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Division :SCo
Section
I
APOLOGIE
PO VR
CEVX DE LA
RELIGION.
SFR LES S FI ET S D'AFER:.
fion queplufeurspenjènt auoir contre leurs fer formes O'kii'i'' créance.
Par MOYSE 'ÂMYRAVT.
Se vendent à Charenton,
ParSAMVELPETiT, Marchand Librai--' . re , demeurant à Paris dans la court du Palais, à la Bible d'Or.
M. DC XLVIIL
MONSIEVR
MONSIEVR
SARRAV^
CONSEILLER
DV ROY EN SON
PARLEMENT.
ONSIEFR,
Je crains aucunement que ceux entre les mains de qui cette apologie tombera , n'y trouuent d'à-
*<^.
È P I s T R È. tord aeu)é choies njn peu efirangti. L'vne 3 quejlant exl?re0ment drejîéé four diminuer l'auerjton que tant de gens ont contre nous ^ elle fort d'^vn lieu oU nous en expérimentons beaucoup hîoins que plufeurs de nos frères ne font ailleurs y ç^ou nom ioiitjjonsd'njne grande paix^ par la prudence & par la generojîtê de ceux qui nous gouuerndnt. L'autre :, qu'ejiant particulièrement de- Jlinee a nous rendre les J\/] agijlrats équi- tables dans les Prouinces^, te la "vous dé- die^ M Ô N s I E V R ;, qui faites partie de cet augufle Parlement:, dans V équité auquel nous au6ns accouflumé de troU- uer du fupport ^ lors quon nous fait de- fa delà quelques traittemens peu fauo^ râbles. Car il Çemble que cette forte d 'Efcrtts contienne quelque tacite plainte de ce quon a befoin de les publier. Or les plaintes ne font pas jeantes en U bouche de ceux qui en ont peu defujets
E P 1 s T R E.
&f quelque raison nous induit 4 nous
interejfcren ce qui touche nos frères ^ an
pejit dire que nous deurions plufioji nous
addrejpr aux autheurs de leurs mefcon-
tentemens ^ pour leur ojîer les mauuai^
fes imprefjions quils ont contre nows ^
ÇjT leur en donner de meilleures. Mais
ïefjere pourtant , M ON s l E v R ^ ^^e
quiconque prendra la peine de lire ce
petit ouurage y fe delmrera aisément de.
cet eflonnement par ces confiderations.
Tous ceux de la Religion qui font en ce
Royaume ne conflituent qu^n mefme
corps , en qui le def^laifir de chacun
de fes membres efi jenfihle 4 tous les
autres. Comme donc il arriue au corps
humain , que quelques-fois la partie ou,
efi le fege de la douleur ^ efi fort ejloi^
gnée de celle d'où fortent les gemijjè^
me^s t0 les fou^irs , & neantmoins
tant s'en faut quon blafme en cela
Vmfiitution de la Nature , quon
a iii
E P I s T R E.
admire la fdgejje de Jbn autheurj qui lu\ a donne ces ient'imens : fi quelques-vns de nos frères ont occajion de Je plaint^e en des lieux Jèpare:(^ de notis j on ne doit nullement trouuer mauuais que la communion d'njne meCme foj nous en infpire la Jympathie. Quant a nous^ bien que par la grâce de T>ieu nous ayons tout Jujet de nous loiier de /V- quité du gouuernement fous lequel nous "viuons y nous fçauons pourtant quelle efl quajtpar tout V inclination des peu^ pies y & que Jt Vauthorité Jupeneure ne ta retenoit ^ icy comme ailleurs nous ej^rouuerions te dejaduantage qu'il y a d^ habiter parmy des gens mal affe- élionne:^ , quand la balance nefl pas ^fgale, C'efl pourquoj fi outre la con^ duite de noflre vie^ dont ceux auec qui nous conuerjons ont leurs jeux mepnes, pour tejmoins _, nous tafchons de les in- former de la pureté de noflre créance ^
E P I s T R E.
4e l'innocence de nos pntimens j nous le faijons & par deuoir & par intc^ refl. Car nous fommes oblige:^^ de leur donner ^ Pil ejl pojjible ^ quelque tein-' ture de la ^vérité ^ & nous a^er mirons far ce moyen dauantage nojlre repos y quand ils n auront plus cette mauuaiji opinion de nojlre Religion , qui leur donne quelque haine couuerte contre nos personnes. Pour ce qui ejl de 'vous 3, Mo}!isîEYKyfoit que l'on vous con^ Jidere en la dignité que "vous pojjede"^^ ou bien en la profejfton de Religion que vous faites^ cet Ecrit ne pouuoit ejlre mieux adreJSé qua vous, en ce premier ejgard ceji non tant vne plainte des dèportemens d'autrujj ny vne iujlifica^ tion des nojlres^ <^ de la Foy que nous: fuiuons j quvne aBion de grâces quet nous rendons en vojlre personne a cette iUuJlre Cour dont vous ejles membre y de ce que par Vauthorité de Ces Arrefis^
a iiij
E P I s T R E.
eUe a diuerjes fois corrigé ce qu'il or peut: auoir eu d'excejjîf dans le :^ele des autres luges. En ce fécond j s il y, d quelquojn des Sénateurs qui la com^ fojent j qui dejïre d'eflre efclaircy de U fincerité de noi pensées y pour en ejlre d'autant plus enclin a nous rendre iu.^ fiice aux occajions ^ le crédit que ^vofire, rare njertu nj-ous. donne entre eux ^ ad-^ jouficra beaucoup d'cjjicace aux chojes que ie repre fente . j4 la ucrité njojlre Jïnguliere (uffifance :, & la parfaite co- gnoifjknce que ^ous aue^ de ce qui ejl de nofire profejjion ^ nauoient point bejoin d'eflre aidées de ma méditation ^ pour donner de bonnes opinions de nous dans les occurrences. Auffl ne me fuis -^^ je nullement proposé de njous wflruire- tn rien de ce qui j peut contribuer ;po^r-^ ce que njos cognoijTanccs paffent bien, loin au delà de ces réflexions toutes firnples & populaires . Je njcux di^t^.
Epistre. fenlement c^ue ^ojlre nom peut donner beaucoup d'accès a cet Ouurage ^ 'vers ceux mil efl expédient que nous in- formions plus exactement de nos crean^ ces & de nos inclinations ^ & que la réputation de voflre rare probité efl ca- pable de nous mettre bien en Vefj^rit de ceux qui pounoient auoir eflé preuenus de quelques mauuais preiuge:^^ par nos aduer [aires. Ouoy cm il en foit^ il im- porte que l'on jçâche^ que comme "vous efles absolument de mefme créance auec les Miniflres de la Religion que vous projvjjè^ ^ dans la doÛrine de la Foy y les Afinijlres font entièrement de mej^ me opinion auec "vous en ce qui efl dpù Politic j, & àe Voheifpince que les Ju^ jets doiuent à leurs Princes, En Vnjn il efl manifefle que ce nefl pas tant le jerment -^ l obligation de njos charges ^ qui vous attachent , vous ^ ces autres aji'. ejfieurs qui font dç noflre Religion^ *
E P I s T R E.
ilans les Parlemens ^ au feruice de pt Jidajejlé^ que le lien de U conjcience ç^ le génie de U Foy que nous njous fre ju- chons y puis que vos jentimens ^ les noflre s y p)nt conformes. En b autre il faroifi que ceji U cognoijfance de la vérité y ^ non aucun interefl de no-- ftre condition , comme quelques-'yns Je Vimaginent j qui nous ajjeaionne aux 4ogmes que nous 'vous annonçons dans la matière dujalut j puis que 'vous en çftes perfuade-^comme nous^& que vous y perjeuere-^jt conjiammcnt.quoy qu'au- cune des raijons du monde ne vous y arrejle. Mais quand ie mettray tou- tes ces conjtderations à part ^ il me Jèmhle que l'ay grande occajion d'ail- leurs de conceuoir vne confiance bien certaine ^ que vous prendre-;^ en bonne fart ce mien dejjèin de mettre vofire nom fur le jront de ce petit labeur^ cJr ^quc tout le monde l'approuuera , bie%
Epistre, que les autres caufes que len ay luy, furent entièrement incognuès. C'^fi que neujfe-je point tant de tefmoignages de r honneur de njoflre bonne volonté y njojlre exemplaire pieté , 'vojlre fçauoir eminent , cognu dedans O* dehors le Koyaume ^ & le rejle de "vos excellen- tes vertus y me conuieroient a donner quelque tejmoignage au public que l'en fais vne ejiime tout à fait extraordi- naire. Et quand les belles & grandes qualité'^ que Dieu a miÇes en vous^ nattireroiént point fi puijjamment mes rejj>eâis , cette tendrejjè d '^ffc- clion dont il vous plaijl me fauorijèrj m'oblige ^ fi ie ne veux eflre ingrat ^ a vous en faire vne folennelle reco^ gnoijjance Receue:(^là donc ^ s'il vous plaifi ^ M o N s I E Y R , du mejme ail duquel vous aue'^ accoujlumé de voir [on autheur, -^ continue';(^de croire^ comme vous aue:^ fait depuis que i'ay
E P I s T R E.
le bien d'ejire cognu de vous ^ au il nj ^ perfenne qui fajjè des vaux plus ar-- dens que t'en Jais à Dieu pour vojlre entière proj^erité , ny qui foit plm m- uioUhlement ^
MONSIEYK.
io^r' ^T7' '' Voftre trcs-humble &
lour de Palcjuc^ ▼ '^ -^
^^47» très - obeiflant 1er-
uiteur, AMYRAVX :
, Sfe îfë» (???) Vf? --ÏV fte -ate -r^?' .-^fei '-^ -•'♦ r^-ys /^ -5^ g». *|^ ^ ^ ^ y^ ^ «a «^ «r^ «^ 4^ ^ é>^ VJgk- ^
^DVEKTI SSEMENT.
^^Ommç rappelle ordinairc- \^mcnc en cette Apologie ceux de noftre communion, les Refor- mez , auflî Remployé fouuent ces mots de Catholiques Romains , &c quelquesfois celuy de Catholiques tout feul , pour fignifier ces Mef- iîeurs de la communion de Rome. Si Ton prenoit ces termes autremét que comme des noms, par lefquels on defîgnc ces deux communions différentes, & fi l'on y auoit égard à la qualité pour laquelle ils ont efté premièrement attribuez chacun à fonfujet, ily auroit de la contradi- dion en IViage de ces deux appella^ tions. Gar celle de Reformez figni-;
Aduertijjement. îîëlaprofefïîondeceux qui ont rc- purgé la Religion de ce dont la cor- ruption du temps Tauoit alterne. Et quant à celle de Catholique 5 elle fut premièrement appliquée àTE- glile Chrefticnne , pour la diftin- guer d'auec la ludaïque , pource que le Chriftianifme n eft affecté à aucune particulière nation^ & doit courir par tout 1* Vniuers. Mais de- puis on s'en eft feruy pour diftin- guer les Orthodoxes d'auec les Se- ctaires, qui s'eft oient feparexde la communion de cette Eglife à qui le Symbole audit , comme il y a apparence , le premier donné ce nom. Ainfi ce feroit mal à pro- pos que i'appcUcrois les vns Or- thodoxes, éc les autres Reformez : pource que la Reformation pre- fuppofe qu'on a dégénéré de l'Or- thodoxie, & fi elle ïuft demeurée
Jlâuertijjemeni. en fon entier en l'Eglife^ il n'euft pas efté neccflaire de la reformer. Mais déformais ce nom de Catho- lique a paflfé en vn tout autre vfa- ge, & ne fîgnifie rien autre chofc nnonceux qui font profelïion du Chriftianifme ^ tel qu il eftoit en r Europe auant la prédication de Luther: comme on employé celuy de Proteftans & de Reformez, pour dénoter ceux qui le profefl'ent tel qu'il eft en la communion laquel- le s'eft feparée d'auec Rome. Et n'y a rien de fî ordinaire que de voir ainfî pafler les noms d Vne li- gnification à lautre 5 ny rien de fi indiffèrent que leur vfage quand Vne fois le temps&lacouftumeen ont authorifé le changement- l'ap- pelle donc Meflîeurs de l*Egli(e Romaine Catholiques,comme plu- fieurs honncftes gens d*cntre-cux
AâHertijJcment. nous nomment ceux de la Reli- gion ; & ne feroit pas raifonnable que nyeuxny moytiraflionsauan- tagedece refpeâ: ou de cette ciui- lité , pour le fonds de la Contro- uerfe. Pleuft à Dieu que nous ne fufïîons en difpute que des noms: ceux qui font de bon fcns ont tou- jours remarqué qu'ils ne font du tout rien aux chofes.
APOLOGIE
POVR CEVX DE
LA RELIGION.
Sur les Jkjets ctauer/ton que plufieurs
penpnt' auoir contre leurs perfon-'
nés & leur créance.
DESSEÏN DE L' OVVRAGE,
lEN que par là grâce de Dieu , &: par la bonté de nos Rois 5 tioftre condition foit mcrueilleufement dif- férente de 1 eftat auquel eftoyent les Chreftiens autrefois , lots que luftin Martyr ôc TertuUian écriui- renc leurs Apologies, finelaiflbhs nour
A
z ^polûpd
pas d^ertfe hcccflitez par 1 auerfiori que beaucoup de gens ont contre nous , d en- trer en quelque iuftification de nos de- portemens &c de noftre créance. Car il eft bien vray quenousviuonsen paixfoubs la proteâiondesEdiûsde noiîreSouue- rain > 8c que la Reine fa mère, depuis qu- elle a le gouuernement de TEftat entre les mains > a toufiours de fa grâce déclaré qu elle vouloir qu'ils fulFent ponftuelle- ment entretenus. Nofleigïieurs de fon Confeil fécondent ordinaireract fes bon- nes intentions > Se nous aurions tort fi nous ne recognoiflioils qu'en diuers lieux la douceur &c Tequité des Gouuerneurs, Se la iuftice des Magiftrats nous donnent plus de fu jet de nous loiier d eux , que de nous plaindre de la feuerité de leur con- duite. Gomme la Noblefle a d'ordinaire lesfentimens éleuez Se généreux , il y en a grand nombre de cette condition , qui fans s'arrefter à la difFerêce des religions^ eftiment Thonneur &c la vertu par tout où elle fe rencontre. Èc généralement ea toutes fortes de profefTions il fe trouue far tout d'honneftes gens, que non feu- lement la diuerfitc de la créance n'empef-
pour ccHx de h Kelip |
chc pas de viure aUec nous ciuilcment, mais de la bonne volonté de qui nous pourrions bien nous affeurer dans les oc- currences les plus importantes. Mais neantmoins il ne fe peut pas nier qu'il ne fe rencontre quantité d'occalions^où le traittement que nous recelions de la part de quelqucs-vns de ceux à qui ladmini- ftration des chofes publiques a efté com- inife, porte des marques indubitables de ia mauuaife d/fpofition de leurs efprits en nofire endroit. De forte que les bonnes Volontez de fa Majefté , qui font comme autant de douces 3c fauorables influences, qui deuroient fe refpandre en toutes les parties du Royaume oii nous en auons befoin , font interceptées auant qu'elles viennent iùfques à nous, ou ^u moins teL lemcnt altérées &: débilitées parla mau- uaife conftitutlon des efprits par Icfquels elles ont à paffer, qu'elles ne produlfent pas à beaucoup prés tous les effets aul- quels elles font deftinées. En effet , foie qu'il s agiffe des chqCes qui r^ous ont efté odroyées par les Edids^nous trouuon^ affez fouuent des difficultez très cqnfide- ra,blesà les obtenir,?c.n^efmesquelques-
fois des oppofitions &: des embarras qui nous font entièrement infurmontabjes^ Soie qu'il s'agifle de celles qui peuuenc eftre communes àtouslesfujctsduRoy, la différence notable qu'on y met à no- ftte defaUantage entre les Catholrques Romains &:nous, en vne infinité de ren- contres 5 eft vne prcuuc trop authentique de la haine que nous portent quelques- vns de czs Meffieurs? à qui la putfTance fouueraine a remis, l'a difpenfation de quelque partie de fon authorité. Q3nt à ce qui regarde les peuples en general> comme ils ont accouftumé d'eitre plus extrêmes en toutes chofes , ôc de felaiffer emporter à leurs mouuemens auec moins de drconfpeftion , ils defcouurent pour la plufpart, où les occalîons s'enprefen- tent 5 vne fi mauuaifé inclination contre nous, que fans la proteûion de fa Maj efté, &: fauthorité des Gouuerneurs , &: la re- tenue des Magiftrats, nous aurions fans doute beaucoup à fouifrir de ce cofte là. Or fçauons nous fort bien qu après la bon- ne Prouidcnce de Dieu,qui tient les cœurs des Grands 8c des petits en la main, le plus efficace remède que nous puiflions appor-
pour ceux de ldl\elig. y
teràcemahdefpend de noitrepcatience, & de la tranquilké de nos efprits. Néant- moins , nxffant aucunement à prefumcr qu'en des hommes en qui l'on void d'ail- leurs tant de belles propenlions à l'cqui- té , il fe rencontraft de fi mauuaifes dii- polîtions en ce qui nous concerne y s'ils n'eftoient imbus de fort iinifties préju- gez contre nos perfonnes , &: contre 1^ Religion que nous profeffons, il efctoii- jours iufte^r^ifonnable,^ mefmesau- çunefois abfolument nccelTaire 5 que nous tafchions de les informer' autre- ment. Ec quoy que depuis yn peu plus de cent ans qu'il y a qu'on commence à par- ler de nous en ce Royaume 3 nous ayons effayé de le faire par vne infinité deicrits. de différentes façons , fi eft-ce que le mal ne fe gueriffant point entièrement, &: mefmes fe renouuellant de temps en temps en diuers fymptomes ? i'ay creu qu'il ne feroit pas inutile que ie con- tribuaffé aufli quelque chofe de ma parc à le diminuer. Ce n efl: pas que ie doi- ue auoir cette opinion de moy que ie puiffe produire quelque choie 5 ou qui n'^it point eljé dite pat ceux qui nous;
Ç apologie
ont deuancez , ou qui fortant dz ma plum^ puifîe auoirpU^s d efficace que U leur ne luy en a peu donner. Il eft forty parle pafle tant de beaux tràuaux en lu- mière, qui pouuoient feruir àcedcflein, foit qu'on y regarde la profondeur du fçauoir , ou rexcellence de Téloquence, que ce feroit trop de prefomption à moy fi ieme propofois feulement de les éga- ler. Mais comme c'efl: vn précepte de mé- decine y quand on s'eft pris à traitter vn mal 3 de n'abandonner pas fa méthode, encore qu'elle ne produife pas tout Teffct que Ton defire , pourueu qu'elle foit fon- dée en bonne raifon ; auffi eft-ce vne pratique de la prudence, de ne defifter pas d'inculquer les mefmes chofes à des tfprits preoccupezjcncore qu'on n'y reiif- fiife pas entièrement , pourueu qu'elles foient conformes à la vérité , &c propres 4 les defabufer de leurs opinions antici- pées. Joignez à cela que Itsl^iurts ont leur temps, 8c que pluficurs qui ont efté bien rçceus au fiecle pafle, font en ceftuy- cy (îpafi jperis de la connoifsâce des hom- mes; foit que le changement qui arriue gàafi iolirnellemeut au langage, nous.
pour ceux de la Re!ig, y
dégouftedes Efcrks en qui nous voyons trop de marques du ftile de nos ayeuls, ou qu'il y ait à cette heure quelque air en la façon non feulement de s'exprimer, inais de conceuoir les chofes mefmes, qui leur donne plus d agréement &: de lumiè- re qu elles n en auoient auparauant. Pour inoy, bien que ie ne fois pas de ceux qui fe plaifent extrememer\t aux chofes nou- uelles 5 &que quand ie ne le dirois pas, i'ay peur que moneloeutionnefaffe que trop paroiftre que ie ne m'applique pas beaucoup à la lefture des Autheurs qui ont donné à noftre langue la delicateife Se les ornemens dont les efprits poli$ font maintenant tant de cas j i'efpere pourtant dreffer cette Apologie de telle forte , qu'on ne pourra pas dire que ce ne foit qu Vne fimple répétition de ce que les autres ont déjà mis en auant. Car ce n'eft nullement mon intention d'en-^ trer dans l'examen de ces Controuerfes de religion qui exercent les Chreftiens depuis vn fi long-temps , & qui bien fou-^ uent ont efté traittées de telle manière^ quelles ont fait vn^fFèttout contraire à eeluy que ie me profQfe icy : pour ç^
A uij
s Apologie
que iedefirc reconcilier tant que îe pour- ray les volontez des hommes à ceux de noftre profefiion, au lieu que le plus or- dinairement cQ,s çonteftations les irritent. fit puis , ç'ell vne mer dont vn deflein de fi petite efteuduè qu'eft le mien , ne fçau- roit trouuer ny la riue ny le fonds. La fub- tilité des raifonneme^s y furpafle bien fouuent la portée des efprits du peuple : la multitude des allégations dont chacun des deux partis a accouftumé d'appuyer fon fentiment , requiert plus de temps à , les examiner que les occupations des Ma- giftr^ts ne leur permettent d'y en don- ner :&: enfin , la paffion quife melle par tout fous l'apparence d^ zèle ,6c ledefir de vaincre qui l'emporte aifez fouuent pardeffus l'amour dé la vérité , met en ces difputes tant de ténèbres 6^ deconfu- fionjquauant queçeuxde l'authorité de qui nous dépendons a,yent peu venir à bout de les demefler , les fafcheufes opi- nions dont ils ont l'efprit faifi>produifent vne infinité d'effets à noftre dommage. Il y pourroit auoir vn moyen de refoudre ces difficukez , qui requerroit beaucoup xnqinsde temps ,&: dont le fucce^ ferpit;
pour ceux de la Rekg, ^
incomparablement plus certam &c plus fa- uorable. C'eft que les principales &: plus fondamentales créances du Chriftianif- me nous eftant communes à l'Eglife Ro- maine &: à nous^il ne faudroit que voir dans les choies dont nous difputons , ce qui s'accorde auec ces principes , 3c ce qui ne s'y accorde pas , comme on fait lors qu'il eft queftion de décider ce qui pour- roit eftre douteux dedans les autres fcien- ccs. Car puis que iamais vne vérité ne choque l'autre 5 au lieu que le menfonse fouuent fe ruine foy-mefme^S^ ne s'a jufte iamais auec la vérité j ce quife trouueroit contreuenir aux dix Commandemens de pieu 5 à la prière de noftre Seigneur , 3c au Symbole de fes Apoftres , deuroit eftre tenu fans difficulté pour rejettable , puis que nous receuons pour diuines 3c vérita- bles ces formules de la créance de tous les Çhreftiens. Mais ons'eftengagéfiauant dans cette autre manière de dilputer par authoritez 6^ par tefmoignages , tant des anciens que des modernes ? qu il n eft pas aifé de s'en reûrer. I ay donc intention demonftrer par vne voye beaucoup plus courte , que foit qu on nous regarde
comme des hommes >&: dans les deupir^ aufquels nous fommes obligez les vns (cnuers les autres entant que tels ; car ç eft la première chofe qui doit venir en con- fideration ; nous ne méritons nullement lauerfion que tant de gens ont contre nous. Soit qu'on nous confidere comme François , Se fujets dVn mefme Prince f uec tous les autres habitans de cet Em- pire, il y a quantité deraifons pourquoy nos plus grands ennemis deuroient yfer de toute forte d'équité &:deiuftice enno- ftre endroit. Soit enfin qu'on ait efgardà la qualité de Chreftiens que nous por- tons 5 on ne nous fçauroit haïr pour le Chriftianifme tel que nous le croyons, fans pécher contre là loy de Chï^ift , Se la charité de fon Euangile"I'^r comme mon deflein , Se mon deupir , Se mon inclinar tion encore me portent à déduire tout ce- la fans aucune paffion , i'efpere que ceux entre les mains de qui cette Apologie tombera,n'en apporteront point non plus que moy à lire ce que i'efcriray pour la^ iuftification de n^os Eglifeî^.
pour ceux de la R^lig^ u
SECTION I.
^f Jîon conpdere ceux de U Religion dans les deuoirs aujauels ilsjontobli^ ge':^ enuers les autres entant qu'hom-- mes y ils ne font dignes de ïauerfion de qui que cejoit.
Ppur commencer par la première de ces chofes, Thomme a ces deux qua- lîtez qui le diftinguent d'auec tous les ^nimaux, qu'il eft premièrement raifon- ^able5&: puis après politique ; ce qui vient en confequencè de la railbn : c'eft à dire, qu il vfe d'intelligence en ce qu il entre- prend de faire 5 &c s y porte par la con- noiflance qu'il a de la nature de fes ob- jets j&: qu il eft propre à la focieté^ô^de- ftiné par la nature à viiire en la compa- gnie des autres hommes comme luy. Otx ne fçauroit donc raifonnablement rien defirer denous en cet efgard , pour nous rendre dignes de l'humanité ôc de la bonne volonté de tout le mQnde,fin0a
|X uifologie
qu'ci¥ ce qui regarde les fentimens &: la créance, nous ne tenions &: n'enfeignions rien qui deflruife les loix de la vertu mo- rale, de laquelle tous les hommes font capables par IVfage de laraifon ,ny qui corrompe cette inclination que nous de- uonstous auoir à entretenir vneiuftefo- cieté auec ceux auec qui nous auons à vi- ure. Et pour ce qui concerne ta pratique de ces loix de la vertu , ^ notamment l'exercice de l'équité &;dela iufticcqui eft la bafe &: le lien de cette focieté: On ne doit non plus requérir de nous, pour eftre dignes de Tamitié des autres hommes, finon que nous conduifions noftre con- uerfation de fovte qu'on ne puiffe nous acculer de faire le contraire de ce que nous enfeignons. Or pour ce qui eft de noftre créance , quel que foit le refte de la dodrine que nous embraflbns en matière de Religion, tant y a que les enfeigne- mens moraux que nous donnons à ceux de noftre profeiîion pour modèle de leur vie , n ont iamais efté blafmez par nos plus grands 6c plus enuenimez aduerfai- res, de heurter le moins du monde contre les principes de U vertu^ J^Ios gen^ om
pour ceux de la Religion, I3 fait des recueils des opiniôs des Cafuiftes, oùilsoncrâmafTé quantité de chofes qui fembient contrarier aux fentiméns d'vne bonne confcience , &: corrompre les fe- mences de l'honnefteté , 6c de la pudeur, &: des autres bonnes qualitez que la natu- re met en nous. Ces Meflîeurs de la com- munion de Rome, qui tiennent le party de rVniuerfité de Paris contre les lefui- tes , ont publié leur Théologie morale, &: diuers autres lieux communs de leurs opi- nionsjoii ils les flcftriflent du blafme d'en- feigner vne infinité de chofes contre les loix diuines & humaines,&: qui ouurent la porte toute large a la fraude, à la perfidie, à la vengeance, à Fauarice , &: à la diflblu- tion. Mais quant ànousjquoy que nous ne manquons pas de mauuais amis , qui ne nous efpargneroient pas s'ils trouuoient quelque cho£e à reprendre en nous en cet- te matiere,fi eft-ce que iufquesàcette heu- re il ne s'en eft trouué aucun qui ait eu af- fez de hardiefle pour nous imputer rien de tel. Et véritablement on ne le fçau- roit faire fans vne extrême impuden- ce , &: contre toute apparence de rai- fon. La Parole de Dieu eftant de tous
14 apologie
les Liures du monde celuy qui fan$ comparaifon eft le plus propre à former les hommes à toutes chofes dignes de louange^nous lauons expreffement tour- née en langue vulgaire , &c la mettons entre les mains mefmes des petits enfans, afin que toutes fortes de perfonnes y ap- prennent de bonne heure en quoy la vraye vertu cc)nfifte,&: quels font les vrai^ motifs qui nous y doiuent porter. Les Prédicateurs d'entre nous fement tous; leurs propos particuliers , 8c toutes leurs aftions publiques d'enfeignemens de mefme nature , &c bonne partie des le- çons qu'ils font dans les Académies y ont cette matière pour fujet. Sur tout ils ne concluent iamais leurs prédications que par des exhortations à mener vnevieoù toutes bonnes qualitez reluifent , de ne traittent aucune dodrine , pour fublimc qu elle puifTe eftre, ou pour debatuè qu el- le foit entre les Catholiques & les Refor- mez , qu ils ne ramènent aux inftruâions qui feruent à mener vne vie honnefte, &: d'où ils ne tirent quelques aiguillons ca- pables d'y exciter les ^ffeftions de leurs auditear^. Outre U leûure de la parole
pour ceux de la Helig. ij
deDieu^&rvfage de la Prédication, lé monde , par manière de dire , eft remply de liures que nous auoiis faits pour expli- quer en quoy la vraye vertu eft recom- manda ble , quels font les commande- mens que Dieu nous en a donnez : quel- les les efperaiïces qu'il propofc à ceux qui s y adonnent : quelles les menaces quil fait à ceux qui la mcfprifent,& com.bien la doûrine de 1 Euangile a adjoufté de poids àcequelaLoy nous en enfeignoit auparauant. Et ce que i'aydit delà vertu morale en gênerai ^fe peut dire en parti- culier de l'exercice de la luftlce, de la- quelle defpend la conferuation de lafo- cieté : Car il n y a deuoirs de maris en- uers leurs femmes, ny de femmes enuers leurs mafis , ny de pères enuers leurs en- fans, ny de bons enfans enuers leurs pè- res , que nous ne prdpofions , Se que nous ne repreféntions fans celTe à tous ceux qui les doiuent pratiquer. Un y a ny hu- manité Se équité des maiftres enuers leurs feruiteurs , ny refpeft &: obeiifance des feruiteurs à Tendroit des mairtres^à quoy on n'induife perpetuellem?.nt parmy ftousceux en qui il fc rencontre dételles
i6 jij^îogtê
relations. Il n'y a aucun entre nous j de quelque condition que ce puifle eftre , qui (oit fujet aux Mag?ftrats > aux Gouuer= neurs3&: généralement à tous ceux en qui il y a quelque degré de fuperiorité ,à qui on n'enjoigne &: tres-éxpr elle ment 6t contmuellement de ne rien oublier de la reuerence &: de rhonneur qu'on doit à ceux qui font en ces charges , & à qui on ne donne à entendre qu'elles font de 1 in- ftitution de Dieu. Il n'y a qui que ce foit à qui on ne faffe cognoiftre qu'à caufe de cette inftitution, ce ne doit pas feulement eftre la crainte de la vengeance , qu ils ont toute prefte en la main contre ceu^ qui mefpriîent leur authorité5mais princi- palement le mouuement delà confcience, pource que Dieu le veut ainfi> qui nous porte à obeïr à leurs ordonnances ^ quand rhonneur de Dieu àc le falut éternel de 1 homme n'y eft point interefle. Il n'y a perfonne entre nous qui porte la qualité de Magiftratjou en qui la Puifiance fouue- raine ait imprimé quelque charadcre dé fa grandeur , à qui on ne reprefente par la parole de Dieu , quelle eft la façon dont les Supérieurs fe doiuent comporter en-
uers
pour ceux de la E^elig. 17
cnuers leurs inférieurs , &c particulière- ment comment ils doiuent rendre la iu- ftice vniuerfellemët à tous, fans acception de perfonnes , 6>c fans autre confideration que celle de la vérité ,? de requitc. Se du droit.Enfin il n'y a ny petit ny grand dans noftre profefRon, qui ait ou commerce ou liaifon auec vn autre , ou parenté , ou al- liance ) ou voifmage, ou communication:, quinefoit iournellement incité à rendre à chacun ce qui luy appartient, &: à mettre en vfage en toutes chofes cette règle de charité 5 de ne point faireàautruy finon ce qu'il voudroit qu'onfifl; à luy-mefme. Et pource que c'eft par rvnion de par la bonne intelligence que les focietez fe maintiennent , &: qu'au contraire c'eft la difçordje ôcladiuifion qui les perd , il n y a aduertilîement qulrefonne iifouuent en noftre bouche , ny qui rempliffc fi vniuer- fellement toutes les aûions publiques Se les entretiens particuliers de ceux qui ont la charge de nous enfçigner,queceluy de conferuer inuioUblernent la paix auec fes prochains, &: de relafchei&: beaucoup de fes partions > Se beaucoup de fes interefts, afin de l'entretenir auec tout le monde. le
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i8 jipùlogit
diray encore quelque chofe dauantàge^ Tant s'en faut qu'on ak aucune occafion de haine à l'encontre dé nous , comme fi îioftre créance efloitpoûrrenuerfer ou la iullice 3 qui fouftient laibcicté , ouïes au- tres vertus. morales 5 qui conuiennent à } homme entant qu'il cft doué deraifonj que no^ Bglife's ont fait certains ï:égle- mens , &: eftablycénaihes-forte^'de cenfu- res :, qui nâùs oblîg'ént -^v ne 'plu s grande intégrité - de vie" 5 c^é/ fâs autres ri y font obligez par les loiîé communes fous lef- quelles nous vluom. Car les loix publi- ques n'ont autre efga'rd fmonàceque la focieténe foit point manifeftement vio- lée >ny par l'adultère 5 ny par le meurtre, ny par le larcin , ny par les autres crimes cfclattans , dont on a toufiours creu que l'impunité tire neceffairement après foy la ruine de la Republique. Q^Sht aux au- tres cHofes ou ny le particulier , ny le pu- blic ne femble pas eftre fi notoirement en- dommagé , les Magiftrats n'ont point âc- couftume d'en prendre cognoifTance , &: quelques-vns mefmes d'entreux ne font point de difficulté de s'ylaiffer quelque- fois aller : au lieu que nous auons parmy
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hous yne Difcipline qui defFend les ieux qui ibnt purement de hazard, comme de- rogeansaureipeÊt qu'on doit à la diuine Prouidencejôc à l'excellence de Thomme, à qui la prudence èç l'induftrie a efté don- née pour conduite bc pour modératrice de toutes fes aftions. Elle ne fouffre ny le;^ comédies , ny les mommeries:,ny les dan- fes,pource qu'elleacreu que ce font cho- fes indignes delà grauité des gensfages;, qui peuuent raefme. effleurer ou corrom- pre tout à fait la pudicité de Tvn &: de 1 au- trefexe, &: qui au préjudice deç^equeclia- cun doit aux chofes de fa vocation ^ tirent à,uec elles vne manifefte perte de- temps. Elle a mefme regle.i.ufques à la fuperfluité deshabillemens, comme fic'eftoit chofe contraire à la modeflie , &: qui nourrift Se fomentaft l'inclination à la vanité. Et afin que les reglemens de cette difcipline nç demeurent pas inutiles par l'inexécution* nous auons eftably des Goniîftpires;,com- pofez des Miniftres &: dçs plu$ fages de ceux dé noftre Communion.fous laquaj lité d Anciens., pour ordojriner des repre- henfions,des fatisfadions^Sc des peines EccUfiàftiques qu il faut agpUquer à ceux
qui font tombez en quelqu Vne de ces fau- tes, dont les Magiltrats ne cognoiffenc point. Ce qui cft pour réduire la vie des Reformez à vne vertu plus cxade &: plus circonfpefte que ne porte l'éducation 6^ Tinftitution des autres 5 qui n'ont autre rè- gle de leur conduite que la crainte des fupplices qui font infligez par les Loix. Or eft-ce fans doute vn tort bel ordre^que Bodîn. les Politiques louent >&: quils açcompa- ^UK^p ^^^^ ^"^^ plus vtiles Conftitutions des Re- i^h. I. publiques les mieux policées > telle -que- ftoitàpeupres la Cenfure entre les Ro- mains.
Pour ce qui regarde la pratique de la vertu, quelque créance que l'on tienne au fait de la Religion , il n'y a perfonne qui ne fçache qu elle eft toufiours bien loin au deflbus des loix qu'on fait pour nous y for- mer, ôc des inftruftions qu'on nous y don- ne. Ceux qui en eftabliflent les reglemens eftans vuides de paflions &: d'interefl pen- dant quils y vacquent , n'ont rien qui les empefche de voir en leur naturel l'hon- nefteté des chofes louables. Et quâd ils en ^rit formé en leur entendemét la plus bel- le idée qu'il fepeut,ils la reprefentct toute
pour ceux de la Relig, ii
telle qu'ils l'ont côceuëjde iorte que d or- dinaire il n y a rien de fi beau que les le- çons que les Philofophes en font ^ny que les conftitutions que les Legiflateurs en ordonnent, ou qui en font dreffées par ceux à qui les Republiques donnent Tin- tendance des bonnes mœurs. Mais lors qu il eft queftion de les réduire à IVfage, tant s'en faut que le commun des hom- mes , qui n'a pas accouftumé d'efleuer fes penfèes fi haut , Se qui ne fe reprefente pas la forme des belles chofes fi excellence, refponde parfaitement en fa conuerfa- tion à toute l'intégrité des bonnes loix, que mefmes ces grandes d>c genereufes âmes, que Dieu a faites pour donner des exemples au genre humain, n'égalent pas de leurs aftiôs tout ce qu'ils en ont conçeu en la penfée. Car quand il faut venir aux chofes particulières où nos intereftsfont méfiez, nos partions ne manquent iamais à s'émouuoir , Se c eft: merueille fi elles ne corrompent la fincerité du iugement que nousfaifonsde ces belles idées de l'hon- neft:eté&: delà iufl:ice, lors que nous les confiderons fans efmotion. Il eft bien vray que cette inclination que nous auons
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Z2, Jtj^ologlC
naturellement à la focieté,aideroit beau- coup à nous duire à la vertu^fi nous auions. touliours à conuerfer auec des gens qui laimaiTent. Car leurs exhortations nous y porteroient 5 &: comme l'homme fe for- me volontiers à Timitation de ce qu'il void faire continuellemcnt^ainfi que ceux qui fe pourmenent au Soleil fe colorent fans y penfer , nous tirerions fans doute infenliblement , mefmes fans exhorta- tion 5 vne belle teinture de l'honneur , de. la continuelle fréquentation des gens de hicn 5 & de la veuè des bons exemples. Mais pource qu'il arriue qu'il y a toufigurs au monde plus grand nombre de vicieux que de vertueux 3 8c qu'outre l'imitation, à laquelle nous fommes enclins , nous, auons naturellement vne fort violente pente vers le vice ; fous quelque belle dif- cipUne que les hommes foient eileuez, quelques belles inftitutions que l'on faife, pour leur faire prendre le ply de l'honne- fteté & de la vertu>ils fe trouuent toujours fort elioigxiez des préceptes qu'on leur en donne. Neantmoinsiln'ya. gueresde gens fi peu verfez en la cognoiffancede^ chofes payées, ny fi peu attentifs à la cpn-
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iîderation des prefentes^qui ne recognoif- fent qu'autre sf ois ceux de noftre profef- fion auoient en cet efgard vn merueilieu- l'ement grand aduantagepardefïus leurs concitoyens, &: que maintenant encore nousnauon3 point fi fort dégénéré que pour çeta nous en méritions la haine pu- blique. Enlanaiffancede nosEglifes en ceRoyaumc&iplufieurs années depuis, il ne s'entendoit entre nous ny bhfphemc contre Dieu , ny mefdifance ou inlure contre les hommes. Les propos falcs ^ les chanfons lafciuesen eftoient bannies ab- folument î c'eftoit chofe rare que de voir ceux de noftre Religion fréquenter les ca- barets, &: les autres lieux, ou de berlan> ou de diflblutiô j &c s'il eftoit arriué à quel- qu'un de mettre le pied en ceux que la paillardife auoit diffamez, on le tenoit cô- me vn monftre. La rondeur ,rintegiité,la, bonne foy,la fîncerité eftoiet chofes fi or- dinaires &: h populaires parmy nous , qu il n y auoit pas à beaucoup prés tat de louan- ge & de recommandation à les pratiquer* que d horreur &: d'exécration à encou- rir 5 fi on ne les faifoit pas aflez claire- ment reluire en tpute.-fa vie. La charité
$-4 j^pologî-e
y eftok fi exemplaire , notamment ou il eftoit befoin de foulagcr les pauures &: ks fouffreteux , qu'il fembloit qualî qu'on ne poiTeda-ft rien en particulier, i>c qu'à rimitaticn des premiers Chre- ftiens 5 chacun peniaft que fi Dieu luy ^uoit donné du bienjil l'eu auoit pluftoft eftably difpenfateur pour la commodité d'autruy , que feigneur &: poffefTeur pour Tes propres au^ntages. La fimplicité des habillemens eftoit la marque extérieure de la modeftie intérieure du cœur , &: gé- néralement toute la conuerfation de nos ayeuls eftoit pkine d'inftrudlon &: d'é- ducation , mefmes à leurs propres adr uerfaires. Au commencement à la vé- rité 5 lors que la rigueur des maiiuais trai- temens obligeoit nos pères à faire leurs exercices de pieté la nuict, ou en des lieux cachez &: reculez de la cognoilTance des autres hommes , quelques-vns leur ont imputé d'y commettre des aftions qui à peine fe feroient entre les barbares. Mais quand on en a voulu prendre co- gnoiftance > ou bien qu on leur a don- né la liberté de paroiftre à la veuè du fnoîidp ) la calomnrè meftne a eu quel-
^QUr ceux de la Relig- ly
que honte de les en auoir accufez . Et pour eux, outre le tefmoignage de leur bonne confcience , qui leur eftoit vn inuincible rempart contre ces horribles accufations, ils le font confolez en la con- formité qu'ils y ont eue auec les premiers Chreiliens, que les Payens ont autresfois voulu diffamer des mefmes crimes.Main- tenant comme perfonne ne nous met fus de fi atroces Se de fi épouucntables aûios, aufli aduoiions nous franchement que nous ne méritons pas toute la loiiange qui cft deuè à la vie de nos predcceffeurs. Car encore que nous ne le puiflions faire fans qu'il nous en reuîenne de la honte, fi faut-il pourtant recognoiftre que nous fommes beaucoup décheus de noftre an- cienne pureté , &: qu il ne fe void que ttop ordinairement parmy nous des exemples de tous les vices qui ont la vogue dans le ficelé. le ne fçay fi l'en dois accufer la commune condition de toiites les chofes du monde, qui ne fe maintiennent iamaîs Gonllamment en vn eftaf, ou fi noftre fré- quentation s'eftant rendue plus ordinaire &:plus familière auec ceux qui fontpro- feiîion de viure plus licentieufement , nQ\
^^ jipologie
ftre conueifation s eft altérée pat leurs exemples. Tant y a que noftre lumière a, foulFert vn grand oblcurcifTement, & que il on compare noftre eftat prefent aueç celuy des temps paffez, peu s'e^ faut que ie ne die qu en beaucoup de chofes , &c en beaucoup de lieux à peine fommes nous recognoiffables. Neantmoins fi on ne nous compare point auecnos pères, en quoy fans doute nous auons du defauan- tagetant &: plus , mais qu'on nous confi- dere feulement du mefme œil dont on re- garde la plus-part de ceux qui font en la communion de RomCjil n'y a perfonne fi peu équitable qui eftime que noftre vie nous rende indignes de TaifFedidn des honneftes gen5. Car au moins on n'en- tend point entre nous ces exécrables blaf- phemes contre la Diuinité , que nous voyons auec beaucoup de douleur de- meurer impunis en diuers lieux jpourueu que ceux qui les commettent au veu 8c au fçeu de tout le monde, ie ne diray pas ail- lent à la Meffevne fois l'an, car on ne s'enquiert pas s'ils y affiftent , mais feule- ment qu'ils ne viennent point auPrefche auec nous. Et ne pouuon^ affez noua qf-
pour ceux de laRelig. 17
^erueiller que s'il eft arriué à qaelqu va de noftreProfeiïionde laiffer eichapper quelque parole inconliderée, qui fe puiffe mal interpréter contre fon intention ^ comme fi elleauoit elle diteaudes hon- neur de la Bien-h-ureiife Vierge , ou des autres Sainds de Paradis , les Magiftrats inférieurs prononcent incontinent allen- contre deux des iugemens fi rigoureux, qu'il faut, que les Parlemens les corrigent;. &: que cependant en la prefence mefoie de ceux qui font en authprité, on vomiffe impunément contre Dieu &c contre noftre Seigneur lefus des horreurs qui font fré- mir iufques à ceux qui ne font pas fort feu- fibksàcequi eft de leur gloire. S'il^y a des débauchez en noftre profeffion, côme il n y en a fans doute que trop 5 au moins faut-il qu'ils effayent de l'eftre en cachet- te , Se que leurs diffolutions ne puiflent eftre conuaincuës ; au lieu que nous en voyons ailleurs qui font trophée de leurs vices , Se qui prennent à grande gloire qu'on les tienne pour bons compa gnons- S il y a quelqu'vn de noftre nombre que le Magiftratfoit obligé dechaftier par la feuerité des loix publiques , cela arriue
t8 ' Apologie
pourtantaflezraremcncquoy qu'il y en a beaucoup qui ne nous font pas li fauora- bles,que de vouloir conniiier à nos flûtes, silnousarriuoit d'en faire qui fulTent di- gnes de leur chaftiinent. Il refte encore entre ceux de la Religion quelque chofe de cette ancienne charité , que nos pères auoient pour les panures, au moins pour ne permettre pas, sll eft pofliblcque ceux qui font neceffiteux foient obligez de mandier. Simefmesles panures de pro^ feflion contraire ne trouuoient en nous de l'humanité , nous ne les verrions pas en foule aux portes de nos maifons &:dans les entrées de nos Temples ; au lieu que fi les nofl res auoient efté réduits à cette ne- celTité de queftcr par les maifons, &:aux veftibules des Eglifes , il y a des lieux où tant s en faut qu'ils trouuaffent les entrail- les des homme.s ouuertes , que ce feroic beaucoup s'ils fe pouuoient retirer fans autre mécontentement que deftre tout fimplement efconduits. Enfin, lorsque quelque difette extraordinaire prefTe ceux qui ont le foin de l'adminiftration des Hofpitaux , ils trouucnt félon nos facul- té?, 6ç au de là de nos facultez,nas bourfes
pour ceux de la Relig, zp
Diiuertes pour leur foulagemenr; au lieu qu'en diuers endroits, s'il y a quelque mi- lerable de noftre profefllon qui n ait point de retraitte ailleurs, il y a toutes les peines du monde à obtenir qu il foit recueilly en CCS lieux publics, &c quand il y eft , il n'y a moyen de le garentir de la perfecution qu'on y fait à la confciençe, le fçay bien que cela ne fe fait pas vniuerfellement par tout, de qu'en quelques-vns nous rencon- trons plus de debonnaireté,8c ne mets pas cela en auant , ny par forme de plainte contre ceux qui fe monftrent plus rigou- reux, ny pour olFenfer l efprit deperfon- ne.Ieferois marry que ces proposjquifont deftinez à diminuer la haine que beau- coup de gens ont contre nous, en irritaf- fent aucun par quelque parole inconlîdé- rée 5 ie veux feulement dire que la condi- tion des chofes humaines eftant telle,qu'il n'y a pas moyen de preferuerny l'vneny l'autre profeflîon de quelque corruption dans les bonnes mœurs,nous ne méritons pas en cet égard d'eftre haïs de ceux donc les deportcmens n'ont point d'auantage pardefTuslesnoftres. Car quand le diray que dans l'ordre de la Nobkffcôc de ceux
jo ji^ologie
qui fréquentent les Cours des Roys, nous auons dans ce peu qui nous en refte des exemples dVne très- haute Se tres-emi- nente vertu : que d'ans ce petit norribre de Magiftrats que nous auons dans les Cours Souueraines &c inférieures, il y a des pe-r- fonnagesdVne droiture rare & fingulie- re, auiugement mefrne de leurs ehnemis; ique dans la condition des Miniftres il y a de 1 hdnnefteté, de la circonfpedion & de la retenue , à laquelle quelques- vns d'en- tre les Ecclefiaftiques ne voudroient p^s eux mefmes fe comparer ;& qae parmy ce qu'ôfi appelle le peuplcqucy que celiiy de noftr€ profefliô ait beaucoup dégénéré de la pujeté defes ancîeftres, fine sômes nous pas encore abfolunlént réduits à l'égali- té ) ie m'afleure qu'aucun ne m' accufera d'auoir auancé vue propofition témérai- re. On oit fencore fouuent de la bouche de nos aduerfaire-s des tefmoignages fem- blables à ceux dont les Chreftiens fe van- tent dans TertuUien > Caius Seiuseji homme de hïen,(^ nr^ arien a redire en luy -, finon (^uilfaitfrofefion du chrijiiamfme : C eft dommage, dit-on > dequoy vn tel eft Hu- guenot 5 caf d'ailleurs' c'eft vn parfaite-
pouf teux de la Relig, 31
ment honnefte homme. Partant puis que nous ne diflipons poiat la Republique par nos crimes, que nous ne gaftons point nos prochains par les mauuais exemples de nos aftions , &: que mefme noftre difcipli- ne & nos inftitutions peuuent contribuer quelque chofe à la correûion des vices qui deshonorent la vie des hommes , Se qui incommodent leur focieté , foit pour enarrefter le courant, ou pour empefcher au nîdins qu elle n'en foit entièrement irtondée, ie conclus que nous deurions r e- ceuoir de toutes fortes de perfonnes plus depreuuesde leur bonne volonté > &: par- ticulièrement de nos Supérieurs vn traite- mentfanspaflîoniencequieft de IVfage de leur puiffance.Tellement que s'ils nous y tiennent quelques rigueurs que les au- tres n efprouuent pas , il y a en cela vn af- fez notable manquement contré les droits communs que la nature & la raifon ont eftablis entre les hommes. Car quant à ce quieftdenosfentimensen la matière de la Religion, c'eft vne chofe qui doit eftre mifetout à fait à part. Nous verronscy- defTous , Dieu aydant , que ny pour ce que nous en croyons , ny pour ce que
$t .. Afologie
nous n'en croyons pas , nous ne méritons nullement qu a cette occafion 1 on nous traite moins fauorablement que les au- treSi Maisquelsqu'ilsfoientjiedis qu ils nedoiuent nullement venir en confiderar tion, foit pour nous priuer des bons offices de la commune humanité , ou pour per- ucrtir noftre droift enl'adminiftration de la luftice. Le premier droid de tous eft celuy de la Nature: c'eft le fondement fur lequel les autres font édifiez, «5c comn^ela fourcedont ils découlent. Le fecon4 eft celuy de la Police, qui ne doit , s^il eft ppf^ fible^ en aucime façon pteiudicier au pre- mier : pour ceque c'eft vn droiâ: , ç'eft à dire vne règle de la iuftice &: de la vertu, qui ne peut eftre violé fans péché ;&: pour- ce encore qu'en le renuerfant, le droid dç Li Police fe renuerfe aufli luy-mefme , &: deftruit la bafe de fon eftabliflement. Le troifiélîie finalement eft celuy de laReli- gion.qui ne fçauroit fi^fifter fi celuy de la Nature &: de la Police ne demeurent ; car pource que nous fommes hommes auant que d'eftre Chreftiensjes fentimens de la Nature précèdent en nous les créances de la Foy. Et pource que nous fommes focia-
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pour ceux de la Jieliv. m
blés dVne focieté politique , auant. que nous en formions aucune pour les deuoir^ de la pieté , c'efl: Vn peruertiflement de 1 ordre que Dieu a mis entre les chofesi que de penfer faire œuure de pieté.quani en fa coniîderation on ruine les droits fur lefquels la focieté politique eft efta- Uie. Au contraire, qui obéît aux loix de la Nature oc de la Police bien &:.legitime- ment confti tuée, fe conforme à celles de laReligloni d autant qu'en ^Religion Dieu commande que ces . deux l^remier^ droids nous foient abfolumént imiiola- bles.La Religionveut que le^ peresà leurs cnfans,&:lesenfansàieUrs pères >Jes fu- perieursi leurs inferieursiScks inférieure à leurs fuperieurs de incfme, k que les ef- gaux finalement à leurs efgaux , de voifin à voifin , de citoyen à citoyen ^d'amy a amy,&; de frère à frercj. chacun à caufe de ces relations > Se fans eh eftre deftourné par aucune autre cohfideration , rende tous les deuoirs aufquels les làixàt ïhu- matiité, Scelles delafodetéLhous obli- gent. Dans lesoffices &la charité Se de la beneficcnce, qui ne font pas fi eXademenu obligatoires que ceux delà iuftice& du droia, r Apoftre faina Paul ordonné- aux
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J4 Afologie
ChreftknUie faire du bien à toUSf> .iT3ai$ principale ment aux domeftiques de la toy. Pource qu'eftant la queflion-de don- ner à aiitruy ce qui nous appartient ôi nort àiuyvcduy auec qui nous n'auons autre communion que celle de la Nature 3^ de la Police ,ncie doit pas plaindre fi nous faifons' plus de cCnfideration d vn autre anse quii> outre la Nature & la Poli- cCî nous auons encore cette eftroite liai- fon qui nous conjoint en vne mefme Re- ligion. Car puis que ce font ces relations qui nous obligent à les gratifier de nos biensrfaits, quand il les. faudra mettre en comparaifon 5 celuy en qui nous les ver- rons toutes conjointementjfera lans dou- tc.preferable à vaautreen qui nous n'en verrons finon quelques-vnes. Mais en radminiftration de la lufticcilen va tout autremenocar pour ce qu'il s'agift de ren- dre à autry ce <|ui luy appartient , &: non à nous 5 nulles autres relations n'y doiuent eJEtreconfiderées. En la diftribution des ofiîces de la charité^quiconque préfère le^ domefl:iques de la foy à ceux qui ne le font pas, fuît la difpofition de la volonté de Dieu , qui a plus mis en cettuy-cy qu'en cettuy-làde ces raifonsôc de ces motifs
pour ceux de U Relig, j^
qui la doiuenc exciter en nous. En la dif- penfationdesdeuoirs de la iuftice bc du droi<a,quiconque met déliant fes. y e.ux au-^ tre cohiideration qiie celle de. Jtândre à chacun ce qui luy appartient , faiç diteûer ment contre la difpôficion de la. yolonté deDieu,qui auoit ordonné qu vaxeUquLcl ^ que profeffion qu'il fift en matière de, Re- ligion,ou quelqu autre defFaut qui fuft en fa,perfonne;d ailleurs, Jouiftpu àc telle chofe, ou de telle liberté^, par lesteixdela Naturel de la Police, Et puis queDîeuj quieft plus zélateur de fa glôire^y &:quî Içait mieux ce qui la peut auancér.que nousja tellement conduit les chofes par ia Prouidence^qu'en fuiuam l'ordre des loix de la Nature & de la Police , defquelks il eft autheur ,11 a lailTé la jouilïane4 dç, di- uerfes chofes, & IVfagCLde diu^rCâLS; libeji^ tezaux ennemis defa yetltéjC eftpà/Tion» &: précipitation,^: témérité à qQu$i que de les leur vouloir ofter , iufques a ce que par la mefme Prouidence il. ait changé l'or- dre de CCS loix , ou de la Police i ou de la Nature. En efFet T Apoftre ne reut pas que ladifFerence de Religion dontedelegi- timeoccafiOii à la diflblutidn des maria- gesiny à ceu^ que ce liénàcoti joints fujet
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de fC'priUer mutuellement des deuôifs aufqiiei^Sîihfont obligez. Et û le mefme Apoft tCi'o'blige les Cnreftiés de fon temps iprier Dieu pour les' Roy s, pour les Gou- uemeur^irpour le^MagiftratS:, & gênera-* kmeht po^ur tousle^hotones^pource que rauantage qails auoient dcftre Chre- ftiensi au lieu^que les autres neleftoienc pas, &:quc d'emreuxil y en^auoit plu- iielîts horriblement perdus 6c mfarncs> ne les e^cemptoit pasde robligaî;on du droit politiquer^ qui, faifoit qu'ils compofoierit vnmefmeEftac i il^eft certes à prefumer que files Roys,>&: les'Gouuerneurs > & les Magiftrats,&: la plus grade partie des peu* pies euffent efté Chreftiens de fon temps, il ri'ebft pas permis nô plus que leChhftia- nifme kur eufteftévn prétexte d'abufer d^ leur àuthôrké 6i de leur nombre à l'op- ^reifTiondeceux qui n'auoient encore pu cognoiftrelà vferîté de lefus-Chrift. Com- me encore quekleux nations foient de Re- ligion differentcfieft-ce que le zélé delà Chreftiéne ne la doit pas portera Violer à l'égard de lautre le droiâ: des gens^pour^ ce que c*eft vne loy commune que le con- fentement des peuples a eftablie entr'euxj encore que deux perfonnes foient dans Ip
pour ceux de la Relig. j y
Chriftianifine d Vne profeflion toute 6p- fée 5 le zèle de la Catholique ne la doit point porter à l'efgard de la Reformée à enfraindre les droiûs de leur foçietc , que la Nature, &: lauthorité du Souuerain, ou leur commun confemement a eftablis cnt;r'ellcs de mefme. Et véritablement ie ne puis que ie ne loue icy le iugement de Monfieur de Silhon , l'vn desbons politi-' qucs de noftre temps, qui dit que ce tut iu- Itement que Ladillas Roy de Hongrie, perdit labatailleÇ^ la vie àVarnes.pourcq •qu'à la fuggeftion du Légat du Pape il auoit rompu la foy qu'il auoit donnée à, Amurat Empereur des Turcs j,&: que cet infidèle auoit raifon , en la chaleur du combat , dappeller lefus Chrift à venger Ja perfidie de ceux qui faifoient profeflion 4e fon Nom , dont ils auoient inter poCç lauthorité en la paix qu'ils auoient iurée-, Or quelque différence qa'û y a en matière de creâce entrç les Catholiques Romains 8c les Reformez , fi ne peut-elle efl:re fi grande qu'elle eft entre lesChreftiens de lesTurcs,oule$ autres infidèles. Et fi le Pape n'a point la puiflance de difpenfer du ferment par lequel on a ratifié la paix aueç IçsMccreans^rilnyapQint; derailfen que
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$% -, Apologie
lat^aiîion particulière de qiielqucs-vns les
diiperife de nous rendre le droid qui nous
€Û acquis par des Edids & par des ioix fî
fôlemnellemenrpubliéej.
SECTION IL
Que fi on confidtre ceux de la Religwn dans les deuoirsaufauelsîlsjontohli^ ge'^ enuers le Roy & l'Ejlat entant que François ^ils nç font point dignes de l'auerfion de qui que ce foit.
QVant à la féconde façon en laquel- le nous pouuons eftre confiderez, c elt à fçauoir entant que nous foinraes François , nous ne fommes certes non plus dignes de la mauuaiie volonté de nos concitoyens, foit à l'efgard de ce que nous fommes à TEftat en general/oit à l'efgard de ce que nous deuons eftre entiers npftre Princejcar pour ce qui eft de TEftat/i nous cftiôs ou Mores , ou Gots,ou Vandalesjou quelqu autre nation eftrangere de cett;ç fortcqui fuft venue en France pour occu- per le pays à force d armes , & en réduire cnferuitude les naturels habitans? &:.que la cQrfftitution des chofd ayant changé ^
pour ceux de la Rclig. ^^
nous fuflions deuenus plus tbibles en nombre , &c incapables de nous deôen- dre contre la nation originaire , on pour- roit aucunement excufer fes-'reifcmi- mens. Le mauuais traitement que nous en receurions pourroit melme eftre colo- ré de cette raiiond'Eftat, que pour nous ofter rhumcur de Conquerajns , il nous faudroit tenir bas , afin qu auec le pou- uoir Se Tefperance de reiiflîr, nôusper- diflions auiîi Tenuie de rien entrepren- dre. Si nous eftions originaires du pays, 8>c que les Catholiques Romains fuffenc eftrangers , qui nous euffent fubiuguez èc afferuis de bonne guerre , on pour- roit dire s'ils nous traitoient vn peu ri- goureufement , qu'ils vferoient en quel- que façon du droiddes gens, qui donne cet auantage aux viaorieux,&: que la pru- dence ne permet pas qu'on laiiTe tant foit peu leuer la tefte aux vaincus , de peur que le courage ne leur reuienne. Quoy que Ja plus fage Politique du mon- de, qui eft celle des anciens Romains, en vfoit ordinairement autrement j car ou bien ils incorporoient auec eux en vne mefme nation celles qu'ils auoient vain- eues, en leur donnait les mefmes priai-
C iiij
^ .;, , ^fologit
legQS. iciSC le mefme rang au gGUucrnc- meaç id^. leur JEftac j ou bien au moins ils leSiU-^ittoientaucc toute forte d'é- quité 3^ de douceur , &: les empefchoient ainli de regretter leur fortune précé- dente. Pour ce qu'ils fçauoient que ceux qui font contents de leur condi- tion, n'en défirent point yne meilleure]^ hc qu'au contraire les mécontçntemens que ron donne à des gens vaincus , les rendent indubitablement defireux de nouueautez , bc enclins a toutes fortes de partis qui leur prefentent de meil- XQ,s efperances. Ç eft pourquoy quand ils demandèrent à ceux de Priuerne , qui s'cftoiçnt rebellez çontr'eux ^ 6^ qu'ils auoienc ramenez; à la raifon par la voye 4es armes» quelle ils, fe deuoicnt atten- dre que pourroit eftre la paix s'ils la leur donnqient ; 6<: que ceux de Priuerne eu- rent refpondu ? pdcUe dr perpétuelle ^ fi *vous mt^s U donnez, bonne ; mais de peu de dwcç y fi vous nous U donnez wauuaife > ^infî qu'ils eftoient magnanimes 5 ils ap- ptquuevent cettje generofité. jpt leur rai- fon fut qu'il n'y auoic nulle apparence qu'il ferenco.ntraft ny peuple, ny hom- îï^e, gulii'.eftam.pas cpment de fa con-
pour ceux de URelig. 41
fiitiqn , la fupportaft finon autant de lemps qu'il y leroit contraint , &: quil ne stn pourroit pas; procurer vne plus douce àc plus raifonnable. Mais quel- les quefoient toutes ces con{iderations,el- jes n'ont point de lieu en ce qui nous con- cerne. Car nous fommes > comme cha- cun fçait 5 originaires du Paysjainii que les autres : &C s'il y en a quelques-vns d'en- cre nous qui foient venus des payseftran- gers, ou bien ils font en extrêmement pe- tit, nombre, ou ils font fortisde Nations auec lefquelles la noftre a toufiours eu de fi eftroittes alliances , que quand ils ont mis le pied en France > ils ont efté tenus pour Françoisjou bien il y a fi long-temps que leurs anceftres font habituez parmy nous 5 8c ils font entez dans le corps de la Nation de fi longue-main, qu'il ne refte plus de mémoire de leur extradion, ny plus de marque de la diftindion de leur origine. Or tout le monde fçait qu'il eft naturel aux hommes de tirer occafion de- là de s'entr'aimer &: des'entrefauoriferjSc que fi l'amour de la Patrie s'cftend iufques auxcoftaux, &aux riuicres ,&: aux cam- pagnes de noftre habitation, les affcdions qu'elle engendre doiuent fe porter plu^
41 apologie
direabmcritfur les hommes mcfmes,puis que ce fonc eux ? qui à proprement parler, tont la Patrie ôc l'Êftat, beaucoup plus que leschofes iiifenlibles Se inanimées. Ad- jouftezàcelaquenos parencez &:nos al- liances font telles en tout le Royai^me> qu'il n y a aucune famille de noltre prô^ feiTion qui ne foit meflée auecd'autres qui n'en font pas. Car quand nos anceftres l'ont premièrement embraffée , la fepara- tion s'eft faite de telle forte , que non feu^ lement il n'y a eu parenté qui n'aie eu d-es familles de fonfang 8c de fes alliances en Fvn 8c l'autre party , mais mefmes qu'il y a eu quantité de maifons particulières partagées 5 le perefetrouuantd'vne reli- gion 3 &: la mère d'vne autre, 6c les enfans pareillement. Depuis , ou bien les Catho- liques ont tellement continué de fe ran-^ ger du cofté des Reformez , ou les Refor- mez en changeant d'aduis font tellement retournez en la communion des Catholi- ques, ou enfin les mariages fefont telle-^ ment bigarrez entr'eux , que leurs famil- les s'entretiennent par vne infinité d'atta- chemens 6c d'alliances. Ce qui deuroit non feulement beaucoup diminuer de cette auerfion , que la diuerfité des opi-
four ceux de U Relig, 43
nions au tait de la Religion engendre de- dans nos efprits, mais mefmes y produire des alFedions dignes des plus beaux &: plus louables fencimens de la Nature. De plus, encore que le nombre que nous fai- fons n'eft pas à comparer àceluy depro» feflîon contraire, fi neft-il pas li petit ny fi contemptible pourtant , qu'on n'en doi- ue faire confideration en l'Eilat : Car la grandeur &; la force des Empires confifte principalement en la multitude des hom- 4nes ; c'eft là que font leurs relTources quad il leur arriue quelques notables accidens> c'eft ce qui les rend confiderables à leurs voifins 5 &: redoutables à leurs ennemisv c'eft en vn mot ce qui les rend capables ,&: de fouftenir les grades guerres , lors qu'on les attaque chez eux , &: d'entreprendre au dehors des conqueftes Se vtiles &: glo- rieufes.Or eft-il vray qu'en quelques Pro- uinces de ce Royaume, comme eft la Pro- uence , la Bretagne , le Berry , la Bour- gongne , la Picardie, &: la Champagne,il y a fort peu de Reformez en comparaifon des autres. Mais aufli n'ignore-t'on pas que le Poiûou ,&: la Xainftonge, &: la haute 8c la baffe Guyenne, le Bearn, le Languedoc , les Seuenes , le Dauphiné, ô<:
44 apologie
quelques autres Prouinccs en font tellc^ lîient femées , fans compter ce qu'il y en ^ en rifle de France 5 en Normandie , 8c eu tous les autres lieux où ils font efpars, (ju'ilsfont vne partie fxjrt confiderable de
• ce grand corps. Tellement qu encore qu'ils n y tiennent pas le lieu que la tefte tient au corps humain , fi eft-ce que com- me la tefte a foin des parties inférieures, la bonté de. la fageffe de nos Rois a çreu qu elle deupit pouruoir à noftre confer- uationparlauthorité des loix publiques^ Or les parties qui font au deflbus de late- fte.s entr'aflîftent refpeftiuement ; de for- te que celles qui en font les plus prochai- nes 5 8c qui feruent à Tefgard des autres, ainfi que de canaux pour y porter les ef- prits , ne les arreftent pas en paiTant^pour-
• ce que de laperclufiori,oude la foibleilc de quelques-vns de fes membres , le corps demeuréroit incommodé- Ceux donc qui tiennent en ce Royaume le gouucrne- ment&lapuiflancefousrauthorité de fa Majefté 5 &c généralement tous ceux auee qui nous viuons, font obligez par TafFé- âion qu'ils portent à TEftat , de ne nous empefcher point l'effet des bonnes volon- tez de noftre Pvijnçea Sç 4^ nous afFéftion-
pour ceux de la Relîg. 4I
net cQmme compofans auee eux vn mef- me corps, dont la eonferuation &: la feli^ cité deijpend de la bonne vniondeies par- ties. Ec véritablement nos plus grands ad- uerfaires mefmes ne peuuem pas reuo- quer en doute , que félon le nombre que nous y faifonsj&i les emplois que noltrd propre inclination où la puiffance publi- que nous y donne , nous ne contribuyons au bien de ce grand Empire, tout ce que nous y pouuons apporter d'ornement Se dVtilité. Les payfaris , qui font en grand nombre de noftre profeflion dans les Pro- uinces^dont i'ay fait mention cy-deflus, y cultiuentla terre, &:fourniiTent parce moyen à la nourriture de ceux qui les gouuernent,&: aux neceffitez de lEIrac. L'::s artifans n'y font point inférieurs aux autres en toutes fortes d'ouurages , bt n'y a guère de profefTions de cette nature, où nous n en ayons toufiours eu quelques- Vns fort excellens. Les Marchands qui font par tout,&: notamment dans les Ports de mer, fourniflent les villes des commo- ditez des Pays eftranges , tranfportent chez nos voifins les chofes dont nous abondons , 8c par le moyen de ce com- merce defchargent le Royaume de ce qui
46 Jîfologie
luy pcfe , l'accommodent de cèdent il à beioin^S^ mefmes y attirent l'argentjdont nous manquerions autrement par faute démines. Les gens de lettres n'y reuffif- Tent point fi mal , qu'on ne voye fortir d'entre nous des hommes eloquens pour le Barreau , de bons Médecins pour les villes, &: de rares lumières en toutes fcien ces, &:femble mefme qu'en la belle litté- rature , 6^ en lacognoiffance de l'antiqui- té, les Cafaubons,les Scaligers. &: les Sau- maifes layent emporté pardefliis tous ceux qui s'en font meflez depuis long- temps. La Nobleffe , &:tous ceux que la generofité de leurs inclinations attire à iuiure les armes, ne font pas en fi petit nombre dans les armées, qu ils ne s'y ren-^ dent confiderables , &c ils s'y acquittent de leur deuoir de telle forte, qu'ils s'y font fignalez en de tres-erandes &: très-impor- tantes occafions. Et c'eft chofe aucune- ment eftrange , que quelquefois à 1 heure que les pauures artifans ont bien de la pei- neà furmonter la haine que J'on porte à la Religion quils profeffent , pour auoir habitation dans les villes,&: s eftablir dans les Maiftrifes de leurs meftiers : le Roy metvne bonne partie des forces &: de U
pour ceux de la^elig. 47
feureté de fon Eftat entre les mains de Généraux d'armée qui font de mefme profeflion. Ainfi au Confeil de la Ma jeft.é, l'auerfion qu'on peut auoir contre noftrc creancejn'empefche pas que le bon-heur, &: la conduitte, bc le courage > ne puiflent elleuer les homti^s aux grandes charges de la Couronne^? &: à de ii glorieux em- plois : &: dedans les Prpuinces en diuers cndroitsj elle empefche que Tindullrie, &: ladreffe , 8c l'intelligence dans les plus petits arts. , n'y puiffent promouuoir les liijetsdefaMajeité , pour rvcilitédu pu- blic 3 ôc pour le fauftien de leurs familles. Enfin généralement en toutes fes necefli- tez du Royaume 3 s il y a quelque choie à faire, nous la faifons félon noftre puif- fanceauiït alaigrement que ceux qui font beaucoup plus fauorifez que nous, &: s'il y en a quelque autre à foufFrir , nous la portons pour le moins aulTi patiemment que les autres > bien qu'on ne nous efpar- gne nullement en la diftribution du faix, Zc que la plufpart du temps les propor- tions ny font nullement gardées. Il y a donc certes quelque fujet d'eftonnement que toutes ces confideratiôs ne font point capables de contrebalancer vn peu cette '■
48 Hiipok^it
violente paffion que quelques-vns biiG. contre nous. Si celloient les Moines ,&: les gens particulièrement deftinez à la deuotion, de qui dependift l'exécution des volontez de fa Ma) efté en ce qui nous concerne î cela ne deuroit paseftre trou- ué fi eftrange comme il eft. Ceis Meflieurs font d ordinaire fi préoccupez 5&:felaif- fent tellement tranfporter au zèle qiùls ont pour rauàncement de leurs dogmes^* &: pour reftablilfe ment deTauthorité de leurs charges , que noftre doûrme atta- que particulièrement 5 qu'il nVarien de merueilleux s'ils s'emportent en cette oc- currence, loint que leur condition ne les appellant pas au gouu^rnement , ils ne pcuuent pas fi bien fçauoir quel tempéra- ment la bonne &c fage Politique, 6c les raifons de la luftice &: du Public , doiuent apporter àTardeUf decezeledontil faut que des gens de leur robbe fafient profef- fion de bruller. Mais quant à ceuk qui font nourris dans le monde, ôi efleuez dans les charges, donc noftre religion n'^inta-* me aucunement Tauthorité , &: à qui TeX- periencedes chofes a deu faire comprêrt-^ dre qu'il y a bien de la différence entré^ les règles du gouuernement d'vn Cloî-'
trei
pour ceux de la Relig, 45)
tre, & celles de radminiftration delà lu- ftice , félon les loix dVn grand Eftat, c eft véritablement vnechofe digne de quel- que admiration, quil sentrouue que la paffion de la Religion deftourne fi loin du droit chemin de Tequité, qullsfuiucnc affez cDnfeientieufement en autres ren- contres.
Si on nous confiderc à l'etgard de ce que nous deuons eftre enuers noftre Prin- ce , nos confciences nous rendent tefmoi- gnage que nos âmes font li remplies du refped , de la reuerence , &: de lafFediori que nous auons à fa perfonnc^: du zèle &: de la ialoufie que nous auons pour fa gloi- re 8^ pour fa grandeur , que nous ne pou- uons nous perfuader qu'il y ait aucun qui nous furpaffe en cette louange. Et i'eftimé que nos plus grands ennemis ne la con- teftent pas. Car encore que depuis que nous auons commencé de paroiftre en cet Eftat 5 il y ait eu des confufions eftranges, & que quelques-vns de nos Rois , à la fol- licitation de nos ennemis^ayent employé tout 'ce qu'ils auoient de puifTance pour nous en exterminer , iufques là que fous leur nom il s'y eft fait contre nous des exécutions capables dematreles moins
D
yo jApologte
impatiens au deiclpoirj li eft-ce que parla:-
grâce de Dieu aucun de nous ne s'ell en- core iamais trouué meflé dans les confeils des exécrables attentats qu on a commis contre leurs peribnnes.Et ii noftre Nation a receu quelque deshonneur de laprodu- ftion de ces monitres qui ont li traitreufe- ment violé leur facr^e Majefté , noftre communion au moins eft exempte de la honte &: de Tinfamie de leur éducation.!! eft vray que quelques-vns nous ont foup-. f onnez , &c mefmes ouuertement accufez d'eftre ennemis de la royauté , ^ d*auoir eu quelque deffein > ou de changer la for- me du gouuernement de TEftat , ou au moins de nous y vouloir cantonner en qrielque lieu , pour nous tbrmer en Repu- tlique. Et ceux qui veulent croire que nous auons eu cette malheureufe inten- tion , penfent en auoir quelque preuue dans les guerres qui le font faites en ce Royaume du temps de nos Pères &: du noftre. Quelques-vns mefmes nous obie-- dent que les affaires qui fe palTent main- tenant en Angleterre , defcouurent aflez^ quel eft en celade génie de noftre Religiô. Mais certainement quelque malheur qui fbitarriué à ceux de noftre communion.
ffôur ceux de là Relig. fi
d'eftre ou forcez^ou obligez^ou portez par quelque confideraciô que ç ait eftc^à pren- dre les armes pour la liberté de leurs con- fciencesjC eft à grand tort qu'on nous im-i puted'auoir eu de fi pernicieufes penfées> ôc c*eft auec beaucoup de douleur que nous en voyons laccuiation imprimée en tant d'endroits.Mai^ i'eftime neantmoins qu'ils n'y a point de luges équitables de- uant qui nous plaidions cette caufe, qui ne nous en enuoy ent pleinement iuftifiez. le ne veux nullement entreprendre la de- fenfe de la prife des armes cotre fori Prin- ce, pour quelque caule que ce puiffe eftre. lefçay quil y a des lurifconfakes & des Politiquesjdes Théologiens &c des Cafiii- ftes 5 qui ont débattu cette queftion de tel- le forte, qu'où bien ils l'ont laifFée indeci- fe , ou bien ils ont trop fauorilé ceux qui veulent limiter lauthorité de la Royau- té. Mais bien queplufieurs gens de toutes profefTions eftiment la defenfe de la reli- gion que l'on' croit vraye , Se la liberté de la confcience à là profefler , la moifis illé- gitime de toutes les caufes qu'on peut al- léguer pour la iuftificatiô de cette adiom i'ay toufiours creu pour tant qu'il conuient beaucoup mieux à la nature &I'Euangile5
D ij
ft Apologie
&: à là'pratique de TEglifc ancienne , dc^ n'auoir recours à autres armes qu'à la pa- tience, aux larmes , &: aux pricres^en at- tendant qu'il pLiife à Dieu changer le cœurdesR.ois5&: donner par quelque au- tre voye repos & liberté à fes feruiteurs. Et à toutes les foisqucierepafle les yeux: de Kefprit deffus Thiftoire de nos Peres,ie ne puis que ie ne regrette tres-fenfiblc- men t qu'ils n'ay en t couronné tant d'au- tres belles vertus dont ils nous ont laiffé les exemples, de l'imitation des premiers Chreftiens , en cette inuincible patience qu'ils monftrerent fous lesperfecutions dés Empereurs. Car ils eull'ent ai nfi re- tranché toute occafion à ceux qui cher^ choient dequoy diffamer leur profeffion; &: euffent, comme i'eftime,plus glorieu- fementauancélacognoiffancc de la vé- rité par radmiratiori de leur vertu &: de leur conftance, qu'ils ne l'ont défendue auantageufement par la force de leurs ar- mes. Toutesfois > encore qu a mon aduis leur adion ne foit pas de la nature de cel- les qu'on doit louer ; car on ne loue finon- celles en qui la vertu paroift eminente: encore quelle ne foit pas abfolument à iuftifier j pourcc qu'on ne iuftifie finoa
poHr ceux de l'a Religo yî
celles qui s'accordent tout àraitaux loixj au iieu que celle-cy ue fe rapporte pas par- faitement aux commandemens de 1 Euâ- gileûe m'affeure qu'on me fupportera ii ie dis , que s'il y en a aucune de cette nature quipuifle eftreexcufée ,ou fupportée,ou pardonnée benignement, c eft celle que nos ançeftres ont faite en cette occurren- ce. Chacun fçait la violence des Edift^,^ des perfecutions qui ont efté faites contre eux au commencement. Les prifons , les gibets, les feux , les plus infupportables. (uplices qui fe puifsêt imaginer , y ont efté employez affez long-temps fans aucune mifericorde. Les bourreaux ont eu quel- quesfois horreur de leurs t;ourmésj6i quoy pue les peuples fuffent extrêmement ani- mez à ['encontre d'eux , fi ont-ils eu affez fouuent de la compaflîon de leurs fouf- frances. Quand donc nonobftant la dure- té de CCS traittcmens , ils ne laifferent pas démultiplier dételle façon , qu'en beau- coup de lieux ils enflent bien peu fe défen- dre fi la patience leur euft efchappé , pour chercher quelques moyens de fe garentir desextremi,tez aufquelles on les mettoit,. 3^ non certes attenter auxloix de l'Eftat, $C à la forme defon gouuernem entier
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Î4 udpolûgir
ceftchofe à laquelle ils n'ont iamaisdeu peofer, mais empefcher feulement que les confeillers de ces inhumanitezn'abufaf- ient de 1 authorité des Rois à leur entière deftruftion , euffent-ils rien fait en cela qu'on n'ait accouftumédexcufer charita- blement en toutes rencontres? Y a-t'il for- te de refped dont la violation nefoitfa- uorablcment interprétée, quand elle ne procède que du delirdela conferuatiô de fa vie en vne extrême ôcineuitable necef- lité ? Et de ceux qui font les plusfeucres à condamner cette impatiéce de nos ay euls, y en a-t il aucun qui fe peufl vanter de monftrer autant de modération qu'ils ont faites 'il auoit efté mis à des efpreuues aufli rigoureufes ? Neâtmoins pendant que du- ra le règne de François I. &c de Henry fécond^ lors qu'on ne pouuoit accufer ny la foiblefTe , ny le bas aage de ces deux grâds Rois^^: que grands 8c petits demeu- roiët en leur obeïfTance, 8c en l'obteruatio de l'ordre publicil ne s eft iamais veu que nos Pères ayent rien oppofé à la feuerité . de leurs Edifts , finon vne infurmontable patience. Depuis, le nom de rauchoiité ïoLiucraine eftant deuoiu à des Princes à qui rage n'auok pas encore permis d'ap-
peur ceux de la Relig. ^
pendre l an de régner, 6c toute leur puîi- lance eftant efFcdiuemêt tombée entre les mains de gens > dont laggrandiilement extraordinaire eiloit en chanr-eauxGrâds de lEftatjÔ^ (iitfK d aux Princes du iang^ûc àlaMaifon Royale meime^ees ialoulies iS^ces foupçôs partagèrent manifeftement èc leRoyaume d>c la Cour.Tellement qu'y en ayant pluiieurs qui pour des interefts beaucoup moindres que ceux de lacon- fcience ou de la vicjfe difpenferent de ce refped quonaccufe ceux de la Religion de n'auoir pas rendu alors^ce ne feroit pas chofebien citrange quand ilsfe feroient trouuez enueloppez dans vne faute , dont eftoient coupables tant de gens quin a- uoient pas à beaucoup près telle occafion de la faire qu 'eux-Mais encore peut- on di- re icy diuerfes cliofes fort confiderables pour leur defcharge.La première eft,qu ils n'en font iamais venus à prendre les ar- mes dVn commun confentement; defoiv te qu'on puiiTe attribuer cette adion au gê- nerai de ceux de la Religion, ny mefme à vne partie fort confiderable de leur corps, iniques à ce qu'ils ont penfé eftre tout ap- paremmêt fondez en droit de le faire,pour eonferuerauec leur vie 6^ leiu* religion la
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J^ apologie
niajefté des loix publiques , &: Tauthorité du Soiiuerain. Car ils ne les prirent qu a- près le fait de Vaffi , qui eftoit vne infra- aion toute ouuertede l'Ediade lanuier, lequelauoiteftéfaitenleurfaueur par le Roy jde l'aduis de la Reyne fa mereRegê- tederEftat5^deceux qui ont accouftumé d auoir quelque voix &: quelque crédit dâs le gouuernement pendant la minorité du Prince. Quand donc ils virent que rautho- rité duSouuerain ne leurpouuoit eftrevnc affezfeure fauuegarde contre la violence des particuliers, 6^ qu à ce deiir naturel de la conferuation de leur vie, qu'ils voy ciét autrement expofce à la fureur de leurs en- nemisjfeioignit encore cette confidera- tion^que ce feroit faire feruice &:au Roy S^àrÊftatque d entreprendre la defenfé de fes loix 5 ils ne firent plus de fcrupule dVne chofe contre laquelle leur confcien- çeauoitrefifté iufques alors. Car quant à ce qui eil: de l'entreprife d'Amboife , &:de cette petite guerre fi fage 6^ fi bien réglée que le Sieur de Mouuâs entreprit en Dau- phiné 5 outre qu il y auoit autant ou plus de raifons politiques qui agiffoient en ces rencontres , que de caufes de religion , ce font faits de particuliers y dont il ne faut
pour ceux de la Relig. fj
point acculer nos Eglifes en gênerai , 6c qu'on ne doit nullement imputer aux in- clinations que leur créance leur auoic données. Mouuans effaya bien d'attirer les Prouinces voifines à fon exemples mais aucune ne le voulut fuiure,&: luy- mefme de fon inftinft mit incontinent les armes bas , laiflant pluftoft dedans lesef- prits des lionimes vne finguliere admira- tion de fa modération &: de fa continence cnvnechofe qui d'ordinaire en garde fi peu 5 qu vne mauuaife impreflion de fon attentat ; car à peine void-on rien de fi re- tenu ny de fi régulier maintenant en plei- ne paix, que furent ces petits mouuemens comme les hiftoires les nous rapportent. Quant à laffaire d'Amboifcon fçait aflez que c'eftoient des Princes qui fe feruoient de la Renaudie , &c qui luy f aifoient jolier le jeu, beaucoup plufloft pour Tinterefl: de leur grandeur , que pour la confideration de la confcience. Mais quoy qu'il en foit, &: de quelques motifs qu'on y ait efté por- té 5 il fetrouue encore des lettres dcCal- uin mefme qui improuuent tant & plus cette confpiration. Ce qui rnonftre qu'il s'en a beaucoup fallu que tous ceux de la Religion y ayent trempé > eftant àprefu*
J8 Apologie
mer qu'il n'y auoit perionne alors dont la plus-part fuiuift pluftoftlesconfeilsS^ les xnouuemens , que de ce grand perlonna- ge. Et de fait, il eft imaginable qu'elle euft peu eftre fi feorette fi elle euft efté corn- muniquée à tant de gens qu'il y en auoit ^lors de noftre profeffion:&: celuy mefme qui la defcouurit en eftoitjSd il a ce tefmoi- gnage dans l'hiftoire de Monfieur de Thou , qu'il le fit par pur &: fimple mou- uement de fa confcience. La féconde cho~ fe qu'on peut dire eft,que quand tous ceuj^ de la Religion prirent les armes en ce Royaume en l'an mil cinq foixante-deux, les affaires politiques Scelles de la con- fcience fe trouuerent alors fi mefléesi &: la querelle entre laMaifon de Bourbon d>c celle de Guife éclatta de telle façousqu'en- core que la Religion fuft le prétexte de la guerre, fi eft-cequ'à l'efgard des Grands &: de quelques- vns de laNobleife>la vray e caufe en eftoit en grande partie dans vne ialoufie d'Eftat. Or en ce qu'il y auoit de Religion , ceux de noftre profefsion auoient au moins cétauantage, qu'outre la couleur apparente de iuftice qui fe yoyoit en la deffenfe d'vn Edid enfraint fi violemment , ils auoient pour chefs des
pour ceux de la Relig. y?
Pdnces dulang, dont la confideration a toujours efté tres-fmguUere en ce Royau- me. Quanta ce qu'il y auoit de politique, ils fouitenolent la caufe des enfans de la M^ifon, contre ceux qu'on diibit vouloir fe rendre poffeflTeur de la Couronne , 6c dont quelque temps après les deporte- mens ne iuitifierent que trop lesfoupçons qu'on en auoit eus j car cette querelle, de- puis la première guerre , iufques à l'entie- tiere extindion de la Ligue , qui ne fut qu'enuiron trente cinq anç après ? a efté comme vne fièvre continuè^qui a eu quel- quesfois fes remifes à la vérité, mais dont le Corps de TEftatne fut iamais bien net pourtant , &c qui ayant tpufiours fon fiege en mefmes parties &:cn mefmes humeurs, s'eft renouuellée de temps en temps par 4e fort furieux fymptomes. La troifief- me chofe finalement cft, que dés aufsi toft qu'on a donné aux Princes de la Reli- gion, vne partie du contentement qu'il^ defiroient , &: à ceux qui les fuiuoient à U guerre, la feureté de leurs vies, &: la liber- té de leurs confciences,auec quelque exer- cice de leur pieté, ils ont incontinent quit- té les armes,&: mefme aflez forment aban- donné des occafions auantageufes,ou d'a^
$Q apologie
uancei* leurs dcffeins^s ils en euflent eu d'autres que modérées & dignes de bons François^ou d affeurer leur condition5&: la rendre moins iujecte aux effets de la mau^ uaife volonté de leurs aduerfaircsjcar ils ont rendu de bonne foy les places qu'ils âuoiêt occupées? Se font eux-mefmes allez les premiers afsieger celles qu'ils auoient efté contraints de mettre entre Jes mains des eftrangers, corne ils firent le Haure de Grâce j aimant mieux qu'on les acçufaft de peu de précaution en leurs affaires , &c de peu de gratitude enuers ceux qui les auoient affiftez, que de faute d'affcftion a leur pays, ou de fidélité à leur Prince. Et véritablement c'eft chofe tout à fait hors d apparence que nos Pères ayent eu aucu- ne penfée de Républicains, puis qu'ils ne faifoient la guerre que fous les enfeignes des Princes du fan g 5 qui auoient vn trop notable intereft en la conferuation de la Monarchie, pour fauorifer de leur autho- rite & de leur conduite le deffein de la renuerfer. En effet, par vne extraordinai- re grâce de Dieu leurs enfans font main- tenant deffus le Throfne Se tout à l'en- tour, &: ny à aucun de la naiffance de ceux 4e qui fe font nos Roy s, dont les pères ou
pour ceux de laRelig. 6i
les ayeuls n ayent dans les cempeftes de rEftat> efté heureufement coiiferuez au milieu de nos Eglifes. Certainement on a enfeuely la mémoire des Ligues qui fe font faites pour exclure de la fuccelTion au Royaume ceux queMa Loy de TEftat y ap- pelloit, fous prétexte quils n'eftoient pas Catholiques. On ne le fouuient plus des Barricades Se des conspirations qui ont efté faites contre lesPrinces defia regnans» fous ombre qu ils né nous perfecutoient pas aflez cruellement au gré de nos enne - mis. On a perdu la fouuenance des me- nées &c des monopoles qui fe font faits pour tranfporter la couronne aux eftran- gers, pource que le légitime heritier^quoy qu'il euft laifle noftrc communion, eitoit foupçonné ne l auoir pas fait de bon cœur, êc n eftoit pas encore bien auec Rome. Et nous ne trouuons nullement eftrange que ceux qui ont efté coupables de ces aaions5 quand ils s'en font repentis , ny que leurs enfans , quand ils ont efté bons François, ayent efté traitez aufli fauorablementquê fiiamais ces chofes n'eftoient arriuéesi car il n eft pas raifonnable que la mémoire des fautes demeure à perpétuité, ny qu el- les impriment pour touûours des fleftrif-
6l j^pologie
fures irlefFaçables. Il y a quelquesfôis quel- que mauuaiie conftellation qui règne def- fus vne nation , ou pour mieux dire quel^ que clprit de tumulte &c de l'édition , quel- que démon enriemy de la iocieté du gen- re humain , qui charme les entendemens des hommes de fes illufions,&: qui fe mcile dans leurs paflions , &: les porte à des fu- reurs dont ils ont les premiers horreur quand ils font reuenus à eux - mefmes. Alors ce n'eft ny indice ny humanité que de leur reprocher leurs trafports, non plus qu'à des phrenetiques les leurs, quand ils retournent en conualefcerice. Pourquoy donc nous accuferoit-on encore mainte- nant d'eftre ilTus de pères ennemis de la Pv.oyauté , pource que Timpatience des tcurmens , Se notamment Thorreur des maffacres , les a fait recourir aux armes, non pour auoir des Roy s de Leur Reli- gion, non pour refufer l obeïflance à ceux qui en profeffoient vne contraire , niais amplement pour tafcher à fe garentir de lopprcffion , de laquelle tout aufTi-toft qu'ils ontpenfé eftre a côuuert fous les Edits de paix, il fe font déportez des voyes defait,&:fe font d'eux-mefmes rasiez' aux termes d vne entière obeïffa.nce ?• En va
pour ceux de la Relig. c^
mot, cette parole qu*on attribue à la Rcy- nc Catherine de Medicis,leur eft vne en-= ciere iuftification; quil ne fe falloir pas doner beaucoup de peine des guerres des Huguenots , ny craindre qu'elles riraf- fent d*elles-mefmes à quelque mauuaife confequencepour la France. D'autant que pour opiniâftrement & furieufcment qu ils y femblaffent acharnez, on leur fe- roit quand on vou droit tomber les armes des mains , pourueu qu'on letir donnait leur faoul de prefches.
Pour ce qui regarde les guerres de nos rcmps,où nosEglifes onteu quelque part, il y faut bien diftinguer les mouuemens de quelques Grands, & peut eftre encore les inclinations de quelque ville en par- ticulier, d'auec le gcneral de ceux de no- ftre profeflîon en ce Royaume. Si quel- ques Seigneurs y ont efté menez d'ambi- tion &de dcfirdeparoiftrcàlatefte d'vn parti confiderabkjC'eftvn péché de leurs perfonnes , qui ne doit point eftre autre- ment attribué aux peuples de nôtre com- munion îfinon qu'ils n'ont pas efté affcz circonfpeds pour fe donner garde de l'ar- tifice de ceux qui fe feruét affe:i fouuêt du prétexte de la religion &: du bien public.
iS^ Apologie
pourfàtisfaireà leurs p a (fions particuliè- res. S'il y a eu quelque ville capable de cette mutine &: criminelle penféc, de fe- coûer Tauthorité de la Monarchie , &: de (donner la naiffance à vn nouucl Eftat dans rEfl:at,c'cft vn crime qui eft dcmeu- to. dedans Tenccintc de fcs murailles, SC tant s'en faut que le refte de ceux de la re- ligion qui fpntcfpandus dans le Royau- me, cnaycntefté ou complices ou cor- rompus, qu'ils peuueutproteftcr en bon- ne confciencc qu'il n'eft iamais venu à leur cognoiflTance 5 &: que s'ils en euffenc fçeu quelque chofeailsî'euffent eu en hor- reur. Et fi on ne veut croire à là fincere proteftation qu'ils font de leur entière innocence, au moins certes peut-on bien adjoufter quelque foy à la voix de leur intereft. En quelle ame tant foit peu (cn^ fée peut tomber cette imagination , que tant de NcblefTe de la Rehgion, qui tient toute fa grandeur de la M onarchie, àc qui ne refplendit fino des rayons de la royau- té? eufl; voulu abandonner les efperances de la Cour,&: fes terres &: fes maifons , en tant de Prouinces où elle eft difperfée, pour s'en aller dépendre du caprice d'vn peuple feditieux &: turbulent , comme
dedans
pour ceux de In E^elig. ëf
dedans les republiques ils le font ordinai- rement ? Carquinefçaitque les peuples qui fe penfent cftre les maiftres de leurs loix&: de leur conduite , paflent inconti-^ nent de la liberté à la licence 3^ de la li- cenceàroppreflionde tout ce quiparoift auoir quelque qualité eminente , èc quel- que charattere de grandeur ? Quelle ap^ parence que ceux d'encre nous qui font eu quelque degré dans les Parlemens &c dans les places de ludicature^côme il y en auoit affez bon nombre alors , prifTent plaifir à laifler leurs offices Sèleursidignitez , &: à abandonner leurs biens à la confifcation 5 pour s'en aller eftre fimples bourgeois dVne Republique populaire ? Car qui ne fçaic encor que non feulemet tout y eft ré- duit à l'egalité^mais que lès anciens de ori- ginaires nabitans y prétendent toufiours àuoir quelque droit d'eftre priuilegiez^dâs le gouuernemêt Se dans les charges?Ènfin généralement parlant nous tient-on capa- bles de cette fureur, que poui^ le contente- met que nous aurions de voir vne ville de nôftre profelTion formée en Republique à cent lieues de nous, nous nous priuaffions de la proteftion des Edifts du Roi , fous la quelle feule nous viuonsr^nous expofaf-
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è6 Apologie
fions à foh indignation, à la haine de fe§ officiers, &: à la rage des peuples l Carde nous propofer de nous y retirer quant à nous 5 pour jouïr de cette imaginaire li- berté^les héritages que plufieurs de nous polFedenten diuers endroits, nos affaires qui nous tiennent attachez en vne infini- té de contrées, &: les inclinations que cha- ctin a pour Thabitation de fon pays , ne nous en empefchaffent-elles point, quelle ville de celles qu'on peut auoir foupçon- nées de vouloir fe fouftraire à la Royauté^ feroit capable de contenir la centiefme partie de ce que nous fommcs , pardelTus fes naturels habitans , qu'on ne s'y eftouf- faft les vns les autres : Oùeft-ce que cinq* ou fix cens Miniftres y trouueroicint leurs émplois,6c tant de milliers de marchands, d'artifans,&: depayfans, leur trafic , ôc l'e- xerciGêde leurs arts, & leur labourage > Où logeroit-on tant de vieillards, tant de femmes j &: tant d enfans, S^ dequoy pour- roit-on fournir à leur nourriture? Quant à ce que quelques-vns ont mis en auant l'e- xemple des Prouinces du Pays-bas > ce n'eft pas bien prendre les chofes. Nous ne prétendons nullement enuers noftre Sou- verain les droifts qiie ces peuples ont
pour ceux de la Bj^lig. ^y
penfé auoir à l'endroit des Ducs de Bra- bant , des Comtes de Hollande , que la France , &: tout le relie des Puiflances de l'Europe, qui ne dépendent point de TEf- pagne , a afiez ouuertement ratifiez /par rafliflance qu'ona donnée à leur foûleue- menton à leurs armes. La proximité des Villes ne nous pouuoit pas donner la com- modité de nous joindre , comme elle a fait aux Hollandois. La nature du pays? n euft pas permis que nous euflions pu fou- tenir la puiiïance dVn Roy de France , comme ils ont fait celle d'Efpagrie , efloi- gnez qu'ils eftoient du fiege de ibri empi- re, &:, retranchez fi auantageufement en- tre leurs mers 8c leurs canaux. Enfin , ny la terre^ny la mer ne nous euft pu permet- tre d'entretenir pour noftre conferuation les correfpondances qu'ils ont eues. Si donc il y en a eu quelques-vns d'entre nous qui ayent pris les armes pour la def- fenfe des villes que le feu Roy de glorieu- fe mémoire a voulu tirer d'entre nos mains , &c fi ceux qui font demeurez en leurs maifons ont eu quelques tacites in- clinations à defirer des fuccez contraires à ceux que nous auons veus Jl ne le faut im- puter qu'à la crainte que la plus-part de
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es Jfologie
nous ont cLië , que li les euenernés eiloîetiC contraires à leurs fouhaits •> on ne leur oftafl: ce qu'ils eftiment plus que la vie , &: qu'ils ne fuflent contraints d aller cher- cher la liberté de prier Dieu félon leur Religion chez les eilrangers. le fçay qu'il s'en eil troimé qui ont eu quelque peur de ces époLiuantabks executionsjqui ont fait defirer à nos pères des villes de feureté. Mais bien que la crainte foitvne paflion fort innocente , ^ que l'impreiTion que faitvne Saint-Barihelemy foit fi profon- dcqu'il faut plus dVn fiecle pour 1 effacer^ fi deuoient-ils auoir beaucoup i-neilleure opinion de nos temps, &: ne ctoirc pas que noftre nation pûft commettre deux fois d-*s barbaries fi contrcuenantes à fon gé- nie. Qjant à cette autre apprehenfion, d'eftre contraints de vuider le Royaume lionvouloitauoir la liberté de l'exercice de fa Religion , ie laiffe à iuger à ceux qui font plus prudens bc plus entendus aux chofes du monde , s'il y auoit de l'appa- rence que nous nous en deuflions laifler preuenir. Certes ce que nous en crai- gnions, nos ennemis l'efperoient, S^c'e- ftoit la voix commune du peuple. Ce qui cftvnepreuue bienmanifefte que'noftre
pour ceux de la Relig. C^
crainte n eftoit pas tout à fait i'ans fonde- ment, &: qu'encore que ce ne fuft nulle- ment le deflein du Roy , les chofes pour- tantjà les coniiderei: en elles mefmes^ en preientoient les apparences. Or ii vne tel- le crainte, bien ou mal fondée , peut four- nir quelque excufe à defemblablesmou- uemens , le m'en rapporte à l'équité de ceux qui fçauent combien la conicience> la Religion , la liberté, le bien , la vie , la douceur de la patrie, &: les autres chofes femblables , font capables de caufcr de vi- ues Se de violentes émotions en l'efprit humain. Car pour fi profondement qu'on âitimbulesfentimcnsde la pieté, ficfi: ce qu en telles occafions il eft extrêmement mal aifé de ne fe laifler point emporter aux inclinations de la Nature. Mais en tout cas,&: quelque iugemêt qu on faile de cette adian,car encore n'eft- ce nullement mion deffein que delà deffen'dre, aucun de ceux de la Religion n'a eu de plus mau- uaifes intentions que celle-là, fi vous en exceptez, comme i'aydit, ou l'ambition de quelques Grands, ou,comme quelques- vnsonteftimé ,1a folie d'vne feule ville. Encore croy-je certes qu'il n'en faut exce- pter ny ville , ny Grand 3 ô^ que tous vni^
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^o ^j^ologte
ùerfelkment ont efté préoccupez de \z, mefme crainte. Afleurément aucun ne fe fuftiamais laiffé aller à ce qu'on a tant de fois depuis appelle de ce nom de rébel- lion 5 fi on eult pii auoir affez de fpy pour croire , comme nous; le voyons , que la Prouidence de DieUj& la clémence de nos Roys, euffentdeu eftre des digues affez puiffantes pour arrefter les tprrens de iîiaux qui fembipient menacer toutes nos Eglifes ; car n'ayant point ny de preuue certaine:,ni de raifon feulement apparem-- ment concluante 5 que qui que ce fpit ait eu de fi mauuais &: de fi pernicieux def- feins, ce n'eft ny iuftice ny charité de dé- férer, aux mauuais foupçôs, ou aux ouuer- tzs accufations de perfonnes notoirenient animées. levoy, comme i'ay défia dit^ que quelques-vns prennent pccafion de ce qui fe paffe en Angleterre , pour décrier généralement noftre profcffion, comme, fi d'elle mefme elle nousdonnolt quelque inauuaife volonté contre les Monarques» Et bien que la Nature ait feparé l'Angle- terre d auec la France dVne mer, &: que la langue &: les inclinations nous efloignent encore plus des Anglois &de leur com- ^unication^ que ne fait l'Océan mefme, fi.
pour ceux de laRelig. ji
eft-ce que pource que nous lomme^ de' jTiefme Religion, il y a des gens fi peu équitables, qu ils ne laiffent pas desima- giner que nousauons quelque fecrettc in- telligence de defir &:de ientimcnt auec 1 es Parlementaires. Il feroit peut-eftre àde- firer que les hommes de condition priuéc s'attachafTent tellement aux chofes de leur vocation , qu'ils n'euflent pas le loifir de s'enquérir du gpuuernement des Eftats>m des nouuelles des affaires eftrangeres, Maispuis qu'on ne fçauroitrempefcher,&:; que mefmcs du confentement de l'ordre public on informe vniuerfellement tout le monde des plus importantes afF^ires de l'Europe , au moins en ce qui eft des plus, notables euenemés , il n'y a pas moyen de faire que lesfpeculattfsne raifonnent fur les occurréces du temps, ny mefrae s qu'ils ne s'y intereffent en quelque façon, cha- cun félon la paflion qui legouuerne. Car il eft naturel aux hommes en toutes fortes de contentions de fe déterminer de quel- que cofté , &: mefmes dedans le jeu> où les fpeûateurs n'ont point de part,la moindre chofe du monde eft capable d'encli.ner leurs afFeaions , &: de leur faire fouhaiter fans inter eft l'auantage àryne des pa.rtiès
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72. Apologie
plûtofl; qu'à l'autre. Oii doncfoit que laRc^ Ugion ou l'Eftat çngage leur$ inclinatiôs, il n'eft pas de merueille s'ils y portent aufli leurs vœux,Sc fi dans la conueriation ils en donnent quelque tefmoignage. En cette guerre d'entre les Vénitiens 8c le Turc, Catholiques Romains de Reformez ont tous vn mefme fentimefitjpource que leur inçereft eft commun contre l'ennemy du Chriftianifme;mais fi laprofperité desMe- creâs apportoit quelque notable afFoiblif- fement au party Reformé,ie ne doute nul - lement que les Catholiques zelez n'en re-r ceufTent du contêment: cômé il s'en pour-- roit trpuuer quelques-vns entre les Prote- ftans qui ne ferpiét pas fort marris de leurs progrés^s^il$ eftoiem caufe de quelque no^ table déchet à lapuiffancedeRome. Ce n'eft pas que ni les vns ni les autres aiment le Turcjmais c'eft que quelquefois la pafTiô maiftrife les hommes tell emêtjqu'ilspen-r fent gagner ce que leurs aduerf^ires per-r dent. A n'en point mentir c'eft vne puiflan - te inclination que le zèle dcReligiÔ5& qui porte fouuent les homes à des chofes bien eftranges. Vniuerfellement tous ceux dç poftreprofeffionen ce Royaume fouhai- tent ardempiçnt toute forte de profpçrité
jpQur ceux de la Relig* 73
aux armes de fa Majefté , &:auancent tant qu'ils peuuent de leurs vœux. Ces vidoires 6c [es conqueftes. La nature les y oblige^Sc lefentiment de bons François; 6C pource que fi fes progrez n'auancent point leur religion^au moins n'en reçoit elle aucune dimmution^il ne faut nullement craindre que cet intereft diuertifle leurs affeftions, ny qu'il leur donne d'autres penfées. Mais entre Jes Catholiques Romains la confti- tutiondes efprits neft pas fi abfolument vniforme. Il y en a plulieurs qui fçachant bien que nos Rois ne font pas moins afïe- Êtiônezàla Religion Romaine que leurs ennemis , ont dans les affaires du temps mefme paiGTion que nous? &: qui pour cette raifon fe portent aux occafions auec mef- me courage. Quelques autres foupçon- nent &: craignent aucunement qu'enfin de cette ligue que la France a faite aueç dluers Potentats Proteftans^Sc de l'abbaif- fement de la puilT^nce d'Efpagne, la Reli- gion Romaine ne reçoiuei quelque détri- ment. Neantmoins pource que TafFeOiion auferuice de leur Prince preuaut en eux, ^ que la crainte d Vn mal incertain &: à venir , ne le doit pas emporter fur la eon- fideration d vn deuoir certaine: prefent.
74 u^pologie
îlsnelaiiTent pas de feruir le Roy çourar^^ geufement Se fidèlement, en remettant les euenemens futurs à la diuine Proui- dence. Demefme que d'entre les noftres il s'en tft trouué quelques -vns qui ont feruy le feu Roy contre la Rochelle 3c Montauban , pource que leur vocation les y appelloit, 3c qu'ils çroyoient que c'eftoit à ÏDieu, 3c non à eux à prendre le foin de la conferuation de fes Eglifes. Mais il y en a quelques autres 5 6<: nous envoyons tous lesioursquinefe peuuent empefcher de tefmoigncr qu'ils ont du regret 3c de la douleur de la profperité des armes du Roy 5pource qu'ils s'imaginent que la Re- ligion Romaine, &:les interefts de lEf- pagne ont yne ii eftroite connexion,qu'ils. font entièrement infeparàbles. Ils dimi- nuent autant qu'ils peuuent nos bons fuc-. cez, Renflent au contraire ceux del'Ef- pagne. Ils recueillent auec auidité les niauuais bruits qui fefement contre I'Et ftat y 3c refpandent auec contentement les nouuelles des difgraces qui nous arriuent. Ils cenfurent à toute rencontre le Gouuer- nement prefent, 3c fi quelquvn de nos deffeinsnereiifHtpas^ils en triomphent. Si le Cardinal d'OlTat liu. 3. lett. 87. a bieni
pour ceux de la Kelig. 7;
dit du Pape Clément huiaiefme , quenco'^ re au il neuji aucune mAUuai[e affection en- uers le Roy , ny aucun amour vers le Roy d'Effagne, & que d'ailleurs ïleufttame bon- ne , néanmoins la haine qu il portait k la Rey- ne Elifaheth , & aux autres hérétiques d' An- gleterre , le tranfpgrtoit fi auant , qtiil Ce laif-- foit efchapper de la hos^çhe des maximes fer ni- çieufes, & indignes de tout homme de hien^, ceux-là ne doiuent pas trouuer mauuais que ie die qu'ils font indignes qu'on les tienne pour bons François , puis que leurs imaginations,&: ce zèle fans fcience qu'ils ont pour leur Religion,eftcignent en eux celuy qu'ils doiuent auoir pour la gloire de leur Pays , 8c pour la grandeur de leur Prince. Et toutesfois non feulement on ne les chaftie pas , non feulement cette paf- fion ne leur nuit point dans leurs affaires particulières, s ils ont quelque çhofe ou à faire ou à obtenir qui dépende dcTautho- rité des Magiftrats : mais il y en a qui les en aiment d'autant mieux y Se qui les en efcoutent d'autant plus volontiers , qu'à leur aduis eftre bon François eft yne moindre qualité qued'ellrezclé Catholi- que. Puis donc que iufques icy noftre Roy n'a point déclaré qu'il prift aucune part
7^ Apologie
aux affaires d'Angleterre , &: qu'il laiffe cette querelle de les voilîns à demeller entre ceux qui y ont intereft ;, quel grand crime y auroit-il quand quelques-vns d'entre nous fauoriferoient de leurs fenti- mens intérieurs 1 vndeces partis pluftoft que l'autre ? Car qui peut ignorer que s il y en a quelques-vns qui le tont^c'eft le zè- le de leur Religion, &: non les confidera- tions de lEftat, ou la forme du gouuerne- xnentqui les y inuite ? Si le bruit qui seft efpandu par tout, que le Roy de la Grand' Bretagne a eu deffein d'y changer la Re- ligion, eil faux , il n'y en a pas vn d" entre nous qui fe fbuçie des priuileges du Parle- ment 5 ny qui ne vift fort volontiers ce Prince en toute fplendeur Se en toute au- thorité à^Sus. fon throfne. S'il eft vray qu'il ait eu cette intention; comme nous auons autrefois blafmé la Ligue de ce qu'elle s'eft fouleuéc contre leRoyHenry troifiefme, ôcla Sorbonncde ce quelle déclara que fes fujets efloient quittes du ferment de fid elité , il eft de la iuftice &: de la raifon que nous blafmions pareille- ment les Anglois, qui fe font fouleuçz contre leur Souuerain , fi le droit de la Royauté eft en Angleterre tel qu'il eft en
pour ceux de UKelig, yj
France. Mais c eft ce que ks Anglois ne diftnc pas:,^: dequoy quant à nous nous iie iugeôns pas >8i nous contentons d a- uoir en toutes ces chofesles mouuemens ^ les inclinations que noftre Religion nous ordonne.Car voicy la règle généra- le qu'elle nous preicrit en ces matières* C eft que d vn coilé la Religion Chre- {tienne n'eftant pas deftmeeà donner la forme aux gouuernemens des Empires, mais eftant obligée de les laiffer chacun en la conftitution en laquelle elle lc<s ren- contre quand elle fe plante au milieu d'eux 5 il eft du deuoir des Chreftiens de rendre en toutes les chofes qui regardent la vie ciuile , vne pleine &: entière obeïf- fance auxloix &:àla forme de 1 Eftat où la prouidence de Dieu les fait habiter. Et fi le Souuerain Magiftrat , qui a la puiffance abfoluë entre les mains, entreprend quel- que chofe au fait de la Religion , qui cho- que l'honneur de lefus-Chrift, &: l'efpe- rance du fâlut, i ay defia dit qu'il conuient incomparablemét mieux aux Chreftiens, d'imiter les Apoftres de noftre Seigneur, &: ceux qui les ont fuiuis inlmediatement, qui à la vérité nous ont appris qu'il n'eft pas iufte 6c raifonjnable d obeïr aux hom-
mes pluftoft qu'à Dieu jinais qui ne nôu;^ ont pourtant point laiffé d'exemple d'au- tre refiftahce aux violences qu'on leur fai- foit i finon celuy d'vne infurmôntable pa- tience. D autre cofté cette meime Reli- gion h'oftant point aux peuples libres l'v- lage de leur liberté , ny à ceux dont la fu- jettion eft tempérée de quelques droits êi de quelques priuilegesjla iuftice de leur defenfe ii on les veut afferuir abfolumenti il eft encore du deuoir de$ mefmes Chre- ftiens de ne iuger point témérairement des entreprifes 8c des aûions de leurg voi- fîns 5 principalement quand on ne fçait pas bien les loix fur lefquelles leur Eftat ou leur Republique eft fondée. Car il n'y a pas feulement au monde des Monarchies, des Ariftoci'aties ? Se des Démocraties tou- tes pures, mais auffi des gouuernemens mêliez. Il y eri a qui font compofez en partie de Monarchie 8c en partie des deux autres, comme celle de Sparte autrefois. Il y en a d'autres qui font meflez en partie d'Ariftocratie , 8c en partie de Démocra- tie , comme Rome Ta efté long-temps. Il y en a d'autres où la Monarchie 8c l' Ari- ftocratie font iointes enfemble , comme en Polongne maintenant. Les Monar-
pour ceux de U Reli^. y^
eîlies toutes pures ne le font pas dVne mefnlè façon pourtant. Car autre eft celle de ce Royaume, 6c autre celle du Turc, &:peuteftre encore autre celle de l'Efpa- ^ne. Et enfin il y a vne fi grande variété en la conftitution des Eftats , qu'à peine s'en trouuera-t'il deux qui foient entière- ment femblable5. Il n'y a donc rien qui empefche que chacun en obeïlfant en confcience à la puiffaneefouueraine , telle qu'il latrouue eftablie dedans fon Pays^ n'ait quelque liberté de iugement &:am- clinations fur les occurrences des Pays eftrangers , félon la cognoiifance qu'il en peut auoir. Se feldn qu'il s'imagine y auoir quelque efpeced'intereft parla confcien- ce. Partant fi telle eft de tout temps la for- me du gouuernement de l'Angleterre ^ que l'authorité royale y foit aucunement limitée 6£ modérée par celledVn Parle- ment , vn bon François qui demeurera re- ligieufement &c inuiolablement en cette penfée, de refpeder la Monarchie, telle qu'elle eft en ce Royaume , c'eft à dire ab- foluë Se fans limitation , nelaiffera pas de iuger qu'il eft iufte 8c raifonnable qu'en Angleterre elle foit bornée par les an- ciennes loix de rEftat,6i que le Parlement
lozte
fait bien d'y vouloir ramener le Roy , s'il a véritablement trop entrepris fur les droits 8c libertez de fon peuple: Car les; plus grands 6t les plus abfolus Monarques mefmes ont fait gloire de maintenir la li- berté des Republiques populaires 5 &c de chaftier kiS tyrans qui les ont voulu àffer- uir iniuftement 5 Se comme il leur con- iiient très-bien d'eftre extrêmement ia- loux de leur authorité , pource qu'elle vient de Dieu, aiifli eft-il fouueraineinent digne de leur iuftice&deleur grandeur, de ne permettre pa^ qu'aucun eftende la fienneplus loin queDieu ne luy a donnée. Et c'eft ce qui a fait que nos Roisjqui pour- ce qu'ils font absolument Souuerains en leur Royaume , n'ont pas voulu fouffrir qu'il y euft aucune puiffance qui arreftaft tant foit peu la leur , ont neantmoins fou- ftenul'vnion des Prouinces des Pays bas contre l'Efpagnol, pource qu'ils ont créa qu'il y auoit rendu fa domination plus in- dependâte &c plus rigoureufe que ne fouf- froient les Loix^-du Pays , Se le.s droits que les anciens Seigneurs des lieux y auoient laiffez à leurs peuples. C'eft pour la mef- me raifon qu'ils ont diuerfes fois entrepris ladefenfedespriuileges des villes Impé- riales
^our ceux de la Reîig. ^i
Utiles contre l'ambition des Empereurs : c eft pour cela qu'ils ont pris Geneue en leurproteftion contre les pretenfions du Duc de Sauoye:c'eft pour cela que de fraif- che datte ils ont tendu la main aux Cata- lans, dont le Roy d'Efpagne opprimoit les couftumes Se les libertez : 6c pource qu ils ne font rien en ces occafions , fmon félon la iuftice 8>c le droit , ils ne craignent pas que leurs fu jets tirent quelque humeur de rébellion de la contagion de ces exem- ples. Partant tandis que lès affaires de là France n'ont rien de commun atiec celles d' AngleterrCjil demeure en la liberté des fujetsdu Roy de fauorifer de leurs incli- nations Tvn ou l'autre des deux partis, chacun félon que la Religion dont il fait profeiïionjOulacognoifTance quilade la nature.du gouuernemént de cette Ifle, dé- termine fes afFedions. Si le Roy s'eftoit déclaré pour l'vn ou pour l'autre des con- tendans 5 d'autant qu'il neft pas de la vo- cation des fujets de s'enquérir des volon- tez de leurs Soùuerains , Se qu'ils doiuent tenir pour bien Se légitimement fait, ce qu'ils font dans leurs Confeils aucccon- noiffance de caufe, en remettant à Dieu le foin de la conferuation de la Religion j il
8i Apologie
feroit du deuoir de tous les bons Françoi<î de porter leurs affedions ou leur Prince porteroit fes armes. Car comme nous ne pouuons foufFrir que le zèle de la Reli- gion Catholique Romaine en aueugle tellement quelques-vns , qu'ils ne voyent les profperitez de la France qu'à contre- cœur, pource qu'ils s'imagment quelles font enfin pour cauler du dommage à Ro- me : aiîifine pouuons nous approuuer que le zèle de la Religion Reformée foit fi puiffant en Tefprit de ceux qui en font profefllon , que de les rendre mefcontens des bons fuccez des armes de faMajefté, quand il les employé où le bien de fon Eftatjla indice de la caufedefes voifin&> Bcrintereft de fes alliez l'appelle.
sTctTo îsT^in.
Que jt on conjîdere ceux de la Religion en qualité de Chrefliens ^ils ne méri- tent l'auerfon de qui que cejoit. Et
. premièrement a teÇgard des créances qu'on leur impute contre-vérité,
REfte le troifiefme efgard au^el on nous peut cçnfiderejt , c'eft à fjauoir.
&0Hir ceux de la Relig. 8 j
Cjtîtant que nous fommes Chreftiens. Et cette matière nous doit tenir vn peu plus long-temps que les précédentes > pource que les acculations qu'on y fait contre nous font en plus grand nombre , 3c qu'ail fonds c'eft tout le fondement de l'auerfion qu'on a pour nous. Car le refteque l'ay cy-d^ffus examiné , quelque apparence dont on tafche de le reueftir i n'a du tout point de realité , non pas mefme au iuge- ment de nos plus grands ennemis j s'ils vouloient dire franchement ce qu'ils en penfent en confcience. Il nous faut donc voir ce qu'on nous accufe de croire, Se que nous ne croyons pas pourtant : ce qu'on voudroit que nous creuflions , mais que nous ne pouuons nous perfuader, &c à cau- fedequoy on nous veut du mal : 5c enfin? ce que nouscroyons efFeaiuement , ôc fur quoyla pratique de noftre pieté eft fon- dée ; pour fçauoir fi,comme on le prétend, nousmeritons à cette occafion la haine de Dieu &: des hommes.
Pour ce qui eft de ce qu'on nous accufe de croire, 6c que rious^ne croyons nulle- ment , ien'en prodiiiray que peu d'exem^ pies feulement , dont le premier fera cette vieille accufâtiou, que nous fommes en-
F i;
84 apologie
nemts<les bonnes œuures , fous ombtê que nous ne ci oyons pas qu*elles méritent deuantDieu ^ny que ce (oit par elles que nous obtenons noltreiuftification en fon iugemcnt. Certainement ce queiay dit ey-defllisdelafaçon de laquelle nous vi- lions, &: particulièrement de celle de la* quelle on nous exhorte continuellement à bien viurcrious abfout affez de cett^ im- putation. Car comment fommes nous en- nemis des bonnes œuures, fi nous exhor- tons fans cefTe le monde à s'y eftudier , Se fî nous elfayons d'en faire refplendir toute noftrevie? Il eft vrayquece neft pas en vertu de leur mérite que nous efperons obtenir la iouiflance du falut j 8c eft vray encore que quand nous nous difpofons à comparoiftre deuant le tribunal de Dieu, cen^eft nullement fur nos bonnes adions que nous fondons Tefperance d'eftrc iuftj- fiez en fa prefence. Mais de cela il ne s'en- fuit pas pourtant que nous ne fafïions au- cune eftime des bonnes aftions. Nous auons accouftumé d'enfeigner que la pie-» té enuers Dieu y 8>c la charité que nous de- uonsauoir pour les hommes, font chofes iî excellentes en elles mefmes5&: fi con- uenables à la dignité de nollre nature;,
pour ceux de la Kelig. 8;
que quand Dieu ne les nous aurolt point plus expreflement commandées que par- ce que la Nature nous en apprend , &: quand il ny auroic attaché ny aucune promeffe de recompenfe , ny aucune me^ nace de punition, fi eft-ce que naus dé- lirions nous y adonner auec vne afpjftion tres-iincere&tres-ardente. Qoand donc nous aurions cette opinion que la pieté Sc- ia vertu n'auroient point de certaine re- lation au Royaume des Cieux , 6c qu elles ne porteroient auec elles aucune confidc- rable vtilité pour nous y faire paruenir, nous en ferions pourtant plus de cas, ainfi que ne font ceux qui ne les confiderent finon entant qu'ils efpercnt qu'elles leur produiront quelque fruit de remuneratio* Pource que chacun peut fçauoir par fa propre experience^que les chofes aufquel- les nous ne nous portons finon entant qu'elles font propres pour nous obtenir vne certaine fin , font en noftre opinion moins à prifer que la fin mefme. Ceu3^ donc qui n eftiment les bannes œuures. fi- non pource que Dieu les recompçnfera de la félicité , eftimem fans doute la félicité plus qulls. ne font les bonnes, ceuures : au lieu que quant à nous nQu$ les aimons à
$6 jépologw
j:aufç de leur propre dignité , &: les treu- uons plus dignes de nos afFeftions que p'eft cette félicité qu'on s'y propofe pour jfalaire. Car la félicité eft ce qui nous fait heureux , ^ la pieté §c la charité eft ce qui nous fait gens de bien. Or aimer mieux eftre heureux qu'homme de bien , eft vfte marque indubitable qu on ne recognoift pasaffez que c'eftque d'eftre homme de bien, ny combien fepropofer de le deue- nir eft vn objet qui mérite vne confiante 6c véhémente application de toutes les puifTances de nos âmes. De plus, c'eftà grand tort qu'ô nous accufe de croire que les bonnes œuures n'ont point de relation âufalut. Outre leur excellence naturelle, à caufedeiaquelleon les doit fouueraine- ment p^ifer^ l'amour que nous auons pour elles naift en grade partie en nous de celle que nous portons à hoftre propre félicité. Parce que nous regardons noftrefalut, ou bien côme vnechofede^ laquelle le droit nous eft défia acquis par 1^ mort de noftre Seigneurjou comme vne chofe de laquel- le, bien que le droit nous en foit acquis, mous ne fommes pourtant point encore venus en ioulffànce. Carautre chofe fan$ doute eft Ip droit de poffçder yij ipur que^-
pour ceux de UKelig. 87
que bien ,&: autre l'atluelle pcfTcfiion du bien mefme. Quand donc nous le confia derons en cette première façon,nous fem- mes rauis en admiration de la bonté de Dieu, &: de la charité inénarrable de Ion pils^en ce que le Père le nous a voulu don- ner ,&: en ce que le Fils s'eft volontaire- ment domié à nous ,&: s'eft abandonné à la mort pour nous rachepter , 6<: nous ac- quérir la vie éternelle. Ôrilneftpaspof-^ fible que nous foyons rauis en admiration de ce bien-fait, ny que nous Teftimions comme il faut^que le reflentimêt que nous en auons ne rempliffe nos âmes de dile^ ftion enuers Dieu 5 Se d'vne amour arden^ te &: inuiolable enuers fon Vnique. Com- ment donc pourrions nous les aimer à cet- te occafion auec tant d'ardeur , fans difpo- fer toutes les facilitez de nos efprits à ren- dre obeïffance à leur^ commandemens l Y a-t'il aucun plus puiiTant attrait 5 ny au^ cun plus ferme lien pour nous attirer & pour nous attacher aux volontez de ceux à qui nous deuons obeïr , quceeluy d Vne affeftion violente 5 Certes c'eft là le mou- uemet qui porte les Saints qui fontauGieU &: qui nous portera lors que nous y ferons çeçueillis 3 à mener vne vie éternellement
?8 jÉ^olo^e
fainde 6ç imrnacixiée.Car nous n y ferons pas gens de bien afin d'obtenir le Royau- me des Cieux, pour ce que nous l'aurons défia •> ny mcfnies pour le nous çonfçruer à perpétuité , pource qu'il n'y aura plus de péril de le perdre. Mais nous ferons gen^ de bien 3 par vn merueilleufement vif 5^ permanent fentiment d'obligation>pour- ce que nous aurons obtenu cette mcom- parable félicité ^ par vn don qui ne f© pourra jamais reuoquer,^^ par vne tout à faitinçomprehenfible mifericorde. Or ie ne penfe pas qu'il y ait perfonne qui doiue trouuer mauuais que nous foyons excitez à airner Dieu par la gratitude que nous auons de fon amour en noftre en- droit 5 &: par les mefmes motifs qui y in- duifent fi puiffamment les bien-heureux Sainfts de Paradis , à proportion de la cognoijQTance qu'eux 8^ nous auons de la charité qu'il nous a portée.
Qoand nous regardoi^s, Vetcrnelle féli- cité comme vne c-hofe do nt nous ne fom- mes pas encore en poffeffion , le defir que nous auons d'y paruenir nous fait faire fur les bonnes œuures deux reflexions princi- pales. L'vne efi: qu'encore que Dieu nous <^it déclaré par fa Parole que c'eft en U
pour ceux de U Reîig. 85?
feiilc coniideration de lamorc dç fonFils qu'il nou5 promet le falut,^ que noftre çonfcience nous, tefmQÎgne qu'il a liuré fon Fils à la mort pour nous auant quQ liQUs fiflions de bonnes ccuures, 6^ quil |ipus euft pu conlîderei' comme en ayant: faitjfi eft ce que cette mefme Parole5&: ces mefmes mouuemens de noftre çonfcien- ce nous apprennent, qu il n*eft pas raifon- nabi (^qu il exécute cetteprornefleenuers ceux qui par leur mefcognoiflancefe ren- dront indignes, de fon falut. Puis que Ci nous en jouiiîions defia, ôç que nous vinfn fions à le mécQgnoiilre,.il feroii iufte qull le nous oftaftjil eft iufte pareillement qiul ne le nous donne pas , fi nous nous mon- ftrons ingrats à la faueur qu'il npus a faite de nous en donner le droift par la -grâce de fes promefles, Cependant toute noftre recognoiffance gift en amour d^c en ref- peft^&^les preuues indvibitablesde lamour hc du refpeft confiftent en robeïfTance auxcommandemens de Dieu, &: en Te-, xercice des bonnes œuures. Ainfi nous nous y appliq ions, non pas comme à des moyens par lefquels nous puiffions obte-. nir le droict.de paruenir au falut ; car nous l'huons defia en la iTiort de Noftre Sei-.
90 j^pologie
gneur lefus, à laquelle Dieu nous a donné decroire : mais cpmme à des chofesdont lemefpiisnous enferoit déchoir ,& em~ pefcheroit Texecution des promeffes que Dieu nous en a données. Telles font donc ïios inclinations en cet égard que doiuent eftire celle des bons enfans , Se qui ne doi- uent pas eftre blafmées en nousjpuis qu'en eux on les eftime louables. Ils ne font pas enfans> pource qu'ils font honneftes'gens, &: dans l'obeiffance qu ils rendent à leurs perfesilsne fe proposent nullement pour but Tacquifition du droift de leur hérédi- té. Ils font enfans pource que leurs pères les ont engendrez , Se ont le droift de ve- nir quelque iour à leur hérédité > d'autant qu'ils font leurs enfans , Se que telle eft la difpofition des loix y Se l'inflitution de la Nature. Si donc quand ils deuiennent hô- neftes gen,s puis après , ils y font quelque Gonfideration de l'efperance de Fheredi- té , c'efl: afin feulemeut que leurs débau- ches 5 Se leurs mauuaiscomportemens ne portent pas l'indignation de leurs pères à les priuer du droiÊt de fucceder à leurs biens, lequel leur auoit efté acquis par la naiflance. Il eft bien vray que nous ne ^omme^pas enfant de Dieu de noftrena-
pour ceux de la Relig, ^l
mre , &: ne le deuenons finon par la grâce de ladoption. Mais comme les entans ont à leurs peres-toute l'obligation de ce qu'ils les ont engendrez 5 nous auons pareille^ ment à Dieu toute Tobligation de ce qu'il nous a adoptez. Et comme l'honneur qu il luy â pieu de nous faire de nous adopter en fon vnique^nous donne le mefme droit à l'héritage celefte , que la naiflance don- ne aux enfans pour Theredité de leurs pa- rens \ la grâce de rEfpiit qui accompagne cette adoption engendre en nous les mef- mes affeÛions que la nature produit dans les bons enfans > lors qu il s'agift de l'ô- beïflance Se du refpea qu il faut qu'ils por- tent à leurs pères. L'autre reflexion eit, que de toutes les chofes que Dieu aime , il n'en aime aucune à l'efgaldelafaintete; èc toutes les autres qu'il aime , il ne les ai- me fmon autant qu'elles en font partici- pantes, ou qu'elles y peuuent feruir. Et la raifonen eft que de toutes les chofes auf- qu^les il a mis quelque emprainte de fa diuinité , il n'y en a aucune autre qu elle qui lareprefente àl'efgardde ce qu'elle poffedede plus vénérable &:de plus glo- rieux. Toutes chofes , en ce qu elles font, portent quelque refliemblance de fon exi»?
ph Jlpolûgie
jftence. tes vents &: Icsçrei'nblcmens de terre ,&: la puifllmce des flots de Iamer> ont quelque ombre de fa vertu- La ferme- té des rochers >la durée des elemens , ôc l'incorruptibilité des cieux^femblent eftre va crayon obfcur de l'immutabilitç de foneflence. Dans la gloire 6^ dans l'au- thorité des Monarques il a rendu vifible en laterre quelque rayon de fa Majefté. Mais quant à fa puretéjà fa iuftice, à fa mi-, fericorde, &: à la bonté inénarrable de fes inclinatios &:defes penfées , en quoy cQn- fiftefans contredit la plus belle merueille de fon eftrcëdle couronnement de (es au- tres propriete.z y il n'y a que la fainfteté de la créature intelligente Se raifonnable en qui on en voye la refplendeur. A raisô de- quoy aufli il n'y a qu'elle proprement qui foit dite âuoir efté faite à fon image. Qûat à nous , il nous a aimez à la vérité dés auant que nous fuflîons fain£ts5 mais c'a cfté pour nous rendre fainfts , qu'il a àé- ployé défias nous fes admirables miferi- cordes ;car il nous a racheptez pour nous. 51 mener à la fanftification, &:pour reparer çn nous la refféniblance de fes vertus,dont le péché auoit gaftétous les traits 8c tous les^lineame^s, en nos âmes,. Mais depuis
mur ceux de la Relig. p^
àa il nous afandiiiez, il nous aime à cette occafion ) &: ne peut contempler en nous cette belle idée de fa diumité^qu'il ne nous affectionne merueilleufement à cauie d*elle. Comme les bons pères aiment fans doute leurs enfansauant qu'ils voycntpa- roiftreen eux aucune lumière de vertu : mais leurs afFeftions fe redoublent à me- fure qu'ils apperçoiuent qu'en croiflant ils fe forment peu à peu par leur éducation^ ôc s'auancent de iour en iour en l'amour des chofes louables. Or eft-ce rinclina- tion naturelle de l'amour que de bien tai- re à ce que l'on aime ; Se comme dans les chofes pefantes à peine fçauroit-ôn diftm- guer entre la pefantéur &c la propenfion au mouuement contre-basj'amaur ^^l'iii- clination à vouloir Se à faire du bien, quad on en a le moyen, ou ne font qu'vne mef- me choie abfolument , ou fi elles en font deux , elles font infeparables. De forte qu'il ne fe peut faire que Dieu nous em- braflant de fes afFeûion^ à caufe de l'ima- ge de fa fainfteté qui reluit en nousi il ne nous vueille 'faire du bien:&: puis eftant puiffant comrtie il eft, il ne le veut point de la façon, qu'indubitablement il ne le fafle . Noftre fainaeté donc, Se les bonnet
^4 Apologie
ceuurés qui en dépendent ne nous acquiè- rent pas le droiû de la jouifTance de la fé- licité, puis que Dieu le nous adonné gra- tuitement lors qu'ils nous a adoptez pour eftre du nombre de fes enfans : mais elles attirent fes affeûions , comme celles d vn bon père , pour exécuter par inclination d amour enuers noftre fandification , les promelîes qu'il nous auoit défia faites de fure gratification > & à l'accompli ffement defquelles il eftoit defia porté comme fi- dèle &: véritable. Ainfi plus nous fommes gens de bien , plus deuons nous eftre per- fuadez que Dieu nous aime cordialement: & plus nous fommes affeurez que nous fommes aimez de luy, plus auons nous de certitude de fes fauorables inclinations à nous donner la joiiiflance de fon Royau- me. Comme au réciproque plus nousde- firons ardemment cette immortelle féli- cité, plus foigneufement cherchons nous les moyens de nousperfuader fermement que nous l'obtiendrons. Puis donc que l'affeurancede la dileftion deDieu enuers nous en eft vn indubitable afrgument , bc que noftre fandificàtion produit cette di-' leftion à proportion de ce qu'elle eft gran- de bc lumineufe > &: qu'elle reprefente ex-
pour ceux de U Relig. ^^
cellemment la faindeté laquelle eft en Dieu, il n'y a peribnhe qui ne comprenDC aiiement qu'autant que nous auonsdefoin de noftre ialut , autant faut-il neceflaire- ment que nous ibyons embrafcz de la- mour des bonnes œuures. Et neantmoins pour tout eela nous ne croyons nullement ny que nous foyohs iuftifiez à caufe d'elles deuant Dieu, ny qu'elles foient aucune- ment méritoires de fon Royaume ; Se cela ne doit fembl er eftrange à qui que ce foit-, puis que noitre confcience ne nous permet pas ae nous perfuader l'vn ^ Se que noftre modeftie nous oblige à efloigner de nous toute opinion de l'autre. le dis première- ment que noftre confcience ne nous per- met pas de nous figurer que Hjous piûf- fions eftre iuftifiez deuant Dieu par le moyen de nos bonnes allions > car eftre iuftifié deuant Dieu 5 c'eft eftre abfous en fon iugenîent.Ûr nous fçauons que fiDieu nous examine tant foit peu rigoureufe- ment par nos œuures, ils ne trouuera nul- lement le fujet de prononcer pour nous fentence d'abfolution. Pource qu'auant que nous fuflions venus à fa cognoiffan- ce, nous péchions continuellement con- .tre luy: ce qui aggrauoit iournellement la
5^ jij^oiogîe
maledidion dans laquelle nous fommc^ naturellement par la corruption origi- nelle. Tellement qu'à l'efgard de tout ce temps-là nous ne pouuons prétendre au- tre iuftification qu'en la remiffion de nos péchez. Depuis que nous lecognoifTonsi quelques bonnes oeuures que nous ayons faites, nous en auons tant fait de mauuai- fes,&: il y a tant de deffautsmefmes dans les bonnes dont nous nous vantons, que fi nousprefumions d'eftre iuftifiez de cette façon, nous nous txouuerions trop efloi- *gnezdenosefperances. S'il yen a queI-= ques-vns entre les Catholiques Romams qui ayent cette bonne opinion d'eux-mef- mes, qu'ils n'ayeht iamais commis de pé- ché, &: qu'ils ne pèchent du tout point en- cor, c'eft à eux à aduifer comment ils fou- ftiendront quelque iour vne propofition fi hardie deuant le throfne de Dieu, &: com- ment ils la pourront accorder àuec leur propre Patenoftre. Pour nous , nous ai- mons mieux nous confefler pécheurs de- uant noftre Seigneur , &: auoir à fa miferi- corde toute l'obligation de noftre faîut, que de nous mettre en vn inéuitable péril de remporter vne éternelle confufion de fa prefence. Et véritablement ie ne puis
que
f>our ceux de la Bjlig. 5? 7
que ie ne me plaigne icydu peu d'equité de ceux qui nous haïflent àcaufede cette créance. Noftre confcience nous rend té- moignage de noftre fidélité enuers nos Roys> &: l'Eicriture & l'expérience con~ uainquent vniuerfellement tout le monde d'vne infinité de péchez commis contre Dieu. S'ileftarriué à nos pères &: à nous de faire quelque chofe qui ait dépieu à nos Souuerains , ce n'a point efté par faute d afFedion à leurs perfonnes5ny de refpeft àleur authorité, mais par desmouuemens qu'ils ont eux-mefmes excufez ; au lieu que les péchez que tous les hommes com-^ mettent en fi grand nombre , procèdent deTafFedion de la chair, qm efi ijnmitié contre Vteu, Hors ces actions aufqu elles ou la foufFrance, ou la crainte de la perfe- cutionnous a portez trois ou quatre fois feulement 5 on ne fçauroitnous ofter cette louange que nous n'ayons rendu quel- ques bons feruices à FEftat, &: que nous n'ayons vefcu conformément aies loix: au lieu que tous les iours tous les hommes pèchent contre Dieu , &c tranfgrelîent (ç.s commandemens en mille &: mille ren- contres. Et neantmoins par tout où on parle d.e nous dans lesEfcrits politiques ac
58 jfologié
dans les produftions da temps, on n'en-' tend rkn autre choie que ces mots de/4- cfht^.àç, rehelhony de Uiiolie--, au lieu que danslesliuresdeTheologicouil eftque- ftion de Dieu 5 en ne parle que de bonnes œuures &: de fatistadions. Si nous nous eftions vantez de pouuoir fouftenir nos aftions deuant le Confeil de nos Roys contre ceux qui les fleftriiTent de ces titres fi odieux, &: de n'auoir bel oin d'autre cho- feque de leur iuftice pour en eftre iufti- fiez, on nous accuferoit de prcfomption 6^: de quelque efpece d'impudence, pour ne recognoiftre pas afïez com.bicn nous auons eu befoin de leur fupport: au lieu qu'en la controuerfe de la iuftificatioïi. des hommes deuant Dieu , ils ne parlent que de leurs propres iuftices,&: s'appuy ent deffus elles pour comparoiftre en ton iu- geinent. Bien que,commeie l'ay dit,nou5 foyons originaires du pays, &:nez fujets de nofîre Prince , nos ennemis difent pourtant que nous ne fubfiftons en ce Royaume que de fa grâce feulement > pourcequepar nos fautes, qu'ils veulent eftre fi criminelles , nous aurions mérité d'en eftre expulfez: &: cependant,bien que les hommes foient naturellement eftran-
pour ceux de la îielig. c}p
gers du Royaume des Cieux , Se que tous les iours ils commettent quelque chore qui les en deuroit rendre indignes^on veut pourtant qu il leur foit donné envertude leurs iuftices, &c comme vne recompenfé deuë à leurs bônes aftiolis. Certes ou bien qu'ils ne nous faffent pas fi criminels de- uantnosRoys, ou bien qu'ils confelferit qu ils ne le font pas moins enuers Dieu -, 8c s'ils veulent qae nous recognoiffions que c'eft de la pure bonté de nos Souuerains ijue nous fubfiftons en cet Eftat auec la li- berté dont nous y jouiflbns , qu'ils ne faflent point auffi de leur cofté difficulté de confeffer que s'ils Jouiflent quelque iour de la félicité du Ciel , ce fera de pure mifericorde. l'ay dit que noftre modeftie nous defFend de croire que nos œuures puiflent mériter le falut. En efFeft , nous voyons que les pères ne peuuent foufFrir que leurs enfans fe glorifient en leur pre- fence qu'ils leur foient redeuables de quoy que ce foit. Or nous fommes enfans de Dieu , Se nous luy auons faiis doute plus d'obligation que nous n en pouuons auoir à ceux qui nous ont engendrez. Et nous voyons que les Princes ne peuuent non plus endurer que leurs fujets appellent ce
G ij
IGO apologie
quils font pour eux autrement que au nom de feruice auquel la naillance les oblige. Or nousfommes beaucoup moins à refgard de Dieu, que les ilijets ne font à l'efgard des Princes Et enfin,nous voyons que les Cardinaux mefmesadont la digni- té eft fi e minent e , fe recognoilfent telle^ ment inférieurs à ceux de qui ils font nez fujets, qu'ils ne croy cnt pas que leurs fer- uices puiflent iamais égaler leurs obliga- tions, ny les en acquitter enuers eux , no- tamment quand à leur faueur&: par leur recommandation ils ont efté efleuez à ce degré fi prochain de la Ma j efté Pontifi- cale. Car de cette modefte recognoiJQTan- ce de l'infuffifancc de leurs aftions à re- cognoiftre ce bien-fait , nous auons des preuues très belles &:tres-exprcfles dans les lettres des Cardinaux d'Oflat &c du Perron au Roy Henry le Grand de glo- rieufe mémoire. Or s'ils ledifenten iin- cerité, nous auons beaucoup plus de fujet d'eftre humbles en comparoifTant deuant Dieu, qu ils n'ont d'eftre modeftes enuers les hommes. S'ils le difent feulement par compliment , quant à nous nous efti- mons qu'on nous peut bien fouffrir parler ainfi à Dieu en vérité , 3c nous fentir efFe-
poHr ceux de la Relig, lo
ftiuemcnt autant ôcplus tenus à fa bon- té^qu'ils ont fait femblant de Teftie à celle de leur Prince. Si, dis- je, ils ont penfé qu'ilspouuoientbien teimoigner la gra- titude de leurs efprlts aux grands Roy s par des paroles excefliues , &c qui furpal- fent la mefure de leurs grarifications,nous croyons qu'on ne nous doit point vouloir de mal fi nous eftimons que la Maiefté du Roy des Roys^ de qui tous les Roys mefmes&: les Papes font nez fuiets? Se la grandeur de fes biens-faits en noftre en- droit., excédent beaucoup tout ce que les hommes peuucnt ou faire ou dire pour en reprefenter le rcflentiment , Se qu'elles font bien loin au delà de toutes leurs ciui- litez &: de toutes leurs hyperboles. En vn mot y on ne peut trouuer eft range que nous fuiuions cette belle maxime du Car- dinal Bellarmin , qui après auoir long- temps difputé de Teftime des bonnes afbions >&:du moyen d'obtenir la iuftifi- cation , pofe pour chofe decifiue , liu. j. de luftif. chap,7^ quà caufe de l'incertitude de nojire propre iuflice , ^ du péril de vâine gloire , dans lequel on pourroit tomber > c'ejf le plus feur en toute manière de mettre tonte [a jimce en U [euh mifericorde dr be*
E iij
IÇL apologie
wgnité de Dieu. Car qui nous pourroit blaf- mer de nous tenir au plus ccrtain,^^ de ne vouloir rien bazarder en chpfe dç telle importance >
Ce que ie viens de dire des bonnes ceuures, 6c de l'eftime que nous en faifons, pourroit fatisfaire à cette autre imputa- tion, que nous croyons la predeftination de telle forte ^ que quelque chofe que Ton faffcfpitque Ion croye enlefus-Chrift^ ou qu'on n'y croye pas , foit qu'on faiTe de bonnes œuures , ou bien qu'on n'en faffe pas 5 on ne laiflera pas d'eftrefauué , fi on çft predeftiné pour cela, ou de tomber en damnation , fi par la réprobation on eft deftiné à mort éternelle. Car il y en a qui ne font point de difficulté de nous accufer d'enfeigner ce dogme hautement, Se c'eft vn des moyens qu'on employé dans les prédications pour rendre noftre pro- feffion odieufe. Certainement puis que nous croyons les bonnes œuures abfolu- OTnent neceflaiçes à falut , de quelque fa- çon que nous eftimion«i que nous fouî- mes predcftinez , noftre créance eft que iioftre predeftination ne nous amènera pasà falut fans les bonnes œuures. Neant- inoins afin d'ofter tout fcrupnle de Wùz
pour ceux de la I^elig, 103
prit 4^ ceux qii voudront s en éclaircir^ voyons s'il y peutauoir rien de plus rai- fonnable que noftre dodrine 3c noftrc prajciqu^ en cette matière. Qjand on nous prefche l'Euangile pour nous offrir le fa- îut en lefus-Chrift , pn ne manque iamais de nous dire qu'il n'y a pas moyen d'en eftre effeftiuemem participant .finon en croyant en ce Rédempteur, Alors nous ne nous enquerons ■ nullement .11 noiu fommes pre;deftjnez ou non 5'^ ne. nous mettons nullement en peine des fecrets de Dieu 5 ny des Arrefts qu vl a donnez, de pouce éternité poiyrie'ialut Si pour la con- damnation des hommes. Nous nous diC-> pofons feulement à croire en çeluy quï nous efl; offert pour Sai^iueur o pms que quelle qae foit la Predeftination de Dieui il eft impoj[ribled'Qftr.e parttnpant dufa- lut dont il eft autheur , finon en l'em- hraffant par vne foy viue &: profonde. On ne peut donc pas dire que bous ayonsi cette crçance , que-foit qu on croye , foit qu'on ne croye pas, on fera fauuè pourueu qu'on y foit predeftiné , puis que nous te- nons qu'abfolument il n'y a point^de fa- lut en lefus-Chrift fihon pour ceux qui a-pyent. Apres celaiJiors qu'on nous.prd"^
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I04 jé^OlQgîC
elle qu'il faut croire , on ne manque ia- mais de nous expliquer nettemenr quelle doit eilre cette toy, & de nous dire qu'il eft necefiaire qu'elle foit accompagnée dVne ferieufe repentance. Car faire feu- lement profeflion extérieure du Chriftia- nifmejU eft pascroire>felon nous : non pas mefmes auoir en Tentendement quelque légère teinture delà vérité de fes dogmes. Croire en noftre Théologie, eft eftre fi viuement &: fi profondement perfuadé des veritez de l'Euangile de lefus- Glarift , que cette perfuafion malftrife toutes les autres > 8c qu'elle fafle telle impreflion dedans les volontez &: 1esafte£tions,qu el- le les détourne de leurs mauuaifes incli- nations, &: qu'elle les régénère. ' Alors nous ne penfons point encore à laprede- ftination , & -ne nous enquêtons nulle- ment de ce que Dieu- peut auoir ordoh- nédetoute éternité pour rious,ny pour le rçfte des autres hommes. Nous exa- mmons feulement nos confciences pour /çauoir fi nous croyons de la façon , &: nous difpofons à ne nous y abufer pa^> de peur qu'au lieu de la vérité B^'àt la foUdité de la foy^'iiôus n'en ayom embrafle que Tombr^: Partant- quetle
four ceux de la Relig. 105
quefoitou la predeftination ou la répro- bation 5 nous croyons que la foy non feu- lement eft necetfaire à ialut, mais vne foy qui fe charaderife nettement, de qui fe di- ftingue de la vaine imagination de la foy par vne fmcere:&: ardente afFedion aux bonnes œuures. De plus , lors qu'on nous prefche qu'il faut croire de la façon , on ne manque iamais d'y adjoufter qu'il faut perfeuerer en cette foy, Se dans les bonnes œuures qui la marquent Se qui laccompa- gnent.Pourcequelefalut n eft pas promis à ceux qui croiront fmiplemenc 5 mais qui perfeuereront en la foy Se en la fandifica- tion 5 Se qui demeureront vidoricux iuf- ques à la fin de toutes les tentations qui les attaquent. Et alors encore nousnefti- mons pas qu'il foitneceffaire de penfer à la predeftination -, feulement refueillons nous nos entendemens à cet aducrtiffe- ment , &: autant que nous pouuons nous nous excitons nous mefmes à receuoir rimprelTion de TEuangile bien auant, pour eftre capables de refifter , en cas que .quelque tentation nous affaille.. Ainfi nous croyons, encore que Ta perfeuerance eft necefiaire , quelle que foit la predeftina- tion, 8c quels que puiffent eftre fur cette
I0(î jifolûgie
madère les fencimens des Doûeurs de ncf- ftre communion, tant y a.que rien n'eft capable d'arracher cette perfualion de nos confcîençes. Enfin , on ne nous éxtortç pointa la perfeuerance qu on ne nous en- feigne quant^^ quant quels font les moyés de l'obtenir. Car quant à la foy , poiarce qu elle conliile en la cognoiflance ^en la perfuafiondes veritez Euangeliques, on nous dirque le moyen de la conferuer eflt de lire &: d'efcouter , &: de medker fcfti- gneufement la parole de Dieu, qui Ta pre- m^^ierementengendrée. Q23nt à la raiidi--, fication,d' autant qu'elle conlifte en la har~ ne du vice&cenr'amour de la vertu,6^que ces aaeriipns &: ces aÉFcftions fe donfer- uent par ) attentiue conûderatiôn de la nature de leurs objets, par raccouftumàn- ce de faire! es chofes ban-nes ,&: de s abfte- nir des mauuaifes,par Timitation des bons exemples , par efuiter les vicieufes con- uerfations , par la crainte de la peine qui fuit le péché , par l'efperance de la t^^mu- neration que Dieu a mifericordieufement promife aux bonnes œuures, ècÇwx tout; par la contemplatiô de la Croixde Chrift &: de fa Refurredion , dont l'vne- nous fournit le modèle de làmartifica-fioa de
pour ceux de UBjlig. 107
nos afFedions , &: l'autre le patron &: le motif de reflufciter en nouuelle vie, on laous met continuellement toutes ces dio^ fes deuant les yeux , pour fomenter en nous la faindeté que noftre conuerfion à (^hrift y a commencée. A quoy on ne manque iamais d'adjoufter que lafoy &: la fandification venant de Dieu, c eft à luy qu'il fe faut addrefler pour obtenir la grâce par la vertu de laquelle elles foient çonferuées en nous , ^ de nous exhorter à cette occafion de veiller auec aflfiduité à la prière. Et afin de nous y exciter d'au- tant plus viuement > on nous aduertit que nousauons à faire à vne infinité d'enne- mis, qui nous obligent à vne fouuerainc vigilance de noftre part , &: qui nous ren- dent vne particulière aflîftance de la grâ- ce de Dieu necelTaire. Le péché que nous portons naturellement en nos afFedions; le monde qui nous amorce par fes volu-» ptez , ou qui nous eftonne parfesperfecu- tions j le malin qui nousdreffe mille piè- ges, &: qui nous attaque de mille tenta- tions , nous font perpetuellemçnt ramen- teus, afin que nous nous tenions fur nos; gardes. Lànousnepenfons point encore à la Predeftination a &: quelle qu e^lle fait.
To8 apologie
nous tafchons d'elueilicr routes les puif- fances de nos efprits , &c pour embraffer toutes les occalions denousauancer en la pieté &c en la venu. Se pour fuir toutes cel- les qui font capables de nous en deftoûr- ner 5 8^ pour demander à noftie Seigneur qu il nous donne le pouuoir de le faire» Pourquoy donc nous accufe-t'on de croi- re que la Predeftination eft fi puiflante en ce qui eft du falut Se delà condamnation, que fans auoir efgard ny à bien nyà mal elle y fait tout toute feule ? Il eft bien vray certes premièrement , que nous fommes affeurez qu'en vertu de cette predeftina- tion nous obtiendrons indubitablement lavie éternelle. Mais pour ce qui eft de la créance de la Predeftination,puis que c'eft vn poinft de la Foy , que S. Paul enfeigne tres-ouuertement, oùil faut renoncer au nom de Chreftien,où il fautaduouer qu'il yenavne. A la vérité la manière de l'in^ terpreter eft différente entre les Catholi^ ques Romains Se les Reformez. Mais cela nedoit pas cftre trouué fort merueilleux> puis que les Catholiques ne s'en accordent pas abfolument entr'cux mefmes. Tant y a qu'il y a vne predeftination de quelques- vnsàfalut^ 8c que pour eftre bon Chre-
tour ceux de laRelig. 105)
ftien il le tautainii croire. Or puis qu'il y ena vne,on ne doit point trouuermau- iiais que nous nous eftimions eftre du nombre de ceux qui font predeftinezjpuis que nous crouuons en nous les marques 6d les effets par lefquels la Predeftination fereuele. Car puis que nous croyons trC lefus-Chriit , &: que nous nous adonnons tant que nous pouuons aux œaurcs de fandification , & que l'expcrience nous .fait voir que beaucoup d'autres n'y croy et pas, &: qu'ils fe laiflcnt emporter au pé- ché à 1 abandon , il faut neceffairement ou que cette différence vienne de nous, ou que Dieu nous ait fait en cela quel- que grâce , laquelle il n'a pas faite aux autres. Or cfl-ce là où on commence à nous parkr de la Predeftination , lors qu'il eft queftion de fçauoir d'où vient cette différence. Car on nous enfeigne que dénature nous nefommes pas meilleurs que les autres , &: par confequent,puis que nous croy os, &: que tant d'autres ne croy et pasjil faut que Dieu nous ait traittez iné- galement. Et cette inégalité confifte en ce que Dieu nous ayant prefenté exté- rieurement à tous vn commun Rédem- pteur par la predication^S^ nous ayant fait
iio Apologie
exhorter les vns & ks autres à le receubir auectoy &: repentance, il s'eft contenté de cette grâce commune &: extérieure en- uerseeux-là , au lieu qu'enuers nous il en adeiployé vne intérieure oc particulière. D où elt venu qu'au lieu que les autres ont par leur malice reietté le Rédempteur qui leur a efté offert * nous 1 auons quant à nous receu par la grâce que Dieu nous a faite. Pour ce donc que Dieu ne prend pas lesconfeils de ce qu il doit faire deiour à iour 5 &: que comme dit l'Efcriture , de tout temp toutes [es œutires luy font cognuc s ^ il faut tieceffairement que de toute éternité il ait ordonné de mette cette diftinÉtion entre les autres &: nous, 6c c eft en cette éternel- le ordonnance que la Predeftination con- fifte. lufques là il n'eft pas poflîble que no- ftre créance choque l'efprit de perfonne qui foit tant foit peu raifonn^ble. Car quoy ? Trouuera-t'on mauuais que nous donnions à Dieu toute la louange de ce que nous croyons, & de ce que nous nous repentons de nos péchez , au lieu que les autres s'endurciffent en leul* incrédulité 8c en leur impenitence ? Certes ce feroit eftre trop prefomptueux que de vouloir rauir cette gloire à Dieu pour fe lattri-
pour ceux de U Relig. rii
buer àfoy-meimc. Ceux ae i'Eglife Ro- maine mefmes , fur cette prefuppoiition quiis font dans la voye de faluc, bc que nous n'y femmes pas , rendent lans doute grâces a Dieu de ce qu'il les y a mis plûtoft que nous 5 ^ ainfi rendent tefmoignage à cette maxime de noftre profcffion > que c'efl: la mifericordedeDieu qui met cette diftindion entre les hommes. Ou bien fe fcandaiifera-t'on de ce que nous difons que ce que Dieu exécute maintenant cit nous 5 il la ordonné de toute éternité ? Ce feroit aller contre la parole de Dieu Se contrelaraifon3<S£ rauiràDieu la louan- ge de fa prefcience. Ou finalement elH- mera-t'on que cette doftrine nous rende plus nonchalans en ce qui eft de noftre fa- lut '". NuUement.Car pui^ que tandis qu'on nous exhorte à la foy 5 à la repentance, à la fan^tification^ny nous ne penfons point à la predeftination , ny on ne nous donné point d'occafion d*y penfer , elle ne peut trauerfer l'efficace des exhortations qu'on nous addreffe* Q^nd nous venons à y penier, puis que nous ne cognoiffons no- ftre predeftination que par fes effets, 5c que fes effets confiftent en foy de en fan- Étification , à mefure que nous délirons
lit Apologie
d eftre du nombre des predeftinez, à mef^ me mefure faut-il que nous tafchions d a- uoir la foy & la fandification , qui en font les feules marques. Enfin , quand nous les auons trouuées en nous , &: que par ce moyen nous auons cognu que nousfom- mes predeftinez, tant s'en faut que nous en prenions occafion de relafcher quelque cliofe de lardeur que nous deuons auoir à la pieté ? qu'au contraire , plus la grâce de Dieu a efté fpeciale en noftre endroit,plus nous en fentons nous obligez de luy en rendre nos recognoiflances. Pour ce qui eft de cette perfuafion que nous auons d'obtenir afleurément le fa lut en vertu de cette predeftination , voicy comment on nous en inftruit. On nous dit que puis que les hommes font naturellemêt aufll mau- uais les vns que les autres, ce que Dieu nous a fait vne grâce fi particulière, ne vient pas de quelque mérite qui fuft en nous. Il faut que ce foit de fa pure & libre volonté , &: dVne faueur fpeciale qu'il nous a portée , fans que nous l'y ayons in- uité, qu'il nous ait ainfi gratifiez. Et le Cardinal Bellarmin eft entièrement de ce fentiment , &: ne veut pas que Teledion bc la predeftination de quelques-vnsfoit
fondée
^our ceux de la Relig. lij fondée fur aucune preuifion ou prefcience de leurs œuures. Ce qui nous donne occa- fion de raifonner de cette façon. Puis que Dieu n'a point eu d'autre motif que fa pu- re volonté qui lait induit à nous auanta- ger plus que les autres en cet efgard, il n'y peut auoir de raifon pourquoy il ne nous conferue pas la foy Jaquelle il nous a donnée. Pourquoy changeroit-il d aduis en vne chofe dont la refolutîon n'a point dépendu d'ailleurs que de fon bon plai- fir feulement ? De plus, la foy &: la re- pentarice font des qualitez fouueraine- ment belles en elles mefmes , &: capables à merueille d'attirer fes afFeftions. Si donc il nous a tant aimez que de les nous vouloir communiquer du temps que nous ne les auions pas, comment ne nous ai- meroit-il point après qu'il nous les a com- muniquées ? Et {i l'amour qu'il nous a porté auant qu'il y euft rien en nous qui l'y inuitaft , l'a peu exciter à nous orner de fi excellentes qualitez , fon amour, qui s'eft redoublé depuis qu'il les a veuës en nous , ne le porteroit-il point à les confer- uer après les y auoir mifes ? Enfin il ne nous les a données qu'afin de nous con- duire à falut : Car le falut eft la fin , la foy
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114 Aj^'ologie
eft le itioyén par lequel il nous y amener Puis donc qu il s'eft propote cette fin B premièrement, &: quil a eu fi fort à cœur de nous y faire paruenirque de nous en donner de tels &: de fi certains moyens ? qui eft-ce qui peut interuenir qui lempef- che de fe propofer toufiours le mcfme but, &: par confequent d'employer auffi toû- jours les moyens qui nous yconduifent? Sur ces raifonnemens qui font tirez de la parole de Dieu, 8^ que diuers beaux pafla- ges authorifent , nous fondons cette efpe- rance, qu alTeurément Dieu nous fauuera, &:quilnefe prefentera aucun obftacle à i'accompliffement de ce beau deffein^qu il ne furmonte.Or comme chacun peut voir que ces raifonnemens tournent à la gloire de la fageffe &: de la bonté de Dieu, Se qu'ils conuiennent merueilleufemêt bien à la fermeté tnuariable de fa nature &: de fes confeils, aufli ne peut- on pas dire qu ils nous rendent negligens en ce qui eft des chofes qui font neceflaires pournôftre fa- lut. Et ie m'émerueille> ou qu on fe lepuif- fe imaginer , ou qu'on nous le puiffe re- procher 5 veu qu'en TEglife Romaine on a des créances à qui on pourroit imputer 4efemblables cozifequences.LePape croit
pour ceux de la Relig, jif
\\fi\ ne peut errer dans les matières de la foy. Ceux qui font des fentimens de là Sorbonne attribuent cette prerogatiue au Concile. Soit au Concile, foit au Pape qu'appartiennent lepriuilege de rinfalii- bilité, tant y a que tous ceux de cette com- munion tiennent conftammenc qu il a cfté donné à l'Eglife. Si cela eit , c'eft vne certaine predeftination de Dieu;, par la- quelle il a ordonné depreferuer fon Egli- ie de toute erreur en la foy > &c de Tillumi- ner éternellement de la cognoiflance de fa vérité. Quand donc il eft queflion de vuider quelque controuerfc en la Reli- gion,cette créance rend-elle les Papes ou les Conciles,moins diligens à bien exami- ner la Parole deDieu,&: la tradition des anciens , 6^ à fe bien garder de la fineffe de Satan,&:delafophifteric des hérétiques? On y croit que TÉglife eft imperiflable , 8c que Dieu la garantira de fes eniiemisiuf*- ques à la fin. Cela vient encore fans doute de quelque predeftination de Dieu, qui a refolu de mener la Naftelle qu'ils appel- lent de S. Pierre, à bon port, &: de la fau- uer de tous naufrages.Cette créance donc empefche-t'elk que ceux qui font au gou- uernail nemployent toutes fortes de
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Il 6 apologie
moyens propres pour la conferuatiorii ou imprimc-c'elle en leur ei'prit vne û profonde fecurité , qu'ils ne le mettent point en peine du falut de leur vailTeau , Se qu'ils le laiffent aller à l'abandon entre les bancs 3c contre les roches ? Comme donc ils ne conliderent pas cette prede- ftinationdeDieuàrefgard de l'inrallibi-i lité de TEglife , ô^ <ie Ton indefeûibilité, comme on parle , aijifi qu'vnc occafion de fecurité &: de négligence en ce qui regar- de Femploy des moyens , mais feulement comme vn accouragement à les employer Se foigneufement Se ioyeufement , auec- vne eiperance indubitable d Vn auanta- geux fuccez ; airnfi ne confiderons noua nullement cette predeftination en ce qui eft de noftre falut , comme vn fujet de nous y comporter nonchalamment,mai5 pluftoft comme vn motif d'y trauailler auec grand foin Se grande confolatiori auflî 5 fçachant qu'il en reuffira vn euene- mentfauorable. Autre donc eft la prede- ftination par laquelle Dieu a refolu de produire luy-mefme quelque euenement fans l'entremife d'aucuns moyens , ou au moins par l'enttemife de certains moyens fur lefquels il ne nous donne point de
pour ceux de la Relig. 1 1 7
eommandemens : &C autre la prcdcftina- rion qu'il n'exécute que par le moyen de nos aftions y dont il nous a luy-mefme donné les commandemens &: les règles. Lànous pouuons bien demeurer les tras croifez , Se attendre pouï exemple que Te- çlipfedu SoleiljOU arrlue , ou fepafle, fans y rien contribuer denoftre part. Car ny noftre mouuement , ny noftre repos ne la,^ hafterqnt , ny la retarderont pas dVne minute. Icy c'eft vne pure frenefie que de négliger de faire ce qui nous y eft com- mandé 5 6^ neantmoins en efpcrer Fac- cornpUlTement , puis que cette forte de predeftination ne s'accomplit point finon par l'exécution des commandemens que Dieu nous y donne, fartant comme le mefprisdes moyens qui empefche Teue- nement 3 eft vne preuue indubitable qu'il n'auoit point efté preordonné jainfile lé- gitime employ des moyens eft vn certain argument de la predeftinatiofi de l'eue- nement mefme. Et comme celuy qui fc croit predeftiné à viure, &: neantmoins ne veut pas manger , eft à demy furieux j ce- iuy qui mange &: qui boit , &: qui fait les fondions dVn homme viua^nt, s'il ne croit ^uoir efl:é predeftiné à viure par ce moyer^
ii8 j4pologie
là :, n a pas la cerueile en bonne afliette, - Le troiiiefme exemple fera pris de cç qu on nous impute de ne croire pas le tranc arbitre. Se parce moyen de dépoûiU 1er l'homme de fa nature, d'ofter à fes âûions la qualité de bonnes 6c de mau^ uailes , de de donner ainfi n;iatiere d'accu- fer Dieu d'inipertinence q^and il les ré- munère, &: dmjuftice quand il les punit- Pource que ce qui n'eft ny bon ny mau^ iiais,ne peut eftre vn fujet capable de loiiange,ny deblafme,defupplice ny de rémunération. Certainement :,fi nous en- feignions tout cela difertement , ce feroic non feulement vn grand erreur en la Re- ligion, mais vne dodrine pernicieufe à la vie ciuile. Car ce feroit autant que fi nous oftions la différence qui eft naturellement entre le vice 8c la vertu ; ce qui fans doute apporteroit vne horrible confufion aux chofes du monde. Mais iufqucs icy aucun n a efté fi peu fpigneux de la réputation de fa pudeur, que d'ofer nous en accufer; feu- lement on dit que ce que nous enfeignons en la matière du franc-arbitre , tire necef- fairement ces mauuaifesdo£i:rines en con- fequence. Or quand ainfi feroit,Il ne feroit' pourtant pas raifonnable de nous impute?
tour ceux de la Fjlig. lis^
les confcquences de nos dogmes, fi nous ne les recognoiffons &: ne Tes aduoUons pas i car il y a peu d'erreurs dont on nç puifTe cirer de fort dangereufes conclu- lions:,fi on veut vn peu fubtilement raifon- ner j &: il y a fort peu de gens qui ne tien- nent quelques-vnesde ces erreurs dont vn fubtil raifonnement peut déduire des con- cluions pernicieufes. De forte qu'il n'y auroit quafi homme au monde qui ne deuft &: haïr fon prochain, &: eftre hay ré- ciproquement de luy/i nous voulions fui- ure trop loin les confequêces des opinions les vnsdes autres. Il fuffit donc que nous re/ettions celles qu'on veut tirer de nos fentimens > &: que ce que nous croyons en cette matière, ne produife aucun mauuais effet au préjudice de la Religion , ny au dommage delavie ciuile. Orque noftrç créance ne produife rien de tel, c'eft chofe claire par l'experienceicar elle ne peut ga- fter la pieté ny les mœurs de ceux qui ont des"opinions contraires aux noflres , puis qu'ils^ ont 6i les confequences &: les princi-^ pes dont ils eitiment quelles nailTent en abomination: en horreur.Et quant à nous, tant s'en faut qu elles foient pour corrom- pre nos inclinations > 6c pour efleindcQ
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uo Âj^ologtt
en nos efprits l'amour &: Teftimc de U vertu , que nous les auons encore en plus grande horreur que nos aduerfaires , que nous fouftenons qu'elles ne découlent nullement de noftre do£trine,&: que de ces mefmes principes dont quelques-vns çffayent de déduire ces damnables con- çlufions 9 nous faifons fortir des enfei- gnemens tres-efîicacieux ^ &:des exhorta- tions tres-viues pour induire les hommes Ma pieté» En effet , quoy que Ton die de nos fentimens en cette matière 3 tant y a qu'en nos adions nous ne prétendons pas êftre comme des troncs de bois, ou com- me des pierres, dont le mpuuement natu-r rel de haut en basane peut nullement eftre compté entre les chofes moralement bonnes ou mauuaifes. Nous auons des fens exterieurs^par lefquels nous cognoif- fons les objets qui fe prefentent deuant nous>&: des appétits intérieurs qui nou^ portent vers ces objets, ou bien qui nous en retirent , ^pres que nous les aÛons cognus dignes de noftre auerfion ou de noftre agréement» Nous ne préten- dons pas mefmes agir à la façon de;$ animaux dçftituez de la raifon , dont fous les mouuemens & les appétits foçt
tour ceux de la Kelig. i^I
brutes , quoy qu'ils procèdent de quelque cognoiffance des objets extérieurs , àur ;antque les fens 8c la faculté de Timagi- nation leur en donne. Pource que cette cognoiffance qui naift des fens extérieurs &:de rimagination feulement , ne peut pas atteindre iufques audifcernement des qualitez ôc des citconftances qui font que ks adions font morales , c'eft à dire , bon- nes ou mauuaifes,8c dignes de peine ou de rémunération. Nous auons tous par la grâce de Dieu la raifqn &: l'intelligence^ faculté naturellement capable de iuger des relations qui donnent aux avions hu- maines la qualité de vice ou de vertu. Et comme ainfi foit que c eft le propre de l'intelligence, de ne tirer pas fes aftions à coup perdu, mais de s'y propofer vne certaine fin, comme vn blanc où elle vife, ^ que toutes les fins que nous pouuons nous propofer font ou dans Thonnefteté des chofes louables , ou dans le contente- ment qui naift des chofes deledables , ou dans l'vtilité de celles qui peuuent profi- ter , nous ne faifons aucune adion auec intelligence, que nous ne nous mettions . deuant les yeux quelqu vne de ces trois fins. De plus , toute intelligence qui fe
itz Apologie
f ropofe vne certaine fin, ayant encore ce propre de la Nature de iuger des moyens qui font bons pour y paruenir, &: quand il s'en prefente plufieurs, de faire le choix de ceux qu elle eftimeles meilleurs, &:de les préférer aux autres , nous ne nous propo- sons iamais de telles fins en nos adions, que nous ne confultions pareillement fur les moyens 5 6^ que de cette confultation nous ne formions la refolution d'agir ou den agir pas 3 conformément à la nature tant de la fin & des moyens, que de l'in- telligence qui fe la propofe & qui les gou- uerne. Enfin toutes les aftions de cette nature procédant de la volonté , &: ce que Ton fait du mouue ment de fa volonté ne pouuant eftre imputé à contrainte ny à violence 5 foit bien ou mal que nous faf- fîons , nous nous y portons volontaire- Biet, àc n au:rit>uons aucune de nos adions à chofe quelconque qui foit tellement au dehors de nous j qu elle nous y force. luf- ques-lànousrecognoiflbns vn franc arbi^ tre,&:onne peut raifonnablement nous accufer de rien croire, nyde rien enfei- gner autrement. Cela donc fans aucune difficulté fuffifant pour rendre nos adions dignes de blafme ê£ de punition, ou de
pour ceux de U Kelig, li j
rémunération ôcde louange, peut-on iu- ftemenc demander de nous dauantage^ Certainement quand il eft queftion d al* 1er plus auant , &c de fçauoir quelle firt nous fommes capables de nous mettre deuant les yeux , nous difons que nous fommes de noftre nature fi mauuais 3c fi corrompus en nos paffions ? que nous ne nous propofons iamais^fors rVtile Se le Deleftable, iinon que Dieu nous faffe la grâce d'apperceuoir Texcellêce de l'Hon- nefte 5 & qu'il nous donne de nous y por- tet.Encore nous trompons nous toufiours au iugement que nous faifons du deleda- ble&delVtile, &:neleconftituons finon dans les choies qui plaifent a nos mauuai- {es paffions 5 iufques à ce que Dieu nous il- lumine, pour fçauoir bien difcerner la fo- lidité de la vérité d'auec la vanité des ap- parences. Puis donc qu'il ne nous arriue lamaisd'en bien iuger de nous mcfmes, fans lapreuention &c laffiftance de la grâ- ce de noftre Seigneur, il faut qu'il y ait na- turellement en rous quelque chofe qui nous en rende incapables,6^ qui nous ofte, non le franc arbitre mefme, car nous ne le pouuons perdre fmon en perdant la raifon Bc la volonté > mais lebon vfage du frana
U4 apologie
arbitre en ce qui eft du bien &: du mal> c^v ce quieftainiivniuedel &: en toutes per-î fonncsôc en tous temps y doit auoir vnç caufe neceffaire Se déterminée , &c c'eft ce qu'on appelle le péché originel , dont tou- tes les puiflances de nos ameç Tont infé- rées. Si cette do£trine-là nous priue de Ja bonne grâce de nos fuperieurs Se de nos concitoyens, il y a certes matière de s'en eftonner,pour ces trois raifons principales. La première eft , qu'elle donne à Dieu la louange toute entière de tout le bien qui eft en nous &: que nous faifo ns. Or y a-t'il fans doute moins de péril à donner à Dieii yn peu plus de loiiange qu'il ne faut , qu'à en donner beaucoup moins qu'il ne faut à 1 homme. Quant nous attribuerions 4 Dieu quelque partie de la louange qui inous appartiendroit ( ce que nous ne fai- fons nullement pourtant ) nous ne croi- rions pas en deuoir encourir la reprehen- fio^ideperfonne. AlTeurémentfi ce qu'il y a de Dieu , Se ce qu'il y a de l'homme en :î|os avions, eft fi mal-aifé àdiuifer, qifil foit comme impo/Tible de le partager que l'vn ou l'autre n'y perde 5 il eft fans doute plus raifonnable de tout rapporter à la gloire de Dieu 5 de qui nous tenons, tftuta^
poUr ceux de U J{elig, nj
^u a noiis 5 qui n auons rien de nous-mef- mes . La féconde eft, qu'en cela nous fui- uons precifémenc les decifions que l'Egli- fe a taites contre les Pelagiens &: Semi- pelagiens, qui ont voulu donner plus qu il ne faut au franc arbitre de l'honime. Et qui confiderera bien ladoârine de faincfe Auguftin en cette matierctrouuera qu'el- le eft entièrement conforme à la ncftre, 6r qu'il a combattu Pelagius&ifesfedateur s des mefmes arnies dont lious nous fer- lions maintenant. Or feroit-ce choie bien eftrange qu'on nous haïft à caufe dVn fen- timent en faueur de qui l'Eglife a notoi- rement prononcé ,&: qui a efté conft ani- ment tenu par ce grand Saind, dont le nom &: la mémoire eft en beaedidion en l'Eglife. La troifiefme eft finalement^qu'il y a vne infinité d'honneftes gens en la communion de Rome, qui font en cela de mefme opinion auec nous , qu'on noni- iiioit cy-deuant dans les Efcoles Predeter- minans , &: qu'e depuis quelques temps on appelle lanfeniftes. Et on ne peut pas dire que nous en vueillions faire accroire au monde lors que nous parlons ainfi ; car les efcrits qu'on fait contr'eux les accufent li hautemet d'eftre Caluixiiftcs en ce poinft»
jtt6 ' Apologie
qu il jie fe peut reuoqaer en doute. Le feui liureque le Icfuite Petau a compôfé tou- chant le franc arbitre depuis peu , en fait foy à tout k monde. Or iufques à cette heure on les a f upportez doucement , 8^ Rome mefme ne ^eftoit point meflée de ce différend jouau moins n'auoit ouuer- tementfauorifé aucun des partis contçn- dans > iufques à il y a fort peu, que le Pape de maintenant 5 s'eft 3 à ce qu'on dit , dé- claré pour les Anti -lanfenifles. Ce fe- loit donc certes paflîon fi on auoit de l'a* iierfion contre nous à l'occafion d'vne chofe que la communion de Rome n'a point encor décidée formellement , 8>c qui n'empefche pas qu'on ne tienne pour fort honneftes gens ôc pour bons Chreftiens ceux qui y ont des fentimens tout à fait conformes aux noftres.
Le quatriefme exemple fera pris de cet- te accufation fi atroce , que nous faifons Dieu autheur de péché. Ce qui véritable- ment feroit digne de beaucoup d'horreur, s'il eftoit auffi véritable , que beaucoup de
fens le nous imputent hardiment. Or d'à- ord il y a de la peine à conceuoir com- ment cette accufation s'accorde auec la précédente j cai: ie ne diray pas que fi nous
pour CCHX de la Relig. itj
minons abiblument le franc arbitre, dont IVlage ell neceifaire pour faire que nos aftions portent iullemen: la qualité de vertuou depechc^nous oftonsaufli tout péché de la conuerfation des hommes , &: que Dieu ne peut eftre autheur dVne cho- fe qui n^eft point. le diray feulement que fi, comme nous le faifons, nous attribuons à Dieu toute la gloire des bonnes a£tions que nous produifonsjôc fi,comme on nous en accufejnous le faifons encor autheur de toutes les mauuaifes, il faut qu'il y ait vne merueilleufe bizarrerie en nos opmions, & que nous ayons bien peu d entende- ment de ne recognoiftre pas quelle extra- uagance il y auroit d'attribuer également à Dieu tout le bien &: tout le mal qui fe -trouueroit dans les actions des hommes. Outre qu'ainii nous ne laifferions à la créature ny louange ny blafme de bien Se de mal , le zèle que nous auons d'vn cofté à la glpire du Créateur , feroit de l'autre choqué bien rudement &:bien manifefte- ment par la mauuaife opinion que nous aurions de la fainfteté de fa prouidence: Mais véritablement on a grand tort de nous attribuer des fentimens que non feu- lement npus re jettons comme faux j m^i^
ii8 jdpologie
que nous auons en exécration cotiiiné abominables. Tant s'en faut que nous foyons coupables de ce crime , qu'au con- traire, nous mettons conftamment Se vni- uerfellement cette diftinâion entre le bien d>c le mal de nos aûions, que nous at- tribuons abfolument le bien à Dieu , com- me àlaleulecaufedont il peut eftre pro- duit 3 &c quant au maLnous le donnons en- tièrement à l'homme &: au malin, qui en font la (eule origine. Or encore que cette queftion^que ceft que la Prouidence de Dieu fait ou ne fait pas en la produdiô des mauuaifes aûionsj foit ardue d*elle-mef- me, 6c de longue difcufrion5&: qu'en accu- fations fi calomnieufes, qu'on ne fouftient d'aucunes preuues^il fuffit de nier le crime pour en eftre iuftifié, ie ne laifTera^ pas dé dire icy deux ou trois chofes pour noftrc defFenfe. Premierementjil ne nous eft ia- inais tombé dans la penfée , que Dieu par quelque opération intérieure de fa Pro- uidence, mette au cœur des hommes de mal faire , ny qu'il y incite le moins du monde leurs aft'edions. Ceft dans la con- uoitife 5 Se dans la corruption de noftre na- ture qu'eft le germe du péché , qui s'excite &: qui bourgeonne deluy-mefme, Se qui
refpand
pour ceux de la B^elig. n^
refpanden nos penfées, en nos avions, <S^ en nos paroles tout le viee qui y eft.Ce que la Prouidence de Dieu fait en cela^ eft de gouuerner tellement quant à l'extérieur, radminiftration des objets qui font capa- bles d'exciter les affeftions ^ les conuoi- tifesjquilsfeprefentent à propos deuant les facultez &: les efmeuuent, lors qu il eft queftion de l'exécution de quelque arreft de fa ProuidencC> où les péchez des hom- mes doiuentinteruenir. Comme ça efté cette diuine conduite & du Père &: du Fils> qui a fait que le Seigneur s'eft trouué à point nommé deuant les yeux de ludas, des Pharifien^ , &: de Pilate , pour efmou- uoir en chacun d'eux les pafTions aufquel- les ils eftoient enclins , &: de l'émotion defquelles dependoit la crucifixion du Sauueur du monde. Car il n'eft point be- foin d'inftiller ny l'auarice , ny Tenule, ny la cruauté dans Tefprit de^ hommes , à ce qu'ils foient induits à faire des adions conuenables à la nature de ces vices 5 lors que les occafions s'en prefenteront; la cor- ruption qui eft en eux tous dés le ven- tre , les rend d'eux -mefmes affez en- uieux,&: aflez cruels. Il ne faut que leur faire voir , ou quelque notable fomme
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ijo apologie
d'argent > ou quelque eminente vertu qtiî ofFulque leur réputation , de qui abbaiffe leur puillanceyou quelque auire tel objet . fur lequel ils puiffenc contenter la barba- rie de leurs pafiions. Et comme ii vous ap- prochez vne matière fouuerainement combultible de la flamme , incontinent le feu s'y prend , la feule prefence des cho- fes capables d'exciter ces paflions, les allu- me incontinent. Pour ce qui eft de l'inté- rieur, l'efficace de la Prouidence confifte principalement en ce que les penfées des hommes eftans fort errantes 8c vagabon- des, &: la variété de s objets qui feprefen- tentà eux les faifans alfez foiiueiit flotter irrefolus entre diuers miauuaifes aftiotiSi elle fait par des moyens fecrets & tout à fait imperceptibles à noftrcintelligenceii qu'ils fe déterminent pluftoft à vnechofe qu'à l'autre, pour feruir fans y penfer au deffeiri lequel Dieu s'eftoit formé. Ce qui fait qu'encore qu'il ne contribue du tout rien à lanaiffancc de ces mauuaifes pen- fées,&: que toute fon opération fe déployé à les gouuerher feulement , l'euenement qui s'en enfuit luy eft attribué comme s'il en eftoit la caufe. A quoy contribue beau- Coup ce que Sàtàn nepouuant rien entre-
pofir ceux de la Relig. 15 ï
|)rendredefrusleshommes> iinon autatit que Dieu luy permet , aufli-coft que Dieu luy a lafché la bride , il court &: vole de- dans leurs efpi:itS5&: y embrafe les paffions qui n'y eftoient déjà que trop enflammées d'elles-mefmes. Apres cela^de quelque fa- çon qu'on explique cette matière, car fa difficulté fait prendre diuerfes routes à ceux qui fe méfient de l'mterpreter tant en l'vne qu en l'autre communion^ tant y a que nous n'auons iamais parlé de ce que Dieu y fait en termes fi précis, &: qui fem- •blent tant faire dépendre les manuaifes aftions des hommes de loperation de la main de Dieu, que l'Efcriture n'en em- ployé de beaucoup plus emphatiques , ôc qui d enrôlent donner beaucoup plus de fujet de fcaiidalcs'il y auoit quelque chofe en l'Efcriture dont on fe deuft fcandalifen car elle ne fe contente pas de dire en ce qui eft de la crucifixiô de noflre Seigneur, que les luifs qui Tont mis à mort n'ont rien fait finon ce que la wain é* le confeil de T>ieHduoïent déterminé fe deuoir fme-t Aft.44 8. mais elle enfeigne difertement que c'eft Dieu qui a endurci lecœurdeFharao contre Ces propres commandemens,Exod.7.3.que x'eft luy qui nfm qu'Abfalon a commis
îjt jipologie
incefte aiiec les concubines de Dauid, afin de le punir de fes péchez, 2. Sam. ii. 11. 12. que c'eft luy qui enuoye efficace d'erreur en ceux oui ri ont f oint receu UdtUciion deveri» te i afin an ils croyent à mcnfonge. 2*Thein II. IG. II. ^ chofcs femblables. Comme donc la bonne opinion qu'on a de la fain- 6teté de lEfcriture &: de la diuinité de fon infpiration , fait qu'on ie porte à expli- quer ces endroits dételle forte j> qu'on y trouue enfin que la conduite de noftre Sei- gneur y demeure exempte de blafme î la charité Chreftienne deuroit porter ceux qui lifentlesefcritsde nos gens liir cette matière, à les expofer fauorablemcnt, s'ils y trouuoient quelque chofe quide prime abord ne fuft pas à leur contentement-Car ceftbienvn effet de noftre pieté que de tafcher d'applanir dans les Efcritures les pafTagesquis'y rencontrent vn peu diffi- ciles ou fcabreux ; mais c'eft vn grand def- faut de charité, ôivne procédure qui tef- moigne de la paflion beaucoup , que de condamner comme criminel dans les li- ures de nos gens , ce qu on trouue moyen de iuftifier pleinement dans ceux des Pro- phètes &: des Apoftr es. Finalement, il n'y a dans ces diuins authewiL's &: dans les no-?
pour ceux de la Kelig, 13 ^
ftresexprefsion fi dure en cette matière, ny fi capable de donner de l'alarme à Tef- prit humain5qu'il ne s en trouue de pareil- les &: de plus fortes encore dans les çfcrits des autheurs les plus illuftres de la com- munion de Rome. Car , ie vous prie ^ que peut-on rencontrer en nos gens qiii foit au delà de ces paroles dii Cardinal B :llar- min au fécond de fes liures de la Perte de la Grâce, chap. 13. Pour ce qui efi de Vin-^ ce fie (V Ahfalon , Bieu ejl dit auoir fait cç mal-la , non entant que cefloit vne peine four I>auid. Car encore que cefujl vn mal quAb^ falon fechaji , ce que Bieu ne voulait point , mais le dejfendoit j ceHoit pourtant vn bien que Bauid fufl puny ; ce que Dieu a voulu dr r a fait. Item au chap. i^. Non feulement Dieu delaijfe les pécheurs quand il les aban-^ donne aux defirs de leurs cœurs , mais aufit quand il tourne^ gouuçr ne ^ f^ ordonne fi ad^ mirablement les mauuaijes volonté z^-^ lefquel^ les il na pas faites , maurin pas ignoré quelles fer oient telles , que malgré quelles en ayent» elles luy feruent: c'eû à dire, à l'exécution defesdefleins. Ailleurs il dit que Dieu les régit, & les gouuerne, &C qu'il les tordy ou fis- chit,&c mefmes auec quelque efpece de vio- lence, (car le mot fçrquet ugnifie tout cela)
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opérant en elles inuifibiement, tellemenç qu elles s'addreffenc pluftoft à vn mal qu'^ l'autre p^r la prouidence de Dieu. Il cft vray qu'il dit que ce n'eft pas pofmuementi qu'il le fait 5 mzis fermtjl^tuement itul^- ment, & qu'il explique cela parla compa- raifondvnchafleur duquel oh ditquil a ponffé fon chien fur le Heure , quoy qu'il n'ait fait que lafcher lalefledont il lete- noit arrefté. Mais outre que Temphafe de ces mots monflre qu'en ctttc permiJsionM y a quelque cfftczccpojïtmeyil dit que mef- mcspo/âiuemef2f Dieu, encline les volontez des mefchans pluftoft à vn m^l qu a l'au- tre,quoy que ce foit QccaftonmUement&mo^ ralementyC^Çi à dire, en leur mettant ei> l'efprit quelques penfées bonnes en elles mefmes, mais dont ils abufent à mal. Puis donc que nous faifons également profef- fion d*auoir en deteftation que Dieu foit lautheurdes péchez dçs hommes, & que nous nous exprimons en termes qui font cfgalement capables , en les prenant trop à la rigueur , de faire foupçonner quelque chofe de tel pourtant, quelle apparence de raifon y peut -il auoir que les Dofteurs Romains foient neantmoins receus à nous fccufer continuellement, ôcque quant à
pour ceux de la Kelig, 13^
nous on ne vueille pas donner vne oreille à nos defFenfes : Ou de quelle iuftice peut- on colorer ce procédé , que Ton recoin- penfedes dignitez les plus eminentes de l'Eglife de Rome ceux de fa communion qui parlent ainli,&:qua ces pauures Re- formez 5 qui ne difent du tout rien de pis, on fafle fentir tant d'eiSFets dVne animof^- té comme implacable ?
SECTION IV.
Que ft on confdere ceux de U Keligioff d l'ejgard des chofes qu'ils ne crojent pas ^ ils ne mentent point d'auerfion. Et premièrement touchant Vinuoca-' tion des SainHsy l'adoration des Ima^ ges^ ^ le Purgatoire.
Viennent maintenant à eftre confide-. rez les principaux chefs des chofes que nous ne croyons pas , ou que nous ne pratiquons pa^ en matière de Religion, Car ie ne veux parcourir que les plus no- tables , ne doutant pas que fi i'y puis don^ ner quelque fatisfîi^ion à ceux qui wm
13^ apologie
veulent du mal , ils ne fe portent d'eux mefmes à iuger équkablemenL &: fauo- rablement du refte. Le premier que ie propoleray eft l'inuocation des Sainfts, que nous ne croyons pas eftre permife à TEglife 3 Se qu'à cette occafion nous ne pratiquons point entre nous. Surquoy cer- tes il y afujetde s'eftonner comment on le trouue fi mauuais. A la vérité fi nous le faifions poiirce que nous fuflions enne- mis des Sainûs &c de la Vierge Bien-heu- reufe , quoy que la chofe ne fuft pas blaf- mable en elle-mefme , nous n'en pour- rions pourtant nullement nyiuftifier, ny mefmes excufer le motif. Mais Dieu 3c hs hommes nous font tefmoins, quelques calomnies qui fe fement parmy le vul- gaire i Se à quelques excez qu'on s'em- porte quelquesfois dans le zèle des pré- dications > que nous eftimons les Sainds Bien-heui^eux, que nous admirons leurs vertus y que nous imitons leurs exem- ples 5 Se fur tout 5 que nous auons de la glorieufe Mère de Noftre Seigneur, tou- tes les plus hautes &: les plus auantageu- (ts opinions que Ton peut auoir d Vne per- fonne purement humaine. Nos efcrits pu- blics en font foy , nos propos en atteftenç
pour ceux de la Relig. 137
en toutes occafions , &: nos prédications, au moindre fu jet qui nous en eft prefenté, refonnêt magnifiquemêt de leurs louages. De forte que fi nous ne lesinuoquonspas, il le faut fimplement attribuer à vn pieux 5i religieux mouuement de nos conlcien- ces. Or y a-t'il certes diuerfes confidera- tions pour lefqucUes ceux auec qui nous viuons nous y doiuent eftreplus équita- bles; car pour ne dire point icy que tout tel mouuement de confcience procède de quelque reuerence enuersla Diuinité^tout le monde aduouë que nous n'auons point de commandement en l'Ecriture d'inuo- quer autre que Dieu. Et de fait le Concile de Trente neditpa.s.quecefoitvne chofe neceffaire, mdih bonne é"vtile feulement, que d muoquer les Sain£i:s qui régnent auec noftre Seigneur. De forte qu'on ne nous peut accufer de rébellion contre Dieu , ny de defobeyffance à fes comman- demens en cet efgard. Or fi l'Apoftre S. Paul dit qu il faut fupporter charitable- ment ceux qui n ofent manger de quel- que efpece de viande , pource qu'ils fe fi- gurent qu'elle eft défendue , encore qu'el- le ne le foit pas , il nousfupporteroit fans doute beaucoup plus doucement encore""
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ç'il viuoit 3 eftant icy queftion dVne chofe qui quand elieneferoit pas défendue de Dieu 5 nous eft fort fufpcfte pourtant , ôc quieft d'incomparablement plus grande importance. Apres cela , ce qui augmente noftre foupçon , c'eft que ny dedans le Vieil ny dedans le Nouueau Teftament nous n'en voyons aucun exemple. Car tout ce qu'on en veut tirer pour iuftifier le contraire , eft fifriuolejque peu s'en faut que ceux mefmes qui lallçguent n'en ayent honte. En effet , pour ce qui eft du Vieux Teftament, puis qu'en l'Eglife BLo- •ma'ine on croit que ny les Patriarches , ny les Prophètes , ny les autres Sainfts de ces temps-ià^n'ont point cfté recueillis en Pa- radis finon àl'aduenemctdu MelTie^c euft efté lors chofe bien impertinente que de les vouloir inuoquer. Pour ce qui eft du Nouueau 5 les plus paOionnez difputeurs n'y en trouuentpas la moindre trace. Or ce qu'il n'y a point de commandement d'inuoquer les Saints, eft vn argument in- dubitable de l'inutilité de la chofe en foy. Si elle pouuoit feruir a la gloire de Dieu &: à noftre falut ^tres-afleurément Dieu la nouseuft commandée. Mai$ ce qu'il n'y en a point d'exemple, eft vne tres-violen-.
pour ceux de la Relig. i j^
te prefomption qu'il y a quelque chofe de vicieux en cette deuotion , n eftant nulle- ment àprefuppofer que nous foypns plus aduifez\)u plus deuotieux que ces Sainûs à qui Ion défère cet honneur , pour inuen- ter en matière de pieté quelque nouueau- té qui ne leur ait point eftécognuè. Il eft vray que le Concile de Trente couche icy magnifiquement de la couftume de TE- glife Catholique &: Apoftolique , 6c qu'il en rappelle lorigine de la plus lointaine antiquité. Mais après quinze cens ans qu'il ly a que les Apoftres font morts , les traces de ces traditions nousparoiflentûconfu- (csyàc la iadance de ceux qui fe vantent de les nous monftrer dans les efcrits des anciens Hiftoriens &: des Pères , eft ou fi peu fondée en bons tefmoignages, ou inefmes contredite fi fortement par ceux que nous alléguons, que nous ne voyons aucune apparence Je raifon de nous ra- foudre làdeffus à vne chofe de telle im- portance. En effet, i'eftime que cecy nous doit iuftifier deuant tout le monde. Il faut neceflairement que Tinuocation qu'on addrefTe à ces beniftes créatures qui foqt au Ciel , foit vn feruice religieux qu'on leur rende comme à des médiateurs 6c in-
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terceffeurs entre Dieu &: nous , Se vn hon- neur qui leur foit deu à caufe de cette charge 3 ou que ce foit feulement vn effet de la communion des Saindls , qui nous fait implorer l'affiftance des prières de nos amis dans Ic^necefTitez qurnous preffent. Si c'eft le pr emi er , il me femble qu'il n'y a perfonne qui entende que c'eft de raifon, qui n'aduouë que nous en auons beaucoup de nourrir de fi fartes auerfions pour ce culte : Car quant à hpnorer le Créateur d Vn feruice religieux , c'eft chofe que nous deurions faire quand il ne le nous auroit pas commandé, pource que l'excel- lence &: Timmenfité de fa nature, l'eftre qu'il nous a donné, la prouidence par la- quelle il nous gouuerne,&: les autres bien- faits que nous auons receus deluy, l'exi- gent de nous clairement. Mais honorer vne fimple créature dVn feruice reli- gieux , eft chofe que*nos confciences ne peuuert gaigner fur elles mefmes , fans vn commandement tres-exprés &: très- euident -, & quand elles verroient quelque chofe de tel , il feroit bien malaifé que la qualité de leur objet ne les fift beaucoup hefiterauant qu'elles y condefcendifTent; car le feruice religieux eft comme l'amour
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cônlugal, ainfi que l'Ecriture enfeigne.Or 'tant s'enfaucqu vne femme challe com- munique cet amour à autre qu'à ton ma- ry, fans fon confentemcnt bien exprés, que mefmes quand il le luy ordonneroit, la nature delachofe la porteroit à sciki- mer difpenfée de lobeifTance. Joignez à cela que la charge de médiateur Se d'in- tercelfeureftenrEcriture attribuée à le- fus-Chrifl: exclufiuement à tout autre. // y a, dit l'ApSftre l. Tim.z. 5. vnfeul Dieu & njnfeul Médiateur entre Dieudr les homme s y à fçauoir lefus-Chrift.Or le veux qu'on al- lègue icy de fubtiles diftinftions de Mé- diateur d'interceffion 6^: de médiateur de redemption.&autres telles qu'il vous plai- ra 5 tant y a que cela ne djous ofte pas les fcrupulesde la confcience. Les termes de r Apoftre, comme il eft manifeftcfont di- fertsjces difl:in£tions font de l'inuention de Tefprit humain jôcfondées fur certaines fuppofitions dont nous ne voyons aucune trace en l'Ecriture. le vous prie, en vne chofe dont nous n'auons point de com- mandement, dont nous ne voyons aucun exemple, où il y a tant d'apparence que la chafteté de la confcience, &: la pureté de l'amour que nous deuons à Pieu çft
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Violée 5 &: où la gloire de la charge de no- ftre Médiateur eft communiquée à au- truy, où trouueray-ie dequoy fuflifammet authorifer ces diftindions, pour medeli- urerde rapprehenfion que i'aydebleffer le feruice de mon Dieu , &: le falut de mon ame ? Dans les chofes humaines , c'eft vn précepte de prudence que nul ne tranf- greffe à moins que d'eftre quafi tenu pour infenfé , de ne fe porter iamais à faire cho- fe quelconque fans necefllté, otffans quel- que vtilité louuerainement confiderable, quand il y a dans Tadion quelque notable péril. Ou donc ie ne voy nulle neceflité d'inuoquer les SainÛs^jCar il n'y en a point de commandement, ou iene voy point d'euidente vtilité ; car puis que le Fils vni- quede Dieu eft mon incerceffeur , le me puis fort bien pafTer de rinterceflion de ' tous les Sain<^s bc de tous les Anges 5 ou le danger eft fimanifefte de choquer l'hon- neur de monCreateur5&: la gloire de mon Rédempteur , ou finalement ie cours rif- que de la perte de mon falut ; de quel cha- ftiment ne feroit point digne matemm-- té, ou quel fupplice ne meriteroit poiilc mon irreligion , fi ie palToispardeffus tou- tes CCS eonfiderations par inaduertance.
pour ceux de la Kelig. i^^
ôupar complaifance? Si Ion prend cette inuocationieuleinent comme vn effet de la communion des Saints, les fcrupul es que nous en auons ne font pas moins con- iiderables : Car premièrement nous la voyons pratiquer en lEglife Romaine comme vn ieruice religieux. On y prie les SainCts tout de mefme que la Trmité : &: comme l'air d>c la façon extérieure de le faire eft toute femblable au feruice reli- gieux que Ion prefente à lefus-Chrift , aufli voyons nous que la deuotion &: les mouuemens du cœur ne différent aucu- nement de ceux qu'on efpand en lapre- fcnce du Redempteur,quand on s'addref- fe à la perfonne : pource que l'inuocation eft vne dépendance de l'adoration, on n y nie pas qu'on ne puilfe &: qu'on ne doiue adorer les Sainâs àc la Mère de lefus- Chrift , feulement on cherche quelques degrez d'adoration fubalternes &: quel- que peu moins efleuez, pour ne les cfgaler pas tout à fait au Sauueurdu monde. On diftingue entre l'adoration de Utrie , Se celle qui n'en eft pas î on fubdiuife encore cette-cy , pour ne mettre pas les Sainfts 6i la Vierge bien-heureufe en mefme rang> en affignaut à ceux-là la d»l$€ tout limple-^
144 jipologie
ment, au lieu qu'on eftime celle-cy digne de l'hyferdulïe. Mais quoy qu'il en Ibit , la- trie, dulie 5 hyperdulie, ce lont cultes reli- gieux 5 qui différent feulement de quel- ques degrez entr'eux i ce qui fcandalilc tout à fait nosconfciencesjcar il nousfem- ble que comme la différence des degrez au culte^induit bien neceffairement la dif- férence des degrés en Texcellence de l'ob- jet, de forte que les perfeftions desSainÊts n'égalent pas celles de la Vierge, &: que celles de la Vierge ne vont pas au pair de lefus- Clirift , ainfi la conformité en la na- ture du culte, induit pareillement la con- formité delà nature de l'objet j de fortç que ce font des Dieux &: des Rédempteurs à qui on addreffe cette inuocation , mais d'vne dignité inférieure à noftre Sei-
fneur , &: à la Diuinité éternelle de fon ère. On ne craint pas mefmes de dire qu'ils font Dieux & Redemfteurs, quoy que cène foit qu'en quelque façon c^ far par- ticipation :> comme Bellarmin les appelle. Comment donc pourrions nous confide- rer cette inuocation comme vnfimple ef- fet de la communion des Sainfts, &: com- ment y pourrions nous participer fans crainte de polluer nos confciences ? Puis
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four ceux de U Relig. i^ j
après en cette communion que les Sainûs ôc fidèles ont entr'eux , nous implorons bien lafliftance des prières de ceux à qui nous pouuons parler , fi nous nous ren- controns en mefme lieu auec eux. Sil'in- terualle des lieux qui nous leparenc, n empefche pas le commerce &c la com- munication 5 nous le pouuons faire par lettres. Mais quant à prier ceux qui font fi efloignez de nous , qu'ils ne peuuent ny entendre noftre voix , ny receuoir de nos lettres , ny eftre informez par aucun au- tre moyen de nos inclinations &:de nos neceffitez , c'efl: ce que nous ne penfons pas qu aucun des Catholiques pratique. Ceux donc qui inuoquent les Sainfts, s'i- maginent qu'ils font entendus d'eux , Se quilscognoiffent leurs necefiirez Se les mouuemens de leurs confciences. Or comment cela fe peut-il fans leur attri- buer ce qui ne conuientquala feule diui- nité 5 c'eft à fçauoir vne cognoiflance infi- nie ? le fçay bien encore qu'on allègue icy beaucoup de diftindiôs ingenieufes. Mais comme quand il eflqueftion d'vfer dVne drogue bien dâgereufcapres diuerfes pré- cautions, &: diuerfes preparations^le meil- kur,ôc le plus falutaire cft de n en prendre
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ij^6 apologie
du tout point^pource que la moindre pe- tite omiffion en tant de circonipcillons, elt capable de faire que vous vous empoi- fonnerez , au lieu de prendre a Vn bon re- mède :ainii envne adion de cette idrte> après toutes ces fabtilitez,leplus.ieur de le plus expédient cft de ne la faire du tout point 5 pource que ii vous vous y trompez, l'erreur y eil pernicieufe. En eft'et/urquoy pouuons nous fonder aucune certitude de cette perfuafion , que les Sainâis qui font en Paradis nous entendent ? Quel enfei- snement en auons nous en la Parole de Dieu, quel exemple dans les expériences des chofes huntiaines ? C:uel raifonnement tire ou de la nature eu de l'eftenduë de leur félicité efl: capable de nous en rendre GertainsîQ^ls Anges enuoyez des Cieux riôùs en ont iamais rendu tefm^oignage? Et û ie ne fuis point affcuré d'eilre efcoute de celuy que i'appelle à mort fecours , à quoy faire rempliray-je la terre & les Cieux des clameurs de mes litanies?Enfin, foit qu'oit confidere Tinuocation des Sainfts comme vn culte religieuxjn'ayant point de commandement de la pratiquer, nous nefçauons fl ceft chofe agréable à Dieu. Or Salnd Paul dit que faire vne
^ pour ceux de la Rclig. i^-^
ààion fans fpuoir fi elle eit agréable à JDieuounon^&cpecheisc'eft vne mefme chofe. Soit qu'on la coniidere feulement comme vn effet de la communion des Sainfts , n'ayant aucune certitude qu'ils entendent nos oraifons, la fagefle ny k pieté ne nous permet pas de faire des actions de cette nature à la volée. Si ie m'eftois propofé de difputer de la Reli- gionj ie m'arrefterois dauantage à refou- dre tout ce que Ton met en auant fur cette matière , 3c monftrerois que tout ce qu'on a accouftumé d'alléguer pour donner couleur à cette partie du feruice de l'Egli- fe Romaine , eft fans folide fondement. Et ficét efcriteftoit entrepris proprement Se principalement à dcflein de conuertir à noftre prdfeffion ceux qui en font efloi- gnez, ieme mettrois en deuoir de prou- uerbien fortement que c'eft vne pratique qui ne s'accorde nullement auec le génie de la Religion Chreftienne. Mais pource que ic n'ay defiein finon de diminuer Ta- uerfîonquetantde gens ont contre nousi Umefuffit de dire que là où deux chofes qui nous doiuent eftre en fi fouueraine re- commandation, la gloire de noftre grand Diau , ôc noftre falut éternel , nous empef-
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148 Afologie
chent feules fans autre confideration d'ap-^^ prouuei'iSide pratiquer ce culce ennoftre Communion , nous mcritons pluftoft louange d'eftre circonfpeûs , 6c fi l'on le veut ainfi, fcrupukuxjpar des motifs fi im- portans ? que non pas l'indignation de ceux à qui noftre créance eft odieufe.
Le fécond point eil: celuy de l'adoration des images ^ fur. lequel y a encore beau- coup plus de fujet de s'eftonner que no- ftre créance &: noftre pratique nous puif- fe attirer la haine de nos concitoyens 5 car non feulement nous n auons dans la Parole de Dieu , ny aucun précepte , ny aucun exemple de les vénérer , mais nous auons &: des commandemens tres-pre- cisj &:des exemples très- autentiques qui le nous défendent. La defenfe en eft tres-expreffe en ces paroles du fécond commandement de la Loy. Tu ne te feras aucune image t Aillée , ny reffemhUnce des chojes quïfont Ik haut au Ciel, ny icy bas en la terre , tu ne te froflerneras point deuant el- les-^CT ne les feruiras point. Et en celle-cy du quatriefme Chapitre du Deuterono- mç..i Vom prendrez bien garde 'fur vos âmes , ( car vous nauez veu reffemh lance au- cune au iour que nofre Dieu a. parlé à vous
pour ceux de UB^elig. l^s>
en Oreh du milieu du feu : ) De fenr que vous ne vous corrompiez , (^ ne vous fafiiez. quel- que image taillée , eu refJemhUnce qm vous ref refente chcfe quelconque , qui fott effigie de ma fie ou de femelle y ou effigie d aucune hefie qui f oit en la terre y ou effigie d aucun oifeau ayant aife qui vole par les deux. Et cela eft répété &: dans le mefme Chapitre àc en mille autres endroits. Les exemples en font en ce que c'a efté la, confiante ^ in- uariable pratique des luifs > den auoir au- cune reprefentation de chofe viuante qui peuft le moins du monde attirer leur de- uotion^&c en ce que les premiers Chreftics y ont encore eu plus d'auerfion qu eux , &: s en font gardez auec vne fouueraine dili- gence. Il eft bien certain que ceux qui ont introduit la couftume de mettre des ima- ges en l'Eglife^S^ de les y honorer^ont ap- porté touç ce qu'ils ont peu de fubtilité, pour nous faire croire que Dieu ne nous la pas dçfendu.Tantoft on y diftingue en- tre idole Se mage,Sc repr^fentatiô de chofe$ C[mfcnt,8cdc cdlcs qui ne font point Tâtoft on va chercher la forme des Chérubins dedans le Sanctuaire deffus rArche5.&: dâs les courtines dont le Tabernacle eftoît çouuert. Tantoft on dit que ce comandQ-
ijQ apologie
pient eftait cercmcniai &c légal ^ ^ que nous n'y fpmmes plus aftreints fous l'E- uangile de lefus Chrift. Tantoft on em- ployé quelque autre artifice pour nous rendre la tranfgreflion de ce commande- ment moins fcandaleufe &: moins eftran- ge> Mais on ne fçauroit tant faire pour- tant 5 que cela nous deliure des peniécs que cette forte de deuoùon lette dedans; nos efprits ; car quelle apparence que les Çhreftiens de maintenant entendent mieux cescommandemens que lesluifs, à qui ils ont efté donnez par Moyfe mef- me>poiireftrela règle de leur pieté, ny que les premiers Çhreftiens qui auoicnt receu le Chriftianifmc de la bouche des Sainfts Apoftres ?Ou qui a donné le pou- uoir aux Çhreftiens de ces derniers temps, d'interpréter les ioix de Dieu, que les luifs &lespremiers Çhreftiens» ont rcceuës &: exécutées tout fimplement , fans entre- prendre de les glofer d'aucune e:^pofition telle qu*eft celle dpnt à cette heure on les enerue^Et s'il fetrouuequeces interpré- tations ne foient pas félon le fens du Le- giflateur^quinou^ g^réntira delà maie- diâionqueces Ioix dénoncent à ceux qui les violent ^ ï'ay defîa dit que ie ne veux
pour ceux de la Rclig, iji
nullement encrer icy dans la Controuer-- le: mais celan'empefchera pas que ie ne mecce icy en auant les precaucions fous lefqaeil'wS le Cardinal B^ilarmin veut que les imaiTes foient vénérées j afin de voir s'il y a raifon de nous vouloir du mal,' po Siïct que nous n y pouuons confentir. Il apporte donc premièrement au fécond li-, ure qu'il a efcrit de cette matière, trois di^ ilinftions qu ileftime préalables à la deci- fion de la queftion > &: à la reconciliation: des diuerfes opinions des Dodeurs Ca- tholiques Romains; puis après il met en auant quatre ou cinq propofitions? dans lefquelles il comprend toutes les règles de ladeuotiondes Chreftiens en cetefgard. H diftingue entré les chofesqui fe peuuent honorer de pare lies mefmcs.cçyxnvat le Roy 3 excelles qui ne s'honorent fmon far acci- dent feulement-, comme la pourpre dont il eft veftu. Item , entre les chafe$ qui fe peuuent honorer a. caufe â^ elles mefmes ^ comme font celles qui font fainftes 8c fa- crées de leur nature ; 6^: celles qui fe peu- uent honorer k caufe de certaines autres yCO m- me les fignes des chofes fàcrées^à caufe de la rerfemblance qu ils ont auec elles. En- fin^ encre les chofesqui fe peuuent hono-
iji ^^ologîç
rer prcprement , comme quand on fait de l'honneur à vn mon , que I on porte effe- ftiuement dans la pompe de fes funérail- les : & celles qui fe peuuent honorer im- froprement comme quand on fait de l'hon- neur à vne image de cire qui reprefente le mort.dont le corps eft en quelque lieu ail- leurs. Ces propofîtions font: ^lutles ïmxg^s. ' ds Chrifi dr des Saincis dcïuent eflre venc- rées y non p^ feulement pù.r accident , ny im - proprement , mais de par elles me [mes , d^ pro- prement^ tellement que U vénération au on leur vendfe termim, en elles , entant quelles font confderêes en elles mefmes , dr non f as fuie ' ment entant quelles fupplecnt à lahfence de t' original quelle^reprf entent. En après : ^ue pour ce qui regarde, la façon de parler de cette matière i notamment dans les prédications qui fe font au peuple , Une fatst pas dire qu aucunes images do tuent efire adorées de t adorât wn de U^ m>, qui eft celle qu'on doit à ladiuinité> mais au contraire y il faut dire qutl ne les faut p4.sainfi adorer, Neantmoins il adjoufte en troifiefmelieu;^^/?^/^^^/? qui e/fde Ucho- fe mefme , on peut accorder que le s images peu- uent efire honorées ou fermes improprement oh par accident y du mefme genre de culte dont [o- rigmal mefme doit efire honoré ouferuy. Cç
ffour ceux de la Relig. i j3
qui efl vne merueilleufe manière de pref- cher 5 que non feulement on ccle au peu- pie la vérité , mais qu'on luy prefche le contraire ; car proprement ou impropre- ment, par elles-mefmes ou par accident, tant y a qu'elles peuuent eftre honorées ducultedeubàladiLiinité^ri ce font ima- ges delaDiuinité mefme. Ce donc qui fe peut &: qui fe doit faire en leur efgard, pourquoy ne fe doit-il pas dire ? Ou pour- quoy enieignera-t'on au peuple le con- traire de ce qu'il faut qu'il pratique ? Il dit de plus, afin que perfonne ne s y trompe ; ^^e l ^ image ne doit Va6 élire adorée par elle mefme c^ proprement :> du mefme culte duquel on honore l' original, é^- partant qu il ne faut adorer aucune image par elle mefme ^ propre- ment-, du culte que Von nomme de latrie. Fi- nalement il conclud, ^ele culte qui par foy-mefme ^ proprement e fi deuh aux images ejl vn certain culte imparfait , qui fe rapporte analogiquement dr rednciiucment k la mefme ef^ece du culte qui efl deu a fon original. QA)n me die vn peu icy au nom de Dieu , com- ment nous pourrions faire entendre au peuple toutes ao^s diftinftionsj de par foy S>c par accident ^c^d^ à caufede foy^ ^ d'à caufe d'vne autre chofe ^ de proprement &c d 'impro-
IJ4 j4t)ologtc
ment i d ' ândofni^ue'riem 3c yedticîhtement , SC ce que liiy eft oppoféj de ^Wf;7 & de /'r<:'/>r6'5 de r)s^//'(? pârfatt ^ &: de culte impArfait , dont l'vn eft deub à / original , &: / '^«/r^ à la co- fie^. Qf£on mediecncorcaunoindcNo- ftre Seigneur > quand nous aurons def- ployé toute laddrefle de nos efprits à Tm- terpreter au peuple , &: que Dieu luy aura donné plus de capacité que d'ordinaire^ll n'en a pour le comprendre ^ lors qu'il fau- dra efFcdiuement le profterner deuant les images, comment ôc luy &: nous pourrons nous garder en nos efprits toutes ces di~ ftinûions 5 S^ coniment pourrons-nous fi bien partager les mouuemens de noftre deuoiion, que nous ne foyons point fujets à nous y mefprendre? Car ii par vn mefme aftc de mon entendement i'honore l'ima- ge &: fon original, comment pourra eftre mon adoration direûe &: reflexiue,propre &: analogique par fo.y 6^ par accident, pro- pre &: impropre, terminée en l'image ^ relatiue à l'original, de latrie èc non de J a- trie tout enfemble? Et s'il faut que cela fe fafFe par diuers aftes de mon efprit , qui fe fuGcedent les vns aux autres , comment pourray-je fi biçn en déterminer les mou- uemens , que quand l'adoreray l'image de.
pour ceux de la Relig. iy|
Tcfus-Chrift proprement &: àcaufe d'elie- inefme, 4^ cette forte de culte qui luy con- uient, ie ne fafle aucune reflexion fur fon original > de peur de Thonorer dVn culte inférieur à fa dignité ? Puis quand le la- doreray par accident , improprement Se reflexiuement à fpn origmal feulement, comment pourray je fi bien faire que mon ame ne s'attache nullement à elle pour- tant 5 de peur de luy rendre l'honneur qui ne conuient qu'à la Diuinité mefme ? Ou eft l'homme viuant qui ait fçeu fibien me- furer les opérations de fon efprit>&: no- tamment en vne chofe fi ardente Se fi vé- hémente que doit eftre la deuotion,que de ne confondre point ces idéc$ l Cependant le moindre péché en cela eft mortel , la moindre inconfîderation qui s y commet^ eft vn adultère de l'âme : m.ais pour n'en- trer pas plus auantdans cette difpute, ie mecontenteray icy d'vne confideration, qui, ie m'afleure , nous exemptera de blaf- me enuers toutes perfonnes raifonnables» Ceux de la bonne volonté de qui nous auons le plus de befoin en diuerfes occa- fions, font les luges Se les Magiftrats>à qui eft commife l'adminiftration de la luftice en ce qui nous regarde. Et laLoy ? félon
}S6 apologie
laquelle ils nous doiuentiugei , font les Edifts de nos Roys, &: généralement tou- tes les conftitutions qui ont efté faites en faueurde nos Eglifes. levoudrois donc qu'ils me fupporcaflcnt en la hardieffe que ie prendrois de leur demander , en cas- qu'ils y euft quelque article dedans les Edifts par lequel quelque chofe nous fuft anffi clairement défendue, que T vfage des Images en matière de pieté eft defFendu à tous les hommes par la Loy de Dieu , s'ils nousreceuroient à excepter contre la def- fenfe par des diftinftions&ides interpré- tations femblables à celles qu'on apporte à ce commandement. Certes tout ce que nous pourrions attendre d'eux de plus mo- déré feroit^quecen'eftpas à nous à inter- préter les Loix,maisàceluyquilcs a fai- tes , & que fi on nous donne la liberté d'é- luder par nos diftinûions la volonté du Souuerain 5nous auons affez d'inuention ôc de fubtilité pour le faire : envn mot^ qu'il fe faut tenir aux termes précis de la Loy, &: la pratiquer exactement fans tou- tes ces chicaneries. Etlàdeflusonnousfe- roitincontment desdeffenfes qui coupe- roient dans la racine toutes nos fpecula»
pour ceux de Ul{e/ig. j^y
tions 5 6c qui tireroiem après elles des cha- ftimensbien rigoureux, fi nous auionsla hardieflede rien entreprendre allencon- tre. Nous fupplions donc ces Meffieurspar la charité de Noftre Seigneur , qu'ils ne nous vueillent point de mal de ce que nous ne faifons point enuers Dieu , ce qu'ils ne pourroient foufFrir que nous fif- iions enuers eux, & fi nous redoutons en- core plus la feueritédefesiugemens, que nous ne faifons la leur en de telles occur- rences. Comme tant s'en faut qu ils nous blafmafTent d'eftre religieux obferuateurs de laLoyde ncftre Prince, d>c timides a l'interpréter , qu'au contraire ils nous en loiieroient * &:iugeroient noftre modeftie digne de recommandation j ils ne nous doiuent point fçauoir mauuaisgré de ce que nous fommes fcrupuleux en ce qui eft de lobferuation des loix du Souuerain iu- gecM monde ; car la Majefté des Roys qui eft imprimée dans leurs loix, eft à refpe- âer tant 3c plus ; mais la Majefté du grand Dieu^dont il a mis Temprainte enfes corn- mandemens,reft fans contredit beaucoup dauantage.
On pourroit icy douter fi ie deurois met- tre la doctrine du Purgatoire au nombre
i;8. Apologie
despoinftsfur leiqutls noiisauonsà faire nofti'e Apologie , pource que nous ne les croyons pas ; car il ell: bien vray qu'elle eft extrêmement éloigncede noilre croyan- ce, &: eft vray encore qu'elle eft peut eftre vne de celles pour la reje6tion dcfquelles nous auons le plus encouru de haine à l'ef- gard de quelques-vns. Mais ce ne font pourtant pas ny les peuples ^ny lesMagi- ftrats, ny les Grands , qui nous veulent du mal à cette occafion ;ce font lesEcclefia- ftiques, Se les Moines , &: l'Euefque de Ro- menotammentj àqui le renuerfement de ce dogme peut autant preiudicicr, que fon eftabliflement leur a apporté d'accommo- dement &: dVtilité. Car c eft làdefllis que font bafties tant de bonnes friches fon- dations 5 c'eft de là que germe la neceflité de tant de Mefles , c'eft ce qui a donné cré- dit aux Indulgences &: aux Pardons , 6c fans cette opinion , le threfor des Satisfa- ftions 5 dont le Pape garde la clef, feroit entièrement inutile. Quant aux autres de cette communion , il y en a vne infinité qui ne croyent du tout point de Purgatoi- re : 8c de ceux qui le croyent , la plus-part le craignent plus qu'ils ne l'aiment ; de forte qu'ils ne doiuent point trouuer mau-
pour ceux de U ï{elig, i0
liais j, que nous ayons cherché dans la Pa- i'ole de Dieu le moyen de nous en affran- chir. N-antmoins pource que ks Ecclc- iiaftiques ôc les Religieux ont vne grande puijflfance fur les efprits des ancres ordres de cette communion,&; que la haine qu'ils ont conceue contre nous à caufe de l'abo- lition du Purgatoire , les rend plus ardens &: plus animez à allumer celle que les au- tres nous portent pour d'autres occalîons> il vaut mieux en dire quelque chofe en paflanc, à ce que noflre iuitificacion en (bit plus compiette. Certainement s'il y auoit en l'Efcriture feulement quelque ombre apparente d'enfeignement qu il nous faut attendre quelque telle forte de tourment après cette vie^it faudroit tafcherde refou- dre nos efprits à erl receuoir la perfuafion, bîenquelledoiue eftre accompagnée dé beaucoup de douleur Se de chagrin. Car- bon Dieu qu'eft-ce que cela > qu'après tant de miferes qu'on a foufFertes en ce mondé icy, 3c au milieu des angoifles de la mort qui a accouftumé d'eftre li efpouuantable, on nous vienne troubler l'imagination ds l'apprehenfion d'vn feu horriblement cuî- fantjdans les flammes duquel nos âmes doiuent eftre tourmentées durant ie ne
fçay combien de liecles î Nous admirons la fermeté du courage des Martyrs, qui ont pu le refoudre à la foufFrance du feu pour deux ou trois heures tout au plus, &c quand nous les nous reprefentons roftir fans le defeiperer, l'idée feule de ce fuppli- ced'vncofté 5 &: de leur conftance de l'au- tre 5 comble tout enfemble nos efprits de tremeur Se de merueille.Q;^ doit-ce donc eftre de ceux à qui on fait voir en mourant cétefFroyableabifmeouuertjOÙ le feu eft incomparablement plus ardent que celuy que les Martyrs ont efprouué delfus leurs bufchers 5 & auquel il n'y en a pasvn qui ne fe doiue prefumer eftre condamné pour tant d années ? Mais puis que la Pa~ rôle de Dieu n'en parle point, &c qu'il n'y a DoÊteur en la terre qui en ofaft entrepren- dre la preuue par elle fans la Tradition, quel mal nous peut-on raifonnablement vouloir fi nous nous fonimes par la grâce de Dieu deliurez de cette gefne? Car pour ce qui eft de la Tradition, i*ay defiâ dit ail- leurs que c'eft chofe qui ne nous touche pas beaucoup , à caufe de Téloignement Se de l'obfcurité de fes fources,&: de la con- teftation que nous voyons eftre entre les fçauans touchant la pureté ou impureté
de
pour ceux de URelig, itfl
de fes milTeaux , chacun des partis preten-» dantque la Tradition eft pour luy. loinc qu'il y a beaucoup plus de raifon de croire que le Purgatoire eft vne inuention de refprit humain , Se vne imitation des Payens 5 dans les efcrits defquels les Do- âeurs de l'Eglife Romaine ne nient pas qu'il ne foit tout du long , comme dans Virgile de dans Platon , que non pas vne doftrine du Chriftianifme. La Religion C/hreftienne eftât en toutes fes autres par-* tiesdeftinée à la joye&: à la confolatioiî de nos efprits ,& propre pour les affeurer contre la crainte de la mort , 6c de tout ce qui peut venir en fuite y il n'y a du tout point d'apparence qu'en celle- cy elle fe loit eftudiée à remplir nos cccurs d'alar- me 8c d'efpouuantement. le diray quel- que chofe de plus. Q^y que la Parole do Dieu n'en enfeignaft rien difertement > Se que la Tradition y fuft encore plus dou- teufe, quoy que le reftede la Religion ne s'y accordaft pas oumertement , fi nous voyions que raboliffement du Purgatoi- re apportaft quelque diminution à la gloi- re de Dieu , 8c de Noftre Sauueur , nous effayerions de faire en forte que le zèle ^ue nous aidons pour eux 3 l'emportaft
L
Ut apologie
pardeffus ledèfir que nous auons de nous procurer contentement &: latisfadion à nous-mefmes. Gar fi Ton prend à gloire d'endurer quelque chofe pour l'honneur des Princes Souuerains, il ieroit beaucoup flusraifonnabie que nous feruilTions à ce- îuydcNoftre Sauueur, & que pour cela ilDus nous difpoiaffiDns aux foufFrances les plus redoutables. Mais quoy ? Nous prateftohs eh la fincerité de nos cœurs, qu'outre l'intereft de noftre confolation &: de noftre paix> c'eft celuy principale- ment de la gloire de Noftre Seigneur5qui flous a fait entreprendre la deftruftion de cet édifice. Nous voyons que 1 Efcriturc le nomme nofire Sauueur^ &c ce doux Se pré- cieux Nom refottiie perpétuellement en la bouche de fonEglife. Elle dit qu'il à fait la purgaûon de tous nos fech^'z^^SL n'ex- cepte de cette expiation aucune de nos of- fenfes^ Elle protefte qu'il nous a deliurez de la malediàion , & que déformais il ri y a, fins de condammtio^^ournoiis Elle nous reprefente Noftre Seigneur introduifant le Larron e//P4;'^^/dfdésle iourmefme de fa mort , &c nous promet qu'au déloger de ce corps , nous ferons Irecueillis dans le do^ imiâle celejie. En vn ùiot elle efleue nos
pour ceux de la I{elig. j^j
efprits vers la bien-heureufe immortalité, & nous réjouit à la mort de l'efperanee iqu elle nous en donne. De forte que nous croirions trop preiudicier à l'honneur de ce Rédempteur, Se à l'efficace de fa Croixi finous croyions que nous çiiflîôs encore à fouffrir quelques tourniens5&: à faire quel- que fatisfaftion pour nos crimes. En effet en l'Eglife Romaine on exempte les Mar« tyrs du Purgatoire par vn priuilege fpe- cial. Si donc Ton prétend qu'ils en doi- uent eftre difpenfcz à caufe de ce qu'ils ont enduré , pourquoy ne le ferons nous pas en vertu de la mort de Chrift , laquelle nous eft imputée ? Eft-elle moins digne de nous obtenir vne entière exemption de toute la peine de nos péchez , que les foufFrances des Martyrs ? Ou riir.putation que Dieu nous en a fait afin de nous ra- chepter par là , eft-elle moins efficace à nous en deliurer , que fi nous Tauions âduellement endurée ? Mais pour n'aller pas plus auant en la difpute , il me femble que Meffieurs les Magiftrats fe doiugnt in- terefler auec nous en la defFenfede cette vérité 5 car ils condamneroient d miuftice vn créancier qui fe voudroit faire payer deux fois dvne mefmedebte: Si fp con-
1^4 Afologie
damneroient eux-melmes d'inhumanité^ s'ils puniiroient deux fois vn mefme crime félon la feuerité des Loix. Or nos péchez font comme debtes,Dieu comme le créan- cier i lefus-Chrift comme noftre caution. Nos péchez font véritablement des cri- mes > Dieu le luge de l'vniuers , lefus* Chrift le pleige de tous les fidèles. De forte que leur pratique inuiolable en Tad- miniftration de la luftice , &: la créance qu'ils doiuerit auoir que Dieu n'eft pas moins iufte ny moins équitable qu'eux Jes conuie à prendre noftre party dans la con- trôuerfe que nous auons auec les Moines Se les autres Ecclefiaftiques pour cette créances car quant à la nouuelle inuen- tion de quelques-vns , que les peines du Purgatoire ne font pas tant fatisfadoires enellesmefmes,quapplicatiuesde la fa- dsfa£bion de lefus-Chrift, c'eft vne diftin- £kion que Meilleurs les Magiftrats ne doi- uent iamais goufter.La raifon en eft^qulls ne foufïriroient nuUemct que ny le paye- ment, ny la peine quVn autre a fait, ou foufFcrte en qualité de pleige &: de cau- tion , fuft appliquée au premier Se vray debteur par vn autre fécond pay ement.ou par va vxiic nouueau fupplice. AlTcuréf
pour ceux de URelig. iV|
ment fi la luftice humaine receuoit les cautions en matière de crimejclle ne fouf- friroitpasque fi Meuius auoit efté pendu au bois pour le forfait de Titius j de forte que par ce moyen il euft efté pleinement fatisfait auxLoix, la fatisfaftion rendue par Meuius fuft appliquée à Titius parla foufFrancedu fouet , ou par quelques an- nées de galères.
SECTION V.
Que pour ne croire pas ny la TranJJuh^ ftanttationy ny le Sacrifice delà Mejfe^ ceux de la Reli^on ne méritent point l \auerfion de perfonne.
DE cette grande multitude d'articles pour lefquels il y a tant de difputes entre les Chreftiens depuis fix ou fopt- vingts ans , ie n'en produiray plus que trois, pour n'eftrc pas long : la doÊtrine de de la Tranffubftantiation : celle du Sacri- fice de la Méfie , Se celle de l'authoritc de rEuefque dé Rome: à quoy i'adioufteray quelques confiderations fur nôftre fepara- lion de fa commwnion. Car fi ie puis mon--
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16& ' apologie
ftrer, comme ierefpere 5 qu'il n'y a niillô raifon de nous haïr à roccafion de ces trois ou quatre chefs jie me fais fort de la reconciliation de nos plus grands aduer- faires en tout le refte. Pour ce qui eft de la Tranffubllantiation , le plus grand , &c peut-eftre IVnique fujet de la haine que îioftjre créance nous attire fur ce poinft^eft que nous ne voulons pas rendre au Sacre- ment l'honneur que Ton penfe luy eftre deub comme au Seigneur lefus-Chrift ^Dieu&: Homme tout enfemble. Nous ne l'accompagnons pas en proceflion , nous ne nous profternons pas deuant luy quand nous le rencontrons 5 nous ne Talions pas adorer deflu$ les Autels dans les Eglifes, ipn vn mot nous ne le tenons nullement pour Dieu 5 ce qui offenfe merueilleufe- ment ceux qui l'adorent. Véritablement fi ç eftoit faute :d'afïe6tion enuers Noftrc Seigneur qui nous portaft à refufer au Sa- crement rhonneur qu'on defi^rc de nous a nous ne nions pas que nous ne meritaf- fions dcftre en horreur a tous les Chre- ftiens. Car quel honneur ne doit-on point ècçluy quieft Dieu bénit éternellement? Et de quel amour ne doit-on point reco- gaoiftre la charité qui l'a induit a vouloir
pour ceux de U Relig. iëf
lîîQurir pour nous entant qu'il eft Hom^ me ? Mais puis qu'on ne nous peut accufei? de cela, &:qu au contraire c'eft rextreme' refpeâ: 3c la deuotion ardente que nous auons pour lefus-Chrift, qui ne nous peut; permettre de rendre ces honneurs à autre qu'à luy,il me femble qu il eft euident que ccft à tort qu'on nous haït pour ce fujct, îufques à ce qu on nous . ait monftré que çcit opiniaftreté de obftination d'efpriç qui noi4s empefche de croire que Noftre' Seigneur foit par Tranflubftantiation en* l'Euchariftie. Ce que les Athées font êïi exécration à tout le monde , c'cft trea^ iuftement 5 pource que Dieu ayant ef{)an-" du par tout au Ciel Se en la Terre tant dé preuues iadubit^blesdefaDiuinité > U'I^ façon mef me de laquçUe les hommes fon^ CQmpofez^auecles facuUez dont ils fonc doîiez , leur en fournifTant des argumens irréfragables , ils ne peuuent reuoquer e» doute vnc vérité fi confiante , Se dom: 1^ nature mefme a mistant defemencesen nos efprits , finon par vne obftination vo-. lontaire , Se qui decouure manifeftemenG la haine qu'ils ont contre Dieu. Car il$ ne croyent pas qu'il y ait vn Dieu , pour- ce qu'ils ne le veulent pas croire , ôc i^q
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le veulent pas croire, pource qu'ils vou- droient qu il n y en euft point. Ce que les Hérétiques qui nient qucNoftre Sei- gneur lefus-Chrift foit Dieu , font en deteftation à tous les Chreftiens , ceft tres-iuftement encore. Pource qu'il y a dans la Parole de Dieu tant 8>c de fi éui- dens tefmoignages de la Deïté delefuç- Chrift 5 que ceux qui font profeflion de receuoir cette parole , ne peuuent rejetter cette vérité. fînon par vne incrédulité afFe- 4lée , qui monflre ou vne tacite haine, QU vn mefpris tout ouuert de la Maiefté dje, ce grand Sauueur. Ce que les luifs ne le receurent pas autresfois pour le Meffie que les Prophètes auoient pro- mis , &c que maintenant encore ils ne le recognoifTent point pour leur Redépteur, c'eft vn crime qui mérite la vengeance qu'ils ont foufferte de la main de Dieu, $c rindignation qu'ils efprouuent de la part;- des hommes. Ce bon Se glorieux Çeigneur a to.ufiours monftré dans fa perfonne , Bc dans fa dodrine , Se dans fes adicns , 6^ monftre tous les iours en h vérité de fon Euangile,en la con- duite de fon Eglife , &c au gouuerne- ment de Tvniuersjtant &:de fi exp/'cffes
pouf- ceux de la Relig. 1^5 marques qu'il eft celuy dont les SainÉts oracles auoient parlé, qu'il ne peut auoit eftc mecognu , &c ne peut encore eftre re- jette, finon par ceux qui font aueuglez de quelque paffiondefefperée. Mais quant a nous, i'attefte icy la confcience de tous les hommes , fi on nous peut accufer de quel- que chofe de tel fans vnetrop grande în- iuftice.Pour faire que noftre Seigneur foit en TEuchariftiedelafaçon qu'on le pré- tend , il eft neceffaire que Dieu y produife ienefçay combien de miracles fi grands , 8c fi extraordinaires , qu'il n'en a iamais fait de femblables , ny par les Prophètes, ny par les Apoftres,ny par la main mef- medefonFils:Car défia deconuertir du pain , qui eft vne fubftancc inanimée , en vn corps humain Se viuant , Se doiié d' vne ame a giflante ôc raifonnable , c eft à quoy tous les fiecles precedens n'auoicnt rien veu de pareil. A la vérité Dieu a formé le premier homme de la terre, &: a donné à cette matière des difpofitions 8t des orga- nes qu'elle ne pouuoit auoir que par vfi miracle fignalé. Mais il créa de rien l'ame qu'il y vouloir infpirer , 6i ne la tira pas de cette matière terreftre.Icy il faut que le corps 6c l'ame de noftre Seigneur vien-
Î7Q j^pologie
nent de la fubftance du pain , fi, coir me le Concile de Trente l'a deôny, toute la fub- ftance du pain eft conuertie en toute la Tubilance du corps du Sauueur du monde, ^pres ccla> il faut que Dieu conuertiile jcette fubftance en vne autre , laquelle exi- ftoit défia auant que cette conuerfion fe fift 5 à quoy il n'y a encore iamais rien eu de femblable : Car s'il a conuerty la ycvgç, d Aaron en ferpent > ce ferpent n'eftoit point auparauaht : Se s'il a changé l'eau des nopces de Cana en vin > ce vin n'eftoit point non plus auant cette tranfmutatioii. Au lieu que le corps de noftre Seigneur exifteilyadefia plusdefeizefiecles,. De plus , il faut qu'il fafle qu'yn corps humain qui garde toutes fes dimenfions , de long> de large , Se de profond , ne tienne point de place pourtàntice dont il n'y eut iama;i5 aucun exemple: Car iufques à la Tranfub- ftantiation on auoit toufiours. mis cette différence entre les efprits êc les corps^ qu'aux yns on ne donnoit point de certain efpace pour occuper , pource que les fub^ ftancf s fpiritueiles n'ont ny quantité ny parties : mais quant aux autres on leur auoit toufiours affigné va certain lieu^^ dont ils rempiiffoientjes effaces par Te?-.
pour ceux de h Kelig. 171
ftenduèdes parties defquels ils eftoient çompofez.Oucrecela^il eft neceffaire qu'il jfaire qu'vn feul &: mefme corps ) qui ne fouffre point de diuilîon > foit en plufieurs 6c comme infinis lieux diftans l'vn de l'au- tre tout à la fois- Ce qui n eftoit iamais tombé en l'imagination des hommes : car on auoit toufiours çreu que comme les lieux diftans de quelque interualle, font auffi difFerens en nombre , &: fe comptent par yn, &: deux , 5^ trois, félon la multitu- de qu'on s'en imagine , ainfi les corps qui font en ces lieux difFerens 5 différent en nombre aulTi, 6c fe compte de mefme que les lieux où ils fe trouuent. Au lieu que fi ce qu'on dit de cette TranfTubftantiation eft vray 5 on peut bien compter les lieux pu eft le corps de lefus-Chrift^mais non iuy , pource qu'il demeure toufiours vn> en quelque multitude de lieux qu'il fe trouue en mefme moment . Il faut encore que Dieu faiTe que les accidens d'vne fub- ftance telle qu'eft le pain 6c le vin, co mme font la figure , 6c la couleur , 6c la faueur, fubfiftent après que la fubftance eft abolie, fans aupir aucun fondement de leur cxi^ itence,ny au corps de Ghrift, ny en au- cun autrefujet. Ce qui ne s.'eft iamais veu
i-jL Apologie
en aucune autre occafion : car on auoit toufiours creu que la couleur > & la figure, ^clegouft, dependoient tellement de la fubftance en ce qui eft de leur exiftencc, qu'ils nepouuoient demeurer linon dans vn certain fu jet. Et ce qui n eft pas moins merueilleux , il faut pardelTus tout cela qucDieufaffequeles accidensdVne fub- ftance telle qu eft le corps de lefus-Chrift, exiftent &:refident véritablement en leur fujet , fans neantmoins lafFeder en au- cune forte, de la façon de laquelle les ac- cidens affedent naturellement la fubftan- ce dans laquelle ils fontj car le corps de Chrift y doit auoir vne couleurjqui néant- moins ne le rend ny coloré ny vifible; il y doit auoir vne folidité , qui neant- moins ne le rend nullement palpable: il y doit auoir vne figure , qui neant- moins ne donne à fes membres aucune configuration : &:ainfi de tous les autres accidens qui l'accompagnent. Or depuis le commencement du monde on n'auoit rien cognudetehôc n'y auoit eu iufques à la Tranffubftantiatlon fubftance aucu- ne en IVniuers, que Ton ne qualifiaft fé- lon les accidens &: les qualitez dont elle eft enuironnée. Enfin, il faut que Dieu
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pour ceux de la Relig. 173
faffe quVn leul de mefme corpà de no- ftre Seigneur, ait vne exiftence naturel- le dans le Ciel , 8>c vne autre Sacramen- telle en la terre , vn eftat glorieux là , haut 5 &c vn autre conremptible icy bas; 6c qu'il fe voye > 6c qu'il fe fente 5 Se qu il fe croye affis en magnificence à la dex- tre de Dieu, &c que neantmoins il fe voye, 8c fe fente , de fe créyc entre les mains dVn Preftre en mefme temps : ce donc aucun des fiecles precedens na iamais fait l'expérience; car iufques à la Trani- fubftantiation on auoit toufiours creu que chaque chofe , qui n'eft qu vne , n'.a qu'vne eflence , ny qu vne exiftence par confequent ; Se que fi elle a quelque con- noiffance Se quelque fcntiment de foy , elle ne peut pas iuger autrement d'elle mefme fans commettre des extrauagan- ces. Iufques là que les Comiques en ont fait des rifées autrefois , qu'on a encore depuis peu portées delTus le théâtre en noftre langue. Dr n'auons nous que trois voyes de nous perfuader la vérité des chofes , foit naturelles ou miraculeu - fes : c'eft à fçauoir les Sens > la Raifon> Se la Foy. Les Sens font pour difcer- ner les çhofes fçjnfibles , comme les
174 jifologie
couleurs , 6c les figures , &: les fons , & le^ odeurs, &: les faueurs , &c toutes les quali- tez qui tombent fous lattouchement. La Raiion eft pour cognoiflre les chofes in- telleauelles defquelles nous fonimes na- turellement capables , pour les comparer les vnesaux autres félon les rapports^: les proportions qu elles ont entr'elles, &: voir comment elles s'ajuftent :, &: comment el- les fe contrarient , pour les affirmer ou les nier, prononcer celaeft vray ou cela eft faux^ielon que nous eh àpperceuons ou l'accord ou la repugnance.La Foy eft pour âcquiefcer à l'authorité diuinc dans les chofes qui furpaflent ou la comprehen- fion, ou au m.oins certes l'inuention de noftre intelligence, &: quà cette occafion Dieu nous avoulureueler. Voyons donc fi l'on nous peut accufer au fiijet dont il s'agit de n vfer pas comme il faut de quel- qu'vn de cos principes de nos cognoiflan- ces.Pour ce qui eft des fens,tous les noftres nous perfuadent le contraire de ce qu'on nous dit de la Tranffubftantiation. Nous ny voyons , riy entendons, ny flairons,ny gouftons, ny touchons rien qui ne nous attefte que c'eft du pain 6c du vin , & non le corps 6c le fangduSauueur du monde.
pour ceux de la Relig. ijj
JLcsfensdeceux quicroyentla Tranffub- ftaiitiaaon en iugeat de melmes que les noilres , 2^ depuis l'inflitution de la pre- mière Cène du Seigneur iufqua mainte^ nanc > il en a touliours efté ainli ,&: en fera toufiours ainfi lufques à la confommation desfieclcs. leneiçaylion appel! eopinia- ftres ou infenfez ceux qui ne fe lailTcnt pas perfuader à l'expérience qu'ils font de la naturedes chofes par le moyen de leurs fens. Ariftote dilbit qu'à ceux qui ne croy ent pas quele feu foit chaud, il ne faut que le leur faire toucher ; fi après cela ils perfiftent encore en leur opinion , il n'im- porte pas beaucoup comment on les nom- me. Mais tant y a que quant à nous on ne nous peut pas accufer ny de cette folie j ny de cette obftination^de refifter détermi- né ment à la depofition de nos fens , puis que nous iugeons des chofes conformé- ment à la realité des qualitez qu'ils nous enreprefententicarnul ne nie que ce ne foient là véritablement les accidens du pain Se du vin , comme nos yeux Se noftrc gouft. Se nos autres fens nous en atteftent. Pour ce qui eft de la raifon^c'efl: vne facul- té fuperieure aux fens à la vérité. Se qui eft deftinée à nous raddreffer de leurs erreurs
Ij^ jipolagic
quand il leur arriue d'en commettre. Ain- Il , encore que nos yeux iugent qu'il y a de véritables couleurs en larc-en-Ciel , ou qu'vn bafton quç nous auons mis droit en l'eau, y deuient vn peu courbé , ou qu vnc longue allée fe fait plus eftroite à mefure qu'elle s'efloigne de nous 3 noftre raifon nous fait croire le contraire pourtant , 6c nous perfuade que cela vient des diuerfes reflexions bc pofitions de la lumière , de la diuerfité des deux moyens qui nous rap- portent la reprefentation de l'obiet , Se de ce que les rayons que l'on appelle vifuels font en nos yeux les angles de leur ren- contre plus ou moins aigus , à proportion delà diftance de l'objet où ils fe portent. Et on appelle opiniaftres &: obftinez ceux qui s'attachent tellement à ce fauxiuge- ment des fens , qu'Us ne veulent pas défé- rer à vne raifon claire &: euidente. Il eft vray que pourceque de fon codé la rai- fon n'eft pas infaillible5&: qu'affez fouuent il luy arriue de fe tromper > on rcdrefle auflifes manquemens par le tefmoignage des fens. Comme quand vn Philofophc s'eftant autrefois imaginé par ie ne fçay quelle bizarre fpeculation de fa raifon, i]u'il n y auoit point de mouuement, quel-
qu'va
pour ceuk de la Kelig. 1 7 "^
iju'vn fe leua deuant luy 5 &: le mit à fe pro- mener en fa prefence. Et c eft encore ainfi que les Peripateciciens difputent en beau- coup de chofes contre les Sceptiques , en leur faifant voir à l'œil 6i toucher à la main la certitude des choies dont ils pen- fent pouuoir douter par le difcours de la raifon. Ainfî ces deux facultez s'entr'ai-' dent IVne à l'autre, &: s'inftruifent mu- tuellement. Tellement que comme ceux là font tenus pour des acarîaftres , qui fans vouloir efcouter aucune raifon , défèrent abfolument tout à leurs fens ; ainfi tient- on pour des aheurtez ceux qui fur quel- que vaine imagination de raifon reiettent latteftation des fens dans les chofes les plus euidentes. Mais quoy qu'il en foit, on ne nous peut icy imputer ny l'vn ny l'au- tre; car puis que nos fens ne fe trompent point en ce qui eftdela Tranffubftantia- tion, &: que véritablement ils nous rap- portent les qualitez des chofes telles qu'el- les font 5 nous n'auons pas befoiri que là raifon vienne à leur fecours pour corriget leurs manquemens , &: nous ne déferons à leur tefmoignage fmon comme il^aut, en croyant que ce font les qualitez du pain &: d^ vin > Si non les accidens d'vne autre
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1^8 jij^ologte
fubftânce. Et quand il y auroit quelque chofe à corri ger au iu gement que no^iens en font , nous ne pouuons eitre acculez d'opiniaftreté> comme fi nous n'vfionspas affez de noftre raifon pour le faire , car iious n vfons de noftre raifon finon fur les fujets qui luy font -proportionnez , &: ne foufmettons point à fon examen les cho- fes qui font au defius d'elle. Or n'y a-t'il comme ie croy perfonne en la commu- tiion de Rome> qui vouluft dire que les myftcres &: les miracles delaTranflub- ftantiation fuffent proportionnez à noftre raifon , ny qui confentift qu'il nous fuft permisde croire ce qu'elle nous endifte. Au contraire > on nous blafme de ce qu'en ces myfteres nous voulons trop efcouter la voix de la raifon 5 &: de ce que nous ne déferons pas affez à vne authorité fupe- rieute. Pour ce qui eft de rauthorité:,nous en parlerons tântoft: mais tant y a que ce feroit vne chofe bien eftrange que ceux qui ne donnent icy du^out rien ny au fens hy à la raifon 5 nous accufaffent d'eftre opiniaftres &: arreftez à nos imaginations» en ce que nous tafchons d'examiner les chofes par la voye des fens & de la raifon, puis que d'ordinaire on nomme de ce
pour ceux ck U Relig* ly^
nom ceux qui ne les veulent pas ehten^ dre. Au fonds, nous faifons tout ce que nouspouuons pour comprédre comment vne chofe qui eft , peut eftre conucrtie en Vne autre qui eft aufli , fans que celle-cy foit premièrement abolie, ny quelle ac- quière vnnouuel eftre, &: nous n'y pou- uons rcuffir. Nous faifons tout l'effort dont nos entendemens font capables^pour entendre comment vn corps humain peut cftre dVne iufte &: naturelle grandeur, &que néant moins il ne foit point befoin d efpace pour le contenir , Se nous n'en pouuons trouuer le moyen. Nous parta- geons tant qu'il nous eftpoflible les pen- fées de nos efprits pour conceuoir quVn corps foit en diuers lieux fepàrez , &: que neantmoins ce ne foit qu vn melme corps> &: nous n'en pouuons venir à bout. Nous faifons en noftre penfée toutes les ab- ftraftions imaginables pour feparer les accidens d auec leur fubftance , &: pour leur donner quelque fubfiftance à part , Se nous ne pouuons fî bien faire qu'ils ne fe diffipent. En vn mot , nous tafchons d a- jufter noftre intelligence à toutes ces mer-^ ueilleslàj&toufiours noftre raifon y fait vne inuincibk refiftance. Nous faifoni
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î8o . jdpoiogiê
encore dauantagejafind'efloigner d'âii- tant plus de nous tout foupçon d'obftina- tion. Nous cherchons dedans les efcrits des Dodeurs de TEglife Romaine quel- ques aides à noftre conception , 8>c nous y trouuons à la vérité force lubtilitez, force diftinftions , force fpeculations Scholafti- ques^par lesquelles ilseflayent de dimi- nuer Tétrangeté que noftre raifontrouue là dedans : Mais plus nous nous y alambi- quons refprit , 3>c moins nous y trouuons de fatisfciftiofi :.plus nous nous efforçons de lesfaifîr , Se plus efchappent-elles à no- ftre comprehenfion , Se s'éuanoiiiffent en fumée. Nous accuferions volontiers la tardiueté de nos efprits 3 dont le mouue- nientneferoit pas affez agile pour attra- per des chofes fi minces > Se qui ont fi peu de folidité s finon que nous trouuons que nousfommes faits comme les autres , &c qu en toutes autres matières nous ne voyons pas que ces Meiflieurs aillent plus auant que nous 5 Se que depuis plus de cent ans qu'il y a eu de toutes fortes de gens parmy nous , Se plufieurs dotiez dVn très- excellent entendement , Se tres-exercité en toutes chofes, quelqu vn fans doute les cuft entendues fi elles eufient cfté intelli-
pour ceux de la Kelig. j8i
gibles. Ce qui nous fait croire que ceux mefmes qui les propofent, le fontjcomme diibin l'Archcuelque de Cologne au Con- cile de Trente, no/i intendendo la materia.mk pr confuetudtne ^ habito di S cola. Affeu- rément, s'ils en vouloient dire laveritéi ils aduouèroienç que ce n eft qu'vne rou- tine d'Efcole, en laquelle leur mémoire agit 3 &: leur imagination cQurt après cer- tams petits fantolmes, où quand la rail ou fait véritablement fon office, elle ne trou- ue pas meime la moindre ombre dVn vray corps. N'y euft-il que cette propor- tion là 5 qu'vn feul &: mefme homme peut s acheminer à l'Orient ô£ à l'Occident en mefme moment, &: venir enfin en tour- nant par diuers chemins au deuant de luy- mefme 5^ fetrouuer luy-mefme front à front 4 &: s'il cpntinuë d'aller , fepenetrei;' par toutes les parties de fon corps,S^ auoir> comme Ianus,des.vifagçs a double ren- contre 5 puis en continuant fon chemin fe feparer de foy-mefmc encore , &: s'il luy prend enuie d'aller au Septentrion &: au Midy en mefme temps > ne fentir au Mi-^ dy la chaleur du Soleil fmon à propor-^ tionde ce que la froideur du Septentrion luy fera de la rcfiftance , il y en auroii
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l82r apologie
affés pour nous faire croire qu ils s'egayêtjN de qu'ils nous débitent ces gentilleffes comme on fait la Metamorphofe d'Ouide aux petits enfans. A cçla donc que ferions nous? Carpuis que noftreconfciçnce nous rend tefmoignage que ce n'eft pas opi- niaftreté qui nous empefche d'acconimo- dernoftre raifon à tout cela pour en re- ceuoir la perfuafion, quel fujet de niau- uaife volonté peut-on auoir contre nous fi nous ne nous y pouuons refoudre? Refte donc maintenant la Foy, qui a pour ob- jet la reuelation de la Parole de Dieu, dans laquelle fi nous fçauions certaine- ment quecemyftere euft efté reuelé com-» me on le prétend? alors certes nous trou-, uerions nous bien enferrez entre nos fens Se noftre raifon dVn cofté. Se la reuela- tion 4^ Dieu de Tautre > car il eft bien vray que fon authorité eft abfolument fouueraine , Se que c'eft crime que d'y re- fîfter. Mais neantmoins pource qu'en tou* tes les autres parties de la Religion, il fe fert du minlftere de nos fens pour nous inftruire , Se que mefmes il n'y reîettè nullement Tentremife de noftre raifon* il yauroit beaucoup de fujet de s'efton- ner qu'il çn ruinaft entièrement les; fon-
pour ceax de la Relig, 183
ftlons&: les opérations en cette matiercc Enfin pourtant nous recognoiflbns qu'il faudroit que l'vn 3c lautre cedaft à la Foy, û le tefmoignage de la reuelation eftoit entièrement irréfragable. Or eft il vray que noftre Seigneur a dit , Cecy ej9 mon corps . &: nul des Chreftiens ne le contefte. Mais auflînulne fçauroit-il nier que cet- te parole ne puiffe auoir deux fens \ Tvn propre 5 corne l'Eglife Romaine la prend \ l'autre métaphorique 3c figuré i comme les RefiDrmez l'entendent j car qui peut douter que comme ces mots, U Pierre elioit Chri i, I. Cor ,10. ont cette intelligence en Sainâ; Paul , U Pierre efiott U figure de le- fus-Chrifi , ceux cy 5 le pain eft le corps de Chri/9,nc puiflent auoir celle-cy pareille- ment,/e pain e1 Ureprefentation, ou comme dit S. Auguftin > U figure du corps de Chrifi^ ^c qu'ils ne prefentent ainfi à l'intelleft vne idée fort raifonnahle ? De fait Bellar- min difputant contre toutes les autres in- terprétations qu'on apporte à ces paroles de noftre Seigneur , dit nettement qu'il n'y a que celle de l'Eglife Romaine ou la noftre qui leur puifTent conuenir , 8c ne contefte nullement que fi on n'a efgard fî~ non à la forme de s'énoncer , cette propa-
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184 apologie
fition,le pain eft le corps de Chrift^ ne puifle receuoir vne expolicion métaphori- que. On ne peut donc nous accufer d'ob- itination contre cette reuelation > iufques à ce qu'on nous ait clairement iuftifié le- quel des deux il faut embrafler àTexclu- lion de Tautie : Car nous voyons que de tous les miracles que Dieu a faits, aucun n'aiamais dernenty le tefmoignage des fens. Au contraire ^ il a necelfairement fa- lu qu'ils ayent tres-yiuement ^ très-cer- tainement conuaincu les fens pour fe faire croire miracles.Ii y a plus.Iamais Dieu n'a fait aucun miracle qui ait choqué la rai- fon: Car il eft bien vray que tous les mira- cles ont quelque chofe au deffus de larai- fon 5 en ce que la raifon eftant la faculté qui eft deftinée à comprendre les propor- tions naturelles qui font entre les chofes> 3c particulieremçt entre les caufes^ leurs effets > comme entre la chaleur du feu &c l'aftiondebrufler^nous voyons que cer- tains tels effets fe produifent fans telles caufes f8c ne voyons point de telles natu- relles proportions entr'eux, Se la caufe qui les produit , qui eft l'opération de la Diui- nitéjcar cette puifflince de Dieu n'eft point 4eterminée a certaine fortç d'effets par
pour ceux de U Kelig- 185
aucune qualité , corne le feu 1 eft à brufler par fa chaleur , 8^ le Soleil à efclairer par fa lumière. Elle eft au deffusde cette dé- termination 5 6c contient tellement en foy pareminence toutes fortes de facultez &: de vertus 5 que neantmoins quand elle fe defploye en quelque opération , nous n'en conceuons en façon du monde la manie-* re. Mais tant y a que lî vous mettez à part la confideration de la caufe qui pro- duit les miracles , Se que vous les confia deriez en eux - mefmes quand vne fois ils ont efté faits 5 il ne s'en eft iamaisfait aucun dont la cojiftitution ne fe fort par- faitement bien accordée auec la raifon. L'eau qui fut conuertie en vin, auoit après fa tranfmutation vne certaine quantité qui rempliflbit certains vailleaux j elle eftoit en vn certain lieu déterminé , Se n eftoit nullement en lautre ; elle auoit le gouft &: la force du vin^^: verifioit fa traf- mutation par là , elle auoit perdu les acci- dens de l'eau, &: ils n'y fubfiftoient plus fans fubftance : bref, la raifon admiroit bien la caufe de ce miraculeux euenemet, mais en l'euenement mefme il n'y auoit rien d'extrauagant, ny hors des termes de la conftitutiôdu vin,telle qu'elle doit eftre
i8(î Apologie
par les loix de la nature. Au lieu qu'en la Tranlïubftantiation ce n cft pas tant la vertu à laquelle on attribue TefFea , qui donne de l'admiration > que Tellre meftne de la chofe produite > qui cho- que toutes les reigles de la raifon &: de Tintelligence. Joignez à cela que Noftre Seigneur fembleauoir pris plaifir à ces fa- çons de parler, tant il s'en fert ordinaire- ment. Il dit qu // eji la porte, qufl e^ lèche* min^^cjdileft le fef, que fon père efl le vigne- ron ; & le Vieil & le Nouueau Teftament n'ont rien de plus fréquent que cette locu- tion^par tout où il s'agit de chofes qui font deftinées à la reprefentation des autres, Lrfssfept YTidiQs font fept années , &: les fept cfpics pareillement : les fept chandeliers d'or font fept Eglifes > ôc les fept eftoiles font fept Anges Se ces façons de s'exprimer font vfitées en toutes langues. La Carte de la France ejl la France, au langage de tout lemondejôil'imageduRoy eflleRoyi le Crucifix eJi lefus-Chrifli &: quand il nous arriue de parler ainfi , nul ne fe figure des miracles. Peut-on donc accufer d'opinia- ftreté ceux qui aiment mieux embraffer vne interprétation facile , vfitée en toutes nations > familière ^ commune dans les
pour ceux de URelig, 187
propos de Noftre Seigneur, &: qui n a rien de contraire aux fens, ny de répugnant à la raifon , qu vne qui ne peut fubfifter fi Dieu ne renuerfe la nature des chofes tout à fait , s'il ne démonte tout ce qu'il y a de certitude au iugement de la raifon, &:s'il ne met en trouble &: en erreur tout ce qu'il y a de plus afleuré dans les fondions de nos fenspour la cognoiffancedes chofes ? Mais quoy? Il ne faut que rapporter icy les paroles du Cardinal Ca jetan , perfonnage de grande réputation en fa communion, pour nous abfoudre pleinemét d'eftre ob- ftinez en cette matière. Cejïvne chofequil fmt ffauo^r,d^t-û en efcriuâtfur la Somme de Thomas, que de l 'authoritéde l ^Efcriture Sainte touchant l 'exifience du Corp de Chrifi au Sacrement, on ri a autre chofe d'ex^rcsfinon h farole du Sauueur difant , Cecy eft mon Corps î car il faut que ces farole s j oient vray es. Bt d 'autant que les paroles de lEjcriture Sain- te sexpofent en deux façons î cefl a fçauoir^ou f rof rement ou métaphoriquement , le premier erreur fur ce fujeta eflé de ceux qui interprètent ces paroles de Noiîre Seigneur métaphorique'^ ment y lequel erreur le Maiftre des Sentences traite en la diflin^ion r o. liu. 4 . qui au fit efi r<?- jette en cet article de Thomas : & U force de
î89 apologie
la raijan pourquoy on le re jette conjijie e tue qm les paroles de N ojîre Seigneur fom fcir V Eglt- fe entendues proprement , ^ partant il faut qu* elles f oient vérifiée s proprement. Or te dy par tEgliJe i four ce q^ii Une paroi fi rien en l Euan- gile qui force à entendre ces paroles proprement-, car par ces mots que le Seigneur a adiou/lez, Qiu eft donné pour vous en remiflion des pé- chez, on ne peut pas conclure euidemment que les paroles précédentes doiuent ejlre entendues proprement ; car cette parole ^ qui, nefi pas em-^ ployé e peur monjlrer la conion6tionde l'attri- but âuec lefuieti mais pourmonftrer l 'attribut » çefl a dire , mon corps ^ce qui nempefche pas que la propojition précédente ne fe trouue vrayey efiant prijeen vnfens métaphorique feulement. Comme là où fApofire dit^Oi: la pierre eftoit Chrijfl, quand ileuftadioujlèi Qm a. efté cru-f cifié pour nous^qui eft reffufçité pour nous, qui eft monté au CieL endijant:, Or la pier- re eftoit Chrift , qui a efté crucifié pour Î10US5 &c. cette propefition précédente , Or la pierre eftoit Chrift, ne laifferoit pas de s en- tendre métaphoriquement ^ non proprement: éi^ femblahlement en cequi fe prcpofe ^dont ilsagifii en ces paroles de Nofire Seigneur^ Ge- cy eft mon Corps,qui fera liuré pour vous, ds cette addition , qui fera liuré pour vous, /^
pour Ceux de la J{elig. î8p
première frofofition nefi fas rejtreïnte a, vn fensprofre , mais ne laijjeroit ffts cVeprevraye quand mefme elle jtrêit frïfé tn vnfens metA-^ fhorique feulement. Et c'eftoitropinion de quelques Théologies au Concile de Tren- te, qu il n€ falloir pas fonder la doftrine de la Tranflubftantiation deifus cepalTa- ge, comme s'il eftoic inéuitablement ne- ceffaire de l'interpréter ainfi , mais fur la tradition de l'Eglife en vertu &:par Tau- thorité de laquelle elle l'a ainfi entendu. Pourquoy donc nous accuferoit-on d'opi- niaftreté , en ce que nous ne pouuons ga- gner fur nous d'entendre cq.s paroles en ce fensjveuqueparradueumefme de quel- ques Théologiens célèbres enla commu- nion de Rome 6<: de quelques Cardinaux, elles fe peuuent prendre en vn qui n'efl: pas moins clair ny moins certain , 6c qui s'accorde mieux auec la raifon en toutes manières ? Car quant à ce qui eft de Tau- thorité de la Tradition , nous auons Vne infinité de preuues en l' Antlquité^que plu- fieurs fiecles depuis la naiflance du Chri- ftianifme J'Eglife n'a rien crû de tel. Quad les preuues en feroient moins euidentes qu elles ne font, il y en a aflez pourtant pour rendras, notamment en ce poinû , la
15^0 jipologu
Tradition douteufe. Qiiand elle fetoit moins douteufe, nous voyons vne fi gran- de différence entre la probabilité qu'il y a que les hommes fe foient trompez > &: que Dieu fafle tant &: de fi prodigieux mira- cles tous les iours 5 que nous ne pouuons comprendre comment on nous pourroit condamner, fi nous ne croyons pas fi toft des choies de cette nature,dont il n'y a au- cun exemple dans tous les fiecles prece- dens, que nous croyons que les hommes fefont abufez , veu que nous auons tant d'expériences de leur inclination à l'er- reur en tous temps ^ en toutes chofes. Neantmoins s'il n^eftoi t queftion que de la vie ciuile , ou d'vne loy politique feule- ment, peut efl:reque le defir Se l'intereft que nous auons de nous reconcilier la bien-veillance de nos fuperieurs Se de nos compatriotes , nous porteroit à quelque condefcendance. Non que nous peuflions obtenir de nous-mefmes de croire la TranflTubftantiation ; car nous ne fommes ny les maiftresde nos fens , qui nous rap- portent les chofes telles qu'elles font , & non telles que peut - eftre les voudrions nous bien eftre: ny lesdominateurs de no- ftre raifon,pour luy commander de croire
pour ceux de U Relig. ic>i
ce qu'elle void contredit par des preuues aufli éuidentes que des demonitracions > ny les Autheurs de noftre foy , pour iuy faire embrafler d'autres où jets que ceux quelle void &: quelle cognoift certaine- ment eftre de reuelation diuine. Mais au moins ferions-nous peut-eftre quelque ef- pece de femblant que nous n y auons point d'auerfion^ôidifTimulerions tant que nous pourrions le melcontentement de noftre xaifon , pour nous accommoder en vnc mefme communion aucc ceux qui font profeflion de croire toutes ces mcrueilles. Il y a quelquesfois certames opinions po- pulaires aulquelles Icsfagesne s'oppofenc pasouuertement, quoy qu'ils les reprou- uent en l'intérieur, pource qu'il eft ou inu- tile, ou mefme affez fouuent dangereux de nager contre lestorrens > Se que c'ell: malvferde la raifon, que de l'expofer à eftre foulée aux pied^ par ceux qui font aueuglez de leurs preiugez, ou à qui la na- ture n'a pas donné afTez de capacité pour l'entendre. Simefmesil n'eftoit queftion que d'vn erreur qui ne fuftpas de grande confequence en la Religion, &: particuliè- rement qui n apportaft aucune altération au culte delaDiuinitc, peut-eftre y con-
niuerions i;ous encore , &: qufe Tamoui: de la Paix l'emporteroit pardefTus celuy de la Vérité 5au moins pour ne pas rompre la çommunionj^: pour laifler dans leurs fcn- timens ceux qui nous laiflcroiem dans les noftresîcaril faut fupporter beaucoup dé chofes en autruy , quand de fa part il ne vous aftreint à rien qui choque l'honneur de DieU:, &: la paix de la confcience. Mais il y va du feruice de Noftre Seigneur^qu il nous eft abfolumentimpoflible de déférer au Sacrement ^ tel qu on le defire de nous> tandis que nous ne fommes pas pcrfuadcz delà TranfTubftantiation, fans que noftre confcience nous conuainque d vne idola^ trie inexcufable. Et il y va du falut éternel ti de nos corps &: de nos efprits, dont nous croirions quVne telle adion commife con- tre noftre confcience nous priueroit iufte- ment ^ pour eftre précipitez dans vne per- dition entièrement irrémédiable. Partant nous fupplions tout le monde de confide- rer auec quelle équité on peut defirer de nous vne fi pernicieufe &: fi criminelle complaifance. Nous eftimons qu'en la communion de Rome il y a vn péril ma- nifefte pour le falut, à caufe qu'on y adore du culte de la Diuinité ce qui n'eft pas
Dieu.
pour ceux de lal{elig. ic^^
Dku. On s'excufe fur ce qu'on croid qu ou ■n y adore rien de cette efpece de culte, qui ne foit Dieu véritablement. Etfion ne le croyoit ainfi, onprotefte qu'on n'y adore- roit pas le Sacrement. Cette excufe ne peut eftre bonne, finon que les preuues fur iefquelles on fonde cette créance, foient fi certaines &: fi cuidentes , qu'il n y ait pas moyen d'y refifter. Ceft donc à ceux qui ont receu cette perfuarion,que THoftie eft vrayement Dieu , à les bien examiner, afin de ne fe pas tromper en vnechofe de telle importance. Ceux de la communion de Rome nous croyent perdus fans refour- ce , pource que nous n'adorons pas le Sei- gneur lefus au Sacrement. Nous nous ex- cufons fur ce que nous ne croyons pas qu'il y foit , &: proteftons que (i nous en auions vne autre' opinion^nous ne maur qucrions nullement de luy rendre toute forte de vénération, félon fa dignité in- comprehenfible. Ceft à nousànousbien examiner , à ce que ne foit ny paflion ny opiniaftreté qui nous empefche de voir la vérité des preuues qu on nous allè- gue. Et ie m affeure que ce que ie viens de reprefenter nous garantit affez de cette imputation. Comme donc ceferoic
N
iniiiftlce à nous fi nous voulions obliget les Catholiques à n'adorer pas le Sacre- ment 5 que premièrement nous ne leur euflions monftré par des preuues indubi- tables qu il n'eft pas Dieu, puis que nous fommes ainli diipoiez que fi nous croyions qu^il fuft Dieu , nous l'adorerions fans doutexe ne peut eft r e iuftice à eux de nous Vouloir obliger a adorer le Sacrement,iuf- que5 à ce qu'ils nous ayent perfuadé qu'il êft Dieu, puis que telle eft la difpofition dé leurs efpritSi qu'ils ne Tadoreroient iamais s'ils n'auoient de luy cette créance. • 'Le Sacrifice deiaMcffe eft vne doûri- hequenousnepouuons receuoir, princi- palement pour deux raifons. L'vnejqu'elle |)reftippofe la Tranffubftantiation, laquel- le nous ne croyons pas. L'autre , que nous tenons ce facrifice non feulement pour inutile > car ce feroit peu de' chofe s'il n'y auoitirien de plus ; mais encore pour ihiu- rieux à rhônîieur du facrifice de la Croix du Sauueur dû mode Et quant à la premiè- re de ces raifons, puis que nous ne pouuotis croire la Tranflubftantiation , 8c qu'il rif 3L -nulle pertinente raifon de nous blafmer à cette caufe , il vient neceffairement eiï confequence que la rejefition du facrifice
pour ceux de là lielip îj>^
•foit à noftre cfgard exempte de blafme ; car puis que de l'adueu de nos adueriaires il ne peut eftre de facrifice de la Méfie fans Tranflubftantiation 5 &:puis que ^ comme ie viens de monftrer , il n'y a point d opi- niaftreté à ne croire point laTranfliibftan- tiation , ny de fujet de mauuaife volonté de la part des gens railbnnables > il n'y en peut auoir non plus à ne croire point le Sa- crifice qui a ce dogme, pour fondement. Quant à la féconde, afin qu'on nait pas cette opinion de nous que nous foyons mal-aifez à contenter , 6^ que nous cher- chions de gayeté de cœur matière de diui- fion &c rupture , après qu'ion nous aura jnonftré qu il faut neceiraiî:ement reccuoir ladoftrinedelaTranfl'ubftantiation : cal' c'eft vne préalable ineuitable, nous nous fatisferons volontiers fi on nous refpond fuffifamment à cette difficulté fur le Sacrir fice : car bien qu'il y aitvne infinité d'au- tres preuues de noltre doctrine en cette matière , Se que l'Epiftre aux Hcbrieux y fourmille de pafQiges euidens , la folution .de cette ratiocination fuffira pour mettre à touuert l'intereft de la Croix du Sauueur du monde. Ou bien le Sacrifice fait en la Croix nous a pleinement racheptez de
N ij
i^6 Jlpologié
nos peclièz , ou non. S il nous en à racîie- ptez, c eft choie inutile de tafcher de faire vne chofe dcfia faite , Se iniurieufe à celuy qui Ta entreprife , comme fi elle né l'eftoit pas. S'il ne nous en a pas racheptez , c'eft ou pourcequ il ne l'a pas pu , ou pource que Chrift ne la pas voulu. SHl ne Ta pas pu 5 comment l'expiation qui n'a pu fe faire en la Croix , fe pourra-t'elle para- cheuer en l'Euchariftie : Et quelle affeu- rance auons nous denoftre rédemption i il la mort de Noftre Seigneur n a pu fatis- faire pleinement à la iuflice de Dieu fon Père ? S'il l'a pu de qu'il ne l'ait pas voulu, qui alTeurera que ce qu'il n'a pas voulu fai- re en ia Croix, il le vueille faire en la fain- fte Cène ? La célébration de ce Sacrement porte-t'elle plus de marques de la bonne volonté qu il a pour noftre rédemption , que la foufFrance d'vne Croix maudite 3t ignominieufe ? Il eft vray qu'on diftingue encore icy entre facrifice de rqdemption Se facrifice d'application 8c de reprefen- ration. Mais cela ne fa&isfaitpas à noftre demande ; car ou bien ceà reprefentations Se ces applications font vne efFe£liue &c aftuelle propitiation de nos péchez, en fa- tisfaifant à la luftice de Dieu , ou non. Si
pour ceux de U Relig. 197
on prétend qu'elles en font , il faut retour- ner à refpondre à la raifon précédente > &: foudre cette difficulté, fiChrift nous a va- çheptez^ounenous a pasracheptezenla Croix. Si on ne le prétend pas jpourquoy ceux qui diftinguent auffi nous veulent-ils perfuader ce qu'ils ne fc perfuadent pas çux-mefmes ? Et puis qu'ils necroyentpas qu'en la MeflTc il fe faffe aucune réelle ex- piation, quel fujet d'indignation pçuuent- ils aupir contre nous fi nous n'y pouuons; non plus confentir? Q^ilsnoys fouftrent doncs'il leur plaift mettre toute noftrc ef- pcrance en la Croix de Noftre Sauueur, &: ne recognoiftre autre oblation propitia- toire de nos péchez 5 finon celle qu'il y a, offerte. QjVjls ne nous vueil lent point de mal fi nous ne pouuons digérer qu'on ad- joufte à la plénitude de fa fatisfaâ:ion,com- me fi la rédemption qu e nous auons en el- le eftoit imparfaite. QiA)n ne nous impu- te point comme vn deft'aut de pieté > que nous ne donnons point de compagnons à Noftre Seigneur lefus en fa charge deSa- crificateur. Q^on ne nous tourne point à crime cette refpeftueufe timidité qui nous qnipefche de nous ingérer à fairQ dçs ohlati^nç aiifquelle? nous ne voyo.j;i:|
ïpS jfpologie
point que la vocation de Dieu nous appel- le. Bref:, qu'on ne trouue ny eftrange, ny mauuais fi ayant deuant nos yeux de li mémorables exemples de la vengeance de Dieu fur ceux qui ont ofé entreprendre fur la facrificature d'Aaron , que les flam» mes de Dieu les ont confumez5&: que pour les engloutir la terre seft entrebaillées nous craignons de rien attenter à la facrifi- cature de Clirift , dont la faindeté eft plus grande fans comparaifon , 3c la majefté plusinuiolable.
SECTION VI.
Q^e ceux de la J{eligion ne font point di- gnes d'auerjion , ny pour ne déférer, pas à l'authoritê de i Eue (que de Ro- me comme il le "veut^ ny pour s'eflre. 'ifepare^i de la communion de l'EgliJè Romaine,
LA caufe de cette auerfion quVne "grande f^artie des peuples , Se quel- ^ues-'vnsd^ ceux qui font en authorité,& quafi généralement tous lesEcclefiaftiqucs ^nccontre nous 5 peut bien eftreen ce que
pour ceux de la K^lig. l^^
Hous ne croyons pas toutes les chofes qui font rcceuès en la Religion de Rome; maisie fuis tres-afleuré que quant au Siè- ge Romain^la haine implacable qu il nous porte, 8c les perfecutions qu'il fufcite cotre nouspartQutpù il le peut, ont pour prin- cipal, &c peut-eftre pour vnique motif, que nous ne voulons pas recognoiftre fa puif-i fance ; car il voudroit qu'il luy en euft cou- fté le Purgatoire , &c laTranffubftantia- tion , dç le Sacrifice de la Melfe encore ,8^ tout ce que le commun tient de plus facré &c de plus inuioiable çn fa Religion,^: que toute l'Europe fuft bien reiinie dcffous fon authorité , tellement que le party Catho- lique Se le P^eformé luy preftaflent leurs, forces conjointement pour s'affujettij: l'A- frique de r Afie. Apres cela il voudroit dif- pofer des parties les plus éloignées de l'O- rient &c de rOccident , Se de fait il a entre- pris en ces derniers temps de donner le droiftdeconquefterlesvnes Se les. autres Indes. Etieneparlerois pas fi hardiment de ce génie de dominationjqui depuis Ro- mulusiufqu à maintenant a toufioursefté infeparablement attaché au Capitole , fi les Cours Souueraines de cet Eftat ne l'a- uoient expreflement remarqué ,&: fi elles
loo j4ùologie
nes'eftoient oppoi'ees àicsentrcprifespar la generofité de leurs Arrefts encore de- puis peu d'années. Or fi lambition de ce Siège le porte à nous haïr à cette occa- fion, tant s'en faut que ceux qui ne font pas menez de mefmes interells , doiuent imiter fa paflîon, que toutes fortes de gens nous deuroient aimer de ce que nous com- battons fa puiflance. En effet, il en affe- ftcde deux fortes. LVne temporelle , def- fus les Eftats politiques : 8c l'autre Spiri- tuelle , fur les confciences des Chreftieni. Quant à ce qui eft de celle - cy , il faut que ie répète icyce que i'ay délia dit ail- leurs 5 que mon intention n eft pas d'en- trer dedans la Controuerfe. le diray feu- lement qu'on ne doit pas trouuer eftran- ge fi nous ne luy voulons pas déférer tou- te l'authorité qu'il s'attribue en cet efgard, puis que plufieurs de fa communiô la trou- uent exorbitante. Pour exemple, fi on Ycih croyoit,il auroit pareil pouuoir de pardon- ner les pecRez que Noftre Seigneur lefus, non pas comme miniftre de fa grâce &: de fa paix,. qui diU Sï vous croyez, ô' fi va tu vous reprntez.vos pschz vous font pardonnez.cc qui eft la voix de l'Euagilcj mais comme Prin- ce Souuerain en l'Églife de Dieu, à qui il
pour ceux de la Relig. z.oi
appartient de retenir ôc de remettre les pé- chez auec plénitude de puifsace.Or qu elle apparence y a-t'il de fouffrir cette prefom- ption en vn homme mortel , que chacun i'çait eflre pécheur comme nous , 3c qui quelqucsfois furpaffe les autres pécheurs ^ en atrocité de crimes ? S'il ne met pas en auant cette plénitude de puiflance ordi- nairement fi cruëment , que de ne faire defpendre la remiflion des péchez d'aucu- ne condition , quoy que chacun fçait que, Sîcvolo , Çc iuhen^ eft la plus ordinaire loy de fon Empirejes conditions fous lefquel- les il la promet ne monftrent pas moins fa prefomption 5 que s'il lefaifoit d'vne au- thorité abfolument fouueraine 5 car il ne dit pas i fi vous croyez. , dr fi vous vous re fen- te^ y vos pcchez vous feront -pardonnerai en quoyilfemonftreroit Seruiteurde lefus- Chrift j mais :> fi vous d^tes tant de fois vne telle oraifon i fi vous vénérez les reliques d'vn tel Sainôî , fi vcusvïfiteT^ telle ou telle Eglije. A ce qu'il paroiffe que c'eft luy qui a le droit &: l'authorité de faire des loix, ï l'ob- feruation defquelles il attache &: la pro- meffedc la rémunération, &; la menace de la punition , comme bon luy femble. Il eft vray qu'il ne dit pas ouuertement qu'il
20I Apologie
abroge la loy de Chrift. Mais tant y a que puis qu'il en ordonne de nouuelles auU quellesnoflre Seigneur n'a iamaispenfé,, & qu'il promet à ceux qui les obferueront la mefme rémunération que celle que le- fus-Chrift fait efperer à ceux qui garde- ront les liennes , il s'attrihuè en TEglife vne puiffance aufli abfoluë que celle de lefus-Chrift. Or de qui eft-ce que cela ne choque point Fentendement, qu'vn lim- ple homme, &: mortel, &: pécheur, s'en vucille tant faire accroire ? Il pafie mef- mes en quelque façon au delà de noftre Seigneur en la diftribution de fes recom- penfes ; car ou bien noftre Seigneur a pro- mis vne mefme rémunération vniuerfel- lement à tous les croyans , ou s'il y a mis quelque iaegalité^tant y a qu'il en a remi$ lareuelation au dernier iour , ôc qu'il n'a point defigné les perfonnes particulières, à qui vne plus grande mefure de gloire eft affignée. Au lieu que rEuefquedeRomc prétend auoir le droid de diftribuer les couronnes de là haut, en faifant les vns ^AÏncis , & fe contentant de faire les autres bienheureux , Scieur afligne leur culte re- ligieux proportionné à l'eminence de ce$ degrez , ainfi qu'il pUift à fa SAtnÛeté &: \
four ceux de la Relig. 205
fa Béatitude Pontificale. Qlù nous accufe* ra d'incrédulité ou d'opiniaftreté fi nous ne pouuons croire que ceux-là difpenfent la gloire Se la félicité de là haut 5 de qui leurs propres hiftoriens difcnt qu'ils n'y ont point de part ; &r que Baronius Se Ge^ nebrard ne traittcnt point autrement que comme des Apoltats Se des monftres ? \\ nefe contente pas de faire plus que noftre Seigneur n'a fait en cela , il deffait ce que noftre Seigneur a fait Se conftitué en au- tres chofes. le vous prie à quoy faire les Pifpenfes qu'il diftribuë amfi qu'il luy plaift, finon à monftrer qu'il a le droit , ou de permettre ce que lefus-Chrift a defen- du 5 ou de défendre ce que lefus-Chrift auoit lailTé libre ? Car fi ce dont il difptn- feaefté défendu de Dieu, il entreprend fur lauthorité de fes loix. Si ce dont il dif- penfe auoit efté laifie en noftre liberté , la defenfe qu'il en auoit faite luy-mefme > Se dont il nous veutdifpenfer, eft vn atten- tat à la liberté que Dieu auoit laiffée à nos confciences. Or quelle ombre de verifîmi- litude y peut-il auoir en cela , que le Sau- ueur nous ait laifféfes loix pour règle de noftre conduite quand il eft monté au Ciel, Se qu'il ait donné aux hommes moç-
t04 Apologie
tels la puiffancede les enfraindrcr Mais infraaiondesloixdeDieUjquil y ait en cts ÎDifpenfes, ou non, tant y a que nous ne pouuons digérer, &: nul ne le doit trou- uer mauiïais,que TEuefque de Rome don- ne des loix à nos confciences. Si quand il en eftablit quelques-vnes , il difoit ; le n'a- uance rien de mon chef. Se ne veux point dominer fur les héritages ju Seigneur , ainfi que Sainft Pierre l'ordonne ; le mets feu- lement en auant ce que noftre Seigneur nous a laiffé en fa Parole : Nous aurions en cela la voix dVn feruiteur qui fait pr o- feflîon de ne vouloir rien faire valoir fî- non la volonté de fon Maiftre. Ainfi ce fe- roit à nous à chercher en cette parole Çi ce qu'il diroit y feroit fondé , pour difpofer nosconfciencesàrefpeder comme il faut Tauthorité de ce grand Dieu,à quiXeul,en ce qui eft de la Religion, elles doiuent obeïflance. Mais ou bien il ne nous parle du tout point delà Parole de Dieu en fes loix , ou il veut que s*il y en fait mention, nous nous en rapportions entièrement à fon interprétation : de forte qu'il vaudroit autant qu'il lesnous donnaft abfolument de fon chef, que de nous y alléguer la Pa- role de Dieu, 8^ neantmoins ne voulais
pour ceux de la Rclig. 1 0 j* f>as que nous les examinions, pour voir fi elles y font conformes. Or quoy ? Que peut auoirl'EuefquedeRomç qui donne telle authorité à fes conftitutions,que nous yfoûmettionsnosames ?Eft'ilt)ieu pour régner dedans nos efprits > cotçime les Rois de U terre régnent deflus nos corps? Ou de quelles preuues peut-il fouftenir vne fi haute prétention , que Dieu luy ait religné fon authorité , pour auoir vn env pire abfolu deffus les âmes des hommes? Enfin , i'attefte nos plus palTionnez aduer- faires , s'il eft raifonnable de nous con- damner pour ne ibuârir pas qu'il empiète la dominatiô abfolue deflus nos confcicn- ces. Si nous demandons à l'Euefque de Rom€ les titres fur lefquels il fonde fa vo- cation 5 &: cette puifCance illimitée qu'il prétend fur l'Eglifede Dieu/d nous pro- duit quelques textes de TEfcriture : Com- me, 1 ues pierre, &c Paxj mes brebis. Se fem- blables. Si nous voulons dire quelque chofe fur l'intelligence de ces mots , il nous dit qu'il les faut entendre , non félon noftre fens,mais félon fon interprétation. Si nous voulons reuoquer en doute l'au^ thorité de fon interprétation , il nous dit quêtant s'en faut <jue nous deuions endej
%o^ apologie
iîiander qudque autre preuuc que letei^ moignage qu il luy rend^ que la Parole de Dieu mefme ny ne peut , ny ne dt)it auoir aucune authoritè enuersnous, linon celle qu il luy donne par Ion tehnoignage.Qj© fans cela on n en feroit pas plus de cas que des fables d'EfopejOU de f Alcoran de Ma. homet 3 8c qu'enfin après toutes queftiôns, toutes interrogations , toutes ratiocina-' tions y il faut croire ce qu'il a dit , pourcc qu'il l'a dit , Se ne croire pas à Dieu mcfme qui parle dans le Vieil 3c dans le Nouueau Teftament 5 finon autant qu il plaira au fouuerain Pontife de Rome. Qni^fe per- fuadera qu'vn homme foit plus croyable que Dieu^ou que les Conftitutions du fiege Romain portent plus de marques de di- uinité que les efcrits des Prophètes 8>c des? Apoftre.s ? On tient en la communion Ro- maine que l'Eglife ne peut errer : mais quand il faut expliquer enquirefide cette grâce de l'infallibilité, les opinions fe par- tagent. Les vnsdifent qu'elle refide au Concile , qu'ils efleuent au deffus du Pape à cette occafion : les autres fouftiennent qu'elle refide au Pape > qu'à cette raifon ils mettent audeflusdu Concile.La Sorbon- tie a efte au]t;i:efoi^ de ce premier fcnti-
pour ceux de la Relig, 207
ment 58c a efté iliiaie parce qu il yauoit de plus fain de de plus liauanc en cette communion. Les leiuites qui font venus depuis ont pris determinément l'autre party , &c ont tiré beaucoup de gens après eux 5 &c, peut-eftre quelques-vns de la Sor- bonne mefme. Ceux-cy accufent les au- tres de rébellion contre le chef de lEglife de lefus-Ghrift .-ceux-là accufent le Pape de prefomption 5 &: d'entreprendre delTus les droits de l'Eglife.Et pource que le Pape n oze hafarder la dcciiîon de cette que- ftion 5 &c qu'à fon aduis il eft beaucoup plus expédient de gaigner pied à pied dans les efpritspar les eferits de fcs Dodeurs, de par Tentremife de fes emiflaires ? que de s'expoferauiugement d'vn Concile, qui félon lapparence fe porteroit à la defenfe de fes propres droits vil fouffre en fa com- munion ceux qui ne luy accordent pas cct^ re puiflarice fouuei'aine. Pourquoy donc nous haïroit-on pource que nous la luy refufons , &c que nous rious oppofons en- core plus vigoureufement qu'aucun à [^ ^tyrannie ? Quant à ce qui eft de la puiffan- te temporelle qu'il prétend auoir deflus les Rois>les efpritsn y fontpas moins par>i tagez , Se la qualité de ceux qui y ont inte-*
2o8 Afologie
reû rend la difpute plus efclacance ; car il eft queftion de la fouueraineté des Poten- tats, que le Pape &:fes adherans préten- dent eitre foumife à fa domination^au lieu que les Princes bc leurs bons fujets la maintiennent eftre abfolument indépen- dante. Et icy encore véritablement nous méritons la bien-veillance des gens de bien , &: qui font affeûionnez comme il faut à leurs Princes &: à leur Patrie ; car bi^n que ceux qui fauorifent les dcffeins du Pape en cet efgard^difent de cette puif- fance temporelle qu'il affefte fur lesEftatSj quelle ne luy conuient qu'mdireftement feulement , pource qu elle ne luy a efté donnée finon pour feruir à la manuten- tion de rautre,&: pour la faire valoir, li eft-cequedireûement ou indireftemenr, il aflujettit tant qu'il peut les Couronnes à fa Tiare. Les Parlemens à la vérité s'op- pofent ouuertement à cet attentat ; la Sor- bonne par fes Décrets , les a fécondez où l'occafionl'a requis î^:, ce qui vaut mieux que ny les Arrefts , ny les Décrets , nos Rois 3 où la neceflîté l'a voulu , n'ont ia-9> mais manqué d'y dégainer leur efpée. Mais on nous permettra pourtant de dire, qu€ la faf on dont nous nous fommes pri^
à en
pour ceux de la lielig. zop
à en arrefter lesprogrez , eit de toutes la plus efficace , fî on nous vouloit entendre. Tandis qu'on permet à 1 Euefque de Ro- me de fe preualoir de cette puilTance {pi- rituelle Se direde qu il vibrpe efFcftiue- mentjquoy que le droit ne luy en ait point encore efté oûroyé par les. Conciles, 3c tandis qu on fouffre qu'il en efpande k créance par tout, Se melmes dans les Con- feils des Rois , il raifonne toufiours affez probablement qu'elle luy auroit efté don- née inutilement, li lautre pour la fouftc- nirne venoit en confequence. Et s'il eft vray qu'il ibit le Vicaux de noftre Sei- gneur enuers les Chrcftiens , pour leur donner des loix félon lefquellesilsfc rè- glent en ce qui eft de la pieté &c de la ver- tu , il femble qu'il ait quelque apparence de raifon de vouloir eftre fon Lieutenant, en ce qui eft de l'vfage de la puiflance temporelle; car fi nous confîderons noftre Seigneur comme Médiateur feulement, l'authorité que fon Pcre luy a donnée def- fus toutes chofesa ces deuxrelati6s,qu'en- tant qu'elle s'eftend deffus les confciences des hommes , pour les former aux vertus qui font neeeflaires au faluticlle luy ap- partient direâiement , pource que fa ch^r*
O
ge de Médiateur regarue dire£temenc le lalut&: la rédemption de lame. Mais en- tant qu'elle s*eftend fur les chofes de la vie prefente , 8>c deflus 1 authorité des Rois, elle ne luy a efté donné e linon, pour le di- re a inii , aucunement indiredement , afin de gouuerner tellement toutes chofes icy bas, que rien ne puiffe empefcher le falut de fon Eglife, pour laquelle feule il eft Mcdiateiu' aftuellement. Comme donc elle luy a eft é donnée à cet cScZy&c comme fa charge de Médiateur n'a peu s'en pal- fer 5 celuy qui s'attribue l'honneur d'eftre fon Lieutenant en vne partie de fon au- thorité , n'eft pas fans quelque couleur de raifon enuers ceux qui la luy veulent ac- corder, de prétendre encore la communi- cation de l'autre. Etilfçaitfîbien mefna- ger cette probabilité de fon raifonnemét, datant de gens à fa deuotion pour gou- uerner les efprits de la plufpart de laChre- ftienté , qu'elle pafle pour demonftration enuers vne infinité de perfonnes, Ainfi les Parlemens 5par l'afFeûion qu'ils portent à lauthorité des Rois ,6^ par le iufte inte- feft de la leur propre , conferuent les bons fentimens, 8c les authorifent tant qu'ils . pcuuent. La Sorbonne , ou par zèle à la
ùQur ceux de la Hflig. lit
Jloyauté , ou par l'amour de la propre li- berté , ou par quelque autre telle confide- ration , ne s'eft point iufques icy abfolu-* ment laiflee corrompre. Enfin , la puifTan- ce &: la generofité de nos Rois a toufiours vaillamment Ibuftenu les droits de leur Eftat , &: la fplendeur de leur Couronne. Mais cela n'empefche pas qu'il n'y ait de- dans tous les Ordres , quantité d'efprits infeûez de cette pernicieufe opinion, que les Papes font au delTus des Rois :, & que leur authoritc eft dépendante de la fienne. De façon que s'il arriuoit quelques faf- ■ cheux temps , comme nos pères en ont vcujoùlesbonsfentimens ne fuffent pas armez de toute la puiflance qu'ils ont maintenant , il ne faut pas douter que les mauuais n'en priflent l'occafion pour ef- clorre. Quanta nous, nous auons porté la hache à la racine de cette a^nbition , en oftant à l'Euefque de Rome la puiflance fpirituelle qu'il prétend , 6c auons par ce moyen rendu nos am,es impénétrables à toutes fortes d'opinions , qui feroient p.our y choquer tant foit peu la fidélité que nous deuons à nos Princesîcar ne recognoiflans au monde, hors noftre Seigneur lefus, homme quelconque au deflus d'eux, on fs
%t% Afolûgie
peut bien aireurer que noftre obeïiTaneé &: noftre fidélité demeure abfoluèment inuiolâble. Tellement qu'en cette partie en laquelle on nous accufe de n eftr^ pas aflez bons Chreftiens , noftre doCtrme nous oblige à eftre parfaitement bons Françoisjau lieu qu autant qu'on s'éloigne de noftre fentiment en cela, autant donne t'on fansy penfer , d'ouuerture &;d'auan- tage à Tambition eftrangere. Mais certes c'eft à grand tort qu on nous accufe de n e- fire pas bons Chreftiens en cet efgard. -C'eft le zèle que nous auons à la gloire de lefus-Chrift , qui nous rend irreconcilist- bles auec l'Euefque de Rome , ôc cela pour trois raifons principales. La première eft, •que de ce fîege là , comme dVne fource fé- conde à merueille, font venues en l'Eglife toutes ces doftrines que nous ne pouuons croire , & que nous eftimons ne s'accorder nullement auec la Religion de lefus- Chrift. Ou fi ce ne font les Euefquesde Rome qui les aycnt inuentées , ils les ont reçeuës auec tant d'auidité, ils les ont pro- uignées auec tant de foin , ils les ont dé- fendues auec tant de chaleur , ils les ont tellement appuyéesde leur authorité, &: ont excité tant de perfecutioni^ contre
pour ceux de la Relig. iij
ceux qui ont voulu y refiftcr, que fans leur faire ton on leur en peut bien attribuer loriginc. Ayansdonc enl'anie vne per- fuafîon fi profonde, que ces dogmes ont gafté la pureté de TEuangile de Chrift, comment pourroit-on trouuer mauuais que nous ayons cette implacable animofi- té contre çeluy que nous en croyons eftrc la caufe ? La féconde eft, que comme nous l'auonsveu cy-deffus, il s'attribue quan- tité de chofes, qui n'appartiennent fmon à noftrefeul Rédempteur , Se dont la com- munication à qui que ce foit , ou ruine, ou au moins eibranchetrop notablement la Souueralne authorité que fon Père luy a donnée; car il veut régner dedans les con- fciences des Chreftiens , quoy que ce foiç rempire de la feuk^DiuinitéjOÙ l'hom- me mortelle doit rien attenter, 3c où il nefçauroit atteindre. Il ordonne comme i'ay dit , de toutes chofes à fa fantaifie , Se dénonce éternelle damnation à ceux qui n'obe 'iront pas ; il pardonne comme il luy plaift , Se veut qu'on foit aufli affeuré de fon pardon , que fi on Tauoit receu de la. bouche de Dieu mefme. Il détermine de ce qu'il faut croire , Se commande qu'on y adjoufte foy comme ^ux oracles diuins
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zl4 apologie
Il difpenfe d e ce qu il veuc > Se mefmes des commandemens de Dieu , 8c prétend que fa difpenfe met à couuert des menaces du Souuerain luge du monde. En vn mot > fi lefus Chrift eftoit defcendu du Ciel , il ne requerroit pas de nous vne plus entière ny plus abfoluë obeïfTance à fes ordonnan- ces. Or nous nç croirions pas eftre bons Chreftiens fi nous confentions à cet atten- tat >&: penferions trahir indignement la gloire de noftre bon Maifl:re.La troifiéme finalement efl:,que par quelque rencontre que cefoit , il eft arriué qiiVne infinité de chofes que nous voyons auoir efté prédi- tes dVn certain ennemy iuré de Chrift:, fe rapportent merueilleufement à ce qui pa-- roift en l'Euefque Se en la Cour de Rome, Et pQurce qu'il eft: dit que cet ennemy doit cfl:re manifeft;é aux derniers temps, 6^ que déformais après feize ou dix-fept cens ans tous ces temps doiuent eftre eftimez faire partie de ces derniers, toutes chofes de cette nature nous font fufpeftes ; car nous ne nions pas qu'il n'y ait quelquesfois.dç la fallace dans les apparences, &: qu'il y a beaucoup de chofes qui ont quelque ref- femblance de ce qu'elles ne font pas, Se d'autres qui font ce dont elles ne porterît
pour ceux delà Helig. iiy
pas les marques bien euidences. Nous fça- uons mefmes que lors qu il elt queflion de l'interprétation des Prophéties ^ oneft fujet à s'y tromper auant qu elles ioient efclaircies par les euenemens , Se qu'eaco- re après les euenemens, on ne rencontre pas touliours à les parfaitement adjufter enfemble. Mais tant y a que la deffiance eftant la mère de feureté3&: les Chreftiens s'eftansbien paffez de Pape au commen- cement , nous aimons mieux nous en pal- fer, 3c nous abftenir de toute communion auec qui que ce foit , qui ait quelque air de cetadueriaire. Enquoy Ton peut penfer que nous ne fommes menez d autre con- lideration finon du zèle de noftre Seir gneur , &: du defir de noftreialut, qui nous deuroientfans doute excufer , quand il y auroit , ce que nous ne croyons pas , quel- que chofe d'vn peu fcrupuleux en noftre conduite.
Icpenferois auoir fatisfait aux plaintes les plus importantes qu'on faffe ordinaire- ment contre nous à legard de ce que nous ne croyons pas,fmon qu'on nous accufe encorede n auoir pas affcz déféré àl'au- thorité de l'Eglife, 8^ de ne recognoiftre pas affez les bien-faits que nous en avions
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%l^ A'^yologie
rcceus î car quoy qu ii en foit jon dit que c'eft elle qui nous a enfantez à Dieu par le Baptefme, ^ qui nous a donné la ton- noiffance de lefusChrift. Ceft à elle à qui Dieu auoit donné lauthorité de nous gouuerner comme à noftre mère , &: à qui il auoit remis le foin de noftre édu- cation- Et neantmpins nous nous fom- mes feparez d'elle comme d'auec vne eftrangere, &: luy faifons tout ouuerte- ment la guerre > comme fic'eftoit vn en- nemy. Au lieu de fupporter doucement fes défauts, en cas quelle en euft5.6<L de refpeâer pluftoft fes rides , que de luy in- fukcr 5 pource que Taage de tant deiie- clés a gafté quelque chofe de fa premiè- re beauté 3 nous Tauons diffamée de tous coftdz 5 &: luy âuons fait les reproches les plus fcandaleux , &: donné les titres les iplusiniurieux du monde. Eftans fortis de fes entrailles , ne deuions nous pas gar- der quelque reuerence à fon nom , Se con- feriier autant que nous pourrions fa bon- ne rcpuration dcuant les hommes ? Ce font les accufations qu'on nous fait , & Pvn des principaux fujets pour lef^ quels ceux qui font demeurez dans la communion dont nous fommes fortis.
four ceux de UEjelig. 2.I7
ont de Tauerfion contre nos perfonnes. Certainement s'il eftoit permis de diftin- gucr entre nous &: nos pères , en ce qui eft de la Religion que par la grâce de Dieu nous tenons , la plus-part de ces accufa- rions ne nous roucheroientaucunementi car pour ce que par l'Eglife on entend feu^ lement la Romaine, nous pourrions in- comment refpondrc^que quant ànous elle ne nous a point engendrez à lefus-Chrift, &: que ce n'efl point d'elle que nous auons receu le figne du fainft Baptefme , ny no- ftre éducation en l'efperance du lalut. Nous tenons toutes ces chofes de la com- munion Reformée , dans laquelle nous fommes nez, & n en auons l'obligation à aucune autre. Nosayeuls font bien fortis de la communion de Rome à la veritc, pource qu'ils y eftoientauparauanf.mais pour nous,qui n'y auons iamaisefté^on ne nous peut accufer de l'auoir abandonnée. Quand donc l'aftionde nos pères auroiç efté tachée de quelque manqucde refpeft, & de quelque defFaut de gratitude enuers cette Eglife-là, il ne feroit pas raifonnable d'en faire tomber le blafme fur nous , ny que s'ils ont mangé Taigret , nous en ayons les dents agacées. Q^iant à nou3>
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il8 Apologie
pour ce que c eft 1 Egliie Reformée qui nous a engendrez à Dieu , Se qu elle nous nourrie en la cognoiffance delefus-Chrift beaucoup plus purement que ne fçauroit faire la Romaine , fi nous nous feparions d'elle pour entrer en la communion de l'autre, veu que nous n en auons point de fujet^&que nous ne voyons rien en elle qui nous ofFenfe, ne meriterions-nous pas qu'elle fift contre nous en beaucoup plus forts termes , les plaintes que la Romaine fait contre ladlion de nos ayculs ? Ce qu'on dit qu'ils ont eu tort de fe feparer de l'Eglife en laquelle ils eftoient nez , &: à laquelle ils auoient tant d'obligations, ne iuftine-tll pas clairement la refolutlon que nous gardons de demeurer en celle où nous fommes ? Car autrement nous fe- rions tout de mefme que fi eftant arriué de la difpute entre noftre mere&: noftre bi- fayeule, nous abandonnions la maifon de celle qui nous a prochainemét donné no- ftre eftre, quoy qu elle ait vn merueilleux foin de nous , &: qu'elle nous efleue à toute forte de vertu &: de pudeur , pour nous at- tacher à celle que nous ne recognoiflbns pour origine de noftre eftre finon de loin, ôc à qui la foibleffe de l'aage ne per-»
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pour ceux de la Relig. 1 1>
met pas de remédier aux defordres que la plus-parc des fiens commettent chez elle. Mais, bien : foufFrons qu'on nous impute la faute de nos peresjs'il y en a , & voyons fi leur aftion eft telle qu'elle mérite ce nom, èc qu'elle ait deu attirer la mauuaife volonté du refte des Chreftiens deflus eux &:deffus nous. Il eft certain que c'eft de l'Eglife Romaine qu'ils ont receu le Ba- pcefme, &: qu'ils ont fuccé lepremlerlaidl: delacognoiffanceduSauueur. Et tandis qu'ils ont cfté comme des enfans en intel- ligence, 6c qu'ils ne fe font point apper- ceus delà façon de laquelle on lesnour- riflbit 5 ils ont vefcu dansvn merueilleux refped à toutes fes ordonnances j à peu prés comme les petits enfans aiment leurs nourrices , pource qu'elles les portent au col , qu'elles les jouent ôcles ébatent. Se, qu'elles leur donnent la mammelle , fan« difcerner quand ils tetcent fi c eft de bon ou dexnauuais laid. Depuis qu ils font de- uenus grands. Se que Dieu a illuminé leur raifonjils ont recognu que ce qu'ils auoiéc fuccé de la mammelle de leur mère. Se de leurs nourrices , eftoit corrompu , Se que les alimens qu'on leur prefentoit conti- nuellement, eft oient quafi tou5 fi gaftez.
ziô \Jpologie
qu'auec fort peu de nourriture qu'ils y trouuoientrils en tiroient quantité de fuc qui auoit des qualitez extrêmement vene- heufes. On leur enfeignoit bien qu'il y auoit vn Dieu &c vn Médiateur entre Dieu ^ les hommes : mais on enuirpnnoit cela dVne telle foule de Sainds 6c de Sainftes, qu'on leurpropofoit pour objet de leurs adorations j que leur deuotion s'arreftoit d'ordinaire toute fur eux. Se ne paruenoit pasiufques au vrayDieu &c auvray Mé- diateur, fur lef quels feul elle doit tendre. On leur difoitbien que le Seigneur lefus a foufFert la mort en la Croix pour eux \ mais on ne faifoit autre infiftancefur cet- te do£lrine finon de leur monftrer vn Crucifix ; du refte , le5 fatisfaftions des Sainfts , les fouffrances des Martyrs, le rhrefor des Indulgences , les peines du Purgatoire, la propitiation de laMeffe, les mérites des œuures , &: les autres aydes de cette nature, que les hommes auoient trouuez contre le fentiment du peché,leur eftoient tellement inculquez, que la fatis- f aftion de Qhrift demeuroit eftouffée là deffous, &z ne defployoit quafi aucune effi- cace en la confcience. On leur difoit bien que lefus-Chrift eft là haut au Ciel : mais
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polir ceux de URelig. m
on leur repetoic fi fouuent qu'il eftoit auflî dans l'Hoftie , on le mettoic en cet eftac ii afliduellement deuant leurs yeux, on y aE- tachoic leurs cfprits de telle façon, on leur en recommandoit fi diligemment &: la vénération &: l'vfage , qu'au lieu d'efleuer leurs âmes en haut pour chercher le Sau- ueur à la dextre du Perc en vn eftat glo- rieux, tous les mouuemens de leur pieté s'efpandoientddTus lesaceidensd'vn pe- tit morceau de pain , fous lefquels on leur ,difoit qu'il eftoit enueloppé icy bas en ter-»- re. On les aduertiffoit quelquesfois qu'il y a vncertainliure qu'on nomme la Pa- role de Dieu : mais ils n'en tiroient non plusd'inftrudion ny de confolation que s'il euft efté aux Indes. Les exemplaires en eftoient rares à merueille, comme main- tenant encore en Italie & en Efpagne c'eft. vn liure quafi entièrement incognu.Ceux: qui leur en pouuoient tomber entre les m.ains eftoient en langue où ils n'enten- doient du tout rien ; ou s'ils y entendoienc quelque chofe, il ne leur eftoit pas permis d'y lire. Au lieu de cela tout eftoit rem- ply de Légendes deSainds,de conftitu- tions Papales , de récits de faux miracles &c de vaiaes vifions , ôc de liures de deuo-
Zit apologie
tionefgalemcnt remplis d'attraits à lafii- perftition, &c d'inutiles impertinences. On leur faiibft bien à la vérité quelquesfois quelques Sermons i mais on n y entendoit refonner autre chofe fmon, ou la coitime- moration de la vie des SainCts , ou des ex- iler cations au feruicede la Vierge, ou la recommandation des pardons émanez du Siège Romain, ou le débit des mérites de furerogation > ou des contes extrauagans 8c fabuleux^fans aucune folide inftruftion en la doftrine de TEuangile. On les ex- hortoit à eftre pieux &c deuorieux:mais cette deuotion conliftoit à fréquenter fou- uent les Eglifes, pour y marmonner quel- ques prières aufquelles ils n'entendoient quafirien ,à aflifteraux procefTions Tans^ Içauoir àquel deffcin , à chanter quelques Litanies aux Sainfts de Paradis^à faire des offrandes aux Autels , Se à faire force fon- dations de Méfies pour eux 8c pour les âmes de leurs pères. Enfin , les chapelets, les Agnus Dei, les grains benits,les afper- gés d'eau confacrée , les petits morceaux de bois de la Croix enchafiez precieufe- ment, quelques efclats de vieux ofl'em.ens de morts, quelques lambeaux de leurs ha- billemens , quelque petit ais demy pourry
pour ceux de la Kelig. 1 13
refté de leurs bières , quelques chandelles offertes à vne image , quelques agcnoùil* 4emens deuant vn Crucifix^S^ quelque pè- lerinage au fepulchre d'vn Martyr , eftoit cela en quoy confiftoit alors le principal de la pieté en laquelle on exerçoit nos an- ceftres. Ceftoient là les alimens dont on les nourriflbit , au lieu de la bonne dodri- ne de la Parole de Dieu , qui feule peut donner Se vne falutaire infl:xu£l:ion,&: vne folide confolation , Se de bons motifs à la vrayefandification, &:debons&r fermes fondemens àl'efperance. Et ie ne crains pas qu'on m'accufe d'en vouloir faire ac- croire quand ie parle ainfîi car ceux de TE- glife Romaine mefmè , qui ont quelque cognoiffance de ce qui fe faifoit il y a deux cens ans en la Chrefl:i,enté , Se qui veulent parler auec ingénuité, aduoiient franche- ment que fans la prédication de Luther 8c de fe s compagnes, le nom delefus-Chrift s en alloit quaiî entièrement efteint dans la mémoire des hommes. Quand donc Dieu a fait cette grâce à nos pères de reco- gnoiftre la mauuaife difpoîition que ces alimens auoient donnée à leurs efprits, Se lesmauuaifes habitudes qu'ils en auoient contraûéesjilsontcrû eftre obligez par
2.2.4 apologie
toutes fortes de deuoirs &c entiers autriiy^ &: çnuers eux-mefiT^eSjd aduertir leur mè- re de ce mal. Se de la prier d'y donner or- drc. Ce qu'ils ont fait tant afin de corriger leur propre tempérament, en fe feruant déformais de viandes plus iaiubres , que pour empefcher que leurs frères, qu'elle enfantoit iourncllement, nefuflentàlad- uenirauffi mal nourris &:ai]fli mal efle- uez qu'eux. Et nul ne peut douter que k charité fraternelle 5 que les Clirelticns le doiuent porter les vns aux autres, ne les y obligeaft eflroitement, comme les affe- ftions naturelles obligent ceux qui font les plus auancez en aage entre les enfans d'vnemaifon^de pouruoir entant qu'en eux eft que les plus petits foient nourris comme ils doiuent eiîre. Or le moyen d'y donner ordre eftoit que la mère mefme changeaft la première le régime de fa vie, afin de faire de bon fuc pour le donner à fes enfans : qu'elle euft foin de la condui- te des nourrices aufquelles elle les com- niettoit,afinqu elles ne gaftaffent pas leur propre fang par leurs débauches; ce qu'el- les ne pQuuoient faire fans vitier les par- ties nobles de ceux qu'elles allaitto ient: ôc cnfin> qu elle changeaft tout le gouuerne-
menc
pour ceux de la J^eïig, 2.1 c
ment de fa maifon , afin que ceux qui auoient le foin de faire les prouifions , ou n'y apportaffent que de bons ôcfalutaires alimens:,ou ne les gaftaffent point eux- jnefmes de leurs empoifonnemens. Pour cela il falloir que Rome fe reformaft la première , puis qu elle fe vante d'eftre la mère de tous les Chfeftiens. Il falioit qu'ellepourueuft en toutes les parties de la Chreftienté, à ce quelesEuefques&les Preftres , aufquels elle prétend auoir le droia dé donner fes enfançànourrii:, ne leur enfeignaffent que les doftrines de TEiiangile, ^ qu'ils les deftournaffent de tout ce qui peut endommager la pureté de la pieté. Bref il falioit quelle s'em- ployaft à cequeles Vniuerfitez , les Aca- démies , & les Collèges , qui font comme des lieux publics , dont on apporte lesdo- ftrines en rEglifeAfrent repurgez de tou- tes erreurs , afin que ceux qui en vien- droient n mftillafrent rien dans TeTprit du peuple, qui ne fuft conforme à la ver ité,&; propre pour engendrer la pieté , la confo- îation, Se Tefperance. Cet aduis donc que nos ayeuls ont donné à TEglife Romai- ne> meritoit-il blafme, ou loiiange, 6^ de- quoy deuoit-il eftrereçognu, de haine.ou
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tiij Apologie
d'amour ? Et maintenant encore que nous periîftons à luy départir ces bons aduertif- i'emens, qui ne procèdent iinon du zèle de ia gloire de Dieu , &: de la charité que nous auoris pour le falui de nos pro- chains, y a t'il fujetde crier contre nous comme contre des enhns defobcïflans &: rebelles à leurmeire ? Pour ce quieftde l'authorité que noftre père celeile luy auoit donnée j nous recognoiffons certes que nos ayeuls ont efté obligez d'en taire confideration^ Mais aufli prions nous tout le monde de recognoiftre que cette au- thoritè-là n eft ny infinie , ny illimitée, ny 11 abfolument fouueraine, qu elle les aitdeu empefcher de pouruoirà ce qu'ils ontcrûeftre de leur deuoir entiers Dieu, &de Tefperance de leur falut j car il ny a authorité de mère lî refpedable en la terre, qui oblige les enfans à le laifTer em- poitonner , quoy qu il n y aille finon de la vie prefente feulement. Qje peut-ce donc eftre lors qu'il y va d'vne félicité cternelle ? Et fi on dit que les enfans doi- uent auoir affez bonne opinion de leur mère, pour ne croire pas qu'elle foit ny fi mefchante qu^elle vouluft , ny fi impru- dente que fans y penfer elle permift qu'on
pour ceux de la Relig. %iy
leur donnaft du poifon , à la vérité tels foupçons ne doiuent pas venir légère- ment en la penfée. Mais quand on fe fent défia le corps afFedé, ô£ que toutes les fon- dions en font altérées ; quand après auoir attentiuement confideré les qualitez des alimens que l'on prend > on les a recognqs pernicieux , &: qu'on a toutes fortes de prennes certaines &: indubitables que le mal eft venu de là , alors il n'y a perfonne qui ne doiue pouruoir à fa feureté , &: n'y a refpeft de mère qui tienne. Nos pères donc ayant recognu à toutes les opéra* tions de leurs âmes , que la doftrine qu'on leur enfeignoit eftoit toute imbue de v^* nim 5 que leur pieté enuersDieu en eftoit gaftée d'idolâtrie &: dé fuperftition , que leur charité enuers le prochain en eftoit toute languiffante 3 que la paix de leurs efprits eftoit continuellement troublée, &: leurs confciences pleines d'inquiétude &: d'ardeur, que l'efperance delabien-heu- reufe immortalité eftoit eftoufFée par des doutes &: des craintes irrémédia- bles , & que généralement toute l'éco- nomie de leurs efprits eftoit en defor- dre , que pouuoient - ils faire finon re- chercher la caufe de leur mal , &: après
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liS jépologk
Taucir coghu courir promptemcht ait temede ? Et puis qu^ la reuerence que leur Père eelefte leur auoit enjoint de porter à l'Eglife , n auoit pour but finon leur falut , eftoit-il raifonnable qu'ils la gardaflent encore quand elle y deuencic pernicieufe ? Adjouftez à cela qu'en vne telle occurrence 5 après qu'vn bon enfant auroit fait fa plainte à fa mère, il fe trou- ueroitmerueilleufementfurpris fiau lieii de luy donner quelque fatisfaftlon, il n'en remportoît que ces refponfes. le nefçau- rois vous tromper , &: ne fçaurois eftre trompée moy-mefme. le ne puis faillir en voftrc conduite , 3c fuis impeccable en la ihienne, &: vous deuez vous laifler mener àmonauthorité aueuglément. Cen'eft pas à vous à iuger de la qualité des alimens dont on vous nourrit ; c'eft à moy que vo- ftrepere a laifTéeen fon abfence difpen- fatrice des biens de fa maifonjadmitiiftra- trice de fes affaires, tutrice ôi curatrice de fes enfans , auec vne authorité indépen- dante &:fouueraine.Ie vous prie cette pro- cédure ne feroit-elle pas indigne d vne bonne merc,6c n'augmenteroit-elle pas îesfoupçonsque fes enfans auroient délia de fon gouuernement ? le diray encore
pour ceux de la Kelig. iip
quelque chofe dauantage. Si pour faire femblant de donner quelque fatifadion à fes enfans , & de leur ofter ces fafcheux fcrupules de refpritjelle fai{'oit vne aflem- blée de Médecins pour examiner ces ali- mens , bc qu'elle n y appellaft finon ceux qui leur font fuCpefts, &: de l'ignorance ou de la perfidie de qui ils fe plaignent y 5ç qu'en cette congrégation on nevift rieri finon des menées Se des artifices pour pro- noncer à quelque prix que ce fuft en fa- neur de fon authorité > Se pour affermir fa domination, cela fans doute augmente-, roit encore leur mécontentement. Se leur mettroit de plus mauuaifes penféesen Ta^ me. Or c'eft ce que l'Eglife Romaine a fait à nos pères 5 car au lieu d'efcouter leurs plaintes,8^ de leur y donner quelque iufte fatisfadion, elle a refpondu, quelle ne pou-i mit errer iC^UQ Dieu rauoitejlabliela dtjpen- fatrice de /es fecrets ^qn elle auoit dans l'ecram de fa foîBrine tous les myfieres du Royaume des Çkux , qu elle eftoit la depofitaire de la Tradition , qu'i elle appartenait la decifion des Controuerfes pour y prononcer infailliblement qu'elle feule pouuoit interpréter la parole de Dieu fans perd de s'y tromper, o^Q l'Efcritu-^ ta neft que la lettre dfi cr%anse , & l'^Eglif^
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l ' AwbaJJadeur a cuites dogmes dtuins Auoient tflé commis four les reueler-^c^ic cette lettre de créance mejmen auoit de credttdr d'authorité finoïh autant que l'Eglife luyen donnait > & qu elle l 'authortfoit enuers nous far [on témoi-
fnage- Puis quand à la foUicitation des ^ois &: des Empereurs elle s eft difpofée à conuoquex' vn Concile pour vuider les dif- férent luruenus entre elle &: nous, elle n'a pas vQuIu permettre qu'aucun s'y trouuaft, fînoh ceux qu'elle fçauoit eftre nos ennc- rais,&: a fi bien fçeu mefnager toutes leurs intrigues , que de Rome on enuoyoit à Trente la decifî^n tpute nette de ce qui s'y difputoit i iufques là que mefmesles Am- bafladeurs de nos Roy s n'ont pu s'empef- cher d'en tefmoigner ou leur mefpris, ou leur, indignation par des farcafmes : car. c*eft à cette occafipn que Monfieur de Lan- fac difoit^au rapport de Mofieur de Thou, te du Père Paul, ^ony apportoit de R orne le S. Ef prit dam vnevalife. Et la belle hiftoire que ce dernier", l'vn des plus grands hom- mes de ces derniers temps , &: de commu- nion Romainf pourtant, a mife en lumie- rç touchant ce Cp.ncile, eft vne preuue tres-euidente &: tres-authentique,que Ro- me n'y aviféà autre chofe qu'à l'eftablii-
pour ceux de la Relig. 131
fement de fa grandeuï. Au nom de Dieu, qu elle opinion nos pères pouuoient-ils auoir de cette conduite ? Et que peuuent, desenfans, qui font en cette extrémité, penfer ou foupçonner de leur mère l Sur. tout il eft fouuerainement à confiderer , que quand auee de ii violentes prefom- ptions d'cmpoifonnement ? il y a encore des indices tres-preignans que la mère fauffe la foy àfon mary , de qu elle fe laiffe cageoler ècpoffeder à des gens qui la cor- rompent, il eft certes naturel auxenfans depouruoir par toutes voyes raifonnables à la conferuation de leur vie, mais il eft de leur deuoi?:inuiolabled'empefcher autant qu'il leur cftpofTible, le des-honneur de leur père , &c le diffame de fa maifon. Par- tant puis que ceux qui nous ont^ deuancez en noftre profefTionont eu cette créance, &: fi profondement emprainte, Se fi parfai- tement bien fondée, qu'en l'Eglife Ro- maine non feulement ils çouroient rifque ineuitable de leur falut, mais qu'elle fe laiffoit aller à des feruices reli gieux enuers les créatures, qui font dans la Religion la mefmechofe que l'adultère eft au maria-, ge 5 il n'y a perfonne fi déraifonnable qui HQ les exempte deblafme s'ils ont tafçhé
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de remédierai Tvn &: 1 autre de ces maux. Pour ce qui regarde la feparation d'auec elle, c eft bien certes vne chofe qui femble aucunement fcandaleufe ^ de voir des en- fans abandonner la demeure de leur me- xty pource quHlsblafmentfafaçondevi- ure^&: qu ils difent hautement qu'ils ne s'y trouuent pas en feureté. Mais quoy ? Pou;- demeurer dans les mefmes comparaifons dont nous nous fommes feruis y ie fa is tou- te perfonne raifonnable iuge de cette adion. Nos ayculs eftoient dans la mai- fonde leur mère à table auec elle & auec fes autres enfans ; ils fe font apperceus qu'on ne leur feruoit fmon des viandes, dàngereufes , ^ ont aduerty & leur mère èc leurs frères de s'en abftenir, de peur de quelque funefté accident. Au lieu de faire projfit de cet aduertiffement , on les a pre- mieremêt eftimezdesinfejnfez. Puisquad cux-mefmes les premiers:,afin d'en donner fèxemple^ontvoulu s'en abftenir, &: la Éfiere , &: les autres , après diuerfes paroles <î)utrageufos &: iniuricufes , leur ont jette ks Sambeaux &: les afRettes à la tefte auec qûelqiie efpece de fureur. Ils fe font retirez doucement , Zc pour ne mourir pas de fàirn,ilsont dreffé vne tàtle à part dafis
pour ceux de URelig. 13}
la mefme chambre de leur mère , ou au moins dans la court de fa maifon : Car au commencement nos pères prefcherent en diuers lieux dans les nefs des mefmes Eglifesjoùleferuicede la Religion Ro- maine fe faifoit. Aux lieux où on ne leur permettoit pas de fe feruir des mefmes Temples à des heures différentes 3 ils pref- choient dans les carrefours, ou deflbus le^ Halles des villes ,&: par tout ailleurs où on leur en donnoit la commodité» Là or\ ne les a pas encore voulu foufFrir , &: leur mcre a premièrement fait des proclama- tions violentes, qu ell e ne les ticndroit pas. pourfes enfans,^ qu'elle leur defendoit rentrée de fa maifon, s'ils ne fe laiflbient noqrrir3&:s'ilsneluypermettoient de fe gouuerner entièrement à fa fantaifie. Puis elle a armé fes autres enfans &: fes fer- uiteurs à rencontre d'eux , &: les a efloi- gnez d'elle tant qu elle a peu à belles har- quebufades : Car comment pouuonsnous •autrement appeller les Anathemes qu elle a fulminez contre nous , les Canonsqu'eU le a dreflez dedans fes Conciles , &: les horribles perfecutions dont elle a tafché de nous ruiner ? l'appelle donc icy Dieu Se les hommes a iuger , à qui d'elle ou de i^os
2J4 apologie
ayeuls doit eftre donné ce blafme du fchifme qiû nous fepare. Enfin, poui ce quieft des termes qu'on appelleïcanda- leux Se iniurieux dont on le plaint que nouslauons diffamée;, à la vérité ii nous n'euflionsdeu auoir aucuns autres efgards finon ceux de la retenue des enfans , &c de leur foin à couurir les défauts de ceux qui les ont engendrez, le filence nous euft elté plus conuenable , que les bruits Se les va- carmes quinailTent de ces conteftations. Mais nous auons deu auoir enfinguliere recommandation le falut de tous lesChre- ftiensj&n'auons peu le leur procurer û- non en difant ouuertemêt la vérité. Com- ment pouuions nous les retirer de legare- ment de fes erreur^ , de la tyrannie de fon gouuernement ,, Se du feruice ou qu elle fouffre> ou qu'elle veut que l'on rende aux créatures 5 linon en nommant^leschofes par leur nom? Et veu qu encore auec toute la véhémence des paroles qu'on peut em- ployer en telles occafions > les horames font naturellement fi attachez aux créan- ces dont ils font imbus de longue main> qu'on a toutes les peines du monde aies en déprendre, n'eu fl:-ce pas efl:é trahir la caufede Dieu Se leur falut , fi par complai-
pour ceux de la Relig. 235
fânce&:par diflimulation ,nous lenreuf- fions caché le péril où ils eftoient5&: le vi- ce de leurs créances ? Nous auons deu taf- cher à reformer l'EglifeRomaine mefme, Se à la ramener à meilleur fens, &:n'auons peu le faire autrement fmon en parlant à elle franchement , Se en luy découuranc les manquemens dans lefquels elle eftoic tombée- Et comme quand le Prophète le- remie dit que luy Se fes compagnons ont effayé de medeciner cette grande Métro- politaine des Chaldeens , il a voulu don- ner à entendre qu'ils luy ont monftré fes playes^afin de l'induire , s'il eftoit poffi- ble , à receuoir les remèdes dont elle auoit befoin ; nous n'auons peu nous mettre en deuoir de guérir celle qui fe prétend eftre la fouueraine de tous les Chreftiens , que nous ne luy miffipns tout à nud deuant les yeux les vlceres dont elle cil gaftée. Mais nous prions ces Chreftiens de confiderei^ que s'il y a quelque vehemer>ce ennoftre procédé , Se quelque chofe de tranchant en nos exprerfions , c'eft à l'Eglife de Ro- me , qui refifte à fa guerifon , Se non à eux que nous en voulons , Se que nous n'auons autre paflioucontr'eux, fmon vne incom- parable ardeur d'affedion de les détacher
^Î6 apologie
d'auec elle : Car ce n'elt pas fans vne dou^ leur incroyabJe, &:quenous ne pouuons ^flez exprimer , que les voyant commu- niquer à fés péchez, nous les voyons aufli dans le péril de participer à Tes player. Comme ce n'eft pas non plus fa ns quelque admiration de fes appas, &: delà force de les charmes 3 qu'eftant de toutes les focie- tez Chreftiennes celle parmy laquelle le Chrifrianifme s'eft le plus corrompu en toutes façons, èc qui par confequent méri- te le moins qu'onrefpefte fa communion, les autres Eglifes pourtant, 8>c la Gallicane notamment, qui scfttoufiours le plus vi- goureufement oppofée à fon ambitionjeft iifcrupuleufe encét efgard, qu elle penfe- roits'eftrefeparéede Chrift, fielle auoi^ rompu auec Rome. Q^auons nous à faire d'eflre Romains pour eftreChreftiens?Le Chriftianifme n'a-t'ilpaseftéfalutaire Se enlerufalem. Se en Antioche, &:endiuers endroits de TO rient , auant que Rome en euftouy parler? Et depuis que Rome en à ouy parler , où font dans les Epiilres de S: Paul, ou dans les autres efcrits du Nou- ueau Teftament, les traces qu'il falluft ne- C eflairemenr entretenir communion auec | çlle pour iouïr de l'efperancc de la gloirel
bour ceux de la Relig, z^f
Saind Pierre mefmenous parle-t'il daiïr tre chofe que de la foy en k Croix dé Chrift , 8c de la vraye fan£tification , pour mériter le nom de Chrefliens ? Paroift-il en fes,efcrits feulement vne ombre d'en- feignement , ie ne diray pas qu'il ait efta- blyrEuefquedeRome fon fuccefleur en fon authorité 5 mais qu'il ait defiré qu'on tint fa communion plus necelTaireàfaluti que celle des autres Apoflres ? Enfin , en cette Eglife de Rome s le vray objet de noftre indignation eft celuyde qui nous auons cette opinion , comme ie difois cy- deffus 5 qu'il l'a corrompue , 3c qui fous le nom de Dieu en t;erre j femble fe vouloir mettre en la place de noftre Père qui cit aux Gieux. Si donc elle auoit refolu de fai- re diuorce auec luy , &: de fe remettre en cet eftat de pureté auquel elle eftoie aupa- rauant , nous oublierions Volontiers tout lepaffé 5 d>c ne ferions point de difficulté de nous reiinir auec elle. Si mefmes elle iiefe contentoit pas que noftre Eglife la recognuft: pour fa fceur, comme elle a fait celle d'Angleterre , &c d'Alemagne , ôc des Pays-bas , d'autant qu'elle s'imagine quec'eftdeRome que FEuangilc eftpar- Uenu iufques à nous , nous luy donnerionj'
XjS jipologie
tels titres qu elle voiidroitjpourauoir paix auec elkicar quelque droit d'aine flc qu el- le pretendift entre fes fœurs y ou de quel- que autre qualité qu'elle vouluft qu'on l'honoraft , nous lupporterions douce- ment ce petit reftc de vanité, pourueu que celan'allaft point iufques à preiudicier à la gloire de noftre commun. Seigneur &c Maiftre. Mais tandis que nous l'y voyons fi fort intereffé qu'il eft , le refpeft que nousluy portons ,&: le foin que nous de- uons auoir de noftre propre falut, nous eft vne pleine Se entière iuftification deuant les yeux de l'Vniuers, fi nous ne portons pas plus auant les effets de noftre condef- cendance.
SECTION VIL
Qt^en ce que ceux de U'Rfligion croyent effeéîiuementj ils ne font dignes de ta^ urrjîon de perjonne ; au contraire ^ (juils doiuent ejlre tenus pour bons Chrejliens.
E n ay donc plus finon à reprefenter fimplement ce que nous croyons ^ ôc
I
tour ceux de URelig, i^c^
ce que nous faiions en la communion Re- formée; à cequeceuxquinen ont pas la cognoiffance , enpuiflent cftre informez, èc qu'ils iugent par là ce qu'on doit efti- iner de nous. Peut-eftre qu'il n e feroit pas absolument neceffaire que ie m'arreftaffe icy bien particulièrement: pource que no- ftre Confeffion de Foy ,&: la Liturgie de nosEglifes peut en inftruire tout le mon- de. Neantmoms^pourne renuoyer point mon Lefteur ailleurs, &; ppurce qu en no- ftre Confeffion de Foy nous ne nous fom- mes pas contentez de mettre les articles poiitifs de noflre créance , nous y auons auffi méfié ceux que nous ne receuons pas; afin qu'on voye noftre Religion tout à nud 5 &: que fans préoccupation l'on puifle d autant mieux luger de fon excellen- ce y i'extrairay de cette commune dé- claration de noftre doctrine, ce qu'efFefti- uement nous croyons , fans y rien adjou- fter de ce que nous auons rejette.
Dés auffi-toft donc que nous commen- çafmes àparoiftre en ce Royaume , nous declarafmes publiquemêt que nous croy os qu'il y a vn feul Dieu, qui dans rimmenii- té &: {implicite inénarrable de fon effence fpirituelle y &: éternelle, ôc incomprehen;^
i40 apologie
fible en toutes manières^ comprend toutes fortes de vertus ? de Bonté , de luftice , de SagelTe, de Mifericordejauec vne PuifTan- ce infinie , en vne li eminente perieftion^ qu'il furpaffe infiniment iaportéedel ei- pritdeshommes, &:de l'intelligence des Anges mefmes. Cela pofé pour fonde- ment de noftre créance., nous adjouftaf- mes que Dieu nous a manifefté cette co- gnoiffance de fon eftre par deux voyes : à fçauoirparTouurage du Monde dcdc fes parties, conjointement auec la Prouiden- ce qui les conferue Se qui les gouuerne : Se par les reuclations de fa Parole, qu'il nous a laiffée par efcrit. Et chacun feait^fans que l'en fafle le catalogue, que nous auons re- cognu pour parties de cette diuine Parole, dans le NouueauTeftament tout ce qui a toufiours efté recognu pour tel par les Chreftiens, Se dans le Vieil, tout ce qui eft dans le Canon des Hebrieux, Se que TE- glifeludaïque a crû eftre d'origine celé- fte. Or bien que nous parlions ainfi, fi eft- ce que nous ne croyons pas que ces liurcs foient diuins pource feulement que ça toufiours efté le confentement vnanime de l'Eglife , Se que tous ks Chreftiens en font d'accord j car fi nous n'auions autre
fonde-
pour ceux de la Relig. 241
fandemcncdenoftre foy , elle feroit ap- puyée fur le tefmoignage des hommes, qui s accordent bien auffi quelquesfois à receuoir ce qui eft faux. Mais comme ainfi foit que ces liures ne peuuent eftre diuins, 8c procédez de l'Efprit de Dieu , qu'ils ne portent vne infinité de marques de leur origine, chaque efFeft ayant toujours des marques indubitables de fa caufe , Dieu par vne fecrette Se intérieure opération de' fon Efprit , ouure tellement les yeux denosentendemens , qu'il les rend capa- bles de recognoiftre ces charaderes de la Diuinité,&: nous fait difcerner ces liures d auec tous les autres efcrits purement hu- mains, de quelque nature qu'ils foient : de forte que nous les receuons auec vneper- fuafion pleine 3c entière pour la règle trcs- certaineôctres-parfaite de noftrefoy, &c pour l'inftrument efficacieux par lequel il a pieu à Dieu nousreueler fa cognoiffan- ce. Car quant à ce qui eft du monde &: de fes parties, &: de toutes les œuuresdela diuine Prouidence , lacognoiflance qu'on en peut recueillir a cela de particulier, qu'elle eft expofée aux yeux &c aux efprits de toutes les Nations, &: de tous les hom- mes de la terre , en quelque lieu qu'il§
foient cfpai's» De façon qu'il n'y eh a aii^ cun , s'il y vouloit vfer de ion entendemét coiHmc il faut , qui n'y pcuft r ecogi:oiftr0 que Dieu eft vne nature telle queiel'ay defcrite au commencement , &: qui par tonfequent ne peuft eftre induit par là à luy rendre l'honneur , le feruice , bc ley aâions de grâces , auxquelles la cognoif- failce de ces vertus5&: les bien-faits que les hommes en ont receus , inuitent naturel- lement. Mais pour ce qui eft de la reue* lation de la Parole, qui eft contenue eh ces liures , elle a cet aduancage qu'elle eft incomparablement plus claire &:plusdi- ftinae,&: qu'elle nous apprend pour no- ftre falut vne infinité de chofes qui ne nouspeuuent eftre eiifeignéespar la con- templation de rVniuers. Car elle nous defcouure premièrement qu'en cette fou- ueraine Diuinité, quefâ nature3&: la créa- tion du monde nous monftre clairement he pouuoir eftre qu'vne, il y a heantmoihs trois perfonnes > qui y fubfiftent diftinde- ment : c'eft à fçauoir le Père , que nous re- eognoifTons eftre la première caufe ? le principe, &:rorigihe de toutes chofes: le Fils , qui eft fa Parole , & fa Sapience eter- helle : & le S. Efprit , qui eft fa vertu , foit
pour ceux delà Rdig. 245
efficace, &:lapuifiance, qui exécute tous les confcils que le Père a formez pa r fa Sa- pieiice^qui eil fon Fils. Que le Fils eft éter- nellement engendré du Pcre ; que le S. Efprit procède éternellement du Pa:e Se du Fils > &: qu encore qu ils n'ayent qu'vne mefme elTence , fi eft-ce que leurs Perfon^ ries ne font point confuies entr'elles > &: jgardent vnc éternelle &: inuiolable di- ftindion. En vn mot , tout ce que les an- ciens Pères, comme S.Hilairc,S. Atha- nafe,S. Ambroife> &: S. Cynlk en ont dit, tout ce que les anciens Conciles en ont décidé , pource que nous le voyons très- conforme à cette parole de Dieu , nous le tenons pour tres-veritable 6c trcs-ortho- doxe. En après, le Monde, finôusyeuf- fions efté bien attei^itifs, nous euft bien peu apprendre que c'eft ce grand Dieu qui l'a créé : Car les cieux 6c la terre rendent aflezde tefmoignages à leur autheur , fî les hommes apportoient à les contempler vneaflezpure8c aflez lumineufe intelli- gence. Mai^ pource que le péché nous a aueuglezjles vnsont abfolument ignoré cette vérité, les autres ne Font cognue que tres-imparfaitemcnt, &: de ce qu'ils en ont cognu , ils n en ont point eu de perfuafioa
9^
2-44 j4polôgk
finondcitteule8<:chanceiiante5 iufques à ce que cette diiiine Parole nous en a tres- plemement ôc trcs-certamement infor- mez. Car G eft en elle qu il nous eft reci- té 5 comment ce Dieu, lequel s eft manife- ftc à nous en trois pcrlonncs, a au com- mencement forme les cicux 6c la terre, &: toutes les chofes qui y font i tant celles qui n ont que l'efti e , ou la vie , ou le fen- timent feulement , que celles qui font douées de raifon , de mefmes celles qui eftansfpirituelles &: inuiiibles de leur na- ture, ont vn eftre qui confiile quafi tout en intelligence : Car c'eft de (es enfeigne- mcnsque nous recueillons certainement qu'il y a des Ariges èc des Démons, qui font tous efgalement créez de la main de Dieu, mais dont lesvns ont abandonne leur origine par la reuolte , &: font deue- nus ennemis de -leur autheur Se de tout bien ; les autres, qulont perfifté en leur in- tegrité,font employez à l'exécution des volontez de leur Créateur , notamment en ce qui concerne les hommes, &plus particulièrement ceux d'entr'eux pour lef- quelsila de plus tendres &: de plus véhé- mentes affedions. Et quoy que la raifon nous deuft affez aduertir que Dieu n a
f^our ceux de Ul{_elig. 14 f
point crcé ce grand ouuragc du monde pour Tabandonner , ii aiions nous eu bc- loin que cette parole nous efclaircift cette vérité, &: nous affcrmiil: en cette créance, que toutes chofcs font maintenues, con- leruées, régies , &: gouuernées par la Pre- uidence de leur Créateur. Tellement que dans les caufes naturelles, &: dans les cho- fcs qu'on appelle commun' ment contin- gentes, il n arriue aucun euenement qu'il n'ait éternellement preueu èc preordonné eafa Sapience,&: fur lequel » 1 n'a itpreiidé par la conduite &: par l'efficace de fa main; Et bien qu'il fcmble que les hommes 5^ les Anges ayent plus de liberté en laprodu- âion de l^'s actions, que n^ont toutes les . autres créatures, &: que de fait ils s'y por- tent par les mouuemens de rintelligence, 6^ les exécutent volontairement , néant- moins cette liberté s'accorde tellement auec la Prouidence diuincquetout ce qui dépend des caufes intelligentes, eft fouf- misàfongouuernement. Il efl vray que les mefchans hommes &: les démons fem-r blent auoir voulu fe fouftralrcde fon Em- pire j mais fi font-ils pourtant fujets à fa volonté. De forte qu'ils n entreprennent- rien que comme il le permet, &:nexecu-
Z^ë A^ologut
tenc rien finon comme il leur en donne lapuiflance; &: fur tout il a vn foin fpe- cial de veiller fur leurs actions, en ce qui foncerne ceux d'entre les homrties qu'il aime particulicremenc. Car pource que ces mefchances créatures les ha.ifient à merueille, &: machinent toutes fortes de maux à Fenccntre d'eux, il cftneceffaire qu'il poumoye à leur protedion dVnefa- ^on fpcciale, autrement ilsauroient trop ifouàrir de la part de leurs aduerfaires, yeu qu'ils font fi enuenimez , en fi grand îiombre ,, Se fi puifTans. Cette mefme Parole nous inftruit encor , &: de la con-- dition de noftre première origine , &:de la façon de la. quelle nous en fermes def- cheus , &: de Teftat auquel i:ious nou$ trouuons maintenant naturellement par cette cheute. Car ceft elle qui nous ra- conte comment Dieu auoit créé Thom- jTne en vn eftat d'intégrité , Se de félicité excellente, Scàç, tout poinft accomplie, autant que la condition de la Nature le pouuoit porter. Ceft elle qui nous réci- te comment rhomme en tranfgreflant volontairement la loy que fon Créateur, luy auoit donnée, s'efl: rendu indigne de, U fcli^itc en laquelle il auoit eftc mis >
pour ceux de la Relig, Z47
Se s*efl: luy mefme corrompu. De ma-f niere qu au lieu que Dieu luy auoit don-f né vne intelligence lumineufe 5 &c rem* plie de la cognoiiraiice de fon autheurj ôcvnc volonté toute encline à fuiure les . ^ouuemens de cette belle intelligence en toutepietéenuersDieu,&:en toute force de vertu i Se finalement des appétits bien réglez 5 &: parfaitement afliijettits à l'em- pire de la raifon : fes appétits ont par le peclié fecoué le ioug de la raifon y de fe font émancipez dyne façon merueilleu- fcment licentieufe; fa volonté eft deue- nue deprauée d>c portée à toute forte de m ah Se les ténèbres ont tellement faifi fon intelligence quelle n'a plus efté capable ny de gouucrner les appétits comme il faut , ny de tourner la volonté vers les ob- jets bons Se loiii^bles, ny de iuger des cho- fes conuenablement. Vray eft qu'il fem- ble que pour ce qui regarde les chofes po- litiques Se morales , il foit refté dans Tcn- tendement de l'homme quelque faculté dedifcerner entre le bien Se le mal. D'où vient qu'il n'y a iamais eu de nation deffus îa terre , pour fi barbare qu elle fuft , par- my laquelle il ne foit demeuré quelque trace 4e Teftime de la iuftice , de l'honne.-?
24S Afolo^e
fteté , 8^ de la vertu. Mais outre quec'eft encore vnefed de la diulne Prouidenee quia voulu conkruer ce petit relie de co- gnoiflancc parmy les hommes , afin de feruirdelienà leur Ibciecé; lors qu'il eft queftion de Dieu , Se de le cognoiftre comme il faut , ^. de luy rendre le ferui- ce qui conuient à l'excellence de fa natu- .çe 5 ils y font entièrement aueugles , fi Dieu ne les y adreffe & ne les illumine pour cet cffcd extraordinairement. Ain- fi, encore que l'homme foit libre, en ce qu'il eft porté à fes aftions par le mouue- ment de fa volonté, &: que la volonté y eft portée pource que fon entendemet dif- court &:raifonne fur les choies qui fe pre- fentent pour iuger de leurs qualitez , il eft neantmoins efclaue , en ce que fa malice naturelle eft fi grande , &: qu'elle a telle- ment faifi toutes les puifTances de fon ef- prit , que fi Dieu par la vertu du fien ne le deliure de cette feruitude volontaire , il ne iuge point, &: ne peut iuger des choies autrement que mal , ^ par conlequent il ne fait que mal , èc ne peut rien fi- non mal -faire. Or pource que tous les hommes font defcendus de ce premier , qui s'eft ainfi mal -heureufcmènc cor-
pour ceux de U Relig. 24^
rompu 5 il nous euffions retenu la co- gnoiflance de noftre origine , elle nous cuftpù apprendre 5 outre les autres preu- ues que nous en auions en nous melnaes, que noftre premier père a prouigné cette fienne corruption en nous tous. Mais pout ce que cet aueuglement naturel , qui nous empefchedeiuger de toutes autres cho- fes , nous a auffi ofté la cognoifTance de noftre principe &: de nous-mefmes 5 il a fallu que cette mefme Parole nous apprift que tous les hommes du monde en font naturellement gaftez. Tellement qu'il n y a aucun dcsdefcendans d'Adam, en qui par la génération des pères aux en- fans, cette corrupuô ne fe foit écoulée j car ce que lesPelagiens ont voulu dire, que nousnefommes mauuais que par imita- tion ^eftvn pernicieux erreur, que nous deteftons : nous fommes auffx outre cela mauuais de nature , de quelque façon que cette tache originelle fe prouigné en nous. Cognoiflans comme nous faifons fi certainement le mal , nous ne nous don- nons pas beaucoup de pemede içauoir la façon comment il fe perpétue au monde. Et ce mal eft fi grand , que quand nous n'en commettrions point d'autre, il nous
îjo Apologie
rend coupables deuant le iugement de Pleuy & nous affujettlt à la more. Bien eft vray quel^icLi le nous pardonne , Scquill nous donne le feau de cette remiffion par le Baptefme \ mais ncantmoins il garde touliours fa nature; cav ppur n'eftre pas pu- ny,vn péché ne laiffe pas d'eO.re péché pourtant. Et qu'il garde toufiours fa natu- te^l en appert par expérience j car c'eft de là, comme dVnefource inefpuifable , que viennent toutes les mauuaifes pa/Rons > toutes les mauuaifes penfées > toutes les, mauuaifes aillions > 6^ toutes les mauuai-r fes paroles , par lefquelles les hommes attirent deffus eux ire &: makdidlion. Mais bien que la Parole de Dieu foit ad- mirable en la reuelation qu elle nous don- ne de toutes ces belles co gnoiffances, fine 1 eft-elie point tant qu en la déclaration qu'elle nous a faite du moyen par lequel Dieu nous retire de cette malediftion, ^ des motifs qui l'ont porté à nous en ga,- rcntir icar pour ce qui eft des motifs , elîo nousenfeigne qu'outre cette charité, iné- narrable qu'il a tefmoigné enuers le mon- de, en ce que fans yeftre incité d aucune ^utre caufe, que de fa feule bonne volon- ^, il a. voulu donner fon Fils vnique pou.ç-
pour cçHX de la Relig. iji
labandoriner àlamprc^afin que quicon- que croiroit en luy ^tuft fauué par luyjnou* auons encore en elle la reuelation dVn jnyltere que nous ne pouuions iamais ap- prendre d'ailleurs. Ceft que Dieu, meu de fa pure volonté , &c fans y eftre inuité par aucune bonne qualité qui fuft en Ivn pluftoft qu en laucre d'entre les hommes, ti de toute éternité , Se dans le confeil qu'il en a formé deuant la fondation du monde , mis de la diftinftion entre eux; car il a eu le falut des vns tellement à cœur, qu'il les a mis à part des autres , afin de leurdonner de croire en ce Rédempteur, $cdeles amener parce moyen indubita- blement à la jouiffance de fa félicité éter- nelle. Au lieu qu'il a laifféles autres ei^ arrière pour les abandonner à eux mef- mes> Se à l'aueuglement de leurs cœurs. Leur aueuglement donc eftant tel que nousTauonscy-deffus reprefenté,il eft ab- folument ineuîtable qu'ils ne croiront point en l'Eiianglle, 8>c ainfi qu'ils demeu- reront en kur naturelle perdition. De forte que comme fa mifericorde paroift merueilkufement riche en la difpcnfa- lion de laquelle II a vfé enuers les vnS;,cet- îefeueritédonc il a vfé enuers les antres^
2.fi jifologie
bien qu'elle ne foie nuilcment iniiiftc , pour ce: qu'ils ont bien mérité d'eftre ainii abandonnez , donne de reftonnement pourtant , &: ell enfin fuiuie de Texecution d'vne ire &: d'vne vengeance elpoiiuanta- ble. Et l'expérience nous ratifie ce que la Parole d e Dieu nous en apprends car com- xne le l'ay dit ailleurs , puis que les vns croyent en lefiis - Chrift , d>c les autres n'y croy ent pas, &: que nul n'y croid finon par la grâce que Dieu luy en donne, il faut ne- ceflairement qu'il ait mis diftinftion en- tre les hommes en cet efgard, 8i que ce que nous en voyons arriuer m-alntenant, foit l'effet de la refolution qu'il en auoit prife auant la fondation du monde. Do- ûrineà laquelle le Cardinal Bellarmin,8^ les autres prmcipaux Docteurs de l'Eglife Romaine confentent. Quant à ce qui eft du moyen que Dieu a fuiuypour nous ti- rer de cette condamnation , qui eft-ce qui peut porter le nom de Chreftien, s'il ne c|:oid ce que nos Eglifes en enfeignent? Elles difent premièrement qu'en lefus- Chrift Dieu nous a offert ^communiqué tout ce qui nous eft neceffaire pour noftre falut ; en ce qu'il a efté fait fapience , pour nousreuelertojLites les lumières &: toutes
pour cmx de la Relig. i)^
ks cognoiffances qui concernoient la gloire de Dieu 6c noftre Ibuueraine fé- licité : &:iuftice,pour nous faire abioudre deuant le iugenienc de Dieu par le^inoyen de fa fatisfadViOn : bc fandification,pour nous communiquer de fonEfprit, e>c repa- rer en nous l'image de la fainfteté du Pè- re celefte: Se rédemption , pour ce qu'il nous retirera enfin de la main de tous nos ennemis, &: de celle de la mort mefme. Teiiemêt que qui s'addrefle à lui,il y trou- ue tout ce qui luy eft nèceffaire pour cftre fauué ; Se qui fe deftourne de luy, renonce à la mifericorde de Dieu, laquelle il luy a plu de reueler en fon Vnique. Elles ad jou- ilent qu'encore que ce lefusChrift foit la fageffe de Dieu, Se fon Fils éternel , Se Dieu beny ésfiecles des fiecles , fi eft-ce qu'il a vertu noftre chair, &: joint en vne mefme perfonne en luy la nature humai- ne auec la diuine. Par ce moyen non feu- lement quant au corps il a jefté fait fembla- blcs à nous en toutes infir mitez, mais aufTi quant à Tanie il n a point différé de nous en toutes fortes de partions, finon entant quenrvn&: en l'autre il a efté parfaite- ment exempt Se des péchez que nous y commettons , Se du vice qui y eft inhérent
iy4 Apologie
denoftre nature. Mais quoy que c'en foie, il a cfté homme veritabiement, & comme il eftoit dcfccndu de la race de Dauid &: d'Abraham , ainfi que les fainûs Oracles^ rauoicnt promis , il a eu vne nature toute Semblable a la leur 5 mife à part la corru- ption laquelle y eft furuenue . Et s'il y a eu,- ou entre les anciens , ou entre les moder- nes, quelques gens qui en ayent crû autre- ment, nos Eglifes ont toufiours eu leurs erreurs en vne abomination extrême. Et afin que perfonnene fe trampaft en Tin- telligence de leur fentiment , elles en ont donné par tout Vne interprétation & vne declaratiô tres-exprefféj car elles ont tou- jours crû & toujours dit , que ces deux na- tures, diuine & humaine , font tellement conjointes en vne mefme perfo nhe en le- fus-Chrift, qu encore qu'elles foient inf e- parablement vnies, chacune d'elles y gar- de diftin£kementfes propiietez. Comme donc la nature diuine y demeure increée, infinie >&: immenfe tout a faitî la nature humaine y demeure limitée des bornes qyi luy font propres comme aux autres hommes , ôc reueftuc de fa figure , & con-r formée en fa ftature ainfi que les autresf cof ps humitins. Vray eft qu'en la refurre-?
ponr ceux de la Kelig. t j^
èiôh le corps de Noftre Seigneur lefus d acquis des qiialicez fore différentes de cel- les qu'il auoic en Tinfirmicé de la chair: car il eft deuenu incorruptible , 5c immor- tel : maisneantiTioins il a toujours côferué la nature d' vn vray corps , 3c la poiTede là haut en la gloire des lieux celcftes.Or bien quilnousreuienne vne infinité d'auanta- ges 8c d'incomparables vtilitez , de« l'en- iioy de Noftre Seigneur icy bas y de qu'on y puifîe remarquer vne infinité de chara- cleres admirables des Vertu s que Dieu y a vouludécouurir^le principal iujet pour- tant de tout ce merueilleux myfterca efté que Dieu nous a Voulu monltrer fon in^ cftimable charité, de fon amour inénarra- ble enuers nous, en ce qu'il la liiiré volon- tairement à la mortjafin d'y Tatisfa Ire pour hds pechez,&: qu'il la reffulcité d'entre les morts y afin de nous attefter que la fatisfa- £iIon eftoit parfaite , Se qu'elle auoit efté acceptée de luy , puis qu'il liberôit noftre caution. De forte que par ce moyen nous à efté acquife , & la iuftice en vertu de la- quelle nous comparoiffons hardiment dé- liant luy en iugement , Se la vie éternelle, qui eft le but de nos fouhaits&: l'objet de nos efperances. Pour nous obtenir cela.
2^6 Aj^ologie
nous croyons que Noftre Seigneur lefus a offert à Dieu ion père vn feul facrifice en la Croix, par le moyen duquel nous fom- mes reconciliez à Dieu , &: tenus pour iu- fies en fa pretence. Et cela eftoit abfolu- ment neceffaire pour nous taire obtenir la vie à laquelle nous afpironsi car nous ne l'obtenons fmon comme vn héritage, &: en qualité d'enfans : &: ne lommes enfans de Dieu fmon par fon adoption^ Or ne pouuions nous eftre participons de fon adoption, que premièrement il ne nous pardonnai! &: n enfeueliil toutes nos ot- fenfes. . Pour ce donc que nos iautes font des debtes Se des crimes,comme ie Tay dit cy-deuant, &: que pour des debtes &r des crimes il faut vne iatisfadion &: vn paye- ment, qui fdit proportionné à l'obligation &:à la peine que la loy dénonce , comme il n'y auoit aucun qui peuft faire cela par- faitement fmon le Seigneur, auflila t il ii parfaitement accomply , qu'il n eft deior- maisplus de befoin d'autre fatisf : dion ny d'autres fouffrances. Or comme qui a- payé,eil quitte de fon obligation,&: qui pa- reillement àibufFert,eft quitte de l'obliga- tion à la vengeance , foit qu'il l'ait fait pour foy- mefme, ou par l'entremife de- fa
caution
pour ceux de la I{elig. 2/7
Caution, Noftre Seigneur ayant ainii 6^ payé 8c fatisfait pleinement pour nous , nous fondons là deiTus la prétention que nous auons d'eilre abfous Se iullifiez de Dieu, qui à cette occafion ne nous punit pas, mais nous remet gratuitement toutes nos debtes &c tous nos crïmesjcar puis qu'il eft entièrement fatisfait en Noftre Sei- gneur, il n'a plus rien à demander à nos perfonnes. Pour cela nous eftimonsnous fouuerainement heureux , ainfi qu'a fait Dauid autrefois , de ce que n ayans rien en nous mefmcs dequoy contenter la iuftice de Dieu,ny en mérites ny en fatisfadions, nous auons tout en Iefus-Chrift,qui paù cette fienne fatisfadion nous a acquis la remiflîon de nos péchez, &c nous a efieuez à Tefperance certaine de la félicité éter- nelle. Amfinous jouïflbns par la grâce de Dieu de paix d>c de repos en nos cœursj.aU lieu qu'autrement nous ferions toufiours agitez d'apprehenfiions , fi nous auionsà refpondre de nous-mefmes , &:fur l'afTcu- rance de noftre propre iuftice , à fon iuge- ment. C'eft aulTi en cette niefme confian- ce, que nous inuoquons Dieu comme no- ftre Pcre , &c que nous fommes affeurcz d'eftre exaucez en tout ce que nous de-*
R
ij8 j^pologie
manderons au Nom de ce grand Média- teur j car puis qu'il eft noftre Moy enneur, il rendra nos prières agréables à ion Perei puis qu'il eft celuy auquel nous auons eftc adoptez , il fera que nos lupplications fe- ront receuès de Dieu , comme venant de fes chers enfans , Se puis qu'il eft noftre chefaôc nous (es membres, il ne fe peut que li faueur que le Père cclefte luy porte, ne fc tefpande defTusnous , & deflus les priè- res que nous luy prefentons par luy. Au refte, comme ainfi foitque lespromeffes de toutes ces grâces, qui nous font faites enTEuangile , foient vniuerfelles fous la condition de la ÎFoy , félon ce qu'il eft dit, qu il a fouffert pour nous acquérir falut, afin que quiconque croira en luy ne perifie point, mais qu'il ait la vie éternelle , nous nous rendons ces promeffes particulières, 6c les iîous approprions par la Foy. De forte qu'au lieu que les autres n'en fentent aucun efFet,pourcequilsn'y croyentpasi nous en feiltons quant à nous , pource que nous les acceptons. Et comme en les acce- ptant de noftre cofté nous demeurons per^ fuadez que Dieii lie manquera pasd'exe^ cutercequede fa bouche facréeil a pro- fnis 3 Dieu de fà part les exécute cfFeftiue-
froUr ceux de la I{elig. i^p
ïriént en noftre efgard , &: nous rend par- îicipans de cette iuftice de fon Fils en la re- million de nos péchez , iufques à ce qu'il nous introduire en la joiiiffancedelavie. Cependant ce que nous croyons , nous ne le nous attribuons pas à nous-mefmes 9 mais nous recognoiflbns le tenir tout de la grâce de Dieu j car les prbmeffes , com- me i ay dit cy-deflu^, font ofFertcs généra- lement à tous , mais la grâce de les rece- uoir eft vn don gratuit & particulier que Dieu donne à qui bon luy femble. Telle- ment du au lieu que les vns ont feulement cette obligation à Dieu en ce qui regarde leur ialut, qu'il leur a efté offert de fa parc darislespromeflesderEuangiledeClirifl:, les autres luy font obligez au double , eri ce qu'en la diftribution de la grâce par la- quelle on les embraffe^ilsont efté préfé- rez. Et l'obligation qu'ils en ont à Dieu eft d'autant plus grande , que cette illumina- tion intérieure ôc fecrette de Tefpric de Dieu, par laquelle ils font rendus capable^ de rccognoiftre la vérité de TEuangile du Sauueur,ne fe defploye pas en eux pour Vne fois feulement , comme fi Dieu les vouloit feulement mettre dans le chemin du faluc, pour les laiflei: là puis après à leur
2.6^0 j^pologie
propre conduite. Gequil commence erî eux 5 il le concmuè &c le paracheue auffi. Et de fait comme luy leul en a pu donner les commencemens, auffi peut-il leul don - ner la perfeftion à ion ouurage. Et pour- ce que la promt lîe de rE:iangile né regar- de pas feulement la rcmifTiondes péchez, mais auffi lavraye iandiiication dont le fainft Efprit eft autlieur , quand nous di- fons que nous receuons cette promefle par foy 5 nous donnons affez à entendre que la foy ne nous mer pas feulement en la pofTeffion de cette remiffion, mais auffi nous obtient l'Efprit de fanftification qui nous régénère. Tellement qu'outre ce que la foy d'elle-mefme exxite ralFeftion de bien Se faintement viure^en ce que nos en- tendemens ne peuuent eftre illuminez dVne fi belle vérité, que nos afFcdions ne s'enflamment de fon amour, &:nefe con- forment à fa fainfiteté ; elle produit encore la vraye régénération en nous > en ce qu'- ayant par fa grâce crû à la pronieffe de Dieu, il nous donne plus libéralement fon S.Efprit, pour nous refor met à fon image. Et pour ce que c eft en cela que confifte le fuc Se la moiielle de la doilrine de TËuan- gile. Se quant Se quant le corps Se h vérité
^our ceux de la Relig. iCi
4e çc qui eftoit autresfois repreicnté dans les lig lires de la Loy , nous ne conlîderonE plus les cérémonies que comme des cho-' fes paifées , &: ne nous feruons de la Loy morale mefme , linon pour eftre la fegle de noftre conduite &: de nos depor-, temcns.
Pour ce que ce grand faluc que nous auons en lefus-Chrift nous eft communi- qué pari Euangile, &: ratifié par les Sacre-^ mens, &: qu'au refte ny l'Euangile ne nous: eft prefché, ny les Sacremensne nous font adminiftrez, linon par Tordre delEgliie,; tel qu'il a pieu à Dieu de Teftablir ,il eft- raifonnable que l'on fçache aulTi ce que r;pus croyons de toutes ces chofcs 5 & que To a voy e combien la créance que nous en auonsîeft non feulement innocente , mais conforme à la vérité diuine, &: digne de l'approbation de tous les Ghreftiens. Afin donc decommencerpar là, nous croyons que Dieu a eftably vn certain ordre en fonE^life, félon lequel les vns font or- donnez pour eftre Pafteurs &: Dofteurs, 8c les autres pour receuoir leurs inftru£bions, &: que cet ordre doit eftre facré bc imùola-. ble.En telle manière queles vns^que Dieu a» doUez des dons neceffaires pour.cela>
R îij:
9^^t ji^oîùgîe
foicnt appeliez à ce miniftere par des voyesconuenables, &: qu'ils Texercent en toute fidélité , &que les autres efcoutent auec refpeû & reuerence , &c faffent profijc de leurs enfeignemens. Ce n eft pas que s'il euft pieu à Pieu choifir quelqu autre Voyedenous enfeignercequi eft de no- ftrefalut , il ne Teuft peu faire. Ny fa Sa - pienccny fa PuiiTance n'eftoient pas tel- lement aftreintes &: déterminées à ce tnoyen-là 5 qu il fuft abfolument ineuita- ble. Mais l'ayant iugé le plus propre , ^ le plus accommodé à la nature de Tliomme, ainfi qu'il a fait, ç eft luy refifter que de ne s'y afllijettir pas , &: ruiner l'édification de fes cnfansjque de Vouloir abolir vne fi bel- le difcipline Et de là s'enfuit neceffaire- ment qu'encore que chacun doiue auoi? îe foin de s'inftruire en particulier en la cognoiflance de la vérité, 6cque chaque père de famille foit particulièrement obli- gé à linftruftion de ceux qui font def- lousfon gouuernement ,neantmoins il y 4pit auoir des affemblées publiques , oii |out le monde foit endoctriné en com- mun par ceux à qui Dieu en a commis la, charge , tellement que ceux qui fe fepa- JTcnt de cts affcmbîées i contrarient \
pQUr çeu^ de la Relig. z d
J ordonnance de Dieu, fefouftrayent du iougdenoftre Seigneur Icfus-Chrift, ôc irompent rvnité de fon Eglife. Et cela a cfté iugé fi neceflaire par les Apoftres de &: par les anciens Chreiliens, qu'ils lont, tpufiours pratiqué nonobftant les Edifts des Empereurs, & toutes les perfeçutions qui leur ont eftç faites pour les en cmpef- cher ; car pource qu'ils ont cru que cela eftoitdeTinftitutiondeDieujils ont efti- mé quileftoitplusiufte6c plus raifonna- ble d obéira Dieu qu'aux hommes. Or eft-il bien aifé de recueillir de ce que iay dit cy-deflus , que ç eft que nous croyons delà nature de TEglife; car fi vous confî- derez les fideUes entant qu'ils fe trouuent; aftuellement enfemble pour oUir la pre-i dication de la Parole de Dieu , Se vaquer aux exercices de pieté , TEglife eft Taf- {emblée de ceux qui conuiennent en mef- me lieu à cette intention de tefmoigner la foy qu'ils ont en noftre Seigneur lefus- Chrift ,&de sauancer en fa cognoifTan-- ce falutaire par Fouie de la prédication de fa Parole J&: par la célébration de fes; Sacremens , comme aufR pour prier Dleu> luy rendre aftions de grâces dVn com- mua confemenxent vôc fe fortifier de plus
26'4 apologie
en plusenrefperance de la bien-Iieureu- ie immortalité : félon que nous auons tous bcfoin de faire progrés en toutes ces chofes 5 iufques à ce que nous foyonspar- uenusàlaperfedion à laquelle nous afpi- rons. Et li vous les conlîderez feparez, comme il n'efl: pas polTible qu'ils vacquenE touliours enfembie à ces fainfts exercices, l'Egliie eft la focieté de ceux qui entre- tiennent communion enfembie par vne mefme foy en lefus-Chrift , &c par la par- ticipation à mefme efperance. Se qui don- nent des tefmoignages de cette commu- nion où les occasions s'en prefentent , pai' toutes les chofes que ie viens de rappor- ter. Or quand nous compofons ainfi TE- glife de fidèles, nous ne prétendons pas dire qu'il ne fe mcfle point parmy eux des gens qui ne méritent pas ce nom. Car il n'y a que trop d'hypocrites > qui pour quelques confiderations demeurent exté- rieurement en cette focieté. Mais cela n'empefche pas que la fôcieté ne fubfifte, 3<:qucllenedoiue eftre nommée du nom d'Eglife,àcaufeque le nombre des vrais jfidelles y eft plus confiderable Se plus grandît que la R.eligion qui les rend tels, eft pratiquée comme il faut en toutes fes
pour ceux de ta Helig, 1 6$
parties. A la vérité , où la Parole de Dieu neft point prelchée,où lesSacremensne font point adminiftrez , où il n'y a point d'ordre eftably pour le feruice de Dieu S>c pour la conduite de fon peuple , on ne peut pas dire qu'il y ait aucune Eglife, quelle qu'elle Ibit. Où la parole de Dieu eft prefchée en quelque façon , mais méf- iée des erreurs &: des fuperftitions des hommes; où les Sacremens font admini- ftrez , mais gaftez Se corrompus en diuer- (ts manières : où il y a quelque ordre pour la conduite de ceux qui fontprofef- fion du nom Chrefticn , mais altéré 6^ dé- généré de rinftitution du Sauueur du monde, il fcpeut faire qu'on donnera le nom d'Eglife à vne telle focieté , mais elle ne fera telle pourtant finon à propor- tion de ce que toutes ces chofes y feront ou pures ou contaminées. Car puisque ce font ces chofes -là qui à proprement parler, ôçconftitucnt Remarquent TEgli- fe de Dieu , nulle focieté ne peut porter ce glorieux nom , finon autant qu'elles s'y rencontrent. Et ce n'eft pas fans raifon que i'ay fait mention d'vn ordre fous la con- duite duquel l'Eglifefoit gouuernée; car nous tenons cela pour certain , que ç'cft
^66 apologie
yne chofe ncceffaire a la fubfiftance de la vraye Eglife , qu il y ait vne certain^ police eftablie pour fon adminiftration» qui Toit entièrement conforme à Tinititu- tion delefus-Chrift , ou au moins qui ap- proche le plus que faire fe peut de la pra- tique des iainfts Apofti^es. Ç'eft pour- quoy outre les Paftcurs qui font ordon- nez pour inftruire le peuple ,&pourluy iidminiftrer lc$ Saçremens 5 nous eftimons qu il faut qu'il y ait des Anciens Se Sur- ueillans > Se des Diacres 3 dont la charge çonfifte principalement à remédier aux fcandales qui peuuent arriuer par les mau- uais deportemens des vicieux 5a foulager les neceflîtez des panures , & feruir à ^ confolation des affligez 5 a donner ordre que les affemblées fe tiennent auec la dé- cence conuenaUe, Se fans tumulte ny con- fufion. Se en vn mot, à feruir à Tedificatior^ de tous 5 & à contribuer auec les Paft:eur$ à lauancement de la doârrine du fàind Euangile.Entre cesAnciens Se ces Diacres, Se les Pafteurs qui prefchent la Parole & qui adminiftrent les Sacrcmens^nous met- tons vne notable differécequantà Tordre de leurs charges , Se ne croyons pas qu ils: (oiét d egak authoi:ité en TEglife de Dieu«
pour çcHx de la Rehg. %6y
Mais quant auxPafteurs, nous eftimoi^ que leur charge le.s efgale , 8c ne reco- gnoiflbns point d'autre différence entre eux , finon celle qu il plaift à noftre Sei- gneur lefus d'y mettre par la diftinftion de leurs dons. Car comme ç'eft luy qui eft le Chef de Ion Egliie, Se (on fouuerain Pafleur , auffi eft-ce luy qui orne de fcs dons comme il luy plaift ceux qu'il em- ployé en ce miniftere. Mais tant y a que hy l'ordre de leurs charges , ny le lieu au- quel ils font eftablis, ne leur donne au- cune prerogatiue > ny aucune domination ks vns fur les autres entre nous. En quoy nousfçauons bien que tout le monde n eft pas de mefme fentiment auec nous. Mais puis que nous ne fuiuons cette efgalité fi-? non pour fuir l'ambition Se la tyrannie, qui font les peftes de l'Eglife de Dieu , il n y a nulle apparence qu'on nous doiiie fçauoir mauuais gré d'vne inftitution fi conuenable à l'humilité y qui fied fi bien à tous les Chreftiens , Se notamment aux Miniftres de rEuangile. Q^y qu'il en foit , efgaux ou inefgaux , que Ion confti- tue les Pafteurs, nous eftimons que nul ne fe doit ingérer de fon propre mpuucment en Texercicc de cette charge 3 mais que
tes apologie
ceux qui y ferueuty doiuct eftre légitime^ ment appeliez félon l'ordre de r£gUiede Dieu. A la vérité ii quelque Chreitien de condition priuée seiloit rencontré feul parmi des barbares, qu'il peuft conuertir à la cognoiffance de leibs-Chrift? nous efti- mons qu'il feroit aiTez authorifé par la necefficé de la chofe, par la charité enuer$ le procham , par le zèle de la gloire du Sauueur , dç par la conduite de la proui- dence de fon Pere^d'entreprendre d'y for- iner vneEglile, &: d'y faire les fpnftions de Pafteur. Et le confentement de ceux qu'il auroit conuertis y furuenant , nous tiendrions fa vocation pour parfaite &: pour authentique. Si puis après il pouuoic auoir quelque communion auecvne au- tre Eglife> ^ eftre confirme en l'exercico de fa charge par ceux qui y auroient efté eftablis plus régulièrement 5 afleurémenc cela feruiroit à 1 édification commune , 8c il a efté ainii pratiqué entre les anciens Chreftiens.Mais fi cela ne fe pouuoit,com- me tout le monde eft légitimement appel- lé par la règle de la charité , à fauuer fon prochain dvn embrafement 6cd'vn nau- frage 3 nous eftimons qu vn tel en beau- coup plus forts termes aurpic yne iufte va-
ffour ceUx de U E^elig. i Cs>
cation à recirer les hommes de la malédi- ction. Et n'y a rien au monde de fi raifon* nable. De mefmes, s'il eûoic arriué à quel- que Chreftiende condition priuée , de le trouuer en vne Eglife en laquelle le fer- uicedeDieu , la prédication de la Paro- le ) radminiftration des Sacremens , &: la conduite de Tordre , fuflent tellement corrompus d'idolâtrie, d'iiereficdefuper- ftition, &: de ty rannie^qu'il fuft abfoluméL impofTible de faire fon lalut en cette com- munion, nous eftimons que fon deuoir fe- roit d aduertir premièrement ceux qui y porteroient la qualité de Pafteurs , d'y ap- pointer la reformatiô nece{raire5&: de pour- uoir à leur falur &: à celui de leur troupeau» Si après les en auoir auertis ils n'y vouloiêc pas côieiitinnous tenons pour indubitable que plûtoft que d'endurer la ruïne de la rer llgiô, la profanatiô de la gloire &: de la vé- rité de fon Sauueur^&i la perte du falut des homes^il deuroit en entreprendre la refor- mation defoy mefme , principalement fî Dieu luy auoit donné les dons de cognoif- fance,d'éloquence, de prudence>&: de zèle- pour cela. Car en vne neceffité extraordi- naire,&: d' vne telle importâcejl'ardeur du 2ele de Tentreprêdre > & les dons neccflai-
res pour rexecuter/onc vne iiiarique alFez authentique de la vocation de Dieu. Bien eftvrayque fi les Miniftres ordinaires y Vouloienc mettre la main , il ne s'y de- uroit ingérer que conjointement auec eux Se par leur aflbciation j pource qu'en^ tant qu'il fe peut 5 il faut toufîours déférer à l'ordre des chofes qui font dcfia légiti- mement eftablies. Mais fi les Miniilrcs ordinaires ou ncgligeoient de le faire , ou s'y oppofoient , aufli bien icy qu en toute autre police , le falut du peuple eft la fou- ueraine loy. Où donc l'ordre public vient à manquer, la voix de la neceflîté cft la voix de Dieu, qui appelle à la reftauration de fa vérité ceux à qui il a donné la faculté debpouuoirdeliurerde l'imufticeoù les hommes la détiennent. Hors ces deux occafions, nous croyons qu'il faut: tres-re- ligieufement obferuer cette règle en cfe qui eft de reftabliffement des rafteurs i qu'on y fuiue quelque ordre public , &: que la miflion de chacun foit ratifiée par de bons &: authentiques témoignages-Q^ant à ce qui eft de la Difcipline par laquelle l'Eglife doit eftre gouuernée, nous efti- mons que c eft aux Miniftres de TEuangi- îe^conioinftement auec ceux que Ton à
ftour ceux de la Relig. 1 7 1
choiiispoLii: Siirueillans , à en drefler les reglemens , en telle forte qu'ils fe confor- ment emierement à la Parole de Dieu , Se <ju'ilsnevifent à autre chofe qu'à Tedifi- cation commune. Il eft vray qu'en telle nature de ehofes qui regardent la police extérieure de lEglife^ la parôie deDica s^eftaht quelqucsfois contentée de donner des règles générales > lefquelles il faut appliquer aux circonftances particulières des cbofes , des perfonnes 5 & des tempsj iéc CCS circonftances là n eftant pas fem- blables en tous lieux , &: mefmes ne per- feuerant pas toujours en mefmes lieux en Vn eftat vniforme , il eft aucunement in- euicable, Se qu'entre diuerfes Eglifes il y ait quelque diuerfité en cet ^gard , Se qu'en vne mefme Eglife quelquesfois oit en varie la conftitution félon les occur- rences. Mais cela n arriue finon en ehofes légères ? &:qui ne font pas d importance ^our le falut: en celles qui font de quel- que confequence , on doit eftre beaucoup plusexad àfuiurepon£tuellemeritce que la Parole de Dieu en ordonne. Et d'autant qu'entre autres ehofes elle s'explique di- fertementen ce qui eft de Texcom muni- cation de cpux qui font incorrigibles cil
^72^ Apologie
leurs vices, &: opiniaitrement refra£lai- resà l'ordre de l'Eglife de Dieu, nous ne faifons nulle difficulté qu'il n'en faille vier où loccafion le requiert, en y obfer- uant toutes les précautions de prudence & de charité qu'il eft poffible. Car noftre Seigneur lefus le nous a enjoint ^ quand il a donné à fes feruiteurs l'authorité d'ap- pliquer la rigueur de fes chaftimens félon les occurrences. Quant à ce qui eft des Sa- cremens , nous croyons que Dieu les a ad- jouftez à la prédication de fa Parole pour nous confirmer &: ratifier de plus en plus la vérité des promefTes qu'il nou5 y fait. Car pource que noftre félicité defpend de laperfuafionquenous auons de la vérité des promues diuines ^ & que l'infirniitc de noftre chair a befoin de beaucoup d'aydes pour les nous perfuader. Dieu ne s'eft pas contenté de les nous faire annon- cer de viue voix , il nous en a encore vou- lu donner des gages & des affeurances vi- fibles. Etcommeilfefcrt tellement de la prédication de fa Parole, qu'il ne veut pas feulement que ce foit vn fon extérieur qui batte les oreilles de nos corps, il l'accom- pagne de l'efficace de fon Efprit , par le moyen de laquelle elle s'infinuë en nos
âmes :
pour ceux deU Relig. 273
â-mes : aufli quand il nous fait adminiftrer les Sacremeiis ^ il ne fe contente pas de faire que ce foient feulement des fignes extérieurs qui fe prefentent à nos yeux , il y déployé la mefme vertu de fon Efpriti pour les rendre efficacieux en nos con- fciences. Mais comme c eft de Tcfficace de TEfprit qui accompagne iVn &c l'autre que toute leur vertu dépend, auffi n'ont-ils au- tre vertu ny Ivn ny Tautre non plus, finon de nous amener à lefus-Chrift , feul au- theur de noftre falut, &c le feul objet delà vénération &c de la deuotionde nos amcs. Nous fçauons qu'en l'Eglife Romaine on croid qui] y a fept Sacremens > &: noftre intention n eft pas de difputer contre cette opinion maintenant. En quelque nombre que les Catholiques les reçoiuent, tant y a qu'ils ne nous conteftentpas que ceux <^iic nous croyons eftre tels , ne le foient véri- tablement, à fçauoir le Baptefme la fainte Cène 5 qu'on nomme autrement TEucha- riftie. Et bien qu'à l'efgard de ces faintes cérémonies ils tiennent beaucoup de cho- fes que nous ne tenons pas quant à nous , fi cft-cc que pour ce que nous en croyons^ils nefçauroient y rientrouu^rà reprendre. Car qua nt à ce qui eft du Bajptefme , nous
274 Apologie
croyons auee eux qu'il nous eft donné pour gage que Dieu nous adopte en ion Fils^ pour eftre du nombre deies enfans: & que comme Teau eft propre pour net- toyer les fouilkures de nos corps 5 le fang de Chrift, qu il a refpandu en la Croix , àc le Sainft Elprit qu'il nous donne lauent les foiiiileures de nos efprits, l'vn parla rc- miflion qu'il nous a obtenue, &: l'autre par la fandification qu'il nous communique- Nous croyons encore comme eux, que le Baptefmene doit eftre adminiftréquVne fois à chaque perfonne , &: ne fe doit point réitérer : mais que quant à Ion ïmidi&c à Ton efficace , il s'eftend à toute la vie, pour nous afleurer que nous trouuerons tou- jours enlefus-Chrift &: la remiffion de nos ofFenfes > ôc la grâce de la fanûification* En fin nous fommes encore d'accord auec eux^que quoy que cefoit vn Sacrement de foy &: de pénitence , &: que ceux qui vien- nent grands à la cognoiffance du Chri- ^ianifme , doiuent tefmoigner qu'ils croyent &: qu'ils fe repentent, auant que de le receuoir,neantmoins il doit eftre ad- miniftré aux petits enfans de ceux qui font défia en rEglife,&: que noftre Seigneur Içfus'Chrift Ta ainfi voulu. Pour ce qui eft
pour veux de la Relig, xyf
de la Sainde Cène , on ne nous conccile non plus que tout ce que nous en croyons ne ibit ablolument véritable. Car premiè- rement nous tenons que c eft le tefmoi-- gnagede la communion que nous auons auecnoftre Seigneur lerusChrift, laquel- le conlifte en ce qu'il n eil pas feulement vne fois mort pour nos offjntes, ôc refluf- cité pour noftre iuilification : mais aufîî qu*il fe communique tellement à nous, quil n'eft pas plusvray que le pain Scie vin nourriflent nos corps, qu'il eft certain & indubitable que fa chair & fon fan g font la nourriture 3c le breuuage de nos amesî. Il eft bien vray que nous croyons qu'il eft au Ciel, comme auffi ceux de ! Eglife Ro- maine le croyent j &c eft bien vray encore que nous fommes en la terre. Se qu ainfi il y a vh merueilleux interualle entre luy ëc nous. Mais cela n'empcfche pas que par la force de la foy, par laquelle nous l'cm- brafTons , &c par la vertu fecrette Se incom- frehenfible de fon Efprit, lequel il nous communique, nous ne nous iolgnionstel- lement à luy , &c qu'il ne fe ioigns telle- ment à nous , que nous fommes nourris Sc fouftenus de fa fubftance. Et confeiTons que cette communion dcChnft auec nous^
s ij
ijC Apologie
U de nous auec luy , elt vn myftere àohi nos efprits ne font pas capables de com- prendre toute la grandeur 8>c lexcellencCi Néant moins quoy que nous ne le compre- nions pas entièrement , ii lommes nous pleinement 6c profondément perfuadez, commeieTay défia dit cy-deflus, quenj^ le Baptefme , ny la Cène , ne font pas des fignes creux ^ qui ne contiennent ^ qui ne communiquent pas efFcdiuemét ce qu'ils reprcfenrent. Car nous croyons ferme- ment qu au fainft Baptefme noftre Sei- gneur lefus-Ciirift, par l'efficace de fon fangôcpar la vertu de fon Efprit , nous la^ ue de nos péchez , aufTi certamement qu'il efl: vray que Teau nettoyé les foùillures de nos corps. Et qu'en la Cène il nourrit fpi- rituelleiiient nos arries de fa chair & de fon fang^auflî certainement que le pain &: le vin feruent à la nourriture de nos corpso Ainfi difon? nous qu'il faut bien foi gneu- fement diftinguer entre les chofes exté- rieures qui nous font communiquées aux Sacremens , à les confiderer precifémenc en elles mefmes5& la vertu que noftre Sei- gneur leur a don ce par fon inftitution* de nous en reprcfenter d'autres, & de nous ^n mettre en pofTeflîon ; car quant à ce
tour ceux de U Rclig, lyj
qu'il a d extérieur , l'eau de loy-mefnie elt vn élément caduque 3c concempcible , qui n a en elle aucune vertu en ce qui eft de noftrefalut. Mais rinftitutionde noftre Seigneur lefus-Chiift fait qu'elle nous re- prelente noftre lauement ipirituel , 3c qu'aduellement 5 autant qu'vne telle cho- fe extérieure le peut , elle nous en met en joûilTance. Le pain Se le vin aufli.à les con- liderer precifément en eux'mcfmes^n'onc aucune vertu de nourrir nos efprlts en vn® vie éternelle, ny de les eileuer à l'efperari- eedelabien-heureufe immortalité. Mais l'inftitution de noftre Seigneur lefus - Chrift les a non feulement rendus capa- bles de nous reprefenter fa chair. Se fon fangjcomme il nous les voyions à Toeil, mais de nous en mettre en aàuelle poffef- fion, autant quedeschofes de cette nature en font capables. Car cen'eft pas certes pour néant que noftre Seigneur lefus a prononcé ces paroles , Cecy eft mon Corpy fon intention a efté de donner au pain qu'il nom moit ai nfi,^: vne particulière di- gnité 5 Se vne finguliere efficace. C'eft pourquoy nous célébrons ce Sacrement auec toute forte de refpefl, 8^ en y partiel- p^nt comme U faut, nous prétendons en-
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2^78 apologie
trer en la communion de noftre Seigneur, Se en la participation de toutes fcs grâces. Il ne çie refte plus qu'vn mot à dire de no- jftre créance ; non pour ce qu'il foit abfolur ment neceflaire de m'en énoncer icy,pour ce que ie m'en fuis aflez expliqué lorsque iay parlé delà relation que nous auonsSc au Roy 3c à TEftat: mais feulement afin qull ne manque rien à labregéque i'ay voulu faire icy de la Fcy de nos !pglifes. Nous croyons donc finalement, que com- me Dieu eftlautheur de la Religion, en quoy il a voulu auoir foin du falut des hommes , il efl auffi Tautheurdu gouucr- ment politique , en quoy il a voulu pour- uoir à la conf ^ru âtion de leur focicté ; 8c il eftoitainfi abfolument necefia ire, autre- ment les paflions des hommes, qui font naturellement effrénées, eufîent tout ren- uerfé c en defllis deffous. Pour obuier à ce defordre,, Dieu a eftably les Royaumes,&: les Republiques, &: toutes fortes dePrin- GÎpautez: ô^ bien qu'il y aitvne merueil- leufe diuerfité tant en leurs formes , qu'en la manière de leur eftabliffement , 8c en l'ordre de leur fucce/fion , les vnes eftant de^tiues,^: les autres héréditaires ,.&: la jfajonmefmeou d'en hériter, ou d'y eftre
pour ceux de la B^elig. z 7^
efleu ;, n'eftant pas efgale par tout, fi eft-ce que c'eft Dieu qui y prefide,^: qu'elles doi- uent toutes eftre rapportées à foninftitu- tion. Et afin que le charaftere de fon au- thorité qu'il y imprime,ne foit pas mefpri- fié par l'audace des mefchans> il a mis le glaiue en la main des Puiffances fijperieu- res, pour punir les péchez qui tendent à la ruine de cette focieté, foit qu'ils violent les commandemens de la féconde Table , ou font contenus les deuoirs de la chanté en- uers le prochain, foit qu'ils foient commis contre la première 5 où font contenus les commandemens qui concernent les de- uoirs de la pieté enuers Dieu j car la Reli- gion eftam vn desprincipaux liens de cet- te focieté, le Magiflrat doit auoir foin de fa conferuation , au moins certes autanc que le mefpris qu'on enfaicen ébranle les fondemens&: la fubfiftance. Non feule- ment donc Dieu ne veut pas qu aucun en- treprenne de renuerfer cet ordre politi- que qu'il a ainfi authorifé, mais il veut que chacun s'y foufmette auec refpeft, en ren- dant obeïflance tant auSouuerainMagi- ftrat , qu'à ux qu'il a ordonnez pour fup- pléer àfonabfence,&:fairefes fondions comme lieutenans>chacun félon le degré
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xSo Apologie
qu'il tient, &: félon reitcnduë defalurif- cUftionôcdcfa puiffance. Et pour ce que cet ordre public ne fe maintient que par les Loix , àc qu'il n'y a pas moyen de faire valoir les Loix, fi le Magiftrat qui les efta- ^ blit &: qui les conferue , h'eft en cftat de les defFendre , ô<- que pour le maintenir en cet cftat , il faut faire des defpenfes aufquelles il ny a moyen de fournir fans fubfides ôc fans impofts : nous croyons que chacun non feulement eft obligé d obeïr à ces Loix, maisaufll de contribuer à ces dépen- fcs. Tellement qu'en toutes les neccflitez publiques, chacun eft oblige de porter vo- lontairement ce joug,felon que la Puiflan- ce fuperieure en diftribuè le faix par fa prudence. Comme donc les fainfts Apo- ftres nous ont donné ces inftrudions en vn temps auquel les fouuerains Magiftrats eftoient infidèles , &: comme les premiers Chreftiênsles ont fidelkmcnt pratiquées enuers les Empereurs &" Payens & perfe- cuteurs,ainfi croyons nous qu'en ce temps, ladiuerfité de Religion n'empefche nul- lement ny l'authorité des Magiftrats , ny la fujettion des inférieurs, & que k co- gnoijffance &: la profeffion de la vérité ne dilpenfe aucunement de ce refpeS:, enuer*
pour ceux de la Relig. 281
ceux à qui Dieu n'en a pas encore donné i illumination par fa grâce. Voiladoncce que nous croyons efteftiuement 3 que i'ofe bien prononcer eftre tel, qu'il n'y a per- fonne qui fçache que c'eft du Chriftianif- jncqui y trouue rien à reprendre.Car touc cela efl: conforme aux commandemens de Dieu : à Toraifon que noftre Seigneur a enfeignéeà fesDifciplesî au Symbole que nous appelions communément des Apo- ftresj à celuy du Concile de Nicée; à celuy qui a efté compofé par S. Athanafe, Se ap- prouué par tous lesOrthodoxesîauxdeci- fions des premiers.Conciles del'Eglife, 8c généralement à tout ce que l'Eglife Ro- maine mefme croid^en cela en quoy il n'y a point de différent entre nous. Partant nous fommes perfuadez que tant s'en faut que cette créance nous doiue produire l'a- uerfion de ceux auec qui nous viuons , qu'au contraire 5 elle nous deuroit confi-^ lier la bien-vueillance de tout le monde^
%2x j^pologie
SECTION VIII.
Qu'en ce que ceux de U I{eligion font en leurs exercices de pieté en conleauence de leurs dogmes^ il ny 4 rien qui me^ rite quon dit aucune auerfion pour
eux.
A Près auoir expofé ce que nous croyons, il eft raifonnable d'infor- mer ceux qui ne le fçauent pas , de ce que nous faifons en confequence > en ce qui eft (le nos exercices de pieté. Si nos plus grands aduerfairesauoient lacuriofité de venir feulement en nos Temples , à l'heu-r ne que nous y fommes affemblcz pour le fcruice de Dieu^pourueu qu'ils peufleht vn peu mettre à part leur paflîon , ils en rem- porteroient fans doute vne grande édifi- cation, 5^ nous n'aurions point à faire de nous eftendre en cette partie de noftre de- fenfe. Mais pourcc qu'où bien les Dire- fteursde leurs confciences les endeftour- nent , ou bien ils y ont de la répugnance d'eux-mef mes, ou ils crai gnent de fcanda- lifçrcéuxde leur profeiTion > 6^ d'engen-
pour ceux de U Relig. 283
4rer en leurs efprits de mauaaisfoupçons, pubien finalemsnc les occupations de la vie prefente 3 &: quelque nonchalance les retient, ie reprefenteray icy briefuemsnt ce que ç eft, afin qu'au moins quelques- vns s'inftruifent en particulier , de ce contre quoy tant de gens crient ordinairement, lans en auoir aucune certaine cognoif- fance.
Outre les prières particulières de cha^ queperfonnc&dechaqae famille , qui fc font foir Se matin dans les maifons 5 8c la lefture de la Parole de Dieu , qui fe fait rè- glement en diuers lieux après les repassj nous auonSj où la commodité le peut per- mettre, diuers ioursen la femaine defti- nez à la prédication , Se aux autres parties du culte diuin. Sur tout y auôs nous fi par- ticulièrement confacré le fainâ: Diman-f che, à l'imitation des Apcftres&de toute TEglife ancienne, en mémoire de la refur- rcfltion duSauueur, qu'il n'y a lieu où il nous foit permis de le faire par lesEdifts, auquel ceux de noftreprofcffion ne saf- femblentce iour-là folemnellement vne ou deux fois, pour rendre à Dieu les de- voirs de leur pieté , 8>c en s'auançant en la fandification, fe confirmer de plus en plus
i84 jipologie
enrefgcrance de la vie. Là donc la prc- inierechdfe qu'on fait; ell: qu'après Tinuo- canon du nom de Dieu , quclqùVn qui eft deftiné pour cela lit hautement 1 Efcriture en langage populaire > afin de donner au peuple la cognoiflance de rhiftoire fain- £te, quelque teinture des prédirions des chofes futures lefquelles y font contenues, 5c fur tout rintelligcnce des myfteres de jpoftre rédemption. Ce qui ne fe peut fai- re fans luy inculquer les enfeignejnsns à la pieté & à U vertu, 6i les confolations, &: les exhortations qui nous y ont efté laif- féespar les Prophètes & par les Apoftres. Et on nefçaurdit fuffifamment reprefen- ter combien cette lefture a d'efficace pour cfmouuoir les confciences , &: pour impri- mer de bonnes penféesdans lésâmes des Chreftlens. AufTia-t'ellcefté fi foigneu- fement pratiquée en fEglife Primitiue, qu'il y a eu des Lecteurs en charge parti- culière pour cela,qui depuis ont tenu rang entre jesordresde l'Eglife. Acettelefture on entremcfle le chant de quelques Pfeau- mesdeDauidjComme ils ont efté mis en rime par Clément Marotôcpar deBeze. Or d'autant que de tout le Vieux Tefta- ment le liviredeçesfain£ts Cantiques ell;
pour ceux de U Relig. 28;
faiis aucune difficulté le plus beau. Se le plus capable de former les hommes à la pietéj ce n ell pas chofe conceuable à ceux 4ui ne 1 ont point expérimenté , com- bien ce chant adjoufte à la deuotion ^ny quelle Vcilitc ceux qui y ont de lattention en recueillent* Car il n'y a perfonne en affliftion,qui n y trouu€ de la confolation, ilny a qui que ce foitenprofperité, qui n y trouuedequoy s'exciter à louanges 6c à aûionS de grâces. Les prières y font ar- dentes tout ce qui fe peut, les louan ges des vertus de Dieu y font illuflres ^ magnifi- ques. LesacGour^gemensà la patience y font fouuerainement puiflans , les pro- meflesSc l^s aflcuranccs de la bonne vo- lonté de Dieu y ^ohtexprefles à merueil- les. Les exemples de (zs iugcmens &: de ks benédiftlons y font en grand nombre dans les hiftoires du temps paffé,lcs predi- ûions de ce qui deuoit arriuer à noftre Sei- gneur y font fi exaftes&fi precifes,que vous diriez que fes aûions, & notamment fes paflîons, y ont efté peintes. Les exhor- tations à la pi été , à la fainfteté, & à la ver- tu y efleucnt Tame iufques dans les Cieux, ies imprécations prophétiques que Dauid y fait contre les mefchaus , ôc les dçnon-
2Sà jéifologie
ciatiôns des iugemens ut^Dieti deffus tu%i font capables de mettre la terreur ôcrcf- pouuantemcnt dans lésâmes les plus in- lenfibles. Au refte tout cela y eft femé dé fi beaux ornemens, enrichy defi glorieux emblémeSiôcrehauffcdepcnfces fi fubli- mes &: fi celeftes^qu'il faut eftre plus brutal que les brutes mefmes, &: plus endurci que les rochers , pour n'en eftre point rauy eii admiration, &: pour n'en fentir point d'in- comparables eflancemens de pieté, &: d'i- nénarrables efmotions de deuorion en la confcience. Nous fçauons bien qu'il y à quelques efprits mal formel , U mefmes entre les Prédicateurs, qui tafchent autant comme ils peuuent de rendre ce fainft exercice ridicule. Car ils^rouuent eftran- ge premièrement qu'vniuerfellemét tout le monde y chante, tant les petits que les grands, fans en excepter les femmes mef- mes. Puis après ils cherchent par cy par là quelques vieux mots &: quelques locu^^ tions furannées,qui fe rencontrent notam- ment dans la rime de Marot, qu ils tour- nent en derifion ; iufques-là qu'il y en â quelques-vnsqui les veulent faire feruir à engendrer dans les efprits , des penfées fa- les ôc profanes. Or pour ce qui eft de ces
pour ceux de la Relig, z^y
derniers 5 le ne leur refponds point. lisne font pas dignes que les gens d honneur s amulenc à eux j &c beaucoup moins de- ftre receus à monter dans les chaires defln nées à la prédication, leîquelles doiuenc eftre fi fainftes Se iî vénérables. le diray feulement que pour ce qui eft de la vieil- lefle de l'elocution , fi nous voulions nous entrechicanerjô^: nous rendre ridicules les Vns les autres, il fetrouueroit d'auHî mau- uais mots , èc aufll peu congrus pour le moins, dedans le Latin de la Meffe , c]u on en rencontre dans le François de la rime de Marot. Chacun fçait combien noftrg langue eft expofée au changement , Se comment au bout de neuf ou dix ans pour le plus, vne façon de parler qui a eu de i'e- Icgance en fon temps , dénient quafi bar- bare &c eftrangere à nos oreilles. Tant y a quecesPfeaumes,dontonferit à cette heure, eftoient ily acent ans radmiracion des Cours des Rois , Se qu auant que l'vfa- ge auquel nous les auons employez les euft rendus odieux , ils eftoient Vniuerfel- lement eftimez par tout le Royaume. Et ceux qui ont quelque fens > 8c tout enfem- ble quelque candeur , aduouent que fi Ion en ofte quelques-vns des plus vieux ter-
2.88 Apologie
mes, qui font en alTez petit nombre pour- tant, ils ont en leur fimplicité vne grâce tout à fait incomparable. Tellement que les efforts qu'y ont fait les Des-Portes èc les Marillacs5&: généralement tous ceux qui fe font eftudiez à eftendre ces fainfts Cantiques en Paraphrafes , les ont bien furmontez en pompe & en élégance quel- quesfois 5 mais n'ont iamàis fçeu appro- cher de cette claire naifueté qui refpond fi parfaitement au texte originel du fainft Prophète. Mais nous viuons envn temps auquel on ne fait plus de cas ny de la beau- té des penfées, nyde la grâce naturelle d'vne diftion fimple &: fans fard, ny de cet air généreux Se quelquesfois vn peu non- chalant dvn génie qui enfante {es produ- ûions fans peine, ce qui a rendu firecom- mandablesles ouurages des plus anciens Autheurs, fi le moindre petit mot qui n eft pas à la mode les des- honore. La pieté mê- me n'eft pas agréable fi elle n'eft aiuftée félon le temps, 6c jpour plaire, il faut qu el- le eftudie tous fes pas , & qu'elle pefe tous (es mots , & que toutes fes périodes tom- bent en cadence. Certainement cette cu- riofité aux choix des mots, ce nombre & cette mefure qu'on affeâ:e maintenant
auec
pour ceux de Ulielig. 2^^
aucc tant de foin dans les périodes , Se. cet- te iuftefle fi parfaite qu'on obferue dans H ftruÊture des termesj 6c dans la mefure dci vers , a quelque chofe de iingulierement élégant. Mais outre qu'il a efté ingénieur fement 8iiudicieufemét dit par quelqu Vn^ queceftvne faute en matière de bien di- re, que de ne faillir du tout point , de qu vn foin fi fcrupuleux femble auoir quelque chofe de feruile , c'eft bien fouuent vne gefne des efprits,qui leur fait perdre quan^ tité de beaux eflans &c de genereufes pen- fées. Ql^ipy qu'il en foit , car ie m'auancc peut -eflre vn peu trop , la Religion n'a ia- mais efté fuperftitieufe en matière de pa- roles5&: comme elle n'emprunte point fon efficace de l'éloquence du fiecle , aufTi ne fe donne-t'elle pas beaucoup de peine d'e- lire parée de ces ornemens. Il luyfuffît qu'on l'entende feulement , Se femble qu'elle feplaife a triompher en fa fimplici- té,delapompe&:de la magnilîcencc dit monde. Pour ce qui efl de permettre que toutes perfonnes chantent en nos afTem- blées, ceux qui nous en blafment ne fça- uent pas que l'Eglife Primitiue le prati- quoit ainfi , comme il y en a de beaux en* feignemés dans Pline Seco^d^dans Chry-
T
l^ô apologie
Toftome, dans faind Augullin, &c quantité d'autres. Vericablement li cela engendroit quelque confuiîon 5 il i>'en faudroit abfte- nir 5 afin qu'en rEglile de Dieu tout fe fift^ ielon le précepte de laind Paul> honnefle- mêt Se par ordre. Mais bien que ces Picau- mes ayent efté mis fur vne mufique vn peu difficile enquelques endroits, nous lom- aîies tellement accouftumez à les chanter dés noftre bas aage,que les plus fimples du populaire s'y rencontrent en vn parfai- tement bon accord auec les meilleurs Mu- ficiens , &c que du meflange de tant de voix fe forme le ne fçay quelle harmonie^ dont le fcul fon a quejquesfois rauy les paflans , tant Tair de ce chant eft mélo- dieux, 8c tant il eft propre à donner à Tef- pritdes efmotions extraordinaires. Pour nous certes nous pouuons bien parler de ce que nous en expérimentons. Se dire en toute vérité qu'il y a telleoccafion où ces diuines paroles animées de la façon , met- tent quafi nos âmes hors d'elles-mefmes. De forte que ie ne croypas qu'il fepuiffe voir en la terre vne plus belle image de ce que nous efpcrons quelque iour en Pa- radis , qu'vne telle congregatiô de perfon- nes affemblées pour les adions de pietés
pour ceux de laRelig, 15)1
lors qu'elle pouffe vers le ciel les loiian-^ ges de Dieu fur tant de voix , où reluifenc de tous coftez les eftincelles de fa deuo- tion &: de fon zèle. Le Miniftre eftant ve-^ nu après cette lefture &:ce chant , il fait affez ordinairement lire les Comm^nde- xnensdeDieu, que l'on efcoute aucc re- uerence , les hommes ayans la tefte def- couuerte par reiped, ^ tout le refte de l'affemblée en profond lilence . Ce qui donne de la reuerence pour la Loy de Dieu, &; la ramentoit à chacun de nous, pour enfairela règle de noftre conduite. Cela fait, le Miniftre monte en chaire , &C commence fon adion par vne générale confefTion des péchez de toute l'affem- blée, par vne proteftation folennelle de repentance , Se par vne prière bien ex- preffe Se bien emphatique pour demander pardon à Dieu, Se implorer lafTiftancede la grâce de fonEfpritau nom de Noftre Seigneur lefus-Chrift. Apres cela il fait chanter vne paufe dVn Pfeaume ou clxoi- lî expreffement pour fon aftion , ou fuiuy félon Tordre eftably dedans TEglife , &C le Cantique acheué , il recommence vne autre prière , dans laquelle recognoiffant la fublimitc incomprehenfible des myfte-
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25^1 Apologtè
resdelaFoy ,&rimbecilité naturelle iû Ventendement de 1 homme, il demande à Dieu nilumination de ù grace,pour bien comprendre fes diuins fecrets , &: la facul- té de les énoncer en pureté &: en vérité, à Tedification de ceux qui l'entendent. Sur tout il le prie qu'il rende fa parole effica- ce par fa benedidion , à ce qu elle entre bien auant dedans les efprits de fes audi- teurs, & qu'elle y foit comme vne femen- ce féconde de fanftification, qui produife abondamment desfruifts de iuftice&de pieté , à la gloire de Dieu, à l'édification du prochain , ôc au falut de chacun parti- culier ; puis iJ conclud par loraifon Do- minicale. En fuite, après auoir aduerty d'efcouter auec reuerence & obeïflance de foy , il lit quelque partie de l'Efcriture, qu^il fe propofe d expofer , & puis s'efîant composé à parler, tout le ijnonde fe difpo- fe à Tefcouter eh filence. Alors ^pres vnc préface accommodée à fon tejcte , ou a quelque occafion qui fe prefente , il ex- plique fon fujet le plus exa£fcement qu'il fe peut, fe tenant ferré aux paroles &: à Imtention de fon autheurjfansfelaiffer emporter ny à des digreflîons inutiles, ny A des narrations d'hiftoire hors de pro-
tour ceux de la Relig, apj
fos, ny à des amplifications pedantef- ques, ny à beaucoup de citations d'an- ciens autheurs y de quelque nature qu'ils foient , $c fe contente d'expliquer , d illu- ftrer , Se de confirmer ce qu il fe propofe, ' parpaffagesdeU Parole de Dieu , &:par les raifons qui s'en defduifent. S'il fe pre- fente en fuite quelque comrouerfe, à la decifionde laquelle la matière dont il fç traittepuiffeferuir, il la y applique mo- deftement, fans autre chaleur ôc fans au- tre paffion que celles qui font permifes par les hoix de difputer , & que la véhémence ordinaire de la prédication donne. En quoy il luy eft fouuerainement recom-? mandé de ne tefmoigner point qu'il ai^ me la controuerfe auec qui que cefoit,&: de n'infulter point aux perfonnes auec qui eft le demcflé , ny mefmes au dogme qu'il entreprend de réfuter, fmon autant que la gloire de la vérité le requiert, &:que Ta- mourdelapaixjô^lerefpeft des perfon- nes le peut permettre. En fin il vient aux enfeignemens que le paffage qu'il a traitté luy fournit , pour les appliquer en remon- trances , en exhortations , en confola* tlons , Se en accoura^emens félon la ne- çciUcé des occurrences. Particulier enîiem
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%^^ apologie
ii infifte fur les exhortations à la pieté, à la faindeté , à la vertu , à la charité , au meiprîs des choies du monde , à la patien-^ ce en aiïliftion , à la confiance en la bonté de noftre Seigneur , à lobeilTance aux Magiftrats , tant Souuerains quefubalter^ nés , &c à dreffer toutes fes peniees vers le prix de rimmortalité > dont il ramentoit toufiours 1 efperance à la fin de £on pro-^ pos, félon les promcffes de lEuangile. Tout cela fe fait auec vne fiinplicité 8c vne granité digne de la fain&eté de la^ âion, &:dufuj t qui s'y traitte; fans ge« ftes de bafteleur ou de charlatan , lans contenances de bouffon ny d hypocrite, fans affe dation d'éloquence ny de vaine érudition, fans marques de vanité , fans oftentation &c fans parade. De forte que s'il y paroift quelque véhémence &: quel- que grâce dans la prononciation , c'eft Texcellence du fujet de la nature du prédi- cateur qui la donne.S'il y a quelques fleurs en fon langage. Se quelques ornemens en fon propos, on les y void naiftre d'eux- mefmes , Se non y eftre amenez de loinj^: quoy qii on n'y vienne point fans preme-^ ditation, l'adion eft toufiours pleine d'au-» tantdefimplicité ,&: autant elloignée do
pour ceux de la Rclig. X9S
la magnificence de l'art , que li elle eftoit linpixmeditée. De forte quà rimitation de TApoftre S.Paiil,toute l'efficace de tel- les prédications defpend, non des diicôurs attrayans de lafapiencc du fiecle, mais dç la Parole de Dieu, &: de la vertu defon Efprir qui raccompagne. Mais elle sy dé- ployé de telle façon, que iouuent il y en a peu dans lafiemblée qui n'en foient cf- meus; &: quelques foi s on y expérimente detels tranfports, que s'il plaifoit à Dieu retirer du monde à l'heure qu'on eft ainfi rauy,on en fortiroit non feulement fans l'cgret, mais auecvne allegrefTe incom- parable. Le PrefcheacheuéleMiniftre fe met à prier , ou bien en termes qu'il con- çoit luymefme, ou bien félon les formu- laires que nous en auons en nos Eglifes. Quoy qu'il en foit , tous les Dimanches il recite en la prefençe du peuple, qui le fuit des mouuemens de fa deuotion, vne afle? longue prière, dans laquelle nous auons recueilly tout ce qui eft neceffàire de de- mandera Dieu, tant pour le public que pour les particuliers, tant pour ce qui re- garde la vie prefente, que principalemenc pour ce qui concerne celle qui eft à venir. Là donc après auoir déclaré que c eft en la
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i')i$ JÎfologie
feule confiance des promeffes que Dieu nous à faites en lefus -Chiift , que nous, pous preicnco^is deuant luy , pour luy ad- drefler nos oraifons, nous commençons à le prier pour les Puifrances du monde, 8ç notamment pour le Roy qu'il nous a don- né, luy dem^îîdans ardemment toute for- te defaueur , de protedion bc de benedi- âion pour fa perfonne , &: pour fon Eilat. £n fuite nous ne manquôs lam^isde prier pour la Reyne, pour Monfeigneur le Fre- rc du Roy^Mpnfeigneur le duc dOrleanSi^ l^lefTeigneurs les Princes du Sang, &: tous ceuxdelaMaifpn Royale, &:duConfeil de fa Ma jeftéj auec tous ceux qui font en authorité en l'adminiflration des affaires du Royaume. Nommément nous refpan- dpns nos vaeyx en laprçfencedu Seigneur pour les Gpuuerneurs des Prouinces &: des Places dans lefqnellcs nous habitons, ôç
?)pur lesMagiftrats à qui la luftice &: la Po- ice en eft commife;à ce qu'il luy plaife les bénir &: les conduire par fon bon Efprit en l'exercice de leurs cliïirges5&: qu'il encline leurs cœuvs ver$ ceux qui le feruent en pu- rç,té. pe 1^ nous palpons ^ prier pour les Pafteurs que Dieu a eftablis defTus fon E- gUfe,à ce qu'il leq^ do|iii|e de s'acquiter fi-
pour ceux de la Relig. 25)7
delementde leur deuoir; pour toushom^ mes généralement, à ce qu'il les appelle à facognoifTancejpour tous ceux qui font affligez 3 à ce qu il les. confole Se qu'il le$ deliure 5 pour tous ceux qui fouffrent per- fecution pour la vérité , à ce qu'il les fou- ftienne 8c qu'il les rende inuincibles; Se en fin pour nous mefmes , à ce qu il nous ren- de capables de la ioùiflance de fon Royau- mej puis nous finiflbns par l'oraifon de no- ftre Seigneur , Se par le récit du Symbolç des Apoftres. Quelquesfois dans les affli- i9:ions publiques 5 dans la célébration de nos ieufnes, ou quand quelque autre occa- fion le requicrt,nou« fuiuons vn autre for-r mulaire de prière , que nous auons encore en la Liturgie de nos Eglifes^dont toute U matière eft à peu près femblable à la pré- cédente 5 finon que la côfelTion des péchez y eft encore plus expreffe Jes fentimens de repentance aucunement plus vifs ôcplus profondsjes vœux encore ie ne fçay com- ment plus feruens,&: les marques deThu- miliation de l'efprit , telles qu elles doiuet eftre en vn dueil public Se en vne affliftion ' extraordinaire. Or ie ne veux point autre- ment recommander ces prières que par le iugement que nos ennemis mefpie« ea
3Lp8 Afologie
ont fait. Car ils lesonttrouuéesfi dignes du ChriftianifiTie , ii propies à enflammer la pieté , fi pleines d'eiprits Se d aftion , fi belles &: fi eiîicaces,quc quclquesCurez de Paris les ont inférées dans le volume des prières qu'ils ont recueillies pour mettre entre les mains de leurs parroifliensi de forte qu'il y a tel qui fans nous cognoiftre nous maudit, qui prie Dieu comme nous pourtâtj&àquinousfourniffonslemoyei^ de nourrira de fomenter ce qu'il y peut auoir de bon dans fa pieté^fans qu il y pen- fe. Apres ces prières, s'il y a queiquVn des Sâcremens à célébrer, on le fait autant que Ion pc* t auec la reuerence conuenable: Car s'il faut baptifer vn enfant,on l'appor- te en la prefence de toute l'Eglile, afin d'e- ftre confacré à Dieu le plus folennellemêt qu'il fepcut, &:làeftant prefenté auMi- mfl:repârlepere, &:en fon nom par ceux qu'il achoifis pour cet efFeâ:,9n lit publi- quement le formulaire dans lequel nous auons compris rinfl:itutiQn du S. Baptef- me,fQnbut,fes fruits, fon efficace, è^Ies principales chofes pour lefquelles nous croyons qu'il doit eftre adminifl:ré aux pe- tits enfans. Puis par vne prière foîennclli^ on offre cet enfant à Dieu , en demandante
tfour ceux de la Kelig. 15)^
au nom de nofti;e Seigneur lefus-Chrift quilfoir fait participant de fon falut, àc que le Baptefme produife en luy fa vertu, en remiiTion du péché originel, ôc en fan- ftification, lors qu il en fera venu en aage. Et après auoir tiré promeffe de ceux qui le prefentent, qu ils l'inftruiront en la foy de î'Euarigilcôc en l'arriour de la picté^on lui verfede Teau fur latefte, en le baptifant au nom du Père, Se du Fils , ôc du S. Efprit. Si c'eft le temps ^ l'occafion de participer à la Ccne , on adjoufte premièrement quelque chofe à la prière publique , pour demander à Dieu qu'il nous difpofe à com- muniquer deuotieufement à ce Sacremêt, &: qu'il le rende efficacieux au falut &: à la confolation de nos confciences. Puis on lit le formulaire dans lequel nous auons compris fon inftitution, comme elte eft rapportée par S. Paul, 8^ briefuement ex-- pliqué IVfage de cette cérémonie, fa na- ture &: fon efficace , conjointement auec les exhortations par lefquelles leMiniftre reueille les confciences des afTiftans.Par là il les incite à s'examiner eux mefmes^S^ à fedifpofer à la communion par foy &: par repentance , &: par de fainftes difpofitions à la charité , en dénonçant à ceux qui
JOQ apologie
ne font pas bien préparez, de s'abftenir do cesfaim^ myfteres. Ce qui ayant efté fait ^ueç toute la grauitç conuenablç, le Mi- mftre prononce quelques paroles tarées de l'Ecriture fur le pain &: le vin du Sa- crement, communie auec fes collègues» Se en fuite donne à communier a tous ceux de ralTemblée qui s'y veulent prefentcr, 6i qui portent auec eux certaine marque qu'ils font reconnus pour eftrç de noftrç profeflion. Là viennent premièrement les hommesjfelon la prerogatiue de leur fexe,la teftc defcouuerte, 6c en eftat de refpeâ:&: d humilité : puis les femmes en vne modefte contenâce> fans pompe d'ha- billemens:,&;fans marques de vanité iôc ainfi chacun eftant aduerty par la bouche du Miniftre que c'eft la communion au corps Se au fang de Chrift , qu'on luy don- ne pour feau de la remlflion de fes péchez» prend le pain èc la coupe de fa main, com^? munie debout en tefmoignage de reue-^ rence, ôcpuisfe retire en fît place fans tu- multe ny confufion. La communion para- cheuée, le Miniftre remonte en chaire, rend grâces à Dieu folennellement de ce qu'il a fait la faucur à rafTemblce de i'at^. rirer g la communion de fon Filsjôç le prlQ
pour ceux de ta tielig, 3 d î
d'en imprimer bien profondement !a fou- uenancedans la confcience de fes fidèles* & de leur rendre cette fainte cérémonie fingulierement efficace en fanftification. QK)y fait, on chante le Cantique d aûlon de grâces, à l'imitation de noftre Sei- gneur &: de fesApoftres. Si ce n'eft point iour de célébrer les Sacremens , après la prière dont i'ay cy-defTus parle, on chante VnepaufedePfeaume, après laquelle on donne la benedidion au peuple par les paroles que Dieu auoit autrefois ordon- nées en fa Loy, Se le renuoye ton en paix auec exhortation de n oublier iamais la charité enuers les panures. Outre tout celas dans les Eglifesvn peu populeufes, &: où ny Tefloignement du lieu,ny les autres incommoditez qui trauerfent les exercices de plufieurs, nempefchent pas robferuatiodVn ordre vn peu plus exad, on explique le Catechifme le Dimanche à Taprefdifnée. Car nous auons fait foubs ce nom vn recueil de toutes les dodrines fondamentales à la religion Chreftienne, difpofépar interrogations &:par refpon- fes , accommodé le plus qu'on a peu à là capacité des enfanS) &: où on a bricfuemét couche les principales controuerfes de nos
joi Apologie
temps . On en prend donc vne fe£tion.i qu'on fait réciter à quelques enfans , puis on l'expoie deuant le peuple le plus intel- ligiblement quil fe peut, afin de donner à la ieuneffe de bonnes impreflions > tann pour ce qui eft de la dodrine , que pour ce qui regarde la pietés les bonnes mœurs: ce qui renouuelle en l'efprit de tous les afiîftans les ideées des connoiffances qu'ils auoient défia acquifes. Tellement que tous les ans \ car le nombre des feftions eft à peu près comme ccluy des Dimanches de l'année; on donneau peuple Chreftien vne expofition populaire de tous les my- fteres de la Foy , &: on le prémunit des principales raifons par lefque)les il en faut défendre la vérité contre )es erreurs les plus importantes. Ce qui eft accompagné de prières , de chant de Pfeaumes , &: de toutes les parties du Culte que l'ay cy- delTus defcrit.
Orne veux-je point icy faire de com- paraifon entre ceferuice que nous rendos à Dieu par noftre Seigneur lefus Chrift,&: celuyqui eft receu en la communion Ro- maine. Les Cérémonies y font fi diuerfes, le langage fi différent, &: généralement toutes chofes y font fi diamétralement
pour ceux de la Relig. jô}
oppofees , quil faudroic trop allonger cette Apologie pour bien expliquer 6i bien demonftrer les raifons de ii différen- tes inftitutions , les auantages de IVne pardefTus Tautre , 8c Tedification &: la fan- (ftification que le peuple en peut rempor- ter. Chacun peut affez faire cette compa- raifon defoy-mcfme , &: qui qu'il foit , s'il ne fe laifTe point trop maiftrifçr par les partions &: les preiugez, nous necraignôs pas que le iugement qu'il en fera , nous foit autre que fauorable. Et quant à ceux qui ont quelque connoiflance de la première antiquité de l'Eglite , comme nous en auons les enfeignemens dans les Èfcrirs des Apoftres , de luftin Martyr , de Tertullian, &: de quelques autres, ils ne nieront pas que noftre Culte ne luy foit fans contredit plus conforme , que celuy que FEglife de Rome pratique maintenât. le diray feulement que toute comparai- fon mife à part , 6c à nous confiderer pu- rement Se fimplement en nous-mefmes, il n'y a rien en tout ce feruice de nos Eglifes qui meiite la haine publiqucque plufieurs cffayêt de nous faire porter depuis fi long temps. Car tout ce que nous y faifons cftant conforme à noftre créance > ^ np*
^04 jipologie
ftre créance eftant, comme nous Tauons veu cy-deffus , de l'adueu mei'me de nos aduerfairesje Clmftianifme en tous Tes principes, &: dans fes plus belles &: plus importantes conclufions , le feruice qui eft édifié delTus ne peut fmon eftre propre à engendrer la pieté enuers Dieu, 8c la charité enuers les hommes . Or fi nous fommes dignes de haine pour eftre pieux enuers Dieu , &: charitables enuers nos prochains , par quel moyen nous conci- lierons nous la bonne volôté de noscon^ citoyens, 6c qu'eft-ce qui nous pourra ren- dre recommandables enuers nos Supé- rieurs, pout obtenir leur protedion,&: les effets de leur équité, ficesqualitez nous les aliènent > Il eft vray qu'il y en a quel- ques-vns qui font équitables iufcjues à de point , que de confeffer que nous ne fom- mes point dignes de Tauerfion qu'on a pour nous , à caufe de ce que nous croyos 5 mais ils pretendêt que pour ce que nous n*en croyons pas afTez , nous n en failbns pasafTez auffi , &: qu'encore que nous em- braflTions vne partie du feruice de Dieu , fi ne peut-on pasfupporter que nous en rc- iettions Tautre. Car comme ceux-là font odieux qui eommettenc quelque chofe
contre
pour ceux de la Relig. joj
contre les règles que Dieu nous a don- nées pour conduire noftre pieté , aufli ceux-là tombent-ils dans vn notable dé- faut, qui ne rempliffent pas toute la me- fure de ces règles , Se qui retrancher quel- que partie de la pieté que iious luy deuôs. Pour donc fatisfaire à cette plainte , qui feule refte à faire contre nous y outre les reflexions que nous auons faites cy-delTus» ces Meflîeurs fahs doute trouueront bon ^ue noqs leur reprefentions deux chofes. LVne eft , que quand on s'abftiet de quel- que partie du feruice de Dieu par mefprisj il n'y a point d'excufè pour celuy qui le fait, ny dcuant Dieu^ ny deuant les hom- Jtnes. Mais quand on le fait par moùuemet de la confcieiice > & pource que n eftant pas bien informé de la volonté de noftre Seigneur 5 on a peur d'en faire trop, il à fans co mpataifori plus agireable cette mo- defte timidité , que la témérité de ceux qui fc portent indifféremment &C fans au- cune circonfpeftion, à ce dorit ils n'ont aucune certitude qu'il foit légitime. Car quoy que c'en foit , la timidité en telles chofes eft vne marque de refpeiSt, au lieu que la précipitation . qui induit à faire X t0xs &c à crauers couc ce qiue la fantaifiia».
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jôè Apologie
nousfuggerejou à receuoir fans exami- ner tout ce qui nous eft fourny par autruy, nionftre qu on ne fe donne pas beaucoup de follicitude fi le feruice qu on rend à Dieu luy peut eftre agréable ou non. Ceft pourquoy S. Paul enleigne conftamment &:difertemenc, qu'encore que rvfagede toutes fortes de viandes foit indifFerent de fa nature, &: permis par la doftrine de fa- lut j fi eft-ce que celuy qui s'en abftient pource qu'il a peur d'offenfer Dieu , &: de Violer quelquVne de fes inftitutions s'il en vfoitjuy eft fans comparaifonplus agréa- ble que celuy qui nonobftant le fcrupule qu il en fait, s y la iffe emporter parfexê-^ ple> ou par quelque autre tel motif. Puis donc que non feulement nous foupçon- rions que ce qu'on eftimc eftre de manque dans noftre créance , bc dans le feruice qui s'en enfuit, eft pluftoft vn excès que non pas vn défaut , mais mefmes que nous fommes viucment bc profondément per* fuadez que ce font chofes ennemies de la gloire de noftre Sauueur^ &: pernicieufes à noftre efperance , nous ferions dignes de beaucoup plus d'auerfiô qu'on n'en a pour nous, finous nous laiflions emporter par- deffus cette perfuafion bccC mouuement
pour ceux de la Relig. ^éj
de nos confci^nces. L'autre elt, que fi ceux qui eftimenc que noftre créance eft defe- àueufe, y veulêt adioufter quelque chofe> &: nous perfuader ce que nous ne croyons pas, il faut qu'Us prennent tout le contre- pied de la violence &: de la haine. Car ou- tre que les créances ne s'impriment que par la raifon , outre que la religion Chre- ftienne a cela de particulier pardelfus tou^ te autre difcipline qui foit fur la terre , qu- elle forme les efprits des hommes à la douceur &: à la debonnaireté : diuerfes co- fideratios font que la haine Se lanimofité, & les traittemês défauorables, produifent en nous vn effet tout contraire à Tintentiô de ceux qui les employent en noftre en- droit. DVn codé nous fommes hommes, qui auons les refTentimens naturels tous femblables à ceux des autres , finoii autant que nous tafchons de corriger par la pa- role de Dieu ce qu'il y a de vicieux. Or c'eft le naturel de tous les hommes de fe roidir contre la contrainte , &: de tafcher de maintenir leur liberté. Et bien que pour ce qui regarde les adions corporellet que nous pouuons faire en bonne confcic- ce, nous ployons volpntairemêt fous l'au- torité de nos Supérieurs, &: qu'on ne nous
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5o8 j^polàgiè
petit pas acciifer d'y eltre plus refraftâifes que celle de Tautre communion , ii eft-ce que pour ce qui regarde les opinions de refprit en matière de religion^ nous fom-^ ^ ^nes efleucz dés noftre enfance à déférer fïeu à toute autre authorité qu à celle de Dieu. Car on nous perfuade par la con- noiflance de la vérité ^ on force nos enten- demerispar fon euidéce i on nous fait voir à Toeili ôc toucher à la main les raifonsde ce qu'on veut que nous croyïons , &:nous fommes fî habituez à cela 5 quVn feul paf- fage de l'Ecriture que nous entendons bié, à plus de poids enuers nous que l'authori^ té de tout vn Concile. Tellement qu'en des âmes ainiî difpofees dés leur enfance^ & qui ne font menées en telles chofes d'autre paflion que du zèle de la gloire de Dieu, &c du defir de leur falutjil ne faut pas efpeter de faire iamais entrer aucun dog- me de la Foy , finon à force de raifons ac- - compagnées de demonftration de dou- ^ceur Se de bienveillace. D autre cofté cette façon dt nous vouloir conuertir par des traittemens peu équitables , nous rend fu- fpefte la créance de ceux qui en vfent en- uers nous.Pource que de toutes les veritez ^ui/x)nt au monde Ja plus claire ôc la plus
tour ceux de la Relig. 305^ euidéte eit celle de la Religion de Chrift, Ceft elle fans doute qui a le plus d'attraits pour fe perfuader aux hommes aucune^ ment raifonnablesrôi le plus de force en- cor pour jconuaincré les contredifans. Et afin de faire d autant plus paroiftre cette clarté &: cette force de la Foy Chreftiêne, Dieu a exprcffémet voulu que quand elle s'eft eftablie en la terre , elle n'euft aucun fupport dans les puiflances du monde , 6c qu elle tiraft tous fes auantage s d'elle mef- me&: de fa naturelle beauté. Auflî a-t'il cfté fans doute beaucoup plus glorieux pour elle 5 que douze pauures pefcheurs, qui auoient pour ennemis tous lesPoten-» tats de la terre , l'ayent neâtmoins rendue vidorieufe de tout rVmuers, &: ayçt ame^ né les plus grands Empires fous lobeïf- fance de lefus-Chrift , que fi Dieu reuft armée deschofesquiont de l'éclat, &; qui impriment de la terreur dans les entende-- mensdes hommes. Si donc c'eft la vérité qu'an nous veut faire receuoir , on luy fait tort d'y employer, non certes les vio- lences ouuertes &: les perfecutions , car la bonté de nos Roys , & la iuftice de nos Gouuerneurs nous en garentit , mais les iniquitez moins defcouuertes , 82 le^
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310 Aj^ologie
traittemens peu fauorables que quelques- vns des officiers de ludicature;, &: la plus- parc des peuples pratiquent aflez ordinai- rement enuers nous. Enfin, pour ce que les anciens Chreftiens ont dit alors qu'on les mal-trait toit , que la vérité eft eftrangere en ce monde , &: partant que ce n'eft pas chofe eftrange fi elle y trouue peudefa- ueur. Gomme les efprits des hommes font enclins à tirer toutes chofes à leur auanta- ge 5 nous nefentôs aucun efFeft de la mau- uaife volonté de nos concitoyens, qu'il ne nous vienne incontinent en la penfée, que c eft la vérité de Dieu que nous mainte- nons,&: que Ton combat en nos perfonnes fans la connoiftre. A quoy nous adiouftôs cette confideration , que le Seigneur lefus &: fes Apoftres ont prédit , que la religion qu'ils annonçoient fouiFriroit beaucoup, de contradiftion en la terre. Vous ferez, dit le Sauueur, hays a cauje démon Nom. Nous fçauons bien qu'il faut vfer de quelque re- tenue à raifonner de cette forte , &: qu'il faut eftre peduadé par d'autres preuues que par. les chofes que l'on fouffre , que ceft la vérité qu'on defFend. Car lesluifs endurent auflîde la part des Chreftiens, ^ quelques-vns d'entre les peuplesPayens
pour ceux de la Relig. 3 n
ont efté expofez à beaucoup de calamiiez de la part des gens qui font profelTion du Chriftianifme. Les Indes Orieatales , 3c particulièrement les OccidentalesjCn font tefmoins j &:bien que les Efpagnols y ayêt exercé des rigueurs 3c des cruautez fanç exemplcon ne fçauroit pas pourtât exem- pter abfolument de blafme en cet égard les autres nations qui les conqueftent. Il fe peut faire qu'en Angleterre Se en Efcofle les Catholiques Romains n*y ont pas tous leurs contentemens , comme au contraire on dit qu'en Irlande les Prcteftans ont foufFert depuis peu de temps des inhuma- nitez épouuentables. Tantum religio fotult fmdere mdornm ! Mais véritablement 8ê les vns 3c les autres ont tort,fi fous pré- texte de religion, 3c fi par le zèle qu'ils ont pour celle dont ils fontprofeflion^ils com- mettent quelque chofe contre ce qui eft de l'humanité, 3c contre la iuftice des loix fous lefquelles ils viuent. Et fi les Catholi- ques d'Angleterre auoient eu par le pafféjt 6i auoient encore maintenant desEdifts, fous la proteaiôdefquelsilsfufTent àcou- uert , comme nosRoys nous en ont don- né, ie tiendrois les Reformez pour indi^. giies 4e la qualité qu'ils portent, sHls a.biH
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312. Jpologie
foientde leur aiuhorite ponr en enerucr la vigueur y èc s'ils ne les obferuoient pon- ftuellemenc en toutes occurrences- Car qui n'çft pas iufle çn fa conduitte, n eft pas véritablement deuotieux, &: qui n'obferuc pas les loix qu'il doit maintenir , foit en qualité de perfonne priué e ou de perfonne publique, n'eft pasiufte. Ce zèle deftitué de iuftice&: d'équité , eft pafllon: &c bien qu'elle nous aueugle quant à nous 5 Se que îious penfions faire facrifice à Dieu quand nous nous y laiflbns emporter , Dieu ne nous en aduouèra pas pourtant , Se ne receura point en iugement noflrepaflion pour fon zèle. Car le vray zèle n'eft rien fînon vne certaine ferueur d'amour pouç la gloire de Dieu 8<:de fa vérité j au lieu que la paflîon eft vn excès de l'amour que nous nous portons à nous-mefmes. Or il n'eft pas raifonnable que l'amour déme- furé que nous nous portons. Se aux chofes que HQus confiderons pour noftre intereft, npu^ foit aUoiié en compte :, comme fi nous n'y confiderions rien fmon Dieu > 8c les chofes qui le regardent. En fin , quand cette haine qu'on porte à noftre doftrine ne ferqit point marque certaine Se indu^ hmhlç de ft vérité , fi fçmble-t'il qu'il eft
pour enHX de U Relig. 313
êcic la bpiité 3^ de la prudence de ceux qui nous veulent attirer à eux > de s em- pefcher de nous donner les ocçafions que nous la prenions pour telle.Car tandis que nous le croirons ainfi , ce fera yri pbftacle infurmontable àcette conuerfion 3 laquel- le ils font profeflion de vouloir procu^'er de toute leur puiflance.
CONCLVSION.
IC Y ie prie le Ledeur de prendre en bonne part que ie donne la conclufiorx à cette Apologie , par quelques briefues; reflexions fur les avions &: les interefts des Souuerains j dont les fujets profeffent diuerfes religions : fur ledeuoir desMa- glflrats inférieurs 3 à qui ils ont commis radminiftration de la luftice &: de la Po- lice en leurs Eftats : Se en fin fur la dif- pofition des efprits des peuples , &: fur leurs deportemens en ces profeflions dif- férentes. Et pour ce qui eft des Souue- rams, comme ils font quant à leurs per- fonnes, Chreftiens'j &: quant à leur char- ge &: à leur dignité 3 Potentats 3 auffi ont- ils fans doute & des confiderations 3 Se
|i4 Afologie
des interefts vn peu diuers> félon ladiffc-! rence de ces relations: miis que 1 a prudece Politique & Chreftiêne neantmoins, fçait fort bien accorder enfemble. En ce qu'ils font profe/Tion du Chriftianifme^non feu- lement ce n eft pas merueille s'ils s'aftc-? âionnent à Tauancement de la créance qu'ils ont embraflee, mais il fembleque chacun fedoit eftimer obligé en façon- fcience de le faire .. Se que c'eft vn inftind de la pieté. Car puis qu'il y va du feruice de Diçu , ce n eft pas en eftre zélateur que de ne le prouigner pas autant qu'on peut:^ félon la pcrfuafion qu'on en a; &: puis qu'il y va du falut de Thomme^ce neft pas eftre émeu de charité comme il faut, que de ne tafcher pas de ramener au bon chemiri ceux que l'on penfe qui s'en égaret.Neant- xnoins ny ce zèle ny cette charité ne le$ doit point porter entant que Chreftiens^ au delà des termes de la douceur &: de la raifon , feules voyes côuenables pour faire entrer la religion dcIefus-Ghrift dans la çonfcicnce des hommes. Ny luy ny fes Apoftres n y ont point employé le fer &: le feu ,&: s'il eft arriué que î'Euâgile qu'ils ont annoncé, ait efté caufe dans le monde de quelques çombuftion5îCela eft arriué
pour ceux de la Relig. 3 if
par le vice de l'efprk humain ? contre la nature de la dodrine de falut , de contre le defleindefon autheur &: de fes Miniftres. Entant qu ils font Princes de Potentats , ce neftpasmerueillenon plus s'ils fouhait- tentque leurs iujets ne fe bigarrent point en religions , 3ç femble mefmes que leurs interefts les y portent. Car leur gloire de leur grandeur confifte en l'entière obeïf- fancede leurs fujets, en la tranquilité de leurs Efl:ats,&:en l'vnion des parties qui les coinpofent. Or eft-il trop ordinaire que la diuifion des fentimcns de des créan- ces partage les afFeftions , &: n'y a point de |î violente paffion que celle qui s'allume danslaconfcience.Qoand donc ladiuer- fité des fentimens pafle en différence de faftions > il eft comme impoflible que le Prince, tant par le mouuement de fa con^ fcience , que par la profeflion qu'il fait ex- térieurement 5 ne fe déclare pour l'vn des; partis contêdans, de qu amfi il n afFoiblifle beaucoup, s'il ne perd mefme tout à fait le refpeft de robeïfTance qu'il deuroit atten- dre de l'autre.Ceft pourquoy tous Poten- tats s'oppofent au commencement à tou- tes innouations , de nos Rois entre les au- tres, ou de leur propre mouuement , ou
$iS [apologie
par la fuggcftion de leurs Confeils , ont çmpipyé tout ce qui fe peut imaginer de rigueur, pour eftoufferdans leurEftat la Reformation enf^naiffance. Enfin pour- tant l'expérience deschofes leur a donné d'autres inclinations. Car pource que les prifonSi &: les gibbets, 8c les feux , dont on s eftoit ferui pour en arrefter le cours pen- dant le règne de François premier de 4e Henry fécond, nepeurent empefcher que noftre doctrine ne gaignaftdas toutes les parties du Royaume , tellemêt que l'Eftat eftoit alors parcage quafi également, dç que fous le règne de François fécond ny le inal heureux fuccés deTentreprifed^Am- boife,ny laprifon du Prince de Condéj, îiy la continuation de la perfecution con- tre les autres, n'empefcherent pas qu'ils A'allaffent merueillcufemem multipliant^ la Reyne Çatl^erine de Medicis , 8>c ceux qui gouueynoient l'Jftat fpus la minorité de Charles , creurent qu'il valoit mieux confentir^ynechofcqueron ne poxiuoit cippefcher, 8c donner quelque liberté à la ferueur d Vn zèle ablplument inuincible. Ainfifut fait rEdiftquonappelladelan- uier , par lequel ceux de la Religion eurét h liberté de leuçs exei:cices dans les faux-
pour ceux de U Relig, ji^
bourgs de toutes les ville s, &c générale* ment par tout où ils eftoient en quelque nôbre confiderable : de forte qu'il s'en for- ma deux milleEglifes corne en Vn momét» En quoy la Reyne Catherine , &c les Prin . ces de Miniflres de TEftat firent fans doute céder le zèle de religion à la prudence po-^ litiqite, comme il eft fouuent àbfolument neceflaire en telles occafions : Se c cft cho- fe qui n eft nullement defagreable à Dieu^ quand on y eft obligé parlaneceffité des occurrences. Car la Religion ne pouuant fubfifter fmon par la fubfiftence dcsEm^ pires politiques, lors que les chofes en font Venues à tel point, que pour empefcher le progrez de quelque innouation, on met toute la République en péril, il eft &: de la pietéS^cdelafageiTedeceux qui en ont le gouuernement en la main , de pouruoir à ce que IVne ne s'eftoufFe pas enfin fous les ruines de lautre. Et fi on euft perfeueré en cette bonne penfee , on euft efpargné à l'Eftat les efpouuenta^bles confiifions des guerres cîuiles,qui l'ont mis à deux doigts de Ton tombeau. Mais Tambition de quel- ques-vns , Se Teffroy Se l'impatiéce des au- tres,&: la fuggeftion des confeils de Rome notamment, ayant incontinent troublé k
§i8 Afologie
repos de la France par rinfradion de céi Edia,6£ par les choies qui vinrêc après, on ne fçauroit dire quelles iiorrcursont efté exercées de IVn à lautre parti par l'efpace de plus de trente ans.Ec nous nous fuilions affeurément entr'extenninez, linon qu'en fin Henry le Grand , de glorieufe Se im- mortelle mémoire, ayant reconquis Ion Royaume de la main de fes ennemis , ter- mina ces calamitez par l'Edift de Nantes, &: reiiniffant tous fes fujets fous fon obeïf- fance,fans violenter la corifcience d'au- cun, eileignit autant que la prudence le permettoit j la femence de ces defordres. Ce qui luyreù/Tit fi bien, que neuf ou dix ans de paix après ces longues &: conti- nuelles defolations,remirenc le Royaume en vn eftat fi puiflant Se fi fieuriflant , que quand cet mcomparablc Prince nous fut fi mal-heureufemêt rauy,ilcftoit noncon- fiderable feulement , mais redoutable à toute [Europe. Sous le règne du feu Roy il eft arriué quelques chofes , qui ont deux ou trois fois interrompu le cours de cette félicité. Mais neantmoins diuerfes confi- derations luy ont toufiours fait folennel- lement déclarer , qu'il nevouloit aucune- ment entamer la liberté que le Roy Ion
pour ceux de U Relig. 3 î^
peie auoit donnée à fes fu jets en ce qui eft de leur religion^ny rien changer en Tefta- bliflement qu'il auoit fait par fon Edid. Car premièrement le Roy ibn père layât fait ferfetuçl & irreuocable » & lUy-mefme à fon aduenemet , Se depuis à diuerfes fois^ l'ayant confirmé comme tel , ainfi qu'il eftoit Prince généreux , il a creu que la fouucraineté indépendante de fa Cou- ronne >&: la puiffance illimitée de fa Ma- jcfté ne le difpenfoit pas de l'obligation de fa parole , &: de fes promefles , en l'ob- feruation defquelles Dieu mefme met vne: notable partie de fa gloire & de fa gran- deur. Car bien qu'il foit infiniment plus efleué au delTus des Rois , que les Rois ne le font au defliis de leurs fujets. Se que quand il manqueroit aux conuentions de fes alliances/es créatures pourtât ne pour- r oient l'en tirer en iugement, fi eft ce que plus il eft grand , plus eftime-t'il qu'il luy Gonuient d'eftre iufte , &: par confequent exaâ: à l'exécution de ce qu'il a promis, quâd vne fois il a engagé fa parole. Apres cela Henry le Grand ayant eftimé qu'en l'obferuation de cette fienne ordonnance^ confifloitle principal fondement de V'umonde fes fffjets , de la tranquillité & dn repos de fon
jiè jipologic
Bfidtyë'dejon reJtabUllement cnfapremien fplendeur ycommt le Roy fon fils eftoit pru- dent 5 il a bien apperceu qu'il en eftoit vé- ritablement ainfn &:quele danger eftoit euident 5 fi Ion renuerfoitce fondement, de rejetter le Royaume dans les anciêne^ diuifions , & de Texpofer en proy e à Tam- bition eftrangere. Enfin il auoit reconnu que le zèle de religion, qui auoit porté fes predeceffeurs 5 ou à n'accorder rien , ou à rompre les Edids qu'ils auoient accordez aux Reformez, auoit apporté fans compa- raifonplus dédommage à la pieté en gê- nerai, &: mefmes en la religion qu'ils pro» fcffoient , que d'affoibliflement & de di- minution à celle qu'ils vouloiêt efteindrc- Car outre que chacun fçait que les guerres ciuiles produifent la licence &: le débor- dement en la vie, & la profaneté ôc Tirre- uerenceauxchofes diuines, &: qu'en s*ef- forçant d'étouffer la religion d'autruy, on s'accouftume à mefprifer la fienne propre: la Romaine n'eftoit aucunemct pratiquée où les Reformez eftoienÉ les plus forts, &C où ils ne Teftoient pas,fi n'eftoit-elle exer- cée finon auec ttouble pc incommodités par tout où ils pouuoiêt porter le tumulte de leurs armes. Commç donc ce Prince
; cftoic
^Ur ceux de la lielig. 3 it
ieftoit fingulieremenc deuotieux en fa cré- ance , il a creu que pour le bien &c l'auan- tagc de l'Egliie Romaine , il falloit laifler cette liberté à la Reformée en fon Royau- me.Et nous voyons que depuis la Régence de la Reyne 5 le gouuernement de TEftat roule toujours deffus les mefmes maximes dVn train égal : ce qui a maintenu les fu- jets du Roy en vne parfaite vnion , con- lerué robeiffance qu'ils doiuêt à leur fou- uerain 5 &: donné le moyen de continuel: les grandes ^ glorieufes coriqueftes que le feu Roy aiioit commencées. Quant à ce qui eft des Magiftrats inférieurs , il me femble qu'ils doiueht régler toute leur conduite en cet égard ;, par ces deux ou trois penfces. LVne eft? qu'ils doiuent pre- fumer que fi Dieu les auoit appeliez prei de la perfonne des Rois , pour auoir part enleursconfeils, ilsauroient les mefmes confiderations que ceux qui ont les pre- miers confeillé ces Edifts y 8c qui mainte- nant encor les entretiennent. Ny les Po- tentats , ny leurs Miniftres ne font pas moins deuotieux qu'eux , 8c leur zèle ne feroit pas moins véhément , fi d'autres égards n'en temperoient l'ardeur 8c la violence. Puis donc qu'ils ont foufFert que
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|ti jifiûlogie
ces ï2Li{om d'Ëftat y apportaflent de la modération , &: que depuis que leschofcs ontefté ainfi eftablies par lauthorité des loix publiques , ils ont eftimé que leur foy y eftoit engagée , &: qu'ils ne la pouuoient violer fans fleftrir leur propre gloire, &: tetnir eh quelque façon le luftre de leur grandeur , Us autres doiuent volontiers reueftir les mefmcs fentinlensjôc he pren- dre point àdes-honneurde fe conformer aux grands exemples. La féconde eft, que comme ils ont deux relationsJVne de Ca » tholiques Romains j ce qui regarde le fer- ûiee qu'ils penfent deuoir àDicufelôleur pfofeflîon; l'autre d'Officiers du Roy > ce qui concerne le feruicc qu'il faut qu'ils luy rendent en l'adminiftration de leurs char- ges: comme ces deux relations font fort diftinftes j aufli en doiuent-t'ils tres-foi- gneufement diftinguer les foiiaions &: les opérations. Car quant à la premierejqu'ils ày ent à la bonne heure toute la ferueur de !2ele qui fe puiffe imaginer, & qu'ils efcou- tentles exhortations de ceux qui lesy en- flamment. Peut-eftre quel'EfpritdeDieU les illuminera quelque iour autrement, 6^ quand ils feront autrement efclairez> ils porteront cette yehemcncé de leur pieté
V
pour ceux de U Kel'tg, J i j
fur d'autres meilleurs objets cjue ceux cju q lcurprefenteordinairement5&: dont ils ti* reront plus de cpnfolation pour leurs con- fciences. Mais tant y a entant qu'ils fonç Catholiques Romains , ils font perfonnes particulières, hc par confequent cette de- uotionnedoit pas aller plus auant, finon d ouir quant à leurs pçrfonnes les Méfies bien diligemment: 5 de vacquer aux Ser-^ mons affiduellementjdaflifter aux Pro«- ceflions aueçfoin >de communier le plus fréquemment qu'ils pourront 5 &: de pour- uoir à ce qu'en leurs maifons la mcfme de- uotio règne entre leurs dompftiques. Mai$ quant à la féconde , ils ne doiuent dans les fondions qui en dépendent , regarder à autre chofç qu a la volonté du Souuerain^ comme elle eft déclarée en fes Edifts, afin de s'y conformer exadement en toutes occurrences. Car quand il ne feroit point àprefupofer que s'ils auoient efté appeliez au Miniftere de l'Eftatjilsfe laifferoient conduire aux mefmès raifons qui ont in- duit ces grands Rois à les nous donner , ce n'eftpas à leursOiRciers à iuger des mo- tifs qui les y ont portez, ny à prétendre de corriger par les mouuemens de leur pieté* |çs. fautes que \^ prudçcç Politique auroi^
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8^4 apologie
fait commettre contre la Religion R©!^ maine.S'il y en a quelqu'vne en cette con^ duite,c eft aux Rois à en refpondre deuant Pieu . Qu^nt aux Magiftrats inférieurs,, lors qu il taudra comparaiflre en iugemét deuant noftre Seigneur :, pour vendre rai- fon de leurs adions en cette qualité, on ne leur demandera pas s'ils ont çfté grands zélateurs de la Foy de Chrift \ car cela re- garde la relation qu'ils ont en qualité dç perfonnes particulières: mais s'ils auront; efté fidèles diTpêfeteurs de ce que le Prince leur a commis, pour redre la iuftice a tous fes fujets, felp les règles qu'il leur en auoit données. En quoy s'ils ont pluftoll fuiuy U fuggeftion de quel ques-vns, dont le zelç eft inconfideré,feditieux &: turbulent, que la volonté du Souuerain , comme elle eft expliquée en fes loix, affeuréme^t ils n'en remporteront point de contentement de deuant le grand & vniuerfel luge du mo- de. La troifiefme finalement eft,que les Officiers de ludicature ne font point inr ftallezen leurs charges qu'ils ne preftent ferment folennel de iuger félon les. Or- donnances des Rois, &:de fuiure leurs vo- lontez en l'adminiflration de k iuftice en toutes chofes. Or chacuri fçait quelle eft
pour ceux de U Relig. 3^5 l'obligation du ferment, &: comment elle doit eftre abiolument inuiolable. Certes çeluy qui fous prétexte de pieté enucrs Dieu en ce qui regarde la Religion, viole le ferment qu'il a tait au Roy en ce qui eft de fon feruice ôc de la côduite de fon Eftat, cettuy-là ne fert ny Dieu ny le Roy , &; commet vn crime digne de punition, tant de la part de fon Souuerain en ce fiecle icy, que de celle^ du Souuerain des Souue- rains en l'autre. Enfin , pour ce qui eft des peuples , ils ont aufîi deux qualitez ; l'vne de Chreftiens,6c l'autre de fu jets du Prin- ce. Quant à l'vne, ils font obligez de viurç conformément aux loix de Dieu, félon la, connoifTance qu ils enonti quant à l'autre, ilsfont tenus de fe comporter conformé- ment aux loix de l'Eftat , côme elles y ont efté publiées. Fuis doc que les loix de Dieu font qu'ils deftrampent tout leur zcle en debonnaireté &: en charité , &: que les loi^ç du Prince font qu'ils repriment leurs paf- fions par la çonfideration de la paix com- mune, &: par lerefpedquils doiuent à fa volonté , tant s'en faut que les paroles in- iurieufes,&:les traittemens violents leur puifTent eftre permis, s'ils veulent auoir U louange de bqs fujets ^ de bons FrançoiSj^
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^i6 Jlpologie
que mefmes ils ne fçauroicnt çflrc bons Çhreftiens , s'ils ne banniffent de leurs cœurs toute auerfion contre nous :, &: s'ils ne nous portent vne afFcftion véritable- mçnt cordiale. Nous les en fupplions donc tres-affe£tueufement3&:les en conjurons par la bonté de lefus-Chrift , par les en-, trailles de fa charité, par la gloire de fa vé- rité, par le précieux depoft de fa paix>qu'il ^ laifTé à fes Difciples autrefois. Se par l'in- Gomparable douceur dont il leur a donné le patron en fa conuerf^tion en la terre» Neantmoins fi nous ne pouuons obtenir qu'ils fe monftrent véritablement Çhre- ftiens enuers nous par les effets de leur hu- manité , c'eft à nous à nous efforcer de nous monftr^r tels enuers eux par tous, offices de charité , Se par vne inuincible patience. Car noftre bon maiftre nous a commandé que np.us aimions nos enne-. mis 5 que nous beniffions ceux qui nous rnaudiflent , que nous faffions du bien à ceux qui nous haïffcnt. Se que nous prions pour ceux qui nous perfecutent Se nous courent fus. C'eft ainfi qu'il dit que nous ferons voir que nous fommes enfans de noftre Père qui eft aux Cieux , Se que nous reprefenterons. l'image de cette diuino
pour ceux de la Kclig^ Ji^
iperfedion de charité, dont il nous four- hic l'exemple.
F I N.
iAP PR OBAT 10 N.
Cette Ap9Î0gi€ a efié veuë & approuttée par ^ejjîeursde la C antinuye & ^ acher ^ Pafienrs des Eglifa de Bauge (^ ds Vlfie Bouchard ^ Coin- miffaires ordônezfoar les linres de \eligi@n en Sftte Prouinee.
TABLE.
DEjJein de VOuuragey f^^'^«
SeBJ.^uefi on confidereceux de la Re^ ligiôn dans les deuoirs auf quels ils font obli- gez enuer s les autres entÂnt qu hommes y ils nej-ont dignes de l 'auerjion de qui que ce [oit i pjig. II. SeÛ JI, ^efi on conjidere ceux de U Reli^ gion dans les deuoirs auf quels ils font obli-^ gez énuers le Roy ^ l'E^ati entant que François , ils ne font point dignes detauer-" fion de qui que ce fit y pag. 3 8 ♦
Seii- III, ^ue fion conftdere ceux de laRe^ ligion en qualité de Chreftiens , ils ne méri- tent l'aucrj^on de qm que ce fit. Etpr^mk-^
Table.
Ytment a l'ejgard des créances quon leur impute contre vérité i pag,%%.
Secf, I V^ £lueji on confidereceux deU Reli^ gion k Cefgârd des chofes quils ne croyent fas^ ils ne méritent point d auerfion. Etpre- mierement touchant l 'inuocation des SaintSi r adoration des Images, dr le Purgatoire ^ pAgAi^, Se5f, V, ^epour ne croire pas nylaTrans- fubflanttation , ny le facrijice de la Meffhi ceux de la Religion ne méritent point l 'auer- fion de perfonne, p.\6^,
Se5t. Vl.^hte ceux de la Religion ne font point dignes d^auerjion, ny pour ne déférer posa V authoritède VEuefc^ue de Rome comme tl le veut , ny pour s eftrefeparez de la commu- nion de l 'Rglife R omaine, p.i^t, SeCi, Vil, ^u^en ce que ceux de la Religion , croyent effcRiuement , ils ne font dignes de l^auerfion de perfonne ^ au contraire 3 quils doiueteftre tenus pour bos Chrefiiens,p.ii%. Se^. VI îl> ^tticeque ceux delà Religion font en leurs exercices de pieté, en confequen - ce de leurs dogmes^ il n y arien qui mérite qu 'on ait aucune Auerfion pour eux y p.1%1, Conclufioni P'}^3' FIN.
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