêmé de 373, dans le jeune âge chez les seconds, comme c’est le cas du T'anrec ordinaire , de Madagascar, de l'Ile de France et de Bourbon, et des Centenes variegatus où Semispinosus, dont on ne connaît encore que le jeune âge. M. de Blainville retire de la famille des Insectivores, pour la placer parmi les carnivores, à côté des Genettes et non loin des Vansires, l'intéressante espèce de Carnassier, dont M. Doyère a fait le genre Eupleres. (10 août 1837.) ntm é-boimus tumates F2 et ete: d'Anabnnie et de Physiologie fy: La TT se Fe [= Lesreutt éditeur mp Liéh. ste C Adrien ot Ofrus Richer 7. . doutes fr et etr: d'Anatonue 22H: NU —— « dues fr et étre d'Anatomie. ct de Physistogie bo (Lhascotome ) Larautb édite Lith, Adrien: de Cr Rider: 7. _É SUR L'ENVELOPPE PROPRE DU POUMON. Dans le premier numéro de notre journal, j'ai fait connaitre l'obsérvation d'anatomiepathologique comparée, qui m'a conduit à remettre dans la science une opinion , très juste, selon moi, que R. Colombo avait présentée d’une manière obscure, en (x)Realdi, Golumbi, Cremonénsis, De re anatomicä, libri XV. Venetiis in fol. #559 , Paris in-8, 1562 et 1542. Francfort in-8, 1590, 1505 , 1599 Leyde in-8, 1667. Traduit eu Allem. par Rchenck, et publié à Francfort in fol. en 1609. « Colombo fut nommé professeur d'anatomie à l’université de Pédoub en 1540, succéda à Vésale en 1542. En 1547, il occupa la chaire de l'université de Pise qu’il quitta presque aussitôt, pour aller professer à Rome , ce qu'il fit jusqu’en 1573. Ces faits prouvent très clairement que G. Harvey qui était né en 1578 ,et qui vers l’année 1599 partit pour Padoue , où Je grade de docteur en méde- cine lui fut conféré le 25 avril 1602, par Fabrice d’Aquapendente, Cassé- rius, etc. Ces faits prouvent dis-je, que l'illustre Harvey ne peut pas être supposé avoir ignoré les écrits de Colombo. Or, Colombo avait complètement décrit la circulation pulmonaire. Il a donné une description du cœur assez exacte; il en a connu et décrit les valvules dout l'usage lui était également connu; mais il ne l'a pas cru musculaire, Voyez dans le livre VIT, (De Corde et Art), le passage de ce livre où il décrit la circulation pulmonaire: c'estle seul que l’auteur de la vie de Harvey, placée en tête de ses œuvres publiées par le collége des médecins de Londres, 1766 , in-4, et Haller aient cités. Je ne vois pas qu'ils aient fait la moindre attention à un passage bien plus explicite du livre XI, où l’auteur entre sur l'usage du poumon, daus des détails qui n'ont laissé véritablement qu’un seul pas à faire à Harvey pour prouver que le sang poussé das J'aorte et distribué à toutes les parties du corps passait dans les veines et revenait au cœur. TGME 1. 22 518 SUR L'ENVELOPPE PROPRE 1559 (1). Depüis, j'ai eu l’occasion, et cela grâce à l’extréme bienveillance dont continue de m'honorer M. Ducrotay de Blainville , d'étudier l'appareil respiratoire du marsouin ( Delphinus phocæna), dont les dernières divisions des bran- ches se terminent en cæcum comme celles de tous les autres ,mammiféres, et ne s’anastomosent pas, comme l’a dit le savant Carus (2). J'ai pu séparer avec assez de facilité la plèvre de l'enveloppe propredu poumon, puis cette enveloppe elle-même; et celasans que les bronches imjectéesau mercure aient étélésées. J'ai exécuté la même préparation sur le :poumon humain ; mais il convient de dire que dans l'état sain , la membrane qui constitue ou représénte l'enveloppe propre , sibien caractérisée dans l'éléphant et dans le marsouin commenous allons ledire tout à l'heure, n’offre sur le poumon de l'homme qu’une très mince épaisseur ; que les fibres qui la constituent sont très peu serrées, et que, par conséquent, ilest facile dela prendre pourune couche de tissu cellulaire. Cependant, je lui ai trouvé une épaisseur et L'auteur de la vie de Harvey est coupable d’injustice quand,en parlant des opinions de Colombo, il dit : «Hisce expositis patet Columbum sanguinis cir- < cuitum prorsus nescivisse : quum et omnia illa, quæcumque de sanguinis « itinere per pulmonem dixit licel verissima sint, imprudentem et quodam « casu protulisse. » (Harvey, vita, p. XVIII-XIX ). La preuve que les opinions de Colombo n'ont pas été émises au hasard, se trouve dans le livre que cite le critique : Ego verd oppositam prorsus sentio (dit Colombo) : hanc scilicet arteriam venalem factam esse, ut sanguinem cum aere à pulmo- nibus mixtum afferant administrum cordis ventriculum. Quod tam verum est quäm verissimum. Nam non modo si cadavera inspicis , sed si vila eliam animalia , hanc arteriam in omnibus sanguine refertam énvenies. Quod nullo pacto eveniret , si ob ærem duntaxat , et vapores constructa foret. (Lib. VIT, p. 328, editio Parisiis 1562) voyez en outre livre XI, p- 41r et suivantes. (2) Voyez Lehrbuch der Vergleichenden Zootomie, 2te. Th: s. 6r1.9° édi- tion, 1834. Ce qu'il dit s'applique aux cétacés en général: je n'ai étudié qu'un seul poumon de marsouin , mais comme l’exception rentre ici dans la regle, elle acquiert par cela même une grande importance. | DU POUMON. 319 une résistance notables sur un poumon d'enfant de 6 à 7 ans mort phtisique : et je ne doute nullement que ceux de mes con- frères qui s'occupent journellement de pathologie humaine, n'aient de fréquentes occasions de voir la même chose. Les cas où l’on croit à l’épaississement de la plèvre , à son hypertrophie sont probablement dus, 1° à un épanchement sous-pleural sus- ceptible de s'organiser; ° à un liquide purulent épanché ou‘ contenu dans les capillaires veineux, artériels et lymphatiques, qui existent en si grand nombre; entre la plèvre et l'enveloppe propre; 3° enfin à l'hypertrophie de cette enveloppe elle-même. C'est en cherchant, en scrutant les différens états pathologiques de cet organe, avec plus d'attention qu’on ne l’a fait jusqu'à ce jour , que l’on arrivera à des résultats qui confirmeront ou né- gativeront ce que j'avance ici comme probable (1). Revenons : la dissection du poumon du marsouin m’a offert un nouvel exemple du développement de cette enveloppe propre (1) Le poumon de l'ours blanc femelle, (ursus maritimus) qui mourut à la ménagerie du muséum d’histoire naturelle au printemps de 1836, ne paraissait que peu engorgé : les deux cavités du thorax contenaient cependant, une quantité notable (un peu plus d’un litre) de sérosité rougeâtre, assez limpide. Ayant injecté quelques lobes de ce poumon , bronches, artères et veines, je 4 fus surpris que, malgré la finesse de l'injection vasculaire ( l'injection avait été faite avec une solution de gomme arabique colcrée avec du carmin por- phyrisé ) qui revenait par les veines pulmonaires, il me füt impossible de dis- tinguer nettement le lacis vasculaire formé par l’auastomose des artères et des veines, sur les dernières divisions des bronches injectées au mercure. Un espèce de nuage séparait les parties injectées de la plèvre. J’essayai d’en- lever cette dernière; mais à peine en avais-je enlevé un très petit lambeau, qu'un liquide grisâtre se méla à l’eau dans laquelle je disséquais, en assez grande quantité pour me forcer à la changer ; ce que je fus forcé de recom- mencer plusieurs fois, pendant cette dissection; et pendant la préparation du plexus bronchique que j'ai fait sur l’un de ces poumons non injecté. Je dois ajouter que le même liquide purulent( je regrette de ne pas en avoir fait l'examen microscopique ) se trouvait également ‘dans les dernières divisions bronchiques. | 320 SUR L'ENVELOPPE FROPRE que l’on rencontre si bien caractérisée dans l'éléphant, et à un état si rudimentaire chez l’homme et les animaux qui se trou- vent le plus ordinairement sous le scalpel de l’anatomiste, qu'il n’est nullement étonnant que l'on enait non seulement méconnu, mais nié l'existence. C’estce qu'ont fait Winslow, Haller et Bichat; Mais voici un animal, une panthère dont le poumon malade nous fait soupconner , que le poumon de même que le cœur, le foie, le rein, etc., pourrait bien avoir son enveloppe propre : ce n’est en effet d'abord qu'un soupcon; car dans l’état naturel le poumon des chiens et des chats n’offre pour enveloppe propre, qu'une membrane ou plutôt qu'une couche de faisceaux d’ap- parence fibreuse, qui n’est guère plus prononcée que chez l’homme ct les ruminants. L'étude de l'enveloppe du poumon de l'éléphant de Indes, nous ne peut laisser aucun doute sur l'existence d’une enveloppe sous-pleurale ceractérisée par une grande élasticité, par des faisceaux qui rappellent par leur vo- lume ceux de la vessie de l'homme: notre soupcon devient alors presqu’une certitude, Nous examinons ensuite avec attention, le poumon de plusieurs animaux et notamment celui du bison d’A- rique (Buffalo), et après avoir enlevé la plèvre, il nous est facile de suivre, à partir du cœur , une couche fibreuse dont l'épais- seur diminue à mesure qu’elle s'étend sur le poumon. Le pou. mon de l'ours Elanc que nous avons repris et étudié dans le même but, nous a également offert cette couche d'apparence fibreuse , de la manière la plus évidente. Enfin le poumon du marsouin dont j'ai injecté les bronches, les artères, les veines et les lympbatiques dont j'ai pu isoler la plèvre d’abord, ensuite l'enveloppe propre à la surface de laquelle se trouve les lympha- tiques superciels da poumon , plus un réseau vasculaire formé en grande partie par les veines pulmonaires, est venu confirmer ou plutôt faire disparaitre pour moi, toute espèce de doute. Mais, en donnant à cette enveloppe propre du poumon, le nom de membrane fibreuse ou seléreuse, je n'avais pas, je l'a- voue, assez réfléchi aux mouvemens continuels de dilatation DU POUMON. 52 et de contraction de cet organe. Il était cependant tout naturel de se demander si le rôle que joue en général, ce tissu fibreux dans l'organisme pouvait se concilier avec cette distension et cette rétraction qui commencent avec la première inspiration et ne cessent qu'avec le dernier souffle de l'animal. Une heureuse cir- constance m'a donné l'occasion de corriger l'erreur qu’un peu de précipitation m'avait fait commettre. M. le professeur Valentin ayant examiné avec moi, au microscope, le tissu de l'enveloppe propre du poumon de l'éléphant, le reconnut de suite pour du tissu-élastique dont j'ai donné les caractères microscopiques, aussi exactement que M. Jacquemart a pu le faire, dans la fig. 3 de la pl. : de notre premier numéro. Ainsi, je pourrais presque dire que la découverte de l’enveloppe propre du poumon des mammifères m'appartient : car, comme on a pu le voir, Colombo s'était borné à dire que la plèvre était double; et j'ai décrit et figuré le premier, les caractères anatomiques du tissu qui la compose. Mais ayant comparé ce même tissu au tissu fibreux , je lui avais donné un nom qui ne convient ni à sa nature, ri à ses fonctions. Ainsi, à M. Valentin le mérite de m'avoir en cela mis dans le chemin de la vérité. En publiant maintenant ces faits, j'anticipe sur la publication des résultats de mes recherches sur la structure intime du pou- mon qui , j'ose l'espérer, ne se fera pas long-temps attendre. Mais tout homme qui s'occupe un peu de science sent avec quelle vitesse les choses passent et perdent ce que l’on nomme leur actualité. On en est bientôt venu à traiter les objets de science comme les objets de mode; ils n'intéressent plus dès qu'ils ont perdu la fraicheur de la nouveauté; aussi, mu par ces considérations, et puis aussi par la crainte d’être devancé, J'a- jouterai que j'ai encore étudié les fibres longitudinales de la tra- chée-artère et des bronches des mammifères ; les brides qui servent de soutien aux cloisons du poumon des reptiles, et que je les ai également trouvées formées par dutissu élastique. Ces recherches ne font, du reste, que confirmer ce qu’avaient 20ME 1. 23 522 SUR L'ENVELOPPE PROPRE DU POUMON. soupconné et avancé plusieurs anatomistes, en ce qui concerne les fibres longitudinales dé la trachée et des bronches des mam- mifères , et des brides du poumon des reptiles. Si je ne me trempe, la physiologie pathologique , ou plutôt la pathologie comme branche des sciences médicales , trouvera dans l'existence de l'enveloppe élastique du poumon, lexplica- tion de plusieurs états pathologiques; et, sans rien dire de lhy- pertrophie de quelques fausses pseudomembranes dont nous avons déjà parlé , nous sommes persuadé que plusieurs coneré- tions , simulant plus ou moins ce que l’on a nommé des plaques osseuses, trouveront une explication facile dans la connaissance de cette enveloppe et de la nature du tissu qui la compose. Nos recherches sur le siége primitif des lésions de l'appareil respi- ratoire nous conduiront inévitablement à cette question. Nous ne faisons que la soulever aujourd’hui , nous serions heureux de penser que cela pourra donner l'éveil à cette foule de nos jeunes confrères avide de se distinguer ; et qu’il s’en trouvera peut-être quelqu'un qui l'aura complètement résolue avant que nous ne puissions nous-même y revenir. RECHERCHES DE PRINCIPES EN ANATOMIE ET EN PHY- SIOLOGIE COMPARÉES DES RÉGIONS DES ANIMAUX. Par M. LAURENT. S'il est indispensable en zoologie de s’enquérir des formes irrégulières ou régulières des animaux inférieurs, qui sont des individus composés soit fixés au sol, soit flottants etmotiles, on peut jusqu’à un certain point en anatomie et en physiologie to- pographique, négliger ces organismes inférieurs à individualité mulüple. Mais dans la détermination des caractères anatomi- ques et physiologiques des régions des animaux rayonnés et de celles des animaux pairs qui sont des individus isolés, il est indispensable, pour établir des données générales applicables à toute la série de ces êtres , 1° de ramener la forme radiaire à celle d’une sphère et d’avoir égard à la position de la bouche et de l'anus et à la direction de cette bouche soit vers le ciel ou vers le sol, pendant que l'animal se meut, et 2° de transformer la forme sphérique d’un animal rayonné en une ellypsoïde dont les deux extrémités seront, l’une orale eu du côté de la bouche et l'autre anti-orale ou opposée à la première. Ayant ainsi ra- mené la forme d’un animal rayonné à la forme ellypsoïde etsymé- trique d’un animal pair , et bien distingué ses deux extrémités et son axe soit fictif, soit représenté par le tube digestif, on est en mesure d'établir des déterminations qui pourront atteindre au plus haut degré de généralisation gationnelle qu'on puisse obtenir en topographie animale. Il est bien entendu qu’on doit * comprendre dans ces déterminations les animaux dépourvus de, canal digestif, mais à forme paire et ceux pourvus d’un ca- nal digestif dont la forme impaire en apparence et asymétrique peut être facilement ramenée à la forme eliypsoide, symétrique et paire. 324 ._ BECHERCHES DE PRINCIPES Toutes ces précautions étant prises, on peut établir trois sor- tes de régions qui sont les unes fondamentales ou les fonde- ments, les autres connues sous le nom vulgaire de Régions au- quel on pourrait substituer celui de Regments où Régions reg- mentales et troisièmement les Régions segmentales ou les seg- ments. Des fondements. Un premier coup d'œil sur l'organisme animal envisagé 1° à l'extérieur , 2° à l’intérieur à l’aide d’une section transversale ou perpendiculaire à son axe, permet de distinguer les trois régions fondamentales ou fondements qui sont, 1° la masse des parties de l'enveloppe externe ou l’Ectère, 2° la masse des parties de l'enveloppe interne ou / Entère, et 3° la masse des parties qui forment la trame intermédiaire aux deux masses précédentes et celle des rayons ou réseaux qui les pénètrent. Cette troisième masse qui est intime mérite le nom d’Endère. Des regments. À l'aide de la forme générale de l'organisme appréciée seulement à l'extérieur , on le divise en trois régions proprement dites ou Regments qui sont, 1° la région antérieure (proère) subdivisible en extrémité rostrale ou rostre eten tête, 2° la région moyenne ( mésère) qui comprend trois régions se- condaires appelées cou, thorax et abdomen, 5° la région posté- rieure (postère) qui se divise plus où moins nettement en bassin ou pelvis ou postabdomen et en extrémité caudale ou queue. L'ensemble de ces régions appelées rostre, téte, cou, thorax , abdomen, pelvis et queue est généralement désigné sous le nom de tronc qui présente sur les côtés, dans un grand nombre d'espèces animales, des appendices ou membres en nombre variable d’une paire à un nombre au delà de 14 paires. Les régions de ces membres, lorsqu'ils sont les plus complexes, ont été appelées, 1° ceintures ou racines du membre (épaule ou hanche), 2° leviers subdivisés en: a pédicules, (bras et cuis- ses) et b manches, manubria (avant-bras, jambe ), 3° fulcres où appuis ou extrémités des membres (mains ou pieds), qui EN ANATOMIE, 325 sont subdivisibles en carpe ou tarse, métacarpe ou métatarse et en doïgts ou orteils. Dans chacune des régions soit du tronc soit des membres, on admet un côté tergal ou dorsal ou d'extension, un côté ster- nal, ventral ou palmaire ou de flexion, et deux côtés latéraux qui au tronc sont distingués en droit et gauche, et dans les membres en interne ou d’adduction et en externe ou d’abduction. Chaque région tergale, sternale , latérale droite ou gauche, interne ou externe peut offrir, 1° des lignes médianes, d’où la distinction de ces lignes en médio-tergales ou dorsales, médio- sternales ou ventrales et médio-latérales, 2° des lignes transversa- les ou des plis qui servent à la distinction des segments. Il est aussi des régions intermédiaires entre le tronc et les membres, et d’autres qui correspondent aux articulations des diverses parties des membres ; telles sont les régions axillaires (aisselle) , inguinales (aine), du pli du coude, du jarret, du poignet, du coude-pied, des plis ou coudes des doigts. Lorsque les formes naturelles de l’organisme ne se prêtent plus à des localisations ou des circonscriptions encore plus dé- taillées, on a recours à des lignes artificielles pour établir ces régions de 3*ou de 4° ordre ; c’est ainsi qu'on a distingué à la région sternale de l'abdomen de l’homme neuf régions, trois en haut, une moyenne (épigastre), et deux latérales ( hypochon- dres), trois au milieu dont une moyenne (ombilic ), et une sur chaque côté (flanc), et trois en bas, une moyenne ( hypogastre) et une sur chaque côté ( fosse iliaque ). Ces subdivisions au moyen de lignes factices ou des saillies osseuses où musculaires sont surtout très usitées en anatomie chirurgicale et pittoresque On peut les employer avec avantage en anatomie compatée, lors qu'on sait les établir avec art à l'aide des saillies du système sc- lide soit de la peau, soit du squelette interne, soit des muscles, soit enfin à l’aide de tous les caractères extérieurs bien significa- tifs qu'on peut tirer des annexes de la peau, tels que les cui- rasses , les cataphractes , les boucliers, les écailles etc. ete. 526 RÉCHERCHES DE PRINCIPES Ces notions sur toutes les régions de plus en plus bornées qu'on observe dans l'organisme animal étant acquises , on doit procéder à l'étude de toutes leurs modifications ou différences envisagées dans toute la série animale. Cette étude des diffé- rences des régions, qui fournit au zoologiste des caractères ex- térieurs très importants, est facilitée par la résumation préalable des principales formes de l’organisme animal considéré comme un individu simple, que nous avons eu soin d'indiquer ci-des- sus. Ainsi depuis la forme ellypsoïde et symétrique des animaux pairs, qui se rapproche plus ou moins de celle d’un cylindre ou d’un cône simple ou d'un double cône , base à base jusqu'à la forme sphérique non rayonnée ou de plus en plus rayonnante etramifée, en admettant que toutes ces formes principales soient plus ou moins comprimées, ou déprimées, ou polyédrisées , les modifications à constater dans les diverses régions des organis- mes animaux, se réduisent à des différences d’étendue, en rai- son inverse les unes des autres et à des circonscriptions nettes ou abruptes, qui s’amoindrissent et s’effacent progressivement. Les régions des individualités animales composées d’une.par- tie commune et d’une agglomération d'individus simples, doi- vent être établies d’après la situation horizontale, oblique ou ver- ticale et d’après la forme soit plate, soit arrondie , soit arbores- cente des espèces animales fixées au sol, soit d’après la direction du mouvement de translation des espèces flottantes dans un mi- lieu aqueux, en ayant égard à la forme régulière ou irrégulière de ces aggrégations d'individus et à la position des animaux sur la partie commune. Nous ne pouvons et ne devons point ici entrer dans les spé- cialités, ni dans une exposition détaillée de la nomenclature des régions extérieures du tronc et des appendices des animaux ver- tébrés et invertébrés; il nous suffit de faire remarquer que toutes ces nomenclatures spéciales des régions, utiles seulement pour la détermination des espèces, n’ont qu’une valeur secondaire en anatomie et en physiologie générales, EN ANATOMIE. 327 Des segments. Les saillies épineuses des vertébres, et les li- gnes ou plis transverses du corps des insectes , des crustacés et des annélides indiquent à l'extérieur les segments ou les articles dont se compose le corps de ces animaux groupés sous le nom commun d’articules et distingués en articulés intérieurement ou vertébrés, et en articulés extérieurement ou articulés in- vertébrés. À l’aide de ces indices extérieurs des articles ou seg- ments, le zootomiste peut opérer des sections artificielles et ob- tenir des segments isolés les uns des autres. Dans l'analyse de ces segments, on peut établir sur la surface de la tranche, 1° une région centrale ou des parties qui se rapportent à l'axe de l'ani- mal, 2° uneregion circonférentielleou périmétrale représentée par les téguments externes, et 3° une région intermédiaire aux deux précédentes ou diamétrale où l'on observe les couches sous-jacentes à la peau et les rayons nérveux et vasculaires qui naissent de leurs axes respectif et traversent ces couches pour aboutir à la circonférence où à la peau. C'est en faisant l'anatomie topographique d’un certain nombre de segments du corps humain et de l'organisme des oiseaux, des reptiles et des poissons, que nous avons élé conduits à rechercher le plan de construction du système solide ou scléreux de ces animaux, en ayant soin d'envisager ce syslème dans ses rapports avec tous les autres appareils organiques. La topographie ou l'anatomie et la physiologie topographiques des segments des vertébrés, dégagées de toutes les vues à priori proposées de nos jours, nous semblent promettre les résultats les plus positifs si, comme nous avons essayé de le faire, on aborde cette étude en partant de principes certains. MM. Lachat et Audouin, Strauss-Durkein, Mac-Leay et Desmarest ont étudié avecsoin la topographie des segments des animaux articulés où entomozoaires ( BI. ). La segmentation visible à l'extérieur et en dessus dans les oscabrions , n'existe plus au-dessous, ni dans Fintérieur du corps; elle disparait complètement dans tous les mollusques et reparait encore dans la famille*des stelleridés du à 328 RECHERCHES DE PRINCIPES groupe des échinodermes. Il ne faudrait pas confondre Ja seg- mentation véritable ou transversale de l'organisme animal, avec une sorte de segmentation longitudinale qu’on observe à l’exté- rieur du corps des syngnathes, des coffres et des oursins. Ces apparences de segments longitudinaux ont recu le nom d'am- bulacres dans les oursins. Il est très important, en topographie animale et en zoologie, de bien distinguer le véritable segment d’un animal dont l'indi- vidualité est simple d'avec les segments individuels appelés z00- nites par M. Dugés, qui entrent dans la composition d’un ani- mal dont l'individualité est multiple. Cette distinction est utile pour éviter ce genre d'erreurs dans lesquelles on prend les par- ties d’un tout animal à individualité simple ou unique, soit pour un individu simple, soit pour un individu faisant partie d’un tout animal à individualité composée ou multiple. Il est presque inutile de dire que la segmentation verticale d’un animal pair entier et la sous-segmentation artificielle dans tous les sens, ou l’art dessections anatomiques qu’on exécute dans un segment donné, ou pour mettre à découvert les connexions des segments entr’eux et de leurs parties entr’elles, sont de la plus baute importance en anatomie médico-chirurgicale de l’homme et des espèces animales domestiques. Quelque variées que soient les sections artificielles, combinées avec d’autres pro- cédés de l’art des préparations, on peut les réduire à trois, sa- voir : 1° celles qui ont pour but de dévoiler les formes des cou- ches plus ou moins distinctes, ou enchevêtrées les unes dans les autres par des croisements et des entrecroisements; 2° celles qui mettent en évidence la disposition tramulaire ou conglomé- rée des organes, et 3° les sections qui permettent d’observer en même temps, les couches et les éléments organiques tramulaires et conglomérés, situés dans les divers points de l'épaisseur de ces couches. La segmentation doit ètre appliquée non seulement aux diverses régions du tronc des animaux, mais encore aux diver- ses sortes d’appendices , soit membre, soit appendices céphali- EN ANATOMIE. 329 ques ou caudaux, et toujours dans Je but de distinguer sur la tranche de section les parties occupant le centre, celles de la circonférence et celles intermédiaires entre ces deux régions. Il est indispensable de procéder ainsi, si Fon veut faire surgir de la comparaison de la structure interne des appendices toutes les vues générales qui en découlent naturellement. Lorsqu'on compare les régions, soit fondamentales ou les fondements, soit extérieures ou les regments, soit profondes ou intérieures ou les segments dans un même organisme, ilcon- vient de prendre pour types les régions de la partie moyenne du tronc et d'observer la correspondance en raison inverse entre les régions antérieures et les régions postérieures au fur et à mesure qu'on s'éloigne de plus en plus du milieu du tronc. En procédant ainsi on peut constater les divers degrés de compara- bilité depuis l'identité jusqu'a l'antithèse et l’on doit signaler les différences et les contrastes qui se manifestent au sein même des homologies et des analogies vraies qu’il convient de ne ja- mais exagérer. Lorsqu'on vient à comparer ensuite chaque sorte de région dite fondement, regment et segment dans toute la série ani- male, il est important d’être prévenu que la finalité des fonc- tions des divers organes et celle des mœurs d’un animal néces- site les modifications non seulement dans les degrés d’organisa- tion, mais encore des déplacements d'organes et des fusions de deux ou plusieurs régions en une seule,d’où la simplification gra- duelle de la topographie animale.On constate ainsi,qu'’en topogra- phie,ainsi qu’en organographie animale, le principe dominant est toujours la finalité plupiologique interprétée sonvenablement. En terminant ces Prodromes de topographie animale, nous devons faire connaître, que nous avons eu l'avantage de pouvoir joindre aux résultats de nos recherches sur les fondements et les segments, ceux que nous avons dù tirer des considérations présentées par M. de Blainville sur l'anatomie générale des ré- gions, dans son cours de philosophie zoologique à la faculté des sciences de Paris en 1833. PHILOSOPHIE NATURELLE. ESSAI SUR LA DIFFÉRENCE DU DEGRÉ DE CERTITUDE QUE PRÉSENTENT L'IDÉOLOGIE ET LA PHYSIQUE GÉNÉRALE ; ET SUR LES PROCÉDÉS INTELLECTUELS QU'ELLES EXIGENT. SUIVI DE L'EXAMEN DE CETTE QUESTION : La statistique est-elle appliquable aux sciences d'observation , et notamment à la médecine? Analyse critique des deux ouvrages suivants : 1° MÉMOIRE SUR LE CALCUL DES PROBABILITÉS APPLIQUÉ À LA MÉDECINE , lu à l’académie royale de médecine, le 25 avril 1857; par Risueno D’Auanor, professeur de Pathologie et de Thérapeutique générales à la faculté de médecine de Montpellier , ete. chez J. B. Buzuière, 1837. 2 INFLUENCE DE L’ANATOMIE PATHOLOGIQUE SUR LA MÉDECINE DEPUIS Moncacnt susqu'A Nas Jours, par le même auteur. Ouvrage cou- ronné par l'académie royale de médecine dans le concours pour le prix fondé par le baron Portal, inséré dans le:6° vol. des mémoi- res de l’académie royale de médecine , chez J. B. Barcuiëre , 1837. Par A. Bazin. « Toujours l’impatiente curiosité de l’homme a deyancé lobservation ; il aime mieux chercher à deviner les secrets de la nature que de s’efforcer de les approfondir. » VicQ D’Azim, Système anat.; suppl. au disc. prélim, p.cuv. C’est avec intention que nous réunissons ces deux mémoires du même auteur. M. Risueño d'Amador nous était conpu comme un homme d'esprit, maniant assez bien notre langue. Nous avions eu connaissance du rapport extrémement flatteur et honorable que M. le professeur Andral avait lu à l'académie de médecine, sur le mémoire où M. Risueño d'Amador avait traité la question de l'influence de l'anatomie pathologique sur la médecine : et il nous était resté un impatient désir de faire notre profit de la grande érudition qu'il y avait déployée, 4 PHILOSOPHIE NATURELLE. 351 et de la haute philosophie au moyen de laquelle il avait su faire jaillir la vie des archives de la mort. Aussi dès que son mé- moire sur le calcul des probabilités appliqué à la médecine , le dernier en date par la composition, mais le premier par le publication , a été livré au public, nous nous sommes empressé de le lire, persuadé d’avan ce que les plus importantes questions de la philosophie médicale y seraient traitées et résolues. Nous le disons à regret, ce travail n’a nullement répondu à la haute opinion que nous nous étions faite de M. le professeur Risueño d'Amador. Mais nous avons pensé qu'il ne fallait pas le juger seulement sur un travail écrit peut-être un peu à la hâte; sur un travail de polémique, où tous les hommes sont presque toujours autant mis en cause que la science : nous avons donc attendu la publication de son mémoire sur l'influence de l'anatomie pa- thologique , et nous nous en félicitons. En effet, bien qu’il nous semble que ce mémoire laisse beaucoup à désirer; que l’auteur eût pu considérablement contracter l'expression de sa pensée dans plus d’une circonstance ; nous lui savons gré d’avoir essayé de faire comprendre que les différents systèmes exclusifs qui ont prétendu constituer la science, ont au moins le mérite d’avoir plus ou moins bien étudié la valeur de certains faits aux- quels chacun d’eux attachait le plus d'importance ; et que par conséquent , le meilleur système est celui qui, les rejetant tous, prend la vérité partout où il la trouve, Ce système qui est la négation de tous les autres, se nomme ecclectisme ; c’est celui de tous ceux qui ne cherchent que la vérité. Nous devons en- core dire qu'il a manifesté l'intention de traiter cetie question importante en homme qui comprend que l'empirisme peut per- fectionner un art, mais jamais constituer une science. Nous -examinerons ce travail, où nous aurons beaucoup à critiquer, et où nous trouverions à peu près tout ce qu'il nous faudrait pour réfuter les principes émis dans l’autre , s’il nous fallait les chercher quelque part. M. le professeur Risueño a bien senti que la question qu'il avait à traiter était difficile : et l’on peut dire qu'il en à 332 PHILOSOPHIE NATURELLE. également senti toute l'importance; puisqu'il ajoute que sa solution complète exigerait une théorie quelconque, de la certitude de nos connaissances en général. Eh bien! nous le croyons, c’est faute de s’être appuyé sur cette théorie, non pas quelconque, mais réelle de nos connaissances, que M. Risueño a été conduit, selon nous, à la proposition contra- dictoire suivante : La médecine est une science d'observation; mais on ne doit pas tenir compte de l'observation dans la pra- tique de la medecine. Afin de nous faire bien cemprendre de M. le professeur Ri- : sueño et de ceux qui soutiennent avec lui que l'application non-seulement du calcul des probabilités, mais de la statistique, est impossible en médecine ; que cette branche de science n’est susceptible que d’un degré de certitude morale; jetons un coup d’œil rapide sur ce que l’on doit entendre par science ; sur les différentes branches dont elle se compose ; et sur les procédés intellectuels que chacune d'elles exige. Si nous faisons bien sentir ces différences, nous ferons presqu’en même temps saisir en quoi doivent différer les méthodes au moyen desquelles cha- cune d'elles doit se développer , faire de sûrs progrès , et contri- buer ainsi à ceux de la science humaine : et nous aurons ac- quis une mesure qui nous servira à déterminer la valeur des opinions favorables ou contraires à ce que nous croyons être la bonne méthode, la méthode naturelle; et à apprécier ainsi à leur juste valeur, celles que représente M. le professeur Ri- sueño d'Amador. Quel que soit le sujet sur lequel nous veuillons porter un jugement, n'oublions pas qu'il n'y a qu’une science : la con- ception rationnelle de ce qui est. Cette conception, dont la véri- table source se trouve dans notre intelligence, ne peut atteindre l'universalité à laquelle elle aspire, sans une exacte connaissance, ou sans que nous ayons acquis une juste opinion des rapports qui lient entre eux les phénomènes de la matière organisable et organique. Tel est le but vers lequel tend avec plus ou moins PHILOSOPHIE NATURELLE. 333 de constance, par des moyens plus ou moins convenables, notre intelligence. Envisagée sous ce point de vue, l'on peut dire qu'il n'y a point de question qui n'ait sa valeur scientifique ; tandis que hors de là, tout effort, toute recherche ne produit que des résultats négatifs ou des faits dont la valeur reste à déterminer. Il y a dans ce peu de mots une profession de foi philosophi- que tout entière, qui , je le sais bien , ne rencontrera pas l’ap- probation générale. Il y a eu, etil y aura probablement tou- jours des systèmes en philosophie. C’est une conséquence iné- vitable de l’imperfection et de l'inégalité de nos connaissances , suivant les temps, les lieux, et la différence de force intellec- tuelle qui caractérise certains hommes. Mais malgré ces causes perturbatrices, on peut dire que les voies que suit l'intelligence humaine pour arriver au but qu’elle se propose, si variées qu'elles soient en apparence, peuvent se réduire à trois. 1° Celle qui ne conduit qu’à la science de l'absolu , de ce qui ne change pas, qui n'arrive à l'effet que par la cause. Cette voie est celle qu'a indiquée Platon dans le passage suivant : « Par « cela même que tout s’enchaine dans la nature, rien n’empé- « che que notre intelligence, en se souvenant d’une seule idée, « ne puisse retrouver toutes les autres ; ce que l’on nomme la « science ; pourvu toutefois que l’on cherche avec courage et « sans reläche. ( Meno vel de virtute ). 2° Celle qui part de l'effet sensible le plus connu pour re- monter, à l’aide de l'expérience, à ce qu’il y a de moins sensible et de moins connu, au fait le plus général, ou à la cause. C’est la méthode d’Aristote (1). Méthode dont la base ou le critérium repose sur la croyance en une cause universelle , en Dieu; et sur ce fait, que dans la perception de ce qui est et des rapports, l'intelligence humaine agit en vertu de principes ou lois com- munes à toute intelligence. Cette méthode , que je crois avec (1) Hist. animal. lib. I. c. VI. Anal, prior., 11. 23. Analytic. post. 1, 2. Top. , VI. ; De an. 2. * 334 PHISOSOPHIE NATURELLE. son auteur , être la méthode naturelle, c’est-à-dire celle dont s'arrange le mieux l'humanité, nous permet d'étudier tous les phénomènes, de les enchainer de plus en plus , et de remonter autant qu'il est donné de le faire à l'homme, à la source de tous les phénomènes naturels. Tandis que Platon, en plaçant l’intel= ligence humaine au même point que l'intelligence divine, se trouve par cela même forcé de rester dans là causalité , et de ne tenir presqu'aueun compte des effets. On sait ce que cette manière de philosopher a produit : des réveurs à la manière de Platon , qui n’ont pas si bien rêvé que lui. 3° Enfin il est une autre voie, qui n’a ni point de départ, ni but fixe. Ceux qui la parcourent vont à l'aventure : ou plutôt ils errent. La nature est pour eux une divinité folle qui verse la vie en gambadant sans s’enquérir nullement des formes qu’elle lui fait revêtir en la manifestant : et ce qu'il y a de très singu- lier, c’est à suivre la marche de cette déité vagabonde, que con- sacrent leurs veilles ceux qui en sont les inventeurs. Ils sou- tiennent que ce quichange n’est soumis à aucune loide variation; que comme les atômes d’Epicure ou les âmes tendres de l'enfer du Dante , tout ce qui a vie est emporté, culbuté par une bou- rasque éternelle que dirige le hasard. Ils ont mis sur leur temple : "Louey yap oddEv toavèc, AN ahwuebe. { Sophocl. in Ajac. Nous ne savons rien de certain ; nous errons au hasard ; et malgré tout cela, ils veulent faire de la science : ils veulent trouver ce qui est. Or, ce qui est pour eux c’est le xéant. Voilà où conduit la prétention de tout savoir: de n’admettre que ce qui tombe sous nos sens: comme si nous savions quelque chose seulement par nos sens. On le voit encoreici, les deux extrêmes se touchent, en ce qu'ils conduisent également à un résultat négatif. Le juste milieu, la méthode expérimentale , celle qui PHILOSOPHIE NATURELLE. 535 consiste à remonter de l'effet à la cause, et à redescendre en- suite de la cause à l'effet , est ce qu'il y a de plus sûr. Cette mé- thode est aussi la seule qui embrasse tout l’homme ; elle lui per- met de se ressouvenir si l’on veut ; c’est-à-dire de tirer parti des facultés de connaitre inhérentes à son intelligence, en les appli- quant ‘au moyen de ses sens, à l'étude des rapports suivant lesquels les objets changeants de ce monde se modifient ; et de remonter par degrés à la source première de tout savoir: à Dieu : Revenons à notre sujet : chercher la vérité , est un besoin inné de notre intelligence : il nous pousse, il nous tourmente sans cesse : et, à moins que sa misère ou ses passions ne l’aient abruti, force est bien à l'homme de partir, de s’embarquer sur cet océan sans bornes. Mais que souvent il part sans boussole, sans gouvernail et sans voile! s'il revient jamais d’un pareil voyage qu’en rapportera-t-il ? comment nous rendra-t-il compte de ce qu'il aura vu ? Il ne suflit pas de chercher la vérité pour la trouver : c’est une beauté chaste et mystérieuse qui ne se révèle qu'à ceux qui l'aiment, comme elle veut être aimée ; c’està-dire pour elle- même. Jamais elle ne se montra tout entière à celui qui la cher- cha pour lui-même. Il n’est point d’efforts, de privations, de pei- nes , de sacrifices qu’elle n’exige : et celui qui ose prétendre à quelques-unes de ses faveurs doit bien se dire en voyant son temple : Ofgni vilta convien che qui sia morta. DANTE. Autrement pour lui le temple ne s'ouvrira pas ; ou s’il ÿ pé- nètre, la divinité en sera absente. Je n’ignore pas que ces condi- tions sont difliciles à remplir : aussi combien de stériles efforts ! Combien de gens ont fini par croire que la vérité n’était en effet, qu'une fiction, et ont dit avec Faust : 336 PHILOSOPHIE NATURELLE; «Und sehe, dass wir nichts wissen kœnnen! » {(Et je vois que nous ne pouvons rien savoir !) Ce sont ces efforts abortifs qui nous ont valu tous ces faux systèmes qui entravent la marche de notre intelligence, et lui rendent si rude la carrière de la science. De là ce cride l'impuis- sance, ce cri de désespoir : je vois bien que nous ne pouvons rien savoir! Heureux celui qui sait reconnaître que le savoir humain a d’infranchissables limites! qui finit par comprendre que la sté- rilité de ses efforts , son insuccès viennent de ce qu'ila marché sans but, sans méthode; sans s'être demandé à quoi pourrait servir ce qu'il pourrait trouver ou obtenir. Il n’est qu'un seul but que l'ami de la science puisse avouer, c’est le progrès de la science elle-même. La méthode la plus sûre pour arriver à ce but, lui sera tracée et par les lois auxquelles obéit invariablement notre intelligence, et par la nature du sujet de ses recherches : là se trouve la dificulté. En effet, l’on peut dire que la connaissance de la uature du sujet de nos recherches entraine celle de son impor- tance : c’est-à-dire la connaissance du rang qu'il occupe dans la double série de vérités et de problèmes que comprend la science. S'il en est ainsi, que devons-nous penser du peu d'ac- cord qui règne parmi ceux dont les recherches se proposent le même but? Qu'ils comprennent peu la nature et l'importance scientifique de la matière dont ils s'occupent. Une telle réponse surprend : et pourtant que l’on y pense un peu; que l’on se rappelle qu'il ne suffit pas de vouloir pour être en état de faire, et toute surprise cessera. Bien que, comme nous venons de le dire, notre intelligence agisse en vertu de certains principes innés, de certaines condi- tons d’être, il n’en est pas moins vrai que pour se livrer avec succès à la recherche des rapports qui existent entre elle et ce qui ne change pas, entre elle et le monde extérieur, et à celle des rapports existant entre les diffé- PHILOSOPHIE NATURELLE. 337 rentes parties dont se compose ce même monde, elle a besoin de s’y préparer. Eh bien ! nous en sommes persuadé ; c’est l'oubli de cette pré- paration , de cet examen de ses propres forces, et de la manière de les employer, qui répand tant de confusion dans tout ce qu'elle entreprend, et par une conséquence nécessaire, dans les résultats qu’elle obtient. Celui qui entre dansla palestre sans pré- paration aucune ou guidé par un maître inhabile, s'y présente sans grâce, y prodigue au hasard sa vigueur et ses forces, et s'y trouye battu. Il n’y a rien là qui vous étonne : et cependant, il ne s'agit que de quelques mouvements du corps... Comme le corps, l'intelligence est pourvue de tout ce qui lui faut pour agir : mais elle aussi a besoin que l’on dirige ses premiers mou- vements, qu'on lui enseigne la valeurdeses forces et la manière de s’en servir. Le fait-on ?.… pee) L'étude des forces de notre intelligence, de ses rapports avec l'existence absolue et le non-être, constitue une science que l’on peut nommer idéologie, psychologie, philosophie, métaphy- sique , etc. C’est la science de ce qui ne change pas, de ce qui est, de Vabsolu ; la seule science , selon Platon , la seule aussi qu'il ait bien traitée. Il était réservé à son successeur , à Aris- tote, de relever la science de l’autre (du £repov), sur laquelle le disciple de Socrate avait à peine jeté un regard dédaigneux, La principale gloire d’Aristote, est d'avoir créé, pour ainsi dire , l'instrument sans lequel l'étude de ce qui change, se mo- difie , n'offre que résultats nuls: c’est au moyen de l'observation et de l'induction, au moyen de la méthode expérimentale, qu'il a fondé cette branche de science qui embrasse l'étude du monde matériel ; celle des différents états de la matière, en un mot la physique générale. La science humaine se compose donc de deux parties : Tidéologie et la physique. Avant d'essayer de faire bien con- cevoir ce qui distingue ces deux grandes divisions de la science, nous eroyons devoir afärmer que tout homme qui a la préten- M tion d'envisager , n'importe quel ordre de faits, sous un point TOME 1. 2 338 PHILOSOPHIE NATURELLE. de vue scientifique, doit les considérer comme les deux moitiés d’un tout sur lequel on ne sait à peu près rien, tant qu'on n’en possède qu'une partie. Cela pourra paraitre une exagération , surtout à ceux qui confondent Le connaître avec le savoir ; mais dès qu'on x réfléchit , on s'aperçoit que la science humaine doit envisager l’homme sous tous les rapports. Ainsi, nous dironsau spiritualiste qui ne sort pas de la sphère des essences , de l'étre, vous oubliez que l’homme a un corps régi par les lois du monde matériel : et à celui dont les phénomènes matériels ont absorbé l'intelligence , que derrière les phénomènes particuliers , il y en a de généraux ; que ce qui échappe à l'œil du corps est saisi par celui de l'intelligence ; que par conséquent derrière nos sens il Je gpélque LS ne pes général que la sensation qui est tou- jours particulière , individuelle; que la force de comparer, coordonner, généraliser, ne peut par conséquent se trouver dans ce qui. individualise toujours ; donc l'intelligence humaine n’est pas la même chose que ce qui sent; donc la science humaine se compose de l'étude de notre faculté de connaitre, de ses rap- ports avec le monde extérieur , et des rapports des corps entre eux. L'esprit qui n’a point parcouru cette échelle de bas en haut, de haut en bas, oserait-il affirmer qu’il connait la hauteur, et la force de chaeun de ses échelons? Nous le répétons, il n'ya pas deux sciences. Mais notre existence est si courte que nous avons à peine le temps de feuilleter le livre immense que nous offre la nature! Que faire? Apprendre d’abord à y lire; puis s'attacher à en bien comprendre un petit nombre de pages. Mais pour ouvrir ce livre, il faut s’y préparer. Ceci nous ramène aux différents procédés ou méthodes qu’exige chacune des deux grandes divisions de la science que nous venons d'indiquer. Nous ne pouvons nous occuper ici des procédés propres à la science de l'absolu , qu'afin de faire bien concevoir en quoi ils diffèrent de ceux qui devraient toujours étre mis en usage dans les sciences physiques ou d'observation. L'existence absolue , l'être, ce qui ne change pas et ses attributs; tels que la puissance, PHILOSOPRIE NATURELLE. 339 la science , la justice, la bonté, l'amour, le bien et le mal; le MOI humain, ses facultés, ses rapports avec L'ÊTRE, ses de- voirs envers Dieu et l'humanité, ses droits, constituent une vaste science où la synthèse, le syllogisme , la déduction , sont presque toujours mis en œuvre. Et cela se concoit, si l’on veut admettre que dans cette science, ce qu'il y a de plus connu c’est le général, les principes; ce qui est justement le contraire dans les sciences physiques ; où ce qu'il y a de plus connu, ce sont les faits particuliers. Or, un fait particulier ne nous permet de ürer aucune autre conséquence que celle de sa propre existence. Et si nous voulons lui trouver des rapports avec les autres phé- nomènes du monde physique , nous sommes obligés d’enregis- trer tout ce qu'il nous présente de particulier et de commun avec les faits déjà connus , chaque fois qu'il se manifeste. Ce n'est qu'après l'avoir étudié ainsi pendant un temps suflisant pour arriver à constater les variations qu’il pourrait offrir, que nous connaissons véritablement ses conditions d'existence ou sa manière d’être. Ainsi, dans le premier cas, le nécessaire , l'ab- solu est le critérium ; tandis que dans le second le critérium n’a qu'une existence relative, ou plutôt subordonnée: aussi ce n’est que par l'observation , la comparaison et l'induction que lon arrive à quelques faits généraux qui embrassent un plus ou moins grand nombre de phénomènes dont ils sont considérés comme la cause, que l’on arrive à établir, à démontrer un rap- port, un lien, entre les phénomènes si variés que nous offre la nature. Il y a maintenant peu d’esprits qui ne comprennent que les sciences physiques ne se sont développées, et ne peuvent conti- nuer à le faire qu'au moyen de l'observation et de l'induction. On les a même, dans ces derniers temps, caractérisées par le pro- cédé auquel elles doivent leur progression ; on a nommé sciences d'observation, les différentes doctrines ou branches de sciences où la déduction n’est permise qu'après que l’on y a établi des principes au moyen de l'induction, 340 PHILOSOPHIE NATURELLE, Mais que devons-nous entendre par observation ? Sufft-il de voir pour comprendre ? Suflit-il d’avoir bien vu et bien compris une seule fois un fait, pour en induire un fait plus général ? L'histoire des sciences physiques est là qui nous crie non, mille fois non. Il ne devrait donc plus être permis de faire une pa- reille question. Eh bien , non seulement on la fait, mais on y répond afirmativement. Il n’est pas donné à tout le monde de pouvoir trouver la va- leur scientifique des faits dont il s'occupe; mais il est donné à tout homme doué de patience et de persévérance, et surtout de l'amour de la vérité, d'arriver à une connaissance exacte des cir- constances quiaccompagnent la manifestation de ces mêmes faits; d'acquérir une juste opinion de la doctrine qu’ils constituent. Tous ceux qui n’ont pour but que la pratique ne prétendent guère qu'à l'acquisition de cette juste opinion; aussi n'est-ce pas d’une science qu'ils s'occupent, mais bien d’un art. Mais l’art ne se perfectionne véritablement que par la science ; et d’un autre côlé, les sciences d'observation ne sont sûres de leurs pro- grès que quand l'application se trouve d'accord avec la théorie. L'artiste, le praticien observateur, peuvent donc beaucoup con- tribuer au progrès de la science : ils n’ont qu’une chose à faire pour cela, c’est d'observer avec assiduilé, persévérance; d’en- registrer avec une scrupuleuse exactitude,les phénomènes dont ils sont témoins. Pour eux, ils en tireront le parti que nous avons dit; c’est-à-dire qu'après avoir comparé , classé les faits, ils en tireront des conclusions qui leur paraîtront d’autant plus vraies , plus sûres , qu'ils auront plus rigoureusement et plus longuement observé : là où régnait l'obscurité, ils apercevront la lumière , l'ordre succédera à la confusion. En effet, les faits par lesquels la nature se révèle à nous , nous paraissent soumis à des lois d'autant plus variables que nous les avons moins ou mal étudiés. Ainsi, pour acquérir une juste opinion, en astro- nomie, en physique, en chimie, en botanique, en zoologie, il faut s'être mis en état de bien voir tout ce qu'il y a dans les PHILOSOPHIE NATURELLE. 341 faits qui sont du domaine de chacune de ces différentes sciences; il faut tenir compte de ce que l’on observe , et comparer ensuite les résultats de ses observations. On arrive ainsi, à acquérir pour soi des connaïssances solides , et à pouvoir livrer des matériaux qui , entre les mains de l’homme de science, de celui auquel il est donné de généraliser les résultats de l'expérience, pourront contribuer aux progrès de la science. Or, si au moyen de l'observation , de l'expérience, si en en- registrant, en comparant les faits, en les comptant, l'astrono- mie, la physique et la chimie, sont arrivées à mériter l’épithète de sciences exactes ; la phytologie, la zoologie, la biologie , qui sont des sciences où l'observation est indispensable, arriveront- elles à mériter le titre de sciences par d’autres procédés ? Non sans doute. On nous accorde qu'il faut tâcher de bien voir; qu'il faut tenir compte des faits ; mais on nous conteste l'importance du nombre des faits observés. Le nombre n’y fait rien, dit-on, pourvu que l'on soit sûr d’avoir bien vu. Ceci est singulièrement naïf. Et comment le physicien s’assuret-il qu'il a bien vu? Croyez-vous qu'il ait sufh d’une seule observation pour arriver à la connaissance du vraisystème du monde ? Il était connu de- puis long-temps que l’on n’y croyait pas encore. Pythagore avait mis les anciens sur le sentier de la vérité ; Puerbach la retrou- vait vers la fin du 15° siècle ; et Copernic la faisait en tremblant de nouveau connaitre. Tycho-Braché mettait sa raison à la tor- ture pour salisfaire à ses scrupules religieux ; mais la science lui doit d’avoir su ramener Kepler à l'étude des faits : « Argu- « mentum litterarum Brachei hoc erat, uti suspensis specula- « tionibus a priori descendentibus, animam potiùs ad obser- vationes , quas simul offerebat, considerandas adjicerem. « Inque iis primo gradu facto, post demum, ad causas ascen- « derem. » (Mysterium cosmographic : 2° edit.) (V. Maclau- f rin’s account of sir I. Newton's philosophical discoveries, p. 50.) On sait que ce conseil ne fut pas donné en vain. La mé- 342 PHILOSOPHIE NATURELLE. canique céleste doit à Kepler plusieurs de ses plus beaux théo- rèmes. Galilée, cette illustre victime du fanatisme, est-il arrivé à la Cécouverte de toutes les vérités qui rendront à jamais son nom immortel, autrement que par l'observation ? Bacon, à juste ütre, considéré comme le rénovateur de toutes les sciences physiques, ne s’est-il pas également immortalisé pour avoir démontré que, sans l'observation, il n’y avait point de science ? Ce que nous venons de dire de l'astronomie s’applique égale- ment à la physique spéciale, à la chimie et à toutes les sciences naturelles : mais aucune science naturelle ne présente avec tant d’éclatle triomphe de l'analyse et de l'induction sur les théories fondées à priori. En effet, « de toutes les sciences naturelles, « l'astronomie est celle qui nous présente le plus long enchai- « nement de découvertes. Il y a extrêmement loin de la pre- « mière vue du ciel, à la vue générale par laquelle on embrasse « aujourd’hui les états passés et futurs du système du monde. « Pour y parvenir, il a fallu observer les astres pendant un « grand nombre de siècles ; reconnaitre dans leurs apparences, « les mouvements réels de la terre ; s'élever aux lois des mou- « vements planétaires, et de ses lois, au principe de ia pesanteur « universelle ; redescendre enfin de ce principe, à l'explication « de tous les phénomènes célestes, jusque dans leurs moindres « détails. » (Laplace, exposition du système du monde). De quelle patience, de quelle persévérance , de quel amour de la vérité ont du être doués ceux dont les travaux ont rendu l'esprit humain capable d'arriver à de si sublimes résultats ! Combien de fois il leur a fallu revoir , étudier, scruter de nouveau , le même phénomène ! Que d'observations, de détails à enregis- trer ! Mais « si l'homme s'était borné à recueillir des faits, les « sciences ne seraient qu'une nomenclature stérile, et jamais « il n'eût connu les grandes lois de la nature. C’est en com- 2 « parant les faits entre eux , en saisissant leurs rapports, et « en remontant ainsi à des phénomènes de plus en plus éten- dus , qu’il est enfin parvenu à découvrir ces lois toujours ? P PHILOSOPHIE NATURELLE. 343 « empreintes dans leurs effets les plus variés. Alors , la na- « ture en se dèvoilant, lui a montré un petit nombre de causes « donnant naissance à la foule des phénomènes qu'il avait « observés. » (L. 6,p. 47). Je pourrais certainement laisser au savant illustre dont le nom honorera à jamais Ja France, lé soin de démontrer que pour comparer entre eux les faits, pour en saisir les rapports, il n’y a d’autre méthode que celle que nous enseigne le sens commun. Cette méthode consiste à placer sur la même ligne tous les faits qui ont plus d’analogie entre eux qu'ils n’en ont avec telle autre série de faits ; et d’en con- clure un rapport, un caractère commun à tous les faits du même genre. Or, il est certain, évident, que l’on sera d’autant plus sûr d’axoir trouvé un rapport ou un caractère que les faits ulté- rieurs ne viendront pas détruire , que le nombre des faits d’a- près lequel on les aura établis sera plus grand. Les paroles de l’auteur de la mécanique céleste viennent en- core ici prèter leur puissant appuià la faiblesse des nôtres. « Les phénomènes de la nature sont le plus souvent envelop- « pes de tant de circonstances étrangères, un si grand nombre « de causes perturbatrices y mélent leur influence , qu'il est « très-difficile de les reconnaitre. On ne peut y parvenir qu'en « multipliant les observations ou les expériences’, afin que les « effets étrangers venant à se détruire réciproquement , …les « résultats moyens mettent en évidence ces phénomènes et « leurs élénients divers. » (Introduct. à la théorie analytique des probabilités, 3° édit. p. xxrx, ou supplément, p. 3). D'après cela , on serait tenté de croire que ceux qui s’occu- pent sérieusement des sciences d'observation ne songeraient plus qu’à faire tous leurs efforts pour perfectionner la manière “d'observer; afin de renäre les résultats obtenus de plus en plus comparables,et susceptibles de fournir un jour une formule qui exprimerait le degré de confiance qu'ils méritent. Mais non, ce qui a frappé d'abord , ca été les difficultés. De là une foule d'ob- jections. Dans les sciences naturelles, et surtout dans celles qui 344 . PHILOSOPHIE NATURELLE. ont pour but l'étude des corps organisés , les phénomènes , dit- on , sont si nombreux, si variables , qu’il semble impossible de trouver aucune loi dans ces variations. Les médecins tiennent principalement ce langage ; et parmi ceux qui veulent que l’on “observe sans tenir compte du nombre des faits autrement que «pour soi-même, ce sont les plus raisonnables qui s'expriment ainsi: d’autres soutiennent que la science (la médecine) est faite ; qu’elle: n'a qu'à suivre les antécédents pour grandir et ‘arriver à son évolution complète; gu elle n'est susceptible que d'un degré de certitude morale ou philosophique ; que lui ap- Ruen le calcul e’est lui faire faire fausse route ; que le calcul n'a riem à faire avec l'induction logique; etc. Tout cela n’est pas réellement très-clair; mais nous ferons acte de bonne vo- lonté , et nous essayerons de démontrer que les mathématiques, le calcul, forment la chaîne qui unit la philosophie spéculative, la métaphysique , aux sciences d'observation. Cela fait, nous aurons répondu à toutes les objections que l’on a faites contre l'application de. la statistique , du calcul des probabilités, aux sciences où les faits tirés del’observation sont ce que l'unité est aux mathématiques. La métaphysique, la psychologie, ne s'occupent que de l'être, de ce qui existe en soi; de l'être en tant qu ’être, en.tant que cause et principe de tout ce qui advient, de tout ce-qui change ou varie ; tel est le sujet de cette science qui n’admet de termes de comparaison que l'existence et le non-être où l'erreur; le” pluset le moins lui sont inconnus. Une pensée est nécessaire- ment vraie ou fausse : il n’y a point de milieu, point d’approxi- mation : le bien est nécessairement l'opposé du mal, le juste de linjuste , ce qui conserve de ce qui détruit. Dans cette science, à l'aide de nos facultés de connaitre , de distinguer le vrai du aux , l'esprit arrive à un résultat quille satisfait ; son butest atteint ; l'âme se repose et jouit d’une félicité indépendante de tout ce qui n'est ni esprit ni pensée. | L'intelligence qui est parvenue à s’isoler ainsi du monde ma- PHILOSOPRIE NATURELLE. 345 tériel éprouve peut-être autant de difficultés à y redescendre, que la multitude à s’en isoler. Pourquoi ? Il y a là un problème du plus haut intérêt à résoudre. On n'arrive pas toujours, beau- couppeut-être n'arrivent jamais à avoir la conscience de leur moi. Un académicien disait tout récemment qu’il ne croyait qu'au témoignage des sens : en effet, nos sens nous avertissent bien de l'impression des corps extérieurs, d’où résulte, dans le plus grand nombre des cas, un mouvement dans notre âme, qui est très-réel et que nous nommons sensation (1) : jusqu'ici il n'ya point d'erreur possible. Mais si nous voulons porter un juge- ment sur la cause de nos sensations, nous pourrons bien nous tromper; l'erreur vient donc, en apparence, de l'usage de notre intelligence; et en réalité, de ce que nos sens luiont fait un rap- port vague, incomplet. Or, si nous nous trompons souventsur la cause de nos sensations, n'est-il pasévident que cela ne peut venir que de l’ignorance plus ou moins grande où nous pouvons être de la nature, des propriétés , des qualités de l’objet où nous placons la cause extérieure de nos sensations ? Que faisons-nous pour rectifier le jugement erroné que nous avons pu porter? Nous tâchons de nous replacer, autant que possible, dans les mêmes (2) Les corps extérieurs, l’action de nos organes déterminent sur nos sens et sur nos organes eux-mêmes, certaines modifications dont l'intensité varie suivant une foule de circonstances. Dans le langage scientifique et usuel on en a caractérisé trois degrés, qui sont les suivants : 1° si nous n’avons point la conscience de l’action des corps extérieurs ou de nos organes, nous disons qu'il y a excitation organique d’où résulte la vie végétative; 2° quand cette excitation est assez forte pour que nous ayons connaissance d’une modifica- tion opérée dans nos sens, nous éprouvons une sensation ; et ce nom dit assez que la cause de l'émotion éprouvée par l'âme est rapportée à l'organe des sens excité. On nomme irritation toute excitation pénible, externe ou interne; 3° si la sensation est forte et qu’elle fixe notre attention sur sa cause, il y a perception. M. le professeur Gerdy nous paraît avoir étrangement copfondu toutes ces différences. (V. archiv. de méd. , oct. 1837). 346 PHILOSOPHIE NATURELLE. circonstances, afin d’avoir à juger, autant que faire se peut, de nos rapports avec le même phénomène. En un mot, nous ob- servons ; mais observer, c’est, ainsi que nous l'avons déjà dut, tâcher d’arriver à la connaissance de toutes les conditions d’exis- tence d’un phénomène, ou de toutes les causes qui concourent à sa manifestation ; et ces conditions, ces causes, nous serons d'autant plus sûrs d’en connaître un plus grand nombre, que nous nous serons mieux préparés à observer ; que nous l’aurons fait plus souvent et plus long-temps ; et que nous aurons enre- gistré avec plus de soin le résuliat de nos observations. Sans cela, comment pourrions-nous assigner une valeur même ap- proximative aux faits d’où nous voudrions tirer quelques con- clusions ?, Mais je rémarque que dès qu'il s’agit d'observation, l'idée d’un nombre indéterminé se trouve sous ma plume. Comment ässi- gner une valeur à ces plus , à ces moins? Sera-ce au*moyen d’un syllogisme ? De quel principe psychologique m'aiderai-je si je veux déterminer l'influence du pneumo-gastrique sur la double fonction de la respiration et de la digestion ? Quelle-importance attacherait-on aux paroles d’un homme qui assurerait qu'il a ac- quis une certitude morale ou philosophique, que la strychnine exerce une action spéciale sur le système nerveux ? Cela vou- drait-il dire autre chose, sinon qu'il n’a jamais été témoin d’une expérience physiologique ; mais que sans pouvoir dire pourquoi, il eroit, se fondant sur il ne sait quel à priori , que le pneumo- gastrique agit sur les fonctions du poumon et de l'estomac , et que la strychnine produit le tetanos ? J’avoue qu’un pareil lan- gage ne m'inspirerait que peu ou point de confiance. Tandis que j'en accorderais une très-grande à celui qui me dirait : j'ai opéré la section du pneumo-gastrique sur tel et tel animal; j'ai varié cette expérience de toutes les manières; je l'ai répétée dans telle ou telle circonstance , tel nombre de fois ; les résul- tats ont été les mêmes , ou ont différé tant de fois , d’où je con- clus , etc. Ce langage dans la bouche d’un honnête homme, PHILOSOPHIE NATURELLE. 347 aimant la science, me fera partager sa conviction ; tandis que celui qui me parlera de certitude morale en physique , me fera l'effet d’un physicien qui veut prouver l'existence du bien ou du mal au moyen d’un théorème de géométrie. Que résulte-t-il de tout cela ? 1° Que qui dit observation dit expérience ; 2° que l'expérience suppose l'étude attentive , cons- tante, consciencieuse surtout, des faits; 3° qu’elle exige qu'on les enregistre, qu'on les compare, qu'on les classe, qu’on les compte, pour en tirer quelques conséquences qui contribueront d'autant plus au progrès de la science, queles faits d’où on les aura tirées auront été plus exactement recueillis et plus nombreux. Ce sont là les conditions primitives , élémentaires, sans lesquelles les sciences d'observation se trouvent privées du seul lien qui les ‘rattache à la science générale , et ce lien c’est le calcul. Lui seul donne une valeur approximative, appréciable, réelle à tous ces mots vagues dont l’élasticité est sans bornes. 4 Nous savons très-bien que l'application de la statistique à toutes les sciences d'observation présente de grandes difficultés; que l'on peut facilement en abuser; que l'erreur peut encore très-bien , malgré ce moyen , se couvrir du masque d’une appa- rente vérilé: mais ces dificultés, ces défauts, sont communs à …toutes les méthodes; et la statistique offre au moins continuel- lement le moyen de contrôler les erreurs où un petit nombre de faits , ou des faits mal observés auraient pu la conduire. L’idée de compter les faits n’est certes pas nouvelle. Une foule de questions, et nous pourrions dire contradictoirement à quelques savants confrères, dont nous respectons infiniment le caractère et les copgsences , qu'il n’y a pas, dans les sciences d’obser- vation , un fait faisant loi, qui y ait été admis par une étude comparative.Or, pour comparer les faits, il faut les enre- gistrer, les compter. Ce qui induit en erreur, c’est que l’on oublie que si par une circonstance inexplicable que l’on appellera Je hasard , si l'on veut, on tombe sur un phénomène dont les conditions soient faciles à déterminer, et qui, par cela même, 348 PHILOSOPHIE NATURELLE. pourra être renouvelé presqu'à volonté; si, en outre, ce phé- nomène se rattache à quelque chose qui puisse devenir d’un usage général; par exemple, à une substance dont l'introduc- tion dans notre organisme y détermine d'heureuses modifica- tions, on oubliera bientôt que les premières expériences ont été suivies avec attention , comptées; et sans plus s’enquérir du nombre de fois où cette substance aura réussi, on continuera à l'administrer toutes les fois que l’on se croira en présence des symptômes qui en indiquent l'usage. Quand Galilée découvrait ou plutôt prouvait la pesanteur de l'atmosphère, quand Pascal faisait faire des expériences pour démontrer cette vérité, ils tenaient compte du nombre des faits, des expériences ; mais dès que cette vérité a été démontrée pour tout le monde , qui à songé à compter les circonstances où la pesanteur de l'air s’est fait sentir ? Eh bien ! il en est de même des médicaments dont l'action est Ja plus constante, la mieux connue , et par conséquent dont l’u- sage est le plus journalier. Le hasard peut avoir fixé sur eux l'attention ; mais c’est encore par l'observation qu'ils ont acquis le rang qu’ils occupent parmi les moyens thérapeutiques. Est-ce autrement que Priesnitz est arrivé à constater (on l'avait fait long-temps avant lui) les bons effets de l’eau froide contre un grand nombre de maladies? Un accident fixe son attention sur ce moyen , l’occasion de le soumettre à l'expérience se pré- sente, il ne la manque pas. Le succès couronne ses tentatives ; il comptait d’abord ses succès, les comparait , racontait les cas contre lesquels l’eau lui avait réussi. Bientôt il ne compte plus, ne compare plus, et cédant à un faible commun à presque tous les hommes, il croit avoir trouvé le remède universel D: Ja foule qui, quoi qu'elle en dise, est crédule a soif du merveil- leux en toutes choses ; quels que soient d’ailleurs son rang ou sa position sociale , va demander des miracles au paysan du Gacfenberg ; etles hydrosudopathes vont détrôner les homéopa- PHILOSOPHIE NATURELLE. 349 thes (1). S'il est vrai qu'aucune doctrine , qu'aucune opinion vraie ou fausse ne s’est, en général, popularisée , qu’en s'ap- puyant sur des faits , et c’est une concession que nous sommes forcés de faire à nos adversaires, savoir, que les opinions les plus erronées s'appuient aussi en apparence sur l’observation, sur des faits nombreux , réels ou faux ; cela ne prouve-t-il pas de la manière la plus positive que c’est pour notre intelligence, un besoin, une loi, de ne se rendre dans les sciences d’observa- tion qu'a l'autorité des faits? Revenons : nous allions dire qu'une foule de questions qui jusque dans ces derniers temps, ne paraïissaient nullement susceptibles d’être jugées par le cal- cul, l'ont cependant été. Qui eüt osé dire avant les belles recher- ches de MM. Villermé, Quetelet. Guerry, etc., que les actes ré- sultant de la volonté humaine pouvaient se calculer ? Eh bien! les savants que nous venons de nommer, ne l'ont pas seulement pensé et dit, mais ils l'ont prouvé. Du reste, qui oserait de nos jours nier que tout obéit à des lois; et que lhomme, comme le reste des êtres, est non seulement par son corps soumis à celles qui régissent le monde matériel, mais que son intelligence elle-même se détermine d’après certaines règles qu'elle a recues de celui qui a tout fait, qui est? Il est donc vrai de dire avec Pillustre Laplace, « qu’une intelligence qui, « pour un instant donné, connaitrait toutes les forces dont la « nature est animée, et la situation des êtres qui la composent, « si d'ailleurs elle était assez vaste pour soumeltre ces données « à l'analyse, embrasserait dans la même formule, les mouve- « ments des plus grands corps de l'univers et ceux du plus lé- « ger atome : rien ne serait incertain pour elle, et l'avenir (1) L'exagération des vertus de l’eau froide conduira au charlatanisme ; et ce n'est qu'en cela qu'il est permis de comparer l'hydrosudopathie à l'homéopathie qui n’a été ne sera , et ne peut jamais être que du charlata- nisme. (V. Arch. de med. oct. 1837.) 350 PHILOSOPHIE NATURELLE, « comme le passé, serait présent à ses yeux. » Il n’est done pas vrai qu'il n’y ait que les esprits faibles qui aient concu l’idée d'apprécier, au moyen du caleul, les phénomènes si nombreux et si variés que nous présentent les corps vivants; car l'intelli- gence que concoit Laplace est presque l'intelligence diviné elle- même ; c'est le type idéal que toute intelligence humaine doit prendre pour modèle sans pourtant jamais concevoir l’espoir de lui ressembler. La suite au prochain numero, NOUVELLE DOCTRINE DE M. BLANDIN, CHEF DES TRAVAUX ANATOMIQUES DE LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE PARIS, CHIRURGIEN DE L'HÔTEL-DIEU, , SUR L'ÉRYSIPÈLE. NOUVEAU MODE DE TRAITEMENT QUI EN DÉCOULE. (Journal des connaissances medico-chirurgicales. (Juillet 1837). M. Blandin , envisageant J'érysipèle sous le rapport de ses causes , en admet deux espèces : 1° érysipèle par cause interne ou miasmatique ; 2° érysipèle par cause externe ou traumatique. Cette distinction est importante en ce que, dans le premier cas, la maladie doit être considérée comme une réaction éliminatrice de l’organisme contre un miasme, réaction qui par conséquent se fait du centre à la périphérie; tandis que dans le second l’éry- sipèle doit étre considéré comme le résultat d’une cause mor- bide dont l’action se dirige de l'extérieur à l’intérieur : d’où il suit que dans le premier cas la médecine expectante est le meil- leur mode de traitement à suivre, tandis que dans le second, il faut avoir recours à un traïtement énergique. Mais ce traitement, pour être rationnel, doitnécessairement être basé sur le siége anatomique de la maladie: c’est à le déter- miser que M. Blandin s'est appliqué depuis plusieurs années; et depuis deux ans qu'il met en usage letraitement auquelilaété conduit par cette détermination , il ne perd presque plus de malades. : Il y a long-temps que les capillaires ont été considérés comme étant spécialement envahis par l’érysipèle. Ainsi, pour ne pas parler des théories appuyées sur l'error loci, qui se relèvent peu à peu de nos jours , et que l’on nous donne comme des dé- couvertes, on sait que MM. Ribes et Cruveilhier ont considéré cette maladie comme une inflammation des veines capillaires. M. Blandin soutient que son point de départ se trouve dans les radicules lymphatiques de la peau; et appuie cette étiologie 352 NOUVELLE DOCTRINE DE M. BLANDIN. d’un grand nombre d’observations (1). Dance, qui avait dit que rien n’est plus avantageux que d'appliquer des sangsues sur les ganglions lymphatiques de la base de la mâchoire , dans les éry- sipèles de la tête, et M. Chomel qui , depuis long-temps , cOn- sidère la douleur dans les ganglions sous-maxillaires, comme un des symptômes précurseurs les plus invariables de la même ma- ladie , ajoutent à la probabilité de l'opinion de M. Blandin, tant sous le point de vue étiologique que sous celui du trai- tement. C Traitement de M. Blandin. — « Si la lymphite est l’affec- tion préexistante et prédominante ; si après qu'on la détruite il ne reste plus qu’une simple phlegmasie de l'appareil tégumen- taire, c'est à la première de ces deux affections qu’il faut d’abord s'attaquer, et comme c’est vers les ganglions lymphatiques situés plus haut que le mal se propage, c’est là qu'il faut agir. Ce trai- tement est d'autant plus aisé, que chaque ganglion est un point d’arrêt pour le cours de l’inflammation comme pour celui de la lymphe ; et on doit profiter du séjour du fluide enflammé en ce point, pour attaquer par les sangsues, coup sur coup , afin que la lymphe soit débarrassée de toute irritation lorsqu'elle reprendra son cours vers les ganglions viscéraux. » « Si, au contraire, on applique des sangsues sur la surface érysipélateuse, on débilite les malades à pure perte, et c’est ce que la pratique démontre comme la théorie. » « Depuis que M. Blandin emploie sa méthode, il a pu tra- verser une épidémie d’érysipèle où il a eu plus de soixante ma- lades à traiter, sans en perdre un seul. » « IL croit que cette méthode, quoique moins impérieuse- ment réclamée, convient aussi aux érysipèles de cause in- terne. » (1) Voyez un mémoire de M. le professeur Velpeau , inséré dans les archi- ves de médecine , an 1835, n° de juin et juillet. BIBLIOGRAPHIE 353 REchERCHE£ES ANATOMIQUES ET PHYSIOLOGIQUES sur l'organe de l'ouïe et sur l'audition, dans l’h5mme et les animaux vertébrés, par G. BrEs- cuer, membre de l'institut de France, etc., inséré dans les mé- moires de l’Académie de médecine, T. V., et publiées séparément, 1 vol. in-4° , chez J. B. Baillière. 1836. RECHERCHES ANATOMIQUES ET PHYSIOLOGIQUES sur l’organe de l'audition des oiseaux, par le même ; brochure in-8°, avec atlas in, chez le uëme libraire, 18356. Der Ropfteil des vegetativen nervensSyftem beim Menfchen in ana- tomifcher und phyfiologifcher Dinsicdht bearbeitet von D' Fr. Arnolv. Deibelberg u. Leipzig, 1851. 6. X. D. La partie végétative du systè- me nerveux de l'homme, considérée sous le point de vue anatomique et physiologique. ANALYSE critique de ces trois ouvrages, suivie de RECHERCHES SUR LA NÉWROLOGIE BE LA RÉGION CÉPHALIQUE DES OISEAUX ET DE QUELQUES ANIMAUX VERTÉGRÉS, par le D' Bazin. On a bien souvent dit et répété l’Adage «Res, non verba» , surtout à l’occasion des sciences d'observation, et nous, nous disons : Res et Verba. » S'il est vrai, comme on l’avait fait long-temps avant Bacon, que la science puisse être comparée à une pyramide dont les faits bien observés furment les matériaux, on peut dire aussi que le raisonnement est le véritable ciment qui sert non-seulement à les lier, mais à les met- tre à leur place et à leur donner de la solidité. Il est cependant mal- heureusement beaucoup de circonstances où il est permis de s’écrier : « Res, non Verba». Quand l'édifice de la science, presqu'abandonné, eroule d’un côté tandis qu’on l’étaie ou qu’on essaie de l’élever péni- blement de l’autre, il n’arrive que trop souvent que les travailleurs dont on attendaitune pierre, n’apportent que du mortier ou des paroles, Ce ne sont point les ouvrages dont on vient de lire les titres qui nous suggèrent celle derniére réflexion; car les faits y sont non-seulement nombreux , mais accumulés, etle principal défaut que nous ayions à reprocher à M. le Professeur Lreschet, c'est la manière dont il a réuni ceux que contiennent ses deux mémoires. Quant au travaii du Doc- teur Arnold, si riche en érudition, il nonsfournit un exemple de la TOME 1, 25 354 RECHERCHES ANATOMIQUES plus rare application et du plus vif amour de la science : mais d’un autre côté il se rapproche si naturellement de la seconde partie du premier mémoire de M. Breschet, que nous avons cru devoir les réu- nir dans cette analyse. Nommer les objets qui fixent l’attention est le premier besoin qu’é- prouve notre intelligence quand elle veut les étudier. 11 faut qu'Adam nomme les objets à mesure qu’ils se présentent à lui ; il faut qu’il leur attache un signe, sans quoi ils seraient pour lui presque sans existence. La preuve de ce besoïn de notre esprit se trouve dans les noms singu- liers , triviaux , pour ne rien dire de plus , que dans l’enfance de la science on a donnés à plusieurs parties de nos organes. Ils ne rappel- lent pour la plupart, qu’une ressemblance forcée avec des objets, dont la forme ou l’usage sont très-connus; et n'ont par conséquent aucun rapport soit avec les fonctions propres à telle ou telle partie ou à tel organe; et encore moins doit-on y chercher certaines analogies physio- logiques ;, au moyen desquelles les fonctions de certains appareils très- disparates au premier aspect, se trouvent placées sinon de niveau, au moins très-près les uns des autres par l'esprit qui a bien saisi tous les détails et tous les rapports de leur ensemble, Dès qu’on est arrivé là, les anciens noms disparaissent et sont remplacés par un nom scien- tifique ; mais jusque-là le nom trivial doit être conservé. Les deux mémoires de M. Breschet sur l'appareil auditif et sur l’au- dition dans les mammifères et les oiseaux peuvent se diviser de la ma- nière suivante : 1° Partie historique et critique; 2 Description ana- tomique; 3 Partie physiologique. M. le professeur Breschet, disons-le tout d’abord, s’il n’a ajouté que peu de faits nouveaux à ce que l’on savait avant lui sur l’anatomie et la physiologie de l'appareil auditif, a réuni à très-peu d’exceptions près, lout ce qui avait été écrit sur ce sujet jusqu’à ce jour. L’Auteur fait done ici, comme dans la plupart de ses autres mémoires , preuve de nombreuses lectures; et cependant nous trouvons la partie histori- que de son mémoire sur loue des mammifères tout-à-fait négligée. Il a rassemblé un grand nombre de noms et indiqué autant d'ouvrages; mais cela ne nous apprend point en quoi chacun de ces auteurs a con- tribué à faire mieux connaître le sujet en question. Qu'il nous soit permis d'entrer à cel égard dans quelques détails. Aristote a reconnu à l'oreille une partie charnue et cartilagineuse , A Ÿ ET PHYSIOLOGIQUES 355 et une partie osseuse ; ou bien une partie externe et une interne. « In- térieurement, dit-il , elle a la forme d’une conque, et la partie osseuse la plus interne ressemble à l'oreille externe , c’est le dernier récepta- ele du bruit. L’oreille ne sert point à la respiration ; il n’existe point d'ouverture entre l'oreille et l’encéphale ; mais elle communique avec le palais» (Aristotelis de Hist. anim. Lib. 1,C. XI. p. 750.) Galien suivit le nerf auditif jusque dans l’areille interne , et eut par conséquent connaissance du rapport quiexiste entre le cerveau et le labyrinthe, qui avait échappé à Aristote (de nerv. dissect. Lib, de Quinta conjug. uerv.) Il fait un rapprochement entre les nerfs de sens proprement dits, et ceux qui communiquent le mouvement , d’où est résultée la division des nerfs en nerfs mous et en nerfs durs, ou en nerfs sensitifs et en nerfs moteurs. (De usu part. Lib. VIII. €. 5.). Tüv œicünrnptov Ev Exuosov veÜpou detrat ahuxoD- vebpou uèv, te Tor’ Écttv aicloewv dp- Yavoy, uahaxod 22, etc. Nous voyons aussi qu'il avait porté plus loin qu’Aristote l'étude de l'oreille interne ; mais les fonctions qu’il attribue au labyrinthele placent, sous ce rapport, peut-être au-dessous du philo. sophe de Stagyre ; il ne voit dans l'os dur qui le contient , qu’une dé- fense, un abri, et dans la sinuosité de ses canaux, qu'un moyen de diminuer l'influence de l'air froid et des corps extérieurs (1). L'LAN LU nr + À LZ é 2 E] J' w # (1) Tv zpirnv D elrep doc uôvnv ruk eîc dowd}euxv tr mposxT caro uerplav Éruxouplav droypüvros EEeiv, écrodv muxvov xal oxAnpèv mpoleicx Otarirpmou adro Moëaic EME Déxnv haGvpivlou rpoun0oupévn, rod uv Qu- Var, LS ANS er REP ER . 1000 mvebuuroc thv dxparovT Play, fv Ex eic ur’ EvOd popäc Écyev, ex)Ücuu Lara Boayd r@ moxilw 76 xkdcewc, rüv à uv coudruy rüv cuuxpüv Gveigée du puxpoù rhy rpocbokhv. De usu part. corp. humani, hb. vi. G.6 La suite dans un prochair numéro. NOUVEAU SYSKYÈME DE PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE ET DE BOTANIQUE. Par F. V. RASPAIL. 2 vol. in-8 avec un atlas de 60 planches gravées ; CHEZ J. B. BAILLIÈRE. Il y a bientôt six mois que dans un premier article sur le nouveau système de physiologie végétale, nous promettions à nos lecteurs d’ap- profondir et de juger l’œuvre de M. Raspail. Voilà six mois, nous avons passé bien des instants à méditer et à re- lire ce que nous avions lu vingt fois, et pourtant nous n’abordons qu’en tremblant la tâche que nous nous sommes imposée alors. C’est qu’en effet l'ouvrage qui nous occupe échappe aux règles ordi- naires du jugement ; c’est qu'il enferme à lui seul toute la science, la matérialise en quelque sorte, pour en faire une question de personne. Les méthodes nouvelles qu’il enseigne sont celles inventées par l’auteur à l'exclusion de toutes autres. Il commence la science à M. Raspail,et dit à ceux qui lui succèderont: Vous n’irez pas au-delà. Or, c’est là, ce nous semble, un procédé dangereux et vicieux à la fois. Dangereux, car des hommes moins supérieurs que M. Raspail pourraient vouloir limiter, et ils ne trouveraient certainement pas dans leur esprit le moyen de faire oublier leur audace. Vicieux; car la science ne marche point par bonds; elle suit une roule uniforme où chacun la suit plus ou moins heureusement, où l'expérience des moyens employés par leurs devanciers doit indiquer aux néophytes la part que leurs t'avaux doivent avoir dans l'érection du monument commun. Bien loin de croire que l’étude entraîne la rouline, et que l’homme qui lit beaucoup ne devienne que lerépertoire des travaux d'autrui , nous ne saurions trop engager celui qui cherche une route nouvelle à connaître celles qui ont été battues par les autres : procéder autrement, attendre tout du hasard, que M. Raspail appelle la Providence des étudiants, n'est-ce pas s’exposer à perdre le fruit de ses labeurs en recherchant comme neuves des choses déjà connues ct NOUVEAU SYSTÈME DE PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE ET DE BOTANIQUE. 357 en produisant, après de longues et pénibles élucubrations, des observa- tions acquises depuis longtemps à la science. Et lorsque M. Raspail a dit que pour mieux s’instruire il fallait ne rien savoir, a-t-il songé qu'il proposait un nouvel incendie de la bibliothèque d'Alexandrie ? Le jour où la lecture du nouveau système de physiologie nous sug— géra ces pensées, nous devons avouer que nous nous demandâmes s'il convenait d'aider à la publicité d’un pareil écrit en en rendant compte au monde savant. Mais Fimpartialité dont nous nous sommes fait une loi acheva de dissiper nos doutes, et nous pensâmes d’ailleurs qu’un livre où les idées bonnes et mauvaises se coudoient à chaque page d'une manière si singulière, où une proposition saisissante de vérité et d’in- térêt vous arrête à l'instant où un sophisme allait vous faire fermer les pages avec découragement ; nous pensâmes, dis-je, qu’il portait en lui-même le remède au mal qu'on pourrait craindre qu’il fit. Ce livre offre d’ailleurs un attrait tout particulier, celui de Ja forme. Aujourd’hui , bien que tout le monde écrive , écrire bien est te partage du plus petit nombre. Malheureusement les savants placés sous la conviction de l'importance des faits, néghgent trop souvent de re- vêtir leurs travaux d’une forme agréable. Là , peut-être, chercherions- nous la cause de l’indifférence des masses pour les sciences naturelles si attrayantes par elles-mêmes, mais dont la foule ne juge que par des ouvrages hérissés de nomenclatures, farcis de mots grecs et latins qui effarouchent lorcille avant d'arriver jusqu’à l’esprit. Honneur donc à ceux qui, comprenant leur mission , savent en se maintenant à la bau- teur de la science , élever jusqu’à celle-ci les intelligences communes et leur donner accès dans le temple; honneur à ces hommes qui, législa- teurs scientifiques de leur époque, n’ont pas dédaigné de s’en faire les écrivains. Nommer Buffon , Cuvier, c’est rendre notre pensée palpable: citer MM. les professeurs de Blainville et de Mirbel, c'est prouver que cette pensée n'est point un vain désir, une utopie irréalisable aujour- d'hui. à Félicitons M. Raspail d'avoir compris toute l'importance de la forme dans un livre élémentaire dans queïques-unes de ses parties, transcendant dans ses déductions, et dont l’ensemble bien coordonné ne descend nulle part au-dessous de l'intelligence créatrice. Getteforme, ilest vrai, pourrait donner prise à la critique en ce que sa rigidité ma- thématique s'accorde peu avec l’état de la science non pas telle que 358 NOUVEAU SYSTÈME DE PHYSIOLOGIE l’a faite M. Raspail, mais telle qu’elle est réellement. Ainsi, l'obligation de formuler chaque principe en théorème, force l’auteur à poser d’abord ce principe et à développer ensuite les observations qui le justifient et lui servent de corollaire , et nous avouons que peut-être par suite d’une infirmité de notre esprit, cette méthode a en elle-même quelque chose qui choque nos habitudes et qui nuit au fondement de notre conviction, par celte raison seule que notre jugement nous est imposé d'avance non seulement théorème à théorème , mais encore parce que le rejet d’une seule proposition nous force à fermer le livre, puisque ces propositions s’enchaînent et dérivent les unes des autres. Après ces observations générales, c’est à l'analyse que nous aurons recours pour faire connaître le travail qui nous occupe; car, nous le répétons , un pareil ouvrage est trop difficile à juger pour que nous as- sumions sur nous la responsabilité tout entière des réflexions qu'il nous suggère. Sans parler de l'introduction du livre de M. Raspail, sorte de diatribe contre des hommes qui ont le tort d’avoir beaucoup su et d’être nés un peu trop tôt, nous arriverons à la première division de l'ouvrage com- prenant l’organonymie ou nomenclature végétale. Cette partie nous semble pouvoir être citée comme un modéle d’érudition, de convenance et de bon goût, l’auteur en la composant, placé sous l'influence de la méthode linnéenne ,a cherché partout à remplacer la phrase par le mot, et à donner à ce mot la valeur d’une pensée : et, chose dont ‘on ne saurait trop lui savoir gré , ce mot a toujours été simple et acces- sible à toutes les intelligences : loin de faire comme ces hommes qui disent ce qu’ils ne comprennent guères dans une langue qu'ils ne com- prennent pas, M. Raspail n’a changé la nomenclature que pour l’ame- ner à sa forme la plus simple et en évitant autant que possible les ra- dicaux que le grec, qu'ilsait, pouvait lui fournir en grand nombre. Nous ne pouvons résister au plaisir de citerle passage dans lequel il exprime la nécessité de cette simplification. Ce passage peint si bien le mal en indiquant le remède ; il s'adresse à un travers si commun encore de nos jours parmi les savants de second ordre, que l'on ne saurait lui donner une trop grande publicité: « Sans doute il est permis de donner un nom nouveau à une idée qu'aucun autre mot reçu ne saurait rendre; de créer une locution par heureuse combinaison de deux autres; mais la nécessité seule peut YÉGÉTALE ET DE BOTANIQUE. 359 sanctionner ces innovalions; et remplacer une expression reçue par une autre qui n’ajoute rien à l’image; donner un nom à un doute ou à une inconnue, c’est un de ces amusements dont il est temps plus que jamais de faire justice. » Il est une vérité incontestable , c’est que la richesse du vocabu- laire est en raison inverse des progrès de la science; car plus la science avance et plus elle se simplifie; plus on découvre des rapports et plus on s'assure que les éléments des plus nombreuses combinaisons sent en petit nombre; en sorte qu’on peut établir en principe que plus un au- teur crée de mots, et moins il a découvert de choses. Les créations no- miuales ne sont bonnes qu’à cacher la nullité des découvertes, l’im- puissance de l'observation et les plagiats de la compilation. » Les modifications que M. Raspail propose reposent donc toutes sur ces principes, et portent principalement sur les désinences. On lui a reproché, nous le savons, l'hybrédisme de quelques-unes de ses ex- pressions, mais elles sont heureuses, et celte qualité fait facilement ou- blier leur défaut d’homogénéité. La seconde partie offre certainement à l'esprit un intérét immense ; car elle réalise la pensée dominante de M. Raspail; elle le pose en noyateur. En effet, consacrée à l’organogénie, l’auteur commence cette partie par une définition de la filiation des organes qu’il appelle transformation, substituant ce mot à celui de métamorphose, Cette trans- formation peut aller jusqu’à modifier ces organes, non seulement dans leur structure, mais encore dans leur destination. Or, pour le prouver, M. Raspail étudie la riche famille des graminées et nous montrant que l'arête et le pédoncule sont une déviation de la nervure médiane qui manque alors dans la substanec de la paillette , il déclare que les ner- vures végétales étant douées d’une organisation analogue dans toutes les familles, la loi posée relativement aux graminées s’applique à tou- tes les autres classes de végétaux. Si nous nous arrêtions à prouver toute la hardiesse de ce premier théorème, si nous voulions surtout chercher si l'homogénéité d’orga- nisalion dans tout le végétal n’a point été démontrée déjà par plusieurs botanistes et si lemémoire sur le marchantia-polymorpha ne pourrait pas remplacer ce premier théorème dans la plus importante des con- elusions qu’il pose, ce serait renoncer à rendre compte de l'ouvrage et le juger au premier mot. Continuons. 360 NOUVEAU SYSTÈME DE PHYSIOLOGIE Les différents théorèmes de la deuxième partie du livre qui nous oc- cupe ont pour but, en partant du principe posé plus haut, de dé- montrer quel’embryon est exactement organisé comme les articulations soit éaulinaires, soit florales ; que c’est une gemme complète qui prend naissance d’un follicule dévié (périsperme) lequel follicule, dévié prend naissance sur un follicule dévié plus externe (péricarpe),lequel péricarpe part de l'articulation qui enveloppe un autre follicule métamorphosé en appareil staminifère, lequel appareil part de l'articulation qu'enve- loppe le follicule inférieur à lui, et ainsi de suite jusqu’au follicule le . plus. inférieur de l’épillet. D'où M. Raspail tire la conclnsion que l'embryon n’est qu'une sommité de rameau resté emprisonné dans une gemmation indéhiscente dont les follicules finissent par perdretoute communication avec la tige qui les supporte et tombent pour aller puiser dans la terre la sève que leur refuse le rameau maternel et recevoir la fécondation du développement par une cicatrice (le hile) faute de pouvoir la recevoir par la vascularité d’où ils émanaient orgx niquement (le funicule). Le 17° théorème peut être considéré comme le summum de cette partie de l'ouvrage; car il est consacré à démontrer un fait que M. Ras- pail considère comme nouyeau, savoir que l’organe le plus compliqué peut être ramené par la pensée à la structure simple d’une glande, d’une vésicule microscopique, et que réciproquement la plus simple des glandes a par devers elle tous les éléments nécessaires pour s'élever à Ja structure la plus compliquée d’un organe, si elle venait à recevoir V'impulsion de ce développement. Ainsi l'auteur, pour arriver à la dé- monstration de la loi qu’il établit, examine le fruit au moment même de son évolution, et il trouve que ce fruit, ne diffère en rien de l’un des sacs féculents décrits dans ses Eléments de chimie organique d’où il con- clut que si l’ovule à commencé par n'être qu’une cellule, la cellule qui ne devient pas ovule doit conserver tout ce que l’ovule possédaitpendant son état de cellule; donc les cellules qui étaient congénères de l'ovule tiennent comme ui par un hile à la paroi de l’organe maternel, c’est à-dire à la paroi de l'organe du tissu duquel ils émanent, ainsi elles sont distinctes les unes des autres, même alors qu'elles semblent ne former que des mailles d'un tissu, chacune de ces mailles a sa vésieule propre , même alors que pressée par les cellules voisines, elle semble confondre chaque face de ses parois avec la paroi correspondante. VÉGÉTALE ET DE BOTANIQUE. 361, Passant du principe à la démonstration, M. Raspail nous fait voir comment la pensée peut arriver à développer la glande en feuille même composéeet prenant la tige de l’éèmpatiens noli tangere; il change cette théorie en expérience; or, comme le dit l’auteur, quand on à démontré que la molécule organique est susceptible de se subdiviser à l'infini en molécules vésiculaires , ce qui ne peut avoir lieu qu’en ad- mettant que la paroi d’une vésicule se compose de globules qui se tou- chent par six points de leur surface situés surle même plan diamétral et quela paroi de chacun de ces globules secondaires se compose à son tour de globules tertiaires, et âinsi de suite à l'infini, on compren- dra que le simple tégument d’un granule féculent puisse devenir pro- gressivement l’épiderme d’une végétation de cent pieds de haut et de quarante pieds de large,et que le tissu cellulaire microscopique qu'il of- frait à peine à l’œil armé du plus fort grossissement pendant son exis- tence glandulaire soit parvenu à remplir la capacité du gigantesque épiderme. , Maintenant que l’on a vu que toute la plante est un composé de molécules semblables, il faut admettre que l’évolution est l’analogue de la génération, et que l’une est l’œuvre de la fécondation commel’au- tre, c’est-à-dire que de la base au sommet le végétal n’est qu’une série indéfinie de générations moléculaires. A la suite de ces principes développés avec le plus grand soin, M. Raspail annonce lui-même qu'il est arrivé à la partie la plus impor- tante de sa théorie, à celle qui couronne l’œuvre qu’il poursuit depuis longues années et qui doit rendre compte de la végétation tout entière. Ce problème, le voici : . - La cellule génératrice étant donnée avec les trois éléments consti- tuants de son élaboration, avec les trois conditions essentielles de son existence (1° vésicule incolore et absorbante; 22 membrane colorée et élaborante ; 39 spire) trouver dans l’un de ces trois éléments la cause immédiate de la disposition et de la symétrie des organes de chaque es- pèce de plante. Or, la conferve de nos ruisseaux , qui a fourni à l’auteur le type de toute tige articulée, la eonferve va lui démontrer le problème qu'il cherche; en effet, il remarque à l’époque de la fécondation de cette plante qu’elle offre à la surface des entrenœuds encore intègres, des globules rangés en quinconces réguliers; mais on observe que chacun 362 NOUVEAU SYSTÈME DE PHYSIOLOCIE VÉGÉTALE ET DE BOTANIQUE. d’eux est superposé à l’intersection de deux tours de spire, que ces spires sont toujours d’une direction opposée, c’est-à-dire de nom con- traire, on ne trouve pas un seul globule ailleurs. Si le tube de conferve ne renferme qu’une seule spire dans son sein, nul globule ne se montre, que deux, trois spires se développent à la fois dans le même tube, par- tout oùelles se rencontrentil ya globule, partout où elless’accouplent il y a génération rudimentaire, Ainsi la spire est l’élément générateur du développement et de la disposition des organes. Cette théorie, que M. Raspail désigne sous le nom de spiro-vésicu- laire, expliquerait en effet une partre des phénomènes de la végétation; mais l’expérimentation seule pourrait nous permettre de nous pronon- cer sur son universalité, sur son application à chaque organe en parti- culier ; tout ce que nous pouvons dire, s’est que d’autres que l’auteur du nouveau système de physiologie avaient déjà, ce nous semble, at- tribué aux molécules des corps organisés une sorte de polarité qui pro- duisait des attractions et des répulsions plus ou moins utiles aux progrès du développement. Nous nous abstiendrons donc de parler de la deuxième section de cette seconde partie de l’ouvrage, qui est tout entière d'application, et qui, dès-lors, échapperait à la rapidité de l'analyse qui ne peut qu’ef- fleurer en passant les sommités les plus élevées d’un ensemble aussi vaste. k Seulement, qu'il nous soit permis de mettre le blâme à côté de l'éloge et de reprocher à M. Raspail la manière dont il entend la discussion scientifique. Nous voulons parler du passage relatif à l'ouvrage de Purkinjesur les Gbres des cellules des anthères. Certes, Purkinje avait pu se tromper, et son erreur même augmentait le mérite de la décou verte de M. Raspail; mais comparer ce célèbre physiologiste à un ama- teur qui met pour la première fois le nez au microscope, c’est non seu- lement commettre une erreur volontaire pour acérer les trails de sa cri- tique, mais c’est s’aceuser voloutairement d’ignorance cu de déloyauté. M. Raspail ne doit ni ne peut ignorer par quels travaux Purkinje a rendu son nom célèbre dans la science et certes on ne peut pas supposer qu’un tel homme observant avec un instrument qui lui est familier puisse se laisser tromper par les illusions d'optique les plus grossières etconsacre son erreur par un volume in-4, qui resterait comme une {a- che au milieu de ses autres écrits. DA sm NOUVELLES SCIENTIFIQUES. Il n’ya guère qu’un demi-siècle que l’histoire naturelle recevait en- core son principal secours des voyageurs, quels qu’ils fussent; savants ou curieux, observateurs par état ou témoins par accident de quelques- uns des grands spectacles que nous offre la création , leurs relations, leurs rapports étaient accueillis avec avidité , et nul n’aurait osé donner l'histoire d’un animal sans se reporter à ces observations diverses, sou- vent contradictoires, sans les discuter profondément, de maniére à cor- roborer les unes par les autres, et contredire les fables par le nombre des narrations vraisemblables. C’est qu’alors la zoologie n’était point ce qu’elle est aujourd’hui; les méthodes naissaient à peine, l'anatomie comparée n'existait point encore; on se bornait à enregistrer les faits, aussi nombreux que pessible , qui pouvaient faire connaître les mœurs des animaux et à défaut d’autres caractères, ces mœurs les rapprochaient ou les éloignaient les uns des autres. Depuis, toute une révolution s’est opérée dans la science, les mé- thodes ont pris une extension telle qu’on pourrait peut-être reprocher aux savants de donner dans un excès contraire à celui que nous signa- lions plus haut, c’est-à-dire de sacrifier aux caractères zoologiques un peu de l'attention qu’ils devraient accorder aux mœurs des animaux. Il en résulte qu’une espèce d’indifférence s’attache aux hommes qui vontsous des climats étrangers chercher de nouveaux aliments à la cu- riosité des amateurs. Si la modestie ou le manque de savoir-faire les porte à négliger la publication d’une relation pompeuse de leurs voyages et à emboucher eux-mêmes la trompette de leur renommée, ils tom- bent dans l'oubli, ne sont considérés que comme des instruments plus ou moins intelligents, et l’homme de cabinet recueiile fort souvent la gloire qui s’attache au mérite de leurs découvertes. Mais pourquoi nous étonnerions-nous ? ainsi est fait l'esprit humain , il ne s'écarte d’un extrême que pour donner dans un autre ; autrefois on interrogeait les vivants pour classer ledépouilles des morts, aujourd’hui les morts enseignent l’histoire des vivants. 11 faut done reconnaître une certaine logique dans la déconsidération qui poursuit les voyageurs; mais 364 NOUVELLES SCIENTIFIQUES. ectte logique fâcheuse n’excitera pas moins nos plaintes; car au senti- ment de la justice universelle qui veut que chacun soit récompensé se- Jon ses œuvres se joint en nous un sentiment d’amilié. Il existe, il faut que le monde savant l’apprenne, il existe trois jeunes gens ardents, zélés, courageux, qui, depuis douze ans, se sont con- sacrés aux explorations d'histoire naturelle. L’ainé, Jules Verreaux, compagnon de Lalande dans son dernier voyage, apprit avec ce savant modeste et laborieux le rude métier auquel l'amour de la science por- tait les trois frères à se consacrer. La connaissance de Ia topographie d’un pays riche en curiosités, celle de la langue de ce pays et des mœurs de ses habitants engagèrent MM. Verreaux à continuer la tâche commencée par leur oncle , c’est-à-dire , à explorer aussi complètement que possible Afrique méridionale accompagné d'Édouard et Alexis: Jules pénétra donc à plus de 100 lieues dans le nord ; affronta Vari- dité des déserts, le danger des populations sauvages divisées d’intérêts et toujours guerroyantes , el il parvint ainsi à récolter une innombrable quantité d'objets nouveaux et intéressants. Cette riche collection fut rapportée en France par Edouard Ver- reaux , en 1831. Îl pensait trouver au retour ses peines récompensées par l’accucil flatteur des savants ; la fortune lui semblait devoir couron- nerstant d’efforts en lui accordant, ainsi qu’à ses frères, une récompense digne des peines qu'ils s'étaient données. Combien cette illusion fut rapidement détruite ! les peuples marchent plus vite que les savants, la société ne procède pas comme la science par progrès lents et successifs; une révolution prompte mais profonde ve- nait de s’opérer; la société toute aux intérêts matériels mis en danger par les circonstances, resta froide à l’aspect des richesses peu positives que l’on développait devant elle; les savants, atteints de la même froi- deur, firent des offres parcimonieuses équivalant à des refus, Enfin, Edouard Verreaux partit pour rejoindre ses frères, sans avoir même pu, chose assez commune il est vrai, obtenir des sociétés savantes des instructions et quelques instruments propres à rendre plus fructueuxen- core un nouveau voyage dont il caressait le plan même au milieu de ses cruelles déceptions. Qui n’admirerait un tel courage, qui ne s'étonne. rait devant ectte persévérance dans le bien, qui ne recule devaat an- cun sacrifice; car il faut le dire, les frères Verreaux ne reçurent aucun encouragement ; mais comine Bernard Palissy, comme tous les hommes NOUVELLES SCIENTIFIQUES. 365 vraiment amoureux de leur carrière, ils auraient vendu leur dernier meuble pour continuer leur entreprise. Ils le devaient , nous dira-t-on; car les circonstances seules pouvaient expliquer leur non succès : voyons? Six ans se sont écoulés depuis; Edouard et Alexis ont exécuté pen- dant cette période trois voyages nouveaux, l’un à 100 milles, l’autre à 350 milles et le dernier à 500 milles dans l’est du cap Bonne-Espé- rance ; ils ont exploré avec soin les bords de la rivière des Eléphants, recueillant non seulement les dépouilles des animaux, mais étu- diant leurs mœurs et colligeant les notes les plus curieuses. Edouard de son côté, trouvant encore l'horizon trop borné pour son insatiable be- soin d'étude est parti du cap pour explorer Java, Banka, Sumatra, Bornéo , les côtes de la Cochinchine, la Chine, les Philippines et les Moluques,et maintenant il est à Paris. Il y est, ramenant avec lui une collection , un muséum , dont la conservation serait un sujet d’éton- nement si le nombre des objets ne saisissait d’abord l’imagina- tion. Et comment l’œil du curieux ne s’égareraitil point au milieu de ces 785 mammifères d'espèces différentes, de ces 1586 espèces d'oiseaux offrant 4620 variétés , de ces 140 reptiles et poissons parmi lesquels figure le crocodile du cap encore si rare dans les collections. Et comme pour servir d’appendice à toutes ces richesses, on trouve une collection de 285 squelettes appartenant à 209 espèces de mammi- fères et d'oiseaux, dans laquelle on rencontre, outre des variétés d’âge de différents animaux, sujet d’étude si important pour déterminer les espèces , on rencontre, dis-je, une tête de cétacé nouveau, un sque- Jette d’éléphant du cap , un de jeune baleine, un de crocodile du cap, plusieurs d’orycteropes, ete., etc. Jene parlerai pas d’une collection de 16000 insectes, la plus complète et la plus intéressante peut-être qui existe en Europe ; une lettre peu encourageante, pour ne pas dire plus, détermina nos voyageurs à ne point la rapporter en France. La lacune que cette collection laisse dans le muséum, pour lequel elle avait été recueillie, ne sera jamais comblée peut-être, et cela est d'autant plus fâcheux que l'Angleterre a su pro- fiter de la modération qu’apportent nos savants dans la dispensation des deniers de l'état. Enfin , la géologie a aussi de riches dotations dans cet immense en- 366 NOUVELLES SCIENTIFIQUES. semble ; on rencontre une série de roches du pays des Masilik atsi,pays visité pour la première fois par des voyageurs Européens; une autre série des roches de la baie de Natal , des échantillons recucillis dans le voyage d'Edouard dans l’Archipel indien et notamment des fossiles fort intéressants. Que ditaï-je de plus : prétendre énumérer tout ce que contient de remarquable un ensemble aussi prodigieux, ce serait en faire le cata- logue complet; qu’il nous suffise d'ajouter à ce qui précède que la col- lection comprend 36,880 individus divers que dans ce total ne figurent ni les doubles, en fort grand nombre, ni les mollusques et coquilles recueillis par Edouard pour sa éollection parviculière, ni les pièces restées au cap et dont nous parlerons tout-à-l’heure. Maintenant on va croire que le jour de la récompense est arrivé pour nos voyageurs; aujourd’hui, en éffet, ne consacre-t-on point des sommes assez fortes à l’encouragement des sciences, pour que des hommes comme ceux-ci en recueillent leur part. Hélas, hélas, il n’en est rien encore, les récompenses ne s'adressent guère à ceux qui travaillent, elles vont le plus souvent à ceux qui savent explorer dans l'ombre des salons dorés. Pour voir leur nom s'inscrire sur quelques objets placés dans le musée national , il a fallu même que MM. Verreaux cédassent ces objets à un prix qui devient pour eux un sacrifice énorme. Mais sans doute l’estime des savants, leurs éloges paieront tant de peines, réparcront tant d’injustice? Les savants diront que MM. Ver- reaux ne manquent point d’une certaine intelligence; ils diront qu'ils n’ont rien rapporté de nouveau parce que quelques objets porteront un nom bien ou mal donné. On ira peut-être jusqu’à demander comment et pourquoi celte notice leur a été consacrée dans ce journal : Pourquoi, je vais le dire. Si l’on ne veut point admettre que la série de squelettes appartenant à l'énumération qui précède suflise pour don- ner une couleur anatomique aux travaux des trois voyageurs dont nous nous faisons l’avocat auprès du monde savant, d’autres titres ne nous manqueront pas; seulement qu’on nous permette de retourner de quel- ques pas en arrière. Lors du premier retour d'Edouard en France , en 1831, ce naturaliste rapporta une assez grande quantité d'animaux dans l'alcool. Le Muséum refusa d'en faire l'acquisition à moins de con- ditions qui laissaient à la charge du vendeur une partie des frais de | | . | | NOUVELRES SCIENTIFIQUES, 367 transport el l'achat de la liqueur conservatrice. Ces objets négligés fu- rent en grande partie perdus pour la science. Cette fâcheuse expérience n’a point encore découragé nos explorateurs; mais plus circonspects , après avoir recueilli les objets les plus curieux qu’ils ont pu rencontrer, ils les tiennent en réserve au cap, attendant que la science les leur réclame; ils ne veulent point que ceux-là subissent aussi les gé- monies. Cette collection purement anatomique comprend les objets sui vants : 3 fœtus d’orycterope avec son placenta, les intestins des adultes. 1 fœtus de pangolin. Plusieurs d’oryctère du cap 2 fœtus de maorscelides. Des adultes et fœtus de chrysochlores. Id. de grysbok. Id. de Steen-bok. Id. de duiker. Id. d’oryx. Id. de rats. Id. de souris. Chauves-souris. Intestins du papion noir et placenta. Id. d'ouanderou. Jeunes Tanrecs. Mammifères divers et oiseaux. Grande quantité de reptiles et poissons. Mollusques. ê Tels sont les titres qui nous paraissent mériter de faire ouvrir les colonies d’un journal aratomique à l'éloge de jeunes gens que nous craindrions de voir se décourager prématurément; car ils peuvent beaucoup pour la science et beaucoup pour les savants. Croit-on done que ce Jules exilé dès l'enfance n’a point soupiré mille fois après la pa- trie et désiré les embrassements de sa mère? croit-on qu’un intérêt sor- dide vingt fois tronipé , c’est-à-dire autant de fois qu'il a fait parvenir à ja France le fruit de ses labeurs, croit-on, dis-je, que l'intérêt sordide le pourrait soutenir dans sa résolution d’user son corps, et d'imposer silence au cri de la nature pendant aussi long-temps et pour un résul- 565 NOUVELLES SCIENTIFIQUES. tat qui semble lui échapper toujours? croit-on qu’Alexis, séquestré de la société civilisée, vivant parmi les sauvages , exposé aux intempéries, aux fatigues, aux dangers, ait attendu pour se résoudre à ce genre de vie, de connaître le chiffre qu'il plairait à l'Europe d'assigner pour prix de tant de privations ? Non, mille fois non. J'en atteste l’indigna- tion qui saisit leur frère et représentant en France, lorsqu'il lui faut subir l’humiliation d’une discussion mercantile alors que les sentiments généreux ont seuls accès dans son cœur, lorsqu'il ne songe qu’à la gloire de son pays et ne désire que estime dés savants qui contribuent à re- hausser cette gloire. Mais gardons-nous de juger trop vite et trop sé- vèrement. Notre voix bien faible , il est vrai, suflira, nous l’espérons, pour faire ouvrir les yeux à ceux que nous aceusons ici d’indifférence bien plusque d’injustice. Nous pouvons dire déjà qu’un suffrage hono- rable a été accordé à MM.Verreaux par un des hommes les plus capa- bles de juger et d'apprécier leurs efforts, nous voulons parler de M. le professeur de Blainville. Nousavons entendu ce savanbaussi distingué par sa droiture que par son savoir, accorder Îes plus grands éloges aux travaux de nos voyageurs ; espérons que cet exemple, suivi par d’autres hommes aussi haut placés répandra sur le nom auquel ces lignes sont consacreés un peu de la gloire qui s'attache aux grands travaux dignement accomplis, et que nous pourrons affirmer un jour à nos mis quesi la fortune leur a refusé ses faveurs , la gloire et l'estime des savants au moins ne leur ont pas manqué. A. JACQUEMART. QUELQUES OBSERVATIONS SUR L'ANIMAL DE LA SPIRULE, ET SUR L'USAGE DU SIPHON DES COQUILLES POLYTHALAIES, Par M. H. de BLAINVILLE. A peine eut-on observé sur les coquilles vivantes, nommées nautiles chambrés ( Nautilus pompilius, L. ), espèce de si- phon ou de canal que forme la succession des trous prolongés en entonnoir dont les cloisons-constituant les loges ou cham- bres sont percées, que l’on s’occupa presque aussitôt de déter- miner l’usage que pourrait avoir cet appareil, et cela avant même que l’on connüt quelque chose de positif sur l'animal qui habite ces singulières coquilles. Comme l’on avait remarqué aisément que, fort minces et fort légères, elles flottént constam- ment sur le fluide dans lequel on essaie de les plonger, l'on fut de suite porté à penser que cette propriété était évidemment due à ce que les loges formées par les cloisons sont entièrement vides, ou mieux ne contiennent que de l'air ; ce qui diminue . d’autant la pesanteur spécifique de la masse contenue dans la coquille. Et comme le siphon est en connexion intime avec les cloisons, et par suite avec les loges qu’elles forment, on fut porté à penser qu'il ‘entrait pour quelque chose dans la fa- culté supposée avec plus ou moins de raison à l'animal vivant, de pouvoir à volonté plonger dans l’eau à différentes profon- deurs, ou au contraire s'élever et flotter à sa surface, Ainsi l'on crut voir dans la nature quelque chose d’analogue à ce petit appareil de physique dans lequel un corps pourvu à sa partie supérieure d’un flotteur composé d’une bulle pleine d’air, monte ou descend, suivant que le liquide dans lequel il est immergé, change de densité, par la seule ‘application de la main sur le cylindre de verre qui contient le fluide. L'on fut même d’autant plus porté à adopter cette explication, sans trop d'examen, que l’on reconnut de bonne heure l’ana- logie évidente qui existe entre le nautile flambé et les coquilles L. 26 - 8170 SUR LA SPIRULE. fossiles, connues sous le nom d’ammonites, dont la grandeur dépasse quelquefois plusieurs pieds de diamètre, et dont on ne pouvait concevoir le transport par l'animal, sans quelque dispo- sition particulière. Malheureusement, comme cela arrive trop souvent dans les questions d’étiologie en histoire naturelle, on manqua long- temps des deux éléments principaux nécessaires pour la solu- tion du problème, savoir : de l’histoire du fait, analysé sur l’a- nimal vivant, et dé l'analyse des organes ou des instruments, à laide desquels le fait peut avoir lieu. Personne en effet, depuis Rumpf, n’a vu, je ne dis pas observé, un de ces animaux à coquilles cloisonnécs et siphonées pendant la vie, et dans ses circonstances naturelles; et ce n’est que dans ces dernières an- nées, qu'un échantillon mort et conservé dans l'esprit de vin a pu être soumis à l'analyse anatomique; et encore, le seul indi- vidu parvenu en Europe, sur lequel M. Owen a eu le rare bon- heur d'exercer son habile scalpel, avait-il été arraché et privé de sa coquille. Quant à la spirüle, (autre espèce vivante encore de nos jours de cette classe d'animaux si nombreux dans les anciennes mers, ‘au point que leurs dépouilles forment quelquefois des couches entières des terrains secondaires, et si rares aujourd’hui), quoique sa coquille soit comme celle du nautile flambé, connue depuis près de trois siècles, ce n’est que dans le cours de l'an née dernière, que des échantillons plus ou moins incomplets et morts, restes sans doute de la voracité des poissons, nous sont parvenus, grâce aux recherches persévérantes de MM. Le- clancher et Robert, qui les ont recueillis morts et flottants à la surface de la mer atlantique, dans les parages de la côte occi- dentale d’Afrique. Cependant , et malgré le peu d'éléments que nous possédons: pour la résolution du problème de l'usage du siphon des co- quilles cloisonnées, siphonées, on vient encore de proposer une SUR LA SPIRULE. 371 ñouvelle théorie pour expliquer un fait qui est loin d’avoir été suffisamment observé. Sans entrer ici dans des détails historiques qui ne nous conduiraient pas à grand’chose sur les opinions diverses, émi- ses au sujet de l'usage du siphon, chez les coquilles qui en sont pourvues, nous nous bornerons à dire que, suivant les uns, les chambres closes sont alternativement remplies d'air et d’eau, au moyen du siphon, ce qui déterminant une différence dans la pesanteur spécifique de la masse totale, la ferait monter ou des- cendre dans le milieu ambiant à la volonté de l'animal; mais cette explication , déjà assez difficile à concevoir en elle-même, le devient encore bien davantage, lorsqu'on sait que, même souvent dans la coquille morte, il n’y a aucune communication entre le siphon composé de petits entonnoirs serrés et profondé- ment empilés les uns dans les autres, et les cavités ou loges qu'il traverse; et d’ailleurs, quelle force déterminerait ainsi l’é- change des deux fluides ? Suivant d’autres, et dans l’opinion regardée depuis long- temps comme fondée sur l'observation que les chambres ne communiquent pas avec le siphon, ce serait l'entrée et la sortie alternative de l'air et de l'eau dans le siphon seulement, qui donnerait à l'animal la faculté de monter et de descendre dans le fluide où il estimmergé. Mais comme le fait justement observer M. Buckland, il reste à découvrir la source d’où pourrait pro- venir cet air au fond de la mer, et à expliquer de quelle ma- nière l'animal produit ces modifications du tube et de l'air qu'il contient, pour obtenir ces variations dans le degré de profon- deur de l'immersion. Aussi, M. Buckland vient-il de proposer . une nouvelle théorie qui consiste à admettre que, les chambres n'étant jamais remplies que d’un fluide aériforme, le siphon est le seul régulateur à l’aide duquel l'animal détermine sa montée ou sa descente, et cela par le seul déplacement alternatif d’un fluide qu’il suppose passer du siphon membraneux qui double … Jésiphon de la coquille dans le péricarde de l'animal. 372 SUR LA SPIRGLE. Voici au reste comment M. Buckland explique sa pensée dans une note assez longue, placée au bas de la page 329, de l'ouvrage, fort intéressant sous beaucoup de rapports, qu’il vient de publier sous le titre de Geology and mineralogy considered with reference to naturaltheology;iladmet tout d’abord comme prouvé par les recherches anatomiques de M. R. Owen, que l'extrémité antérieure ou l'origine du siphon membraneux s'ouvre dans la cavité du péricarde; puis il regarde sans doute comme également prouvé que le péricarde contient un fluide plus dense que l’eau dans laquelle l'animal est immergé, et sé- crété par des follicules glanduleux , en assez grande quantité pour pouvoir remplir le siphon. Il parait probable à M. Buck- land que ce fluide forme le medium circulatoire d’ajustement, et qu'il régularise l'ascension et la descente de l'animal par son changement de place du péricarde dans le siphon. Quant à ce transport du fluide, voici comme M. Buckland l'explique. Lorsque les bras et le corps sont épanouis, c’est-à- dire sont sortis de la coquille, le fluide reste dans le péricarde, et le siphon est vide et par conséquent affaissé (collapsed), et entouré par les portions d’air qui sont en contact avec lui dans chaque loge. En cet état, la pesanteur spécifique du corps et dela coquille est telle qu’elle détermine l'animal à monter et à rester flottant à la surface de l’eau. | À la moindre alarme, les bras et le corps se contractent et rentrent dans la coquille. Alors, cette rentrée déterminant une pression sur les parois du péricarde, force le fluide qu'il conte- nait à rétrograder dans Je siphon; et le volume de l'animal étant diminué, sans augmentation de celui de la coquille, dans la cavité de laquelle le fluide est repoussé, la pesanteur spécifique de la masse est subitement accrue, et l'animal com- mence à descendre. L’air contenu dans chaque chambre reste sous la compres- sion, aussi long-temps que le siphon continue à étre distendu par le fluide péricardique; puis retournant par son élasticité à SUR LA SPIRULE. 375 son premier état, aussitôt que la pression des bras et du corps cesse d'avoir lieu surle péricarde , il force le fluide à rétrograder dans la cavité de cet organe, et alors la coquille diminuée de pesanteur spécifique, tend à remonter. La place du fluide péricardique est cependant toujours dans le péricarde, si ce n’est lorsqu'il est forcé et retenu dans le si- phon, pendant la contraction des bras et du corps rentrés dans Ja coquille. Lorsqu'ils sont étendus, soit à la surface de l’eau, soit au fond, l’eau doit avoir accès vers les branchies, et le mou- vement du cœur se produira librement dans le péricarde dis- tendu. Celui-ci ne sera en effet privé de son fluide que dans le temps seulement où le corps est rentré, et par conséquent l’ac- cès de l'eau aux branchies est empêché. Nous laisserons aux physiciens qui se sont plus spécialement occupés d'hydrostatique à décider si une aussi petite quan- tité de fluide devrait, par son simple dérangement de place, et portée alternativement d’une poche péricardique dans un canal enroulé verticalement en arrière de la masse viscérale , sufire pour déterminer un mouvement d’ascension ou de des- cente dans un milieu où l'animal est immergé, pour nous occu- per immédiatement du point anatomique et physiologique. Pour accepter cette nouvelle hypothèse, il faut admettre les points suivants, que M. Buckland considère , à ce qu'il parait, comme prouvyés. é .1° La communication du péricarde avec le siphon. 2° L'existence du siphon membraneux creux et à découvert, dans les loges ou dans les intervalles des cloisons. 3° L'existence constante d’un liquide dans le péricarde. 4o La pesanteur spécifique de ce liquide, plus grande que celle de l'eau de mer. 5° La vacuité complète, si ce n’est d’air, des loges ou cham- bres de la coquille. Or, de ces différentes thèses, il n’y a peut-être que la der- nière qui soit complètement hors de doute, et encore devons- 374 SUR LA SPIRULE. nous faire remarquer que M. Bennett, auquel la science doit le Nautile rapporté dernièrement en Europe, et qui en a donné une figure d’après le vivant (medical gazette, t. VIT, p. 729), dit positivement, qu’en ouvrant avec soin la partie de la co- quille qui contient les chambres, on trouva qu’elle était pleine d’eau qui s’échappa aussitôt. Cependant en se rappelant que l'animal apercu par les matelots à la surface de la mer, fut blessé, peut-être dans sa coquille, par les coups de l'instrument employé pour s’en emparer, on peut admettre que l’eau de mer ne pénétra dans les chambres que par quelque ouverture exté- rieure, etainsi admettre comme avérée, leur vacuité. Quant aux autres points, ils ne semblent pas reposer sur des faits constatés par autopsie, Et même, l'individu que M. R. Owen a eu le bonheur d’avoir à sa disposition, était malheureusement dans un état tel, que les rapports de la coquille avec l'animal n’ont pu être étudiés. En effet, il en avait été détaché entièrement, et à peine s'il restait quelques fragments de celle-là, encore adhé- rent à l'endroit de l'insertion musculaire; aussi le siphon charnu avait-il été détaché de celui dela coquille, et il restait libre à l'ex trémité du sac, dans l’étendue d’un pouce delongueurtoutau plus. Cependant les descriptions et les figures de M. Owen, sem- blent mettre hors de doute la communication du péricarde avec le siphon membraneux , s’enfoncant accompagné par une artériole dans le siphon de la coquille ; mais il faut remarquer que la cavité à laquelle M. Owen donne ce nom est une poche à parois non distinctes du manteau, séparée de la cavité bran- chiale par une cloison membraneuse épaisse percée en avant par une paire d’orifices et s’ouvrant en arrière par un troisième orifice médian dans le siphon membraneux. Ainsi, ce peri- carde, s’il communique avec le siphon , communique égale- mentavec la cavité branchiale qui, elle-même, est largement ouverte à l'extérieur à l'aide du siphon branchial, en sorteque, si ce pericarde, que je pense étre plutôt le peritoine, contenait un fluide, comme Le suppose M. Buckland , et qu'une pression, SUR LA SPIRULE, 375 déterminée par la rentrée des bras et de la tête de l'animal dans la coquille vint à agir sur lui, il semble qu’il devrait aussi bien s'échapper dans un sens que dans un autre. Quoi qu'il en soit, je ne puis malheureusement confirmer ni détruire ces doutes, en examinant moi-même la chose sur le Nautile flambé, dont malgré les plus pressantes recommanda- tions je n'ai pu encore me procurer d’exemplaire. Je vais donc tächer d'y suppléer par une analogie assez difficile à con- tester en étudiant la Spirule, animal dont la coquille est égale- ment eloisonnée et siphonée, comme celle du Nautile et qui en effet a été long-temps rangé dans le même genre. Quoique les échantillons que j'ai eus à ma disposition et dont on doit la découverte à M. Leclancher et Robert, ne fussent malheureu- sement pas complets et manquassent tous au moins de la par- tie brachio-céphalique ; plusieurs avaient la partie viscérale ou abdominale en assez bon état de conservation, pour qu'il m’ait été possible de m’assurer d’une manière satisfaisante des rap- ports de l'animal avec sa coquille, et par conséquent, d’en étu- dier le siphon. Dans un mémoire publié, il y a deux ou trois ans dans les nouvelles annales du muséum (T. I. PI. 1° et 2°, 1835), j'ai donné une anatomie détaillée accompagnée de figures soigneu- sement coloriées des coquilles du Nautile flambé et de la Spi- rule. Je n’y reviendrai donc pas, je rappelerai seulement que j'ai mis hors de doute , à ce qu’il me semble, la composition très complexe du siphon de la coquille , que j'ai montré être formé d’une suite de petits entonnoirs s’emboitant plus ou moins les uns dans les autres, de manière quelquefois à former un tout'solide , mais aussi quelquefois ne se touchant pas et alors les intervalles étant remplis par une partie membraneuse encroutée d’une couche calcaire , de telle sorte que, même dans ce dernier cas , la partie charnue provenant de l'animal ne peut jamais être à nu dans les loges qu’elle traverse. J'ai con- clu de cette disposition anatomique que cette particularité d'ap- 376 SUR LA SPIRULE. parence de siphon n'était rien autre chose qu'un mode d’atta- che de l'animal à sa coquille , une sorte d'insertion musculaire par un prolongement tubulaire, ne se continuant probable- ment pas dans toute la longueur du siphon de la coquille. Voyons si mes conjectures étaient fondées en étudiant aujour- d’hui ce que je possède de l'animal dont elle fait partie, c’est-à- dire, je le répète, le tronc dont la tête et les bras ont été ar- rachés. Le corps de l'animal de la Spirule, limité par le manteau , est en forme d’étui alongé, fort régulièrement symétrique , à coupe ovale, un peu comprimé sur les côtés, plus étroit et plus circulaire en avant, plus élevé et plus comprimé en arrière. L’extrémité antérieure présente une ouverture assez régu- lièrementtrilobée, un lobe médian un peu plus large en des- sus et deux latéraux infères, un peu plus aigus et séparés par une fissure médiane en dessous. Cet orifice est constitué par les bords du manteau ou du sac des sépiacés, le collier des si- phonobranches, formant ici un étui considérable dans lequel la tête et ses annexes peuvent rentrer et se mettre complétement à l'abri, un peu comme les limaces sous leur bouclier. La forme trilobée de son ouverture rappelle assez bien ce que l’on sait aujourd'hui de celle de plusieurs ammonites. L’extrémité postérieure du sac ou du manteau renflée et élar- gie verticalement, disposition qui est principalement due, comme nous allons le voir tout à l'heure, à la coquille solide- ment et verticalement enchassée dans le derme, présente tout-à- fait en arrière une sorte d’aplatissement oblique au milieu duquel est un bouton terminal, accompagné à droite et à gauche d’une petite nageoire demi-circulaire attachée par le bord droit et fort semblable à ce qui a lieu dans les sépioles. Ce manteau ou étui, dans sa moitié antérieure au moins, a du reste une structure anatomique qui rappelle tout-à-fait ce qui existe dans les Calmars, c’est-à-dire qu'il est formé : d’une lame ou derme contractile fortépais, et constituant ja partie SUR LA SPIRULE. 377 principale , offrant à sa surface un grand nombre de lacunes formant réseau , d’une couche nacrée sur laquelle est la partie colorée par petites taches, sans doute violacées pendant la vie, comme dansles sépioles, et enfin d’une sorte de vernis ou glacis épidermique; seulement la partie contractile est peut-être en- core plus solide et plus résistante que chez les Calmars. Mais de plus, au lieu de n'être soutenue dans le dos que par une lame cartilagineuse ou calcaire presque droite , elle contient une coquille dont le cône spiral fort alongé , fort régulier, pré- sentant sa base ouverte en avant, s’enroule verticalement en ar- rière et en dessous en tours concentriques mais disjoints ou non contigus ; c’est la coquille. Pas plus que le cartilage des Calmars ou que l'os de la sèche , cette coquille n’est réellement extérieure dans aucun de ses points. Seulement saisie au dos et au ventre dans la circonfé- rence d’un petit espace ovalaire-alongé par la couche dermo- musculaire et comme sertie par elle, elle forme comme hernie, et n’est couverte en ces deux endroits que par les parties super- ficielles de la peau, les couches nacrée et colorée. Quant au reste de la spire, il est contenu dans une lacune sous-dermique , occupant la partie postérieure de la masse viscérale qui en est parfaitement indépendante, en étant séparée par une membrane sous-cutanée, fort mince , mais aussi distincte que dans les sé- piacés. Cette lacune est cependant traversée par une bride éga- lement dermique qui passe d’une paroi à l'autre, à travers la disjonction des tours. Maintenant, ayant d'examiner les rapports de la coquille avec le siphon membraneux provenant de l'animal, voyons un peu comment la masse viscérale est disposée. Assez considérable , surtout à l’époque ou l'appareil générateur est en turgescence , elle occupe tout le fond de la cavité du manteau se prolongeant plus ou moins de chaque côté de la loge sous-dermique qui renferme la coquille, en arrière de l’entonnoir excrétoire situé sous le cou, comme dans les autres sépiacés, et entre les deux 378 SUR LA SPIRULE. branchies situées, l’une à droite et l’autre à gauche dans la cavité du manteau. Cette masse viscérale plus ou moins arrondie et renflée en avant, et en général bifurquée en arrière est entièrement en- veloppée dans un péritoine bien distinct, assez mince, trans- parent et se prolongeant avec les organes de la génération ou dans la bifurcation de l’étui , résultant de la position de la co- quille. En fendant le manteau dans la ligne moyenne, comme l’indi- que la figure que nous publirons dans notre histoire des Mala- cozoaires, on voit : 1° En avant, l’entonnoir fort considérable entiérement fer- mé et s’avançant probablement aussi sous la masse céphalo-bra- chiale, à en juger du moins par l'œil resté à peu près en place. 2° Les branchies, longues, étroites, triangulaires, dirigées de chaque côté la pointe en avant, libres et n’étant retenues que par une bride membraneuse fort lâche , si ce n’est à leur base où se trouve le pédoncule vasculaire. 3°. Vers le milieu de la face inférieure de la masse viscérale, le canal intestinal se terminant par un petit appendice libre, flot- tant, largement ouvert, absolument comme dans les sèches, et accompagne dans toute son étendue entre les deux masses de l'appareil générateur, par le canal de la vessie à encre, conte- nant de la matière noire que j'ai pu faire sortir par un petit ori- fice situé à gauche de l'anus. 4e Les deux parties principales de l'appareil générateur fe- melle, savoir : d’un côté, à droite, un ovaire considérable et de l'autre sans doute un organe de la digestion, formant à eux deux presque toute la face inférieure de la masse, et se prolongeant plus ou moins en arrière de chaque côté de la loge de la coquille. La masse d'œufs faisait saillie un peu au-dessous du faisceau d'attache musculaire de la masse céphalique à la coquille. Ils étaient peu nombreux et très gros, puisqu'ilsavaient un millimè- tre de longueur sur trois quarts de millimètre de largeur. Leur. SUR LA SPIRULE. 379 enveloppe était dure et cassante, elle contenait une matière d’un jaune d’ambre presque solide et qui était sans doute le vitellus; mais je n'ai pu yapercevoir aucunetrace de fœtus, certainement à cause du faible développement auquel ils étaient parvenus. J'ai déjà averti que chez tous les individus que j'ai observés, la masse céphalique et les appendices qui l'accompagnent avaient été arrachés à leur point de jonction avec le corps ; mais sur l’un deux, le moins mutilé , la fin de la gaine musculaire que traverse l’æsophage était restée. Son extrémité antérieure qui va à la tête et aux appendices était tronquée à l'endroit de l'arrachement ; mais la postérieure était assez bien conservée ; on voyait qu’allant en se rétrécissant elle s’attachait à une lame charnue qui tapissait le fond de la première loge de la coquille, en formant une sorte de calotte se continuant par sa circonfé- rence avec l'enveloppe de celle-ci, et donnant, au fond et vers le bord inférieur, naissance à un prolongement tubiforme pé- nétrant et s’attachant dans le siphon de la première cloison, puis se continuant sans autre adhérence, à ce que je suppose, jusqu’à sonorigine vers le sommet de la coquille, dont j'ai pu, en effet, le retirer sans le briser, dans une longueur considéra- ble ; en sorte que l’on peut dire que celle-ci est dans un pro- longement du muscle columellaire ou rétracteur de la tête et de ses appendices, et que le siphon membraneux n’est lui-même qu’une partie de ce muscle. Le manteau de la Spirule, la loge de la coquille et la masse des viscères de la Spirule étant analysés chacune en particulier voyons maintenant leurs rapports. La coquille entièrement libre dans la loge membraneuse der: moïde qui la contient, n’a pas son excavation terminale aug- mentée dans sa profondeur par un rebord membraneux un peu considérable, comme je l'avais supposé dans mon anatomie de cette coquille; elle est seulement tapissée par la calotte mem- braneuse que nous venons de décrire, et à la circonfé- rence de laquelle se termine en avant le faisceau du muscle 350 DE LA SPIRULE. columellaire , et en arrière la membrane sous-dermique qui forme la loge de la coquille. Placée dans le dos de l'animal, cette première loge ne contient nulviscère en tout ou en par- tie, et bien certainement le siphon membraneux n’a de con- nexion qu'avec la calotte charnue, et aucune que ce soit avec la cavité peritonéale à la partie antérieure et inférieure de Ja- quelle j'ai pu aisément reconnaitre le cœur recevant des vais- seaux branchiaux fort longs, à cause dé la position avancée des branchies. è La description exacte, à ce que j'espère, que je viens de don- ner des parties principales du corps de la spirule et surtout de celle qui en forme l'enveloppe tout entière contenant la co- quille, ne me parait pas devoir permettre d’admettre ici la théo- rie proposée par M. Buckland ; mais si elle n’est pas applicable à la Spirule, ne pourrait-elle pas l'être au Nautile dont l’orga- nisation offre en effet des différences assez considérables , non seulement dans les appendices céphaliques, mais même dans l’entonnoir respiratoire fendu dans toute sa longueur, comme le tube branchial des siphobranches, et surtout dans la coquille qui est complétement extérieure et dans la première loge de la- quelle l'animal est logé, et peut se retirer certainement tout en- tier ; c’est ce que je ne puis décider. Toutefois il estassez difficile de concevoir que si le prolongement tubuliforme qui se loge dans le siphon de la coquille de la Spirule n’est pas creux, il le soit dans le Nautile, et que si le péricarde ou le péritoine ne communique pas avec ce prétendu canal dans la Spirule, il y communique dans le Nautile ; et cela d'autant plus, que c'est au moins quelque chose d’insolite que cette espèce de diverticu- lume du pericarde, se continuant ainsi dans toutes les spires jus- qu'ausommet:aussi attendronsnous avec quelqu’impatience que M. R. Owen ait pu éclaircir nos doutes au sujet du Nautile, jusque là nous pouvons au moins dire que la théorie de M. Buckland n’est pas applicable à la Spirule. Aussi en propose- rons-nous une beaucoup plus simple et plus en harmonie avec anima SUR LA SPIRULE. 381 te que nous pouvons voir tous les jours chez les planorbes et les lymnées de nos marais. Admettant comme hors de doute, du moins pour la Spirule , que les loges de sa coquille sont vides ou tout au plus remplies d’un fluide aériforme, ce qui parait prouvé : à priori, puisqu’en effet on neconcevrait pas comment l’eau pourrait y parvenir,les loges étant fermées de toutes parts; et à posteriori, puisqu'elles lesont, mémeséparées de l'animal, ce qui fait constamment flotter ces coquilles à la surface de la mer, et également ou aussi bien, quand elles en font encore partie, comme jai pu m'en assurer sur tous les individus rapportés par M. Leclancher et Robert ; il me semble que la rentrée et la contraction de toute la masse brachio- céphalique dans l'étui formé par le manteau , ainsi que l'appli- cation des nageoires contre ses parois doivent suffire pour, en diminuant notablement le volume de l'animal sans rien changer à sa masse, contrebalancer ou même vaincre la légèreté spécifi- que de l'air contenu dans les loges de la coquille, qui redevien- dra victorieuse, lorsque le volume de l'animal retournerarà sa première disposition par la sortie et l'expansion de sa tête etde ses bras. C’est certainement ainsi que les lymnées et les planor- bes agissent pour descendre au fond de l’eau, car pour remonter à sa surface, ils ne peuvent le faire qu’en rampant le long des corps solides immergés. Quant aux Spirules, l'espèce de vessie natatoire que forment les loges aérifères de leur coquille , peut sans doute les élever à la surface sans effort de leur part ; je serais même porté à penser que la grandeur des loges est pour ainsi dire mésurée instinctivement par l'animal, pour que l'étendue de l'espace vide soit toujours dans un rapport tel avec la masse de l'animal, qu’il s’en suivra toujours sa flottai- son, c’est-à-dire une pesanteur spécifique moindre que celle du milieu ambiant. Cette manière de voir, cette explication du fait, pour le dire en passant, ne démontrerait-elle pas mieux la sagesse du grand Géomètre, que tout ce que l'on a dit à ce sujet ? En effet, pour 382 SUR LA SPIRULE. que l’animal tout en s'accroissant, c’est-à-dire , prenant plus de masse et plus de volume, püt dans un fluide dont la densité ne varie qu'assez peu, conserver la faculté de flotter à la surface, et cela par une simple disposition hydrostatique , sans aucun effort de sa part, il fallait réellement une combinaison fort sin- gulière consistant en ce que l'animal püt se créer une nouvelle bulle d’air, et cela dans une proportion déterminée. Or c’est ce qu’il semble faire en avançant son muscle d'attache d’un seul coup d’uñe quantité pour ainsi dire mesurée, eten limitant en- suite cet espace par une cloison imperméable. Dans cette supposition , là disposition normale de la Spirule serait de flotter constamment à la surface de la mer , comme les Janthines et les physsophores et également par le moyen d’un flotteur aérifère de proportion calculée. Ce serait dans cette po- sition qu’elle exécuterait la plus grande partie de ses fonc- tions et de ses actes; mais pour se soustraire au danger, elle aurait la faculté de changer le rapport du volume à la masse et de plonger plus ou moins, mais peut-être sans Jamais aller au fond. PHILOSOPHIE NATURELLE. SUR LADIFFÉRENCE DU DEGRÉ DE CERTITUDE QUE PRÉSENTENT L'IDÉOLOGIE ET LA PHYSIQUE GÉNÉRALE, ET SUR LES PROCÉDÉS INTELLECTUELS QU'ELLES EXIGENT. SUIVI DE L'EXAMEN DE CETTE QUESTION : La statistique est-elle appliquable aux sciences d'observation , et notamment à la médecine? Analyse critique des ouvrages suivants : 1° MÉMOIRE SUR LE CALCUL DES PROBABILITÉS APPLIQUÉ A LA MÉDECINE ; lu à J’Académié royale de Médecine, le 25 avril 1837; par Risueno D’Amapor, professeur de Pathologie et de Thérapeutique générales à la faculté de médecine de Montpellier , etc. chez J. B. BarLLiERE 1837. 2o INFLUENCE DE L’ANATOMIE PATHOLOGIQUE SUR LA MÉDECINE DEPUIS MorcaGni jusqu’ Nos Jours, par le même auteur. Ouvrage cou- ronné par l’Académie royale de Médecine dans le concours pour le prix fondé par le baron Portal, inseré dans le 6° vol. des mémoires de l’Académie royale de Médecine, thez J.-B. Buzciëre, 1837. Par A. Bazin. « Toujours l’impatiente curiosité de l’homme a devancé l’obsetvation ; fl âime mieux chercher à deviner les secrets de la nature que de s’efforcer de les approfondir. » VicQ D’Azta, Système anat.; suppl. au disc. prélim, p.cLv. 2° Article. Certes , il est sage de ne point tenter l'impossible, et à où nous avons reconnu l’inutilité de nos efforts, il est non seule- ment sage, prudent de se tenir en repos, mais ce serait une folie de persister. Mais lorsqu'il s'agit d'étudier les phénomènes que nous offre cette force encore inconnue en elle-même, la vie dans les êtres auxquels elle fait revêtir certaines formes sus- ceptibles de certaines modifications, avons-nous acquis la preuve que les moyens qui nous ont réussi jusqu’à ce jour, dans les autres branches des sciences physiques , c’est-à-dire l’observa- 384 PHILOSOPHIE NATURELLE. üon , l'étude des faits, leur comparaison, etc. , ne peuvent nous conduire qu'à des résultats illusoires. Nous dirons hardiment que rien “e le démontre. Un des plus puissants arguments des ennemis de la véritable observation , c’est que ceux qui s’ap- puient si hautement sur le nombre des faits, arrivent à des ré- sultats contraires. Mais cela prouve-t-il que la méthode soit mauvaise, ou que les hommes qui veulent s'en servir sont loin d’être d'accord sur la manière de recueillir les faits; sur leur interprétation, et surtout sur les principes qui devraient tou- 1 les guider dans l'étude de l’homme sain ou malade? En supposant le premier cas, comment se fait-il donc que l'on se trouve d'accord sur une foule de résultats dépendants de causes tout aussi variables dans leur action que l’est la force vitale? Que l’on soit même d'accord sur plusieurs résultats dus à l’ac- tion de cette dernière, et qu'il n’y ait pour ainsi dire que ceux qui sont le plus intéressés à bien étudier les phénomènes vitaux, qui ne puissent s'entendre ? Ainsi, on connaiten France, 'en Angleterre, en Prusse , en Belgique, etc., la durée moyenne de la vie; on sait aussi, terme moyen, combien d’années un individu a à vivre à tel ou tel âge; on connait le nombre des naissances annuelles ; on sait même comment elles se répartissent par saisons, par mois. Il en est de même des morts, des ma- riages, de la fécondité; MM. Villermé et Parent-Duchatelet, cet ardent ami de la vérité et de ses semblables, ont calculé l'influence des professions , du degré d’aisance, sur la longueur de la vie; le développement de la taille, du poids, de la force, etc. , de l’homme , ont été également calculés. Ainsi, des hom- més consciencieux , patients et ardents à persévérer dans la re- cherche de la vérité, sont arrivés en soumettant au calcul le plus simple les faits fournis par l'observation , à des résultats dont plusieurs sont tout à fait inattaquables : et ces résultats sont l'expression des limites de variation de la force vitale dans les cas que nous venons d'indiquer. Il y a plus, la volonté de l'homme elle-même, toute capricieuse qu’elle paraisse, semble cependant PHILOSOPHIE NATURELLE. 385 suivre des lois dont la régularité est frappante et même ef- frayante. Il s’agit des crimes dont on peut, à coup sûr , accuser annuellement notre société francaise! « Ceite constance avec » laquelle les mêmes crimes se reproduisent annuellement dans » le même ordre et attirent les mêmes peines dans les mêmes » proportions, dit le savant M. A. Quetelet (Voyez, sur » l'homme et sur le développement de ses facultés ; ou essai de » physique sociale ; par À. Quetelet, secréL. perpétuel de l’aca- » démie des sciences de Bruxelles, Paris, Bachelier , 1835), » est un des faits les plus curieux que nous apprennent les sta- » tistiques des tribunaux ; je me suis particulièrement attaché » à la mettre en évidence dans mes écrits ; je n’ai cessé de répé- » ter chaque année : 11 est un budget qu'on paie avec une ré- » gularilé effrayante , c’est celui des prisons, des bagnes et » des échafauds; c'est celui-là surtout qu'il faudrait s'attacher » à réduire ; et, chaque année, les nombres sont venus confir- » mer mes prévisions, à tel point, que j’aurais pu dire , peut- » être avec plus d’exactitude : 2 est un tribut que l'homme » acquitte avec plus de régularité que celui qu'il doit à la » nature ou au trésor de l'état , c'est celui qu'il païe au crime! » Triste condition de l'espèce humaine! Nous pouvons énu- » mérer d'avance combien d'individus souilleront leurs mains » du sang de leurs semblables , combien seront faussaires, com- » bien empoisonneurs, à peu près comme on peut énumérer » d’avance les naissances et les décès qui doivent avoir lieu. » On le voit, l'observation, l'enregistrement des faits, leur com- paraison au moyen du caleul conduisent non seulement dans l'é- tude des phénomènes soumis à la force vitale, mais dans celle de ceux qui dépendent de la volonté , à des inductions qui per- mettent de prévoir ce qui adviendra dans l’état.actuel de notre civilisation. Ce n’est donc pas à la méthode qu’il faut s’en pren- dre , sielle conduit à des résultats contradictoires, mais bien à ceux qui l'appliquent. D'ou vient cela ? Comment se fait-il que l'on soit arrivé à la prévision d’un grand nombre de faits dépen- ll : 27 386 PHILOSOPHIE NATURELLE. dants de la volonté, tandis que l’on soutient qu’il est tout à fait impossible de rien faire de semblable à l'égard de ceux dont la vie et les autres forces du monde physique sont causes ? Es- sayons de répondre à cette question. Les légistes ont un principe qui domine la science du droit, des devoirs, ou de la déontologie. Tout ce qui tend à la con- servation de l'espèce humaine est bien, juste; le contraire est mal, par conséquent injuste. Les temps et leslieux ont pu rendre la justice humaine quelquefois peu d'accord avec ce principe ; mais il n’en reste pas moins là comme l’expression expérimen- tale d’une conception plus élevée qui sert de mesure commune à toute action, etc. Quelque chose de semblable existe-t-il en médecine ? A-t-on même essayé de donner une base scientifi- que à la médecine ? On me répond qu'elie est toute dans l’ob- servation. Mais quand on dit que la médecine est toute dans l'observation, on avance 1° que la médecine existe ; 2e que la médeciné consiste à observer. Mais on ne dit point ce que c’est que la médecine, Hippocrate nous dit que la médecine est un art. « La médecine, dit-il, est certainemen le plus noble des arts; mais à cause de l'ignorance de ceux qui l'exercent, et de la témérité avec laquelle on les juge, elle passe pour le dernier de tous. » (Hippocrat. lex), et plus loin (de arte). Il nous donne de cet ar! la définition suivante : « Je précisérai d’abord » ce ue j'entends par médecine : c’est ce qui délivre entière- » ment les malades de leurs maladies , et ce qui peut diminuer » ou affaiblir la force du mal. » Dans cette définition du père de la médecine, nous apprenons quel est le but que l'art médi- cal se propose ; mais elle ne nous dit rien de la science sur la- quelle s’appuie cet art. Cependant Hippocrate-sait faire la dif- férence de l'opinion ét de la science ; car, suivant lui, la pre- mière conduit à l'ignorance, tandis que l’autre sert de base au savoir. Il serait inutile d’aller chercher dans les auteurs les différen- tes définitions qu’ils ont pu donner de la médecine. On peut PHILOSOPHIE NATURELLE. 387 dire que, considérée comme doctrine , elle enseigne à prolon ger l'existence ou la vie individuelle. Le médecin est done sup posé connaitre, autant que possible, les lois qui président à l'entretien, concourent à l'harmonie de l’ensemble des phéno- mènes d'ou résulte l'existence, ou la manifestation dans l'es- pace d’un certain nombre de formes matérielles capables de se reproduire , et par conséquent de se manifester dans le temps aussi bien que dans l'espace. Je me sers du mot exis- tence, qui signifie Le fait de vivre ; c'est un effet dont la cause ou les causes sont à trouver. Maintenant les lois capables de modifier les phénomènes que nous présentent les êtres organi- sés, sont, l'intelligence exceptée, les mêmes que celles qui régis- sent le monde matériel : le médecin sera donc psychologiste, physicien et chimiste. Mais pour modifier les phénomènes de la vie, les forces physiques ou chimiques agissent sur les orga- nes dont le jeu ou les fonctions servent à l'entretien de ces mé- mes phénon:ènes ; le médecin sera donc anatomiste et physiolo- giste. Tant que nos organes sont en bon état, leurs fonctions continuent , et par suite l'existence ; mais s’il survient un déran- gementquelconque , même très-minime , dans la disposition où Varrangement des molécules ou des globules qui entrent dans leur composition, il en pourra résulter de grands désordres fonctionnels qui, en retentissant sur les fonctions de tel ou tel appareil ou organe, pourront compromettre l'existence et faire rentrer les éléments constituants de l'individu , sous l'empire de la vie universelle ou de l’ensemble des lois qui régissent la matière organisable ; le médecin connaitra donc non seule- ment les appareils, les organes, leurs rapports, ete.,et la structure intime de chacun d’eux , mais les lésions des tissus que les dé- sordres fonctionnels et organiques y auront laissés ne pourront échapper à son regard scrutateur ; car sans cela, il ne pour- rait déterminer au moyen de la physiologie, l'influence que telle ou telle lésion a pu exercer sur telle ou telle fonction ou sur l’ensemble des fonctions : c’est-à-dire qu’il ignorerait la patholo- 388 PHILOSOPHIE NATURELLE: gie dont la connaissance lui est indispensable , tant pour l’inter- prétation des phénomènes morbides que pour la connaissance de la maladie , et l'éclaircissement d’une foule de questions phy- siologiques et anatomiques. Car, il est vrai de dire que daus toute science, un fait ne produit jamais une lumière véritable, si elle n’éclaire plus ou moins l’ensemble des faits dont elle se compose. Être capable de rattacher les phénomènes morbides à telle ou telle lésion de fonctions, pouvoir déterminer la lésion orga- nique qui l’entretient,et prévoir celles qu’elle pourra occasionner, c’est beaucoup; mais c’est loin d’être assez. Le défaut d’équili- bre entre les fonctions de nos différents appareils, finit sou- vent après un certain nombre de réactions, par se rétablir de lui-même, mais souvent aussi il ne fait qu'augmenter. C'est alors que le physicien, le chimiste, l'anatomiste, le physiolo- giste, doit devenir médecin ; il a jugé que son intervention est nécessaire : mais que fera-t-il pour intervenir ? Ah! c'est alors que le médecin sent tout toute sa faiblesse. C’est alors qu'il sent avec Bichat que la médecine n’est qu'un » incohérent assemblage d'opinions elles-mémes incohéren- » Les, qu'elle est peut-étre (il n’y a pas de peut-être ) de toutes » Les sciences physiologiques celle où se peignent le mieux les » travers de l'esprit humain : que dis-je, ce n'est point une » science pour un esprit méthodique, c’est un ensemble in- » forme d'idées inexactes , d'observations souvent puériles , de » moyens illusoires , de formules aussi bizarrement conçues » que fastidieusement assemblées. On dit que la pratique de » la médecine est rebutante; je dis plus, elle n’est pas, sous » certains rapports, celle d'un homme raisonnable , quand on » en puise les principes dans la plupart de nos matières mé- » dicales ! » En effet, sur quoi sont basés la plupart des moyens mis en usage pour modifier les fonctions de nos organes? Par quelles expériences est-on arrivé à induire un rapport entre les propriétés du moyen thérapeutique et celles des organes sur PHILOSOPHIE NATURELLE. 389 lesquels il doitagir ? (1) On est tellement loin de savoir répondre à une foule de pareilles questions , que beaucoup, la plupart des médecins soutiennent sérieusement qu'il ne faut pas s’en occu- per ! Aussi soutenons-nous, disons-nous hautement qu’excepté quelques agents thérapeutiques dont le mode d’agir se comprend de celui qui possède quelques connaissances physiologiques, tout est à refaire en thérapeutique , et qu'il n’y a d'autre moyen de l’asseoir sur des bases rationnelles que celui que les physi- ciens, les chimistes ont suivi : c’est-à-dire qu'il faut, après s’y être convenablement préparé, observer long-temps, enregistrer très- scrupuleusement les résultats de l'observation, les classer, Jes compter , et ne songer à en tirer de règles que lorsqu'ils seront très-nombreux. C'est à que les expériences sur les animaux dont les conditions d’existence se rapprochent le plus de celles de l'homme ; pourront devenir d’une grande utilité, en nous sau- vant une foule de tätonnements. Airsi , il est évident que toute substance mise en contact avec nos organes les modifie et en est modifiée ; et que ces modifications trouvent leur explication, les unes dans la physique ou la chimie , les autres dans la physiolo- gie proprement dite. Eh bien! rien n’empéche d’arriver, au moyen d'expériences bien faites,à reconnaitre sur les animaux, l'influence que sont capables d'exercer sur les organes, les appa- reils et leurs fonctions, et sur les tissus qui les composent, la plupart des substances dont on se sert pour agir sur l'homme malade. Les résuliats de ces expériences ne nous permettraient pas de conclure toujours directement de l’un à l’autre ; mais ils (x) Subjectum istud medicinæ (corpus nimirum bumanum) ex omnibus quæ natura procreavit, maxime est capax remedii ; sed vicissim tllud re- medium maxime est obnoxium errori. Eadem namque subjecti subtilitas et varietas, ut magnam medendi facultatem præbet, sic magnam aberrandi facilitatem. Quocirca quemadmodum ars ista (præsertèm quo nunc habetur modo) inter præcipue conjecturales; ita inquisitio ejus reponenda est inter summe arduas, et accuratas. (De augw. scient. , Lib. IV, c. IL,p. 103, Baconi op. om, Francoforti. 1665). 390 PHILOSOPHIE NATURELLE. seraient des indices qui nous permettraient souvent d'arriver plus vite au but cherché. Je sais que quelques recherches de ce genre ont été faites; et c’est justement parce que la science a été véritablement avancée par celles qui ont été dirigées par des hommes capables d’en apprécier l'importance, qu’il ne faut pas négliger ce moyen, devenu souvent illusoire entre les mains de l’ignorance et du charlatanisme. Est-ce en comprenant la médecine comme nous la compre- nons, comme l'ont comprise la plupart des hommes dont les opinions ont une autorité méritée dans la science, qu'elle pourra, cessant d'être un art souvent trompeur, parvenir à pren- dre le nom de science, et par conséquent à être représentée par un certain nombre de formules qui n'auront rien à redouter ni du temps ni des lieux ? Nous les croyons ; nous sommes per- suadés que c’est en rentrant franchement dans la voie déjà indi- quée par Hippocrate (1), c’est-à-dire en enregistrant serupü- (x) Une des principales causes du peu de progrès de la thérapeutique vient, selon Bacon, de ce que l’on n’a point continué à recueillir les faits comme le faisait Hippocrate : primum est, intermissio diligenüiæ illius Hippocratis , uti- lis admodum et accuratæ, cui moris erat, varrativam componere casuum circa ægrotos specialium ; referendo qualis fuisset morbi natura, qualis medi- catio, qualis eventus. (L. c,, p. 106). Nous ne pouvons nous empêcher de rapportèr ici: un admirable passage de l'introduction de la physiologie de M. le professeur D, de Blainville. On 7 trouvera la plupart des principes émis dans cet essai, sur la nécessité de n’aborder l'étude de la médecine qu'après s'être rendues familières les scien- ces physiques et chimiques, l'anatomie et la physiologie. « Je définirai ‘cette branche de la zoologie (la zoobiologie), la science qui » analyse chez les animaux les phénomènes de la vie dans leur production, » dans leurs rapports, soit avec l’organisation, soit avec les circonstances ex- » térieures, et qui cherche à les expliquer en les rattachant aux lois générales » de la matière toutes les fois qu’ils en sont susceptibles, ; » La définition que je donne ici n’est évidemment qu'une extension de » l'idée de ramener l'explication de tous les phénomènes à des principes » mécaniques, l’un des pas les plus grands et les plus hardis qu'on aïît faits » en philosophie , et que nous devons à Descart es. | PHILOSOPHIE NATURELLE. à 391 leusement les faits, en perfectionnant de plus en plus les moyens de bien les interpréter, que les médecins finiront par poser entre eux etles cha:latans, une ligne de démarcation tellement tranchée qu'il ne sera plus permis aux moins clairvoyants de les confondre ; et nous espérons que mus par un louable orgucil , nos jeunes confrères sentiront qu'il est honteux que la plus no- ble des professions , celle qui ur jour, devra autoriser l'homme à se dire le ministre et l'interprète de la nature, puisse à peine » Cette science , ainsi définie, est done nécessairement la base de ce qu’on » nomme la médecine, et des diverses branches qui la constituent; cela est > de toute évidence, puisque cet art est l’un des deux termes des deux buts » les plus compliqués de la zoologie ou de la science des animaux en géné- » ral , et que pour ramener à leur état normal par des procédés rationels les > fonctions troublées par l’altération des organes qui les exécntent , il faut » connaître ce que les uns et les autres sont daus cet état. Comment, en » effet, voulez-vous reconnaître ou assurer qu’un individu qui est soumis à » yotre examen, est ou n’est pas dans l’état de santé, si vous ne connaissez pas les limites des variations dont les fonctions de l'organisme sont sus- ceptibles , sous l'influence des variations des circonstances qui agissent sur lui? » Comment peut-on juger que les symptômes normaux qui s'offrent à nous » ep examinant un malade, indiquent véritablement la lésion médiate ou im- » médiate de tel ou tel organe, si vous n'avez pas analysé le rapport necessaire » de cet organe avec sa fonction, de cet organeavec l'appareil auquel il appar- > tient; enfin, de cet appareil avec l'organisme tout entier, dans l’état normal; » et si, surtout, vous n'avez pas analysé les suites que peut avoir cette lésion » prolongée. { » Comment, en outre, pourra-t-on concevoir l'emploi des moyens théra- » peutiques dans un cas de maladie, si ces moyens n’ont pas été analysés avec » soin dans l'état de santé, et dans les différentes formes dont cet état est sus- » ceptble, et s'ils n’ont pas été employés d’une manière opportune. » L'expérience, ou comme on ledit vulgairement la pratique, est sans doute » une partie importante de l’art de la médecine ; mais la théorie basée sur la » connaissance préalable de toutes les circonstances du phénomène, l’est peut- » être davantage, parce que chaque homme n’est, pour ainsi dire, plus obligé » de créer pour lui seul la médecine, proportionnellement à ses forces intel - » lectuelles, et qu'il peut, si je puis m'exprimer ainsi, monter sur les épaules 392 PHILOSOPHIE NATURELLE. se vanter de quelques principes dont la certitude soit incontes. table. Résumons les principes que nous avons posés et démontrés dans cet essai : 1° Nous avons fait voir que la science étant ce que l'intelli- gence humaine est capable de savoir, il ne peut y avoir deux sciences, puisque l'intelligence humaine est une. 2e Que la science humaine peut se diviser en deux parties ; » de ses prédécesseurs. Elle est importante pour que l’art soit éclairé dans tou- ».tes ses parties, pour qu’il y ait plus de certitude dans l'application, et pour » consoler la conscience du médecin, lorsqu'il est obligé de reconnaître les » limites malheureusement trop bornées dans lesquelles son pouvoir est res- » treint. » On a fréquemment vanté l'empirisme que l'on a décore souvent de l'é- » pithète d'hippocralique, mais regardez quelles sont les personnes qui se » réfugient dans cette manière de voir, asile ordinaire de l'ignorance ou du » moins de la paresse, et demandez-leur si réellement la méthode hippo- » cratique lant vantée est la médecine, si ce ne serait pas plutôt l'histoire naturelle des maladies (x). » Qu'est-ce, en effet, que la méthode expectante , qui a souvent , et je me plais à l’avouer, de grands avantages ; qu'est-ce autre chose que l’observation » pure et simple du cours naturel des phénomènes anormaux dans des limites peu étendues, et dans des circonstances où la cause ayant pu être enlevée, » le retour à la santé se fait sans moyens perturbateurs, et comme on le dit, » naturellement ? » Malheureusement il y a encore trop de parties de la thérapeutique qui sont » et doivent être purement empiriques, et qui le seront peut-être toujours ; » mais cherchons à les diminuer autant que la nature de la science le per- » met : imitons, sous ce rapport, les arischèmiques,'qué sont devenus d’au- » tant plus certains, d'autant plus faciles dans leurs procédés, que la science les a éclairés davantage de son flambeau ; il n’y a plus de tours de mains, ou du moins ils deviennent plus rares de jour en jour, parce que la (2 pratique est guidée par la science. » (1) Nest:ce pas peut-être encore une mauiére de fairefde la médecine un art industriel qui,pour tant d'argent que vous a coûté votre instruction médicale, vous rapporle ua intérêt proportionnel, à tel point qu’on a pu faire entrer cet art daus des considérations d'économie politique. (Note de l'auteur), { Cours de physiologie générale et comparée , professée à la faculté des sciences, par M. Ducrolay de Blaïvville , publié par les soius de M, le docteur Hollard, T. premier, p. 48 et sui, } PHILOSOPHIE NATURELLE. 393 savoir : l’Idéologie, la métaphysique, qui comprennent l'étude des principes d'action de notre faculté de connaitre etc. , les mathématiques pures, l’étude des rapports non variables ; et . en physique générale , qui embrasse l'étude de tous les phéno- mènes que nous présente la matière soit à l’état statique , soit à l'état dynamique. 3° Nousavons dit, ce que tout le monde sait , qu’en métha- physique, la certitude était toujours absolue ou nulle; tandis qu'en physique , elle est toujours un peu plus ou moins, par conséquent toujours approximative ; donc le calcul ou les ma- thématiques deviennent le lien qui unit la science de l'absolu à la science de ce qui change. 4°. Nous avons fait voir que du moment où l'intelligence hu- maine se concoit elle-même , a la conscience de son moi ; dans l'étude de ses facultés, dans celles de ses rapports avec la cause universelle, avecle monde extérieur etc., elle procède toujours d'après des principes dont elle ne peut souvent, ni nier ni prouver l'évidence, qu'il est de son essence d'admettre comme éternellement vrais (1), pour en tirer des conséquences de (x) Connaître, savoir,sont à l'intelligence ce que le mouvoir, l’agir,sont au corps: les deux premiers modes d’être constituent l’activité intellectuelle ; les deux derniers l’activité corporelle. Ceci étant admis, et cela me paraîtin- contestable, maintenant je dis que de même que tous nos mouvements, si va- riés qu'ils soient , sont soumis à des lois de mécanique, auxquelles il nous est impossible de soustraire notre corps; de même notre intelligence , dans tous les actes au moyen desquels elle parvient à la connaissance des choses, des phénomènes et de leurs rapports; et à la conception des rapports qui exis- tent entre elle et ces mêmes phénomènes, etc, etc., est soumise, ou suit cer- taines règles, ou certains principes d’action desquels elle ne peut se départir sans eesser d’être ce qu’elle est, ou sans changer de nature. Ou bien encore, de même que l’homme ne marche pas sur deux pieds et dans une direction verticale parce qu’il le veut, mais parce qu’il ne peut marcher autrement, de même aussi nous ne portons point de tel ou tel phénomène tel ou tel juge- ment, nous n’avons point telle ou telle perception parce que nous le voulons, mais bien parce qu'il est impossible à notre intelligence de juger autrement qu'elle ne juge, de percevoir autrement qu’elle ne perçoit. Ce sont ces lois, 394 5 PHILOSOPHIE NATURELLE. moins en moins générales : c’est-à-dire qu'elle procède toujours du général au particulier, de la cause à l'effet ; tandis qu’au con- traire, dans les sciences physiques, ou la cause, c’est-à-dire le phénomène le plus général, ne peutse trouver qu’en rattachant Jes phénomènes les plus simples à ceux qui le sont davantage , elle suit évidemment un procédé tout opposé. En un mot, dans le premier cas, elle part d’un principe et déduit les conséquen- ces ; ou d’une cause, eten déduit les effets ; dans le second, elle part d’un fait démontré par l'observation et en induit un autre fait, puis de ce dernier un troisième, jusqu’à ce qu’ellesoit arrivée au fait le plus général. qui lui soit donné d’atteindre, au moyen de l'observation et de l'induction. Ce fait général une fois obtenu, lui permet alors d'en déduire les faits particuliers. 5°. Nous avons prouvé que les sciences physiques ne font de progrès qu'au moyen de l'observation : que celles qui sont ar- rivées à mériter le nom de sciences exactes , telles que l’astro- nomie,' certaines branches de la physique particulière et de la chimie n’y sont pas arrivées autrement ; que par conséquent les autres branches des sciences physiques, la zoologie, l'anato— mie normale ou morbide, la physiologie et la médecine ne peu- vent faire exception. 6°. Nous avons défini l'observation , l'étude des conditions. d'existence d’un phénomène ou des circonstances qui concou- rent à sa manifestation. Or, il est évident que ces conditions, ou circonstances nous seront d'autant mieux connues que nous les aurons plus longuement et plus attentivement étudiées , et que nous aurons enregistré plus exactement nos expériences. 7°. Nous disons, et il suffit de le rappeler à ceux qui l'au- raient oublié, qu'on w’enregistre les expériences ou les faits que dans le but de les comparer, de les classer pour en induire des lois qui embrasseront d’autant plus sûrement les limites de ces principes de notre activité intellectuelle que le célèbte Kant a eu en vue dans sa critique de la raison pure, et sur lesquels il reste encore des choses bien importantes à dire. PHILOSOPHIE NATURELLE. 395 la variation des conditions d’existence des phénomènes étudiés, que le nombre des faits d’où on les aura tirées sera plus grand, 8°. Mais observer , enregistrer les faits, les comparer, les classer, les compter, en tirer des moyennes, c’est faire de la statistique : donc la statistique est applicable , indispensable aux progrès réels des sciences d'observation. Enfin nous ajou- tons que si les faits étaient un jour assez nombreux pour que les différentes causes d'erreurs pussent devenir appréciables par le calcul; les résultats de l'observation médicale elle-même, pourraient étre soumis aux principes du calcul des probabilités, et la science acquerrait quelques formules qui bien comprises , en feraient naître d’autres , et la médecine finirait par être ce qu’elle est encore loin d’être, une science. Nous répéterons enfin, parce que cela ressort encore de ce que nous avons dit , que l'observation telle que nous la conce- vons, demande des connaissances très étendues et très variées pour l'appliquer à la médecine; elle exige beaucoup de temps et de persévérance, et surtout l'amour le plus vrai de la science et de l'humanité. Maintenant que notre profession de foi est faite , que nous avons donné la mesure au moyen de laquelle nous jugerons tout travail ayant trait aux sciences dont nous nous occupons , on ne pourra nous en vouloir si nous disons que les opinions de M. le professeur Risueño, nous paraissent toul à fait fausses; car cela résulte bien évidemment de la différence des principes que nous professons en fait de philosophie médicale surtout. Il ne verra donc dans cette critique qu’une vindication des prin- cipes qu’il a lui-même attaqués. « Mémoire sur le calcul de probabilites appliqué à la méde- cine. » Tel estle titre du premier des ouvrages de M. le profes- seur Risueño d’Amador , dont nous nous sommes proposé l’exa- men. Et, pour commencer, nous ferons remarquer que le titre de ce mémoire contient une erreur; car ce n’est pas un mémoire sur le calcul des probabilités appliqué n'importe à quoi, à la 396 PHILOSOPHIE NATURELLE. médecine par exemple, que M. Risueño a voulu composer; mais bien un mémoire sur l'application du calcul des pro- babilités. Ce qui n’est pas du tout la même chose, pas plus que ne le serait un mémoire sur les machines à vapeur appliquées à filer du coton par exemple, et un mémoire sur l'application de ces mêmes machines. Le premier ne pourrait venir que d’un géomètre mécanicien , le second pourrait être fait par celui qui fait usage de la machine. M. Risueño dit p. 12, qu'il existe actuellement une école qui place les nombres au-dessus de toute chose ; qui proclame le calcul des probabilités la seule règle de certitude en méde- cine ; école où les idées n'apparaissent que sous forme de chif- fres; qui compte , et croit en comptant faire de la véritable science, pour qui toutes les études thérapeutiques se réduisent à une addition ou à une soustraction bien faite. » Si l'école que vient de qualifier notre habile confrère exis- tait, s’il y avait dans tout cela une seule proposition qui repré- sentät quelque chose de réel , nous concevrions que l’on se füt donné la peine de lire un discours à l’Académie de médecine pour la combattre; mais si dans tout cela il n’y a de positif qu’un acte de l'imagination plus ou moins poétique de notre honorable confrère ; que s'ensuit-il ? que tout son discours est une skiamachia, une bataille à outrance contre des êtres chi- mériques. Il faut bien le dire , la guerre que fait ici M. Risueño n’est pas seulement une guerre de principes. C’est, il est difhcile de dire ce que c’est , car enfin, M. Louis ne peut étre séparé de MM. Andral, Bouillaud, Chomel, J. Clarke, Marshall-Hall, Rayer, Rochoux, Velpeau, ete. ete.; tels sont les hommes qui ont la naïve sincérité de croire perfectionner l'art en tenant compte du nombre des faits observés. Mais il n’est pas un d’eux qui ne place l'observation au-dessus de toute chose en médecine : or, nous avous dit ce que l’on doit entendre par observation, et quelles sont les conditions nécessaires pour qu’on s’y livrät avec PHILOSOPHIE NATURELLE. 397 fruiten médecine; et aucun des membres de l’école que nous venons de nommer ne les désavouera. Donc, l’école qui place les nombres au-dessus de toute chose n’existe pas. Il n’est pas plus vraide dire « qu'il y a une école qui pro- clame le calcul des probabilités, la seulerègle de certitudepos- sible en médecine.» Si M. Risueño eut dit qu'il existe une école qui proclame les principes du calcul des probabilités comme la base de toute certitude en médecine, comme elle Test de celle de toutes les sciences physiques;", nous serions parfaite- ment d'accord avec lui; mais ce qu'il a dit n’est pas du tout cela, et je confesse que je ne sais ce qu'il a voulu dire. Bien que M. Risueño ait fait son mémoire sur le calcul appliqué , ou plutôt contre, on conviendra cependant, et il en conviendra lui-même, que le nombre de médecins qui comprennent quel- que chose au calcul infinitésimal est tellement petit que son expression devrait être probablement, celle de l'infiniment petit. Or, « l’école où les idées n'apparaissent selon lui, que sous forme de chiffres » est une école qui ne connait à peu près rien au calcul des probabilités , bien « qu’elle le pose comme la seule règle de certitude de la science dont elle s’oc- cupe. » Ainsi voilà une école qui se pose pour règle une règle qu’elle ne comprend pas, à moins pourtant que comme le fait M. le professeur Risueño lui-même, elle ne prenne une addi- ‘tion ou une soustraction pour le calcul des probabilités. Done l'école qui proclame le calcul des probabilités la seule règle en médecine , l'école où les idées n'apparaissent que sous la forme de chiffres , l’école qui compte et qui croit en comptant faire de la véritable science, l’école qui applique le calcul des pro- babilités et pour qui toutes les études thérapeutiques se rédui- sent à une addition et à une soustraction, cette école dis-je , n'existe pas à Paris. Où existe-elle ?.…. Donc l’école de M. Ri- sueño , est un être fantastique qui n’a eu vie pendant quelques instants que dans son imagination. Nous sommes fâchés de le dire, mais outes les fois que no- 598 PHILOSOPHIE NATURELLE, tre confrère semble avoir raison, il fait une fausse application de principes généralement admis. Ainsi, pour infirmer l’auto- rité des grands nombres dans les faits de médecine, il la met sur la même ligne que l'autorité d’un grand nombre de voix en faveur d’une opinion ; qui ne voit de suite la disparité com- plète qui existe entre une opinion qui est le partage de la mul- titude non éclairée, souvent passionnée, fanatisée, et un fait scientifique qui par cela même qu'il a mérité ce nom, présente quelque chose de vrai, de réel; tandis que les opinions de la multitude ne sont souvent , qu'autant d'erreurs en faveur ou contré d'autres opinions qui sont elles-mêmes erronées P Page 13. « Quel est, messieurs, le fondement dernier de la méthode stastique, numérique, etc., considérée comme règle de-pratique ? On vous l'ä dit, ce principe est-la probabilité , en prenant ce mot, non point dans son sens philosophique , mais dans son sens mathématique ? J'aurais été extrêmement ébligé à M. Risueño , s’il nous eût donné une définition bien claire de ce qu’il entend par probabilité philosophique ; et s'il nous eût dit en quoi cette probabilité diffère de celle qui s’apprécie par un plus ou un moins; c’est-à-dire , par un nombre sujet à varier dans de certaines limites, de la probabilité mathémati- que en un mot. Il est inexact de dire, que la probabilité des mathématiciens n’est que la théorie du hasard ; et tout ce que dit ici M. Risueño, ne mérite aucune réponse, il en est de même de cette assertion : « ce qui est plus certain (que la théo- rie des probabilités), c’est qu'appliquée aux faits réels du monde physique et moral, elle devient où inutile ou illusoire. » On pourrait supposer d’après un tel langage que M. Risueño n'a pas la moindre connaissance de ce qui se passe dansle monde phy- sique ou moral, et c’est ce que nous ne pouvons supposer. Nous sommes persuadé qu'il s'est laissé aveugler quelques, instants, par le besoin de faire triompher une mauvaise causé. Est-ce sérieusement que M. le professeur Risueño nous dit , que mal- gré lestentatives d’une foule de mathématiciens illustres, et en- PHILOSOPHIE NATURELLE. 399 tre autres de Laplace et de Lacroix, la théorie ou la science des probabilités en est encore, de l’aveu méme de Condorcet, à ses premiers éléments ? Comment se fait-il que Condorcet, d’Alembert, soient appelés à juger les travaux de Laplace qui vient de mourir, et de Lacroix qui est encore vivant? Les morts peuvent quelquefois et même sévèrement , juger les vi- vants; mais M. Risueño a mal choisi son anachronisme. Page 20. « On ne peut donc déterminer à priori quelle est la probabilité du jet de cette pièce : car il est évident qu’une foule de circonstances intrinsèques et extrinsèques , capables d’influer sur les résultats, etc: Il faut donc observer directement celte pièce dans des jets successifs et répétés , pour en établir expérimentalement la probabilité d’un résultat, et l'improbabilité correspondante du résultat opposé. La probabilité en faveur de tête (que l’on suppose dans ce cas, retourner plus souvent que pile) sera touvée ainsi par expérience, et s’il s'agissait de parier, on devrait le faire pour cette chance plutôt que pour l’autre. » Nous répondons que dans les sciences physiques ou d’obser- vation, rien ne se détermine à priori ; mais si notre honorable confrère soutient qu'après avoir long-temps étudié les condi- tions dela manifestation de tel ou tel phénomène, surun grand nombre d'individus dontles conditions physiques sont à peu près les mêmes, ou offrent une grande analogie, on ne peut arriver à la prévision de ce même phénomène dans tous les individus de la même espèce qui se trouveront dans des conditions ana- logues, il est dans l'erreur, nous en avons plusieurs fois donné la preuve dans l'essai qui précède cette analyse. Ainsi, il est faux qu'il faille toujours avoir recours à l'observation directe pour arriver à la connaissance de la probabilité des conditions d'existence des mêmes phénomènes dans différents individus de même espèce. Cela ne veut pourtant pas dire que l'on soit dispensé d'étudier les conditions individuelles. La généralisa- tion d'un grand nombre de faits ne donne qu’une probabilité en faveur de la manifestation de tel ou tel phénomène, dans des 400 PHILOSOPHIE NATURELLE. circonstances données ; c’est pour me servir du langage médical, une indication générale ; s’il en était autrement, ce serait une prescription. Mais soutenir comme le fait M. Risueño, que par cela même que les indications générales ne nous dispensent pas de prendre en considération les indications particulières , elles sont inutiles, c’est nier l'évidence, nier l'existence des sciences physiques et chimiques ; c’est nier les résultats les plus évidents de l'observation et du calcul, appliqués à une foule de questions où les lois du monde physique comme on les concoit en gé- néral, paraissent au premier abord , étrangères. Je citerai pour exemples les résultats auxquels sont arrivés Parent Duchatelet, Benoiston de Chateauneuf, Villermé, Quetelet, Guerry , etc., etc., sur l'influence des professions, et de certaines localités sur la santé ou la longueur de la vie; ‘sur les naissances , la morta- lité, les mariages, etc., etc. , et même sur la manifestation des actes dela volonté humaine; c'est-à-dire sur les crimes. Mais M. Risueño prétend qu'il est inutile de connaître la chance que l'on aurait de faire naufrage, par cela seul que cette connais- sance ne nous dit pas si tel ou tel navire qui part reviendra saufou sera perdu! (p. 24). Il n’y a rien à dire à cela. Cepen- dant les compagnies d’assurances savent à quoi s’en tenir | « Le calcul des probabilités ne s'occupe ni de la cause des événements, ni de leurs circonstances, conditions et dépen- dances réelles, mais seulement de leur nombre. » ( p. 24 ). Le but du calcul des probabilités est de parvenir à la connaissance de toutes les conditions qui dans des circonstances dont lin- q fluence est étudiée par l'observation, déterminée par le calcul P P : peuvent contribuer à la manifestation des événements. En d’au- tres termes, le caleul des probabilités est un moyen d'arriver à la connaissance des causes, ou des phénomènes qui concourent pour ainsi dire à l'éclosion des événements. M. Risueño soutient le contraire ; mais j'aime autant croire que c’est lui quise trompe; et que Laplace, Lacroix, Poisson, Quetelet , etc. etc., ont le sens commun : et j'avoue que je me tiendrais très honoré d’être PPT PHILOSOPHIE NATURELLE, 401 placé même à une grande distance, pourvu que ce füt sur la même ligne, de ces intelligences les plus médiocres , de ces hommes les plus humbles (p.3 etavant), qui ont eu la faiblesse de concevoir que l'homme estsoumis aux mêmes influences que tous les étres organisés , qui sont eux-mêmes régis par les lois aûxquelles obéit la matière en général ; que par cela même , il est possible en s’y préparant par des études convenables, d’arri- ver au moyen d’un grand nombre d'observations , à des résul- tais de statistique d’abord; puis par l'application du calcul des probabilités, à déterminer les limites de variation des influ- ences qui modifient d’une manière si variée les phénomènes vitaux. Permis encore une fois à l’école de M. Risueño de sou- tenir le contraire, permis à cette école de monter sur le trépied et d'attendre que le dieu inspire : pour nous, intelligences mé- diocres , nous évoquerons les divinités auxquelles nous avons accordé toute notre confiance, nous prierons l'anatomie, la phy- siologie et l’anatomie pathologique, de nous éclairer sur le siége primitif et actuel, sur la marche et sur le résultat probable de la maladie : et quant aux choix des agents ou des moyens pro- pres à la guérir, la physiologie appuyée autant que possible sur les résultats de l'observation nous serviront de guide. Il y aurait un volume à faire si lon voulait relever toutes les erreurs comprises dans le mémoire que nous réfutons : cela se concoit, l'auteur ayant pris à tâche de soutenir ce que le simple sens commun dément, est obligé d’entasser erreur sur erreur. Veut-il prouver par exemple que la répétition d’un événement #’autorise pas à dire qu'il se répétera, donnant ainsi un démenti au principe méthaphysique le plus incontestable, qu'il n’y a point d'effet sans cause ? Voici l'exemple qu'il choisit « si par exemple, il pleuvait dix jours de suite sans interruption , il se- rait au plus haut point improbable qu'il plüt encore les jours suivants; et plus il pleuvrait, plus l'improbabilité du retour de la pluie serait augmentée. » (p. 27). C'est ce qu'il appelie une des contradictions impliquées dans la théorie des probabilités ; TOM. 1. 28 402 PMILOSOPHIE NATURELLE, pourquoi faut-il lui dire que le fait qu'il cite est une confirma- tion de cette théorie ? Car c’est justement parce que l’on a ob- servé que le phénomène météréologique que l’on nomme pluie, dépasse rarement dix jours dans sa durée , ou en d’autres ter- mes, que dans le plus grand nombre de cas il dure moins, que l’on est autorisé à en annoncer la cessation quand il approche ou dépasse cette période. Enfin, et nous l'avons déjà dit, la différence et l'apposition méme des résultats, ne prouve pas que la méthode dite numé- rique, ou l'application de la statistique à la médecine, soit mau- vaise par elle-même ; mais que ceux qui s’en servent sont et se- ront encore long-temps sans s'entendre. Si ce faible essai, cette critique sévère mais consciencieuse et par conséquent faite sans autre intention que celle de servir la science , pouvait contri- buer le moins du monde à aiguillonner ceux qui parcourent mol- lement la carrière de la véritable science, et à en éloigner ceux que sa longueur et ses difhicultés effrayent, je me croirais am- plement récompensé, dédommagé d’avoir.essayé de prouver que les mathématiques sont le principal critérium du physi- cien, et que par conséquent, Hippocrate avait raison de dire : « Applique toi à l'étude de la géométrie et de l'arithmétique, ô mon fils! non seulement elle illustrera ta carrière et te sera utile dans les circonstances les plus ordinaires de la vie, mais elle donnera à ton intelligence plus de pénétration, plus de sagacité pour étudier avec fruit tout ce qui a rapport à la médecine. » ( Lettre d'Hippocrate à son fils Thessalius ) (1). Il nous reste à porter un jugement sur un autre travail de- M. Risueño d'Amador, quia été couronné toutrécemment par l'Académie royale de médecine. Notre tache par cela même (1) « Toropine à ueét dou, © mai, yewuerpuxñc, xat dplôprécroc* où Yep HOvoy géo xai Toy fiov Eux hëx xa Et modX ypnouuov &e vOpurivrv potpnv émirehécer, GAXX xot ray duynv EEurépnv ve xal rnhauy ectéprv xata <ù êv intouxn dVAodar müv Üte yonçer. » PHILOSOPHIE NATURELLE. 403 semble devenir plus difficile, cependant nous espérons être as- sez ami de la vérité pour lui sacrifier toute espèce de considé- ration personnelle ; et nous estimons trop ‘sincèrement les per- sonnes dont l'estime et l'amitié nous honorent, pour croire qu'un jugement porté dans le seul intérêt de la science , quand même il différerait considérablement du leur, pourrait affaiblir le moins du monde, des sentiments quinous sont véritablement chers. (Nous continuerons dans un prochain numéro). RECHERCHES SUR LFS AFFINITÉS ET LES DIFFÉRBENCES NATURELLES DES MATÉRIAUX DE CONTEXTURE DES ANIMAUX. PAR M. LAURENT. 1e Article. La nécessité d'apprécier aussi exactement que possible lé caractères anatomiques et physiologiques des tissus, du sang et des humeurs émanées du sang qui entrent dans la contexiure des animaux, doit être vivement sentie par les médecins prati- ciens ennemis des théories exclusives du solidisme, de l’humo- risme et de tout physiologisme étroit. Les naturalistes et les vétérinaires n’ignorent point combien il est important d'étudier la contexture animale des espèces domestiques ou élevées dans nos ménageries , lorsqu'on. veut les conserver, les guérir ou perfectionner ces espèces dans tel ou tel but. Nous n'insisterons donc pas sur ce point important. Dans cette exposition de la contexture des animaux il con- vient d'examiner d’abord les fluides qui sont la source de l’or- ganisme, ensuite les tissus vivants qui résultent de la solidifica- tion de ces fluides, et enfin les humeurs émanées des fluides sources. 5 La formation première des espèces animales de notre globe est ‘ considérée avec raison par la. philosophie religieuse comme un acte de la volonté et de la puissance du Créateur. Get acte est done un mystère à jamais impénétrable. En physiologie, l'observateur doit se placer au point de vue du travail zoogéni- que, et l'on constate alors que les fluides sources de la vie des espèces sont les germes fournis par la femelle et un fluide fé- condateur. Mais ces fluides employés à la formation des nou- ‘veaux individus, étant émanés du sang des individus qui se reproduisent, il convient de renvoyer leur étude à l'occasion DIFFÉRENCES NATURELLES DES MATÉRIAUX. 405 des humeurs ou produits émanés du sang. Mais il convenait de signaler ici que le sang ou le fluide vivificateur émane lui-même du germe et du sperme. Ce fait physiologique étant constaté, on voit par quel procédé physiologique la vie se continue et se prolonge dans le temps et dans l’espace, et l’at- tention ne doit plus se porter que sur le fluide sanguin qui doit servir au développement et à l'accroissement des individus. DU FLUIDE VIVIFICATEUR, Source de tous les autres matériaux de contexture de l'orga- nisme animal. Lorsqu'un nouvel individu appartenant au règne animal sort de l’état chaotique sous l'influence du molimen formateur qui fait converger vers un foyer les matériaux préparés pour ce but, on observe dans la trame blastodermique des animaux plus ou moins élevés un fluide en mouvement dont les globules font distinguer les courants. C’est le premier sang blanc ou transparent d’abord qui persiste à cet état ou se colore en rouge plus ou moins foncé. Lorsque les organes circulatoires sont très-avancés dans leur développement, ce sang, unique d’abord, se distingue en sang lymphatique, en sang veineux et en sang artériel. | Ce n’est point ici le moment d'envisager les fluides nutritifs qui circulent ou oscillent dans un appareil vasculaire sous le rapport de cette'situation dans tel ou tel ordre de vaisseaux , ni sous celui des mouvements qui le répandent dans tous les orga- nes et qui le font pénétrer dans l'intimité ou la profondeur des tissus. Nous désirons les caractériser ici seulement d’après leur nature organique qui les fait considérer avec raison comme la source de tous les matériaux mis en œuvre pour les nutritions, et les sécrétions très-nombreuses et très-variées. Les dénominations de sang lymphatique ou du sang des vaisseaux blancs, de sang carbonique ou veineux ou sang noir et de sang artérique, artériel ou rouge,nous semblent très-pro- 406 DIFFÉRENCES NATURELLES DES MATÉRIAUX pres à signifier les différences de la nature de ces trois sortes de sang. Le sang lymphatique se rapproche le plus de l'état aqueux, et le nom de lymphe ( de véuen eau) indique exactement ce fait démontré au reste par les caractères physico-chimiques de cette première espèce de sang. Le premier sang de l’organisme des animaux supérieurs qui devient ensuite rouge , plus où moins promptement, a été primordialement sang lymphatique. Dans les embryons des vertébrés on doit n’admettre qu'une seule espèce de sang lymphatique. Mais, au fur et à mesure que l'être avance dans la vie fœtale et après la naissance, les phénomènes d'absorption qui ont lieu 1° dans le canal intesti- nal, 2° aux surfaces de la peau et 3° dans l'intimité des tissus, donnent lieu à la distinction de plusieurs sortes de sang lym- phatique ou lymphes qu’on peut réduire à trois, savoir: 1°la lympbhe intestinale ou le suc de la digestion, connu sous le nom de chyle, 2° la lymphe étestinale provenant des sues aqueux absorbés par la peau externe et 3° la lymphe interstitielle ou de l'intimité des tissus vivants. Le sang carbonique ou veineux nous semble étre nettement caractérisé par la prédominance du gaz acide carbonique qui - influe sur sa couleur noire et qui exige une élimination effec- tuée par les organes respiratoires. On ne peut dans l’état actuel de la physiologie que présumer les modifications ou les divers degrés de carbonisation que le sang subit dans tous les tissus et surtout dans les parenchymes nutritifs et secrétoires. On con- nait la distinction de ce sang en sang noir général ou formé dans les capillaires généraux, en sang noir pulmonaire qui va subir l'élaboration respiratoire après s'être mélé à la lymphe, et en sang noir abdominal qui va subir, à ce qu’il paraît, les dépurations biliaire et urinaire. Il est vraisemblable que le tra- vail organique des nutritions et des sécrétions diverses produit une très-grande variété de sang carbonique ou carbonisé. Mais on peut croire aussi qu’en outre du carbone, ce sang con- tiendrait d’autres substances éliminables dont l’analyséchimique . DE CONTEXTURE DES ANIMAUX. 407 n'aurait point encore démontré l'existence, et on ne doit propo- ser qu'avec doute la distinction théorique du sang noir d’après trois degrés de carbonisation en sang subcarbonique, sang mi- carbonique, et sang surcarbonique.La prédominance du système vasculaire à sang noir chez les vertébrés de plus en plus infé- rieurs et la diminution progressive de leurs organes respiratoi- res nous semblent permettre provisoirement cette distinction. Le sang artérique, c’est-à-dire artérialisé, est celui qui a subi le contact de l'air ou de l'oxygène dans les diverses sortes d'organes respiratoires. Ce sang s’est non-seulement dépouillé du gaz acide carbonique prédominant dont l'élimination est deve- nue indispensable, mais il s’est de plus combiné avec l'air vital ou oxygène qu'on a considéré avec raison comme /e pabulum vitæ. Les connaissances acquises en zootomie sur l'étendue plus ou moins considérable des voies respiratoires, autorisent aussi provisoirement la distinction du saug qui contient des principes nutritifs et excitants puisés dans l'air en sang subartérique , Sang mi-artérique, et sang surartérique. En physiologie générale et comparée on doit donc admettre trois sortes d'hématoses ou de fabrication de sangs ou Hèmes. Ces fluides vasculaires, sources des matériaux de contexture sont toujours désignés dans le langage pathologique par leur ra- dical grec ä&uz ( hémorrhagie, hématurie, hématémèse, hy- pérémie , anémie, etc. , etc. ) C’est pourquoi voulant de plus en plus resserrer les liens de la physiologie et de la pathologie , nous croyons devoir proposer de désigner les trois sortes de sang que nous venons d'indiquer, sous des noms scientifiques, c’est-à- dire brefs, euphoniques et rationnels de £-mphème, carbonème. ou phlébème et de artérhème ou neurhème. Par cette dénomi- nation xeurhème , nous voulons signifier de plus, la propriété que le sang artérique a de stimuler le plus vivement les tissus nerveux, et d’être ainsi la cause profonde du phénomène de lin- nervation. C’est en effet au sang le plus artérialisé que sont dus les manifestations les plus considérables de la force nerveuse. On doit présumer que l'agent de cette force est combiné avec l'oxy- 408 DIFFÉRENCES NATURELLES DES MATERIAUX gène et qu'il s’en dégage dans le travail nutritif des tissus ner- veux. - Un coup d'œil rapide sur les sangs envisagés dans toute la sé- rie animale nous apprend que les trois sortes de ce fluide exis- tent réellement chez les vertébrés dans des proportions di- verses, qu'on n’en observe que deux dans les articulés et les Mollusques, qu’on ne peut en admettre qu'une chez les animaux rayonnés, et même que ce fluide tend àse confondre d’une part avec les sues de la digestion et de l’autre avec l’eau de l'intimité du tissu plastique ou cellulaire de l’animal. La nature, ou la com- position du sang, tend donc à se rapprocher de plus en plus de celle de la lymphe et enfin de celle de l’eau chez les animaux les plusinférieurs. La branche de l'anatomie de contexture qui traite des sangs ou Hèmes a été appelée hématologie où hémologie. Les sangs où Hèmes forment notre r., ordre de parties crasio- graphiques ou de contexture. DES TISSUS OU DES SOLIDES VIVAN®TS DE L'ORGANISME ANIMAL. Leur étude scientifique a été appelée anatomie de texture ou histologie (de toc tela tissu et de ôyos discours.) Nous avons proposé (1) de réunir tous les matériaux de l'organisme dépour- vus de texture sous le nom de anhistes. Sous cette dénomina- tion nous comprenions les sangs et les humeurs émanées du sang dont l'étude mériterait le nom d’anistologie. Mais nous avons pensé depuis, qu'il est préférable de s’en tenir à l'idée des an- ciens physiologistes fauteurs de l'humorisme, sans tomber dans l’exagération. Les tissus animaux se présentent donc naturellement à l’ob- servalion , comme provenant de la solidification vitale des maté- riaux nutritifs du sang, et nous verrons bientôt que tout en continuant de recevoir les matériaux pour la réparation de leurs pertes et l'entretien de leur vitalité, les tissus réagissent sur le (1) Voyez tableaux synoptiques d'anatomie physiologique, par EL. D AO D So cn à teinté ii ni te DE CONTEXTURE DES ANIMAUX. 409 sang et en extraient un très-grand nombre de fluides gazeux ou liquides plus ou moins solidifiables. C’est pourquoi l'étude de lhistologie doit suivre immédiatement celle de l'hémologie et précéder celle des fluides émanés du sang que nous avons groupés sous le nom d'Exhèmes. L'Histologie a été étudiée en France, en Allemagne, en An- gleterre et en Italie avec persévérance. Nous nous en sommes occupé nous-même depuis long-temps et nous nous sommes at- taché soit à découvrir les affinités naturelles des tissus animaux, soit à coordonner les découvertes de nos devanciers et de nos contemporains. Les résultats de nos propres recherches nous permettent d’en présenter ici une classification méthodique, dont l'utilité nous semble devoir être sentie par les médecins praticiens et les naturalistes. Les solides vivants de l’organisme animal sont des matériaux qui offrent tous les genres de texture et de solidité depuis l’état de liquide concrescible, jusqu'aux diverses sortes de consis- tance, 1° de glu plastique molle ou dure, 2° de chair molle ou dense, 3° de pulpe moelleuse ou nerveuse, et depuis l'état amor- pheetsubtexturable jusqu'aux diverses formes tissulaires les plus manifestes et connues sous les noms de globulins , globules ou vésicules ; de lamelles, lames, membranes, toiles et de fibrilles, fibres, fascicules, faisceaux, parenchymes cribleux , celluleux , aréolaires, caverneux. Nousles distribuons entroisgrands groupes souslesnomsdetis- sus rudimentaires, tissus élémentaires et tissus complémentaires. TISSUS RUDIMENTAIRES. Ces tissus sortant de l’état brut (rudis) ou chaotique, sont observables dans le germe (Baotdc) ou l'embryon naissant. On pourrait donc les appeler tissus blas- teux. Nous en avons observé jusqu’à ce jour trois sortes carac- térisées par la nature des éléments organiques de leur texture. La première sorte de tissu rudimentaire est le résultat de l’agglomération membraniforme ou globiforme de très petits glo- bulins du Vitellus. On peut l’observer dans le blastoderme des xerlébrés et dansle germe vitellin des invertébrés. Ce tissu blas- 410 DIFFÉRENCES NATURELLES DES MATÉRIAUX teux est dans l’ordre chronologique du développement, le pre- mier apparent el le plus primordial. On pourrait donc l'appeler en faison de la forme de ses éléments tissu globulino-blasteux ou en raison de sa primordialité tissu proto-blasteux. Le deuxième tissu rudimentaire résulte de l’agglomération membraniforme de vésicules plus ou moins grandes , qui sont une extension d’un certain nombre de globulins. Nous l'avons observé dans la tunique interne de la vésicule ombilicale des Mollusques gastéropodes et surtout dans la famille des limacés. D'après les mêmes raisons que pour le tissu précédent on pour- rait l'appeler tissu vésiculo-blasteux ou deutero-blasteux. Le troisième tissu rudimentaire que nous avons également observé est le tissu primordial de tout le corps de l'embryon nais- sant et surtout de l'enveloppe externe de ce corps. Il consiste en une substance hydro-plastique dans laquelle on ne voit d’au- tres formes tissulaires qu’un amas de très petits globulins. Cette troisième sorte de tissus rudimentaires ou de l'embryon naissant, qu'on pourrait appeler tissu plastico-blasteux ou trito-blasteux offre deux variétés : la première se fait remarquer dans le corps de l'embryon par les phénomènes organogéniques dont elle est le siége et par son immobilité apparente quoique jouissant déjà d’une contractilité obscure. La deuxième variété. du tissu plastico-blasteux est caractérisable par sa contractilité et par sa fibrillarité en vertu de laquelle elle exerce des mouvements très étendus, sans qu'on puisse y distinguer des nerfs, et par les phénomènes de formation, qui président à son accroissement et ensuite à son atrophie progressive jusqu’à une disparution com- plète. Nous avons observé cette variété de la troisième sorte de tissu rudimentaire dans la tunique externe de la vésicule om- bilicale et dans la rame caudale de l'embryon des limaces na- geant dans l'œuf. Nous présumons que le tissu animal d’un très grand nombre d’espèces inférieures, appartient à cette variété de tissu rudimentaire et qu'il persiste dans cette texture rudi- mentaire toute la vie. Nos observations nous portent à penser que le corps de l’em- DE CONTEXTURE DES ANIMAUX, 411 bryon des vertébrés est constitué par un tissu rudimentaire hy- dro-plastique immobile, et nous n’avons pas encore eu l’occasion d'y découvrir le tissu rudimentaire contractile. Il faut bien re- marquer que le tissu qu'on nomme vulgairement cellulaire n'existe pointencore dans les premiers moments de la formation et que l'expression de Tissu muqueux introduite dans le langage de la science par Bordeu , serait plus exacte, si elle n'avait des inconvénients que nous aurons l’occasion de signaler. Les tissus rudimentaires sur lesquels nous venons appeler l’at- tention des histologistes, se transforment par suite de travail zoogénique en d’autres tissus simples, composés ou complexes qui, formant de très bonne heure le complément de la texture de l'organisme, peuvent être appelés tissus complémentaires. Mais l'analyse de ces tissus complémentaires qui sont très nom- breux et très variés ayant permis de les réduire à un petit nom- bre d'éléments tissulaires ; on a depuis long-temps établi en histologie un groupe de Tissus élémentaires. Attendu que ces tissus, forment en se combinant en proportions diverses les tissus complémentaires, nous aborderons d’abord leur classification. TISSUS ÉLÉMENTAIRES.—Haller les avait réduits à trois, savoir : 1° l'élément fondamental ou cellulaire plus ou moins condensé ; 2° deux éléments secondaires , le musculaire et le nerveux. Chaussier avait émis à peu près la même opinion en admettant quatre sortes d'éléments anatomiques, savoir: la lame cellulaire et les fibres albuginée , musculaire et nervale. Nos recherches nous ont déterminé à établir d'après la na- ture et le degré de consistance trois familles de tissus élémen- taires. Nous les désignons et les subdivisons ainsi qu’il suit : A. Première famille. — Tissus DE GLU ANIMALE où issus gluteux et tectiles.—Caractérisés par une consistance généra- lement connue par sa tendance à passer de l'état visqueux à divers degrés de plasticité et de dureté. Cette première famille renferme un très-grand nombre de tissus qu'on peut réduire à deux genres , savoir : a. Les tissus formés par une substance gluteuse qui persiste 412 DIFFÉRENCES NATURELLES DES MATÉRIAUX s à l’état plastique et qui se prête à recevoir les formes lamellaire et fibrillaire. En raison de la persistance normale de ces tissus à la consistance de glu molle ou plastique, nous en avons formé le genre de tissus ou solides vivants plastiques sous le nom de Tissus plasteux et subtectiles. En étudiant les tissus plas- tiques ou plasteux avec soin, on peut réduire toutes les modi- fications qu'ils présentent depuis la plasticité aqueuse jusqu’à la plasticité molle la plus dense, à trois principales, d’où l'utilité d'admettre trois états ou trois tissus sous les noms de Z'issus sub- plasteux, Tissus mi-plasteux et Tissus sur-plasteux. C'est ainsi que s'établit la transition naturelle des tissus plasteux aux tissus suivants. b. Ces tissus sont formés par une glu animale de plusen plus condensée et durcie, d’où la dénomination de Tissus scle- reux et protectiles que nous avons proposée depuis long-temps. Les trois modifications principales de ces tissus plus ou moins durs doivent être signifiées scientifiquement par les termes sui- vants : Tissus sub ou hypo-scléreux (ou fibreux vulg.), Tissus mi ou proto-scléreux (vulg. chondreux ou cartilagineux) , et Tissus sur ou deuto-scléreux (ou osseux vuls:). B. Deuxième famille. Tissus DE cnAïR ANIMALE ou issus charneux et tractiles. Caractérisée par la consistance de chair, cette famille comprend aussi deux genres, savoir : a. Les tissus de chair molle contractile et fatigable, ou Züissus sarceux (de càfé chair) dont les variétés nombreuses peu- vent être réduites approximativement à trois modifications ou états d’où la distinction en Tissus sub-sarceux où hypo-sarceux (darteux ou dartoïde contractile), Tissus mi-sarceux ou proto- sarceux (T. des peauciers externes ou internes ou pannicules sontractiles), et Tissus sur-sarceux ou deuto-sarceux, ou chair des ventres charnus et contractiles des muscles. b. Les Tissus de chair dense vétractile et infatigable , ou Tissus pycneux (de méxvo dense). Nous désignons sous ce nom les tissus jaunes élastiques d’après leurs caractères physio- logiques qui contrastent harmoniquement avec ceux du genre DE CONTEXTURE DES ANIMAUX. 413 précédent. Leurs variétés ou états divers sont également réduc- tibles à trois, d’où l'utilité d'établir la distinction en : Tissus sub ou kypo-pycneux (T.darteux ou dartoïde rétractile), Les tissus mi où proto-pycneux (T.des peauciers externes ou intestinaux, pannicules rétractiles), et les Tissus sur ou deuto-pycneux, où chair des ventres charnus, jaunes et rétractiles. (1) C: Troisième famille. Tissus De PuLPE ANIMALE Où Tissus pul- peux, sensibles ou citatiles , caractérisés depuis long-temps dans la science; par leur consistance pulpeuse. Cette troisième famille de tissus élémentaires renferme encore deux genres bien dis- tincts, sayoir : a. Les tissus de pulpe molle et persistant à cet état, ou Tissus moelleux et éncitatiles (vulg. pulpe médullaire qu’on ne doit point confondre avec la graisse ou les sucs médullaires des os). Ces tissus peuvént aussi, en raison de leurs variétés ou de leurs états se prêter aux distinctions de tissus sub-moelleux, de tissus mi-moelleux et de tissus sur-moelleux. b. Les Tissus de pulpe condensée où Tissus nerveux ou excitatiles (vulg. pulpe nerveuse ou des cordons nerveux) qui sont égalemént susceptibles des distinctions en tissus sub ou ky- ponerveux, mi Où proto-nervéux et sur où deuto-nerveux. C'est en observant avec soin les tissus pulpeux, soit dans toute la série animale, où dans la série des développements ou dans les divers" points de leur étendue depuis les parties cen- trales jusqu'aux extrémités périphériques, qu'on peut apprécier les modifications de la texture élémentaire pulpeuse réduites ici approximativement à trois dans chaque genre. (1) Voyez notre Mémoire sur les tissus animaux en général, et sur les tissus élästiqués et conträctiles en particulier. (Cahier de janvier 1838 denos Annales.) DÉCOUVERTE DE L’OVULE PRIMITIF, OU DE LA VÉSICULE VITELLINE PRIMITIVE A UNE ÉPOQUE TRES PRÉ- COCE DU CORPS FÉMININ, D'OU L’ON CONCLUT QU'IL EST NÉCESSAIRE D'ADMETTRE DANS LE COURS DU DÉVELOPPEMENT DE L'HOMME, UNE PÉRIODE D'EXISTENCE DONT LA PHYSIOLOGIE N’A TENU AUCUN COMITE JUSQU'A CE JOUR, Par le prof: C.G. CARUS, conseil. méd., etc. Exrrair des Archives d’Anatomie et de physiologie du professeur J. MUELLER, 1837 4e cahier, et traduit par M. BAZIN. On sait que Regnier de Graaf avait été très près de recon- naïître l'existence du véritable œuf dans la vésicule, ou dans les follicules des ovaires des mammifères et de l’homme ; on sait en outre, que MM. Prévost et Dumas, auxquels nous sommes redevables de si belles rechefches sur la génération et et sur d’autres questions de physiologie , eurent les premiers le bonheur de distinguer réellement ces ovules que l'on n’a- percoit bien qu’au microscope. Mais de Baer est le premier qui ait fait des observations exactes sur l'état où ils se trouvent dans les ovaires. Cependant, l'opinion qu’il aŸaït émise sur l'or- ganisation de ces ovules laissait encore beaucoup à désirer, jusqu'à ce que le professeur Valentin vint jeter sur ce sujet si obscur , une lumière plus certaine , mais non encore suflisante; car, ily a méconnu l'existence du chorion et de l’albumine. R. Wagner a publié sur cette question des détails plus positifs, en même temps qu’il a donné une description plus complète de la tache germinatrice située à l'intérieur de la vésicule que Purkinje a observé le premier, ( vésicule génératrice, vésicule du germe) . Cependant il n’a pas échappé non plus!à l'erreur, en plaçant à l'intérieur du vitellus ce que de Baer avait décrit sous lenom de disqne proligère, et comme existant tout-à-fait DÉCOUVERTE DE L'OVULE PRIMITIF. 415 à l'extérieur de l'œuf dans le fluide de la vésicule de Graaf. On peut conclure de là que la connaissance des différentes parties de l'œuf des mammifères et de l’homme, œuf qui ne peut s’étudier qu'au moyen du microscope, laisse encore beau- coup à désirer , et que là, comme dans tout ce que l'homme entreprend d'étudier , on n'arrive jamais à une conclusion dé- finitive. Cependant les efforts de la physiologie moderne, et l'étude de l'évolution animale sont parvenus à établir un fait du quel, comme de bien d’autres choses, le siècle passé n'avait point la moindre idée : C’EST QUE L'HOMME COMME LE MAMMIFÈRE NAIT D'UN OEUF QUI EXISTE DÉJA DANS LA VÉSICULE DE L'OVAIRE AVANT LA FÉCONDATION, ET QUI À LA PLUS GRANDE RESSEMBLANCE AVEC LES GERMES DES OEUFS EXISTANT DANS LES OVAIRES DES OVIPARES. Mes recherches physiologiques et celles que j'ai entreprises à l'occasion de la troisième édition de ma Gynécologie m'ont conduit tout directement à la question suivante : À PArrm DE QUELLE ÉPOQUE DE LA VIE PEUT-ON TROUVER CES OVULES DANS LES . OVAIRES DES MAMMIFÈRES ET DE L'HOMME ? Cette question se trouve liée tout naturellement à une autre à laquelle on n’a pas encore répondu jusqu'a ce jour , savoir : comment les ovules se forment-ils aux dépens de la substance de l'ovaire ? Ceci m’a conduit à faire plusieurs recherches dont je suis d’autant plus disposé à publier les résultats épars, qu'ils suffisent pour en tirer déjà une conclusion très importante pour la physiologie en général, et pour la connaissance des diffé- rentes périodes de la vie de l'homme en particulier. Aussi n’ai-je point tardé à les mettre sous les yeux du public; car chaque apercu de ce genre est une étincelle qui au moment où nous y pensons le moins, se transforme ici ou là, en une flamme brillante. . Pendant l'automne de l’année dernière, je commencai déjà à consacrèr quelques-uns des courts instants de loisir que me 416 DÉCOUVERTE DE L'OVULE PKIMITIF. laissent mes nombreuses occupations , à l'examen des ovaires de jeunes animaux, Je passe sur les détails de ces recherches. Je dirai seulement r° que le compresseur de MM. Purkinje et Valentin m'a été de la plus grande utilité, (1) pour bien apercevoir les ovules cachés dans la substance encore tendre de l'ovaire ; 2° que c’est principalement dans les ovaires de veaux nouvellement nés, où je suis parvenu avec facilité, non seule- ment à enucléer en entier le follicule de Graaf de la substance de l'ovaire, mais qu'après. avoir ouvert ce follicule (mal à pro- pos nommé ovule de Graaf) sur le porte-objet du microscope avec une aiguille à cataracte, je n'ai jamais manqué de voir dans le fluide granuleux qui en sortait, se montrer aussitôt, à l’aide de la loupe d’abord , puis enfin à la vue simple , l’'ovule nageant dans son disque proligère, pour me servir encore une fois de l'expression de de Baer.On distinguait déjà sur cet ovule, de la manière la plus évidente , le chorion , le vitellus et la vé- sicule génératrice avec ses taches sombres; enfin il ne différait pas essentiellement de l’ovule que j'avais observé auparavant dans l’ovaire de la vache. Il était plus difficile de rencontrer l’occasion de répéter ces recherches sur le cadavre humain, chez les nouveau-nés ou sur de très-jeunes filles : le printemps de 1837 me la fournit enfin; et bien que les observations en se continuant doivent déterminer avec plus de précision quelques particularités, elles ont déjà donné les résultats remarquables qui suivent : Dans les ovaires d’un enfant mort le quatrième jour de sa naissance, qui étaient encore très aplatis, alongés et minces, je me demandais s’il serait possible de trouver un follicule de Graaf déjà rempli de liquide et contenant un ovule : mais, (1) Nos lecteurs ne seront pas fachés d'apprendre que M. Ch. Chevalier en simplifiant la forme de cet instrument, l’a rendu d’un usage beaucoup plus commode que celui que nous devons aux deux savants anatomistes al- lemands. DÉCOUVERTE DE L'OVULE PRIMITIF 41T vn soumettant à une pression modérée de minces portions de l'ovaire, Jj'apercus très-évidemment , des ovules parfaits de différentes grosseurs, que l’on reconnaissait par la présence du vitellus et de la vésicule génératrice ou primitive, bien qu'ils fussent recouverts par une enveloppe assez épaisse, for- mée par le follicule et la substance de l'ovaire. Ce fut bien autre chose chez une petite fille d’un an et demi : là nous trouvâmes dans les ovaires , plusieurs follicules qui avaient dé- jà un quart et même une demi-ligne de diamètre. Cette enfant avait succombé à une affection rachitique, et l'obstruction sanguine qui en était résultée s'était étendue jusqu'à l'utérus et aux ovaires , et était cause que cà et là un peu de sang s'était mélé au liquide des follicules , et que l'ovule de quelques-uns y était presque dissous. Nonobstant cela, je trouvai dans un des follicules les plus développés un ovule que l’on voyait de la manière la plus évidente, tandis que dans les auires, on n'a- percevait plus que l'enveloppe albumineuse entre la vésicule vitelline et le chorion , et la substance du jaune reconnaissable, dans le voisinage du disque proligère, par les petits globu- ks, quoiqu'il n'en fût plus tout-à-fait régulièrement entou- ré. Je crois devoir signaler ce phénomène de transsudation sanguine comme très-remarquable pour la pathologie des ovai- res : car on concoit très-bien que, comme cette observation le démontre, les follicules des ovaires étant constamment exposés à de pareilles transsudations, la dissolution et la destruction de la vésicule extrémement délicate de l'ovule peut avoir lieu pen- dant la vie ; et que si elle est entière, elle peut déterminer tan- tôt une stérilité complète , tantôt, le follicule privé d’ovule et désormais de nulle valeur pour la reproduction de l'espèce, en continuant à se développer,peut devenir l'origine d’un kiste ovarique ou d’une hydropisie de l'ovaire. Dans une jeune fille de quatre ans et demi, morte de pneumonie, nous avons trouvé un développement encore plus complet des ovaires : chacun d'eux contenait en particulier, un follicule entièrement 20 TOM, 1. 2 418 DÉCOUVERTE DE L'OVULE PAIMITIF. développé, qui avait six huitièmes de ligne de diamètre. Après tes avoir énuclés, ils furent placés sur le porte-objet du microscope et ouverts avec deux aiguilles à cataracte : l'un et l’autrecon- tenaient un ovule d’un douzième de ligne (mesure de Vienne)de diamètre, dans lequel il y avait un vitellus, une vésicule géné- ratrice ou primitive (Urblaeschen) et sa tache germinative, et tout cela entouré d’un fluide transparent contenant des granu- lations très-fines et quelques globules albumineux. La substance de l’ovaire contenait en outre, un grand nombre d’ovules de différents diamètres. Voici celui de quelques-uns en fractions de ligne de Vienne : 1/60, 1/26, 1/14.'Tous ces ovules étaient recouverts non-seulement, par la substance de l’ovaire, mais par un follicule épais. D'après ces faits, ,on peut avancer avec certitude les propo- sitions suivantes : 1° Les ovules, germes de la vie de l'homme Jutur, sont déjà tout formés avant la naissance de l'individu femelle; de sorte que dans la dernière période de la grossesse d'une femme qui porte un enfant du sexe féminin, trois géné- r'alions humaines, bien distinctes, existent dans un seul indi- vidu. (À peu près comme on avait déjà pu le reconnaître depuis longtemps dansle Zoosphéride où Volvox, cet ancien palladium de la théorie de l’évolution). ° Peu de Lemps après la naïs- sance de l'individu femelle, et pendant la première annee de la vie au moins, les follicules de l'ovaire se développent au- tour de plusieurs œufs, de sorte que les circonstances d’un tel ovule se trouvent alors déjà avoir essentiellement les mémes rapports qu'à l'époque de la puberté. Le développement de ces ovules ou leur accession à l’état de fruit humain, n’éprou- verait donc aucune difficulté, si les conditions extérieu- res élaient données à cette époque. D’après quelques cas accidentellement survenus, il y aurait encore des recherches à faire pour déterminer quel est l’âge le plus tendre auquel la femme de nos climats est susceptible de concevoir et d’être en- ceinte., Tout récemment M.-le docteur Capuron a commu- DÉCOUVERTE DE L'UVULE PRIMITIF. 419 niqué à l'Académie royale de médecine de Paris, un cas de grossesse observé chez une jeune fille de neuf ans. 3° L'œufhu- main parvenu à l'état de maturité, c'est-à-dire lorsque par l'augmentation du fluide du Jfollicule qui le contient , ilse trouve plus isole de la substance de l'organe maternel, de- meure à Létat de vie latente pendant une période d'années non encore exactement déterminée, jusqu'à ce qu'il soit tiré de cet état d'engourdissement par l'excitation de la f'éconda- lion, pour passer à un développement plus complet. Ce qui nous conduit à cette autre proposilion, c’est que 4° Si nous voulons tenir compte de toutes les périodes de la vie de l hom- me, il faut nécessairement distinguer, à peu près comme nous le faisons pour la vie des insectes qui se divise en vie de l'ovule , de la larve, de la chrysalide et en vie de l’insecte com- plet. (a) La vie latente de l'ovule, (b) la vie de l'embryon et (c) la vie de l’homme complètement développé. Ce n'est qu'après avoir admis celle importante question physiologique , négligée jusqu’à présent, que l’on pourra comprendre tout ce qu'il y a de remarquable dans la répétition de ces trois pério- des primitives de la vie ; dans celle de l’homme complétement développé, laquelle se divise en périodes d’allaitement, d’en- fance et d’adulte ; (cette dernière période se subdivise encore en jeunesse, en âge moyen et en vieillesse); ce n'est dis-je qu'après avoir admis cette distinction que l’on pourra com- prendre ces rapports, et que l’on se sentira entrainé à des con- sidérations beaucoup plus intéressantes. Je vais me borner à indiquer d’une manière plus spéciale quelques-unes des plus importantes. D'abord il es! très remarquable de voir que, mal- gré les grands changements que subit l'organisme pendant la seconde période de la vie (période d'allaitement, enfance et âge adulte), et même pendant la troisième (jeunesse, àge moyen et vieillesse) , ils ne peuvent se comparer aux modifications de forme tantinterne qu'externe auxquelles l'individu est essentiel- lement soumis pendant la première période de la vie primitive; 420 DÉCOUVERTE DE L'OVULE PRIMITIF. car de Pétat de simple globule, l’ovule dont la forme est encore très indeterminée, devient pendant la vie fœtale, par l'acte dela fécondation, un corps tout différent, et qui présente intérieure- ment les articulations ou sections les plus variées ; caril est très vraisemblable que la déhiscence dela vésicuie primitive succède à la déhiscence et au flétrissement du follicule ; etde plus, que lorsqu'il passe de la vie fœtale à une vie propre ou indépen- dante, non-seulement cet acte entraine la déhiscence de ses membranes externes, mais le rejet d'organes importants, et à l'intérieur, les altérations et les transformations les plus essen- tielles des principaux organes, et tout cela comme par un coup de baguette magique. Une série de comparaisons intéressantes résulte du rapprochement des différentes périodes de la vie la- tente, telle qu’elles le présentent dans le développement des autres organismes ; c’est aussi par ce moyen que l’on parvient à établir qu’à différentes époques correspondent certains degrés d'évolution vitale. Ainsi nous voyons dans les plantes, qui nous présentent le phénomène remarquable de la vie latente (1) au plus haut degré, qu’il n’y a que l’ovule fécondé, et déja modifié jusqu’à un certain point, en lui-même, que nous nommons semence müre de la plante, qui soit capable d’une vie latente. Nous devons ajouter que cette capacité peut durer pendant des milliers d'années, puisque nous voyons que l’on a pu faire germer des grains de blé que l’on avait retirés des tombeaux des momies Egyptiennes. Je ferai cependant remarquer à ce sujet, que les expressions ne sont pas tout-à-faitles mêmes en botanique qu’en zoologie (2) : ainsi M. de Mirbel, dans ses belles recher- (1) Encore une idée qui n'a pas été suffisamment appréciée en phy- siologie jusqu'à ce jour : ce qu'il y a de plus récent là dessus se trouve dans un mémoire sur l'idée de la vie latente publié dans les archives de physiologie de J. Muller, année 1855. (2) En zoologie la nomenclature n’est même pas encore fixée ; ainsi sou- vent et avec raison, le nom d'œuf est donné seulement au contenu de l'ovaire;"d'autres fois, on entend par œuf, en parlant de l’homme ou des mammifères, l'embryon avec sesenveloppes contenu dans l'utérus. Dans ce DÉCOUVERTE DE L'OVULE PRIMITIF. 421 ches sur l'embryon des plantes, nomme embryon le globule primitif qui est le rudiment de la semence à venir, bien que ce globule soit bien plutôt lanalogue des simples sporules des plantes inférieures que de l’œuf de l'ovaire des animaux les plus élevés ; et d’un autre côté, on compare ordinairement les graines des plantes à l'œuf des animaux les plus élevés, tandis que l'on devrait bien plutôt (comme je le dirai dans un autre endroit ) les placer sur la même ligne que l’ovule avec son en- veloppe ( calyx ),.ou le considérer comme l’analogue des animaux les plus élevés à l’état fœtal, ou des insectes à l’état de nymphe. Maintenant, si l'on veut établir une nomenclature commune aux plantes et aux animaux, il faudra dire que dans les premières, ce qui mérite véritablement le nom d'œuf ou d’ovule, n’est point susceptible d’une vie latente, puisque s’il ne passe promptement à l’état de graine, il meurt ; tandis que ce même ovule dans l’état développé jusqu’à un certain degré ( que l’on peut comparer à celui del'œuf à l'état d’incubation), où il se trouve immédiatement avant que son embryon ne perce sa coquille, se trouve en effet capable de rester à l’état de vie latente pendant très long-temps ; souvent pendant un nom- bre d'années tout-à-fait indéterminé. Quant aux animaux infé- rieurs, etsurtoul les animaux articulés, un étatde vielatente long- temps prolongé ne convient pas davantage à leur ovule avant la fécondation, qu'à celui des plantes qui n’est encore que fécondé, et non encore arrivé à l’étatde graine ; mais, dès que l'œuf des animaux inférieurs est fécondé, quand même il ne présen- terait aucune trace de l’état embryonaire, il devient capable d’une vie latente très étendue, puisque, non-seulement il passe très souvent l'hiver sans être en aucune manière modifié (tels sont la plupart des œufs d'insectes ), mais il peut rester ainsi dans une espèce d’engourdissement ; pendant plus long-temps dernier cas , on ferait mieux de se servir de l'expression d'homme fætal ou de mamrmifère fatal puisque dans le senl mot de fœtus les membranes «1 le placenta qui font également partie du fruit, ne Sont pas compris. 492 DÉCOUVERTE DE L'OVULE PXIMIIIF. Cela arrive dans des circonstances que je ne fais que signaler ici; et j'ajoute que les œufs de plusieurs insectes aquatiques et de petits crustacés nous fournissent bien certainement des exemples de ce dernier fait. Cette espèce de vie latente se ren- contre encore une fois dans les animaux supérieurs, dans l'œuf fécondé des amphibies supérieurs, et des oiseaux. Mais ici l'œuf doit être non-seulement fécondé, mais encore hors de l'ovaire et développé jusqu’à un certain point pour être capable de cette vie latente. La classe des mammifères nous en fournit d’autres exemples, mais comparée à la vie latente de l'œuf humain, elle est d’unebien moindre durée. Dans ces animaux, l'œuf éprouve un commencement d'évolution pendant la vie fœtale à l’intérieur des cellules de l'ovaire, et dans un grand nombre d’entre eux, qui ne sont susceptibles d’accouplement que plus tard (comme cela est démontré dans la vache }, 1l reste pendant plusieurs années, dans un état d’engourdissement , sans se développer davantage jusqu'au moment de la fécondation. Mais sitôt que l'œuf est fécondé , l'évolution marche rapidement; et, si les circonstances nécessaires à ce développement rapide viennent à manquer, la mort de l’œufen est la suite nécessaire (1). Cepen- dant comme le développement vital des mammifères se fait assez rapidement, la puberté survient d’assez bonne heure, et la fécondité ne dépend que des circonstances extérieures; aussi est-il rare que l’engourdissement vital de l’œuf so t de longue durée. Maintenant si l'on réfléchit aux résultats de ces recherches par rapport à l’homme, nous voyons que sa vie latente le diffé- rencie du reste des animaux autant que la place qu'il occupe dans la série des êtres. Nous voyons ici que dès le début d’une première grossesse, GÉNÉRALEMENT PARLANT, L'OEUF QUI ALORS (1) On comprend maintenant plus facilement le phénomène récemment découvert dans’ le chevreuil, dont l'œuf fécondé paraît rester pendant, assez long-temps à l’état de vie latente, avant que son évolution n'ait lieu dans l'utérus. DÉCOUVERTE DE L'OVULE PRIMITIF- 423 COMMENCE À SE DÉVELOPPER , À EXISTÉ A L'ÉTAT DE VIE LA- TENTE DEPUIS QUINZE A vivez Ans. Cette période de temps est d'autant plus remarquable qu’elle présente un rapport direct avec celui que, à partir du moment de sa naissance, l’homme doit parcourir pour être en état de se reproduire, Enfin nous trouvons que le rang assigné à l'homme sous le point de vue intellectuelle acquiert un caractère d'autant plus tranché, que non seulement il lui faut un temps très-long pour acquérir son entier développement , à partir de sa naissance, maisque déjà avant le commencement réel de son passage à l’état d'homme, ou de son incarnation ( Menfdwerbung ), une si longue période d'existence latente s’est écoulée, et l’on peut dire que b'en. que le plus grand nombre des phénomènes vitaux qu'elle présente se lient entre eux, cependant un développement graduel, constant dont les nuances sont insaisissables à nos sens,a lieu sans aucun doute, pendant la durée de cette période. Bref, nous nous croyons autorisé à dire que la connaissance, et la considération attentive de cette période très remarquable de la vie de l’homme dont l'importance physiologique est restée non appréciée jusqu’à ce jour, et dont la découverte nous appartient, est essentiellement destinée à enrichir et à compléter la physiologie de l’homme. Dresde, le 14 mai 1857. Nous avons tâché de traduire aussi littéralement que possi- ble le mémoire du savant professeur Carus, nous confessons que les faits qu’il y expose et plusieurs des propositions qui en dé- coulent se trouvent peu d’accord avec les principes de l’école à laquelle nous appartenons.Mais comme dans les sciences d’ob- servation les principes n’ont d'existence que par les faits, avant de combattre pour les premiers, nous croyons devoir examiner la force et la valeur des derniers. C'est ce que nous espérons avoir bientôt l’occasion de faire. Nous promettons alors de dire au savant dont nous avons admiré plus d’une fois lés conceptions hardies, quet sera le résultat de nos recherches. Je ferai re 424 DÉCOUVERTE DE L'OVULE PRIMITIRE marquer en attendant, que je ne vois pas une concordance par- faite entre la proposition suivante , qui términe le mémoire de M. le professeur Carus, savoir : que perdant la période de la vie latente, un développement graduel, constant dont lesnuan- ces échappent à nos sens, a lieu sans aucun doute (1). A cette autre qui découle tout naturellement du degré de développe- ment où M. le professeur Carus a trouvé les ovules de plusieurs animaux naissants, et de l’homme: « Le développement ulté- rieur de ces ovules n’éprouverait donc aucune difficulté si les circonstances extérieures étaient données. » Il me semble que ces deux propositions se contredisent. Mais l'important ce sont les faits sur lesquels nous n'avons point de doute. Mais notre conviction tout naturellement ne datera que du jour où nous aurons yu nous-même, À, B. v (1) «Inwelchem (d. h. im zeitraum der latenten Lebens).. ein geheimes, ansern sinnen unmerkliches Fortbilden ohne zweifel mit stetigkeit sich findet. » à MÉMOIRES SUR LA MOELLE ÉPINIÈRE ET SUR UN SYSTÈME DE NERFS EXCITO-MOTEURS. Par MARSHALL-HALL. D. M. membre de la Société Royale, etc. Un volume in-4. { M. Gubriel à donné une traduction de ce mémoire dans les Annales des sciences naturelles. 2e série, vol., 7, p. 34. Ce volume contient : 1° un mémoire sur ce que l’auteur ap- pelle la fonction réfléchie de la moelle alongée et de la moelle épinière , lu à la Société Royale, en juin 1833; 2° un autre mémoire sur la véritable moelle épinière et sur le système des nerfs excito-moteurs , lu à la méme société, dans le mois de février de l’année 1837. C'est de ce dernier que nous nous proposons de donner une courte analyse. Tout le monde connait les expériences au moyen desquelles on met en évidence le principe auquel Haller a donné le nom de force nerveuse ( vis nervea, ) et que le professeur Mueller a nommée force motrice ( vis motoria. ) Cette force nerveuse est complexe ; car elle présente deux modes d'action, savoir : 1° si au moyen d’une pince ou d’un courant galvanique, on excite un nerf, le muscle auquel il se rend, se contracte ; 2° si l'on irrite la moelle épinière, les muscles qui recoivent-les nerfs dont l’origine se trouve au-dessous du point excité, se con- tractent. Haller et le professeur Mueller affirment positivement que celte influence motrice n’agit que suivant la direction des branches où des fibres nerveuses, ou, comme le dit le profes- seur Mueller, ( jamais en arrière ) ou d’une manière rétro- 426 MÉMOIRES SUR LA MOELLE ÉPINIÈRE. grade. On n’a fait aucune autre application du principe de mou- vement manifesté par ces expériences, aux phénomènes de la vie ou à la physiologie. La première chose que l'auteur se soit proposée dans son dernier mémoire, a été de démontrer par une série de nou- velles expériences, 10 que la force nerveuse a été dans un sens rétrograde, relativement à la moelle épinière ; 20 que ce prin- cipe moteur donne la clef d’une foule de phénomènes physio logiques. 1"° Expérience. L'auteur décapite une tortue, puis il divise la moelle épinière vers le milieu ; ensuite il irrite l'extrémité inférieure de la moitié supérieure de la moelle épinière, les extrémités supérieures se meuvent à l'instant même. Voilà un. résultat tout à fait en opposition avec les opinions de Haller,de Mueller, etc.; car il prouve que la force motrice peut agir à retro, ou dans une direction rétrograde. 2% Expérience. L'auteur décapite une tortue, puis ayant mis à pu, vers le milieu du dos, la moelle épinière, il l'irrite au moyen du galvanisme ou d’une pince à disséquer : les memn- bres antérieurs et postérieurs entrent en mouvement. On ob- tient ici en même temps, on réunis l’ancien résultat proclamé par Haller, et celui du professeur Marshall-Hall, d'où l’on est autorisé à conclure que la force motrice, quelle que soit la. direction du mouvement, est excitée par le même stimulus. 3"° Expérience. M. Marshall-Hall enlève le sternum, et met à découvert les nerfs intercostaux ; ceux-ci sont irrités par les moyens indiqués plus haut; tous les membres se meuvent comme dans l'expérience précédente. D'où il conclut que la force motrice a agi : 1° dans un sens indirect (c’est-à-dire d’un nerf intercostal à la moelle épinière pour agir sur les membres); 20 dans un sens rétrograde et direct en même temps, et 3° qu’elle a été réfléchie à l'égard de la moelle épinière. 4° L'auteur, après avoir décapité une tortue, a irrité plu- 2 MÉMOIRES SUR LA MOELLE ÉPINIERE. 427 sieurs points de la peau, et les résultats ont été les mêmes que dans l’expérience précédente. 59 Au lieu de stimuler la surface cutanée externe, l’auteur irrite au moyen d'une sonde pointue ou d’une pince, différentes parties du tégument interne, ou membrane muqueuse, soit celle le la tête isolée (both those of the separated head), soit celle du ronc, telle que les muqueuses de l'œil, du nez, du larynx, celle du sphincter ani ; et dans toutes ces circonstances, il a vu es différentes parties du système musculaire, entrer en con- traction, et produire des mouvements (1). Nous avons ainsi suivi l’auteur dans une suite d’expériences, à partir de celles sur lesquelles Haller s'était appuyé, jusqu’à celles qui lui sont propres et aux conclusions qu’ilen a su tirer ; et nous nous trouvons conduit tout directement à leur application à la physiologie. Si l'on touche le bord d’une des paupières d’une tortue déca- pitée, les deux veux se ferment ; si l’on introduit une sonde dans la trachée-artère, une inspiration a lieu dès que la sonde arrive au larynx; le même phénomène se manifeste par l’'irrita- tion des narines, de l'extrémité supérieure du pneumogastrique coupé, ou de la moelle alongée. Si l’on touche les bords de l'anus, le sphincter se contracte immédiatement avec force. Tous ces phénomènes cessent par l’ablation ou la destruc tion de la moelle épinière, ou par la section des nerfs qui exis- tent entre elle et les parties stimulées, ou celles qui en sont le plus voisines. Des expériences que nous venons de citer et d'un grand nombre d’autres, l’auteur tire les conclusions suivantes, qu'il y a : 1e Des nerfs d'incidence (incident nerves); 2° Des nerfs de réflexion (reflex nerves), qui vont à et (x) I faut supposer que M. M. H. dans cette expérience, s'est borné à faire la section de la moelle épinière en laissant la tête attachée au tronc par les parties molles, on qu'il n’a enlevé que le crâne, puisque la mu- queusce buccale, etc., lui sert dans cette même expérience. & 428 MÉMOIRES SUR LA MOELLE ÉPINIÈRE, naissent de la moelle et de la moelle épinière, centre de ce: système ; 39 Que c’est au moyen de cet appareil nerveux que plusieurs- phénomènes physiologiques se manifestent, tels sont ceux : 10 Des paupières (du clignottement) ; 2° Du larynx, 3° Du pharynx; #& Des muscles respiratoires ; 5° Des sphincters ; 6° D’expulsion, etc., etc. Ainsi tout ce qui a rapport à l'ingestion, à la rétention, à l'expulsion, se trouve sous la dépendance de ce système de Za véritable moelle épin:tre et des nerfs excito-moteurs. Ces fonctions sont toujours excitées; elles exigent toujours un exci- tant, et que l’arc excito-moteur qui se compose du nerf inci- dent, de la moelle épinière et du nerf réfléchissant ou de réflexion, soit complet. Il nous est impossible d’inglutir, ou de faire rapidement et successivement trois inglutitions, sans avoir dans la bouche autre chose à avaler que de la salive, parce qu'un excitant est indispensable pour cet acte. On ne peut nier qu'il n’y ait quelque chose qui excite vive- ment l'attention du physiologiste dans cette série de faits. Nous ne suivrons point l’auteur dans les détails qu'il donne, ni dans toutes les remarques qu'il faitsur l'anatomie, la physio- logie, la pathologie et la thérapeutique; nous nous proposons de revenir à l’occasion sur ce sujet que nous croyons digne de fixer l'attention de tous ceux qui, $’étant familiarisés avec les recherches de Haller, de Scarpa, de Legallois et de plusieurs. savants modernes, sentent combien est palpitante d'intérêt la question des fonctions du système nerveux. TABLE DES MATIÈRES ‘CONTENUES DANS LE PREMIER VOLUME, > RON GT SNA S SEE TENUE S ER TER ERA FRS | EU Faits pour servir à l’histoire générale du développement des animaux , par M. Laurent..............:... LL TSUE CA 2 . 16 Sur la génération des marsupiaux, extrait d’un mémoire de MAR Owen. par M° Bazin... SES eue 34 Mémoire sur les tissus animaux en général par M. Laurent.... 57 AOSREITONS.-1-. - ee se Re CHE 1” FAT ss 11% Nouvelles scientifiques. ........... CAPE EEE sesesssses.s 75 Influence des métamorphoses sur le nombre des yeux...,...... 77 Nouvelles relatives aux arts anatomiques... ......... HArdiee 79 EG CG M UT CORRERETERRGENNS DE PAIE 2 OAES AE SNA 80 Expériences sur limbibition des tissus dans l’âge embryo- aire, par M. Laurent. ....... RENTE S TER rein ostiee 81 Recherches sur les fibres primitives des tissus cellulaires et tendineux sains , enflammés, ete..........,............. 85 Mémoire sur la rétroversion dans l’état de vacuité chez les femmes mariées , nullipares , ou vierges , par M. Bazin...... 97 Recherches sur l'existence de l’organisation des vésicules adi- peuses (1° article), par M. Hollard......,............... 124 Note sur la forme des extrémités articulaires des vertèbres, par LH. D''de Blainville sue sn 58 - aocrlrec ROSE 1 = ci 138 430 FA TABLE DES MATIÈRES. Nouveau système de physiologie végétale, par M. Raspail; analyséparMacquemart.--2° 4e: Due 143 Sur la structure intime de la substance osseuse des dents par FDajirdin-:-HCPPREE SE Eee MER rente 149 Planches. Mémoires sur la rétroversion de l'utérus dans l’état de vacuité, chez les femmes mariées, nullipares ou vierges par M. Bazin (bnp) sné sde tops ces oo io Se MR Ce 0 157 Lettre sur le Poulpe de l’Argonaute, par M. H. D. de Blain- Te le LE ER RE A 188 Recherches sur les affinités et les différences naturelles des appareils des animaux, par M. Laurent.................. 291 Observation sur les z00spermes, par M. F. Dujardin, ......... 240 Sur la cause organique de la ponte du coucou dans un nid étranger, par M. H. D. de Blainville..................... 9249 Faits pour servir à l’histoire du développement des animaux, Creartiele)paciM attente cc CE 259 Note sur quelques modes de formation du tissu cellulaire et des vaisseaux dans les plantes, par M. Mirbel................ 269 Lecons sur les phénomènes physiques de la vie, par M. Ma- gendie. (Analyse par M. Hollard)....................... 272 Sur l’organisation des IÉUSO LES se re SU CREER EMA AUTRES 278 Union fertile du lion et du tigre. ...4.......441. 15.120000 280 Prétendus animalcules du suc des végétaux découverts par NMADdle ee eee reel ec rh ses 280 Premiers signes de la manifestation de la vie chez les embryons destnollusquess. "there CrUUi Es. t--"ecCE 281 Nouvelles observations d'anatomie et de physologie. ......-.., 282 Découverté d’une nouvelle glande chez le porte-muse......... 283 Planches. Sur quelques anomalies du système dentaire dans les mammi- fères: Par M. H. D:'de Blainville. .2#2...44. 3.008 287 Note sur les carnassiers insectivores. Par le même............ 31! Sur l'enveloppe propre du poumon. Par M. Bazin... 31° Recherches de principes en anatomie en physiologie comparées 32 des régions des animaux ; par M; Laurent!1:3111, 4. (EC TABLE DES MATIÈRES. Puicosopnie NATURELLE. Essai sur la différence du degré de certi- tude que présentent l’idiologie et la physique générale ; et sur les procédés intellectuels qu’elles exigent. Suivi de l’examen de cette question : la statistique est-elle applicable aux sciences d'observation , et notamment à la médecine? ete. , ete... .... Nouvelle doctrine de M. Blandin sur l’étiologie et le traitement Ian die OR ES AÉTONR EUR OL SO Mo PO Recherches anatomiques et physiologiques sur l’ouie et l'audition des mammifères et des oiseaux par M. Breschet. La partie céphalique du système nerveux végétatif de l’homme. Par Fr. Arnold. Analyse critique de ces mémoires, suivie de recherches sur la névrologie de la région céphalique des oiseaux et de quelques mammifères. Par M. Bazin.......... Nouveau système de physiologie végétale et de botanique par M. Raspail. Analyse par M. Jacquemart................. Nouvelles scientifiques... . Planches. P Quelques observations sur l’animal de la spirule et sur l’usage du siphon des coquilles polytalames. Par M. H. de Blainville. Sur la différence du degré de certitude que présentent l'idéologie et la physique générale, etsur les procédés intellectuels qu’elles exigent. Examen de cette question : la statistique est-elle ap- plicable aux sciences d'observation ? par M. Bazin......... - Recherches sur les aflinités et les différencés naturelles des maté- riaux de contexture des animaux par M. Laurent.......... Découverte de l’ovule primitif. Période d’existence inconnue msaceenronns Par (Gr Carus- 222 CPS e CUe Mémoire sur la moelle épinière et sur un système de nerfs excito- moteurs; par M. Marshall-Hall. ......... Planches. 431 : 369 7 = :; 8 » : 1 s et re “ 4 F + STAR, , vethae » L smash anal el, pus? à add «rpinimeniend à ts vigf - rtaganal alrériyé oopia elle tre ». AR: Pr aié [n) Are : 08 êgee “| ALP Hsarwmbog af ME : «qu +5 pe LUE naine rit 4 PE di Page 2 is sr x CAT * 48 FARM > sud fie CR “ra es CRT one opt ah: Loiih rosée cqdlgr ; À Mes 4 HU ation. 4 un wine LS LE] … Fe HAS ve 1 NE ! Le M ones in 4 pers | Bin) Vol HE ue daitesu és 2h, 1 DETPE à 308 be ODA. + su. ag Lite mi 4 ny Lu her ce D TRUE UNS UE br: pe d , "de -" d Ê | # ii 104 fr | à prod mr » 4: shot su ne es n É à . PAS + à 4 D 9:10 Aer, à qu) # ME wir nr # Le El à \, pie _ nl , bros rt nl d ad! 7 L une \ 0 k 1 VMS TM — "Re f il É ’ "4 S 2 + — Ce CRU . A = D. /28 4 NN 4 LI qe po / MAFÈR où Let PPS Maps 4 À hat A EP AA REF ! "Fn RER #, Ê 7% Fa LT INT nAan° AN ant aux BRR mac "1 INA ñ EN ES Pre A À | ARE NN ONR RP EEE 4 / 4 | A À mana annaanel AA AAA. FRS RE D ARE CERR | | \a À a. << AAA APR ES = e RARE CESR. \ Are enr AN) RARE. À PE Fi ei | Dane, RARARRRE ne PARA) à "he, A D 7) # 0° RS \N À ji Ar AA À: Re 4 Ph net ha il ANS TC AN rec < —— à = APE ‘ EE PP > put NS Sa 2e PATES NC 6 y js ARIANE" PNR CR ce ADN A AAA AAA 4 , » aa "A Rte Nan NS FRÈRE PA AM! AT y GE rx sue _ N af AAA FFM NE — fi Pen ra ARBRES RSR à à re 5 LR - MANN Mae pat Of Ou 2 | AGE ra PLANS VS D AA 4 ne ri AAC = CU es RAI A fl NS Æ RAA -_nAARBAR Lo ® LAN oo AY dAPUPCT x r à Sa AE Pr Q ÿ WR AN AM LAN SR 0 RSS oz au NE sl NS AA 00 LR j fi Will TRE PNA NS SA MER fa ar M : NA AAA Anh K \ F0 dE Z SK LEA AA À 2 >> \: PAT } AR AR e AAA AA # E- : =) AA: 2 (AR AA RARE PAR ( SZ ; PF AA AARRAS NAN na NS M À “s, \& NS en ANRARANNR QU ST an « & A We ana AA la Te NN MAMAN \y, AA \ : FAR AA à) PNA C7 ANT ABLE D ANSE Qi GX f 4 SE a PÈRES f Ca HN f S RDA y Fe APN AAAAnAA VE A TES Al À H RAA HAN en pe 222 GA l k AS aa NA NA AA AD / TES PU SAN ET RL pe pr ne TT pré ms re tres LA x RER E Pr St vrope