TRE RE RE Ra Pr due ea TR PE GE ER © ITR re PE 7: Rae A er qe ET : RS Ebs L MER NTEES rs £ ee PTS 4 . #, LS fs re Pie : DM ME TES Dre Lo ES CR AR EE Ron PR PA SA A RS RS RITES Se e SRRSRS LITRES GRAN AP RE Ses 9 SR ES PS RO 1e À eee RS ie ee ms De PT RE PR Os Rte, | US re ART SE de à È ER D ER TARN LENS * F 4 S re : w RCE VS D SA ds | 5 ras - es = sd oies a CE PÉTE Srers se A RL Me re RS RertD 25 À res PET STE := FRET age ET er, EPÉRAES FL RTE Da rfi rene Fa ce ARE AAT IN ÉRE br) du ts RE TT NT RO RE CE LS D D SAR RE TES a < e pr æ > Ye rte 5: F2 LA DS a {2 * 2 HS MER Ep iseies PR GT qe Pr ÉTÉ à ST res ae PS GA RP ee D ee es ce : TE RP: RS EEE V3 ge sert AE Eh ro, os MTS GE ST AN PNR D NE ARE D md gare per Es RSS A Pc een se, ne À, a Dr ÉTÉ RS RE PR PE Lee ë je de ” nd / , ! Re PRE LR A du, res D NT PE TS RON IR ETES RE D PP gr ER PES > g ‘ ; A a. 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Ù NAS LR RC es © en” SR en ES ren, Er ER RT PART ne PE TE LE RSR RTE RÉ ee re - FX PR TS LT TRS RS RTS ST TS TE TE RSA RTE BR: FT N'a RER R : PAR og de) PRET RSS ST SE RS ER Er ER LEE re NE MU à RE CP ANNUAIRE DE L'INSTITUT DES PROVINCES. ANNUAIRE DE L'INSTITUT DES PROVINCES ET DES CONGRÈS SCIENTIFIQUES. 1854. tes À 3 Ce PS, TON GE NS ù SDELINSTITUT y) \ @ PROVINCES de F7 PARIS , DERACHE, RUE DU BOULOY, 7: DUMOULIN , QUAI DES AUGUSTINS : CAEN, A. HARDEL, RUE FROIDE, 2; ROUEN, LEBRUMENT, QUAI DE PARIS. NANCY, Mie. GONNET. D: A HISTOIRE DE L'INSTITUT, L'Institut des provinces de France ‘a dignement rempli sa tâche en 1853. Le Congrès des délégués des Sociétés savantes à Paris et les Assises scientifiques tenues dans plusieurs provinces ‘prouvént quel rôle cette savante Compagnie ‘st appelée ‘à remplir dans le monde savant. Malheureusement cette année comme ‘les années précédentes , la Compagnie a perdu bd de ses membres. MM. Lair, de Caen; Desjoberts, de la Seine-Infé- rieure ; de Saint-Germain , d'Evreux : et l'abbé Ban- deville, membres titulaires’, ont cessé d'exister. Le véuérable M. Lair est mort à l’âge de 84 ans. C'était le, doyen des académiciens. de la ville, de Caen, et jusqu’à la fin il a conservé sa mémoire, ses facultés et ses fonctions de secrétaire de la Société d'agriculture. Le dévouement de M. Lair aux intérêts de la ville de Caen et du département du Calvados est trop connu pour qu'il faille ici le rappeler. Une notice détaillée sera d’ailleurs publiée sur sa vie par la Société dont il a été, pendant près de cinquante ans 1° secré- taire et le moteur. | era, Nous rappelons seulement que ,] M. En akait anis te à plusieurs sessions du Congrès scientifique de France ; quil en avait présidé la. section d’agriculture.à Caen: à Poitiers, à Blois et à Douai: et. qu'au Mans àilfut VI HISTOIRE DE WINSTITUP.) L!! appelé à la présidence générale de l'assemblée. M. Larr était officier de la Légion-d'Honneur. M. Dessoserrs, membre du Conseil général de Fagriculture, qui pendant vingt ans a représenté le dé- partement de Ja: Seïne-Inférieure.à la Chambre, est mort après une! longue maladie.-M;: DessoBerTs avait fait long-temps. valoir ses belles: propriétés de Neuf- châtel et il avait rendu de grands, services à l’agricul- ture par les bons exemples qu’il avait donnés. Publi- ciste éminent, M. DesroserrTs avait souvent. pris. la parole dans les questions de budget; il.avait voyagé en-Algérie et fait plusieurs publications sur.ce pays. Au Conseil général de l’agriculture, c'était -un.des adversaires les plus redoutables du libre-échange. Homme de bien , d'une loyauté et d'une. franchise très-rares dans le siècle où nous vivons, M. DessoBEerts emporte avec lui l'estime de tous ceux qui l'ont eonnn. M. de SarnT-GERMAIN, inspecteur de la Soeiété française, savant paléographe ; archéologue profondé- ment instruit, un des hommes qui comprenaient le mieux à notre époque les beaux-arts et leur rôlé dans la vie humaine, l’organiste, le compositeur qui avait écrit dans le Bulletin monumental des pages si intéres- santes sur la musique religieuse, est mort à l'âge de 36 ans, à la suite d’une maladie de la moëlle épinière. M. R. Bordeaux donnera, dans l'Annuaire de l’Asso- ciation normande, une notice sur M. de Sainr- GERMAIN, qui, jeune encore, était une des gloires de la province, Personne n'a mieux connu M. de Sainr- Germain Que M. Bordeaux ; personne ne l'a mieux HISTOIRE DE L'INSTITUT. VII compris : l'hommage rendu à la mémoire de M. de SarnT-GERMaIN sera digne de celui que nous regret-— tons. M. l'abbé Banpevirre, grand-vicaire de Reims, membre de l'Institut des provinces , est mort dans le courant de mai 1853. M. BANDEVILLE , qui n'avait pas 60 ans, avait assisté et pris une part active à plusieurs sessions du Congrès scientifique de France : 1l avait publié divers ouvrages à Reims. L'Institut a encore perdu trois de ses membres étran- gers. M. Léopold de Bucu est mort à Berlin, le 5 mars. M. Léopold de Bucx a fait plus qu'aucun autre sa- vant de notre siècle pourl’avancement de la géologie. C'est lui qui le premier a expliqué par les souilève- ments, les phénomènes que présentent la stratification et la disposition des montagnes. Cette théorie a été plus tard démontrée par M. Elie de Beaumont. M. Léopold de Buoux avait plus de 80 ans et on lui en aurait donné 72 à peine. Il entreprenait encore des- courses fort longues à pied et quand 1] fit un voyage en Normandie en 1840, ce ne fut pas sans surprise qu'on le vit arriver de Li- sieux à pied chez M. de Caumont. Pour mieux ob- server vos terrains, je viens, disait-il à cet honorable membre de l'Institut des provinces, vous demander les cartes géologiques que vous avez faites pour le Calvados et la Manche, car je vais continuer à pied mon voyage Jusqu'à Cherbourg. Quelques jours après, M. DE VIII HISTOIRE DE L'INSTITUT. Bucx revenait voir M. de Caumont.et lui disait: j'a été fort content. de ma promenade à pied, el votre carte me l’a rendue plus intéressante, j'ai trouvé vos délimi- tations de terrains très-exacles, M. AvELLINO, conservateur du musée de Bourbon , à Naples, membre étranger ide l'Institut des provinces et de la Société française pour la conservation des mo- numents, est mort il y a déja 2 ans, mais nous n’en avons été informés que pr l'envoi de sa notice biogra- phique. M. Avellino avait rendu de grands services à l'archéologie. Une notice sur sa vie et ses travaux a été publiée en italien. .M. Hecxer, professeur à la Faculté de Berlin et mé- decin d’une grande distinction, avait été élu 3%. vice- président général du Congrès, scientifique de France lors de sa session à Lyon, en 1841. Les membres élus dans le cours de l’année 1853 sont MM. Le prince Lucien BonarartTe, GX, sénateur, nddbre de plusieurs Académies. Du Bois, de la Loire-Inférieure, O #: inspecteur général de l'Université. Comte de Vausranc XX, membre de plusieurs Aca- démies, à Paris, et à Munich { Bavière). Gaxor, ancieu député, secrétaire de la Société d'agri- culture, sciences et arts de l'Aube. L'abbé Trinon, inspecteur des monuments de l'Aube, chanoine honoraire, à Troyes. ALLUAUD aîné #, membre du Conseil général de HISTOIRE DE L'INSTITUT. 1X l’agriculture, président des Sociétés savantes de Li- moges. DEL Les membres étrangers sont : … S. A. R. le prince Jean, de Saxe, président des So- ciétés académiques de Dresde et des Congrès archéolo- giques allemands. M. le Comte :D'Orrers, .C »%, directeur général des Musées, commandeur, de plusieurs.ordres, à Berlin. M. Scxuzz, O %, conseiller d'Etat de Saxe, à a Dresde, M. Perir, membre de plusieurs Académies, à Lon- dres, . + NS | | M. Tuousex, C k, directéur du Cabinet des mé- dailles, commandeur de l’ordre de Danebroc, à Copen- hague. M. le Baron STELLPRIED, G Je, gränd-maitre des cérémonies du Palais, Er Croix de sh DR AE à Berlin: COMPOSITION DU BUREAU et du Conseil d'administration. Directeur général : M. De Caumont O %, fondateur des Congrès scientifiques de France. Secrétaire : M. Fupes-DesLonccuawps 3%, doyen de la Faculté _ des sciences de Caen. Trésorier : M. Gaucain XK, inspecteur de l'Association nor- 4 Administra- ] teurs. mande. MM. J. Gianni XX, correspondant de l'In- stitut de France, à Rouen. Le vicomte pe Cussy O x, membre de plusieurs Académies, à Paris, et à Vouilly (Calvados ). Le Granp %X, D.-M., ancien maire de St.-Pierre-sur-Dive. LamgerrT, conservateur de la Bibliothèque publique de Bayeux. Baron ne La FRÉNayE %#, membre de plusieurs Académies, à Falaise. Monière, secrétaire-général de J’Associa- tion normande, à Caen. De GLanvizze, inspecteur des monu- ments de la Seine-Inférieure. Le Perir (l’abbé) chanoine doyen du canton de Tilly, XI LISTE DES MEMBRES DE L'INSTITUT DES PROVINCES. Len L À 4 MM. Le prince LOUIS-NAPOLÉON III, G %%, Empereur des Français, Le prince Lucien Bonaparte X, sénateur, membre de plusieurs Académies. Eroc-Demszyx, ancien secrétaire-général de l'Institut, au Mans, Lorri (l'abbé), ancien trésorier de L'Institut, id, Bouver (l'abbé), ancien membre du Conseil, id. De Manseuz, chef d'institution, à Laval, Le Gaz, conseiller à la Cour d'appel, directeur de la division de la Bretagne, à Rennes. AvwBer, chanoine titulaire de Poitiers, directeur de la division du Poitou, à Poitiers. Bourzzer %, membre de plusieurs Sociétés savantes, à Clermont-Ferrand, Lecoo #£, secrétaire perpétuel de l’Académie, à Cler- mont-Ferrand. Léon pe La SicoTiÈRE, avocat, à Alençon. TaizLarp X%, conseiller à la Cour d’appel de Douai. Guerrier pe Dumasr %, membre de l’Académie, à Nancy. RicozLor XX, président de l'Acadèmie à Amiens. De Givencuay, secrétaire-genéral de la III*, session du Congrès, à St.-Omer. . Bonxer 2%, professeur didtisu is, à Besancon. XII LISTE MM. Beviénien 3%, memibre de plusieurs Académies, à Verdun. Couwanwoxn 3%, bibliothécaire du Palais des Arts, à Lyon. | D'Howsres-Framas %#%, à Alais (Gard), correspondant de l’Académie des sciences. Jules Renouvier, ancien président de la Société des Arts, à Montpellier, Soyxer-WiLLemer, X, trésorier-archiviste de l’Académie, à Nancy. Crorzer #, curé de Neschers, près Issoire. Marcel ne Serres #£, professeur à la Faculté des sciences, à Montpellier. Weiss O %, bibliothécaire, à Besançon. Géraurr, euré de Laval (Mayenne). Mure, naturaliste, président de la Société d'agriculture, à Angers. Boxer %X, D.:M., chirurgien en chef de l’Hôtel-Dieu, à Lyon. | Véncez %, ancien médecin en chef des Hospicæ de Lyon, | , Moxix, professeur d° histoire à la Faculté des lettres de Besançon. Fourner 3%, professeur de géologie à fa Faculté des sciences de Lyon. SeRINGE, professeur de botanique à Ta même Faculié. Victor Simon %, ancien secrétaire-général du Congrès, conseiller à la Cour impériale, à Metz. Moucsot »%, naluraliste, à Bruyères ( Vosges). Herr XX, proicsseur à la Faculté de Droit, à Stras- bourg. Coururar 5%, ingénieur en chef da cours du Rhin, à Strasbourg. Mg”, Donxer O 3%, cardinal-archevèque de Bordeaux. DES MEMBRES DE L'INSTITUT DES PROVINCES. K11T MM. Des Mouuins, inspecteur divisionnaire des monuments , directeur de da division du Sud-Ouest, à Bordeaux. Mg", Gousser O €, cardinal-archevèque de Reims. Barreau, historiographe et chanoine de Beauvais. Kerer, conservateur de la Bibliothèque, à Dieppe. Mg". Coussrau, évêque d'Angoulême. De za Fanezre %, ancien représentant du Gard, à Nîmes, Desrocues (l'abbé } ; curé d’Isigny ( Manche). De Cavroz %, ancien député, à Compiègne. Biséuz, à Blain ( Loire-Inférieure ). Daousr , inspecteur divisionnaire de la Société française, au Mans. Marquis pe Visraye, géologue, à Cheverny, près Blois, Arthur Marin (lé R. P.), auteur des vitraux de Bourges , à Paris. Canier (id. ), membre de plusieurs Académies, à Paris. DucHATELLIER , ancien secrétaire-général de l'Association bretonne, à Quimper, De La Baume 3%, conseiller à la Cour d’appel de Nîmes. Comte De MonrALEMsEerT %, ancien pair de France, inspecteur divisionnaire de la Société francaise pour la conservalion des monuments, à Paris. Reiper, conservateur des Archives de la Vienne, à Poi- tiers. GobsrD, graveur, membre de plusieurs Académies, à - Alençon (Orne). V. Hucuer, membre de plusieurs Sociétés savantes au Mans (Sarthe ). Comte pr Tocquevizze O >, ancien ministre, membre de l’Académie française, à Tocqueville (Manche }. Teissier, membre de plusieurs Académies, à Anduse, Comte A, pe Goureues, membre de plusieurs Sociétés savantes, à Lanquais (Dordogne). XIV LISTE MM. Wazz % , directeur de l'Observatoire, à Marseille, Gocuez 3, membre de plusieurs Académies, à Boux- veiller (Bas-Rhin). Vorsix (l'abbé), membre de plusieurs Académies, au Mans (Sarthe ). Le GLayx %# , conservateur des archives, correspondant de l’Académie des inscriptions, à Lille ( Nord ). Kuazman X, professeur de chimie, membre du Conseil général du Commerce, à Lille (Nord }. Herman», membre de plusieurs Académies, de la So- ciété des Antiquaires, etc., à St.-Omer (Pas-de-Ca- lais ). Jourpain, chanoine de la cathédrale, à Amiens. Duvaz , membre de la Société française pour la conser- vation des monuments , à Amiens. F. Worzzez, membre de plusieurs Académies, à St.- Quentin. Baron. d'Haussez O >, membre de plusieurs Sociétés savantes , à St.-Saens (Seine-Inférieure ), Baron pu Taya %, président de la Société d'agriculture des Côtes-du-Nord, à St.-Brieux. Desnoyers, vicaire-général d'Orléans, inspecteur des monuments du Loiret. | E. Dozrus #, président de la Société industrielle de Mulhouse. MaLuerge, juge, président de la Société d'histoire natu- relle de Metz. | Comte pe CuasrezLux C X%, membre de plusieurs Aca- démies, à Chastellux (Yonne }). Bazuin %, archiviste de l’Académie des sciences, arts et belles-lettres de Rouen. Dusrevuiz, professeur d'agriculture, à Paris. Bazcy O Ÿ#, ancien président de l’Asadémie de méde- cine, à Villeneuve-le-Roy (Yonne). ù DES MEMBRES DE L'INSTITUT DES PROVINCES. XV MM. Berruëzor O 3%, secrétaire-général de la Société de géographie. Vizmonix X, correspondant de l'Institut, aux Barres (Loiret }. Becza O %, directeur de l’Institut agronomique de Grignon. Pertir, proviseur au lycée de Rennes. Comte ne Trisran 3% , membre de plusieurs Académies, à Orléans, Comte ne Locnarr #, directeur du musée d'histoire naturelle, à Orléans. Bayze-MouriLarp O XX, membre de l’Acad. de Clermont, ancien secrétaire-général du ministère de la justice. Beauver La Farce %X, ancien. sous-préfet, membre de l’Académie de Clermont. Perir-LariTTe, membre de l'Académie de Bordeaux. BLarainou (l'abbé), chanoine, professeur à la Faculté de théologie de Bordeaux. P. M. Roux %, membre de l’Académie, secrétaire-gé= néral du Congrès scientifique de France, à Marseille. BARTHÉLEMY, Conservateur du musée d'histoire naturelle, à Marseille, Dreusé %, président de la Société de statistique de Marseille. BerrauLus $£, médecin du Lazaret de Marseille; membre de plusieurs Académies, Coquan», ingénieur des Mines, vice-président de l’Aca- démie d'Aix. CasreL, agent-voyer chef, à St.-Lo. Devoucoux (l'abbé), secrétaire perpétuel de ‘la Société académique et vicaire-général d’Autun. Nierce, procureur-impérial, à Brignoles ( Var). Baron pe ConTEncix O 3%, directeur général de l’admi- nistration des cultes, à Paris. | XvVT LISVEÉ MM, Le Roy pe Béraune, membre dû Conseil général de l’agriculture, à Douai, ReNauzT, inspecteur divisionnaire de l'Association nor- mande, vice-présidént du tribunal, à Coutances. Comte OLivren DE SeswatsoNS, directeur de l'Association bretonne, à Nantes. Canrien, directeur de la Revüe numismatique, à Amboise, Lambron ve Licnim, capitaine de ‘cavalerie, secrétaire- général de la XV®, session du Fos scientifique, à Tours. CHamPorseau Xe, secrélaire-ténèrel de la même session, à Tours, De Sourpevaz €, id, , juge d'instruction , à Tours, J. pe Fonrenay, membre de plusieurs Académies, à Autun, Mg”. Parists O 3%, évêque d'Arras, ancien représentant du Morbihan. De GLanvizce, inspéctéur des monuments de la Seine- _ Inférieure, à Rouen, Le Pgrir (l'abbé), chanoine honoraire de Bayeux, se« crétaire-général de la Société française pour la conser- vation des monuments, à Tilly (Calvados ). GOpaARD:SAINT-JEAN (l'abbé), professeur. au grand sémi- naire de Langres. E, pe BLois, ancien représentant du Finistère, président de la classe d'histoire de l'Association brelonne, à Quimper. LacuriE (l'abbé), chanoine honoraire de la Rochelle, inspecteur divisionnaire dès monuments historiques, à Saintes. Maruerow, ingénieur , membre de plusieurs Sociétés sa» vantes, à Marseille, De Bois Le Core, membre de plusieurs Académies, à Tours. DES MEMBRES DE L'INSTITUT DES PROVINCES. XWII MM. De La Terrapbe, directeur de la Société linnéenne, à Bordeaux. De BuzoNMÈRE, secrétaire-général de la XVIIe, session du Congrès scientifique :de France, membre de plu- sieurs Académies , à Orléans. La Crosse C 3%, sénateur , ancien ministre des travaux -publics, à Paris, Duraur DE MonTroRT %X; vrésMeut de da Société de statistique des Bouches-du-Rhône, à Marseille, Général Rémoxp G O %X, ancien député, membre de plu- sieurs Académies, près Gisors. GopeLLe %, membre de plusieurs Académies, conseiller d'État. Morière, secrétaire-général de latocietion normande, directeur des Cours spéciaux du lycée, à Caen. Lerepvre pu RurrLéÉ O %, sénateur, inspecteur divi- sionnaire de l'Association normande , ancien ministre, à Pont-Authou, Le Normanb, ancien sous-préfet, membre de plusieurs Académies , à Vire. Vicomte pe FazLoux €, ancien ministre de d'instfuction publique, à Segré (Maine-et-Loire), Dr Kerprez, ancien représentant d’Ille-et-Vilaine, ancien élève de l'École des chartes, à Rennes. Alph. Le Fracuais, membre dés Académies de Caen et de Rouen, à Caen. Crosnien (l'abbé), vicaire-général de Nevers, inspecteur des monuments de la Nièvre, à Nevers. Mg’. Dupont C 3%, cardinal- RE de Bourges, à Bourges. Aussanr, membre de plusieurs Académies, professeur en médecine, à Rennes. Taror%K, présid', de chambre à la Cour d'appel de Rennes, secrétaire-général de la XVI°, session du Congrès, XVIII , LISTE Comte Louis pe KerconLay, ancien directeur de la Revue provinciale , secrétaire-général de l'Association bretonne , à Fossieux (Seine-et -Oise ). A. TasLé %XK;, conseiller à la Cour d’appel de Rennes. Barré, sculpteur, lauréat de l'exposition régionale de : l'Ouest, à Rennes. Baron pe Girarpor, membre de plusieurs Académies, sous-préfet à Montargis. GuéÉranGer, président de la Société académique de la Sarthe, au Mans. Succ, sculpteur, lauréat de l’Institut (exposition régio- nale de l'Ouest), à Nantes. L. DE La Morte, membre de l’Académie, inspec- teur des établissements de bienfaisance |; à Bor- deaux. Dezazonve-Duruis fils, membre de plusieurs Académies, à Rouen. De Bency De Puyvazcée Y% , président de la Société d'agriculture du Cher, à Bourges. MarécuaL, ingénieur des ponts-et-chaussées , à Bourges, “MacnarD Ÿ, ingénieur en chef, id. BerTranb %, maire de Caen, doyen de la Faculté des lettres, à Caen. VaLLaT, recteur de l’Académie du Lot, membre de l’Académie, à Bordeaux. Boucner DE PERTHES #%, président de la Société d'ému- lation, à Abbeville, Raynaz %, avocat-général près la Cour de cassation. De La Monneraye, président du Conseil général du Morbihan, à Rennes. Porrier %X%, conservateur de la Bibliothèque publique ae Rouen. Nicias Gaizrarp O #£, avocat-général à la Cour de cas- sation, membre de plusieurs Sociétés savantes, DES MEMBRES DE L'INSTITUT DES, PROVINCES. XIX MM. Tnévexor, chef d’escadron, secrétaire de la cinquième section de la VI*., session du Congrès scientifique de France , à Clermont-Ferrand, Cuavin DE MacLan %X, ancien conservateur de la Biblio- thèque du palais du Luxembourg, à Paris. : Marquis DE CHENNeviÈèRes-PoInNTEL , membre de plusieurs Académies, inspecteur-général des musées de province, à Paris. GuizLory aîné, secrétaire-général de la X°. session du Congrès scientifique, de France, président de la Société industrielle, à Angers. Baron Cuaïzzou pes Barres O %, ancien préfet, prési- dent de la Société archéologique d'Auxerre. De Verneizu-Puirazeau, inspecteur divisionnaire de la Société française pour la conservation des monuments, à Nontron (Dordogne ). DE Surieny, membre de l’Académie de Mâcon, à Mâcon ( Saône-et-Loire ). FLecuer, architecte, à Lyon. M. Canar, secrétaire-archiviste de la Société académique de Châlons-sur-Saône, R. Borpeaux, docteur en Droit, membre de plusieurs Académies , à Évreux ( Eure). BLonpor, secrétaire-général de la XVIIe. session du Con- grès scientifique de France, professeur à l’École se- condaire de médecine de Nancy. BouLancé, ingénieur des ponts-et-chaussées, membre de l’Académie , à Metz. Simonin , docteur-médecin, secrétaire de l’Académie Sta- nislas, à Nancy, secrétaire de section à la XVIIe. ses- sion du Congrès. Le Pace, membre de l’Académie de Nancy, archiviste du département de la Meurthe, secrétaire de section à la XVIIe, session du Congrès scientifique, à Nancy. XX LISTE MM. Comte ne MezLër, inspecteur des monuments de la Marne, membre de plusieurs Académies, président de section à la XVIT-. session du Congrès scientifique, à Chaltrait (Marne }, Victor Permir, membre de plusieurs Sociétés archéolo- giques, à Sens ( Yonne). Travers, professeur de littérature latine à la Faculté des lettres de Caen, secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences , arts et bellés-lettres , à Caen. Durné La Manérte, docleur ‘en Droit, secrétaire de section à la XVI. session du Congrès scientifique de France, substitut, à Caen. RostTan, inspecteur des monuments historiques , maire de St.-Maximin (Var). R Peztenin, docteur-médecin, professeur à l'Écolesecondaire de médecine, membre de plusieurs Académies, à Caen. Hardez , imprimeur de l'Institut, membre du Conseil de la Société française pour Ja conservation des mo- numents, à Caen. CL De Quarreraces %, ancien professeur d'histoire natu- relle à la Faculté de Toulouse, membre de l’Institut, à Paris. Paurrin, ancien magistrat, membre de plusieurs Aca- démies , à Réthel (Ardennes). Maavz %#, ancien préfet, membre de plusieurs Sociétés savantes, à Carcassonne. | Comte be MOonTLAUrR, membre de p'usieurs Académies , à Moulins (Allier). Boupanr (l'abbé), curé de Chantelle ( Allier ). Lé Perrérien-SautTéLer, docteur-médecin, à Orléans. _ Comte pe Vicnenaz, président du comice agricole, à Ry (Orne). | De Benacue O X, membre du Conseil général de l'agri- culiure, à Dampierre (Loiret). DES MEMBRES DE L'INSTITUT DES PROVINCES. XXI MM. Le Vor, bibliothécaire de la marine, à Brest, Ciror pe Lavize. (l'abbé }, membre. de l'Académie de Bordeaux. Comte AcaMET D'HérIcOuRT, président de l’Académie d'Arras, CHALLE, avocat, vice-président de la Societé académique d'Auxerre, membre du Conseil général de l'Yonne, Feuizzer, juge de paix, membre de plusieurs Sociétés savantes , à Lyon. Baron ne Monrreuiz, ancien représentant, à Gisors. Comte ne Nieukerque C 7% directeur-général des mu- sées, à Paris. QuanrTin, archiviste du département de l'Yonne, membre de plusieurs Sociétés savantes , à Auxerre, D'Espauzarp, président de. la Société académique du Mans , adjoint au maire de Ja même ville, GouarT, membre de plusieurs Académies, secrétaire du comice agricole de St.-Quentin (Aisne), De Venneuz O %&, membre, de la Société, géologique de France, à Paris, Baron James ne RorascmiLp C X, membre de plusieurs Académies, à Paris. Ricaro, secrétaire de la Société archéologique, à Mont- pellier. ARRONDEAU, professeur de. physique au lycée de Ren- nes, | Du Bois OX, de la Loire-Inférieure, iwspogienne général " de l’Université. Comte ne VausLane 3%, membre de plusieurs Académies, à Paris et à Munich (Bavière), Gaxor; ancien. député, secrétaire de la Société d'agri- culture; sciences. et arts de; l'Aube, | Triow (l'abbé), inspecteur. des monuments de l’Aube, chanoine honoraire , à Troyes. | XXII LISTE MM. ALcLuaup aîné % , membre du Conseil général de l'agri- culture , président des Sociétés savantes de Limoges. Dessinateur de l’Institut : M. Bouer, membre de plu- sieurs Académies , à Caen. Jembres Étrengers. MM: S. À. R. le prince Jean de Saxe, président des Sociétés académiques de Dresde et du Congrès archéologique allemand, Comte ne Mérone C se, ministre d'État de Belgique, inspecteur divisionnaire de la Société française, au château de Trelon, près d’Avesnes, et à Bruxelles. Lopez #, conservateur en chef du musée ,.à Parme. Gazzera XX, secrétaire de l’Académie, à Turin, Mg’. Renpu %, évêque d'Annecy. Marquis Parerro C S£, à Gênes. Marquis pe Rinozri C X, ancien ministre, à Florence. Pasteur Dugyx , à Genève, Baron pe Seris-Lonecaawp ; à Liège, WaewueL, professeur , à Cambridge. James Tares, à Londres. Prince pe CANINO , à Paris. SAN Quintixo, conservateur honoraire du musée, à Turin, ’ Desnines C %, directeur-général des mines du Piémont, à Turin. | Varnkoœnie %, professeur à l’Université de Tubingue. Baeur, professeur à l'Université de Hiedelberg. Scaapow >X%, directeur de LS des Beaux-Arts, à Dusseldorf, DES MEMBRES DE L'INSTITUT DES PROVINCES. XXIII MM. Kusrer X, professeur de physique, à St-Pétersbourg. Kriec DE HOCHFELDEN %, chargé des fortifications du Grand-Duché de Baden, à Baden. De Hammer-PurGsTaLz G $%, membre de l’Académie im- périale, à Vienne, De Brinckeu, conseiller d’État, à Brunswick. Borsserée, architecte, à Bonn. D'Howazius, D'Hazroy C #, correspondant de l’Institut de France, à Namur. MaraviGNA, professeur d'histoire naturelle, à Catane (Sicile ). Duc Serra pt Fazco G %, prince de St.-Pietro, à Flo- rence et Palerme ( Sicile ), BerTint O 5%, membre de la Chambre législative de Sardaigne, conseiller à la Faculté de médecine, membre de plusieurs Académies, vice-président-général du Congrès scientifique de France, à Turin. Baron pe Rorsin #£ , au château de Kurens, près Trèves Prusse (Rhénane ). Bucxkcan», professeur à l’Université d'Oxford. Marquis 5 SANTO ANGELO, ministre de S, M. le roi des Deux-Siciles, à Naples, Comte DE FursSTEMBERG X% , chambellan de $S. M. le roi de Prusse, à Apollinarisberg, près Cologne. Baron pe Quasr #, inspecteur-général des monuments historiques de Prusse, à Berlin, Roucez, professeur d’archéologie à l’Université de Gand. Baron pe Srassarr G O £, membre. du Sénat, président de l’Académie , à Bruxelles. SISMONDA XX, professeur de géologie à l’Université de Turin , membre de l’Académie de la même ville, Comte ne Sezmour Ÿ , gentilhomme de la Chambre du roi de Sardaigne, président de l'Association agricole de Piémont, XXIV MM. LISTE dacquemonr »X , membre du Sénat et président dé la So- ciété académique de Chambéry: Mg’. Muiier, évêque de Munster, REICHENSPERGER , Conseiller à la Cour royale et membre de plusieurs Académies, à Cologne, de Ja ds ut lé- gislative de Berlin. Mg'. Geissez 4%, cardinal-archevêque de Dear Borowskr , secrétaire de lambassade russe, à Paris. Comte pe La Marmora C 3%, directeur de Pécole de marine , à Gênes. | Donazsron, secrétaire de l’Institut des architectes, à Londres. Le Maisrre-D'AnsTaiNG , président de Ja Sociélé: archéo- logique , à Tournay. Quérecrr Ok, secrétaire perpétuel de l'Académie royale de Belgique, à Bruxelles, Josarp Y, membre de plusieurs Académies, à Bruxelles. De Wixwoskr, chanoine de la cathédrale de: sc dés dE | Trèves. ‘Taurman, membre de plusieurs Académies, à Poren- truy. Baron pe PLancker, docteur en: Droit, uinivtd de plu- sieurs Académies, à Bruxelles, R Muremison, membre de la Société royale de Londres, correspondant de l’Institut de France, à Londres. Parcxer, membre de: la Société des Antiquaires de Londres, à Oxford. F3 | Comte Ernest pe Beusr, ne des mines , à Berlin. Barurr: (l'abbé) #%, | professeur de D. à l’Uni- -versité de Turin, : *1Comte Avorarpo De Quareens C XX , PRET de phy- sique à l’Université de Turin, Comte César Bazso C 3%, député, ex-président du conseil des ministres , à Turin, DES MEMBRES DE L'INSTITUT DES PROVINCES. XXV MM. Crsnario C >, sénateur de Piémont, professeur de chimie à l’Université de Turin, Racozinr Roc, secrétaire perpétuel de l'Académie royale d'agriculture de Turin, Baron Joseph Manxo C %, président du sénat du royaume de Piémont et de la Cour d’appel de Turin, membre de l’Académie, J. Moris, sénateur du royaume de Piémont, professeur de botanique à l’Université de Turin. Professeur Canru X, sénateur du royaume de Sar- daigne, à Turin. Le comte Joseph TeLerr , membre de l’Académie impé- riale d'Autriche, à Szerach, Joseph Arnerx, directeur du cabinet impérial des An- tiques, à Vienne. Davinson, membre de la Société géologique, à Londres. Comte D'Ozrer.C X, directeur-général des musées, com- mandeur de plusieurs ordres, à Berlin, Scauzz #2, conseiller d’État, Perir, membre de plusieurs Académies, à Londres, Tuomsen C Ÿ, directeur du cabinet des médailles, com- mandeur de l’ordre de Danebroc, à Copenhague. Baron STELLFRIED, grand-maître des cérémonies du pa- lais, grand-croix de l’Aigle-Rouge, à Berlin, XXVI CONGRÈS DES, DÉLÉGUÉS DES SOCIÉTÉS, SAVANTES { SESSION DE, 1854 ) Le Congrès s' ouvrira à à Paris le lundi 20 mars, à 2 heures, rue Bonaparte, 44... La session durera au moins jusqu'au ARARARE 27. On continuera: d'examiner: 1°: quels sont les tra- vaux dont les Sociétés académiques des provinces doi- vent-particulièrement s'occuper ét quelest le meilleur plan à suivre pour la réalisation deces travaux; 2°. on prendra connaissance des mémoires qui seront pré- sentés sur les différentes branches des sciences natu- relles et des sciences historiques. Chacun des délégués devra, à son tour, faire un rapport sur les travaux de la Société à laquelle il ap- partient, pendant l’année 1853 exclusivement. MM. les délégués seront, en outre, invités à donner des renseignements sur les travaux personnels des hommes studieux de leur pays, et à faire connaître toutes les publications en cours d'exécution dans la circonscription académique dont ils seront les repré- sentants au Congrès. Une commission nommée dès/l'ouverture de la ses- sion sera chargée de suivre attentivement ces rapports, de les analyser , de les comparer , de les grouper par régions et d'en déduire des conséquences qui seront présentées au Congrès dans une des dernières séances de la session , afin que ces observations puissent être SESSION DE 1854. xXVIT transmises aux diverses Sociétés savantes , par l'inter- médiaire de leurs délégués. Plusieurs séances seront spécialement consacrées à examiner des plans ou programmes de travaux à en-— treprendre pour chaque spécialité, ‘et à l'audition des communications qui seront faites par les délégués. Quéstions à discuter par le Congrès des délégués des Sociétés savantes, en 1854: Voici quelques-unes des questions qui séront discu- téés au sein du Congrès : | Quels seraient les moyens dé faire connaitre aux personnés qui S’occupent én province d'archéologie et d'histoire locale, les principaux doéuménts manuscrits rélatifs à leurs études, qui existent dans les biblio- thèqués de Paris ét les grands dépôts du Gouvernement? Ne serait-il pas utile de publier en faveur des érudits qui n'habitent pas Paris , une sorte de guide pour di- rigér les recherches au milieu du dédale de ces collec- tions, et pour suppléer à l’absence de catalogues ? — Faire connaître dès à présent les principales séries où l'on ‘pèut plus utilement faire des recherches, telles que la collection de Boxe, celle de Gaignières , les manuscrits de Lancelot, ceux de Duüuchesne, la :col- lection généalogique de Clairambault , le recueil topo- graphique du cabinet des estampes. Signaler les collections analogues qui existent dans les bibliothèques de province, les recueils manuscrits relatifs à la féodalité, à la topographie pittoresque, à la biographié locale , les pe PARGIONE plans et. de portraits. - Les Sociétés savantes et les add tre des bis XXVIII CONGRES DES DÉLÉGUÉS DES SOCIÉTÉS SAVANTES. bliothèques des départements ne feraient-elles pas bien d'entreprendre la transcription des pièces relatives à leur circonscription , qui, conservées à Paris , sont hors de la portée des savants qui travaillent en pro- vince ? Ne serait-ce pas une excellente œuvre de dé- centralisation ? Indiquer les moyeus de rendre plus utiles pour la province les musées, les bibliothèques, les dépôts d'archives, les collections de toute espèce, que l'Etat réunit à Paris. Signaler les inconvénients actuels, indiquer les améliorations désirables. Perfectionne- ments dans l’organisation, classement, publication des catalogues.—Les institutions organisées en France pour résister au vandalisme et protéger les monuments des arts ont-elles une action suffisante ? Résultats ob- tenus par la Société française pour la conservation des monuments.— Les Sociétés académiques établies dans les diverses localités se préoccupent-elles suffisamment de cet objet? Les: inspecteurs officiels nommés.par le ministère d'Etat et les correspondants du ministère de l'Instruction publique sont-ils également actifs? . Quels nouveaux sujets de recherches doivent être in- diqués aux Sociétés et aux auteurs quientreprennent des histoires locales et des statistiques historiques ? De l'étude des institutions féodales : organisation des fiefs ; histoire de la propriété foncière ; circonscriptions et hiérarchie des justices ; voierie ; marchés. Histoire des forêts , des cours d'eau et des moulins. : A quelle époque ont été constituées les fabriques d'églises ou bureaux de marguilliers ? Quelle a été l'influence de ces administrations laïques sur l'archi- tecture religieuse et sur l’art en général ? SEssION DE 1854. XXIX Faire. l’histoire chronologique des jardins et des plantations d'agrément qui existent auprès des chà- teaux ? N'est-il pas regrettable de voir substituer des jardins modernes , dits à l'anglaise, aux avenues et aux anciennes plantations qui entourent les châteaux des XVI®. et XVII*. siècles ? Quels. seraient les moyens de faire connaître et de répandre à l'étranger et en Amérique les publications des Sociétés savantes de Françe ? | Les recueils des Sociétés savantes occupent-ils dans les bibliothèques publiques la part qu'ils y devraient légitimement tenir? Sont-ils classés , catalogués et mis à la disposition des lecteurs dans les bibliothèques de Paris? = Quelles sont les bibliothèques de France où. l’on trouve la série plus ou moins complète des publications des Sociétés savantes? Du-dépôt commencé par l'In- stitut des provinces à la bibliothèque du Luxembourg ? Faut-il, dans les grandes bibliothèques, faire un département particulier des recueils des Sociétés sa- vantes, ou répartir ces publications dans les spécia- lités auxquelles elles appartiennent, suivant l’ordre des connaissances humaines ? Quel serait, au point de vue bibliographique , la meilleure classification de ces publications ? Quelles sont les causes pour lesquels les journaux des Sociétés savantes restent en-dehors du commerce de la librairie? Des moyens de rendre ces collections moins encombrantes. Des améliorations à y apporter sous le rapport de la correction, du format, des divi- sions. De la nécessité de bonnes tables méthodiques , alphabétiques et par noms d'auteurs. XXX: CONGRÈS DES DÉLÉGUÉS DES SOGIÉTÉS SAVANTES. La publication d'une table analytique générale de tous les recueils des Sociétés, contenant le dépouillement de tous les faits qui s'y trouvent, l'indication de toutes les figures qui y sont contenues , ne serait-il pas d’une grande utilité ? Quels sont les travaux mis au juurou entrepris en ce genre depuis le Repértorium comménta- tionum: à societatibus literariis editarum, à Gottingue, publié par J.-D. Reuss, au commencement de ce siècle ? De l'importance et de la meilleure organisation du secrétariat et des comités de rédaction et pe dans les Sociétés scientifiques. Pourquoi le procédé de moulage inventé par M. Lottin, de Laval, et aëquis par l'Etat, n'est-il pas publié? Services que les Pocieiss poings en retireraient. ‘XXXI ARRÊTÉS DE L'INSTITUT. M. le comte A. »'HéRiCOURT est nomme président des Assises scientifiques de la Flandre et de l’Artois, qui se tiendront à Lille en 1854. M. le comte ne ViGNERAL est nommé président, des Assises de Picardie, qui seront convoquées à son choix à Abbeville ou à Amiens. | M. le comte pr MeLLET est nommé président des Assises scientifiques de la Champagne qui se tiendront à Reims ou à Chälons. M. Victor Simon est nommé président des Assises scientifiques de la Lorraine et du pays Messin, qui se tiendront à Nancy ou à Metz. M. le baron CHairrou-pEes-BaRREs est nommé pré- sident des Assises scientifiques de la Bourgogne, qui se tiendront à Auxerre. M. le comte DE MonrLaur est nommé président des Assises scientifiques du Bourbonnais, qui se tiendront à Moulins. M. AcLvauD est nommé président des Assises scien- tifiques du Limousin, qui se tiendront à Limoges. M. le vicomte pk Cussy est nommé président des Assises scientifiques qui se tiendront à Poitiers. M: l'abbé Lacurre est nommé président des Assises scientifiques de la Saintonge. M. A. pe BLois est nommé président des Assises scientifiques de la Basse-Bretagne, qui se tiendront à Quimper. XXXII ARRÈTÉS DE L'INSTITUT. M. RENAULT, membre de l'Institut des provinces, à Coutances, est nommé président des Assises scienti- fiques de la Basse-Normandie, qui se tiendront à Avranches le 24 juillet. M. le marquis DE Vigraye est nommé président des Assises scientifiques de la Touraine et du Blaisois, qui se tiendront à Tours ou à Blois. M. E. GuéranGer, membre de l’Institut des pro- vinces, est nommé président des Assises scientifiques du Maine et de l’Anjou, qui se tiendront au Mans. M. Ch. Des Mouzins est nommé président des Assises scientifiques du Périgord, qui se tiendront à Périgueux. M. Rrcarp est nommé président des Assises scien- tifiques qui se tiendront à Montpellier. | M. Roux, de Marseille, est nommé président dés Assises scientifiques du Sud-Est. Des poésies très-remarquables par M. Delérue, président de la Société d’émulation de Rouen, Le Flaguais, membre de l’Institut des provinces, et par d’autres littérateurs d’un grand mérite ont été lues dans les séances du Congrès des délégués et dans celles des Assises scientifiques tenues sur divers points de la France ; nous regrettons de ne pouvoir les publier. Par une délibération du comité de publication il ne sera pas publié de poésies dans l'Annuaire de l’Institut des provinces. CONGRES DES DÉLÉGUÉS DES SOCIÉTÉS SAVANTES DES DÉPARTEMENTS, | SOUS LA DIRECTION DE L'INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. SESSION DE 1853. SÉANCE DU 20 JANVIER. {Présidence de M. ne Caumoxr, directeur de l’Institut des provinces). La séance est ouverte à 2 heures et demie dans la salle de la Société pour l’encouragemeht de l’industrie nationale. | Prennent place au bureau , sur l'invitation de M. de Caumont : MM. Elie de Beaumont, sénateur, baron de Stassart , président de l’Académie de Bruxelles, d'Homalius, de Namur, de Quatrefages, membre de l’Institut, Dubois, de la Loire-Inférieure, docteur Bally, de l'Yonne; MM. Duchatellier, Charles Gomart et Raymond Bordeaux, secrétaires-généraux. On remarque dans la salle : MM. Vicomte ne Cussy, membre de l’Institut des provinces. Comte De Mezrer, délégué de l’Académie de Reims. Maureno, déléguédela Société d'agriculture de l'Indre. Le général RémonD, membrede l’Institut des provinces. 1 2 INSTITUT DES PROVINCES DE HRANCE. DE La MonniÈre, délégué de Association normande, arrondissement de Falaise. Le comte DE SERAINCOURT, délégué de l'Aveyron. De Crocmevizze, délégué de la Société académique de Boulogne-sur-Mer. Le docteur Parzzoux, délégué de Saône-et-Loire. Mourier, délégué de l'Association normande, arron- dissement de Lisieux. Emmanuel Micnez, ancien conseiller, délégué de Y'Académie impériale de Metz. Cueneau, délégué de la Société d’horticulture de Rouen. Le comte DE Soucy, délégué de J’ Association normande, arrondissement de Bayeux. Suc, membre de l'Institut des provinces, à Nantes. Le marquis pe Bezvar, délégué dela Société d’'Abbeville. Le vicomte ne Bonneuiz, délégué de la Société fran- çaise pour la conservation des monuments (section de Seine-et-Marne). DE za CHauvinikre, délégué de plusieurs comices agricoles. D'Esrovrset, président. de de Socièté d'agriculture de la Côte-d'Or. Charles Humgerr, secrétaire 54 la même Société. Dwusois, inspecteur général de l’Université, délégué de la Société académique de Nantes. Marquis De CHENNEVIÈRES, inspecteur des Musées de province, délégué dela Société d'Emulation d’Abbe- ville. Le Vavasseur, membre de plusieurs Sociétés dia à Argentan. RanpoinG, député, membre du Conseil général des manufactures. CONGRÈS DES ACADÉMIES. 9 DE Beaucourr, délégué de l'Association normande. De Guerpet, délégué dela Société d'agriculturede Vire. Manu, ancien préfet, membre de l'Institut des pro- vinces, délégué de la Société des sciences et arts de Carcassonne. Comte »'Osmoy, délégué de l'Association normande { division de l'Eure ). LouvancourTt, maire de Périgny-sur-Loire. Le docteur Brancuer, président de la Société géné- rale d'assistance et de prévoyance pour les sourds- muets. DE Morissure, secrétaire et délégué du Comice de Nogent-le-Rotrou. De Keripgc, ancien député, délégué de l’Association bretonne | section du Morbihan ). De GLanvice, membre de l’Institut des provinces, à Rouen, De LA Bicorrikre, délégué de l'Eure. Le vicomte pe Pommusreu, délégué de l'Association _ normande {division de la Seine-[nférieure ). Bgaupoin, délégué de la Société d'émulation de Rouen. DE LÉRUE, id. BuvieniEerR, membre de l’Institut des provinces , dé- légué de Verdun. Huzr, maire de Bellengreville, délégué de l'Association normande. D'Orrerre DE BOUVETTE, ancien conseiller, secrétaire et délégué des Sociétés savantes de Liège. De Vican, délégué de la Société archéologique de Lorraine , à Verneuil. Comte pe CourceLLes, délégué de la Société française (département du Nord }. 4 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. Goparp-FaurrrieR, président de la Commission ar- chéologique de Maine-et-Loire. DarBLay aîné, ancien député, président du Comice de Seine-et-Oise. Le comte »E Beawrorr, délégué de la Société française pour la conservation des monuments. DucHaTeLier, délégué de l'Association bretonne {divi- sion du Finistère), membre de l’Institut des pro- vinces. Le comte DE Lyonne, délégué du Comice agricole de Melun. SN Le baron ne Mesnir-Duranp, délégué de Lisieux. Jules Duvaz, délégué de la Société des sciences et arts de l'Aveyron. Durécu, inspecteur divisionnaire de l'Association nor- mande. Paul Duranp, membre des Sociétés savantes d'Eure- et-Loir. | Onésime Leroy, délégué des Sociétés savantes de Seine-et-Oise. | Le vicomte pe TrrcetT , délégué de la Société d'agri- culture, sciences et arts de la Marne. De La Tuzraye, président du comice de Nogent-le- Rotrou. Le vicomte Théodose DuMoxcez, président et délégué de la Société des sciences naturelles de Cherbourg. Ch. Gowarr, membre de l'Institut des provinces, dé- légué de St.-Quentin. | Le général vicomte pe CHamPraGny, délégué de Morlaix. Le comte DE LosraANGESs, vice-président de l’Académie nationale de l’industrie. Le comte »'Héricourr, secrétaire-général du Congrès CONGRES DES ACADÉMIES. D scientifique de France, délégué de l’Académie d'Arras, etc. De QuarreraAGes, membre de l'Institut de France. DE La FREsNaye, président et délégué de la Société académique de Falaise. Ch. Cazmar DE LarAyetTre, délégué de la Société académique du Puy. Eugène Mizrar», délégué de la Société d'histoire et d'archéologie de Châlons-sur-Saône. Darcez , délégué de la Société française pour la con- servation des monuments { département de la Seine). Josarp , délégué des Sociétés savantes de Bruxelles, membre de l’Institut des provinces. Le comte ne Monrraur, délégué des Sociétés savantes de Moulins. Le comte pe Vieweraz, membre de l’Institut des pro- vinces , président et délégué du Comice de Putanges (Orne). Poriquer, délégué de l'Association normande {section de l'Orne). QuenarD, membre de la Société centrale d'agriculture de la Seine. Le baron Travor, délégué de la Société d'agriculture d’Avranches. De Vaurewer, délégué de l'Association bretonne (sec tion d’Ille-et-Vilaine).. _ P&icné ne La Courr, membre de plusieurs Sociètés savantes, délégué de la Société académique de l'Oise. Raymond Borpgaux,membre de l’Institut des provinces, inspecteur divisionnaire de l’Association normande. De La Borperte, délégué des Sociétés savantes d'Ille- et-Vilaine. 6 __ INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. Denis, membre du Conseil général des manufactures et de l’Institut des provinces , à Mayenne. LanGLors , président honoraire de l'Académie de Metz. Le comte de Monrrnuiz, député, président et délégué : du Comice agricole de Gisors. RiourT DE L'ARGENTAYE, ancien député, délégué de la Société archéologique des Côtes-du-Nord et de la Société française (section des Côtes-du-Nord). Couvier-GRAVIER, astronome. Couranr, président de la Société de sphragistique. Ach. Le CLerE, membre de l'Institut et du Conseil des bâtiments civils. Le marquis DE SaINT-SEINE, délégué de la Société d'agriculture , sciences et arts de la Haute-Saône. Caennevikre, d’Elbeuf, membre du Conseil général des manufactures. Onésime Seurre, délégué de la Société d'agriculture, commerce , sciences et arts de Châlons. Comte ne VanpER STRATEN Ponrxoz, délégué de l'Académie impériale de Metz et de la Société archéo- logique de Luxembourg. De Lorikre , délégué des Sociétés savantes de la Sarthe. Paul de Wir, délégué de la Société française. Comte De RENNEvILLE, délégué des Comices agricoles de la Somme. Comte pe VESvVROTTE. délégué des Sociétés savantes de Dijon. Joux, délégué de l'Association normande. Le docteur Barry, délégué des Sociétés savantes de l'Yonne, membre de l’Institut des provinces. CONGRÈS DES ACADÉMIES. { Brian, délégué du Comice de Vimoutiérs. De Sainre-Beuve, délégué de la Société Hbre d'agri- culture , sciences et arts d'Evreux. Joseph Prwarb, délégué de Seine-et-Oise. Le comte DE Brosses, de la Société académique d’Or- léans. Mossecmann, délégué des Comices Mo les du dépar- tement de là Manche. De Rinc, délégué de Strasbourg. Perir-Larrirre , délégué de la Gironde. L'abbé Cirot De LAviLLe , membre de l'Institut des provinces, à Bordeaux. Le vicomte de Goureues, id., représentant de la Dordogne. Jsidore Le BruN, délégué de l'Asociadus nÔorT— mande. Marquis pe Goverroy pe Mesnir-Graïse, délégué de la Société des antiquaires de la Morinie. Le baron pe FoNTETTE , ancien député. | Ricarp, membre de l’Institut des provinces, délégué des Sociétés savantes de Montpellier. Comte Georges De Sourrratr, délégué des Sociétés de Mâcon. Poxsarp, délégué dé la Société d'agriculture de Châ- lons-sur:Marne. Alfred Ramé, délégué de la Société archéologique d’Ille-et-Vilaine, Daxsrou, délégué des Sociétés savantes de Beauvais. Lecômte Breiz pe Lanpar, délégué d’Ille-et-Vilaïine. Le comte de Sarsx, du Morbihan. Le baron Joseph DE FONTENAY, mémbre de l’Institut des provinces, délégué de la Société Eduenne. 8 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. De BarrHÉLEmY , délégué des Sociétés deChâlons-sur- Marne, inspecteur des monuments de la Meuse. Payen, membre de l'Institut. Périx , délégué de la Société centrale d'agriculture de la Seine. Huzarp, secrétaire-archiviste et délégué de la même société. L'abbé Cocmer , délégué des Sociétés de Rouen et de Dieppe. Charles Grvezer, délégué de l'Académie de Reims. Guizrory aîné, président et délégué de la Société industrielle d'Angers. De Sussex, délégué des Sociétés d'agriculture de Seine-et-Oise. Le comte de Caucarncourr, délégué du département de l'Orne. À. Passy, ancien sous-secrétaire d'Etat, délégué de la Société impériale d'agriculture. M. de Caumont inaugure la séance par un discours dans lequel il résume les travaux du Congrès et ceux de l’Institut des provinces. Il termine en ces termes : « Un grand fait, dont la portée doit être immense dans l'avenir, a signalé l’année 1852. Je veux parler des Assises scientifiques organisées par l’Institut des provinces sur douze points principaux de la France. Un programme de questions bien choisies avait été rédigé et transmis par le bureau central aux douze présidents des Assises, et presque en même temps ces questions ont été posées, discutées, résolues dans les villes où ces Assises avaient été convoquées. Vous CONGRÈS DES ACADÉMIES. 9 comprenez tout le parti qu’on peut tirer de ce nouveau mécanisme qui nous permet en quelque sorte d'étudier partout en même temps les questions les pius impor- tantes, d'en obtenir immédiatement la solution, d'étendre, si je puis parler ainsi, les bras du Congrès jusqu'aux limites les plus éloignées du territoire français. Dès ce moment, je suis heureux d'offrir l'expression de notre gratitude à MM. le baron Chaillou-des-Barres d'Auxerre: le comte de Mellet, de la Marne: Mal- herbes; Victor Simon; Boulanger, de Metz; Roux, de Marseille, qui se sont particulièrement signalés par leur zèle à organiser les Assises scientifiques dans leurs circonscriptions respectives. » Ce discours, accueilli avec le plus vif intérêt, est universellement applaudi. M. de Caumont dépouille ensuite lacorrespondance: M. le président de l'Académie impériale de Metz exprimeses regrets de ne pouvoir se rendre au Congrès des délégués des sociétés savantes. — Il annonce que l’Académie de Metz a délégué M. Emmanuel Michel et M. le comte Van der Straten Ponthoz pour la représenter. Elle fait déposer sur le bureau le XXXITIS®. volume de ses Mémoires, 1851-1852, et le programme des prit qu’elle décernera en 1853. M. Boucherde la Rupelle, ingénieuren chef du canal d'Orléans et du Loing, écrit pour s’excuser de ne pouvoir assister aux premières séances du Congrès; ilespère pouvoir s’y rendre avant la fin de la session. M. le président de l’Académie de Nancy exprime égalementses regrets de ne pouvoir assister au Congrès. 10 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. M. Bertrand , maire de Caen et délégué de l'Aca- démie de la même ville, espère pouvoir assister aux dernières séances de la session. M. de Mons de Montchaton , de Coutances, prie le Congrès de recevoir ses excuses. M. le comte de Germigny, membre du Conseil général du Calvados, exprime ses regrets de ne pouvoir assister aux séances du Congrès. M. le président de la Société pour la conservation et la recherche des monuments dans le grand-duché du Luxembourg, écrit pour s'excuser de né pouvoir se rendre aux séances du Congrès, et fait déposer par M. de Van der Straten un volume de ses Publications, année 1851, tome VII. M. le président de la Société impériale et centrale d'agriculture annonce que cette Société a désigné pour la représenter au Congrès MM. Payen, Antoine Passy, Huzard, Milne Edwards, Pepin. MM. le comte de Nieuwkerke, directeur général des musées impériaux; Blanchard, délégué de la Nièvre; le baron de Rotschild, membre de l’Institut des provinces; Victor Simon, président de l’Académie de Metz; Soyer de Villemet, de Nancy; Renault, de Coutances; l'abbé Noget, chanoine de Bayeux ; Des Moulins, de Bordeaux; Cirot de la Ville, chanoine à Bordeaux; l'abbé Blatairou, doyen de Ja faculté de théologie, expriment leurs regrets de ne pouvoir assister aux séances du Congrès. M. le bibliothécaire-archiviste de l’Académie de Stanislas, à Nancy, informe le Congrès que M. Monnier est chargé de la représenter au Congrès. M. le comte L. de Kergorlay s'excuse de ne pouvait assister aux séancés du Congrès. CONGRÈS DES ACADÉMIES. 11 M. le maire d'Amance (Meurthe) annonce son ar- rivée. M. Foisset, conseiller à la Cour d'appel de Dijon, prie le Congrès de recevoir ses excuses. | M. Barthélemy, inspecteur des monuments de la Meuse, adresse au Coïgrès une carte monumentale du département de la Meuse. MM. le baron Chaillou-dés-Barres et Quantin, d'Auxerre, membres de l'Institut des provinces, éx- priment le regret de ne pouvoir se rendre à Paris. M. Bazin , membre du Conseil général dés Manu- factures , au Mesnil-St.-Firmin, annonce qu'il recevra avec plaisir MM. lés membres du Congrès qui désire- raient visiter son établissement agricole et indus- triel, Une liste séra déposée sur le bureau pour recevoir les inscriptions de MM. les membres qui désiréraient Se réndre au Mesnil. Le jour de cette visite est fixé au mercredi 26 courant. Une sérié de numéros du Philologue et l'artiste, journal mensuel d'enseignement, déposée sur le bu- reau , est distribuée aux membres du Congrès. L'Académie de Munich fait parvenir un volume de ses Mémoires. M. Charles Gomart envoie une brochure intitulée : Le château de Ham et ses prisonniers. — Le Bulletin du comice agricole de St.-Quentin | Aisne). Il-est fait hommage au Congrès d’un grand nombre d'imprimés qui sont renvoyés à la section chargée d'apprécier le mouvement académique en France. M. de Cussy est chargé de présider cette section. Une journée entière sera consacrée à l'audition dés rapports, envoyés à l'avance par chacune des Sociétés 12 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. de province. Le Congrès décide que cette enquête aura lieu mardi 25, de 9 heures du matin à 5 heures du soir. M. le président soumet à l'assemblée le programme des questions que le bureau central a cru devoir pré- senter au Congrès, tout en invitant MM. les membres du Congrès à formuler et à déposer sur le bureau les questions qu’ils croiraient intéressantes. Ces questions seront soumises au bureau central, SCIENCES HISTORIQUES, LITTÉRATURE, BEAUX-ARTS, 1. Quel a été le mouvement académique en France depuis l’année dernière? 2. Quelles ontété, dans les départements, les publica- tions les plus importantesetles plus remarquables, soit sous le rapport du fond, soit sous le rapport de la forme ? 8. Convient-ilde continuer le Bulletin bibliographique? Quelles sont les observations faites sur cette publication parles Sociétés savantes ? 4. L'histoire des arts et des industries dans chaque contrée n'est-elle pas un des sujets d'étude les plus intéressants et les plus féconds pour les Sociétés aca- démiques des départements ? | 5. Dans quel ordre les recherches de ce genre pour- raient-elles avoir lieu le plus ordinairement ? 6. Quelle direction suit aujourd’hui dans les provinces le mouvement artistique? Quels efforts doivent faire les Sociétés savantes pour le diriger ? | 7. À une époque où l'utilité est le premier but qu'on se propose en toutes choses, où les nécessités indus- trielles dominent, les Sociétés savantes des dépar- CONGRES DES ACADÉMIES. 13 téeménts n'ont-élles pas à se préoccuper de la direction à donner à l’architecture et à la sculpture des grandes constructions modernes ? Comment les écoles de dessin et les collections d’art de nos villes de province pour- raient-elles être rendues plus profitables aux progrès de l’industrie dans les départements ? 8. Les Sociétés académiques ne pourraient-elles pas donner à certains arts, notamment aux arts cérami- ques, dans nos départements, une impulsion nouvelle ? 9. Les Sociétés académiques ne doivent-elles pas rechercher les noms et les dates chronologiques des peintres nationaux les plus anciens, en descendant jusqu'aux temps bien connus ; indiquer leurs œuvres, les lieux où elles se trouvent , et déterminer la part d'originalité qu’il faut faire à la peinture française, et celle qu’elle a pu prendre sous l'influence de l'art en Italie , en Flandre, etc. ? 10. Sous quelles influences locales les divers fiefs se sont-ils constitués et répartis ? Les villæ gallo-romaines ont-elles, en général, servi de noyau aux fiefs ? 11. Quelle a été l’origine des paroisses rurales? Un grand nombre d’entr'elles n'ont-élles pas été créées aux XI®. et XII®. siècles? Y avait-il beaucoup d’églises en dehors des bourgs sous les Carlovingiens ? 12. Quelle à été l'influence de la féodalité et des mo- nastères sur la multiplication des églises etsur le dépla- cement et la formation des agglomérations d'habitants ? 13. Quels secours historiques peut-on tirer des an- ciennes chartes, des concessions de dîimes et de pa= tronages, des étymologies des noms de localités, enfin des vocables des églises pour cette partie de l’histoire ? 14. A quelles causes faut-il attribuer la reconstruction 14 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. de presque toutes les églises rurales à la fin du XVE. siècle et au commencement du XVI. dans certaines régions de la France? Pourquoi, dans dés campagnes voisines, les églises des XI. et XII. siècles ont-elles été conservées et subsistent-elles encore ? 15. La dimension des églises rurales n'était-elle pas calculée sur la population de chaque paroisse, à l'époque où on les bâtissait? la vérification de ce fait ne permettrait-elle pas d'en tirer des inductions intéressantes pour l’histoire? 16. La plupart des familles existantes dans nos villages ne sont-elles pas encore les mêmes qu’au moyen-âge? (Fixité de la population rurale : étymo- logie des noms de famille; pérsistance des usages, du langage et des costumes locaux). 17. Quel est le degré d'antiquité des costumés portés par les paysans en Bretagne, en Normandie, etc.? 18. Etudes des diverses races répandues sur le sol de la France. Races celtique, kimri, romaine, franque, saxonne, normande, etc. À quelle race principalement apparténaient les possesseurs de fiefs et la classe noble, au moment de l'établissement de la féodälité dans lés différentes provinces? Vérifier par l'étude des faits locaux les systèmes émis sur ce point. 19. Quelles sont en province, et en dehors des recueils des Sociétés savantes , les collections périodiques con- sacrées à l'étude de l’histoire, des beaux-arts, de la littérature et des sciences naturelles ? Dans un certain nombre de départements, les Annuaires officiels de la préfecture contiennent des notices sur la statistique, lés antiquités , la biographie locale, etc. Dans plusieurs provinces il existe des Revues et dés journaux d'art. CONGRÈS DES ACADÉMIES. 15 Faire l'énumération et la bibliographie de ces publi- cations dans les diverses régions de la France. 20. Dresser la liste des Musées d'antiquités, de peinture et de sculpture qui existent dans les villes de province. Indiquer si ces collections se trouvent dans des locaux suffisants, si elles sont classées, s'il en existe des livrets. 21. Quels sont les progrès de l'imprimerie dans les départements? Cette industrie ne tend-elle pas à s'affranchir de la dépendance parisienne ? Les Sociétés savantes ne peuvent-elles pas prendre part à son essor en provincé, par leurs publications, sous le rapport de la correction et du bon goût? 22. Quels seraient les moyens de faire connaître les publications de provihce et d’obvier aux lacunes énormes et aux omissions du journal de la librairie en ce qui concerné les travaux imprimés dans les départements ? SCIENCES PHYSIQUES, 1. Quelles sont les recommandations à faire aux Sociétés d'agriculture et aux Comices relativement à la confection des cartes agronomiques ? 2. Quelle impulsion les Sociétés agricoles peuvent- elles donner au perfectionnement des races d'ânimaux domestiques ? Ne doivent-elles pas, chacune dans leur circonscription, publier des instructions à la portée de tous les agriculteurs? Comment ces instructions devront-elles être conçues ? 3. Vers quelles modifications doivent tendre les efforts des agriculteurs, soit dans le règne animaf, soit dans le règne végétal? 16 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. 4. Quelles observations les Sociétés agricoles des départements littoraux ont-elles faites sur l'emploi du varech pour l’engrais des terres? Quelle en est la valeur comparée à celle du fumier et des autres engrais ? 5. Que doivent faire les Sociétés agricoles des départements littoraux en présence des réglements qui interdisent la coupe des varechs? 6. Les dépôts de guano devant nécessairement être épuisés dans un temps assez prochain, comment pourrait-on remplacer cet engrais en agriculture ? 7. N'importe-t-il pas de recommander , comme sujet d’études approfondies , aux Sociétés d'histoire naturelle, d'examiner s’il est bien prouvé que le homard se reproduit dans les parcs où les pêcheurs le conservent pour la vente? Quels procédés les Sociétés d’histoire naturelle peuvent-elles conseiller aux habitants du littoral pour obtenir la mulplisatien de ces crustacés et des autres espèces qui servent à la nourriture de l’homme? 8. Quelles sont les principales différences que présentent les Faunes marines littorales de la France? 9. Ces différences sont-elles explicables par des considérations exclusivement climatologiques ? 10. Quelle influence peuvent exercer à cet Sears sk La constitution géologique des côtes, °, Les courants marins en général ; de Le voisinage de l'embouchure des divers cours d'eau ? 1}. Le plan officiel de la statistique Ke d'un département français n'ayant pas été publié depuis l'an X, et le programme donné plus tard par la Société CONGRÈS DES ACADÉMIES. 17 centrale de statistique n'étant plus en rapport avec le progrès de la science statistique, Quel est le mode de rédaction à suivre pour cetravail? Celui de publication sous le point de vue de la dépense? La statistique doit-elle être publiée périodiquement, tous les dix ans, ou à des époques plus éloignées ? 12. M. Petit, directeur de l'Observatoire de Tou- louse, correspondant de l’Institut, a observé, par la déviation du pendule, que la chaîne des Pyrénées est une soufflure plus ou moins puissante en épaisseur (cette épaisseur demeure nécessairement ignorée), et qui doit s'élever par un vide également inapprécié. N’est-il pas à propos d'appliquer cette observation à d’autres montagnes, afin de savoir si elles peuvent donner lieu aux mêmes suppositions ? Quelles instruc- tions doit-on donner à ce sujet aux Sociétés savantes ? M. de Caumont annonce ensuite que le Congrès se divisera en trois sections. Les numéros 1, 2, 3, 4, 5 sont renvoyés à l'examen de la section des beaux-arts, M. Bordeaux est chargé de recueillir tous les procès- verbaux de cette section. MM. de Chennevières, De Lérue, Duchatellier et Calmard de la Fayette sont inscrits pour prendre la parole sur les sixième et septième questions. La question n°. 8 est renvoyée à la section d’agri- culture et d'industrie. M. de Chennevières dit qu'ilaurait quelques observa- tions à présenter sur l’ensemble de toutes ces questions. M. de Mellet prendra la parole sur la question n°. 9. 18 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. MM. Raymond Bordeaux et de Glanville doivent traiter une grande partie des 10€., 11°., 122., 132., 149., 15°., 16°., 17. et 18°. questions. La question n°. 19 rentre dans le domaine de la section présidée par M. de Cussy. _ La question n°. 20 rentre aussi dans l’énquête générale sur les travaux des académies de province. En ce qui concerne la question n°. 21, M. le pré- sident fait observer que le Congrès a décerné déjà des médailles aux imprimeurs de province qui avaient progressé. Il y a encore beaucoup à faire. On conti- nuëéra de récompenser par des médailles ceux qui ont fait le mieux. M. d'Héricourt pense qu'on pourrait faire pour le mouvement artistique ce qu'on a fait pour lemouvement intellectuel et nommer un rapporteur chargé de ré- diger cette partie dé l'enquête. M. de Caumont adopte cette proposition. La partie artistique sera confiée à un autre rapporteur , M. d'Héricourt sera chargé de la partie intellectuelle seulement. | M. Duchatellier propose de renvoyer la 229. ques- tion à la commission chargée de la 3°., relâtive au Bulletin bibliographique. Cette proposition est acceptée. On passe aux questions relatives aux sciences phy- siques. M. de Caumont, à l’occasion de la question relative à la confection des cartés agronomiques, espère que M. Elie dé Beaumont voudra bien indiquer un mode uniforme pour l’ensemble de cé travail, et CONGRÈS DES ACADÉMIES. 19 qui puisse être adopté par les Sociétés d'agriculture dans la confection des cartes agronomiquées. M. Jamet , qui est l’auteur de la deuxième question sur l’Amélioration des races d'animaux domestiques pense que c’est une des questions les plus intéressantes de l’agriculture ; il prie instamment le Congrès de la mettre sérieusement à l'étude. MM. les comtes de Lyonne, de Vigneral et de Travot, se sont fait inscrire pour les 4., 52. et 6°. questions. M. Payen présentera à la séance de dimanche, à 8 heures, un travail sur les engrais en général, et ïl traitera dans ce rapport de l'emploi du varech pour l'engrais des terres. M. de Quatrefages pourra aussi apporter quelques observations lors de la discussion. M. Duchatellier pense que la décision du Congrès peut avoir une grande portée, attendu que la question quiinterdit la coupe du varech n’est pas encore résolue. La question n°. 7 a été euvoyée par plusieurs Sociétés de la Bretagne. M. Duchatellier traitera cette question. M. de Quatrefages prendra la parole sur les &., 98, et 10°. questions. La 11°. question qui est envoyée par huit à dix Sociétés de province, a une grande actualité, surtout dépuis la formation des Sociétés de statistique ; elle sera traitée avec une sérieuse attention. La 12. question ne peut être résolue que par M. Elie de Beaumont, et M. le directeur espère qu'il voudra bien la traiter. M. de Caumont ajoute qu’il est essentiel que demain 20 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. MM. les présidents de section veuillent bien se rendre aux heures indiquées pour présider leurs sections. La section d'histoire naturelle se réunira à 8 heures du matin. M. de Verneuil présidera cette section et traitera de la constitution géologique de l'Espagne. M. de la Fresnaye afaitun travail sur l'anatomie des oiseaux, fruit de plusieurs années d'étude; ce travail sera présenté au Congrès samedi prochain 22 courant. Les membres qui veulent faire partie d’une section devront se faire inscrire à l'issue de la séance par MM les secrétaires-généraux. Il est bien entendu que leur inscription dans une section ne les empêche pas de prendre part aux travaux des autres sections. M. Du Moncel propose de montrer quelques appareils nouveaux; il demande à être prévenu au moins la veille, afin de pouvoir organiser les appareils en question. M. Jobard, directeur du Conservatoire de Bruxelles, fait observer que bien souvent des décisionsimportantes ont été prises dans les Congrès, mais que le plus souvent l'autorité n'en a pas eu connaissance; il demande que les vœux formulés par le Congrès soient signés par le bureau et envoyés directement à l’'Em- pereur. M. de Caumont fait observer que plusieurs fois les vœux exprimés par le Congrès ont été envoyés aux Ministres, mais que ces vœux n’ont pas eu de résultat: il appuie la proposition de M. Jobard. M. le comte d’'Héricourt a la parole relativement à la réunion du Congrès à Arras, en 1853 ; il s'exprime en ces termes : CONGRÈS DÉS ACADÉMIES. 21 DISCOURS DE M. D'HÉRICOURT, MESSIEURS, Avant que vous commenciez vos intéressantes discussions, permettez-moi de vous rappeler que le Congrès scientifique de France se réunira à Arras le 23 août prochain. Nous n'avons pas à apprécier ici l'importance de ces réunions, qui amènent des différents points de la France les savants disséminés sur notre vaste territoire, les mettent en rapport et leur per- mettent d'échanger le fruit de leurs veilles, le résultat de leurs observations. Ce n'est pas aprés vingt ans de succès qu’une semblable entreprise doit être justifiée. Honneur donc au zélé fondateur des Congrés, au savant qui n'a épargné ni son temps si précieux pour la science, ni sa santé qu’il expose dans de continuels voyages, ni sa fortune dont une part est si généreu- sement consacrée à la fondation de prix importants, à des publications dont l'utilité est incontestable! Honneur aussi aux membres de l’Institut des pro- vinces, qui l'ont constamment soutenu dans les diffi- cultés que rencontrait cette organisation ! Et maintenant il n'est plus dans toute la France une découverte scientifique, artistique ou littéraire, un progrès qui ne soit à l'instant popularisé; il n’est pas un savant, quelle que soit sa vie retirée et modeste, donton ne connaisse les travaux. C'est aux Congrès que la province doit son exis- tence scientifique , elle n’est plus aujourd’hui éfaillable et corvéable à merci; l'Europe entière qui lit les comptes- 22 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. rendus des Congrès, protesterait avec indignation et dépouillerait, en le persifflant, le geai paré des plumes d'emprunt. En outre, la rivalité n'existe même plus entre Paris et la province, qui, s’occupant d’études sérieuses, quel que soit son éloignement de la capitale, n’a obtenu que des encouragements, des conseils quel- quefois, des marques de sympathie toujours, des membres de l'Institut; et parmi ces derniers, qu'ils sont peu nombreux ceux qui ne se sont pas adressés à des savants de la province, pour obtenir des docu- ments, pour vérifier l'exactitude de leursobservations! C'est qu’en effet la province seule peut fournir des renseignements exacts; de même que l’histoire ne doit s’écrire que sur le théâtre même des faits que l’on raconte, de même la science n’est sérieuse qu’appuyée sur des observations recueillies sur différents points. Ces faits, dira-t-on, n'avaient pas besoin d'être constatés ; nous les avons rappelés pour montrer qu’il n’y avait plus entre les savants de Paris et ceux de la province que la rivalité de bien faire ; nous ne formous plus qu’une seule famille, unie par les liens du désintéressement et du dévouement, et prête à joindre ses efforts pour maintenir la France à la tête du mouvement intellectuel des nations. Le Congrès d'Arras en sera la preuve. Là se trouveront des membres de l’Institut discutant avec les érudits de nos provinces, échangeant leurs observations, profitant, ils nous permettront de le dire, de l'expérience puisée par une étude sérieuse et prolongée ; là nous verrons des hommes dont la vie s’est écoulée dans les bibliothèques, au milieu de ces livres, fidèles amis qui ne trompent jamais, auxquels on revient toujours au moment des CONGRÈS DES ACADÉMIES, 23 déceptions; nous les verrons , malgré la modeste défiance de leurs forces , tenir un rang distingué dans les commissions, d’abord, et prendre ensuite une part sérieuse dans les discussions générales. C’est encore. un des avantages du Congrès, de venir chercher ces érudits qui, par une modestie outrée, auraient fui l’éclat de la publicité ; soit pour répondre à l’appel qui leur est fait, soit pour soutenir la gloire de leur cité, ils consentent à communiquer les résultats de leurs recherches, et l'on s'étonne de ce que peut produire un travail soutenu. Mais après dix-neuf sessions, tenues sur les différents points de notre territoire, après avoir fondé ces réunions annuelles qui appellent à Paris et mettent en rapport les délé- gués de toutes les Sociétés savantes, ne faut-il pas un nouvel attrait à cette curiosité, à ce besoin d’ap- prendre, à ce vague désir de l’inconnu, du nouveau que nous portons tous en nous ? La marche progres- sive de la science y répond sans doute en partie, et les Congrès reviendraient aux chefs-lieux de leurs ‘premières sessions, qu'ils pourraient. y recueillir de nouvelles.et intéressantes observations. D'ailleurs, si la mort a fait dans nos rangs des vides regrettables, ces, vides ont été en partie comblés par cette jeunesse laborieuse qui, jugeant sainement les tendances mau- vaises si souvent flétries dans nos réunions et qui de- puis près d’un siècle ont amené tant de révolutions sur notre pays, s’est livrée avec une louable ardeur aux études sérieuses, et qui forme une phalange si forte de travaiileurs. désintéressés. Mais à cette jeunesse elle - même plus ardente dans ses investigations, il faut un cercle plus étendu. 24 INSTITUT DÉS PROVINCES DE FRANCE. Déjà plusieurs fois les savants étrangers ont répondu à notre appel ; mais séparés par de longues distances, ils étaient peu nombreux. C'était, qu’on nous par- donne cette expression, de brillants météores sans sa- tellites ei dont la clarté est plus éclatante qu'utile. Arras sera plus heureux, nous en avons l'espoir ; sa position sur un rail-way qui le met en relations di- rectes avéc la Belgique, l'Angleterre et l'Allemagne, les glorieux souvenirs de son passé qui la rattachent pour ainsi dire à ces pays, l’attrait de se trouver réunis y amèneront les savants étrangers et cette session promet d'être aussi brillante qu'utile. Déjà de nom- breuses adhésions nous sont parvenues ; la Belgique surtout, cette sœur aimée de la France, qui, tout en défendant énergiquement sa nationalité, a pour nous, pour notre littérature, pour nos études une sympathie si marquée, la Belgique a répondu avec empressement. Elle n’est étrangère à aucun de nos travaux, et la pré- sence parmi nous du savant président de son Académie royale, n’en est-elle pas le gage le plus certain? Délé- guer le poëte élégant, le fabuliste spirituel dont la consolante morale nous a si souvent charmés, le conteur gracieux dont la place est marquée près de La Fontaine, n'est-ce pas donner un témoignage et de son goût et de la manière dont elle sait apprécier la vraie et grande littérature française? Elle viendra donc à Arras, dans cette ancienne capitale de la Flandre , dans cette ville toute remplie des souvenirs d’une histoire qui leur fut si long-temps commune. Et maintenant, Messieurs, permettez-moi de vous remercier, au nom de mes concitoyens, d’avoir choisi notre vieille cité pour cette solenuité littéraire, nos CONGRES DES ACADÉMIES. 25 efforts tendront à rendre cette session digne de vous, digne des savants étrangers qui viendront prendre part à vos discussions, les sympathies bien connues de M. le Ct. du Hamel, l’éloquent historien de la monar- chie constitutionnelle de l'Espagne, auquel est con- fiée l'administration du département du Pas-de-Calais, de Mgr. Parisis, membre de l’Institut des provinces, chargé de la direction du diocèse d'Arras, ces sympa- thies vous sont acquises, et tous deux ont bien voulu me témoigner combien ils seraient heureux de s'associer au Congrès. L'administration municipale, dans les limites de ses ressources, offre son concours le plus actif; elle met à notre disposition ses vastes et magnifiques galeries de St.-Vaast, et c'est dans ces heux pleins encore des fortes études des Bénédictins, que les modernes missionnaires de la science et de l'érudition pourront se livrer à leurs recherches , c'est dans les livres couverts encore des notes monastiques qu'ils pourront vérifier leurs assertions ou les com- pléter. De plus la salle des concerts vient d’être élargie et restaurée, et M. Plichon, le maire d'Arras, a résolu de la faire inaugurer par le Congrès. Toutefois, Messieurs, ce ne sont ni la beauté du local , ni la richesse de ses ameublements, ni même Ja somptuosité des fêtes qui assurent le succès d’un Congrès ; il a un but plus élevé, une utilité moins contestable. Ces plaisirs offerts aux veux, aux sens, à l'imagination , ne sont que ces feuilles enlevées dans une seule saison et dont il reste à peine le souvenir. Mais les travaux savants, les mémoires müris dans le silence du cabinet; les discussions approfondies auxquelles se livrent les hommes spéciaux, voilà les 2 26 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. fruits qui restent, se développent et deviennent véri- tablement productifs. Aussi notre attention s’est-elle principalement portée sur ce point, des commissions ont été organisées pour préparer et étudier lés ques- tions du programme , et il eùt déjà paru si nous n’a- vions voulu attendre la fin de la session des délégués des académies provinciales. Il est en effét impossible que dans nos réunions il ne soit pas indiqué quelque sujet neuf dont l'étude sera renvoyée au prochain Congrès. J'ose donc faire appel à votre zèle pour donner à notre programme un nouvel intérêt; j'adresse cet appel au Congrès tout entier; je l’adresse aussi à chacun des membres qui le composent , à vous, Mes- sieurs, qui, sans vous laisser arrêter par la mauvaise saison, par la longueur du voyage, par les devoirs de famille et de société, êtes venus de toutes les par ties de notre territoire prendre part aux discussions qui vont s'ouvrir; que par vos soins, le Congrès d'Arras soit digne des hôtes honorables qui s'y ren- dront ; la reconnaissance du monde scientifique , celle de mes concitoyens seront pour vous une précieuse récompense, et c’est la seule que vous ambitionnez. M. le Président remercie M. d'Héricourt au nom du Congrès. Il annonce que M. Delérue donnera demain lecture au Congrès d’une pièce de vers. La séance’est levée à 3 heures 34. Le Secrétaire-général, Ch. Gomarr. CONGRÈS DES ACADÉMIES. 97 SECTION D'HISTOIRE NATURELLE. SÉANCE DU 21 JANVIER. { Présidence de M. ne VerneuIL , président de la Société géologique de France. ) La séance estouverte à 9'heures du:matin. M.G. de Lorière est nommé:secrétaire dela section. Parmi les personnes qui assistent à la réunion, on remarque : M. de Caumont, président de l'Ins- titut des provinces , MM. d'Homalius d'Halloy, prési- dent du Sénat Belge, de Quatrefages, membre de l'Institut de France, Buvignier , Guérin de Menne- ville, Collomb , de la Fresnaye , etc. M. de Verneuil prend la parole et fait une :com-- munication du plus haut intérêt sur la structure géo logique de l'Espagne. COMMUNICATION DE M. DE VERNEUIL. Ce savant géologue présente l'esquisse :provisoire d’une carte géologique d'Espagne etentre à ce sujet dans quelques considérations générales. Les diverses observations qui ont servi de base-à cette esquisse ont été recueillies dans plusieurs voyages que M..de Ver- neuil'a faits seul ou accompagné tantôt de M. Paillette , tantôt de MM. de Lorière, Collomb et :Casiano de Prado. | A la seule inspection de la carte, il est-aisé de re- 28 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. connaître que la partie centrale de l'Espagne se dis- tingue par trois chaînes de montagnes qui constituent le squelette du pays : le Guadarrama /montes Carpe- tanos/, les montagnes de Tolède et la Sierra-Morena , séparées par le Guadiana. Emergées avant l’époque se- condaire , ces chaînes formaient des îles autour des— quelles se sont accumulés les dépôts plus récents. Elles. ont la même direction et traversent une partie de la péninsule , de l'E.-N.-E. à l’O.-S.-O. Roches primaires. La plus élevée des trois, la chaine du Guadarrama, est principalement composée de gra- nite, de gneiïss et de schistes cristallins renfermant quelques lambeaux de calcaire saccharoïde. Vers l'Est, dans le voisinage de Retienda et de Val-de-Sotos, ces ‘roches sont remplacées par des schistes houillers qui disparaissent eux-mêmes sous le terrain crétacé, tandis que vers l'Ouest la chaîne granitique, sous les noms de Sierra-de-Gredos, Sierra-de-Gata et Sierra-d'Es- trella , s’avance jusqu’en Portugal. Les schistes cris- tallins ne sont pas limités au Guadarrama et aux montagnes de Tolède, mais se rencontrent dans deux autres parties très-différentes de l'Espagne. Selon la petite carte de Galice de M. Schulz , inspecteur-gé- ‘néral des mines, cette province est principalement composée de granite, de gneiss et de micachistes, avec quelques lambeaux de calcaire et de schistes si- luriens situés à l'Est, et dans lesquels on n’a trouvé que très-peu de fossiles. Il n'y a pas de doute que ces roches ne soient d’une haute antiquité , placées comme elles sont à l'extrémité de la chaîne paléozoïque qui sépare les Asturies de la province de Léon, et dent elles forment une sorte d'expansion. CONGRES DES ACADÉMIES. 29 Îl n'en est pas de même de la Sierra-Nevada au Sud- Est de Grenade, qui offre un autre exemple d'une masse considérable de schistes cristallins. L'axe de cette chaîne , très-haute et très-pittoresque, mais de peu d’étendue, est dirigé à peu près de l'Est à l'Ouest. Ilestcomposé de micaschistes dont l’âge, moins ancien peut-être qu'on le suppose, est encore douteux. L'abondance des grenats dans le micaschiste,la struc- ture et la composition de la bande de calcaire qui en- vironne la partie centrale indiquent l'énergie de l’action métamorphique qui s’est développée dans cette partie de l'Espagne. | Terrains paléozoïques. La Sierra-Morena est le pays où il faut aller étudier le terrain silurien , parce qu'il s’y présente avec des fossiles assez bien conservés. Dans les montagnes de Tolède , les fossiles sont plus rares. Cette chaîne, de moyenne hauteur, qui d'Al- caraz se prolonge jusqu’au cap St.-Vincent en Por- tugal, est composée de schistes, de psammites, de quartzites et de grès, dont l’ordre stratigraphique ne peut être reconnu qu’au moyen des fossiles, tant les couches ont été disloquées et dérangées de leur position primitive. Çà et là des granites et des porphyres se montrent encore au jour. : En faisant à travers la chaîne une section d'Almaden à Cordoue , M. de Verneuil s’est assuré que, lorsqu'on avance du Nord au Sud, les trois étages principaux du terrain paléozoïque , qui, par suite de plissements, semblént alterner, se recouvrent successivement dans un ordre ascendant. Les plus anciens êtres organisés sont les Trilobites. Ils se rencontrent dans des schistes noirâtres et appartiennent à des espèces bien connues dans les roches siluriennes de la Bretagne et de la Nor- 30 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE, mandie. Le plus commun, le Calymene Tristani , était jusqu’à ces dernières années , la seule espèce signalée en Espagne. Il avait été trouvé à S“.-Cruz-de-Mudela par M. Païllette, et à Almaden par divers géologues espagnols. Ces deux localités étant situées à environ 120 kilomètres l’une de l’autre dans une direction presque E. et O., indiquent assez bien la direction des couches. Dans ces deux dernières années, MM. de Verneuil, Casiano de Prado et E. Sanchez ont dé- couvert les Calymene Arago, Dalmania socialis, D: Phillipsi, Trinucleus Goldfussi, Ogygia nobilis, Placo- paria Tournemant , Plesiocoma rara, lilænus voisin de I. Lusitanicus, Orthoceras duplex, Bellerophon bilobatus, Redonia Deshiayesiana, etc., espèces qu'on retrouvé pour la plupart dans les schistes d'Angers, de Vitré, de Lacouyère , etc., en Bretagne (1). I est important de remarquer que ces Trilobites , quoique appartenant aux couches les plus basses en Espagne aussi bien qu’en France, ne sont pas les plus anciens dans l’ordre de la création ; ils correspondent seulement au second groupe fossilifère découvert en Bohême, par M. Barrande et qui forme son étage D. Le plus ancien groupe que ce géologue appelle celui de la faune primordiale, et qui est caractérisé en Suède et en Angleterre, comme en Bohême, par les (4) C’est dans le terrain silurien que sont placées:les mines de mercure d’Almaden, Le minérai n’est pas en filon, mais semble avoir imprégné trois couches verticales de grès et de schistes un peu charbonneux. Cette association du mercure avec le charbon est bien plus frappante encore dans les Asturies, où des mines de mercure sont exploitées dans le terrain houiller et jusque dans les couches de houille. CONGRÈS DES ACADÉMIES. 31 Paradoxides, les Olenus et les Conocephalus, manque en Espagne aussi bien qu'en Bretagne, analogie qui prouve la connexion intime qui existe entre les dépôts paléozoïques de ces deux pays. Les roches de l'étage silurien Supérieur sont mal représentées dans la Sierra-Morena. Dans un seul endroit, à environ 30 kilomètresau Nord-Est de Cor- doue, M. de Verneuil a vu des schistes bitumineux avec des concrétions calcaires sphéroïdales très-semblables à celles qui existent à St.-Sauveur-le-Vicomte (Manche), à Feuguerolles près May (Calvados) , et à St.—Jean- sur-Erve (Mayenne), et qui se rencontrent aussi en Bohême. Dans ce dernier pays ; M. Barrande a étudié avec soin ces bancs bitumineux, parce qu'ils exis- tent à la fois dans l'étage supérieur et dans. l'étage inférieur du système silurien, et quoique séparés par 2000 pieds de couches, ils renferment les mêmes fossiles, Dans la Sierra-Morena, ces concrétions con- tiennent comme dans beaucoup d’autres lieux, la Cardiola interrupta, l'Orthoceras bohemicum, etc, Lesmêmes fossiles existent aussi dans le nord de l’Es- pagne, près de. St.-Juan-de-las-Abadesas en Catalogne où ils ont été découverts par M. Amalio Maestre, Les roches dévoniennes sont bien développées dans la Sierra-Morena, au Nord et au Sud d'Almaden. Les fossiles dévoniens se rencontrent habituellement dans des grès-ou dans de petites couches de calcaire.impur. Les espèces les plus caractéristiques sont : Le Pro- ductus subaculeatus , le Leptæna Dutertrü, le Spirifer Verneuili, le S. Archiaci, le S. Bouchard, l'Orthis striatula, le Strygocephalus Burtini, la Terebratula reticulanis, la T. Orbignyana, la T. concentrica, le _ Phacops latifrons , etc, 32 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. Les dépôts carbonifères de la Sierra-Morena sont situés vers la partie méridionale. Ils contiennent géné- ralement de grandes bandes de calcaire avec le Pro- ductus semireticulatus si caractéristique du calcaire de montagne, en Angleterre, en Belgique , en Russie, et même jusquà Archangel et au Spitzberg. Une pareille distribution de la même espèce sur des points qui aujourd’hui présentent une si grande différence de climat est un de ces phénomènes dignes de l'attention des paléontologistes. Les meilleurs bassins houillers de la Sierra-Morena sont celui d’'Espiel et de Belmez sur le Guadiato et celui de Villanueva-del-Rio, à 30 kilomètres N.-N.-E. de Séville. Le premier a une longueur d’environ 35 kilomètres. Les strates sont verticaux et quelques-uns sont très-riches en combustibles, mais le manque absolu de voies de communication en a jusqu’à présent rendu l'exploitation presque impossible. Le bassin houiïller de Villanueva-del-Rio situé près de la vallée du Guadalquivir est plus profitable. Si les fossiles siluriens, à l'exception de quelques Graptolites et Trilobites trouvés au Sud et au Nord de Molina de Aragon, ne sont encore bien constatés que dans la Sierra-Morena, il n’en est pas de même des fossiles dévoniens. Les deux versans de la chaîne cantabrique dans les provinces de Léon et des Asturies présentent l’un des plus riches développements des dépôts de cet âge. Grâces aux recherches de MM. Paillette et Casiano de Prado , beaucoup de fossiles y ontété découverts, et M. de Verneuil ayant lui- même visité les lieux, a décrit ou énuméré plus de 70 espèces. Sabero dans le royaume de Léon et Ferrones CONGRÈS DES ACADÉMIES, : 33 dans les Asturies devraient être des lieux de pélerinage pour les paléontologistes. Ces roches dévoniennes con- stituent l’axe de la chaîne cantabrique, mais seule- ment dans sa partie occidentale, car près de la limite des provinces de Santander, des Asturies et de Pa- lencia, les cimes les plus élevées peut-être de toute la chaîne, celles au pied desquelles s'était retiré Pélage, pour s'y préparer à combattre les Maures, les, pics d'Europe, en un mot, paraissent n'être formées que de calcaire carbonifère. Les roches dévoniennes sont recouvertes dans les Asturies par le plus riche terrain houiller de l'Es- pagne. En général , les strates y sont verticaux, mais cet inconvénient est compensé par les avantages qu'offre le sol, assez profondément coupé par le lit des ruisseaux et des rivières pour que les couches de charbon soient exploitables sur des hauteurs ver- ticales considérables , sans que l’on soit gêné par les eaux. Le Nalon traverse la région houillère dans sa partie la plus riche. Il y a plus de 80 couches de charbon exploitables ; l'épaisseur de toutes les roches du système carbonifère doit être considérable et peut être évaluée à 3 ou 4000 mètres. A la base se trouve une masse épaisse de calcaire avec Productus ; mais les meilleurs fossiles se rencontrent dans des bandes peu épaisses de calcaire qui alternent avec les couches inférieures du grès houiller. | Parmi les fossiles remarquables , il faut citer la Fu- sulina . cylindrica , qui n'a été trouvée jusqu'ici qu’en Russie et aux Etats-Unis, et des espèces bien connues en Belgiqueet en Angleterre telles que Productus semi- reticulatus, P. punctatus, P. Cora, Spirifer. Mos- quensis , etc. 34 INSTITUT DÉS ÉROVINCÉS DÉ ÉRANCÉ. L'existence du système permien en Espagne est en- core un problème , aucuns fossiles de cet âge n’y ayant été découverts. Il n'en est pas de même du Trias qui cependant contient peu de fossiles ,; mais qui se décèle par ses masses de gypse et de sel plus abondantes peut-être qu’elles ne le sont dans le même terrain en France et en Angleterre. Le gypse est accompagné souvent de cristaux de quarz à double pyramide, dits Hyacinthes de Compostelle, et de cristaux hexaëdres d’aragonite. Il contient à peu près les trois séries de roches qui lui ont fait donner en Allemagne le nom de Trias. Le Mus- chelkalk est représenté par des calcaires jaunes ou gris bleuâtre , souvent dolomitiques , grenus, caverneux, qui çà et là contiennent des fossiles informes , parmi lesquels on distingue une Avicule voisine de l'A. so- cialis. C'est dans les marnes supérieures que sont les masses si abondantes de gypse etdeselqui, réunies à celles du terrain nummulitique , font de l'Espagne le pays le plus riche au monde sous ce rapport. Des Pyrénées où il a été décrit par M. Dufrénoy, le Trias peut être suivi dans les provinces de San- tander et de Palencia, sur les deux versans de la chaîne cantabrique. Mais son plus beau développement est dans la province de Cuenca et dans le royaume de Valence. Il forme quelquefois des districts entiers comme à Tuejar et au Pic de Ranera près Garaballa, ou bien dans la Sierra d'Espadan, au Nord-Ouest de Murviedro, Toutes les salines de ces provinces, telles que celles de Minglanilla, de Villena, de Villargordo, de Cabriel sont situées dans les marnes rouges du Trias. Ce terrain parait avoir plus d’étendue que le CONGRES DES ACADÉMIES, 39 terrain jurassique. Bien que souvent caché par ce der- nier, il le déborde vers l'Ouest et-se trouve quelquefois en contact avec leterrain lacustre miocène, dontil se dis- tingue par une discordance frappante de stratification. Terrain jurassique. Ce terrain , en Espagne, ne se compose guères que de couches calcaires dont on peut évaluer l’épaisseur à 3 ou 400 mètres et peut-être plus. Les fossiles les plus habituels qu'on y rencontre sont ceux qui, en France, caractérisent les étages lia- sique et oxfordien. M. de Verneuil a dressé une liste de toutes les espèces qu’il a rencontrées avec M. Collomb et M. de Lorière, et cette liste s'élève à plus de 100 espèces. Sur ce nombre quelques-unes in- diquent l’oolite inférieure ou la grande oolite, mais la plupart correspondent au lias ou au calcaire ox- fordien. Aucune ne rappelle les espèces des étages supérieurs du Jura qui paraissent manquer en Es- pagne. C'est principalement dans les montagnes d’Al- barracin et de Frias, là où le Tage, le Jucar, le Cabriel et le Guadalaviar prennent naïssance , qu'est le mieux développé le terrain jurassique. La haute chaîne de la Camarena, au Sud de Teruel, ap- partient aussi à la même époque. On peut le suivre par lambeaux discontinus, vers le Sud , jusqu'au Pico el Tejo près Requena, sur la route de Madrid à Valence où il disparaît. Presque toute la province d’Alicante en est dépourvue. Il se montre en Murcie, au Nord de Lorca, en Andalousie, dans la Sierra Rlvira, passe au Sud de Cordoue, à Cabra et à Baena, et va former une partie de la Sierra de Ronda pour se ter- miner avec le rocher célèbre de Gibraltar. Au Nord du massif central d'Albarracin , les dépôts 36 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. jurassiques s'étendent par Maranchon, Anchucla del campo près .de Molina et vont rejoindre la Sierra du Moncayo et celle de Burgos, oüils sonttrès-développés. Vus depuis Burgos jnsqu'à Gibraltar, ils forment une zône demi-circulaire dont le Pie de Tejo, près Requena, est à peu près le centre, et qui entoure les dépôts miocènes lacustres et le massif paléozoïque central dont nous avons parlé. Terrain crétacé. Ces dépôts, que MM. de Verneuil et Collomb ont eu l’occasion d'étudier avec soin dans l'Est de l'Espagne, n’y sont représentés que par trois des membres principaux de la série : le terrain néo- comien , le grès vert et la craie tufau. Vus er masse, les dépôts crétacés de cette région forment deux branches séparées par les étages jurassiques, contre lesquels ils s'appuient : l’une, du côté de l'Est, qui court dans nn sens parallèle à la ligne de côte actuelle et se prolonge jusqu’à Tortosa, est néocomienne; l’autre, tournée vers l’intérieur et formant une ceinture dont Cuenca occupe le centre, appartient aux étages supérieurs de la eraie. La partie inférieure y est composée d'un grès blanc ou Jaune avec des galets de quarzite passant quelquefois au conglomérat ; la partie supérieure d'un calcaire blanchâtre souvent assez dur et magnésien ; c’est dans ce dernier dépôt qu'on trouve des fossiles tels que Ostrea columba, Hemiaster Fourneli, qui se rapportent à la craie tufau. Le terrain néocomien peut avoir 5 à 600 mètres d'épaisseur, et les grès et calcaires supé- rieurs 300. Terrain nummulitique. Après l’époque de la craie, l'Espagne paraît avoir été en grande partie émergée ; le plateau central, limité au Nord par l’Ebre et au Sud CONGRÈS DES ACADÉMIES. 37 par le Guadalquivir, a cessé de faire partie du domaine dela mer. Le caractère qui distingue les dépôts crétacés des dépôts nummulitiques, c'est que, tandis queles pre- miers pénètrent dans le cœur même du pays, s’ap- puyant sur les deux versans du Guadarrama , et ser- vant de ceinture aux lacs intérieurs de l'époque miocène, le terrain nummulitique reste en-dehors de ce plateau intérieur, borde la chaîne pyrénéenne et la côte de Catalogne, et disparaît à la hauteur de Tarra- gone pour ne plusse montrer que dans les montagnes si pittoresques qui forment l'extrémité Sud-Est de l'Es- pagne, au Sud de Valence et à l'Est d'Alicante. Entre cette ville et Alcoy, les calcaires nummulitiques forment, de même qu'entre Penaguila et le cap St.-Antoine , des montagnes très-découpées. Le terrain nummulitique est connu aussi près de Malaga, mais là il se termine. On ne l’a pas encore découvert sur la côte Ouest de la péninsule, en Portugal ni en Galice; il faut remonter au Nord jusque dans la province de Santander pour le retrouver. Columbres, dans cette dernière province, est une localité célèbre par la bonne conservation de ses nummulites. Au pied des Pyrénées, le terrain nummulitique principalement composé de grès, d'ar- giles et de conglomérats , est le gisement de riches mines de sel et de gypse, et sans les fossiles qu'on y rencontre et la différence de position stratigraphique on pourrait souvent le confondre avec le trias. Dans le Sud, au contraire, il est généralement formé de roches calcaires et ne contient ni sel ni gypse. Le terrain tertiaire est celui qui, dans la péninsule, occupe le plus d'étendue en surface ; c’est aussi celui qui a été le premier l’objet dés travaux des géologues 38 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. espagnols. Il présente ce fait remarquable d'être prin- cipalement composé de formations lacustres. Dans les grandes plaines de la Nouvelle-Castille, dans le bassin du Duero et dans celui de l’'Ebre, on ne rencontre, sur des distances de 200 kilomètres environ, que des dépôts d’eau douce. Ces trois bassins, restes de trois grands lacs, sont séparés par des terrains plus anciens, excepté dans deux points , l’un au Nord de Burgos et l’autre à l'extrémité Nord-Est de la Nouvelle-Castille, par où , sans doute , ils communiquaient à l'époque miocène. On peut séparer ces terrains en trois groupes ; le supérieur, formé essentiellement de calcaire caverneux, siliceux, renfermant des Hélices, des Paludines, des Planorbes et des Lymnées ; le moyen, où les éléments marneux et gypseux prédominent: et l’inférieur, qui est composé d’une série d'assises de grès et de conglo- mérats de cailloux roulés analogues au Nagelfluh. Ces trois groupes réunis ont une épaisseur de 3 à 400 mètres. Les ossements de grands animaux qu'on y a trouvés, près de Madrid et d’Aranjuez, à Concud près Teruel, et à Alcoy, province d’Alicante, indi- quent qu’ils appartiennent à la période miocène. Ils conservent en général une position horizontale dans les bassins intérieurs , mais au Sud dans le royaume de Valence et à Alcoy particulièrement. ils sont sou- vent inclinés. Le terrain miocène marin est limité au pour- tour de la péninsule, formant çà et là des bandes plus ou moins étroites et ne pénétrant un peu loin à l'intérieur que dans les bassins du Tage et du Guadal- quivir. Il est souvent soulevé , ce qui indique que la CONGRËS DES ACADÉMIES. 39 côte a été, jusque dans des temps peu reculés, le théâtre de mouvements et d’oscillations du sol. Ses fossiles ont été étudiés avec soin en Portugal par un géologue anglais , M. Smith. La côte de la Méditer- ranée présente de nombreux exemples de petits dépôts miocènes dont les couches relevées servent de base à des dépôts pliocènes en bancs horizontaux. Le terrain diluvien forme en Espagne des ceintures assez larges autour de certaines chaînes , telles que le Guadarrama et la chaîne cantabrique. Le diluvium du Guadarrama s'étend jusqu'à Madrid, celui de la chaîne cantabrique recouvre une grande partie de la province de Léon. La Sierra-Morena, qui est une chaîne très- ancienne , n'offre presque pas de traces de ces dépôts de transport. Ils manquent aussi complètement sur le grand plateau montagneux qui sépare les plaines de la Manche et de la Nouvelle-Castille des bords de la Méditerranée. C'est probablement à une époque assez récente qu'ont apparu les volcans éteints de la péninsule. On en connaît trois foyers principaux. L'un, près d'Olot, en Catalogne, présente de véritables cratères. Les deux autres sont près de Ciudad-Real et du cap de Gata. , La géologie de l'Espagne n’est pas assez avancée pour essayer une classification de ses montagnes, con- sidérées sous le rapport de l’époque de leur soulève- ment. On peut dire, toutefois, que la Sierra-Morena, qui est la plus basse, est aussi la plus ancienne, car sur ses flancs les couches tertiaires, à leur point de contact avec les roches anciennes , sont complètement horizontales. Près de Cordoue, par exemple, les bancs 40 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. miocènes , avec de grands Clypeaster allus , n’offrent pas la moindre inclinaison, et il en est de même près de Sta,-Cruz-de-Mudela, où M. de Verneuil a vu les calcaires lacustres miocènes pleins d’Helix reposer ho- rizontalement sur les schistes siluriens à Trilobites. Des mouvements plus récents onteu lieu dans le Gua- darrama, car, sur son revers méridional, M. Casiano de Prado s’est assuré que les calcaires lacustres sont quelquefois légèrement relevés. Dansles Pyrénées aussi bien que dans les montagnes qui s'élèvent au Sud de l'Espagne, le sol a été tourmenté par des révolutions violentes et assez modernes. Les formations tertiaires de l’Ebre et celles de la province de Léon, le long de lachaîne cantabrique, sont souventfortement relevées. En venant de Sabero à Léon, M. de Verneuil les a vues prendre une position presque verticale, mais seulement près de la chaîne, car à quelques lieues de distance, à Léon, par exemple, elles reprennent leur horizontalité, qu'elles conservent dans les grandes plaines de la Vieille-Castille (1). A la suite de l’intéressante communication de M. de Verneuil, M. Collomb présente quelques coupes géologiques de l'Espagne construites avecles matériaux fournis par la carte de M. de Verneuil. La première de ces coupes que nous désignerons , dit-il, par le n°. 1, représente le profil des terrains coupés par une ligne allant de Madrid à Alicante, ligne brisée passant par Cuenca, Canete, le Pico de (4) MM. de Verneuil et Collomb donneront un mémoire plus détaillé sur la géologie de l'Espagne dans Île bulletin de la Société géologique de France, vol, X, 1853. CONGRÈS DES ACADÉMIES. . 41 Raneva, Muiganilla, Requena, le Pico de Tejo, Bunol, Cofrentes, Almanza et Xixona: elle vient mourir au bord de la Méditerranée : elle comprend une longueur de 630 kilom. environ. Elle est con- struite à l'échelle de 3 millim. pour 1000 m. 7573 s l'échelle des hauteurs y est autant que possible égale à celle des longueurs, il en résulte que En montagnes. . . . 0,509 PIRE se 0,491 dont la démolition et le nivellement, en supposant les mêmes moyens que précédemment, donneraient une altitude moyenne du sol de 701 m. 8. Les trois coupes précédentes sont construites en tenant compte de la courbure du sphéroïde terrestre. Les n°, 1 et 2 à l'échelle de 173735 une sectiou d'un cercle de 19 m. 068 millim. de rayon, en prenant pour base le rayon terrestre de 6356 kilom. La coupe n°. 3 à l'échelle de TISSSS représente une section d’un cercle de 11 m.440 millim. de rayon. représentent La moyenne des chiffres des 3 coupes pour. le relief des montagnes y est très-peu sensible ; les points les plus élevés qu’on rencontre sur cette ligne, le Pico de Raneva et le Pico de Tejo, d’une altitude de 1400 à 1500 m. n'y ont, par conséquent, qu'un peu moins de 5 millim. de hauteur ; les plaines ter- tiaires comprises dans le rayon de Madrid à Cuenca, de 600 à 700 m. de hauteur, n’y figurent que pour une bande de 2 1,2 à 8 millim. de hauteur. 49 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. Si l’on fractionne en 1000 parties les terrains repré- sentés dans cette coupe, ils se trouvent répartis dans les proportions suivantes : Térrain tertiaire. .'. . . . . .. 0,606 — nummulitique. .. 0,029 — crétacé. ..., . .. , 0,167 — Jurassiques ... , .. 0,076 era (AS. MU IR 0 +: à: à on QUES _— dévonien et silurien. . 0,006 Grande. 5. 4 2 Se ed de DONS [ 1,000 En: les partageant en montagnes et en plaines, on trouve les chiffres suivants : Région montagneuse. . . . . . 0,484 Plaines 414118 fa 210 . 0,516 1,000 Puis si l’on évalue la hauteur moyenne des mon- tagnes à 800 m. et celle des plaines à 600 m., on obtient par leur démolition et leur nivellement une hauteur moyenne du sol de 696 m. 8, chiffre approxi- matif, mais qui n’a rien d’exagéré, et qui paraît plutôt se rapprocher d'un minimum d'après les données que nous avons recueillies sur cette partie de l’'Es- pagne. Coupe n°. 2, — Elle part des bords de la Méditer- ranée, de Castellou de la Plana, et se dirige vers Madrid dans la direction de l'Est à l'Ouest, en passant par la Pena Golosa, la Sierra Camarena, Teruel, Alba- racin , Calomarde Beteta, Trillo et Guadalaxara : sa longueur est d'environ 400 kilom. Elle est construite CONGRES DES ACADÉMIES!: 43 à la même échelle de ——-—. Les sommets les plus élevés traversés par cette coupe sont la Pena Golosa et la Sierra Camarena qui dépassent 2000 m. Elle coupe ensuite une gibbosité centrale qui à pour point culminant la Muela-de-San-Juan dont l'altitude n’est pas éloignée non plus de 2000 m. Ce centre est un pointde partage des eaux; plusieurs fleuves y prennent leurs sources et se dirigent ensuite, soit dans la Méditerranée, soit dans l'Océan. Ces fleuves sont : le Tage, le Xugar, le Cabriel et le Gadalaxaviar. En appliquant le calcul précédentà cette coupe, on arrive au résultat suivant : Sur 1000 parties les terrains y sont distribués en : Terrain ! (raies 5 0,485 — DU: sn à cs + D ne MUIASSIQUS, « « + « « s VU, LOU — M Te oo — dévonien et silurien. . 0,027 1,000. SORERRRSRORS En régions montagneuses. . . . 0,555 fig rit) A SPARERNE HQE .. 0,45 1, 000 Ensuite en évaluant la hauteur moyenne des mon- tagnes à 800 m. et celle des plaines à 600 m., leur démolition etléur nivellement donneraient une hauteur moyenne de 711 m. Coupe n°. 3. — Elle traverse toute l'Espagne du Nord au Sud ; elle part de Santander sur les bords du golfe de Gascogne et se dirige vers le littoral de la Méditerranée, à Motril, en passant par la Sierra de 44 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. Sejos , Burgos, Somo-Sierra, Madrid, Tolède, la Sierra-Morena, Baylen, Jaën, Grenade, la Sierra- Nevada, elle passe ensuite la Méditerranée et va toucher la côte d'Afrique dans le Maroc. Sa longueur est d'environ 1,000 kilom. ; elle est construite sur une échelle plus petite que les précédentes, de 18 millim. pour 10,000 m. soit —.. L'échelle des hauteurs y est égale à celle des longueurs. Cette ligne coupe transversalement plusieurs chaînes de montagnes importantes , d’abord la chaîne Canta- brique au Nord , puis, au centre, la chaîne granitique du Guadarama, ensuite elle traverse les monts de Tolède et la Sierra-Morena, enfin, au Sud, elle coupe éga- lement dans un sens transversal la chaîne la plus élevée de toute la péninsule, la Sierra-Nevada, dont les points les plus élevés sont à 3,665 m. Le calcul pour 1,000 parties donne pour cette coupe le résultat suivant : Terrain fertiaire. . ...:.,4:. L.. 0,446 nt" P'OPOUAOENe d'u UE 0,105 ns 0 DOS 7 5 0,025 —""" (PS D 7: anse 070 — carbonifère. . . — dévonien. ..,. . . 0,197 — silurien... 5 0 tMiCasChistest 16,5; EC U90 Gneiss etroches métamorphiques. 0, 044 Granitess 2e teUno dpi avan 0,076 à Formations volcaniques. . . . , 0,001 1,000 L’altitude du sol donne 703 m. 2 décim., suivant M. de Humboldt, et la hauteur moyenne de l'Espagne CONGRES DES ACADÉMIES. 45 est de 584 m. 71 cent. La hauteur moyenne du sol de la France, suivant les données qui ne sont encore qu'approximatives, serait de 263 m. environ. La séance est levée à 11 heures et demie. Le Secrétaire, DE Loriëre. SECTION D’AGRICULTURE. 9°, SÉANCE DU 21 JANVIER. (Présidence de M. le comte DE VIGNERAL.) Î Sont au bureau : MM. de Caumont, de Renneville, Dar- blay, Denys ; baron Travot ; de Morissure ; M. Calemard de la Fayette remplit les fonctions de secrétaire. L'ordre du jour appelle la discussion dela 2°, question du programme pour les questions agricoles, ainsiconçue: « Quelle impulsion les sociétés agricoles peuvent- elles donner au perfectionnement des races d’ani- maux domestiques? Ne doivent-elles pas, chacune dans leur circonscription , publier des instructions à la portée de tous les agriculteurs? Comment ces instructions devront-elles être conçues? » M. le Président appelle l'attention de la Commission sur l'utilité qu'il y aurait à étudier par une sorte d'enquête préalable la situation de la production animale en France , et l’état des diverses races d’ani— maux agricoles , afin d'arriver à constater par zônes RAR. A À À À 46 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. et par régions, ce qui est, ce qui a été fait et ce qu'il y aurait à faire pour l’amélioration de cet important intérêt. Dans cet ordre d'idées , on étudierait successivement ce qui concerne les espèces porcines, ovines, bovines et chevalines. Quant à la race porcine, dit M. le Président , les procès-verbaux des Sociétés savantes et les opinions isolées qui se trouvent exprimées dans les correspon- dances, constatent l'infériorité de nos races françaises pour l'engraissement, On remarque, il est vrai, que les grands animaux indigènes présentent sans doute quelques avantages pour les expéditions et pour les salaisons, mais c’est là un intérêt restreint qui ne saurait veuir en compa- raison avec les profits que présente l'élève des pores de race anglaise, d’un engraissement bien plus prompt etbien plus facile. Les premiers ne sont en effet suscep- tibles d'être engraissés convenablement que dans leur deuxième année.tandis que les seconds peuvent être livrés au commerce à l’âge de six mois. M. de Cussy reconnaît la vérité de ces énonciations, mais il remarque qu'en Normandie les acheteurs ne sont pas favorables aux produits des races étrangères. M. Denys signale des croisements de la race craonnaise avec des animaux de race anglaise, croi- sements qui ont donné les meilleurs résultats, et qui se sont propagés dans la pratique du pays, à la satisfaction ‘des producteurs comme des consommateurs. | | M. Travot confirme l’opinion de M. de Cussy : 1l ajoute que la charcuterie de ,Paris a repoussé les produits de race ‘anglaise, en leur reprochant de pécher par l'excès de graisse, ét de provoquer en CONGRÈS DES ACADÉMIES. 47 outre la répulsion de l’acheteur ‘par le poids consi- dérable des morceaux de porc, sous un petit volume. Enfin, ajoute M. Travot, tout en reconnaissant les grands avantages que présentent les races d'un développement précoce , et d’un engrais facile et ra- pide, on peut reprocher aux races étrangères de paraître moins propres que les nôtres à la grande multiplication de l’éspèce. M. de Vigneral dit que l'excès de graisse ‘est un inconvénient toujours facile à éviter, nourrissez moins, vendez plus vite, le profit de l’agriculteur y trouvera son compte. M. de Montreuil confirme cette pensée, après avoir vendu des porcs qu'on trouvait trop gras, il a écono- misé la nourriture, et les produits ont trouvé un débit facile et fructueux pour lui, puisque , en 4 mois , sur ‘un engrais de 80 bêtes, il y a eu 51 porcs de bénéfice, et ces animaux n'avaient presque rien consommé dans l’intérieur de la ferme. M. de Renneville appuie le système des croisements gradués. En Picardie, les produits obtenus par cétte voie prennent beaucoup de faveur. Ces animaux, en-dehors même de l’engrais, sont d’une nourriture beaucoup plus économique. Ils s’accommodent, par “exemple, très-bien des topinambours que les animaux indigènes dédaignent ordinairement. Il y aura lieu de ne pas abuser de leur facilité à engraisser, et de modérer leur nourriture ou de vendre plus tôt. Il importerait aussi beaucoup que l’on :conservât etqu'on préservât de la dégénérescence, les verrats de race choisie qui gardent en eux la puissance d'amélioration de l’espèce. 48 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. Ces conclusions sont généralement adoptées. Races ovines. — M. de Renneville remarque d’abord qu’il faut établir une importante distinction entre les deux intérêts, que le producteur peut chercher à réaliser dans la formation et l'entretien d’un troupeau. Il y aen présence le système mérinos, qui cherche les perfectionnements des produits en. laine, et le système anglais qui tend äu perfectionnement de la production de la viande. — Pour la laine, 1l y a moins à faire ; de grands progrès ont été accomplis. Il existe aujourd’hui des troupeaux d’une grande pureté. Pour la viande , c’est autre chose; les grandes races anglaises, d’engraissement précoce et facile, ne conviennent qu'aux sols très-riches en herbages. Pour d’autres localités moins favorisées, il faut chercher à obtenir par des croisements des sujets qui s'adaptent aux ressources de chaque pays. M. de Renneville lui-même, ayant à opérer en Picardie sur une race indigène de laine grossière et - de chair inférieure, a cherché à créer une sous-race, et par un premier croisement avec les sowsdowns il a obtenu des produits remarquables, qui ont été recherchés et très-appréciés dans la consommation. La viande, dit l'honorable membre, était de qualité tellement supérieure que les bouchers ne voulaient pas la donner continuellement et sans interruption à leurs pratiques, de peur de rendre celles-ci trop difficiles et trop exigentes. | : M. Maurencq entretient la réunion des conditions dans lesquelles se trouvent les cultivateurs du Berry. Toute tentative d'amélioration vient presque forcément CONGRES DES ACADÉMIES. 49 échouer contre la situation si défavorable du pays, où la nourriture des parcours trop insuffisants ne peut être cependant suppléée par les cultures fourragères. En principe, dit M. Maurencq, il faut, dans ces régions, procéder avec les plus grands ménagements, avec une extrême réserve, aux croisements avec des races étrangères. Entretenant ensuiteses collègues des remarquables efforts tentés à la Charmoise, par M. Malingié, M. Maurencq remarque que toutes les ex- périences conformes aux théories scientifiques n'ont produit que des déceptions, et que si M. Malingié a obtenu. en dernier lieu, des résultats considérables et bien connus, Ç'a été par une pratique sagace , intelli- gente, par des essais et des tâtonnements successifs tout-à-fait indépendants de l’esprit de système. M. de Montreuil veut que les croisements ne se fassent qu'en proportion des suppléments en nourriture qu'une culture progressive peut fournir à la consom- mation des animaux. En Normandie, dit:il, on veut procéder aux croise- ments dans les idées prudentes qu'a déjà exprimées M. de Renneville. | M. de Vigneral croit que, sans suivre une marche aussi lente, des croisements intelligents peuvent faire bénéficier plus vite des avantages acquis aux races étrangères.—Il tient à constater, du reste, que sou- vent des tentatives ont pu échouer, parce qu’on n'avait pas pris garde de ne donner les béliers de race étran- gère qu'aux seules brebis primipares. Les vieilles brebis, déjà accouplées avec des animaux de leur propre race, paraissent contracter, par ces alliances inférieures, une disposition fâcheuse qui les empêche d'élever 3 50 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. leurs produits ultérieurs à la distinction qu'on croirait pouvoir espérer des accouplements nouveaux. Cette opinion, suivant plusieurs membres , n'étant pas encore assez universellement admise, ne doit être ici produite que comme l'indication d'une loi probable, mais non complètement vérifiée. M. Gomart signale les soins d'un cultivateur dis- tingué des environs de St.-Quentin, qui a introduit par le métilage la race New-Kent dans un remarquable troupeau de mérinos. Le troupeau a acquis par ce croisement une grande aptitude à l’engraissement précoce, mais la laine a paru perdre de ses mérites, et les filateurs préfèrent de beaucoup les produits de la race mérine pure. MM. de Vigneral et de Montreuil pensent, comme M. Gomart, que les intérêts de la fabrication industrielle exigent que, dans les pays où il existe de beaux troupeaux de mérinos, on conserve avec soin les pré- cieux mérites de cette race. Plusieurs opinions se produisent sur Îa valeur des laines des troupeaux créés par M. Graut de Mauchamp. Ces laines, d’une finesse extrême, n'auraient pas tenu pour la filature tout ce qu’elles semblaient promettre. Mais à Paris, pour des fabrications spéciales, elles seraient, disent certains membres, très-recherchées et très-appréciées. Il paraît important à la réunion d'appeler sur ce point l'examen et les observations des hommes compétents, et de garder jusqu'à plus ample informé une grande réserve dans le jugement qu'il faut porter sur cette question. M. Destourbet signale les efforts tentés en Bourgogne pour améliorer l'espèce ovine, et il fait l'historique des tentatives faites jusqu'à ce jour. CONGRES DES ACADÉMIES. 51 Selon cet honorable membre , il existe dans la Côte- d'Or des troupeaux mérinos de belle qualité chez un grand nombre d'agriculteurs distingués. Dans l’agricul- ture ordinaire, les troupeaux sont un mélange sans va- leur d'animaux de toutes races et de toute provenance. On a voulu croiser la race mérine avec des sujets de race anglaise : le résultat a été désastreux. Une race fixée depuis 60 ans comme la mérine, dit M. Des- tourbet, résistera toujours à l'influence des croisements, et les races anglaises, qui n’ont que 10, 15 ou 20 ans d'existence, échoueront contre la persistance de la race la plus ancienne. Aussi, n'est-il résulté de ces essais que des produits décousus et sans valeur. De plus, les conditions climatériques agissant sans doute, le coryza a décimé les troupeaux ainsi mélangés de sang divers. Aujourd'hui, on pense à améliorer la vieille race indigène, la race commune, en lui donnant les béliers de la Charmoise, qui paraissent arrivés à une fixité suffisante pour agir avantageusement sur des sujets sans caractère permanent. M. de Renneville signale la distinction qu’il importe d'établir entre les laines de carde et les laines de peigne. - Les laines étrangères satisfont largement, pour la laine de carde, aux besoins des manufactures. Mais la France conserve une grande suprématie dans la production des laines de peigne, et il y à un grand intérêt à stimuler les efforts des producteurs de ce côté. M. de Cussy dit que, dans l'arrondissement de Bayeux, on a obtenu par les béliers de la Charmoise. de bons résultats. ‘ 52 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. M. Duchatellier pour la Bretagne, et M. Calemard de la Fayette pour les régions du centre qui avoisinent le Midi, disent qu’il n'y a pas de races caractérisées , mais un mélange confus de sujets , la plupart dégé- nérés. Selon M. de Cussy, en Basse-Bretagne, sur la limite du Finistère et des Côtes-du -Nord, des croi- sements de la race indigène avec des South-Down ont donné des produits remarquables. M. Duchatellier a connaissance de quelques faits analogues. M. de Renneville signale de nouveau l'action par- ticulièrement énergique des South-Down dans les croi- sements. ” M. le général Rémond fait observer que les Dishley sont plus exigeants et conviennent exclusivement aux pays d’herbages gras et abondants. Les South-Down, comme on l'a dit, pourraient être l'objet d'essais utiles dans le Midi; mais, dans le voisinage des Pyré- nées , on préférera toujours les races d’origine espa- gnole à celles d'origine anglaise. M. Calemard de la Fayette demande à M. Maurencq si les résultats déjà acquis à la Charmoise sont exclu- sivement en rapport avec les cultures perfectionnées de cet établissement , ou si les troupeaux de M. Malingié conviendraient dès à présent à la généralité des cul- tivateurs du pays. M. Maurencq croit que le Berry tout entier, peut bénéficier des améliorations déjà réalisées par M. Malingié ; mais que c’est la sagacité, la patience, la pratique intelligente de ce regrettable agriculteur qu'il faut imiter , sans songer à le suivre dans les errements d’une théorie systématique. CONGRÈS DES ACADÉMIES. 53 M. de Vigneral résume la discussion , d’où il paraît résulter , dit-il, que dans tout le littoral de l'Ouest et dans quelques parties du Centre, dans la Meuse, par exemple, chez MM. de Bocqui et de Louvancour, les croisements anglais ont eu des succès et tendent à se propager avec avantage; — que dans la région industrielle du Nord, et en prenant pour centre le département de l'Aisne, la race mérine est arrivée à un perfectionnement remarquable, qu'il y aurait _imprudence à ne pas conserver avec soin ; — que dans le Centre enfin, et peut-être dans quelques parties du Midi, il y aurait une tendance, qui sera sans doute avantageuse , à essayer sur les races indigènes et communes, l’action amélioratrice des béliers de la Charmoise. La séance est levée. Le Secrétaire , CazemarD De La Fayerre. SECTION DE LITTÉRATURE, BEAUX-ARTS ET ARCHÉOLOGIE. SÉANCE DU 21 JANVIER. | (Présidence de M. Dusors (de la Loire-Inférieure }. Prennent place au bureau : MM. Dubois, président; baron de Stassart; de la Bigottière; comte de Mellet; 04 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. Jobard, de Bruxelles : de Caumont, directeur de l'In- stitut des provinces; À. Ramé, secrétaire. L'ordre du jour appelle la discussion sur la question quatrième du programme, ainsi conçue : « L'histoire des arts et des industries dans chaque « contrée n'est-elle pas un des sujets d’étude les plus « intéressants et les plus féconds pour les Sociétés aca- « démiques des départements? » M. Duchatellier prend la parole sur les termes mêmes dans lesquels la question est posée. [1 faudrait, suivant l'honorable membre, faire une distinction nécessaire entre l’histoire des arts et celles des indus- tries : la première peut conserver un caractère purement spéculatif; la seconde , au contraire, ne se comprend guère qu'autant qu’elle est faite au point de vue pra- tique : elle embrasse toute une série de faits qu'il est impossible de confondre avec l'histoire des artistes. M. de Caumont répond que les industries tiennent aux arts par des rapports si multipliés et si intimes, qu'il est difficile d'établir une séparation bien tranchée entre ces deux manifestations de l'esprit humain. En conséquence, ]a rédaction de la question est maintenue. M. Duchatellier propose, comme moyen propre à fixer l’attention publique sur la question, la création de musées départementaux organisés au chef-lieu, dans le but de recevoir les produits industriels de toute la circonscription administrative. De semblables dépôts, par l'accumulation successive des objets qu'ils recevraient, fourniraient des éléments qui manquent aujourd'hui pour répondre d'une manière utile aux questions relatives à la statistique et à l'état des + CONGRES DES ACADÉMIES. 59 industries, posées périodiquement par l'administration centrale ; ils permettraient, en outre, de constater avec précision les progrès véritables de l'industrie dans chaque localité, et formeraient les éléments d’une histoire industrielle de la France entière. Au point de vue des intérêts particuliers , ces collections seraient infiniment précieuses pour les personnes qui, étrangères à la localité, désirent cependant avoir une idée exacte des productions que le pays fournit. Le voyageur trouverait réunis et rapprochés pour l'étude, des objets dont les centres de fabrication sont toujours dispersés à de grandes distances. Au point de vue de l'exécution, rien ne serait plus facile. L'administration par l'intermédiaire de ses nombreux agents , offre un moyen de concentration énergique et sùr, et il n’y a aucun doute que les fabricants ne soient disposés à fournir les échantillons nécessaires. On arriverait ainsi à la connaissance complète de 5os industries départementales , imparfaitement représentées dans tout dépôt unique formé loin du lieu de produc- tion, alors même que ce dépôt se propose le but le plus spécial. On rechercherait en vain, par exemple, dans le musée céramique de Sèvres, des spécimens des poteries en grès que le Finistère fabrique aujour- d’hui avec uue supériorité assez réelle pour que les ouvrages sortis des fabriques de Quimper aient été remarqués même à l'exposition de Londres. Enfiu, les collections géologiques, déposées ordi- nairement dans quelque salle des préfectures, inacces- sible au public, seraient une annexe naturelle de ce musée industriel. M. de Stassart fait remarquer que la formation de 56 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. collections semblables a été tentée à bien des reprises et sur des points différents. Il avait lui-même jeté les bases d’un musée industriel pour le département de Vaucluse, à l'époque où il administrait ce département ; mais Ceux qui héritent du soin de conserver ces col- lections se montrent trop souvent infidèles à déve- lopper la pensée de leurs prédécesseurs. M. Delérue apprend au Congrès que, depuis plusieurs années déjà, la Société d'émulation de la ville de Rouen, dont il est président, à émis un vœu semblable; la préfecture l'a appuyé, le Conseil général du départe- ment de la Seine-Inférieure l'a adopté en principe, mais il a sursis à trancher les questions de finances, de . local et de conservation. Par suite de ce délai, M. le ministre du Commerce , qui promettait son concours efficace à ce projet par le don d'ouvrages spéciaux et par des subventions combinées avec celles du dépar- tement, a déclaré qu’il ne pouvait agir qu'autant que le Conseil général aurait pris l’initiative, et la question se trouve ainsi pendante, sans qu’on puisse entrevoir l'époque de sa solution. L'honorable membre appuie donc énergiquement la proposition de M. Duchatellier. M. d'Héricourt prend la parole; à ses yeux, l'utilité de la proposition de M. Duchatellier est incontestable, mais les difficuités de l’exécution sont plus grandes que ne l’avait pensé l’auteur de ce projet, surtout au point de vue pécuniaire. Rouen, ville riche et indus- trielle, ne peut parvenir à organiser la collection de ses produits manufacturés, malgré le concours du dépar- tement. Les musées déjà existants en province, ne reçoivent que des allocations insuffisantes; plusieurs dépérissent ; faute de secours. Est-ce bien le moment CONGRÈS DES ACADÉMIES. 57 de songer à en créer de nouveaux dans tous les chefs- lièux de département? Pour assurer le succès de la proposition de M. Duchatellier, il faudrait la restreindre, désigner d'abord certaines villes où la création des musées industriels rencontrerait le. plus de facilité d'exécution, comme Rouen, Lille, Lyon, Marseille, par exemple. Maintenue dans la généralité de ses termes, elle serait menacée d’un échec inévitable. M. Duchatellier répond : qu’il n’y a pas de chef-lieu qui ne possède déjà un local favorablement disposé pour abriter ces collections naissantes ; les biblio- thèques publiques, par exemple, recevraient provi- soirement un tel dépôt sans frais. Ce quiest urgent, c'est qu'il y ait près de chacun des fabricants une collection publique où il puisse trouver des modèles et des encouragements. L'honorable membre a décou- vert dernièrement, en défrichant une lande, l'atelier: d'un potier romain : des poteries sont encore fa- briquées dans cette localité; les œuvres anti- ques fournissent un lerme de comparaison utile; eu effet, les produits céramiques du même pays n'offrent plus rien de comparable, comme finesse de pâte, élégance de forme ou précision du dessin, avec les débris rendus à la lumière et à l'étude d’une façon si inattendue. M: Peigné dit qu'une découverte semblable a été faite, il y a plusieurs années, en Picardie, dans un pays où l'on ne fait plus également que des poteries de la plus grossière espèce. Mais, en l'absence de tout local destiné à recueillir les poteries romaines ainsi retrou- vées, elles ont disparu, et de semblables pertes, qui se renouvellent fréquemment, prouvent assez combien 58 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. il est nécessaire d'organiser des musées industriels qui assurent lu conservation des œuvres anciennes et modernes. M. de Montreuil fait remarquer que les Sociétés savantes, si multipliées dans les départements, recueil- lent actuellement avec le plus louable empressement tous les débris de quelque valeur. Les objets anciens trouvent donc à peu près partout asile et protection. Quant aux objets modernes, il semble inutile de créer une armée de fonctionnaires pour conserver ce qui est sous nos yeux à tous. Nous possédons des dépôts déjà existants, qui ne demandent qu’à prendre des développements nouveaux, et qui permettront un jour d'étudier le passé dans toutes les œuvres qu’il a produites. En tous cas, là n’est pas la question: la discussion s’est écartée des termes du programme. Il s’agit de savoir si l'histoire des arts et des industries de chaque contrée n'est pas un sujet d'étude du plus haut intérêt, et cela est incontestable. Après les observations de plusieurs membres qui confirment les dernières paroles de M. de Montreuil, la section consultée sur la question de principe décide, à l'unanimité, qu’il y a lieu de recommander l’histoire des arts et des industries dans chaque contrée à l’at- tention des Sociétés académiques des départements, comme l’un des sujets SES les plus intéressants et les plus féconds. La proposition de M. Duchatellier est également adoptée avec la restriction proposée par M. d'Héricourt, et la section émet le vœu que des musées industriels soient formés dans toutes les villes où leur création pourrait être couronnée de succès. CONGRES DES ACADÉMIES. 59 L'ordre du jour amène la discussion de la 5°. question. Cette question est ainsi conçue : « Dans quel ordre les recherches de ce genre « pourraient-elles avoir lieu le plus ordinairement? » M. R. Bordeaux, en réponse à cette question, propose de faire une classification des arts et des industries dans un ordre hiérarchique qui ne permette pas de confondre absolument les arts libéraux avec les arts industriels. Parmi ces derniers même, il serait facile d’établir une échelle constatant la distance qui sépare l'étoffe de laine la plus vulgaire du tissu de soie le plus riche- ment décoré, ou les poteries les plus grossières de la porcelaine et des vitraux. Une société agricole se préoccuperait des applications les plus usuelles: une société artistique rechercherait au contraire quels sont, dans ces produits industriels, le rôle de la décoration et de l’ornementation. M. Jobard, de Bruxelles, combat cette distinction comme dangereuse et difficile : où commence l'in- dustrie? où finit l’art ? c’est ce que nul ne saurait pré- ciser; ce n’est qu’à la condition de s'élever à l’art que le métier peut satisfaire le goût. Les potiers antiques, dont on a parlé dans lé courant de cette séance, en sont un exemple : c'est parce qu'ils out ajouté à la manipulation de la pâte la perfection de la forme et l'élégance de l’ornementation, qu'ils ont laissé des œuvres dignes de toute notre étude. : M. Bordeaux, reprenant le développement de l’ordre qu'il serait bon de suivre, suivant lui, dans l’étude des industries, fait remarquer que leur histoire peut être considérée à un double point de vue, ce que l’on a nommé histoire interne et histoire externe, c'est- 60 INSTITUT DES PROVINCÉS DE FRANCE. | à-dire l'histoire des procédéset l'histoire des hommes qui ontemployé ces procédés ; par exemple, suivant que Ja Société qui s’occupera de cette étude sera une Société d'agriculture ou une Société d’archéologie , elle sera portée à examiner, soit l'état des cultures et ‘des bestiaux, soit l'état et la condition des classes agricoles. En outre, en-dehors de ces deux points de vue , si différents, de l’histoire , il ne faut pas négliger le côté biographique, toutes les fois qu'il se présente dans l'histoire un artiste avec une individualité assez saïl- lante pour être distingué de la masse de ses contem- porains.. M. de Mellet propose d'abandonner un examen théorique de la question , qui ne saurait amener de solution. Le rang à donner aux arts.et anx industries, leur prééminence relative, entraineraient des discus- sions sans fin. Il faut laisser à chaque Société le soin de poursuivre les études spéciales qu'elle à entreprises, à celle-là l’agriculture, à celle-là l'archéologie : les efforts tentés pour arracher chacun à ses aptitudes seraient inutiles. Le rôle du Congrès est de poser la question de principe ; il l’a fait dans les termes de la 4°. question. Il ne saurait aller au-delà. M. Duchatellier : Sans la 5°. question ; la 4°. serait inutile. Les études dont le Congrès a posé le principe, se font ; l'histoire industrielle est actuellement l'objet des préoccupations de plusieurs sociétés, cela est incontestable; ce qu’il importe, c'est que ce travail, produits d'efforts isolés, soit organisé. . M. Bordeaux fait remarquer que l'histoire des in- dustries abandonnées doit être surtout recommandée à l'attention des Sociétés savantes ; il y en a quelques- CONGRES DES ACADÉMIES. | 6i unes qui ont disparu d’une façon si complète des contrées où elles ont été le plus florissantes, que le souvenir même en est aujourd'hui effacé. M. Dubois, président de la section, résume la discussion. Il ajoute que , s'il est vrai que le Congrès ne puisse. tracer aux travaux des Sociétés savantes un cercle déterminé, ni leur imposer un sujet d’études, il peut exercer une influence incontestable par les avis et les vœux qu'il formule. Ces vœux auront d'autant plus de: force qu'ils seront moins vagues. Quand un but nettement déterminé aura été indiqué à l'activité intellectuelle des départements, il se trouvera toujours des hommes qui se proposeront de l'atteindre. Nous sommes trop portés à nous défier des efforts individuels. La statistique faite par la Chambre de commerce de Paris montre tout ce que l'on peut attendre des travaux entrepris dans une direction déterminée. Quelques hommes ont exécuté ce que le gouvernement n'avait pu faire : la situation des industries parisiennes a été mise à jour; on connaît leur personnel, les causes de leurs souffrances et de leur démoralisation. Cet exemple , sorti de la nécessité des temps où nous vivons, peut être partout appliqué en ce qui concerne les industries contem-— poraines. Quant à celles quiont disparu etqui n'existent plus qu'à l’état de souvenir historique, il faut formuler une règle sur la meilleure manière de les étudier. M. de Montreuil présente la proposition suivante : « Rechercher dans chaque département les industries « et les arts qui y ont existé et qui en ont disparu. « Etudier les causes pour lesquelles ils ont disparu « de ces contrées. 62 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. « Comme premier mode de ses recherches, inviter « les Sociétés savantes au dépouillement des archives « municipales de leur circonscription. « Demander une statistique des industries actuel- « lement en vigueur dans les départements. » Après une discussion à laquelle prennent part MM. de Caumont, d'Héricourt, Michel , de Metz, Ramé, R. Bordeaux, de laquelle il résulte : que sur tous les points du territoire, l'attention est éveillée sur ces questions et qu'il n’ÿ a plus qu’un cadre à présenter aux recherches qui se préparent , la propo- sition formulée par M. de Montreuil est mise aux voix et adoptée à l’unanimité. La question sixième vient ensuite à l'ordre du jour. Elle est conçue dans les termes suivants : « Quelle direction suit aujourd'hui dans les pro- « vinces le mouvement artistique? Quels efforts doi- « vent faire les Sociétés savantes pour le diriger? » En réponse à cette question, la section entend la lecture d’un mémoire de M. Godard-Faultrier, sur le mouvement artistique en Anjou, et d’une notice M. de Chennevières, sur la marche qu'ont suivie, dans ces dernières années, les études d'art en province. Ces deux lectures sont accueillies par les applau- dissements de l’Assemblée. Les questions huitième et onzième sont mises à l'ordre du jour du lendemain. La séance est levée à 3 heures. Le Secrétaire, Alfred Ramé. CONGRÈS DES 4CADÉMIES. 63 RÉANCE GÉNÉRALE DU 24 JANVIER. (Présidence de M, le baron De STassaRT. ) Sont présents au bureau : MM. le général Rémond ; Bally , de l’Académie de médecine; Michel, de l’Aca- démie de Metz ; d'Homalius-d'Halloy: de Caumont ; KR. Bordeaux, secrétaire. M. Gomart donne lecture du procès-verbal de Ia séance précédente, qui est adopté. M. de Caumont dépouille la correspondance : M. Geslin de Bourgogne adresse le programme de ja statistique monumentale des Côtes-du-Nord, canton par canton, commune par commune, qu’il va publier de concert avec M. de Barthélemy. M. de Caumont donne des détails de cet ouvrage, conçu sur un plan excellent. Les ouvrages suivants sont déposés sur le bureau : Les vignes malades, par M. Louis Leclerc. De la bienfaisance publique et privée dans le dépar- tement de la Seine-Inférieure, par M. Delérue. Examen des lettres de M. l'abbé Gaume sur le paga- nisme dans l'éducation, par M. l'abbé Landriot. Topographie et statistique médicale de la ville d'Autun. La marque ou la mort, pamphlet anonyme, par M. Jobart. NE | Le château de Ham et ses prisonniers, par M. Gomart. Lettre sur le chevalier Bayart, par M. le baron de Stassart. 64 INSTITUT DES PROVINCES DÉ FRANCE. Notice sur de Nélis, évêque d'Anvers, par M. de Stassart. Le Dante, Michel-Ange et Machiavel, volume in-12, par M. Calemard de la Fayette. M. Calemard de la Fayette donne lecture du procès- verbal de la section d'agriculture. M. Ramé analyse les discussions de la section de littérature. et d'histoire. A la suite de ce procès-verbal, M.le marquis de Chen- hevières lit les considérations suivantes sur l'alliance de l'art et de l’industrie, et sur la supériorité que l'art assure à l'industrie française sur l'industrie anglaise. MEssIEURS, La classe des beaux-arts de l’Institut national, en l'an XII, proposait au concours la question suivante : « Quelle est l'influence de la peinture sur les arts d’in- dustrie commerciale? Quels sont les avantages que l'État retire de cette influence, et ceux qu’il peut encore s'en promettre? » Vous connaissez tous le brillant, solide et savant mémoire qui valut à Emerie David : le prix de l'Académie des beaux-arts. Un autre discours bien intéressant encore, plus intéressant peut-être pour nous autres provinciaux, par Certain côté spécial , obtint la mention honorable ; c'était celui de M. Dechazelle, membre de la chambre de commerce etdu conservatoire des arts de Lyon. Émeric David comprit bien qu'il n'avait pas à démon- trer théoriquement l'influence des arts du dessin sur le commerce etla richesse des nations , non plus que . les avantages de cette influence. Il fit mieux : il fit CONGRÈS DES ACADÉMIES. 65 parler l’histoire de tous les peuples, et cette histoire montra « parmi les villes commerçantes les plus célèbres chez les anciens et chez les modernes , celles qui négligeaient les beaux-arts toujours dans un état de richesse précaire, sans cesse menacées d’une ruine totale par des événements que leur politique ne pouvait empêcher; celles au contraire qui les ont cultivés, riches et puissantes sur le territoire le plus stérile, constamment commerçantes malgré les révolutions, grandes dans leur décadence, immortelles après leur chute. » L'histoire montra « la France, avant que les beaux-arts eussent éclairé ses fabricants, s'épuisant de son or pour payer les productions des manufac- tures de Constantinople, de la vieille Athènes, de la Sicile, de l'Italie ; la France reconquérant au contraire depuis trois siècles, par un effet äes leçons de ses artistes, cet or que son ignorance lui avait fait perdre. » Quelle leçon est sortie, l’autre année, de l'Exposition universelle du palais de cristal? Le monde entier sait “aujourd’hui que la première des nations, par les machines de ses manufactures, c'est l'Angleterre ; que la première, par l’art de ses productions, c'est la France. L'Angleterre a senti cela, et elle l'a senti profondément. IL est plus facile à la France de per- fectionner ses machines, qu'il n’est facile à l'Angleterre de conquérir. de l’art et du goût. En vingt-cinq ans, la France peut tout gagner et l’Angleterre tout perdre. Oui, c'est le plus grand danger qu'elle ait peut-être jamais couru , de perdre par les derniers perfectionne- ments de l’industrie française, le crédit et le marché de l’Europe et du monde. Jé disais, Messieurs, que l'Angleterre le sentait si bien, qu'à la suite de l’expo- sition de Londres elle avait précipitamment fondé, 66 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. dans les salles de Marlborough-house, un musée d’art industriel, composé presque exclusivement de chefs- d'œuvre contemporains français; et, comme si cette na- tion devait faire éternellement la guerre à la France avec ses propres armes, après avoir fondé la grandeur actuelle de ses manufactures sur la découverte des forces de la vapeur, enfantée par deux Français, après avoir mis à exécution l’idée française d’une exposition universelle, après avoir imaginé de se servir, pour combattre l'importance d’art de notre industrie, des chefs-d'œuvre de nos artistes industriels : C'est encore une idée française qu’emploie l'Angleterre pour multi- plier les ressources de son musée de Marlborough- house , c'est l’idée de la société Schongauer, à Colmar, qui consiste dans le prêt successif du chef-d'œuvre à telle ville, puis à telle autre. Mais qu'importe ? ils n’y atteindront pas. Notre école française est aujour- d'hui débordante de sève, et tout ce que nos artistes font de belles œuvres , travaille à la suprématie définitive de la France. Ne nous endormons pas cependant dans un trop tranquille dédain de l'impuissance de l'Angleterre en matière d'art. Nous avons affaire à la plus ambitieuse, à la plus laborieuse et à la plus obstinée des rivales. S'ils espèrent nous dérober, par la fondation de musées et d'écoles, le génie de l'artindustriel, dérobons-leur, s’il nous est possible, le génie de la persévérance , et fondons de meilleurs musées et de meilleures écoles. Or, dans cette guerre , latente et acharnée, que l’art français fait à la puissance manufacturière de l’An- gleterre, nos provinces fournissent les plus gros et les plus fermes bataillons. Paris produit bien, outre ses peintres et ses sculpteurs, tout ce qui est orfèvres, CONGRES DES ACADÉMIES. 67 ciseleurs et ébénistes ; mais les soieries, les poteries, les dentelles, les peintures sur verre, les travaux d'ivoire, presque toutes les tapisseries, combien d’autres industries encore, appartiennent à la province. C'est là , si l'on ne s'en préoccupe pas, que l’industrie française peut courir de sérieux dangers de décadence. Je n'ai point à vous citer d'exemples : votre mémoire vous fournira le nom de plus d’une de nos villes, qui a vu, ses artistes disparaissant, disparaître l’industrie qui faisait sa richesse. Qu'est devenue la belle impri- merie lyonnaise du XVI. siècle, si bien aidée par ses habiles dessinateurs de vignettes? Le dessin s’est tourné, à Lyon, vers les soïieries , et voilà que Lyon a absorbé l’industrie plus ancienne de Tours, à la- quelle les dessinateurs ne venaient plus en aïde.Ce qui fait aujourd’hui l'admirable et incontestable supériorité de la soiïerie lyonnaise, c'est que, depuis cent cin- quante ans, tout peintre à Lyon est ou peut être dessinateur d’étoffe : et que les innombrables artistes que cette ville nourrit, travaillent tous directement ou indirectement, soit par la peinture de fleurs, soit par la recherche du fini et de la douceur des tons dans la peinture de genre, au perfectionnement de l'industrie lyonnaise. C'est aussi la constante solli- citude que cette ville montre pour son école de dessin, école très-fréquentée, très-encouragée, et qui produit d'excellents graveurs et d'excellents architectes, à côté de l’étude spéciale de la peinture des fleurs. C’est que là encore le musée est considérable et considéré, et que d'habiles maîtres que je pourrais nommer, M. Saint- Jean par exemple , y vénèrent les beaux tableaux qui ont fait éclore leur talent. Pensez-vous donc que l'As- 68 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. cension du Pérugin n'ait rien appris à la jeunesse de M. Flandrin ? Mais, à côté d’uneécole qui produit de glorieux fruits et que l’on peut offrir comme modèle ; combier sont étiques et misérables, combien ne rappellent plus que de nom leur fécondité d'un autre temps ! Il en est même qui, par le vice et l’étroitesse orgueilleuse de leur enseignement, rendent impossible à un artiste véritable, peintre verrier ou architecte, de trouver sur leurs bancs de jeunes mains dociles qui le puissent aider dans les naïfs travaux d'imitation des siècles primitifs. Le maladroit ouvrier de la rue se prête mieux à l’intelligente direction de l'artiste. Ces écoles, dans la routine qui les anime, étoufferont plutôt une vocation sincère, qu’elles ne la révéleront. Au lieu de former de bons artisans pour la province, elles envoient de mauvais artistes à Paris , qui n’en a que faire. Mais le remède, maisles moyens de rendre à ces musées l'esprit de vie, d'ôter à ces écoles l'esprit de mort? Le moyen pour la province d'utiliser, au profit de sa richesse commerciale et de son élégance domestique, les belles collections d’art qu’elle voit grandir tous les jours et qu'elle a long-temps si honteusement négli- gées , ce serait d’abord, nous le disions il y a deux ans, de les grossir dans le sens de l’industrie parti- culière à chacune de ses villes, de manière à fournir à cette industrie ses plus parfaits modèles anciens et nouveaux ;- ce serait, je le répète encore, d'accroître et de vulgariser, à la façon de la société Schongauer, les recueils d’estampes qui intéressent l’industrie spéciale des villes ; puis ce serait de répandre la lecture et l’é- tude de ces splendides livres à figures relatifs à tous les CONGRÈS DES ACADÉMIES. 69 arts et à toutes les industries, que les bibliothèques de province reçoivent du gouvernement ; mais, surtout, ce serait d'honorerde soin et de respect les merveilleux chefs-d'œuvre des musées de province. Je n'ai pas à vous l’apprendre, Messieurs, l'art dans son goût, ne remonte pas de bas en haut ; il procède du plus haut au plus bas. Ce n'est point l’industrie qui impose son goût à la peinture , à l'architecture ou à la sculpture; elle le reçoit de ces trois arts supé- rieurs ; elle suit servilement leur caprice , leur grandeur ou leur décadence. Si les arts ne relèvent que de la nature et en sont une imitation idéale, l'industrie dans tous les siècles a pris son inspiration dans une imitation ingénieuse des arts.Croyez-lebien, un conseil municipal, en popularisant par les soins qu'il donne publiquement à son musée les chefs-d’œuvre de peinture et de sculpture que garde ce musée, de même qu'en veillant avec sollici- tudeälaconservation d’un beau monument d'architecture, fait plus pour les progrès des plus humbles industries dans son départementqu'’en offrant les primes les plus en- viables à ses industriels. Ces primes pourront émouvoiz le génie du mécanicien, mais seront impuissantes à éveiller celui de l’artiste. Or, j'en appelle encore une fois à ceux qui ont vu l'exposition de Londres, qu’ils disent ce que serait sans l’art l’industrie dé la France ? - Voilà pour les musées. Maintenant pour les écoles : le moyen de donner une vie nouvelle dans nos départe- ments à ces écoles publiques de dessin. que rend tristes et stériles l’enseignement exclusif et routinier des proportions du corps humain prises sur des plâtres classiques , ce serait d'y varier à l’infini les genres d'études linéaires et les applications du dessin; ce 7Q INSTITUT DES PROVINCES DE FRANC£. serait d'ouvrir en même temps l'intelligence des élèves aux principes pratiques de l'architecture ; de la sculp- ture, de l’oruementation, de la peinture de chevalet , et de la peinture décorative ; que sais-je, moi? de tout ce qui est l’art, et dont n’ignoraient rien les maîtres des grandes époques anciennes. Plus de spécialité misé- rable où s’étiole le pauvre artiste provincial, qui ne trouve pas même à la développer au profit de l'industrie de sa ville; mais un certain exercice général de toutes les parties de l’art, qui rende l'artiste à la fois apte et supérieur non-seulement à une industrie, mais à toutes les industries, et qui lui permette de leur en appliquer les hautes et fécondes ressources. D'une part, honneurs et soins à rendre aux chefs-d'œuvre de la peinture et de la sculpture, et développement des collections d'art industriel ; d'autre part, variété d'enseignement dans Jes écoles de dessin : tel est le double vœu que j'ai l'honneur de soumettre à l'approbation du Congrès. » * { Applaudissements prolongés! ] M. de Caumont : Ces observations prése ntent une solution à la seconde partie de la question 7, qui n'apas été discutée par la Commision compétente. Il serait done bon d'y renvoyer la proposition, et de ne la discuter que demain en séance générale. — Ce renvoi est adopté. M. de Lorière rend compte des discussions qui ont eu lieu dans le sein de la section d'histoire naturelle. M. Leclerc présente une observation sur la race de moutons de la Charmoise, créée par M. Ma- CONGRES DES ACADÉMIES. Wé | lingié. L'orateur croit que M. Maureneq était dans l'erreur, quand il a dit que M. Malingié n'est arrivé à créer cette race qu’à l’aide de tâtonnements. Non, il l’a produite en appliquant des idées systématiques parfaitement calculées à l'avance, Sans doute, il y a eu un premier tâtonnement. Mais bientôt ses efforts ont été conduits par le raisonnement, partant de ce principe reconnu que, dans les croisements de moutons, le sang des vieilles races prédomine toujours. La race de Newcastle étant récente ne pouvait dominer le vieux sang du pays; voici comment il est parvenu à lui assurer la force qui lui manquait : il a mêlé deux vieilles races du pays, la race berrichonne , celle de la Touraine et celle de la Beauce : il a ainsi formé un croisement très-mauvais, très-imparfait sans doute, mais qui lui fournissait un sang nouveau, tout récent. Ce sang, ainsicréé par le mélange de deuxraces locales, a pu se mêler à la race de Newcastle, plus ancienne comparativement. Dans ce second croisement, les belles qualités de la race de Newcastle ont pu avoir le dessus sur le mélange nouveau des races du pays. C'est par ces deux croisements successifs que M. Malingié est parvenu à approprier à des terrains trop maigres pour la race de Newcastle, une race intermé- diaire, présentant les qualités de la race étrangère et la vigueur des anciennes races du pays, et à créer la race de la Charmoïse, race parfaitement permanente déjà, et durable, quoi qu'on en dise, puisque tous les individus qui en naissent sont tous conformes au type obtenu d’abord. M. Leclerc présente une seconde observation sur ce qui a été dit sur les nouvelles races porcines. H 72 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. craint que l'excès de précocité ne nuise à la saveur et aux qualités alimentaires. La séance est levée. L'un des Secrétaires-généraux, Raymond BorpEAux. SECTION D'HISTOIRE NATURELLE. SÉANCE DU 22 JANVIER, { Présidence de M. De VERNEUIL, président de la Société géologique de France. ) La séance est ouverte à 9 heures et demie. M. G. de Lorière remplit les fonctions de secrétaire. Parmi les personnes qui assistaient à la réunion, on remarquait :. MM. de Caumont, président de l'In- stitut des provinces; d'Homalius d'Halloy, président du Sénat Belge ; de Quatrefages, membre de l'Institut de France; Buvignier ; Burrande; de la Fresnaye; de Glanville; Coulain-Graviers, etc. M. Buvignier lit une note très-intéressante sur les grès liasiques du Luxembourg et des Ardennes. NOTE DE M. BUVIGNIER. On a constaté depuis long-temps l'existence de grès à la base des calcaires à gryphées arquées dans CONGRÈS DES ACADÉMIES. 73 FRS contrées. Mais ceux qui recouvrent la même formation dans les Ardennes et dans le Luxembourg n'étant pas aussigénéralement connus, M. de Caumont, président du Congrès, a cru que je pourrais donner sur ces grès, que j'ai eu occasion d'étudier dans les départe- ments de la Meuse et des Ardennes, des détails offrant quelque intérêt pour les géologues. Je regrette cepen- dant que, sans m'avoir consulté ,-il ait annoncé de ma part une communicationsur ce sujet que je n'aurais pas voulu traiter eu ce moment, les grès en question ayant donné lieu à des discussions qui sont encore pendantes. Les grès du Luxembourg ont été décrits en 1828, par M. Stecninger, et mentionnés depuis par plu- sieurs géologues de la Moselle, comme inférieurs aux calcaires à gryphées arquées. Cette classification à été attaquée par M. Levallois , et MM. d'Homalius et Du- mont ont reconnu qu'ils étaient identiques avec les calcaires sableux des Ardennes. La question paraissait donc résolue lorsque M: le colonel Hennocque publia sur le grès d'Hettange une uote dans laquelle il constatait l'identité de ce grès avec ceux du Luxembourg et d'Arlon et les regardait comme inférieurs aux gryphées arquées. Je ne con- naissais pas les environs du Luxembourg; mais les observations de MM. d'Homalius, Levallois et Dumont n'ayant pas été contestées, et les grès d’Arlon ne me semblant pouvoir laisser lieu à aucun doute, je com- battis dans une note lue à la Société géologique l’opi- pion de M. le colonel Hennocque. Elle fut défendue par M. Terquem et il en résulta une discussion à la suite de laquelle la Société géologique fixa à Metz sa réunion extraordinaire de l’année dernière. 4 74 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. Dans cette réunion, à laquelle des événements de famille m'ont empêché d'assister, la Société paraît s'être prononcée en faveur de M. Terquem. Mais la Socièté n’ayant pas visité toutes les localités qu’il me paraît essentiel d'étudier pour arriver à une solution complète de la question, et d’ailleurs les motifs de sa décision ne m'étant pas encore connus, je n'ai pas renoncé, jusqu’à présent, à mon opinion; mais on comprendra facilement qu’en présence d'une autorité aussi imposante, je ne veuille l’émettre qu'avec beau- coup de réserve, et qu'il eût été préférable pour moi de ne pas aborder cette question avant d’avoir visité toutes les localités qui ont donné lieu à cette discus- sion. Aussi je me bornerai à donner quelques détails sur la partie des grès liasiques situés dans la Meuse et les Ardennes où leur position est incontestable , et à résumer la discussion encore pendante sur la portion de ces grès située dans le Luxembourg. Les gryphées arquées sont recouvertes dans les Ar- dennes par un massif de bancs calcaires plus ou moins imprégnés de sable, passant quelquefois au grès, et alternant avec des lits de sable quelquefois calcaires vers la base, presque toujours marneux vers la partie moyenne de la formation. La superposition de ce massif, dont l'épaisseur est de 1107. dans les Ardennes, et de 150 environ dans la Meuse et le Luxembourg Belge, est évidente sur une étendue de plus de 60 kilom. de Florenville à Mézières et Renwez où, par suite de la transgression des assises supérieures vers l'Ouest, fait général sur cette limite du bassin liasique, il déborde les calcaires à gryphites et vient reposer à son tour sur les terrains: anciens des Ardennes, Ceux-ci, de CONGRES DES ACADÉMIES, ds Florenville à Mézières, sont séparés des calcaires à gryphites par des lits de grès passant quelquefois au poudingue, et dont l'épaisseur totale excède rarement 2 ou 3 mètres. Ces grès représentent sans doute les grès infrà-liasiques si développés dans d'autres contrées. Plusieurs des fossiles que l’on y rencontre se retrouvent dans les calcaires à gryphées arquées. Les grès supérieurs à cette dernière formation, et que nous avons décrits, M. Sauvage et moi, daus la géologie des Ardennes, sous le nom de calcaires sa- bleux du lias, peuvent se subdiviser en trois parties. L'inférieure , d'une puissance de plus de 60%,, est composée d’alternances de sables et de grès plus ou moins calcaires. Elle est caractérisée par les Cardinia concinna Sow., Ammonites Bucklandi Sow., Pinna HartmanniZrer., et contient un grand nombre d’autres fossiles , tantôt dissous , tantôt tellement empâtés dans la roche, qu'il est très- rare d'en rencontrer de bien dé- .terminables, quoique certains bancs paraissent formés presque entièrement de débris de coquilles. Les fos- siles ne sont pas répartis uniformément dans toute l'épaisseur de cette subdivision. La plupart des espèces sont particulières à certaines couches ou à un certain ensemble de couches. Ainsi le Cardinia concinina est très-abondant un peu au-dessous de la partie moyenne, tandis que, un peu plus haut, on trouve de nombreux fragments de gryphées très-voisines du G. arcuata Lamx., mais dont les individus les mieux conservés m'ont paru se rapporter plutôt au G. obliquata Sow., espèce que plusieurs zoologistes considèrent à peine comme une variété distincte de la précédente, mais que nous avons cru devoir en séparer, surtout à cause 76 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. de la différence de gisement. Il est à remarquer que les bancs qui contiennent cette gryphée sont quelque- fois un peu argileux. Il en est souvent de même des sables qui les accompagnent. La subdivision moyenne des calcaires sableux est composée de sables plus ou moins marneux , passant quelquefois à des marnes sableuses, et alternant avec des bancs calcaires , plus ou moïns sableux, souvent argileux , de texture et de dureté variables. Ces assises sont caractérisées par les Belemnites elongatus Mrzr. , Gryphæa cymbium Lamx., spirifer rostratus Scaz. Spi- rifer oxypterus Buv. On y trouve aussi ? Ammonites planicosta Sow., quoique cette espèce caractérise plutôt la subdivision supérieure et se retrouve même encore un peu plus haut. La subdivision moyenne des cal- caires sableux représente exactement les calcaires à Bélemnites de la Bourgogne et de la Moselle. La subdivision supérieure ne se montre pas dans la plus grande partie du département des Ardennes , soit qu'elle ne s’y soit pas déposée, soit que les affleure- ments en soient masqués par les alluvions des vallées de la Chier et de la Meuse. Elle est également formée d'alternances de calcaires ou de grès et de sables, mais elle est généralement plus siliceuse. Les sables sont tantôt jaunâtres, tantôt gris ou bruns. Les calcaires présentent généralement les mêmes teintes, mais les plus épais sont souvent bleuâtres à l'intérieur. Quel- ques assises sont très-coquillières ; mais elles sont presque toujours tellement agrégées qu'il est très-rare d’en détacher les coquilles avec leur test. On n'en ob- tient le plus souvent que les moules intérieurs. C'est, la plpart du temps, à cet état, que j'ai rencontré les | CONGRES DES ACADÉMIES. 77 fossiles si variés de Breux et d'Avioth près Montmédy. Les espèces les plus caractéristiques y sont les 4m- monates fimbriatus Sow.,4. planicosta Sow., A. hybrida Sow., et Gryphæa Broliensis Buv. Cette dernière pour- rait bien n'être qu'une variété lobée du G. cymbium Lamx., maïs la différence de gisement m’a déterminé à l'en séparer. Pour faire connaître d’une manière plus précise la position des calcaires sableux dans la série liasique, il n’est pas inutile d'indiquer sommairement la dispo- sition des étages supérieurs du lias des Ardennes et de la Meuse. Les calcaires sableux sont recouverts en superposi- tion immédiate, par les marnes moyennes du lias ou marnes à Ovoide ferrugineux. Cette formation qui a 707, d'épaisseur est caractérisée par l’Ammonites Davæi Sow., et par le Pecten æquivalvis Sow., qui se retrouve aussi dans la partie supérieure du calcaire sableux. Au-dessus viennent les calcaires ferrugineux du lias, épais de 80"., et dont les fossiles les plus caractéristi- ques sont les Ammonites spinatus Brua., Plicatula _ pectinoides Lamx., Cardinia fascicularis Buv. Ces cal- caires, de composition et de texture diverses, présen- tent des teintes très-variées, le gris , le jaune , le brun, le vert et le rouge lie de vin isolés ou réunis dans la même roche. Beaucoup de lits contiennent des veines irrégulières et des fragments presque toujours angu- leux de fer hydraté. Sur ces calcaires reposent les marnes supérieures du lias, épaisses de 80 à 90%. plus ou moins schisteuses et bitumineuses, surtout vers la partie inférieure, et caractérisées par les Ammonites Hollandrei Dors., À. 78 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. serpentinus ScnLorT., Belemnites compressus BLarnv., etc. Il existe, vers la partie supérieure de ces marnes, des lits d’ovoides ferrugineux qu'il ne faut pas confondre avec ceux des marnes moyennes. Dans la Moselle, les marnes supérieures sont re - couvertes par un dépôt de fer oolitique bien différent : du calcaire ferrugineux du lias et par sa position et par ses caractères. Ce dépôt qui n'existe pas dans la Meuse et les Ardennes, ou qui ne s’y trouve qu'à l’état rudimentaire , a été rapporté long-temps à l’oolite in- férieure , mais d’après les observations de M. Levallois, les fossiles qu'il contient n’appartiennent pas à eette formation et le rapprochent plutôt du lias auquel il se rattache également par ses caractères géognostiques. Plusieurs des subdivisions du lias des Ardennes ne se retrouvent pas dans la Moselle où on ne rencontre que les assises à gryphées arquées, recouvertes par une puissante formation marneuse qui paraît repré- senter à la fois nos marnes supérieures, nos calcaires ferrugineux, nos marnes moyennes et une partie de nos calcaires sableux, les calcaires à bélemnite de Gueules, d'Hettange, etc., étant identiques avec la partie moyenne de cette dernière formation. Nos subdivisions des Ardennes ne se retrouveraïent pas non plus, au dire de plusieurs géologues , dans le Luxembourg. Je les ai cependant reconnues toutes dans la partie Belge du Grand-Duché, où j'ai observé, dans la direction de Longwy à Arlon, la coupe fig. }. Divers contre-temps m'ont empêché, à plusieurs re- prises, de rattacher cette coupe aux terrains liasiques de la vallée de la Moselle ; mais la grande analogie qui existe entre les grès d'Hettange, de Boust, d'Hespé- CONGRES DES ACADÉMIES. 79 range et certaines assises situées au-dessus de la partie moyenne de la subdivision inférieure des calcaires sa- bleux, m'a porté à les considèrer comme identiques avec elles , d'autant plus que je trouvais, presque im- médiatement au-dessus de ce grès, les assises à Be- lemmites elongatus, à Ammonites planicosia, et qui, dans les Ardennes, sont à plus de 60. au-dessus des gryphées arquées ; que MM. d'Homalius et Dumont avaient constaté l'identité du massif du grès du Luxem- bourg avec celui d'Orval, que M. Stecninger lui-même n'en sépare pas, et qui appartient sans contestation possible à notre calcaire sableux ; que MM. Terquem et Hennocque proclament eux-mêmes l'identité du grès du Luxembourg et d'Hettange, avec celui d'Arlon, qu'on ne peut séparer de celui d'Orval; que, d’après la pente générale des assises, les calcaires à gryphites reconnus par M. Levallois près de Kédange, sur la rive droite de la Moselle , devaient venir plonger à une certaine profondeur au-dessous des grès d'Hettange. Les terrains de Boust et d'Hettange observés dans le sens de la pente générale des terrains, m'ont paru présenter les coupes, fig. 2 et fig. 3, qui epuptdent parfaitement avec cette pente. M. Terquem, au contraire, pense que les grès d'Hettange, etc., au lieu de reposer, comme dans les coupes 2 et 3, sur les argiles qui affleurent à l'Est, leur sont géologiquement inférieurs et ont été amenés au jour par des failles ou des soulèvements. Il donne à l'appui de son opinion des coupes dirigées , non dans ie sens de la pente, mais daus celui de la direction générale des couches ou à peu près , et dans lesquelles le grès à peu près horizontal sur certains coteaux, s’in- 80 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. cline fortement sur leurs flancs. Mais l’inclinaison des grès sur les versants pourrait bien n'être pas du tout le résultat d'un soulèvement. Lorsqu'un coteau est formé par des assises solides supportées par des cou ches moins consistantes, les dernières fluant sous la pression des assises supérieures, celles-ci manquent d'appui, se brisent et s’inclinent sur les versants. Ce phénomène de dislocation par fluement (je ne trouve pas d'autre expression pour rendre exactement ma pensée), ce phénomène, dis-je, est extrêmement fré- quent, et j'ai eu occasion de le constater souvent sur une grande échelle, dans les départements dont j'ai fait la carte géologique. J'en ai notamment cité plusieurs exemples dans la géologie du département de la Meuse. Si ka coupe de M. Terquem ne me semble pas être . ün argument décisif, il y en aurait, d’après lui, un autre beaucoup plus grave. Ce serait la présence de la gryphée arquée au-dessus du grès d'Hettange; maïs parmi les nombreux échantillons plus ou moins frustes, épars à la surface de ce grès, je n’en ai trouvé aucun que j'aie pu rapporter avec certitude à cette espèce et plusieurs des échantillons les plus entiers m'ont paru appartenir à la gryphée oblique, espèce tellement voi- sine de l’autre, que plusieurs zoologistes, comme je l'ai dit plus haut, ne croient pas possible de les dis- tinguer. Les échantillons de la collection de M. Ter- quem, peut-être eh raison même du soin qu'il avait pris de réunir toutes les variétés de formes naturelles ou pathologiques, ne m'ont pas convaincu davantage. Il me semble toujours très-douteux que ces gryphées, qui se trouvent tout au plus sur une épaisseur de quel- CONGRES DES ACADÉMIES. | 81 ques mètres, représentent plutôt le massif des cal- caires à gryphites que les assises du calcaire sableux dans lesquelles j'indique le Gryphœa obliquata ; et le doute ne me semble pouvoir être levé que quand on aura suivi les effleurements des couches à gryphées d'Hettange jusque dans les Ardennes, Dans tous les cas, il est incontestable qu'une partie des grès du Luxembourg, celle qui est comprise entre le département des Ardennes et Ja route de Longwy à Arlon, jusqu’à une lieue au Nord de cette dernière ville, à Bonnert, est supérieure aux calcaires à gryphites. Les observations de M. Levallois qui a reconnu les marnes à gryphées à la base des grès, à une lieue au Nord de Luxembourg, celles de MM. d'Homalius , Du- mont et de M. Terquem lui-même, qui rapportent au même étage les marnes de Jamoigne, ne permettent guère de supposer qu'une partie du grès soit in- férieur à ces marnes. Si doncles gryphées de Boust et de Stratten appartiennent bien au massif des gryphées arquées, 1l faudrait supposer que la partie orientale du grès du Luxembourg est comprise entre deux assises de gryphées arquées et que par couséquent les grès , au lieu de constituer une formation inférieure à l'étage des gryphées, n’en sont qu’une modification. Mais dans cette hypothèse, comme dans celle qui placerait le grès au-dessous du même étage, il resterait toujours une lacune dans la géologie du Luxembourg. Si les calcaires sableux des Ardennes sont transformés dans une partie du Luxembourg et dans la Moselle en une for- mation marneuse, il reste à déterminer où et comment s'opère cette transformation. À la suite de la communication de M. Buvignier, 82 INSTITUT. DES PROVINCES DE FRANCE. M. d'Homalius-d'Halloy , qui partage les mêmes idées ; fait remarquer que les opinions émises au sujet des grès du Luxembourg, desquels on rapproche ceux d'Hettange, peuvent ne pas être aussi éloignées les unes des autres qu'elles le sembleraient au premier abord. Il voit même, dans ce que vient de dire M. Buvignier, le moyen de faire concorder les deux epinions, puisque les grès du Luxembourg, dont beaucoup de fossiles ont été reconnus pour analogues à ceux d'Hettange, ont à leur partie inférieure et supérieure des marnes plus ou moins développées, contenant des gryphées qui diffèrent si peu les unes des autres, que plusieurs auteurs n’ÿ ont reconnu que la Gryphæa arcuata, tandis que ce nom devrait être réservé, selon M. Buvignier, pour celles que l’on trouve à la base des grès; celle que l’on trouve dans Ja partie supérieuré ayant été nommée Griphæa obli- quata par Sowerby ; et füt-ce la même, les différentes couches d’un même terrain ne peuvent-elles pas présenter des caractères minéralogiques différents ? M. d’'Homalius trouve d’ailleurs la confirmation de l'opinion de M. Buvignier et de la sienne propre dans les travaux de la belle carte de M. Dumont, et dans J’aveu que font les partisans des grès infra-liasiques , quand ils reconnaissent comme identiques les marnes de Jaumanes, inférieures au grès du Luxembourg, et celles qui se trouvent sous les calcaires sableux de Mézières. M. de la Fresnayÿe lit une noticé ayant pour but de prouver : CONGRÈS DES ACADÉMIES. 83 1°. Que le système proposé par M. de Blainville, et développé par M. l’Herminier, son élève, pour la classification des oiseaux d'après la forme du sternum et de ses annexes, en isolant cette partie du reste du squelette et même de l'aile osseuse, était non seule- ment insuffisant, mais pouvait même donner lieu à de graves erreurs dans l'éloignement ou le rapproche- ment des différents groupes; 2e, Que l'opinion généralement adoptée, savoir que la grande dimension du sternum, tant en longueur qu'en largeur, était le principal indice d’une grande puissance dans le vol chez les oiseaux, n'est pas exacte; mais que c’est bien plutôt la grande dimension en hauteur et en largeur du bréchet, ou crête sternale, qui annonce le plus ou moins haut degté de perfection dans cette faculté ; 3°. Que la longueur et la largeur de la partie de l'aile appelée la main chez l'oiseau, partie très-déve- loppée chez le martinet et chez le colibri, doués tous deux d’un vol rapide et puissant, est un indice nouveau et certain d’une grande perfection dans le vol. Il y à vingt-cinq ou trente ans, a dit M. de la Fresnaye, que M. de Blainville trouvant avec raison que la classification des oiseaux d’après la forme extérieure, c'est-à-dire le bec, les pattes et les pennes des ailes, était insuffisante, eut l'heureuse idée d'adopter pour cette classe de vertébrés la métnode déjà suivie pour une classe supérieure, celle des mammifères. L'inspection de leur squelette était une pensée nouvelle et féconde pour l'avancement de l’ornithologie. Mais M. de Blainville eut uneseconde idée moins heureuse, selon nous, continue M. de la 84 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. Fresnaye, celle de vouloir baser sa classification sur une partie seulement, le sternum, isolé du reste du squelette, isolé même de l'aile osseuse qui en est cependant en quelque sorte une dépendance : et M, l'Herminier, son élève, adoptant et développant cette idée , publia, en 1828, une nouvelle classification des oiseaux d’après le sternum et ses annexes. Aussi qu'arrive-t-il, c'est que plusieurs fois il avoue lui-même qu'il ne peut rapprocher des oiseaux dont ia similitude du sternum est frappante, parce que l’ensemble de leurs formes, leurs mœurs, leurs habitudes, les éloignent entièrement, et que là le système est en défaut. Dans lé but d'étudier la question, adoptant pleine ment l’heureuse idée de M. de Blainville, je préparai moi-même des squelettes. C'est après en avoir ainsi fait un certain nombre, que je vis que pour pouvoir tirer parti de l'inspection du sternum , il fallait bien se gardér de le séparer du reste du squelette, surtout de l’aile, et qu'alors il devenait d’une grande utilité pour le classement, en tant qu'on y joignait l'examen d'abord de l’aïle osseuse, puis aussi du squelette pris dans son ensemble. Comme pièces à l'appui de cette commuuication, M. de la Fresnaye présente plusieurs squelettes pré- parés par lui, et entr'autres cèux du faucon, de la buse, du héron, de la bécasse, du martinet et du colibri. M. de Quatrefages fait remarquer que l'intéressante communication de M. de la Fresnaye vient confirmer üné fois de plus cette vérité générale et nécessaire pour arriver à une bonne classification : que l'on ne CONGRES DES ACADÉMIES. 85 doit pas s'attacher exclusivement à tel ou tel caractère pris dans telle partie abitrairement; qu’on doit prendre au moins ses caractères dominateurs dans un système complet d'organes et mieux encore, en ne faisant abstraction d’aucune partie, dans l’ensemble de l'être que l'on considère, c’est le seul moyen d'arriver à avoir une méthode naturelle. Il ne fait pas un reproche à nos illustres devanciers, au milieu du cahos où ils ont trouvé l'histoire naturelle, ne sachant par où ils devaient aborder un travail dont l’immensité les effrayait, il ne leur fait point un reproche, dital, d'avoir pris comme point de repaire dans leurs classi- fications, tel organe, tel appareil, auquel ils ont donné une importance prédominante. C'est à nous qui venons aprés eux à profiter de leurs travaux, en perfectionnant ce qu'ils ont fait, sans nous refuser à admettre des procédés et des données que l'expérience des temps nous a fournis. Ainsi, pour ne citer qu'un exemple : l'appareil de la respiration, excellent pour classer les animaux supérieurs, devient insuffisant, et même souvent dangereux, pour grouper les ani- maux inférieurs. La séance est levée à 11 heures un quart. Le Secrétaire, DE LoORIiëRE. - 86 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE, SECTION DE LITTÉRATURE, BEAUX-ARTS ET ARCHÉOLOGIE. SÉANCE DU 22 JANVIER. (Présidence de M. le comte ne MeLer. ) Siègent au bureau : MM. Lebrun, Delérue, Suc, comte de Ponthaud, Godard-Faultrier, vicomte de Bonneuil, secrétaire. ( ; L'ordre du jour appelle la discussion sur l’article 8 du programme ainsi conçu : « Les Sociétés acadé- « miques ne pourraient-elles pas donner à certains « arts, notamment aux arts céramiques dans nos dé- « partements, une impulsion nouvelle? » La parole est à M. Jobard. L’orateur pense qu'un des moyens que l’on pourrait employer pour relever l'art céramique de l'état de décadence où il est tombé, serait la marque apposée par l’ouvrier à tous les pro- duits qui sortiraient de ses mains. Les grandes fabri- ques ont, il est vrai, leur marque spéciale, mais cela ne suffit pas et il voudrait que chaque ouvrier eût en quelque sorte son cachet qu’il imprimerait à toutes les poteries fabriquées par lui; son émulation serait ainsi excitée, et il s’'ingénierait à donner aux objets les plus simples une forme élégante et artistique. M. de Caumont ne s'oppose pas à l'emploi de ce moyen, mais il le regarde comme insuffisant et d'ailleurs rien n’empêche les ouvriers de l'employer s'ils le veulent quant à present. Les Sociétés savantes, selon lui, peuvent quelque chose de plus pour l’art céramique tellement déchu depuis trois CONGRES DES ACADÉMIES. &7 cents ans qu’au lieu des carrelages émaillés que nous avaient légués les XVI®. et XVII®. siècles , certaines fabriques ne produisent plus que des poteries gros- sières sans forme et sans goût. Les Sociétés savantes ne pourraient-elles pas recueillir les dessins des formes anciennes et les envoyer aux potiers qui les applique- raient aux objets même d’une utilité ménagère. M. Lebrun dit que des efforts ont déjà été tentés dans ce but, entre autres aux environs de Rouen, à Forges Jes-Eaux, où existe une fabrique dont l’origine remonte jusqu'a l'époque romaine ; cette fabrique com- mence à prendre de grandes proportions, des essais heureux y ont été faits. La Société d'émulation a offert des primes et ouvert des expositions qui Ont excité le zèle et l'intelligence des ouvriers, et main- tenant il sort de leurs ateliers un grand nombre de poteries remarquables, destinées à un usage jour- ualier et qui, répandues aujourd'hui dans le commerce, y remplacent avantageusement les objets de même nature qu’on tirait jusque-là de l'Angleterre. M. R. Bordeaux cite plusieurs fabriques de Nor- mandie, autrefois célèbres et florissantes, et dont les traditions sont aujourd’hui perdues. L'art du potier y était cultivé avec succès au XVI®. siècle et y était remarquable sous trois points de vue : la nature de la terre ; les formes linéaires et l'élégance de la décoration. À Lisieux, on a retrouvé des girouettes, des plats, des vases, qui offrent quelqu’analogie avec ceux de Bernard Palissy, et au musée de Rouen, on les a placés en regärd de ceux du célèbre artiste. La grande géographie blavienne parle des fabriques de Lisieux et de la vallée d'Auge, notamment de celle de Manerbe, 88 INSTITUT DES PROVINOËS DE FRANCE. dont les produits pouvaient être comparés à ceux de Venise. L'orateur a examiné les poteries que Manérbe fabrique encore aujourd’hui avec celles de Palissy. Ce sont les mêmes marbrures, la même fabrication , le même verpis, mais les bons dessins manquent. Il vou- drait que les Sociétés savantes envoyassent aux ma- nufactures des dessins chromolithographiés s'il était possible. Il appuie du reste les observations présen- tées par M. Jobard et pense qu'il serait bon que, comme dans les anciennes fabriques , les ouvriers eussent un chiffre ou monogramme. Mais quelqu’utilité que puis- sent avoir sous le rapport de l'art , les dessins qui se- raient fournis par les Sociétés savantes , cela ne suffi- rait pas encore pour leur donner l'impulsion, il faut aussi s'attacher à leur procurer des débouchés , et pour cela engager les architectes à employer les ouvrages en terre cuite à la décoration des édifices, soit publics, soit particuliers. La fabrique de Lisieux a une terre qui se prêteräit merveilleusement à l'emploi de tous les émaux sion savait l'utiliser, et on parviendrait ainsi à refaire des carrelages émaillés comme au XVIS. siècle. Il y a bien en France deux ou trois, fabriques où on l’a essayé, entr’autres à Troyes et à Langeais, mais les produits sont trop chers et l'émail ne tient pas assez et s'use trop. vite par le frottement. Il faut aussi résoudre une autre difficulté résultant du vernis qui est trop glissant et qui exposerait à des chutes ceux qui marcheraient sur un semblable pavé. D'autres manufactures noïmandes sont encore per- dues et en particulier celles de Rouen qui, au com- mencement du XVII®. siècle, produisaient des plats CONGRÈS DES ACADÉMIES. 89 et des fontaines en faïence blanche à dessins bleus aussi remarquables par la beauté des formes que par la richesse du dessin et la solidité du vernis. Les Sociétés savantes devraient chercher à relever ces fa- briques en recueillant les anciens dessins et en les pu- bliant, car cette disparition funeste a eu lieu dans toute la France. Ainsi, en Alsace, il y avait des fabriques d’assiettes et d’ustensiles de ménage que l’on connais- sait sous le nom de Caillou de Strasbourg, et qui n'existent plus: Une autre encore, dont Rabelais a parlé , existait près de Beauvais , à St.- Germain de la Poterie. C’est à peine si l’on y fabrique aujourd'hui de Ja tuile et de la brique. M. Jobard dit que si d'anciens procédés ont été perdus, il y a eu aussi de nos jours de nouvelles dé- couvertes, entre autres, le moyen d'appliquer l'or et l'argent aux poteries les plus ordinaires. Ce procédé a été quelque temps employé en Belgique par un ou- vrier allemand qui n'a jamais voulu vendre son secret et est retourné à Berlin où son fils emploie encore aujourd'hui. La Société d'encouragement a cherché sans succès à se le procurer. M. Duchatellier répond que ce procédé est connu à la manufacture de Sèvres, mais qu’on ne l’y emploie pes. Une fabrique du département de Morbihan avait chargé l’orateur de demander à la manufacture de Sèvres communication de ce procédé, le directeur y a consenti très-volontiers et les renseignements sollicités ont été adressés à la fabrique du Morbihan, mais quelque soin qu'on ait apporté à appliquer convena- blement les procédés indiqués, on n’a pu parvenir à rien produire de bon. 90 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE, M. Maurencq reconnaît l'utilité du concours des So= ciétés savantes, si elles veulent bien s'occuper de re- trouver les traditions anciennes, soit pour le dessin, soit pour les procédés de fabrication. Mais ce n’est là que le côté théorique del’art, et l’orateur voudrait que l'on ne négligeât pas le côté pratique, en s'occupant d’abord des moyens de procurer aux fabriques des dé- bouchés certains pour l'écoulement des objets d'une utilité journalière. M. Bordeaux confirme ce que vient de dire le préopinant et ajoute qu’en eflét cé n’est pas de la céramique de luxe qu'il y a à s'occuper particu- lièrement. Celle-ci est depuis long-temps en voie de progrès, mais les recherches des Sociétés savantes doi- vent tendre surtout à l'amélioration des produits com- muns qui sont encore grossiers et sans aucune espèce de sentiment de l’art ; il y aurait à cela des avantages de plus d’un genre, et l’orateur pense que les résultats ne laisseraient pas peut-être d'exercer une influence heureuse sur les mœurs et l'intelligence des popula- tions qui se servent journellement de ces divers usten- siles.Les Sociétés d'agriculture elles-mêmes pourraient êtreinvitées à porterleur attention sur ce pointet à donner des instructions sur la matière et la forme des vases employés à la conservation du laitage, du beurre, etc. M. de Ponthaud. Il existe dans la Moselle deux grandes fabriques (Mecloque et Sarreguemines), dans lesquelles on est déjà parvenu à donner aux produits céramiques communs des formes plus artistiques. C’est À ces grandes fabriques qu'il faudrait donner d’abord les instructions qui de là se répandraient promptement dans les fabriques d’un ordre secondaire. CONGRES DES ACADÉMIES. 9I M. Ramé qui, comme le dit M. de Caumont, à fait de longues et savantes recherches sur les anciens carrelages, et prépare même en ce moment un grand travail sur ce sujet, pense que la fabrication de ces carrelages, peut offrir un vaste champ au développe- ment de l’art céramique; les modèles anciens ne manquent pas, mais il faut les rechercher. L’orateur présente à l'appui de.ce qu'il vient de dire plusieurs spécimens tirés de la cathédrale de Laon. Il ajoute qu’une objection sérieuse a été faite à l'emploi des car- relages émaillés. C’est l’usure qui résulte du frottement, mais il existe des procédés au moyen desquels on peut éviter cet inconvénient, et il cite un exemple qu'il a trouvé en Angleterre, d’un carrelage de ce genre, placé dans un passage très-fréquenté et qui depuis quinze ans n’a pas subi la moindre altération. M. Duchatellier présente une autre objection contre l'emploi des carrelages émaillés dans les maisons parti- culières.C’est l'usage aujourd’hui généralement répandu des parquets qui seront toujours préférés comme plus chauds et plus agréables et qui ont en effet remplacé presque partout les anciens carrelages. M. Bordeaux répond que les parquets ont surtout remplacé les anciennes aires en plâtre qu'on trouvait encore il n’y a pas long-temps, dans un grand nombre de maisons de nos villes de province, qu’au surplus il y a même dans les édifices particuliers beaucoup de pièces où on ne saurait employer le parquet, telles que les vestibules, les cages d'escalier, les corridors, où le carrelage émaillé ferait très-bon effet , et qu’au sur- plus on pourra toujours l’employer avec succès dans les églises et dans un grand nombre d’édifices publics. 92 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE, La discussion paraît épuisée. M. le Président pro- pose à la commission de formuler une réponse positive à l’article 8 du progiamme. Après une courte discussion à laquelle prennent part MM. Bordeaux, Ramé et Du- chatellier, sur la question de Savoir s’il y a lieu de formuler cette réponse , l'assemblée se prononce pour l'affirmâtive. En conséquence, trois formules sont pré- sentées par MM. Delérue, Maurencq et Duchatellier. Ces trois formules sont renvoyées à une commission qui est chargée, séance tenante, de les combiner et d'en former une seule proposition qui est adoptée par l'assemblée. Elle est conçue en ces termes : « Les Sociétés académiques sontinvitées à favoriser « par leur concours le développement et le perfection - « nement des arts céramiques , dans leur application à « la décoration des édifices et à l’économie domestique. « Le Congrès pense que les Sociétés atteindraient le « premier de ces résultats, en recherchant et décrivant « les anciennes briques émaillées, employées soit « comme carrelage, soit comme revêtement ou couver- « ture, et surtout en faisant relever des calques et en « les communiquant aux fabricants. Il pense qu'ils at- « teindraient le second résultat, en faisant connaître « par tous les moyens qui sont en leur pouvoir les « meilleurs dessins à proposer à l’imitation des ou- « vriers et en provoquant à substituer aux formes ac- « tuellementen usage des formes plus parfaites soit au « point de vue de l'élégance, soit au point de vue de « l'utilité pratique qu'elles peuvent présenter, » La séance est levée à 3 heures. Le Secrétaire, De Bonneurr. CONGRÈS DES ACADÉMIES. 03 SÉANCE GÉNÉRALE DU 929 JANVIER. (Présidence de M. »’Homazius-D'HaLLoy. ) La séance est ouverte à 3 heures. | Siègent au bureau MM. d’Homalius-d'Halloy, membre de l’Institut de France, ancien gouverneur de la province de Namur ; Darblay , le baron de Stas- sart, le comte d'Héricourt, de Caumont, de Fontenay, Buvignier, de Verdun ; R. Bordeaux, secrétaire. M. de Lorière lit le procès-verbal de la section d'his- toire naturelle. M. Calemart de La Fayette présente le rapport de la section d'agriculture. | M. de Bonneuil résume les discussions de la section d'archéologie. M. Delérue lit une pièce de vers à l’occasion de l'ouverture du Congrès. La lecture de ce morceau est suivie d’applaudissements unanimes. Un certain nombre de squelettes d'oiseaux sont ex- posés dans la salle. M. le baron de La Fresnaye entretient le Congrès de l'anatomie des oiseaux. Il fait passer sous les yeux de l'assemblée, pour les comparer, l'aile d'un martinet et celle d’un moineau : le martinet a l'os appelé main très- développé, et les dix pennes d’une longueur et d'une force extrême. Il soumet ensuite le squelette d’un faucon et d’une buse. Le faucon, très-courageux et très-entreprenant, a un squelette large, fort, trapu , des ailes disposées 94 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. pour un vol rapide. La buse, oiseau lâche et moins actif, a un squelette étroit, grêle, peu développé. L'assemblée a sous les yeux un faucon empaillé, coiffé du chaperon. Ce chaperon a été donné à M. de La Fresnaye par un ancien fauconnier des environs de Falaise qui en a dressé pour les chasses de Versailles, sous Louis XV. M. de La Fresnaye se passionna dans sa jeunesse: pour la chasse à l'oiseau, dont il à parfaitement connu tous les procédés. | Le squelette d’un héron révèle que cet oiseau doit avoir un vol lourd et peu rapide. Le squelette d’un colibri atteste la rapidité du vol ; ses ailes s’agitent si fort qu’elles font le même bruit que celles d'un bourdon, et, comme celles d'un pa- pillon Sphynx, elles deviennent en quelque sorte in- visibles lorsqu'elles sont en mouvement. Chez tous ces oiseaux à vol rapide, ce n'est pas le sfernum qui est développé, c’est le bréchet ou crète sternale, dont la saillie prouve la rapidité du vol. Chez les oiseaux coureurs, l’autruche, par exemple, pas de crète sternale, pas de bréchet : cette lame, au contraire, reparaît chez un mammifère qui est doué du vol , la chauve-souris. M. Michel remet l'analyse suivante des derniers Mémoires de l’Académie des sciences de Munich. NOTE DE M. MICHEL. L'Académie royale des sciences de Bavière, qui a été fondée à Munich par le prince Maximilien-Joseph, sous les inspirations généreuses de M. de Kreittmant, è CONGRÈS DES ACADÉMIES, 95 son chancelier, publie en langue allemande les mé- moires de ses travaux et les bulletins de ses séances. Elle a adressé au Congrès deux cahiers des dernières publications qu’elle a faites; nous allons en rendre compte d'une manière succincte. Le premier cahier, intitulé : Mémoires de la classe mathématique et physique de l'Académie royale de Ba- vière, 8°. partie du VIS. volume, 1852, contient : 1°. des recherches de M. Louis Seidel sur les étoiles fixes de première grandeur ; sur l’extinction de la lu- mière des étoiles dans l'atmosphère, etc. Ce travail comprend 120 pages environ grand in-4e.; 29, une notice de M. André Wagner, sur des Sauriens ou ani- maux fossiles trouvés récemment dans l’ardoise litho- graphique et dans le calcaire jurassique inférieur. Ce travail comprend 20 pages environ; on y à joint quatre planches, et le dessin exact de plusieurs reptiles anté- diluviens se produit à nos yeux par le moyen de ces pierres lithographiques même dans lesquelles ils ont été ensevelis pendant des milliers d'années. Le Bulletin de cette Société savante forme un second cahier qui fournit le compte-rendu de ses séances depuis le mois de novembre 1851 jusqu'au mois de mai 1852. Nous signalerons parmi les objets qui ont été traités dans ces séances : 1°. les découvertes du docteur Hofmeister, sur la fécondation des crypto- games ; 2°. les recherches du docteur Wagner, sur le mode de reproduction des Ichthyosaures ; 3°, la critique du deuxième livre de l’histoire naturelle de Pline. L'Académie royale des sciences de Munich entretient de nombreuses relations avec les Sociétés savantes étrangères. Nous ferons remarquer, à cet égard, qu’elle 96 INSTITUT DES PROYINCES DE FRANCE. a tenu note de l’envoi qui lui a été fait par M. de Cau- mont 1°. de l’Abécédaire archéologique ; 2. du Compte- rendu des séances générales tenues à Auxerre, etc., par la Société française pour la conservation des mo- numents historiques ; 3%, de l'Annuaire de l’Institut des provinces pour 1852. La science ne peut que profiter de ces échanges cour- tois et bienveillants. La vie intellectuelle et scientifique se fortifie en s'étendant au loin. On entend ensuite l'improvisation suivante de M. Le Clerc, sur la maladie de la vigne. ALLOCUTION DE M. LE CLERC. C’est en 1845, une année bien fatale, que la maladie de la vigne s’est manifestée pour la première fois. Je l'appelle année fatale, parce que cette même année la vigne, la betterave et la pomme de terre furent at- teintes de cette maladie, inconnue jusque-là. Pour- quoi précisément ces trois végétaux si précieux, les plus précieux après le blé? Je n’en sais rien, et per- sonne ne peut le dire. Il y a quelque chose de mysté- rieux là-dedans , et le coin du voile n’a pas encore été levé. Le sera-t-11? C’est dans une serre chaude d'An- gleterre qu’une vigne fut couverte de cette végétation parasite qui cause la maladie : c'est de là qu’elle s'est répandue dans le reste de l'Europe. Ce végétal cryp- togame appartient au genre Oidium Tuckeri, du nom de Tucker, propriétaire de la serre. Les botanistes ont donné par politesse le nom de Tucker à cette végéta- tion funeste. Quel ‘honneur, d'avoir donné son nom à CONGRÈS DES AUADÉMIES. 97 une peste! Mais c'est l'usage parmi les naturalistes de donner ainsi par bonne grâce des noms d'hommes à des espèces végétales ou animales. Voici le méca- nisme de la maladie. L'oidium est une moisissure, tantôt rampante, tantôt verticale, dont les filets sont tassés comme les poils d’un velours très-serré, et si menus qu’ils échappent presque au microscope. Chaque filet est terminé par un globule ovoïide qui contient la semence. Le nombre des sporules qui servent à la multiplication est donc énorme. Le moindre courant d'air les enlève par myriades : c'est un nuage qui emporte partout la maladie. Si ce funeste parasite s'attache aux feuilles, elles se crispent , noircissent et tombent ; j'ai vu des vignobles entièrement privés de feuilles. Sur le fruit, cela peut avoir des conséquences énormes : la grappe perd sa sève, sa peau, le pépin est à nu, et le fruit ne peut müûrir, ou bien il pourrit et se putréfie. Souvent, au contraire, le fruit est couvert de tiges rampantes ou verticales, sans dommage bien appréciable. Le mal est en effet d’une mobilité extraordinaire. Il faut donc se tenir en garde contre des observations minutieuses, très-exactes , mais qui portent sur des faits isolés, qui ne se reproduisent pas à quelques centaines de mètres plus loin. On ne peut donc établir encore de système, car ce n’est que depuis 1851 qu’on a étudié cette ma- ladie, non plus sur une treille dans un jardin, mais dans les vignobles. Il faut observer encore avant de généraliser. Tels sont les symptômes. Mais cela intéresse peu les cultivateurs. Ils vous disent de suite : vous con- naissez la maladie: mais où est le remède? La science 5 98 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. n’a pu encore répondre, L'empirisme a été plus hardi : mais ses procédés sont des remèdes de commère. Ce- pendant, pour les treilles, pour la petite culture, pour les raisins de table, objet d’un si grand commerce aux environs de Paris, on a deux procédés, trop coûteux maälheureusement pour les vignobles moins productifs des autres contrées. M. Turenne, des environs de Toulon, a proposé un remède dont l'efficacité a été reconnue, à Versailles, par un jardinier très-modeste, M. Grison, qui a débarrassé ainsi dix hectares de vignes; mais le mal revient, parce que les sporules ne sont pas détruits chez les voisins, et que chez soi-même on peut oublier un cep, une feuille, qui suf- fisent pour conserver le mal et propager de nouveau l'infection. Suivant M. Turenne , on dépense 6 fr. 50 par hectare, pour traiter les vignes malades parl’hÿdro- sulfate de chaux, Un second procédé très-efficace, celui de M. Bou- tier, jardinier très-habile, consiste à saupoudrer les vignes avec de la fleur de soufre ; mais ce procédé est coûteux. On l’a expérimenté avec succès dans le Médoc, où d’abord on se moquait de la maladie ,-qui, suivant les habitants, n'existait que dans l'imagination des gens du Nord, des Parisiens. Mais le mal est arrivé, et il a fallu chercher un remède. M. le comte du Châtel, propriétaire d'un vignoble du Médoc, s’est empressé de faire venir de Paris des soufflets pour lancer la fleur de soufre. Le vice de ce procédé est son prix trop élevé, on pourra l’employer pour les treilles précieuses, mais pour les vignobles ordinaires il faudra n'employer que Y'hydro-sulfate de chaux. Quelle est la ‘cause du mal? Est-ce l'oidium lui- CONGRÈS DES ACADÉMIES. 99 mème, ou la présence de ce cryptogame n'est-elle que la conséquence d’une maladie, d'une altération an- térieure de la vigne? Rien n’a révélé jusqu'ici la pré- sence de cette maladie préexistante. Reste une troisième opinion, très-dangereuse et très-absurde : les paysans croient que c’est un mauvais air, un méchant brouil- . lard. Ils disent que c'est dû au gaz de l'éclairage et à la vapeur des locomotives. Ce préjugé absurde, étrange a été suggéré au peuple, et rien ne peut l’en dissuader. On excite ainsi une irritation profonde dans la France orientale, à Genève, en Piémont, contre les chemins. de fer et les usines. La peuple voudrait les détruire. Une brochure odieuse a répandu ce préjugé. Les vi- gnerons racontent à ce sujet contre le gaz et les machines des traditions ridicules. | Que peut-on prévoir? La maladie disparaîtra-t-elle ? Quelques textes semblent indiquer qu’elle a été connue des anciens : un passage de Dioscoride a été invoqué. Déjà on remarque que si le mal a augmenté en surface, il a perdu en intensité. Aux environs de Paris, ses résultats sont moins désastreux. Le mal persiste sur- tout dans les vignobles plantés sur des terrains hu- mides, et c'est de là que viendra toujours l'infection : la vigne n’est pas faite pour les marais; pour se bien porter, elle veut des côteaux, des terrains secs. La séance est levée à 5 heures. Le Secrétaire, R. Borpraux. 106 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. SECTION D'HISTOIRE NATURELLE. SÉANCE DU 93 JANVIER. (Présidence de M. pe VerNEUIL, président de la Société géologique de France. ) La section d'histoire naturelle se réunit à 9 heures et demie. M. G. de Lorière tient la plume en qualité de se- crétaire. Parmi les personnes qui assistent à la réunion, on remarquait M. de Caumont , directeur de l'Institut des provinces ; M. d'Homalius-d'Halloy, président du Sénat belge ; M. de Quatrefages, membre de l’Institut de France ; MM. Buvignier, Barrañde, Collomb, Mos- selmaun, de la Fresnaye, etc. M. de Quatrefages expose le résultat de ses obser- vations comme réponse ou plutôt comme éclaircisse- ment aux questions suivantes du programme : « Quelles sont les principales différences que pré- « sentent les faunes marines littorales de la France ? « Ces différences sont-elles explicables par des con- « sidérations exclusivement climatologiques ? « Quelle influence peuvent exercer à cet égard : « le. la constitution géologique des côtes; « 2°, les courants marins en général: « 3, le voisinage de l'embouchure de divers cours « d'eau? Il recommande vivement aux naturalistes qui habitent les côtes, l’étude des phénomènes, si intéressants et CONGRES DES ACADÉMIES. 101 jusqu'à présent si peu connus, qui se posent sous leurs yeux aux bords de la mer. Il a trouvé en Bretagne, sur les granits, sur les schistes anciens, une faune marine remarquablement riche, tandis qu’en Sicile, dans des points qui semblaient merveilleusement situés , les invertébrés , objet surtout de ses recherches, lui ont fourni beaucoup moins, plus cependant que sur les rivages du golfe de Biscaye et plus encore que sur les côtes du Boulonnais, qui, elles, sout des plus pauvres qu’il ait rencontrées. D'où peuvent provenir des différences aussi grandes ? Bien des causes peuvent y contribuer; mais une des plus importantes est, suivant M. de Quatrefages, la na- ture de la côte. Sur des rivages où vous ne trouvez aucune plante marine , vous ne pouvez avoir aucun de ces nombreux invertébrés herbivores pour lesquels elles peuvent en même temps servir et de nourriture et de retraite pour s’y cacher. Vous n’y trouvez non plus aucune de ces espèces carnassières qui vivent aux dépens d’autres espèces plus faibles ou de mœurs moins guerrières. En un mot, tout s’enchaïne, et l’on peut presque dire d'avance. en rencontrant tel mol- lusque, tel animal invertébré, que l’on rencontrera aussi et ses ennemis et ceux dont il fait sa nourriture habituelle, | La nature minéralogique des roches doit influer aussi sur la faune côtière. Les espèces fixes, en effet, telles que les Balanes, etc., préfèrent des roches en quelque sorte inattaquables par la vague, comme les granits et certains schistes, aux roches calcaires, tendres. et friables. . À ces considérations, on doit joindre aussi la salure 102 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. des eaux. Souvent, en effet, sur certaines côtes, les eaux sont plutôt saumâtres que franchement marines. Ce phénomène se produit surtout lorsque le rivage est formé de couches stratifiées inclinées vers la mer, car alors les sources d’eau douce y sont généralement assez abondantes et donnent un degré de salure bien moins considérable aux eaux de la mer. C’est ce qu’il est presque toujours facile de constater par la présence de l'Ulva lactuca, qui, comme on sait, préfére les eaux saumâtres. Il en résulte que là où vit cette plante on rencontre une faune particulière généralement assez pauvre. On ne trouve guères alors les espèces franche- ment marines qu'au niveau des plus basses marées et mème au-dessous de ce niveau, tandis qu’au contraire, sur les rivages granitiques , d’où ne sortent pas des sources d’eau douce, les mêmes animaux se retrouvent bien plus haut et en bien plus grande abondance. Pour n’eu citer qu'un exemple, les côtes de la Rochelle présentent cette disposition de calcaires plongeant vers la mer et contenant un grand nombre de sources d’eau douce ; aussi l'Ulva lactuca y est-elle d’une abondance extrême et les invertébrés fort rares, même n'est-ce que dans les parties les plus basses laissées à décou- vert par la mer, que l’on trouve quelques-uns de ces nombreux animaux marins, vers, rayonnés, mollusques que l’on trouve en si grande abondance et dans une zône plus élevée sur les côtes de Bretagne. Une circonstance qui doit aussi puissamment influer sur les faunes côtières, c’est la nature des dépôts qui s’y forment. Ainsi, sur certaines côtes l’on trouve des bancs considérables de vase, qui sont peu propres à l'existence des invertébrés : c'est ce qui se voit fort bien CONGRES DES ACADÉMIES, 103 près de la baie de l'Aiguillon. Là, en face des îles de Ré et d'Oléron, apparaissent des courants qui, se neu- tralisant en partie, ralentissent leur course et déposent des sédiments trop lourds désormais pour pouvoir être transportés par eux. Dans d'autres points, au contraire, la mer agissant dans un sens inverse démolit des fa- laises , et cela aussi non loin de la Rochelle. Ancien- nement, on allait de Fourras à l’île d'Aix à pied sec, et plus récemment encore, un fort construit sous l'Empire à la pointe d'Angoulin est aujourd’hui aban- donné, à moitié détruit, et dans quelques années aura complètement disparu, tant la mer avance avec ra- pidité. M. de Quatrefages appelle aussi l'attention des na- turalistes qui habitent les côtes, sur les études qu'ils seraient à même de faire, mieux que tous autres, sur les animaux perforants. Il rappelle que, d’après les découvertes les plus récentes, on peut les ranger dans trois catégories : animaux perforants au moyen de substances acides , au moyen de l'usure produite par le frottement et enfin au moyen de courants d’eau déter- minés par des cils vibratils. M. de Caumont demande s1 les variétés que nous voyons dans les huîtres tiennent à la nature des roches sur lesquelles elles vivent; pourquoi les huîtres par- quées sont meilleures que les autres. M. de Quatrefages répond aux différentes questions que pose M. de Caumont ; et d’abord, il fait remar- quer que le but du parcage des huîtres a pour objet deux choses principales , de faire en quelque sorte leur éducation pour venir à Paris, puis de leur donner un goût particulier que n’ont pas les huîtres dites de 104 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. roche, c’est-à-dire telles qu'on les pêche sur les bancs. C'est, dit-il, une chose très-singulière et très-remar- quable que cette éducation des huîtres. Pêchées à une plus ou moins grande profondeur, elles sont toujours au-dessous du niveau des plus basses marées et n'ont donc jamais à craindre de manquer d’eau pour respirer à leur aise. Aussi ouvrent-elles leurs valves indistinc- tement pendant la marée montante ou descendante. Après qu'elles ont été draguées , elles en conservent, nous dit fort ingénieusement M, de Quatrefages, la mauvaise habitude et perdant ainsi leur eau, se des- sèchent et périssent très-promptement. C'est pour leur apprendre à ne s'ouvrir qu’en temps opportun qu’on les met dans les parcs qui ne sont couverts qu’au mo- ment de la haute mer. Les premières fois, après qu’elles y sont placées, elles ouvrent leurs valves indistincte- ment comme par le passé et demeurent dans un état de souffrance très-grand, jusqu'à ce que la mer vienne de nouveau les baigner. Mais au bout d’un certain temps, l'habitude leur à appris à ne plus ouvrir im- prudemment leurs valves quand elles ne sont pas en- tourées d’eau : elles les tiennent donc exactement closes taut qu'elles sont à sec, ce qui permet, quand leur éducation est ainsi faite, de les transporter sans diffi- culté jusqu'à Paris où elles nous arrivent avec leur eau et parfaitement fraiches. Le second but que l'or se propose en lesparquant, est de leur enlever de leur salure, en faisant arriver dans les bassins où on les dépose, des cours d’eau douce qui, mêlée avec l’eau de mer, la rend saumûtre. M. de Quatrefages entre ensuite dans des considéra- tions du plus haut intérêt sur les mœurs de l’huître. CONGRÈS DES ACADÉMIES. 105 On la trouve, dit-il, tantôt libre, tantôt attachée aux rochers. A l’état de larve , elle n’est jamais fixée ; c’est au contraire un petit mollusque extrêmement vif et agile, muni de deux palettes antérieures, en forme d’aile de pavillon et servant à la natation à peu pré comme dans la larve du taret. Lorsqu'elles sortent de l'œuf, ces larves qui forment un véritable essaim sont emportées par les courants et vivent libres au sein des eaux jusqu'au moment de leur métamorphose. A cette époque, quelque soit le corps qu’elles rencontrent, elles s’v attachent, fût-ce un grain de sable, un fucus ou ‘autre chose plus facile encore à se décomposer. Si donc une de ces larves ne s’est fixée qu’à un de ces corps de peu de résistance, quoique continuant de grandir, elle reste isolée, détachée de tout point fixe, car, après sa métamorphose , elle a perdu la fa- culté de s’attacher. C’est ce qui explique ces huîtres libres que l’on trouve quelquefois, quoiqu’elles puis- sent provenir aussi d'huîtres détachées par la drague et n'ayant point été ramenées par la poche quand on la retire. M. de Caumont demande si la zoologie peut donner quelqu'explication du fait observé sur plusieurs points dans lesquels on rencontre peu de homards, mais toujours des langoustes, et d’autres dans lesquels les moules sont tantôt très-abondantes et tantôt manquent tout-à-fait. M. de Quatrefages répond qu’on ne connaît encore aucune des raisons qui font préférer telle côte au ho- mard plutôt qu’à la langouste : que quant aux moules, sans en donner précisement l'explication, on peut dire d'une manière générale, que là elles se plairont et vi- 106 INSTITUT DÉS PROVINCÉS DÉ FRANCÉ. vront très-bien où les courants leur amèneront une abondante nourriture. Il cite comme exemple l’indus- trie des Bouchots établis dans la baie de l’Aiguillon, près la Rochelle. Les bouchots sont des rangées de pieux, souvent de la grosseur d'un homme, plantés à l'entrée de la baie, alignés suivant la forme d'un V et réunis entre eux par des treillis. Chaque côté du V a quelquefois 100 mètres de longueur. Chaque année des pêcheurs vont sur les côtes voisines chercher de petites moules et viennent les jeter sur ces treillis. Elles s’y fixent et grâce à l’abondante nourriture que leur apportent les courants, au bout d'un an elles ont grossi et engraissé de telle sorte qu'elles peuvent être livrées au commerce. Ces moules sont excellentes et l’objet d'une industrie extrêmement importante, Aussi la baie de l’Aiguillon est-elle actuellement presque littéralement encombrée par ces pieux, ce qui préoccupe beaucoup la marine à cause des dangers sérieux que courent les bâtiments obligés par un coup de vent de se mettre à l'abri dans cette baie, la seule qui se trouve sur la côte et dont l'entrée de- vient de plus en plus difficile à cause de ces pieux énormes. M. Mosselmann amène la discussion sur la forma- tion des tangues. | M. de Caumont prend alors la parole et s'exprime ainsi : « Il m'a paru que, pour la formatiou des tangues, il faut que les eaux marines puissent apporter dans les hâvres formés par les rivières le sablon provenant en grande partie du détritus des coquilles, afin de l'y triturer ou pulvériser en parties très-tenues , et quel CONGRES DES ACADÉMIES. 107 quefois peut-être de l'y mélanger, de l'y brasser, si je peux parler ainsi, avec d'autres éléments à base alu- mineuse charriés par les eaux douces de l’intérieur des terres. « Quand cette trituration où ce brassage n’a pas lieu dans les baies ou larges embouchures ; que les matières n’ont pu être soumises au mouvement de va-et-vient, sous l’influence duquel il s'opère, on n’a pas de tangue, mais un sablon très-fin, qui forme au pied des terres littorales de la Manche une cein- ture presque continue que l’on appelle mielles ou dunes. | « 1l y a sur la côte Ouest de la Manche des exem-— ples assez frappants de cette nécessité des baies pour qu'il se forme des tangues. « Il ne se forme pas de tangue variable hors les baies et les embouchures, maïs bien du sablon, des sables. Ce sablon, pour le dire en passant, pourrait, je crois, servir à l'amendement des terres. Quand il est calcaire , comme on le trouve sur certains points, il pourrait être utilisé pour l'agriculture. » M. Mosselmann parle à son tour sur la tangue, engrais dont on fait un grand usage en Normandie et particulièrement dans la Manche. [1 pense qu’elle agit physiquement par le poids et la ténuité de ses élé- ments qui divisent la terre, chimiquement, parce que les éléments calcaires qu’elle contient sont dissous et consommés par les plantes. Il fait appel aux lumières du Congrès, pour expliquer la formation des tangues. ‘Il l’attribue au travail mécanique des vagues du flux et reflux, aux courants nombreux qui circulent autour des côtes de la Bretagne et de la Normandie, corrodent 108 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. les bases granitiques sur lesquelles ils courent, rou: lent, frottent et déplacent les bancs d’huîtres vivantes et mortes, très-abondants dans ces parages et portent tous ces détritus dans les endroits où des parties d’eau, se séparant des courants principaux, viennent modérer leur course et s'arrêter complètement. Les tangues les plus divisées sont les plus recher- chées et se trouvent dans les parties les plus éloignées de la mer. Elles remontent jusqu'aux endroits où le flot de la mer et les eaux douces refluées par lui, s’é- quilibrent et se forment mutuellement un obstacle qui facilite les dépôts de tout ce qu’ils ont apporté. M. de Quatrefages admet ces causes de formation de la tangue, mais il y ajoute de nouveaux éléments. En effet, il est d'avis que le grand reflux de la mer, qui a son sommet, sa barrière à l'embouchure de la Somme, près Boulogne, reçoit sur les bords du grand trou qui le renferme, les détritus de calcaires des côtes de France , de Boulogne à Honfleur. Le flux reprend surtout avec ses premières vagues les parties les plus légères de ces détritus et va les dé- poser dans les endroits où sa vitesse diminue. M. Mosselmann demande si les baïes, telles que celles du Mont-St.-Michel, des Veys et autres sont des espaces nécessaires , des laboratoires pour la formation des tan- gues et si la disparution de ces plages ou grèves pour- rait porter un trouble dans le renouvellement de Îla tangue. M. de Quatrefages n’admet pas que les grèves ser- vent de laboratoire, mais il est d’avis que l’on doit faire une grande attention aux courants, petits et grands, qui ont lieu devant les baies, dans la crainte CONGRÈS DES ACADÉMIES. 109 qu'étant déviés ou modifiés, ils n’apportent plus ou autant de matières constituant la tangue. La séance est levée à 11 heures. Le Secrétaire, G. DE LORIÈRE. SECTION D’AGRICULTURE. SÉANCE DU 93 JANVIER. ( Présidence de M. DEesTouRBET.) La séance est ouverte à 11 heures. Siègent au bureau : MM. de Vigneral. le général Rémond , baron Travot, de Montbrun , de Limoges ; Ch. Calemard de Ja Fayette. M. Ponsard, cultivateur près d'Epernaÿ, annonce une communication agricole. L'ordre de la discussion appelle l’étude de la ques- tion chevaline. Le général Rémond rappelle qu’il a été demandé au Gouvernement que les chevaux d'artillerie fussent achetés dans des conditions de taille et de force à pouvoir, en cas de guerre, et pour des besoins pres- sants, monter la cavalerie: _ Mais les modifications apportées dans l'arme de l’ar- tillerie, où la pièce de 12 a été substituée à la pièce de 8, ne permettent plus que le vœu exprimé anté- rieurement par le Congrès ait un effet utile désormais. 110 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. Les nouvelles nécessités de l'artillerie exigent plus impérieusement des chevaux d’une traction puissante, et il n’y a plus à songer à diminuer la taille et la force des animaux produits en vue de cette destination. L'honorable membre entretient ensuite la réunion d'autres changements apportés dans l'armement des troupes, et dont les éleveurs auront à tenir grand compte. M. de Vigneral expose que l'élève du cheval doit répondre à deux besoins : le trait et le luxe. Sans bons chevaux de luxe, il n’y a pas à espérer de bons che- vaux de guerre. En Normandie, cetté industrie a subi des variations considérables , dont M. de Vigneral fait un rapide et intéressant historique. Un engouement fâcheux pour le pur-sang anglais de formes légères, concession faite à la mode pari- sienne, a presque perdu la belle race normande. Plus tard cependant, l'erreur étant reconnue, on a cherché, dans le sang anglais encore, mais dans les étalons membrus et solidement conformés, des repro- ducteurs plus convenables pour nos besoins, et s'adap._ tant bien mieux à l’organisation de la belle et vieille race normande. Aujourd’hui enfin, si l’industrie de l’éleveur nor- mand n’est plus ce qu'elle à été il y a trente ans, elle produit de nouveau de bons chevaux de guerre et de carrosse, qui se vendent avec une grande faveur ; et nos grandes revues témoignent, dans les rangs de la cavalerie de ligne, des ressources satisfaisantes que la remonte peut trouver désormais dans les marchés normands. CONGRES DES ACADÉMIES. ii M. de Vigneral signale les nouveaux procédés em- ployés dans l’achat du cheval de troupe, comme plus favorables que par le passé, aux intérêts du cultiva- teur : on achète aujourd’hui définitivement et directe- ment, et c'est un grand avantage pour le cultiva- teur. En résumé, après de grandes fautes, de grandes erreurs, on est entré dans une bonne voie. Le nombre des saillies , dans les dépôts d’étalons du Gouverne- ment, s’est élevé en proportion des améliorations que l'administration a apportées dans ses services. De 4,500, ces saillies sont élevées à 6,000. M. de Vigneral recommande surtout qu'un système intelligent de primes efficaces, retienne dans le pays les belles poulinières, que l'étranger est toujours disposé à nous acheter. M. de Vigneral déplore , en finissant, la vente des magnifiques juments de Pompadour et du Pin. Il craint que les éleveurs qui les ont achetées ne puissent choisir les accouplements d'une façon aussi éclairée et aussi judicieuse qu'il était facile à l'administration de le faire. M. le baron Travot adhère complètement aux idées que vient d'émettre M. de Vigneral. Il a le regret d'être en dissentiment avec l'honorable général Rémond. Il croit que, malgré les modifications apportées à l'artillerie, le cheval à deux fins y sera toujours préférable à tout autre. Le cheval à deux fins est toujours, selon lui, le but que doit se proposer l’éleveur, dans l'intérêt dé l’agri- culture comme de l’armée. M. Travot voudrait que les stations fussent plus 112 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. souvent renouvelées. On voit des étalons séjourner de longues années au même lieu; ils finissent par saillir leurs filles, pratique bien justement con- damnée. | M. Travot ne donne pas aux nouveaux modes d'achat adoptés aujourd’hui le même assentiment que M. de Vigneral. Autrefois, un officier de remonte achetait tout, pour ainsi dire, sur sa responsabilité morale. Aujourd'hui, les commissions de remonte ne sem- blent pas présenter les mêmes garanties. M. Travot signale ce fait qu'il déplore, à savoir que, dans la Manche, on garde les chevaux non castrés _ jusqu'à la vente. La castration tardive fait perdre beaucoup de sa valeur au cheval, et présente de grands inconvénients. M. de Vigneral expose que, dans le Calvados, au- trefois on gardait tous les chevaux non castrés , dans l'espérance de les vendre pour étalons à l’administra- tion ; mais les Sociétés d'agriculture , en primant les poulains hongres, ont cherché à combattre cette ten- dance. M. Destourbet signale que, dans la Côte-d'Or, les exploitants de bois , les cultivateurs qui ont des tra- vaux difficiles , préfèrent les étalons. Au lieu d'atteler deux chevaux castrés, un seul cheval léur suffit pour exécuter des charrois pénibles. M. de Vigneral interroge M. de Montbrun sur la situation de la production chevaline dans le Limousin. M. de Montbrun dit que la race limousine n'existe plus : qu’il n’y a plus à en faire que l’oraison funèbre. Le Gouvernement a eu le tort de vouloir procéder CONGRÈS DES ACADÉMIES. 113 sur les limousins par des croisements anglais qui ont détruit la race indigène. M. de Vigneral a vu à Saumur de remarquables chevaux de cavalerie légère, provenant du Midi, de Tarbes sans doute, qui garderont à un haut degré de pureté le caractère de la race orientale, M. le comte de Straten-Ponthaud parle de l’industrie chevaline en Lorraine. Les étalons polonais introduits en Lorraine par le roi Stanislas , avaient produit dans le pays une race de chevaux parfaitement solide et robuste, qui avaient en outre de l'élégance et des formes. Malheureusement les soins qui avaient porté cette race à un remarquable perfectionnement ont fait défaut : l’incurie et la négligence ont produit une dé- générescence bien sensible. L'espèce n’a conservé, de toutes ses qualités, que la vigueur et la rusticité; mais les formes ont disparu complètement. Depuis une dixaine d'années, on a entrepris de ré- générer la race ; mais le voisinage de la Belgique a eu le grand inconvénient que voici : dans le Luxem— bourg, un ensemble de mesures administratives sé- vères interdit d'une façon absolue l’usage d’étalons non. approuvés. Les mauvais étalons repoussés en Belgique sont venus exercer la plus détestable influence ; no- tamment sur l'ancienne race ardennaise, qui avait des mérites bien connus, et qui, sous l'empire de cette circonstance, a été profondément altérée. | Aujourd’hui il y a, je le répète, dit M. de Ponthaud, une tendance vers le mieux ; mais les stations du gou- vernemeut sont trop peu nombreuses, le haras de Rosières refuse de les multiplier. La Meurthe, bien 114 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. plus favorisée que la Moselle, conserve quelques indi- vidus de cette même espèce de chevaux, qui remontent généalogiquement à la race créée par Stanislas , et qui offrent un ensemble de qualités véritablement remar- quables. M. de Straten pense que si l’on réglementait les saillies, dût-on froisser un peu la liberté individuelle en cette matière, on arriverait, comme dans le Luxem- bourg, à des résultats prompts et satisfaisants. M. de Straten annonce aussi que dans la Moselle on a vivement sollicité la formation des commissions de remonte, dont on trouve les opérations de beaucoup préférables à l’action d'un officier de remonte seul. Quant à la castration , le même membre signale ce fait, qu’en Belgique des instructions du gouvernement recommandent la caStration tardive, et il a été question de former un fonds de subventions pour indemniser les éleveurs qui auraient souffert des pertes par le fait de ce retard dans la castration. On agit ainsi, afin que si de beaux reproducteurs manifestent des qualités supérieures, le choix en soit nombreux et facile. Pour achever de renseigner la section sur ce qui a êté fait dans les régions dont il parle, M. de Straten ajoute que dans la Moselle on à acheté quelques éta- lons percherons ; mais les résultats ont été peu satis- faisants. Les juments lorraines sont d’une conformation trop exiguë et d’un coffre trop insuffisant pour que l’accouplement avec des percherons, surtout de la grande espèce , puisse produire du bon. Sur quelques réclamations , le même membre ajoute que cette dernière expérience a été faite d’une façon insuffisante. Les étalons avaient été mal choisis peut- CONGRES DÉS ACADÉMIES. 115 être, et peu appropriés en taille et en force à la race du pays. M. Duchatellier dit qu’en Bretagne, les percherons ont donné les résultats les plus remarquables , à ce point qu’on vient maintenant acheter des étalons per- cherons en Bretagne même. M. de Montreuil demande si on voudrait engager le Gouvernement à réglementer les saillies, en interdisant la monte par les étalons non approuvés, comme cela se fait en Belgique. S’il en était ainsi en France, on ouvrirait la porte à de graves abus. Qu'on empêche la spéculation de la monte offerte au public, de vendre, pour ainsi dire, comme une mar- chandise nuisible , une reproduction fâcheuse , cela va de droit. Mais gèner la liberté d'action du producteur chez lui, dans son écurie, cela serait une atteinte déplo- rable aux droits privés. M. de Straten n’a pas voulu préconiser le système absolu pratiqué en Belgique; il a cité le fait particu- lier, comme prouvant toute la sollicitude de l’admi- nistration supérieure de ce pays. M. de Montreuil remarque que les commissions de remonte n'ont pas une responsabilité réelle, et que les officiers de remonte en avaient une person- nelle. M. Destourbet, président de la séance, insiste de nouveau sur l'utilité d'une réglementation de l'in- dustrie de la monte. Il provoque la réunion à ex- primer un vœu et à formuler une rédaction sur ces points importants. 116 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. M. Ch. Calemard de la Fayette remarque avec tous les préopinants que l’on n'obtiendra de véritable amé- lioration dans la production chevaline, qu'en régle- mentant les saillies, et en interdisant le service des étalons non approuvés. Mais on ne sera fondé à employer des mesures ri- goureuses à cet égard, que lorsque l'administration aura cherché à répondre aux vrais besoins de chaque localité, par un choix judicieux des étalons et des races. Trois intérêts sont ici en présence, et trois influ- ences se sont produites jusqu'à présent avec une trop inégale puissance dans cette grande question. : Les haras ont d’abord poussé la production dans une voie certainement dangereuse ; ils n’ont eu long-temps en vue que le cheval de course. La remonte se pré- occupe aussi d’un intérêt tout-à-fait exclusif. Et l’in- térêt agricole, l'intérêt du producteur, le véritable intérêt général, a rarement dû triompher. Il importe- rait que l'administration voulût bien accepter l’inspi- ration des Sociétés et de la production locale, pour le choix des étalons et la nature des croisements à en- courager. M. Duchatellier remarque aussi que si l'amélioration de la race chevaline a déjà fait un grand pas dans _ beaucoup de localités , ç'a été trop souvent en-dehors des directions officielles en Bretagne, pays de produc- tion considérable, c’est l'industrie prviée, qui réalise aujourd’hui les plus intéressants progrès. Les croise- ments faits par l'intermédiaire des étalons administra- tifs ont complètement échoué; mais les tentatives d’a- mélioration par la race elle-même, ou par des races CONGRES DES ACADÉMIES. 117 françaises, notamment par les percherons, comme cela a été déjà dit, ont contribué d’une notable façon à relever l'industrie chevaline. Une discussion nouvelle s'engage sur les conclusions à prendre. M. de Montreuil est parfaitement d'accord avec le préopinant pour désirer une réglementation. Mais il ne peut pas admettre qu'on gêne la liberté du proprié- taire chez lui, ou dans les pâturages communaux où il a le droit d’entrer. Le général Rémond répète que si l’on veut arriver à quelque chose de sérieux, il faut commencer par in- terdire la circulation des mauvais étalons dans les pâturages communs. | M. Travot voudrait que le roulage ne püt employer de chevaux non castrés. Les nouvelles conditions de la viabilité et du roulage, comportent l'usage de chevaux plus légers et plus rapides. Et la production gagne- rait beaucoup à la suppression des étalons non castrés. M. Calemard de la Fayette demande quels seraient les moyens de coercition ? M. de Straten propose la rédaction suivante : « Le Congrès émet le vœu que les chambres con- sultatives aient à exprimer leur opinion sur le choix des étalons que l’administration des haras envoie dans les stations de chaque localité. » « Qu’aucun étalon ne puisse être consacré par l’in- dustrie privée, à la monte rétribuée et considérée comme spéculation, s’il n’a été préalablement approuvé, par la commission hippique. » M. Gomart craint que les haras ne consentent pas à recevoir la direction des chambres consultatives, ou des commissions hippiques. 118 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. Il cite ce qui s’est passé dans le département de l'Aisne. Le Conseil général de l'Aisne a voté une somme de 2,800 fr. pour primer des étalons approuvés par une commission départementale qu’il a nommée. Cette mesure a produit d'excellents effets, elle a presque détruit l'industrie des étalons rouleurs et elle a procuré aux éleveurs les étalons les plus propres à l’améliora- tion de leur industrie. M. de Vigneral répond qu'aujourd'hui l’administra- tion de l’agriculture dépendant comme celle des haras du ministre de l’intérieur, les susceptibilités qu’une administration pouvait avoir dans ses rapports avec l'autre semblent moins à craindre, il appuye les con- clusions proposées. M. de Vigneral signale tous les grands intérêts qui sont en cause; nous sommes, dit-il, tributaires pour des sommes énormes de l'étranger , et la France pour- rait pourtant, avec une bonne direction, se suffire à elle-même. Notre honneur, les nécessités impérieuses, les devoirs les plus sacrés de la défense nationale ap- pellent les mesures qui relèveront et assureront pour toujours l’essai progressif de notre production che- valine. M. de Vigneral soutient énergiquement la nécessité et l'urgence de la réglementation des saillies. M. Gomard craint que les étalons fournis par l'ad- ministration , et les étalons appartenant à des particu- liers, approuvés par les commissions, ne soient en nombre très-insuffisant pour les besoins de notre agriculture. | M. Ch. Calemard de la Fayette fait observer que les commissions hippiques se montreront plus ou moirs CONGRÈS DES ACADÉMIES. 119 exigeantes , plus ou moins difficiles dans leur examen des étalons soumis à leur approbation, en raison des besoins du pays, besoins qu'elles connaîtront mieux que personne. On éliminera toujours parmiles étalons ce qu'il y a de plus inférieur , et l'amélioration progressive per- mettra d'élever successivement à une rigueur désirable les conditions d'admission. La discussion étant close et résumée par M. le pré- sident, les conclusions rédigées par M. de Straten Ponthaud, sont admises. La séance est levée à 3 heures. Le Secrétaire, Ch. CaLEMARD DE La FAYETTE. \ SECTION DE LITTÉRATURE, BEAUX-ARTS ET ARCHÉOLOGIE, SÉANCE DU 23 JANVIER. (Présidence de M. le comte de Mezzer j. La séance est ouverte à une heure. Prennent place au bureau : MM. le comte de Mellet, président, de Caumont, Parcker d'Oxford, de Cussy 1 du Vautenet. Le procès-verbal est lu et adopté. L'ordre du jour appelle la discussion de la 11°. ques- tion, ainsi conçue : 120 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCÉ. « Quelle a été l'origine des paroisses rurales? Un « grand nombre d'entre elles n’ont-elles pas été créées « aux XI°. et XII. siècles? Y avait-il beaucoup « d’églises en-dehors des bourgs, sous les Carlovin- « giens ? » M. Raymond Bordeaux prend la parole sur cette question ; il fait remarquer qu’elle forme avec les 10€., 122. et 15°. questions du programme, un ensemble qu'il est difficile de diviser, qu’au surplus elles ne sont pas de nature à recevoir immédiatement une réponse com- plète, mais qu'il importe d'appeler sur elles l’attention des Sociétés savantes. En réponse à la 10°. question, ainsi conçue : « Quelles influences locales les divers fiefs se sont- « ils constitués et répartis? Les villæ gallo-romaines « ont-elles, en général, servi de noyau aux fiefs. » L’orateur fait observer que les fiefs sont très-irrégu- lièrement répartis sur la surface du pays ; dans cer- taines régions , ils sont très-multipliés; dans d’autres ils sont en petit nombre. Il y aurait lieu de rechercher la cause de ces diffé- rences. Quant au point de savoir si les anciennes villes ont servi de noyau aux fiefs dans la grande transfor- mation qui s’est opérée au X®°. siècle, une solution précise n’est guère possible dans l’état actuel de Ja science. Jusqu'à présent, ces questions ont été étu- diées au moyen de textes historiques, il serait temps de les aborder, sur le terrain même, comme on l’a fait pour les camps et les voies romaines. Passant à la question 11°., l'honorable membre pense qu'en remontant aux plus anciens documents, on re connaîtrait que la plupart des paroisses sont posté CONGRES DÉS ACADÉMIES. 121 rieures à l’an 1000, et qu’elles ne datent souvent, comme les églises actuelles, que des XI®. et XII®. siècles. Quant aux édifices religieux ‘élevés dans les campagnes à une époque antérieure aux VII® et VIII®., siècles, par exemple, ils ont été construits, en général; sur le bord des voies romaines ou à leur embranche- ment. Un indice: qui aiderait à constater une origine aussi réculée, pourrait sé tirer du vocable de la pa- roisse, quand le saint appartient au temps de la pri- mitive église. La question 12°. est ensuite abordée-par M: Raymond Bordeaux. Elle est conçue en ces termes : « Quelle a été l'influence de la féodalité-et dés mo « nastères pour la multiplication des églises et sur le «déplacement et la: formation des agglomérations «- d'habitants? » L'influence de la féodalité sur la fondation des éta- blissements religieux a été considérable. Quel motif la portait à créer ainsi des églises? [1 y en eut deux, dé nature, différente. Le seigneur ne devait :pas négliger l'occasion . de constituer à son fief une individualité propre, de le rendre indépendant; des fiefs, voisins. Le comte, par exemple, qui n'avait pas d’évêché sur son territoire, fondait une abbaye pour enfaire, en quelque sorte, un évêché au petit-pied, et créer ainsi. un chef- lieu religieux indépendant dans la circonscription dont il était pour ainsi dire souverain. Le baron, moins puissant que le comte, fondait, un prieuré conventuel ; le seigneur d'un fief de haubert, fondait. simplement une paroisse et évitait ainsi que ses vassaux n'allassent à l'église sur le territoire d'un autre fief. D'ailleurs le seigneur lui-même, souvent en guerre avec ses voisins, ne se serait pas soucié d'aller à leur Re : il en vou- 122 INSTITUT. DES PROVINCES DE FRANCE. lait une chez lui, il. voulait des ecclésiastiques nommés par lui. Lors du démembrement des fiefs, à la fin du XIIIe. siècle, les fractions qui se formèrent n'avaient plus assez d'importance pour que des établissements religieux considérables pussent être organisés ; de là la création de simples chapelles rurales ou seigneu- riales. IL est à remarquer, en effet, que beaucoup d'églises de village sont bâties au pied même du chàteau, sur le territoire ou dans la cour du fief. Le second motif de toutes ces fondations religieuses est indiqué dans les chartes mêmes. Elles sont faites pour le repos des âmes et la rémission des péchés des bienfaiteurs. | Les monastères fondèrent aussi un grand nombre de paroisses, de prieurés. C'était un moyen d’aug- menter les revenus et d'assurer le recouvrement des dimes: Souvent ils établissaient à degrandes distances des espèces de colonies agricoles avec des granges, et laissaient un moine près de ces sortes de fermes pour surveiller les cultures et toucher les dimes. L'origine de ces églises est beaucoup plus certaine que celles des paroisses créées par la féodalité ; elle peut presque tou- jours être historiquement établie, à ving-cinq ans près. Arrivant à la 13. question dont voici les termes : « Quels secours historiques peut-on tirer des an- ciennes chartes, des concessions de dimes et de pa- tronages, des étymologies des noms des localités, enfin des vocables des églises pour cette partie de l'histoire ? » Li. A A À M. Bordeaux fait remarquer que le patronage appar- tenant au fondateur , le fait de cèder ce patronage est la preuve que le cédant avait concouru à la fondation CONGRÈS. DES ACADÉMIES:::1:. 123 de l’église, que l’étymologie des noms des paroisses a souvent sa source dans des noms. d'hommes qui nous sont conservés parles chartes ; enfin que les-vocables des églises peuvent être d'un gran secours : qu’ainsi uue.église dédiée à saint Louis) est:nécessairement pos- térieure au XIITI®, siècle, comme celle qui aurait pour patron un | saint, d'origine Franke nous reporterait à l'époque mérovingienne. M; Le Prévost, pour le dé- partement de l'Eure, en faisant usage d'un triple élé- ment, les vocables, les voiés-romaines et les conces- sions de dimes , est arrivé aux résultats les plus inté- ressants dans la détermination de là date de l'organi- sation des paroisses rurales. Les quatre questions que le Congrès recommanderait à l'attention des Sociétés savantes, peuvent donc être le sujet des études les plus ‘importantes. M. Alfred Ramé fait observer que l'hypothèse émise par M. Bordeaux, relativement à la date de la création des paroisses rurales, peut souffrir des exceptions no: tables dans certaines régions. C'est ainsi que pour la Haute-Bretagne, au moyen des chartes carlovingiennes du cartulaire de Redon, que doit publier prochaine ment M: de Courson, dans les. documents inédits sur l'histoire de France, il est, possible de constater que la plupart des paroisses situées, au Sud de l’Ille-et- Vilaine, à l'Est du Morbihan et au: Nord de la Loire- Inférieure, existaient avant le XI. siècle. M. Ramé pense que c’est la rareté des documents remontant. à l'époque carlovingienne qui nous empêche aujourd’hui de reconnaître avec certitude l'antiquité des paroisses rurales. M. d'Héricourt dit qu’en Artois et daus le Nord, de la France, les paroisses ont été fondées, non par les 124 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. seigneurs, mais par les évêques qui, au fur et à me- sure des progrès de la conversion, établissaient de nouveaux ministres parmi les populations soumises au christianisme. Avant le X®. siècle, elles étaient déjà très-multipliées ,; et le testament de saint Remi prouve qu'elles étaient fort nombreuses dès cette époque. De leur côté, les seigneurs purent en fonder depuis le X°. siècle, mais le rôle le plus actif dans ces créations doit être attribué aux personnages ecclé- siastiques et aux monastères qui, depuis les XI®. et XII®. siècles surtout, acquirent une grande liberté d’action vis-à-vis de l’autorité diocésaine. M. de Straten considère également les paroisses rurales comme antérieures au X°. siècle dans l'Est de la France; des documents historiques permettent même de constater que beaucoup d’entre elles étaient déjà anciennes à cette époque. Le sentiment religieux a pu multiplier ces fondations, surtout pendant la pé- riode malheureuse qui signala la fin de la dynastie car- lovingienne. Les donations des seigneurs et les efforts des abbayes concoururent à ce but. L'indépendance des abbayes a existé dès leur origine; c'est à une époque moderne qu’elle reçut des limites ; à Metz par exemple, ce n’est qu'au XVIIe. siècle que l’évêque en prit l'administration entre ses mains. Ces questions sont du nombre de celles pour lesquelles nos dépôts publics d'archives fournissent les documents les plus précieux. | M. Duchatellier dit que les documents propres à éclairer la question ne sont pas rares. Les cartulaires surtout seront utilement consultés. Pour la Basse- Bretagne , les cartulaires de Laudevennec et de Quim- = CONGRÈS. DES, ACADÉMIES, 195 perlé prouvent l'existence des paroisses rurales avant le X1°. siècle. Les vies des saints peuvent-également four- nirdesindications qu’on chercherait vainement ailleurs. M. Louvancour. indique les dénominations em ployées dans le cadastre pour désigner les pièces de terre comme une source de renseignements topogra- phiques d’une haute importance. M. Duchatellier confirme cette opinion par des exemples tirés des livres terriers de l'évêché de: Saint- Pol-de-Léou. La! mémoire des principaux événements de la légeude religieuse du saint est conservée par les noms des pièces de terre qui en furent le théâtre. M. d'Héricourt dit que cette observation peut être généralisée ; c'est au moyen d'indications de cette na- turequ'on a pu reconnaître dernièrement l'emplacement où saint Euchaire a été martyrisé avec ses compagnons. L'honorable membre fait ressortir de nouveau tout l'intérêt qui s'attache à la question 11°. Il importe d'appeler sur elle l'attention des Sociétés départemen- tales. Il propose, toutefois, de supprimer le paragraphe conçu en ces termes : « Un grand nombre d’entre elles n'ont-elles pas été créées aux XI. et XII®. siècles, » puisqu'il semble résulter de la discussion que les pa- roisses rurales ont une date plus ancienne que la ques- tion ne le préjugeait. Sur l'observation de MM. de Caumont et Bordeaux , le paragraphe est maintenu. L'heure de la séance générale étant arrivée, la suite de la discussion est renvoyée à demain. : La séance est levée à deux heures et deme. Le Secrétaire, Alfred Ramé. 126 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. SÉANCE GÉNÉRALE DU 93 JANVIER. (Présidence de M. Payew, membre de l’Institut ). Siègent au bureau : MM: de Caumont, directeur de l'Institut des provinces ; de Contencin, directeur gé- néral des cultes, membre de l'Institut des provinces ; Darblay aîné, membre du Conseil général de l'agri- culture ; Binet, membre de l’Institut; Huzard , délégué de la Société centrale d'agriculture de la Seine ; Mahul, ancien préfet, membre de l'Institut des provinces ; le général Rémond, membre de l'Institut des provinces ; Duchatellier, Charles Gomart, secrétaires-généraux: Lecture. est donnée du: procès-verbal de la séance générale du 22 janvier, as M. Bordeaux ; sa rédaction est adoptée. . [s1ou M. de Caumont dépouille. la Rhone à M. Chevreul, membre de l'Institut, adresse la lettre suivante : MoxsiRuRr LE PRÉSIDENT, Je régrétte beaucoup que mes occupations me pri- vent dé l'avantage d'assister au Congrès des délégués des Sociétés savantes des départements que vous pré- sidez. J'aurais beaucoup gagné à connaître personnel- lement les représentants de la science dans les dépar- tements, car j'apprécie bien l'honorable mission qu'ils remplissent si dignement, de répandre la lumière dans _ les différentes parties de la France qu'ils habitent. Je regrette beaucoup plus que vous ne pouvez le penser, l'occasion :qué le Congrès m'aurait offerte de soumettre CONGRÈS DES ACADÉMIES: ! | 127 à.ses lumières quelques-uns de mes: travaux inédits. En vous priant d’être l'interprète de res regrets auprès du Congrès, croyez bien, M. le Président, que vous exprimerez en mon nom une vérité et non un compli- ment. M: le comté Alexis de Gourgues ; M. de Buzontière, d'Orléans , M. le Secrétaire de la Société des arts et dés sciences de Carcassonne; M. Haxo, Secrétaire de là Sociétéd’Epinal ; M. Le Flagüais, dé Caen ; M. Chasles, . . d'Auxerre, s’excusent de ne pouvoir prendré part aux travaux du Congrès et indiquent les noms des délégués de leurs Sociétés respectives. M. le Rédacteur!de l'Union littéraire appelle la bide. veillance du-Congrès sur cètte œuvre. M:Gougenot, de Coulommiers, envoie des détails sur un travail considérable dont il-est l’auteur. Il est fait hommage au-Congrès du premier volume des Mémoures de la Société des sciences de Carcassonne, et des Causeries d’un antiquaire, par M. d'Otreppe de Bouvette, de Liège. Une brochure. intitulée : Guide des Comices, est dé- posée par M. de la Chauvinière. M. Payen expose qu’il se propose de traiter la ques- tion. des engrais, qui peuvent venir en aide à l’agri- culture et qui sont désignés communément sous le nom d'engrais commerciaux. Cette question est intéressante sous le RSS agri- cole, scientifique, économique, commercial et indus- trie]. | Au point de vue agricole, les engrais augmenteront la fécondité, du sol et porteront, sa puissance de pro- 128 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. duction à un haut degré , qui sera soutenu facilement ensuite, par un bon assolement et par le bétail de la ferme. | Au point de :vue scientifique : tous les chimistes se sont occupés des engrais qui pouvaient être ajoutés à la composition des terres pour augmenter sa fécondité. Liebig, à la tête de l’école allemande, avait pensé que les seuls engrais utiles, étaient les sels minéraux et que les matières organiques, fournies par l’air, étaient suffisantes, pourvu qu'on ajoutât au sol les matières minérales indispensables. A“ L’Apgleterre adopta d'abord cette ihéorie avec en- gouement, et de nombreuses fabriques d'engrais mi- néraux se montèrent sur une grande échelle. On ne tarda pas à acquérir la certitude que les ma- tières minérales seules ne pouvaient suffire à la fer- tilité de la ‘terre et que les matières organiques fer- mentescibles étaient nécessaires pour faciliter aux plantes l'assimilation des matières minérales inso- Jubles. Aujourd’hui il n’y a plus de doute et tons Tes cht- mistes allemands, anglais et français, sont d'accord sur cette vérité. La question intéressante surtout est donc de fournir aux sols les matières qui lui manquent et qui doivent augmenter sa fécondité. C'est là que le rôle des engrais commerciaux devient indispensable. Parmi les matières qui ont le plus de valeur pour augmenter la fécondité du sol, il en est qui sont en excès et d’au- tres qui font défaut dans certains sols. L'élément cal- caire est souvent en excès. Les matières minérales salines , telles que le sulfate de chaux, ne sont en excès nulle part'et manquent souvent dans certains CONGRÈS. DES ACADÉMIES. 129 sols et principalement dans ceux dont on enlève depuis long-temps des récoltes. Les sels alcalins de potasse et de soude existent dans la plupart des terres argi- leuses., leur rôle est moins grand que celui des phos- phates. Les sels-de soude ont.uné moins grande im- portance et ils sont remplacés avec avantage dans beaucoup de cas par les'sels de potasse. Parmi les matières organiques indispensables à la végétation , se trouvent celles qui se rencontrent ‘en si grande abondance: dans les terrains tourbeux ; les débris d’origine! végétale, qui fournissent la plus grande partie de l’acide carbonique et la masse de pres- que toutes les, espèces végétales. L'assimilation de :ces matières sera facilitée si on ajoute des bases alcalines, comme la chaux ou la potasse et même de la soude. Sous l’influence.de ces alcalis, les matières organiques sé brûülent lentement , l’action de l'air fournissant l'acide carbonique; et laissant un résidu minéral utile. Si nous examinons la question des engrais au point de vue économique, son importance augmente encore, puisqu'on peut augmenter d’un quart ou de moitié la production des récoltes par l’addition des engrais, et faire ainsi avancer d'un pas immense la question des subsistances. Parmi les engrais commerciaux prônés, il y en a de bons, de médiocres et de détestables, Le guano peut être considéré comme l’engrais par excel- lenceet ses effets sont merveilleux : il contient tout ce que renferment les engrais, dans leur partie active. Le guano fournit par l'analyse toutes les matières qu’on trouve dans l'urine des animaux desséchée, eton le com- prend si onse rappelle son origine. En effet, le guano n'est qu'un mélange d'urine et de matières fécales 130 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. animalisées par les débris de poissons, contenant des phosphates qui manquent. presque partout et:qui ne sont en excès nulle part. En Angleterre, on n’achète le guano qu'après une ana- lyse chimique et on le paye de 80 fr. à 40/fr. le quintal métrique; en proportion des azotes et des phosphates de chaux qu'il contient. Eu France, dés falsifications de guano.ont.été faites et: M: Payen a analysé, dans son laboratoire, des guanos qui ne contenaient pas un atôme du véritable guano. Ces falsifications d'engrais sont, très-blämables et très-graves: Il y a tromperie, non-seulement surla valeur du produit vendu, mais ce qui est plus grave, la récolte manque et la terré perd de sa fertilité, au lieu d'augmenter en puissance, Les. Congrès, les Comices, les Sociétés d'agriculture , se sont. vivement préoccupés de faire cesser cet état de -choses. M, le Préfet de la Loire-Inférieure a, le premier, réprimé ces fraudes qui faisaient un tort con- sidérable aux cultivateurs, et il vient d'être suivi dans cette voie, par M. le Préfet du, département de Seine- et-Marne. A Nantes, on venduit pour du.noir animal (résidu de raffinerie, agissant par le phosphate de chaux, à l’aide du sang qui s’y trouve encore) de la tourbe; mélangée avec des résidus de houille pulvérisée et de cendres noires de Picardie. Dans ces départements , on a moralisé le commerce des engrais et généralement aujourd’hui le cultivateur n’est plus trompé , les fraudes ont diminué, les mécomptes disparaissent et la mesure est excellente. M. Payen cite avec plaisir un fabrigant d'engrais qui a obtenu une médaille d'or au concours de Ver- sailles, après vérification faite de la vérité de l'étiquette. CONGRÈS DES ACADÉMIES. 131 En Angleterre, on se préoccupe déjà vivement des moyens de remplacér lé guano qui est exploité aujour- d'hui par les Anglais, parles Américains et un peu par les-Français, avec une activité telle qu’on entrevoit le moment rapprochéoù ces dépôts précieux seront épuisés. Qu'est-ce que le guäno ? du fumier de ferme ,; excepté la paille, Un-engrais commercial, comparableau guano, sera trouvé le jour où on aura trouvé le moyen d'empê- cher la fermentation des urines et d’évaporer la partie liquide. Dans lés pays où la culture est très-avancée , on, arrivera à faire consommer aux animaux toute la paille. Les déjections des animaux n'ajouteront plus au sol que ce qui est utile et on aura supprimé tout ce qui est chimiquement nuisible. En effet, dans les pays où la culture est très-avancée , le carbone se trouve en excès, l'animal à en absorbant les pailles, détruit une partie de cette matière végétale en excès et ses déjections sont plus riches, En Angleterre, on se sert pour absorber les urines; deterres charbonnéés; cet exemple a “été suivi dans lé Midi, par M. de Gasparin , et dans le Nord, ee M. de Crombecque. Un agriculteur anglais, M. Kennedy ; est arrivé à supprimer, dans son exploitation, et la païlle‘et la terre : 1l répand les engrais sur ses champs ; au moyen de tuyaux souterrains principaux, auxquels il adapte des tuyäux de guita percha. Il transporte ainsi dans les champs mêmes , sous la forme liquide , tout’ce qui se/trouve d’utile dans les urines des animaux, Ce pro+ cédé aïété. mis en usage à Paris pour le traiisport des vidanges de Paris à Bondy, et sou application à l'agri- culture pourra être faite utilement. 132 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. On a mis en avant une méthode pour solidifier les liquides des fosses d'aisance de Paris, mais ‘on n’a peut-être pas assez tenu compte que lés liquides des fosses ne contiennent pas seulement des urines pures, mais des urines étendues (en moyenne de 5 fois leur volume d'eau). Cette méthode a été soumise à plusieurs corps savants. MM. Boussingault et Payen n’ont pas approuvé ce procédé, parce qu'il n’est pas économique. Le mélange du silicate de soude avec un liquide comme l'urine ou la matière fécale délayée, s'opère très-bien; maïs, au moment où l’on’‘ajoute l'acidé sul- furique, l’odeur devient très-forte, puisqu'on met en liberté le gaz le plus infect. La matière prend alors une apparence gélatiniforme , mais elle n’est pas ré- ellement solidifiée, car il aurait fallu mettre une plus grande quantité de silicate et d'acide sulfurique et alors les frais eussent été augmentés. Pour arriver à une solidification économique, on étale donc sur le sol la matière ainsi traitée, et, dans ces conditions, le liquide s’infilire dans le sol : mais le liquide qui se perd contient la plus graude partie des matières utiles et le sol qui le reçoit en sera bientôt saturé à l'excès. : M. Payen admet avec M. Boussingault, que les sels de soude n’ont pas produit de’ grands effets sur aucun terrain ; les sels de soude sont remplacés partout avec avantage par les sels de potasse, encore ceux-ci ne font-ils défaut dans presque aucuns terrains. La silice qu'on veut ajouter n’a de valeur nulle part, puisqu'elle se trouve en quantité suffisante dans la plupart des terrains. La dessiccation est plus lente que par les an- eiens procédés, puisqu'on ajoute 10 pour ‘, de liquides. En résumé , on n’est pas parvenu par ce procédé à CONGRÈS DES ACADÉMIES. 133 désinfecter les fosses et à obtenir un guano indigène. M. le général Rémond expose que M: de Sussex a opéré, en présence d'une commission du Congrès, l’année passée, la solidification des urines, et que cette expérience a réussi. Il demande à M. Payen s'il a voulu combattre le système de M. de Sussex. M. Payen répond qu'il n'avait pas voulu prononcer le nom de M: de Sussex, mais qu’il ne rétracte rien de ce qu’il a dit. La matière traitée par la méthode de M. de Sussex, n’est pas solidifiée suffisamment et elle a perdu une partie de ses qualités. Il pense que pour être édifié sûrement sur l'efficacité du procédé, il fau- drait qu'on prit de la matière avant l'opération, de la matière après l'opération ; tout chimiste pourrait alors, en tenant compte du volume et des agens employés, jeter une lumière complète sur les résultats de Poper ration de M. de Sussex. M. Calemard de la Fayette demande à M. Payen ce qu'il pense de là solidification du sung'par l'acide né ir ‘’M. Payen répond que ce procédé est employé en grand depuis long-temps à Paris, il le croit bon, pourvu que l'acide sulfurique y entre dans une faible proportion (5 kilog. d’acide sulfurique abaisse à 45 degrés, dans 100 kilog de sang). Le sang ainsi traite produira surtout d'excellents effets dans les terrains calcaires. L'expérience a démontré de plus un autre excellent résultat, celui d'éloignéer les rats. | Ceci a été reconnu d’abord, dans les Colonies où les rats, pour manger le sang déposé au pied des cannes à sucre, mettaient à nu les radicules de ces plantes ; depuis l'emploi du sang traité par l'acide sul- 134 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. furique, les tiges des cannes à sucre ne sont plus attaquées et les rats ont disparu. M. de Renneville cite les bons effets qu il a obtenus, pour garantir les tubercules des pommes de.terre de la dent .des'‘rats, de l'addition, au moment de la plan- tation, d’une pincée de cendres noires, ajoutée. non pour l'engrais, mais pour l'acide sulfurique qu’elles con- tiennent. Cette addition suffit pour mettre les pommes de terre plantées , à l'abri de. la dent des rongeurs, peudant le. long séjour du tubercule en terre, depuis l’époque de la plantation , au mois d'octobre, jusqu au moment de la végétation. Il ajoute qu'il a obtenu une plus grande production | de pommes de terre, par le dépôt fait sur les champs plantés avant l'hiver, des tiges de topinambours. M. Payen dit que, pour traiter le sang par l'acide sulfurique, on délaye dans 100 kilos de sang, 5 kilo- grammes d'acide sulfurique, descendu à 45 degrés par une addition d’eau faite à l'acide que le commerce fournit ordinairement à 66 degrés. Il estime que c'est là une pratique très-commode et qu’il est bon de ré- pandre dans les campagnes , d'autant mieux que le sang ainsi traité ne perd rien de ses qualités et qu'il peut se garder indéfiniment, en l’étendant à l’air.où il, se dessèche peu à peu. On, devra employer 350 kilos environ de sang desséché, à l'hectare, pour l’eugrais dela terre. M. Calemard de la Fayette demande à M. Dipén ce qu'il pense de l'emploi des os dans la pratique agricole. | M. Payen dit que les Anglais ont des fabriques spéciales pour traiter les os qu'ils font venir en grande CONGRÈS: DES’ ACADÉMIRS: 111 135 quantité de toutes les parties du monde ; et même les os de baleines et d’autres animaux analogues. Dans ces fabriques, on rencontre. des machines à vapeur qui font mouvoir des.cylindres cannelés, formés d'épais dis- ques en fonte etdestinés àbroyer les os, comme par une denture de, scie; sous les premiers cylindres se trou vent placés de uouveaux cylindres plus rapprochés, à denture :plus fine, entre lesquels tombent les os , à leur sortie des premiérs cylindres ; ces,os ainsi broyés sontreçus-par un blütoir formé, de. fils de fer., ét tous les. morceaux qui-träversent le blutoir sont destinés à l'engrais. M. Payen fait remarquer que-lés os sont traités de deux mänières , selon qu'ils sont desséchés ou frais et provenarit des bêtes nouvellement : abattues. De cette dernière espèce d'os, on extrait d’abord 5 ou 6 p.%, de son poids, d’une matière grasse qui est utilisée pour la fabrication des savons: on obtient cette matière grasse en faisant bouillir les os dans de grandes chau- dières, on écume et on recueille la graisse dans des vases où elle ne tarde pas à se der 2 et à durcir en se refroidissant. Pour désagréger les os, on se sert de l'acide sulfu- rique. On enferme les os broyés dans un cylindre en bois, doublé en plomb intérieurement, traversé par un axe, avec 930 pour cent du poids des os d'acide sulfurique , réduit à 55 degrés. On met en mouvement le cylindre pendant deux heures ; après ce temps le mé- lañge est opéré suffisimment pour pouvoir vider le cylindre. Les os tombent au-dessus d’une caisse en bois doublée de plomb, et, ainsi préparés, ils sont mis en tas; on les stratifié par couches de 10 à 12 cen- 136 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. timètres d'épaisseur , en entremélant les couches d'os acidifiés, d'un lit del centimètre d'épaisseur de noir. On laisse ainsi séjourner le tout pendant quinze jours, après cette époque, les os sont devenus très-friables. C'est dans'cet état qu'on les livre aux agriculteurs, qui les emploient à raison de 10 hectolitres par hectare. M. Payen ajoute que les os produisent moins d'effet Sur les terres calcaires , mais qu’ils produisent le meiïl- leur effet sur les terres argilo-siliceuses. M. Darblay demande si, dans l'opinion de M. Paven, l’agriculture retire d'aussi bons effets des os dégraissés que des os qui ont encore leur graisse. M. Payen dit qu’il est heureux de: pouvoir répondre d’une manière catégorique à la question de M. Darblay. On avait déjà remarqué , ‘dit-il , que les os, dans cer- tains cas, né produisaient pas d'effets et, dans d’autres circonstances , des effets excellents ; on explique cette différence aujourd'hui, par des expériences qui ont dé- montré que les os dégraissés produisent leur action immédiatement, tandis que les os chargés de graisse n’agissent qu'au bout d’un certain temps. | Les os, dit M. Payen, produisent, dans certaines conditions, 8 pour ‘%. de graisse, 5 pour %,,.d’au- res fois ils ne donnent pas même 172 pour; +, de graisse, À quoi tient cette différence? Il a fait l'analyse de ces os qui ne donnent pas de graisse, comme. de ceux qui en donnent beaucoup : is ont tous reudu au laboratoire la même quantité de matière grasse. Voici comment il explique cette, apparente contradiction : lorsque les os sortent de l'animal, ou du pot-au-feu., l’eau contenue dans les tissus des os. facilite la sortie de la graisse. Mais si on attend quelques jours, surtout CONGRÈS DES ACADÉMIES. | 137 si la température s'élève, si les os ont été exposés au soleil ; l’eau s’évapore et alors la graisse adhèré si complètement aux tissus des os que la simple ébulli- tion ne peut la faire sortir. Pour y remédier, il est bon de tenir les os dans l'eau lorsqu'on n’a at le temps de les traiter immédiatement. 1 Vu J’heure avancée , la question du varech est ren- voyée à jeudi, à 2 heures de l'après-midi. La séance est levée à 5 heures. L'un des Secrétaires-généraux. Ch. Gomarrt. SECTION D'HISTOIRE NATURELLE. SÉANCE DU 24 JANVIER. ( Présidence de M. »'Howazius-D'Hazzoy, membre de l'Institut de France. ) La séance est ouverte à 10 heures 1/72. M. G. de Lorière remplit les fonctions de secrétaire. Parmi les personnes qui assistent à la séance , on remarque MM. de Caumont, président de l’Institut des provinces ; de la Fresnaye; Buvignier; Coulain- Graviers, etc. | M. de la Fresnaye fait connaître les résultats inté- ressants auxquels il est parvenu par l'étude compa- rative des divers squelettes des oiseaux. 138 INSTITUT. DES . PROVINCES DE FRANCE. ‘Ia continué de développer par de nouvelles: preuves Vopinion qu'il avait avancée dans une première séance, que l'observation du sternum seul dans le squelette des oiseaux , lorsqu'on l'isolait de l’aîle osseuse et même du reste du squelette, ne pouvait donner d'indication certaine sur le genre de vol particulier aux différents groupes: Ainédée avoir fourni dans Ja preinière séance des preuves de ce qu’il avançait par l'exposition de sque- lettes pris dans l’ordre des oiseaux carnassiers, puis dans celui des passereaux , et enfin dans celui des échassiers ; dans cette séance il en a fait une nouvelle application à celui des gallinacés. Chez les oiseaux, a-t-il-dit, au corps lourd, épais, le sternum offre une modification remarquable ; il est singulièrement répoûssé en arrièré'et par conséquent son bréchet n'offre point cette saillie antérieure que l’on remarque chez les autres ordres : de plus, les échancrures du bord postérieur du corps du sternum, ordinairement légères ou moyénnés , ont acquis ici un tel développement qu'elles occupent la totalité, pour ainsi dire, des côtés du sternum, ne laissant d’osseux qu'une étroite bande médiane pour supporter le bréchet dans toute sa longueur. En observant ensuite l’aile osseuse de la perdtix, il a fait remarquer, l'extrême brièveté des trois parties qui la, composent et aussi de. ses dix pennes pri- maires. | Il s’est demandé pourquoi le Créateur , en donnant aux. gallinacés des. formes massives. ne leur a pas accordé un système de vol plus développé ; il suppose que c’était pour attacher au sol toutes ces espèces, CONGRÈS! DES’ ACADÉMIES. 139 auxquelles il:a donné la plus grande faculté pour la marche et la course, afin que, vivant uniquément de semences et. de végétaux ,'ils puissent én diminuer la trop grande multiplication et contribuer par là à l’équi- libre général, Ils sont, à, la vérité; munis de muscles pectoraux. très-épais et prenant. leur point d’attaché sur une grande étendue, du squelette inférieur, mais leurs ailes sont si courtes que, pour se soutenir dans les airs et les parcourir rapidement, il fallait que leurs muscles imprimassent un mouvement des plus rapides à ces courtes ailes. C'est ce qu'on remarque chez ces oiseaux. dont les battements d'ailes, surtout au moment du départ, lorsqu'ils s'élèvent de dessus le sol ; sont si vivement répétés qu'ils impriment à l’air une yibra- tion des plus bruyantes ; mais ces efforts répétés ne peuvent durer long-temps , et la perdrix,, le faisan , le coq sauvage, sont bientôt obligés de s’abattre, sur le sol pour s’y reposer. Le.Créateur leur a accordé ce vol rapide et bruyant au départ pour se, soustraire au danger , mais non assez continu pour s SJoigReE de la surface du sol où il. voulait les. fixer. M. de la Fresnaye s'est demandé ensuite pourquoi chez les gallinacés ces énormes échancrures occupant presque tous les côtés du sternum , échancrures. qui sont entièrement membraneuses au dieu d'être osseuses et pourquoi. le refoulement en: arrière.si. prononcé du Sternum etde son bréchet ? IL pense-que les gallinacés, se nourrissant entièrement de semences et de pointes de végétaux ,.ont un jabot très-volumineux) et. qui, lorsqu'il est rempli de ces aliments et qu'ils y ont subi une première digestion , acquiert une si grande dimension que sur un.sternum ordinaire il eût produit . 140 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. antérieurement une saillie prodigieuse et, pour ainsi dire, une anomalie. Le refoulement en arrière du sternum et de sa crête a prévenu tout-à- - fait cet incon- vénient. Quant à l'état membraneux des côtés du sternum, il pense que c’est une suite naturelle du grand déve- loppement du jabot indispensable à une nourriture toute végétale. Les viscères abdominaux , gonflés par ce genre d'alimentation , n'eussent peut-être pas eu sur le sternum osseux sur lequel ils reposent intérieu- rement la même facilité à opérer leur digestion que sur des membranes qui cèdent plus où moins dt: ces circonstances. “L'inspection du sternum tout ahomal de l'hoazin l'a porté à cette supposition. Chez cet oïseau d'Amé- rique, en effet entièrement plantivore, puisqu'il né se nourrit que des fruits et des feuilles d’une grande espèce d'arum du Nouveau-Monde , l'appareil sternal est tellement repoussé en arrière que le bréchet n’est pour ainsi dire apparent, sous forme triangulaire, qu’à l'extrémité postérieure du stérnum. Il n'est pas douteux, comme M. de Blainville l'a d’ailleurs reconnu et publié il y peu d'années , que ce grand refoulement de la crête sternale n’a lieu chez cet oiseau que pour faire place antérieurement et même inférieurement à un jabot tellement volumi- neux, lorsqu'il est rempli de ces feuilles et fruits d'arum ; qu'il égale en grosseur le corps entier de l'oiseau. C’est cette particularité qui lui a fait supposèr qu'on pouvait l'appliquer à tout l’ordre des gallinacés, qu'il croit n'avoir encore été indiquée par aucun natu- raliste (a ajouté M. de la Fresnaye). CONGRÈS DES ACADÉMIES:. 141 Il a ensuite cité le squelette du ganga, que l'on plaçait autrefois dans les gallinacés, mais, qu'avec raison, on met aujourd'hui près des pigeons. En effet, outre une grande conformité dans l'éducation de leurs petits, ils en présentent encore dans leur squelette ; mais le ganga, que l’on sait être un excellent voilier, a sa crête sternale singulièrement développée, surtout en, hauteur, et rappelant celle du martinet et même un peu celle de l'oiseau-mouche ; ce qui vient encore à l'appui de l'opinion de M: de la Fresnaye. Il a terminé en disant que si, chez lés tinamous, gallinacés d'Amérique, on retrouvait dans le rétrécis- sement du sternum et du corps entier la plus grande analogie avec ces parties chez la poule d'eau ,' ce n’était pas une raison de les rapprocher , que cela in- diquait seulement chez la poule d’eau, qui se cache continuellement dans les hautes herbes et les roseaux, une forme étroite et comprimée qui facilite son ‘intro- duction et sa marche au milieu d'eux, et chez les ti- namous, qui se tiennent constamment cachés dans les hautes herbes des terrains élevés d'Amérique , une organisation analogue pour s’y frayer plus. facilement un passage etles parcourir en courant. M. de Caumont présente sur la confection des cartes agronomiques. quelques observations tendant à pro- voquer une. discussion sur le point :de savoir quelle serait la meilleure méthode à suivre pour leur nota- tion. Il rappelle les instructions qu'il.a fait imprimer etle système de notation qu’il.avait adopté dans l'ori- gine ; mais. à présent, dit-il, que mon idée a été adoptée, que le ministre des travaux publics lui-même 142 INSTITUT: DES: PROVINCES DE FRANCE. a recommandé des cartes agronomiques , il convient de perfectionner le système de notation, et c'est au Con: grès des délégués que ce soin incombe surtout. M. de Caumont cite M. Belgrand, ingénieur des mines, comme ayant publié tout récemment une carte agronomiqué desenvirons d'Avallon, quilui paraît assez satisfaisante, M. de Lorière fait observer qu'il sera bien difficile à des, géologues de faire ces cartes agronomiques, que la question devraitêtre Surtout résolue par des hommes pratiques, comme les hommies qui composent la section d'agriculture, que la fertilité d'un terrain dépend bien plutôt dela couche meublequi se trouve àsa surfaceque de la composition minéralogique descouches profondes. M. Buvignier pense qu'une carte agronomique n’est que la reproduction graphique du travail cadastral. M: d'Homalius-d'Halloy demande que l’on précise bien d'abord les bases sur lesquelles on confection- nera les cartes agronomiques. Sera-ce une carte où lon indiquera la nature minéralogique du terrain ? De telles cartes ne seraient point des cartes agrono- miques , c'est-à-dire indiquant l’état de l’agriculture dans telle contrée déterminée. Comme exemple de l'in- suffisance d’une carte indiquant seulement la nature du sol, il cite les sables de la Campine, arides et n'offrant que de loin en loin des oasis où végète mi- sérablement le sarrazin, et les mêmes sables en Flan- dre , couverts au contraire d’une belle végétation. D'où provient cette différence ? C’est que l'agriculture est incomparablement plus avancée en Flandre que dans la Campine: Une carte simplement géologique pré- sente lès mêmes ‘inconvénients. Ne voit-on pas en effet, én Belgique ; des pays d’une fertilité extrême et CONGRÈS DES ACADÉMIES, 143 ceux de la plus grande aridité marqués des mêmes teintes. Pour, n’en citer qu'un exemple,.les terrains dévoniens y forment généralement des plissements , ce sont des vallées , puis des sortes de bombement, puis encore des vallées et ainsi de suite ; et quoique ce soit toujours les’ calcaires dévoniens, dans les vallées , grâce à des sables, à des limons, à des dé- tritus de toute sorte qui y forment un sol tout-à-fait artificiel, vous y avez .d’abondantes récoltes ; tandis que les parties bombées des mêmes terrains dévoniens sont d’une affreuse stérilité. M. Buvignier ajoute que souvent aussi.le sous-sol, quoique recouvert.de couches meubles. ‘joue. ün. rôle dela, plus haute importance dans, la végétation des plantes, et que telle couche superficielle sera. très fertile avec tel sous-sol qui avec tel autre le sera{bien moins ou même.ne le sera pas du. tout, suivant lalna- ture miuéralogique et la: plus ou moins grande LR méabilité. | M. de Caumont répond aux dose orateurs et dé- montre que ce qu'ils ont ditest la preuve la plus ma- nifeste ‘de l'utilité et même de l'absolue nécessitéldes cartes agronomiques. Il renvoie les préopinants'à son mémoire imprimé en. 1846 sur. les, cartes agronomi- ques, mémoire qu'ils. ne paraissent pas lavoir lu,-et aux essais de cartes qui ont. été. publiés depuis sur plusieurs. points de la France. La séance.est levée. à 11 heures 172. Le, Secrétaire , G. ne LORIERE. 144 INSTITUT. DES PROVINCES DE FRANCE. SECTION D’AGRICULTURE. SÉANCE DU 24 JANVIER. ( Présidence de M. pe VIGNERAL, ) La séance est ouverte à 11 heures. Siègent au bureau: MM. Monnier, de Nancy : Denis, de Mayenne; Bazin , du Mesnil-St.-Firmin ; de Kéri- dec, Calemard de la Fayette, secrétaire. ‘M. Gomart apporte une brochüre sur Philippe de Girard, inventeur de la filature du lin, et il annonce qu’il présentera ultérieurement un Dé sur cette brochure. M: de Vigneral entretient le Comité de la fondation d'une école de dressage à Séez, département de l'Orne. Il communique le rapport fait par le conseïl d'admi- nistration : de cette institution qui atteste les bons effets qu'on en a déjà obtenus. M. de Guerpel lit une notice sur l’organisation des CONCOUrs. Il critique le mode pa de distribution des primes. Selon lui, il serait bien préférable que les Sociétés d'agriculture nommassent des commissions qui de- vraient visiter les fermes et comparer, non pas un seul sujet d'élève avec un autre, mais l'ensemble d’une exploitation, qu’on apprécierait par la généralité de son bétail et de la tenue des animaux. De la sorte, les petits cultivateurs pourraient aussi participer aux récompenses pour lesquelles ils ne peuvent concourir, CONGRÈS DES ACADÉMIES. , 049 à distance et dans des conditions trop défavorables pour eux. M. de Guerpel, pour rendre plus puissant encore le nouveau système d'encouragement qu'il propose, vou- drait qu’on renonçât à primer les races porcines et chevalines , qui, selon lui, sont suffisamment encou- ragées par la consommation et par la remonte. I] conclut par cette énonciation qu’il vaudrait mieux pousser l'agriculture à la quantité de production d'abord, et que la perfection viendrait utilement plus tard. | Ces idées sont vivement combattues par un grand nombre de membres. | M. Ponsard, répondant à l’opinion de M. de Guerpel, signale les difficultés d’un examen fait par des cow- missaires qui auraient à parcourir les fermes pour primer et récompenser, non pas des sujets isolés, mais l’ensemble d’une exploitation. M. Ponsard pense encore qu’il n’y a pas à espérer l'amélioration des races par la petite culture. L’ini- tiative à cet égard ne peut appartenir qu'aux grandes et riches exploitations, La race porcine, ajoute-t-il, est d’une utilité tellement avérée, et les améliorations que des croisements intelligents peuvent réaliser en cette nature ont une telle importance, que, loin de songer à supprimer les primes qui lui sont allouées, il faudrait, au contraire, l’augmenter autant que possible. Il en est de même de la race chevaline. La remonte donne à l'élève du cheval un encouragement tellement insuffisant par ses achats, qu'il faut profondément re- gretter, au contraire, qu'on ne puisse pas faire bien plus encore pour cette importante industrie. | 7 [4 146 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. M. de Vigueral pense qu'on satisferait aux nécessités signalées en augmentant les primes accordées à la meilleure tenue des étables, mais. qu’en-dehors de cette mesure il ne peut donner son adhésion aux propositions de M. de Guerpel. M.Monnier voit dans le système actuel de primes un double. objet, celui de récompenser l'amélioration accomplie et l'exhibition , l'exemple, le commentaire pour ainsi dire vivant des bonnes tentatives. Selon M. Monnier, le seul avenir de l’agriculture est dans cette question : que les animaux constituent un profit par eux-mêmes, non,par le fumier, non par le travail, mais par le produit immédiatement réalisable. Il faut donc arriver à une perfection de formes qui est:ndis- solublement liée avec la valeur productive. La prime des chevaux est indispensable aussi pour permettre aux Sociètés de faire quelquefois autre chose que ce que demandent les remontes. Pour la question des porcs, l'honorable aire in- siste aussi sur l'importance immense des bons choix à faire entre des variétés différentes. La publicité dans les concours est un besoin et la seule garantie qui puisse mettre à l'abri de toute sus- picion l’impartialité des juges. M. de Straten combat l’idée de M. de Guerpel qu'il faut d'abord produire beaucoup et perfectionner ensuite. C'est tout-à-fait le contraire qui paraît logique et ra- tionnel à l'honorable membre. Il croit cependant. qu’il y a des reproches fondés à faire à l’organisation actuelle des concours régionaux. M. de Straten voudrait aussi et considère comme de la plus haute importance que les Sociétés d'agriculture CONGRES DES, ACA DÉMI ES. 147 soient libres de déterminer à quelie nature et. à quelle espèce d'animaux. les primes doivent. être accordées. Les Sociétés seules. feront dans cet ordre d'idée, des attributions. judicieuses. M. Denis croit qu'en général, loin que les primes soient trop. fortes, elles sont de beaucoup trop faibles: Dans l'Ouest, la culture à reçu de grandes amélioras tions ; elles seraient bien. plus sensibles encore si les primes avaient plus de valeur. Il insiste aussi sur les préférences à accorder à telle ou telle race porcine. M. deKéridecrépondà M. de Straten: sur la question des concours régionaux. Il croit ces grandes circon- scriptions utiles pour mettre en-rapport entre eux tous les grands agriculteurs d’une région. Il croit, de plus, que le Gouvernement tient grand compte des néces- sités locales. dans la répartition des: primes. M. de Caumont constate. les bons! résultats des as- sociations régionales. Les solenniiés des grands. con- cours donnent à l'agriculture-un relief et, un. éclat, dont elle a besoin dans l'esprit des populations. Quant aux prescriptions du Gouvernement, qu'on a pu quelquefois trouver un peu absolues, pour la répar- tition des encouragements, M. de Caumont croit qu'il ne faut pas s’exagérer les difficultés ; il est souvent facile d'accommoder ces exigences avec les besoins locaux. M. de Straten n’a pas voulu combattre les grandes et belles associations régionales ; il a voulu seulement attaquer les concours. officiels qui associent pénible- ment pour celles-ci, des. régions pauvres et arriérées avec des pays.de culture supérieure. M. de Saisy remarque qu'il faut bien distinguer les 148 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. concours d'animaux reproducteurs et ceux d'animaux de boucherie. Les premiers produisent le plus grand bien malgré quelques abus , tels que la confusion des races. Quant aux concours d'animaux de boucherie, on les a généralisés dans toute la France : ils sont loin pourtant d'avoir partout la même portée, la même utilité ; puisque, comme cela a été si bien dit dans les séances précédentes, chaque localité a des besoins différents. | On devrait donc laisser à l'initiative des Sociétés l'attribution des sommes importantes dont les concours disposent. M. Duchatellier ne voudrait pas qu'on entrât dans des détails qui gêneraient les Sociétés dans leur action. MM. Calemard de la Fayette et Destourbet, sur le paragraphe 1°. des instructions demandées par M. Travot, font remarquer que dans beaucoup de pays d'élève, la pratique n'est pas entièrement d'accord avec les préceptes de la théorie; et que pour les ani- maux destinés à l'engraissement, les produits prove- nant d'étalons très-jeunes, dans les espèces ovines et bovines , sont souvent préférés. M. Bazin demande à la rédaction de M. Travot une modification dans ce sens. M. Travot adhère à cette modification. Pour conclusions générales des discussions précé- dentes , et pour solution de l’article du programme dont le comité s’est occupé jusqu'ici, M. Travot pro- pose les conclusions suivantes : Instructions rédigées par les Sociétés et Comices d'agriculture. CONGRES DES ACADÉMIES. 149 Ces instructions, sous forme de petits livres, seraient répandus dans les écoles communales. Principes généraux sur la reproduction des races d'animaux {combattre cette pratique mauvaise et trop générale d'animaux livrés à la reproduction alors qu'ils sont trop jeunes et n'ont pas atteint leur com-— plet développement). Indication des tares héréditaires et qu’il faut éviter dans les reproducteurs. Qualités et défauts des races de la localité. Indication des races étrangères pouvant satisfaire aux conditions de nourriture, de climat du pays, etc., etc. Leurs qualités, leurs défauts. Par cet exposé sommaire, appuyé de quelques exemples, les cultivateurs seraient conduits à l’amé- lioration raisonnée de la race elle-même {le croisement de dedans en dedans), et s'ils voulaient tenter une amélioration plus rapide par l'introduction d’un sang étranger, ils pourraient, pour ainsi dire, se rendre un compte exact, à chaque accouplement d’une fe- melle indigène avec un mâle de race étrangère, de ce que le produit métis devra gagner ou perdre en qua- lité positive ou négative. Cette dernière partie devrait être traitée avec une grande prudence. Il faudrait faire sentir aux cultiva- teurs le danger de donner trop de sang étranger à leurs produits, quand cela pourrait faire perdre à la race un excès de certaines qualités dont une partie faible peut disparaître avec succès en compensation de qualités qui manquent si on s’en tient au croisement à un ou deux degrés, mais détruirait en totalité des 150 INSTITUT DES PROVINCES DB FRANCE. qualités inhérentes à la race locale et qu’il faut avant tout fixer. M. Ponsard'parle des influences des mâles et des femelles dans les croisements, et reproduit la remarque faite dans les:séances précédentes, que le sang étranger n'a d'action infaillible et considérable que sur des fe- melles vierges. M. Ponsard à expérimenté sur les races bovines et sur les races ovines, et le fait est au- jourd'hui bien avéré pour lui. M. de Vigneral confirme de nouveau icette :observa- tion en signalant combien la pratique générale dans les conclusions paraît plus puissante que toutes les théories. M. Monnier combat l'absolu de cette opinion. M. Destourbet signale l’action de la première portée sur les races de chiens de chasse. Il croit que les fe— melles sont plus accessibles à l'influence du mâle, non par le fait de leur virginité, mais par le fait de leur jeunesse. M. de Straten parle dc la race chevaline, dans la- quelle on a pu souvent observer que les juments des pays plats , nourries dans des pâturages gras , douées d’une constitution molle et lymphatique, transmettaient mieux que tout autres , à leurs produits , les qualités de pureté et de sang du mâle qui les a servies. Il cite opinion généralement admise que les belles races an- glaises ont été obtenues à l’aide de croisement des races flamandes avec le sang arabe. * On pourrait trouver dans ce fait, s’il était incon- testé , une analogie avec l’opinion exprimée par MM. Ponsard et de Vigneral. CONGRES DES ACADÉMIES. 151 M. Monnier craindrait que le Congrès s'engageût dans l'affirmative sur une question qui ne lui paraît pas du tout prouvée. Il cite son expérience personnelle qui lui a permis de constater que les croisements avec . de vieilles femelles aussi bien qu'avec des jeunes, avaient, dans ses troupeaux, reproduit constamment le caractère des mâles de race étrangère. M. Maurenq demande aussi une grande réserve dans l’expression d’une idée aussi nouvelle. On fait observer à ces honorables membres que cette opinion se produit sous la responsabilité des préopi- nants qui l’ont exprimée, et que, dans tousles cas, la question est assez grave pour qu'on appelle l'examen des expérimentateurs à la confirmer ou à la contredire ultérieurement. Le comité tiendra toujours grand compte de l'affirmation dès à présent bien positive de MM. Ponsard et de Vigneral. Avec ces différents commentaires, qui complètent le résumé de M. Travot, ses conclusions sont adoptées. M. Calemard de la Fayette remarque que le système de primes actuelles et les instructions qu’on engagera les Sociétés à rédiger et à propager feront le plus grand bien dans les pays de culture riche.et avancée, mais dans les pays pauvres et complètement arriérés, les meilleures instructions, les plus sages conseils, ne détermineront jamais le cultivateur sans instruction et sans aisance {et dans les pays en question il n’y a guère que de ceux-là) à aller au loin chercher des re- producteurs qu'il n'a jamais vus et qu'il ne pourrait apprécier que sur parole. Les primes elles-mêmes sont encore bien insuff- santes pour que quelque chose de sérieux se fasse 152 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. dans de telles régions. Jé voudrais donc, dit le même membre, que le Congrès émit pour le pays dont je parle, le vœu que les Sociétés d'agriculture, consa- crassent toutes les allocations qu'elles dépensent en primes ou autrement, à l'achat d'animaux reproduc- teurs qu'elles choisiraient en conformité des races et des besoins locaux, et qu'elles revendraient ensuite aux enchères, sous la condition qu’ils seraient consa- crés à la reproduction. C'est là le seul mode prompt, énergique, efficace, qui puisse permettre d'agir dans les pays de petites exploitations ow toute grande initiative agricole fait défaut. M. Destourbet appuie cette proposition. Le système indiqué est déjà, du reste, appliqué dans le départe- ment qu'il habite. En outre, pour ne pas laisser les animaux d’une localité se multiplier constèmment dans une consanguinité trop intime, qu'on aurait raison de redouter, on a le soin de racheter tous les quatre ou ciuq ans des reproducteurs d’une localité pour les transporter ailleurs, et vice versd. La même pratique devrait être certainement recommandée. Le comité accueille aussi ces propositions, qui de- vront être formulées à la suite des conclusions déjà adoptées. Profitant des quelques minutes qui restent encore à la commission, M. de Straten parle de la rouille des blés comme d'un fait très-considérable et très-général dans la Moselle depuis deux ou trois ans. Depuis ce temps, on s’est beaucoup préoccupé de la cause de cette maladie fâcheuse. Quelques personnes, évoquant des autorités scientifiques recommandables, ont pensé CONGRÈS DES ACADÉMIES. 153 que le voisinage d’un arbuste, de l'épine-vinette, pourrait avoir une influence sur le fait si dommageable de l’invasion générale de la rouille; M. de Straten serait bien aise d'entendre quelques membres du Con- grès opposer leur opinion ou leurs observations, à une supposition qui Jui paraît bien gratuite. M. Bazin produit des observations que lui suggère une expérience personnelle qui date déjà de loin ; dans le voisinage du pays qu'il habite, il y a quinze ou vingt ans la rouille a frappé d’une façon très-persistante sur les récoltes. Il existait aux environs des planta- tions d'épine-vinette. On accusa aussi l’épine-vinette. Mais pendant douze ou quinze ans la rouille a disparu. Elle s'est reproduite cette année; mais après les quinze années où les blés n’ont pas été attaqués, bien que l’épine-vinette n'eùt pas été détruite, personne ne songe à accuser de nouveau cet arbuste de la contagion. L'action de certains brouillards à de certaines pé- riodes de la végétation des blés est certainement, suivant l'honorable membre, la cause de la rouille. Les cultivateurs prétendent même que des brouillards identiques, se produisant à d’autres époques de l’année, et quand la végétation de la pomme de terre est plus particulièrement impressionnable aux atteintes exté- rieures, causent la maladie dont la précieuse solanée est si déplorablement attaquée. M. Bazin ne serait pas éloigné d'admettre dans une certaine mesure la justesse de cette opinion vulgaire. Le Comité s’ajourne à Jeudi matin, pour la conti- tinuation de ses travaux. | Le Secretaire , Ch. CALEMARD DE LA FAYETTE. 154 INSTITUT (DES :PROVINCES (DE FRANCE. SECTION DE. LITTÉRATURE, BEAUX-ARTS ET ARCHÉOLOGIE. SÉANCE DU 24 JANVIER. ( Présidence de M, le comte de Mezzer). Siègent au bureau : MM. le comte de Montlaur; de Vigan ; Duchatellier ; Dubois, dela Loire-Inférieure ; Onésime Leroy; de Bonneuil, secrétaire. L'ordre du jour appelle la continuation de la dis- cussion sur les questions du programme relatives à la formation des paroisses (1). La parole est à M. Isidore Lebrun. L’orateur pense qu'on doit ajouter à ce qu’a dit hier M. Bordeaux, sur les causes de la formation des paroisses, deux mobiles importants : les besoins et les intérêts des populations. Après l'invasion des Gaules, l’idolâtrie céda insensiblement la place au christianisme dont les progrès durent être lents, mais constants , et il est probable qu’à mesure que les po- pulations chrétiennes s’aggloméraient, elles bâtissaient des églises et formaient des paroisses. C'est ainsi que les choses se passaient au dernier siècle et se passent encore parmi les peuplades sauvages du Nouveau- Monde. Dumont d’Urville, en arrivant à Noukaïva, y trouva un prêtre français qui avait converti un certain nombre d'infidèles dont il avait déjà formé une sorte de paroisse ou même de diocèse. Ainsi en a-t-il été dans les Gaules après l'invasion. (4) Voyez ci-dessus, pages 119 à 125. CONGRÈS DÉS ACADÉMIES. 156 M. d'Héricourt combat cette dernière opinion. On ne peut, dit-il, comparer ce qui s’est passé à l’origine de la monarchie française avec ce qui se passe en Amé- rique. Le missionnaire est un homme seul, qui, en- traîné par son zèle et par son dévoüment, va porter la lumière de l’évangile au milieu des peuplades sau- vages du Nouveau-Monde, y consacre ses sueurs et souvent même son sang, les convertit ‘un à un et les groupant en effet autour de lui, finit par composer des paroisses. [l n’a pu en être ainsi aux premiers siècles de notre histoire. Le peuple conquérant avait débordé comme un fleuve au milieu du peuple conquis, et le nouveau: pouvoir devenu chrétien dut faire tous ses efforts pour convertir les populations. Le mouve- mentvint d'en haut et laformation des paroisses dut être l’œuvre du pouvoir ou des grands corps de l'Etat. L'ora- teur pense qu'un grand nombre furent créées sous Charlemagne. Il demande au surplus la division de la 11%. question {voyez cette question , page 120). M. de Caumont pense qu'il a pu y avoir des églises construites très-anciennement, mais que la plupart des paroisses, organisées comme telles, ne remontent pas au-delà du XI°. siècle. . M. Bordeaux demande la parole. Ces questions, dit-1l, sont très-complexes et très-difficiles à résoudre, et ül ve faut pas perdre de vue que le Congrès n’est pas appelé à en donner la solution, mais à les recom- mander à l'étude des académies des provinces, en leur donnant seulement l'indication de quelques-unes des sources où elles pourront puiser les éléments de leurs décisions. M. Bordeaux cite entr'autres un travail pu- blié en 1838, par M. Beugnot, de l’Académie des in- 156 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. scriptions ; dans la Revue française, sur l'origine et les développements des municipalités rurales. Ce mé- moire touchait déjà quelques-unes des questions por- tées sur le programme du Congrès. M. de la Borderie vient aussi de soutenir à l'Ecole des Chartes une thèse sur les #plebes ou paroisses rurales en Bretagne au IX. siècle, et les machtyerns ou princes de paroïsses, officiers propres à la Bretagne. Certains faits histo- riques particuliers à telle ou telle province peuvent fournir des inductions. Ainsi, dans le département de l'Eure, beaucoup de paroisses remontent sans aucun doute au règne de saint Louis , qui avait fait de grandes concessions de forêts à défricher. Les popula- tions y accoururent en foule et ne tardèrent pas à s'organiser en paroisses. C'était, en effet, un principe de notre ancien droit que les forêts n’étaient d'aucune paroisse. Ce n'est qu'en 1789 que l’on a tracé les cir- conscriptions communales au travers des forêts : jus- ques-]là les circonscriptions restaient vagues dans les bois. Des faits d’un autre genre peuvent avoir donné lieu dans d’autres provinces à de semblables forma- tions, qui n’ont pas dû avoir lieu avant les XI°. et XII®. siècles, mais cela n'empêche pas qu’il n’existât des églises sous les Carlovingiens, Ces deux idées se rattachent l’une à l’autre et voilà pourquoi la question 1i1°., quoique complexe, ne paraît pas à l'orateur de- voir être divisée, mais recommandée sous son double point de vue à l'étude des Sociétés de département. D'ailleurs il ne faut pas confondre la fondation des pa- roisses comme Circonscription régulière et hiérarchique, comme centre d’une agglomération communale, avec l'établissement des églises créées de nos jours dans le CONGRÈS DES ACADÉMIES. 157 Nouveau-Monde. L'organisation paroissiale en France telle qu’elle. existait en 1789 , fut contemporaine de la mise en vigueur des dîimes, de l’organisation féodale et des premières formations de communes, M. Dréolle pense contrairement à ce qu’a dit hier M. Bordeaux, qu'aux 1X®., X°. et XI°. siècles, la féo- dalité ne fut pour rien dans la formation des paroisses rurales. Les seigneurs, dit-il, ne sont pas venus avant l'église, mais après. M. Bordeaux répond que ce qu’il a dit repose sur ce fait, que la féodalité a une date certaine. Toute la question est de savoir si elle a plus ou moins influé sur la création des églises. À son avis, cette influence a été considérable : il a existé des abbayes sous les Car- lovingiens, mais il s’en est élevé un bien plus grand nombre sous leurs successeurs. | Il y aurait aussi une autre induction à tirer des droits féodaux et en particulier des dimes. M. de la Bigottière dit que si la question se perd dans la nuit des temps, il croit cependant que la féodalité eut une grande influence sur la formation des. pa- roisses : ainsi, ajoute-t-1l, 1l est certain qu'un grand nombre d’aventuriers et de capitaines venus à la suite de Rollon, voulurent tous avoir droit de collation et firent créer à leur profit un grand nombre d’églises et d'abbayes auxquelles ils nommaient et dont ils per- cevaient les revenus. M. Duchatellier a la parole sur la 13°. question. « Quels secours historiques peut-on tirer des anciennes « chartes? etc. » L'orateur pense que ces recherches seraient aujour- d'hui presqu'impossibles, en Bretagne du moins : la 158 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. plupart de ces titres ayant été détruits, on n'en trouve plus ou presque plus d’antérieurs au XV°. siècle. Ainsi, dit-il, un grand nombre de familles de la Bre- tagne assignent dans les fondations hospitalières ou religieuses qu'elles ont constituées au XV®. siècle, l'impossibilité où elles étaient alors d'établir leurs précédents, par suite de la destruction des chartriers et de la dispersion de leurs titres. Aïnsi en a-t il été pour la fondation de l’église de Locronan, par la fa- mille de Nevet. Un membre fait remarquer qu’à la séance de la veille M. Duchatellier disait, au contraire, que les docu- ments propres à éclairer la question ne sont pas rares, car il invoquait, contre l'opinion de M. Bordeaux, pour prouver que les paroisses rurales étaient complè- tement organisées avant le XI°. siècle, le cartulaire de Quimperlé et le terrier de St.- Pol-de-Léon. On passe à la 14%. question ainsi conçue : « À quelle cause faut-il attribuer la reconstruction de presque toutes les églises rurales, à la fin du « XV®. siècle et au commencement du XVIS. dans « certaines régions de la France? Pourquoi, dans des « campagnes voisines, les églises des XI®. et XII®. « siècles ont-elles été conservées et subsistent-elles « encore ? » M. Dréolle pense que cela tient à l'augmentation de la population, par suite de laquelle les églises se sont trouvées trop petites : il remarque que presque partout le chœur ancien est resté; la nef seule à été recon- struite et probablement agrandie. M. Duchatellier appuie l'opinion de M. Dréolle et cite comme exemple l'église de Pont-l'Abbé, recon- CS CONGRÈS DES ACADÉMIES: 159 struite sur une plus grande échelle, en 148], ce qui est constaté par un acte de fondation. M. Peigné-Delacour dit que, pour le Nord de la France, il y a lieu de croire que les églises ont été bâties en général dans les siècles de paix et de tran- quillité, et qu'on en trouve peu de consiruites pen- dant les invasions des Anglais ou les guerres de reli- gion. Quant aux églises de l'époque carlovingienne, celles qui ont été construites en pierre ont subsiste, mais les autres étant construites en bois sont tombées de vétusté. M. Bordeaux répète, à propos de cette question, ce qu'il a déjà dit pour la précédente, que le Congres ne saurait donner une solution immédiate; il ne peut que fournir aux Sociétés savantes quelques données et en quelque sorte des jalons pour leur indiquer la voie. Ce sont là des questions impossibles à résoudre quaut à présent, faute d'un nombre suffisant de faits acquis, d'observations certaines et positives. Avant d'arriver à la synthèse, à la généralisation , de bâtir un système , il faut observer pied à pied sur le ter- rain lui-même. Le Congrès doit donc recommander aux Sociétés qui s'occupent d'histoire locale, de diriger de ce côté leurs investigations parce que c’est là un terrain neuf, On ne peut faire de découvertes réelles que par un travail analytique, paroisse par paroisse. Les résultats viendront ensuite et découleront de cette statistique. _Revenant à la 14°. question, une circonstance, dit- il, frappe l'attention. Souvent dans un même dépar- tement, vous trouverez à côté les unes des autres, des églises de différentes époques, là des édifices ro- 160 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. mans, là des églises des XV£.et XVI. siècles, réparties en quelque sorte par zônes. Pourquoi cela ? Il peut y avoir plusieurs causes. D'abord le peu de solidité des premières Constructions, un grand nombre devaient ètre en bois; d’autres, quoique élevées en pierre, n'étaient cependant pas solides, ainsi il arrivait très- souvent que les murs n'étaient pas en mortier de chaux. On en trouve la preuve dans les édifices pos- térieurement reconstruiis et qui n'ont pas été refaits en entier ; le mur du Nord est souvent conservé, parce qu'étant moins exposé à la pluie il ne s’est pas détérioré ; le mur du Midi a été seul reconstruit et cela se reconnaît à la différence des fenêtres qu'on y a percées en plus grand nombre et plus larges pour laisser pénétrer plus de jour et de soleil. On remarque aussi que l’ancien chœurest presque toujours resté. On n’a rebâti que la nef, parce que le chœur était à la charge du seigneur ou du gros décimateur qui ne se souciait pas de le détruire pour le reconstruire à ses frais, tandis que la nef était rebâtie par les commu- nautés d'habitants. Une seconde cause de la reconstruction des églises a été peut-être la création des fabriques ou bureaux de marguilliers , ‘vers le XIV®. siècle. L'administration des églises avait changé de main et les nouveaux ad- ministrateurs ont sans doute voulu y faire des change. ments qui ont nécessité une démolition presque com- plète des anciens édifices. L’établisement des fabriques a dù considérablement contribuer à la décadence de l'architecture religieuse. C'était une administration laïque qui se substituait à l’administration cléricale et monastique , et cette sécularisation dut profondément CONGRÈS DES ACADÉMIES. 161 réagir sur l'architecture et la disposition des églises. Il faut aussi tenir compte du grand schisme d'Occident qui fut pour l'Eglise une crise très-grave à traverser, et des désastres causés par l'invasion anglaise, pendant laquelle un grand nombre d’églises furent incendiées ou restèrent sans entretien. Dernière cause enfin, l'accroissement de la population. Il faut remarquer pourtant que la population n’a guères augmenté dans les villages; il en est où elle est restée stationnaire et où cependant l’église a été reconstruite. Il serait donc important de comparer la dimension des églises des XI°. et XII®. siècles , avec l'importance de la po- pulation à cette époque. Aussi la 15°. question est-elle ainsi conçue ; « La dimension des églises rurales n’était-elle pas « calculée sur la population de chaque paroisse à « l’époque où on les bâtissait ? La vérification de ce « fait ne permettrait-elle pas d'en tirer des inductions «_ intéressantes pour l'histoire? » | . M. le président de Mellet ouvre la discussion sur la 16°. question ainsi formulée : « La plupart des familles existantes dans nos vil- « lages ne sont-elles pas encore les mêmes qu'au moyen-âge? {Fixité de la population rurale. Ety- mologie des noms de famille, persistance des usages, « du langage et des costumes locaux.) » À À Le Congrès tombe d'accord que les personnes adon- nées aux recherches d'histoire locale peuvent trouver de ce côté des filons très-curieux à exploiter , et il re- commande cette question aux Sociétés de département comme indiquant des recherches entièrement neuves à faire. 162 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. M. de Straten propose de joindre à la 11°. question un programme détaillé pour lenvoyer aux Sociétés sa- vantes .et.de clore la discussion sur les questions 14, 15 et 16. Cette proposition est adoptée. On passe à la 17. question ainsi conçue : « Quelest le degré d’antiquité des costumes portés « par les paysans en Bretagne et en Normandie, « etc. » M. Bordeaux croit qu’il y aurait de singuliers rap- prochements à faire entre les costumes et le langage de certaines provinces. Quelques costumes bretons ont de l’analogie avec ceux qu’on portait sous Charles VII, d’autres portent encore le sayon gauloïs, d’autres ont conservé le -costume du temps de Louis XI ou celui de l'époque de Louis XIII. Il serait bon d'établir des classifications par époques, et au surplus cettequestion se rattache pour ainsi dire intimement à la 18°. et ne peut guère en être séparée. M. Duchatellier dit qu’on peut consulter à cet égard les monuments de sculpture en bois, les portails des églises et les vitraux. Les costumes qui y sont repré- sentés sont en général ceux de l’époque où ils ont été sculptés où peints. Un autre sujet d'examen serait le costume de certaines parties de la Bretagne qui offrent, quoïiqu'on ‘en ait dit, une certaine analogie avec le costume égyptien. M. d'Héricourt dit qu'on pourrait aussi trouver d'utiles renseignements dans les vieilles poésies, dans les fabliaux, etc. , mais qu’au surplus il faut proposer aux académies des choses praticables et prendre garde de les porter au découragement en leur demandant un travail impossible. Or, la fixation de l'antiquité du costume lui paraît être dans ce cas, il CONGRÈS DES ACADÉMIES. 163 demande donc la suppression de la 17. question, la 169. lui paraissant suffir. | M. Maurenq demande au contraire qu’on y ajoute les mots suivants : …... « et de certains objets mobi- liers et instruments de travail. » M. Duchatellier appuie la proposition de M. Mau- reng, en disant qu'eneffet, s’il y a dans la forme des instruments de travail et dans celle des meubles, quelque chose de ‘particulier qui puisse indiquer des mœurs Spéciales, ilest bon de le constater. La pro- position de M. Maurenq est adoptée. M. Bordeaux est autorisé par le président à lire une note que vient de lui remettre M. Maximilien de Ring, sur la 16°. question relative aux noms de famille :en- core subsistants dans les villages et qui sont les mêmes depuis plusieurs siècles. Voici cette note. « Il y a à Riégel, l’ancienne Rigola des Romains, une famille de potiers sur le terrain de laquelle a été retrouvéun four à poterie romain, avec des empreintes portant exactement le même nom que porte le potier moderne, sauf la terminaison latine. La ville de Rigola fut prise par les Allemands au IV®. siècle, la famille romaine y sera restée, etse sera reproduite “depuis, toujours avec le même métier. Sur le Danube, près de Rietissen, est un moulin à eau, On a trouvé dans le Danube même, une pierre votive à Neptune, avec le mot Molin... Molinator ou Molinarium. Le moulin s’est donc perpétué depuis le XI°. siècle, » Le Secrétaire, Le Ve. pe BONNEUIL. 164 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. SÉANCE GÉNÉRALE DU 24 JANVIER. ( Présidence de M. DarBcay }. Siègent au bureau : MM. de Caumont, président de l'Institut des provinces ; le docteur Bally; le général Rémond ; M®®.]a baronne Cécile de Montaran ; de Stas- sart ; Chennevières , d'Elbeuf, membre du Conseil gé- néral des manufactures ; le vicomte de Cussy. M. Go- mart, secrétaire-général, tient la plume. Le procès-verbal de la séance du 23 janvier est lu et adopté. | . M: de Caumont dépose la correspondance : - Une lettre de M. Quénard accompagne trois bro- chures offertes au Congrès et intitulées : . 19. Le fumier de ferme élevé à sa plus haute puissance de fertilisation et n'étant plus insalubre ; 29. De l'emploi, du dosage et des effets du sel comme ._ amendement des terres arables ; 30, Épitres politiques et nationales de 1848 à 1853 ; On dépose, sur le bureau : Le journal mensuel des travaux de l’Académie nationale ; agricole , manw- facturière et commerciale, XXII®. année, 1852: : Leçons de chimie, par M. Ad. Bobierre ; Les 1°7,, 2,, 3., 4. livraisons, troisième volume du Bulletin archéologique de l'Association bretonne. M. Onésime Leroy fait hommage au Congrès d’une comédie de sa composition intitulée : Les femmes sous Caton le Censeur : M. Du Moncel lit un mémoire sur l'application de Ja pile voltaique. CONGRÈS DES ACADÉMIES. 165 MÉMOIRE DE M. DU MONCEL. Les découvertes qui se sont faites dans les sciences, depuis un demi siècle surtout, ont été si nombreuses et se sont succédé avec une telle rapidité que c’est en quelque sorte une étude que de les suivre dans leur marche progressive. Telle personne qui se trouvait à la hauteur de la science, il y a vingt ou trente ans, est tout étonnée lorqu'elle lit par hasard quelque article scientifique, non-seulement de voir un horizon nou- veau se développer devant elle, mais de retrouver une langue presque nouvelle : c’est surtout dans les sciences chimiques et physiques que la métamorphose est la plus sensible. Mais s’il en est déjà ainsi quand on con- sidère les sciences en elles-mêmes, que devra-t-on dire de leurs applications? Qu’auraient pensé nos pères si on leur avait annoncé, il y a cent ans, que des con- vois entiers de voyageurs et de marchandises seraient transportés avec une vitesse de dix à quinze lieues à l'heure, à travers les entrailles de la terre, au-dessus des vallées, à travers les bras de mer même ; que les pavires pourraient lutter victorieusement contre vent et marée; que l’on pourrait correspondre d’un bout de la terre à l’autre aussi vite que la parole; que la nature se péindrait elle-même sur le papier; que la douleur pourrait être momentanément suspendue ; qu'enfin des villes entières seraient éclairées par la combustion d'une substance invisible? Certes, ils auraient pu taxer de rêveur celui qui leur aurait annoncé toutes ces mer- veilles, et pourtant c'est ce que nous voyons aujour- d’hui. Que ne verrons-nous pas encore? 166 INSTITUT DES. PROVINCES DE FRANCE. Des différentes branches des sciences physiques, l'électricité est.certainement celle qui à fait les progrès les plus rapides et dont les applications utiles ont été les plus. nombreuses. Aujourd'hui c'est. la question scientifique. à l’ordre du jour, et à. l’ardeur avec laquelle on s'en occupe, on dirait qu'il ne s’agit rien moins que: de la découverte de la pierre philosophale. Nous croyons, en. conséquence qu’il n’est pas sans intérêt d'actualité de retracer en quelques mots les différentes applications qu'on en a déjà faites et qu’on pourrait faire encore. Lorsque: nous entendons les: éclats et les roulements du tonnerre, quand nous voyons le ciel sillonné par ces traits de feu que nous n’osons fixer qu'avec un certain effroi, nous avons peine à comprendre qu’un élément aussi ierrible dans ses effets, et que nous croyons: être en quelque sorte le partage exclusif du ciel, puisse se développer à côté de nous dans telle proportion et avec telle intensité qu’il nous convient ; enfin nous nous figurons difficilement que nous puissions disposer de la foudre pour l’asservir à nos besoins et à nos caprices. Pourtant plusieurs moyens sont en notre pouvoir pour faire naître cet élément extraordinaire auquel on a donné le nom d'électricité, le frottement exercé sur certains corps , les réactions chimiques, la chaleur, la pression, la combustion, le fluide vital même et l'acte de la végétation développent de l'électricité, et il ne s’agit que d'opérer avec un plus ou moins grand nombre de ces éléments producteurs pour l'obtenir avec une plus où moins. grande force en plus ou moins grande quantité. CONGRES DES ACADÉMIES, 167 Entre ces différents moyens de produire l'électricité, la pile est celui qui est le plus susceptible d'applications, car aucune force mécanique n’est nécessaire pour son développement. C’est en quelque sorte une source per- manente d'électricité en mouvement que l'on peut ren- dre aussi puissante que l'on veut, puisque comme un foyer calorifique ou lumineux, elle résulte de la com- bustion de certaines substances par voies de réactions chimiques. Les applications que l’on peut faire de l'électricité ainsi développée, sont excessivement: nombreuses et peuvent se rapporter à la mécanique, à la chimie, à la physique , à la médecine. Mais de toutes ces ap- plhications, celles qui ont fourn: jusqu'à présent les résultats les plus importants, sont la télégraphie élec- trique et la galvanoplastie. L'idée de la iélégraphie électrique n'est pas nou- velle. Il y a un siècle environ , un certain Georges- Louis Lesage, français d’origine, agait établi à Ge- nève un modèle de télégraphe qui fonctionnait sous l'influence d'une machine électrique. Mais les nom breux inconvénients quise rattachent à ce mode de production de l'électricité durent faire renoncer à l'établissement en grand de ce système, et, d’ailleurs, les idées du temps n'étaient pas tournées de ce côté. Plusieurs essais infructueux furent encore tentés à la fin du siècle dernier, mais tous les systèmes qui furent alors imaginés, soit qu'ils manifestassent leurs signes par des électromètres, par des traces d’étincelles électriques, par l'inflammätion de substances déton- nantes ou des décharges de bouteilles de Leyde, pé- chaient tous par leur base elle-même. Ce n’est que 168 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. quand les effets de l'électricité dynamique ont été connus, et en particulier l’aimantation temporaire ‘du fer doux sous l'influence du courant électrique, qu’on a pu songer sérieusement à établir en grand la télé- graphie électrique et à abandonner le système ingénieux de l'abbé Chappe. Toutefois, ce n’est guère qu’en 1840, que le problème fut complètement résolu. Plus de 60 physiciens se sont disputé et se disputent encore l’hon- neur de cette découverte. Ce qui est certain, c'est que le premier télégraphe qui a fonctionné d'une manière satisfaisante sur un parcours un peu étendu, est celui que M. Stenheil avait établi à Munich , en 1837, et que la première grande ligne télégraphique a eté établie en Amérique, il y a à peu près 8 ans, par M. Morse. Les télégraphes électriques sont de diverses espèces. Les uns écrivent eux-mêmes la dépêche sur une bande de papier à l’aide de certains signes de convention qui sont des combinaisons de jambages plus ou moins compliqués ; c'est le système des télégraphes amé- ricains, Les autres à l’aide d’une aiguille qui se meut sur un cadran , indiquent successivement au proposé de l'administration chargé de ce soir, les différentes lettres ou les différents signes qui composent la dé- pèche ; ce sont les télégraphes des chemins de fer. D'autres ayant deux aiguilles, dessinent par leurs positions diverses, à l'égard d’une traverse horizontale, les différents signes du télégraphe Chappe: ce sont les télégraphes du gouvernement Français. Dans d’autres lemouvement de l'aiguille sur le cadran estsyncronique et perpétuel à toutes les stations et les signes ne sont indiqués que par l'arrêt momentané de cette aiguille en face de tel ou tel d’entre eux; ce sont les télégraphes CONGRES DES ACADÉMIES. 169 prussiens. D'autres impriment la dépêche sur une bande de papier en caractères d'imprimerie; d’autres l’impri- ment de manière à reproduire l'écriture mêmé de celui qui l'envoie. Enfin d’autres, par l'effet d'une certaine dé- composition chimique qui s'opère instantanément au moment du passage du courant, laissent surune bande de papier recouvert de cyanure de potassium une série de traces bleues dont les diverses combinaïsons représéntent les différents mots de la dépêche. La promptitude de transmission des signes par ce dernier télégraphé, est telle qu'en moins de 10 minutes on aurait transmis et imprimé d’un bout de la terre à l’'autré une page entière d’un de nos journaux poli- tiques. Voilà certes un résultat merveilleux et pourtant les derniers mots n’en sont pas dits ! Une autre application mécanique de l'électricité voltaïque, est l'horlogerie électrique. Elle peut avoir deux buts très-distincts à remplir : d’abord de fournir l'heure indépendamment de tout système d'horloge ordinaire; en second lieu de la distribuer dans 1el nombre d’endroits qu'il convient par l'intermédiaire de cadrans compteurs. J'ai eu l’honneur de présenter l’année dernière un modèle de chacun de ces systèmes. De ces deux buts que l'horlogerie électrique est ap- pelée à remplir , le second est évidemment le plus utile, car on peut concevoir de quelle commodité serait pour une ville comme pour les chemins de fer, et les grands établissements industriels dans lesquels les ateliers sont disséminés , la répartition parfaitement exacte et identique de l’heure, d'après un chronomètre unique. Bien que le problême ait été en partie résolu par plusieurs mécaniciens, et en particulier par M. 8 170 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. Paul Garnier, de Paris, il reste pourtant encore quelque chose à désirer, mais il est évident que, dans un avenir peu éloigné, ce mode de répartition de l'heure sera établi dans les principales villes d'Eu- rope et sur toutes les lignes des chemins de fer. Comme troisième application mécanique de l’électri- cité voltaïque, je signalerai l'usage qu’on peut en faire pour la sonnerie des cloches de signal aux différentes heures où il en est besoin sur les grands travaux ; c'est alors l'horloge qui se charge de faire agir le cou- rant électrique, et celui-ci, en se distribuant sur les dif- férents points des travaux fait à son tour agir des mé- canismes à marteaux qui réalisent l'effet voulu. J'ai installé à la ferme-école de Martinvast une sonnerie de ce genre, qui remplace avantageusement ceux qui étaient chargés de ce soin pour les heures de reprise et de cessation des travaux. Du reste, l'application de l'électricité aux sonnettes est déjà en usage à Paris, et c'est M. Mirand, constructeur { rue du Petit-Pont, n°. 10), quiale plus perfectionné ce genre d'appareils. Pour l'enregistrement des observations météorolo- giques , l'électricité peut être d'un secours immense. M. Wheatstone, en effet, est parvenu dans son enre- gistreyr météorologique, établi à Kiew, à faire écrire par l'électricité de 5 en 5 minutes toutes les observations relatives au baromètre, au thermomètre et au psy- cromètre. Mais de tous les instruments de la physique, le plus ingrat, celui qui exige le plus de dévouement de la part de l'observateur , l'anémomètre, en un mot, avait été oublié, et c'est cet instrument auquel j'ai appliqué l'électricité que j'ai perfectionné à tel point, qu’il fournit, dans le cabinet même de l'observateur , CONGRÈS DES ACADÉMIES. F7! toutes les indications relatives à la direction, à la vitesse, à la durée et aux variations des différents vents. De plus, ces indications peuvent être inscrites par l'instrument pendant huit jours consécutifs sans qu'il soit besoin de s’en occuper. Au bout de ce temps un mécanisme spécial, une espèce de réveil prévient l'observateur que le moment de l'expérience est arrivé et il lui suffit alors de retirer la feuille de papier de dessus l'appareil , d'en remettre une autre et de re- monter le mécanisme, pour mettre l'appareil en état de fournir de nouvelles indications. En jetant alors les yeux sur la feuille qu’on vient d'enlever , on voit non- seulement la récapitulation de toutes les indications précédentes pendant les huit jours, mais on peut les suivre heure par heure, ce qui est un avantage inap- préciable pour l'étude des variations diverses du vent. L'application de l'électricité aux moteurs est la ques- tion quien ce moment est étudiée avec le plus d’ardeur, et on peut le comprendre aisément , si l’on réfléchit de quelle importance serait pour l’industrie un moteur qui pourrait être placé partout où l'on voudrait sans né- cessiter aucuns frais d'installation et sans avoir à faire craindre les dangers d’explosion, qui pourrait avoir sa force augmentée ou diminuée à volonté et qui n’exigerait pas pour son alimentation la présence continuelle d'un homme, comme cela a lieu avec les machines à vapeur. Malheureusement la question n'est pas encore résolue et le principal obstacle qui s'oppose à la solution défi- hitive du problème, est lanon proportionnalité de l'effet produit à la grandeur des éléments physiques, sur lesquels agit la force électro-motrice. Ainsi, dans un électro-moteur fondé sur l'attraction des aimants tem- 172 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. poraires, et ce sont les plus puissants , un aimant qui portera 10 kilog. par exemple, agira presque à la même distance qu'un aimant infiniment plus gros qui por- tera 160 kilog. avec le même élément de force. Or, comme cette distance est infiniment petite et que l’ac- tion diminue dans un rapport beaucoup plus consi- dérable que le carré de cette distance, surtout dans le voisinage du point de contact, il en résulte qu'en dé- finitive la force qui aurait le plus d'action ne peut être utilisée que sur une étendue de 2 millimètres au plus. D'un autre côté, l'accroissement de force par l'augmentation du nombre d'éléments de pile, est loin d'être proportionnel à ce nombre, Mais comme Je l'ai dit dans mon Traité des électro-moteurs et comme on la reconnu depuis, cet inconvénient. peut être jusqu’à un certain point pallié en augmentant la surface du fer des électro-aimants jusqu’à une certaine limite qui dépend du nombre de piles qu'on veut employer et de la grosseur du fil qui les entoure. Un troisième obstacle est celui qui résulte de la création d'un courant d’induction de sens contraire à celui de la pile, quand on ferme le courant. Or, quand on emploie un très-grand nombre d’électro-aimants, ce courant d'induction finit par être tellement fort qu'il paralyse l'effet du courant voltaïque et le moteur ne peut plus marcher. Enfin un quatrième obstacle tient à l’étincelle qui se manifeste à chaque interruption de courant, et qui détruit au bout de peu d’instants, quand le courant est fort, le commutateur qui sert à cette interruption. Ce dernier obstacle peut être vaincu , et j'ai construit un commutateur dans lequel l’étincelle est tellement affaiblie qu'elle ne peut rien détériorer. CONGRÈS DES ACADÉMIES. 173 Daus un grand électro-moteur que je construis en ce moment, j'ai cherché à parer autant que possible aux inconvénients que je viens de signaler : 1. en con struisant mes électro-aimants de manière à présenter à leurs pôles des rebords de fer doux, sur lesquels se porte le magnétisme quand il est développé, et j'ob- tiens par cette disposition une attraction latérale qui est directe et de plus une course plus considérable pour les armatures, si elles sont maintenues à distance. Après avoir été attirées directement par ce rebord, elles se trouvent encore attirées jusqu’à ce que leur ligne axiale coïncide avec celle des pôles de l’électro-aimant ; 2% en faisant mes électro-aimants d’un grand calibre {16 cent. de diamètre, 80 de long et d'un poids de 32 kilog. }, et n’en employant qu'un petit nombre ; 3°.en n’enroulant sur ces électro-aimants que du gros fil (de 4 mill.}); 4°. en me servant d’un commutateur qui, au moment de la fermeture et de l'interruption du courant, fasse dériver ce courant à travers la pile. De cette manière l'étincelle ne résulte que d’un courant dérivé, et par le même effet, le courant d'induction si contraire qui se produit se trouve affaibli. Ainsi donc pour des forces considérables le problème des électro-moteurs n’est pas encore complètement résolu. Pour de petites , au contraire, telles que celles dont on a besoin pour beaucoup de petites industries, telles que la passementerie , la bijouterie, etc., etc. , les électro-moteurs peuvent être avantageusement employés, ainsi j'ai construit un petit modèle d’électro- moteur, qui, malgré les mauvaises conditions de son établissement, peut en 1 heure, et avec deux éléments de piles seulement , recouvrir de soie 90 mètres de fil ]74 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. de cuivre dont on se sert pour les expériences d’élec- tricité. Il parait même que M. Froment a construit des moteurs avec lesquels il peut tourner les métaux sous de petits calibres. Quant à leur système, ces moteurs sont extrêmement variés et pour mon compte personnel j'en ait fait con— struire quatre dont le principe moteur est complè- tement différent. | Si l'application de Ja force électro-motrice aux loco- motives des chemins de fer est encore douteuse, il n’en est pas de même de son emploi comme venant en aide aux locomotives existantes, et voici comment : il arrive souvent, et c'est même là le grand obstacle pour remonter les pentes, que le frottement des roues de ces locomotives contre les rails n’est pas suffisant pour vaincre la résistance apportée par le convoi, les roues, motrices de la locomotive, tournent alors sur les rails et ne peuvent faire avancer la machine. M. Nicklès et deux autres physiciens qui se sont joints à lui, ont eu l’heureuse idée d'augmenter cette adhé- rence par l’aimantation des roues. Des expériences ont déjà été faites sur le chemin de fer de Lyon, et il est probable qu'avant peu on pourra remonter facile- ment les pentes avec des locomotives munies de ce système d’adhérence. Enfin pour terminer avec les applications méca- niques de l'électricité, je signalerai une charmante machine à diviser, mue par l'électricité, imaginée par M. Froment; un appareil régulateur pour la chaleur que je fais construire en ce moment, un appareil de M. Fay, pour soustraire les pendules astronomiques aux diverses influences perturbatrices, les chronoscopes CONGRES DES ACADÉMIES. 179 et quelques autres appareils pour la détermination de la différence de longitude, pour l'étude des ouragans et pour les observations astronomiques, enfin pour la mesure de la vitesse des projectiles. Applications chimiques. —Il n'est persanne qui ne connaisse les dorures et les argentures d'après le procédé Ruoltz ; mais ce qui est beaucoup moins connu, c'est que de même qu'on peut par l'influence du courant électrique superposer les métaux les uns sur les autres , de même on peut leur superposer des oxides métalliques qui les rendent inaltérables à l’ac- tion de l’air et de l'humidité, or, cet avantage est très-- grand, puisqu'il peut avoir une application directe pour le doublage des vaisseaux. Au point de vue hu- manitaire , la découverte de la dorure électro-chimique est d’une importance immense. On sait, en effet, que pour dorer, d’après les anciens procédés, il fallait dis- soudre l'or daus le mercure, puis faire évaporer ce métal ; or, l'emploi du mercure est tellement préjudi- ciable à la santé que peu d'ouvriers doreurs pouvaient vivre après dix années de ce genre de métier. Aujour- d'hui À» n’en est plus ainsi et le procédé est si simple que chacun peut dorer, cuivrer, argenter, bronzer, etc. Un autre avantage de la galvano-plastie, car c’est ainsi qu'on appelle la méthode de superposition des métaux par voie de réactions électro-chimiques, c’est qu'on peut faire déposer le métal qu’on veut super- poser en couche aussi épaisse qu’on le désire. Ce n’est qu'une question de temps et de durée de l’action élec- trique. Il en résulte qu'on a pu obtenir de la véritable plastique, c’est-à-dire des sculptures en cuivre ou en bronze, en or ou en argent, pouvant avoir tout le re- 176 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. hief désirable, surtout depuis l'invention des moules en guila percha,au moyen desquels on évite les pièces rapportées. On comprend, en effet, que de pareils moules, pouvant se plier et se détirer à volonté comme de la gomme élastique, on peut sans aucun préjudice ni pour le moule lui-même ni pour l'objet moulé, re- tirer celui-ci, quelques reliefs qu'il présente. C’est ainsi qu'on fait maintenant à Paris des vases sculptés, des meubles à bas-reliefs bronzés,des statues, des plaques de cuivre parfaitement planes pour les graveurs en taille- douce. I] serait bien difficile de prévoir toutes les ap- plications qu'on pourra faire de la galvano-plastie. C’est, sans contredit, l’une des découvertes qui a le plus d'avenir, Non-seulement on est parvenu à obtenir des contre-épreuves , des planches daguéréotypes et des planches gravées au burin, mais on à pu même, par ce simple procédé, graver des planches dagué- riennes, Si bien qu'au bas d’une gravure ainsi ob- tenue on lisait : Dessiné par la lumière et gravé par l'électricité. On peut aussi dorer, argenter, cuivrer, bronzer des statuettes de plâtre, Il suffit pour cela de les tremper dans de la cire fondue et de les saupou- drer.de plombagine pour les rendre conductrices de l'électricité. | Comme agent chimique de décomposition, le courant voltaïque offre des ressources et une puissance d’action qu'on chercherait vainement ailleurs. C'est par ce moyen que le célèbre Davy est parvenu à décomposer la potasse, la soude, la baryte, en un mot les bases salifiables qui jusque-là avaient été considérées comme corps simples. Applications physiques. — Tout le monde a pu voir CONGRÈS DES ACADÉMIES. 177 soit aux cours de physique de la Sorbonne et du collége de France, soit aux soirées de M. Archereau et de M. Jules Dubosc, la lumière électrique , et apprécier la chaleur intense que peut fournir le courant voltaique. Malheureusement la production de l'électricité est en- - core aujourd'hui tellement dispendieuse qu’on ne peut . penser à l’employer comme source de lumière pour l'éclairage public, et encore moius pour l'éclairage habituel des particuliers. Dans le moment actuel, l'application la plus importante de la lumière élec- trique serait donc pour l'éclairage des phares, dont la lumière s’apercevrait d'infiniment plus loin, pour la navigation de mer et de rivière, ce qui permettrait de naviguer pendant la nuit dans les endroits dange- reux, et d'aborder à toute heure dans les ports les plus difficiles d'entrée spour la défense des places assiégées, en inquiétant les travaux nocturnes des assiégeants;pour les travaux sous-marins ; enfin pour remplacer dans les expériences publiques de physique le soleil qui manque souvent au moment même où l’on en a besoin. Depuis la représentation de la lampe merveilleuse jusqu’à celle du prophète, de la filleule des fées, nous avons tous vu l'application qu'on peut faire de cettelu- mière pour les décors et les effets théâtrals ; mais on pourrait encore l’employer pour l'éclairage de la salle elle-même, etc'est, dit-on, ce que l’on va faire pour une nouvelle salle qu'on construit actuellement à Paris. Les effets calorifiques du courant voltaïque ont déjà êté utilisés avec un grand succès pour l'explosion des mines, Comme l'humidité n'est pas un obstacle à la transmission du courant, on conçoit combienil devient facile et peu dangereux de mettre le feu aux mines 178 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. même dans les travaux sous-marins. L'artillerie pour- rait également tirer parti de ces effets pour les brûlots et même pour faire des décharges spontanées de toutes les pièces d'une batterie; mais elle n’a pas encore fait d'essais à cet égard.Espéronsque l'artillerie française ne se laissera pas devancer en cela par les autres rations. Applications médicales. — L'électricité, quoi qu'ou en ait dit dans un temps, joue un très-grand rôle dans le phénomène de la vie. Déjà, à la fin du siècle der- nier, Galvani l'avait pressenti, puisqu'en faisant des expériences-électriques dans le voisinage de grenouilles mortes et dépouillées, il avait remarqué certaines surexcitations musculaires sur les membres de ces animaux. Un physicien a mis dernièrement ce fait hors de doute en faisant une pile électrique avecdes muscles d'animaux récemment morts. On peut donc, en quel= que sorte, préjuger que le mouvement et la sensibilité tiennent en quelque chose à l'électricité qui est deve- loppée sans cesse en nous par l’action vitale. Par con- séquent, il est facile de concevoir que l'électricité fournie par nos machines doit agir d'une manière plus ou moins forte sur notre organisation! et c'est,en effet, ce dont tout le monde a pu se convaincre. La médecine a donc tiré parti des réactions de ce fluide , et l’a ap- pliqué d’une manière souvent avantageuse dans plu- sieurs maladies, particulièrement dans celles ou les muscles et les nerfs ont besoin d'être surexcités, comme dans les paralysies. Pour ce genre d'application de l'électricité, la pile électrique est venue fournir un secours merveilleux. Au moyen des appareils d'induction , les commotions de l’électricité statique n’ont plus eu rien de dan- CONGRÈS DES ACADÉMIES. 179 gereux, et en agissant d’une manière soutenue, elles ont pu produire un effet réel sur l’organisation. Les appareils électro-médicaux sont de plusieurs genres, mais ils résultent pour la plupart des courants d'induction créés sous l'influence des courants vol- taïques. Les uns, comme la machine de Clarke, celles de MM. Duchène et Breton frères, sont fondés sur les réactions électriques des ‘aimants; les autres, comme les appareils de Masson, de Rumkorff, de Delarive, nécessitent l'intervention directe de la pile. Enfin d’autres consistent tout simplement dans une: chaîne métallique qui constitue à elle seule la pile et le cou- rant, Parmi ces derniers appareils, les chaines du docteur Pulfer-Macher jouissent de la plus grande renommée. Ordinairement tous ces appareils ont des régulateurs pour graduer, suivant le jugement du médecin , l'intensité des commotions. Comme on peut en juger par ce simple énoncé des applications de la pile, aucune découverte n’a été plus fertile en effets utiles et merveilleux, et pourtant nous ne sommes qu'au commencement. N'est-ce pas le cas de dire , comme je l’ai déjà fait en commençant : que ne verrons-nous pas encore ? | Après avoir ainsi rendu compte des applications de l'électricité voltaique, M. Du Moncel a décrit et expliqué différents appareils qu'il avait fait dresser dans Ja salle et qui ont parfaitement fonctionné, Pour qu’on puisse plus facilement en comprendre le jeu, M. Du. Moncel avait fait apporter un énorme électro-aimant portant avec un seul élément de pile 160 kilog., et à l’aide de cet électro-aimant, il à pu 180 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. expliquer l’aimantation temporaire du fer doux sous l'inflence du courant électrique , et la formation des courants d'induction. Cet électro-aimant, nous devons le dire en passant, n'a pas la forme des autres ai- mants; il ne porte pas de bobine, et l'extrémité de chaque cylindre porte un rebord de fer qui joue un rôle important dans les applications de la force électro- magnétique aux moteurs. 100 mètres de fil de 4 milli- mètres de diamètre, et un fer dont les branches ont 30 centimètres de long sur 10 de diamètre {fer creux), suffisent avec cette disposition pour arriver à l’étonnant résultat que nous avons signalé. | L’anémographe se compose de deux appareils , l’un que l'on place sur le haut d'un toit, d’une montagne, ou sur un lieu élevé quelconque et qui ne demande jamais à être consulté; l’autre qui se place dans le cabinet de l'observateur, enregistre les observations pendant huit jours consécutifs. Comme cet instrument a êté décrit dans les mémoires de l’Institut et la plupart des journaux, une description détaillée devient inutile. Un autre appareil fort ingénieux, dû à l'imagination inventive de M. Jules Mirand (rue du Petit-Pont, 10), est un système de sonnerie électrique télégraphique qui peut suppléer avec beaucoup d'avantages aux sonnettes, aux cordons acoustiques, etc. Avec ce genre d'appareil, on peut non-seulement mettre en mouvement la sonuerie et lui faire exprimer par des combinaisons particulières de sons les différents signes dont on a besoin, mais encore on peut faire en sorte que l'on sache le lieu d'où l’on a sonné et prévenir que l'appel a été entendu et compris. Si donc l’élé- vation du prix des sonnettes électriques, compara- CONGRES DES ACADÉMIES. 181 tivement aux sonnettes ordinaires, leur donnent un désavantage sur celle-ci, ce désavantage est bien vite compensé par l'économie des frais de l'installation et des réparations qui sont fréquentes et fort dispen- dieuses avec les sonnettes ordinaires. M. Du Moncel a démontré ensuite comment M. Nicklès était parvenu à appliquer l'électricité aux roues des locomotives pour en augmenter l'adhérence avec les rails. Ces roues étant en fer, forment chacune comme une espèce de tabatière dont les deux cou- vercles sont isolés l'un de l’autre par une coupure transversale, et c’est dans l’intérieur de cette taba- tière, qui joue le rôle d’un électro-aimant à une branche dont les deux rebords sont en fer, que se trouve l’hélice métallique qui leur donne l'aimantation par la circulation du courant. Enfin le quatrième appareil présenté par M. Du Moncel était un petit modèle d’électro-moteur d'une puissance considérable, qu’il a appliqué à la marche d’un appareil propre à recouvrir de coton ou de soie le fil de, cuivre dont on se sert pour les expériences d'électricité. Ce petit moteur peut ainsi recouvrir en une heure 90 mètres de fil. C’est sur le principe de ce moteur qu'est exécuté en grand celui que M. Du Moncel fait construire en ce moment et qui ne pèse pas.moins de 500 kilog. Le temps ayant manqué pour que M. Du Moncel puisse achever sa communication, la suite est renvoyée à une prochaine séance. Après avoir donné la description des instruments précédents, M. Th. Du Moncel a fait connaître un 182 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. nouvel appareil d'induction que M. Paul de Vigand a fait construire et sur lequel il avait présenté un: mémoire au Congrès. Le but de cet appareil est de fournir des courants d'induction de pile qui soient régularisés et qui puissent, par conséquent, agir comme des cou- rants de tension. À cet effet, un commutateur à ren- versement de pôles a été adapté à l'axe de l’interrup- teur du courant qui, comme dans l'appareil de M. Le Breton, consiste dans un tourniquet électro-magné- tique portant un disque garni de parties conductrices et non-conductrices. Bien que l'idée de cette régulart- sation des courants ne soit pas neuve,puisque, dans la plupart des machines de Clarke , les courants enduits sont régularisés et que les commutateurs à renverse- meut de pôles sont employés depuis bien long-temps, il y a pourtant dans la disposition de tout l'appareil des combinaisons fort ingénieuses qui témoignent de toute la valeur scientifique de son auteur. MONSIEUR LB PRÉSIDENT, . Dans le compte-rendu de la séance de l’Institut qui a eu lieu le 11 mai 1852, il a été fait seulement mention du titre du mémoire que j'avais eu l’honneur de remettre à M. Becquerel et que celui-ci a eu la bonté de déposer au secrétariat de l'Institut. Désirant y donner plus de publicité, et priant mon frère de vous le faire connaître, je le reproduis tel que je l'ai fait. MONSIEUR LE SECRÉTAIRE, J'ai l'honneur de m'adresser à vous pour vous parler d'une petite découverte que j'ai faite en électricité, CONGRÈS DES ACADÉMIES. 183 afin d’avoir la priorité en cas que personne avant moi ne l’ait faite. Elle consiste à forcer le courant induit par un courant galvanique à circuler toujours dans le même sens, de manière à pouvoir décomposer l’eau comme Je fait le courant galvanique lui-même, quand il est assez intense. Le courant induit n'existe, comme on le sait, qu'au moment même de l'interruption ou du rétablissement du courant galvanique, ou, ce qui est la même chose, du courant inducteur. Son sens n'est pas le même dans ces deux existences. Si on veut tirer parti du courant induit dans des applications aux arts, où l'on est obligé d'employer plusieurs couples galvaniques , et surtout dans celles en mé- decine, où l’on a besoin d’un appareil électrique très-portatif, il est évident qu'il faut que son sens soit toujours le même. C’est ce à quoi on arrive avec mon commutateur, qui constitue la découverte que je viens de mentionner. Avant d'en donner la description, j'ai besoin de parler d'un appareil électro-médical de MM. Breton frères, parce que sa forme très-simple et très-élégante et surtout son ingénieux système pour produire des interruptions réitérées dans le courant galvanique, m'ont suggéré l'idée de mon commutateur. Les figures nombreuses qui accompagnent la suite de cette notice n’ont pas permis de la publier, ces figures étant indispeusables pour l'intelligence du mémoire. Toutes ces expériences curieuses sont successivement expliquées, avec la plus grande lucidité, par M. Du Moncel. 184 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. M. le président adresse , au nom du Congrès , à M. Du Moncel, des remerciments pour les communications si intéressantes qu'il vient de lui faire et dont l’appli- cation démontrera chaque jour l'importance. M. Van der Straten lit, au nom de M. Le Flaguais, de Caen, une pièce de vers adressée à M€, la baronne Cécile de Montaran, qui font le plus grand plaisir et sont vivement applaudis. La séance est levée à 5 heures 172. L'un des secretaires-généraux, Ch. Gomarr. SECTION D’AGRICULTURE. SÉANCE DU 25 JANVIER. (Présidence de M. ne Monissure ) Sont au bureau : MM. de Renneville, de Vigneral, Monnier, Charles Calemard de la Fayette, secrétaire. Comme complément de l'étude de la question des races ovines, M. de Renneville a rédigé la note sui- vante dont le secrétaire donne communication : NOTE DE M. DE RENNEVILLE. Il résulte de l'enquête qui a été faite dans le sein de la section sur l’état des races ovines en France : le. Que la substitution de la race mérinos aux races indigènes s'est généralisée dans, un certain nombre dé départements ; CONGRÈS DES ACADÉMIES. 185 2°. Que l’abaissement du prix des toisons, provoqué par l'introduction des laines étrangères, a fait re- courir à l'élévation de la taille et à l'amélioration des formes, afin de trouver un autre bénéfice dans la production de la viande; 3°, Que l’exhaussement de la taille a amené une plus grande longueur du brin de laine, et moins de finesse ; mais ce genre de laine étant recherché par l’industrie, et étant devenu nécessaire pour alimenter les nombreuses filatures de laine peignée qui se sont élevées dans la région occidentale, et les troupeaux mérinos de cette catégorie s'étant propagés dans les départements de l'Oise, de l'Aisne, de la Somme, de la Marne, de Seine-et-Oise, dans la Beauce et la Brie, sous l'influence du troupeau central de Rambouillet , le produit de cette espèce de laine est une des bran- ches de notre agriculture qui ne souffre pas autant de la concurrence étrangère, et qui est devenue in- dispensable à la fabrication des nombreux articles de goût dans lesquels la laine est employée avec la soie. La section a émis le vœu que cet état ne soit pas modifié par des croisements imprudents. Il n'en est pas de même des cantons où les anciennes races indigènes se sont maintenues, grâce à leur sobriété et à raison du peu de soin que les cultivateurs prennent des troupeaux. C'est, de l'avis de tous les cultivateurs expérimentés, par un croi- sement judicieux qu'il faut les améliorer. Ceux qui ont essayé d'arriver de prime-abord aux grandes et hautes races anglaises, ont mal réussi. — C’est un contre-sens évident de vouloir faire vivre des animaux de haute taille sur des pâturages dont l'herbe 186 INSTITUT DÈS PROVINCES DE FRANCE. est rare et courte. Il faut y conserver les brebis du paÿs et leur donner des béliers de race aricienne, de taille moyenne et provenus de pays peu fertiles. — Plusieurs cultivateurs, membres du Congrès, ont pratiqué des croisements avec les béliers Southsdown et le succès à répondu à leurs prévisions. Dès le premier degré, les animaux ont gagné en poids, en faculté d'engraisser jeunes, et les toisons offrent une laine plus égale et plus fournie. Elle est recherchée en Picardie pour la bonneterie. — L'impulsion est maintenant donnée à notre agriculture sur ce point important, et les comices agricoles l’encouragent par des primes qu'ils distribuent dans leurs concours. La section exprime le vœu que chaque comice, après avoir étudié les besoins particuliers de sa circonscription, publie, en les réitérant fréquemment, des instructions courtes et pratiques sur la tenue des troupeaux, le genre d'amélioration dont ils sont susceptibles, sur la nature de laine que demandent les manufactures du pays, sur le traitement des maladies dominantes dans la contrée, et qu'il est presque toujours facile de combattre par le régime. Ils devront s’efforcer de créer, au centre de quelques cantons dont le sol et la culture sont analogues, des sous-races dont les types reproducteurs , en se ré- pandant dans une contrée, v accumulent une pro- duction en laine assez considérable pour y attirer les fabricants. On sait que les lots de quelques toisons, même améliorées , se vendent mal, parce que les marchands ne trouvent pas à en acquérir une masse suffisante pour satisfaire une commande. Il est un autre point sur lequel le Congrès appelle CONGRÈS DÉS ACADÉMIES. 187 l'attention des comices : c’est la difficulté de se pro- curer de bons bergers. Il est devenu partout fort difficile de trouver des serviteurs probes et intelligents. Un mauvais labou- reur peut se remplacer en toutes saisons ; il n'en est pas de même d’un berger. Ils ne se louent ordinaire- ment qu'à l'époque de la Toussaint. Si l'on n’a qu'un mauvais berger, on est souvent forcé de le garder un temps suffisant pour que la perte du troupeau soit consommée. Comment remédier à d'aussi graves dangers? C'est en créant, dans chaque circonscription d’un ou deux eomices, une école de jeunes bergers. Une école de ce genre se compose de trois ou quatre enfants annonçant du goût pour cette profession ; placés sous la direction d’un bon berger en ce qui tient à la conduite des troupeaux, mais élevés par les soins d'un maître religieux qui les tient éloignés des enfants de leur âge que la corruption des mœurs a pervertis, on parvient aisément à former des élèves capables de soigner des troupeaux suivant les prin- cipes d'une bonne administration, exempts des pré- jugés de la routine, servant leurs maîtres avec cette fidélité et ce dévouement que l’on ne trouve plus que là où la religion préside à l'éducation et aux actes ordinaires de la vie. L'auteur de cette note a créé une école de ce genre, composée d'orphelins. | M. le président appelle la discussion sur la question de l'amélioration de la race bovine. M. Denis pense que l'espèce d'enquête demandée est bien difficile, Il regrette l'absence de M. Jamet 188 INSTITUT. DES PROVINCES DE FRANCE. qui a saisi le Congrès du sujet en discussion. En ce qui concerne les pays qu’il connaît particulièrement, il a des faits bien divers à constater. Dans la Mayenne, des croisements pour des tau- reaux de Durham ont été tentés, et il en est résulté de bons produits. La race mansaelle, qui était du reste en progrès, s’est bien trouvée de l'intervention des races anglaises. Mais il faut cependant tenir grand compte de ce que les bœufs de Durham ont peu ou point d'aptitude au travail. Cette race est mauvaise laitière; et ces deux inconvénients doivent engager à procéder par elle avec beaucoup de mesure. M. de Vigneral croit qu'avant de diseuter les mérites des races, il est bon de constater l’état des choses dans chaque localité. Pour la Normandie, il faut admettre une distinction très-caractérisée entre les pays de gras et riches pâturages, tels que le Cotentin, et la région calcaire de la Normandie qui est loin d’être aussi favorisée. Dans le Cotentin, la race est faite, et si la perfection n'existe jamais en pareille matière, elle répond néan- moins suffisamment à tous les besoins, pour qu'en confinuant à progresser vers le mieux, comme elle l'a fait depuis long-temps , elle puisse rester la rivale, et la rivale heureuse des races anglaises. Dans les régions moins riches, les croisements par la race Durham ont été couronnés du plus beau succès, soit pour la production de la viande, soit pour la production du lait. Il est important, en effet, de remarquer qu’il y a deux variétés dans la race Durham. L'une très-re- commandable par son aptitude à l’engraissement, CONGRÈS DES. ACADÉMIES, 189 l’autre bonne aussi pour la boucherie, maïs en méme temps remarquable ‘par ses qualités laitières (1). Beaucoup de cultivateurs ont été déçus dans leurs essais et ont décrié les croisements anglais, parce qu’ils n’ont pas su faire cette distinction et s'adresser à la variété qui eût répondu à leurs espérances. Quel avantage n'est-ce pas, cependant , quand une jeune vache n’a pas réalisé ce qu’on attendait d'elle pour la production du lait, de pouvoir s'en défaire immédiatement pour la boucherie, sans dépense d’engraissement et sans perte de temps aucun. Ces avantages sont du reste déjà bien appréciés en beaucoup d’endroits. Aux concours du Havre et de Dieppe, M. de Vigneral a pu admirer un choix magnifique et nombreux de metis anglo-normands qui seuls ont mérité et obtenu tous les prix. Les mêmes résultats paraissent devoir se produire dans les environs de Neufchâtel, où les croisements anglais se multiplient. Dans la Somme, la culture est arriérée, les pâtu- rages sont maigres et infertiles. La rate bovine est ap- pauvrie et défectueuse, et ne répond à aucun besoin. Elle n’est ni laitière, ni de facile engraissement. Là, comme dans certaines parties de la Picardie, M. de Vigneral ne conseillerait pas partout le Durham ; le Devon serait peut-être préférable. Qu'on ne croie pas du reste que les races pures (1) 750 expériences, faites en présence de M. Guesnon et par linitiative du Gouvernement, ont démontré la constante supériorité, même comme laitières, de vaches metis de Durham sur les autres races, les cotentines exceptées toutefois, 190 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. soient plus difficiles à nourrir que les animaux de race française. C’est tout le contraire qu'il faut dire. — Les bêtes d’une meilleure conformation bénéficient bien mieux d’une même quantité d'alimentation. Ainsi il semble établi qu'avec une sage réserve nous pouvons gagner beaucoup de temps et éviter beaucoup de frais, en améliorant nos produits par les belles races que l’Angleterre est parvenue à créer. M. de Chezy demande à M. de Vigneral si la dis- tinction qu’il a faite d’une race laitière et d’une race d'engrais dans les Durham, constate un fait acci- dentel, ou un résultat fixé définitivement. M. de Vigneral répond que, par les provenances généalogiques , les deux variétés sont désormais bien fixées et distinctes. Un membre établit que dans toutes les races ces faits sont déjà reconnus ; qu’il y a dans toute race des sujets plus ou moins doués de l’aptitude laitière. M. de Chezy pense que les qualités lactifères ou d'engraissement prévues, sont plus accidentelles et moins fixées que ne croit M. de Vigneral. M. Travot croit qu'il y a des races indigènes qui généralement conviennent aux localités où elles vi- vent et s'adaptent aux conditions d'alimentation aux- quelles elles sont soumises. Il estime donc qu'avant d'aborder le métissage par des races étrangères, il faudrait essayer d'améliorer par les races elles-mêmes, ou par des sujets ayant de l’analogie avec elles. La Société d'agriculture d'Avranches a commencé par pousser à l'amélioration dañs ce sens; et il y a eu de beaux succès. On essaie aujourd’hui les Durham, mais les résultats ne sont point encore suffisamment CONGRÈS DES ACADÉMIES, 191 vérifiés , les essais sont trop récents pour qu'on puisse dès à présent conclure. Il paraît d’ailleurs à M. Travot qu'il y aurait souvent de grands inconvénients à faire prédominer une des facultés de travail, de lait ou d’engraissement au détriment des autres. Aussi faut-il mettre la plus grande réserve dans la substitution complète ou partielle d'une race à une autre, surtout quand les animaux indigènes présentent un ensemble de qualités susceptibles d'être heureusement déve- loppées par des améliorations en-dedans. M. Maurenq pense que, dans les pays de grande et riche culture, on a été naturellement amené à re- chercher surtout la faculté prévue d'engraissement. Mais dans les pays où le travail est la première condition, des tendances trop prononcées vers un seul but, auraient de grands inconvénients et pré- pareraient au cultivateur des déceptions cruelles. M. Duchatellier appuie ces observations. En Bretagne, on a depuis long-temps essayé les améliorations par des races étrangères. Les races locales, bien traitées, ont toujours eu des avantages marqués. Les produits des croisements dans les concours ont été très-sévèrement jugés. M. Calemard de la Fayette conclut de toutes les observations qui viennent d'être produites et qui toutes semblent parfaitement fondées, eu égard aux localités qu'elles concernent, qu’une enquête détaillée, telle que celle qui se fait en ce moment, était indis- pensable, et qu'il ne faut pas songer à formuler des conseils généraux et absolus en une pareille question. Chaque pays a ses besoins, et doit par conséquent chercher par des moyens divers à y satisfaire. 192 INSTITUT DES PROVINOES DE FRANCE. Dans la Haute-Loire, dit-il, il y à trois races très-distinctes : la race de Salers, qui vient du Cantal, celle du Mezem, qui provient des montagnes de ce nom, entre l'Ardèche et la Haute-Loire, et la race d'Aubrac. On trouverait surtout dans la race du Mezem des sujets très-propres à l’engraissement précoce, si les exigences de la culture, dont tonus les travaux se font par les bœufs, ne forçaient à garder les animaux jusqu’à l’âge de sept, huit et dix ans. époque où ils sont d’un engraissement beaucoup plus difficile et plus lent. Mais les nécessités du travail dominent avant tout. Il y a donc à ménager plusieurs grands intérêts à la fois; à se montrer très-réservé, comme le veulent MM. Travot, Maurenq et Duchatellier, dans l’im- pulsion qu’on voudrait donner vers les races étrangères. Quant à l’idée indiquée par quelques membres, dè conseiller au cultivateur d'élever simultanément deux races, l’une d'engrais, l’autre de travail, cela est impraticable dans les pays de petite et pauvre culture, et ne peut se faire qu'exceptionnellement dans les grandes exploitations. M. de Renneville demande si l’on a essayé de croiser la race bretonne avec celle d’Ayr, dont il espère beaucoup. M. Duchatellier ne peut donner de renseignements sur ce fait. Il affirme que c’est la race bretonne qui améliore les autres, au lieu d’avoir à se faire améliorer. M. Maurenq pense que les vaches bretonnes sont précieuses eu égard aux frais minimes d'entretien. Que si on voulait les voir prendre plus de taille, il faudrait les nourrir davantage, et cela coùterait plus CONGRÈS DES ACADÉMIES. 193 vher.— Elles conviennent donc parfaitement aux pays peu riches et rendent les plus précieux services de toute nature. M. le président conclut qu’il semble résulter de la discussion que dans les pays d'engrais, les races anglaises ont obtenu de beaux succès, et qu’il les faut conseiller pour ces pays. Mais qu'ailleurs, là où il faut du travail et du lait, plus encore que de la viande, 1l y aurait lieu d’en- courager les essais d'amélioration en-dedans, l’amé- horation des races par elles-mêmes. M. Travot ne veut pas qu'on soit aussi absolu. Il repousse le Durham, mais pour certains pays riches. Et s’il accepte des tentatives de croisements étrangers, c'est avec une extrême réserve. M. de Vigneral croit que dans les races anglaises en général on peut trouver d'excellents sujets, bien doués de facultés lactifères ; que d’autres peuvent aussi répondre aux besoins du travail, et que leur supério- rité pour la production précoce et rapide de la viande et de la graisse est inestimable. M. de Vigneral, sur une observation de M. Travot, soutient que la viande des Durham est de très-bonne qualité, et tellement recherchée que les producteurs n’en sont jamais embarrassés. M. de Straten-Ponthaud renseigne la Commission sur ce qui se pratique dans le département de la Moselle. Il annonce que dans ce département on repousse aujourd’hui les Darham qui ont été très-insuffisamment expérimentés et seulement par deux ou trois éleveurs dont l’échec a suffi pour discréditer les croisements anglais. L'honorable membre pense cependant que la 9 194 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. Moselle conviendrait parfaitement à ces races d'engrais, Mais on n'apporte à ces tentatives ni la patience, ni la suite qui seraient indispensables. M. Monnier, président de la Société d'agriculture de la Meurthe, pense qu'il est difficile de préciser dans une question si complexe. Ce qu'il peut dire au Congrès, c’est que, dans le département qu'il babite, aux derniers concours, on n’a eu de sujets dignes d’être primés que des métis Durham. Sur une question de M. Travot, M. Monnier dit que les travaux agricoles se font à l'exclusion des bœufs dans les régions dont il parle. M. Travot prend acte de cette énonciation. M. de Chezy parle des procédés défectueux employés pour la propagation des animaux reproducteurs. Il voudrait que les ventes aux enchères se fissent sans l'intervention du Gouvernement qui finit par créer une valeur factice aux animaux vendus. Une subven- tion de 500 fr. une fois faite, contribue à porter très-haut le prix d'achat des étalons provenant des bergeries de l'État, et cette subvention ne se renou- velant qu'à de longs intervalles, ne pérmet pas de remplacer les animaux hors de service et de continuer fructueusement les expériences. M. Travot parle de certains cultivateurs très-dis- tingués des environs de Neufchâtel qui repoussent les Durham, et oppose leur opinion à ce qu’a dit M. de Vigneral, de la convenance des races de Durham dans ces régions. M. de Vigneral parle d'une expérience qui se fait entre lui et l’un des cultivateurs, l’un de ceux préci- sément auxquels M. Travot fait allusion. Cet agronome, \ CONGRÈS DES ACADÉMIES. 195 M. Mabire, et M. de Vigneral, chacun de leur côté, doivent présenter au concours d'Avranches, en 1854, l'un un animal croisé anglais, et l’autre un bœuf cotentin pur. Ces messieurs doivent maintenir les deux sujets aux rations ordinaires de leurs fermes, et le résultat, que M. de Vigneral croit devoir être assurément favorable à ses métissages, sera d’une valeur réelle pour les conclusions à tirer en faveur de l’un ou de l'autre système. Une discussion s'engage sur les moyens pratiques de réaliser le vœu exprimé par l’article du programme qui a servi de base à la discussion. On pense généralement qu'il conviendra de laisser beaucoup de latitude à l'initiative des Sociétés locales qui, éclairées par les éléments résultant des travaux du Congrès, auront à adopter les instructions qu'on les engage à donner aux cultivateurs, en tenant grandement compte des besoins spéciaux de chaque pays. M. Maurenq propose la rédaction suivante : Amélioration des races bovines. Chaque région , selon qu'elle emploie ou non la race bovine au travail, doit avoir en vue un genre d'amé- lioration différent. Ainsi, dans les pays de culture avancée, où le travail du bœuf n'est que l'exception, l'amélioration doit être recherchée au point de vue de la production de la viande. Mais ce principe trop largement admis ferait trop négliger celui du travail. Dans les pays si nombreux où le travail est fait en général par la race bovine, c'est le principe du travail qu'on doit rechercher. ï 196 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. Il serait donc prudent de recommander que pour les améliorations de races, chaque région ne perdit pas de vue la spécialité de ses besoins. On y parviendrait en conservant la race reconnue propre au pays, en l’améliorant par de meilleurs types reproducteurs les plus en harmonie avec son principal besoin, par des croisements successifs, empruntés aux meilleurs produits du pays, améliorés et entretenus successivement par du sang nouveau, mais avec la réserve nécessaire pour ne pas perdre la race primitive. Le Secretaire , Ch. CazEMARD DE LA Fayerre. SECTION DE LITTÉRATURE, BEAUX-ARTS ET ARCHÉOLOGIE. SÉANCE DU 95 JANVIER. (Présidence de M. le marquis de SarnT-Seine.) La séance est ouverte à 2 heures. Prennent place au bureau : MM. le baron de Stas- sart; Parcker d'Oxford ; Denys; de Godefroi; de Cau- mont; Victor Petit: Alfred Rameé, secrétaire. M. de Caumont demande à M. Parcker, qui a ex- ploré toute l'Angleterre et parcouru une grande partie de la France, de faire conuaître à la section les ob- servations auxquelles ont pu donner lieu pour lui ses études sur l'architecture comparée des deux pays. Ce CONGRES DES ACADÉMIES. 197 parallèle serait surtout intéressant s’il portait sur l'architecture monastique. Ainsi, quelle fut en Angle- terre la forme des granges, celle des réfectoires, celle des infirmeries, des salles capitulaires, des’ cuisines ? Ces différents bâtiments offrent-ils quelque caractère qui les distingue des édifices ayant la même destination en France? Les cloîtres à double étage se rencontrent- ils de l’autre côté de la Manche comme dans la région méditerranéenne : telles sont les questions principales auxquelles M. Parcker est invité par M. de Caumont à donner une réponse. À : M. Parker se lève et, au milieu d’un profond silence, s'exprime à peu près en ces termes : ALLOCUTION DE M. PARCKER. « Je pense qu’en m'adressant ces questions sur l'architecture monastique, mon excellent ami, M. de Caumont , désire une réponse précise et concluante. Il me semble bien dangereux, en ce cas, d’aborder sans préparation un si vaste sujet, sur lequel mon ami, le professeur Willis, prépare un ouvrage depuis plus de dix ans. J'essaierai cependant de l’aborder, car ce n’est pas l'intérêt qui lui manque. « La position des moines d'Angleterre était émi- nemment favorable au développement de l’architec- ture. En rapports fréquents avec Rome , ils avaient des relations non moins suivies avec la France: ils en parCouraient tantôt le centre, tantôt l'Ouest, tantôt les parties orientales , suivant le but et les nécessités de leur voyage, examinant tout, étudiant tout, et emportant la mémoire de tout ce qui avait frappé leur 198 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. intelligence éclairée. Grâce à ces pérégrinations inces- santes et lointaines, rien de ce qui était beau et nou- veau ne leur fut étranger. S'ils avaient rencontré en Normandie, en Poitou , en Anjou, dans l’Aquitaine, en Bourgogne, dans l'Auxerrois , quelqu'œuvre re- marquable , ils en faisaient exécuter dans leur patrie des imitations ou des copies. Ainsi s'expliquent la réunion dans un seul édifice d'ornements et de formes qu’on ne retrouve en France qu’à de grandes distances et dans des provinces séparées. C’est ce qui fait aussi que le gothique anglais est plus complet et plus pur que celui de la France. Prenons un exemple. Le ré- seau des fenêtres, auquel nous donnons le nom de Tracery , a pris naissance en France ; mais les ar- chitectes français se sont renfermés, pour la décoration des tympans, dans un certain nombre de formes très- simples, parmi lesquelles les trèfles et les quatre-feuilles jouent le principal rôle. En Angleterre , au contraire, dès le XIV®. siècle , la complication de ce réseau devint extraordinaire ; les figures obtenues par le croisement et l'épanouissement des meneaux se multiplièrent avec une fécondité et une grâce vraiment merveilleuses. Aussi cette époque est la plus belle de notre architec- ture , et cette richesse dans la décoration des ouver- tures en est un des caractères les plus remarquables. An XV®. siècle tout est changé; tout rapport entre l'architecture des deux pays a disparu; le style per- pendiculaire règne seul; style un peu raide et d’un aspect sévère , mais qui convient peut-être mieux à la nature des matériaux et aux usages auxquels il est consacré, quele style flamboyant avec ses mille caprices. « J'ai dit que le gothique anglais était plus pur que CONGRÈS DES ACADÉMIES, 199 celui de France ; la cause de cette supériorité est facile à comprendre : les ouvriers anglais n’avaient pas sous les yeux, comme ceux de votre pays, de nombreux monuments romains ; ils agissaient dans toute la li- berté de leurs inspirations, et ils ont donné aux: _ principes de l'architecture ogivale tous les développe- ments dont ils sont susceptibles. « Quant à l’ornementation, elle est commune aux deux pays pendant toute la durée du XII®. siècle, surtout pendant la seconde moitié de cette période, à l'époque où vos style roman, secondaire et de tran- sition se rencontrent dans notre pays. Sans doute ces styles, même à cette époque, se distinguent en quelque : chose de ce qu'ils étaient sur le sol français; mais tous les ornements , ou peu s’en faut, semblent empruntés aux édifices de la France, et sinon copiés, du moins imités de ceux que l'on exécutait à la même époque de l’autre côté du détroit. Nous avons une immense quantité de ces portes richement décorées auxquelles nous donnons le nom de normandes. On les rencontre quelquefois en Normandie , à St.-Georges de Bocher- ville, par exemple; on les trouve plus fréquemment dans l’Anjou et dans le Poitou : Notre-Dame de Poitiers en offre un beau modèle, mais nulle part elles ne sont aussi répandues qu'elles le sont en Angle- terre. « Le XIII. siècle est caractérisé, dans notre pays, par un ornement distinctif, le tooth ornament, qui, suivant l'aspect, se présente comme une dent de scie ou un fleuron à quatre pétales. On le rencontre sous le nom de violette dans quelques provinces de la France, un peu avant son apparition en Angleterre ; dans 200 INSTITUT DÉS PROVINCES DR FRANCE. d'autres , il est complètement inconnu : en tous cas, il ne se présente jamais sur les édifices français avec la même profusion qu'en Angleterre. < Le XIV®. siècle a aussi son ornement particulier, la bell-flower, ainsi nommée à cause de son aspect cam- paniforme, qui lui donne une certaine ressemblance avec une rose non encore épanouie. Je l’ai rencontrée dans quelques parties de la France vers la fin du XII°. siècle ; maïs je ne l'ai vu sur aucun monument français contemporain des édifices anglais, où on l’a employé en si grande abondance qu'elle dégénère souvent en excès, surtout à certaines places. « J'arrive aux questions spéciales qui m'ont été posées sur les constructions monastiques. I. Granges.— Les granges proprement dites, ou les greniers à blé, étaient souvent cruciformes, de telle sorte que deux portes latérales ouvraient sur la partie transversale formant les bras de la croisée. Elles sont rarement aussi vastes que celles de la France, et ne présentent pas, en général, la disposition ordinaire de ces dernières, qui offrent des bas-côtés avec arcades. Mais l'Angleterre a conservé une série complète de très-belles granges du XII. au XVI. siècle. Elles sont nombreuses pour le XIV®., et dans le comté de Sommerset, celle de Glastonburg , mérite une mention spéciale. « Le mot grange a encore une autre signification : il désigne une sorte de ferme , un petit manoir apparte- hant à une abbaye, où demeuraient deux ou trois moines chargés de la surveillance des cultures. Elle servait parfois de maison de campagne à l'abbé. Il en reste plusieurs des XIV®. et XV®, siècles en Angleterre CONGRES DES ACADÉMIES. 201 parmi les maisons de campagne de cette époque. Le manoir de Creully? Bully? près de Bayeux, semble avoir de grands rapports avec ces granges monastiques, quoiqu'il soit plus considérable qu'elles ne l'étaient en général. C’est le meilleur type de maison de cam- pagne non fortifiée du XIV®. siècle que j'aie ren- contré en France. La maison de campagne de cette époque manque tout-à-fait dans votre pays ; chez nous, elle est très-multipliée. En revanche, vous possédez dans vos petites villes de très-belles maisons urbaines qui n'ont pas leurs pareilles en Angleterre. J'en ai fait graver un certain nombre, d'après les dessins de M. Bouet qui m’accompagnait dans mes voyages. « I. Réfectoires. — Il n'existe, à ma connaissance, aucune différence entre les réfectoires de France et ceux d'Angleterre. Les premiers sont, en général, plus vastes que les seconds, ce qui tient à l'importance plus grande des monastères dont ils dépendaient. Nous n'avons, par exemple, rien de comparable en ce genre aux deux grandes salles du Mont-Saint-Michel ; mais les nôtres sont plus complets dans toutes leurs parties ; ils ont, en général, conservé leurs chaires, quoiqu’ils soient presque tous ruinés et abandonnés depuis trois cents ans. « III. Infirmeries. — Les infirmeries constituaient, en quelque sorte, de petits monastères complets dans l'enceinte d'établissements plus considérables ; ils of- fraient un asile aux moines âgés ou malades. L’infir- merie avait son réfectoire, son dortoir et sa chapelle ; peut-être avait-elle aussi sa cuisine spéciale, mais je n'en ai pas rencontré d'exemple. Elle se reconnaît à la position qu'elle occupe, le plus loin possible de l’en- 202 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. trée publique du monastère, derrière l'église et à l’ex- trémité des cloîtres. En France, où presque tous ont été reconstruits au XVIII. siècle, le plan général offre peu d'intérêt, et je ne l'ai pas examiné avec attention. Il m’est donc impossible de dire si les con- structions de ce genre offraiïent, dans chacun des deux pays, des caractères particuliers. IV. Salles capitulaires.— L'Angleterre présente dans la disposition du plan des salles capitulaires une variété de formes inconnues en France. Elle en a conservé un grand nombre d'époque et d'aspect dif- férents. Le plan le plus fréquemment reproduit est l'octogone ou le polygone, avec une colonne centrale supportant les nervures de la voûte d’une mänière très-élégante : telles sont les salles de Salisbury , York et même Westminster, quoique la dernière soit dans un état de délabrement déplorable ; celle de Wells, qui est fort belle, est remarquable par la présence d’un étage souterrain. Ces exemples sont du XIII®. siècle. Au XII®., les salles capitulaires affectaient la forme d’un carré long; elles la reprirent au XIV®. siècle, comme on peut le voir dans la magnifique salle d'Ely. Elle est due au constructeur de la magnifique lanterne centrale de l’église, qui peut rivaliser avec celle de St.-Ouen, à Rouen, et qui lui est antérieure en date. « V. Cuisines.— Les cuisines des anciennes abbayes ont été si rarement conservées, soit en France, soit en Angleterre, qu'il est impossible d'en faire une étude comparative dans les deux pays. Fontevrault en a conservé un magnifique spécimen du XII®. ou XIIIS. siècle. Nous en avons nne à Durham qui est plus remarquable encore. La voûte de cette dernière offre CONGRÈS DES ACADÉMIES. 203 une disposition très-singulière, mais qui ne pourrait être bien comprise qu’à l’aide d’un dessin. Au surplus, la cuisine d’un monastère ne différait en rien de la même partie d'une maison ou d’un château de quelque importance. Il en existe une au château de Raby très- grande, très-bien voûtée et ayant une apparence mi- litaire, car elle occupe l’une des tours du château, qui est lui-même très-fort. Elle date de la fin du XIV®. siècle. « VI. Cloîtres. — Les cloîtres à double étage du midi de la France sont inconnus en Angleterre. Il existe bien une construction de ce genre chez nous, mais elle est en bois, du XV®. siècle, et avait une destination toute différente, celle de mettre en com- _munication avec la demeure de l'abbé. « Les portes des abbayes méritent souvent l'atten- tion : il en existe de remarquables en France, mais de plus riches encore en Angleterre. Celle de Cantor- béry, qui est du XIV*. siècle, est une des plus belles que l’on puisse citer. On en rencontre plusieurs dans le comté d’York. « J'ajouterai quelques mots sur les carrelages émail- lés, pour répondre à une question que m'a adressée M. Peigné , quoique je n’aie rien de nouveau à vous apprendre sur ce sujet. M€. Parcker a réuni des calques de presque tous les types que nous possédons et nous les comptons par centaines. Il y en a de toutes les époques, depuis la fin du XII. siècle jusqu’au XVIIIS. Quelques-uns offrent des figures en relief, d'autres en creux; mais la plupart présentent une surface plane. La fabrication de ces carreaux est la même que celle de la poterie commune. Les restes 204 INSTITUT DÉS PROVINCES DE FRANCE. d'une ancienne fabrique du XIV®. ou du XV®. siècle ont été trouvés près de Malvern. Les environs en renferment en abondance. Il n'est pas douteux que leur emploi ne soit le meilleur système de pavage pour les églises et tous les édifices de style gothique. Il s'en fabrique en Augleterre des quantités très-con- sidérables et d'une qualité excellente. Les produits de Minton sont surtout renommés ; leur dureté est égale à celle de la pierre, et ils ne le cèdent en rien au marbre pour la durée ; en même temps, ils ont l'avan- tage d’être moins froids aux pieds. Les dessins des carrelages actuellement exécutés en Angleterre sont presque exciusivement copiés sur d'anciens modèles, et ils les reproduisent avec une scrupuleuse exarti- tude. » | Ç Cette importante communication est accueillie par les applaudissements de toute l’assemblée. M. de Caumont, après avoir remercié M. Parcker de la réponse qu’il a donnée aux questions proposées, fait remarquer qu'il lui semble bien difficile de donner à l'expression architecture monastique toute l'extension que lui a prêtée M. Albert Lenoir et que M. Parcker a acceptée au début de son importante communication. C'est faire violence au sens de ces mots, que de les appliquer à toute construction élevée par la main des moines : ils doivent évidemment être restreints à l’en- semble des bâtiments d’une abbaye, destinés à un autre usage que la célébration du culte. M. le Directeur fait ensuite observer que les cloîtres doubles, inconnus en Angleterre, qui se rencontrent parfois dans le midi de la France, sont communs dans CONGRES DES ACADÉMIES. 205 la Haute-Italie. Il résulterait donc de la communication de M. Parcker, que cette forme serait originaire des régions méridionales , et qu’eile deviendrait de plus en plus rare à mesure qu'on s'élève vers le Nord. D'une discussion engagée entre MM. de Caumont et Parcker, il résulte que les fanaux de cimetière, si communs dans les régions centrales de la France, n'existent pas en Angleterre. M. Godard-Faultrier demande queile destination on doit décidément assigner à la construction située à Saumur, rue Courcourade : est-ce une cuisine, est-ce une lanterne des morts? | M. de Caumont répond que la distinction est facile à faire, et que les planches publiées du Monasticon Gallicanum ne permettent plus de renouveler une confusion qui n’a jamais été faite, au reste, que pour un ou deux monuments. Il est vrai qu’à une certaine époque on attribua à tort à l’octogone de Fontevrault une destination funéraire, et que c’est M. Parcker qui, le premier, a déterminé l'usage véritable auquel il était employé. Il n’y a plus aujourd’hui de doute possible à cet égard. L'examen des débris de la cuisine existant à Pont-Levoy, l'étude de celle des ducs de Bourgogne, à Dijon, confirment de tout point l’attri- bution de M. Parcker. M. Bouet a pareïillement constaté que, d’après la topographie de l’abbaye de St.-Etienne de Caen , le bâtiment octogone publié par Ducarel dut servir au même usage. Le plan de Saint-Gall nous montre, dès la plus haute antiquité, des cuisines détachées du réfectoire. Il est vrai qu’elles sont carrées, mais elles occupent déjà la place qu’elles ont conservée dans les abbayes du XII®. et du XIII®. siècle, Or, un 206 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. tel renseignement est précieux, car on sait combien était immuable la distribution des constructions mo- nastiques. La fixité des règles observées à cet égard est telle qu'il est toujours facile de dire à priori quelle dut être la destination primitive d’un bâtiment donné. M. Godard-Faultrier dit qu'il a existé à Angers, sur le tertre St.-Laurent, un monument semblable à celui de Fontevrault; il est détruit, mais des dessins en ont été conservés. Or, il était certainement étranger à toute destination culinaire, car, jusqu'à la fin du XVIIIS. siècle, c'était le but de la procession du St.- Sacrement. Il y a également à Houlliernes un grand ossuaire de forme conique à l'extérieur , comme l’édi- cule de Fontevrault. Uue tradition constante A PPeRe qu'on y déposait les morts. | M. de Caumont répond que des monuments de même forme ont pu avoir des destinations diverses ; mais, même dans ce cas, la position respective qu'ils oc- _ cupent permet de les déterminer. On remarque à l’ab- baye de Fontenay, près Montbard, une vaste salle dont Ja voûte laisse échapper la fumée par une ouverture centrale. Il serait possible que ce fût une ancienne cuisine : M. Séguin, propriétaire de cet établissement, y voit une ancienne usiue métallurgique. C'est, en effet, un type qui peut convenir aux deux destinations, quoique la première soit plus en harmonie avec les habitudes du XIII. siècle. Mais si on peut se poser Ja question à propos du bâtiment de Fontenay, il n’est pas possible de le faire pour celui de Fontevrault. M. Godard-Faultrier n'entend nullement contester l'exactitude des opinions émises par MM. de Caumont et Parcker sur la disposition des cuisines monastiques; CONGRÈS -DES ACADÉMIES. 207 il semble seulement résulter de la constatation de cer- tains faits, que la situation est, pour les reconnaître, un meilleur caractère que la forme. Ainsi, à Fonte- vrault même, à peu de distance de la construction qui est reconnue aujourd'hui comme ayant été l’ancienne cuisine , s'élève dans l’enceinte de l’abbaye des femmes une construction carrée, isolée, également surmontée d’une longue colonne. Il est historiquement démontré que ce fut là, dès le XIII. siècle, une chapelle fu- néraire qui est ainsi surmontée d'une lanterne des morts. M. Parcker répond qu’en effet la destination de ce second monument ne saurait être révoquée en doute, mais que le premier, quelque analogie d'aspect qu'il offre avec le second , occupe dans l’ensemble des bâ- timents la position relative qui est propre à la cuisine. Il y en a une analogue à Glastonbury. M. Peigné apprend à la section qu’il existe dans les ruines de l’abbaye d'Ourscamp, dont il est un des propriétaires , une vaste salle de soixante-dix mètres de long sur vingt-quatre de large, qui est connue sous le nom de « salle des morts » depuis un temps très-reculé. Les dimensions ne permettent pas de croire qu’elle n'ait eu d’autre objet que celui de re- cevoir les corps. Il semblerait plus exact d'y voir ce que des actes des XII®. et XIII®. siècles désignent sous Je nom d'infirmitorium pauperum. L'ouvrage de Laborde sur les monuments français l’a figurée en en faisant le théâtre d'une cérémonie mortuaire. Par suite de la même préoccupation , la cheminée en co- lonne qui surmonte le pignon a été surmontée d'une urue funéraire. Ce sont autant de fantaisies d'artiste, 208 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. exécutées à une époque où la destination des monu- ments était incomplètement étudiée et connue. Une petite pièce accolée à la précédente pourrait seule, peut-être, avoir eu la destination que la tradition lui assigne, , | M. Victor Petit fait remarquer que les faits signalés par M. Peigné prouvent les progrès de l'archéologie , et qu'ils nous montrent aussi avec quelle défiance on doit accueillir les indications données au bas de gravures anciennes représentant les monuments. Il n'est pas douteux que la salle d'Ourscamp n'ait servi d’infirmerie, et les décès nombreux dont elle dut être témoin à ce titre, expliqueraient peut-être le nom populaire que la tradition lui a conservé. M. de Saint-Seine, président , ajoute qu'il existe à Citeaux une très-grande salle désignée sous le même nom de salle des morts, et qui certainement n'était autre chose qu'une véritable infirmerie. Il apprend à la section que, malgré le vœu émis par le Congrès des académies en 1852, pour obtenir ie maintien des plans adoptés par le Conseil des bâtiments civils, les travaux exécutés à Dijon pour l'achèvement de l’hôtel- de-ville, l'ont été d'après les projets contraires du Conseil municipal. Il en est résulté qu’au lieu d’être conservés entiers, les anciens bâtiments connus sous le nom de « cuisines des ducs de Bourgogne » ont été mutilés : les annexes, qui en formaient la partie Ja plus importante, ont été démolies. Il est vrai que la cuisine proprement dite et la tour de Bar ont été jusqu’à présent. épargnées; mais leur existence est très-compromise pour l'avenir, et leur destruction semble bien probable pour le jour où les constructions CONGRÈS DES ACADÉMIES. 205 nouvelles seront achevées. On a ainsi créé volon- tairement la nécessité de les démolir en sauvant les apparences. Plusieurs membres du Congrès flétrissent énergi- quement de tels actes de vandalisme. M. de Caumont invite M. le marquis de Saint-Seine à user de toute son influence pour assurer la conser- vation de ces précieux débris. La séance est levée à 3 heures. Le Secrétaire, A. RAMÉ. es dd Journée du 26 janvier. EXCURSION A L'ÉTABLISSEMENT AGRICOLE ET INDUSTRIEL DU MESNIL-SAINT-FIRMIN (01e ). Le Congrès a consacré la journée du mercredi 26 janvier à une visite à l'établissement agricole et in- dustriel du Mesnil-St.-Firmin (Oise). Un grand nombre de membres s'étaient fait inscrire, mais le temps incertain et le départ matinal ont sans doute arrêté plusieurs membres, car le nombre des visiteurs s'est trouvé réduit à douze, qui étaient : MM. de Caumont, directeur de l'Institut des provinces; Calemard de la Fayette, de la Société du Puy ; Mahul, de la Société d'agriculture de Carcassonne : Thomas, de la Nièvre: Durécu, inspecteur divisionnaire de l'Association nor- 210 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. mande;, Denis aîné, de la Mayenne; Monnier, prési- dent de la Société d'agriculture de Nancy; de Vigan, de la Société d'agriculture de Verneuil ; de Morissure, du Comice de Nogent-le-Rotrou; de Travot, de la So- ciété d'Avrauches ; Destourbet, de la Société d'agricul- ture de Dijon ; Ch. Gomart, du Comice de St.-Quentin, secrétaire-général du Congrès. La ferme du Mesnil-St.-Firmin est située à 2 kilo- mètres de distance de la station de Breteuil (chemin de fer du Nord). Cet établissement remarquable à plus d’un titre, est déjà honorablement connu dans le monde agricole par les intéressants articles publiés par M. de la Chauvinière, dans le Cultivateur , par M. Grave, dans ses Recherches statistiques de l'Oise, et récemment par un Compte-rendu des travaux de la ferme-école du Mesnil-St.-Firmin, 1849, par M. Bazin, propriétaire et directeur. Chargé de vous présenter le rapport de la Commis- sion de visite, je vais vous signaler les points sur lesquels l'attention de Messieurs les membres du Congrès s’est principalement portée, tout en renvoyant aux notices citées plus haut, les personnes qui dési- reraient acquérir de plus amples renseignements. L'exploitation agricole du Mesnil-St.-Firmin se com- pose de : terres labourables. . . 290 hectares. CACIOËS + PPDON TEE TEEN DOS FOREST EE PSN VIOS TiMtal sisi ‘44080, Le sol est généralement argilo-siliceux ; il présente sur quelques points des parties argileuses, des parties CONGRÈS DES ACADÉMIES. 211 siliceuses et des parties calcaires. Le sous-sol est partout profondément perméable et argilo-siliceux, ce qui permet de cultiver toutes les plantes appropriées à la température du climat. Une ferme-école a été créée le 1°. janvier 1848 au Mesnil-St.-Firmin, sous la direction de M. Bazin. Les élèves ne sont admis qu'après avoir subi une année de stage, et la durée des études est de trois ans, indépendamment de l’année de stage. Les jeunes gens sont instruits pratiquement aux travaux manuels des champs, et théoriquement; on leur enseigne la botanique, la zootechnie, la géométrie, la chimie agricole, la comptabilité et l'agriculture spéciale. Nous avons trouvé vingt-huit élèves, dont douze de première année. Nous avons remarqué la disposition des lits des élèves qui sont suspendus au moyen de tiges de fer attachées au plafond, ce qui leur donne les avan- tages du hamac. A côté de la ferme-école, on trouve une colonie d’orphelins placés sous la surveillance des sœurs de St.-Joseph et des frères agronomes de St.-Vincent de Paul. Cet établissement qui remonte à trente ans, a une succursale à Merles; les jeunes orphelins des départements de l'Oise et de la Somme y sont soignés et instruits jusqu’à ce qu'ils aient fait leur première communion. Le nombre des enfants était de 92.—- Plus loin, on trouve une salle d’asile pour les très- jeunes enfants du village, une salle d’école pour les orphelins et une salle d'école communale. Dans la cour étaient rangés les nombreux instru- ments aratoires, parmi lesquels nous avons surtout remarqué l'extirpateur, la houe, la charrue fouilleuse 212 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. à trois fers, la charrue à défricher les bois, et le brise-motte Croskill. Le charriot fermé est préféré à la charrette. Pour les travaux des champs et les divers charrois de la fabrique , M. Bazin emploie 30 bœufs de travail et 40 chevaux. Les bœufs sont attelés par un joug au garrot, mode simple et peu dispendieux ; les che- vaux ne travaillent qu'avec la bricole. Les écuries sont creusées, afin de n’enlever le fumier que tous les quinze jours; des pentes sont ménagées dans le fond de l'écurie pour l'écoulement des urines dans les citernes. Au-devant des auges, règne un corridor assez large pour pouvoir circuler librement et apporter la nourriture aux animaux. Il n’y a pas de rateliers, puisqu'on ne sert aux animaux que des fourrages tout hachés. L'étable était fournie de 80 bêtes à l’engrais, nour- ries avec pulpes, tourteaux, paille hachée et un peu de sel; l'animal reçoit sa nourriture par devant et sans dérangement. L'étable est disposée de manière qu'un charriot peut la traverser et enlever les fumiers tous les quiuze jours. Le troupeau, composé de 800 moutons, était aux champs. A la ferme sont joints une forge, un atelier de charronage, une bourrelerie, une meunerie, une huilerie, etc. , etc. | On n'élève dans la ferme du Mesnil : ni chevaux, ni moutons , ni vaches, mais chaque année 200 à 250 porcs qui sont une branche importante de commerce. La race porcine. du Mesnil est croisée normande avec les anglo-chinois norfolks et hampshires. Les porcs, jusqu’à l’époque de leur engraissement , CONGRÈS DES ACADÉMIES. 213 sont conduits aux champs, mais ils ne sortent plus dès qu'on les eugraisse. Ils sont alors soumis au régime des pommes de terre, du son et du grain. On se sert encore avec beaucoup de succès pour leur en- graissement de la viande de 400 à 500 chevaux ou vaches qui sont abattus chaque année au Mesnil. Les équarrisseurs qui viennent les tuer emportent la peau, les crins et les cornes, ils laissent les os et la chair moyennant 3 fr. 50 par cheval. Nous avons visité la fabrique de sucre de betterave, et nous avons remarqué que M. Bazin se sert de préférence pour la fabrication du sucre, de la bette- rave jaune, dont il a obtenu un meilleur rendement. Ce qui a excité principalement l'intérêt des membres du Congrès, c’est le blé du Mesnil qui remonte à 1838. M. Bazin nous a raconté comment il avait formé cette rare espèce de blé. À cette époque, il avait surtout remarqué deux épis qui se distinguaient des autres par leur forme et par leur grosseur; l'un d'eux contenait 91 grains. Ces grains furent recueillis à part et devinrent l’objet de ses soins spéciaux pendant plusieurs années. Ce blé justifia pleinement les espé— rances de M. Bazin, à mesure qu'il était cultivé sur une plus grande échelle; les avantages qu'il avait d'abord offerts présentaient de nouvelles garanties de stabilité et inspiraient un nouveau degré de confiance. Son rendement continuait à être supérieur à celui de tous les autres blés cultivés dans les environs. On trouvait ec effet beaucoup d’'épis contenant plus de 70 grains, quelques-uns 80 grains , très-peu 60 grains. M. Bazin nous a cité des expériences faites en 1842 sur dix-huit variétés de blés anglais, qui ont constaté _ 214 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. qu'aucun des blés cultivés comparativement n'avait donné un produit égal à celui du blé du Mesnil. D'autres essais, faits par MM. Vilmorin et de Raine- ville, ont confirmé sa supériorité. Enfin une expé- rience faite en 1847 a donné en faveur du blé du Mesnil un rendement de 18 %, de plus que des blés cultivés généralement en France. M. Bazin tirait la conclusion suivante de cette expérience : 1°. substituez aux variétés ordinaires de blé des variétés meilleures , et vous augmenterez votre récolte de 20 %,; 2°, semez en lignes, au lieu de semer à la volée, et vous économiserez 25 %, de semences. Le blé du Mesnil est une variété du Triticum hiber- num de Linné. Les membres du Congrès ont examiné avec le plus vif intérêt une très-belle collection géologique, formée par M. Armand Bazin. Quoique locale, elle ren- ferme un assez grand nombre d'échantillons de ro- ches et de fossiles. COMMUNICATION DE M. ARMAND BAZIN. La géologie du département de l'Oise embrasse toutes les couches des terrains compris entre les premières assises de la période jurassique et le der- nier étage des formations les plus récentes. Des échan- tillons de ces roches diverses et les fossiles qu'on y rencontre {leur nombre s'élève maintenant à vlus de 1,500 espèces) sont représentés dans la collection de M. Bazin. C'est la craie blanche supérieure qui occupe la plus CONGRÈS DES ACADÉMIES. 215 grande partie de la superficie du département de l'Oise. Le terrain jurassique ne se montre que dans le pays de Bray, qui, primitivement aussi, a dû être recouvert par le terrain crayeux, et 1l n’est devenu apparent que par une dénudation de la craie. Le calcaire grossier et les terrains supérieurs occu- pent l'Est et le Sud du département. On a trouvé à Laversines, près de Beauvais, un calcaire jaune pétri de fossiles fort remarquables; sa position géognostique a long-temps occupé les savants. Plusieurs avaient d’abord pensé qu’il devait être placé à la base des terrains tertiaires ; mais depuis qu'on a reconnu l’analogie de ses fossiles avec ceux de la craie de Maëstricht, on est généralement d’avis qu'il appar- üent à la partie supérieure de la formation crétacée, Parmi les substances minérales de la craie blanche, il en est une fort intéressante qui a été découverte par M. Bazin, près de Beauvais, et qui n’a pas encore, que je sache, été observée ailleurs dans cette roche. C'est une substance jaunâtre, à cassure cireuse , que M. Graves a eu l’obligeance de faire analyser, et qui a été reconnue pour une Allophane {hydrosilicate d’alu- mine }). Plusieurs des fossiles de cette collection sont encore inédits. D’autres sont fort rares; quelques-uns sont uniques. : On peut citer entre autres : Parmi les Mammifères : un atlas d’éléphant, trouvé près du Mesnil-St.-Firmin dans les terrassements faits pour le chemin de fer du Nord. Parmi les Reptiles : une dent de crocodile, du calcaire de Laversines. : 216 INSTITUT DÉS PROVINCES DE FRANCE. Parmi les Poissons : Raiïa echinata ( Pomel), calcaire grossier — Ully-St.-Georges, Parmi les Mollusques céphalerodes : Belemnitesultimus (d'Orb.), craie chloritée — Bérabüili Nautilus Archiacianus (id.) id. id. Nautilus elegans (Sow.) id. id. Ammonites inflatus (id.) id. Epaubourg. Ammonites falcatus (Mantell.) id. id. Baculites obliquatus | Sow.) id. id. Parmi les Gasterepodes : Bulla striatella (Lam.), cal- caire grossier, St.-Félix; Melanopsis Dufresnii (Desh.), sables glauconieux, Cuise; Scalaria decussata (Lam), sables moyens, Acy ; S. turritellata ( Desh.), calcaire grossier, Mouchy; Tornatella inflata (Ferussac), glau- conie inférieure, Abbecourt ; Ringinella Maïilleana (d'Orb.), craie chloritée, Epaubourg ; Natica elegans { Fitton), calcaire portlandien, Bourricourt; Paleolus neritoïdes | Desh.), calcaire grossier, Hermes ; Trochus Basteroti { Brong.), calcaire de Laversines ; T. ornatus (Lam.), sables moyens, Acy ; T. elatus [Desh.), calcaire grossier, Hermes; T. minutus (Desh.), sables moyens, Acy; Solarium Guerangeri (d'Orb.), craie chloritée , Epaubourg ; Delphinula Warnii (Def.), sables moyens, Acy ; Turbo Rothomagensis (d'Orb.), calcaire de Laver- sines ; Pleurotomaria turbinoïides (d'Orb.), craie chlo- ritée, Berneuil; Cypræa exserta (Desh.), glauconie in- férieure, Gannes; Pterocera marginata (d'Orb.\, craie chloritée, Epaubourg ; Pterodonta Guerangeri (d'Orb.), calcaire de Laversines ; Rostellaria Mailleanea (d’Orb.), craie chloritée, Epaubourg; Cerithium tenuistriatum Mell.}, sables glauconieux, Retheuil:; Siliquaria dubia (Def.), sables moyens, Ver; Pileopsis opercularis (Desh.), CONGRES DES ACADÉMIES. 217 calcaire grossier, St.-Félix ; Infundibulum cretaceum (d'Orb.), calcaire de Laversines ; Emarginula radiola (Lam.), calcaire grossier, Ully-St.-Georges ; Patella costaria (Desh.), sables moyens, environs de Senlis. Parmi les Gonchifères : Clavagella tibialis ( Desh.}, glauconie inférieure , Gannes ; C. coronata | Desh.), sables moyens, Monneville; Cercomya expansa (Agas- siz), calcaire portlandien , Goullencourt; Erycina ra- diolata ( Lam.) , calcaire grossier, Hermes ; Corbula argentea | Lam. ), calcaire grossier, Château-Rouge ; Psammotæa dubia ( Desh.), calcaire grossier, Hermes ; Tellina rostralis (Lam.), glauconie inférieure, Abbe- court ; Donax incompleta (Lam.), sables moyens, Ver; Cytherea rugosa (Fitton) , calcaire portlandien , Goul- lencourt ; Venus Rothomagensis (d'Orb.), craie chloritée, Berneuil ; Thetis lœvigata ( d'Orb.), néocomien, St.- Paul ; Cardium vindinense |d’Orb.), calcaire de Laver- sines ; Lucina elgaudiæ (Thurmann), calcaire portlan- dien, Senantes: L. striatula [Nyst.), lignite, Courtiers : Myoconcha cretacea | d'Orb.}, calcaire de Laversines ; Lima Mantelli (Goldf.), craie blanche, Broges ; Pecten Galliennei (d'Orb.), craie chloritée, Berneuil. Parmi les Grustasés : Carpilius, spec. indet. fMilne Edwards), Laversines. Parmi les Æchinodermes : Globator petrocoriensis (Desor.), craie blanche, Mesnil-St.-Firmin ; Arbacia monilis { Agass.), craie blanche, Broges ; Marsupites Milleri (Mantell), craie blanche , Mesnil-St.-Firmin. Parmi les Pelypes : Cellepora elliptica (Hagen.), craie blanche, Mesnil-St.-Firmin : C. disciformis , id., ibid., Lunulites conica (Def.), calcaire grossier, Chaumont. Parmi les Végétaux : Cryptomæria | Ad. Brong.}, 10 218 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. glauconie inférieure, Gannes ; Pinus macrolepis {id.), id., ibid. Le fruit de cette magnifique espèce est dans un état de conservation vraiment remarquable. C'est, - je crois, le seul échantillon que l’on ait signalé jusqu’à ce jour. Une autre collection non moins intéressante, celle des Coléoptères, formée par le second fils de M. Bazin à la suite de courses entomologiques faites dans le département de l'Oise, très-riche en coléoptères, nous a paru digne de vous être signalée à cause du grand nombre d'espèces qu'elle renferme {plus de 1,300) et des sujets rares qu'elle contient. Parmi les plus rares on peut citer : | Dans les forêts de Compiègne et de la Neuville-en- Hez : Tychrus Rostratus (Fabr.). Tychrus attenuatus (ïid.) Carabus nitens (id. Carabus Cyaneus !id.) Dans la forêt de la Hérelle : ? Elater cruciatus (Fabr.) Stenostola nigripes (id. ) Grammoptera suturalis (Oliv.} Suivant les auteurs, ces trois dernières espèces ne se rencontrent que dans le midi de la-France. Voici comment ils sont répartis dans les diverses familles : CONGRES DES ACADÉMIES. 219 Carabiques. . . 250 espèces. Mélasomes. . . 15 espèces. Hydrocanthares 70 id. Taxicornes. . . - 9: id. Brachélytres. : 280 id. . Ténébrionites. . 7 üid. Sternoxes. . . . 60 id. Hélopiens.. . . 8 id. Malacodermes : 40 id. Trachélides. . . 10 id. Térédiles. : .. 35 id. Vésicants. . . . 4 id. Clavicornes. . . 155 id. Sténélytres. . .« 5: id. Palpicornes. . .: 45 id. Curculionites. . 160 id. Eamellicornes.. 80 id. Xylophages.. . 40 :ïd. | Longicornes.. . 60 id. Chrysomélines. 100 id. Coccinelles, . . 16 id. Goléoptères nuisibles à l'agriculture. Nos céréales sont souvent attaquées par la larve de l’Elater segetis (Gyllenhal ). Cependant , comme elle n’est pas très-abondante , elle occasionne rarement de grands dégâts. Les betteraves ont un ennemi redoutable dans un très-petit insecte du genre Cryptophagus { Herbst.) ; à peine sont-elles levées qu'il ronge les feuilles et perfore les racines dans toute leur longueur. Il n’est pas rare de voir des champs de betteraves entièrement ravagés dans l'espace de quelques jours, souvent même d’une nuit, et les dommages sont tels qu il faut recommencer plusieurs fois l’ensemencement. Au mois de juillet, on trouve encore sur cette plante les larves du Silpha opaca (Fabr.) et de la Cassida affinis (Fabr.), qui se nourrissent à ses dépens ; mais à cette époque, les betteraves, étant déjà assez avan- cées , peuveut, sans grand inconvénient , supporter leurs ravages. 220 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. Les colzas ne sont pas non plus épargnés ; à peine sont-ils sortis de terre que les jeunes feuilles sont dé- vorées par des milliers d’Alises. Plus tard, au moment de la floraison, les Nitidules envahissent la corolle, rongent les étamines et rendent la fécondation impos- sible. Quand le fruit est formé , il n'échappe pas tou- jours au Rhynchænus Brassicæ (Fabricius). Ce charançon de petite taille, après avoir percé de son bec la silique encore tendre, fait un trou dans la graine, soit pour y déposer ses œufs, soit pour y prendre sa nourriture. Sur 100 siliques il y en a souvent 10 attaquées. On observe généralement que les pommiers rappor- tent peu de fruits les années où le temps est humide et les brouillards fréquents à l’époque de la floraison. On est naturellement porté à croire, et cette opinion est assez accréditée, que la trop grande humidité est . un obstacle à la fécondation. On entend dire aussi souvent dans les campagnes , que la lune rousse et les brouillards engendrent des vers. La vérité est que l'at- mosphère humide est favorable au développement des larves de l’Anthonomus pomorum | Fabricius ), qui se nourrissent de la fleur du pommier et qui s'opposent à la formation des fruits. Au contraire , la sécheresse et la chaleur sont pour ces insectes de très-mauvaises conditions d'existence et en font périr un grand nom- bre. | | Ce ne sont donc pas les brouillards, mais les insectes que font naître les brouillards, qui compromettent la récolte des arbres à fruits. A ces établissements déjà fort importants, M. Bazin a joint une fabrique de pavés à dessins et compar— CONGRES DES ACADÉMIÉS. 291 timents, et depuis six ans, une fabrique de vitraux peints. Déjà cette œuvre a porté ses fruits, et des verrières importantes ont été fournies pour les églises de Senlis, Alençon, Mont-Didier, Guise. Les membres du Congrès ont examiné avec le plus vif intérêt les peintures eu cours d'exécution, et ont adressé leurs éloges aux élèves. M. Bazin espère, non seulement bien faire, mais encore faire écono- miquement, et il compte pouvoir fabriquer les vitraux peints au prix de 25 à 30 fr. le mètre carré. A la suite de cette intéressante visite, M. de Cau- mont a remis à M. Bazin une médaille pour lui témoi- gner les sympathies du Congrès, pour les services qu'il rend à l’agriculture, à l'humanité et aux popu- lations rurales qui l’environnent. M. Bazin a été profondément ému et reconnaissant envers l’Institut des provinces de cette récompense; il a répondu que son but était de moraliser les popu- lations agricoles qui l’environnent, et d'arrêter l’émi- gration des campagnes, en offrant aux ouvriers in- telligents des travaux réels et lucratifs. Un des Secrétaires-généraux du Congrès, Ch. Gomarr. 299 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. SECTION D'HISTOIRE NATURELLE. SÉANCE DU 27 JANVIER. (Présidence de M. n'Homazrus »'Hazroy, membre de l'Institut de France.) La section d'histoire naturelle se réunit à 9 heures et demie. M. G. de Lorière tient la plume en qualité de secré- taire. | Parmi les personnes qui assistaient à la sédtice, on remarquait M. de Caumont, directeur de l’Institut des provinces ; MM. Guérin-Menneville, de la Frésnèye, Lamare-Piquot, Denys, etc. MM. Palazzi, propriétaire à l'ile Rouri, ét Aucapi- taine, recommandés par S. E. le prince de Canino, présentent au Congrès divers spécimens de marbres nouveaux trouvés en Corse. Ces marbres proviennent de la localité de Multifao, arrondissement de Corté, situé à 2 kilomètres de la route impériale sur le bord d'un chemin déjà frayé, et à 7 kil. de la mer. Les témoi- gnages de MM. Backx, sculpteur, Visconti, architecte, et de plusieurs autres personnes très-compétentes ont été unanimes à reconnaître la beauté de leur grain et la richesse de leurs veines. M. d'Homalius présente quelques observations sur le mode d'exploitation et les difficultés qu'il pourrait présenter. MM. Palazzi et Aucapitaine font observer que la CONGRÈS DES ACADÉMIES: 293 carrière est située à ciel ouvert, peu éloignée de la grande route, et appellent surtout l’attention du Con- grès sur le besoin de créer une industrie dans cette partie de la Corse, dont les habitants sont plongés dans la plus profonde misère. Cette industrie nouvelle don nerait du travail à un grand nombre d'ouvriers et serait | une source de richesses pour la Corse comme pr la France tout entière. M. Lamare-Piquot présente ensuite au Congrès un mémoire sur la nécessité d'introduire des races nou- velles de vers à soie, le Sturnia Cynithia , le Bombyx paphia, un nouveau genre de Bombyx mori et autres espèces sauvages du continent de l'Asie orientale, pour les soumettre à une éducation domestique et à l'air libre dans nos départements, l'Algérie et les An- tilles françaises, comme cela se pratique en Chine et au Bengale ; et sur la nécessité d'introduire en France des plantes farineuses alimentaires autres que les céréales. NOTE DE M. LAMARE-PIQUOT. Depuis plus d’un demi-siècle, les sériciculteurs voient avec effroi s’accroître un fléau (la muscardine) qui décime ou ruine annuellement toutes les éducations, non seulement dans le centre et le midi de la France, où l'industrie séricicole est si populaire et si nationale, mais encore dans toutes les contrées situées au Sud de l'Europe. Par suite des ralnérdiss laborieuses des praticiens éducateurs et celles des savants, on est parvenu à connaître que le caractère endémique et contagieux de la maladie du ver à soie se propage par un germe qui prend naissance dans la nature même de l'individu, ‘224 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. fait constaté qui n’en est que plus inquiétant, puisque ce fléau augmente d'intensité chaque année. Partout l'éducateur et l'homme de l’art ont compris l’impossi- bilité d'arriver à la destruction du Botrytis (muscar- dine } et de régénérer ou rendre viable la vieille souche du Bombyx mori; or, quelle que soit la cause qui fait reparaître les accidents funestes que le cryptogame occasionne au retour des travaux de la magnanerie , il est évident.que rien encore n’a pu prévenir ou arrêter la marche de ce choléra du ver à soie , fléau considéré comme une calamité, qui semble défier la science et la vigilance éclairée du sériciculteur. Er vain les sages dispositions déjà prises par d’utiles mesures ; rien encore n’a pu faire découvrir le carac- tère dangereux de cet hôte funeste des magnaneries. Les nombreux travaux scientifiques entrepris à tant d'époques différentes par Dandolo, Bassi, Darcet, Nysten, Audouin et quelques autres non moins cé- Jèbres de nos jours : MM. Guérin-Menneville, Robert, Robinet, etc., n'ont-ils pas démontré que le Botrytis avait envahi complètement la race du B. mori que nous possédons ? calamité qui frappe souvent de mort - dans quarante-huit heures une magnanerie entière, toujours vers le cinquième âge, qui est celui de la récolte. Il y a vingt ans, j'eus l’honneur de présenter un mémoire à l’Académie des sciences , ayant pour but d'importer en France des races nouvelles de Bombices que j'avais étudiés durant mes explorations aux Indes : l’un sauvage, pouvant être introduit dans les provinces de l'Algérie et dans nos colonies américaines ; l’autre, déjà en voie de domestication sur divers points du Bengale. CONGRES DES ACADÉMIES, 295 Depuis plus de trente ans, un grand nombre d'essais d'éducation ont été tentés par quelques hommes de la science avec diverses espèces d’Aftachus polyphemus , Cecropia et autres bombices d'Amérique: mais bientôt on a compris que la France n’avait rien à attendre du nouveau continent, par l’infériorité du fil de ces in- sectes et par le caractère errant de ces phalènes , qui semble s'opposer à leur domestication ; du moins tel m'a paru être le type des diverses espèces que j'ai étudiées sur ce continent. Il n’en est pas ainsi des Bombices de l'Asie orientale ; presque toutes les espèces que j'ai examinées dans ces contrées fournissent un fil plus ou moins fin et élastique. La Chenille Saturnia Cynthia présente au fabricant une soie délicate, mais remarquable en force au tissage. Le Saturnia Cynthia offre au sériciculteur le précieux avantaged'étreéduqué, abrité ou à l’air libre, selon les localités, et il se nourrit avec la feuille d’une plante devenue vulgaire dans nos départements, le Ricinus palma Christi, également commune dans nos possessions de l’Algérie et autres contrées coloniales. Le Paphia peut se nourrir aisément sur cinq à six espèces de Rhamnus que nous possédons en France, comme sur le Jujubier sauvage, Ziziphus lotus, qu’on trouve dans nos provinces de l'Algérie, ainsi que sur d'autres productions horticoles et forestières de France et du Sud de l'Europe. Les inquiétudes d’acclimata- tion ne peuvent donc s'opposer à une telle introduc- tion, Ces bombices sont d’un transport aisé : le Cynthia passe 7 à 8 mois à l’état d'œuf: le Paphia reste éga- lement 6 à 7 mois sous forme de cocon nymphe; or, ils peuvent sans peine être soumis à un transport dans 2926 INSTITÜT DES PROVINCES DE FRANCE. notre patrie, où, par les antécédents du B. mor, nous avons droit d'espérer qu'ils passéront facilement des phases de la vie tropicale dans nos régions chaudes et variées de l'Afrique, et par suite dans les hameaux de notre fortuné territoire du Midi. Quant aux moyens d'exécution, qui demandaient autrefois qu’on les prit en considération , ils devien- nent illusoires quand un gouvernement puissant sait apprécier les choses et les moyens d'application. Main- tenaut qu'il ny a plus de distance par les progrès de la navigation à vapeur , la France doit bénéficier dés productions qui forment le bien-être et même la richesse de tous les autres peuples ; or, les diverses espèces de vers à soie domestiques ou sauvages de tous les points du globe connus devraient déjà être entre les mains de nos habiles éducateurs. | L'Algérie, devenue le sol auxiliaire de la mère-patrie, sera féconde pour cette nouvelle industrie comme elle l'est déjà pour les productions intertropicales qui ont été confiées à cette terre promise. Nous avons pour nous le sol et le climat ; mais nous manquons souvent par l'esprit d'entreprise et de per- sévérance. Si, après une longue série de siècles, la Chine est parvenue à domestiquer à son profit diverses espèces de chenilles sauvages, pourquoi la France, dont l’étude des sciences agronomiques est portée à un si haut degré, n’aurait-elle pas l'intelligence d’en faire autant sur toutes les fractions de son sol? Sommes- nous moins enfin aujourd'hui en sériciculture que ie l'ont été les Chinois ? Déjà l'Annuaire de la Société d'encouragement an- nonce qu’elle a apprécié l'utilité et le but économique CONGRÈS DES ACADÉMIES. 997 de la mesure; elle propose, dans son programme de 1852, au n°, 20, de voir décerner une prime « pour « l'introduction d’un nouvel insecte capable de fournir « une soie propre aux usages de l'industrie! » Par cette œuvre de haute philantropie , l’illustre compagnie, veut favoriser l'introduction de la soie en France et livrer au génie industriel de nouveaux fils soyeux; cet en— couragement peut devenir fortuné pour les générations futures. Chacun de ‘nous apprécie avec bonheur les bienfaits qui résultent de l’état prospère de notre in- dustrie nationale et de nos finances. La France, pai- siblement livrée au travail, semble donc être arrivée au moment de favoriser les améliorations utiles et de résoudre cette question si importante de la séricicul- ture, Qu'on se rappelle qu'a l'époque d’une grande et longue calamité {la guerre continentale), l'Empereur, de glorieuse mémoire, offrit la prime d’un million de francs à l’homme intelligent qui trouverait le moyen de filer le lin par un procédé mécanique. Le Souverain actuel, Napoléon, a aussi compris les besoins de notre époque, quand, par un décret du 23 février dernier, il offre une prime de 50 mille francs pour l'application de la pile de Volta, comme source de chaleur, soit aux sciences, soit aux arts. Si une telle prime est accordée pour la solution de ce problème, pourquoi l’homme d'Etat, avec ue parcelle budgétaire , n’arriverait-il pas à résoudre une difficulté si bien connue depuis un demi-siècle, quand cet objet est pour la France agricole et industrielle d’une aussi haute importance ? L'année désastreuse qui vient de s'écouler pour les sériciculteurs, prouve une fois de plus qu'il n'y a rien à atténdre du temps et des “ 228 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANOE. études entreprises depuis le commencement du siécle. L'expérience du passé prouve encore à l’homme sans système qu'il n’y a d'amélioration possible qu'avec une ou plusieurs races nouvelles ou variétés de Bombyx mort, prises au berceau de cet insecte intéressant. C'est le moyen certain d'obtenir de nouveaux pro- duits devant compenser la perte annuelle que nous faisons par l’état de faiblesse d'un insecte usé ou com- plètement abâtardi par le Botrytis muscardinique. Mais il n'appartient qu'au Gouvernement de prendre l'ini- tiative dans la régénération de cette belle industrie, si riche d'avenir sur les diverses fractions du sol français et de l'Algérie. Puisse l’homme d'Etat apprécier la situation pré- caire de la sériciculture chez nous, et lui accorder sa sollicitude par un léger sacrifice pécuniaire pour régé- nérer cet insecte précieux et qu'il en soit à l'avenir, comme pour nos ayeux sériciculteurs, qui avaient pour patrons nos rois : Louis XI, Charles VIII, Henry IV et Louis XIV. En ce moment, la reine Thérèse de Bavière, à l'exemple de nos anciens rois, vient de prendre la sé- riciculture sous son patronage. Par cette royale et nouvelle protection, un grand essor est donné à cette industrie dans les deux Allemagnes , qui, depuis quelques années , semblent vouloir, à l'exemple de la Suisse, ouvrir une rivalité avec nos établissements du Gard et du Rhône : mais, grâce au ciel, ces peuples ne possèdent ni nos riches contrées du Midi, ni la Corse, ni l'Algérie, qui, si on voulait, devraient seules suffire à nos besoins et devenir ultérieurement la mère-patrie de cette noble matière première. CONGRES DES ACADÉMIES. 229 La Chine est, sans aucun doute, le berceau primitif du Bombyx mori; mais la difficulté de voyager dans le centre de cet empire, hérissé d'obstacles et de dangers, rend cette exploration impossible. H n’en est pas de même sur le vaste plateau du Bengale, où j'ai eu occasion de remarquer, lors de mon séjour prolongé dans ces contrées, qu’il existe une varièté de B. mort sur les différents points de l'Hin- doustan, dont Latreille a parlé avec avantage dans le rapport qu'il fit à l’Académie des sciences, en 1831, sur mon premier mémoire concernant cette matière. Les régions tempérées ou altitudes montagneuses du Sylhet, du Thibet, d'Assam, du Delsau, du Népaul et du Candahar, sont des lieux à explorer avec succès. On y trouve des variétés de B. mori de la Chine , et autres espèces de bombices pédiculés, soit sauvages ou déjà domestiqués. Outre cette question vitale chez nous pour la sérici- culture, il en est une non moins palpitante d'intérêt pour la société: c’est le besoin extrême où nous sommes d'introduire des productions ou légumes farineux autres que les céréales. Il est assez prouvé par les nombreux voyageurs qui ont parcouru l'Amérique centrale et ses deux extrémités Nord et Sud, que nous n'avons rien à attendre de ce continent comme secours alimentaires. On sait déjà le peu d'énergie que présentert jusqu’à ce jour dans notre zône tempérée la végétation des deux plantes farineuses que J'ai introduites en 1848. Mais là où j'indique l’exis- tence des vers à soie, dans les contrées tempérées (montagnes) de l'Hindoustan, pays essentiellement 230 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. riche en productions végétales, on doit y trouver &es plantes farineuses qui servent à l’alimentation des In- diens indigènes, Les différentes parties de ce grand continent si variées n’ontque-très-peu encore été visitées dans cette spécialité de recherches ; or, il est essentiel de joindre cette opération à la première. Le dépérissement annuel de la pomme de terre commande de multiplier dans nos cultures des plantes qui puissent, simultanément avec la pomme de terre, pourvoir à l'alimentation des générations futures. M. Guérin-Menneville dit qu'il y a deux ans, il a déjà été envoyé de Manchourie au ministère du com- mercé et de l’agriculture des cocons de vers à soie vivant sur une espèce de chêne. Les cocons sont arrivés à Paris dans le plus mauvais état possible, par suite du peu de soin qu’on en avait pris; obligés qu'ils avaient été de passer par une foule de magasins et bureaux généralement très-chauffés, il en était résulté qu'une partie des cocons avaient éclos en route et que les papillons étaient morts dans la caisse. Il pense que le seul moyen pour obtenir de bons résultats serait d'envoyer sur les lieux mêmes quelqu'un qui s'occupât de cette question. Il annonce que dans le département de l'Orne il connaît un pharmacien qui réussit fort bien à élever des vers à soie, en leur donnant pour nourriture des feuilles de scorzonère d'Espagne. Les fils des cocons sont très-fins et offrent un aspect par- ticulier. La sériciculture pourrait peut-être trouver dans cette plante un moyen de suppléer à la feuille de müriér lorsqu'elle a été détruite par des gelées tardives. CONGRÈS! DES ACADÉMIES. 231 À la suite de ces observations, M. Guérin:Mennevilie, membre de la Société impériale et centrale de Paris, et d'un grand nombre de sociétés agricoles et scientifiques françaises et étrangères , lit un mémoire sur la maladie de la vigne contenant de courtes observations au sujet d'un rapport à M. le Ministre de l'intérieur sur les vignes malades, suivies d’un appel à l'expérience et à la pratique pour chercher des procédés culturaux susceptibles de préserver nos vignobles des ravages que l’on attribue à tort à l’Oïdium. MÉMOIRE DE M. GUÉRIN-MENNEVILLE. Depuis la publication de la notice que j'ai eu l’hon- neur de lire à l’Académie des sciences, le 6 septembre dernier {insérée dans la Patrie du 7, et dans la Presse de la banlieue du 17 octobre 1852), beaucoup d’autres observations sur la maladie de la vigne sont venues à ma connaissance, soit par des communications aux sociétés savantes et agricoles , soit par des publications faites en France et à l'étranger. Les résultats de ces travaux, joints aux études que j'avais faites sur place dans la grande culture , et contrôlées dans le cabinet à l'aide de la dissection, du microscope et du dessin (1), ce mélange de travaux pratiques et scientifiques, ces observations faites par l’homme de science devenu présque paysan depuis bientôt dix ans, m'ont fait (4) J'ai communiqué ces dessins à mon honorable ami M. Louis Leclerc, quoiqu'il ne partageât pas ma manière de voir, pour être gravés à la suite de son Rapport sur les vignes ma- lades Paris, Hachette, 1853), æ 232 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. envisager cette grave question sous un point de vue plus pratique. En outre , j'ai comparé mes observations avec celles des autres, en analysant tous les écrits, et ils sont nombreux,que j'ai pu me procurer,et il en est résulté pour moi la conviction que je dois être dans la voie la plus vraisemblable , quand je persiste à sou- tenir : 1°. Que les vignes de la grande culture sont évidem- ment dans un état anormal et pléthorique, c'est-à-dire qu’elles se sont trouvées, depuis trois ans, à cause de circonstances météorologiques produites par des hivers trop doux et remarquées par tout le monde, dans des conditions analogues à celles où l’industrie humaine les a placées dans les serres et les treilles, ce qui a amené les mêmes phénomènes, la même maladie. 2°. Que l'Oïdium ne peut être que la conséquence de cet état anormal ; que son apparition est générale- ment précédée par des taches sur les ceps de l’année, et qu’il semble ne pouvoir se communiquer à des sujets sains par le simple ensemencément de ses corps re- producteurs ou sporules. Dans un autre travail, dont je n’ai pu encore réunir tous les éléments, j'apporterai beaucoup de preuves à l'appui des propositions précédentes , en discutant les divers travaux qui ont été faits sur la maladie de la vigne , et j'espère que l’on reconnaîtra que son origine n’est pas un si profond , un si impénétrable mystère. Cette maladie ne peut avoir d’autre cause principale que la température trop douce de nos derniers hivers , ce qui a dérangé l'harmonie du travail physiologique de ce végétal. Cette température anormale, combinée CONGRÈS DES ACADÉMIES. 233 avec d’autres phénomènes climatologiques qu'elle a pu produire et coïncidant avec une culture perfectionnée , est venue altérer la constitution de nos vignes, en les obligeant à employer trop rapidement leurs forces vi- tales pendant l'hiver, en les sollicitant à un travail qui ne doit avoir lieu que pendant un temps donné et non toute l’année. Il s’est produit, par conséquent, une plus grande quantité d'éléments organiques, ce qui a amené chez elles, comme chez les animaux, un excès de vitalité, un mouvement vital trop rapide, un état de pléthore enfin. On sait que l’apparition de l’Oïdium a d'abord eu heu dans les serres ‘et ensuite dans les treilles, la où les vignes sont bien soignées, en profitant d'engrais abondants donnés aux jardins potagers et fleuristes , contre les murs desquels elles sont abritées. On sait aussi que cette maladie ne s’est montrée sérieusement , dans les grands vignobles, que depuis deux ou trois ans : or, depuis deux ou trois ans on se plaint partout de }’absence d'hivers. On voit les végétaux indigènes, ceux dont la nature est de demeurer presque inertes pendant l'hiver, entrer en action, gonfler leurs bour- geons, élaborer, en un mot, des éléments qui devraient encore demeurer long-temps à l'état de préparation lente et n’entrer en action qu'à une époque plus éloignée. Il est évident qu'il doit résulter de ce travail anticipé une plus grande quantité d'éléments nutritifs, et que, peut-être, ceux-ci, n'ayant pas été produits avec la lenteur qui assure leur bonne qualité, donnent au sujet qu'ils doivent nourrir une plus grande aptitude à être influencés par des causes physiques et chimiques. Ii doit se passer là des phénomènes semblables à ceux 234 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. que l’homme produit en soignant la vigne dans les serres et dans les treilles, c'est-à-dire développement anormal et plus rapide, et, par conséquent , maladie semblable. Je donne une idée des études que j'ai entreprises, depuis sept à huit ans, sur la maladie cryptogamique des vers à soie, nommée muscardine, qui ne se montre spontanément que sur les sujets très-vigoureux qui ont trop bien profité d'une nourriture abondante et subs- tantielle. Je parle aussi des maladies qui assiègent les vers à soie nés d'œufs conservés dans une température qui a pu faire commencer le travail physiologique propre à former leur embryon. Les œufs placésdans ces fatales conditions sont ce que les praticiens appellent émus, et ils forment des sujets accessibles à toutes les maladies. Je cite encore les animaux domestiques destinés à la boucherie, qui, s’ils n'étaient pas tués à temps, seraient attaqués par des maladies épidémiques et surtout par la cachexie aqueuse. Quoiqu'il. semble. à quelques observateurs que, à considérer les choses de très-près, chaque pied de vigne soit. individuellement affecté selon son tempérament propre, et que tout échappe encore à l'explorateur de grandes surfaces attaquées, ilest certain qu’en se pla- çant à un point de vue indépendant de la théorie qui admet la dissémination, sur l'aile des vents, des sporules de l'Oïdium comme cause de la maladie, on peut ar- river à une généralisation susceptible au moins de guider dans les explorations ultérieures. Cette théorie de l'éensemencement des sporules de l’Oïdium , comme cause. de la maladie, mise en présence des faits, parait tellement difficile à soutenir, que des écrivains d'une CONGRES DES ACADÉMIES: 235 grande valeur sont allés jusqu’à se contredire eux— mêmes: En effet, ils assurent que les vents jetèrent sur le continent les sporules du fatal Oïdium , né, en 1845, dans les serres de Margate, et qui venait peut- être des pays chauds. Puis ils ajoutent qu’on a parfois rencontré sur le même cep des grappés sames et in- tactes à côté d’autres grappes affreusement infectées ; qu'on a vu un pied de Madeleine intact en face d’une vigne dévastée. Ils ont même vu des grappes enve- loppées dans des sacs de papier avoir l'Oïdium, et tout cela n’a cependant pas ébranlé leur foi; ils croient toujours à l'influence du transport des sporules, ét ils ajoutent encore, après ces observations, qu’on pourrait regarder l’Oïdium comme cause efficiente de la ma- ladie. | Si tous les … faits que l’on a enregistrés ne peuvent établir d’une manière plausible que la: dissémination des sporules de l’Oïdium ést la cause prémière de la maladie ; si l’on ne‘ peut admettre que l'agent destructeur visible et palpable s'offre à notre examen sans dutre voile que sa petitesse; beaucoup d'observations viennent mon- trer que cette maladie réside dans la vigne , procède de dedans en-dehors, et présente généralement des symp- tômes assez long-temps avant l'apparition de l’Oïdrum. On trouve même cela plus ou moins clairement établi dans quelques-uns des auteurs les plus partisans de l’idée contraire, car l’un d'eux écrit avec une conscience qui l'honore , que c’est la culture et l'amélioration qui ont rendu la vigne, comme les animaux améliorés , plus susceptibles de maladies que les êtres sauvages. Des observations faites dans un grand nombre de lieux; 236 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. lui ont montré une surabondance du cryptogame dans les terres basses et humides, qui sont toujours plus fertiles. Il:a reconnu que la plantation des vignes dans les terres basses , fécondes et humides, devient une circonstance qui concourt puissamment à l’étendre, et conséquemment une aggravation considérable de ce malheur. De plus, le même observateur a vu encore que des vignes placées sur de hauts sommets étaient intactes. On reconnait généralement aujourd'hui, ajoute-t-il plus loin, que la vigne cultivée dans les terres hautes, inclinées, arides, se défend mieux et souffre moins. Que pourrais-je dire de mieux pour prouver que le cryptogame n’est qu’une conséquence d’une maladie _de la vigne, et que cette maladie est due à un état de pléthore de ce végétal. Quand la vigne est gaillarde, tout va bien; mais quand elle l’est par trop, quand elle arrive à se porter trop bien et non très-bien, ma faible raison me fait penser qu'elle est en danger, comme l'est un animal amélioré ou denaturé par la vie artificielle qu'on lui inflige et qui se nomme culture ou domesticité. Cet excès de vitalité des végétaux, cet état de plé- thore amenant d’autres altérations, se manifeste par des symptômes très-divers. Dans les arbres, il y'a des écoulements de sève , des chancres, des loupes, etc. ; chez la vigne ce sont de petites taches aux ceps dans beaucoup de cas, et toujours l'apparition d’un cryp- togame, phénomènes qu’un agriculteur praticien, M. Camille Aguillon, de Toulon, considère comme res- semblant à une éruption de peau, et que j'ai comparé CONGRÈS DES ACADÉMIES. 237 moi-même à l’éruption variolique, expression qui a été trouvée tout au moins fort originale, mais qui cepen- dant a pu seule rendre ma pensée. Du reste, ce qui me semble prouver encore- mieux l'état pléthorique des vignes malades , ce sont les ré- sultats qui ont, été obtenus par l'absence de toute taille, par la taille tardive , par la saignée ou des blessures, faites en temps opporiun, et par tous les moyens qui tendent à affaiblir momentanément la vigne. Aujour- d'hui ces faits abondent, et les Sociétés savantes et agricoles ont reçu descommunications assez nombreuses à ce sujet. Si quelques écrivains déclarent encore qu’à leur connaissance, aucune de ces pratiques n’a donné de résultats, c'est certainement parce qu'ils n’ont pu les étudier en temps utile. C'est peut-être aussi que, prévenus par le système soutenu par des savants émi- nents, ils ont traité avec trop de dédain les observations des simples praticiens qui parlent de ces faits et les procédes culturaux dont ils peuvent indiquer les prin- cipes. Si les résultats de la saignée de la vigne ont été nuls en 1852; si le silencieux sourire de quelques ita- liens, consultés à ce sujet, a pu faire penser que ce procède n'avait pas plus réussi chez eux, cela pourrait plutôt tenir à ce que ces essais ont été faits à une époque inopportune, parce que la connaissance du procédé de M. Guida est arrivée trop tard à ces agri- culteurs, ainsi qu’à moi et à M. E. Robert, à Ste.-Tulle, où nous les avons aussi expérimentés en vain. Sans entrer dans l'examen complet des travaux des savants et des praticiens qui ont écrit sur la maladie de la vigne et qui viennent appuyer sa manière de voir 238 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. . à ce sujet, M. Guérin-Menneville en cite quelques- uns, tels que M. Géra, de Corregliano , Trevisau , Roberto Visani, Bacci, docteur Bertola; Amici, de Florence; Ch: Martnis , de Montpellier ; Dalmas, de l'Ardèche, etc. Il rappelle qu’il a, le premier, signalé les bons résultats de la taille tardive, obtenus par le cultivateur Tessier, de la Drôme, résultats confirmés plus tard par la remarquable lettre du vigneron Joseph Roussel, de Joyeuse, et même par le rapport officiel de M. Heuzé, sur la maladie des vignes aux environs de Paris. En présence de ces faits , qui semblent tous montrer que la maladie des vignes est un état pléthorique de ce végétal, dû aux hivers extraordinaires qui se sont succédé depuis trois ans, aidés peut-être par les fa- mures, les méthodes perfectionnées de culture, que peut l’homme? Evidemment il n’a aucune action sur la tem- pérature, sur l'humidité, sur l'électricité générales ; il ne peut, en un mot, modifier l’état météorologique. Il doit donc porter tous ses soins, toute son intelligence, vers la recherche de moyens susceptibles de modifier le végétal. T1 doit profiter des indications qui lui sont données par la nature elle-même, indications qui mon- trent qu'en débarrassant les vignes, en temps utile, du superilu de matières nutritives qu’elles ont élaboré, on peut les ramener à l'état normal. Je dois donc conseiller de nouveau aux agriculteurs d'essayer, cette année, des procédés culturaux que j'ai indiqués ci-dessus et dans mes précédentes notices , tels que la suppression entière ou partielle de la taille, des scarifications faites au printemps, et surtout la taille tardive ; mais je les prie instammént de pratiquer CONGRÈS DES ACADÉMIES. 239 ces opérations en temps utile, à une époque où elles peuvent donner des résultats évidents comme ceux ob- tenus par le vigneron J. Roussel, de Joyeuse (Ardèche), qui écrivait à l'Académie des sciences, le 22 août 1852 : « Dans ma remarque, la vigne qui à été taillée dans le courant du mois d'avril, au moment où la sève com- mençait son mouvement, a été à l’abri de la maladie, ainsi que celle qui a reçu quelques entailles dans le temps de la sève, etc., etc. » Je ne propose cependant pas encore aux agriculteurs d'appliquer ces procédés d'une mauière générale , et je crois qu’il faut bien se garder de les employer, cette année, comme des remèdes définitivement acquis. Mais il faut les expérimenter comparativement et sur une assez grande échelle, dans des localités et à des époques diverses, dans les fermes régionales et les fermes écoles, chez des propriétaires instruits, pour que ces expé- riences puissent donner des résultats susceptibles de permettre d’asseoir un Jugement positif l’année pro- chaine. Quant aux procédés mécaniques et chimiques que j'appelle horticoles, et qui consistent à débarrasser , une ou plusieurs fois, les raisins de l'Oïdium qui les couvre, Je crois que l’on fera très-bien de continuer de les expérimenter dans des conditions où ils seront d’une application avantageuse, car ils peuvent certai- nement rendre des services dans la petite culture. Cependant je doute qu’ils puissent jamais être employés avantageusement dans la grande pratique, à cause de leur prix de revient, hors de proportion avec la valeur de la récolte. | 240 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. Sans entrer dans l'examen de la question de savoir si la maladie de la vigne a déjà existé, en présentant identiquement les mêmes symptômes, je crois qu'il est permis d'espérer qu'elle cessera ses ravages quand les causes qui semblent les avoir provoquées cesseront d'exister, c'est-à-dire lorsque les hivers auront repris leur caractère habituel sous notre climat. Dans tous les cas, j'ai pensé qu'il était utile, urgent même, de combattre la théorie soutenue par des nota- bilités scientifiques et agricoles, parce qu'il me semble- rait dangereux qu’elle fût adoptée sans examen et de confiance. Si l’on finissait par admettre que l’Oïdium est la cause du mal et non sa conséquence, on dirigerait toutes les études dans ce sens, on ferait venir de Paris des cargaisons entières de soufre et de soufflets , ce qui serait fort coûteux, on négligeraitde faire des recherches dans le sens contraire, et l’on pourrait bien perdre ainsi un temps précieux. Je le répèterai encore ici, c’est parce que les idées que j'ai émises sur ce grave sujet diffèrent totalement de celles qui sont propagées jusqu’à présent , que j'ai cru devoir les publier. J'espère provoquer ainsi la eri- tique, l'examen et surtout l'expérience, pour que la lumière se fasse. Si elle se fait à mes dépens, s’il est reconnu que je me suis trompé, si, pour le prouver, on fait avancer la question, j'en serai très-heureux, _ car mon dévouement et ma hardiesse auront eu un résultat utile pour notre agriculture. Je déclare donc, en toute sincérité, que s’il arrivait que. j'eusse mal interprété les faits sur lesquels je m'appuie; si, comme cela a été imprimé dans un CONGRÈS DES ACADÉMIES. 241 élégant rapport au Ministre sur les vignes malades, il il était reconnu que l’origine réelle, la source primitive de la maladie est encore un profond, peut-être un impénétrable mystère, 4] ne me serait pas si difficile qu'on le croit de retourner sur mes pas et de me démentir, car cela m'est déjà arrivé et doit arriver à tout honnête homme qui cherche consciencieusement la vérité. Je me rappellerais encore alors ces belles paroles d'un grand naturaliste , de l'illustre Réaumur, qui a dit : Il convient à tout galant homme, à tout vrai savant, de reconnaître ses erreurs. M. de Caumont demande si les personnes qui ont spécialement étudié l'entomologie peuvent rendre compte du phénomène que l'on voit souvent se pro- duire sur les arbres fruitiers, et particulièrement sur les pommiers en Normandie, phénomène qui consiste à les voir se couvrir de quantités prodigieuses de che- nilles, certaines années , sur d'immenses étendues, tandis que dans d’autres on n’en voit pas du tout. M. Guérin-Menneville dit que les papillons pondent leurs œufs sur les arbres et principalement dans les boutons ; que ces œufs peuvent supporter des tempé- ratures très-basses, même au-dessous de zéro, à la condition que leur dégel ait lieu lentement ; qu'ainsi les hivers rigoureux, comme beaucoup de personnes le supposent, ne tuent pas les insectes, au contraire, ils retardent leur éclosion et les préservent ainsi des gelées tardives, qui sont pour eux très-meurtrières ; car lors- que le travail de la nature a commencé, lorsque l'œuf se développe , des températures trop basses sont extrè- mement préjudiciables et souvent mortelles pour les 11 2492 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. insectes. Une chose qui est au contraire on ne. peut plus favorable à leur développement, sont les brouil- lards du printemps, qui, en arrêtant la végétation, permettent à la chenille de prendre une certaine vi- gueur avant que les bourgeons ne s'épanouissent en- tièrement. Mais si à cette époque l'humidité peut être propice aux insectes, un hiver mouillé en détruit des quantités considérables, en en noyant un grand nombre et en en faisant moisir un plus grand peut-être encore. La séance est levée à 11 heures. Le Secrétaire, G. pe Lorikag. SECTION D’AGRICULTURE, SÉANCE DU 27 JANVIER. (Présidence de M. Denis. ) Sont au bureau : MM. Ponsard,, de la Chauvinière, de Caumont et Ch. Calemard de la Fayette, secrétaire. La question suivante du programme agricole est mise en discussion : « Vers quelles modifications doivent tendre lesefforts « des agriculteurs , soit dans le règne animal, soit « dans le règne végétal ? » M. de Caumont rappelle que cette question a été traitée à la réunion de l'Association normande. Elle embrasse l'étude de la mécanique agricole et des mo- CONGRÈS DES ACADÉMIES. 243 difications à introduire dans les cultures par des se- mences. L'application de la mécanique aux travaux de l’agri- culture est de la plus haute importance. Il.a été constaté déjà que les machines à vapeur s’adaptaient fréquemment en Angleterre et même dans quelques localités en France aux services agricoles. Il y a là un monde nouveau. Le choix des semences prénéite aussi un intérêt capital. M. de Caumont n'indique ces deux points que pour appeler sur eux toute la sollicitude de la section, et expliquer comment l’article en discussion a paru mériter d'être mis au programme , parmi ceux qui de- mandent une étude sérieuse. M. Denis fait hommage au Congrès d'un mémoire contenant la description d’une pompe à feu de nouvelle invention , qui lui paraît pouvoir s’utiliser avantageu- sement dans une foule de services agricoles. Cette machine a été construite par un homme de talent, M. Flo. Elle a pour immense avantage, en outre de son poids beaucoup plus léger que les ma- chines de forces équivalentes à vapeur, d’être d'un prix beaucoup moins élevé; de plus , elle est d'une dimension très-restreinte : ainsi, pour une machine d’une force de 6 chevaux, un emplacement d'un mètre suffirait. M. Denis engage ceux de ses collègues qui voudraient voir fonctionner cette pompe à feu, à l’aller visiter chez l’inventeur, homme modeste et distingué, qui se fera un plaisir de donner à nos collègues tous les rensei- gnements désirables. M. Ponsard signale les nombreux usages auxquels 244 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. cette machine, telle que la décrit M. Denis , pourrait être employée dans nos fermes. Elle donnerait un moteur puissant et commode pour les machines à battre, pour les pressoirs, pour les huileries, etc. M. le comte de Straten demande si quelque membre aurait déjà vu des moulins à farine joints à des ma- chines à battre. Il est à sa connaissance qu’il existe dans la Moselle une machine qui sert à moudre le blé en même temps qu’à battre les récoltes. Les produits en farine sont des plus satisfaisants , et M. de Straten en. a pu juger par lui-même. Un manège à deux che- vaux sert de moteur; mais M. de Straten admet qu'il y aurait tout profit à y adapter une machine comme celle dont a parlé M. Denis. : M. Ponsard pense que l'emploi des died crée une force bien insuffisante pour produire une bonne mouture des grains. La mouture imparfaite donne en effet une farine de qualité très-supérieure, mais il se fait une grandedéperdition de farine qui reste dans leson. Les machines à battre, mues par le vent, lui pa- raissent mériter une juste préférence. Il connaît un moulin à vent qui moud le blé, concasse les légumes pour l’alimentation des bestiaux, sert de moteur à une machine à battre, rendenfin les plus multiples services. Plusieurs membres parlent aussi de divers procédés mécaniques très-utiles dans les travaux agricoles. M, de Straten signale entre autres des pressoirs trans- portables pour le vin, et donnant des résultats très- satisfaisants, Dans la Moselle, pays de petites produc- tions en vins, les petits cultivateurs ne peuvent avoir un pressoir à eux, et les machines transportables leur sont on ne saurait plus utiles. : ; CONGRÈS DES ACADÉMIES. 245 M. Denis, président, provoque d’autres communica - tions, et propose de passer à la seconde partie de l’art. 3. M. Charles Calemard de la Fayette établit l'immense importance des choix à faire dans les diverses variétés de céréales. S'il est vrai que quelques variétés présen- tent un rendement d’un quart ou d’un cinquième plus considérable que les variétés le plus généralement ré- pandues, quel avantage n’y aurait-il pas à en géné- raliser les cultures ? M. Ponsard conseille aussi l'introduction nouvelle des cultures industrielles. Le houblon réussirait par- faitement dans beaucoup de localités, et nous affran- chirait d’un tribut très-onéreux que nous payons à la production étrangère. La culture du lin mériterait aussi d’être encouragée, Les variétés nouvelles qui ont merveilleusement réussi en plusieurs localités, appellent sous ce rapport la sollicitude des cultivateurs. M. Denis approuve complètement la pensée d’étu- dier assidäment les variétés à introduire dans les cultures.Il ne croit pas que, comme l'a dit l’un des pré- opinants, les cotons tendent à diminuer; la récolte très-abondante de cette aunée lui en fournit la preuve ; mais la culture du lin ne lui en paraît pas moins de la plus haute importance, pour l'intérêt du producteur, comme pour le développement de nos manufactures. On ne saurait donc trop engager les Sociétés à provo- quer des essais dans leurs circonscriptions respectives. M. Calemard de la Fayette pense que pour les pays pauvres, et où l’agriculture accomplit si difficilement les moindres progrès, les excitations des Sociétés sont bien insuffisantes. Il serait très-désirable que le 246 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. Gouvernement, par des envois sérieux de diverses variétés de céréales, permit aux Sociétés de faire accomplir dans une proportion suffisante les expé- riences comparatives qui permettront de conclure en faveur de telle ou telle céréale, et de propager énergi- quement et promptement la plus méritante. M. Quenard dit que des essais qui rentrent dans la pensée exprimée par le préopinaut sont faits sous les auspices de la Société centrale d'agriculture, par M. Vilmorin, et que les résultats en sont transmis avec soin à l'administration supérieure de l'agriculture. M. de Straten appuie la pensée de choisir les céréales, il croit que tout le monde a pu constater et lui-même a constaté qu'il en était qui avaient en effet la plus grande supériorité sur les autres. Il y a donc beaucoup à faire en ce sens. Mais M: de Straten ne veut pas admettre que l’in- termédiaire administratif puisse être convenablement invoqué. Demander à l'administration supérieure d'en- trer dans le détail des expérimentations, c’est risquer de compromettre l'autorité vis-à-vis de ses administrés. M. Ponsard parle d’une variété de céréales qu'il croit supérieure à toutes celles dont il a été parlé dans ces derniers temps. Lui-même a introduit d'Angleterre cette céréale, le blé Ikling , qui a réalisé tout ce qu'il pouvait attendre de la réputation dont il jouit en Angle- terre. Après le blé Ikling, le blé Victor Paquet paraît à M. Ponsard mériter aussi beaucoup d'attention. Le même membre signale ensuite par ordre de mé- rite : | Le blé blanzé, blanc de Russie, d'Australie et blé fauton, etc. CONGRES DES ACADÉMIES: 247 Sur cent quatre-vingt blés essayés par M. Ponsard, ceux-là lui ont paru supérieurs en qualité et en rende- ment. Le même membre signale aussi comme lui ayant paru très-remarquabie par ses produits, l'orge hexas- tique d’hiver et l’avoine du Kamschatka. M, Ponsard pense comme M. de Straten que l’ini- tiative des comices et des Sociétés d'agriculture est suffisante et qu'il ne faut pas demander au Gouverne- ment de s'occuper de tout. M. Duchatellier combat la pensée de M. de Straten. M. de Straten, dit-il, pense que l'intervention du Gouvernement risque de l’amoindrir et de ne pas trouver crédit dans les populations. En Bretagne, il n'en à pas été ainsi : les essais individuels ont souvent échoué là où la propagation de cultures pour lesquelles le Gouvernement avait envoyé des graines s’est ac- complie d'une façon très-heureuse pour l’agriculture. Des fourrages nouveaux ont été de la sorte essayés: tous n’ont pas réussi; mais beaucoup se sont répandus et rendront les plus grands services. M. Duchatellier cite l'envoi fait par le Gouvernement de graines de pin laricio, qui a donné une très-heureuse impulsion et de très-beaux résultats. Les musées locaux ddüstrièls et agricoles dont M. Duchatellier a déjà entretenu le Congrès ailleurs , lui paraissent pouvoir réunir très-avantageusement des assortiments de graines qui appelleront l’étude et la Comparaison des populations agricoles. M. Ch. Calemard de la Fayette remarque qu'il se produit souvent dans le Congrès deux opinions op- posées sur l’action que le Gouvernement doit exercer: 248 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. en agriculture, suivant que les divers membres appar- tiennent à des localités riches ou pauvres. Pour les pays riches, tout se fait, tout s’accomplit par l'initiative des cultivateurs éclairés et progressifs. Mais dans les régions arriérées, les instructions des Sociétés savantes sont d’une évidente impuissance ; personne n'est en mesure de donner l’exemple, et la misère du cultivateur est présentement le plus éner- gique obstacle aux améliorations qui seraient plus in- dispensables pour lui que pour tout autre. Un système peut-être très-rationnel de décentralisa- tion porte beaucoup d’esprits à repoussèr, ou à ne vouloir pas qu'on provoque l'action administrative ; cette question n'est pas en cause. Tant que le budget de l’agriculture, tant que les encouragements agricoles seront à la disposition de l'administration supérieure , c'est bien à elle qu’il faudra s'adresser quand il y aura à prendre une initiative énergique que nul ne peut exercer sans elle, On a dit aussi pour l’amélioration des races d’ani- maux, qu’elle dévait se faire par les grands cultivateurs et dans les exploitations puissamment ét savamment dirigées ; mais là où il n'existe ni grands cultivateurs, ni grandes exploitations modèles, faut-il donc ne rien: faire ? | M. Ponsard dit que toutes les fois que la Société d'agriculture du départément auquel il appartient a exprimé le vœu que le Gouvernement lui envoyât des variétés de semences qu'il lui paraissait utile d’expé- rimenter, l’envoi avait été fait, M. Denis, président, résume les opinions et pose la question : CONGRÈS DES ACADÉMIES. 249 Conformément aux idées exprimées dans la discus- sion, les conclusions suivantes sont admises : « Le Congrès engage les Sociétés agricoles à provo- quer des expérimentations , pour constater la valeur relative des diverses variétés de plantes et notamment des céréales, et leur conseille de solliciter, pour ces expérimentations, le concours du Gouvernement , en faisant des vœux pour que ce concours leur soit large- ment accordé. » Une discussion s'engage sur l'article suivant, déjà traité en séance publique, et concernant les engrais. M. Calemard de la Fayette rappelle que, Yannée dernière , le Congrès avait exprimé le vœu qu'il fût rédigé une instruction primaire et pratique, accessible à tous les cultivateurs , sur la manière la plus avan- tageuse de traiter les engrais, et de leur donner, par les additions les plus convenables, leur plus grande valeur. : | Il voudrait que ce petit manuel, auquel le Congrès avait paru attacher , l'année dernière , une si grande importance , ne fût pas perdu de vue, et que, si les travaux du Congrès sont déjà trop avancés cette année pour qu'on s’en occupe immédiatement , ce but soit indiqué aux savants compétents. M. de Caumont dit que MM. Girardin et Morière, professeurs d’agriculture , ont publié un excellent manuel qui ne se vend que quelques centimes et qui a été répandu avec profusion dans les cinq départements de la Normandie et beaucoup plus loin. M. Quenard demande à dire quelques mots à ce sujet. Il signale au Congrès une brochure dont il lui a fait hommage pendant le cours de cette session. , 250 [INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. Cette brochure a pour but de porter à la connaissance des agriculteurs une méthode mise en usage par M. Quenard et indiquée par lui il y a près de 18 ans, la- quelle consiste à solidifier et désinfecter les matières fécales, en les mélangeant soit avec des résidus de fourneaux à charbon, soit avec de la poudre de petite braise écrasée sous un meulage quelconque, soit avec des substances terreuses carbonisées. M. Quenard ajoute qu'il a étendu ce procédé aux déjections liquides et solides des animaux , et qu'il l'a également appliqué à la salubrité des habitations de ces animaux. | Sur l'observation faite par un membre, que les matières .carbonisées dont parle M. Quenard ne sont pas d’une application générale, attendu leur rareté surtout dans certaines localités, M. Quenard dit qu'il est en mesure de répondre à cette objection, qui Jui a été faite plusieurs fois, et, à l’appui, il prie de vouloir bien remarquer qu'il est peu de circon- scriptions territoriales où il n'existe. pas soit une certaine étendue de bois, soit des fours à chaux, des fours à tuiles, des magasins de charbon, et surtout des terres ou des tourbes qu’on peut carboniser. Il insiste, en terminant, pour qu’on ait recours à la méthode: qu'il vient d'indiquer , comme présentant le succès le plus efficace pour désinfecter les engrais, c'est-à-dire pour retenir les gaz volatils, principes re- gardés aujourd'hui comme constituant la principale richesse des fumiers. M. Ponsard remarque l'excellence du procédé , là où il est possible de‘se procurer ces résidus charbonneux, indiqués par M. Quenard, mais sur les données que CONGRÈS DES ACADÉMIES.: 251 lui a fournies sa pratique personnelle ,; M. Ponsard conseille comme beaucoup plus économique l'emploi du sulfate de fer dont il s’est toujours parfaitement trouvé. M. de Saisy demande le prix de revient de ces di verses pratiques. M. Ponsard répond que le sulfate de fer coûte 7 fr. les 100 kilos. M. Quenard dit que les charbons pulvérulents dont il a parlé ne coûtent rien que le transport, là où il y a des fabriques de charbon. , M. Destourbet fait remarquer le grave inconvénient qui existerait dans l'exploitation des bois où se fabrique le charbon, à enlever comme le voudrait M. Quenard, le fazy ou terre brûlée des trous où à déjà été fabriqué le charbon. Le même membre signale aussi le remarquable ouvrage de M. Girardin, sur les engrais, et croit que le Congrès ferait bien de le recommander aux Sociétés savantes. Le Comité, accueillant avec reconnaissance les indi- cations partielles qui viennent de lui être données, admet la proposition qui a été faite, et exprime le vœu qu’il soit rédigé un résumé très-clair et très-pratique des divers moyens indiqués jusqu'à ce jour pour per- fectionner les fumiers , et traiter d’une façon simple et économique les matières qui constitueraient des engrais précieux, mais qu'on laisse trop généralement perdre aujourd’hui, tels que chair, sang, os et toute espèce de débris d'animaux, etc. M. Denis, avant de lever la séance, donne à la com- mission les détails les plus intéressants sur la pre- 252 INSTITUT DÉS PROVINCES DÉ FRANCE. wière exposition faite récemment à Laval et sur les fêtes qui ont eu lieu à ce sujet. Il fait en même temps hommage de l'Annuaire, pour 1851, de la Société des anciens élèves des écoles na- tionales d'arts et métiers. Le Comité s’ajourne à demain vendredi, à 11 heures. Le Secrétaire, Ch. CazevanD Dp8 La FAyerTre. SECTION DE LITTÉRATURE, BEAUX-ARTS ET ARCHÉOLOGIE. SÉANCE DU 27 JANVIER. (Présidence de M. le comte ne MecLer.) Siègent au bureau : MM. Mahul, l'abbé Cochet, de Chennevières, du Vautenet, de Bonneuil, secrétaire. Les procès-verbaux des deux dernières séances sont lus et adoptés. La discussion est ouverte ensuite sur la 9. duserioé du programme, ainsi conçue : | « Les Sociétés académiques ne doivent-elles pas « rechercher les noms et les dates chronologiques des « peintres nationaux les plus anciens, en descendant « jusqu'aux temps bien connus ; indiquer leurs œuvres, « les lieux où elles se trouvent , et déterminer la part « d'originalité qu'il fant faire à la peinture française «et ce qu’elle a pu prendre sous l'influence de l’art <'en Italie, en Flandre, etc. » CONGRÈS DES ACADÉMIES. 953 M. le Président demande à dire quelques mots pour développer cette question qui a été proposée par lui. En Italie, dit-il, les traditions de la peinture ont été religieusement conservées et la chronologie de ses artistes remonte jusqu’au XIII. siècle. Leurs œuvres même subsistent encore, en partie du moins, et l'authenticité n’en est pas contestable. En France, il n’en est pas de même; la date la plus ancienne de peintres connus ne remonte pas au-delà du XV®. siècle. On retrouve cependant encore des peintures qui datent de plus loin et remontent certainement jusqu'aux XII. et XIIIS., mais leurs auteurs ne sont pas connus. N'y aurait-il pas quelques moyens d'arriver à découvrir l'origine de ces peintures, soit dans les archives municipales, soit même chez les particuliers. Il y aurait lieu d'examiner aussi, à propos de l’in- fluence qu’auraient exercée sur nos arts les écoles étrangères, si on recouvrait plus particulièrement l'influence italienne dans le midi de la France et au contraire l'influence flamande dans les provinces du Nord. Ces différentes recherches seraient bonnes à recommander à nos Académies provinciales, non- seulement au point de vue historique, mais encore au point de vue pratique pour les écoles modernes. L'art de la peinture est aujourd’hui très-développé en France; nous sommes inondés de tableaux; mais le nombre n’est pas tout. Sans nier les progrès que cet art a faits parmi nous depuis trois siècles sous le rapport du dessin, du coloris ou de la science ana- tomique, me serait-il pas bon de reporter un peu l'attention des artistes sur les compositions du moyen- âge qu'on a peut-être trop dédaignées et où l’on peut 254 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. encore trouver des enseignements utiles, particulière- ment au point de vue de la peinture religieuse. Il faut reconnaître dans les compositions de cette époque une grande justesse dans l'inspiration des têtes et une admirable perfection dans l’expression du sen- timent religieux. Ces qualités manquent la plupart du temps, il faut le dire, dans les productions de l’école moderne. Elle pourrait se retremper dans l'étude consciencieuse des tableaux anciens, et joignant ainsi à la perfection des formes et à la science du dessin celle plus précieuse encore du sentiment, arriver à produire des œuvres remarquables et dignes de la grandeur de leur sujet. Au reste, ajoute l’orateur, la voie est ouverte et plusieurs bons artistes y sont déjà entrés. Il y a vingt ans, lorsque M. de: Caumont commença à appeler l'attention des hommes sérieux sur l'archéologie du moyen-âge, le public n’accueillit d'abord ses idées qu'avec une sorte de dédaim , elles triomphent aujourd’hui : l'architecture ogivale est re- mise en honneur, de nombreuses églises s'élèvent aujourd’hui dans le style du XIII®. siècle. La peinture commence aussi à s'inspirer des sentiments de cette époque trop méconnue : MM: Flandrin, Orsel, Perrin et d’autres encore ont donné l'exemple, espérons qu’il sera Suivi. M. de Chennevières pense que les recherches seront bien difficiles, car l’histoire de l'école française est bien obscure au-delà du XV®. siècle. Néanmoins, en compulsant les comptes des fabriques, peut-être pour- rait-on retrouver quelques noms d'artistes et arriver par des rapprochements de dates à les appliquer aux œuvres connues, mais dont on ne connaît pas les CONGRES DES ACADÉMIES. 255 auteurs. Il appuie du reste le conseil donné aux peintres d'étudier les modèles du moyen-âge, mais surtout dans l’école italienne qui lui paraît avoir eu une grande influence sur l’art français, à en juger du moins par le peu de monuments qui nous en reste. M. Dréolle dit que des recherches nombreuses ont déjà été faites, mais qu'on ne retrouve guère. de traces de ce que l’art a produit en France, à l'époque dont on parle, que dans les manuscrits tirés pour la plupart des couvents. Il croit seulement que les miniatures qu'on y trouve pourraient bien n'être que la copie de tableaux qui auraient disparu avec les abbayes. pour lesquelles ils avaient. été faits. Quant aux tableaux religieux de l’école moderne, s'ils sont mé- diocres, c'est qu'on ne les paye pas assez. Cependant, même de nos jours, des œuvres importantes se sont produites et attestent de la part de leurs auteurs de véritables progrès. Il suffira de citer les peintures murales exécutées ou en cours d'exécution dans les églises de Notre-Dame de Lorette, St.-Vincent de Paul, St.-Severin, St.-Germain-des-Prés, St.-Merry et St.-Eustache. M. Ramé pense qu'il n'existe guère de peintures dont la date remonte au-delà du XV®. siècle, mais que pour celles-là du moins, il y aurait -encore d'immenses recherches à faire. Plusieurs savants s’en sont déjà occupés. L'orateur cite l'exemple de M. Clerian, directeur du musée d’Aix, en Provence, qui, à force de patientes recherches, est parvenu à composer une collection des maîtres byzantins, ita- liens, allemands et une foule d’autres qui appar- tiennent sans nul doute à l’école française, et dont 256 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. les noms sont inconnus. Il faudrait, dit l'orateur, faire connaître par tous les moyens de publicité possibles de semblables collections lorsqu'elles exis- tent, afin que les vovageurs puissent les visiter, comparer les objets qui s'y trouvent avec d'autres de même mature, et arriver ainsi par des analogies à retrouver les noms de leurs auteurs. M. de Chennevières appuie l'avis du préopinant, d'autant plus, ajoute-t-il, que si l’on trouve beau- coup d'œuvres sans nom, on trouve aussi quelques noms Sans œuvres, et qu'on arriverait peut-être ainsi à compléter les uns par les autres. M. Bordeaux signale dans l’église de Gisors { Eure) de très-intéressantes peintures sur bois du commen- cement du XVI. siècle, représentant en vingt-cinq ou trente panneaux l’histoire de la Vierge. Cette peinture fort remarquable n’est pas connue et appréciée comme elle devrait l'être, et les bas-officiers de l’église, en ouvrant et fermant les portes qui sont composées de ces panneaux, les détériorent involontairement. M. Ramé demande que , sans se livrer à des con- jectures plus ou moins fondées sur les noms des peintres, les Sociétés savantes soient invitées à dresser un catalogue de toutes les peintures anté- rieures au XV®. siècle, soit dans les murs des églises, soit dans les collections particulières. M. de Bonneuil fait remarquer qu’il serait dangereux de faire ce catalogue sans discernement. On pourrait faire fausse route et attribuer à l’école française des tableaux qui n’en sont pas. Il y a eu à toutes les époques des peintres voyageurs qui ont laissé leurs œuvres dans tous les coins de la France, mais qui CONGRÈS DES ACADÉMIES. 257 n'étaient pas français. Ainsi il y a dans l’église de Semur {Côte-d'Or}, dans une chapelle latérale, un grand tableau sur bois, peu remarqué, quoiqu'il mérite de l'être. L’orateur ignore à quelle époque il a été placé dans ceite église, mais il est évidemment de l’époque d'Albert Durer et probablement de l’école allemande. Il importerait donc, en dressant ce cata- logue, d'éviter avec soin tout ce qui serait une attribution hasardée, Après quelques observations nouvelles de M. Ramé, la proposition est adoptée. La séance est levée à 2 heures et demie. Le Secretaire, Le V'®.DpEe BonNNEUIL. SÉANCE GÉNÉRALE DU 27 JANVIER. (Présidence de M, PAYEN. }) La séance est ouverte à 2 heures et demie. Sont présents au bureau : MM. de Caumont, directeur ; le baron de Stassart, vicomte de Cussy, de Quatrefages, de la Bigottière, Maurenq, secré- taire, | M. Gomart, l’un des secrétaires-généraux, donne lecture du procès-verbal de la séance générale du 23; il est adopté. M. Gomard demande et obtient la parole. Il rend compte succinctement de la visite faite la 258 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. veille par un certain nombre de membres du Congres , des établissements agricoles de Mesnil-St.-Firmin, des cultures variées et instruments agricoles perfectionnés qui ont été remarques, et fait connaître qu’à la suite de cette visite, M. de Caumont a cru devoir remettre à M. Bazin, qui dirige avec tant de zèle ces établis- sements, une médaille d'argent. M. Payen désirant prendre communication du procès- verbal de la séance de dimanche, M. Maurenq croit devoir lui faire connaître que lors de la lecture, M. Leclerc, membre du Congrès, a élevé une réclamation sur ses assertions relatives au procédé de désinfection de M. de Sussex. M. Gomart demande à M. Payen quelques rensei- gnements sur l’action du sel de potasse et son insolu- bilité dans certains terrains. M. Payen entre à ce sujet dans des explications très- intéressantes sur le rôle qu’on a attribué à cet agent chimique dans la culture et la production de la bette- rave et sur les observations et expériences auxquelles il a été appelé à se livrer à cet égard, Lorsqu'on s'est aperçu, dit-il, de l’altération des betteraves, on à cru devoir l'attribuer à l'épuisement de certains principes du sol (notamment des sels de potasse qu'elle absorbe en grande quantité) par une culture trop prolongée de la betterave. On avait donc été conduit à en conclure qu’il fallait rendre au sol cet agent chimique : mais on a bientôt reconnu que cela n’écartait pas la maladie; d’un autre côté, on remar- quait que les betteraves, repiquées sur des terres labou- rées profondément, et par exemple sur la place de” silos remblayés, n'étaient jamais atteintes d’altération. CONGRÈS DES ACADÉMIES. 259 M. Payen pense donc que c'est dans un défoncement plus considérable du sol qui puisse le rendre péné- trable à l’air qu’il faut chercher le remède le plus sûr pour conserver une culture à laquelle se rattachent de si grands intérêts. M. Maurengq lui demande si la science a pu s’assurer suffisamment que la culture trop prolongée ne dénatu- rait pas le sol, et s’il croyait qu'on pouvait sans in- convénient la maintenir en aérant le sous-sol par des façons ‘profondes. M. Payen répond qu’en principe général il vaut tou- jours mieux suivre une rotation variée. | M. Calemard de la Fayette donne lecture du procès- verbal de la séance de la section d'agriculture de ee matin 27. | M. de Caumont, directeur, donne lecture de la cor- respondance : D'abord, d’une lettre de M. Vattemare, fondateur de l'Agence pour les échanges internationaux, qui, par son zèle, a enrichi plusieurs de nos dépôts de docu- ments très-importants. Le Congrès décide qu'une commission composée de MM. le baron de Stassart, de Caumont et de Quatrefages, se mettra en rapport avec M. Vattemare, M. Duchatellier dépose sur le bureau le recueil de M. l'abbé Moigno. M. Gomart donne lecture d’une note au sujet du prix d’un million fondé par l'Empereur Napoléon 1°. en faveur de celui qui découvrirait le moyen mécanique de. fondre le lin. Tout le monde connaît le nom de l'illustre auteur de cette découverte si importante : Girard. 260 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. NOTE DE M. GOMART. Un décret impérial proposait en ces termes, le 7 mai 1810, la récompense suivante : « Il sera accordé un prix d’un million de francs à « l'inventeur, de quelque nation qu'il puisse être, de « la meilleure machine à filer le lin. » Ce décret montre quelle immense importance l'Em- pereur attachait à la filature mécanique du lin ; elle avait pour lui un but politique, car il voulait trans- porter les colonies en France et rendre l’industrie des tissus indépendante de l'étranger. Un ingénieur français, Philippe de Girard, conçut, créa et mit en œuvre la filature mécanique du lin, par l'application des deux principes fondamentaux sur les- quels repose encore aujourd'hui cette industrie, Les preuves de ce fait résultent des brevets d'invention et de perfectionnement des 18 juillet 1810, 14 janvier 1812, 5 mai 1812, 24 août 1815 et 11 septembre 1818. Cette précieuse invention, œuvre du génie français, fut portée en Angleterre, à l'insu de son auteur, et vendue à M. Horace Hall, qui se fit enregistrer à Londres, à l’Inrollement office, le 16 mai 1815. Cet enregistrement est une preuve providentielle déposée dans les archives même de l'Angleterre, qui témoigne en faveur de la France, puisque le brevet anglais n’est que la traduction des divers brevets français pris par M de Girard, et que les dessins qui s’y trouvent an- nexés sont calqués sur les dessins de M. de Girard. CONGRÈS DES ACADÉMIES. 261 Cette vérité, aujourd’hui universellement reconnue, a été confirmée depuis par les témoignages des hommes les plus éminents dans la science et l'industrie, et elle est consignée dans un grand nombre de rapports de jurys et de corps savants. Je viens donc proposer au Congrès (sans se faire juge des conditions et des pro- messes du décret impérial de 1810) de revendiquer hautement, pour M. Philippe de Girard et pour la France , la gloire d’avoir créé et appliqué les principes fondamentaux de la filature du lin. La discussion s'ouvre sur la suite du programme , article 5, ainsi conçu : « Que doivent faire les Sociétés agricoles des dépar- « tements littoraux en présence des réglements qui « interdisent la coupe des varechs ? » M. Duchatellier. a la parole. Il s'attache à faire res- sortir l'importance de l’emploi des varechs ou goëmons comme engrais pour les terres voisines de la mer. En Bretagne, 20 charrois, dont la valeur est d'environ l fr. 50 cent. le mètre cube, sont l'équivalent de 30 charrois de bon fumier d’étables. Son emploi donne une si grande valeur aux terres , que chez lui le loyer en varie depuis 150 fr. l’hectare à 80 fr. et 25 à 30, selon qu'elles sont voisines ou plus ou moins éloignées de la mer. M. le Président apercevant M. Lefèvre du Ruflé , ancien ministre de l’agriculture, qui vient d'entrer. dans la salle, l'invite à venir prendre place au bu- reau. | M. Duchatellier continuant, expose que les popula- tions agricoles du bord de la mer ne doivent , d'après 262 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. ce qu'il vient de dire, la, possibilité de bien cultiver leurs terres qu’à la faculté dont elles ont toujours joui de pouvoir recueillir le varech soit en l’arrachant à la mer, soit en le recueillant alors me elle le rejette sur les bords à l’état d'épave. Ce droit n’en a pas moins été soumis à quelques règlements , notamment par une ordonnance de 1772; mais le principe de la jouissance à été soigneusement maintenu , même à une époque où l’on avait cherché à accréditer l'opinion que les amas de fucus , sur cer- tains points des côtes, et leur incinération répandaient des vapeurs insalubres. MM. Tellet et Fougereux, chargés, en 1771 et 1772, par l’Académie des sciences, d'examiner ces faits, déclarèrent qu’ils n’avaient aucun des caractères dan- gereux qu’on leur attribuait à tort. Dernièrement, devant les plaintes réitérées sur la diminution de la reproduction du poisson et l'opinion émise que l'enlèvement des varechs pouvait y contri- buer, l’administration à annoncé l'intention d'en sou-— mettre les conditions à une nouvelle réglementation. Les populations des bords de la mer, en Bretagne surtout, se sont Justement émues de la crainte qu’on pût songer à entraver leurs droits à la jouissance des engrais marins , sans lesquels leurs terres redevien- draient bientôt stériles. M. Duchatellier rappelle qu'il a été constaté par de nombreuses recherches sur les varechs recueillis sur le rivage, qu’ils ne contenaient pas de frai. M. de Quatrefages confirme cette opinion, dont il a vérifié l'exactitude par des observations faites par lui dans un voyage sur les côtes, de plusieurs mois, d'août : CONGRES DES ACADÉMIES. 263 à novembre. Il faut remarquer d’ailleurs qu'il ne lui paraîtrait pas possible que les œufs de poisson püssent rester adhérents aux varechs alors qu'ils sont sans cesse roulés par la vague, piRquis très-violemment, lorsqu'elle est agitée. M. Duchatellier conclut en demandant que le Con- grès, justement ému de l'intérêt agricole qui s'attache à cette question, émette et transmette à qui de droit le vœu formel que le privilége acquis de temps immémorial aux populations riveraines de la mer, d'y recueillir le varech propre à l’engrais de leurs terres, soit maintenu tel qu'il existe aujourd’hui. M. de Kéridec croit devoir faire remarquer qu’il convient mieux. Aupipye le mot droit au lien de privilège. Les populations dont il s’agit ont droit aux varechs, comme celles de l’intérieur aux communs. M. Duchatellier explique qu’il y aurait peut-être une distinction à faire entre le varech qu'on cueille et celui d’épave. Le droit'existe pour tous deux ; mais le privilège de cueillir est exclusivemement réservé aux riverains , tandis que celui d'épaves appartient à tous ceux qui peuvent lé ramasser. M. de Quatrefages ajoute de nouvelles considérations à celles qu’il a déjà présentées sur la non existence de frai dans les varechs. Il en a visité de grandes quan- tités dans les environs de Chaussey, où il s'en forme des dépôts immenses qui restent souvent sans emploi. Il croit pouvoir dire que M. Valenciennes, dont tout le monde aurait désiré la présence à cette discussion , chargé d’une mission spéciale ,.a confirmé les mêmes faits. 264 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. Il ajoute que partout l’arrachage du varech permet- tant mieux sa reproduction, est préférable au fau- chage. M. Payen le démontre également par quelques expli- cations scientifiques sur la manière dont cette plante cherche et trouve dans la mer ses principes vivifiants, composés de plus de sels de potasse que de sels de soude, ce qui explique ses qualités fertilisantes. M. le Président , résumant le débat et trouvant que la question a été suffisamment traitée et que l’on paraît d'accord d’accueillir la proposition de M. Duchatellier, l'invite à la formuler, afin d’en soumettre l'adoption au Congrès en termes précis. M. Payen, revenant sur un point qu'il a traité dans la séance de dimanche, fait remarquer l'utilité des mesures qu’a cru pouvoir prendre l'autorité dans deux départements, celui de la Loire-Inférieure et celui de Seine-et-Marne, pour garantir l’agriculture contre Ja falsification des engrais. I1 pense que le Congrès pourrait réclamer l'applica- tion générale de ces mesures. L’Angleterre, dit-il, doit l'extension de l'emploi des engrais artificiels aux moyens qu'on a employés pour en assurer la pureté. - M. Leclerc demande la parole. Il désirerait savoir si, en Angleterre, ces mesures sont prises par le Gouvernement ou s’exercent par l’action privée. M. Payen répond qu'il ne faut pas perdre de vue les différences de mœurs et d’habitudes qui existent entre la France et l'Angleterre. Dans la mission qu’il a eue à remplir dans ce dernier pays à l'époque de l'exposition , il a cherché à faire une sorte d'enquête sur les falsifications introduites CONGRES DES ACADÉMIES. 265 dus beaucoup de deurées alimentaires surtout, qu'il a soumises à l’analyse chimique ; il n'a pas trouyé une seule qualité de farine qui ne contint des légumineux et de l’alun en plus ou moins grande quantité. Un jeune chimiste, M. Calvaert, après avoir étudié en France et y avoir été frappé du soin et du succès avec lesquels l'administration surveille la pureté des denrées alimentaires, étant venu s'établir en Angleterre dans une ville adonnée au commerce des grains et des farines, crut devoir publier les analyses qui consta- taient la présence fréquente de corps étrangers et sou- vent nuisibles. F Il s'attendait à des remerciments ; maïs , de toutes parts, il se vit bientôt accablé de plaintes et récrimina- tions : « que faites-vous , lui disait-on, vous allez éveiller la méfiance et nuire à beaucoup d'opérations commerciales |! » Le grand principe du commerce anglais , c’est que chacun soit libre de fabriquer et vendre comme il l’en- tend , sauf au public à donner sa confiance ou non. L'agriculture même anglaise ne pouvait cependant pas s’accommoder de cette liberté illimitée, qui tendait à lui livrer, sous le nom d'engrais, souvent tout autre chose; elle s'est justement émue, et les associations particulières agricoles ont fait analyser les engrais , qui n'ont plus, dès-lors, trouvé à.se placer que sur leurs certificats de bonne qualité. C'est donc l’action privée qui s’y exerce pour garantir contre la falsification des engrais. En France, à Nantes, il était d'usage de déposer les engrais dans des chantiers appartenant à l'autorité, 1] lui a donc été facile de les surveiller et analyser, et 12 266 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. à l’aide de tableaux constatant les résultats ainsi ob- tenus , le public a pu acheter en confiance, et la falsi- fication n'a pu subsister. Il pense que les mêmes moyens peuvent être em- ployés dans les autres départements. M. Maurenq, tout en reconnaissant l'Importance pour l’agriculture d’avoir des engrais artificiels purs, ne voudrait pas que l’action de l'administration pût dégénérer en surveillance tellement étroite et minu- tieuse qu’elle püt entraver la eréation des établissements d'engrais, dont il importe tant à l’agriculture de voir augmenter les bons produits. La liberté commerciale de Angleterre, à côté d’inconvénients , a d’incontestables avantages qu’il ne faut pas méconnaître. M. Payen répond que les savants anglais, après avoir taxé d'exagération ses observations , ont fini par en admettre la réalité et reconnaître les bons effets de notre surveillance hygiénique. M. Lefebvre-Duruflé, ancien ministre de l'agriculture, reproduit avec force les motifs qui doivent engager à faire assurer la sincérité des engrais. Il donne des ex- plications sur ce que l'administration a cru devoir faire à la suite des recommandations qui avaient été faites au nom du Congrès central d'agriculture, et pense, en concluant, que l’on pourrait recommander d'appliquer partout les mesures prises dans la Loire-Inférieure et Seine-et-Marne. M. Calemard de la Fayette demande à M. Payen s'il pourrait indiquer un moyen de désagréger et préparer les chiffons de laine afin de les appliquer comme en- grais. M. Payen répond qu'il croit dpi vs sans indiscré- CONGRÈS DES ACADÉMIES. 267 ion, indiquer le procédé employé pour attéindre ce but par un industriel, ét entrer dans dés explications techniques fort intéressantes à ce sujet. Ce procédé consiste à tremper les chiffons dans une dose de potasse très-étendue et les souméttre ensuite à une disseccation suffisante pour que lé caustique désagrège la laine sans en altérer lés principes consti- tutifs. Ainsi préparés, les chiffons deviennent aussi facilement pulvérisables, en conservant tout leur prin- cipe fertilisant, M. Duchatellier réprend la parole pour soumettre au Congrès sa proposition. M. de Caumont fait remarquer qu'il n’y aurait pas lieu de demander plus qué ce qui existe én cé mo- ment. M. de Quatrefages pense qu’il serait bon d'établir par un considérant, que les recherches faites jusqu'ici ont constaté en effet l'abserice du frai dans les varechs, surtout dans la saïson où il a fait ses observations : qu’on pourrait recommander dé les compléter s’il y a lieu. M. de Caumont croit devoir déclarerqu'en Normandie, dans quelques rivières rapides, il a réconnu l'existence d'œufs sur des herbes battues du courant. | M. de Quatrefages pense que cela peut s'expliquer pär la constance du courant auquel ces herbes sont soumisés : il ne saurait, selon lui, en être de même dans la mer, dont les vagues roulent fortément les varechs en sens divers. M. Lefébvre-Duruflé prend de nouveau la parole et dit que le décret de 1852, qui à annoncé une nouvélle réglementation, n'a été rendu qu’à la suite de plaintes 268 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. énergiques des pêcheurs sur la diminution du poisson. Qu'en présence de ces réclamations, le Pouvoir ; sans vouloir trancher la question, s'est borné à ordonner de: nouvelles enquêtes, à la suite desquelles il aviserait s’il était ou non nécessaire de faire la nouvelle régle- mentation ordonnée. | Il pense donc qu'il conviendrait peut-être mieux, même dans l'intérêt que poursuit M. Duchatellier , de ne plus se prononcer trop exclusivement et de se borner à recommander l'étude la plus approfondie, tout en recommandant d’une manière énergique le côté agri- cole engagé dans la question. Plusieurs membres prennent encore successivement la parole pour arriver à la conciliation des divers in- térêts. M. Duchatellier insiste sur la nécessité impérieuse de rassurer les populations agricoles bretonnes, qui souffriraient beaucoup à rester sous le coup de mesures qui pourraient détruire leurs cultures, et propose une rédaction, qui, après une nouvelle observation de M. de Quatrefages, est adoptée dans les termes suivants : « Le Congrès demande que la cueillette, la coupe et l’'arrachage des goëmons et autres plantes marines propres aux engrais, continuent à être protégés par le Gouvernement dans l'intérêt le plus large de l’agricul- ture, et qu'autant que possible rien ne soit changé aux rêglements en usage dans les départements maritimes, parce que la science, aujourd’hui comme en 1772 où la matière fut réglementée , donne à penser que le frai du poisson n’est pas intéressé à la conservation des varechs. Enfin, que l'administration fasse étudier par des naturalistes compétents tout ce qui se rattache à CONGRÈS DES ACADÉMIES. 269 la question du frai et du développement des poissons de mer. » La séance est levée à 5 heures et demie. Le Secrétaire , JT. MauREN«Q. SECTION D'HISTOIRE NATURELLE. SÉANCE DU 28 JANVIER. ( Présidence de M. GuériN-MENNEVILLE. ) La séance est ouverte à 10 heures 172. M. G. de Lorière remplit les fonctions de secré- taire. | : Parmi les personnes qui assistaient à la séance, on remarquait M. de Caumont, président de l'Institut des provinces ; MM. de la Fresnaye, Denis, etc., etc. M. Guérin-Merneville présente le mémoire suivant : MÉMOIRE DE M. GUÉRIN-MENNEVILLE. Avant d'exposer les résultats de mes études sérici- coles de cette année,, qu'il me soit permis de donner rapidement au Congrès un aperçu de mes recherches antérieures, pour montrer la marche , les progrès et l’état actuel de ces travaux. | En 1846, le Congrès scientifique de France émettait 270 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. le vœu que je fusse chargé d'entreprendre des études sérieuses pour chercher s’il ne serait pas possible de trouver quelque moyen d'empêcher une maladie désas- treuse , la Muscardine , de ravager nos éducations de vers à soie. À En 1847 , M. le Ministre de l’agriculture ayant ré- pondu à ce vœu, je fus chargé d'entreprendre une série d'expériences chez M. Eugène Robert, de Sainte- Tulle ( Basses-Alpes) , qui avait généreusement offert sa magnanerie et le concours de sa pratique éclairée. Cette première année mes études ont porté sur la nature du Botrytis Bassiana, végétal qui semble se développer spontanément chez les vers à soie, à la suite de certaines altérations de leur fluide nourricier et qui a la faculté de se reproduire sur des sujets sains en leur donnant alors la maladie sous forme d'épi- démie. J'ai étudié diverses circonstances de son exis- tence, soit à l'extérieur, soit dans les liquides des vers à soie, et j'en ai observé plusieurs qui étaient encore inconnues, et dont la constatation était un progrès réel pour les études dont j'étais chargé. En 1848, j'ai continué ces études si minutieuses et si difficiles , et j'ai commencé à me livrer à des expé- riences de laboratoire pour chercher à connaître l’ac- tion de diverses substances sur les sporules ou corps reproducteurs du Botrytis, afin d'apprécier leur valeur comme agents désinfectants dans les ateliers atteints de la muscardine à l’état d'épidémie. En 1849, beaucoup d'expériences de l’année pré- cédente ont été répétées, et quelques-unes essayées assez en grand. C'est dans le courant de cette cam-— pagne séricicole que j'ai pu observer, pour la première CONGRÈS DES ACADÉMIES, : 271 fois, les altérations si curieuses du fluide nourricier des vers à soie atteints de la muscardine et des autres maladies. ' En 1850, j'ai encore poursuivi ces expériences dans le cabinet et à la magnanerie expérimentale de Sainte- Tulle. Les expériences de cabinet, faites pour ainsi dire sous le microscope, m'ont fait entrevoir que le cryptogame muscardinique , placé dans des conditions diverses , prenait des formes particulières, et j'ai pu remarquer que ces sporules ne donnaient pas constam- ment lieu à la formation du Botrytis Bassiana, tel que l'ont si bien décrit MM. Balsamo-Crivelli et Montagne. Les formes diverses que j'ai obtenues pourraient se rapporter à plusieurs espèces , et même à divers genres botaniques, et il serait très-intéressant de pour- suivre et de varier ces expériences; elles seraient peut-être de nature à faire penser que l'élément éryp- togamique , mis en action sous certaines conditions physiques et chimiques , chez des êtres vivants ; en santé, malades ou même morts, est susceptible de prendre des formes très-diverses , des formes qui au- raient porté les botanistes à les classer dans plusieurs groupes distincts, comme cela a eu lieu pour des animaux tout aussi inférieurs, pour les infusoires. J'ai continué d'étudier le fléau dans les éducations de diverses localités , et ayant remarqué que des pro- cédés déjà essayés l'année précédente dans le labo- ratoire, avaient constamment réussi à détruire la faculté germinative des sporules du Botrytis, j'ai tenté leur application dans une éducation d’une cer- taine importance , ce qui m’a donné un excellent ré- sultat. 272 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. En 185}, désirant soumettre à l'expérimentation sur une grande échelle les procédés qui avaient paru si efficaces en 1849 et 1850 dans des essais en petit et sur une échelle moyenne (5 à 6 onces de graine), j'ai entrépris , en association avec M. Eugène Robert, ei à nos risques et périls, une éducation de 20 onces de graine { 500 grammes ) dans une magnanerie no- toirement infectée depuis plusieurs années et Ja réussite a été manifeste et constatée par une commis- sion , nommée par ‘arrêté du préfet des Basses- Alpes. Comme, dans une question de cette importance , il ne faut rien faire avec précipitation, et que, du reste, la commission officielle, par une sage réserve , avait émis le vœu qu’une nouvelle expérience ait lieu en 1852, j'ai dù ajourner la publication de mes procédés de désinfection des ateliers, procédés qui ne peuvent être tout-à-fait efficaces qu’à la condition d'être com- binés avec de bonnes pratiques d'éducation, et j'ai employé tout mon hiver en démarches pour tâcher d'obtenir les moyens de faire , en 1852 , la grande ex- périence demandée. C’est à l'Institut de France que j'ai dû , cette fois, de ne pas perdre tout le fruit de ces pénibles travaux. À la suite d’un rapport fait à l'Académie des sciences par le doyen des zoologistes , par le savant M. Du- méril , l'Académie comprenant qu’il était urgent de ne pas interrompre des recherches préparées d'année en année, a bien voulu venir en aide à mes travaux, et m'a chargé, en même temps, d'observations sur un autre fléau de notre agriculture méridionale , sur la mouche qui fait si souvent manquer nos récoltes d'huile d'olive. CONGRÈS DES ACADÉMIES. 278 Cependant, les moyens d'action mis à ma disposition n'étaient pas suffisants pour nous permettre d’entre- prendre la grande expérience de Rousset, demandée par la commission du préfet des Basses-Alpes , nous avons dû nous borner à la continuation de nos études dans la magnanerie expérimentale de Sainte-Tulle , et nous regrettons d'autant plus de n'avoir pu opérer dans la magnanerie de Rousset, que, plus que jamais, la muscardine y a fortement sévi. Dans nos ateliers, au contraire , l'application des procédés qui avaient si bien réussi l’année dernière à Rousset ; nous a permis d'obtenir une excellente récolte, nous n’avons: pas été touchés par la muscardine , quand tous les ateliers voisins en étaient ravagés. ‘Pendant tout ce temps, de 1846 à 1852, je n'ai cessé de me livrer à des études et expériences sur diverses races de vers à soie , et surtout pour continuer l’amé- lioration d’une race excellente , introduite par M. E. Robert, amélioration qu'il poursuit depuis 9 ans. Ces travaux persévérants nous ont conduits à la possession d'une race améliorée par elle-même et sans croise- ments, dont la pureté va toujours croissant, parfai- tement acclimatée, et dont l'élève est plus facile et plus productive pour l’éducateur et ie fileur. L'année dernière surtout , si désastreuse à cause de la mau- vaise qualité de la feuille dont la première pousse a été détruite par des gelées tardives, notre race a montré toutes ses qualités, car elle a donné d’excellents résultats dans les endroits mêmes où d’autres échouaient complètement. Mes journaux d'observations sont pleins de faits curieux à ce sujet. Dans beaucoup de circon- stances , chez des éducateurs soigneux qui éleyaient 94 iNstirÜr DES PROVINCÉS DÉ FRANCÉ. en même temps des vers de la race de Sainte-Tulle et de diverses autres races , on a vu souvent tous les vers des autres races périr, tandis que ceux de Sainte-Tulle prospéraient et donnaient de beaux résultats, quoi- qu'élevés dans la même pièce et avec la même feuille. Pour apprécier d'une manière positive, certaine, scientifique, les qualités de cette race et de quelques autres élevées dans la contrée { Basses-Alpes, Var, Vaucluse , Bouches-du-Rhône), j'ai entrepris , depuis plusieurs années, des expériences scientifiques et pra- tiques dont les résultats se contrôlent mutuellement et concordent tout-à-fait, Il serait trop long d'exposer ici l'ensemble de ce travail, qui forme un mémoire destiné à être lu à la Société d'encouragement et à l'Académie des sciences, Je me bornerai donc à en présenter som- mairement les principaux résultats. On peut connaître la richesse en vraie soie des cocons de diverses races , en disséquant et pesant les couches ou vestes composant ces cocons et qui sont au nombre de 6 à 8. La couche ou veste externe, plus ou moins blanche ét plus ou moins épaisse, donne ce qu'on appelle en filature les frisons ( d’une valeur d'environ 2 fr. le kilogr. ); etles autres couches, d’un jaune plus ou moins vif, dontient la vraie soie { de 50 à 70 fr. le kilogr.). | La quantité de matière soyeuse [comprenant les fri- sons et la vraie soie ) varie suivant les races, et la pro- position entre la couche externe (frison) et les autres (vraie soie) varie encore plus. On comprend, dès-lors, qu'une race donnant des cocons qui contiennent beau: coup de matière à frisons, est moins bonne qu'une autre dont les cocons donnent moins de cette matière. CÔNGRES DES ACADÉMIES. | 275 De nombreuses dissections et de nombreuses pesées de ces couches, faites sur plusieurs races élevées ex- périmentalement et industriellement à Sainte-Tulle, comparées à des expériences en grand faites à la fila- ture, ont donné des résultats très-importants et très- concordants. Ainsi, par exemple, comparant la richesse en soie des cocons de la grosse race , élevée encorè presque partout en Provence , et de la race acclimatée et améliorée à Sainte-Tulle, j'ai observé : Que la veste externe des premiers entrait pour près de la moitié dans le poids total des cocons vidés de leurs chrysalides, ce qui ne laissait qu'un peu plus de la moitié de la matière soyeuse pour donner la vraie soie. Tandis que la veste externe des seconds n’entrait que pour un peu plus d’un quart dans le poids total, ce qui laissait presque les trois quarts de la matière soyeuse pour donner la vraie soie. Les expériences en grand, dans la filature, ont donné des résultats analogues, car il a fallu 14 kilogrammes. 470 grammes de cocons de la grosse race de Provence pour faire un kilogramme de soie de qualité infe- rieure. Tandis qu'il n’a fallu que 10 kilogrammes. 950 grammes de cocous de la race améliorée pour donner un kilogramme de soie de première qualité. Ainsi, on voit que la richesse en vraie soie de ces deux races, appréciée pour ainsi dire théoriquement , est très-bien accusée par cette dissection, par cette anatomie de la matière soyeuse, puisque l'expérience en grand coïncide parfaitement dans les résultats pro- portionnels, | 276 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. Comme il faut dépenser autant de soins , de main- d'œuvre et de feuilles de mûrier pour obtenir un kilo- gramme de: cocons, qu'ils soient pauvres ou riches en soie, on comprend facilement combien il serait avan- tageux pour le rendement des éducations que nos éle- veurs employassent la race qui donne 1.kilogramme de soie excellente en consommant seulement 10 ou 11 kilogrammes de cocons, de préférence à celle-qui ne donne 1 kilogramme de soie très-inférieure qu’au -prix d'une consommation de 14 à 15 kilogrammes de cocons. Il est heureux pour nos filateurs de la Provence, et spécialement pour ceux des départements des Basses- Alpes et de Vaucluse, que l’on ait déjà introduit chez les paysans des races plus riches en soie, car si l'on n'élevait que la grosse race du pays, les filateurs ne pourraient payer les cocons ,en moyenne, que de 4 à 5 francs le kilogramme. En effet, à 4 fr. le kilogramme, par exemple, s’il faut 14 kilogr. de cocons pour faire 1 kilogramme de soie, celui-ci revient à 56 francs, aux- quels il faut ajouter 8 francs pour frais de filage, soit 64 francs le kilogramme d'une soie que l’on ne peut vendre, tout au plus, que 60 francs. C’est le mélange d'une certaine proportion de cocons de races plus riches en soie ; qui fait qu'en- général les filateurs ne consomment que: 13 kilogrammes de cocons mêlés pour faire 1 kilogramme de soie. Ils ob- tiennent ainsi une soie qui leur revient à 60 francs, et ils n’ont pour bénéfice que la valeur des frisons et des grossières soies de cocons doubles ou doupions. . Quels beaux résultats ils obtiendraient , si tous les cocons qu’ils achètent appartenaient àla race de Sainte- Tulle, par exemple, puisque 11 kilogrammes au plus CONÉRÉS DES ACADÉMIES. | 9277 donnent 1 kilogramme de soie ; le prix brut serait de 44 francs, avec 8 francs de filature, total 52 francs, plus les frisons et doupions. Depuis deux ans, nous élevons, à Sainte-Tulle, une nouvelle race à cocons jaunes, obtenue de graines de Chine qui ont été distribuées par M le Ministre. Ces graines , élevées par l’industrie privée et dans les con- ditions ordinaires, n’ont donné aucun résultat, et ce n’est que grâce à des soins tout particuliers, à une éducation spéciale et toute entomologique, faite de mes propres mains , pour ainsi dire en sève, que j'ai pu la conserver pour essayer de l’acclimater. Ces cocons sont très-remarquables en ce que l'analyse montre qu'ils ne perdent que un cinquième de frisons , ce qui accuse une richesse en vraie soie encore supérieure à celle des co- cons de la race acclimatée et améliorée de Sainte-Tulle. Je n’ai pu en récolter encore en assez grande quantité pour faire des expériences de filature, mais il est permis de conclure, par analogie, que cette race pourra donner 1 kilogramme de soie avec 8 à 10 kilogrammes au plus de cocons, ce qui (à 10 kilogrammes) mettrait le prix de revient de la soïe à 48 francs au plus. On voit, par ce qui précède, combien il serait avan- tageux pour notre production en soie d'améliorer les races qu'on élève dans nos départements séricicoles, et combien ces Durham et ces Dishley entomologiques méritent aussi l’attention et la sollicitude du Gouver- nement et des agriculteurs. Malheureusement, dans l’état actuel de nos mœurs, ces améliorations, ces progrès, ne peuvent être amenés par l’industrie privée, qui n’a ni le temps niles moyens pécuniaires et scientifiques de les entreprendre. Nous 278 INSTITUT DES PROVINCES DÉ FRANCE. l'avons cependant courageusement essayé, M. E, Ro- bert et moi; mais nous avons bientôt reconnu que cela nous était impossible, puisque nos peines et nos dé- penses, dont les résultats profitent à tous, ne peuvent être rémunérées par personne. Qu'il me soit permis de dire au Congrès, en termi- nant, que ces études sur le rendement des cocons de diverses races, faites dans des circonstances très-défa- vorables ,; par suite du manque presque absolu de moyens positifs d'expérimentation (argent, instruments, place et temps), devraient être continuées et perfec- tionnées chaque année. Si l’on pouvait les poursuivre dans de meilleures conditions et dans les divers Lieux de production, il est probable qu’elles conduiraient, dans peu d'années, à des résultats pratiques très-im- portants, Elles démontreraient qu'il est dans l'intérêt du Gouvernement, des agriculteurs et des filateurs ; qu'il est urgent pour la production de la soie en France, que l'on fasse quelque chose de vraiment efficace pour diminuer les pertes occasionnées chaque année dans nos éducations de vers à soie par le fléau de la mus- cardine et par les autres maladies qui déciment ces utiles insectes domestiques ; pour améliorer leurs races et pour propager, le plus rapidement possible, celles qui donnent des rendements supérieurs en quantité et en qualité. La séance est levée à 10 heures et demie. . Le Secrétaire , G. DE LORIÈRE. CONGRÈS DES ACADÉMIES. 9279 SECTION D'AGRICULTURE. SÉANCE DU 98 JANVIER. (Présidence de M. Monnier, de Nancy, membre du Conseil général de l'Agriculture, ) Siègent au bureau : MM. de Morissure, de Caumont, de Kéridec, Ch. Calemard de la Fayette, secrétaire. Le secrétaire dépose sur le bureau deux mémoires de M. de Molon dont il est fait, au nom de l’auteur, hommage au Comité. Ces mémoires ont pour objet la falsification des engrais, et formulent an ensemble de mesures pour arriver à la répression de ces fraudes si préjudiciables au cultivateur et qui éveillent depuis si long-temps la sollicitude des Congrès. Le Comité exprime ses remerciments pour cet envoi. M. Levrien présenta à l'examen du Comité une nou- velle machine à couper les récoltes , dite faucheuse- levrien , dont le système paraît très-ingénieux. Cette machine n’ayant pas encore pu être suffisamment expé- rimentée, le Comiténe peut queremercier M. Levrien de sa démarche auprès de lui, et l’encourager à donner à son œuvre tous les perfectionnements dont elle paraît encore susceptible. Le Comité témoigne aussi tont l'in: térêt qu'il attacherait à la solution définitive du pro- blème que s’est posé l'inventeur. Son système paraïtrait du reste présenter à priori des avantages réels sur les machines de même nature qui fonctionnent déjà aux États Unis ou en Angleterre. 280 INSTITUŸY DES PROVINCES DE FRANCE. M. Maureng entretient la réunion de la mission qui lui avait été confiée , ainsi qu'à quelques-uns de ses collègues , par le dernier Congrès central d’agricul- ture , pour aller étudier l'exposition de Londres , no- tamment les machines qui peuvent, être adaptées à l’agriculture. La commission s'est, partagée l'examen des divers instruments et machines qui pouvaient l’intéresser. Ces instruments étaient en très-grand nombre ; les Anglais eux-mêmes, les Etats-Unis, la Belgique, avaient fait des envois considérables qui faisaient res- sentir l'insuffisance des envois faits par nos nationaux. Les charrues étaient surtout très-nombreuses et très- variées de formes ou de systèmes. Un des caractères de ces divers modèles c'était des mancherons beaucoup plus longs qu'ils ne sont ordi- nairement en France. Quant aux diverses modifications _dans:la construction de l’instrument., elles sont consi- gnées ailleurs et il importe peu de les décrire complè- tement ici.La commission a remarqué entre autres beau- coup moins d'avant-trains qu'on n’'eût pu le supposer. Beaucoup de herses, très-variées de formes, ont mérité. son attention par. leur légèreté et leurs apti- tudes multiples. Comme en le sait généralement, le fer est plus employé dans la fabrication des instruments agricoles que chez nous. Plusieurs rouleaux répondant à divers hesoigs ont encore été examinés avec intérêt; ilen a été de même de. beaucoup de semoirs, souvent très-compliqués sans doute, mais se prêtant. à répandre en même temps la semence et les engrais pulvérulents. Divers modèles et dessins en ont été relevés. CONGRES DES ACADÉMIES. 281 Dans un autre ordre de productions , il importe de signaler un certain nombre de machines à vapeur portatives ; qui s'appliquent au battage , à la coupe des fourrages ou des racines, etc. L'usage s’en géné- ralise dans de très-grandes proportions. La commission devait aussi porter son attention sur les machines destinées au drainage ; elle a surtout remarqué une charrue à creuser lés fossés de drainage ; elle a pu voir fonctionner cet instrument qui méritera certainement d'être mentionné et décrit d'une façon détaillée dans les rapports de la commission. Après cet examen d'ensemble , les membres de la commission , individuellement , ont visité des fermes où ils ont pu constater les pratiques de la culture an- glaise. M. Maurenq signale une foule de faits et d’ob- servations ‘intéressantes , recueillis dans cette péré- grination agricole, : | Sur cet exposé nécessairement trop sommaire , le Comité regrette vivement que le rapport de la com- mission, dont M. Maurenq était le président ; n'ait pu, par le fait des circonstances, être encore publié. Le Comité émet un vœu pressant pour que ce docu- ment soit communiqué à la session prochaine du Congrès des Sociétés savantes. M. Maurenq, en ce qui le concerne personnellement, se déclare tout prêt à faire à cet égard tout ce que le Congrès jugera con: venable. Après cet exposé, M. Maurenq saisit le Comité de l'examen de cette question : « À quoi peut tenir l’état d'infériorité de l’agriculture de la France vis-à-vis des autres nations agricoles, et aussi l'infériorité de cer- taines parties de la France vis-à-vis des autres. » 282 INSTITUT. DES PROVINCES DE FRANCE. On a cru, dit M. Maurenq, que l’abaissement du loyer de l’argent prêté à l'agriculture et l'organisation da crédit foncier suffirait à améliorer beaucoup la situation des cultivateurs ; c'est là une grande erreur. Le paysan auquel vous donnerez de l'argent, dans l'état actuel des choses, ira acheter un lambeau de terre et n'améliorera rien. M. Maurenq pense que c’est l'impulsion donnée à l’agriculture vers les tentatives industrielles, qui Ini ouvrira un champ nouveau d'améliorations et de pros- périté. Les systèmes de culture doivent s'adapter à chaque localité, et de là résulte la difficulté de géné- raliser les bonnes méthodes qui sont, pour ainsi dire, spéciales. Tandis, au contraire , que les procédés et les moyens d'action industrielle , sont applicables partout et réussissent aussi bien ici que là. Ilest donc toujours facile de substituer partout un bon instrument indus- triel à un mauvais. Que les Comices, que les Sociétés, que le Congrès recommandent donc l'étude de cette question : « Quels sont les moyens et procédés, quelles sont les productions industrielles vers lesquels il importerait de pousser le cultivateur? » M. de Caumont remarque que ces idées rentreraient dans la pensée de M. Darblay, qui demandait l'étude des établissements industriels qu'on pret aunexer aux exploitations rurales. M. Maurenq ne voudrait pas qu'on donnât à son idée une extension aussi considérable. C’est surtout la mise en œuvre industrielle de leurs produits agricoles qu'il voudrait voir exécuter par les cultivateurs. Il remarque que c’est le contact des intérêts et des habitudes com- CONGRÈS DES ACADÉMIES: 283. merciales qui ont donné la première impulsion aux améliorations considérables qui se sont faites dans certains pays. M. Maurenq énumère en outre une foule de! conSi- dérations économiques intéressantes , empruntées à l'Angleterre, à la Belgique et aux Etats-Unis, qui corroborent sa thèse, M. Duchatellier pense que l’agriculture, œuvre de patience et de prudence, ne doit pas trop compter sur les subventions de l'industrie. On a cité l’agriculture du Nord; mais si l’on se reporte à des souvenirs encore récents ; on se rappellera qu'il y a bien peu d'années, les intérêts industriels du Nord ont été gravement mis en question, et qu'une simple modification de tarifs eût pu anéantir une prospérité agricole trop dépendante de l'industrie, En Bretagne, la fabrique des toiles a long-temps prospéré. Les cotons sont venus, et la journée de tra- vail de la femme employée à la filature du lin est tombée à 10 centimes. Dans certaines localités très-commerciales , l'indus- trie peut donner une mise de fonds et une impulsion de défrichements, etc., à l’agriculture, mais ce n "est pas là l'amélioration réelle agricole, : Ce qui manque à l’agriculture, ce sont les capitaux. Ayec des avances, et sans tentatives trop chanceuses, la culture réaliserait de grands progrès. Il faut donc se garder de toute tendance trop absolue. quand on parle d'industrie et de chances commerciales aux cultivateurs. M. Destourbet ne veut pas que l’agriculture se fasse absolument industrielle ; mais il lui voudrait quelques tendances vers le commerce ; il voudrait qu’elle réalisât 284 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. dans une sage mesure la division du travail qui l’en- gage nécessairement et heureusement dans la voie sage d’habitudes commerciales. M. Calemard de la Fayette remarque que M Du- chatellier a plutôt répondu à la pensée indiquée dans une séance précédente par M. Darblay , qu’à celle de M. Maurenq. M. Maurenq ne conseille pas d’annexer aux exploitations rurales des industries étrangères à l’agriculture, mais bien de pousser l’agriculteur à transformer industriellement quelques-uns de ses pro- duits et de se mettre ainsi dans une condition quelque peu commerciale ; en ces termes, M. Duchatellier par- tagerait sans doute l'opinion de son collègue. Sur la dénégation de M. Duchatellier, M. Calemard de la ‘Fayette dit qu’il y a du reste à répondre à M. Maurenq lui-même , que la condition première de la transformation qu'il demande, ce sont les capitaux. Mais, dit-il, au point où en sont arrivés nos travaux, l'immense question indiquée par M. Maurenq ne saurait être suffisamment creusée ; ce serait tout un vaste pro- gramme d’études très-diverses ; il paraîtra sans doute de la plus haute importance au Congrès d'indiquer l'étude de cette question pour la session prochaine, et, en attendant, d'appeler sur elle toute la sollicitude des Sociétés savantes. M. le Président résume la discussion et demande à M. Maurenq de préciser les conclusions qu'il désire soumettre au comité. Ces conclusions sont adoptées dans les termes que voici : Le Congrès recommande de rechercher les causes de l'infériorité de l'agriculture , comparativement aux autres industries. CONGRES DES ACADÉMIES. 285 S'il ne conviendrait pas comme moyen puissant d'amélioration d'engager et d'encourager les agricul- teurs à porter davantage leurs idées vers le parti com- mercial et industriel qu’ils pourraient tirer de leurs produits et réaliser ainsi des bénéfices qui trop souvent leur échappent, et ne tarderaient pas à appeler à eux des capitaux avec le véritable esprit de progrès. Cette proposition ferait partie du programme de 1854, Le Secrétaire , CaALEMARD DE LA FAYETTE. SÉANCE GÉNÉRALE DU 98 JANVIER. SÉANCE DU 98 JANVIER. (Présidence de M. DE QUATREFAGES. ) Siègent au bureau : MM. Dubois, de la Loire- Inférieure ; baron de Montreuil , d'Homalius d'Halloy et Léonce de la Vergne, ancien sous-secrétaire d'Etat. M: R. Bordeaux tient la plume comme secrétaire- général. M. Maureng lit le procès-verbal de la section d’his- toire naturelle. Le rapport de la section d’agriculture est présenté par M. Calemard de la Fayette. Ces deux rapports sont adoptés. | M. Jobard a la parole pour la communication sui- vante : 286 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. « Il existe dans certaines localités de la Lorraine et de la Bourgogne une espèce de solanée ou tubereule noir allongé, que a charrue découvre et dont les enfants et les cochons sont très-friands ; on en remplit des sacs qui $e vendent en abondance sur certains marchés, à Langres surtout ; là chair en est très- bonne êt tient du salsifi et du marron ; ce qui lui a fait donner dans un pays le nom de châtaigne de terre, de souris de terre dans un autre, à cause de sa forme ; de mêguson en Champagne , et de macjou en Lorraine : le nom botanique est Lathyrus tuberosus. « Quoiqu'il en soit, cette excellente racine alimen- taire est très-peu connue, et ceux qui la connaissent n’ont pas essayé de la tirer de l’état sauvage et de la cultiver. « Je pense qu’elle acquerrerait comme la pomme de terre des dimensions plus considérables et finirait par prendre sa place , si celle-ci venait à nous abandonner comme elle a l’air de nous en menacer. « J'appelle l'attention du Congrès sur cette racine méconnue dont je lui présente des spécimens assez nombreux pour que chacun en emporte dans sa pro- vince, afin d'en empoisonner la France le plus tôt possible , car cette plante , très-vivace , rampe sous la terre, sans lui nuire ; ses bulbes se tiennent comme un chapelet très-allongé, ét forme une sorte de cara- vane souterraine ; quand on lui enlève les individus de l’arrière-garde , la tête continue à marcher. « Il est possible que ce qui en a empêché la cul- ture régulière , c’est qu’elle peut sortir, dit-on, de l’enclos où elle se trouve pour passer dans le chäamp CONGRÈS DES ACADÉMIES, 287 du voisin , mais quand il y en aura partout , la perte et le gain seront réciproques. » M. de Cussy s’informe dans quel terrain ces tuber- cules viennent de préférence. M. Jobard : Dans les terres fortes et humides. _ M. Langlois voudrait que ce tubercule fut analysé , afin de savoir si ce serait un aliment nutritif, alibile. Au coup-d’œil , il paraît ligneux et peu féculent. M. le vicomte de Pomereu dit que cette plante ap- pelée méguson, dans les Vosges ; souris de terre, dans le Loiret, et Lathyrus tuberosus par lés botanistes , paraît assez peu succulente. Ce ne peut être qu’une curiosité, comme l’Oxalis crenata , une ressource dans les pays pauvres , une variété d'aliment pour les en- fants. Dans les Vosges, les enfants suivent les charrues pour les ramasser ; ils mangent volontiers ce tubercule à cause de son goût sucré. On le fait cuire avec du beurre pour en faire un aliment dans le Carême. M. de Pommereu croit-que l’on doit engager à ne pas le perdre, à s’en servir dans les pays pauvres qui le produisent spontanément , mais que ce peut-être une culture profitable dans les pays riches. Au reste, si l’on voulait le cultiver , ce serait au printemps qu'il faudrait semer les graines de: cette plante. MM. Langlois et. Moigno posent. quelques. questions à M. de Sussex. M. le président fait observer que la discussion sera très-difficile en l’absence de M. Payen. Il croit donc utile de la clore. M. Langlois fait observer que M. de Sussex a changé plusieurs fois ses pro- . cédés , et il croit qu'il faut un temps assez prolongé 288 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. pour que, sous l'influence de l’air, la solidification du silicate puisse s’opérer. M. de Montreuil ne pense pas qu'il faille trop s’ef- frayer de la disparution du guano ni attacher trop d'importance aux engrais industriels. Dans, une cul- ture bien dirigée le fumier suffira, car les bestiaux augmentent, ainsi que les récoltes fourragères, et avec de bons fumiers, bien aménagés, un cultivateur saura se passer d'engrais commerciaux. Il faut en gé- néral que les agriculteurs puissent se suffire à eux- mêmes. M. Jobard fait une communication relative à une lampe de son invention , dans laquelle un appareil spécial permet d'augmenter ou de diminuer à volonté la consommation de l'huile et le développement de la lumière. | L'un des Secrétaire-géneraux. Raymond BoRDEAUx. 2 SECTION D’AGRICULTURE. SÉANCE DU 29 JANVIER. (Présidence de M, le eomte DE VIGNERAL }). Siègent au bureau : MM. Denis, de la Chauvinière, Monnier, Ponsard, Calemard de la Fayette. M. Calemard de la Fayette informe le Comité, que M. de Sussex, entendu dans la séance générale d'hier, CONGRÈS DES ACADÉMIES. 289 serait heureux que, des membres du Congrès voulus- sent bien venir constater par eux-mêmes la vérité de ses assertions. M, de Sussex-attendrait la visite de ceux de nos collègues qui seraient disposés à se rendre à Ja manufacture. de Javel., mardi prochain , à 2 heures, et se mettrait à. leur disposition pour expérimenter devant eux son système de désinfection et de solidifi- cation des matières fécales. Le bureau du Comité d'agriculture se rendra à l'in- vitation de M. de Sussex ; il ne peut qu'engager un plus grand nombre de nos collègues à se joindre à lui, pour assister à ces intéressantes expériences. L'ordre du iour appelle la discussion de la onzième question du programme , conçue en ces termes : « Le plan officiel de la statistique générale d’un dé- « partement français n'ayant pas été publié depuis « l'an X, et le programme donné plus tard par la « Société centrale de statistique n'étant plus en rapport « avec le progrès de la science statistique, «. Quel est le mode de rédaction à suivre pour ce « travail ? « Celui de publication sous le point de vue de la « dépense? « La statistique doit-elle être publiée périodique- « ment, tous les dix ans, ou à des époques plus éloi- « gnées ? » | M. Duchatellier a la parole : selon cet honorable membre , on s'effraie beaucoup trop peut-être de la difficulté qu'il y a à exécuter une statistique dépar- tementale. M. Duchatellier a fait celle du département du Fi- nistère, et comme il pense que la marche à suivre en 13 290 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. pareille matière est de la plus haute importance pour l'exécution de l'ouvrage, il demande à entrer dans quelques détails qui pourraient servir d'indication utile à ceux qui voudraient s’en inspirer. Et d’abord, M. Duchatellier ne pense pas que ce soit sur les données émanées de l'administration centrale qu'on puisse essayer de produite une’statistique. Quand il a dû lui-même se mettre à l'œuvre, il s'est créé un plan dont voici les principales bases : Les divisions sont naturellement indiquées. I] s'agit d'étudier d’abord les institutions, = les administrations. Et enfin, la situation physique, industrielle, com- merciale , ‘agricole, etc. Pour le chiffre de la population, les récensements généraux ou partiels donnent un ensemble de docu- ments de la plus haute valeur, qui aident à arriver à presque toutes les solutions. Les tables décennales servent à contrôler les tables de la population et à lés compléter en ce qu’elles peu- vent avoir d'imparfait. Une foule de faits curieux ressortent: d'études de ce genre. Quand un certain nombre de statistiques:serdient faites dans plusieurs départements ; les mouvements de population comparés entr'eux présénteraient: sans doute un très-grand intérêt, et on pourrait en tirer les inductions les plus précieuses. Ces études fourniraient aussi des documents qu’on chercherait vainement ail- leurs, sur la question des populations considérée sous l’aspect des classes diverses auxquelles eiles appar- tiennent, et de leur aisance relative. De mème , la progression de la population dans les : CONGRÈS DES /ACADÉMIES, » 17 29 villes ou dans les campagnes est facile à constater ainsi et la comparaison très“importante à faire! Le recrutement est aussi un élément d'observations très-considérables. Ainsi, M. Duchatellier lui-même a pu vérifier dans ses études les faits remarquables que voici : Dans lés pays manufacturiers , la taille diminue les constitutions s’affaiblissent; cela est généralement connu; mais ce qui l’est moins , c'est qu'à mesure qu’on s'éloigne des régions de bonne!pratique agricole, dans les pays ruraux; des conditions analogues se produi- sent; quand la culture est'arriérée, la nourriture ‘in = suffisante, la race humaine s'appauvrit , et il se produit cette déplorable conséquence, que certaines communes n'ont pas un seul Sujet de bonne conformation, apte, en un mot, au service militaire. L'instruction appelle aussi une étude attentive ; mais les documents ne sont pas non plus difficiles 4 à recueillir par voie administrative, Lg, 9 ‘Il en est de même de tout ce a qui concerne le culte ; le culte fournit des renseignements satisfaisants; les dépenses sont facilement constatées; | et les sources à consulter l’indiquent d'elles-mêmes. Les prisons renseignent sur le travail et le prix de la journée. De grandes différences existent entre certaines loca- lités, dans le régime et les dépenses! des ‘prisons ; on en peut conclure que dés abus existent sur un point qui n'existent pas ailleurs. Les hospices ; les établissements de bienfaisance, les tours pourlesenfants trouvés, tout celaestfacileàétudier, et plein d’enseignements dé!la plus haute valeur morale. 292 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. Dans le département du Finistère, avant 93, le chiffre des dépôts d'enfants trouvés s'élevait seulement de 30 à 40, et depuis on l’a vu arriver successivement à 600. Une remarque bien attristante résulte encore de l'examen de la même question : les établissements de bienfaisance voient irop souvent leurs intérêts horri- blement négligés. En beaucoup d'endroits, on a laissé périmer des droits considérables. M. Duchatellier, comme inspecteur des établissements de bienfaisance dans le Finistère, a constaté des faits accomplis de cette nature, dans lesquels l'intérêt public avait été déplorablement sa- crifié. L'ordre judiciaire appelle aussi l'attention sous plus d'un point de vue : dans le Finistère, les licitations, par exemple, ont produit ce résultat, que, pour toute propriété qui ne s'élevait pas à 4 ou 5,000 francs , Les frais de justice en absorbaient la valeur entière: Ces frais ont été diminués quelque peu , comme on le sait, mais des constatations pareilles n’en ont pas moins la plus grande importance. Quant aux administrations , dans l'étude de leur constitution propre, elles présen- tent beaucoup de difficulté. Autrefois surtout, les comptes étaient dans une confusion où il était impos- sible de se reconnaitre. Plus tard, à partir de l’époque de la Restauration , les comptes des préfectures ont commencé à être tenus plus régulièrement. Les moyens de contrôle sur les dépenses administratives se sont multipliés; mais il y reste encore un côté mystérieux qui ne permet pas de trouver facilement la Jumière. CONGRÈS DES ACADÉMIES: 9293 Pour que les travaux publics puissent être appréciés, quant à l'étude statistique des frais, il faut que les chefs d'administration des ponts-et-chaussées y mettent uu bon vouloir et veuillent bien prêter un concours que M. Duchatellier, pour sa part, a du reste rencon- trés souvent. | | L'administration du cadastre a le malheur de vou- loir opérer d'une manière fixe et immuable sur des matières dont le caractère est d’une extrême mobilité. Avec son concours, il est cependant possible de se reuseigner suffisamment. M. Duchatellier signale les cartes cadastrales exé- cutées à l’aide des comices dans le département de Seine-et-Oise ; ces cartes, achevées dans plusieurs cantons, sont dans les conditions les meilleures , et elles montrent ce qu’on peut faire en cette matière avec du talent et du zèle. | | Dans l'étude des contributions , il y a aussi bien des faits importants. L'orateur, dans le Finistère, a fait, entr'autres, cette précieuse observation : les grandes cotes au-dessus de 400 francs diminuent d'une façon sensible. Les petites cotes infimes tendent aussi à di- minuer. Les cotes arrivent à se multiplier dans les con- ditions moyennes. M. Duchatellier cite beaucoup d’autres faits exces- sivement curieux, qui concernent le département qu’il a dù étudier et qui lui servent à établir que, partout, une étude comme la sienne recueillerait des observa- tions d’une grande portée. Dans le Finistère, la pro- prièté ne se partage pas toujours suivant les prescrip- tions de la loi, le fils aîné la conserve indivise dans quelques cantons. 294 INSTITUT DES! PROVINCES: DE FRANCE. Enfin, avec le mode d'enquête que M:! Duchatellier a pu pratiquer , il lui a été facile de se renseigner encore sur une foule de points, de détails bien dignes d'attention: | “Il signale des localités où doutes agricole gagne 50 centimes par jour et la femme 30 centimes; et l’ou- vrier n'est pas nourri. MM. Monnier et Travot provoquent ‘encote de la part de’ M. Duchatellier l’énonciation de faits très- curieux. _ M. Duchatellier a cherché ä:établir une comparaison de læ situation du'travail ‘entre le département de Seine-et-Oise et celui du Finistère. ‘Dans Séinelel:Oise tout se fait à la tâche , et l'ou- vrage accompli, dans lequel l’ouvrier touche un salaire beaucoup plus élevé, revient en somme beaucoup moins cher au propriétaire. | M. de Vigneral signale ce fait qu'en ‘Normandie les ouvriers valides énigrent; il ne reste que les femmes et les travailleurs insuffisants, Il résulte encore de plusieurs faits MER par déux membrés, que la journée payée 3 francs par le chef d'exploitation est souvent, en définitive, bien moins chère que celle qu'ailleurs on ne [es que 50 ou 75 centimés. Rentrant dans l'examen des moyens d'enquête sta- tistique,. M. Duchatellier vient enfin aux octrois et aux consommätions. Tl est facile encore ‘de recueillir tous les renseignements. En Bretagne, la consommation alcoolique est véri- tablement effrayante au point de vue moral ; dit M. Ducbatellier : il y a là une question bien grave. » CONGRES DÉS ACADÉMIES. 905 Ën 13 ans, le Finistère double sa consommation. Dans la Loire-Inférieure, cette progression se fait en 10 ans. | | Les contributions indirectes, par le droit de circu- lation, donnent un contrôle qui complète celui des octrois. | Quant aux contributions directes, leur action est facile à étudier, mais non sans frais. Un fait saillant , c'est que dans le Finistère, en 19 ans, l'Etat perçoit par les contributions, directes la valeur foncière du département. Ainsi, les trois enregistrements fournissent de très- curieux renseignements, Par les timbres, ils indiquent aussi le mouvement intellectuel, puisqu'on constate le. nombre des journaux et le mouvement commercial par les papiers timbrés. Les postes complètent ces, dé- tails. | La marine et la navigation, aidés par la douane, donnent tout le mouvement d'importation et d'expor- tation. Les états si réguliers, si bien faits des admi- nistrations, fournissent tous les documents désirables. Dans une troisième section, on a enfin à apprécier l’état physique, industriel et commercial du départe- ment. M. Duchatellier avait fait un questionnaire qui fut envoyé | Aux maires, percepteurs, etc.; Aux Sociétés savantes ; Les avocats et les médecins ont pu fournir de pré- cieuses réponses. On a obtenu ainsi des renseignements assez exacts Sur la nature du sol, 296 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. Sur les cours d'eau, Sur le climat, les conditions et l'hygiène climaté- riques. Enfin ; la statistique agricole sollicite par dessus tout l'observation des produits indigènes, exotiques ou manufacturés qui ouvrent un champ d'investigation immense. Des détails sur la valeur des terres et le mode de fermage, sur les salaires, gages et prix de journée, furent recueillis par M. Duchatellier. Il les compara aux prix de consommation; iltrouva cette conséquence curieuse que le salaire s'élève proportionnellement avec la part d'intelligence que les industries exi- gent. | Une étude générale dans toute la France per- mettrait d'établir une comparaison entre les salaires de tous les départements pour les industries spéciales. M. Duchatellier fut amené à rédiger des mémoires par- ticuliers. — Ces industries sont quelquefois chan- geantes, il faut les suivre dans leur transformation. L'observation des mercuriales n’est pas non plus à dédaigner. M. Duchatellier a remarqué que depuis 30 ans, le poids du blé a augmenté de 2 kilos par hectolitre. On en peut induire que l'amélioration des cultures se traduira toujours par une augmentation de poids, dans Je blé. Autre fait : le seigle est beaucoup plus mobile que le froment. Dans les temps de disette, la proportion ascendante du seigle est beaucoup plus considérable que celle du blé. Les cultivateurs, par habitude ou par routine , ne veulent pas renoncer à une consommation qu'ils modifieraient ou remplaceraicnt souvent avec CONGRES DES ACADÉMIES. 297 avantage par une autre, en se conformant aux varia- tions des prix. M. Ponsard dit qu'en Allemagne , on voit le pain de seigle préféré même sur des tables riches. Après plusieurs autres considérations très-intéres- santes, M. Duchatellier se résume en demandant pour les moyens d'exécution qu’il croit devoir conseiller : 1°. Le concours d’un ou plusieurs hommes de- voués ; 2, Le concours des Sociétés, et enfin , mais prin- cipalement et par dessus tout, le concours sympa- thique des administrations. En ce qui concerne la Statistique du Finistère, le Conseil général concourut à la publication de l’œuvre. Le Ministre de l’agriculture et du commerce contribua pour une somme de 1,000 fr. et promit de fournir un supplément; mais, plus tard, le Ministre n'était plus au pouvoir. En définitive, pour une somme de 4,000 fr. la Statistique du Finistère a été publiée en trois forts volumes in-4°.— Le travail et l'impression ont duré 5 ans. Si des travaux d’une telle nature ont une impor- tance énorme pour un département, on peut entrevoir combien cette importance serait plus grande encore quand les statistiques, en se multipliant, permettraient d'établir une comparaison permanente entre des dé- partements divers. M. Quenard fait observer que des cahiers de ques- tions ont été envoyés au département du Loiret et sans doute ailleurs. M. Monnier témoigne le désir que des renseigne- 208 INSTITUT DÉS PROVINCÉS DÉ FRANCÉ. ments aussi intéressants que ceux fournis par: M. Duchatellier ne restent pas sans fruit. Il voudrait qu'une instruction complète fût rédigée et publiée. MM. de Vigneral, Denis, Travot, Ponsard, de Seisy, Calemard de la Fayette, Destourbet, etc., sont encore entendus sur les difficultés pratiques des travaux analogues à ceux de M. Duchatellier. Sur le résumé de M: lé Président, lé Comité ex- prime le vœu que M. Duchatellier veuille bien rédiger pour une publication spéciale les notes indicatives qu’il vient de fournir de vive voix. M. Duchatellier ‘croit encore devoir ajouter que depuis que la Statistique du Finistère aiété faite, le Conseil général a plusieurs fois exprimé le désir que M. Duchatellier refit son ouvrage pour ÿ reproduire les modifications que le temps a apportées à la situa- tion du département. M. Duchatellier n'a pu accueillir cette ouverture ; mais il à fait remarquer que le cadre étant donné , il est facile désormais à d’autres que lui de le remplir. | Un nouveau cordon de mesurage pour les arbres, qui permet de les évaluer rapidement et exactement, est soumis par l'inventeur à l'examen du Congrès. M. Thomas s’entretient avec l'inventeur et lui fait exposer son système. | M: Destourbet soulève certaines objections qui paraissent au Comité devoir faire ajourner son Juge- ment sur le nouveau procédé. M. Thomas croit la méthode bonne, mais insuffi- sante encore en quelques points. Le Comité, ne pouvant expérimenter là nouvelle méthode, remercie l'inventeur de sa présentation et CONGRÈS DES ACADÉMIES. 909 Pa ue peut que l'engager à la renouveler plus tard, dans un moment plus opportun. La séance est levée. Le Secrétaire , CALEMARD DE LA FAYETTE. SEANCE GÉNÉRALE DE CLOTURE DU 99 JANVIER. (Présidence de M. LerEBvRE-DUuRuFLÉ.) Sont présents au bureau : MM. de Caumont; Dubois, de la Loire-Inférieure; de Stassart ; de Quatrefages ; d’Héricourt ; Duchatellier. M. Bordeaux donne lecture du procès-verbal de la séance du 29 janvier, dont la rédaction est adoptée. M. Duchatellier expose, au nom de la Commission, composée de MM. Gomart, Vander Straten, Mahul et d'Héricourt, chargée d'examiner quel serait le meilleur mode de publication du, Bulletin. bibhogra- phique, que la Commissiou a été unanime pour recon— naître la nécessité et l'utilité de ce répertoire des travaux de la province , ignorès la plupart du temps. Des li- braires-éditeurs de la province ont offert au Congrès , moyennant la garantie d'un certain nombre d'abonnés, de se charger de:cette publication dans une Revue éditée dans le format et les conditions de la Revue des. Deux 300 {NSTITUT DES PHOVINCÉS DÉ FRANCÉ, Mondes. Ces propositions n’ont pas été acceptées par là Commission, parce qu'elle ne veut pas créer une pu- blicité pour des articles tout faïts, mais seulement faire connaître, par des analyses succinctes , les pu- blications de la province. La Commission a pensé que, pour augmenter l'intérêt du Bulletin, ce recueil devait faire connaître non-seulement les publications de la province, mais encore donner le résumé des travaux des Académies, indiquer les collections précieuses , les mauuscrits intéressants et les musées remarquables ; elle vient donc proposer au Congrès de charger son bureau de provoquer des adhésions dans la province, en même temps que la collaboration, dans les diverses contrées de la France, d’un certain nombre de membres correspondants, qui voudraient bien se charger de recueillir tous ces documents et de les faire parvenir à la rédaction du Bulletin. M. de Caumont déclare qu’on ne doit pas compter sur le concours des Sociétés savantes, puisque sur 40 abonnés que le bulletin bibliographique avait, on n’y rencontre que 20 abonnements pris par des académies de province. Du reste, la question d'argent n’est pas ce qui doït préoccuper, puisqu'il y a encore des fonds disponibles sur la somme consacrée à cette publication, mais il importe surtout d'avoirdes correspondants actifs qui tiennent constamment le Bulletin au courant de ce qui se publie dans la province. | M. Bordeaux explique pourquoi le journal de la librairie ne donne pas la nomenclature de toutes les publications de la province ; c'est parce qu'une partie de ces publications reste dans les préfectures et n’est pas envoyée à Paris. Il croit que si on pouvait obtenir CONGRES DES ACADÉMIES. 301 que toutes les publications de la province fussent an- noncées dans le Journal de la Librairie, on aurait obtenu le meilleur mode de publicité. M. Bordeaux entre à ce sujet dans la discussion de la vingt-deuxième question du programme qui est ainsi Conçue : « Quels seraient les moyens de faire connaître les « publications de province et d'obvier aux lacunes « énormes et aux omissions du Journal de la Librairie « en ce qui concerne les travaux imprimés dans les « départements? » L’orateur rappelle qu'il existe un recueil officiel chargé par le Gouvernement d'insérer le titre de toutes les publications déposées au ministère de l'Intérieur et dans les préfectures. Ce recueil, c’est le Journal de la Librarrie. Il n’a pas comme le Bulletin bibhogra- phique en question, une publicité de quarante ou cin- quante abonnés : il est distribué à plusieurs milliers ; il se trouve dans toutes les administrations ; il est lu par tous les libraires de la France et de l'étranger. C’est lui que les bibliographes consultent, c'est avec lui que les recueils bibliographiques de notre époque ont été composés : ce qu’il indique est connu , ce qu'il passe sous silence est ignoré. Malheureusement ce journal n’est pas complet et de plus il est souvent inexact. C’est lui qui confirme dans l'opinion fausse qu'à Paris seulement on publie quelque chose. Un al- manach, s’il est imprimé à Paris, aura l'honneur de se voir annoncé la semaine suivante dans le journal officiel ; un gros livre, imprimé en province, n'y sera annoncé que l’année suivante. [l faut bien dire à qui la faute, D'abord le journal officiel est rédigé à Paris, 302 INSTITUT : DES :PROVINCES DE ‘FRANCE. dans l'esprit parisien ; il regarde de haut ce qui vient des provinces , et estime surtout ce que Paris produit. En second lieu , les dépôts sont faits avec négligence par MM. les imprimeurs de province, et transmis avec une négligence plus grande encore par MM. les commis des préfectures. Nul, en effet, n'est prophète en son pays. M. un tel a faitun livre dans une ville secondaire, il l'a fait imprimer dans la même ville : nécessairement un livre du pays, publié dans le pays, n’aura pas le mêmesuccès que.s’il venait de bien loin : l'imprimeur l'apporte au chef de bureau chargé de lui donner un récépissé , et le commis en fait tel cas qu’il juge à propos... Toujours. est-il que jamais le livre ne sera envoyé, à Paris, que jamais , conséquemment, il ne sera annoncé au journal officiel. Les: tirages à part particulièrement sont exposés à ce traitement, parce qu'on les regarde comme des doubles emplois. J'ai consulté souvent le, Journal de la: librairie, ajoute M. Bordeaux , et j'ai remarqué que certains dé- partements , où cependant on imprimé des livres ; ne figurent jamais dans ce journal. Il ÿ ascertaine préfec- ture. normande qui doit être signalée sous ce rapport. Que le Congrès élève donc la voix , qu’il provoque de la part du ministère une invitation aux préfets afin que les dépôts faits en province soient transmis exac- tement. à Paris, et. l'inégalité dont nous nous plai- gnous sera diminuée. La négligence. de certaines préfectures à ‘trannettre les dépôts a toutes sortes d’inconvénients; elle favo- rise la contrefaçon ,; en ôtant au dépôt légal la publi- cité du jaurnal officiel: Le Congrès doit se préoccuper des intérêts de ses membres qui, pour la plupart, écri- CONGRES DES ACADÉMIES. 303 vent en province. Il y a un bon conseil: à leur donner sur ce point. Je dirai donc à l’auteur qui fait imprimer un travail à son compte : ne vous reposez pas sur votre imprimeur pour la publicité officielle; il n’a aucun intérêt au succès de votre livre, ce n’est pas un éditeur; une fois son travail payé, que lui importe que vous soyez enfoui , oublié, ‘contrefait, dépouillé ? Metiez-vous donc en garde et exigez un duplicata du récépissé de dépôt. Ce récépissé sera entre vos mains votre titre contre certains pillages dont les auteurs de province sont souvent victimes , et de plus, il sera une protection contre le silence des bureaux de préfecture. Le commis, averti que vous entendez que votre ou- vrage soit transmis à Paris, pour y jouir de la publi- cité légale , craindra de se compromettre, et il expé-— diera à qui de droit les deux exemplaires déposés. C'est parce que les dépôts faits en province sont illusoires pour les auteurs, que la plupart des publications de nos Sociétés savantes manqueñt à la bibliothèque offi- cielle de la rue de Richelieu. Le dépôt en province n'est considéré par les imprimeurs et les gens de bu- reaux que comme une obligation forcée, que comme une mesure de police, dont l’inaccomplissement ex- pose à amende, et on oublie qu’il confère le droit de propriété. On le subit comme une charge, tandis qu’il faut l'invoquer comme une sauve-garde. Le Congrès aura rendu à la librairie, aux Sociétés savantes et aux auteurs de province, un service considérable, si, par ses justes réclamations , il fait placer les dépôts faits dans nos préfectures de département sur le même pied que les dépôts accomplis dans le département de la Seine. | 304 INSTITUT DES PROVINCES DB FRANCE. M. Onésime Leroy propose d'imprimer la nomencla- ture des publications de la province chaque année à la suite de l'Annuaire de l’Institut des provinces. M. de Quatrefages estime qu'il serait plus avantageux pour le Congrès de s'entendre avec des journaux de Paris, tels que l’Afhenœum ou le Cosmos : ceux-ci pu blieraient volontiers dans leurs colonnes l'analyse suc- cincte de toutes les publications de la province. M. Calemard de la Fayette croit qu'au milieu d’avis si différents la question n’est pas suffisamment étudiée. Il demande l’ajournement avec le renvoi à la Commis= sion, qui, dans l’espace d’une année, cherchera le meilleur mode de publication pour les travaux de la province et recueillera les adhésions des souscripteurs et des collaborateurs. M. Duchatellier répond que ceci a déjà éfé fait et qu'on x’a pas obtenu de résultat. Il reproduit les con- clusions de la Commission. M. le Président, dans un court résumé , présente les divers avis émis pendant la discussion; il met en- suite aux voix les conclusions de la Commission, qui sont adoptées. M. d'Héricourt, secrétaire de la Commission Sato d'examiner les travaux auxquels se sont livrées les différentes académies représentées au Congrès, donne lecture du rapport résultant de cet examen. Cet excellent rapport est accueilli par d’unanimes applaudissements. M. Bordeaux donne lecture d’un travail analytique sur les musées de province. | Voyez à la suite de ces procès-verbaux. } Sur la demande de M. de Caumont, l'assemblée CONGRES DES ACADÉMIES. 305 paraît désirer que le prochain Congrès ait lieu au mois de février 1854, cette-époque: paraissant mieux con- venir aux délégués des Sociétés de province ; puis il adresse, au nom du Congrès , des remerciments à MM. les rapporteurs, à MM. les membres présents, pour leur empressement à se rendre à Paris et pour le concours empressé qu'ils ont apporté à fournir tous les renseignements sur le mouvement intellectuel de la province ; à MM. les secrétaires-généraux , aux secré- taires des sections , aux organes de la presse qui ont bien voulu faire connaitre dans les journaux les utiles et intéressants travaux du Congrès ; à MM. les mem- bres de l’Institut de France, à M. Lefebvre-Duruflé , tout pleins de bienveillance pour la province. Grâce au concours des notabilités de Paris et des délégués de la province , le Congrès a présenté un aspect remarquable, et sa session de 1853 peut passer pour une des plus intéressantes, “Des remerciments unanimes sont adressés à MM. les membres de la Société d'encouragement pour l'in- dustrie nationale , pour leur empressement et leur obligeance à mettre à la disposition du Congrès leur magnifique salle pour la tenue de ses séances. Le Congrès espère que cette Société voudra bien lui con- tinuer la même faveur l’année prochaine. M. le comte de Mellet exprime, au nom du Congrès, à M. de Caumont, sa profonde sympathie pour la noble : hospitalité qu'il a offerte aux membres du Congrès. La séance est levée à 5 heures. L'un des Secrétaires-génerauz, : Ch. Gomart. 306 INSTITUT DES PROVINCES :DÉ FRANCÉ. VISITE D'ÜNE COMMISSION DE LA SECTION D'AGRICULTURE A, L'ÉTABLISSEMENT, DE, PRODUITS : CHIMIQUES: DE. JAVEL,: | Dirigé par A. de Sussex. ; Re La Commission composée de MM. Destourbet , pré- sident, de la Société d'agriculture de Dijon ; général Rémond ; Langlois, pharmacien en chef des Invalides ; baron Travot, député; Denis, membre du Conseil gé- néral de la Mayenne ;, Calemard_ de la, Fayette , etc, s’est transportée à Javel près Paris, à la manufacture de produits chimiques agricoles fondée par M. de Sussex, En présence de la Commission, d’autres membres du Congrès, d'agriculteurs. et de savants, de, MM. Quenard , Dolfus,.. Verdeil, chimistes, etc. , M:.de Sussex à rappelé que dans une des dernières séances du Congrès, il croyait. avoir suffisamment-répondu à toutes les objections.élevées contre son procédé de trai- tement des vidanges liquides: par le, silicate: de soude et le phosphate acide. de, chaux, ét illa-offert de 'dé- montrer expérimentalement, les faits avancés par lui. Des vidanges liquides :ont été, en effet, presque instantanément coagulées. sous forme gélatineuse , et le magma résultant de l'opération répandu sur un plan incliné construit en briques cimentées , où la dessic- cation s’achève par le contact de l'air sans qu’elle CONGRÈS DES ACADÉMIES. 307 puisse résulter de l'absorption de l’eau de vidange par le sol. Les matières répandues n’ont. produit aucune.éma- nation trop sensible, et 1l est sans doute permis d’en conciure que le procédé résout le problème de désin- fection et de salubrité que s’est posé M. de Sussex. M. de Sussex donne ensuite à la Commission la des- cription de l'appareil clos qu’il construit à Colombes près Paris, et qui devra remplacer les bassins à ciel ouvert dans lesquels, jusqu’à présent, on opérait, en plusieurs années seulement, la dessiccation des ma- tières infectes. Dans cet, appareil clos, les matières sont desséchées par un courant d'air établi à l’aide d'une cheminée d'appel ou de tout autre moyen méca- nique. | M. de Sussex a ensuite appelé l’examen de la com- mission sur les matières provenant de la dessiccation. La Commission a pu observer, en effet, des masses déjà traitées , par centaines de tonnes, qui.ne répan- daient aucune odeur sensible, et qu’on pouvait manier sans répugnance ; sous leur forme sèche et pulvéru- lente, elles représentent à peine, suivant M.de Sussex, 1,5 du poids de la matière liquide; par. conséquent, et l'analyse le constatera au: besoin , elles sont cinq fois plus riches que la vidange. En ces conditions, elles seront. donc. transportables au loin. comme les guanos et les tourteaux. M. de Sussex a présenté ensuite-à bot commission divers produits chimiques agricoles qui n'ont pas en- core été fabriqués en France, Tels que Les phosphates acides de chaux, 308 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCÉ. Les silicates de soude et de potasse, Les sels ammoniacaux bruts. Ces engrais seront livrés à l’agriculture avec des marques de garantie et sur analyse, suivant le principe dont M. de Sussex lui-même a demandé l'application générale au Congrès central de l’agriculture, en 1851, et dans son traité critique et pratique du commerce des engrais. M. de Sussex a invité ensuite les membres de la Commission à visiter dans le plus grand détail le vaste établissement de Javel et les ateliers où se fabriquent chaque jour plus de 12,000 kilos d'acide sulfurique , — la soude , — les sels dé soude , — les savons, — la gélatine , — les phosphates pour émaux , — la chlo- rure de chaux,—les acides nitriques et chlorhydriques, etc... Les explications les plus intéressantes ont été don- nées à la commission sur les procédés perfectionnés ou nouveaux qui ont été introduits à Javel dans les diverses fabrications. En résumé, M. de Sussex a appelé l'examen de la Commission et provoqué l'expression de sa pensée sur l’ensemble des questions suivantes : « Les expériences et les résultats constatés ne répon- dent-ils pas à tout ce que M. de Sussex a énoncé de- puis deux aus dans les Congrès, au rh du traite- ment des vidanges ? » « Les produits chimiques agricoles, représentant les phosphates , les sels et les matières organiques nécessaires à la végétation, n'offrent-ils pas des moyens sûrs de déterminer par leur application isolée, quels” sont ceux de ces corps qui procurent les récoltes les CONGRÈS DES ACADÉMIES. 309 plus abondantes, en quelles proportions ils doivent | être employés, et quels sont les avantages qu’on trou- verait à les réunir dans ces proportions ? » « M. de Sussex n'a-t-il pas eu raison en rejetant toute théorie absolue, et en se basant sur ses nom breuses analyses de plantes, de dire à l'agriculture que les récoltes , en outre de l'azote, contiennent des substances différentes , spéciales à chacune au moins en proportions; qu'en conséquence , la théorie des en- grais doit correspondre à cette loi, et qu'il importe à l'agriculture de fonder, sur les résultats actuellement connus, tout un système de l’emploi et de la spéciali- sation des substances chimiques fertilisantes, dans l'application des engrais aux diverses cultures? » La Commission, sans s’attribuer le droit de trancher d'une façon absolue, et en dehors du Congrès , des questions si complexes, s'est empressée, du moins, de reconnaître tous les remarquables résultats constatés dans le présent procès-verbal. Les produits des vi- danges traités par les procédés de M. de Sussex, lui ont paru notamment dans de très-bonnes conditions d'empioi facile et de transport. Elle a dû témoigner aussi à M. de Sussex, en même temps que ses remer- ciments pour toutes les explications si claires et si sa- vantes qu'il avait si complaisamment fournis, sa rare satisfaction pour l'organisation progressive, pour tous les perfectionnements, en un mot, de son importante création à Javel, Elie n’a pu enfin refuser sa plus en- tière adhésion au système de M. de Sussex, qui ne veut, comme il l’a dit bien des fois. faire marcher la science que sous le contrôle de la pratique ; en donnant à celle-ci le précieux auxiliaire de ses connaissances 310 INSTITUT DES PROVINOES DE FRANCE. chimiques et de tous ses travaux antérieurs, M. de Sussex rend un véritable service à l'agriculture: et, en appelant sur ses travaux agricoles comme sur son exploitation industrielle, l'examen constant des hommes qui s'intéressent à de telles œuvres, il donne un bon exemple qu'on ne saurait trop recommander. RAPPORT bia di “sus LES . TRAVAUX ET PUBLICATIONS DES SAVANTS DE PROVINCE, EN 1859, d'après les rensergnements communiqués au Congrès des délégués dans sa séance du 25 janvier 1853 , Pan M. ue Ce, Acnwer »'HÉRICOURT, Rapporteur général, nn () 9) QC Messieurs, Au moment de rendre compte du mouvement in- tellectuel en France, j'éprouve un sentiment de défiance bien naturel dans une œuvre aussi grande et aussi diverse, surtout lorsque je me rappelle les intéressants rapports qui vous ont été faits les années précédentes, rapports si excellents par la forme et par le fonds. J'ose donc faire appel à votre indulgence, jamais elle ne m'a été aussi nécessaire. Résumer ces publications chaque jour plus nombreuses, en apprécier l'importance et l'utilité, telle est la tâche que vous m'avez confiée : s’il n’avait fallu que du dévouement , je serais sûr d’avoir réussi. Deux méthodes pouvaient être employées : la première, énumérer simplement les livres qui vous ont été offerts, et montrer par la quantité de travaux curieux, et par la diversité des sujets traités, combien sont actives nos sociétés pro- vinciales, mais cette nomenclature est si iongue 14 312 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. qu'elle eût lassé votre patience. J'ai mieux aimé, au risque de négliger des ouvrages importants, faire connaitre sommairement les titres de gloire scienti- fiques , littéraires et artistiques de notre belle patrie, et la grande part qu'elle a le droit de réclamer dans le mouvement intellectuel du monde. Permettez-moi donc de vous dire avec notre vieux Montaigne, 7e vous offre ce bouquet, il est formé de fleurs étrangères odorantes et producthves; je l'ai cueilli, n'y ayant mis du mien que le filet qui sert à les loyer. Entrons donc en matière , car la course est longue, les mémoires, les rapports se pressent nombreux sous nos yeux, et commençons par cette ville de Caen qui nous est chère à tant de titres et qui si souvent se rappelle à nos souvenirs. L'Académie des sciences, arts et belles-lettres de Caen qui compte deux siècles d'existence, n'a été dans le dernier compte-rendu l’objet d'aucune mention; le zèle et l’érudition des membres qui la composent sont assez connus pour répondre de l’activité qu’apporte cette Société dans ses travaux. Le volume, que nous avons sous les yeux et qui forme le seizième de cette intéressante collection, échappe pour ainsi dire à l'analyse, tant par l'importance des travaux qui y sont contenus , que par leur diversité. Sciences , arts et belles-lettres y tiennent conformément au programme une place notable ; tandis que M. Isidore Pierre, pro- fesseur à la Faculté des sciences, se livre à de sérieuses recherches sur la Thermométrie, et qu'après avoir expé- rimenté quarante-quatre substances, il en désigne quatre qui peuvent utilement remplacer l'alcool dans la con- CONGRÈS DES ACADÉMIES. : DIS struction de ces instruments, M. Leboucher, son collègue, publie la fin.de son savant mémoire Sur la formation des caustiques dans les milieux réfringents terminés par deux surfaces sphériques concentriques, Ce mémoire est un traité spécial qui séra utilement étudié. Les Tendances des racines à chercher la bonne terre ont été de la part de M. Durand l’objet d'un examen sérieux, et l’auteur a conclu que ces : tendances n'existaient pas, et que les faits d'accroissement que présentent les racines, rentrent dans les lois com- munes. La nature, dit-il en terminant, a par elle- même assez de poésie , sans lui prêter les fantaisies de notre imagination. Cette maxime devrait guider toutes les personnes qui s'occupent d'expériences, et surtout d'expériences agricoles. Les Sociétés n'ont- elles pas une lutte assez énergique à soutenir coutre la routine sans prêter à ses partisans de nouvelles armes, Le jour où il sera constaté qu'un savant a caché les véritables résultats et en a augmenté l’im- portance , l’on portera un grand préjudice au progrès, car c'est déjà à grande peine que l’on chasse la dé- fiance de l'esprit de nos cultivateurs, quelquefois, hélas ! si crédules, Mais revenons à l'Académie de Caen et mentionnons des scènes dramatiques intitulées Agar, par M€. Lucie Coueffin, scènes dans lesquelles on trouve quelques beaux vers : ainsi que le récit sous forme de légende ou nouvelle, dans un Episode dela ligue (1591) par M. Jallon, premier président à la Cour d'appel. Ce n’est pas ie lieu de discuter ici l’uti- lité de ces-romans historiques ; l’espace nous manque et d’ailleurs après avoir lu le récit de M: Jallon, le critique se trouve désarmé. 314 INSTITUT, DES ,PROVINCES. DB, FRANCE. La biographie dés hommes illustres produits par la Normandie ,:et l'on sait combien le nombre en est grand, paraît être l’objet plus spécial des études historiques de cette Société. Nous ue pouvons que nous en réjouir; où mieux que dans la localité peut: on puiser ces renseignements qui donnent tant d’attraits. La biographie ne commence pas seulement à l'époque où l’homme devient célèbre, elle n’est même:pas circonscrite entre sa naissance et sa tombe; on‘aime à connaître ses parents ;, leur position sociale, à deviner quelle est la direction que va recevoir l'enfant; on se plaît dans les détails ‘si souvent né- gligés de sa jeunesse, on le suit dans ses études, on s'associe à ses premiers succès. Nous demandons encore au biographe qu'après la mort de celui dont il retrace la vie, il mous dise quel jugement portèrent sur Ini ses contemporains etquelles modifications il a reçu ; si c'est un auteur, nous voulons l’appréciation de ses ouvrages et l'influence qu’ils exercèrent. Telle est la biographie , et telle l’a conçue M. de Gournay dans ses savantes Etudes sur Charles de Bourgueville, sei- gneur de Bras, et sur Malherbe ; le seigneur de Bras représente au XVI. siècle le principe de liberté et de progrès uni à la foi catholique, et le principe d’au- torité fondé sur la justice. « Né, selon son expression, du bon vouloir de Dieu le 6 mars de l'an 1504, M. de Bras se montrajusqu’à sa mort administrateur éclairé, professeur instruit, historien impartial. Nous le voyons tour. à tour au présidial, à la maison de ville, à l'Université, et il trouve encore le temps de consacrer de laborieux loisirs aux antiquités de la ville de Caen. Malherbe est trop connu pour que nous ayons, besoin CONGRÈS DES ACADÉMIES. 315 d'esquisser cette grande figure non-seulement de la Normandie, mais de la France; qui ne connaît ce poète illustre qui mettait de la philosophie ‘partout, jusque dans l'amour , qui apporta la pureté et l'élé- gance du style dans la poésie lyrique et qui prépara l’'avénement du siècle de Corneille et de Racine? Vingt- sept lettres anonymes du grand poète, publiées par M. Mancel , conservateur de la bibliothèque de Caen, complètent cé travail et y ajoutent un puissant attrait. A côté de Malherbe, M. Hippeau nous a raconté la Vie de François Le Métel' de Bois-Robert, le cour- tisan de Richélieu , recherchant les honneurs et sur tout la richesse avec le même amour que Malherbe portait à la retraite et à l'obscurité. Cet homme , qui s'érigeait ainsi qu'il le dit lui-même en solliciteur des muses affligées ; n'aurait guères de titres pour figurer au parnasse français {ce ne sont certainement pas ses vers qui l’y placeraient), s’il n'avait pris une part _ active à la fondation de l’Académie française. M. Hippeau a traité ce sujet si délicat avec modération et: talent , et l'histoire lui doit une bonne biographie de Bois-Robert. Nous citerons encore une notice de M. Julien Travers sur François Boisard, mort en 1851, après avoir servi successivement son pays comme sol- dat, comme financier, comme administrateur , et ajoutons comme auteur. Tels sont les mémuires de l’Académie de Caen , et cependant , malgré leur importance, ils ne sont pas les seuls titres de reconnaissance que nons devions à cette Société. C’est, en effet, à un de ses membres, M. Renault, que nous devons la Revue monumentale et historique de. l'arrondissement de Coutances; la pre 316 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE, mière livraison a seule paru : elle suffit pour nous per- mettre d'apprécier Je talent d'observation, la judicieuse érudition de l’auteur ; les cantons de Coutances et de St.-Malo-de-la-Lande ne sont pas les plus riches de la Normandie sous le rapport archéologique, si l’on en excepte la curieuse cathédrale de Coutances sur laquelle est. appelée depuis long-temps l’atteution du monde scientifique. Mais M. Renault, parcourant toutes les communes, visitant chaque monument , recueillant les traditions , puis contrôlant ses observations sur les pièces authentiques que renferment les archives et les bibliothèques , n'en a pas moins fait un travail utile, et il serait à désirer que l’on trouvât partout des hommes aussi dévoués que lui. Que d’objets intéressants ver- raient ainsi leur conservation assurée , et qu'il serait beau l'inventaire de ces richesses artistiques que nous avons tant de peine à préserver contre le vandalisme et l'ignorance. | M. Renault se rattachait à Caen comme membre de l'Académie de cette ville ; nous ne nous en éloigne- rons pas de cette ville sans rappeler sommairement les nouveaux titres de l’illustre fondateur des Congrès à la reconnaissance des archéologues. Et, en prenant Caen pour point de départ de notre longue excursion, nous voulions rendre honneur à la cité qui a vu naître notre directeur. Imitant ces écrivains du moyen- âge qui, au début de leurs travaux, invoquent un nom illustre , nous ne pouvions mieux choisir que de nous mettre sous d'aussi bienveillants auspices ; puisse ce patronage couvrir notre faiblesse ! Faut-il parler du Bulletin monumental, qui depuis tant d'années, sans être arrêté par les révolutions, par CONGRÈS DES ACADÉMIES, 317 le mauvais goût, par des attaques qu'a souvent ins- pirées la jalousie, continue son utile mission, ainsi que sa lutte contre le préjugé , l'indifférence et l’igno- rance, Nous aimerions à rappeler les articles contenus dans le volume de 1852, ceux surtout de MM. Cochet, baron de Crazannes, Victor Petit, Raymond Bordeaux, comte de Soultrait, ces statistiques cantonnales dont nous constations tout à l’heure l’utilité, mais ce bulletin n'est-il pas le vade-mecum de tous les archéologues, il a sa place dans toutes les bibliothèques, son rang assigné parmi les livres les plus utiles. Nous devons donc, malgré nos vifs regrets, nous arrêter à celte mention ; nous retrouverons d’ailleurs ces zélés cor- respondants sur d’autres parties de la France, et nous pourrons constater l’heureuse influence qu'ils y exercent. M. de Caumont, à qui revient la part la plus grande du Bulletin, fait chaque année une excursion archéo- logique en se rendant au Congrès scientifique, et l'on attend avec empressement qu'il fasse connaître le résultat de ses observations. Il est, en effet, un de ces maîtres dont on ne se lasse jamais de recevoir les le- çons, d'écouter les conseils, de recueillir les ensei- gnements. Il a exploré cette fois le Midi de la France, Angoulême, Toulouse, Auch, Albi, Nîmes; etil a montré dans la description des antiquités romaines ‘ le même talent, la même science que dans ses études sur les monuments du moyen-âge. Les inscriptions romaines savamment expliquées jetteront un jour nou- veau sur la science épigraphique, tandis que le style roman, si parfait dans l’église de St.-Aventin, nous offre de nouveaux types. Remercions M. de Caumont de cette intéressante communication, et, quant à moi, on me 2 318 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. permettra de l'avoir rappelé, car ce livre est de ceux dont on peut dire avec le poète : Ament meminisse periti, Le Congrès agricole et industriel de l'Association Normande s’est réuri à Flers et à Domfront ; il a éga- lement visité la ferme-école de Sault-Gauthier ; nous en avons lu le compte-rendu et nous pouvons rendre justice aux vues saines, uu zèle actif, aux efforts persévérants des membres qui le composaient. Il est impossible de parler detou tes les questions qui y ont été discutées ; engrais, drainage, jachères, bestiaux. en un mot tout ce qui se rattache à l’agriculture a été l’objet d’un examen sérieux. Nous devons cependant unemention spéciale aux travaux de MM. de la Ferrière, Marais, etc., sur la ville dé Flers. Ces travaux qui se complètent forment une excellente monographie qui ne laisse rien à désirer. Tandis que, remontant jusqu'au XII. siècle, M. dela Ferrière traçait l'histoire de cétte: intéressante € commune et établissait la filiation de ses seigneurs, M. Marais en dressait la statistique , relevait les écoles, les établissements de charité’ ou d'intérêt public, suivait les accroïissements de la popu- lation. M. Barbey, médecin, exposait la constitution hygiénique et tout ce qui se rapporte à ses études spéciales , enfin M. Toussaint étudiait le mouvement industriel ét indiquait les moyens d'assurer les progrès et l'avenir de l’industrie de cette ville, Si l'on trouvait partout Jà même union et le même dévouement, d’arrivérions-nous pas bientôt à connaitre notre pays sous tous les rapports. La Société des Antiquaires de la Normandie, dont CONGRÈS DÉS ACADÉMIÉS. 319 on connaît la prodigieuse activité jointe à une in- contestable érudition, a continué ses savantes publi- cations. Nous. signalerons le 16%. volume de :sa col- lection des documents inédits; on y’ trouve la suite des grands Rôles de l'Echiquier de Normandie pendant les années 1184, 1198, 1200, 1201 et 1203, édités par MM. Léchaudé-d'Anisy et Charma. M. Léopold Delisle y a joint des observations générales et. fort importantes sur l'Echiquier; enfin à cette belle publi- cation se lie une carte de la Normandie sous les rois.d’'Angleterre vers l’an 1200, d'après celle du savant anglais Stapleton. M. Delisle, à qui la Normandie doit tant de savantes publications, a aussi édité un car- tulaire de cette province sous les rois Philippe-Auguste, Louis VIII, saint Louis et Philippe-le-Hardi. Les ouvrages de M. Delisle sont trop répandus pour que nous n’ayons pas besoin de constater qu’il a enrichie. texte de notes nombreuses; des tables faites avec soin facilitent les recherches. rt Nous ne pouvons passer sous silence:le 19f: volume des mémoires de la Société des Antiquaires de là Nor- mandie, et nous nous trouvons en présence de vingt- six dissertations ou rapports tous remplis d'intérêt, tous constatant un progrès ou une découverte ; tous enfin dignes: d'une étude spéciale. Vous comprenez, Messieurs, que nous ne pouvons le faire; une ‘autre difficulté se présente; citer quelques-uns de ces mé- moires, mais les auteurs dont nous négligerions le nom pourraient se plaindre avec raison ; nous avons miéux aimé ne mentionner que le zèle bien’ connu de cette Socièté et renvoyer en notes l'indication de ses nombreux travaux. | 9320 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. La Société d'Agriculture et de Commerce de Caen n’a pas encore fait paraître le volume de ses mémoires; ce retard a été causé par la mort de notre regrettable et zélé collégue M. Lair qui, depuis 1801, occupait les fonctions de secrétaire de cette Société. Presque tous , Messieurs, nous avons connu M. Lair, l’un des fon- dateurs des Congrès, nous avons pu apprécier son affabilité, sa modestie, son savoir, nous savons avec quel zèle il encourageait la jeunesse laborieuse , pro- pageait les découvertes utiles, et soutenait les asso- ciations littéraires et scientifiques. Tant que ses forces le lui permirent, il fut l’un des membres les plus assidus et les plus exacts des Congrès; il les a plu- sieurs fois présidés, et son caractère aimable puisait dans ces réunions une nouvelle jeunesse. Puissent nos regrets unanimes adoucir ceux d’une famille ho- norable et lui prouver que la France a su apprécier . les sentiments nobles et généreux de M. Lair. L'Annuaire des cinq départements qui composent l'ancienne Normandie a été publié avec l'exactitude que l'Association Normande apporte dans ce qu'elle entreprend. Enfin, les Sociétés [innéennes et de Médecine poursuivent avec succès le cours de leurs travaux. L'activité des savants de Caen est telle’ Messieurs, que nous sommes forcés , à notre grand regret , d'être incomplet et de négliger des ouvrages importants ; MM. Charma, d’Aurevilly et Dufeugray voudront bien nous le pardonner, d'autant plus qu'ils sont trop laborieux pour que l’Institut des provinces n'ait point à revenir sur leurs œuvres. M. Isidore Le- brun , auteur d’une intéressante brochure sur l’exhi- bition internationale de Londres, a enrichi le musée de CONGRÈS DES ACADÉMIES. 921 Caen d’un portrait de Sarrazin, poète et historien célèbre du XVII®. siècle, Je n’ai pas besoin de vous rappeler que le musée de Caen, dont le catalogue vient d'être publié par M. Mancel, a consacré une galerie aux portraits des littérateurs ou savants nés dans la Basse-Normandie. Le don généreux de M. Lebrun vient donc combler une regrettable lacune et nous ne doutons pas que cet exemple ne trouve des imitateurs dans une ville si dévouée à ses gloires nationales, La Société d'agriculture, sciences, arts et belles- lettres de Bayeux n’a peut-être point montré la même activité cette année que les précédentes; toutefois, elle n’est pas restée inactive. Nous ne parlerons ni de ses brillants concours, ni des récompenses distribuées, ni de l'accroissement qu'ont reçu et la bibliothèque.et le musée, ni de ce beau meuble qui assure main- tenant la conservation de la tapisserie de Bayeux, l’une des gloires artistiques de la France, ni du travail relatif au tracé du chemin de fer de Cherbourg; mais nous appuierons principalement sur deux savantes “biographies contenues dans le bulletin que publie cette Société. La première, due à M, l'abbé Laffetay , est relative à Roland-des-Talents, chanoine de Bayeux au XV®. siècle. Ce zélé ecclésiastique, nous laissons parler l’auteur, semble n'avoir pris la plume que pour édifier ses collègues, donner de sages conseils à ses amis, encourager le goût des lettres, traiter soit en son nom, soit au nom de l’évêque, avec les plus illustres personnages, et Roland ne cessa de confondre dans sou dévouement les intérêts de l'église et ceux de sa patrie. Cette vie si bien remplie ne pouvait être mieux étudiée que par M. Laffetay, il l’a fait avec amour, 329 INSTITUT DÉS PROVINCES DÉ FRANCE. avec conscience ‘avec talent. Non-seulement il a rap- pelé les événements auxquels Roland a pris part, mais il a également analysé les quarante-sept ouvrages qu'on lui doit; c’est un utile et précieux complément aux biographies dites universelles. M. le président La Barre, qui vivait dans la seconde partie du XVI®. siècle, était l’objet d’une semblable omission. M. Victor Evremont Pillet a étudié cette vie d'après les rensei- gnements disséminés dans les ouvrages de ce magistrat; il a analysé ses travaux et sa biographie contribuera püissamment à faire connaître les vues économiques du président La Barre. De telles œuvres honorent une Socièté, et par l'étude du passé peuvent pré- senter d’utiles enseignements pour l'avenir. On sait combien il est difficile d'introduire dans les campagnes l’enseignement agricole; en vain le Gou- vernement accorde des encouragements aux instituteurs les plus zélés, en vain les Sociétés d'Agriculture s'efforcent de faire pénétrer jusque dans les chaumières les sages leçons de leurs expériences, tout vient se briser contre l’obstination , l'ignorance et la routine. Il ÿ a quelques années encore, le canton de Putanges, (Orne) situé dans cette riche Normandie qui a tant fait pour propager les doctrines agricoles, qui a créé les congrès, les associations, les assises, restait indifférent à ce qui se passait autour de lui, et le Jaboureur se contentait de cultiver le champ de son héritage comme son père l'avait eultivé. Soutenu par ce dévouement qui inspire de si grandes choses, M. le comte de Vigneral, que nous connaissons tous comme . l’un des agriculteurs les plus distingués de la France, résolut de faire cesser un état de choses aussi déplo- CONGRÉS DES ACADÉMIES: 323 rable , et il fonda un cercle agricole au, mois d'août 1848 ; l'extension qu'il prit rapidement engagea. son généreux fondateur à lui assurer une existence durable;. il rédigea des statuts qui furent approuvés par: M. le Ministre, obtint dés encouragements du gouver- nement, fonda lui-même des prix, distribua des livrets de là caisse d'épargne ;.et, dans des conférences pra- tiques, fit connaître chaque mois les découvertes les plus utiles, ainsi que les progrès réalisables , telle fut l'origine du comice! agricole de Putanges. Nous qui avons entendu la parole éloquente et facile de M. le comte de Vigneral ,; nous ne nous étonnerons pas que ses conférences soient suivies avec le plus grand in- térêt, et que le nombre des assistants ait toujours été en croissant: Les sujets qu’il traitait et qui se recom- mandaient par un ‘puissant intérêt, par de profondes connaissances, sont trop nombreux pour que nous puissions même en citer les titres ;: les conférences sur la composition de la terre végétale, sur la conservation des engrais, sur le drainage, Sur la destruction des insectes nuisibles à l'agriculture sont de véritables traités qu'il serait de la plus haute importance de répandre. Nous avons lu avec le plus vif intérêt l’ana- lyse des séances que la Commission d'agriculture a tenu l’année dernière au Congrès des délégués des Sociétés savantes ; il était difficile. d’être en même temps ét aussi concis. et aussi complet. Nous quittons avec peine cés couférences, nous regrettons le témps qui s'écoùle et cettevoix qui nous crie : marche, car il te:resteencore-une longue route à parcourir ; les con- férences du comice ‘agricole de Putanges doivent être imprimées, elles deviendront bientôt populaires ; 324 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. puissent les avantages qu'en retirera la science agricole être pour M. le comte de Vigneral un dédommagement de ses soins, de ses travaux, et des sacrifices qu’il s'est imposés. | Ne nous éloignons pas du département de l'Orne sans vous rappeler son Almanach; vous avez encore présent à la mémoire le chaleureux discours de M. Le Vasseur d’Argentan sur l'utilité de ces petits livres qu'on avait trop négligés, qui par leur format et leur prix pénètrent partout, charment les veillées de l’ou- vrier et portaient dernièrement dans les chaumières un poison si dangereux. C’est donc une généreuse pensée d’avoir rendu à l’Almanach son caractère pro- vincial, ses conseils moraux, son instruction facile ; et constatons-le dès maintenant, nous trouvons sur un grand nombre de points l'exécution de la même pensée, à Falaise, au Puy, à Metz, à Calais ; c'est que partout où les doctrines mauvaises ont essayé de pénétrer, elles ont trouvé des hommes dévoués pour défendre la société, c'est qu'il v a encore en France de nobles et de généreux élans et que le vrai patriotisme se retrouve dans toutes nos provinces. Faut-il constater que, dans le département de l'Eure, cette partie de la riche Normandie où le mouvement scientifique est si heureusement organisé, on a restauré avec intelligence plusieurs monuments remarquables. M.Chassant,bien connu parses travaux paléographiques, a publié une biographie des hommes célèbres nés dans le département. L’érudition de M. Chassant est un garant de la manière dont il a traité ce sujet ; nous ne pouvons en dire davantage, n’ayant pas l'ouvrage sous les yeux. M. de la Bigottière vous a remis une note CONGRÈS DES ACADÉMIES. 325 sur Amboise qu'il a visité en 1835 ; notre savant col- lègue à une richesse de style qui appauvrit quelquefois la partie historique ; il a du moins le mérite de se faire lire , mérite que n’ont pas toujours les plus sérieuses publications. M. Raymond Bordeaux est trop connu de vous, Messieurs, il a pris une part trop grande à nos discussions pour que nous ayons besoin de men- tionner son zèle et son érudition; il nous permettra donc de ne rappeler que son nom, car ses publications soit dans le Bulletin monumental, soit dans les mé- moires dela Société des Antiquaires de la Normandie ou dans l'Annuaire de l’Assoeiation Normande ont leur place marquée dans toutes les bibliothèques à côté de son beau travail Sur la législation des cours. d’eau. La Société d'Emulation de Rouen a, si je puis m'exprimer ainsi, une double existence; l’nne privée quise manifeste au monde savant par d'intéressants rapports etdesmémoires érudits ; l’autre que j'appellerai publique ,. agissant plus directement sur les masses par des conseils, des encouragements et des récom- penses. C’est ainsi que chaque année elle appelle l'ouvrier, l'artisan, le domestique même, qui, par un travail soutenu, par de longs et de loyaux services, sont dignes d’être montrés comme exemple, et qu’elle leur distribue des primes, des médailles, des livrets de la caisse d'épargne. Ce sont ces solennités qui attirent le plus de monde ; on se montre ces généreux soutiens dela société courbés sous le poids des fatigues quotidiennes, on cite leur vie si belle et si dévouée, on la rappelle comme exemple, et les récompenses que leur offre la Société deviennent pour eux et pour leurs familles des titres de noblesse, Des cours pu- 326 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCÉ. blics, en répandant l'instruction, contribuent à la moralisation , car le travail c'est l'ordre rétabli, c’est la glorification de la famille, c'est la douceur du foyer domestique. La Société d'Emulation qui n’a d'autres ressources que ses cotisations et un faible secours du Conseil général trouve cependant dans la sage ad- ministration de son budget, et dans le dévouement de ses membres le moyen d'exercer son influence dans une sphère plus élevée. C’est ainsi qu'elle a pu par des encouragements s'associer à des négociants qui voulaient mettre en rapports directs le port de Rouen et le marché aux cotons américains, protéger l'endiguement de la Seine maritime, diminuer le nombre des acci- dents dans les fabriques mues par la vapeur, encou- rager l'industrie locale et doter les faubourgs de cette vaste cité de cuisines et de réfectoires où la classe ouvrière trouve, à peu de frais, une nourriture saineet abondante. Cette rapide analyse vous montre, Mes- sieurs , ce que peut le dévouement soutenu , joint au désir de bien faire. Aborderons-nous maintenant la partie la plus spécialement scientifique, nous y trou- verons la même activité. C’est ainsi qu'en 1852 la Société d'Emulation a publié une notice historique sur le pont aux malades, due à la plume facile et élégante de M. dé la Querrière bien connu par ses études sur les maisons de Rouen , les enseignes et les inscriptions des murailles; des rapports historiques et archéologiques de M. Léon de Duranville sur diverses contrées de la Seine-Inférieure ; un ouvrage de M le docteur Vingtrinier, auteur du beau livre des prisons et des prisonniers, sur les Sociétés de secours mutuels entre ouvriers, un compte-rendu des opérations d’une CONGRÈS DES ACADÉMIES. 327 caisse d'épargne, par M. C. Cartaigne et un résumé sur les pêcheries françaises, par M: Péron, l'honorable président de la Société d'Emulation. Faut-il: parler des poésies si faciles et si éloquentes de M. :Vivetiet qui sont une nouvelle preuve que l’utile ne repousse point les délassements de l'esprit; utile dulci. Qu'on nous permettre avant de quitter cette Société de nous étendre plus longuement sur un: livre dont on ne saurait nier l'importance ni l'actualité. Ce:serait une étude intéressante et curieuse que de dresser la statistique de la bienfaisance en France; on verrait combien ce peuple qu'on accuse avec quelque raison de légèreté est sympathique à la douleur, quelles forces il puisse. dans les nobles qualités de son cœur pour venir au secours de; ceux qui souffrent, pour porter aïde. et assistance à qui s'en montre dignes. Sans doute il y a-encore-bien des douleurs qu’on ne peut calmer, des plaies: vives pour. lesquelles on n’a point de remède , mais l'esprit généreux du pays crée chaque jour de nouvelles.institutions ; essuie chaqué jour de nouvelles larmes. Nous n’en voulons pour preuve que le beau travail de: M. de Lérue sur labien- faisance publique et privée dans le département: de la Seine-Inférieure. Si ce livre qui a reçu’ l'approbation du Conseil général devenait populaire, quelles conso- lations il porterait à l’ouvrier malade, à cette pauvre mère dont les yeux en se fermant pour toujours. ont encore des larmes pour les orphelins qu’elle abandonne. Rassure-toi, pieuse femme , non , tes enfants ne seront point abandonnés , la charité chrétienne les adopte, elle formera leur cœur à l'exemple de tes vertus ; elle leur apprendrale travail, surveillera leur inexpérience 328 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. et saura les guider dans les sentiers de l'honneur et de la vertu. Le prêtre et le chrétien viendront à leur secours et leur ouvriront ces asiles que la loi prévo- yante leur a préparés. Console-toi! Du haut du ciel, tu les verras recueillir les premiers bienfaits d'une édu- cation chrétienne et gratuite , tu les verras porter à la caisse d'épargne les fruits de leurs travaux, tu les verras fuir la débauche et l’orgie et trouver dans les conférences des consolations plus précieuses , car la charité et la loi veilleront sur eux. Dans la dernière partie de son ouvrage , M. de Lérue donnant carrière à sa riche imagination voit la ville de Rouen telle qu'il la désire : plus de ces lieux de perdition où le plaisir facile émeut les sens et trouble la raison, plus de ces querelles si souvent sanglantes, plus de ces scènes qui troublent et déshonorent le foyer domestique. Espérons que ce rêve n'est pas une utopie, que la charité trouvera dans son inépuisable dévouement de plus grandes ressources, et que de nouvelles sociétés se formeront sous la bannière du christianisme; oh! la France sera vraiment grande, car alors sa prospérité reposera sur une double base contre qui rien ne peut prévaloir : la foi et la reconnaissance. Rouen possède en outre une Société d'agriculture et d’horticulture , cette dernière Société, fondée il y a une vingtaine d'années, est représentée au Congrès par M. Chenau et par deux autres de ses membres ; elle a reçu à différentes reprises des témoignages de sympathie, et il y aquelques années le roi avait bien voulu lui accorder son patronage ; des encouragements sont annuellement accordés non-seulement aux horticulteurs qui se sont le plus distingués, mais même aux ouvriers qui, par CONGRÈS DES ACADÉMIES, 329 leurs longs et loyaux services, ont mérité ces récom— penses toujours enviées. Une commission centrale visite chaque année un des arrondissements , car la Société fondée d’abord sur un territoire restreint étend mainte- nant son heureuse influence sur tout le département ; des rapports sont faits à la Société qui peut ainsi con- stater sciemment les progrès de la science horticole. Aussi la culture maraîchère a-t-elle reçu de nombreuses améliorations, des plantes nouvelles ont été introduites et d’autres qu'on croyait ne pouvoir acclimater ont reçu d'importants accroissements. Nous signalerons seulement le melon cantaloup, eultivé autrefois comme rareté et dont il a été vendu sur le seuk marché de Rouen pour plus de cinquante mille francs. Faut-il parler des ananas; on nous répondra que ses produits ne servent point aux ouvriers et à la masse de la population. Il serait facile de citer les frais de culture, les soins coûteux , l’entretien des châssis qui, certes, procurent de l'ouvrage. Nous nous contenterons de signaler les résultats obtenus; plus de vingt éta- blissements qui ont adopté l'ananas sont maintenant en pleine prospérité et non-seulement fournissent aux besoins de Rouen, mais expédient vers Paris. Les progrès de la Société d'agriculture sont les mêmes ; cette Société a plus d’un siècle d'existence et elie a survécu à nos troubles et à nos révolutions, Des cours nomades confiés à la science et à l'ex- périence de M. Girardin ont lieu sur différentes par- ties du département. Cette mesure dont l'utilité est incontestable et qui a produit tant d'heureux résultats est adoptée par les départements du Doubs et du Cal- vados. Le Conseil général du département du Cher 330 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. a même, dans ‘une de ses dernières sessions, émis le vœu que sous la surveillance du Gouvernement ces cours soient répandus dans toute la France. Le cul- tivateur a peu de loisirs; et c'est surtout à lui qu'on peut appliquer le proverbe anglais fime is money, le temps c'est de l'argent; mais ;si la science vient le trouver, si dans les cours pratiques on la met en quelque:sorte à sahauteur, il ira à quelques lieues, à son chef-lieu de canton notamment, écouter les leçons qui lui parleront de la culture des terres ; des engrais, en un mot de la’ chimie agricole, et l'expériénce du maître lui servira, Du reste, MM. Girardin et Morière, professeurs à Rouëén et à Caen, viennent dé publier le résumé des conférences agricoles sur les fumiers faites dans les cantons ruraux et par ordre des: conseils généraux de. la Seine-Inférieure et du Calvados. Ce petit volume, par son format, par les conseils pra tiques qu'il contient et par son prix peu élevé péné- trera dans la chaumière. comme daïs la ferme et deviendra le vade mecum de tout cultivateur intelligent. La Socièté de la Seine-Inférieure s'est aussi occupée de l'importante question de l'irrigation des prairies, et dans la valléé d'Andellé, M. de Pommereux à fait des essais qui ont quintuplé son revenu ; toutefois le foin est de qualité inférieure et sauf, dans les années de disette, ne sert qu'à la nourriture des bestiaux de race bovine et ovine, mais la quantité est un précieux dé- dommagement qui permet au cultivateur/d'augmenter le nombre de ses vaches, les engrais deviennent plus abondants et la terre ainsi fertilisée produit de plus riches récoltes. | On nous permettra de mentionner ici la Société CONGRÈS DES ACADÉMIES, 331 forestière , quoiqu’elle ait. son siége à Paris; mais la part qu'a prise, à sa fondation M. de Pommereux est notre légitime excuse. Cette Société vient de naître : il appartiendra donc au rapporteur du prochain Congrès de signaler les avantages d'une Société animée du vif désir de produire .et quai comble la regrettable lacune qui existait dans notre pays. Elle est sous la pré- sidence de M. le duc de Rozan et doit publier un bulletin trimestriel dont le soin est remis à M. Michel; il est impossible de commencer sous des auspices plus favorables. _ La Société académique de l'Oise comprend dans ses études deux sections distinctes ; la premiere est re- lative aux sciences naturelles, et la seconde à l’histoire du pays. Il serait trop long de mentionner tous les mémoires qui ont été adressés ou soumis à cette aca- démie; nous nous contenterons donc de signaler les études de M. de la Cour sur les insectes nuisibles aux arbres fruitiers et celles de M. Baudon sur les molusques du département. Dans la partie historique, le docteur Daniel s'est signalé par son zèle et ila écrit l'histoire si intéressante de Beauvais, retracé la cité romaine et décrit ces souterrains qui ont une si grande étendue. Ce vaste sujet a été traité d’une ma- nière heureuse , et le lecteur studieux ratifiera bientôt, nous en avons l'espoir , le jugement que nous portons. Il est un nom qui domine toutes les gloires dé Beau- vais , c'est Jeanne Hachette que le dévouement range dans l’histoire auprès de la vierge de Domremy. Le musée de Beauvais conserve avec. une noble fierté l’'étendard de cette héroïne ; maïs il a trouvé des au- teurs pour nier son authenticité : que n’a inventé le 332 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. scepticisme moderne; n’a-t-on pas aussi traité de fables le dévouement d’Eustache de St.-Pierre et de ses compagnons. La ville de Beauvais, blessée dans ses affections, dans sa reconnaïssance, étudia la question. Un étendard bourguignon se trouvait en Suisse, glo- rieux souvenir de la victoire que ce peuple remporta sur Charles-le-Téméraire ; cet étendard fut dessiné avec soin et on le trouva identique à celui qui enrichit le musée de Beauvais. Ces résultats seront constatés dans une brochure qui contiendra en quelque sorte les preuves de noblesse et de bravoure des habitants de cette ville. Les Sociétés de Versailles, et le nombre en est grand , sont actives et exercent une heureuse influence; nous allons résumer très-sommairement leurs travaux. La Société des sciences morales, lettres et arts compte environ soixante membres ; elle se réunit toutes les semaines et reçoit de nombreuses et d'intéressantes communications. Les différents ouvrages adressés à la Société sont l’objet de rapports et sont savamment analysés. M. Vatel, avocat, lui a soumis une re- marquable traduction enrichie de notes et de com- mentaires du Code pénal de la Bavière ; on sait que les jurisconsultes regardent ce code comme l’un des plus beaux monuments de la législation moderne. M. Vatel doit continuer ses recherches et se propose d'étudier successivement les différentes législations criminelles de l'Allemagne ; ses connaissances spéciales sont une garantie de la manière dont il traitera ce sujet. Si de l'érudition nous passons à l’horticulture, nous pour- rons signaler les mêmes efforts, le même succès. Cette Société qui compte cent vingt membres a organisé CONGRÈS DES ACADÉMIES. 333 deux expositions qui ont toujours réussi. Les dames de Versailles y prêtent leur concours et ce sont elles qui distribuent les primes ; la poésie n’a-t-elle point per- sonnifié les grâces de la femme dans la beauté de la fleur ? Mais la Société ne néglige point l'utile ; les cultures maraîchères sont l’objet de ses soins ; elle lui fournit de nouveaux développements, encourage ses efforts et récompense les essais les plus heureux. Un bulletin mensuel rend compte des travaux de la Société et met ses lecteurs au courant des nouvelles découvertes. La Société d'histoire naturelle n’est pas moins active, et plusieurs de ses membres popularisent dans les cours gratuits cette branche si importante des con- naissances humaines ; enfin la Société d'agriculture concentre les travaux des comices et publie la sta- tistique agricole et cantonnale du département. Citer le nom de M. Onésime Leroy, c’est rappeler un écrivain élégant, un littérateur distingué, et ce qui vaut mieux encore, un homme de cœur et de couviction. On lui doit cette année des observations sur le traité d'agriculture de Caton le Censeur qu'il a rapproché des notes qu’un célèbre maréchal et un magistrat illustre ont publiées sur ce sujet si fécond. Si nous sommes aussi concis, l’auteur du beau travail sur limitation uous le pardonnera ; le rapporteur qui nous succédera s’en réjouira et, en constatant le succès éclatant réservé à M. Leroy, il pourra l'expliquer. Versailles était aussi représenté par M. Duchatellier dont vous connaissez l’érudition aussi variée que solide et qui, dans les diverses sections, a par des dis- cussions approfondies, des faits nombreux, des aperçus nouveaux, justifié la confiance que lui 334 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. avait témoignée notre-directeur en le choisissant pour secrétaire-général et la Pons ent dont il jouit dans toute la France. gs : 200 hi Ne nous éloignons pas de: Paris ; Messieurs, sans vous signaler deux sociétés qui appartiennent éssen- tiéllement:: à-la province par leurs nombreux cor- respondantsiet. par la mature de leurs ‘travaux. La Société de sphragistique n’a pas: encore deux ans d'existence ; vons savez cependant les services qu’elle a rendus à la science archéologique en appelant l'at- tention des :érudits sur les sceaux du moyen-âge, étude : trop long-temps négligée. Dans ses bulletins mensuels ; elle a déjà publié des notices pleines d'in- térêts sur des monastères, des prieurés, des chapitres, qui n’auraient peut-être jamais été l'objet d'une pu- blication spéciale et qui occupent une place honorable dans cet intéressant recueil. Les sceaux sont dessinés et gravés avec soin ; d'importantes collections parti- culières sont ouvertes à la Société de sphragistique : nous signalerons celle de M°. Lefêvre, de Mâcon, qui contient 244 sceaux originaux dont les plus im- portants seront décrits et dessinés avec soin par M. Je comte de Soultrait, et celle non moins importante de M. l'abbé Coffinet, ‘vicaire-général du diocèse de Troyes, Mais les sceaux, par leur fragilité même, sont d’une conservation difficile ; les archives n’en n’offrent- elles pas la preuve; quelle liasse de chartes ne désole pas les yeux'par cétte poussière de cire dont elle est en quelque sorte couverte. La Société de sphragistique -qui compte dans son sein tant d'hommes dévoués a résolu’de conserver à la science les types métalliques de ces sceaux, et les modèles qu’elle vous à soumis CONGRÈS DES ACADÉMIES. 335 ont obtenu un éclatant témoignage de votre sym- pathie ; puissent ces encouragements récompenser MM. Coutant, Delvincourt et Forgeais de leurs per sévérants et généreux efforts , et les engager à con- tinuer leur utile mission, Dans un autre cercle de travaux, l’Académie nationale agricole, manufacturière et commerciale a , sous l’habile direction de M. Aymar-Bression, rendu des services non moins incontestables; cette Société vient d'élire pour président M. le vicomte de Cussy. et cette élection est une garantie de succès pour l'avenir; nous retrou- vons parmi les membres du bureau plusieurs membres du Congrès, et notamment M. le comte de Vigneral, auteur d’un mémoire sur le drainage, et l’infatigable M. Jobard. Vous n’exigerez pas l'analyse de ce voiume de 700 pages ; il vous suffira de rappeler que toutes les questions importantes de l’agriculture et de l’industrie ont été l'objet de rapports ou de discussions, et qu'il n’y à pas eu pendant l’année 1852 une découverte importante qui n’ait été constatée et examinée. Coulommiers, dans le département de Seine-et-Marne, ’ n'a pas encore de sociètés savantes ; nul n’est cepen- dant plus digne d'en établir que M. le chevalier Gou- geart de Mourreaux , ancien gentilhomme ordinaire de la chambre de Charles X. En attendant que ses efforts aient amené ce résultat si important, nous sommes heureux d'apprendre au monde savant que M. Gougeart consacre ses laborieux loisirs à un grand ouvrage sur la monographie des pierres dieux et leur transformation. Dans ce travail, qu'il compte dédier au clergé et à la jeunesse studieuse, l’auteur suit l’idée de Dieu à travers les siècles, et la montre dans les 15 336 INSTITUT. DES PROVINGCES DE FRANCE. mythes de l’ancien paganisme comme dans les fétiches des orientaux. Il sera l’année prochaine parlé de cet ouvrage avec plus de développements. Orléans, où s’est tenue la XVIII®. session du Congrès scientifique de France, ne pouvait réster indifférent à vos discussions, aussi nous a-t-l fourni des livres utiles. Signalons trois brochures de M: Quénard : 1°. Sur le fumier de ferme élevé à sa plus haute puissance de fertilisation et n'étant plus insalubre ; 2°, Sur l'emploi du dosage et des effets du sel comme amendement des terres arables ; 3°. enfin une série d’Epîtres politiques et nationales de 1848 à 1853. Ces questions sont de la plus hauteimportance et vous n'avez pas oublié le beau discours de M. Payen sur les engrais, cette source si abondante de richesses pour le cultivateur intelligent. M. Quénard partage toutes les opinions émises par le savant membre de l’Institut, et la manière dont il en a rendu compte lui a fait obtenir une médaille d'or, juste récompense de:ses généreux et persévérants efforts. Le journal historique de Pierre: Fayet sur les Troubles de la Ligue est une bonne publication de M. Luzarches dont on connaît les tendances et les con- victions religieuses. Cet ouvrage est rempli de faits curieux, d'aperçus nouveaux ‘et jette un grand jour sur cette malheureuse époque ; il serait à désirer que de semblables publications fussent tentées dans les autres provinces; on apprécierait mieux les doctrines etle zèle prétendu de ces novateurs qui n’écoutaient souvent que les conseils d'une ambition déçue. M. Gustave de Lorière ; représentant de la Mayenne et de la Sarthe, vous a soumis une brochure intitulée : Instruction surla recherche: des coquilles: fossiles et CONGRES DES ACADÉMIES. 337 publiée dans/le ‘journal de conchyliologié du mois de septembre 1852. : Notre savant collègue s’est surtout proposé devenir en aide aux voyageurs inexpérimentés qui; abordantuné plage lointaine ou un pays inexploré, voudraient rendre servicé à la paléontologie et concourir au progrès d’une branché siintéressante dé l’histoire naturelle. On’ne trouvera dans ce travail ni expressions techniques ni lappareil Scientifique , mais d’utiles in- structions pour lecollectéur. Cetté modeste brochure n’en a pas moins une incontestable utilité, et, mieux qu’un savant mémoire , peut FR le nompre des naturalistes. Angers possède depuis quelques mois à peine une Société Linnéenne du département de Maine-et-Loire : elle se compose d'hommes actifs ét intelligents : nous aurons l'année prochaine une‘part plus grande à lui réserver, Nous nous contenterons dé signaler deux lec— tures faites, à la dernière séancé ; la première, sur une nouvelle espèce de poisson rencontrée en Egypte, est due à M. de Jouannis ; la seconde Concerne les coléop- tères rencontrés plus fréquemment dans le département de Maine-et-Loire. Elle est due à un jeuné prêtre qui consacre à l’histoire naturelle les loisirs que lui laissent ses importantes fonctions. Le choix de M. Millét pour président de la Société Linnéenne est'une garantie de sa laborieuse existence. M.Milletimembre dé Y'Institut des provinces, est'aussi le président du Comice horti- cole du même. département et a:su lui donner cette activité qui est si utile lorsqu'on produit aussi -bien. Ainsi, nous lui. devons chaque année la’ description des fleurs et des fruits améliorés par l’horticulture, ou conquis par une culture intelligente. La pomologie 338 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. de Maine-et-Loire est étudiée avec soin ; deux livrai- sons ont paru, la troisième est sous presse. Faut-il s'étonner si la Société cultive dans son jardin près de deux mille variétés d'arbres fruitiers et si leurs produits ont été distingués dans les expositions voisi- nes et notamment à celles de Laval. Vous vous rappelez, Messieurs, les développements que mon honorable prédécesseur, M. l'abbé Lecanu, a donnés sur le mouvement intellectuel de l'Anjou ; il vous a parlé longuement de la Société d'agriculture , des ‘sciences et des arts d'Angers, ainsi que de la Société industrielle de la même ville ; il nous suffira donc de constater qu'elles poursuiventleur mission avec le même zèle et le même succès, qu’elles sont de plus en plus dignes des éloges qui leur ont été accordés. Le Comice agricole de Saumur dont la salutaire influence ne s’exerçait d'abord que sur une partie du territoire très- restreinte s'étend maintenant surtout l'arrondissement. On remarque une grande amélioration daus les cul- tures, et le zèle de M. Perfaé entretient l’activité parmi les membres du Comice ; d'accord avec MM. Delavau et Courtiller , il étudie la maladie de la vigne , et tout fait espérer que leurs efforts en atténueront les fâcheux résultats. La M. Godard-Faultrier, qui a si élégamment rendu compte du mouvement artistique dans l’Anjou , vous a longuement parlé d’une nouvelle publication in- titulée: Revue de l'Anjouet du département de Maïine-et- Loire, Cetterevue, fondée après la mort de M, Grille {dont la belle collection a, comme on le sait, été achetée par la | ville),.a pour principal but de faire connaître les richesses dont ce savant avait si précieusement assuré CONGRÈS DES ACADÉMIES. 339 la conservation. Nous voudrions laisser la parole à M. Godard-Faultrier qui avait si savamment apprécié les travaux de MM. Borreau, Poitou, Metivier, Paire, Bouvier, Tavernier, Bougler, de Falloux , etc., etc., qui vous avait entretenus de ces chroniques pu- bliées par les soins de la rédaction; pourquoi n’avons- nous pas un espace plus loug ? Les noms honorables que nous venons de citer n’ont heureusement que faire de nos éloges , et le succès de la revue de l’Anjou est trop assuré pour que nous ayons besoin de le justifier. M. Godard-Faultrier a publié un album d'Angers où l’on retrouve ces qualités solides qui lui ont assuré un rang si honorable parmi les savants historiens de nos provinces. La cathédrale et ses tombeaux notam- ment forment une monographie qui ne saurait être trop méditée. M. Godard ne s’est pas renfermé dans l'enceinte d'Angers ; il en a parcouru les environs et décrit les monuments. N'oublions pas sa notice sur la chapelle de Béhuard qui est, pour nous servir des expressions même de l'auteur, le plus original petit sanctuaire qu'il soit possible de rencontrer en Anjou. Puissent de semblables monographies être publiées dans chacune de nos villes principales , et l’on verra combien la France, malgré ses révo- lutions, ses guerres civiles, malgré surtout le van- dalisme des deux derniers siècles, peut encore se montrer fière de ses monuments. | La Société littéraire de Rennes est présidée par M. de Kerdrel. Le choix de son président vous est une garantie de son activité et du zèle qu'elle apporte à l'étude de la Bretagne; nous regrettons de n'avoir à signaler que ses efforts. Mais l’Association Bretonne 340 INSTITU)'. DES: PROVINCES DE FRANCE. dont le bulletin. est publiéà Renhes nous permet une plus grande.extension. Le Congrès s’est réuni en 1851. à Morlaix sous la présidence de M. de Blois! on y a étudié les: voies romaines du pays, les châteaux du Taureau et de Châteaulin, les monuments cel- tiques de cette. région-si riche en souvenirs druidiques. Nous. trouvons dansile compte-rendu d’utiles rensei- gnements. sur l'influence dés saints Irlandais, question importante qui a appelé les recherches du nord de la France, etquisera traitée avec:tous ses développements au Congrès d'Arras; tant notre histoire provinciale a de rapprochements! Dire. jùeMM. Duchatellier; de Courcy, de La, Borderie-et autres savants Bretons ont pris une part active aux:travaux de cette réunion, c'est en signaler l'importance. L’archéologie surtout à reçu de grands développements, et l'Association bretonne im- prime. chaque :année un bulletin qui forme un volume de plus. de 400 pages enrichi de planches. Nous y signalerons les chartes du prieuré de la Ste Trinité de Fougères :{ depuis le XI. jusqu'au XIIIE: siècle ce, prieuré. dépendait de l’important monastère de Marmoutiers-les-Tours), "et une lettre de M. Ramé sur un vêtement du XIV®. siècle attribué à Charles de Blois, duc de Bretagne: Le! Congrès de 1852 qui s’est tenu. à,:St.-Brieuc , sous’ la’ présidence de M. de Kerdrel , n'a pas éu de:moindres résultats. Nous ne parlerons pas d’uneexcursion archéologique à Lamballe. et. à Moncontour, mais nous ne‘pourrions , sans ; être, incomplet, omettre les : travaux de M. Bizeul sur les ruines. gallo-romaines de Corseul ; an- cienne. capitale des Curiosolites, de M: Aymar de Blois, .sur l'origine et les: progrès de. la législation CONGRÈS DES ACADÉMIES. 341 favorable aux aînés dans le partage des: héritagés nobles en Bretagne ,; de M. le baron de Wismes sur l’origine des hermines dans cette province; et de M. de La Borderie sur les plus ancièns sceaux des souverains dela : Bretagne. Dans ces: réunions l'histoire locale est utilement étudiée , aussi pouvons- nous rappeler le récit d’un épisode de l’histoire de St.-Brieuc, au temps :de la ligue par: M. Geslin de Bourgogne! une notice‘sur les: archives - historiques du département des.Côtes-du-Nord par M: Sicamois, conservateur de'ce riche: dépôt, un mémoire de M de La Bigne-Villeneuve sur les abbayes; prieurés ; commanderies. et couvents:.qui ont existé, sur le sol du département, des Côtes-du-Nord. Les forêts: de la Gaule ont été l’objet, des. savantes recherches de M. Maury dans la Société des Antiquaires de. France; une étude approfondie à permis. à M. de Courson', le savant historien de la Bretagne, d'apporter de nouveaux documents, et l’histoire de:la forêt Brécilien et de ses usements forestiers n'est plus à faire. Cette: forêt jouit au reste d'une grande célébrité dans les romans de chevalerie: Nous ne ‘parlerons pas des communi- cations verbales qui seront analysés dans le Bulletin prochain, car la nomenclature que nous: venons de faire des ‘travaux de l'Association bretonne suffit, malgre son aridité, pour montrer l'importance et l’'uülité de ses travaux. | Dans le département des Côtes-du-Nord'; nous re- marquons une heureuse et utile activité ; ici l’histoire et l'archéologie, ces deux muses du passé, régnent en souveraine, et la Société des Côtes-du-Nord offre une nouvelle preuve de l'importance de ‘ces recherches. 342 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. Des quatre livraisons parues pendant l’année qui vient de s'écouler, deux sont remplies par une monographie des évêques de St.-Brieuc due à notre regrettable collègue, M. Charles Guimart ; les sciences historiques ; a dit M. Lenormand ,; ont fait dans sa personne une perte sensible ; il était bien doué pour les travaux de longue haleine: il avait la persé- vérance , la pénétration, la conscience. Qu’ajouter à cet éloge , si ce n’est qu'après avoir tu l’histoire des évêques de St.-Brieuc, on est forcé de convenir que l’auteur de ce bon livre les méritait. M. Pol de Courcy a publié dans les mêmes mémoires les montres des nobles de l'évêché de Tréguier et du comté de Goello. Ces importants documents extraits des archives du château de Quinipily devaient être insérés par Dom Morice dans le tome IV des preuves de son histoire de Bretagne, mais les Etats ne lui en fournirent pas les moyens. Il est beau de voir au XIX®. siècle une société académique plus généreuse que les Etats de la province entreprendre des publications qu'on avait regardées comme trop onéreuses ; M. de Courcy a fait précéder les montres d’un travail succinct sur l’orga- nisation militaire de la Bretagne, antérieurement à son union à la France. Les mémoires de la Société archéologique et historique des (Côtes-du-Nord se terminent par un artiele de M. Jules Geslin de Bourgogne sur la découverte d'um établissement gallo- romain dans la commune de Plérin. €e travail qui n’est pas achevé ne saurait être apprécié ici, mais nous annoncerons au, monde savant, à toutes. les: per- sonnes qui ont conservé l’amour de l'étude et'des sciences sérieuses, que M. Geslin de Bourgogne, en CONGRÈS DES ACADÉMIES, 343 collaboration avec M. de Barthélemy, doit très-prochai- nement publier la Statistique monumentale des Côtes - du-Nord; nous avons sous les yeux un spécimen de ce bel ouvrage, nous connaissons le plan de l’auteur et uous pouvons assurer que cette publication, tant pour l’exécution que sous le rapport scientifique , oc- cupera l’un des premiers rangs dans les annales biblio- graphiques de l’année 1853. Le département de la Loire-Inférieure n’est pas resté en arrière dans cette prodigieuse activité dont nous s‘mmes chargés de constater les résultats. Par des soins intelligents, 35 mille hectares de landes ont été défrichés et rendus à la culture ; les engrais ont été étudiés et une législation, qu’il serait désirable d'étendre à toute la France, prévient les fraudes et punit ceux qui s’en rendent coupables. Par des leçons élémentaires de chimie appliquées aux arts, à l’in- dustrie, -à l’agriculture, à l’hygiène et à l’économie domestique, l'administration de Nantes s'efforce de faire pénétrer dans toutes les classes de la société les notions les plus utiles et les plus indispensables. M. Adolphe Bobierre, qui avait été chargé de ce cours, les a publiées dans un beau volume que nous avons sous les yeux et qui contribueront à le ranger parmi les professeurs les plus actifs et les plus savants des sciences chimiques; nous regrettons de ne pouvoir accorder qu’une simple mention à ce livre, mais il est de ceux qui deviennent populaires. Si nous abordons Ja littérature et l’histoire, nous aurons aussi de nobles efforts à constater. M. Grégoire, professeur au lycée de Nantes, a publié l'histoire de la Ligue en Bretagne ; sans doute cette province, Si catholique par le cœur et 344 INSTITUT: DÉS :PROVINCÉS DÉ FRANCE. par les sentiments n’a jamais été au pouvoir des pro- testants ;'ils n’en ônt pas moins fait des efforts pour y pénétrer et pour y répandre leurs doctrines. C'est alorsque se forma la Ligue, puissante association dont la défense de la foi était le cri de ralliement. A Nantes, dans cette industrieuse cité, lé compa- gnonnage a toujours êté puissant, et les archives con- tiennent de nombreux documents sur son histoire. Cette association n’a point eù à toutes les époques le même but, les mêmes tendances. Elle fut formée par la cha- rité, et la religion fut sa première base. L'étude à la- quelle s'est livrée M: Simon révélera des faits curieux, et son ouvrage Sera rempli d'intérêt. Commençant dans des limites restreintes, le compagnonnage à Nantes , l’auteur a étendu ses recherches d'abord à la Bretagne, puis il a résolu de comparer le compagnon- nage sur différents points de notre territoire ; mais il ne s’en est rapporté qu'aux documents les plus au- thentiques et, joïgnant une judicieuse critique à un pro: fond savoir; il nous montrera le compagnonnage reli- gieux , honnête et charitable. Le but que s’est proposé l’auteur est d’une haute moralité , il saura l’atteindre pour la gloire du pays. | M. Talbot, professeur au lycée de Nantes, et M. Armand Guéraut, membre de la Société des Anti- quaires de l'Ouest, ont publié sur la Loire-Inférieure une petite géographie qui contient toutes les données nécessaires, les limites des arrondissements et des ‘Cantons, leur constitution géologique, leur aspect gé- néral, et enfin des renseignements statistiques et historiques. Une belle carte tracée par M. Pinson, agent-voyér, complète ce manuel qui, par sa forme CONGRÈS DES: ACADÉMIES: à 345 et son utilité , est appelé à devenir populaire dans le département de la Loire-Inférieure ; aussi: estsil déjà arrivé à une seconde édition. | En abordant le département des Deux-Sèvres , nous parlerons d’abord d'une brochure signée Jacques Bu- jault, laboureur, à Chalonne , près Melle, intitulée Guide des comices. et. des propriétaires ; et publiée dans Je Cultivateur, journal des progrès agricoles de 1842 ; l'examen, de cette brochure ne nous appartient donc pas , et 1l nous suffira d’avoir signalé si qui en a été fait au Congrès. La Société de statistique des Deux-Sèvres. a pour secrétaire perpétuel M. Charles Arnaud, qui imprime à ses travaux une généreuse activité; il nous a adressé la liste des communications faites à la Société, et nous avons le regret de dire que l’activité des membres:est telle que l’espace nous manque pour en analyser même les principaux. M. l'abbé Taury , curé de Notre-Dame, a lu le récit d'une nouvelle scène de violence dont les protestants ont été les auteurs ; singulière bizarrerie de’ ces victimes de l’absolutisme ; plus on étudie leur his- toire , plus on les trouve violents et acharnés: M.de Falloux réduit les, horreurs de la Saint-Barthélémi à l'exacte ! vérité, et des différents points de la France on exhume des archives des récits de violence : ici la surprise de la ville fut terrible : les habitants que le tumulte appelait hors de leurs maisons furent massa- crés, quoique désarmés, et les lanternes qu'ils portaient sérvaientde direction aux arquebusades des vainqueurs. Nous signalerons encore parmi les travaux historiques une monographie du monastère de Nieuil, fondé dès lé XI. siècle; sur les bords de l’Autive ; les notes de M; 346 INSTITUT DES PROVINCES DÉ FRANCE: Jules Richard , sur l’ancienne circonscription ecclésias: tique d'Exoudunet sur la juridiction des évêques et des archiprêtres ; la notice de M. Frappier Alphonse, sur l'établissement des frères de la charité à Niort et les services que, dans cette ville comme daris d'autres cir- conscriptions, ces modestes religieux ont rendus à l’édu- cation des pauvres : long-temps on les méconnut, des dissenisions: éclatèrent entre le maire de Niort et les frères de la: Charité, mais cet état de choses eut enfin un terme et dans cette ville comme dans le reste de la France, on apprécie le dévouement aussi généreux qu'infatigable de ces modestes disciples du B. Jean de Dieu. La Société des Deux-Sèvres ne s'occupe pas exclusivement d'histoire , et quoique ke zèle de ses membres ait contribué à enrichir son musée de ta- bleaux, de médailles, d'objets antiques dont M. Ar- naud nous a transmis le détail ,; elle embrasse tous les genres d'étude, Dès 1843, M. Baugier a publié un savant mémoire sur la famille des Amonidées: il x écrit cette année une longue lettre sur les fossiles qui en complètent la série. M. le docteur Lugnet a ap- pliqué ses généreuses facultés d'observations à des recherches sur la déformation du crâne si fréquentes chez les aliénés ; ces déformations sont, selon lui, oc- casionnées, par la compression permanente du cerclé connu sous le nom de bourrelet dont on surcharge la tête des enfants et qui empêchent son développe- ment. Depuis quelques années l’on s'occupe beaucoup de musique ancienne; M. Vincent, de l'Institut, M. Delzenne, de Lille, M. de Coussemaker, de Dunkerque, M. Félix Clément, etc., ont publié sur ce sujet des tra- vaux d’un haut intérêt. M. Beaulieu n'a point suivi CONGRÈS DES ACADÉMIES. 347 cés maîtres dans leurs recherches sur les origines an- ciennes de la musique, mais il a plus spécialement étudié le rithme qu'il retrouve partout, dans la durée relative des sons, dans la danse, dans les belles pro- portions d’une statue, ainsi que dans la construction architectonique de nos cathédrales. Nous regrettons de ne pouvoir citer un plus grand nombre des travaux de la Société de statistique des Deux-Sèvres, nous en avons cependant dit assez pour en faire apprécier l'importance. nr En parcourant, l’année dernière, ce vaste réseau des ‘ voies romaines qui mettaient la capitale en relations faciles avec l'extrémité du monde, comme en vous signalant les efforts tentés sur un grand nombre de points pour relier ces chaussées, témoin de la gran- deur romaine etde sa décadence, nous avons été forcés de franchir de longs espaces. De la Bretagne à la Pro- vence les guides nous manquaient. Une partie de cette lacune a été comblée par M. l'abbé Lacurie dans sa notice sur le pays des Santones à l’époque de la do- mination romaine; non-seulement M Lacurie a étudié toutes les voies, quelle que soit leur importance, mais il s’est livré à de profondes et de savantes re- cherches sur les oppida, les mansiones. en un mot sur tous les établissements romains. Cette savante brochure , fruit de longues observations recueillies sur les localités même , est une nouvelle preuve de J’ac- tivité et de l’érudition des membres du clergé, ainsi que du soin qu’il apporte à recueillir tous les faits qui peuvent intéresser notre histoire. On nous permettra de rendre justice à un corps honorable qui était, il y a si peu de temps encore, l'objet d’odieuses calomnies et 348 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. qui n’y répondait qu'en redoublant de zèle et de dé- vouement. Bordeaux possède une Société Linnéenne;nous avons sous les yeux.un extrait du XXVII®. volume que nous à soumis M. Des Moulins, son:savant président. Ce nom est trop connu dans les annales des Congrès pour que nous ayons besoin de vous rappeler les ser- vices que M. Des Moulins à rendus à la science ; c’est à lui qu'on doit en grande partie l'organisation du Congrès de Toulouse ; il a cependant trouvé dans son inépuisable ardeur, le temps nécessaire pour continuer ses travaux sur la botanique dela Gironde. Les Erythræa. et les Cyclamen sont les deux genres qu'il a plus spécialement étudiés cette année. Ces genres étaient peu connus , et il y.a huit ans on ne connais- sait encore qu'une dixaine d'espèces. européennes d'Erythræa ; les découvertes de.M.. Des Moulins sont donc d’une très-grande importance pour l’histoire na- turelle; puisse l'exemple du savant président de la Société Linnéenne. exciter. le zèle de, toutes les per- sonnes qui s'occupent, de botanique, que. partout on étudie la Flore locale et nous arriverons ainsi à former un grand ouvrage que nous envieront les autres na- tions de l'Europe. Les provinces du Midi, ordinairement si! actives et si laborieuses , ne nous ont presque rien envoyé cette année; nous ne parlons pas de Toulouse où le Congrès a pu étudier le mouvement intellectuel, mais Beziers dont l'histoire est si curieuse, Marseille qui l’année dernière s'était fait représenter avec tant de succès par M. Roux. Les Pyrénées et les Alpes neseraient-ils pas dignes d’études? Connaitrions-nous tous les documents CONGRES: DES ACADÉMIES. 349 relatifs à l’histoire des Albigeoïis ? Tes Voconces n’au- raient-ils, rien à apprendre au D'. Long ? Nîmes, la ville aux arènes, se serait-elle laissée entrainer à jouir en silence de ses! monuments? M. de La Plane, de Sisteron ; serait-il fatigué de succés littéraires? Non sans doute et. l’activité est toujours la même; iline faut donc/attribuer nôtre silence qu’au manque de do- cuments. Les: intempéries de la saison, les longueurs du voyage n'auront sans doute point permis aux dé- légués de ces Sociétés de venir à: nos réunions ; «es pérons que, nous serons plus heureux l’année pro- chaine. Toutefois, si:nos plaintes ont été si éner- giques, c'est que le Midi peut beaucoup, qu’il nous a: habitué à de nombreux-et utiles travaux : nous en aurons encore à signaler, et nous commencerons par la Société des sciences et des arts de Carcassonne, si bien représentée. par M. Mahul. Les mémoires de cette Société qui contiennent près de 500 pages grand in-8°. sont du plus haut intérêt. Ils comprennent les études de: la Société depuis 1849; aussi la plupart d'entre eux vous ont-ils été signalés. On vous à parlé de l’importante publication des franchises , libertés et priviléges du bourg neuf de Carcassonne. Nous sommes heureux d'ajouter que le second volume des mémoires de la Société contiendra des dissertations et des notes biblisgraphiques sur ces documents historiques. M. Cros-Mayrevielle à publié cette année un précis de la constitution féodale et consulaire des communautés de l’ancien diocèse de Carcassonne. Ce précis qui montre l’organisation de ces communes, les droits du seigneur, les fonctions des consuls la manière dont ils étaient choisis, l’administration dela justice inférieure ‘est 850 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. d’un puissant intérêt historique, et quiconque s'occupe de l’histoire féodale sera obligé d'y recourir pour y trouver un guide certain. Nous trouvons encore diffé - rentes biographies sur le général Dejean, le comte Fabre, de l’Aube, le peintre Jacques Gamelin et les Bénédictins, dom Jacques Martin et dom François de Brézillac. Vous connaissez le talent de M. Mahul qui a pris part à plusieurs reprises aux discussions du Congrès et qui toujours y a montré un esprit droit et éclairé, un jugement solide basé sur l'expérience et l'érudition , des vues neuves, une parole facile et élé- gante. Ces qualités se retrouvent dans plusieurs des biographies dont nous venons de citer les titres et qui forment avec les travaux de M. Cros-Mayrevieille la partie la plus importante du volume. Ils suffiraient seuls pour justifier la réputation de savoir et de talent dont jouit l'Académie de Carcassonne. M. Bourquelot, auteur d’une excellente histoire de Provins , dans laquelle il a parfaitement établi que cette ville n’était pas l’Agendicum des Romains, opinion qui depuis lors a été partagée par M. de Caumont et M. Victor Petit, a profité d'un voyage dans le Midi pour rassembler les matériaux d’une notice sur le prieuré de St-Michel de Grammont et quelques antiquités de la ville de Lodève et de ses environs. Ce travail a été publié dans le dernier volume des mémoires de la Socièté des Antiquaires de France, dont M. Bourquelot est l’un des membres les plus actifs et les plus dis- tingués. Nous ne résumerons pas cette brochure; nous nous contemterons de signaler les preuves irré— fragables , selon nous, par lesquelles l'auteur établit que Lodève est l’ancienne cité des Lutevani. On sait CONGRÈS DES ACADÉMIES. 35] qu'une tradition locale, reproduite par les historiens du pays, attribue la fondation de cette ville à un prince français du nom de Louis; cette fois encore il a êté donné à l'archéologie de relever une erreur historique. M. Bourquelot est élève de cette école des Chartes, si savamment représentée dans nos réunions. Cahors, cette ville française par le cœur et le dé- vouement , a souvent eu l’occasion d’en donner des preuves; on se rappelle cette désastreuse page de notre histoire, le roi Jean prisonnier , la France hivrée sous la main encore débile d’un jeune prince à toutes les violences des hommes d'armes, l’anglais étendant son pouvoir et assurant son autorité dans l'Ouest; puis ce désastreux traité de Brétigny, conclu dans un moment d'ennui, et qui devait avoir de si terribles conséquences. Par cet acte, Cahors et le Quercy étaient remis au vainqueur de Poitiers, mais les habitants puisèreut dans leur indignation une nouvelle force de résistance ; ils réclamèrent énergiquement, et leur protestation eut un douloureux écho dans tous les cœurs véritablement français. Enfin les habitants du Quercy durent se soumettre; en présence des députés du roi de France, et de Chandos, qui représentait leur nouveau maître, ils déclarèrent qu'ils ne quittaïent pas le roi de France, mais que le roi de France les abandonnait, et ils exigèrent la confirmation de leurs priviléges, ainsi que la conservation des droits de leur évêque, devenu à la suite de la guerre des Albigeois comte de leur ville. M. Calvet, conseiller à la Cour d'Agen, a publié dans les mémoires de la Société formée dans cette ville le procès-verbal de ja prise de possession de Cahors par le roi d'Angleterre, 352 INSTITUT DES ‘/PROVINCES DE FRANCE. ainsi que les autres documents quise rapportentàäce fait. Vous vous rappelez, Messieurs, ce cri de. détresse qui retentit il y a quelques années et qui eut un si douloureux écho des rives de la Gironde à celles de ja Meuse ; la vigne est malade, la France perdra une de ses richesses, et six millions d'agriculteurs et d'ou- vriers vont rester sans travail. En vain quelques esprits sceptiques frondaient l'opinion et prétendaient qu'on s'alarmait. à tort; la maladie était présente, croissant, de jour en jour et agrandissant le cercle de ses. désastres, L'Eglise ordonna les prières publiques réservées aux: grandes calamités,_ et les savants re- doublèrent de zèle dans, leurs observations. Des pre- miers , Messieurs, il vous'fut donné à Orléans d'étudier la maladie de la vigne , d’en suivre les développements et d'en chercher les. remèdes; vous n'avez pas oublié ces intéressantes. discussions ,-ces: promenades dans les vignobles; hélas! malgré. tant d’eflorts, vous ne pûtes arrêter le, fléau. M. le comte. de Persigny, Ministre de l'Intérieur, fit étudier-les causes du mal, sa marche et enfin les: moyens qu’on. avait employés soit pour. prévenir. sou retour, soit-pour. centraliser ou atténuer ses, effets. M, Louis Leclerc,-si digne de cette marque de confiance par ses hautes connaissances et par ses études spéciales, fut chargé de cette mission, et. il employa l'été de.1852.à l'exploration, non-seu- lement des_vignobles français, mais même de ceux de l'Italie. Nous avons. sous les:yeux le rapport qu'il .a adressé à M, le Ministre; nous l’avons lu avec tout le soiu que mérite cet ouvrage et nous ne saurions trop en recommander l'examen à toutes les personnes qui s'occupent de la maladie de Ja vigne. CONGRES DES ACADÉMIES. 4 353 Vous ne vous attendez sans doute pas à une analyse de ma part ; cem'est pas à un habitant du Nord à la faire; il serait trop incompétent. Je:me contenterai done de signaler le soufrage :êt -lés: lotions d'hydro- sulfate de chaux::comme les procédés qui aient mieux réussi; mais hélas! l'oïdinm.se multiplie et: M. Leclerc expose avec raison à M.1le Ministre l'utilité de prendre des.mesures générales pour sa-destrüction: La repro- duction de-ce rapport dans le: Moniteurn’a pu que lui donner une, plus grande-publicité dont les pays vini- coles apprécieront, Fimportance. Le Puy possède une Société d'agriculture qui s'efforce de lutter ‘coûtre l'ignorance et! la routine; primes: et vécompéises offertes aux meilleurs agriculteurs, aux éleveurs ; à cés domestiques, invalides pour ainsi dire du travail et de la fidélité ; tel ‘est le sage emploi des ressources fournies par:les cotisations ; les encourage- ments, du Conseil ‘général et les secours du Ministre. Par malheur; cette, dernière :subvention vient d’être diminuée ; mais la, Société, nous en avons l'espoir, trouvera: dans l’inépuisable dévouement de ses mem- bres les moyens de:continuer l’heureuse' influence qu'elle exerce. Parmi les prix distribués par la Société , nous trouvons des récompenses aux-agriculteurs qui, dans une. certaine étendue de culturé ; entretiennent mieux leurs chemins. C’estune salutaire pensée qui a guidé la Société, car les chemins sont pour ainsi dire les artères du progrès ; ils rendent les travaux moins onéreux ; facilitent le transport des éngrais ;!et ména- gent les forces dés bestiaux. Nous constaterons ici, en l'honneur des habitants de cette ville, qu'ils ont trouvé les ressources: nécessaires pour élever un musée et 354 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. que l'inauguration en a été faite avec une grande so- lennité en présence de l’évêque , des autorités locales, heureuses de contribuer à cette fête des arts. M. Calemard de La Fayette, qui a si dignement re- présenié la Société du Puy , nous a soumis trois études savantes sur Dante , Michel-Ange et Machiavel , c'est- à-dire sur les hommes qui ont possédé à un si haut degré la poésie , l’art et la science du gouvernement. Ces études , publiées dans des revues en 1846 et 1847 et réunies en volumes , ne rentreraient pas dans le cadre qui nous est tracé, si l’auteur, par des dévelop- pements qu'il:a donnés à son sujet , ne l’avait rendu neuf. Dante, ce grand poète qui fut laissé si long- temps dans un dédaigneux oubli, dont La Harpe ne fait aucune mention, dont l'œuvre sublime laissait Voltaire froid et railleur , est aujourd’hui à l'apogée de sa gloire; sa vie a été étudiée par toute l'Europe, son poème traduit dans toutes les langues. M. de La Fayette, tout en profitant des travaux de ses prédé- cesseurs, a, par des aperçus nouveaux, par d'intelli- gentscommentaires, des notes savantes, rendu un grand service à l'étude de la littérature italienne; son livre sera recherché de tous ceux qui ont conservé le culte du beau , et le nombre en est encore grand en France. _ On lira aussi la biographie de Michel-Ange, et l’on appréciera mieux les inimitables chefs-d'œuvre qui font l'ornement de nos musées. Machiavel, cette sombre figure du XV®. siècie, était, dit M. de La Fayette, le plus illustre penseur de son temps; il a compté parmi ses plus éloquents défenseurs, Bacon, Rousseau et Alferi; le XIX®. siècle lui en fournit un nouveau, et il n’est certes pas moins puissant que CONGRES DES ACADÉMIES. 355 ceux que nous venons de citer. La cause est-elle défi- nitivement jugée? nous n’oserions l’assurer, car il faut long-temps en France pour que les idées justes soient admises ; on est habitué à regarder Machiavel comme l'auteur d'un système odieux, le dictionnaire s’est en- richi d'un mot nouveau ; le travail de M. de La Fayette, son style facile est coloré, ses preuves sont bien ce- pendant de nature à ramener l'opinion égarée. De toutes les parties de l'archéologie il n’en est peut- être pas de plus curieuses que l'architecture féodale dont nous possédons si peu de restes importants. Je sais que le zélé fondateur des Congrès a publié des spécimens fort beaux, étudiés sur différents points ; je ne crains cependant pas d’être démenti en avançant que les châteaux et forteresses du moyen-âge sont peu nombreux en France et que, soit par la guerre, soit par l'incurie, ou ce désir de modifier qui eut si long-temps force de loi, nous avons conservé peu de monuments complets. On nous permettra donc de témoigner notre reconnaissance à M. Henri Aucapitaine qui a publié des notes historiques sur la ville , le château de Boussac et la famille de Brosses, et qui y a joint des planches qui nous permettent d'apprécier l’état de conservation de cette forteresse placée comme un nid d’aigles à qua- rante pieds au-dessus des maisons voisines. Ce chà- teau, dans lequel on retrouve quelques parties an- ciennes , appartient plus spécialement au XV®, siècle, époque à laquelle le maréchal de Brosses y ajouta de nombreuses constructions.Cette famille fut,en effet, une des plus puissantes de la France, et ce n’est pas à vous, Messieurs, qu'il faut rappeler les dignités qu’elle occupa, ni les honneurs qu'elle obtint et qui furent la 356 INSTITUT: DES : PROVINCES! DE FRANCE. légitime récompense de sa valeur et des servicesrendus au pays: | La Société d'Emulation de l'Allier! avait; l'année dernière au Congrès , pour éloquent interprète de:ses travaux, M. le comte de Soultrait ; ‘elle! est, cette année, représentée par M. le comte de Montlaur : ces noms si honorablement connus dans le monde scién - tifique sont une garantie de l'importance de sés re- cherches et de: l'esprit qui les dirige. Depuis notre dernière réunion , elle a! publié deux volumes édités avec ce soin qui distingue les publications de ce dé- partement. Nous signalerons ‘spécialement un travail scientifique de M. Pernet : une notice sur le Château ducal de Moulins par M. Alary, et l'Acte de naissance du maréchal de Villars, découvert à Iseure par M. le comte de Soultrait. Les fouilles faites aux environs de Moulins ont été couronnées de succès et ont produit d'amples dédommagements aux dépenses qu’elles avaient occasionnées. De belles expositions régio - nales ont fourni à MM. de Chavigny et Tudot la pu- blication d’un album connu sous le titre de Deux plumes artistes, et qui a valu aux auteurs des témoi- gnages de haute sympathie. Enfin l'art est compris dans l'Allier , les restaurations sont intelligentes , les précieux, restes que: nous ont transmis les siècles passés sont respectés , et les: églises qu'on construit sont inspirées par ce sentiment religieux dont elles auraient dû toujours être la véritable expression. Honneur donc à ce département et qu'il continue dé marcher dans la voie qu'il s'est ouverte. La Société d'histoire et d'archéologie de Chälons-sur: Saône ne s’est point ralentie ; et le volume da ses CONGRES DES. ACADÉMIES. 357 - mémoires pour l’année 1852 aurait paru si.le-Ministre et le Conseil général n'avaient suspendu les.subsides qu'ils lui accordaient annuellement. Espérons que ces travaux seront prochainement publiés. et si les mêmes entraves ne pouvaient être levées , nous engagerions les membres de cette Société à faire du moins paraître dans un, bulletin, le résumé de leurs séances. Des fouilles faites sur:le champ de bataille de Fontenoy ont mis à découvert.une intéressante mosaïque dont le dessin. a été. communiqué dans nos réunions, Cette mosaïque qui, à Cause du peu de ressources de la Société, ne peut être enlevée du sol, est du moins assurée , autant que possible , contre les dilapidations et le vandalisme. M. Chales vous a entretenus des ré- sultats des premières fouilles; depuis lors on a dé- couvert au, même endroit un village gallo-romain au lieu appelé le Bois-des-Briottes , et qui parait être le Brittas de Nithard. Des travaux exécutés à la prison et au Châtelet ont fait découvrir un grand nombre d'antiquités gallo-romaines , et notamment une statue de Bacchus , plusieurs groupes de pierres blanches, malheureusement mutilées , des morceaux de frise et des fragments d'inscriptions tumulaires. Ces divers objets sont conservés dans un musée nouvellement formé et qui, protégé par l'autorité municipale, reçoit chaque jour de nouveaux accroissements. Enfin, la Société qui ne réglige rien de ce qui touche à la gloire de Châlons a continué le dépouillément des archives et doit bientôt faire connaître le résultat de ses recherches. La Société d'Autun possède dans son sein des mem bres dont l’activité ne le cède qu’à l'érudition. Il suffit de rappeler les beaux travaux de M. de Fontenay sur 358 INSTITUT DES PROVINCÉS DE FRANCE. les jetons de la Bourgogne, et ceux de son collaborateur, M. Rossignol. Cependant Autun n’a pas encore d'histoire, et nous sommes heureux de rappeler au monde scientifique que M. Hippolyte Abord en a traité une des parties les plus difficiles et les plus inté- ressantes , et a apprécié avec ce talent que vous lui connaissez , Messieurs , les conséquences que la ré- forme avait eues dans cette contrée. Espérons qu’éten- dant le cercle de ses recherches, M. Abord écrira enfin l’histoire d’Autun : nul mieux que lui ne peutla traiter ; il trouvera d’ailleurs dans MM. de Fontenay, Landriot, etc., et surtout dans le secrétaire perpétuel de la Société, dont la modestie nous empêche de citer le nom, d’utiles et précieux collaborateurs ; puisse notre vœu ne pas être stérile | puisse le rapporteur qui nous succédera dans la tâche difficile d'analyser le mouvement intellectuel dans nos laborieuses pro- vinces , constater qu'Autun a enfin son histoire, et qu'il s'est touvé des hommes assez dévoués et assez désintéressés pour mener à bonne fin cette œuvre difficile ! La Société Eduenne a assez produit de livres remarquables pour que nous formulions cette espérance, et ici encore le passé nous répond de l'avenir. Nous n'en voulons pour preuve que le bel ouvrage de M Guyton sur la Topographie et la statis- tique médicales de la ville et de la commune d'Autun. Cet ouvrage, entrepris pour répondre à l'enquête ou- verte dans toute la France , et qui, on nous permettra . de le rappeler avec regrets’, a été improductive, n'était pas destiné à voir le jour ; ce n'était que des rensei- _gnements réunis pour les travaux de la Commission, et nous la remercions sincèrement d'avoir triomphé de CONGRÈS DES ACADÉMIES. 359 la modestie de M. Guyton, et d’avoir publié un ouvrage qui peut certainement servir de modèle aux travaux du mêmegenre. On trouve dans celivre, enrichi de plusieurs planches, tous les renseignements nécessaires, des observations basées sur une expérience de quarante- six ans, des notions du plus haut intérêt, ainsi que Jesinspirations d’un jugement sûr et d'un cœur géné- reux. C’est surtout en présence de semblables travaux qu'on regrette le peu d'espace qui nous est laissé ; mais la popularité de la topographie médicale de la ville d'Autun , le succès qui lui est réservé , la conscience d'avoir été utile , tels sont les fruits qu'a déjà re- cueillis M. Guyton ; on n’analyse pas les bons livres, il suffit de les citer. Examen critique des lettres de M. l'abbé Gaume, sur le Paganisme dans l'éducation, par M. l'abbé Landriot, chanoine d’Autun , tel est le titre d'un vo- lumineux et intéressant ouvrage sur une question palpitante d'intérêt. Nous n'avons pas à rappeler ici ces discussions qui eurent un si grand retentissement ; les luttes sont fâcheuses , l’auteur lui-même en con- vient. il nous permettra donc de ne point nous pro- noncer sur cette question. Quand nous voyons les prélats les plus illustres de l'Eglise française divisés d'opinions ; quand nous parcourons ces brochures, ces livres publiés à l’occasion de ce débat , lorsqu’enfin le procès a été plaidé , peut-être même jugé, mais non sans appel, on nous pardonnera de nous défier de nos forces , et l’auteur lui-même nous excusera. Il nous permettra de constater seulement que son examen est sérieux et approfondi, qu'il est l’œuvre d'une con- viction arrêtée , et qu'à quelque point de vue qu'on 16 360. INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. se place, il doit être étudié soit par ses adversaires pour être combattu, soit par les partisans des études classiques qui y puiseront des arguments utiles à la défense de leur cause. Nous dirons en terminant le compte-rendu de la Société Eduenne qu’elle doit pro- chainement reprendre la publication des panégyriques d'Eumène, et qu'elle y joindra une traduction , des notes et des commentaires. De semblables entre- prises , qu’il suffit de signaler, justifient le rang élevé que cette Société occupe dans le mouvement intel- lectuel de la France. La Société des sciences historiques et naturelles du département de l'Yonne a continué ses importantes publications ; le premier volume de la bibliothèque historique , contenant les chroniques et les chartes inédites de la proviuce, a déjà paru ; le second est sous presse. À cette publication si importante, la Société a joint celle du cartulaire général du département. Un premier fascicule contenant 25 feuillets s'arrête à la fin du XI°. siècle. Nous ne saurions trop encou- rager les efforts de cette Société ; la publication des documents inédits est en effet de la plus haute impor- tance, et nous ne pouvons espérer une histoire vrai- ment nationale que lorsque nous connaïtrons tous les titres, chartes et chroniques renfermés dans les ar- chives et les dépôts publics. Les Bénédictins, uos maîtres et nos guides dans les sciences historiques , procédaient ainsi, et ils nous ont laissé des travaux qui servent de modèle et d'exemple à l'Europe savante. L'Angleterre n’a-t-elle pas ses sociétés de bibliophiles, sa commission de records qui non-seulement visitent ses dépôts nationaux, mais recueillent tous les do: CONGRÈS DES ACADÉMIES, 361 cuments relatifs à son histoire ; il en est de même en Allemagne, en Belgique, dans le royaume Néerlan- dais, etc. Que les Sociétés académiques suivent ce mou- vement , qu’elles secondent et complètent les publi- cations du Gouvernement, et que chaque province ait son cartulaire. L'exemple de la Société de l'Yonne trouvera, nous en avons l'espoir, de nombreux imi- tateurs. Joignant l'étude de la sigillographie à celle de l'his- toire, elle a fait mouler les sceaux de la province et en a formé l’une des galeries les plus intéressantes de France. Les voies romaines ont été étudiées d’après la méthode indiquée au deruier Congrès ; enfin la So- ciété de l'Yonne publie dans ses bulletins trimestriels des travaux intéressants sur l’histoire proprement dite ‘et les productious du pays. Sous ce dernier rapport, nous devons signaler l'abandon que lui a fait le Conseil général de-sa collection géologique, composée de 1,300 échantillons recueillis avec soin dans le département. Enfin , et prévenant pour ainsi dire la proposition si importante et si utile de M. Duchatellier, la Société de l'Yonne a décidé la formation d’une galerie indus- trielle où, près de la géologie et de la minéralogie, une place sera réservée aux produits manufacturés dans le -département. Comme on le voit, il est impossible d'apporter une plus grande activité et une persistance plus soutenue. Notre revue de l’Auxerrois ne serait pas complète si nous omettions le nom de M. Quantin qui a publié de savantes dissertations, dont l'une a paru dans la Revue de sphragistique. Observations sur l'établissement de la commune de Vézelay, tel est le titre d'un mémoire que M. Bour- 362 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. quelot a inséré dans la bibliothèque de l'Ecole des chartes. M. Léon de Bastard avait, dans ses Recher- ches sur l'insurrection communale de Vézelay au XIIe. siècle, établi que les bourgeois n'avaient servi que d'instruments au comte Guillaume de Nevers, alors en guerre avec l'abbé Pons de Montboisier, et qu'ils n'avaient point cherché à conquérir de droits politi- ques. M. Bourquelot soutient un avis contraire et con- clut que cette commune a été constituée en vertu d'intérêts positifs et tout-à-fait distincts de ceux du comte de Nevers ; il cite à l'appui de son opinion un grand nombre de documents imprimés ou inédits, et on ne peut mettre en doute l'érudition dont :l a fait preuve. On n’attend pas que nous nous prononcions dans ce débat; M. de Bastard répondra sans doute à M. Bourquelot, et alors le public pourra prononcer en connaissance de cause. Ces discussions littéraires sont du plus haut intérêt et dignes de fixer l'attention du * Congrès. Nous parlerons rapidement de Dion, que la plu- part d’entre nous ont visité cette année et où ils ont pu, mieux que je ne saurais le faire, apprécier le mou- vement intellectuel. Nous constaterons seulement le zèle de la Société d'agriculture qui a ouvert des en- quêtes sur les races d'animaux introduites depuis quel- ques années dans le département de la Côte-d'Or. L'étude de la race chevaline a été continuée et le comice de Genlis a notamment constaté d’heureuses améliorations. Une autre enquête est ouverte sur la culture de la vigne, sa taille, ses rapports, et les mem- bres de la Société y apportent le plus grand soin; il n’est pas de villages si éloignés dans lesquels ils ne se CONGRÈS DES ACADÉMIES. 363 rendent pour s'assurer pareux-mêmes de l'état de cul ture ; enfin des encouragements sont accordés annuel- lement, non pas aux propriétaires des meilleurs crus, mais aux cultivateurs qui ont fait les plus heureux essais pour l'amélioration de leurs vignobles. Ces ré- compenses, vivement recherchées, entretiennent l’ému- lation , arrêtent J’apathie et populariseut les décou- _vertes utiles. Sous le rapport littéraire, nous annon- cerons une Histoire religieuse de M. Dubois, une Vie de Jésus-Christ, par M. Foisset, et une Histoire un: - verseile, par M. l'abbé Hurot, curé de Rouvres; ce zélé membre de la Société française promet de conti- puer ses recherches et doit prochainement soumettre à la Commission archéologique de la Côte-d'Or, la Sta- tistique monumentale du canton de Genlis. Des fouilles ont été entreprises à Landunum et elles ont été cou- ronnées de tout le succès qu’on pouvait espérer. Nous ne parlerons pas des autres publications dont on nous a remis la liste, car les membres de la Société française, réunie il y a peu de mois à Dijon, les ont fait con- naître presque toutes. Le Comice agricole de la Haute-Saône vous a soumis le compte-rendu de sa 7°. session ; M. le Ministre de l’agriculture lui avait demandé des renseignements sur une vingtaine de questions différentes et dont plusieurs étaient d'une haute importance. Le Comice a étudié notamment l'indemnité due à l'Etat pour l’ad- ministration des bois des communes et des établisse- ments publics; le rapporteur a retracé les diverses phases qu'a subies la législation, les chiffres fournis par les statistiques, et il a proposé une nouvelle rédaction de l’art. 106 du Code forestier. L'examen de 364 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. cette question, si intéressante pour les départements de l'Est de la France ; nous entraînerait trop loin : il nous suffira d'avoir signalé ce travail pour que les personnes qui s'occupent de semblables recherchés puissent y recourir. Nous ajouterons, en terminant, que par les soins de M. Bossey, la carte géologique et agricole du département de la Haute-Saône est en voie d'exécution et que plusieurs parties sont même terminées. : M. Haxo, d'Épinal, vous a envoyé une brochure sur la fécondation artificielle et l’éclosion des œufs de poissons, suivie de réflexions sur l'Ichthyogénie. Vous connaissez, Messieurs, l'importance de cette découverte due à un pauvre pêcheur et qui élevait, si je puis ainsi m'exprimer, l’homme au rang de créateur. Oui, l’on peut se dire maïntenant , j'aiderai les merveilleux ins- tincts de la nature, je protégerai la faible et périlleuse jeunesse de ces poissons qui me doivent leur éclo- sion, et'je repeuplerai les rivières devenues désertes. Vous savez aussi quelles furent les longues et minu- tieuses observations de Joseph Rémy, ces nuits pas- sées sans sommeil, ces froides matinées qui gelaient le corps, mais enfin la nature n’avait plus de secrets; une fois encore elle était soumise au génie de l’homme. Sans doute on avait pressenti la fécondation artifi- cielle des poissons ; le comte de Golstein s'était, dès le milieu du XVIII®. siècle, occupé du saumon ; toutefois ses essais n'avaient qu'imparfaitement réussi. M. de Quatrefages avait aussi étudié cette question, et, S'ap- puyant sur la science, avait déclaré qu'on pouvait lit- téralement semer du poisson. Cette lecture fut faite à l’Académie des sciences , le 23 octobre 1848, et pen- CONGRÈS DES ACADÉMIES. 365 dant que le premier corps savant se prononçait d'une manière aussi formelle , le pêcheur des Vosges consta- tait le succès de ses observations et enrichissait notre pays de cette admirable découverte. C'est donc l'his. toire de la fécondation artificielle que M. Haxo a écrite avec tout le patriotisme d’un habitant des Vosges, en y joignant l'érudition d'un secrétaire perpétuel d’une Société savante. M. le comte de Mellet représente au Congrès l’Académie de Reims et la Société d'agriculture, des sciences et des arts de Châlons-sur-Marne; la part importante qu’il a prise à nos travaux, dont il a dirigé avec tant de talent les discussions historiques et artis- tiques, ne lui a sans doute pas laissé le temps de nous remettre une note des mémoires lus dans les séances ordinaires de ces Sociétés. Nous pouvous cependant constater que leur zèle ne s’est point ralenti et qu’elles ont continué leurs publications. Chälons a -u cette année les Assises scientifiques, etles savants qui s’y sont rendus ont trouvé dans cette ville un concours très-actif. Qu'il nous soit permis de lui offrir ici la sincère expression de la gratitude et de la sympathie de l’Institut des provinces. Le compte-rendu de cette session sera incessamment publié, et l’on pourra, mieux que nous ne le ferions, constater les heureux résultats de cette réunion. L'Académie impériale de Metz est une de nos So- ciètés provinciales où le travail est le mieux entendu et le plus productif; cette Société se divise en trois sections, réunies par le succès et par le désir de bien faire ; elle est en effet de celles dont il suffit d'énumérer les travaux pour montrer la prodigieuse activité. Le 366 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. discours du président n’est pas de ceux dont on peut nier l'utilité et qui ne contiennent trop souvent, hélas! que des phrases sonores et prétentieuses, dont le seul but est de déclarer la séance ouverte. M. Langlois est homme d’études , et il fait trop bon emploi du temps pour le perdre en vaines futilités ; il à donc dans son discours traité de la constitution de l'atmosphère avec cette érudition d'autant plus sérieuse qu'elle repose sur des observations quotidiennes. Le rap- port du secrétaire mentionne d'autres travaux scièen- tifiques, mais comme ils ne sont pas publiés dans le volume qui nous occupe, nous n'avons point à en rendre compte. L'œuvre capitale de ce volume est une Dissertation sur les prophètes, par M. l'abbé. Maréchal ; l'auteur, bien apte sans doute à traiter un sujet aussi important, a parlé successivement des caractères divins de la prophétie, des acceptions de ce mot, des prophètes et des caractères auxquels on peut les distinguer des séducteurs, de la manière dont ils recevaient les communications divines, de _ l'obscurité de leurs œuvres, et enfin de l’ordre chrono- logique des prophètes et du sujet principal de leurs productions. Ce programme, fidèlement rempli, vous montre l'importance de ce mémoire et, mieux qu'une analyse, vous inspirera le désir de l'étudier. Si nous ne parlons ni des Fables de M. Macherez, ni d'un Voyage entrepris en Béotie par M. Gandar, alors membre de l'Ecole française à Athènes, ni de l’Ori- gine de l’homme, par M. Bouchotte, qui place le berceau de l'humanité sur les rives de l'Indus, ni de la dissertation de l'adverbe tout, par M. Faivre ; nous ne voulons pas nier l'importance de ces travaux, CONGRÈS DES ACADÉMIES. 367 mais limité par le temps, par l'espace qui nous reste encore à parcourir, nous en sommes réduits à ne pouvoir citer que les titres. Nous pensons que l'attention du Congrès doit être surtout appelée sur des sujets d'étude locale, et si nous signalons une curieuse interprétation d'un épigramme de Martial, due à M. Halle], instituteur à Ober-Bergheim, - c'est que nous voudrions voir ses collègues se livrer à des recherches scientifiques, et consacrer à l’étude des belles-lettres ces loisirs qu'ils donnent trop souvent à la dissipation; ils y puiseraient dans leur labo- rieuse carrière des consolations qui ne leur fe- raient point défaut. L'étude de l’histoire locale et des monuments que le temps et plus encore les ré- volutions ont épargnés, n'a point été négligée, et sans parler d'une Notice sur un monument trouve à Lorry-les-Metz, que M. Victor Simon attribue à Isis, et de l'archéologie de Hammam Meskhoutin et de Ghelma (l’ancienne Calama}, par M. Grel- lois, sujets qui n'offrent que l'intérêt de l'érudition, il suffit de citer les noms de MM. Simon, Robert et Georges Boulangé pour justifier notre assertion. On doit au premier une Notice sur Metz et ses environs , et un Mémoire sur les antiquités trouvées à Vaudre- vange , près de Sarrelouis. Comme on le voit, l’Aca- démie de Metz n'étend pas seulement son influence sur le département de la Moselle, mais elle signale à l’attention du monde scientifique les découvertes faites sur le territoire hors duquel ses recherches paraissent circonscrites. M. Robert, qui s'occupe plus spécialement d'études numismatiques , -a publié une savante Notice sur les médailles frappées en 368 INSTITUT DES PROYINCES DE FRANCE: commémoration du siége de Meiz, en 1552, et sur la part glorieuse que prit à cetle défense Frangois de Guise. On doit au même auteur un opuscule plein d'intérêt sur ces importantes questions. Pourquoi la véritable monnaie légale des Francs n'a-t-elle com- porté qu'un seul métal, For sous les Saliens, l'ar- gent sous les Ripuaires, et pourquoi les Mérovin- giens ont-ils eu une multitude d'ateliers moné- taires? Ce travail qui est complété par la description dé dix tiers de sou d’or mérovingiens, jusqu'alors inédits, résout-il ces problèmes ? Nous n’osous le déclarer. Il restera toujours à M. Robert, qui a pour lui l’assentiment de la Société de Metz, de les avoir posés, savamment étudiés , et d'avoir ouvert une nou velle voie à la science numismatique. M. Boulangé est non moins actif que M. Robert, et les Mémoires de la Société de Metz lui doivent d'im- portants travaux; nous signalerons spécialement une Notice sur la découverte de monnaies lorruines et luxembourgeoises du XII. siècle, faite à Béry, petit village situé sur la Moselle, entre Thionville et Sierck; un travail Sur les ateliers monétaires des Romains . dont les noms se rencontrent le plus souvent sur les monnaies trouvées à Metz et dans les environs, et enfin la Description d'une monnaie frappée aux armes de Claude Noblet, qui exerça la charge de maitre échevin pendant sept mois seulement, du 19 décembre 1600 au 16 février 1601. Ces travaux n’ont pas suffi pour occuper l’activité de M. Boulangé, et il vous à encore fait hommage de deux brochures, l’une sur Le palais des Treize, à Metz, et l’autre sur Le Ban St.- Martin, petit village situé près de cette ville, et qui CONGRÈS DES ACADÉMIES. 369 fut le théâtre de plusieurs faits importants pour son histoire. M. Boulangé est donc digne , à tous titres, de la mention spéciale que nous lui avons accordée. L'Académie de Metz n'a point encore publié ses mémoires agricoles ; il nous sera cependant permis d’en signaler quelques-uns. Cette Société autour de laquelle rayonnent comme d'intelligents satellites les quatre Comices du département, a pris depuis long-temps l'initiative des importantes mesures que nous avons si- gnalées ailleurs. Enseignement agricole, récompenses aux vieux et fidèles serviteurs, primes aux gardes- champêtres les plus soigneux, sont depuis long-temps en usage. Par ses soins, et grâce surtout à l’excel- lent mémoire de M. Vander-Straten-Ponthaud, le drainage est connu dans ce pays, et des fabriques de drains , établies à Metz et à Nancy, fournissent à un prix modéré les tuyaux dont ont besoin les cultivateurs intelligents. Le travail de M. Vander-Straten est actuellement sous presse et enrichira la partie scien- tifique dés Mémoires de l’Académie de Metz. Vous avez pu, du reste, apprécier, Messieurs, ayec quelle érudition notre honorable et savant collègue discute tous les sujets sur lesquels il preud la parole. Nous ne parlerons ni des perfectionnements apportés aux instruments aratoires , ni des encouragements accordés par la Société, car ce sujet nous entrainerait trop loin; nous en avons dit assez pour montrer que l'Académie impériale de Metz comprend sa noble mission, qu’elle la remplit avec succès et qu'elle peut être rangée parmi nos plus laborieuses Sociétés de province. Sortons des traditions romaines, des monuments 370 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. épigraphiques de cette époque, et parlons d’une pieuse tradition conservée avec soin: nous aurons encore pour guide M. Georges Boulangé. Son travail intitulé Notice sur les tombes gallo-romaines découvertes autour de l'ermitage de St.-Eucaire, commune de Pompey (Meurthe), n’est pas extrait des Mémoires de l'Aca- démie de Metz ; il a paru dans le journal de la Société d'archéologie et du Comité du musée Lorrain. Une cir- constance fortuite, la pose de la voie du chemin de fer, nécessitait une grande quantité de ballast; on en puisa au Champ-des-Tombes, ainsi nommé parce que St.- Eucaire y périt avec deux mille deux cents chrétiens , à l’époque où Julien , récemment nommé empereur. avaitordonné de nouvelles violences. On a nié la cruauté de Julien : il s’est trouvé, au XIXS®. siècle, des écrivains pour justifier le philosophe ; les édits existent , mais, disent-ils, ne furent jamais exécutés. La tradition du martyre de saint Eucaire ne fut recueillie qu'au XII. siècle, c’est-à-dire près de neuf cents ans après ce glorieux évènement de notre histoire religieuse, et voici qu'après une nouvelle durée de sept siècles , des fouilles faites dans un but différent justifient l’assertion des agiographes. La pioche du travailleur mit à décou- vert un nombre immense de tombes; ici les têtes sont séparées du tronc, là un crâne porte encore des traces de plomb; que-trouve-t-on comme orne- ments? une fibule, une paire de boucles d'oreilles en cuivre, un collier en verroterie, une boucle de cein- turon en fer, et un seul grain en pâte vitreuse rouge tachetée de jaune ; qu’on doute encore, que le scepti- cisme explique ces découvertes ; nous, plus chrétiens, nous croyons. La notice de M. Boulangé est donc CONGRÈS DES ACADÉMIES, 97] curieuse sous le rapport de l’art, et comme le témoignage certain d'un fait qu'on s'était efforcé de nier. O gran- deur d’une religion dont chaque jour apporte de nou- velles preuves, et dont la science humaine justifie les assertions. L'action des Congrès ne s’arrête pas aux limites de la France, et l'on a, dans les pays voisins, apprécié l'importance de nos réunions et le dévouement des membres qui les composent. Nousne ferons que signaler les Mémoires de l'Acadèmie de Munich, qui ont été l'objet d’une communication spéciale ; mais on nous permettra de nous étendre plus longuement sur les publications de la Société pour la recherche et la con- servation des monuments historiques dans le grand- duché de Luxembourg. Cette association, constituée sous le patronage du roi de Hollande, par arrêté du 2 septembre 1845, en est arrivée au septième volume de ses publications, et déjà elle a laissé derrière elle un grand nombre d'académies importantes. Dans un rapport sur les travaux de l’année 1851, M. Namur a payé un juste tribut d'éloges aux Congrès, cette espèce de centralisation mobile, dit-1l, faite au profit de tous et qui n’a créé pour personne de monopole. La Société du Luxembourg étend ses recherches sur les archives et les sources manuscrites de l'histoire, la numisma- tique, l’héraldique, la sphragistique, la conservation des monuments dont elle décrit les principaux, les fouilles dont les découvertes enrichissent son musée, et la bibliographie, cette science qui forme l’un des principaux éléments de l’histoire. Un grand nombre de planches représentent les objets trouvés au camp romain de Dalheim, et M. Namur en a fait une savante 372 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. description. Nous remarquons encore dans ces Mé- moires les travaux de MM. Cohausen, de Mayence, Pétry, de Roodt, et plus de cinquante rapports et notices qui montrent l’activité de cette Société et justifient les éloges que nous lui donnons.M. de La Fontaine a étudié la pomme de terre, et il n’a pas cru que ce sujet füt in- digne de ses recherches ; il nous la montre venant, en 1553, de la Nouvelle-Grenade, connue en 1578 au Pérou, par l'amiral Brake ; cultivée du temps de Shakespeare dans les premières années du XVII®. siècle ; rapportée de la Nouvelle-Grenade, en 1610, par l'amiral Harley, et enfin servie, en 1616, sur la table des rois de France. N'oublions pas qu'un savant artésien , Clusius, la propagea, au XVI®. siècle, dans les provinces belges. Comme on le voit, les publications de la Société de Luxembourg méritent une étude longue et sérieuse ; espérons qu’un des premiers articles du Bulletin biblio- graphique leur sera consacré et nous regretterons moins d’avoir été aussi incomplets. Que dire de M. Jobard, le savant directeur du musée royal de l'industrie en Belgique, et des nombreuses brochures dont il a fait hommage au Congrès ; une simple nomenclature prendrait un temps que nous ne pouvons certes mieux employer, mais qui nous est mesuré d’une manière si parcimonieuse. Sérieux dans ses résultats, léger dans la forme , toujours spirituel , tel est M. Jobard. Tout, daus ses mains, devient des armes : entretiens familiers, conseils basés sur l’expé- rience, fables même, notre honorable collègue sait tout employer pour le triomphe de la cause qu’il défend. Vous savez la part qu’il a prise à nos discussions , et dans le même temps les journaux consignaient ses CONGRÈS DÉS ACADÉMIES. 373 importantes communications à la Société de l'industrie et à d’autres réunions. Le savant directeur du musée de l'industrie à Bruxelles est, il nous permettra cette ex-— pression, une puissante locomotive toujours dirigée vers le progrès. L'Académie de Bruxelles s'est fait représenter par son honorable président, M. le baron de Stassart , si français par le cœur, les souvenirs et le style. Qui n’a Ju ses charmantes fables, dont on prépare actuellement la onzième édition ; qui n’a été heureux d'y puiser des consolations ou des encouragements. M. le baron de Stassart, Si affable dans ses formes, si poli dans ses rapports, si gentilhomme en un mot, n’en est pas moins un savant distingué. Il a parlé de Bayard, de ce chevalier sans peur et sans seproche, dont nul ne pouvait mieux parler que lui, avec cette précision d'expression, cette connaissance approfondie du sujet, qui distingue toutes ses publications. On avait nié l'instruction de Bayard (que n’a-t-on nié en France?), et l’on protestait contre les lettres si gracieuses qu’il à laissées. M. de Stassart, qui compte dans sa biblio thèque un très-grand nombre d’autographes, et qui possède notamment une lettre inédite de Bayard, a réclamé pour l'honneur de la France; il a rappelé les autographes connus, et prouvé, par de savantes cita- tions, que Bayard maniait presqu’aussi bien la plume que l'épée. Cette notice, publiée dans un journal belge, a été reproduite en France, et justice a été rendue à l’un dés hommes dont s’honore notre pays. Une Notice sur François de Nélis, évêque d'Anvers et membre de l’Académie de Bruxelles, a permis à notre honorable collègue de juger ce XVIII. siècle, sur lequel on a 374 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. tant écrit, sur lequel on a tant à dire encore. Nélis, partagé entre l'ambition et la piété, les études scienti- fiques et l’accomplissement de son devoir, livré à un double et continuel combat, a fourni à M. le baron de Stassart l’occasion de parler d’une époque qu'il a si bien étudiée. Des aperçus nouveaux, des idées justes et modérées, un style aussi facile qu'éloquent, assurent à ce travail un succès que nous sommes heureux de constater. Le président de l'Académie royale de Belgique doit, dit-on, prochainement publier ses mémoires et consacrer à ce travail les dernières années, et nous espérons qu’elles seront longues encore, d'une vie si honorablement remplie. Puisse ce projet se réaliser ; puisse surtout la modestie de l’auteur ne pas rejeter sur le second plan l’homme qui a si souvent brillé au premier. . M. Schayes , membre de l’Académie royale de Belgique et directeur du Musée d'artillerie, vous a adressé deux brochures : 1°. Réplique à la réponse de M. Roulez sur l’origine, la langue et la civilisation des peuples qui habitaient la Belgique actuelle à l’arrivée de César; 2. Sur l’état de Constantinople depus sa con- quête sur les Croisés jusqu’à sa prise par Mahomet II, en 1453. Selon M. Schayes, les Ottomans, qu'un cé- lèbre écrivain moderne, dit-il, a qualifiés d’une ma- nière peut-être plus poétique que vraie de Barbares, campés sur les bords du Bosphore, ont été les restau rateurs de Constantinople, presque réduite à néant par les guerres si funestes à l'Orient, mais si utiles à l’Europe. Nous en demandons pardon à notre honorable et savant collègue, tout le monde ne sera pas de son avis ; mais on s'accordera à louer son CONGRES DES ACADÉMIES. «0 érudition, l'utilité de ses travaux, le mérite de son Histoire de. l'architecture en Belgique et l'importance de ses recherches. M. Schayes vient d'entreprendre un voyage archéologique en Italie, pour comparer les monuments du Nord à ceux du Midi ; espérons qu'il ne fera pas long-temps attendre ses observa- tions. Bruxelles compte dans son sein des savants éminents , et il suffira de rappeler les noms de MM. Quételet, Gachard, Alvin, Chalon, Gachet; nous exprimons le désir que nos relations deviennent de jour en jour plus intimes avec cette nation, et que le Congrès d'Arras nous fournisse l’occasion de les res- serrer. Liége, si connu par les travaux de MM. Ernst, Lavalleye et Polain qui vient de retrouver la fameuse chronique de Jean-le-Bel, possède une Société d'ému- lation qui a déjà conquis un rang distingué dans le mouvement intellectuel de la Belgique ; elle s’est fait représenter par M. d'Otreppe de Bouvette, qui vous a remis huit brochures fort intéressantes sur l'archéologie “et la littérature. M. d'Otreppe préside l’Institut archéo- logique, dont il peut être regardé comme le fondateur. Cette association ne date que de 1850, et les deux bulletins qu’elle a publiés peuvent faire apprécier son importance. Les noms de MM. Borgnet, l’'éloquent historien des Belges au XVIIIe. siècle; Polain, dont nous avons parlé; baron de Gerlache, qui a retracé les Annales de la principauté de Liege; baron de Sélys- Longchamps, qui, par des liens de, famille et Ja similitude des études, appartient de si près à M. d'Homalius-d’Halloy, sont une puissante garantie pour l'avenir, et M. d'Otreppe nous permettra de le signaler 376 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. d'une manière toute spéciale à la reconnaissance du Congrès.Il y a droit encore parses nombreux ouvrages, son excellent travail sur l'esprit ét le cœur de l’homme, ses tablettes liégeoises, et par l’activité qu’il a su rendre à la Société libre d'émulation de Liége, dont il est le secrétaire perpétuel. Sous son habile direction, cette Société , dont la fondation remonte à l’un des princes- évêques de cette ville (1779), reprendra bientôt, nous en avons l'espoir, le rang illustre qui lui appartient à tant de titres. Rentrons en France par Strasbourg, et l’excellent mémoire de Maximilien de Ring, Sur les établisse- ments romains du Rhin et du Danube, principalement dans le sud-ouest de l’Allemagne, est pour ainsi dire une transition naturelle qui relie nos travaux aux études de nos collègues étrangers. Ces deux volumes sont peut-être les plus savants qu’on ait publiés pen- dant l’année qui vient de s’écouler; ils ne peuvent s'analyser : ils démandent une lecture sérieuse que nous ne saurions trop recommander aux érudits. Chargé en 1844 de préparer un recueil d’épigraphie latine, M. de Ring fut frappé de l'intérêt que présen- taient ces inscriptions, non-seulement pour l'histoire des quatre premiers siècles de l'ère chrétienne, mais pour la géographie antique et pour le droit municipal des Romains. Telle est l’origine de cet ouvrage écrit, comme le dit l’auteur , sans faste, mais avec la conscience de n'avoir point fait un travail inutile, de cet ouvrage qüe nous ne craignons point d'appeler un modèle d'érudition. Une excellente carte de la Germanie romaine, soumise pendant les trois premiers siècles de l'ère chrétienne à l'administration politique CONGRES DES ACADÉMIES,. JF et provinciale des Gaules, termine et complète ces volumes. On sait que M. de Ring est auteur d’un autre ouvrage sur l'Histoire des Germains depuis les temps les plus reculés jusqu'à Charlemagne, ouvrage qui ne le cède à celui que nous venons d’analyser ni sous le rapport de l'érudition, ni par l'intérêt qu'il présente. Si nous voulions mentionner tous les travaux publiés dans le département du Nord, la liste en serait longue; constatons seulement les progrès toujours croissants des archivés du nord de la France, si habi- lement dirigés par M. Dinaux; l'honorable distinction que l’Institut a accordée à M. de Coussemaker, pour son beau travail sur L’harmonie au moyen-dge; les efforts persévérants de M. Le Glay et ses publications diverses , dont les plus importantes sont un nouveau volume d'Analectes et ses Archives de St.-Aubert de Cambrai. M. Taillar, qui a publié un savant travail sur les actes publics rédigés en langue romane, con- tinue ses recherches et entretient l’activité de la Société de Douai, dont un nouveau volume de mé- moires va prochainement paraître. Nous omettons sans doute des travaux très-importants, mais le temps nous manque pour un Compte-rendu plus complet. Dunkérque n'avait pas encore d'histoire : sans doute Faulconnier en avait au siècle dernier réuni les élé- ments, mais son livre, qui d'ailleurs est devenu rare, était incomplet et n'était plus à la hauteur de la science. M. Derode, auteur de l'Histoire de Lille, a comblé cette lacune et a publié sur ce sujet une excellente monographie. On lui doit aussi la création d'une Société littéraire et industrielle; cette Socièté 378 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. n’est encore qu'à son berceau, mais elle doit publier des bulletins, et la séance publique qui a eu lieu il y a quelques mois, nous prouve qu'elle saura tenir un rang honorable parmi les laborieuses Académies du nord de la France. M. l'abbé Van-Drival a exercé une Le st influence sur la création des Annales Boulonnaïses ; ce recueil n’a eu qu’une existence éphémère, mais il a droit à une mention à cause des savantes dissertations sur l'antiquité locale et sur plusieurs objets curieux que renferme le musée de Boulogne. On doit au même au- teur une histoire des évêques de cette ville; outre son mérite scientifique, cet ouvrage se recommande par son actualité au moment où l'on paraît s’occuper de la division des sièges de Cambrai et d'Arras. La Société d'agriculture de Boulogne continue ses modestes et utiles travaux; la maladie de la pomme de terre, de ce tubercule qu’on a si judicieusement nommé le pain des pauvres, a été l’objet de nouvelles recherches, et si l’on n’a pas encore trouvé le remède de ce véri- table fléau, du moins on a indiqué des modes de culture qui en atténuent les effets. Vous croirez avec peine, Messieurs, que, placé entre la Flandre fertile et la riche province d'Artois, l’arrondissement de Boulogne négligeait le pâturage, cette source si pro- ductive de l’agriculture. Par une économie mal en- tendue, le cultivateur n’y faisait aucun travail et les prairies présentaient le triste spectacle. de marais pendant l'automne, de glacières pendant la saison rigoureuse , tandis qu’au printemps on y voyait verdir des buissons, fleurir des épines réservées à servir d'aliment au chauffage des fours. M. de Rosny 2 “ CONGRÈS DES ACADÉMIES. 379 protesté avec indignation contre cette coupable négli- gence ; il a décrit ces pâturages de l’Angleterre dont .chaque are produit, selon son expression pittoresque , un roast-beef, dont chaque parcelle fournit un beefteak. Ces conseils seront-ils entendus? Nous l’espérons, mais nous savons avec quelle énergie il faut lutter contre les idées admises; le cultivateur veut trop souvent qu'on améliore son sort sans qu'il fasse aucun effort. Constatons, en terminant, que le Gouvernement vient d'accorder à M. de Lédinghem, président de cette Société, une précieuse récompense, fruit de persévérants efforts et d’un dévouement qui ne s'est jamais démenti. Béthune a une Société hippique et un Comice agricole; tous deux continuent dans Ja limite de leurs forces leur modeste mission, et les courses au trot organisées par leurs soins prennent annuellement un nouveau développement La section d'horticulture organise des expositions fort riches, encourage la culture de plantes utiles et distribue des médailles aux jardiniers qui se sont le plus distingués tant sous le rapport de la beauté que pour l'utilité de leurs découvertes ou de leurs améliorations. La Société des antiquaires de la Morinie est trop connue pour que nous ayons besoin d'appuyer lon- guement sur la persévérance de ses efforts ; le volume de ses Mémoires n’a pas encore paru et ce retard est causé par l’absence de son secrétaire perpétuel adjoint, M. de Laplane, fils du savant historien de Sisteron, et que la maladie de sa mère retient loin de nos réunions. Comme les précédents, il doit contenir de savantes dis- sertations , des mémoires sur l'antiquité locale; nous signalerons spécialement le travail de M. Courtois, 380 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. sur l'antique voie romaine de Leulinghem , appelée au moyen-âge la voie des saints. C'était, en effet, le chemin que suivaient les zélés missionnaires de la foi chrétienne lorsqu'ils se rendaient en Angleterre pour combattre les erreurs du pélagianisme, et celui des Irlandais lorsque , fuyant les honneurs et l'éclat des grandeurs humaines , ils venaient en France étendre la religion, plus encore par l'exemple de leurs ver- tus que par leurs éloquentes prédications. Une sa- vante histoire de l’église collégiale d’Aire doit bientôt paraître; M. Jules Rouyer, bien connu par ses publi- cations numismatiques, en est l'auteur. M. Dard étudie la bibliographie de cette petite ville, et son travail paraîtra dès que les importantes fonctions qu’il occupe au ministère d'Etat lui auront permis de le revoir et de le coordonner. En dehors de ses Mé- moires , la Société des antiquaires de la Morinie a des publications spéciales. M. de Laplane publie l'Histoire de l’abbaye de St.-Bertin, ce monastère des monas- tères comme l’appellent les chroniqueurs du moyen- âge; plusieurs feuilles sont tirées; nous avons vu les portraits des abbés dessinés sur un recueil du XVI. siècle, et nous pouvons assurer que ce travail est appelé à un grand succès. La Société doit aussi éditer un texte ancien des Coutumes de Guines, enrichi de notes savantes par M. Taillar, et d’une dissertation sur l’ancienne topographie de ce pays par M. Courtois. Enfin, M. de Godefroy, des- cendant de cette illustre famille où se sont conser- vées les saines traditions de la critique historique et dans laquelle le savoir et l’érudition sont héré- ditaires, M. de Godefroy publiera une chronique CONGRÈS DES ACADÉMIES. 381 presque inédite , celle de Lambert d’Ardres. Ce pieux _et modeste curé a consigné un grand nombre de faits historiques , mais son journal se recommande surtout par l'observation des usages locaux et par le langage. M. de Godefroy y joindra en effet une traduction en langue romane. Comme on le voit, le travail ne fait point défaut chez les Morins, et d’ailleurs le passé nous répond de l'avenir. Nous ne parlerons des Sociétés d'agriculture de St.- Omer et d'Arras que pour constater leur activité ; ici encore nous aurions à Consigner des concours sou- vent brillants, de persévérantes études pour l’amé— lioration des races, des récompenses aux vieux serviteurs, des essais de drainage , des bulletins con- tenant d'utiles notions. L'agriculture , disait avec rai- son M. de Lafayette, c'est l'observation quotidienne, les essais, les tâtonnements, la science des infini- ment petits. Se renfermant dans ce programme, les Sociétés ont partout exercé leur influence, récompensé les procédés nouveaux, perfectionné les instruments de culture et tenu la science agricole à la hauteur des nouvelles découvertes. Nous arrivons à Arras et nous ne dissimulons pas notre embarras. Enfant adoptif de cette ville , son dé- légué , nous n’abordons qu'avec crainte l'examen de son mouvement intellectuel ; nos éloges pourraient être taxés de flatterie, notre silence laisserait croire que nos Sociétés n’ont rien produit. Constatons donc rapidement et succinctement les ouvrages publiés. L'Académie d'Arras, dont l’origine remonte au siècle dernier, va produire le 26% volume de ses Mémoi- res; nous signalerons des notices de M. Billet sur 382 INSTITUT DES PROVINCES DB FRANCE. Turgot, le savant administrateur, et sur Daunou. Après les monographies de M. Mignet et de M. Tail- Jlandier , l’auteur a recueilli, à Boulogne, patrie de Daunou, plusieurs faits inconnus ; tout en profitant des travaux de ses devanciers, il a su être neuf, et c'est une nouvelle preuve que la biographie doit être surtout étudiée dans les localités où est né l'homme dont on retrace la vie. M. le colonel Ré- pécaud qui a eu l'honneur de présider plusieurs de vos séances, a fait de sérieuses recherches sur le cours ancien de l'Escaut, question très-con- troversée à l’Académie royale de Belgique : éten- dant le cercle qu'il s'était proposé, il a surtout cherché les moyens d'utiliser les eaux de l’Escaut pour rendre à la ville de Gand cette riche industrie qui l'avait placée à un rang si élevé. Faut-il parler des discours de réception, véritables morceaux litté— raires dont l'impression assure la conservation et le succès ; de ces fables de M. Derbigny , fables qui se- ront bientôt réunies en volumes ; de la continuation des recherches sur les livres imprimés à Arras; des importantes communications des correspondants et surtout de celles de MM. Danvin et Cazin sur l'or- ganisation du service médical dans les campagnes. Tandis que M. Cazin recevait une médaille d’une Société académique de l'Est, le travail de M. Danvin méritait à son auteur une letire flatteuse de M. le Ministre ; cette importante question sera sans doute portée au programme du Congrès d’Arras, et vous pourrez mieux que moi apprécier la justesse des ob- servations qui vous seront communiquées. Entrant dans une voie que nous voudrions que CONGRES DES ACADÉMIES. 383 toutes les sociétés de province suivissent , l'Académie d'Arras à publié un journal inédit du XV®. siècle. Gérard Robert, tel est le nom du modeste religieux de l'Abbaye de St.-Vaast qui nous a légué cet inté- ressant manuscrit, vivait à une des époques les plus malheureuses de notre histoire. Il a été chassé de son couvent lorsque Louis XI exila tous les habitants, sans distinction de sexe ni d'âge; il a été emprisonné lorsque les lansquenets allemands reprirent possession d'Arras au nom de Maximilien, seigneur de ce pays, comme mari de linfortunée fiile de Charles-le-Témé- raire. Ce journal abonde en faits nouveaux et peu connus ; l’Académie y a joint des notes, des commen- taires, une notice biographique sur l’auteur, une in- troduction philologique, une liste des abbés de St. Vaast, et la nomenclature de tous Îles religieux qui sont nés à Arras. La Commision archéologique continue ses recher- ches; on lui a confié le soin de publier un album dé- partemental et elle s'acquitte avec succès de cette mission ; la 3€. livraison vient de paraître , et, tandis que les dessins confiés au burin de M. Gaucherel re- produisent avec exactitude les monuments, le texte est savamment étudié par MM. Harbaville, de Linas, Deschamps de Pas , Terninck et Derheims. Le maître- autel de l’église de Calais , le château de Bours, don- Jon seigneurial d’une illustre famille du XIII. siècle la tour de St-Denis à St.-Omer, édifice qui date de la même époque, la carte des voies romaines et la description des monuments celtiques et gallo-romains que le Pas-de-Calais conserve encore, tels sont les matériaux qui composent cette livraison: Arras n’a 17 384 INSTITUT. DES PROVINCES DE FRANCE. plus de monuments anciens,; son hôtel-de-ville ; qui date du XVI® siècle, est le seul qui ait survécu à ses sanglantes révolutions, et encore n'est-il venu jusqu’à nous que déshonoré par d’inintelligentes restaurations. Depuis un demi-siècle, plusieurs administrations muni- cipales ont teuu pour ainsi dire à honneur d'y porter la main et, d'y laisser, comme un stigmate, la preuve du mauvais goût de leur époque. La Commission, a étudié ce monument, lui a rendu son caractère primitif, et le dessin qu'elle va publier sera’ utilement. consulté pour les restaurations. dont cet édifice a le plus grand besoins: tk al La Société d'émulation d’Abbeville a pour président M. Boucher de Perthes, dont l’âge semble encore redoubler la prodigieuse activité. Littérature ethistoire, philosophie et poésies, M. Boucher de Perthes a abordé tous les genres : l’auteur d'un mémoire Sur les antiquités. ante-diluviennes et la création, d'un Essai sur l'origime. et la. progression des êtres, n'a pas dédaigné la muse pastorale, la romance même, et la Petite Mendiante a été répétée partout où Jon parle français. C'est encore des ouvrages: de littéra- ture que M. Boucher de Perthes offre au: Congrès; deux volumes intitulés : Sujets dramatiques, contien- nent des pièces de théâtre, dont une a été représentée, puis Emma, ou quelques lettres de femmes, dans lesquelies l’anteur à montré son talent sous un nou- veau jour,. Nous retrouvons des travaux de notre ho- norable collègue dans les Mémoires de la Societé d'émulation d'Abbeville. qui, à son exemple, se.livre à toutes les études et offre généreusement sa publicité au poète, à l'archéologne , au savant comme à l’his- CONGRÈS DES ACADÉMIES. 389 torien. Ce volume, qui contient plus de onze cents pages in--8°, n'appartient pas tout entier au cadre qui nous est tracé: c'est, en effet, le résumé des travaux de la Société depuis 1849 jusqu’au mois de juillet 1852: Il serait difficile de choisir entre l'Obéissance à la Loi, de M. Boucher de Perthes ; Notices sur quelques coins monétaires du Ponthieu, par M: de Marsy ; Tableau des Coléopières des environs d'Abbeville, par M. Marcotte ; Excursion archéologique dans le même arrondissement , par M. Dusevel, ou une Révolution dans l'Abbaye de St.-Riquier, par M. Prarond; il est cependant im- possible d'analyser tous ces: travaux ; nous aimons mieux consiater en terminant que la Société d'ému- lation doit faire imprimer très-prochainement une chronique inédite de l'Abbaye de St,-Riquier. Cette Société s'était. fait représenter au Congrès par M. _de Chennevières. et certes elle ne pouvait mieux choisir; vous nous permettrez donc de rappeler ici que sous le titre d'Essais sur l'organisation des arts -en province, M. de Chennevières a réuni les différents travaux ou rapports qu'il vous avait soumis et dont vous aviez apprécié l'utilité et l'importance : puisse l'ouvrage de M. de Chennevières se répandre avec les sages doctrines qu’il contient, parvenir dans toutes les mairies et être lus par les directeurs de nos musées. Alors les arts seraient organisés en province, nos anciennes académies de peinture et de sculpture reprendraient leur éclat, les encouragements servi- raient aux vrais artistes, au lieu d'être si souvent distribués à la faveur, etenfin les toiles de nos grands maîtres verraient leur conservation assurée. Le département de la Somme compte dans son sein 386 INSTITUT DES PROVINCES DB FRANCE. un grand nombre de Sociétés savantes, et nous se- rions incomplets si nous ne parlions que d'Abbeville : M. de Renneville , l’un des meïlleurs agriculteurs de ces contrées, vous a entretenus de l’organisation agricole au point de vue scientifique, des Sociétés d'agriculture , des Comices et de leurs persévérants efforts presque toujours couronnés de succès. Nous regrettons que Ja Société des antiquaires de la Picardie ne nous ait pas envoyé les importants travaux qu'elle a publiés pendant l’année 1852 ; nous aurions mentionné avec bonheur les Coutumes locales du ‘bailliage d'Amiens, si savamment éditées par M. Bouthors, les travaux consciencieux de M: Garnier, bibliothécaire, qui, avec un zèle si louable, sait entretenir l’ordre dans les riches collections eonfiées à ses soins éclairés. Nous nous eontenterons d'apprendre au Congrès que M. Peigné-Delacourt, propriétaire de la belle et riche Abbaye d'Ourscamp, dont il vous a entretenu, prépare un savant travail sur une chronique déjà publiée par la Société de l'Histoire de France, et relative surtout à la descente que fit en Angleterre Louis VIEI avant de porter la couronne. Cet événement, qu'ont à peine mentionné les historiens de Philippé-Anguste , eut une inrpartance pius grande qu’on lui accorde , et le seigneur d'Artois ; car le jeune Louis portait alors ce titre, fut près d'obtenir la couronne d'Angleterre ; il avait à sa Suite un grand nombre de chevaliers du nord de la France dont M. Peigné espère retrouver les écussons. Cette dissertation et celle dont vous a entre- tenu M. Michel Sur les hommes d'armes au moyen-äge , entrepris sur differents points du pays, ne peuvent que produire d'iumportauts résultats et combler une lacune dans l’histoire de la noblesse française, CONGRES DES ACADÉMIES: | 387 Nous ne quitterons cependant pas la Picardie sans parler du beau travail de M. Corblet, couronné par la | Société des antiquaires ; et qui occupe presque en en— tier le tome premier de la seconde série des Mémoires de cette Société. Depuis plusieurs, années , l’activité infatigable des savants de la province a étendu le do- maine de l'histoire ; il n'est pour ainsi dire point de partie, quelque minime qu’elle soit, qui n’ait été l’ob- jet de rapports et de discussions; nos patois surtout sont étudiés avec tout ce soin qu'on doit aux origines d'une langue. M. Hécart, de Valenciennes , a donné plusieurs éditions successives de son vocabulaire du patois rouchi; M. Edélestand Duméril a publié pour le patois normand un ouvrage rempli de notions saines et de judicieux aperçus. Mais si nous nous renfermons dans le cercle annuel de nos travaux, nous aurons à mentionner .trois ouvrages différents sur le patois du nord de la France ; M. l’abbé Corblet, qui se présente avec une distinction aussi flatteuse que méritée et dont l'ouvrage est sans contredit le plus important ; M. Escalier, auteur de la savante Histoire de l'Abbaye d'Anchin, a publié des remarques sur le patois du nord de la France et y a joint un intéressant glossaire de Guillaume Le Breton, édité d'après un manuscrit de la Bibliothèque de Douai ; enfin M. l'abbé Decordes, qui consacre à l'étude de l'histoire du pays de Bray les loisirs que lui laissent ses fonctions, nous a communiqué des remarques sur le patois du pays de Bray. On voit que l'origine de notre langue est sérieusement étu- diée; nous ne saurions trop encourager ces recherches et ces publications de documents inédits. Il restera aux modestes et laborieux savants de la province le 388 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. mérite de les avoir entreprises, et le succès qui leur est réservé récompensera leurs persévérants efforts. Le département de l'Aisne n'est pas resté étranger au mouvement des provinces. La Société historique et archéologique de Soissons continue à rassembler dans un bulletin les riches documents de cette inté- ressante contrée. La Société académique de l’Aisne poursuit ses investigations et ses fouilles à Nizy-le- Comte. Un comice agricole s’est formé à St::Quentin, et dans son Bulletin qui a été offert au Congrès , nous avons surtout remarqué un travail pratique Sur le meilleur assolement ; une analyse de l’ouvrage de M. de Nesbitt de Kennington Sur le guano; une foule de documents Sur le chaulage du blé de semence et une notice très-curieuse Sur les meilleurs moyens de déve- lopper en France la culture du lin. F Le Château de Ham et ses prisonniers, tel est le titre d'une notice aussi savante qu'intéressante ; ce château devenu historique avait été l’objet de plusieurs dissertations dans les Mémoires de la Société des anti- quaires de Picardie; et nous nous rappelons une longue discussion qui eut lieu à cette époque entre MM. Lioux ét le baron de la Fons de Mélicoëq. Depuis lors, le château de Ham fut reproduit dans cette belle publi- cation des Châteaux et Beffrois de la Picardie et de l'Artois; M. Gomart Vient en dernier liéu , mais aussi est-1l plus complet que ses prédécesseurs. La liste des prisonniers retenus dans cé donjon peut fournir de curieuses ‘réflexions sur l'instabilité des grandeurs humaines ; Charles-lé:Simplé, Pothon de Xaintrailles, Jeanne-d'Arc, Louis de Tuüuxembourg, cette victime de Louis XI, ce vaillant chevalier en qui tout était NONGRÈS DES ACADÉMIES. 389 grand selon l'expression du P. Daniel; puis dans les temps modernes chaque révolution n’a-t-elle point contribué à grossir la liste des captifs ; il est inutile de rappeler ici des noms que tout le monde a sur les lèvres. M. Gomart s'occupe plus spécialement d’éco- nomie agricole, et vous avez pu apprécier avec quel talent il en parle; cé ‘travail historique n'est point inférieur ; il n’est point non plus le premier que l’on | doive au zélé président de la Société de St.-Quentin ; que M. Gomart continue donc simultanément ses études historiques et agricoles et un double succès est réservé à ses efforts. Messieurs , nous touchons au terme de l’importante mission que vous avez confiée à notre dévouement ; nous avons parcouru ce beau pays que l'on appelle la France ; des rives de l’Escaut à celles de la Durance, de la Moselle à la Gironde nous avons signalé la même activité, le même désir de faire le bien , la même aspiration vers le progrès. Pour compléter notre tâche, il faudrait analyser les résultats obtenus dans chaque branche des connaissances humaines, les conquêtes faites sur l'ignorance , les progrès de ce ‘flot civilisa- _teur qui grossit chaque année portant avec lui la fer- tilité. Il nous suffira de constater que dans presque tous nos départements il existe des Sociétés d'agricul- ture , des Comices étendant leur action bienfaisante sur tout le tetritoire, répandant des notions utiles, analysant les découvertes, résumant les expériences , propageant l'enseignement agricole et se reposant de ces pénibles travaux par la distribution de primes à de loyaux et fidèles serviteurs ; qu’il existe de nom— breuses Sociétés linnéennés , scientifiques, d'histoire 390 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. naturelle , interrogeant notre sol, sa composition , ses produits, et constatant. ses richesses ; que la littérature n'est pas morte en province : que la poésie, cette con- solatrice des jours mauvais, y compte encore de nom- breux disciples, et qu’elle porte surtout le cachet de la moralité et de l'esprit religieux dont elle est le re- flet ; que partout il y a des Sociétés historiques et ar- chéologiques étudiant les vieux chroniqueurs, les pu - bliant avec des notes et des commentaires, recueillant les souvenirs de notre beau passé, interrogeant les fouilles et assurant la conservation des richesses ar- tistiques qu’elles nous rendent, portant sur tous les points ses investigations, conservant le souvenir des hommes iliustres ou modestement utiles, et vérifiant cette chronologie si hérissée de difficultés qui forme les prolégomènes de l’histoire. Nous allons retourner vers les Sociétés qui nous ont délégué, nous leur dirons qu’on apprécie leurs re- cherches, que des membres de l'illustre Institut de France ont pris part à nos discussions et ont uni leurs efforts aux nôtres pour rendre cette session fructueuse ; que de savants représentants de l'Europe, à qui n'est étrangère aucune de nos publications , ont siégé dans celte enceinte et dirigé nos pacifiques débats ; qu’une Société parisienne nous a offert une somptueuse hos- pitalité ; qu'il n'y a plus maintenant, vous me per- mettrez de le répéter, que la rivalité de bien faire. Quant à vous, Messieurs, vous exciterez le zèle de vos collègues, vous les encouragerez à continuer leurs utiles travaux, et à redoubler de dévouement pour que la France reste grande dans le mouvement intellectuel comme elle l’est dans les nations. Et ce résultat, vous Î CONGRES DES ACADÉMIES. 391 l'obtiendrez facilement, nous en avons pour garants cette générosité et cette noblesse de sentiments quiins- pirent la province ; on ne s’arrête pas dans la voie du progrès ; que fière des résultats obtenus, elle marche d'un pas plus sûr vers l'avenir, car l'étude , le dé- vouemeñt et le travail forment la véritable base de la civilisation. ANNE D) D }))) NN , «) , SN + NT À .) IE “RÉSUMÉ DE L'ENQUÊTE SUR LES MUSÉES DE PROVINCE, Par M. KR. BORDEAUX, MESSIEURS, Mercredi dernier, 25 janvier, le-Congrès s'est formé en comité pour examiner la vingtième question du pro: gramme, ainsi Conçue : « Dresser la liste des musées d'antiquités, de pein- « ture et de sculpture qui existent dans les villes de « province. Indiquer si ces collections se trouvent dans « des locaux suffisants, si elles sont classées, s’il en « existe des livrets? » Vous avez tous compris l'utilité de cette question et l’intérêt des réponses qui lui seraient faites. Nous connaissons tous, en effet, certains musées de dépar- tement plus fameux que les autres, mais un tableau d'ensemble de ces établissements n'existe pas. Ce se- rait une statistique curieuse cependant. J'ai été chargé de résumer dans ce rapport les matériaux fournis par Ja discussion, et les renseignements apportés des di- vers points de la France par nos collègues. Il est bon CONGRÈS DES ACADÉMIES. 393 de savoir quelles villes possèdent des musées, quelles villes soutiennent ces établissements, quelles villes au contraire les laissent dépérir, et quels monuments , quels objets d’art importants sont ‘oubliés dans des collections peu connues. Puisse cette revue exciter l’émulation des villes entr’elles , glorifier l'intelli- gence de celles qui font des sacrifices pour ces col- lections locales, secouer l'indifférence de celles qui sont apathiques, et mettre en lumière les chefs- d'œùvres qui gisent ignorés dans de pauvres musées dédaignés. | | M. Danjou a Smilies a des détails sur le musée de Beauvais , donné à la ville par le département et établi dans une ancienne salle dé Cour d'assises. M. le marquis de Chennevières regrette l'abandon où parait tomber maintenant le musée d'antiquités de Caen. M. de Caumont annonce que ce musée va être augmenté par le legs que le vénérable M. Lair Jui a fait de ses collections. M. Darcel regrette que l’on n'ait pas continué l’intéressante collection de moulages, commencée par M. deCaumont, sur des monuments du moyen-âge, qui eût fait du musée d'antiquités de Caen, une collection unique en son ES et d’une grande utilité scientifique. M. Bordeaux espère que la ville de Lisieux pourra transférer, des salons de l'Hôtel-de-Ville où elle se trouve fatiguée lors des réceptions officielles, sa col- lection de tableaux. Le local de l’ancienne sous-préfec- ture ,:aile curieuse de l'Evêché supprimé, ‘bâtie en pierre et en briques dans le goût du ‘règne de Louis XIII , fournirait un emplacement très-monumental. Un dépôt d’antiquités locales deviendrait alors l’an- 394 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. nexe du musée de peinture. Ce musée a dû à l'in- fluence de M. Guizot d'excellents tableaux modernes , et il renferme de bonnes peintures provenant des éta- blissements religieux dépouillés à la révolution. Le musée de Lisieux mérite la visite des étrangers. Le musée de peinturé de Caen, établi dans une belle galerie et muni d’un livret, n'a pas besoin d’être rappelé ici. On sait-que c’est l’un des plus importants de ceux qui existent dans les départements. On trouve à Falaise un dépôt d'antiquités locales et de tableaux annexé à la Bibliothèque de la ville. Maïs après Caen, Bayeux est la ville du Caivados qui pos- sède les plus riches collections. M. le vicomte de Cussy a présenté au Congrès la note suivante sur le musée de Bayeux, note que le savant conservateur de cet établissement a rédigée en réponse de: la question qui nous occupe : « Le musée de Bayeux est une dépendance de la Bibliothèque communale de cette ville; il a été établi dans le bâtiment même de cet établissement, et sa création remonte à l'année 1842. « L'ouverture de la Bibliothèque a eu eu au mots de mai 1835. Dés cette époque, on avait songé à for- mer une collection de tableaux et d’ob;ets d'art pour développer le goût des jeunes gens et leur servir de modèles. Ç -« Des personnes généréuses ne tardèrent pas à en- couragér cetté idée. Des dons vinrent former un pre- mier noyau. MM. Despallières , ancien consal , Vic- tor Vautier, Adolphe Desclosières, Lair , conseiller de préfecture, Le Couteulx de Vertron, le comte Î CONGRÈS DÉS ACADÉMIES. 395 d'Houdetot, donnèrent : 1°. l'Education de Jupiter , par Franc-Floris d'Anvers, grand tableau sur bois ; 2, la Bataille des Amazones, sur les bords de Ther- modon, esquisse attribuée à Rubens ; 3. l’Amour et Psyché , copie de Gérard par Luthereau ; 4°. Descente de Croix, par Robert Lefêvre; né à Bajeux ; 5°. Venus tenant l'Amour dans ses bras, par le mêmé; 6. quatre tableaux de maîtres, un Porbus représentant Charles IX avec sa famille, dans uh bal masqué ; une Chasse aux Cerfs , en présence de Henri IIT et de sa famille ; un Paysage dés environs de Rome, par André Luca - telli; Portrait en pied d'un Chasseur du temps de la Régerce , attribuée à Largillière. « C’est le 26 novembre 1838 que le Conseil municipal de Bayeux, sur un brillant rapport de M. le président Pezet, vota la construction de la Galerie-Mathilde, pour placer le précieux monument connu sous le nom de Tapisserie de la Reine-Mathilde. Ce projet reçut son exécution , et la Galerie-Mathilde , placée au rez- de-chaussée de la Bibliothèque, fut inaugurée le 1°r. mai 1842. « Ce fut dans cette même année 1812, que le Conseil municipal, toujours animé des meilleurs sentiments en faveur de la jeunesse studieuse, fit l'acqui- sition. d'une collection de 77 sujets, peints dans différents genres, l’histoire, la mythologie, le por- trait, le paÿsage, le genré, la nature morte, pour offrir des modèles choisis, parmi les meilleurs maîtres. « Cette collection contient dés œuvrés de Holbein, de Valentin, de Gilles Coignet d'Anvers, de Van Tilborgh, de Van Artois , de Klomp, de Grimoux , 806 INSTITUT DES PROVINCÉS DE FRANCE. de Philippe de Champagne, de Vanden Leckont, de Sébastien Bourdon, de Santerre , de Jouvenet, de Raoux , de Josse de Momper, d'Albert Cuyp , de Luc Jordano , de Coypel , d'Abraham Bloemart, de Su- bleyras ; de Boucher, de Lagrénée aîné, de Mignard, de J.-B. Monnoyÿer, de.Louis Tocqué, de François Clouet dit Janet, de Blanchard , de Desportes, de François Sneyders , etc. « Telle est la date et l'origine du Musées Depuis ce moment, il s'est augmenté, lentement il est vrai, à cause de l'extrême modicité du crédit alloué, mais toutefois d'une manière régulière et toujours dans le même esprit d'application et d'utilité pra- tique. « Le nombre total de ces tableaux, dont le dé- pouillement est opéré, s'élève en ce moment à 155, répartis dans les différentes écoles, de la manière suivante, savoir : | « Ecole française. , 7"! be ssl sed à; « Ecoles flamande, allemande et Renée: 43 « "ROÛIS PAST TD ORNE PERRET Letnl Rai c à ca cl Gf ..& Les principales acquisitions récemment faites sont : 1°. Portrait en caricature et en pied de Michel de St.- Martin, prêtre, marquis de Miskou , personnage cé- lèbre par ses ridicules { XVII® siècle) ; c’est l'original de la gravure exécutée par Thomassin., pour la Man- darinade; 2°. Portrait de Louis XV jeune , par Amédée Vanloo ; 8. la Reine Mathillle et ses femmes , exécu- tant la broderie historique qui porte son nom, par M. Guillard, de Caen; 4°. deux toiles de Vander- CONGRÈS DES ACADÉMIES. 397 Meulen, le Passage du Rhin, en 1692 ;et le Sidge d'une ville des Pays-Bas, dirigé par Touis XIV : 5°. Jésus-Christ sur la croit entre deux larrons, par François Franck-le-Vieux ; 6°. Üne foire, qui paraît se tenir en Italie, où l'on voit une multitude d'hommes et d'animaux, par un artiste flamand. & L'établissement possède, outre les peintures, quel ques dessins originaux d'une certaine valeur. Îndé- pendamment des dessins à la mine de plomb, exécutés par Maugendre, et donnés par M. le comte d'Houdetot, qui représentent des anciens monuments du pays, le musée possède un dessin au bistre, de Moreau le jeune, exécuté en 1782, intitulé: Les vœux accomplis pour le rétablissement de la santé de Madame , comtesse d'Artois. Il faut encore citer trois superbes dessins ou études à l'énére de Chine, par Ch. Le Brun: l°. la Bataille d’Arbelles ; 2. l'Entrée d'Alexandre dans Ba-- bylone ; 3. le Sacrifice d'Iphigénie, grande composi- tion. Ces trois Sujets sont évidemment de la maïn d’un grand maître ; ils ont 1 mètre 78 centimètres sur 992 à 94 centimètres de hauteur, Ÿ Objets antiques et du moyen-âge ; — Objets d’art el de curiosité, « La Galerie-Mathilde présente une longuéur de 18 mètres 35 centimètres sur une largeur de 6 mètres, éclairée par douze ouvertures. Le meuble vitré qui renferme la tapisserie, offre un ‘double développement de manière à fournir un parcours de 74 mètres 20 cen- timètres , et est disposé de telle sorte que la broderie historique est placée à hauteur d'homme. La partie inférieure de ce meuble, en compartiments vitrés, contient une suite d'objets antiques, du moyen-âge 398 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCÉ. ou de curiosité. On remarque pour l’époqué antique , une tête de Minerve salutaire , en albâtre oriental , du plus beau style, un {orse de Vénus, en marbre blanc , et différents fragments de marbres variés pro- venant des thermes antiques de cette ville ; dés poteries diverses, des menus objets de bronze, figurines, lampes, coins et haches, étc. Pour le moyen-âge : casques en fer de différentes formes, parties diverses d'armures , haches, éperons, serrures , coffrets , christs byZautins , figurines en marbre et albâtre, vases en terre et en verre, trouvés dans des sépul- tures, etc., etc. « Armes , meubles et ustensiles divers à l'usage des Arabes, deux grands ventaux de porte d’armoire en acajou, travaillés à jour , provenant de la Casba d’Al- ger. Plusieuts panneaux sculptés à figures et armoi- ries , dans le style de la renaissance. « Une collection de coquillages variés. & Des fossiles et pétrifications de diverses na- tures. | « Collection de minéraux contenant environ 300 échantillons divers, parmi lesquels se trouvent des marbres , des cornalines, des Agathes , etc. «a Quelques oiseaux et insectes ; des reptiles prove- nant d'Afrique. « Musée lapidaire; monuments antiques.et modernes en pierre; collection de plâtres provenant de l'école des Beaux-Arts. | « La ville de Bayeux a fait établir dans la cour.de la Bibliothèque un hangar destiné à abriter les débris de monuments antiques et autres, que des fouilles où des travaux particuliers mettent à découvert. Déjà on CONGRÈS DES ACADÉMIES. 399 a recueilli des documents précieux pour l’histoire du pays ; ainsi , on possède cinq bornes ou colonnes mil- liaires avec des inscriptions relatives aux empereurs . Glaude I*T., Marc-Aurèle et Lucius-Verus, Septime- Sévère, Maximin 1°. et Maxime son fils, Constantin- le-Grand, c'est-à-dire depuis l'an 46 de l’ère chré- tienne jusqu'à l'an 313. Les autres objets sont des fragments de statues , des colonnes , des chapiteaux, des corniches, etc. « Quelques fragments provenant des édifices reli- gieux , épitaphes , etc. « Ou conserve en outre dans le vestibule de l’esca- lier de la Bibliothèque les mausolées, en pierre de Caen , de Jacques André, sieur de Ste.-Croix, et de Marie Davot, son épouse, morts, l’un en 1628, et l’autre en 1637, qui existaient autrefois dans l’église de Ryes. Ces effigies tumulaires , d’une très-belle exé- cution, sont parfaitement conservées. Le chevalier est revêtu de son armure de fer, son épée est posée du côté gauche; son casque fermé et empanaché, ainsi que ses gantelets, sont posés de chaque côté dés pieds ; Ja dame porte le corsage en pointe et les manches bouffantes attachées avec des rubans. Les armoiries de ces personnages sont sculptées en-dehors vers la tête et placées dans des cartouches d’une grande élé- gance. « Un médaillier avec vitrines , placé dans la biblio- thèque et récemment exécuté, renferme déjà quel- ques médailles grecques , romaines et gauloises, des médailles modernes françaises et étrangères ; une collection sigillographique des anciens seigneurs laï- ques et ecclésiastiques, des anciennes corporations 400 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. et juridictions , ainsi que des particuliers, formée par le Conservateur, On y remarque le sceau de Lothaire, roi d'Italie (820-855) , celui de Guillaume-le-Conquérant, celui de Robert, frère du duc Mathieu de Lorraine (1220-1251), celui de St.-Bernard, abbé de Clairvaux (1151), celui de la ville de. Worcester, au XIV® siècle, etc. | « Les vitrines renferment encore des colliers, des bra- celets, des anneaux de jambes, des boucles, des pla- ques ornées, eh bronze , des armes en fer, haches, fers de flèches, javelots, couteaux, etc., trouvés dans des sépultures antiques, de l’époque! gallo- romaine et autres. « Quelques objets modernes, les clefs symbo- liques , en argent, présentées par Ja ville de Bayeux au roi Louis XVI, lors de son voyage à Cherbourg, en 1786, et plusieurs autres petits objets, qui se rattachent à des événements ou à des circonstances locales. « Sur le médaillier de la Bibliothèque, on voit en- core une belle urne antique de marbre blanc ; donnée par M. le comte d'Houdetot, Elle contient une inscrip- tion qui indique qu’elle à renfermé les cendres de Vetilia Luchée, épouse bien méritante de Moguinius Eros. « Un groupe en terre. exécuté en 1843, par Graillon, de Dieppe, composé de quatre figures, pleines d’ex- pression , représentant le duc de Montebello, blessé mortellement à Essling, en 1809. « La Bibliothèque et le Musée de la ville sont in- stallés dans le bâtiment de l’ancien hôtel-de ville, de- CONGRES DES ACADÉMIES. 401 vant la place St.-Sauveur où du Château; c’est un emplacement parfaitement convenabie à cette desti- nation. L'édifice à reçu un développement double de ce qu’il était dans le principe, par suite de la construc- tion de la Galérie:Mathilde; pendant les années 1839, 1840 et 1811. La longueur intérieure du bâtiment est de trente mètres, sur uné largeur.de six. Le tout est en très-bon état d'entretien. « Le chiffre des livres , composant ichislénutt Ja Bibliothèque de Bayeux, est de 15,000, répartis dans toutes les branches des connaissances humaines et classés dans un ordre méthodique. Le catalogue rai- sonné de cette bibliothèque vient d’être terminé par le Conservateur. » M. le vicomte de Cussy ajoute, en déposant cette intéressante note , que si les autorités municipales se sont montrées pleines de sollicitude pour ces deux établissements, il faudrait aussi faire une large part au zèle infatigable, aux dispositions ingénieuses de M. le conservateur Ed. Lambert. Tous les numismates connaissent entre autres son grand travail sur les monnaies gauloises. M. Lambert appartient à l’Institut des provinces et est membre de plusieurs sociétés sa- vantes nationales et étrangères. M. Bordeaux signale la pauvreté du départemént de l'Eure en fait de musées, Il y a à Evreux un dépôt d'antiquités qui contient des: objets très-importants , un médaillier considérable , des statues romaines en bronze , de curieux fragments de l’église de St.-Sam-— son, antérieure au X°. siècle, des pierres tombales, des pavés émaillés , mais ce dépôt est en désordre, et 402 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. les objets qui le composent sont exposés à de fréquentes dégradations, faute de local et de soius. M. de Chennevières entretient le Congrès du musée de peinture de Rouen. Ce musée important se trouve dans un local de plus en plus restreint, à cause de l'agrandissement de la Bibliothèque qui est contiguëé. La ville de Rouen , par suite du legs de M. le baron Coquebert de Montbret, qui lui a laissé son immense bibliothèque, va être. obligée d'ajouter de nouvelles salles à celles de sa bibliothèque actuelle. Le musée sera alors forcément déplacé. M. de Chennevières émet le vœu que a ville de Rouen,. lorsqu'elle transférera son musée hors de l’Hôtel-de-Ville, lui consacre un édifice spécial. M. Darcel annonce que ce vœu sera très-probable- ment exaucé, parce qu’en effet le Conseil municipal à le projet de faire construire un édifice exprès pour la peinture et la sculpture. Il est impossible de loger les grandes statues dans les salles actuelles, à cause du peu de force des planchers. C’est ainsi que le beau tombeau de Géricault, sculpté par Etex, est déposé au bas de l'escalier de la Bibliothèque, où le jour man- que et où il est exposé à des dégradations. M. Darcel rappelle combien le musée d’antiquités de Rouen, qui appartient au département, est intéressant. Ce riche musée, déjà très-vaste, va bientôt s'étendre dans un local double de ce qu’il est aujourd’hui. Les nouvelles salles permettront de former un musée chré- tien avec les fragments originaux qui ne peuvent être remis en place en restaurant la cathédrale. Le produit des fouilles que l’on opère dans les cimetières antiques du département va remplir tout d'un coup une série de nouvelles vitrines. CONGRÈS DES ACADÉMIES. 403 M. Darcel signale aussi le noyau de musée ‘qui existe à St.-Lo, et où setrouvent plusieurs monuments curieux du moyen-âge. Au Havre, la collection de tableaux d’un particulier est exposée publiquement dans le Musée-Bibliothèque. M. Danjou donne des détails sur le musée de Com- piègne qui a été donné à la ville par un amateur. Ce musée contient une très-riche collection de vases étrus- ques , des obets de la grande Grèce , des antiquités romaines , des fragments du moyen-âge et des ta- bleaux. Bien que la question ne porte pas sur les musées d'histoire naturelle, M. Danjou note en passant, à raison de son importance, le musée géologique de Beauvais , donné par le géologue M. Graves, membre du bureau de la Société de géoiogie. À ce propos, M. de Cussy signale le riche musée géologique du Havre. ” | M. Dréolle entretient le Congrès du musée de Li- bourne, et des pertes regrettables que la poussière , l'humidité et le défaut de soin y ont causées. Le mu- sée de Libourne doit sa fondation à M. le duc De- cazes. On y trouve des tableaux de Bergeret, de Locatelli, du Bourguignon, de Berkinsen, de Lagrenée, de Manfredi, du Guïde, peut-être un Annibal Car- rache , etc. M. Darcel, en visitant le musée de Rhodez, y a remarqué des objets du moyen-âge assez précieux. M. Mahul parle du musée de Narbonne qui pré- sente un grand intérêt, et qui est disposé dans un local restauré par M. Viollet-Leduc avec l’habileté qui caractérise cet architecte. 404 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. Le musée de Carcassonne est moins important. I] est placé dans un local provisoire , loué par la Société académique , à laquelle la ville a confié l’administra- tion de sou musée. C'est là une excellente mesure dans une ville secondaire, où la Société académique renferme tous les amateurs et se trouve ainsi à même de mieux administrer que la municipalité. Le musée de Carcassonne est divisé en séries. Une série est consacrée à l’iconologie départementale, por- traits, etc.; une autre à l’histoire naturelle ; celle-ci n’a que peu d'intérêt; une troisième à la géologie locale, qui en aurait beaucoup si la collection était plus complète. Il y a un musée de tableaux, auquel le gouvernement a fait divers envois... En terminant, M. Mahul a exprimé la reconnaissance de la Société du musée pour l'envoi fait par l'Etat de la magnifique statue en marbre de la Médiation , par Diebold , qui a brillé à l’exposition de 1852. — Le musée de tableaux de Carcassonne possède un catalogue imprimé, dressé par la Société académique. M. Godard-Fauitrier entretient le Congrès des mu- sées de Saumur et d'Angers. Le musée de Saumur est particulièrement intéressant à cause de sa collection d'objets celtiques. Il comprend les produits d'une fouille très-riche en objets gallo-romains, pratiquée près de Saumur , et importante pour l’histoire de l'agriculture. Ce musée a pour directeurs MM. Cour- tillé et Joly. Quant au. musée d'Angers, il n'existe pas mainte- pant pour.les étrangers. Les objets qui en faisaient partie, sont relégués dans des greniers. Mais cet éta, de choses va cesser. La ville fait de très-grandes répa- CONGRES DES ACADÉMIES. 465 rations, et on espère que dans cinq à six mois les salles seront livrées. Le musée de peinture vient de | s'enrichir du tableau de l’Angelus, provenant de la galerie d'Orléans. Ce tableau a été acheté par M. La Revellière et donné par lui à la ville d'Angers. 1] présente un intérêt local, car 1l a pour auteur un peintre angevin estimé, M. Bodinier, qui travaille toujours. | La collection d’antiquités a pour directeur M. Go- dard-Faultrier. Les objets qui la composent se ratta- chent surtout à la localité. On y a joint des moulages comme types à introduire dans les arts, car on a jugé qu'il était utile d'appliquer l'archéologie aux créations de notre époque : ces moulages serviront donc de mo- dèles. Au reste, pensant qu’un musée d’antiquités doit avoir avant tout un caractère local, M. Godard- Faultrier a pris ses mesures pour que dans la nou- velle organisation de cette collection, les monurnents étrangers au département de Maine-et-Loire soient. classés dans une salle à part. | M. de Godefroy de Mesnil-Glaise donne des détails sur le musée de Lille. Depuis vingt-cinq ans, cette ville a reçu une bonne impulsion artistique. Les ar- chives , qui d’abord étaient négligées , ont aujourd’hui pour conservateur le savant M. Leglay, de l'Institut. Au musée, placé dans un local bien éclairé, on voit une collection admirable de dessins originaux des grands maîtres et principalement de Raphaël. C'est une collection unique,en Europe. M. le duc de Luynes fait en ce moment publier la plupart de ces dessins, donnés par M. Wicar, amateur qui collecta dans un temps où ces trésors étaient faciles à acquérir. La pho- 406 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. tographie popularise de son: côté les richesses du musée Wicar. M. le marquis de Chennevières fait remarquer au Congrès combien l'exemple de ce que l’on a fait à Lille est bon à suivre et quelle excellente chose c’est que de faire publier les tableaux précieux qui, sans cela, restent inconnus en province. Des renseignements sur les autres musées du nord de la France sont donnés par M. le comte d'Héricourt. À Arras, il y a peu de tableaux , mais la galerie mérite. une visite. OQn-trouve aussi dans cette ville un commencement de musée archélogique qui n'est pas en ordre : on y à déposé une mosaïque du XII®. siècle et plusieurs tombeaux. Saint-Omer présente un musée archéologique dirigé par la Société des antiquaires de la Morinie. Boulogne ouvre chaque année une exposition de peinture, et possède, en fait d'histoire naturelle ,; un des plus ri- ches musées du nord de la France, comme l’a constaté notre collègue M. de Quatrefages. A Béthune et à St.- Pol, on trouve les éléments de collections non clas- sées. Un musée de peinture et d’antiquités , assez ordinaire , existe à Calais. M. de Keridec nous a empêché de passer sous si- lence le musée de Nantes qui, au reste, est bien connu. Il existe pour cette riche collection un catalogue fait avec boune volonté. M. Darcel signale aussi le musée de Reine un autre membre celui de Nancy. Quant à l’existence des livrets, M. de Chennevières cite comme modèle l'excellent catalogue du musée de Valenciennes. Il y aussi de bons livrets à Lille et à CONGRES DES ACADÉMIES. 407 Lyon. Le riche musée d'Avignon possède aussi un catalogue imprimé. Il est regrettable qu'aucun guide n'existe encore pour le précieux musée de Rennes. M. le baron de Stassart se plaint de l'extrême fai- blesse du livret du musée de peinture de Rouen. M. le marquis de Chennevières répond qu’effectivement il est très-mauvais. Le premier catalogue de Rouen, qui avait été rédigé par Descamps, l’auteur de la Vie des peintres flamands, était au contraire fort bon. Mais si on l’a remplacé par le mauvais livret actuel, on s'occupe actuellement d’en faire ur autre, sur le plan étudié dans les sessions précédentes du Congrès. M. Darcel dit que le catalogue du musée d’antiquités de Rouen, rédigé par l'ancien conservateur de cette riche collection, M. Deville, correspondant de l’Aca- démie des incriptions, est depuis long-temps épuisé. Comme il est d’ailleurs devenu incomplet, par suite de l’accroissement des collections, M. Pottier, conser- vateur actuel, en prépare un autre qui sera illustré de quelques planches. M. je vicomte Théodose du Moncel donne des ren- seignements sur le musée de Cherbourg. On a rapporté dans la bibliothèque neuve que l’on construit, la grande cheminée de l’abbaye de Cherbourg , monument très-curieusement sculpté. Le musée est public, bien disposé. mais trop petit. Il doit être mentionné comme un bon musée: il est formé de la collection de M, Henry, ancien employé des musées royaux. Malheu- reusement Cherbourg, ville excessivement préoccupée d'intérêts maritimes, ne comprend pas les choses d'art. M. Calemard de la Fayette renseigne à son tour sur le musée du Puy, qui dépend de la Société académique. 18 408 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. Ce musée a de l'avenir, car il est placé dans des lo- caux vastes et convenables. Il y a une salle pour la peinture , une autre pour les antiquités, une autre pour l’histoire naturelle. On provoque les dons pour enrichir ces collections. Il y a un livret, mais il fau- drait le refondre : les attributions sont hasardées. M. de la Fayette annonce au reste que la liste des musées de province que provoque M. Bordeaux a préoccupé d’autres personnes. Une nomenclature de ce genre, due peut-être au programme du Congrès, est publiée dans la Gazette des Beaux-Arts , nouveau journal dont le premier numéro vient de paraître (1). (4) Nous croyons devoir compléter l'enquête ouverte-dans le sein du Congrès pour la nomenclature fournie par la Gazette des Beaux-Arts, Ce recueil énumère soixante-trois villes qui possèdent des musées de peinture, réparties dans quarante- neuf départements. Nous citerons ceux des villes suivantes : St.-Quentin. Dôle. Bagnères. * Moulins. Lons-le-Saulnier. Perpignan. Troyes. Le Puy. Strasbourg. Aïx. Nantes. Lyon. Arles, Orléans. Autun. Marseille. Cahors. Le Mans. Saintes. Mende. Eu. Dijon. Angers. Abbeville. Périgueux. Verdun. Amiens. Besançon. Bar-le-Duc. Alby. Nimes. Nancy. Draguignan. Toulouse. Douai. Grasse, Bordeaux. Dunkerque. Toulon. Montpellier. Lille. Poitiers. Tours. Compiègne. Limoges. Grenoble. Boulogne. Epinal. Vienne. Clermont. Auxerre.[ CONGRES DES ACADSMIES. 409 M. Isidore Lebrun craint qu’il n’y ait du danger à révéler ainsi les richesses des musées départementaux, et que l’on ne rapporte à Paris les tableaux précieux qui existent en province. ; M. de Chennevières n’y voit pas de danger parce que la propriété des villes est certaine. Selon M. Ramé , le musée de Rennes a une répu- tation détestable auprès des artistes. Les tableaux les plus précieux y pourrissent. Un chef-d'œuvre que l'on avait renvoyé à une église d’où il provenait, y a été brülé par la maladresse d’un sacristain. Cet état de chose va heureusement cesser. On dépense un million à faire construire un bâtiment pour les facultés et le musée. On y classera une collection inconnue jusqu'ici, celle du président de Robien, collection très-riche, formée il y a un siècle, et entassée depuis lors dans le beffroi de l'Hôtel-de- Ville. Le président de Robien avait fait pratiquer des fouilles dans la Bretagne pour enrichir son cabinet. Cette collection renferme notamment une remarquable statuette en or, une série de médailles grecques pré- sentant des types qui manquent à Paris, dans les grandes collections du gouvernement ; une autre série mérovingienne. M. Ramé a pénétré dans le grenier où sont entassées ces richesses: toute la collection est empilée dans des sacs. Des aureus d'Alexandre et de Hs gisaient dans les fentes du plancher... Après cette comiasistiqit de M. Ramé, M. le ba- ron de Stassart ajoute quelques mots sur les fêtes dont il fut témoin à Avignon , et qui étaient célébrées en l'honneur des célèbres peintres de la famille Vernet. 410 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. Le musée Calvet, que possède la ville d'Avignon, mérite bien aussi une mention. | M. de Caumont dit aussi quelques mots du musée de Montpellier. | Tels sont, Messieurs, les principaux faits qui nous ont êté révélés par l'enquête faite au sein du Congrès, et évidemment la discussion soulevée par cette ving- tième question n’a pas été moins fructueuse que l’exa- men des autres parties du programme. ASSISES SCIENTIFIQUES EN 1853. On à vu dès l’année dernière combien les Assises scientifiques proposées par M. de Caumont avaient produit de résultats heureux en 1852. L'année 1853 a été bien plus féconde encore : on en jugera par les notes très-abrégées qui vont suivre : ASSISES SCIENTIFIQUES TENUES A AMIENS, Le 25 et le 26 Avril 1853. SÉANCE DU 95 AVRIL. _’ (Présidence de M. le comte p8 VieNERAL.) Sont présents : MM. Anselin, secrétaire perpétuel de l'Académie d'Amiens ; Barbier, directeur de l'Ecole de médecine ; Buteux, de Fransart, membre de la So- ciété géologique de France ; Cherest, ancien principal du collège d’Abbeville ; Dauphin, président de l’Aca- démie d'Amiens ; comte de Betz, président de la So- ciété des amis des arts ; Descharmes, professeur au Lycée ; comte d'Heéricourt, membre de l'Académie d'Arras; de Marsilly, ingénieur des mines à Amiens; de Morgan , président du comice agricole de Renne- ville, agronome: Forceville , statuaire, membre de l’Académie; Garnier, secrétaire perpétuel de la Société des antiquaires de Picardie ; Guérard, conseiller à la 412 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. Cour impériale ; Janvier, secrétaire annuel de la So- cièté des antiquaires de Picardie; Jourdain (Ed.), cha- noine de la cathédrale d'Amiens ; Laurent, vice-pré- sident du comice agricole; Pauquy, professeur de botanique, docteur en médecine ; Rigollot, président de la Société des antiquaires de Picardie ; Vion , chef d'institution , ancien professeur au lycée. M. le comte de Vigneral rappelle en quelles circon- stances l’Institut des provinces a été fondé, et le but que se sont surtout proposé les hommes qui ont conçu cette pensée. Frappés de cette vérité que les compa- gnies savantes n’ont que des moyens insuffisants de communication , que leurs efforts isolés n’atteignent point toujours les résultats que l'on serait en droit d'attendre d’intelligences élevées et de travaux persé- vérants, les fondateurs de l'Institut ont voulu rendre les relations plus actives, augmenter par là les moyens de publications qui font souvent défaut à la province, et mettre en relief ceux de ses travaux qui méritent d’être mieux connus et plus dignement appréciés. En convoquant à des congrès annuels les délégués des Sociètés savantes de la province , ils ont voulu que chacun apportant sa part de lumière et d'expérience, leurs besoins fussent mieux étudiés, une direction meilleure et plus uniforme donnée à leurs travaux. Cette pensée a été comprise , plus de quatre-vingt so— ciétés ont envoyé des représentants aux derniers con- grès, et cette réunion, en dissipant la erainte que l'Institut n’attirât tout à lui, pour devenir un centre qui s'isolerait bientôt, a convaincu les délégués que le dévouement aux intérêts de la province était le seul mobile de l'Institut, et qu’une communauté d'action ASSISES SCIENTIFIQUES DE PICARDIE. 413 devait être le résultat du concours général qu'il avait demandé , et le seul but qu'il poursuivit. M. le comte de Vigneral termine en remerciant l’as- semblée du concours qu’elle veut bien prêter à l'Ins- titut ; il prie M. Garnier de vouloir bien se charger des fonctions de secrétaire, et donne lecture du pro- gramme des questions transmises par M. le Directeur et qui doivent être résolues dans cette première session : PREMIÈRE Quesrion. — « La classification adoptée « par les géologues s’applique-t-elle parfaitement aux « formations du département? » II. — « En quoi consistent ces formations ? » IIT. — « Ne pensez-vous pas, relativement à ces « terrains, qu'il y ait quelques modifications à appor- « ter à la classification admise, et quelles sont, à cet « égard, vos observations? » M. Buteux a la parole : ‘le, La classification adoptée par les géologues s'ap- plique parfaitement, dit-il, aux formations du dépar- tement; 2°. Ces formations sont, en commençant par les inférieures, le terrain jurassique et le terrain crétacé inférieur rencontrés dans les sondages pour les re- cherches de la houille. Malheureusement les résultats de ces sondages, faits à la fin du siècle dernier, ont reçu des dénominations qu'il a été impossible de rapporter aux dénominations nouvelles. Le terrain crétacé ou craie blanche se trouve par- tout ; la craie est parfois grise, souvent marneuse, d’autres fois jaunâtre, noduleuse, un peu siliceuse. Elle est déposée en surfaces de directions et d’épais- seurs fort inégales. 4]4 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCK. Vient ensuite la partie inférieure du terrain éocène et un lambeau appartenant à la partie supérieure mio- cène. Ces terrains tertiaires ne se trouvent que par lambeaux sur quelques points seulement du départe- ment. On pourrait y joindre les terrains crétacés d’eau douce observés à Arrets, peu étudiés encore, et dont | les fossiles sont indéterminés. Le limon roux argilo-sableux ressemblant au loes et le terrain détritique plus ou moins caïllouteux ap- partenant tous deux au terrain diluvien ou quater- naire, sont très-abondants et sont suivis du terrain moderne consistant en tourbes, en concrétions cal- caires, en alluvions marines et fluviatiles et en dé- pôts de galets éboulés. C'est dans les couches diluviennes des environs d’'Ab- beville , si riches en débris fossiles, que M. Boucher de Perthes prétend avoir découvert des haches en silex et d’autres silex de formes diverses qu'il regarde comme le produit de l'industrie humaine; 3. Il n’y a aucune modification à apporter aux clas- sifications admises relativement à ces terrains. IV. — « Les terrains du département contiennent- « ils beaucoup de débris organiques ? — Les a-t-on « recueillis avec soin ? — Ces débris appartiennent-ils « à des espèces connues et bien déterminées? » M. Buteux répond encore à cette question : les débris organiques sont peu nombreux; ils ont été recueillis avec assez de soin et appartiennent à des espèces con- nues et déterminées. Les collections du musée d'histoire naturelle d'Amiens, celle d'Abbeville, et la collection particulière de M. Baillon en contiennent un assez grand nombre; plu- ASSISES SCIENTIFIQUES DE PICARDIE. 415 sieurs ont été déposées au muséum d'histoire naturelle de Paris. J'ai, ajoute M. Buteux, dans une Esquisse géologique sur le département de la Somme, publiée en 1843 dans les Mémoires de l'Académie d'Amiens, et dont une seconde édition a paru en 1849 (Paris, Bertrand, 1 vol. in-8. |, donné à la suite de la description de cha- que terrain une liste des fossiles qui y ont été rencon- trés. Une espèce d’ostrea , quelques hélices, sept ou huit espèces du calcaire d’Arrets, et plusieurs poly- piers cependant n’ont pas encore été déterminés d’une manière exacte. V.— « Dans quelles proportions numériques les « espèces nouvelles ou non décrites sont-elles dans « les différents terrains ? — À quels genres appar- « tiennent-elles ? » La réponse à cette question, dit M. Buteux, est com- prise dans celle de la précédente. Une ostrea des terrains crétacés et quelques poly- piers ; des débris de palmiers de terrains tertiaires, sept ou huit espèces d’hélice des calcaires d'eau douce sont à étudier. M. Buteux invite à se reporter à son travail cité plus haut, ceux qui désireraient la nomenclature exacte et de plus amples détails sur ceite question. VI. — « Combien y a-t-il d'espèces principales de « terrain meuble dans le pays? » { Circonscrire par sous-régions et appliquer la question à des circon- scriptions peu étendues.) M. Buteux répond que le limon roux caractérise sur- tout les plaines du Santerre et du Vimeux, qu'il existe moins généralement dans celles du Ponthieu , puis qu'il se montre çà et là dans le reste du départe- 416 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. ment, sur undes côtes, le côté sud, de quelques vallées. Le terrain plus ou moins argilo-sableux occupe la plus grande partie du département, avec le limon roux. Viennent ensuite les terres crayeuses des cô- teaux , les terres légères et noirâtres qui s'étendent à leur base dans quelques vallées , les sables argileux du Marquenterre , les prés tourbeux des principales vallées, les dunes de St.-Quentin et Tourmont, où croissent de l'herbe dans les parties basses, ailleurs quelques conifères qui ont été semés ou plantés et l'arundo arenaria sur le haut. M. Buteux fait remarquer ce fait que dans les vallées où se rencontre le limon, il occupe toujours le côté sud, tandis que l'autre côté est formé de craie plus ou moins délitée. VII. — « Quelles sont les quahtés relatives à ces « terrains relativement aux productions agricoles ? » M. Buteux répond que le limon roux est surtout pro- pre à la production du froment. Que les terres légères sabloneuses sont hâtives et se trouvent bien des semailles faites de bonne heure. Que les terres crayeuses se cultivent passablement en mars, moins bien en automne , et exigent des se- mailles faites en saison. VIII. — « L'analyse en a-t-elle été faite et quelle « est leur composition? » M. Buteux ne croit pas que l'analyse des terres du département ait été faite. M. de Morgan ajoute que M. Thuilliez , , professeur du cours d'agriculture , a fait quelques essais, mais que ces analyses sont incomplètes encore. M. Laurent ne pense pas que des analyses minu- ASSISES SCIENTIFIQUES DE PICARDIE. 417 tieuses des terres soient d’une importance très-grande pour l’agriculture ; qu'il suffit de savoir distinguer les terres argileuses , crayeuses , et apprécier approxima- tivement les éléments principaux qui entrent dans leur composition. | | IX.—<« Quels sont les amendements qui paraissent « le mieux leur convenir? » M. de Marsilly signale l'utilité de la cendre de tourbe dont on distingue deux qualités. La deuxième contient du calcaire, de l'argile, de la potasse et de la soude provenant des végétaux dont la soude est formée ; la première contient les sels de potasse et de soude en plus grande abondance, beaucoup moins de calcaire et d'argile, 8 4, seulement , tandis que, dans la deu- xième qualité, la quantité va quelquefois jusqu’à 50 op. La cendre provenant des particuliers, des foyers, des poêles , est de beaucoup préférable à celle qui pro- vient des tourbes brûlées sur place. L'action du feu a été, en effet, plus puissañte , et le calcaire a êté tout- a-fait transformé en chaux. M. Laurent ne regarde pas la cendre comme d’un puissant effet; il a fait des expériences comparatives desquelles il est résulté que sur une pièce de terre dont une partie avait été cendrée et l’autre ne l'avait point êté , il était impossible de voir aucune différence. M. de Renneville est loin de partager cet avis. Îl eût été bon, dans des expériences de cetie nature, de s'assurer de la qualité de lacendre, dont la composition est si différente, comme vient de le dire M. de Mar- silly. Les circonstances dans lesquelles le cendrage a lieu sont aussi d'une grande importance. Ainsi par les temps secs elle est sans effet. Cela se comprend du 418 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. reste, puisque la cendre s'envole et ne demeure point sur la terre. Dans les temps humides, au contraire, son action est puissante, et l'effet utile est tellement reconnu que l’on vient chercher les cendres de la vallée de la Somme d'une distance de plus de 15 lieues. M. Buteux ajoute que la craie, généralement un peu marneuse , car il n'y a pas de marne dans le départe- ment, est un excellent amendement pour le limon roux , les terres tourbeuses et même les terres légères ou sableuses, mais que les cultivateurs n’en tiennent point assez compile, et négligent trop souvent ce moyez facile de fertiliser leurs terres. X.— « Quelle est la nature du sous-sol, et à quelle « série de couches doit-on le rapporter d’après les « données de la géologie? » M. Buteux répond que le sous-sol est à peu près le même que le sol cultivé, dans le Vimeux et le Ponthieu. Cependant il est formé assez souvent de limon plus ar- gileux et un peu ferrugineux appelé bief dans le pays, et n'ayant guère que de 30 à 40e. d'épaisseur dans le Santerre. Dans les lieux où les terres sont sableuses et caillouteuses, le sous-sol est parfois crayeux, ce qui nuit beaucoup à la fertilité du sol qui manque alors d'humidité. M. le président demande si la carte agronomique du pays a été faite, ou si les travaux sont en voie d’exé- cution. M. de Renneville répond que ce travail n’est pas même commencé, que le comice a déjà émis un vœu à cet égard, et que les circulaires du ministre sont restées sans effet, qu’il ne serait peut-être point sans intérêt qu'un vœu fùt émis pard’assemblée, en conformité de celui du comice. ASSISES SCIENTIFIQUES DE PICARDIE. 419 M. d'Héricourt fait connaître que la carte géologique du Pas-de-Calais est achevée ; que ce travail, executé par M. Du Souilt, l’a été avec un soin et une exacti- tude des plus minutieuses, mais qu'il ne saurait dire si l’agriculture en a tiré quelque profit. M. Buteux croit que les cartes agronomiques n'auront point les résultats qui sont promis et que l’on s’exagère de beaucoup leur importance au point de vue de la connaissance du sous-sol et des applications à l’agri- culture, que les cartes ne sont et ne sauraient jamais être faites sur une échelle assez grande pour instruire de la nature du sous-sol de chaque exploitation. XI.— « Quels sont les nouveaux faits constatés re- « lativement à la distribution géographique des plantes « dans le pays? » Suivant M. Barbier, la géographie botanique des plantes n'offre aucun fait bien saillant. On doit remar- quer cependant que le Chrysanthemum segetum, s: abondant dans le Vimeux, ne s’avance jamais au-delà d'Oisemont, que le Marquenterre offre une végétation d’une nature différente, mais que tout le reste du dé- partement est d’une uniformité parfaite. Un membre demande si la vigne est encore cultivée dans le pays. Il est répondu que l'on rencontre encore quelques vignes auprès de Montdidier, et qu’elles fournissent un vin de qualité fort médiocre, qui se boit sur place. XII. — « Quelle influence paraît exercer la nature « géologique du sol sur la végétation en général et sur « le développement de certains végétaux en particu- « lier? » | Dans les sables tertiaires, dit M. Buteux, on voit 420 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. croître des bruyères et le chêne sessile qui domine parfois ; ailleurs ces plantes manquent. Dans les argiles tertiaires on trouve les plantes des marais, bien que ces argiles soient situées sur des hauteurs. Dans les prés de la partie orientale du département, on trouve le colchique qui y est souvent très-abondant et nuit aux prairies, tandis qu’il est fort rare dans le reste du département. SÉANCE DU 26 AVRIL. La parole est donnée à M. Pauquy pour quelques observations tendant à éclaircir la 119. question, re- lative à la distribution géographique des plantes du département. L'Europe, dit-il, sous le point de vue de la géogra- phie botanique , se partage en trois zones principales : une zone méridionale, une zone septentrionale et une zone moyenne ou tempérée, laquelle se subdivise en chaude et en froide. La végétation des environs de Paris peut donner une idée générale de la zone tem- pérée froide. En partant de la zone tempérée chaude, on voit les labiées et les caryophyllées se montrer un peu en moins, tandis que les crucifères et les ombel- lifères croissent en nombre. Quant aux familles qui sont les mêmes que celles des parties méridionales, elles sont représentées par d’autres. Aïnsi les coni- fères, par le pin commun, les sapins, les mélèzes ; ‘pour les amentacées , par le chêne, le coudrier, le hêtre , le bouleau, l’aulne, les saules. L'aspect général du département , bien qu'irrégulier, varie bien moins que celui des environs de Paris, Toutefois , il présente ASSISES SCIENTIFIQUES DE PICARDIE. 49] plusieurs plaines assez vastes, quelques masses de bois dont deux mériteraient le nom de forêt, celles de Crecy et de Lucheux. On ÿ remarque aussi quelques monticules, mais trop peu élevés pour nous donner les plantes sous-alpines, et des vallées , dont les prin- cipales sont, outre celles de la Haute et de la Basse- Somme, celles de la Noye, de l'Avre, de la Neuge, de l’Authie et du Liger. Une température très-variable, un sol très-uniforme nous prive entièrement des plan- tes appartenant aux localités de Fontainebleau, de Compiègne, de Senlis et du bois de Boulogne. Cepen- dant une bande de ce terrain semblerait se montrer au-delà de Montdidier , aussi est-il fâcheux que cette partie qui pourrait enrichir la Flore soit la moins con- nue du département. Nos marais, en général tour- beux , quelqu'étendus qu'ils soient, ne ressemblent en rien à ceux de St.-Léger, de Marcoussis , près Paris. Ainsi, les recherches pour y trouver les mêmes espèces ont-elles toujours été infructueuses. Péronne offrirait peut-être dans ses environs quelque chose d'analogue , mais cette partie n'a pas été mieux ex- plorée que l’arrondissement de Montdidier. Aussi la Flore du département, moins riche que celle de Paris, se montrerait-elle plus pauvre encore, si le voisinage de la mer ne venait. par ses sables, ses dunes, augmenter le nombre des espèces. La Flore de Paris compte 1,351 espèces, celle de la Somme 1,094 parmi lesquelles 106 espèces maritimes. Les plantes de quelques familles diminuent en nom- bre quand on s’avance de la zone tempérée chaude vers la zone tempérée froide, nous avons remarqué que la nature du sol influe sur la végétation plus que 4922 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. la température; ainsi on trouve dans la Somme : Caryophyllées, 40 dans la Seine, 20 en plus Crucifères , 52 29 Ombellifères, 52 20 Labiées , 46 20 Amentacées, 24 5 Si nous répétons nos recherches sur les diverses sta- tions ou localités assez différentes par leur nature , pour être habitées par des espèces qui leur soient pro- pres, nous trouvons les espèces ainsi réparties : Lieux avoisinant la mer, 60 Aquatiques , 64 Marais, 171 Prairies , 90 Terrains sablonneux, 10 Terres et champs cultivés, 143 Lieux incultes , 81 Décombres , murs, 34 Bois, 250 Haies, buissons, | | 18 Nous ne mentionnons point ici les plantes de grande culture , ni celles qui sont naturalisées dans nos jardins. | On voit que les plantes qui croissent dans les bois se montrent en plus grand nombre, puis celles des marais et des champs. Nous regretions de ne pouvoir vous dire si les espèces végétales se montrent en nom- bre proportionnel aux surfaces qu'occupent ces di- verses localités. Dans l'impossibilité de parler des variétés qu'offre la Flore du département, je terminerai , dit M. Pauquy, par l'énoncé des noms de quelques-unes des plantes ASSISES SCIENTIFIQUES DE PICARDIE. 493 les plus remarquables; ce sont: Helleborus viridis, AÂne- mone sylvestris , Isatis tinctoria, Crambe maritima, Cakile maritima , Cochlearia danica, Pisum marihi- mum, un pommier unisexuel très-remarquable, chez M. Alix à St.-Valery, Glaux maritima, Athamanta liba- notis, Cicuta virosa, Cineraria palustris : Aster tripolium, Cirsium hybridum, Prœnanthes hieracifolia, Pyrola rotundifolia, P. minor, Vaccinium vitis-idæa, Gentiana cruciata, Convolvulus soldanella, Hippophae rhamnoïdes, Cephalanthera ensifolia, Ophris nidus-avis, Scilla bifolia, Mayenthemum bifolium, Allium ursinum, Fritillaria meleagris, Phalaris arenaria, Carex trinervis, C. digi- tata, C. depauperata, Glyceria ambigua, qui tient le milieu entre les Glyceria maritima et distans. M. Pauquy présente ensuite une carte botanique manuscrite du département, qu'il se proposait de joindre à la Flore du département qu'il a publiée, ce qu'il a été empêché de faire par le prix auquel il aurait fallu porter un ouvrage qu’il voulait rendre classique. L'assemblée regrette que ce travail, qui lui paraît plein d'intérêt, n’ait point reçu de publication. XIII. — « A-t-on fait des observations météorolo- « giques suivies ? quels résultats a-t-on obtenus ? » M. Descharmes demande la parole sur cette question. Dans un exposé aussi clair que méthodique et précis , il indique l’objet de cette science, son étendue, son domaine, son but spécial; fait voir ce qu’on entend par détermination du climat d'un pays, les éléments qui constituent le climat, son influence sur les végétaux et les animaux ; les moyens que la science emploie pour arriver à son but; les heures et modes d’obser- vation des instruments , les calculs à faire pour obtenir 494 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. les moyennes, les extrêmes, les soins à prendre dans les observations , les corrections à faire subir aux ré- sultats pour les rendre comparables entr'eux, ét la possibilité d’une représentation graphique des résultats. Il indique ensuite les rapports entre la météorologie, la botanique , l’agriculture, l'hygiène, les travaux publics et industrie ; partant l’avenir de la météoro- logie , avec un réseau complet d'observations , et des télégraphes électriques pour les transmettre simulta- nément. Ce qu'il y a à faire maintenant, dit-il, c’est d'enregistrer les faits qui constituent la base de l'édifice à élever. Passant aux faits, M. Descharmes ajoute que des observations suivies ont été faites à Abbeville, depuis 1840 , par M. Callary, qui les continue toujours avec le même zèle. Ces observations portent sur la tempé- rature, la pression barométrique, les vents, la quantité de pluie tombée et l'état de l'atmosphère : elles forment aujourd'hui 40 volumes. Les instruments dont il se sert sont le baromètre à cuvette mobile de Bunten , un thermométographe de Bunten, un thermomètre centigrade à mercure du même, un thermomètre à minima et à maxima de Le. rebours (système Rutterford), un pluviomètre et les girouettes très-sensibles des églises de St.-Gilles et de St.-Vulfran. Les observations du baromètre datent du 1°. janvier 1841 ; elles présentent une série de 8 années, et en déduisant les interruptions de 1841, 1842, 1843, 1844, observations régulières faites 4 fois par jour aux heures suivantes : 9 heures du matin, midi, 3h. et 9 heures du soir, Du 17, mars 1848 jusqu’à ce jour, les observations ASSISES SCIENTIFIQUES DE PICARDIE. 425 n’ont lieu que 2 fois, à 9 heures du matin et 9 heures du soir. Les observations thermométriques comprennent les températures extrêmes du 1° janvier 1833 à 1840. De 1840 à 1853 les observations sont faites aux mêmes heures que pour le baromètre, et de plus les obser- vations sur le maxima et le minima. La quantité d'eau tombée du ciel a été notée de 1841 à 1844 et de 1849 à 1853. On a 7 années com- plètes. Les observations sur les vents et l'état de l’atmos- phère datent de 1833 et se continuent. En résumé , les observations du baromètre et du pluviomètre comprennent 8 années, celles du ther- momètre 12, celles de l’état du ciel et des verts 20 années. Une partie de ces observations ont été consignées dans les Mémoires de la Société d’émulation d'Ab- beville : lo, Par M Brion, en 1841-43. On y trouve les résultats des observations sur l’état du ciel, de 1833 à 1842: sur le thermomètre, en 1840 et 1841 ; sur le baromètre, en 1841 et pour 4 mois de 1842. Ces ob- servations ont été faites 4 fois par jour; 2°. Par M. Descharmes. Les observations consignées dans le volume de 1840, 50, 51, portent exclusive- ment sur l’année 1850. En- dehors de ces faïis, ajoute M. Descharmes , les registres de M. Callary renfer- ment un grand nombre d'indications inutiles, mais fort curieuses. | M. Descharmes termine par quelques développements sur le halos et sur Le bolide du 5 juin. 496 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. M. Garnier ajoute que des observations ont été faites à Amiens pendant 5 années environ , de 1847 à 1852, par M. l'abbé Delmas, professeur de physique au grand séminaire. Elles comprenaient l'observation du . baromètre, du thermomètre, de l'hygromètre et du ciel. Mais M. Delmas supprime dans la dernière année celles de l’hygromètre, comme tout-à-fait inutiles et sans résultat. | Tous ces faits ont été consignés avec beaucoup de régularité et calculés par M. Delmas ; il regrette qu'ils v’aient point reçu de publicité et qu’ils n'aient point été confiés à un dépôt public, où ils eussent été pour la science et l’histoire du pays , des documents du plus haut intérêt. XIV.— « La statistique monumentale du départe- « ment est-elle faite ? Quels sont les travaux déjà ter- « minés sur ce sujet? » M. Garnier a la parole pour répondre à cette ques- tion, en ce qui concerne le département de la Somme. La statistique monumentale n’est point faite, mais de nombreux matériaux peuvent servir à ce travail. Dès le siècle dernier , il avait été entrepris en par- tie du moins, et Sylvestre et Tavernier publiaïent les villes, les châteaux, églises et autres monuments de la Picardie , et formaient une collection fort recherchée aujourd’hui de dessins d’un mérite réel et qui sont les seuls documents qui nous restent pour certains édifices. L'abbé Danse essayait ce travail dans un Voyage ar- chéologique. Dom Caffia et dom Pardessus, dans l’Avis sur la province de Picardie, l’annonçaient, et dom Grenier , dans l'Avis aux naturalistes el aux antiquaires, qu’il publiait en ]767, sollicitait leur concours dans ASSISES SCIENTIFIQUES DE PICARDIE. 427 le même but. Lavallée et Brion , en 1792, en donnaient une faible idée dans leur Voyage dans le département de la Somme. Rivoire, en 1806, publiait une Séatistique du département , mais son ouvrage n’était guère qu’un annuaire administratif auquel il avait joint quelques notices sur plusieurs monuments et sur divers faits historiques. Binet, en 1826, suit la marche de Ri- voire , et M. Van, en 1837, dans un travail beaucoup meilleur, donne la liste des monuments , telle, à peu près, qu'elle avait été arrêtée dans un classement ad- ministratif. M. Dusevel effleurait ce sujet dans ses Lettres sur le département de la Somme, qu’il publia en 1827; il le développa quelque peu dans sa description qu'il fit paraitre en 1836, en collaboration avec M. Scribe ; mais ces ouvrages sont loin de mériter le titre de sta- tistique monumentale. L'ouvrage de M. Lombart, resté inachevé par suite de la mort de l’auteur, renferme de bonnes descriptions, mais l'auteur était entré dans une mauvaise voie, et je doute qu'il eût pu poursuivre son œuvre. M. d’Allonville, préfet du département, avait voulu réaliser ce vœu émis depuis fort long-temps ; il avait invité l’Académie à se charger de la statistique et avait lui-même fait exécuter par un dessinateur habile , par Joron , les vues de plusieurs de nos monuments, On peut en voir un spécimen dans l'une des salles de l’'Hôtel-de-Ville. Quant aux dessins qu'avait payés le département, ils enrichissent aujourd’hui des collec- tions particulières. N'oublions pas deux rapports l’un de M. Dusevel , 428 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. l'autre publié par nous, en réponse à une circulaire de M. le Ministre qui désirait connaître les monu- ments auxquels des secours pouvaient être accordés , et dont la conservation intéressait l’histoire et les arts. | Enfin parut en 1835, et fut terminé il y a quelques années seulement , le magnifique recueil de M. Taylor, connu sous le nom de Voyage pilloresque en Picardie. La plupart de nos monuments y sont reproduits par des dessins généralement assez exacts, mais qui lais- sent encore beaucoup à désirer. Ils ont malheureuse- ment été reproduits, pour la plupart, par des artistes qui ne connaissent point les lieux et qui n’ont pas toujours compris les dessins qui leur avaient été en- voyés. Quoi qu'il en soit, peu de départements peut-être ont été aussi étudiés , et les monographies sont nom- breuses et pleines d'intérêt. Citons, en suivant l’ordre historique , les travaux de Dom Grenier et de Grégoire d'Isignr, sur les Voies romaines, travail repris par la Société des antiquai- res, et qui paraîtra prochainement ; les Recherches de M. Boucher père sur les routes du Nord aboutissant aux villes romaines, et celles de MM. Rigollot, de Cayrol et Mangon de la Lande, sur l’ancienne Samarobriva ; le beau travail de M. d’Allonville sur les Camps romains du département, et les Recherches de M. Fraullé sur le même sujet ; enfin les Cryptes explorées par M. Bouthors , en 1829. En 1831, M. Eug. Dusevel a étudié l'arrondissement de Doullens; en 1833 M. Estancelin , et en 1836 M. de Belleval , faisaient connaître celui d'Abbeville, que ASSISES SCIENTIFIQUES DE PICARDIE. 499 M. Dusevel étudiait ensuite plus complètement. En 1839, M. Bresseux explorait les environs de Poix et M. Em. Voillez, en 1843, faisait couronner par la Société un mémoire dans lequel il caractérisait les différentes modifications que l'architecture religieuse avait subies en Picardie. Il y aurait injustice à ne point indiquer la part que l'Académie d'Amiens prenait à ces travaux. car elle avait conçu ce projet et rédigé un programme très-remarquable en 1832, mis au concours quelques questions dont la solution l’aidait dans son œuvre, et provoqué plusieurs mémoires qui seront de bons documents à consulter , pour celui qui voudra entre- prendre la statistique encore à faire de notre dépar- tement. J'oubliais de dire que le comité des monuments, établi près le ministère de l'instruction publique, avait tenté de faire une statistique, qu'il a fait exécuter les des- sins de l'arrondissement de Montdidier, et que les planches inédites ne sont connues que de quelques rares privilégiés qui ont pu se les procurer, et n’en admirent point l'exactitude. C'est probablement le mo- tif qui a empêché de faire ce que l’on à fait pour le travail de M. de Beuzelin, concernant l’arrondisse- ment de Toul. XV. — « Quelles sont les déductions résultant des « études déjà faites, soit sous le rapport des établis- « sements romains qui ont existé, soit sous le rap- « port de l’état de l’art au moyen-âge dans le « pays? » M. Rigollot rappelle qu’il a traité cette question dans un mémoire ayant pour titre : Essai sur les arts du 430 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. dessin en Picardie , inséré dans le 8° volume des Mé- moires de la Société des antiquaires de Picardie. Il y renvuie ceux qui désireraient connaître les monuments qu’elle a fournis à l’histoire des arts, et les caractères qui peuvent être considérés comme lui appartenant en propre. Il se propose de reprendre ce travail dans une prochaine publication avec des développements beau- coup plus considérables que de nouvelles études lui ont fait découvrir ou mieux apprécier. Il se borne pour le moment à faire connaître une col- lection malheureusement fort incomplète, qui eût été de la plus haute importance pour l’histoire de la peinture, celle des tableaux de l’ancienne confrérie de Notre-Dame- du-Puy d'Amiens, dont chaque maître faisait exécuter chaque année un tableau qui démeurait à la cathédrale d'Amiens. En 1517, M€. d'Angoulême, mère de Fran- çois 1®"., admirait déjà 48 tableaux, dont elle deman- dait une copie, et les échevins qui la faisaient exécuter sur vélin, la lui envoyaient au château de Blois , pour la remercier de quoi elle déchargeait la ville d’une contribution à laquelle elle avait été taxée. Jusqu'au milieu du XVIII. siècle, cette collection s'augmen- tait annuellement. Alors elle fut enlevée par les ordres du chapitre et de l’évêque; une partie fut détruite, une autre dispersée dans les campagnes et la révolu- tion acheva l’œuvre de destruction. Aujourd'hui, il ne reste qu’un très-petit nombre de cette précieuse suite ; deux sont au musée de Cluny, trois au musée d’ar- chéologie d'Amiens, plusieurs autres à l'évêché. Il eût été curieux, ajoute M. Rigollot, de pouvoir suivre les phases d’un art qui a dû montrer de fort belles pages, si l'on se rappelle que les ducs de Bour- ASSISES SCIENTIFIQUES DE PICARDIE. ! 431 gogne, long-temps maîtres du pays, ont dû fournir des artistes d’un talent véritable pour composer les tableaux que les maîtres du Puy devaient offrir, et dont lesujet principal était l’image de la Vierge. M. Rigollot termine en disant qu’il met en ce moment la dernière main à un mémoire historique et descriptif de ces tableaux, qui paraîtra dans un des volumes sous presse des Mémoires de la Société des antiquaires de Picardie. | _:M.'d'Héricourt dit: que l’histoire’ de l’Artois et de la Flandre est commune, et que les noms de ses ar- tistes se confondent arec ceux de la Belgique et de la Flandre; qu’'Arras a cependant fourni un architecte éminent auquel on doit la célèbre cathédrale de Pra- gues ; que son musée renferme un recueil de portraits du XVI®. siècle qui prouve que l'Artois possédait d’ha- biles artistes , sachant exécuter avec un merveilleux talent les miniatures aux deux crayons ; que ces por- traits , exécutés sur ceux de l’archiduc d'Autriche, sont une des rares reliques qui leur restent de cette cour de Bourgogne si amie des lettres et des arts. Il indi- que, comme pouvant fournir d’utiles renseignements sur cette question , les Archives du Nord de la France, publiées par M. Arthur Dinaux, à Valenciennes. XIX.— « Quelles sont les collections les plus re- s marquables du pays, en histoire naturelle , en pein- « ture et sculpture? >» (Indiquer quelques-unes des raretés qui s’y trouvent.) M. le comte de Betz dit que la ville d'Amiens pos- sède environ 80 tableaux de l'école modérne, ‘tous d’un certain mérite; que cette collection s’est formée d’abord de ceux qui furent donnés à l’époque des con | * 19 432 INSTITUT DES PROVINCES DB FRANCE. grès, de dons successifs du Gouvernement et d'achats faits par la Société des amis des arts. Malheureuse- ment ces tableaux, qui gagneraient beaucoup à être réunis, sont dispersés dans les différentes salles de la mairie et de l’école de dessin , et ne présentent point cet ensemble qui flatte dans les antres collections. Quelques statues en marbre, qui ont figuré avec dis- tinction aux expositions, sont aussi dignes d'être re- marquées. Parmi les collections de tableaux particu- lières, une seule mérite d’être signalée, celle de M. Amable Cornet, qui se compose des copies de grands maitres qu’il a fait exécuter en Italie ; quelques-unes ont reproduit avec talent les originaux , d’autres sont dues à des pinceaux qui ne méritaient point de traduire des chefs-d'œuvre. Un portrait de Moïse, de Philippe de Champagne, forme la pièce capitale de cette collec- tion. À Abbeville, M. Boucher de Perthes a réuniquel- ques tableaux, dont plusieurs de l’école du Guide sont réellement beaux, et un portrait attribué à Rembraudt qui, s’il n’est pas de ce maître , est assurément digne de son pinceau. M. de Betz signale encore la collection de M. Bo- node, à Amiens, qui se recommande par un choix d'émaux fort nombreux, d’un bon travail et surtout d'une rare conservation, et par une suite d'ivoires parmi lesquels un calvaire d'une rare beauté. On s’é- tonne , dit-il, de trouver tant de goût et de tact dans la collection d'un homme qui n’est point lettré, n'a fait aucune étude spéciale, et qui cependant sait de- viner les chefs-d'œuvre et les apprécier à leur juste valeur. M. Rigollot s'empresse de signaler une omission de ASSISES SCIENTIFIQUES DE PICARDIE. 433 M. de Betz, pour indiquer la collection de tableaux de M. de Betz lui-même qui est celle d’un connaisseur habile et d'un homme de goût. M. Garnier a la paroie: Le département peut montrer avec orgueil, dit-il , quelques collections d’histoire naturelle, celle de MM. Delamotte et Bailloz, à Abbeville ; la première surtout _ peut rivaliser avec les collections ornithologiques des villes de premier ordre ; la seconde, moins brillante et moins riche, est cependant consultée avec intérêt par les savants qui s'occupent de cette branche de la zoologie. Le musée d'Amiens présente une collection remarquable d'oiseaux d'Europe, mais l'exiguité du local ne permet pas de l’apprécier à sa juste valeur. On y trouve la collection des reptiles et des mollusques terrestres et fluviatiles qui se rencontrent dans le dé- partement. On peut citer encore une belle collection entomolo- gique , celle de M. Dujardin, à Amiens, qui se recom- mande autant par le nombre que par le choix des sujets ; celle du musée d’Abbeville formée par M. de Chauvenet qui l’a léguée à la ville ; celle de MM. Vi- gnier et Marcotte, à Abbeville, L'Herbier du musée d'Amiens, formé de celui de M. Pauquy, dans lequel se sont fondus ceux de MM. Picart et Galhaut, est assurément un des plus riches que l'on puisse trouver; il est surtout remarquable dans une de ses parties qui comprend toutes les plan- tes phanérogames et cryptogames du pays. Je ne saurais, dit M. Garnier, oublier de signaler aux archéologues le musée formé par la Société des antiquaires de Picardie, lequel se compose presque 434 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. uniquement d'objets trouvés dans le pays , si l’on en excepte une belle suite de vases grecs recueillis et donnés à la Société par M. de Lagrenée , ancien am- bassadeur en Grèce. On remarque dans la collection une nombreuse série de haches en silex emmanchées et non emmanchées, des coins ou haches en bronze, d'épées en bronze, quelques statuettes, parmi les- quelles est Priape connu de tous les antiquaires, de nombreux vases romains en verre et -en terre rouge , des vases gallo-romains de terres et de formes très- variées , et surtout de beaux bas-reliefs avec inscrip- tions recueillies dans les débris d’une chaussée ro- maine, près d'Amiens. Les questions étant épuisées et personne ne deman- dant la parole, M. le comte de Vigneral remercie les personnes présentes, du concours qu'elles ont bien voulu prêter à l'Institut des provinces, et déclare closes les Assises scientifiques dont la présidence lui avait été confiée. | Amiens , 30 FER 1853. Le Secrétaire, J. Garnier. | Le Président des Assises, sine de l’Institut des provinces, C'e. DE VIGNERAL. Va par le Directeur-général de l’Institut des provinces, À. :bRACAUMONT. sur >5Hch 435 ASSISES SCIENTIFIQUES DU MAINE ET DE L'ANJOU , A LAVAL, Le 31 Mai et le 1“. Juin 1853. SÉANCE DU 31 MAI. (Présidence de M. Denis, de la Mayenne, membre de l’Institut des provinces. ): ‘La séance est ouverte à midi et demi. : Siégeaient au bureau : MM. de Caumont, Guéranger et l'abbé Voisin, de l’Institut des provinces, l'abbé: Guerlin, directeurde l'école normale, Feuillé-Grandpré, rédacteur de l'Echo de la Mayenne. M. Jacob, profes- seur au lycée, remplissait les fonctions de secrétaire. Parmi les personnes qui assistaient à la séance, on remarquait : MM. de La Beauluère , auteur d’un travail sur les corporations ; d'Ozouville, ancien sous-préfet ; Croissant, pharmacien ; auteur d’une nouvelle machine électrique; Doudet, architecte ; Paris ; Candy: Lefize- lier, avocat ; Lefizelier père, de Laval, et beaucoup d’autres membres de la Société de la Mayenne. M. le président Denis prononce un discours dans lequel il rend compte du.but que l'Institut des provinces s’est proposé en établissant des Assises scientifiques. Il fait voir quel fruit.on pourra retirer de ces réunions qui mettent en contact les hommes, et les engagent à prêter un mutuel concours au développement de toutes 436 INSTITUT DES PROVINCES DB FRANCE. les idées progressives. La discussion s'engage alors sur les questions géologiques posées par le programme. M. de Caumont prend la parole sur la première question et celles qui doiventsuivre. Il démontre quela géologie peut fournir d'importantes données à l’agri- culture et à l’industrie, et pense que le dernier mot n’est peut-être pas dit encore au sujet de la formation des roches et de leur classification. M. Guéranger déclare que pour son compte il n’a pas étudié d'une manière approfondie la géologie de la Mayenne, cependant il a remarqué en passant à Thé- val un banc de terrain d'eau douce caractérisé par des paludines, des lymnées et quelques graines de chara. Ainsi qu'au Mans, suivant lui, ce terrain repose sur un sable blanc qui représente lassise supérieure du grès dit de Fontainebleau. Il est recouvert par une alluvion qui renferme un grand nombre de galets quartzeux. De ses recherches, il résulte que la classifi- cation adoptée parles géologues s'applique parfaitement à cet étage. Continuant ensuite ses recherches sur la paléontologie, il finit en disant qu'il convient, quand on se livre à cette étude, de se servir de cette science comme moyen d'application à la distinction des étages géologiques, mais en même temps, d'être bien con- vaincu que les fossiles ne sont pas tous connus, et que si les espèces bien déterminées sont caractéristiques : il ne saurait en être de même des genres, au moins quant à présent. Nous avons éprouvé, a-t-il dit, trop de déceptions pour oser encore dire aujourd’hui : tel genre a commencé à telle époque, il a cessé à telle autre. M. Jacob. lit ensuite un travail sur les stries d’une ASSISES SCIENTIF. DU MAINE ET DE L'ANJOU. 437 grotte située dans les rochers de St.-Bercheviu. Selon lui, cesstries seraient dues à d’anciens glaciers qui auraient autrefois recouvert cette montagne aujourd’hui déprimée. Des excursions faites par M. Croissant et lui à St.-Jean-sur-Mayenne, les ont mis à même de pré- senter un certain nombre d’encrines , de productus, de conchifères, en un mot, dont on n'avait pas signalé la présence dans ces parages. Il a parlé ensuite d’une ap- plication de l'électricité à la géologie, faite il y a déjà long-temps, par M. Croissant, et pour laquelle il ré- clame l'attention. La plupart des membres prennent part alors au débat relativement aux débris organiques que renferment les terrains du département. M. de Caumont demande si on a trouvé des osse- ments dans les excavations et les cavernes du marbre de la Mayenne. Cette question lui rappelle qu’il y a dix ans M. le maire de Coutances lui présenta une tête et des dents de rhinocéros bien conservées et trouvées dans un calcaire analogue. On répond qu'on n’a pas encore fait de recherches. A l'occasion des qualités relatives des terrains pour les productions agricoles, M. l'abbé Voisin prend la parole et développe, sur l'emploi de la chaux près de Château-Gontier, quelques réflexions desquelles il résulterait que l'excès de chaux peut nuire à la fécon- dité de la terre. M. de Caumont répond à M. Voisin et combat ce que cette opinion peut avoir d'exagéré. MM. Croissant, Guéranger prennent tour à tour la parole , et ce dernier fait remarquer alors, que dans les analyses des calcaires , il serait bon de ne pas ou- blier les phosphates. M. de Caumont demande alors si la craie verte % 438 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. dont se servent plus volontiers les agriculteurs comme engrais dans Certains départements, contient du phos- phate de chaux. Il serait utile d'examiner sous ce rap- port les craies vertes de Maine-et-Loire ; ce qui n’a pas été fait. La discussion semble se porter alors vers l'application à l'agriculture, et à cette occasion M. de Caumont propose de dire un mot sur l'assainissement des ter- rains. La question du drainage, toujours palpitante d'intérêt, reparaît alors. Tour à tour, MM. Lefzelier père , d'Ozouville, Feuillé-Grandpré, Denis et de Cau- mont prennent la parole et entrent dans des détails pratiques et circonstanciés. . Le Président, Le Secrétaire, Dexis. JAcos. SÉANCE DU 1°", JUIN. M. le président Denis prend place au fauteuil à dix heures. Autour de lui se trouvaient, d’un côté : MM. Duclaux, vice-président du tribunal civil ; La Beauluère, inspecteur des monuments de la Mayenne, et Boullier, tous trois botauistes des plus distingués, auxquels on doit l’Herbier et le Catalogue des plantes du départe- ment de la Mayenne; de l’autre, on remarquait M. l'archiprêtre de St.-Vénérand,, auteur de plusieurs ou- vrages historiques et archéologiques. En peud'instants la salle se remplit d'un grand nombre de personnes amies de la science. ASSISES SCIENTIF.DU MAINE ET DE L'ANJOU. 439 . MM. les ingénieurs Caillaux.et de Gouvenain assis- tent aussi à cette réunion, 90 pol La discussion s'est engagée sur La Flore du débhe tement, à l’occasion de l'influence que paraît exércer.la pature géologique du sol sur la végétation en général et sur le développement de certaius végétaux en par- ticulier. Tour à tour chacun des botanistés prend la parole et démontre que certaines plantes se plaisent plutôt dans telle partie du sol que dans telle autre, que les terrains calcaires sont propres au développe- ment de certains végétaux que l’on ne trouve nulle part ailleurs. Voici la liste des espèces que ces savants signalent comme uniquementpropres aux terrains cal- caires : Hippocrepis comosa, Anthyllis vulneraria , Astragalus glycyphyllos (famille des légumineuses ) ; Cirsium acaule, Barkhausia fœtida , Lactuca perennis, Kentrophyllum lanatum (famille des composées ); Stachys germanica, Brunella laciniata, Teucrium cha- mœdris, Ajuga chamæpithys. (famille des labiées ); Ophrys aramifera et apifera , Orchis hircina et simia (famille des orchidées); Chlora perfoliata , Papaver argemone , Lithospermum officinale, Valerianella erio- carpa. Toutes ces dernières plantes sont de, familles différentes. - Une’ question importante se présiniait ensuite rela- tivement à la météorologie du pays. Malheureusement, jusqu'à présent, personne n’a fait d'observations sui- vies. Il existe bien à la bibliothèque de cette ville un ouvrage manuscrit de météorologie, fait par M. le docteur Bucquet, professeur de botanique à l’ancienne école centrale de Laval, mais ces observations n’ont été faites que de 1810 à 1814. M. Croissant a déclaré 440) INSTITUT DES PROVINCES DB FRANCE. qu'il à fait un anémomètre des plus simples, avec lequel ïl se propose de faire une série nouvelle d'ob- servations. À la suite de ces discussions , les questions archéologiques ont été mises à l'ordre du jour: le résultat de ces discussions a paru dans le Bulletin monumental de la Société française , publié sous la di- rection de M. de Caumont. Le Président, Le: Secrétaire. Denis. Jacos. ASSISES SCIENTIFIQUES DE LA EHAMPAGNE. (Présidence de M. le comte ne Meccer ). Les Assises scientifiques de la Champagne se sont ouvertes à Troyes sous la présidence de M. le comte de Mellet, en présence de M. de Caaæmont, directeur de l’Institut des provinces, de M. le comte de Monta- Jembert, membre de l’Académie française , de MM. de Glanville, Gaugain, membres de l'Institut des pro- vinces, et des 200 membres qui avaient assisté au Congrès archéologique de France qui se tenait dans cette ville. Le défaut d'espace nous force à donner un simple aperçu des résolutions d’un petit nombre de questions du programme. ASSISES SCIENTIFIQUES DE LA CHAMPAGNE. 441 Siègent au bureau : MM. de Caumont, Mosnier {de la Meurthe}, Ferrand-Lamothe, Raubouras père, Fortin, Uhrich, ingénieur en chef, Sompsois et Gayot. Secrétaire : M. Drouet. A l'appel de la première question : « La classification « adoptée par les géologues s’applique-t-elle parfaite- _« ment aux formations de notre département? » M. Léon Pigeotte se lève pour signaler tout d’abord à l'attention de l’assemblée la Statistique géologique et minéralogique du département de l'Aube, par M. Ley- merie, ancien professeur de sciences physiques au collége de Troyes, aujourd’hui professeur à la Faculté des sciences de Toulouse. Cet ouvrage, répondant parfaitement à son titré, doit être le premier guide à suivre pour étudier la géologie du département (classi- fication de MM. Dufresnoy et Elie de Beanmont). M. Boutiot, signalé comme pouvant donner des dé- tails sur la géologie agricole de l’Aube, prend la parole et, dans un récit succinct et clair, répond aux trois premières questions du programme. La carte géologique | de M. Leymerie à la main, il passe successivement en revue les différents terrains qui se partagent le dépar- tement de l'Aube. Il passe rapidement sur le terrain tertiaire qui n’accupe qu’un faible espace dans notre circonscription départementale, au Nord-Ouest et quelques parties de la forêt d’Othe. Il entré dans plus de détails au sujet du terrain crétacé, lequel occupe, au Nord, à l'Ouest et au Nord-Est, environ les deux tiers du département. Dans trois étages de ce terrain, les craies supérieure, moyenne et inférieure 1l signale la pauvreté désolante du sol, pauvreté qui, il faut le dire, tend à diminuer chaque jour, par suite des efforts 442 : INSTITUT DES PROVINCES DE: FRANCE. des cultivateurs. Les vallées des rivières seules recou- vertes d’alluvions modernes, présentent une végétation des plus riches, Passant aux étages inférieurs du: terrain crétacé , le green-sand et le néocomien , M. Boutiot fait remarquer la différence qui existe entre la végétation, de cette zône géologique et celle de la précédente. Arrosée par une multitude de ruisseaux.et de sources, parsemée de nombreux étangs, cette région est infiniment plus féconde que la précédente. Arrivant au. terrain jurassique, dont il passe en revue les différents étages , le calcaire portlandien , le calcaire à astarte et le, calcaire corallien, M: Boutiot signale à l'assemblée la fécondité remarquable de ce sol, comparativement au terrain crétacé. Il cite. les nombreux vignobles qui le recouvrent, et ses forêts. M. Boutiot termine en, disant, en. réponse à ‘une question adressée à M. de Caumont, que la classifi- cation géologique des Anglais se rapporte parfaitement _aux formations observées dans le département. M. Léon Pigeotte annonce qu'étant à Neufchâtel , il a recueilli des fossiles déterminés par M. Agassiz, et réputés analogues aux espèces de l’étage néoco- mien des environs de Vendeuvre.., A l'appel des quatrième et huitième questions du programme « Sur les débris organiques contenus dans nos terrains et sur leur proportion numérique », M. Boutiot se lève et se contente de donner, d’après l'ouvrage de M. Leymerie, le chiffre total des diffé rentes espèces recueillies dans le département. 13 végétaux. | 24 radiaires. 39 polypiers. 4 crustacés. ASSISES SCIENTIFIQUES DE LA CHAMPAGNE. 448 1] annélides. 17 poissons. 2 cirrhipèdes. | miwqq4 reptiles, 358 mollusques. 5 mammifères. En tout 473 espèces de fossiles. M. Boutiot répond encore aux questions six, sept, huit, neufet dix du programme « Sur les qualités « relatives des terrains par rapport aux productions « agricoles. 5) Il signale comme localités les plus fertiles et les mieux cultivées, Troyes, Briennes, Vendeuvre et plu- sieurs autres centres des zônes néocomienne et juras- sique. Les blés les plus lourds et les plus farineux viennent des environs de Troyes, de Lusigny, de Mesnil-St.-Père et de Montaulin. M. Monnier soulève la question de savoir si la dénudation remarquée sur certaines parties du terrain crétacé est le résultat d’un mouvement géologique ou parfois de la main de l’homme. M. le comte de Melletfait remarquer que l’état agricole de la Champagne-Pouilleuse tend chaque jour à s'amé- liorer par suite des travaux d'agriculteurs intelligents, notamment de la plantation répétée d’arbres verts. M. Gayot indique au Congrès que la Société d’agri- culture de l'Aube a demandé pour l’année prochaine une statistique de toutes les plantations d'arbres verts du département. AT < | 18 Au sujet de l'amendement des terrains (neuvième question) M. Dosseur appelle l’attention de l'assemblée sur le mot lui-même qui souvent n’est pas même compris par l'agriculteur, et confondu avec le mot engrais. Cette question des amendements étant fort importante, M. Dosseur exprime le vœu que la Société A44 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. d'agriculture de l’Aube ]a traite d’une façon spéciale. M. de Caumont appuie vivement cette proposition à raison de sa grande utilité. Il appelle l’attention des cultivateurs sur l'emploi de la chaux cuite, dont on a retiré les résultats les plus satisfaisants sur plusieurs points de la France. M. Delaporte se lève à 2 pour combattre l'idée émise par M. Dosseur. Il prétend que la Société d'agriculture de l'Aube a déjà plusieurs fois pris l'initiative au sujet des amendements; que c'est la faute des cultivateurs insouciants ou mal habiles, si les résultats ne sont pas plus heureux dans nos contrées. À peine, dit-il, s'ils veulent employer la chaux cuite, si précieuse pour l'amendement desterrains tourbeux. M. de Caumont insiste encore sur l'utilité de l’emplor de la chaux ; il serait à désirer que plusieurs fours , pour la cuisson de cette matière, s'élevassent sur dif- férents points de ce département. ] M. Dosseur soutient son premier dire ; et M. Petit, avocat , abonde dans son sens. M. Routiot examine ensuite quelles sont les terres les plus employées par l’art céramique. Il cite les localités de Montpotier, de Romilly, de Val-Druen, de Montiéramey , de Mesnil-St.-Père comme ren- fermant des briqueteries renommées. Mention uotable est faite de la terre réfractaire de Villy-en-Trodes, e des établissements métallurgiques des environs de Vendeuvre, A l'appel des onzième et douzième questions sur la statistique bctanique du département, personne ne se lève pour prendre la parole; on déplore alors vivement l'absence de M. des Etangs, si compétent dans la ASSISES SCIENTIFIQUES DE LA CHAMPAGNE. 445 matière et qui possède les matériaux les plus précieux pour la Flore de l'Aube. M. Drouet aâppliquant la question douzième sur l'influence de la nature géologique du sol sur les végétaux, aux mollusques terrestres et fluviatiles vi- vants, lit une courte notice sur la distribution géolo- gique de ces animaux dans le département de J’Aube. La question treizième sur les observations météoro- logiques est mise en discussion. On annonce que M. Ferrand-Lamotte communique que la Société d'Hor- ticulture de l'Aube s'occupe activement de cette étude. M. Millard annonce qu'il à remarqué que la tem- pérature moyenne de Troyes était toujours plus haut de 2° 172 qu'à Paris. M. de Caumont prend alors la parole pour éveiller l'attention de l'assemblée sur les cartes agronomiques. Ces cartes sont essentielles, et il serait à désirer que chaque canton du département eût la sienne. Il espère que la Société d'agriculture de l'Aube prendra soin de faire exécuter ces cartes et d'après un mémoire qu'il a publié sur cet important sujet. On passe sur les quatorzième et quinzième questions ayant trait à l'archéologie, et qui ont reçu solution pendant le cours du Congrès archéologique. On s'arrête à la vingt-neuvième question demandant quelles sont les collections les plus remarquables du département, etl'on cite, en histoire naturelle le musée de Troyes, le cabinet de M. J. Ray, la collection en - tomologiquede M. Legrand, l'Herbier de M. des Etangs, celui de M. l'abbé Cornet, la collection conchyliologique de M. Drouet, celle de M. Cotteau, les musées de MM. Cartereau et Dupin. 446 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. En peinture, le musée de Troyes, le cabmet de M. Fortin et M. Schitz. | En objets anciens, les cabinets de MM. ‘Camusat de Vaugourdon, Coffinet, Rivière, J. Gréaud , Millard , Jacquot {de Paris), etc. La bibliothèque de M. Carteronet- M: Bédor et plusieurs autres ; celle du château de Brienne. M: Fortin. Collection de portraits des hommes re- marquables du département.{fait exécuter ceux qi ne sont pas publiés). | M. Carteron-Cortier. Bibliothèque précieuse; elle contient quantité de documents imprimés et manu scrits sur le pays. M. Jourdain, à Ervy. Une collec ins l'iisiobe nâtu- relle (animaux vertébrés), un médailler, des antiquités. M. Camusat de Vaugourdon. Un riche cabinet.con- tenant un médailler, des tableaux de choix ,.des anti- quités en métaux précieux trouvés dans le-pays.. M. Legrand. Coleoptères, collection qui sera bientôt complète. M. Cartereau. Collection entomologique. M. Cotteau, à Bar-sur-Aube. Les fossiles. M. des Etangs. Herbier des plantes du midi de la Champagne. M. le marquis de Vibraye. Fossiles et échantillons géologiques. M. Vinot, à Dienville. Les fossiles du terrain néo- comien. M. Rivière, à Troyes. Médailles romaines. M. Gréau fils. Médailles (6 milles). M. Valtat possède un grand nombre de PET de sculptures et des débris d'archéologie monumentale. ASSISES: SCIENTIFIQUES DU BLAISOIS, ETC. 447 M. Dupin. Lépidoptères très-nombreux. Collection spéciale des fossiles du terrain crétacé {cité à chaque page par d'Orbigny ). M: Millard , à Paris. Bibliothèque d'ouvrages histo- riques sur le département. M. Jacquot, à Paris. Collection ER aient d’un intérêt local. La bibliothèque de Troyes. Le musée de Troyes. Nous ignorons ce qu'est devenue Ja belle collection entomologique de M. Berton. M. Coutant (Lucien), à Paris, possède un nombreux cabinet d'objets d'archéologie antique et du moyen-âge, recueillis par lui-même dans le département. | Musée sigillaire des archives de l'Aube. ASSISES SCIENTIFIQUES DU BLAISOIS, DU VENDOMOI, DE L'ORLÉANAIS ET DE LA TOURAINE. (Présidence de M. le marquis ve Vigraye. ) Les Assises scientifiques de cette circonscription, habilement préparées par M. le marquis de Vibraye, géologue, agriculteur, naturaliste et archéologue très- distingué, ne pouvaient manquer d'offrir des résultats importants. M. l'abbé Delaunoy professeur de rétho- rique au séminaire de Blois, et M. l'abbé Bourgeois, 448 INSTITUT DES PROVINCES DB FRANCE. professeur de philosophie et d'histoire naturelle à Pont- le-Roi , ont rivalisé de zèle pour seconder M. de Vi- braye. La séance s’est tenue dans les. magnifiques salles du château de Blois, et voici quelques-unes de résolutions présentées à la réunion : TERRAIRS QUI COMPOSENT LE SOL DU DÉPARTEMENT DE LOIR-ET.CHER, PAR M. L’ABBÉ BOURGEOIS. TERRAINS CRÉTACÉS. Les terrains crétacés de nos contrées présentent-les modifications suivantes sous le triple rapport de la stra- tigraphie , de la minéralogie et de la paléontologie : 1°. Sables verts. — Les sables verts occupent une partie peu considérable du département, vers le Nord- Ouest , aux environs de Mondoubleau et de Savigny ; puis ils plongent sous les couches supérieures et se relèvent au Sud-Est sur un point plus circonscrit en- core, dans la commune de Maray. Les sables verts du Nord-Ouest se prolongent dans le département de la Sarthe où ils atteignent leur maximum du développe- ment, ceux du Sud-Est se relient aux grès verts de Vierzon dans le département du Cher. Les sables verts du Nord-Ouest sont souvent mélan- gés de calcaire ou de limonite et passent à des grès calcarifères ou ferrugineux ; ces derniers , qui renfer- ment quelquefois de gros grains quartzeux, prennent la nature des poudingues et sont nommés roussards dans le pays { Sargé ). Je n'ai remarqué dans la partie Sud-Est que des grès très-quartzeux disloqués et dis- posés par couches légèrement inclinées. ASSISES SCIENTIFIQUES DU BLAISOIS, ETC. 449 J'ai recueilli, dans la partie Nord-Ouest, la seule qui soit féconde en débris organiques , un assez grand nombre d'espèces qu’il serait trop long d'énumérer en détail. Ophidiens, 1 espèce inédite. Annélides, 2 espèces. Crustacés , 2 espèces. Céphalopodes , 5 espèces dont la plus remarquable est l'Ammonnites Mantellii, qu'on trouve assez fréquemment dans un bel état de conser- vation. Gastéropodes, 15 espèces. Lamellhibranches, en- viron 100 espèces. Brachiopodes , 6 espèces. Echino- dermes, 6 espèces. Polypes, 3 espèces. — Toutes ces espèces , excepté la première, ont été déterminées, dé- crites et figurées par M. Alcide d'Orbigny , dans sa Paléontologie française ; 2°. Craie glauconieuse. — L'étage des sables verts sur plusieurs points est recouvert par une couche de craie sableuse et glauconieuse, dont la puissance ne s'élève pas à plus de 2 ou 3 mètres. En se basant sur le caractère minéralogique et stratigraphique de cette couche, on est tenté de la rapporter aux cou- ches de craie supérieures. Mais par son caractère paléontologique elle se confond évidemment avec les sables verts, car elle renferme constamment les mêmes débris organiques. Localités : environs de Mondou- bleau, Droué, au fonds des puits creusés pour l’extrac- tion de la marne; 3°. Craie tuffeau proprement dite.—Les couches com- prises sous le nom vulgaire de craie tuffeau peuvent être divisées en deux étages, l’un inférieur, l'autresu- périeur qui, sans être nettement tranchés , ont cepen- dant un facies général assez distinct. L'étage inférieur est constitué par des bancs puis- 450 INSTITUT DES PROVINCES DB FRANCE, sants d’un calcaire poreux et léger qui couserve bien sa blancheur et que l’on exploite sur une large échélle pour les constructions; il se montre au fond de la vallée du Loir, aux Roches, à St.-Quentin, à Trôo , près Montoire, et principalement dans la vallée du Cher, à Bourré, près Montrichard: La faune de cet étage a bien un caractère spécial , mais je ne puis croire, en me basant sur mes propres observations , qu'elle soit totalement distincte des faunes inférieure et supérieure, comme le prétend M: A. d'Orbigny. Voici le nombre des espèces que j'ai rencontrées dans cet étage. | Chéloniens, quelques ossements difficiles à déter- miner. Poissons, 1 espèce inédite (Acanthoptérygien à deux dorsales, voisin des Apogons }:-Céphalopodes , 8 espèces, parmi lesquelles on remarque les Ammonites peramplus et Lewesiensis. Ces mollusques géants de l'océan crétacé atteignent à peu près un mètre de dia- mètre. Gastéropodes, 5. espèces. Lamellibranches , 21 espèces. Tous les mollusques de cet étage ont été dé- crits par M. A. d'Orbigny. — Les brachiopodes , les bryozoaires, les échinodermes et les polypes, si nom- breux dans l'étage supérieur, ne présentent que deux: ou trois espèces. . L'étage supérieur se lie d’une manière si intime avec l'étage inférieur, qu’il est presque impossible d’assi- gner une limite stratigraphique. Il semontre bien dé- veloppé depuis Vendôme jusqu'à Villedieu, dans la vallée du Loir, et dans presque toutes les petites val- lées adjacentes, soit à la partie inférieure, soit à la partie moyenne, soit à la partie supérieure des co- teaux. On le rencontre aussi dans la vallée du, Cher, ASSISES SCIENTIFIQUES DU BLAÏSOIS, ETC. 451 à St.:Georges, près Montrichard, sur les bords de la Cisse, à Molineuf , près Blois , aux environs de Ro- morantin, etc... + Son caractère minéralogique est très-variable, Il se présente saus la forme d’un calcaire compacte, blanc- jaunâtre, ‘exploité comme pierre dure pour la con- struction ou comme pierre à chaux, à Villiers, Thoré, Villavard, Couture, Authon, Molineuf, etc... Il est composé de craie friable et sablonneuse ou d'argile marneuse, à Couture, aux Essards,. à Artins, à Sougé, etc... De tous les étages crétacés, c'est le plus fertile en débris organiques, Sauriens, 1 espèce inédite du genre Polypthy- chodon, Owen, dont on ne connaissait encore qu'une dent provenant de la craie d'Angleterre. Posssons , 16 espèces appartenant presque toutes à la famille des squales ; quatre espèces des genres Pycnodus, Lamna, Sphærodus et Sargus sont inédites. Crustacés, 1 es- pèce. Annelides , 7 ou 8 espèces, toutes du genre Ser- pula. Céphalopodes, 12 espèces, parmi lesquelles 1 Cé- ratite non décrite, qu’on s'étonne de rencontrer dans cet étage, et deux ou trois Ammonites également iné- dites. Ces Ammonites sont les derniers représentants du genre qu'on ne trouve plus nulle part dans les cou- ches supérieures. Gastéropodes, 23 espèces, dont quel- ques-unes probablement sont nouvelles. Lamellibran- ches ,' 92 espèces , parmi lesquelles plusieurs que je ne.connais pas sont peut-être inédites. Brachiopodes , 11 espèces, au nombre desquelles 1. Hippurite, la seule que j'aie rencontrée dans le département. Bryo- zoaires, un grand nombre d'espèces que je n'ai pas encore déterminées et qui ont été décrites par M. A. 452 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE, d'Orbigny. Echinodermes , environ 25 espèces, dont 4 appartenant aux genres Hemiaster, Holaster et Pygau- lus , n’ont pas êté décrites. Polypes, 12 ou 15 espèces; 4e, Craie à silex, — L'étage que nous venons de décrire passe insensiblement à une craie très-blanche, fendillée, assez dure et contenant un grand nombre de nodules siliceux, tantôt disposés par lignes hori- zontales , tantôt disséminés sans ordre dans i intérieur de la roche. Cette craie se montre dans la vallée de la Loire, entre St.-Gervais et Chailles, à Chouzy, à Chaumont, etc... ; dans la vallée du Loir, à St.-Hilaire, Morée, Freteval, Vendôme, Montoire, Villedieu, etc... ; dans la vallée du Cher, à St.-Aignan, Châtillon, Meusnes, où elle fournit en grande quantité les silex pyromaques proprement dits, exploités pour la fabrication des pierres à fusil. Enfin elle se retrouve sur tous les pla- teaux des parties Nord-Ouest et Sud-Ouest , oùelle n'est recouverte souvent que par l'humus ou des alluvions ; elle présente même quelques affleurements au milieu du calcaire lacustre de la Beauce, notamment à | Mar- chenoir et à Ouzouër-le-Marché. Au point de vue paléontologique, la craie à silex pourrait se confondre avec l'étage inférieur, mais elle en diffère cependant sous plusieurs rapports : 1°. par la présence de l'Ananchites ovata qui paraît la carac- tériser constamment ; 2. par l'absence de Céphalopo- des ; 3°. par la rareté des débris organiques. J'ai re- cueilli daus cet étage : Poissons, 2 espèces. Annélides, 1 espèce. Gastéro- podes, 1 espèce. Lamellibranches, 28 espèces. Brachio- podes 2 espèces. Echinodermes, 11 espèces. Polypes et ASSISES SCIENTIFIQUES DU BLAISOIS, ETC. 453 Spongiaires , environ 30 espèces, dont quelques-unes seulement ne sont pas décrites. Je vous présente ici la succession des couches cré- tacées , telle que mes observations sur tous les points du département me l'ont fait reconnaître, Sans aucune idée préconçue, sans intention de favoriser un système de classification plutôt qu'un autre. Maintenant, Messieurs , afin de répondre à la pre- mière question de votre programme, j'examinerai si mes observations personnelles peuvent se concilier avec la classification adoptée par les géologues. Le géologue, qui paraît avoirle plus étudié la période crétacée, est, sans contredit, M. Alcide d’Orbigny. Négligeant presque totalement le caractère iminéralo- gique essentiellement variable, pour s'appuyer exclu- sivement sur des caractères tirés de la stratigraphie et de la paléontologie , il divise, comme vous savez, les terrains crétacés en sept étages, savoir : les étages Néocomien , Aptien', Alhivren , Cénomanien, Turonien , énonien et Danien. Or, conséquemment aux principes de la paléontologie française , trois de ces étages exis- teraient dans notre département : 1°. Etage Cénomanien, comprenant les sables verts et la glauconie crayeuse ; 2%. Etage Turonien , comprenant la partie inférieure de la craie tuffeau proprement dite ; 3°. Etage Sénonien , comprenant la partie supérieure de la craie tuffeau proprement dite et la craie à silex. . En rangeant dans l'étage Sénonien la craie à silex et la partie supérieure de la craie tuffeau, M. d'Orbi- gny reconnaît que ces couches appartiennent à la craie blanche. Il se fonde sur l'identité de plusieurs espèces 454 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. communes à la craie de notre département et à la vé- ritable craie blanche , comme. l'Ostrea: vesicularis le Magas pumilus, le Micraster coranguinum ; l'Anan- chites ovata, l’Apiocrinites ellipticus , etc... Déjà, M. Dujardin , dans Son Mémoire sur les couches du sol en Touraine, publié en 1835, avait reconnu la craie blan- che dans la craie à silex de nos contrées. Plus tard, M: d'Archiac avait soupçonné que la craie des hau- teurs de Vendôme pourrait bien appartenir au même étage. De nouvelles recherches paléontologiques et la comparaison des faunes pourront amener à des conclu- sions plus claires sur cette question. Il est donc probable que, le terrain crétacé inférieur et le terrain crétacé supérieur, séparés par le soulève- ment du Montviso, sont représentés l’un et l’autre dans notre département. Mais, loin de présenter une strati- fication discordante comme dansles Alpes du Dauphiné, ils concordent sur tous les points , se lient d’une ma- nière intime et, par conséquent, ils ont dû se succé- der régulièrement. | Quant aux différents étages établis par M; A. d'Or- bigny dans nos terrains crétacés ; Je ferai observer que leurs limites stratigraphiques. sont généralement nulles ou du moins peu tranchées ; que leurs. faunes ont une grande analogie, générique.et que leur dis- tinction spécifique n'est pas aussi prononcée que le prétend ce savant. Je pourrais citer.bien des espèces évidemment identiques appartenant à des étages di- vers, comme les Ammonites Lewesiensis et Deverianus, l'Area, Ligeriensis, le Trigomia :scabra, l’Arcopagia numismalis, etc... Cependant je ne prétends pas combattre la théorie de M. d'Orbigny, je prétends seu- ASSISES SCIENTIFIQUES DU BLAISOIS, ETC. 455. lement que ses observations, si elles ne s’étendaient pas au-delà de nos limites départementales, ne pour- raient l’amener logiquement aux conclusions qu'il admet. Je n'ignore pas que des faits stratigra- phiques nuls ou peu apparents dans nos contrées. sont nettement tranchés ailleurs. C'est ainsi que les étages turonien et sénonien qui, chez nous, passent insensiblement de l’un à l’autre, présentent sur, d’autres points des discordances d'isolement très-re- marquables. TERRAINS TERTIAIRES. le. Argiles, sables, grès et poudingues. —Immédia- tement au-dessus de la craie à silex, nous rencontrons çà et là des argiles et des sables qui passent aux grès ou aux poudingues. Ils ne forment. pas une couche continue, mais se présentent sous la forme de lam— beaux dont la puissance varie de 1 à 4 mètres. Les argiles se montrent sur plusieurs points de, la craie, notamment à Authon , à Mondoubleau , près de Blois, sur la ligne du chemin de fer, etc. Elles sont exploitées dans certaines localités pour la fabrication de la tuile. Les sables paraissent tantôt isolés, tantôt liés à l’ar- gile ; ils sont blancs et très-fins comme à Authon ou à gros grains et colorés par le fer hydraté comme à Savigny, dans la forêt de Préteval. Les sables pénétrés par un ciment siliceux ont êté transformés en grès souvent très-compactes { Authon, Droué et notamment Pince-Alouette. près de Villedieu, où ils sont exploités pour le pavage). 20 456 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. Les grès empâtent quelquefois des galets siliceux ou des fragments anguleux de même nature prove- uant de la craie et passent ainsi aux poudingues. Ces poudingues se rencontrent fréquemment à la surface du sol crétacé sous la forme de gros blocs plus où moins isolés (Villedieu , les Essards, St.-Martin, Vendôme, Droué , etc...). On trouve des poudingues dont lés grains sont plus petits et dont le ciment est ferrugineux (Mesland , Ruan , eic...). C'est à cette formation d’argiles, de sables, de grès et de poudingues qu'il faut rapporter les minerais de fer hydraté, exploités dans la commune de Mesland , dans la forêt de Liéteval et sur les hauteurs de Sa- Vigny. Le dépôt des argiles , sables , grès et poudingues ne Contient aucuns débris d'orgamisation qui lui soit propre, car les zoophytes siliceux qu’on y rencontre sont remaniés et appartiennent évidemment aux cou- ches crétacées., M. Dujardin , qui l’a étudié dans la Touraine, où il est mieux développé que chez nous, pense qu'il représente les formations tertiaires anté- rieures au calcaire lacustre de la Beauce ou au moins les grès de Fontainebleau : mais le caractère paléon- tologique faisant complètement défaut, nous ne pou- vôns tien affirmer positivement. Peut-être même au- rious-nous dù considérer ce dépôt d'une importance assez minime comme un simplé terrain de transport et n’en parler qu’en traitant des alluvions ; 2, Calcaire lacustre. — Le calcaire lacustre s'étend dans toute la partie Nord-Est du département , connue sous le nom de Beauce, ét c'est là qu'il acquiert sa plus grande puissanée. On ‘le retrouve encore sur la ASSISES SCIENTIFIQUES DU BLAISOIS, TC. 457 rive droite de la Loire, dans les cantons d'Herbault et de St-Amand. Sur la rive gauche de la Loire, il forme une bande continue assez étroite , et parallèle au lit de ce fleuve, puis il se montre en des points isolés comme Pont-le-Voy, Chémery, Romorantin, etc... Le calcaïre lacustre est blanc, grisâtre ou jaunûtre, à texture compacte celluleuse ou pulvérulente. Les variétés compactes fournissent de très-belles pierres pour la construction à Pont-le-Voy, Chémery, etc. I] passe à la marne dans plusieurs localités et est exploité pour l'amélioration des terres (Contres, Fresnes, Am- bloy, etc...) A Nouan-sur-Loire, il est presque entièrement rem- placé par une matière siliceuse très-compacte , fine, dure , sonore, dont les fissures sont ornées de den- drites. A Blois, rue des Fossés-du-Château, à Chailles, près Ville-Louet , il est mêlé de fragments siliceux co: lorés en rouge provenant du terrain crétacé. À Pont- le-Voy , une argile d’un gris verdâtre, pâle, se montre quelquefois dans ses assises inférieures et remplit les Joints de stratification, ainsi que les interstices qui séparent souvent les blocs. Enfin il présente çà et là des masses plus ou moins considérables de silex ré- sinite. Les débris organiques sont généralement rares dans le calcaire lacustre. Gastéropodes , 10 espèces appartenant aux genres hélice, lymnée, planorbe et paludine. Végétaux, gy- rogonites ou graines de chara.— Quelques espèces ne sont pas décrites. 3. Faluns. — Les faluns sont constitués par des couches dont la puissance et l'étendue sont très-limi- 458 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. tés. On les rencontre à Pont-le-Voy, à Thenay (1), à Sambin , à Fougères. à Choussy , à Contres’', où ils atteignent une puissance de 6 à 8 mètres , et à Soings, où ils se lient d’une manière intime avec les sables et argiles de la Sologne qui, peut-être, font partie de la même formation. Villebaron est le seul point où ils se montrent sur la rive droite de la Loire. Les faluns se présentent sous la forme de sables quartzeux fins ou à gros grains, purs ou mélangés de coquilles brisées, blancs ou colorés par l'hydrate de fer. Ces mêmes sables, quand ils sont réunis par un ci- ment calcaire, forment des masses et plus souvent des plaques de grès irrégulières sonores, un peu spatiques (Château des Bordes, à Pont-le-Voy, Sambin, Thenay près le Roger, Contres). Il arrive aussi souvent que les assises inférieures sont composées de galets siliceux provenant de la craie, de morceaux de calcaire lacustre roulés et perforés par les pholades et même de grès également roulés qui sont évidemment des grès falu- niens. Ce dernier fait supposerait qu’une partie des dépôts faluniens était émergée et consolidée pendant que l’autre. se formait encore sous les eaux. A Pont-le-Voy, à Thenay, tout prouve l'existence d'anciens points littoraux. La surface du calcaire la- custre est perforée jusqu’à une profondeur de 2 à 12 centimètres par les pholades et les modioles: On y voit des rochers {in situ) offrant d'évidentes marques d’érosion et auxquels adhèrent encore des polypiers. La localité la plus célèbre par ses débris organiques (4) On voit dans la commune de Thenay la craie à silex, le calcaire lacustre et les faluns superposés. ASSISES SCIENTIFIQUES DU BLAISUIS, ETC. 459 est Pont-le-Voy. J'y ai recueilli les espèces sui- vantes : | Mammifères , 18 à 20 espèces. Parmi les genres les plus remarquables auxquels se rapportent ces espèces, on peut citer les genres Mastodonte, Rhinocéros , Di- notherium, Paleotherium , Paléochærus , Steneofiber , Cerf, Lamantin, Narval, etc. Je possède plusieurs espèces inédites appartenant aux genres Sus , Paléo- chærus, Cervus , Steneofiber, Amphitragalus, et probablement deux genres nouveaux. , Reptiles , 4 espèces appartenant aux geures Emys, Trionyx , Crocodilus et Palacophis. Les espèces des genres Trionyx et Palacophis sont inédites. Poissons , 10 espèces appartenant presque toutes à la famille des Squalés. Cinq espèces des genres Lamna, Squatina, Carcharias, Chrysophris et Sargus ne sont pas décrites. Crustacés, fragments rares d’une seule espèce. Cirrhipèdes , 2 espèces du genre Balanus. + Céphalopodes, 1 seule espèce du genre Nautilus très- rare et probablement nouvelle. Gastéropodes, 190 espèces environ , parmi lesquelles plusieurs non décrites ou mal décrites. Lamellibranches, 95 espèces, parmi lesquelles plu- sieurs également non décrites ou mal décrites. Des es- pèces qui n’existent plus aujourd’hui ont été confondues par M. Dujardin avec des espèces vivantes. Bryozoaires, environ 20 espèces que je n’ai pas en- core étudiées. Echinodermes , 2 espèces du genre Santella. Polypes, 18 espèces plus ou moins bien déterminées, 4, Alluvions. — Nous rencontrons dans le départe- 460 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. ment de Loir-et-Cher des alluvions d'âges très-diffé- rents. Si les argiles, sables, grès et poudingües qui re- couvrent le terrain crétacé, et dont j'ai parlé plus haut, doivent être considérés comme des alluvions, nous devons dire qu'ils constituent celles qui doivent être les plus anciennes. Au-dessus du calcaire lacustre , nous trouvons d'au- tres alluvions composées de sablés ordinairement fer- rugineux qui renferment des ossements d'animaux terrestres appartenant aux mêmes espèces que ceux des faluns et dans un état minéralogique parfaitement semblable, Ces sables se montrent sous une même ligne à Avaray , où ils atteignent une puissance d'en- viron 12 mètres , à Suèvres et à Chaïlly. La première localité a fourni une grande quantité de dents et d’ossements appartenant aux genres Mas- todonte, Rhinocéros, Dinotherium, Amphycion (1), Cerf, etc. | | J'ai trouvé dans la seconde le talon d’une dent du Mastodon longirostris, et M. de Vibraye a recueilli, dans la troisième , des ossements de Dinotherium et de Rhinocéros. M. Desnoyers, dans un mémoire publié en 1828, se basant sur la direction de ces alluvions et sur la par- (1) M. Lartet a employé cette dénomination générique pour désigner un carnassier fossile de la taille du lion trouvé dans les calcaires lacustres du Ger. Les dents d’Amphycion trouvées dans les sables d'Avaray avaient été décrites par Cuvier comme appartenant à une espèce du genré Canis, mais d’une taille gigantesque, ASSSES SCIENTIFIQUES DU BLAISOIS, ETC. 461 faite ressemblance des ossements qu’elles renferment avec les ossements d'animaux terrestres des. faluns, avait supposé qu'elles étaient dues à de grands affluents qui se jetaient dans la mer falunienne et y portaient les cadavres. ou les ossements des espèces alors vivantes. Cette hypothèse parait pleinement confirmée par un fait paléontologique tout récent et d’une très-haute importance. M. l'abbé Delaunay , professeur au petit séminaire de Blois, vient de recueillir sur la commune de Tavers, près d'Avaray, dans une alluvion sem- blable à celle de cette dernière localité, de nombreux et magnifiques ossements appartenant aux genres Mas- todonte , Dinotherium , Rhinocéros , Cerf, etc... Au milieu de ces débris de Mammifères, nous avons con- staté ensemble la présence de coquilles fluviatiles et terrestres parfaitement identiques à celles que nous trouvons dans les faluns mêlées aux coquilles marines et qu'on supposait aussi amenées par les affluents en question. Ces coquilles, inconnues jusqu'ici dans ces alluvions, appartiennent aux genres Hélice, Néritine, Auricule et Mélanie. | | Les sables et argiles de la Sologne , dont la puis- sance et l'étendue sont si considérables , ont été géné- ralement regardés par les géologues comme faisant partie des faluns. Ne pourrait-on pas dire qu’ils ont la même origine que les alluvions dont nous venons de parler et qu’ils datent de la même époque ? Nous ne pouvons rien affirmer avec certitude, parce que la palé- outologie me fait complètement défaut. M, le marquis de Vibraye pourra, je pense, vous donner des ren- seignements plus précis, relativement à ces questions dont il a fait une étude toute spéciale. 462 . INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. ‘D'autres alluvions moins anciennes et moins puis- santes paraissent constituer le diluvium proprement dit ; elles sont quelquefois composées de sables ap- partenant à des roches étrangères et assez semblables à ceux que roule aujourd'hui la Loire (hauteurs de Blois près la Patte-d'Oie, et à l’embranchement des routes d'Oucques et de Vendôme). Le plus souvent, elles ne présentent pas d’autres débris Ep ceux de la roche sous-jacente. N'est-ce pas à cette époque qu'il faut rapporter la brèche osseuse que nous avons découverte à Vallières dans le flanc d’une colline crétacée ? Nous y avons rencontré treize espèces de mammifères, dont les plus remarquables sont : une hyène (Hyœna spelaca, Goldf.), un lion (Felis leo}, un loup (Cants lupus fossilis),un renard (Vulpes fossilis), un cheval (Equus Adamiticus de Schlot- heim), un bœuf { Bos primigenius, Boj.), un rhinocéros {Rhinoceros ticharhinus), deux cerfs, dont l'un le cerf à bois gigantesques { Cervus megacerus) atteignait la taille de nos plus grands chevaux, et des ossements de petits rongeurs. Nous y avons rencontré en outre des débris de batraciens et de poissons. Jusqu'ici la présence des poissons n'avait pas été signalée dans les brèches ‘et les cavernes à ossements. Ce fait nous semble important en ce qu'il fournit une preuve de plus, une preuve incontestable que les ossements des brèches et des cavernes n’ont pas été apportés par des carnassiers , mais bien par des courants. Nous ne parlerons pas des alluvions contemporaines qui se forment sous nos yeux, tous 18 jours, dans les divers bassins des rivières. ASSISES SCIENTIFIQUES DU BLAISOIS, TC. 463 NOTE SUR CETTE QUESTION : La classification commünément admise par les géologues s’applique-t-elle bien au département du Cher ? Par M. le marquis ne ViBrAYe, De l’Institut des provinces. On ne saurait traiter isolément les trois premières questions du programme, non plus que les résoudre d'une manière absolue. La classification communément admise par les géologues s'applique bien aux forma- tions du département de Loir-et-Cher; mais là, comme partout ailleurs , un dernier mot n’est pas encore dit. Les différents étages du système crétacé forment au département comme une ceinture; toutefois ; au Nord- Est, le calcaire de la Beauce est seul apparent. Ce sys- tème des meulières supérieures se prolonge sans in- terruption sous les alluvions anciennes et le diluvium jusqu'aux portes d'Etampes, où il repose lui-même sur le grès de Fontainebleau, par lequel il se relie à l’en- semble du bassin parisien, ou pour mieux dire qui l'isole au contraire et lui enlève tout lien de parenté , de relation d'âge avec ces formations. Nous avons laissé à M. l’abbé Bourgeois la tâche de décrire l’ensemble du système crétacé, de discuter cer- tains faits relatifs à la classification de ces terrains, nous réservant de parler des formations plus récentes, notamment du falun, des alluvions anciennes , du di- luvium supérieur enfin, qui semble être le dernier anneau de l’enchainement géologique et recouvrir con- séquemment l'ensemble de toutes les formations. 464 INSTITUT DES PROVINCES DR FRANCE. Le falun , dans le département du Loir-et-Cher , est beaucoup plus développé qu'on ne le suppôse commu- nément ; seulement il est souvent, pour ne pas dire constamment, recouvert d’une couche plus ou moins puissante de sables ét même d’argiles appartenant aux formations plus récentes, l'alluviam et le diluvium, plus un troisième étage qu’on pourrait désigner, pour le bien faire comprendre, sous lenom de loes diluvien. Nous ne pouvons dès à présent circonscrire exacte ment la mer de l’époque falunienne : ce que pourtant nous savons déjà, c'est que partout dans notre dépar- tement nous constatons la présence des rivages et ne rencontrons les espèces pélagiennes que plus rarement et presque toujours réduites à des proportions d’un volume inférieur aux échantillons de la Touraine. Loir- et-Cher est donc évidemment l'extrémité du golfe où se termine la mer du falun. Le côteau des grandes vi- gnes est un rivage, ainsi que la carrière du collége. Villebaron, sur la rive droite de la Loire , est dans le même cas. On étudie, je le répète , comme je l'ai dit ailleurs , les habitants des mers en quelque sorte dans léur vie privée ; les polypiers les plus délicats sont encore atténants aux pierres sur lesquelles ils se sont attachés; plusieurs espèces de pholades, des gastro- chènes , des saxifages , des petricoles, et notamment la petricola ochroleuca vivant encore Sur nos côtes, ont laissé leurs dépouilles encore intactes au sein des pierres qui leur ont servi d'habitation, Les huîtres y reposent encore sur leurs rochers. Autrefois on ne pouvait constater qu'accidentellement {à Villebaron) la position des deux systèmes lacustres et marins; jus- qu’à l’année dernière, on n'avait point rencontré près ASSISES SCIENTIFIQUES DU BLAISOIS , ETC. 465 de Pont-le-Voy les stratifications régulières de la partie supérieure du calcaire de la Beauce caractérisé par les hélices et formant la plage , le fonds , parfois comme les récifs de cet océan : le même phénomène s’observe donc aujourd’hui sur plusieurs points , mais il nedonne pas encore une ceinture définitive, un contour sans solution de continuité. | Cette mer de l’époque miocène ou plutôt pliocène , étendait ces ramifications sur plusieurs points de l'Eu- rope centrale, et ses rivages , cette couche inférieure du falun de Touraine , se retrouvent en quelque sorte identiques sur tous les points de ces différents golfes qui n'auront été comblés que par le cataclysme diluvien: L'époque de cette dernière période des temps anciens n'est pas encore suffisamment étudiée. Je crois pour- tant pouvoir hasarder quelques considérations sur. ce point, l’analogie des faunes, des faluns et de leur su- perposition sur des rivages de formations identiques venant contrôler mes appréciations à cet égard. Villebaron , Pont-le-Voy. Louans en Touraine , les Sancats, près Bordeaux, les environs de Dax et les fossiles de la partie nord du bassin de Vienne , en Moravie, appartenant à cet étage inférieur , reposent sur la couche supérieure du calcaire siliceux caractérisé par le grand nombre d’hélices que cette couche, acci- dentellement carbonifère et fétide, renferme sur plu- sieurs points. Ces mêmes hélices continuaient à être entraînés par les grands affluents de cette époque. On les retrouve identiques en Touraine, à Bordeaux et dans le bassin de Vienne aussi bien que chez nous.Seu- lement sur tous ces autres points, je n'ai pu constater comme à Pont-le-Voy la contemporanéité de leur dépôt. 466 INSTITUT DES PROVINCES DR FRANCE. Ici je retrouve sur plusieurs espèces entraînées telles que des hélices , dans l’intérieur même de la coquille, des serpules attachées au test. C'est une preuve de l'existence simultanée des grands affluents et de la mer du falun. (Tout récemment ta découverte d'un gisement _très-abondant d’ossements de pachydermes ‘aux envi- rons de Beaugency, a permis de constater ka présence d'une couche de coquilles fluviatiles et terrestres iden- tiques à celles qu'on rencontre dans les faluns. On a pu reconneïtre notamment l'identité d'individus ap- partenant au genre Auricule.) Si nous voulions en chercher d'autres preuves ; ne les trouverions-nous pas dans ces débris de pachydermes, de carnassiers , ron- geurs, ruminants retrouvés sur ces plages et couverts de serpules et de polypiers. Ces débris se déposaient donc dans une mer encore existante postérieurement à leur dépôt. L'existence est constatée par l’action même (prius est esse quam operari). Les alluvions an- ciennes que je prétendais plus haut désigner sous le nom d’alluvium, n’appartiennent donc pas au cata- clysme qui à comblé cette mer des débris qu'il entrai- nait et que je désigne sous le nom de diluvium. Il existait donc un immense courant déversant ses eaux dans cette mer, entraînant les débris des animaux et des mollusques terrestres vivants sur ces bords, des amphibies et des coquilles fluviatiles qui habitaient ses eaux douces. Aussi, depuis l'Auvergne , peut-on constater la présence de dépôts d'ossements contenant les débris de Dinotherium, de deux espèces de Mas- todontes, de Rhinocéros, de Carnassiers , de Croco- diles et de Tortues , etc. La couche inférieure des sables du plateau de la Sologne présente sur presque tous les ASSISES. SCIENTIFIQUES DU -BLAISOIS, ETC. 46% points des débris. plus ou moins conservés, mais ap- partenant évidemment à l’ordre, paléontologique des espèces que. je viens de citer. Ultérieurement se ma- nifeste un cataclysme; à son approche la vie devait disparaître à.la surface de la terre et les paisibles habitants des mers être enfouis sous les débris arra- chés aux continents. Cette révolution. violente est représentée par la cou- che supérieure des sables de la Sologne, et nous con- statons sa présence et son action à l'inspection des trois ordres de caractère mécaniques , minéralogiques et paléontologiques tout à la fois. Cette étude souvent microscopique de ces éléments divers est on ne saurait plus curieuse à constater. Vous suivez les blocs erra- tiques arrachés aux formations les plus rapprochées , tels que les poudingues siliceux de la craie et les blocs eux-mêmes du calcaire de la Beauce. Quant aux dé- bris venus de plus loin, vous ne les trouvez plus qu’à l’état de galets angnleux, s’ils ont pour origine un point de départ plus rapproché, comme les silex de la craie blanche ; arrondis, lorsque ce sont des débris de couches plutoniques entraînés du Morvant ou des au- tres formations primitives du centre de la France. Dans les alluvions du Beuvron , par exemple, j'ai cru reconnaitre les petrosilex accompagnant à la lisière du Morvant les émissions quartzeuses qui ont soulevé l'infra-lias et changé ses coquilles en sulfate de baryte. Dans les sables de l’intérieur de la Sologne, examinés au microscope ou à la loupe, vous retrouvez les élé- ments de toutes les roches de cristallisation , la forme dodécaèdre bipyramidale affectée par les quartz de certains granits, des paillettes de mica noir et blanc, 468 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. du feldspath, albite rose et plus rarement blanche; On rencontre même parfois les thephrines seoriacées des volcans d’éruption venant d'Auvergne. Vous re- trouvez ces débris minéralogiques mélangés d'énormes troncs de palmiers , de bois de cerf. Pour qui sait re- connaître dans une épaisseur moindre quelquefois de 2 mètres tous ces âges, toutes ces chronologies su- perposées , il n'y a rien de plus frappant. C'est ainsi que j'ai pu recueillir dans la falunière même de Pont- le-Voy le calcaire d'eau douce perforé par les pholades, les ossements de pachydermes et les coquilles marines; enfin, à la surface, les silex de la craie blanche et les bois d’un cerf désigné par les veneurs d'après son âge sous le nom de Dagnez. Sauf de rares exceptions , l'aspect de ces débris organiques a des caractères bien constants et leur classement paléontologique d'autre part doit servir à tracer leur limite. Les pachydermes alluviens ont disparu dans le diluvium , révolution évidemment postérieure, où les débris organiques des mammifères ne sont plus que des ours, des hyènes, des chevaux, des bœufs, des renards, des antilopes, des cerfs , quelques carnassiers et de petits rongeurs, la faune en un mot des animaux dont les ossements se rencontrent dans les cavernes. Je me suis étendu longuement sur le cataclysme diluvien ,— c’est qu'il est, à mon avis, un prodigieux niveleur, qui doit bien, ce me semble, faire époque et servir de limite à la classification comme à la dési- gnation et à la séparation des terrains. C'est ici que je trouve une obscurité dans les dési- gnatio ns nouvelles de formations tertiaires subdivisées en éocènes , miocènes et pliocènes, en ancien et nou- ASSISES SCIENTIFIQUES DU BLAISOIS, ETC. 469 veau pliocène, que j'aimerais autant qualifier de néo et palaio pliocène ; puisque du grec on en a mis par- tout; ces subdivisions , en quelque sorte acceptées, me sembleraient pourtant vicieuses, parce qu’elles ont procédé négativement et sur des caractères que chaque découverte moderne peut tendre à modifier, ou tout au moins à rendre moins frappant. On se fonde sur le plus ou moins d’analogues aux espèces vivantes, rencontrées dans les terrains plutôt que sur la contem- poranéité des couches. Le caractère zoologique l’em- porte sur les données géologiques ; c'est donc ici l'affaire d'une appréciation purement relative, puisque l'ouverture d’une nouvelle carrière , le soulèvement de nouveaux continents, le draguage heureux d'un point quelconque des mers peut modifier ces relations nu- mériques d'identité. | Si vous prenez, au contraire, pour base d’une clas- sification rigoureuse, l’invariable superposition des formations bien tranchées, l'ensemble des mêmes ‘phénomènes, vous obtiendrez des classifications lo- giques. Plusieurs séries d'êtres n’ont-ils jamais vécu simultanément dans des milieux très-différents , à des profondeurs très-diverses, où chacun d'eux rencontrait les conditions de température, d'élasticité, de pression nécessaires à leur existence? Dans un même terram ne rencontrez-vous pas les fossiles congénères dans la même zone, à la même hauteur de niveau ? La dif- férence dans la faune de certaines couches est-elle une preuve incontestable du défaut de synchronisme, dans la vie des êtres qui les ont peuplées ? Je ne saurais admettre une semblable théorie , et je réclame pour le falun la dénomination grecque qu’on voudra bien 470 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. adopter, mais Je la désire uniformé aussi bien qu'uni- verselle pour toute la formation. Jusqu'à ce jour, je le répète, le synchronisme ne peut s'établir; mais aussi l’absence de certaines couches est encore ‘un argument négatif à opposer à des faits avérés. Je veux bien que le crag du suffolk repose en Angleterre sur le London-claÿ {argile de Londres); il n’en est pas moins vrai que dans le bassin parisien, le sable glauconifère et le calcaire grossier qui représentent l'argile de Londres, sont subordonnés au grès de Beauchamps , à la formation lacustre qui le recouvre, au calcaire silicieux de St.-Ouin, à l’ensemble des formations gypseuses et au grès marin de Fontainebleau, recouvert lui-même par les trois assises des meulières supérieures ou calcaire de la Beauce, sur lequel repose d’une ma- nière incontestable l’assise la plus inférieure des faluns, dont la faune aussi bien que la position est identique à l'extrémité de tous les golfes de cette mer, c'est-à-dire, en Touraine comme chez nous , à Bordeaux {Sancats ), à Dax et en Moravie. Les mêmes superpositions depuis le calcaire jusqu’au falun, moins complètes, 1l est vrai, mais aussi rigoureuses , Ont été retrouvées par M. Delbos aux environs de Bordeaux / Bulletin de la Société géologique de France, 16 mars 1846). L'anaiogie la plus complète se rencontre encore entre les couches ou plutôt les récifs d'Eicenstad en Hongrie, sur les- quels vous retrouvez les bancs de térébratules , de pecten, d'échynodermes, de polypiers et de bryozoaires, et les formations des environsde Doué (Maine-et-Loire). Les fossiles de Léognan près Bordeaux sont iden- : tiques avec ceux de l'assise de Portzleinsdorf aux portes de Vienne. et lafaune subappenninneases repré- ASSISES SCIENTIFIQUES DU BLAISOIS, ETC. 471 sentants à Baden ;-dans le bassin de la Basse-Autriche. L’ensemble de :ces formations se termine au. crag. Dans celui de Belgique, le crag inférieur, ou système distien du savant professeur M. Dumont, présente la plus grande analogie avec les grès du falun nommé grison par les habitants de la Basse-Loire , grès qu’on retrouve, dans le Loir-et-Cher, surune foule de points.Le système distien est recouvert par le système scaldisien du même auteur, le crag proprement dit, celui d’An- gleterre , et c’est la formation que le diluvium remplace immédiatement. Au fort de Deurne, près d'Anvers, vous retrouvez cette formation recouverte par une puissante alluvion renfermant non plus des pachydermes, comme en Sologne et en Touraine , mais des ossements.de lamantins, cétacés vivants à l'embouchure, des fleuves. Leurs débris sont couverts de flustres comme à Bor- deaux, comme à Pont-le-Voy , les espèces ne sont pas déterminées; mais peu m'importe la plus ou moins grande analogie de ces débris. Le crag n'en a pas moins disparu sous les puissants débris du-diluvium cam- pinien, entremélant les grès distiens -aux roches paléozoïques des Ardennes , aux formations crétacées des bords de la Meuse, qui ont. été s’entrechoquer sur le point culminant du plateau de la campiue, à Postel, avec les blocs deformation granitique de la Scandinavie. Comment séparer des formations. dont l’extünction coïncide avec la même perturbation du globe? Le groupe miocène , à mon sens, devra donc s'étendre jusqu’au crag inclusivement, ou le pliocène embrasser la série des terrains compris entre le calcaire de la Beauce, les meulières supérieures et le cataclysme diluvien. 472 INSTITUT DES PROVINCES DB FRANCE. , N.-B. Je crois avoir justifié l'expression de loes diluvien en parlant de certains dépôts de marnes su- perficielles à propos de l'analyse des terrains. Dans quelle proportion numérique les espèces nouvelles ow non décrites sont-elles dans les différents terrains? Tous les terrains de notre département contiennent plus où moins de débris organiques , tous ont été recueillis soigneusement , pourtant les collections sont peu nombreuses. Les terrains crétacés ont été scru- puleusement explorés par MM. les abbés Bourgeois et Delaunay , et toutes les espèces, à l'exception de quel- ques-unes nouvellement découvertes , ont été décrites par M. d'Orbigny dans sa Paléontologie française. Quant au falun, j'ai commencé la série de ses fossiles en 1836 ; à cette époque j'en avais recueilli déjà 180 espèces. Depuis, MM. Noël professeur de physique à Pont-le-Voy, Bourgeois et Delaunay ont également collecté, car nous ne parlerons pas de cer- tains chercheurs qui ont malheureusement emporté de remarquables espèces non décrites. Ces fossiles , dont on retrouve les analogues dans plusieurs localités, appartenant aux mêmes étages des mêmes terraiàs, tels que Dax, Bordeaux, Asti, le bassin de Vienne, la Hongrie etla Moravie, ont été décrits par Lamarck, Marcel de Serres, Brocchi, Deshayes, Dujardin, Grateloup, d’Orbigny, etc., et dernièrement déter- minés de nouveau pour le bassin de Vienne, par M. Partschchorns, conservateur du musée impérial et royal, et plusieurs autres. Cette dernière détermination mérite, à notre sens, un contrôle, parce qu’elle attribue au bassin de Vienne sous d’autres noms certaines ASSISES SCIENTIFIQUES DU BLAISOIS, ETC. 473 espèces déjà connues et quelques-unes au moins sous de nouvelles dénominations. | Les espèces nouvelles ou non décrites récoltées dans le Loir-et-Cher forment environ le tiers des fossiles du falun de notre département. On peut mentionner un genre qui n'avait pas été remarqué jusqu'à présent dans la faune antédiluvienne , le concholepas, dont l'unique espèce vivante est originaire du Pérou. L’'in- dividu n’est pas complet ; un autre de même espèce, et qui peut-être eût présenté des caractères plus précis, est devenu la proie d’un de ces chercheurs monomanes qui enfouissent leurs trésors et les dérobent à tout jamais aux appréciations scientifiques. Combien y a-t-il d'espèces principales de terrain meuble dans le pays fcirconscrire par sous-régions et appliquer la question à des circonscriptions peu éten- dues ) ? | Quelles sont les qualités relatives de ces terrains rela- hivement aux productions agricoles ? | L'ensemble du département de Loir-et-Cher présente des natures de sols très-diverses et par suite une très- . 8rande diversité de produits agricoles. Dans la Sologne, le sous-sol imperméable joue un grand rôle: presque toujours la couche argileuse est rapprochée de la sur- face et la rend imperméable. Dans bien des cäâs le drainage serait nécessaire si la valeur des terres per- mettait une mise de fonds considérable, et je ne pro- poserais d'entreprendre cette opération dès aujourd’hui qu’à titre d'essai, malgré les heureux résultats qu'in- failliblement on doit en obtenir. Cette nature de sous- sol argileux ne peut que très-difficilement être classée 474 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. géologiquement. Ce sont des argiles compactes , diver- sement colorées, que j'ai-forées jusqu’à près de 25 mètres sur plusieurs points, sans en pouvoir trouver la fin. L'absence de fossiles ne permet pas de leur assigner exactement un âge, et leur superposition ne m'est pas bien connue : ces argiles semblent toutefois plus récentes que le calcaire d’eau douce, et peuvent être contemporaines soit des alluvions anciennes, soit même du falun, moins probablement toutefois, car la compacité du sol n'existe pas-dans la zone du Sud- Ouest du département, où les vestiges du falun se dé- couvrent sous les alluvions anciennes ou le diluvium. La zone du calcaire d’eau douce qui borde une por- tion notable de la rive gauche de la Loire, et recouvre Je sol d'un certain nombre de communes de l’intérieur, était, 1l y a quelques années, la région spéciale de la culture du-froment, mais depuis que les bonnes pra- tiques agricoles ont pénétré dans notre pauvre Sologne, la culture du froment tend à se propager chaque jour davantage, favorisée par l'emploi des amendements calcaires également propres aux terrains argileux et sablonneux. Toutefois, les sables trop arides semblent destinés par leur nature même à la culture des pins ou autres essences résineuses ; les terrains argileux que la marne ne pourrait modifier qu'à grands frais, et que la proximité des débouchés ne permet pas de cultiver comme vignes, réclament le boisement au moyen des essences à feuilles caduques. Les sables profonds et substantiels qui recouvrent les grès ou les dépôts de sables coquillers du falun, sont propres à toutes espèces de cultures, toujours, et cela va sans dire, avec les amendements conuvenables. La presque totalité de la ASSISES SCIBNTIFIQUES DU BLAISOIS, ETC. 475 Sologne de l'Est et du Sud, à l'exception des escar- pements des bords du Cher, où la vigne se cultive avantageusement sur les côteaux de craie moyenne et de lambeaux d’alluvions de plusieurs âges, la presque totalité de cette région, dis-je, est siliceuse à la sur- face , avec un sous-sol argileux plus ou moins profond. L'appréciation judicieuse du cultivateur ou du pro- priétaire est la seule règle à suivre pour l’utilisation de ces terrains où la culture ne peut être profitable qu’à la condition d’être restreinte et rendue profonde au lieu de chercher à l'étendre. Tout ce qui ne peut pas être convenablement cultivé doit être boisé : c'est ce que font un grand nombre de propriétaires , et c’est un service qu’ils rendent à la culture ; mais leur conduite n’est pas communément et convenablement appréciée. Cependant, on le reconnaîtra plus tard, le progrès de l’art agricole en Sologne est à la condition d'une culture beaucoup plus restreinte, en thèse générale bien entendu. Certains agronomes ou capitalistes sont bien libres d'exercer leur taleut sur un sol infertile, ou d’y enfouir des capitaux dont on ne retrouvera point d'intérêt, mais qui sans nul doute amélioreront le sol et permettront aux successeurs de restreindre un peu moins la culture; mais l'exception ne fait pas règle, et la rive gauche de la Loire ne peut encore être traitée comme les riches plaines de la Beauce. Les bassins du Beuvron, du Casson et de leurs affluents sont. tourbeux, marécageux, quoique repo— sant sur des alluvions siliceuses ; leur cours, arrêté par des moulins de peu de valeur et trop multipliés, ont un écoulement insuffisant. La régularisation de leur cours et l'écoulement plus rapide favorisé par la sup- 476 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. pression de quelques-unes de ces usines de faible valeur, le drainage enfin sur certains points, appor- teraient une amélioration réelle sur les rives si maré- cageuses et si malsaines de ces cours d'eau. Mais l'Etat seul peut se charger de cette première amélio- ration de la Sologne, beaucoup au-dessus de la valeur intrinsèque des propriétés riveraines. C’est un travail d'ensemble et d'utilité publique, autant que de salu- brité. Nous sommes en retard comme toujours sur nos voisins. L'amélioration de lacampine belge a commencé par l'intervention de l'Etat, et le premier début, avant les canaux d'irrigation, fut le redressement et la cana- lisation des Deux-Neithes, autrefois les tristes émules du Cosson et du Beuvron. La culture de la Beauce {rive droite re la Loire) est _ assez connue : la nature calcaire du sous-sol de son terrain d'eau douce la rend fertile par nature et propre à toute espèce de culture, notamment les céréales et plus particulièrement le froment. Le nord du dépar- tement de Loir-et-Cher, plus accidenté, riche eéncoré d'éléments calcaires empruntés à plusieurs étages des formations crétacées, se prête admirablement à toute espèce de culture. M. l'abbé Delaunay fait observer que les meilleurs vins du Vendômois appartiennent tous aux côteaux formés par ies assises supérieures des formations crétacées ; peut-être doit-on attribuer la qualité de ces vins ; qui pourraiént presque , suivant lui, rivaliser avec ceux de Champagne, à la présence de l'élément siliceux...…. Il est vrai que les vins de Champagne proprement dits ne se récoltent que sur les côteaux appartenant aux étages supérieurs des terrains crétacés. Les assises inférieures, telles que le ASSISES SCIENTIFIQUES. DU BLAISOIS, ETC. 477 gaultet les terrains aptienet néocomien, ne. fournissent que de fort méchants vins. L'analyse des terrains de Loir-et-Cher n’a pas été faite chimiquement, que je sache. Leur composition était trop simple pour nécessiter cette opération. Un terrain seul mériterait peut-être un examen sérieux, mais du géologue tout autant que du chimiste. C’est une couche marneuse et superficielle qui repose sur le diluvium, C'est un dernier effort du cataclysme dilu- vien, le premier temps d'arrêt, en quelque sorte le précipité des détritus alumineux et calcaires tenus ‘en dissolution par les eaux, et dont une période plus tranquille aura permis le dépôt. Ces marnes superf- cielles se retrouvent donc en Sologne dans des condi- tions en quelque sorte anormales, et.sont accompagnées d'atterrissements- argileux qu'il faudrait analyser ou traiter par un acide pour savoir dans chaque localité ce qu'ils peuvent contenir de principes calcaires ou s'ils en sont privés. Comme ces sortes d'atterrissements sont les plus superficiels et que les marnes qui:en dérivent sont assez pauvres en chaux, ces deux ter- rains, ou plutôt ces deux modifications du même terrain, ne pourraient agir efficacement l’une sur l’autre sans une addition de chaux. C'est ce terrain supérieur au diluvium, aux sables granitiques, aux alluvions anciennes, aux ossements de pachydermes, aux débris de tortues, que j’ai cru pouvoir désigner sous le nom de loes diluvien ; commeles atterrissements du Rhin qui portent ce nom; comme le loes du Bas- Meudon , près Paris. Quant à la chaux comme amen- dement , on ne l’emploie pas encore en Sologne comme en Anjou, Depuis que les fours à chaux des bords de 478 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. la Loire ont fourni l'élément calcaire à ces granits autrefois si rebelles, une riche culture a remplacé les landes et les champs de genêts. À défaut de marne et plus puissamment qu’elle, la chaux, sous un moindre volume, doit procurer un riche et puissant amende ment à nos sables , où tous les éléments minéralogiques du granit se retrouvent. | MéTÉOROLOGIE.— A-f-on fait dans le pays des obser- vations météorologiques suivies ? Dans le département de Loir-et-Cher, comme dans la généralité de la France, une statistique météoro- logique suivie n'a pas été faite. Ces observations de longue haleine demandent savoir et pouvoir. Le con- cours d'un assez grand nombre de personnes appelées à remplir ces deux conditions n’est pas facile à ren contrer. Toutefois quelques hommes de science ont commencé cette œuvre. M. Renou, de Vendôme, rend compte de sestravaux sur cette matière. « Convoqué trop tard aux Assises scientifiques de Blois, à mon retour d'un voyage dans le Sahara algé- rien , je n’ai pu communiquer aucun travail écrit à la Société. Mes travaux dans le département ont surtout rapport à la météorologie. J'observe à Vendôme depuis le mois de juillet 1848. Je note le baromètreet le ther- momètre d'heure en heure, de 6 heures du matin à 10 heures du soir. J’observe le pluviomètre depuis 1850. Enfin j'ai observé presque aussi assidûment les varia- tions de la température du Loir, et j'en ai tiré la conclusion que la température moyenne de l'eau de cette rivière dépasse de près de 2 degrés 5710 celle de ASSISES SCIENTIFIQUES DU BLAISOIS , &TC. 479 l'air. Pour m’assurer que ce n’est point un fait excep- tionnel , j'ai fait faire des comparaisons analogues pour la Loire, à Tours, et plus tard , pour la Seine, à Paris et à Rouen: l'excès de température présenté par ces rivières est moindre, mais encore considérable. Ces résultats ont été l'objet de discussions à l’Académie des sciences de Paris et à la Société royale de Londres, l'année dernière. « J'ai communiqué en même temps à l'Académie une note sur les différences de température entre la ville et la campagne, par certains états de l'atmosphère. J'ai fait voir, par exemple, qu'au mois d'avril 1859, par une température de —1°, 5 dans la viile, les seigles avaient gelé dans la campagne. Dans une vallée où ce phénomène s'était reproduit avec toute son intensité, le thermomètre posé sur le sol marquait —10°. « Antérieurement, en 1847, j'ai communiqué à l'Académie des sciences une note sur un froid tout- à-fait anormal de—18, 0 observé par moi-même à Vendôme, le 12 mars de la même année. J'ai commu- piqué , eu 1851, l'observation que j'ai faite à Vendôme de l’éclipse de soleil du 28 juillet, avec la série des températures observées de demi-heure en demi-heure pendant l’éclipse. « Des observations SH AET AUS de 1851 ont été publiées dans l'Annuaire métevrologique de France, t. IV, qui a paru cette année. » M. de Vibraye comprend combien il est à désirer pour l'établissement des climats de la France et des influences atmosphériques , que des observations mé- téorologiques se pratiquent sur un grand nombre de points avec des instruments en quelque sorte étalons, 21 480 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. vérifiées sur un point central, ayant un caractère officiel comme le mètre. Les observations météorologiques ont une puissante influence sur les progrès de l’agriculture et de l’horti- culture, qui est le premier pas pour arriver à l’intro- duction des végétaux utiles au pays. Pour preuve de ce qu'il avance, M. de Vibraye demande la permission de relater les queiques observations météorologiques faites à Pont-le-Voy par M. Noel, professeur de phy- sique, et d'essayer d’en tirer quelques conséquences re- latives à l'introduction de quelques végétaux étrangers. Les observations de M. Noel ne se sont prolongées que deux années relativement à la température, de 1838 à 1840. Moyenne annuelle par les observations de 6 heures et 10 heures du matin , 2 heures et 6 heures du soir. Cette moyenne, reposant sur des observations si peu prolongées, ne saurait être rigoureusement exacte. Toutefois, en admettant ces chiffres que M. Charles Martens semble avoir lui-même acceptés, nous arrivons à des conclusions pouvant intéresser une foule de branches de nos connaissances pratiques, sans parler de la géographie botanique. Sa température moyenne a été reconnue de 12°, 2. Savoir : hiver, 4°, 3; printemps, 11°, 3; été, 20°, 9; automne, 12, 1. Il en résulte que si la température de Pont-le-Voy représente assez exactement celle d'une partie notable du département de Loir-et-Cher, la Sologne, par exemple, celle-ci l'emporterait de 2, 1 sur la température de Vienne, de le, 8 sur celle de Londres , 1°, 4 sur celle de Paris , et serait inférieure de 0e, 3 à celle de Nantes, et Ov, 1 à celle d'Angers. Pont-le-Voy se trouve exactement sur la ligne isothère 48] de Nantes et sur la ligne isochymène d'Angers à un dixième de degré près, Mais d'autre part, la compa- raison des extrêmes de température nous place dans la série des climats excessifs ou continentaux , tandis que les températures moyennes inférieures à la nôtre prennent rang parmi les climats uniformes ou marins. C'est ainsi que le climat de Londres, quoiqu'inférieur au nôtre quand aux degrés de la température moyenne, donne asile à des végétaux de zônes plus méridionales, qui ne peuvent supporter les extrêmes de notre climat. C’est ainsi que nous devons expliquer encore le dépé- rissement de certains arbres, tels que l’Abies morinda, le Picea spectabilis , qui réclament un abri dans le Blaisois, et ne perdent pas leurs flèches au climat de Paris comme chez nous. Je donne ici pour terme de comparaison de notre climat, la moyenne de tempé- rature de neuf localités différentes, et en regard les extrêmes des mêmes températures. ASSISES SCIENTIFIQUES DU BLAISOIS, ETC. TEMPÉRATURES MOYENNES. EXTRÊMES DE TEMPÉRATURE. fo, Près Londres. .= 9°, 6, 2°, Vienne, . . . .—10°, 1. 3°. Bruxelles. . . .—10°, 2. 4°. Londres... , . .—=10°, 4. 5°. Paris. . . . .« .—10°, 8. 4°. Angers. ...:,.=1429, 4 2°, Londres. . . .=129,,8. 3°. Près Londres. ,—13°, 3. ho Paris. . . . «14°, 8. 5e, Bruxelles. . .—=15°, 7. 6°. Denaïñvilliers(1}=—11°, 1. 2°,. Pont-le-Voy. . .==12°9, 2, 6°, Angers... 22129 3. D NADER LD PA © 6°, Nantes.. . . . —16°, 0. 7°, Denainvilliers. 16°, 4. 8°. Pont-le-Voy. .—16°, 6. 9°, Vienne.. . . .—=20°, 2, (1) N'ayant pu me procurer exactement la température moyenne d'Orléans, j'ai préféré prendre celle de Denainvilliers , établie sur les recherches consciencieuses et prolongées de Du- hamel de Monceau. 482 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. Ce n’est pas arbitrairement que j'ai fait choix de ces localités comme terme de comparaison. Bruxelles est le point d'arrêt de la végétation du pin maritime, que je regarde comme ayant atteint chez nous l'extrême limite de température hivernale qu'il peut supporter. Les environs de Vienne, la Basse-Autriche constitue l'habitat du pin noir. C’est donc sous l'influence d’une température moyenne plus basse que la nôtre de 2 degrés et plus, qu’il végète vigoureusement et donne une abondante résine. Il prospère également plus au Midi, comme semble l'indiquer le pin d'Amanie, que je regarde comme lui étant identique, et comme le prouve sa présence en beaux et nombreux individus dans la forêt impériale de Panowitz, entre Leybach et Goritz. Les extrêmes de température qu'il supporte dans la Basse-Autriche, 20°, 2, nous sont une garantie de sa rusticité dans nos climats. Enfin, Nantes, An- gers , Londres et Paris sont des termes de comparaison que les horticulteurs citent sans cesse et dont on a besoin de connaître les variations de température pour l'introduction de certains végétaux utiles. L'étude des températures isothermes nous assure aujourd’hui théoriquement, comme nous en avons la preuve dans la pratique, la possession des plus pré- cieuses et des plus gigantesques espèces de conifères de la Californie, de l'Orégon et des montagnes ro- cheuses , notamment le Pinus ponderosa, qui proba- blement deviendra l’émule du Pinus nigra Austriacæ pour l'industrie du gemmage. Le plus grand nombre des arbres introduits à la fin du dernier siècle, ont mal végété sur notre sol, et plusieurs, notamment le Taxodium distichum, ne sauraient nous procurer des ASSISES SCIBNTIFIQUES DU BLAISOIS , ETC. 483 graines fertiles dans le centre de la France. La plupart de ces arbres appartiennent à l'isotherme de 20°, coupant la côte Ouest de l'Amérique, à l'extrémité méridionale de la presqu'île de la Californie, traver- sant la Caroline du Sud par 32° de latitude , passant entre Madère et Ténériffle, remontant près de Tunis et d'Alger, pour s’étendre jusqu’au Caire et Candie. Ce n’est point là le climat de la France continentale comoris entre les isothermes de 10° et de 15°. Les possessions françaises ne s'élèvent jusqu’à 20° que par l’adjonction de la Corse et de l'Algérie. L'isotherme de notre département est donc une moyenne des deux isothermes entre lesquels est comprise la France con- tinentale. Celle de 15° coupant la côte Ouest de la Nouvelle-Californie pour atteindre en Europe la limite de l'Espagne et du Portugal, passer au Nord de Rome et dans la partie septentrionale de la Turquie, et l'isotherme de 10° coupant la côte de l'Amérique du Nord à la hauteur de la Colombie , aux forts Vancouver et St.-Georges, par les 45° ou 46° de latitude, tra- verse la partie septentrionale des Etats de l'Ohio, se dirigeant vers New-York, seprolongeant en Europe, de Dublin à Londres, et s’abaissant ensuite vers Dresde et Prague, jusqu’à Sebastopol. C’est donc en connais- sance de cause que nous pouvons introduire dans nos cultures les richesses de cette partie du Nouveau- Monde. M. Noel a fait encore à Pont-le-Voy des expériences sidométriques pendant l'espace de 58 mois compris entre 1837 et 1843. De ces expériences il résulterait qu’il tombe annuellement en moyenne sur notre sol une couche d'eau de 936 millimètres 1 dixième, tandis 484 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. qu'à Paris la moyenne sur la plate-forme de l'Obser- vatoire est de 471 millimètres. La moyenne de Pont- le-Voy serait la plus forte de toute la France, et pourtant nous avons à enregistrer trop souvent de longues et désolantes sécheresses qu'on ne remarque pas aussi périodiquement aux environs de Paris. Sans aucun doute, on doit attribuer ce phénomène au dé- boisement. Les pays déboisés sont constamment arides, et les pluies, lorsqu'elles surviennent, s'épanchent sur la terre en torrents dévastateurs. Le boisement, tout en abaissant la température d'un degré, d’après les données transmises par MM. Kaemtz et Boussingault, dans des conditions égales d'altitude et de latitude, nous procurerait en compensation l'avantage de coor- donner en quelque sorte les eaux de pluie, de trans- former en bienfaisantes rosées les eaux torrentielles qui nous inondent , enfin de modifier et d'atténuer les extrêmes de température trop souvent funestes à notre végétation. | Questions archéologiques. La statistique monumentale du département est-elle faite ? Quels sont les travaux déjà terminés sur ce sujet? Quelles sont les deductions résultant des études déja faites, soit sous le rapport des établissements romains qui ont existé, soit sous le rapport de l'état de l'art au moyer-âge dans le pays? M. Laurand a répondu à ces questions ainsi qu’il suit : Personne jusqu’à présent n’a entrepris de faire la. statistique monumentale du département, Ja Société archéologique de l’Orléanais, qui en ce moment s'occupe de faire celle de la province, s’occupera par là-même de celle de Loir-et-Cher. ASSISES SCIENTIFIQUES DU PBLAISOIS, ETC. 485 Notre pays cependant est riche en constructions de tous genres et de tous les àges; plusieurs châteaux ont eu leur monographie; les débris de monuments romains ont été en grande partie décrits et publiés. Et d’abord les voies romaines de la Sologne, les marelles de Tésée, ont été relevées et décrites soi- gneusement par M.de La Saussaye, dans la première livraison de ses Mémoires sur les antiquités de la Sologne blaisoise. M. Duchalais a publié les deux inscriptions romaines de St.-Lubin de Suèvres; la tour de Griset, à Fontaine, a été décrite et dessinée par M. de Pétigny , dans son Vendômois archéologique. Ces monuments sont à peu près les seuls de la période romaine qui soient restés debout, mais en beaucoup d'endroits, en pratiquant des fouilles, l’on met à découvert des débris de constructions de cette époque, des tuiles à rebord , des marbres, des débris de poterie; notamment à Souing, à Artuis, à Suèvres, on a trouvé une mosaique et des aquéducs, décrits dans le 1°*, volume des Annales de la Société archéologique. Sur les confins de la forêt de Russy, à la haute borne commune de Vineuil, on a découvert un fragment d'inscription romaine perdu malheureusement aujour- d’hui. De l’époque romaine , le Blaisois possédait des camps à demeure qui, plus tard, firent place à des forteresses au moyen-âge et à d’élégants manoirs à la renaissance. Peu de départements sont aussi riches que le nôtre en châteaux de toutes lesépoques, les tours des Montils et de Coulommiers, le château de Vendôme, remontent au XI°. ou XII. siècle ; le château de Blois, curieux assemblage de constructions de tous les âges , depuis 486 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. le XIII®. jusqu'au XVII. siècle, a eu pour historien M. de La Saussaye, qui a aussi décrit Chambord, cette perle de la renaissance. Lavardin, qui rappelle un peu les magnifiques ruines de Pierrefonds, cette belle ruine des XIV®. et XV®, siècles, a été publie dans le Vendômois archéologique , ainsi que la Pois- sonnière, l'élégant manoir de Ronsard ; Bury a été tiré de l'oubli par M. Handin; Chaumont, Cheverny, le Moulin, attendent quelqu'un pour en faire ressortir les richesses inconnues. Tous ces châteaux nous montrent quel degré de perfection l’art de la renaissance atteignit dans notre pays; le séjour de la cour, au XVI®. siècle, dans cette contrée, exerça une grande influence sur l’art de l'époque; à Blois, notamment, s’élevèrent de somptueux hôtels : l'hôtel Hurault, l'hôtel d'Alluye, l'hôtel d'Aumale , si intéressant par son oratoire encore peint à fresque , et tant d'autres , délaissés maintenant dans les plus tristes quartiers, possèdent des détails de sculpture aussi intéressants que celle du château. Remarquons qu’à trois siècles de distance, la restau- ration de ce château excerça la même influenee sur l'art de ce pays; c'est depuis cette restauration seule ment que nous voyons les façades des maisons par- ticulières s’embellir, se décorer de sculptures par ces mêmes artistes qui ont travaillé au château et depuis se sont fixés dans ce pays. Le département de Loir-et-Cher ne possède aucun édifice religieux digne d’être comparé aux grandes cathédrales de France, mais il compte un certain nombre d'églises qui, dans de moindres proportions, intéressent vivement l’archéologue. ASSISES SCIENTIFIQUES DU BLAISOIS, ETC. 487 C'est dans les paroisses de la campagne que nous découvrons les restes de la période carlovingienne. Le pignon de St.-Cristophe de Suèvres doit être placé en première ligne. Construit entièrement en pierres de petit appareil noyées dans d’épaisses couches de mor tier, il offre des rangées de briques à plat, en feuilles de fougère | voir les figures données dans le tome XVIII du Bulletin monumental), des petits modillons, et est percé à moitié de sa hauteur de deux fenêtres à claveaux égaux. C'est une imitation de celui de Savenières, en Anjou , reproduit et décrit d’abord dans le Cours d'an- tiquités de M. de Caumont, et depuis dans tous les ouvrages d'archéologie. | Nous pouvons encore citer le pignon de l'église de Pouillé, le mur septentrional de celle de Mazange, le pignon d’Artins, décoré d’une ligne horizontale de pierres plus noires que les autres , d’une croix grecque noyée dans le mur et d’autres ornements. L'église de Mesland, avec ses fenêtres étroites comme des meur— trières, son appareil règulier, remonte encore à la période carlovingienne, ainsi que l’abside de Selom- mes, dont la vue est reproduite dans le Vendômois archéologique. Le XI*. siècle fut une époque de construction dans notre pays; presque toutes les églises de la campagne offrent des parties plus ou moins importantes de cette époque. Le plan adopté dans les grandes églises, comme à St.-Aignan et à Celles, est la croix latine avec colla- téraux et chapelles autour du chœur. Les voûtes de la grande nef sont sur nervures, les autres en arêtes simplement, l’abside et les chapelles sont circulaires 488 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. et voùtées en cul-de-four. St.-Aignan se fait remarquer par la pureté de son style et son ensemble, Celles par son portail orné de colonnes de marbre et son abside offrant en sculpture à l'extérieur la légende de saint Eusice. Les églises secondaires de cette époque, comme Aigues-Vives, Nanteuil, Cornilly , aujourd'hui à moitié ruiné, n’ont point de bas-côtés ; elles ont deux chapelles à l'Est du transept : leur caractère est sem blable à celui des églises précitées. Dans le Vendômoiïs, l'ogive est plus employée à cette époque qu’au midi de la Loire; tandis qu'à St.- Aignan et à Celles, les grands arcs des voûtes sont seuls en ogive, à la Trinité, au contraire, les fenêtres du transept et les baies les plus basses du clocher présentent cette forme. Les voûtes offrent aussi un caractère différent, les nervures sont bien plus multipliées et les clefs sont assez larges à la Trinité pour offrir des sujets de l'Ancien Testament ; à St.-Georges de Blois, la voûte, posée sur huit nervures, présente les quatre évangé- listes sur les rayons d’une rosace qui en occupe le centre. L'église de Monthou-sur-Cher se distingue de toutes les autres par son abside et son portail en petit appa- reil, et l’ornementation des elaveaux de ses ouvertures. Tous les joints faits en ciment se détachent en rouge sur le mur; à l’abside surtout, on voit des cercles entrelacés formant des quatre-feuilles : c'est une imitation du style de l'Auvergne, si remarquable à Notre-Dame-du-Port de Clermont. Le clocher du XI°. siècle le plus remarquable est ASSISES SCIENTIFIQUES DU BLAISOIS, ETC. 489 celui de Vendôme, haut de 80 mètres, flanqué de quatre clochetons à jour à la base de sa flèche. Celui d'Aigues-Vives est aussi fort remarquable. On peut encore citer ceux de Cours-sur-Loire, de Pont-le-Voy de la Chapelle-St.-M artin. L'ornementation de cette époque est en général tirée du règne végétal; on rencontre peu de chapiteaux historiés , ils sont du reste fort bien traités : le chef- d'œuvre de ce siècle est sans contredit le portail d'Aigues-Vives. Les églises du XIT°. siècle sont plus rares que celles de l’époque précédente dans les cam- pagnes, mais citons en première ligne , comme appar- tenant à cette époque, le chœur et le transept de St.-Lomer de Blois , si remarquables par leur hardiesse et leur décoration. L'arc en ogive y est seul employé avec les ornements du siècle précédent; les modillons intérieurs et extérieurs offrent une série de figures grimaçantes, les plus laides que l’on puisse imaginer. Au centre du transept s'élève une coupole sur ner- vures, unique peut-être au Nord de la Loire. La nef de Nanteuil et l’église de Troo sont en partie de. ce style. F Les monuments de la première période ogivale sont fort rares; nous ne possédons que la nef et le portail de St.-Lomer ; la nef offre, dans de moindres propor- tions, la même disposition que celle de Notre-Dame de Chartres. Pendant la construction de St.-Lomer, un religieux aura sans doute rapporté de Chartres le plan de la cathédrale, et l'aura fait exécuter ici. | L'architecture rayonnaute nous a laissé plus de monuments ; l’abside de Vendôme est en entier de cette époque, ainsi que les bas-côtés et les chapelles 490 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. : de Pont-le-Voy. Ces deux monuments, bâtis dans de vastes proportions, sont d’un bel effet. Cette époque est une époque de restauration surtout; il est rare de rencontrer une église entière de ce style; nous pou- vous cependant mentionner celle des Roches, bâtie d’un seul jet offrant le style rayonnant dans toute sa beauté. C’est une nef unique terminée par une abside à trois pans, les fenêtres à meneaux , les colonnettes en faisceau et les voûtes sur nervures sont bien traitées. Nous arrivons à une époque aussi féconde en monu- ments que le X1*. siècle. Peu d'églises ne présentent aucune partie flamboyante, mais sans parler de res- taurations, citons d’abord la nef et le portail de Ven- dôme offrant au plus haut degré de perfection le type flamboyant. Le portail surtout avec ses admirables dentelles de pierre est fort remarquable. La nef de Saint-Martin de la même ville, le joli portail et une chapelle. à St.-Saturnin de Vienne, enfin la nef de Pont-le-Voy sont ensuite les monuments les plus im- portants. On peut encore citer l’église de St.-Dié, celle de Cours-sur-Loire avecses vitraux aux armes de Hu- rault les donateurs, la chapelle de Saint-Calais à Blois, une chapelle et le portail de Nanteuil. Quelques clochers de cette époque se font remarquer par le luxe de leur décoration, entre autres la tour de Mer, qui ressemble un peu à celle de St.-Jacques- la-Boucherie ; les flèches de Mazange, Lunay, la Ma- deleine de Vendôme, Couture, etc. | On doit observer que dans notre pays on ne re- marque point aux voûtes des nervures très-multipliées, pas plus que ces culs-de-lampe qui sont de véritables tours de force comme en Normandie. Cette observation ASSISES SCIENTIFIQUES DU BLAISOIS, ETC. 491] s'applique aux monuments du XVI®. siècle plus rares que ceux du siècle précédent; on peut cependant in- diquer comme étant de ce siècle, le chœur et le tran- sept de St.-Martin de Vendôme , la chapelle du gou- verneur à St.-Lomer, l'église de Neuvy, bâtie en briques de diverses teintes formant lozange. En citant la petite église des jésuites de Blois, comme type de l'architecture du XVII®. siècle, nous aurons parcouru l’ensemble des constructions reli- gieuses de tous les âges dans le département. Que de monuments à eux seuls mériteraient une monographie, espérons que la Société archéologique d'Orléans, en entreprenant la statistique de la Province, tirera de l'oubli tant de richesses monumentales que renferme notre pays. Le Bulletin monumental, publié par la So- ciété française, renferme des notices intéressantes sur quelques-uns de nos édifices les plus remarquables et elle appelait sur eux leur attention il y a plus de vingt années. Quelles sont les collections les plus remarquables du pays en histoire naturelle, en peinture et sculpture , en objets anciens {indiquer quelques-unes des raretés qui s'y trouvent) ? Les collections d'histoire naturelle de Loir-et-Cher sont peu nombreuses : l°. La ville de Blois n’en possède encore que de faibles éléments, si toutefois on en excepte un Herbier remarquable offert par le docteur Monin , lequel pos- sède aussi lui-même un bel Herbier, | I s’est formé des collections conchyliologiques, en- tomologiques ; ornithologiques à différentes époques : 492 INSTITUT DES PROVINCES DE FRANCE. : les unes ont disparu complètement , les autres ont été reléguées dans des magasins sans ordre ni classement. 2°. Il existe pourtant une collection naissante d’his- toire naturelle à l'Ecole de Pont-le-Voy : la zoologie s'y trouve représentée par un assez bon nombre d'in- dividus ; l’entomologie par une série des principaux genres dont la classification est due à M. Guérin- Menneville; la minéralogie par une suite d'environ 1800 échantillons, classés d'après le système Beudant et dont les localités sont authentiques. Cette collection est l’œuvre de M. Ravergis. La conchyliologie vivante et les séries de fossiles des différents terrains, au nombre desquels les terrains crétacés et le falun sont représentés par des suites remarquables dues aux savantes recherches de M. l'abbé Bourgeois ; sa pré- sence sur les lieux mêmes lui a permis en outre de former une série précieuse des ossements fossiles appartenant aux alluvions anciennes ainsi qu’à une brèche osseuse qu’il a découverte et exploitée à Vallière, sur la rive gauche et tout près de la Loire. 3°, M. l'abbé Delaunay marche sur les traces de M. Bourgeois ; plus nouvellement initié aux sciences naturelles, sa collection est moins nombreuse ; il a pourtant de belles suites des terrains crétacés, prin- cipalement du nord de notre département, près de Vendôme, d’Artins , de Couture et de Montoirs. Un gisement d'ossements fossiles, nouvellement découvert sur les rives de la Loire, aux environs de Beaugency, a enrichi sa collection d'une série paléontologique riche et précieuse. 49, La collection minéralogique de M. de Vibraye, commencée par lui sous les auspices et la direction ASSISES SCIENTIFIQUES DU BLAISOIS, ETC. 493 du comte de Bournou, en 1823, s’est accrue depuis ce jour et se compose de 4 à 5000 échantillons. A leur suite commence l’histoire du globe, une collection géologique proprement dite, débutant par les coquilles vivantes, pour s’enfoncer jusque däns les couches primitives. (Ce sont les pièces justificatives de l'ensemble de la géologie; les différentes formes et les terrains représentés par des roches, y sont dans l'ordre de leur succession, de leur superposition na- turelle. | Peut-être semblera-t-1l bon de mentionner ici l’ar- boretum composé d'arbres résineux de pleine terre dans le parc de Cheverny. C’est de l'histoire naturelle vivante, une étude physiologico-végétale des espèces à introduire et introduites déjà sur une plus grande échelle sur le sol forestier. Déjà 120 espèces de coni- fères remarquables par leur aspect et plus spécialement par leurs hautes dimensions, sont en étude, et de nombreuses nouveautés, principalement de l'Orégon -et de Cahfornie, donnent aujourd’hui des graines fer- tiles, soit spontanément, soit au moyen de féconda- tions artificielles. Mentionnons dans les collections d’antiquités gallo- romaines les vases que M. de La Saussaye, notre compatriote, membre de l'Institut, a reproduits dans son grand ouvrage sur la Sologne. M. le curé de Santenay, près Romorantin, possède une série de vases de la même époque et provenant des fouilles de Sologne ; les plus remarquables sont en verre. Une série des mêmes vases se retrouve au château de Cheverny. On n'oubliera pas de remarquables figu- 494 INSTITUT DES PROVINCES DB FRANCE. rines, recueillies à Soing par MM. de Fougères, et dont les costumes rappellent ceux de l'Eglise catho- lique. M. de La Saussaye pourrait donner quelques éclaircissements à cet égard ; Les collections numismatiques de MM. de La Saus- saye et Cartier, pour les monétaires et les médailles gauloises ; les monnaies romaines , si je ne me trompe, du musée, et chez M. Lepage, curé de Santenay. Le moyen-âge est représenté par des meubles cu- rieux : chez M. de La Saussaye... expliquer... M. Turpin, id... un prie-dieu restauré de l’époque de Louis XII, d'un beau travail, et quelques autres meubles à Cheverny. Là se retrouvent encore des armes blanches et des armures des XIV*., XV®. et XVI®. siècles, dans la salle des gardes. On peut encore citer un collier des chevaliers de St.-Jean, il est de deux époques : la médaille qui le termine est du XIII. siècle et représente la fille d'Hérodiade tenant la tête de saint Jean-Baptiste dans un plat, en pré- sence d’un guerrier qui très-probablement veut être Hérode. Il n'existe pas, à proprement parler, dans le dépar- tement, d’autre galerie de tableaux que celle de M. Chamberte. La ville de Blois recueille des tableaux qui ne constituent pas encore une galerie. Celle du château de Beauregard est curieuse plutôt que remar— quable par le nombre et la fidélité des portraits his-— toriques. On n’oubliera pas de mentionner parmi les bonnes toiles disséminées dans le département, l’Assomption de la Vierge, par le Poussin , appartenant à M. Frouil- ASSISES SCIENTIFIQUES DU BLAISOIS , ETC. 495 lard, et venant originairement del'église de St.-Nicolas. Je ne voudrais pas toujours parler de Cheverny, pourtant peut-être serait-il bon de mentionner les peintures murales, comme sorties du pinceau de Jean Mosnier, peintre blaisois. On trouve encore dans le même château trois tableaux de Rigaud, un Souster- mons, le portrait de Jeanne d’Albret, attribué à Porbus, une peinture sur bois que plusieurs peintres et notam- ment Robert Lefèvre regardaient comme un duplicata de la Jeanne d'Aragon du musée, dont la figure et les mains seraient de Raphaël, et le costume de Jules Romain. Le château de Meslay, ancienne habitation de M. de la Porte, notre regrettable collègue , renferme aussi de bons tableaux dont j'ignore les auteurs, si ce n’est quelques remarquables lilas de Rigault. Le marquis DE VIBRAYE, Président des assises du Blaisoïs. N'*, Parmi les notabilités qui ont siégé aux assises de Blois, on remarquait deux membres de l’Institut de France, MM, de la Saussaye et de Pétigny. ASSISES SCIENTIFIQUES D’AIX ET DE LA ROCHELLE. Nous regrettons vivement de ne pouvoir publier en- core quelques procès-verbaux d'assises qui ne seraient pas moins intéressants que ceux qui précèdent. Les procès-verbaux des assises d'Aix, présidées par le savant M. Roux, et celles des assises de La Ro- chelle, par M. l'abbé La Curie, sont des plus impor- 496 INSTITUT DES PROVINCES DB FRANCE. tants. Du reste , les faits curieux qui ont été révélés à la Rochelle, trouveront naturellement leur place dans le compte-rendu du Congrès scientifique de France qui doit siéger dans cette ville en 1856. Quant aux procès-verbaux des assises tenues à Aix sous la direction de M. Roux, sous-directeur de l'In- stitut des provinces pour le Sud-Est, ils formeraient à eux seuls un petit volume. D'ailleurs il vaudra mieux les réunir aux procès-verbaux d’autres assises du midi de la France : il est bon de comparer les résultats ob- tenus en les groupant par zônes, et le midi de la France offre trop de dissemblance avec le nord pour confondre dans un même chapitre ce qui concerne ces contrées et ce qui concerne les provinces du Nord. Nous dirons seulement que plus de soixante per- sonnes notables avaient répondu à l’appel de M. l'abbé Lacurie à la Rochelle, et qu'à Aix le nombre des membres a été plus considérable encore. Les. assises scientifiques d'Aix ont ouvert leur session, le mardi 21 juin . à 11 heures 1/2 précises, dans la grande salle de l’Université, sous la prési- dence de M. le docteur P.-M. Roux, de Marseille. Cette séance, honorée de la présence de Mg’. l'Ar- chevêque et de son clergé , ainsi que de M. le Maire, a été remarquable par le grand nombre d'étrangers venus des trois départements, des Bouches-du-Rhône, du Var et de Vaucluse, formant la circonscription des assises. | M. le Président a ouvert la séance par un discours ayant pour objet d'initier l'assemblée aux travaux de la session ; il a payé à la ville d'Aix un tribut d’éloges pour ses manifestations bienveillantes envers les assises. ASSISES SCIENTIFIQUES DU BLAISOIS, ETC. 497 Après ce discours qui a été unanimement applaudi, M. le Président est entré dans les détails administra- tifs concernant les travaux, a invité les membres à se faire inscrire pour traiter les questions du programme. Douze questions ont été traitées par des hommes versés dans la géologie; elles ont été complètement résolues , quant au département du Var, après les observations communiquées par MM. de Panes- corse, Bompar et autres; mais pour ce qui est du département des Bouches-du-Rhône, il a été décidé, sur la promesse de quelques orateurs, de fournir des renseignements, que ces questions seraient traitées séparément. M. l'abbé Caire, en combattant la clas- sification des géologues , a donné lieu à des répliques fort intéressantes de M. le Président, de MM. Vallet, Barthélemy, Marcotte et Segond-Cresp, etc, etc. M. l'abbé Caire, après ces considérations générales, s’est engagé à répondre plus tard aux questions con- cernant le département de Vaucluse. Enfin, M. le Président a appelé l'attention de l'as- semblée sur la météorologie par des aperçus nouveaux sur les résultats obtenus des faits recueillis. Il a mis en discussion le même sujet qui a été résolu pour les départements des Bouches-du-Rhône et du Var. Nous ne terminerons pas sans rendre un juste hom- mage au dévouement de MM. les présidents des assises qui, dans toutes les provinces ont voulu prendre à leur charge les frais d'impression et de distribution des convocations. 498 LES CONGRÈS EN 1853. Congrès scientifique de France. - Le Congrès scientifique de France a ouvert sa XX®. session à Arras, avec un éclat extraordinaire, dans Îla magnifique salle de la Société philharmonique , le 93 août 1853. | M. le comte Victor du Hamel, préfet du Pas-de- Calais, a prononcé le discours d'ouverture. M. le comte A. d'Héricourt a pris ensuite la parole pour souhaiter la bien-venue aux savants qui sont venus demander l'hospitalité à Arras; il l’a fait de la ma- nière la plus heureuse , et son discours a été couvert d’applaudissements. Après lui, M. Onésime Seure , président de la So- ciêté philotechnique de Paris, a salué le Congrès dans une pièce de vers. Les orphéonistes du Pas-de-Calais ont éxécuté plu- sieurs morceaux avec une rare précision, puis le scrutin a été ouvert pour la nomination du bureau du Congrès. ; Cinq cents membres ont été appelés à y prendre part. En voici le résultat : Président général, M. le baron de Stassart, prési- dent de l’Académie de Bruxelles. CONGRÈS SCIENTIFIQUES DE FRANCE. 499 Vice-présidents généraux : MM. de Caumont, di- recteur de l’Institut des provinces ; Bertini, de la Chambre des Députés du royaume de Sardaigne ; Pel- ligot, membre de l'Académie des sciences de Paris; le comte Félix de Mérode, ministre d'Etat de Belgique; Reichensperger, membre de la Chambre des Députés de Berlin ; | Le soir, à sept heures, M. le comte À. d'Héricourt, secrétaire-général, a offert un magnifique banquet aux membres du Congrès et au Conseil général, à son château de Souché. Une tente avait été élevée dans le parc, et les honneurs ont été faits, avec une grâce et une amabilité charmante, par M. le comte et M". la comtesse d’'Héricourt. | On voyait assister régulièrement aux séances du Congrès : M. Elie de Beaumont , sénateur ; M. Payen et MM. Vincent et Péligot, membres résidents de l’Institut de France ; MM. Le Glay et de Caumont, membres correspondants. - Les membres de l'Institut des provinces étaient au nombre de quatorze : MM. l'abbé Lacurie, de Saintes, président des Assises scientifiques de La Rochelle ; Bertini , questeur de la Chambre législative de Sar- daigne ; comte d'Héricourt, secrétaire-général du Con- grès; Feuillet, délégué des Sociétés savantes de Lyon ; Parcker, d'Oxford ; de Caumont, directeur de l’In- stitut des provinces et de la Société française pour la conservation des monuments, délégué de l'Association normande et de l’Académie des sciences, arts et belles- lettres de Caen ; le comte de Mérode, ministre d'Etat de Belgique ; Reichensperger, membre de la Chambre des députés de Berlin; le baron de Stassart, ancien 900 LES CONGRÈS EN 1853. président du sénat belge et de l’Académie royale de Bruxelles ; docteur Bally, de l'Yonne ; l'abbé A. Martin, de Paris ; Gomart, de St.-Quentin ; le vicomte de Cussy, de Bayeux; d’Anstaing, de Tournay; Rigollot, d'Amiens. Les membres de la Société française pour la conser- vation des monuments étaient au nombre de quinze : MM. Didron, secrétaire du Comité historique des arts et monuments; le chevalier de Linas, secrétaire- général-adjoint du Congrès ; Bessy, de Dijon; Pernot, de Vassy; Pailloux, de Saône-et-Loire; M€, Parcker, d'Oxford ; Ch. Givelet, inspecteur de la Marne, Magde- laine, ancien ingénieur en chef des ponts-et-chaussées ; Peigné-Delacourt, de Paris ; M". Philippe-Lemaitre, de l'Eure; vicomte de Genouillac, d’Ille-et-Vilaine ; l’abbé Decordes, de la Seine-Inférieure; du Mortier, repré- sentant à Tournay {Belgique }; A. Dinaux, de Valen- ciennes ; Bouthors et Garnier, d'Amiens. Mais un grand nombre de membres de la compagnie avaient envoyé leur adhésion, dans l'impossibilité où ils se trouvaient de faire le voyage d'Arras. De ce nombre était en première ligne le savant secrétaire- général du Congrès de Toulouse, M. Ch. Des Moulins ; le président des Assises scientifiques du Midi, M. Roux, de Marseille ; M. le comte G. de Soultrait, secrétaire - général du Congrès archéologique de France, qui se tiendra à Moulins en 1854. Un autre membre distingué de la Société française, M. le vicomte Du Moncel, président de la Société des sciences physiques et natu- relles de Cherbourg, dont on attendait d'importantes communications sur l'électricité , s'est rendu à Arras, après la clôture du Congrès, espérant que la réunion se prolongerait un ou deux jours de plus que le pro- CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE: 501 gramme ne l'avait annoncé : il est à regretter que des devoirs impérieux aient retardé l'arrivée de M. Du Moncel, mais le Congrès lui tient compte du bon vou- loir qui l’a conduit à Arras dans l'espoir de pouvoir encore faire ses communications. Le bureau du Con- grès l'a invité à les réserver pour la prochaine session qui se tiendra à Dijon en 1854. Le 24 août les sections ont procédé à la formation de leurs bureaux particuliers. | La 1'®. section a élu pour président M. le colonel Bazin, et pour président honoraire le célèbre ento- mologiste Macquart ; La 2°. M. le comte d'Herlincourt, député : La 3°. M. le docteur Bally, de l'Yonne; La 4°. M. Rigollot, d'Amiens ; La 5°. M. Vincent, membre de l'Institut ; La 6°. M. le colonel Répécaud. Le dimanche 28, le Congrès scientifique a assisté à la messe pontificale, dans la cathédrale d'Arras; des fauteuils avaient été disposés dans le chœur pour tous les membres. Après la messe, le Congrès, escorté d'un bataiilon d'infanterie de ligne, a assisté, avec le Préfet, le Conseil général et les autorités à la procession com- mémorative de la levée du siége d'Arras. A 11 heures 172, a eu lieu l'entrée solennelle des Sociétés d'orphéonistes de la Belgique, d'Aix-la-Cha- pelle, de Paris et des départements du Nord de la France. Un détachement de cuirassiers précédait la marche. Les douze Sociétés chantantes avaient chacune leur bannière. Celle de Gand se faisait remarquer par la richesse de ses broderies sur velours et par la riche couronne à laquelle étaient suspendues les vingt-trois 502 LES CONGRÈS EN 1853, médailles d'or et d'argent obtenues dans les précédents concours. : | Les orphéons de chaque musique avaient une déco- ration particulière et marchaient sur trois rangs, escortés par des cuirassiers. 860 musiciens composaient cette phalange, divisée en 12 bataillons ou compagnies. Le grand concours a eu lieu dans le manège couvert de la caserne de cavalerie, et a duré quatre heures. Le jury était présidé par M. A. Thomas, membre de l'Institut. | L'exposition d'Arras occupait le Collége tout entier. Les classes, le réfectoire, les cours offraient autant de divisions bien disposées. On remarquait dans la salle consacrée à la peinture et au dessin plusieurs charmants paysages de M. Bazin, de Caen, et de M. Bouet. Les draps de Vire et les toiles de Fresnay | Sarthe! occupaient une salle ; quelques produits de la Bretagne figuraient aussi dans la même galerie : mais c’étaient surtout les produits de Turcoin et de Roubaix qui gar- nissaient les salles. Les machines à vapeur et les instruments agricoles remplissaient la grande cour. L'ouverture de l'exposition s’est faite solenneliement par le Congrès, ayant à sa tête M. le maire d'Arras, Mg. l’évêque, M. de Caumont, directeur de l’Institut des provinces, et le président général du Congrès. On sait que le Congrès scientifique de France se réunira à Dijon en 1854; mais il y avait à faire choix de la ville où la session devra se tenir en 1855. Déjà plu- CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE, 903 Sieuts fois on avait pensé à la ville du Puy, parce que la Société d'agriculture, sciences et arts de cette ville a été signalée par l’Institut des provinces comme une de celles dont les publications ont le plus d'intérêt et sont le mieux en rapport avec les besoins intellectuels de l’époque: Cette année, une lettre de M. Albert de Brives , président de la Société, membre du Consei! général de l’agriculture , demandait le Congrès au nom de la ville et de la Société du Puy. Le Congrès a ac- cueilli cette demande, sur les conclusions de M. de Caumont : la XXII: session du Congrès se tiendra donc au Puy en 1855. M. Albert de Brives remplira les fonctions de secrétaire-général. M. l'abbé Lacurie, de l'Institut des provinces, et M. le maire de la Rochelle avaient aussi demandé le Congrès au nom du chef-lieu de la Charente-Inférieure, et il a été entendu que la session de 1856 se tiendrait dans cette ville. Cependant, le Congrès ne prenant de délibération officielle que deux années à l'avance, ce ne sera qu’à Dijon que l'élection définitive pourra avoir lieu : M. l’abbé Lacurie serait chargé des fonctions de secrétaire-général. Congrès archéologique de France. Le Congrès archéologique de France a clos. sa session à Troyes, le 14 juin, après six jours d’un tra- vail non interrompu. Grâce aux secrétaires-généraux , MM. Gayot, ancien membre du Corps législatif, secrétaire de la Société de l'Aube, et Tridon } inspecteur de la Société fran- | | 22 504 LES CONGRÈS EN 1853, çaise et conservateur des monuments historiques dans l'Aube, cette session a été une des plus satisfaisantes et des mieux nourries. Deux cents membres, parmi lesquels on voyaitavec plaisir cinquante ecclésiastiques, et un grand nombre de dames, ont constamment pris part au travaux et suivi les séances avec la plus grande assiduité. La présence de M. le comte de Montalembert a donné un grand intérêt aux dernières réunions. Chacun était désireux de voir et d'entendre l'illustre orateur, et on à recueil avec avidité les belles paroles qu'il a prononcées sur l’histoire, l’état et l'avenir de l’art en France, au point de vue des monuments. Nous regrettons de ne pouvoir citer ici les noms de tous ceux qui ont fait des communications pendant la session, mais bientôt les procès-verbaux, rédigés avec un talent remarquable par M. Gayot, reproduiront scrupuleusement tout ce qui a été dit, raconteront tout ce qui a été fait, donneront la liste complète des membres présents. Parmi ceux qui sont venus de départements plus ou moins éloignés de celui de l'Aube, nous citerons : MM. le comte de Mellet, inspecteur divisionnaire ; de Glanville, inspecteur des monuments de la Seine- Inférieure; J. de Buyer, inspecteur de la Haute-Sañne; Gaugain, du Calvados , trésorier de la Société ; Mon- nier, de Nancy, membre du Conseil général de la Meurthe et du Conseil général de l’agriculture; Petit, architecte , à Dijon ; Protat, de Dijon; le comte du Manoir de Juaye, du Calvados, un des vice-présidents du Congrès scientifique de France ; Le Roux, de Sens; l'abbé Brullé, de Sens; Pinard , de Paris; Thiollet, CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE. 505 de Paris ; le docteur Michelin, de Provins ; Dormois, de Tonnerre. La Société a voté une somme de 3,000 francs en secours pour la conservation de diverses églises et autres monuments et pour explorer.des localités où des débris gallo-romains ont été reconnus. 900 francs ont été destinés à des recherches de ce genre dans le département de l'Aube, où M. Corrard de Bréban et plusieurs membres de Ja Société-avaient recueilli des documents du plus haut intérêt sur les cimetières gallo-romains et sur les villæ, Paisy-Cosdon est une des localités où il y a le plus d'espoir de trouver d'im- portants débris. Déja les défrichements opérés récem- ment ont mis au jour les ruines d’une vwlla très- considérable dont les belles mosaïques ne permettent pas de-douter que le monument ne füt décoré avec beaucoup.de luxe. Paisy-Cosdon est près de la commune de Villemor , dont le nom semble indiquer une villa ruinée. Le cimetière de Verrières sera aussi exploré par la commission constituée par la Société française , aussi bien que Neuville-sur-Seine, d’où est venue cette magnifiquebaignoiretapissée de mosaïques à l’intérieur et que M..Coutant.a fait transporter au musée de Troyes, dont elle est une des principales curiosités. Le Congrès a encore voté des fonds pour faire quel- ques fouilles à Vieux , à Villers-sur-Mer { Calvados), sous la direction de M. de Glanville, et 200 francs pour exécuter d’autres fouilles dans la Mayenne. MM. de la Beauluère, vicomte de Langle, marquis d'Argentré, d'Ozouville et Denys, ont été désignés pour diriger ces fouilles. 506 LES CONGRES EN 1853. TT Il ANT ln | qe in) ‘ nn. | dt {| f. 225255 Rte AN Va Su JL à 1 Qu ; F F, sa, un à 27 à me 7 Li Mme Cl Nr D LL FRAGMENT BE LA MCS4IQUE DE PAISY-COSLON pre a CONGRES ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE. 507 Nous croyons: devoir reproduire ici le remarquable discours prononcé par M. le comte de Montalembert le jour de la clôture de la session. DISCOURS D£ CLOTURE PAR M. DE MONTALEMPBERT, M ESSIEURS : ‘« En venant clore cette session du Congrès archéo- logique, je vous demande la permission de vous adresser quelques considérations courtes et familières sur là situation actuelle des études archéologiques en France , en généralisant ce qui vous à été si bien dit hier par M. l'abbé Tridon sur la rénaissance de l'art chrétien en Champagne : ‘e crois que cette situation générale est de nature à nous inspirer satisfaction et confiance. -« Pour la bien juger, procédons par voie de con- traste, et reportons-nous à l'état des choses et des esprits, en ce qui touchait les monuments historiques et religieux, il y a cinquante ans, ou même il y a vingt et trente ans. | « Ce qui régnait alors , vous le savez, Messieurs, c'était une ignorance grossière, un mépris absolu pour toutes les œuvres de nos aïeux. Ces misérables dispo- sitions dominaient également l'administration, les artistes , les savants , le clergé lui-même. Pendant les premières années de ce siècle, sous des gouvernements réguliers et puissants, on a plus détruit que sous la Terreur. La bande noire régnait en souveraine absolue. Elle trouvait des complices partout. On ne témoignait de l'intérêt aux monuments que lorsqu'ils paraissaient celtiques ou romains. Personne ne défendait notre art 508 LES CONGRÈS EN 1853. chrétien et national, cet art où la poésie déborde et où le bon sens s'élève jusqu'au génie. Le moyen-âge était condamné sans appel. La pioche et le marteau s’abattaient sans relâche sur les débris de notre passé. Eglises , abbayes, châteaux, hôtels-Dieu , hôtels-de- ville tombaient à l’envi. Encore un peu, et le sol de la France allait être définitivement déblayé de tout souvenir importun. C'est alors que l’on voyait dis- paraître, sans que personne s’en étonnât ou s’en plaignît, les quatre tours qui flanquaient si bien le donjon de Vincennes, la merveilleuse abbaye de St. - Bertin à St.-Omer, la tour de Louis d'Outre-Mer de Laon , et dans chacune de nos villes, chacune de nos provinces , tant d’autres monuments inappréciables. C'est alors que dans ce département de l'Aube où nous sommes , l’on renversait en pleine paix le palais de vos comtes de Champagne à Troyes, et Clairvaux, ce vaste et célèbre sanctuaire de Clairvaux, que ni la gloire incomparable de saint Bernard, ni le tombeau de ce grand homme, ni la sépulture de tant d’autres saints et de tant de princes personnages historiques ne purent préserver du plus stupide vandalisme. « Et ce qu'on édifiait n'était certes pas propre à consoler de ce qu'on renversait. Nous avons encore sous les yeux, dans presque toutes nos villes, ces constructions pitoyables qui datent des premières années de ce siècle et qui déjà excitenut notre risée. Lorsqu'on daignait épargner nos églises , nos cathé- drales, c'était pour les restaurer avec un mépris étrange des moindres notions de l'histoire, ou pour les encombrer d'ornements ridicules et d'objets dispa— rates. La première fois que je suis entré dans votre CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE. 509 magnifique cathédrale de Troyes, je me souviens d'y avoir vu une toile immense et hideuse, intitulée La transfiguration de N.-S., dont il m'est resté une si pénible impression que je me félicite de n’avoir pas encore eu le temps d’aller revoir la cathédrale de peur d'y retrouver le tableau. « Et cependant déjà alors l'aurore d'un temps meilleur commençait à poindre. Aujourd'hui le jour s'est complètement levé, et nous pouvons, nous de- vons tous nous réjouir de la transformation dont nous avons été les témoins et que beaucoup d’entre vous ont secondée. En effet, pendant ces glorieuses et fécondes années où la France vivait de toute sa vie; où, vaincue et écrasée par l'Europe entière sur les champs de bataille, elle se releva pour réagir à son tour sur l’Europe; où elle sut pénétrer, dominer, subjuguer cette même Europe, par l'empire de son génie, de sa liberté , de sa tribune, de sa poésié, de sa littérature, comme par le spectacle de ses luttes et de son inépuisable activité ; où elle vengea sa défaite en faisant régner partout ses livres, ses idées, ses passions même, et le désir ardent et universel de posséder et d’imiter les institutions françaises ; pendant ces mémorables années, dis-je, la régénération de la vie politique, littéraire , et surtout religieuse entraina enfin la régénération de l’art et de l'archéologie. De toutes les résurrections qui se firent alors, celle-ci a été la plus tardive, mais elle promet d’être la plus durable, la plus féconde et la plus efficace. On a, pour ainsi dire, découvert le moyen-âge : on a reconnu que la France était une mine inépuisable de monuments J à et de chefs-d'œuvre qui n'avaient rien à envier ni à 510 LES CONGRES EN 1853. l'antiquité, ni aux pays étrangers. L'art chrétien et national a été successivement retrouvé, célébré, enseigné et pratiqué. Cette heureuse réaction a sur- vécu à toutes nos variations politiques; elle a triomphé des oppositions les plus acharnées ,.et jusqu'à présent on ne la voit menacée par aucun symptôme d'un retour fâcheux aux anciennes erreurs. En vain, dans les régions de l’enseignement officiel, . semble-t-on rester opiniâtrement fidèle aux traditions de l'époque ignorante et méprisante que je signalais tout-à-l'heure : à peine échappés à l'école, nos artistes, nos jeunes architectes surtout protesient contre.cet enseignement par leurs études personnelles, par leurs publications, par leurs constructions. Grâce à eux , nous n'avons plus à rougir en nous comparant à l'Angleterre et à l'Allemagne ; les restaurations qu'ils ont entreprises , les édifices qu'ils sont en train de construire ne perdront rien à être rapprochés des travaux. center Bora à Westminster ou à Cologne. « Le clergé tout entier est entré dans la voie répa— ratrice. Encouragé par les préceptes et l'exemple de plusieurs illusires évêques, il s’est dévoué. au salut des monuments de la foi de nos pères avec un zèle, une intelligence, une activité que nos pères eux-mêmes ne connaissaient plus depuis deux siècles. Et non- seulement il apprend à conserver et à restaurer comme on doit restaurer et conserver les anciennes églises, mais encore il veut que les églises nouvelles portent l'empreinte de la tradition catholique et française. De toutes parts ils élèvent des églises romanes ou ogivales, et bientôt on ue voudra ni supporter, ni comprendre: que des temples grecs , des édifices d'un style hybride CondREs ARCITÉOLOGIQUE DE FRANCE. 511 et inqualifiable viennent usurper ‘une place qui doit appartenir exclusivement aux inspirations du génie chrétien. « Les pouvoirs publics ont fini eux-mêmes par céder à l'entrainement général. N'oublions jamais qu’au lendemain d’une révolution qui semblait ménaçarte | surtout pour les débris de ce qu’on appelait l’ancien régime, un ministre éminent, grand orateur et grand historien , M. Guizot, a étendu la main omnipotente de l'Etat sur les chefs-d'œuvre du passé, en faisant inscrire au budget de l'Etat un chapitre spécial pour la conservation et la réparation des monuments histori- ques et en créant l'inspection générale de ces monu- ments successivement gérée par deux hommes d'un esprit aussi délicat que distingué, MM. Vitet et Mé- rimée. N'oublions pas non plus l'impulsion donnée aux études archéologiques en province par M. de Sal- vandy , lorsqu'il créa le comité historique des arts et monuments, avec son bulletin naguère si intéressant, et avec cette armée de correspondants où se retrou- vaient les noms de tous les plus pesrnpes papes de l’art et de l'histoire. « Les Chambres, de leur côté, se sont tojouré prêtées avec empressement aux désirs du Gouverne- ment sous ce rapport. Elles se sont montrées géné- reuses envers nos monuments toutes les fois qu’on les en a priées. Au milieu des agitations de la politique, cet intérêt sacré n’a jamais été négligé. Au plus fort de la lutte entre l'Eglise et l'Etat sur l’enseignement, on à pu plaider avec succès aux deux tribunes la cause de Notre-Dame de Paris. Le vieux Louvre a été admi- rablement restauré, grâce surtout à l'initiative de M. 512 LES CONGRES EN 1853. Thiers, pendant les jours les plus orageux de la Ré publique, et l’un des derniers actes de la dernière assemblée législative a été de voter un crédit extraor- dinaire de deux millions pour la restauration des ca- thédrales de France, sur le rapport d'une commission que j'avais l'honneur de présider. Nous devons espérer que le gouvernement actuel ne se montrera point in- fidèle à.la noble sollicitude de ses devanciers : déjà l'on annonce qu'il destine un secours généreux à l’im- mense et sublime cathédrale de Laon, si cruellément menacée. Dieu veuille seulement que le secours arrive avant que la cathédrale ne s'écroule. «, Ainsi donc, Messieurs, ayons confiance et ré- jouissons-nous. Certes nous aurons encore à lutter contre les dédains des uns, contre la mauvaise volonté des autres, et surtout contre la parcimoniïe d’un trop grand nombre de corps constitués. Nous verrons en- core démolir ou dénaturer plus d'un monument digne d'admiration ou d'intérêt; mais sachons bien que notre cause est gagnée. Il nous restera le devoir et le mérite dela persévérance dans l’œuvre commencée il y a vingt ans sous peine de la voir dégénérer et s’étéindre. Mais tout annonce qu’elle durera et que nous verrons de plus en plus ce que nous voyons déjà, c’est-à-dire notre art ancien et-historique compris, étudié, restauré et appliqué jusque dans les moindres détails, depuis les voûtes aériennes qui couronnent nôs églises, jus- qu'aux carrelages historiés et émaillés destinés à rem- placer ces tristes dalles noires ét blanches qui leur servent de pavé moderne. Bientôt la flèche de la Sainte- Chapelle, en se dressant de nouveau au centre de Partis, dans la plus belle position qu'offre peut-être aucune CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE. 513 ville du monde , viendra témoigner à tous que l'heure de la renaissance de l’art catholique et national a dé- finitivement sonné. | « Sans doute ; dans cette renaissance , tout n’est pas irréprochable ; on peut beaucoup critiquer et se moquer dédaigneusement de telle tentative avortée, de telle exagération puérile. Mais, comme je l'ai dit ailleurs, on peut avoir raison dans le détail et se tromper sur l’ensemble. Les échecs partiels ne changent rien äu résultat général. Quoi qu'on fasse, la marée monte, le flot marche. On ne voit pas bien ce qu’il gagne à chaque moment donné. Dans ses mouvements réguliers , maïs intermittents, il semble reculer autant qu'avancer, et cependant il fait chaque jour sa conquête imperceptible: et chaque jour le rapproche du bat marqué par la pro- vidence. Messieurs, la justice exige que nous sachions reudre un hommage légitime à céux qui ont été les auteurs et les principaux instruments de cette régé- nération. Parmi eux, il est trois noms qui se recom- mandent sans réserve à votre reconnaissance et à celle de la postérité. Je ne crois pas me laisser égarer par l'amitié en réclamant une place hors ligne pour M. Rio, dont le livre jusqu’à présent unique sur la pein- ture chrétienne en Italie a initié tant de lecteurs et de voyageurs aux plus pures merveilles de l'art reli- gieux. Vous connaissez tous M. Didron, son infati- gable activité, son dévouement un peu belliqueux à notre cause, ses publications, qui ont tout fait pour répandre dans le public, et surtout dans le clergé, le goût et l'intelligence des trésors qui nous restent. Mais avant tout , vous rendrez hommage avec moi à M. de Caumont, au fondatenr de nos Congrès. Le premier , 514 LES CONGRÈS EN 1853. lorsque nous étions tous, les uns dans l’enfancé, les autres dans l'ignorance , il a rappelé en quelque sorte à la vie l’art du moyen-âge ; il a tout vu, tout étudié , tout deviné, tout décrit. 11 a plus d’une fois parcouru la France entière pour sauver ce qui pouvait être sauvé, et pour découvrir non-seulement les monuments * mais ce qui: était plus rare encore, les hommes qui pouvaient les aimer et les comprendre. Il nous a tous éclairés , encouragés , instruits et rapprochés les uns des autres. Qui pourrait dire les obstacles, les mé- comptes , les dégoûts de tout genre contre lesquels il a dù lutter pendant cette laborieuse croisade de vingt- cinq années ? Les. honneurs auxquels ïl avait droit ne sont pas venus le trouver. Sachons lui en tenir liew par notre affection, notre reconnaissance, notre res- pect. Je lisais l’autre jour dans l’admirable livre de Me, de Staël.,, intitulé : Dix années d'exil , qu'en ar- rivant à Salzbourg elle avait vu une grande route percée dans le roc par un archevêque, et à l'entrée de ce vaste souterrain le buste de ce prince avec cette inscription : Te saxa loguuntur. Messieurs, quand nous élèverons un buste ou une statue à M. de Cau- mont, nous y graverons ces mots : Te saxa loquuntur! Et ces pierres, ce seront les monuments de notre vieille France, c’est-à-dire les plus nobles pierres qu'on puisse voir sous le soleil. » 616 Coñgres scientifiques allemands. En Allemagne plusieurs Congrès ont eu lieu pen+ dant le mois de septembre : le Congrès général archéo- logique s'est réuni à Nuremberg, le 12: le Congrès scientifique le 19, à Tubingue; le Congrès des archi tectes a ouvert sa session à Cologne, le 21 : enfin , le Congrès des théologiens de la religion catholique romaine a eu sa séance d'ouverture le 20 , à Vienne, en Autriche. M, de Caumont, qui a visité successive-: ment les collections de La Haye, d'Amsterdam, de Hanovre, de Brunswic, de Berlin et de Dresde, est arrivé à Nuremberg, le 13 septembre , accompagné de M. le comte d'Olfers, directeur général des musées de Berlin, le créateur des magnifiques galeries de cette capitale. Ïl y a été reçu avec la plus grande bien veillance par le président du Congrès , le prince Jean, frère aîné du roi de Saxe et son héritier présomptif. Les séances du Congrès ont été très-animées. On ÿ a lu peu de Mémoires, et l'on a beaucoup discuté. La quantité de dessins présentés au Congrès esténorme. M. d'Olfers, directeur des musées à Berlin, a présenté, ä lui seul, près de 150 dessins coloriés et de grandeur naturelle ; des tissus du moyen-âge qu'il a pu recueillir en Allemagne. M. le professeur Bitgen a montré un tissu qui paraît avoir fait partie de la toilette de sainte Elisabeth de Hongrie, et que M. de Caumont a reconnu immédiatement comme étant à peu près identique avec un magnifique tissu de soie qu'il a fait dessiner l’année 816 ___ LES cONGRES EN 1853. dernière dans la sacristie de l'église St.-Servin de Tou- louse. Cesout des étoffes qui, fabriquées à Constanti- nople , étaient vendües en France, én Allemagne et ailleurs. M. le prince de Vollerstein, le docteur Waager, de Berlin ; le professeur Hofles, de Prague , ont donné d'intéressants détails sur ce sujet important. Les dessins d'architecture ont été présentés en tel nombre, que ce ne serait pas exagérer que de dire qu'il y en à eu plus de 1,200 de mis sous les yeux de l'as semblée. Les discussions qui ont éu lieu et les nom- breuses communications de M. le comte de Quast, inspecteur général des monuments de la Prusse, tendent à établir que les édifices les plus anciens de l'Allemagne, de style roman, ne remontent pas au-delà du XII. siècle, et, quant au style ogival , il à paru assez tard. On connait même une chapelle construite en 1285 et qui est romane. Des procédés d'un haut intérêt pour la reproduction des objets antiques ont beaucoup occupé le Congrès. Un grand nombre de moulages avaient été placés dans les salles. Le goût des collections est très-développé dans la patrie d'Albert Durer , et la ville de Nuremberg la plus archéologique de l'Allemagne par sa physionomie an- cienne et la profusion de maisons du XVIS. siècle qu’elle offre aux yeux émerveillés du touriste , renferme d'im: menses richesses dans dix ou douze cabinets pleins de raretés précieuses. L'an prochain le Congrès se réunira à Munster. 617 Congres provinciaux. ConGRËS DE L'ASSOCIATION NORMAND. — C'est aux Andelys qu'a eu lieu le Congrès provincial agricole de l'Association pour 1853 : la première séance, celle du î juillet, a été ouverte par un discours de M. de Caumont, qui l'a présidée, et l'enquête sur l’état de l’agriculture dans le pays a été commencée. Les séances suivantes ont été présidées par M. de Rochefort, sous-préfet, M. Monton, maire des An- delys, et par MM. de Montreuil, député, Durécu, inspecteur de l’Association. Le troisième jour, M. Gi- rardin , correspondant de l'Institut, à Rouen, a dirigé les débats, assisté de M. de Rochefort et de M. Monton. Enfin, le quatrième jour, la séance publique dans laquelle les primes ont été distribuées , a été présidée par M. Le Fêvre du Rufflé, ancien ministre, un des inspecteurs de l’Association. Des discussions du plus haut intérêt ont animé toutes les séances. Deux des plus importantes ont été celles qu'ont soutenues M. Mabire, maire de Neuf- châtel , et MM. Ponsard et de Vigneral, membres du jury, sur les avantages et les inconvénients des races indigènes comparées aux races étrangères, et celle qui s'est élevée, après la lecture d’un travail remarquable de M. Machard sur l'irrigation, entre cet ingénieur et MM. Girardin, de Caumont et Morière. M. de Cau- mont a défendu l’agriculture contre les empiète- ments de l’industrie, qui augmente perpétuellement l'importance de ses machines et qui, pour épargner quelques hectolitres de houille, veut s'emparer de 518 LES coNGRES EN 1853. toutes les eaux, qui pourtant appartiennent aussi à l'agriculture, et rendent l'irrigation impossible : on se plaint des réglements que, trop souvent, les ingé- nieurs chargés de la police des cours d'eau, font avec une partialité qui dénote leurs préférences pour les usines ; et pourtant la présence de celles-ci dans les vallées porte souvent d'autres préjudices aux riverains, préjudices qu'il serait juste au moins de leur faire oublier, en les traitant sur le pied d'égalité auquel ils ont droit. Les communications de M. Morière, secrétaire général de l'Association normande, celles de M. R. Bordeaux, lauréat de l’Institut, de M. Monton, maire des Andelys, de M. de Montreuil, de M. l'abbé Cochet, de M. le baron Hernoux, du général Rémond, : de M. Poncet, membre du Conseil municipal, de MM. Fleury, baron d'Houdemare et de plusieurs autres membres , ont été d'un intérêt incontestable, prouvé d’ailleurs par la foule compacte qui remplissait le tribunal et ses abords. C'est à Avranches que se réunira l'Association nor- mande en 1854 {le 20 juillet}. Quatre villes se dispu- taient cet honneur, et ce n’est qu'après une discussion très-longue qu’un vote a donné à Avranches la ma- jorité des suffrages. | ASSsOc1ATION BRBTONNE. — Le Congrès provincial de l'Association bretonne s’est tenu à Vannes, où avait été, il y à 10 ans, inaugurée l'Association bretonne. NOTE Présentée à L'Instiint des provinces SUR QUELQUES BRACHIOPODES NOUVEAUX DU LIAS. PAR M. EUGÈNE EUDES-DESLONGCHAMPS. Les couches liasiques, surtout celles de l'étage moyen et supérieur, ont fourni une multitude d’espèces de coquilles appartenant à l’ordre des Brachiopodes. Ces espèces étudiées à fond particulièrement par M. Da- vidson , ont pu former plusieurs genres nouveaux ou déjà établis avant lui. Une des remarques stratigraphi- ques la mieux constatée, c'est que le genre des Spiri- fers, si nombreux et si variés en espèces dans les ter- rains antérieurs au lias , vient pour ainsi dire s'étein- dre dans cette formation; mais il ne s’y éteint pas sans éclat, car les Spirifers liasiques ne le cèdent en rien pour la beauté, la taille et les formes nettement caractérisées, aux Spirifers des terrains qui les pré cèdent dans la série des formations du globe. Il n’y a que fort peu d'années que l’on a constaté dans le lias la présence de Lepiæna, genre qui sem- blait confiné dans Îles terrains palæozoïques; j'ai moi-même contribué à augmenter la liste des Leptænas liasiques en faisant connaître /IXC. volume de la So- ciété Linnéenne) plusieurs espèces, dont l’une surpasse de beaucoup par la taille lesespèces liasiques, en petit nombre, que M. Davidson avait signalées. À peine soupçonnait-on , il y a quelques années, Ja présence du genre Thecidea dans le lias. Ce genre paraissait appartenir surtout à la craie; le même tra- 520 NOTE vail que je citais tout à l'heure a fait connaître une multitude de très-belles et très-grandes Thécidées. En poursuivaut mes recherches dans nos bancs juras- siques, et m'aidant de celles de MM. Périer et Mo- rière, je viens encore ajouter aux brachiopodes liasi- ques un genre quon n'y soupçonnait pas ; c'est le genre Argyope? nommé et caractérisé par mon père dès l’année 1842, et que plus tard (1847), M. d'Orbigny a renommé Megathyris. Une seule espèce d’Argyope, vivante dans la Méditerranée /Argyope detruncaia } a d’abord été connue, depuis, plusieurs autres espèces provenant de la Méditerranée et d'ailleurs ont éte y ne par M. Davidson qui constata aussi ce genre, à l’état fossile, dans les terrains tertiaires et dans ta craie, terrains que M. d'Orbigny avait signalés dans son prodrôme comme contenant des Argyopes. Je viens de constater la présence de ce genre (1) dans le lias supérieur et moyen de May et de Fontaine-Etoupe- four, où j'y ai reconnu trois espèces bien distinctes, présentant des caractères bien tranchés et des parti- cularités remarquables ; je vais décrire ici sommaire- ment ces trois espèces. Je me propose d'en donner plus tard des figures et une description détaillée, ARGYOPE PERIERI. Coquille ayant quelques rapports avec certaines es- pèces d'Orthis en ce que le bourrelet médian , formé (f) M. Davidson a élevé quelques doutes sur la légitimité de mes espèces comme vraies Argyopes, quoiqu'il reconnaisse qu'elles appar- tiennent bien à la famille des Terebratulidæ. La forme du trou et de l’aréa est bien celle du genre Argyope; mais il existe aussi de petites différences dans le facies extérieur; les plis etles bourrelets ne se cor- respondant pas comme on le remarque dans les autres Argyopes déjà mentionnées. Du reste, si nos coquilles n’appartiennént pas à ce genre, elles en constitueront un nouveau, très-voisin. SUR QUELQUES BRACHIOPODES NOUVEAUX. 521 d’une ou de trois côtes, existe sur la grande valve , et que le sinus correspondant est sur la petite; elle a 14 millim. de largeur sur 6 de longueur, 4 172 de hau- teur ; elle est ornée de 14 à 16 côtes croisées par un grand nombre de profondes stries d’accroissement qui donnent à la surface de la coquille un aspect im- briqué très-élégant. Je ne connais que 4 individus adultes de cette belle espèce, dont 3 sont de May et un 4", de Fontaine- Etoupefour. C'est avec grand plaisir que je la dédie à M. Périer qui le premier à trouvé cette belle espèce dans le lias supérieur de May. ARGYOPE MAYALIS, Coquille de 6 millim. de largeur, sur 3 1/2 de lon- gueur,3 12 de hauteur; grande valveconvexe,présentant quelquefois un léger sinus médian ; petite valve légère- ment concave, rarément plane ; surface ornée, sur les deux valves, de 12 à 15 côtes principales, entre lesquelles on aperçoit des côtes un peu moins saillantes , toutes ces côtes disposées symétriquement ; aréa très-large et tres-élevée ; trou deltidial très-grand, recouvert en partié par un deltidium très-singulier, formé d’une seule pièce {1}, percé vers le haut d’un large trou cir- culaire pour le passage du pédicule, et au bas, d'une petite fente transversale pour le passage, sans doute, des fibres tendineuses d'attache. Cette coquille est bien moïns rare que la précédente, mais n’est cependant pas commune ; on la trouve dans (1) Je ne connais quelque chose d’analogue que dans les ‘ genres Cyrtia et Orthisina des terrains paléozoïques, encore la ressemblance n'est-elle que très-éloignée, 522 NOTE SUR QUELQUES BRACHIOPODES. le lias moyen et supérieur de May et de Fontairie- Etoupefour. ARGYOPE SUESSII. Coquille de 8 à 9 millim. de largeur, sur 2 à 8 172 de longueur, formant deux pointes latérales très-aiguës comme dans le Spirifer ocypterus; grande valve con- vexe; petite valve également convexe: surface ornée de 8 à 10 côtes simples, arrondies, ne présentant pas de sinus ni de bourrelet médian sensibles ; aréa très-étendue en largeur, très-étroite en hauteur; trou deltidial moins grand que dans la précédente. Cette espèce est assez abondante dans le lias moyen de Fontaine-Etoupefour, de May et de Bretteville-sur- Laize ; elle est plus rare dans le lias supérieur ou banc à Leptœna de May. Je la dédie au savant paléontolo - giste, M.Suess, à qui la science des fossiles est redevable de découvertes magnifiques dans le iias de l'Autriche. Je joindrai à cette note la description d’une nou- velle espèce de Leptæna dont j'ai trouvé deux échan- tillons dans le lias moyen de Fontaine-Etoupefour. | LEPTOENA ROSTRATA. | Coquille cordiforme, très-petite, de 2 millm. 172 de longueur, sur 1 172 de largeur ; grande valve convexe; petite valve concave ; surface ornée d'un grand nombre de stries verticales à peine marquées ; aréa très-haute et très-étroite en largeur, terminant la grande valve en forme de rostre très-allongé : extrémité du bec percé d'un petit trou rond, comme dans les Leptæna David- sonii et liasiana. Cette jolie petite espèce, de la grandeur de la Leptæna Bouchardii, doit être bien rare dans notre lias ; sa forme paraît très-étrange pour ce genre et on serait tenté de ne pas l'y annexer, si on se bornait àun examen superficiel. TABLE. Miéroies de l'Institut. . ARE j ComposirioN du Bureau et du Conseil d'administration. Lisre des membres de l’Institut des provinces. :,: , . Convocarion du Congrès.des délégués des Sociétés sa- vautes pour la session de 4854... 4. Arrêtés de l'Institut pour 14854. 4 4 . 4, 4, 4. . Coxerès des délégués des Sociétés savantes des dépar- tements, sous la direction de l’Institut des _ provinces de France, (Session de 1853). . SÉANcE d'ouverture le 20 janvier. 4, 4... . . . Discours de M. de Caumont... . ., . . . . Programme de la session, . ,. . Discours de M. d'Héricourt. . . ; Séances du 21 janvier. — Section d'histoire. naturelle, , Communication de M. de Verneuil sur la géo- logie de l'Espagne. .., su1rt Communication de M. Collomb sur ce même BUG Te + MS NAN is, — Section d'agriculture. . +. à OETE Amélioration des races d'animaux domestiques. — Section de littérature, beaux-arts et archéologie. Programme des recherches à faire sur l’histoire des arts et de l’industrie en LC ":s -SéANCE générale. . . . * +. + Discours de M. de Chennevières sur l'alliance de l’art et de l'industrie. . «+ CERTES Observations de M. Le Clerc sur la race de mou- tons de la Charmoise et les races porcines.. . Séances du 22 janvier. — Section d'histoire naturelle. . Note de M. Buvignier sur les grès liasiques du Luxembourg et des Ardennes. . +. . e ° ° e . _ Discussion sur ce sujet. . .. . ME Mémoire de M. de.la Fresnaye sur l'anatomie des oiseaux. + . ’ : Observations dé M. de Quatrefages & sur ce sujet. — Section de littérature, beaux-arts et archéologie. . Discussion sur l'impulsion à donner aux arts parles Sociétés savantes. 1... SÉANCE générale. Fa Rapport de M. ‘Michel sûr lès travaux de l'Aca- démie de Munich. ,. .:+ + Communication de M, Le Clerc sur la maladie de D . PNR SN is... UE Ad Id. 524 TABLE. SÉANCES du 23 janvier. — Section d'histoire naturelle, . Communication de M. de Quatrefages sur les faunes marines liltorales de la France, , . Discussion sur ce sujet, .. ..,. sil où 42 Communication sur la formation des tangues par MM. Mosselmann, de Caumont et de Quattéfagesshninl. 25h2inue) al 6Prs — Section d'agriculture. 4 4 464 « 161146 Discussion sur les mesures à prendre pour l'amélioration de la race chevaline. , ,. . Observations de M. de Vigneral sur ce sujet. . Communications sur ce sujet par M. de Straten- Ponthaud. . °. .". — Section de littérature, est arts et archéologie, . é Observations de M. Raymond Bordeaux sur les 40°,, 44°,, 42°, et 13°, questions du pro- gramme. e 0 e e ® e o 5 & e s SÉANCE générale, . ‘. ‘. , A Rapport de M. Hé sur les engrais ‘appelés com- munément engrais commerciaux. ; + « Discussion sur la désinfection des matières fécales, et sur la solidification de certains LE Me employés comme engrais. , «+ + ‘ Séances du 24 janvier. — Section d'histoire naturelle. “peur Communication de M, de la ne sur l’ana- tomie des oiseaux, « . # Observations de M, de Caumont sur la confec- tion des cartes agronomiques. . . , +. . — Section d'agriculture. , :, ‘ Sur les divers systèmes d'amélioration des races d'animaux domestiques, . , . « +. +. . Discussion sur le croisement des races. . . . Observations de MM. de Straten-Ponthaud et Bazin sur Ja rouille des blés, , . . . . — Section de littérature, beaux-arts et SLA qu . Formation des paroisses rurales, . . Discussion des X1Ve,, XVe, et XVIe, questions du programme, par MM. Bordeaux, Ducha- tellier , Peigné - Delacour , de “ol Dréolle et de la Bigottière. . . . Perpétuité dans les villages des familles exis- tantes au moyen-âge ; antiquité des costumes portés par les paysans de diverses provinces de PROPRES 15), Cor SRE CS 7 Séance générale, . , . Mémoire de M. Du Moncel sur l'application de la pile voltaique. . . . . . . . + 100 Id, 103 106 409 Id. 410 113 119 120 126 127 4133 437 Id. 441 144 Id. 450 152 454 Id. 158 461 164 165 TABLE, Explication par M. Du Moncel de quelques-uns de ses appareils électriques. ‘. . . Communication par M. Du Moncel d’un mémoire de M. Paul de Vigand, relatif à un appareil régularisateur des courants de la pile, . . Séances du 25 janvier.—Section d'agriculture. +. . Note de M. de Renneville sur la anse des races ovines. . . Observations de M. de VicHhi sur T'étude de la question des races bovines. . . ‘ Discussion sur ce sujet par MM. le baron Travot de Chézy, Denys, Maurenq. . — Section de littérature, beaux-arts et archéologie. . . Allocution de M. Parcker sur la comparaison de l'architecture monastique en France et en MUNIGUErE "Se TU en o à + de. Réflexions de M. de Caumont sur la comunica- tion de M. Parcker. . . . . Journée du 26 janvier. Excursion à l'établissement agri- cole et industriel du Mesnil-St.-Firmin (Oise). Communication de M. Armand Bazin sur la géo- logie du département de l'Oise. ,. . . . Séances du 27 janvier. — Section d'histoire naturelle. , Note de M. Lamare-Piquot sur la nécessité d'introduire en France des races nouvelles de vers à soie, + . Mémoire de M. Guérin-Menneville sur la ma- lai de 14 VIEN. à «+ + ele, 66 eh «vire — Section d'agriculture. . . vjhe Sur les modifications à introduire dans les in- struments aratoires, et dans les cultures par des semences. Discussion à ce sujels 1x0 — Section de littérature, beaux-arts et archéologie. , Communication de M. le comte de Mellet sur les peintures anciennes et leurs auteurs. Dis- Cussion à Ce sujeh.: "8 POS are SÉANcE générale. . .. Note de M. Gomart sur l'invention de la fila- ture du lin, . . . . FER Interdiction de la coupe des varechs. Discussion par MM. de Quatrefages, Duchatellier, de Kéridec, Lefebvre du Rufllé, . . . . . — Section d'histoire naturelle. . . , . Mémoire de M. Guérin-Menneville sur la séri- COURS de US an ar — Section d'agriculture. , ,. . Rapport de M. Maurenq sur l'exposition de LONGER, sn one de . 925 169 181 184 Id. 188 190 196 197 204 209 214 222 223 231 242 Id. 252 253 257 260 261 269 Id. 279 230 526 TABLE, SÉANCE générale, . , Communication de. M. Jobar d'sur le Lathyr us tuberosus. Observations de M. de .Pomereu. SÉANCES du 29 janvier. — Section d’agriculture..., . . Communications de M. Duchatellier sur le plan à suivre pour la rédaction des statistiques et sur sa Statistique PEER du Finistère, Séance générale, de clôture. … Rapport de M. R. Bordeaux sur le meilleur mode à suivre pour la, publication des ouvrages im- primés en province. Foholt Poil Discussion sur ce sujet. +. . Shan Visire d’une Commission de la section d'agriculture à l'établissement de produits chimiques de Javel, dirigé par M. de Sussex, + . se) + .e Rapport sur les travaux et publications des savants de province, en 1852. d’après les renseignements communiqués au Congrès des délégués dans sa séance du 25 janvier, par M. Achmet d'Héri- court, rapporleur général. à. ne heontiet o ! » Résumé de l’enquête sur les musées de province, par M. R. Bordeaux, rapporteur général, ., + . Assises scientiiiques de 1853 ASSISES scientif. tenues à Amiens, le 25 et le 26 avril 1858, Séance dur: 2avriis HAT ne Séance du 26 avril.’ , :. À ASSISES scientifiques du Maine et de l'Anjou, à Laval, le 31 mai et le 4°", juin 1853. st à Séaribe dit Tes PO DUR EE ne à DÉARCÉ NE ETUI 60, selon eu ete Assises scientifiques de la Champagne. “sis : Assises scientifiques du Blaisois, du Vendomois, de l'Or- léanais et de la Touraine. . . Terrains qui composent le sol ‘du département de Loir-et-Cher, par M. l'abbé Bourgeois, , . . Assises scientifiques d’Aix et de la Rochélle. . . . . L e L] ? 0 Les CoNérès en 1853. . . . PL < Congrès scientifique de France. . ; : Congrès archéologique de France. . , . Discours de M. de Montalembert. . . Congrès scientifiques allemands." AS ‘ : Congrès provinciaux. . ‘. ‘. Le Nore sur quelques brachiopodes nouveaux du par M. Eugène Eudes-Deslongchamps. lias, Caen, imp. de A, Hardele 285 286 288 289 299 301 301 206 ETEI 392 = La à “ RE LES ART + L'204 De NE Pa nt LS a f > Tr . b 6, Vic” a TS A CT Len Pr À 4 D id a - Le 29 r CR ue * St ne a Ty hen ee D arg pds: Ê eg ge en re SE eee 28 Pr * ES ne 9 RU RTS a ee 30 Ph 5 ; nr . à Ÿ a 4 “A d Te 2 ce D PS en Æ + «2e | SN un ER EM PRE RE ER SE ES Le * » en EE EAN PP EN CE ER a « a ve hé ER : Rs ere es SE Re Tee M SE 2 en TRE SES Nr DS rer g 2 Dh En Fe AP a Par Re sret “a es ss NUS, y € ex 2 an En pe RES er ne age ITR AR re Te Le Re Ne OR EE pe Se OR PUS La AE ET Es PSC En PSP OREUE ven RES APS: bd y De te ET Dhs gl” pe er Si = Sr ER nee PS CR RP TA ER EP mL Ep at Le SD EG QE FEES ne EST TE ET D GE Rp ge SE ns RE < RU Y ee nn e RE Ra RUE RE RE PTS TN nee ont NÉ > PSE" ee ago ee TS Sr ee AVE ur RSS res le voue PRE: gere S Re SE Et En re Sa TT En rs OST CR Fa ES Se. rte ae : Cr RÉ n ee er ere ü QT Tu 3 EE t + RoC HE TE » 7 rien se à RE Fe Ê hs nige CET RES Asa IE Een Er ue + " FE A ve HE NE PR PC NT TE a, En se — = 3 LJ Pr bo r, me. 7" ; X. >, “ j D TS ETS TOR QE EP Le eo 2 REC ER RL PO Rd ne : ST A £ RE LPC SR RS PP ES en Ou MR ee QE ED ES D re PT TT ENT Nr < ” A A pere, < y ST Te he gr re w > J o Tee OR En SAR EN ER ER RE RE CT ME RS RER RS RS RC RE RER ST Re ten SR etre be Be ER PA rl EG RTE RP RER ARE se TE Ga TR CRE ee RS PE De DE ra en LR ND GR an SET TEE DA RE LE ee D PES Fo Ne: AR ee re CT 2 APT Pa A 2 x u CR PSE RO Te PA GE ET OT Pa I D EE Pr RC rm a CE es Fe PE er a qe BE 2. Tv 6” CR ET SR or &. dE $ GE ge. + pe AA Tu ep re S 3 L Fes » D PET ES Re A Ang RU R pe SANS er ES QE en 00 a a Le #00 a Pc 2 ns PA re GE ‘ PA a RE Le e “es es Dee ET me LR RS DE es ER TE es Le on PURE Es IE DS ENS DS ee aPo HE A ea LUE ne. L PTS où ce 508 mi ETS PPS A A Se BD PS Arign $ ere ur PT eee PTE es ns S'nret Bout. POI DE pes te Se nt CE k cs " ee ES mn San À p sé ; < ps Pantin MCE Jin ent du TE RE PR RTE RE RS PTT App LE PES LÀ - ET BR : PATTES AE ee EE M RSR : D Lg 0e gs EN Ra TS Ep RENE ee ner 4 CE CRE MES $ Fes és su >. gr + ÿ RUN lee Pl Mo es UE ve # « Lé:, &e, à Ar, ge En < 4 ; B < nc EDS Rp ape CA Rod r LE Pme de PT ne mg NE es ES A age Er, y ER re PTS om Pete es ER TRE RES es #0 _ & ne ce œ FE de Sr H » PL AT ps Serre ue TR > ; he Sp e PR RS tnt RES TR ME LE Po PPT ee DS TT Po CR AA es es Ey-A BAS ee: Canuss Eure) PET » Berne RS PSE A SE Pen RS er RP SR SE ee Me Sr, + A Le ET D ge EEE pr Be PES, RE T RCE AT Re re. 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