■ ; ili MU il 1 HARVARD UNIVERSITY LIBRARY OF THE Museum of Comparative Zoology ÉXITDKS SUR L,E nEVRLOPPEMEIVT DES AIVIVEI.IOÏ-.^^ PAR W. SALENSKY, Professeur ù Odessa. DEUXIEME PARTIE. Développement de Brancliiobdella. (Planches 1 a V.) Branchiohdella est un objet tellement connu et tellement répandu, qu'il serait inutile de décrire en détail la manière dont on se procure ses œufs. Le matériel se trouve en abon- dance à peu près partout où se rencontrent les écrevisses. Je crois toutefois nécessaire de dire quelques mots sur les espèces de Branchiohdella qui se tiennent sur les écrevisses, d'autant plus que, malgré les investigations récentes, cette question ne peut être considérée comme définitivement tran- chée. Voici son état actuel : Henle('i) a établi deux espèces de BranchiobdeUa : Bran- diiobdella Astaci, qui habite les branchies de l'écrevisse, et Branchiohdella parasita, qui se rencontre sur la surface du corps de ce crustacé. Ces deux espèces se distinguent entre elles par la forme de leurs mâchoires. Plus tard, elles fui-ent l'objet d'une étude plus sérieuse de la part Dorner(2); cet (1) Henle. MuU. Ardi. 183S. (2) DoRNER. Zntsclir. fiir Wiss. Zoologie, t. lo, ^ W. SALENSKY. auteur signala, dans leur structure, des différences plus essen- tielles que celles constatées par Henle. L'année dernière, Whitmann (i) a décrit encore une espèce de BranchioMella qui se tient sur Astacus japonicus, et qu'il a appelée Brancliiohdella pentodonta. Un peu plus tard, Ostróumoff(2) a donné la description d'une nouvelle espèce habitant les branchies Òl' Astacus leptodactylus. Les travaux de Voigt(3) et de Gruber(i) parurent à peu près en même temps. Ces deux investigateurs, en ce qui concerne la systématique du genre Branchiohdella, sont arrivés à des conclusions diamé- tralement opposées, Voigt affirme que, sur Astacus fluviatilis, on ne rencontre qu'une seule espèce de Branchiohdella, savoir Branchiohdella Astaci, Odier; il lui attribue toutes les par- ticularités qui, d'après Dorner, caractérisent Branchiohdella parasita. Par contre, Gruber distingue quatre espèces que pourtant il incline à considérer comme des " constante Varietàten „; ce sont : Branchiohdella pentodonta, Branchioh- della parasita, Branchiohdella Astaci et Branchiohdella hexa- donta. Or, il fait observer que ces formes, même si on les considère comme des variétés et non comme des espèces, présentent une constance étonnante de certains caractères ; si le volume des œufs, par exemple, est différent pour chacune des espèces, leur caractère principal, c'est-à-dire la forme des mâchoii^es, est tellement stable, qu'il se retrouve, même chez des embryons. Dans mes recherches, j'avais exclusivement affaire à l'espèce de Branchiohdella qui habite les branchies de différentes espèces d'écrevisses. Ne voulant pas m'engager dans le dédale des finesses systématiques, je me bornerai à faire remarquer que j'ai pu distinguer trois formes de Branchiohdella différen- tes, non seulement par la configuration de leurs mâchoires et (0 Zoologiscfier Anzeiger, 1883, n» 123. (2) Id. noiûi. (3) Id. n» 133, 134. (4) Id. n» 138. ETUDES SLR LE DEVELOPPEMENT DES ANNELIDES. 3 par divers caractères anatomiques, mais encore par le volume de leiu^s œufs et parce qu'elles habitent diverses espèces d'écrevisses. Sur les branchies d''Astacus fliwiatilis, je rencon- trai toujoiU'S la forme de Brancliiohdella décrite, dans tous ses détails, par Dorner. La Branchiobdella qui se tient sur les branchies à'Astacus leptodactylus diffère notablement de la précédente, comme l'a clairement démontré Ostróumoff. Le volume de ses œufs est aussi beaucoup plus considérable. Enfin, dans un certain endroit du Dniester, sur les branchies A'Astacus fluviatilis, se rencontre une très petite forme de Branchiobdella, la plus voisine de Branciuohdella pentodonta. Par suite de son extrême exiguïté, ses œufs sont de dimension moindre que ceux de ses congénères. Leur petitesse est telle qu'ils ne se prêtent point à la confection de coupes. Je laisse aux zoolo- gistes, qui ont poui' but spécial l'étude de la systématique, à trancher la question de savoir si toutes ces formes doivent être regardées comme des espèces, ou bien comme des variétés; quant à moi, je n'ai pu consacrer, à cette question spéciale, le temps nécessaire. Dans tous les cas, il n'y a pas à en douter, toutes ces variétés présentent certains caractères constants, signalés par Gruber chez d'autres variétés de Brancliiohdella, et elles habitent toujours sur différentes espèces du genre écrevisse. En ce qui concerne leur développement, il est tellement uniforme dans ses moindres détails, que je ne décrirai pas séparément l'évolution de chaque espèce. Mes recherches concernent principalement le développement de Branchiohdella parasite à^Astacus leptodactylus, dont les œufs, grâce à leur volume, se prêtent le mieux à la confection des coupes. I. — Maturation et fécondation de l'œuf. Il suffit d'avoir disséqué une écrevisse, pour connaître les œufs blancs et de forme ovalaire de Branchiohdella. Ils sont fixés aux branchies de l'animal à l'aide d'un pédicule très mince, et revêtus par deux membranes. La membrane externe constitue mie épaisse capsule chitineuse. et enveloppe l'œuf 4 W. SALENSKY. tout entier; elle s'allonge d'un côté pour former le pied qui sert à la fixation de l'œuf; de l'autre, elle donne naissance a un mince prolongement triangulaire. Cette membrane est très dure et très élastique, et constitue ainsi un sérieux obstacle à l'étude de l'œuf. H est impossible de la détacher de l'œuf vivant, à la surface duquel elle s'applique intimement. L'acide picrique, le liquide de Kleinenberg, l'alcool, déter- minent la rétraction de cette membrane. En se rétractant, elle exerce une compression sur l'œuf même. Pour ce motif, ces liquides conservateurs ne peuvent être employés dans le but de durcii' des œufs de Branchiobdella. Par contre, plongée dans l'acide chromique, la membrane chitineuse se gonfle; soumise à une action durable de ce réactif, elle s'an^incit, s'amollit, et on peut alors facilement l'enlever à l'aide d'une aiguille. Cette membrane correspond à la capsule ovulaire des autres Hirudinées. La membrane interne, qui représente la membrane vitelline, enveloppe immédiatement le vitellus. Elle est si mince et si fortement appliquée contre le vitellus, qu'on ne parvient jamais à la détacher sans endommager ce dernier. D'ailleurs, son enlèvement n'est nullement nécessaire, car elle n'empêche, en aucune façon, l'étude de l'œuf ou de l'embryon; elle laisse passer très bien les matières colorantes et les liquides conservateurs. Je n'ai pas réussi à distinguer de micropyle sur aucune des membranes en question. Ces deux membranes diifèrent au point de vue de leur genèse et de leur signification morphologique. La membrane vitelline se forme encore dans l'ovaire, et est probablement un produit de sécrétion de la cellule ovulaire. Sur des œufs vivants retirés de l'ovaire, elle présente une grande résistance et ne se déchire que lorsqu'on exerce, au moyen d'une aiguille, une forte pression sur la lamelle couvrante. Quant à la membrane externe, elle ne se forme qu'au moment de la ponte. Je n'ai point d'observations relatives à son origine, mais je suppose qu'elle est le produit de sécrétion des cellules de l'oviducte. Elle correspond complètement à la ETUDES SUR LE DEVELOPPEMENT DES ANNELIDES. o capsule ovulaire de Nephelis, dont elle présente la consistance; elle en diffère seulement par ce qu'elle enveloppe un seul œuf et non plusieiu's, comme c'est le cas chez Nephelis. Le vitellus de Branchiobdella, semblable au vitellus de quelques Annélides, notamment à celui de Terebella, à.'' Arida et d'autres, consiste en une grande quantité de granules deutoplasmiques très réfringents, épars dans du protoplasme finement granuleux. Sa structure est uniforme dans tout l'œuf, à l'exception d'mi petit espace qui circonscrit le noyau. Celui-ci est exclusivement formé de protoplasme. Les gi-anules deutoplasmiques se colorent très mal par le carmin et consti- tuent ainsi un sérieux obstacle à l'observation des coupes. Le noyau des œufs encore renfermés dans l'ovaire, repré- sente une vésicule spliérique d'un volume insignifiant. H est entoui'é par du protoplasme si fortement appliqué à sa surface que, lorsqu'on presse l'œuf, le protoplasme est expulsé avec le noyau. Dans les œufs non pondus, le noyau siège au centre du vitellus. A l'intérieui' du noyau, on distingue tou- jours plusieurs nucléoles. Les toutes premières modifications reconnaissables dans un œuf û'aîchement pondu, intéressent la forme et la situation du noyau. A la surface des œufs, immédiatement après la ponte, on reconnaît d'abord une petite tache claii'e, surtout distincte sur des préparations durcies dans l'acide chromique. Cette tache (fig. 1), qui indique le siège du noyau, correspond à la cellule polaire observée chez les autres animaux. Sui' des coupes transversales et longitudinales appartenant à ce stade et aux stades subséquents, on peut suivre en détail les modi- fications de la vésicule germinative. Chez BrmicMohdella, elles sont en tous points semblables à celles signalées, par Oscar Hertwig, chez d'autres Hirudinées. Une semblable coupe longitudinale est représentée figure 2, planche III. Le noyau, qui siège encore au centre de l'œuf, affecte la forme d'amphiaster. E se compose de deux noyaux {Ne et Np) réunis entre eux par des filaments bipolaii'es. Ces 6 W. SALENSKY. noyaux, aux contours bien nets, tiennent en suspension de petits corpuscules qui représentent probablement les résidus des nucléoles. A ce stade du développement, l'amphiaster de Brancliiobdélla se distingue des amphiasters des autres ani- maux par ce fait que la répartition stellaire du protoplasme ne s'observe pas aux deux pôles du noyau; elle n'intéresse que le pôle avoisinant la périphérie de l'œuf. Je n'ai jamais distingué des rayons de protoplasme au pôle opposé. Le protoplasme accumulé au pôle périphérique de l'am- phiaster consiste en une masse transparente et homogène (P). De minces ondes la traversent^ sous forme de rayons. La portion du noyau qui siège dans ce protoplasme, y occupe une position excentrique. L'examen des coupes appartenant au stade subséquent (fig. 3, pi. m) démontre que le noyau a quelque peu pro- gressé vers la périphérie de l'œuf, de manière que le proto- plasme qui circonscrit le pôle extérieur de l'amphiaster se montre à la surface du vitelliis. Il ne s'étend pas en surface et conserve sa structure rayonnée. Depuis le stade précédent, les filaments bipolaires sont devenus plus courts. Ce rac- courcissement s'accuse davantage encore au stade suivant (fig. 4, pi. ni), où les deux pôles du noyau sont si rappro- chés que les filaments bipolaires sont à peine perceptibles. Celui qui observe toutes ces modifications du noyau de l'œuf de Brmichiobdella, rien que d'après leur analogie avec certains phénomènes caractéristiques de la maturation des œufs de divers animaux, doit arriver à la conclusion qu'il s'agit ici de la formation des cellules polaires ou corpus- cules de rebut. Les phénomènes sont tellement analogues avec ceux si bien décrits, par Oscar Hertwig, chez Haemopis et Nephelis, qu'on est en droit d'admettre qu'au stade subséquent aura lieu la séparation du protoplasme et d'une portion du noyau sous forme d'une cellule polaire. Pourtant, je n'ai point vu cette séparation, bien que j'aie coupé plusieurs dizaines d'œufs dans le but d'observer la formation des cellules polaires. Sans chercher à expliquer ma non réussite, et sans nier non ETIDES SUR LE DEVELOPPEMENT DES ANINELIDES. 7 plus l'existence des cellules polaii-es chez Branchiohdella,je, me bornerai à faire remarquer que, dans les plus jeunes phases de la segmentation, alors que l'œuf est divisé en deux segments, je n'ai pu distinguer davantage, chez Branchiobdella, les cellules polaires plus ou moins longtemps reconnaissables chez les autres animaux, pendant la durée de la segmentation. En outre, j'en dois faire l'observation, sur presque toutes les coupes confectionnées par moi, la membrane vitelline est restée intacte; par conséquent, les cellules polaires ne pouvaient aucimement être expulsées au dehors. L'œuf de BrancJdobdella peut être classé parmi les objets sur lesquels les phénomènes de la fécondation sont très diffi- ciles à observer. Sous ce rapport, les œufs de Nephelis et de Haemopis sont beaucoup plus favorables. Tout ce que j'ai réussi à observer sur des coupes m'autorise à conclure que les spermatozoaires doivent être expulsés en même temps que l'œuf, et se loger d'abord dans l'espace compris entre sa mem- brane vitelline et sa capsule. Il est peu probable qu'ils aient pu se loger entre le vitellus et la membrane vitelline, comme Hertwig l'a observé chez Nephelis, car, chez BrancMohdélla, la membrane vitelline s'applique intimement à la surface du vitellus. Dans les tout premiers stades de la maturation de l'œuf, ce dernier ne montre aucun vestige de la fécondation. Au stade représenté figure 3, planche III, alors que le noyau s'avance à la surface du vitellus, on reconnaît, à un des pôles de l'œuf, un noyau peu volumineux (fig. 3, Pr. m.)\ on peut le considérer très certainement comme étant le pronucleus mâle. Il avoisine la surface du vitellus, affecte une forme sphérique et possède des contours aussi nettement tracés que ceux de la vésicule germinative. De même que cette dernière, il renferme des nucléoles en suspension. Je n'ai point distingué d'aster autour du pronucleus mâle. En ce qui concerne la copulation des deux pronucleus et la formation du premier noyau segmentah-e, je n'ai pu me procu- rer des œufs correspondant à cette phase du développement. 8 W. SALENSKY. II. — Segmentation. La segmentation de Branchiohclella rappelle celle de quel- ques autres Hirudinées, notamment de Nephells, mais elle en diffère par quelques particularités essentielles. Le premier sillon a une direction equatoriale et divise l'œuf en deux segments inégaux (fig. 5 « et &, pi. I), Cliacun d'eux constitue un macromère. Au stade suivant (fig. 6, pi. I), le moins volumineux des segments est partagé, à son tour, par un sillon oblique, en deux globes inégaux {a et a"). Le plus volumineux des macromères reste indivis. Au stade suivant (fig. 7, planche I), on reconnaît déjà quatre segments, au lieu des trois gros segments primitifs. Bien que je n'aie pas observé l'apparition immédiate du qua- trième segment, je suppose qu'il est produit par la division, en deux portions (6' et b"), du plus volumineux des segments primitifs (b). Je désignerai ces quatre blastomères sous la dénomination de macromères, afin de les distinguer des micro- mères qui apparaissent immédiatement après la division de l'œuf eu quatre macromères. Le début de la formation des micromères est déjà recou- naissable au stade représenté figure 7. Le plus volumineux des macromères (b') émet un prolongement (m) qui, d'après sa situation, correspond à l'endroit où siégera, plus tard, un micromère. Il est évident que ce prolongement se sépare bientôt du macromère et forme le tout premier micromère. En effet, au stade subséquent (fig. 8, pi. I), on reconnaît déjà deux micro- mères (m, m) ; l'un occupe la place du prolongement dont il a été question plus haut et, par conséquent, doit dériver du macromère {h'). Le second siège en face du macromère {b'') et naît probablement à ses dépens. Quant aux deux autres macro- mères, chacun, à son tour, donne naissance à un micromère, de sorte qu'au stade représenté figure 9, l'œuf est composé de quatre macromères et de quatre micromères disposés dans un ordre typique, caractéristique pour les œufs des Planariées, des Hirudinées, des Turbellariées et des Mollusques. ËTLDES SCR LE DEVELOPPEMENT DES ANNELIDES, 0 Aussitôt après la formation des quatre micromères, débute le fractionnement des macromères. En premier lieu, c'est le macromère h' qui se divise, suivant sa longueur, en deux por- tions (flg-. 10, y et h"). Quant aux micromères, leur nombre reste invariable; mais au stade qui suit immédiatement celui dont il est question en ce moment, il augmente du double. Au stade représenté figure 11, l'œuf comprend six macromères et huit micromères. La distribution de ces derniers est moins régulière que celle des quatre micromères primitifs. Trois des micromères nouvellement formés sont logés dans les intervalles des micromères de la première génération; le quatrième est situé à côté, entre les micro- et les macromères. Je n'ai pu trancher la question de savoir si les quatre nouveaux micro- mères étaient produits par la division des micromères, ou bien par celle des macromères. L'examen des coupes appartenant aux stades ultérieui'S du développement permet de se convaincre que de jeunes micromères se forment aux dépens des macromères; aussi j'incline à supposer que le même mode de formation a eu lieu au stade considéré actuellement. A l'appui de mon hypothèse, je dois faire observer que, malgré l'apparition des nouveaux micromères, le volume des quatre micromères primitifs ne varie point; certes, cela ne pourrait avoir lieu si les jeunes micromères avaient été engendrés par les précédents. L'accroissement du nombre des macromères — on en compte jusqu'à six — est dû au fractionnement du macromère Q/) qui se divise d'abord en deux portions. Une particularité remarquable des stades que nous venons d'examiner, et qui n'a pas été signalée chez d'autres animaux, consiste dans l'asymétrie des blastomères. Cette asymétrie, déjà manifeste lors de la formation des deux macromères primaires (fig. 8), s'accuse encore davantage à l'apparition des quatre micromères de la seconde génération (fig. 11), alors que l'un d'eux ne se place pas suivant l'axe longitudinal de l'œuf, mais à côté de cet axe. Dans des stades plus avancés, la distribution asymétrique des blastomères devient encore 10 W. SALEINSKX. plus nette ; elle persiste jusqu'à l'achèvement de la segmenta- tion ou jusqu'à l'apparition du sillon médullaire. Le second fait, non moins remarquable, qui distingue la segmentation de Branchiohdella, consiste en une extrême variabilité, d'après les individus, de la distribution et de la forme des blastomères; on l'observe même dans les premiers stades de la segmentation. Plus tard, cette variabilité s'accuse davantage encore. Par exemple, lors de la division de l'œuf en quatre macromères, ceux-ci se disposent quelquefois, non en croix, comme cela est représenté flg. 7, mais d'une manière irrégulière. Cette distribution des macromères persiste dans les stades suivants; elle est reconnaissable, déjà au moment de l'apparition des quatre micromères primitifs (fig. 9). Plus tard, au moment de la formation des micromères de la seconde génération, ceux-ci ne s'interposent pas toujoui'S entre les micromères de la première génération, mais constituent un groupe placé à côté de ces derniers, d'où un aspect asymé- trique de l'œuf. En présence de semblables irrégularités, il serait tout naturel de supposer qu'il s'agit d'œufs anormaux, inaptes à se développer ultérieurement et destinés à périr. Il est extrêmement difficile de vérifier cette hypothèse par l'expérience, car, il est impossible de suivre graduellement, sur le même œuf, l'évolution de Branchiohdella. Pour une étude suivie on est obligé, pour ainsi dire, d'assortir les stades du développement et de les comparer entre eux. Or, si les œufs à segmentation irrégulière étaient, en réalité, condamnés à périr, eu égard à la fréquence de ce phénomène, on devrait rencontrer bien souvent des œufs renfermant des embryons morts, ce qui n'a guère lieu. Parmi des centaines d'œufs pondus sur les branchies de l'écrevisse, j'en ai rencontré deux ou trois, tout au plus, qui renfermaient des embryons en décom- position. Cela m'a conduit à supposer que la variabilité de la forme, du volume, de la disposition des blastomères, et même de la direction suivant laquelle ils se divisent, constitue un phénomène normal et non pathologique. A l'appui de mon hypothèse, je puis citer les observations analogues, sur le ÉTUDES SUR LE DÉVELOPPEMENT DES ANMÉLIDES. Il développement de Polyxenia, de Metschnikoff; il a découvert, dans la segmentation de cette méduse, des variabilités extrê- mes, n'exerçant pourtant aucune influence sur son développe- ment qui continue à se faire d'une façon normale. La division des micromères marche plus rapidement que celle des macromères. Pour ce motif, l'œuf acquiert la forme caractéristique des œufs qui se développent par épibolie. Une face de l'œuf est occupée par les micromères. Au stade repré- senté figure 12, le nombre des micromères augmente jusqu'à quinze. A cause des variabilités individuelles que je viens de signa- ler chez les œufs traversant à peu près les mêmes périodes du développement, il devient très difficile de s'orienter dans le but de réunir une série successive des divers stades de l'évo- lution. Il semble, au premier abord, qu'on devrait trouver, dans le nombre des macromères, un caractère permettant de préciser l'âge de l'œuf; en effet, lors des premiers stades du développement, les macromères se divisent régulièrement, et leur fractionnement répond à certaines phases du fractionne- ment des micromères. Mais, en obseiTant certains stades de la segmentation sur des coupes, on se convainc que, bien sou- vent, les œufs à la surface desquels se voit un nombre plus limité de macromères et où les macromères eux-mêmes sont plus volumineux, sont plus âgés que ceux où le volume des macromères est moindre et leur nombre plus considérable. Cela démontre que, pour la comparaison des différents stades de la segmentation, il faut savoir profiter d'autres caractères, dont le plus sûr est fourni par le volume des micromères. Le fi-actionnement de ceux-ci est plus régulier que celui des macromères, de manière qu'en tenant compte de leur nombre et de leur volume, on parvient à préciser plus ou moins exactement l'âge de l'œuf. Le moyen le plus sûr d'arriver à ce résultat consiste incontestablement dans la confection des coupes; leur étude, jointe à celle de la forme externe de l'œuf, permet de se former une idée complète d'un stade donné de la segmentation. Aussi, dans le but d'arriver à une description 12 .. \\. SALENSKW plus exacte de diverses phases de ce processus, je ne m'arrê- terai qu'aux stades dont j'ai étudié la forme externe sur un œuf entier, et la structure intime sur des coupes. Les coupes appartenant aux premiers stades du développe- . ment n'ont pas une grande valeur. Elles ne nous apprennent rien qui ne soit déjà reconnaissable sur l'œuf examiné dans son ensemble. Poiu' ce motif, je me contente de figurer une coupe longitudinale, appartenant à peu près au stade 9, alors que l'œuf est composé de quatre micromères et de quatre macromères. La coupe a passé par deux micromères et par trois macromères (fig. 39). Les micromères adhèrent encore aux macromères, et le blastocèle n'est pas encore formé. Passant quelques stades qui ne diffèrent du précédent que par le nombre des blastomères, j'arrive immédiatement au stade 13. L'œuf se compose maintenant de 7 macromères et d'un nombre plus considérable de micromères qui occupent une portion peu considérable de la surface de l'œuf. Le volume des micro- mères s'est réduit depuis le stade précédent. Le rapport des macromères et des micromères, sur la coupe représentée figure 40, reste le même que précédemment. Les micromères occupent un hémisphère de l'œuf, les macromères l'autre hémisphère. Indépendamment des blastomères primi- tifs, on voit apparaître, au fond de l'œuf, d'autres cellides qui constituent à la fois l'ébauche des cellules entodermiques et mésodermiques; pour ce motif, je les désignerai sous le nom de cellules mésoentodermiques. Leur origine n'est pas nettement reconnaissable sur la figure 40, mais elle s'explique par l'examen des stades suivants. La figure 14 nous représente un stade de segmentation qui, d'après sa forme externe et surtout d'après le nombre des macromères, paraît être beaucoup plus âgé que celui repré- senté figure 13. Or, comme l'examen des coupes le démontre, l'évolution n'a guère progressé comparativement au stade pré- cédent. L'œuf est divisé en un nombre plus considérable de macromères : on en compte jusqu'à quinze. Ils occupent tout un hémisphère de l'œuf et intéressent, en partie, l'autre ÉTUDES SUR LE DEVELOPPEMENT DES ANNÉLIDES. 13 hémisphère. Les niicromères se portent plus en avant qu'au stade précédent, mais ne recouvrent pas toute la surface de l'œuf. Ils mesurent encore un volume considérable, sont contigus au macromères et affectent une forme prismatique. Les micromères marginaux sont plus volumineux que les médians (fig. 41). Entre les micro- et les macromères, se loge une cellule du mésoentoderme, complètement différenciée. L'un des macromères montre tous les traits caractéristiques de la division. Le noyau en est allongé et présente la forme d'un amphiaster qui se dirige vers la cellule mésoentoder- mique séparée. Seule, la direction du noyau est déjà un indice qu'à sa séparation, la cellule-fille devra se loger au fond de l'œuf, dans le voisinage immédiat de la cellule mésoentoder- mique. Au cours de l'évolution, cette hypothèse se justifie complètement. Dans le stade représenté figure 15, qui diffère très peu du précédent, le nombre des cellules en voie de séparation est insignifiant. Sur quelques coupes (fig. 42), on reconnaît d'autres macromères dont le noyau, en forme d'amphiaster, a la même direction que celle signalée pour le noyau d'un macromère au stade précédent. A quelques coupes de distance de celle représentée figurée 42, on distingue déjà, logées au-dessous des micromères, deux cellules qui repré- sentent des cellules mésoentodermiques (fig. 4:2 A, msen). Entre celles-ci et les micromères, on voit apparaître un blas- tocèle spacieux (Blc), non encore reconnaissable sur les coupes précédentes; il n'est distinct que sur les coupes de la partie médiane de l'embryon. Au stade actuel du développement, les micromères sont toujours prismatiques et d'un volume considérable, mais, parmi eux, se rencontrent quelques micromères excessivement petits, ce qui est l'indice d'une multiplication active, à ce stade. Le stade de la segmentation représenté figiu-e 16, est très voisin de celui que je viens de décrire. Les micromères occupent à peu près un hémisphère de l'œuf, les macromères sont disposés en deux rangées. Un pôle de l'œuf est occupé par un seul macromère impair, le pôle opposé par deux micro- 14 VV. SALENSKY. mères. Nous allons profiter de cette différence pour nous orienter relativement à la direction des coupes. Les figures 43, 43 A et 43 i? nous représentent trois coupes successives, à partir du pôle occupé par le macromère impair. J'ai indiqué sur la figure 16, par des lignes pointillées, à peu près tous les endroits par où ont passé les coupes. Sur la coupe 43, la plus voisine du pôle, l'œuf se constitue de deux macromères superposés. L'un d'eux est déjà enveloppé par une couche de micromères. Il est évident qu'au pôle de l'œuf, les micromères ne donnent pas naissance aux cellules mésoentodermiques ; celles-ci ne sont reconnaissables qu'à deux coupes de distance de celle représentée figure 43. Ces cellules sont logées entre les micromères et les macromères (fig. 43 A, msen). Le blastocèle, très étroit à ce niveau, ne devient spacieux que dans la région médiane de l'œuf. Sui* quelques-unes des coupes passant par le centre de l'œuf, un groupe de cellules mésoentodermiques est reconnaissable au-dessus des macro- mères. J'ai distingué deux groupes semblables. Tous les deux siègent au-dessus des deux paires de macromères médians (fig. 43 A et B)\ ils se ressemblent tellement, que je figure un des groupes seulement. Chacun des groupes est composé de trois cellules mésoentodermiques. On distingue, en outre, une cellule qui adhère aux micromères. Je n'ai pu trancher la question de savoii^ si cette cellule était dérivée des micromères, ou bien si, détachée du groupe commun, elle s'était avancée vers les micromères. Ainsi, au stade représenté figure 16, le nombre des cellules mésoentodermiques s'accroît. Elles sont produites, à peu près par chaque paire de macromères; seulement elles ne forment pas encore ime couche continue de cellules sur toute l'étendue de l'œuf, mais s'amassent en groupes dans quelques mies de ses régions. La formation des cellules mésoentodermiques a notablement progressé au stade 17. Le nombre des macromères a diminué; ils se disposent toujours en deux rangées. Parmi les micro- mères, on reconnaît des cellules beaucoup plus volumineuses ÉTUDES SUR LE DEVELOPPEMENT DES ANNELIDES. 15 que les micromères mêmes, et beaucoup plus petites que les macromères. Evidemment, elles sont produites par la division de ces derniers, bien que leur volume égale à peu près celui des micromères. C'est une preuve évidente que les micromères, non seulement proviennent de la division de leui'S congénères, mais encore peuvent dériver des macromères. On peut mieux s'en convaincre par l'examen des coupes d'embryons plus jeunes, sur lesquelles il est permis de suivre en détail la division du noyau. Une semblable coupe est représentée figure 46. On y reconnaît un des macromères en voie de division. Le micromère {Mik') en est déjà séparé par étran- glement, mais sa différenciation définitive n'est pas encore achevée; la cellule-fille est encore reliée au macromère. Les figures 44-44: D, nous représentent une série succes- sive de coupes qui correspondent aux lignes pointillées de la figure n A. Par l'étude comparée de ces coupes, on arrive à comprendre la texture de l'œuf, comme suit : le pôle de l'œuf, qui a servi de point de départ aux coupes, se constitue de gros macromères. Un faible groupe de micromères adhère à une face de ces cellules. Dans le voisinage de la région médiane de l'œuf, la couche des micromères s'élargit (fig. 44 A) et enveloppe la plus grande portion des macromères. Siu' la coupe suivante (flg. 44 B), encore plus voisine du centre de F œuf, les micromères constituent une couche épaisse qui s'applique contre les macromères et se compose de cellules de volume différent. Les cellules profondes représentent des cellules mésoentodermiques, et les cellules superficielles des cellules ectodermiques. Ici la coupe a passé par le bord du blastocèle qui, en cet endroit, aftecte la forme d'mie petite cavité triangulaire. La coupe représentée figure 44 C, a tra- versé l'endroit où la formation des cellules mésotntodermiques est surtout active. Le blastocèle y est très spacieux et à peu près complètement envahi par des cellules mésoentodermi- ques. La formation de ces cellules aux dépens des macro- mères devient évidente par l'examen de la coupe suivante (fig. 44 D), où le nombre des cellules mésoentodenoaiques est 16 W. SALENSKY. réduit, et où s'opère probablement une division active de macromères. Des deux macromères reconnaissables sur la coupe en ques- tion, il y en a un qui supporte une seule cellule mésoentoder- mique. Le second s'est transformé en une pile de cellules qui, sans aucun doute, se sont graduellement séparées de ce macro- mère. Leur volume seul démontre qu'une séparation graduelle a dû avoir lieu. La plus petite de ces cellules est en même temps la plus éloignée du macromère; c'est la plus ancienne des cellules-filles. En s'approchant du macromère, les cellules se dilatent peu à peu, de sorte que la cellule qui lui est contigue a une largeur équivalant à la sienne. Cette répar- tition des cellules, mise en regard avec les preuves de la division des macromères aux stades précédents (fig. 42), démontre claii^ement que cette pile de cellules mésoentoder- miques est le produit du fractionnement du macromère. Sui' les coupes suivantes, on peut constater que le blastocèle se réduit. Eu approchant du pôle de l'œuf, les micromères se multiplient plus activement et encombrent le blastocèle. A ce pôle ovulaire, les cellules ont des dimensions moindres qu'au pôle opposé, point de départ des coupes que nous venons d'examiner. Quant à la forme du blastocèle, bien que l'on puisse se la figurer facilement par la combinaison des coupes transversales, il faut, pour en avoir une idée plus exacte, recourir aux coupes longitudinales. La figure 47 représente une semblable coupe d'un œuf en voie de segmentation et appartenant à peu près au stade représenté figure 17. On y constate que la distribu- tion des macromères et des micromères est inégale. Un pôle de l'œuf est occupé par les micromères, le pôle opposé exclu- sivement par les macromères. A en juger d'après l'évolution ultérieui-e, le pôle occupé par les petites cellules représente le pôle antérieur de l'œuf, et le pôle opposé son pôle postérieur. La formation des cellules mésoentodermiques intéresse princi- palement le pôle postérieur de l'œuf; mais, au fur et à mesui-e de l'individualisation de nouvelles cellules, les anciennes sont ÉTUDES SUR LE DÉVELOPPEMENT DES ANNÉLIDËS. 17 refoulées d'arrière en avant. Pourtant on ne doit pas en conclure que la formation des cellules mésoentodermiques a lieu exclu- sivement au pôle postérieur de l'œuf Comme la comparaison des coupes transversales nous Ta déjà démontré, les macro- mères donnent naissance à des cellules mésoentodermiques dans différents endroits du corps. Dans certaines régions, leur formation marche plus rapidement (fig. 44 C), dans d'autres plus lentement (flg. 44 D). Or, d'après de nombreuses compa- raisons, j'ai lieu de supposer qu'elle s'opère plus rapidement au pôle postérieur de l'œuf, où débute probablement la forma- tion de ces cellules. A mesure de la formation des cellules mésoentodermiques, celles-ci finissent par remplir complètement le blastocèle. La figure 18 nous représente un stade de développement où cette cavité est notablement réduite. Quant aux modifications externes de l'œuf, reconnaissables à ce stade, elles consistent dans l'accroissement de la couche des micromères, qui s'étale jusqu'à la moitié du second hémisphère de l'œuf. La portion de l'œuf non encore enveloppée par elle, correspond à la région postérieure du futur embryon; cette région consiste en des macromères disposés en rangées parallèles. On reconnaît, sur les coupes transversales, que l'œuf a subi les modifications suivantes : A son pôle postérieur, deux macromères sont com- plètement enveloppés par les micromères (fig. 45 A). Ils correspondent probablement aux macromères qui, au stade précédent (fig. 44, 44 A), étaient logés dans la région posté- rieure de l'œuf. Deux coupes plus avant, on rencontre déjà des macromères placés à la périphérie de l'œuf; quelques micro- mères sont aussi reconnaissables parmi eux. Plus près du pôle antérieur de l'œuf (fig. 45 B), se voit le blastocèle quelque peu réduit, comparativement au stade précédent. Sa réduction est due, sans aucun doute, aux cellules mésoentoder- miques qui le remplissent graduellement. Ces cellules diffèrent par la forme et le volume; elles constituent maintenant plu- sieurs assises; les macromères sont plus petits qu'au stade précédent. En approchant du pôle antérieur de l'œuf, le blas- 2 18 W. SALENSKV. tocèle se réduit de plus en plus. Souvent, sur des coupes, il aifecte la forme de lacunes indépendantes, délimitées par des groupes de cellules mésoentodermiques. Enfin, à son pôle antérieur, l'œuf représente une masse cellulaire compacte, composée d'une couche superficielle de micromères et de la masse centrale des cellules mésoentodermiques. Au stade suivant, les modifications les plus notables, recon- naissables à l'extérieui- de l'œuf, consistent en ce que les macromères situés à l'hémisphère postérieur commencent à se grouper en deux rangées. La cause d'une distribution aussi régulière peut être attribuée à l'apparition de deux bandes de micromères qui, se logeant entre les macromères, partagent ceux-ci en deux rangées. Un stade semblable est représenté figui-e 19 et figure 19 A, de face et de profil. Toute la surface de l'œuf, à l'exception d'une portion peu considérable où siègent les rangées susdites de macromères, est occupée par les micromères. La forme de l'œuf est encore ovalaire. L'examen des coupes transversales (fig. 48, 48 A) appartenant à ce stade du développement, démontre que le blastocèle disparaît complètement, envahi qu'il est par les cellules mésoentodermiques. Les rangées de macromères ne sont pas séparées, dans toute leur étendue, par les bandes de micromères. Au pôle postérieur, ces rangées se réunissent entre elles (fig. 48). Dans le voisinage de la région médiane de l'œuf, elles s'écartent. Les cellules mésoentodermiques, de volume variable, ne diffèrent pas notablement des micromères. On rencontre, parmi elles, de grosses cellules dont le volume égale celui des micromères. A ce stade, il est encore impos- sible de distinguer les feuillets embryonnaires. On peut seule- ment désigner la couche superficielle sous le nom d'ectoderme, car, pendant toute la durée du développement, ce feuillet est représenté par une seule couche cellulaire. La masse cellulaire centrale doit être considérée comme représentant, à la fois, le mésoderme et l'entoderme; c'est pourquoi je la désigne sous le nom de mésoentoderme. Il est complètement impossible de tracer leurs limites réciproques, non seulement à ce stade, mais aussi dans des stades plus avancés. lÎTUDES Sili LK DÉViaOPPEME.M DES ANNELIDES. IV) La segmentation proprement-dite de Dranchiobdella se termine avec le stade que nous venons d'examiner. Aux stades suivants, débutent des processus qui amènent la formation des organes externes et internes de l'embryon. La segmentation de Brandiiohdella se distingue par des particularités si caractéristiques, que je crois nécessaire, avant de passer à l'examen de l'évolution ultérieure de l'embryon, de m'arrêter sur ce processus et de le comparer à la seg- mentation des autres Hirudiuées. D'abord, la structure de l'œuf présente une différence essen- tielle, chez Branchiohdella d'un côté, Clepsine et Nephelis de l'autre. Cette différence se manifeste dans la position des pôles et des axes ovulaires, comparativement aux pôles et aux axes de l'embryon. Encore dès avant le début de la segmenta- tion, Whitmann distingue, dans l'œuf de Clepsine^ deux pôles : le pôle oral et le pôle aboral. Il suppose que l'axe qui réunit ces deux pôles correspond à l'axe longitudinal du corps de Clepsine. Le pôle oral de Clepsine est indiqué par une tache claire. Ici a lieu la formation des cellules polaires. Le premier sillon segmentaire apparaît aussi à ce pôle. Eu égard à ces indices, qui caractérisent le pôle oral de Clepsine, il est facile de trouver, dans l'œuf de Branchiohdella, le pôle qui lui corres- pond. Je l'ai fait observer plus haut, sur l'œuf de cette Hiru- dinée, se trouve une tache claire qui 1" par sa position correspond à l'amphiaster de rebut, et 2° est traversée par le premier siUon de segmentation. Tous les caractères de cette tache claire correspondent à ceux du pôle oral de Clepsine. En ce qui concerne sa situation par rapport à l'axe longitudinal d'un embryon et, par conséquent, d'une Branchiohdella adulte, elle est tout à fait opposée à celle de Clepsine. Cela démontre que la coïncidence de l'axe longitudinal de l'œuf de Clepsine avec l'axe longitudinal du corps de l'adulte est un phénomène accidentel, auquel il ne faut pas attribuer une valeiu- morphologique exceptionnelle ; en effet, chez des espèces d'Hirudinées aussi rapprochées que le sont Branchiohdella et Clepsine, l'axe longitudinal de l'œuf coïncide tantôt avec l'axe longitudinal, tantôt avec l'axe transversal de l'adulte. 20 vv. salenskv. Passons maintenant à la segmentation : Autant les stades avancés de la segmentation diffèrent chez Clepsine, Nephelis et Branciiiohdella, autant les jeunes stades s'y ressemblent. Chez ces trois espèces d'Hirudinées, le plan de la segmenta- tion est le suivant : 1° En premier lieu, l'œuf se divise en deux macromères; 2° puis en trois macromères {NepJielis, d'après Robin); 3° en quatre macromères; 4° a lieu alors la formation du premier micromère et du second, aux dépens des macromères; 5° vient ensuite la formation des troisième et quatrième micromères. (D'après Robin, chez Nejjiiielis, un des macromères produit à la fois deux micromères, tandis que l'un deux reste indivis.) A partir de ce stade, le plan de la segmentation est différent pour chacune des trois espèces. Chez Clepsine^ un des macromères se divisant en deux por- tions, donne naissance à un neuroblaste et à un mésoblaste. Chez Nephelis, le macromère, d'abord resté indivis, se divise d'après le même mode. Les produits de cette division n'ont pas encore été bien étudiés. On sait seulement qu'une partie des cellules qui en dérivent se réunit aux cellules ectoder- miques. Chez Branciiiohdella, l'un des macromères se divise aussi en deux portions, et, d'après tout ce que j'ai pu observer, toutes les deux participent également à la formation des feuillets embryonnaires. Elles donnent naissance aux cellules mésoentodermiques et ne représentent point des ébauches spéciales ni du mésoderme, ni du système nerveux, comme c'est le cas chez Clepsine. Chez cette Hirudinée, la mul- tiplication ultérieure des cellules porte exclusivement sur celles de l'ectoderme, les neuroblastes et les mésoblastes. Les cellules entodermiques dérivées des trois macromères, ne se fractionnent pas complètement; leur noyau et leur protoplasme seuls se divisent, et se montrent à la surface des macromères où ils persistent jusqu'à l'achèvement de l'évo- lution. Chez Nephelis, les macromères ne se multiplient pas non plus; ils se transforment, non en des cellules entoder- miques, comme c'est le cas chez Clepsine, mais en des globes vitellins de Robin ou des *' kolossale Zellen „ des ETUDES SUR LE DEVELOPPEMENT DES ANNELIDES. 21 auteurs allemands, qui n'interviennent point dans la formation de l'embryon. D'après Biitschli, l'ectoderme apparaît très tôt chez cette Hirudinée; il se forme par la multiplication des macromères. Chez Branchiohdella, les macromères se multi- plient pendant toute la durée de la segmentation. Ils donnent naissance aux cellules de l'entoderme, aux cellules qui corres- pondent aux neuroblaste de Clejjsine et, probablement aussi, à des cellules ectodermiques. Les différences signalées dans la segmentation des trois espèces susdites sont un exemple instructif, qui met en lumière l'influence exercée par les diverses conditions sur le processus du développement. Si je ne réussis pas à expliquer l'énorme différence observée, chez ces espèces, touchant les modifi- cations des macromères, je tâcherai du moins d'indiquer le lien qui existe entre ces modifications et les conditions différentes dans lesquelles se développent les œufs de ces Hirudinées. Les faits mentionnés plus haut, relatifs à la segmentation et à la formation des feuillets embryonnaires, nous autorisent à admettre que les macromères sont employés, en partie, à la formation des neuroblastes et, en partie, à la formation des cellules mésoentodermiques. Chez différentes espèces d'Hiru- dinées, la plus grande partie des macromères est employée, tantôt à la formation des cellules mésodermiques ou entoder- miques, tantôt à la formation des neuroblastes. Chez Bran- chiobdella, par exemple, les macromères participent également à la formation de toutes ces parties. Chez Neplielis, trois macromères se transforment exclusivement en des neuroblastes (globes vitellins de Robin " grosse Zellen „ des auteurs alle- mands). Un macromère seulement donne naissance aux cellules ectodermiques. Chez Clepsine, un seul macromère sert d'origine au neuroblaste et au mésoblaste primitifs ; les trois macromères qui restent se transforment en entoderme (Biitschli). A côté de ces dissemblances, on constate, chez les deux dernières espèces, que le moment de l'apparition de la cavité digestive diffère, pour chacune d'elles, comme diffèrent égale- ment les conditions de la nutrition de l'embryon. Chez Nephelis, 22 W. SALENSKY. l'archenterou apparaît très tôt. Sans aucun doute, les cellules entodermiques indépendantes qui le délimitent, doivent se former dès avant son apparition. Par conséquent, toute la masse de macromères peut être employée à la formation des neuroblastes. Chez Clepsine, par contre, l'arclienteron apparaît très tard, et les ébauches des neuroblastes sont reconnaissables dans de très jeunes stades. La plupart des macromères peuvent ainsi être employés à la formation de l'entoderme. Il ressort de là, que la transformation des macromères, tantôt en neuro- blastes, tantôt en ectoderme, est en rapport avec l'aptitude plus ou moins précoce de l'embryon de pouvoir se nourrir d'une façon indépendante. Ce dernier cas dépend de la struc- tm-e de l'œuf et des conditions de la nutrition de l'embryon. On sait que, chez Nephelis, l'embryon est renfermé dans une substance gélatineuse. Tout son développement s'opère aux dépens de l'albumen muqueux qu'il absorbe. Comme l'absorp- tion de cet albumen, chez les embryons de Nephelis, se fait directement et non par diffusion, l'archenteron apparaît de bonne heure. Les œufs de Clepsine et de Branchiohdella ne sont point entourés d'une substance gélatineuse. Leur vitellus renferme une grande quantité de matières nutritives qui, au moment de la segmentation, se déposent, sous forme de deutolécyte, dans les blastomères. La nutrition des embryons se réduit à l'absorption du deutolécyte déposé dans les cellules de l'ento- derme. Évidemment, avec un tel mode de nutrition, l'apparition précoce de l'archenteron n'est point nécessaire. Aussi apparaît- il très tard. Il existe une relation intime entre cette tardive apparition de l'archenteron et le mode de transformation des macromères qui, chez ces deux espèces, est complètement différent de celui de Clepsine. Tout cela nous autorise à admettre que la différence dans la formation des feuillets embryonnaires de Nephelis, de Clep- sine et de Branchiohdella, dépend des conditions biologiques sous l'influence desquelles s'opère le développement de ces ETUDES SUR LE DEVELOPPEMENT DES ANNELIDES. 23 Hiruclinées. Par conséquent, toutes les variabilités qu'on signale dans la formation des feuillets embryonnaires, ainsi que l'absence ou la présence du stade gastrula, doivent être expliquées par des cause cœnogénétiques. III. — Modifications externes de l'embryon, à partir de l'achèvement de la segmentation jusqu'à l'éclosion. Bien que, vers la fin de la segmentation, l'embryon de Brmichioh della conserve sa forme ovoïde, on peut déjà y distinguer deux régions : la région antérieure dont la surface externe est revêtue par de petites cellules, et la région posté- rieure comprenant deux rangées de macromères. Comme ceux- ci correspondent aux grosses cellules ou neuroblastes des autres Hirudinées, je les appelerai aussi gi'osses cellules. Les grosses cellules, graduellement refoulées d'avant en arrière, se groupent dans la région postérieure de l'œuf qui, pour ce motif, est notablement épaissie, comparativement à la région antérieure. Après l'achèvement de la segmentation, l'embryon devient piiiforme, ce que l'on reconnaît surtout sur les vues de profil (fig. 20, 21). La répartition des cellules situées à la surface de l'embryon est très caractéristique de ces deux stades du développement, ainsi que des stades subséquents; aussi mérite- t-elle une description détaillée. Dans la région embryonnaire antériem^e, de petites cellules, à surface convexe, tantôt arrondies, tantôt polyédriques se disposent assez iiTégulièrement. Dans la région postérieure, de semblables cellules enveloppent la face opposée à celle occupée par les grosses cellules. Celles-ci (fig. 18, 19, 20, 23, 24, 25, 26 et 27, gc.) se disposent en deux rangées, chacune composée de quatre cellules. Ces bandes sont rapprochées entre elle en avant, et divergent en arrière. Entre les grosses cellules, s'intercalent, dans de jeunes stades, deux et, plus tard, plusieurs rangées de petites cellules polyédriques, déjà signa- lées pour les derniers stades de la segmentation. Elles se disposent suivant la longueur du corps. 24 W. SALENSKY. Chacune des grosses cellules donne naissance à quelques rangées de cellules quadrilatères, allongées, qui correspondent aux parties latérales de l'embryon, et se diligent, sous forme de lignes incurvées, vers sa région antérieure. Ces rangées cellulaires sont parallèles entre elles, comme cela se voit parfaitement sur les figures 20, 21, 24 et 25. Lem- situation permet de supposer qu'elles interviennent dans la formation des bourrelets ou plaques médullaires. Pour compléter ce qui précède, il faut que je mentionne encore une légère invagination, laquelle siège à la région antérieure de l'embryon, dans le voisinage des grosses cellules (fig. 21, 22, x). Cette invagination ne persiste pas longtemps; sa signification m'est restée complètement inexpliquée. A première vue, on pourrait la considérer comme représentant le blastopore, n'était sa situation sur la future face dorsale de l'embryon. Les coupes démontrent que l'invagination en ques- tion intéresse uniquement l'ectoderme et n'affecte aucun rap- port avec l'entoderme. Le fait essentiel, pendant les premiers stades qui suivent la formation du corps embryonnaire, consiste dans l'appa- rition du sillon nerveux et ses modifications ultérieures. Dans les premiers stades qui succèdent à la segmentation, toute la partie ventrale de l'embryon représente une surface uniforme. Mais, déjà aux stades représentés figures 21 et 21 A, si l'on examine l'embryon du côté opposé aux grosses cellules, on remarque que ses parties latérales sont plus con- vexes que sa partie médiane. Elles apparaissent sous forme de deux bourrelets. Leurs contours, prononcés dans la région antérieure de l'embryon, s'effacent dans le voisinage de sa région postérieure. Ces bourrelets (flg. 21 A, Pm.), rapprochés dans la région antérieure du corps, divergent en arrière, en délimitant de la sorte une plaque triangulaire qui s'élargit postérieurement (fig. 21 A, gm.). Je désignerai ces bourre- lets sous le nom de bourrelets médullaires, et la plaque qu'ils délimitent sous celui de gouttière médullaire. Dans les premiers stades de son développement, la gouttière ' ETIDES SUR LE DEVELOPPEMENT DES ANNELIDES. 2ó médullaire mesure un volume considérable, les bourrelets qui la délimitent se trouvant alors plus écartés l'un de l'autre que plus tard; mais, étant peu profonde, ses limites sont moins nettement tracées que dans la suite du développement. Dans des stades plus avancés, les bourrelets médullaires se prolon- gent davantage en arrière; par suite de leiu' soulèvement en surface, leurs contours deviennent plus nets, et la gouttière médullaire paraît piriforme (fig. 23). En même temps que la gouttière et les bourrelets médullaires sont le siège des modi- fications susdites, la forme de l'embryon change notablement. Comme on l'a vu, aux stades précédents, la région postérieure de l'embryon était dilatée et sa région antérieure aplatie. Maintenant c'est l'inverse que l'on observe; en effet, la région antérieure s'accroît et proemine, sous forme d'un tubercule, au-dessus du niveau de la région postérieure; celle-ci, par contre, s'aplatit notablement (fig. 24). Cela est dû à la réduc- tion des grosses cellules et à l'apparition de la gouttière médullaire. Cette gouttière s'étend, sous forme d'une fente étroite, suivant l'axe longitudinal, dans la région antérieui^e du corps de l'embryon. Avant d'atteindre son extrémité, elle se bifurque (flg. 25). Cette bifurcation de la gouttière médullaire délimite, à l'extrémité antérieure du corps de l'embryon, une plaque qui, d'après sa situation, correspond au ganglion céphalique. Je l'appellerai, pour ce motif, plaque sincipitale (fig. 25 A, Psc). Au fur et à mesure de l'accroissement de la région em- bryonnaire antérieure, les grosses cellules sont refoulées vers l'extrémité postérieure de l'embryon. En même temps, par suite de leur fractionnement actif, elles se réduisent notable- ment. Au stade représenté figure 26, les grosses cellules ont déjà, pour siège, l'extrémité postérieure de l'œuf. Elles diffèrent notablement, par leur volume, des cellules voisines. Au stade de la figure 27, cette différence n'est plus si manifeste. Les grosses cellules, disposées près de l'extrémité de la gouttière médullaii'e, se confondent tellement avec les bourrelets médul- laires, que leur paire postérieure constitue une portion de ces mêmes bouii-elets. 26 w. sAlensky. A ces stades du développement, la gouttière médullaire se déprime et se rétrécit notablement; ses limites deviennent très nettes. Cet aspect de la gouttière médullaire précède sa future disparition qui, d'ailleurs, ne s'opère qu'à un stade beaucoup plus avancé. La réduction de la gouttière médullaire débute par la région antérieure du corps et progresse d'avant en arrière. La dilata- tion de la gouttière médullaire persiste longtemps à l'extrémité postérieure de l'embryon. Dans certains cas, elle est parfois reconnaissable au moment de la formation des métamères; mais, le plus souvent, elle disparaît vers cette époque. Les figures 29 et 29 A nous représentent l'embryon de face et de profil, à un stade du développement d'une grande valeur morphologique. Les vestiges du sillon médullaire persistent sous forme d'une invagination très étroite, toujours délimitée par une rangée bien distincte de cellules encore assez volumi- neuses. Ces cellules sont les restes des cellules signalées au stade de la figure 27. Sur la figure 29 A, on peut distinguer, sur l'extrémité embryonnaire postérieure, quatre rangées de cellules, délimitant la gouttière médullaire, bien que les grosses cellules ne soient plus reconnaissables. Chez l'embryon considéré en ce moment, on distingue déjà les faces ventrale et dorsale. La face ventrale est convexe, la face dorsale aplatie. Des deux côtés de la gouttière médullaire, la face ventrale s'épaissit, d'oii résultent deux bandes pour lesquelles nous pouvons conserver l'ancienne dénomination de bandelettes ger- minatives " Keimstreifen „. Elles sont formées principalement par des bandelettes mésodermiques, situées exactement en cet endroit. En arrière, les bandelettes germinatives se terminent par les rangées de cellules susnommées que je viens de décrire. En avant, elles passent insensiblement en l'épaississement de la région antérieure de l'embryon. L'accroissement de l'extrémité antérieure de l'embryon ou du tubercule céphalique, apparu avant l'extrémité postérieure, marche plus rapidement que celui de cette dernière. Par suite de l'extension de ces deux extrémités sur la face ETUDES SLR LE DEVELOPPExMENT DES 4NNELIDES. 2/ dorsale et de leur rapprochement graduel, la face dorsale se réduit et se creuse {ûg. 30 A). Pour la première fois, à ce stade, on reconnaît les métamères à l'extérieur. Dans toute leur étendue, les bandelettes germinatives se divisent en deux rangées de métamères cubiques, dont les limites se distinguent à travers l'ectoderme (flg. 30 B). On peut se convaincre, par l'examen des coupes, que cette segmentation résulte de la division du mésoderme. Au stade de la figure 30, le rapport entre les régions antérieure et postérieure de l'embryon est toujours le même, c'est-à-dire que le volume de la région antérieure l'emporte de beaucoup sur celui de la région postérieure. Mais, à partir de ce stade, l'accroissement de la région postérieure marche plus rapidement. Aussi égale-t-elle bientôt, par son volume, la région antérieure. L'embryon représenté ligure 30 acquiert la forme d'un cylindre replié, dont les extrémités sont recoui'- bées dans la direction de la future face dorsale de Bran- chiobdella. Encore dès avant ce stade du développement, une cavité, située immédiatement sous l'ectoderme, s'était creusée à la face dorsale de l'embryon. Cette cavité, au début, seulement reconnaissable sur les coupes, s'était élargie de manière à deve- nir distincte sur le vivant (fig. 31). Elle ne persiste pas long- temps. Déjà au stade représenté figure 32, elle disparaît. Je n'ai pu me faire une idée bien nette de sa vi^aie signification. Je suis parvenu à constater, sur des coupes, qu'à l'extérieur elle est délimitée par l'ectoderme, à l'intérieur par l'entoderme. Elle résulte probablement de la délamination de l'ectoderme, à la face dorsale de l'embryon. Cette délamination peut être amenée par l'accroissement plus rapide de l'ectoderme compa- rativement à celui de l'entoderme, ce qui dépend de l'extrême allongement de l'embryon à ce stade et aux stades subséquents. Du moment où les deux extrémités embryonnaires sont devenues d'égales dimensions, on reconnaît, dans l'œuf, les indices d'un processus très remarquable, caractéristique pour Branchiobdella, savoir le renversement de l'embryon. 28 W. SALENSKY. Dans tons les stades dont nous venons de nous occuper, l'embryon était replié vers la face dorsale, de manière que sa face convexe représentait la face ventrale, et sa face creuse la face dorsale. Vers la fin du développement embryonnaire, ce rapport se modifie complètement. Bien que l'embryon affecte toujours la forme d'un C, ses extrémités antérieure et posté- rieure se replient vers la face ventrale. Le processus du renversement dure jusqu'à l'éclosion de l'embryon. Le renversement débute, comme on peut le constater sur la figure 31, par une légère déviation des deux extrémités embryonnaires par rapport à l'axe longitudinal du corps. Une de ces extrémités se tourne à droite, l'autre à gauche. En s'accroissant, ces extrémités déviées prennent une forme plus compliquée. Elles ne sont plus opposées l'une à l'autre, mais passent l'une à côté de l'autre, et atteignent les pôles opposés de l'œuf (fig. 32, 33 et 33 A). Lorsque le processus du renversement est à moitié accompli, les replis embryonnaires présentent les formes les plus singu- lières. Leurs extrémités (fig. 32, T, vt) sont interposées entre les replis de la région somatique de l'embryon. Il est très difficile de donner une description exacte de la forme que l'embryon affecte alors. Il est plus facile de s'en faire une idée par l'examen des figures 33, 33 A et 33 B, qui repré- sentent l'embryon de différents côtés. En 34, 34 A et en 35, sont figurés deux stades du déve- loppement qui, à en juger par les métamères devenus plus distincts, doivent être plus avancés que le stade représenté fig. 33. La forme de l'embryon replié est plus simple. Son corps, semble-t-il, se contracte quelque peu. Ses extrémités postérieure et antérieure se rapprochent. Les mêmes faits se constatent au stade représenté figure 37, qui diffère simplement du précédent parce que les segments du corps y sont définiti- vement formés. L'embryon comprend maintenant dix segments, une partie antérieure ou céphalique et une ventouse. Au stade du déve- loppement examiné en dernier lieu, l'embryon s'était notable- ETUDES SCR LE DEVELOPPEMENT DES ANNELIDES. 29 ment rétracté. Cela se reconnaît à l'apparition d'un espace considérable entre lui et la membrane vitelline. C'est proba- blement par suite de cette rétraction que l'embryon affecte derechef sa forme primitive, celle d'un C (fig. 38), forme qu'il conserve jusqu'à son éclosion. L'embryon comprend dix larges anneaux très régulièrement séparés par neuf anneaux plus étroits, auxquels je donnerai le nom d'aimeaux interca- laires. L'anneau intercalaire postérieur n'est pas encore complet; il s'applique immédiatement contre la ventouse. Les anneaux larges représentent les segments, les anneaux étroits, les limites entre les segments. La portion céphalique de l'embryon apparaît sous forme d'un long anneau cylindrique, adhérant immédiatement aux lèvres qui délimitent la bouche. On verra, plus tard, que cet anneau représente plusieurs anneaux confondus entre eux. Au cornas du renversement, l'embryon devient de plus en plus transparent, ce qui est dû à l'apparition du cœlome. Grâce à cette transparence, on peut, à l'aide des coupes, se faire une idée bien nette de la nature du processus du ren- versement embryonnaire. L'examen des embryons vivants et des coupes démontre clairement que, pendant ce processus, l'embryon décrit un mouvement circulaire autour de son axe longitudinal, et que, pour ce motif, les parties de l'embryon d'abord situées sur sa face convexe, changent de position et viennent occuper sa face creuse, et vice versa. Par la situa- tion du système nerveux dans les différents stades du renver- sement, on peut se convaincre que le mouvement de l'embryon se produit effectivement dans ce sens. Au début, le système nerveux est situé à la face convexe de l'embryon ; au fur et à mesure du renversement, il se place latéralement, en s'avan- çant peu à peu vers la face creuse où on le trouve après l'achèvement du processus. Ce changement de situation résulte incontestablement du mouvement de tout l'embryon ou de quelques-unes de ses parties autour de son axe longitudinal. Ce mouvement de rotation ne se produit pas simultanément dans toutes les parties de l'embryon. Il débute par sa portion 'M) S\. SALENSKV. médiane. Comme on peut le constater sur la figure 36, dans la portion antérieure de l'embryon, la chaîne ganglioiniaire ventrale occupe encore la face externe de l'œuf, tandis que, dans ses autres régions, elle s'est déjà déplacée. Cette rotation irrégulière des différentes parties de l'em- bryon explique, sans doute, les replis compliqués que montre l'embryon pendant toute la durée du renversement. Comme le renversement de la portion médiane du corps ne s'opère pas à la fois sur toute l'étendue de l'embryon, il arrive qu'au moment où une portion du corps se renverse, les parties voisines se déplacent en même temps; l'embryon est mis ainsi à l'abri de la torsion. Pendant toute la durée du renversement, l'embryon n'est pas encore apte de se mouvoir librement. Ses mouvements libres débutent à partii^ du stade représenté figure 38, alors que le renversement est déjà opéré. Ainsi, ce processus se produit passivement. Quant aux causes qui l'amènent, l'extrême accrois- sement de l'embryon de Branchlohdella qui l'accompagne doit être l'une des principales. Cela se constate nettement, déjà au début du processus, lequel coïncide avec le début de l'accrois- sement en longueur de l'embryon. Vers l'époque où le renver- sement s'achève, l'embryon devient beaucoup plus mince qu'il n'était à l'origine et pendant la durée du phénomène. Cet amincissement est dû à la résorption du matériel nutritif. Les éléments histologiques d'un embryon prêt à éclore sont plus ténus que ceux d'un embryon en voie de renversement. Cette réduction de l'embryon qui s'observe vers la fin du dévelop- pement, explique pourquoi un embryon prêt à éclore reprend, dans l'œuf, sa position première, et affecte de nouveau la forme d'un C, sous laquelle il se présentait avant le début du ren- versement. ÉTUDES SLR LR DEVELOPPEMENT DES ANNELTDES. 'M IV. — Formation des feuillets embryonnaires et développement des organes internes. Comme nous l'avons déjà démontré en décrivant la segmen- tation de Branchiohdella, même aux derniers stades de ce processus, on ne distingue que deux feuillets embryonnaires, savoir, l'ectodeime et le mésoentoderme ; de plus, ces feuillets sont seulement appréciables par leurs modifications ultérieures, et non par la différence des éléments qui les composent. L'ectoderme est représenté par des micromères, dérivés en partie des quatre micromères primaires, et en partie des macromères. A l'extrémité postérieure de l'embryon, il est délimité par deux rangées de grosses cellules qui, eu égard à leurs modifications ultérieures, doivent être considérées comme des cellules ectodermiques. Le mésoentoderme est représenté par des cellules de forme et de volume différents. Ces cellules sont les produits de la division des macromères. Elles constituent la masse interne de l'embryon. Quant à la différence du volume des cellules méso- entodermiques, il est à remarquer qu'on trouve, à la région postérieui^e de l'embryon, des cellules beaucoup plus grosses qu'à la région antérieure. La même distribution cellulaire s'observe pendant tous les jeunes stades du développement, à peu près jusqu'au stade 26. Je viens de dire que les feuillets embryonnaires ne peuvent être distingués, si Ton ne tient compte de leurs modifications ultérieures. Comme l'observation des stades ultérieurs le démontre, pendant toute l'évolution, l'ectoderme ne consiste qu'en une seule couche cellulaire. Je puis donc, à bon droit, même dans des stades très jeunes (fig. 49, 50, 51, 53), désigner la couche superficielle de cellules, sous le nom d'ectoderme. Toute la masse centrale des ceUules peut être considérée comme représentant les ébauches commîmes du mésoderme et de l'entoderme. Il n'existe aucune limite entre les feuillets embryonnaires dans les premiers stades du développement (fig. 49, 50, 53). 32 W. SALENSKY. On distingue simplement des cellules superficielles et des cellules profondes. La plupart des cellules ectodermiques, de forme et de volume variables, sont atténuées là où elles adhèrent aux cellules mésoentodermiques (fig. 50). Elles ne constituent pas une couche de cellules uniforme, contigue au mésoderme, comme cela s'observe dans des stades plus avancés. Toutefois, sur quelques coupes, la couche des cellules ectodermiques paraît plus uniforme (flg. 49), mais toujours on rencontre, dans une semblable couche, beaucoup de cellules à extrémités atténuées, et non plates, ce qui détruit l'uniformité de la limite entre l'ectoderme et le mésoentoderme. Les figures 49 et 50 représentent deux coupes longitudinales appartenant à deux stades à peu près successifs, et qui corres- pondent sensiblement au stade de la figure 20. Ce stade est caractérisé par la présence de deux rangées de grosses cellules et par l'absence de la gouttière médullaire. C'est le stade qui fait immédiatement suite à la segmentation. La coupe repré- sentée figure 49 n'a pas passé par le centre de l'embryon; poui^ ce motif, les petites cellules interposées entre les grosses n'y sont point apparentes. Ces cellules, ainsi que l'invagination centrale mentionnée à propos de la description de la forme externe de l'embryon aux stades 18, 19, 20 et 22, sont repré- sentées figure 50. Bien que les deux stades considérés actuel- lement soient voisins l'un à l'autre, à en juger d'après le volume plus considérable des cellules mésoentodermiques, la coupe figurée en 49 doit appartenir à un œuf plus jeune que celui dont provient la coupe représentée figure 50. Les cellules ectodermiques ne diflfèrent guère de celles du stade considéré plus haut. Quant aux éléments constituants du mésoentoderme, leur forme et leur volume varient. Sur des coupes longitudi- nales, quelques-unes de ses cellules sont disposées en rangées ; comme on l'a vu lors de la description de la segmentation, ces rangées ont pour point de départ les macromères, et pro- viennent maintenant des grosses cellules qui ne sont que les restes des macromères. Sur la coupe représentée figure 49, ÉTUDES SUR LE DÉVELOPPEMENT DES ANNÉLIDES. 33 une semblable rangée de cellules peut être suivie, à partir d'un des macromères jusqu'à l'extrémité antérieure de l'em- bryon; sur celle représentée figure 50, cette rangée de cellules est beaucoup plus courte. La situation et la forme différentes de ces rangées cellulaires feraient supposer qu'elles constituent l'ébauclie de l'entoderme, tandis que les cellules avoisinantes représentent l'ébauche du mésoderme ; la différenciation de ces deux feuillets aurait lieu ainsi aussitôt après la segmentation. Or, cette hypothèse ne se justifie point, car, sur les coupes transversales, on ne découvre aucune limite entre les groupes des cellules disposées en rangées et le reste des cellules méso- entodermiques, en d'autres termes, entre le mésoderme et l'entoderme. En outre, le rapport existant entre le nombre de ces cellules ne vient, non plus, confirmer cette hypothèse ; en effet, si elle était admise, le mésoderme serait alors plus considérable que l'entoderme, ce qui ne s'observe pas dans des stades plus avancés. L'examen des coupes transversales faites aux différents stades du développement, démontre que la différenciation de la couche mésoentodermique en mésoderme et en entoderme a lieu après l'apparition du sillon médullaire. Je ne donne ni la description, ni la figure des coupes transversales appar- tenant au stade représenté figure 20, car elles sont très uni- formes et ne se distinguent guère des coupes appartenant au dernier stade de la segmentation (fig. 48), qui ont été décrites plus haut. Les figures 53, 53A et bS B représentent trois coupes transversales appartenant au stade où, pour la première fois, apparaît le sillon médullaire (fig. 21, 21 A). La structure de l'embryon conserve, à ce stade, quelques particularités distinc- tives signalées à propos de la segmentation. La région posté- rieure de l'embryon se compose de cellules volumineuses (fig. 53). Non seulement les grosses cellules, mais, sans excep- tion, toutes les cellules de Tectoderme, occupant cette région, sont d'un volume plus considérable que les cellules de la portion médiane. Sur la coupe plus voisine du centre de 3 34 W. SALÉNSKV. l'embryon (fig. 53 A), les cellules de l'ectoderme deviennent plus petites et n'occupent qu'une étendue insignifiante de la surface de l'œuf. La plus grande masse de celui-ci consiste toujours en des cellules volumineuses, parmi lesquelles on reconnaît de grosses cellules et d'autres plus petites. Le volume des cellules du mésoentoderme varie également. Sous les petites cellules ectodermiques, sont disposées de petites cellules mésoentodermiques. Sous les grosses cellules, se trouvent d'énormes cellules mésoentodermiques. On en compte de deux à trois. Les deux coupes postérieures ont traversé l'extrémité élargie du sillon nerveux, dans l'endroit même où celui-ci n'est plus délimité par les bourrelets ventraux. La direction de toutes ces coupes est indiquée sur la figure 21 A. La troisième coupe (fig. 53 B) a passé par le milieu de l'embryon, à travers la gouttière médullaire et les bourrelets ventraux. La forme de ces derniers est très nette sui' cette coupe. Ils y apparaissent sous forme de deux saillies marginales situées suivant la longueur du corps (fig. 53 B). A ce stade, ils ne sont pas formés exclusivement par l'ectoderme, comme les bourrelets ventraux des autres annélides, et comme cela s'observe dans des stades plus avancés ; le mésoentoderme intervient aussi dans leur formation. L'ectoderme des bourre- lets ventraux ne se distingue, ni par la foime, ni par le volume des cellules mésoentodermiques. Le mésoentoderme (Msen) consiste en un amas de cellules polyédriques, consti- tuant la masse interne de l'embryon. Ou remarque une diffé- rence dans le volume des éléments de cette couche, mais les cellules volumineuses et les cellules petites sont entremêlées ; toutefois la différence dans le volume des cellules n'est point un indice du début de la difierenciation du mésoderme ou de l'entoderme. Cette différenciation ne commence qu'au stade 27, alors que la gouttière médullaii^e est notablement rétrécie. La figure 50 représente une coupe transversale de la portion médiane de l'embryon de Branchiohdella, appartenant au stade en question (fig. 27). ÉTODES SLR LE DÉVELOPPEMENT DES VNNELIDES. 35 Maintenant, l'ectoderme est beaucoup plus épais à la face ventrale de l'embryon qu'à sa face dorsale. La limite entre ces deux faces est nettement tranchée (fig. 54). La gouttière médullaire est assez développée. Les bourrelets ventraux con- sistent encore en une mince couclie ectodermique, formée par une seule assise cellulaire. Conformément à la limite qui existe entre l'ectoderme ventral et l'ectoderme dorsal, le méso- entoderme se sépare en la portion ventrale représentant le mésoderme, et en la portion dorsale constituant l'entoderme. La limite entre les deux portions est bien nette. Sur la coupe, elle représente une ligne courbe qui, à partii' de la limite entre les deux parties de l'ectoderme, se dirige vers la face ventrale, en divisant le mésoderme eu deux masses cellulaires symétriques {Bdms, En), situées des deux côtés de la gout- tière, et reliées entre elles par des rangées de cellules exacte- ment sous-jacentes à la gouttière médullaire. Les parties latérales du mésoderme constituent les bandelettes mésoder- miques {Ddms). La portion médiane peut être appelée plaque axiale mésodermique. Elle ne joue aucun rôle essentiel dans les modifications ultérieures de l'embryon. Avant de passer à la description du développement ultérieur des organes déjà ébauchés, je donnerai celle de deux stades qui nous aideront à nous orienter relativement à la situation de différents organes. Ces deux stades correspondent à l'évo- lution de la région embryonnaire antérieure et à la disparition des grosses cellules. Les embryons de ces stades, représentés figures 25 et 26, ont servi à la confection des coupes rendues par les figures 51 et 52, La coupe représentée figure 51 correspond au stade où la portion antérieure de l'embryon s'est atténuée; les grosses cellules sont refoulées en arrière ; par contre, la portion anté- rieure proemine, sous forme d'un tubercule sphérique, au-dessus du niveau de la surface de l'embryon. Les grosses cellules occupent encore une portion considérable de la surface externe de l'embryon. La coupe a passé par deux grosses cellules marginales; à côté de celles-ci. se voit une rangée de petites 36 W. SALENSKV. cellules, interposées entre les grosses, dont deux, en voie de division, sont situées en-dessous de la rangée en question. En comparant ce stade à ceux représentés figures 50 et 49, on constate facilement que ces cellules sont un reste des deux grosses cellules mésoentodermiques qui se voyaient à la région postérieure de l'embryon. Quant à la région embryonnaire antérieiu^e, on n'y découvre aucun indice de différenciation des feuillets embryonnaires, différenciation que l'on constate à des stades plus avancés. L'ectoderme est représenté par une couche cellulaii'e uniforme. Sur des coupes longitudinales, on ne dis- tingue aucune limite entre le mésoderme et l'entoderme. L'observation d'œufs entiers permet de se convaincre que les grosses cellules subissent, peu à peu, une évolution régres- sive. Il suffit de comparer entre elles les figures 22, 24, 25, 26 et 27, pour constater que ces cellules se réduisent graduel- lement, en se portant vers l'extrémité postérieure du corps. Toutefois, l'examen d'œufs entiers ne permet pas, à lui seul, de se prononcer sur le sort ultérieur de ces cellules, de décider si elles font partie de l'ectoderme, ou bien si elles sont graduel- lement enveloppées par les cellules ectodermiques et refoulées à l'intérieur du corps. Cette question peut seulement être tranchée par l'observation des coupes longitudinales, dont l'une, correspondant à un stade intermédiaire entre ceux représentés figures 26 et 27, est rendue figure 52. Les grosses cellules {Oc, ftg. 52) se disposent, sous forme d'un plateau, à l'extrémité postérieiu-e du corps. On remarque une notable différence entre leur volume actuel et celui qu'elles présentent au stade représenté figure 51. Là, elles proéminent notablement au-dessus du niveau de la surface de l'embryon, tandis qu'au stade représenté figure 52, leur volume diffère à peine de celui des autres cellules ectodermiques. Leur réduction résulte incontestablement de leur division graduelle, déjà appréciable au stade précédent. Les produits de cette division sont probablement employés à la formation des cellules, disposées en rangées, qui délimitent la gouttière médullaire. Comme le nombre de ces cellules augmente gra- ÉTUDES SUR LE DÉVELOPPEMENT DES ANNÉLIDES. 37 duellement, les rangées cellulaires s'accroissent en longueui' d'arrière en avant; les grosses cellules situées à l'extrémité postérieure de chaque rangée, doivent être ainsi refoulées en arrière. En môme temps, lem- rapport avec la gouttière médul- laire ne varie point; elles représentent toujours sa limite postérieure. Comme, à ce stade, la différence entre les grosses cellules et les autres cellules de l'ectoderme est presque nulle, et comme les premières ne sont plus reconnaissables dans des stades plus âgés, il est tout naturel d'admettre qu'à la fin elles égalent, par leur volume, les cellules ectodermiques et disparaissent dans la masse de ces dernières. Indépendamment de la réduction des grosses cellules, l'appa- rition de l'ébauche du ganglion céphalique et la situation de la portion antérieure de l'entoderme domient, à ce stade, un intérêt tout particulier. L'ectoderme qui s'est épaissi, sur toute l'étendue de la face ventrale de l'embryon, pour donner nais- sance aux bourrelets ventraux ou aux plaques médullaires (Plm, fig. 52), s'amincit vers l'extrémité antérieure de l'em- bryon. Au sommet du tubercule céphalique, l'ectoderme s'épaissit de nouveau, formé qu'il est par plusieurs couches cellulaires. Cet épaississement, qui aifecte la forme d'une plaque, constitue l'ébauche du ganglion céphalique, et peut être désigné sous la dénomination de plaque sincipitale. L'entoderme remplit tout l'espace délimité par l'ectoderme, et, dans l'endroit où les plaques médullaires sont amincies, il proemine sous forme d'une légère saillie située en-dessous de la plaque sincipitale. A ce stade, cette proéminence (Oeò), est encore très peu marquée, mais, à en juger d'après sa situation et son dévelop- pement ultérieur, elle constitue l'ébauche de l'œsophage, et son sommet correspond à la futiu-e ouverture buccale. La situation de la plaque sincipitale et de l'ébauche de l'œsophage permet de s'orienter relativement aux faces dorsale et ventrale de l'embryon. L'ouverture buccale représente l'extrémité antérieure de l'animal. La surface occupée par les plaques médullaires constitue la face embryonnaire ventrale 38 >V. SALENSKY. (fig. 52), la surface opposée représente la face dorsale. Par conséquent, la plaque sincipitale a pour siège la région anté- rieure de la face dorsale. Dans des stades plus âgés, pendant l'évolution ultérieui^e de la portion embryonnaire antérieure, l'extrémité œsophagienne occupe, en effet, l'extrémité anté- rieure du corps qui est cylindrique ; la plaque sincipitale se replie et se place vis-à-vis des plaques médullaires. V. — Développement du système nerveux. Comme déjà je l'ai fait observer, bientôt après la segmen- tation, on voit apparaître, chez Branchiohdella, un large sillon délimité par deux bourrelets. J'ai désigné ce sillon sous le nom de sillon médullaii-e, et les deux bourrelets sous celui de bourrelets ventraux. Le sillon médullaire se rétrécit graduel- lement, parce que les boui-relets ventraux se déplacent, en s'avançant des parties latérales vers la face ventrale de l'embryon. Leui^ limite antérieure s'étend jusqu'à l'ébauche de l'œsophage. Sui' des embryons conservés, on peut constater que; dans le voisinage de l'extrémité embryonnaire antérieure, les bourrelets ventraux divergent quelque peu latéralement d'où résulte, pour cette partie de la gouttière médullaire, l'aspect d'un F. Pour autant que le permet la comparaison des coupes transversales avec les résultats obtenus par l'observation de l'œuf entier, on peut très probablement admettre que l'endroit où débute la bifurcation de la gouttière médullaire correspond à l'ouverture buccale (fig. 25, A, 0), et que la plaque délimitée par les deux branches de bifurcation représente la plaque sincipitale (fig. 2ò, A, Psc). Le système nerveux de Branchiohdella apparaît sous forme de deux ébauches, savoii' : V les bourrelets ventraux que j'appelerai, dès à présent, plaques médullaires, vu qu'ils cor- respondent aux plaques médullaires des autres Annélides; ces plaques donnent naissance à la chaîne ganglionnaire ventrale ; 2° la plaque sincipitale; elle est employée à la formation des ganglions céphaliques. ÉTLDES SUR LE DÉVELOPPEMENT DES ANNÉLIDES. 39 Commençons par l'examen de la chaîne ganglionnaire ven- trale. La chaîne ganglionnaire ventrale a pour origine les plaques médullaires. Dans les premiers moments qui suivent le dépla- cement des bourrelets ventraux sur la face ventrale (fig. 27, 54), les plaques médullaires consistent en une seule assise de cel- lules ectodermiques, dont le volume correspond sensiblement à celui des cellules ectodermiques situées à la face ventrale. Au stade suivant (fig. 28, 55), les plaques médullaires s'épais- sissent quelque peu, ce qui est dû à l'accroissement, non à la division de leurs cellules. Un progrès notable dans l'évolution de l'ébauclie de la chaîne ganglionnaii^e ventrale se constate au stade 29, alors que la gouttière médullaire affecte la forme d'une fente exces- sivement étroite. Sur la coupe transversale représentée figure 56, se voit un fort épaississement de l'ectoderme, correspondant à la partie axiale de l'embryon, et formé par deux ou trois assises cellulaires qui passent insensiblement en l'ectoderme de la face ventrale, représenté, comme partout ailleurs, par une seule rangée de cellules. L'épaississement axial sous-jacent à la gouttière médullaire constitue l'ébauche de la chaîne ganglionnaire ventrale. Il dérive probablement de la réimion des plaques médullaires. Le stade représenté figui'e 30 correspond à une phase extrêmement importante de l'évolution du système nerveux. Extérieurement, tout le système nerveux de Branchiohdélla apparaît sous forme d'une gouttière encore excessivement étroite (fig. 30 Z?. M':iji)i:s. oi lettes en splanchnopleure et en somatopleure, et de la formation du cœlome. Ije cœlome, comme le démontrent les coupes d'embryons appartenant aux stades suivants, se creuse entre la couche susdite et tout le reste de la masse des bandelettes mésoder- miques. Sa formation, chez Branchiohclella,ue diffère pas essen- tiellement, d'ailleurs, de celle des autres animaux annelés. Mais, en observant l'évolution du cœlome dans tous ses détails, on constate quelques particularités distinctives. Chez Bran- chiohdella, les bandelettes mésodermiques, en se délaminant, forment plusieurs cavités paires, disposées métamériquement ; leur nombre correspond à celui des segments externes, déjà apparents bien avant la formation du cœlome. Les métamères peuvent être le mieux observés sur des coupes longitudinales, et, en partie, sur des coupes horizontales. Sans doute, sur les dernières (fig. 72), on ne peut reconnaître à la fois, qu'un nombre limité de métamères ; quant aux premières, on peut y suivre nettement la distribution de tous les métamères, et étudier en détails la structure de chacun d'eux. L'examen des coupes longitudinales (fig. 65), appartenant à un embryon dont les cavités métamériques sont définitive- ment formées, démontre que leur formation comprend toute l'étendue de l'embryon jusqu'à son extrémité postérieure. Il faut seulement excepter l'extrémité antérieure du corps située au-devant de la chaîne ganglionnaire ventrale, et qui s'accroît graduellement au cours de l'évolution. Là, le mésoderme ne se délamine jamais. Je donne, à cette partie du mésoderme, le nom de mésoderme céjjJicdique. Il en sera question plus tard. Le cœlome n'occupe pas le milieu de chaque métamère, comme cela a été observé chez les autres Annélides, chez Euaxes par exemple, mais se trouve rapproché de leur partie antérieure ; de là, une certaine différence entre la structure des métamères de Branchiobdella et celle de ces mêmes parties chez les autres Annélides. Les métamères de Branchiohdella sont très rapprochés ; aussi, sur des coupes, leurs limites réci- proques sont-elles moins nettement distinctes que chez Eaaxes, 52 W. SALENSKY. Chaque metanière comprend : 1'^ Une portion postérieure épaissie, constituant la partie de la somatopleure qui, plus tard, donne naissance aux muscles; nous l'appelerons pour ce motif, plaque musculaire (fig. 65 A, Plm). 2" Une mince couche de la splanchnopleure, qui délimite le cœlome du côté dorsal. La plus grande partie de la splanchnopleui-e se con- fond avec la plaque musculaire; seule, sa portion antérieiu-e sert à délimiter le cœlome. Eu égard à cette distribution des cavités et en l'absence de limites tranchées entre les plaques musculaires de chaque métamère, il est très difficile de pré- ciser quelles sont les cellules qui donnent naissance aux cloi- sons. D'après la situation des cloisons chez des embryons âgés, il paraît probable que, chez Branchiobdella, comme chez Euaxes, ils dérivent de la conjonction des parois postérieure et antérieure de deux segments contigus. Les cavités des métamères, faiblement indiquées à l'origine, s'accroissent plus tard à un degré tel que les cavités de deux métamères opposés se confondent, comme on peut le constater sur la figure 64. En même temps, les métamères eux-mêmes s'étendent à la face dorsale. La splanchnopleure et la somato- pleure augmentent de volume. La première s'étale sous l'ecto- derme, la seconde tapisse l'entoderme. L'achèvement de ce processus, d'ailleurs en tous points semblable à celui signalé chez d'autres Annélides, s'opère vers la fin du développe- ment embryonnaire. Dans la région somatique de l'embryon (fig. 70, B), la splanchnopleure et la somatopleure appa- raissent sous forme de plaques très minces, délimitant un cœlome commun. A la face ventrale, la somatopleure s'étend sous la chaîne ganglionnaire ventrale, en s'interposant entre celle-ci et l'ectoderme. Les cloisons se développent com- plètement;, et leur situation correspond à celle des segments externes (fig. 73). Elles se rencontrent aussi dans la portion antérieure du corps, où les segments externes ne sont point reconnaissables, et s'interposent entre les ganglions de la chaîne ganglionnaire ventrale. ÉTUDES SIR LE DÉVELOPPEMENT DES ANNÉLIDES. 53 Le rapport des cloisons par rapport aux métamères externes de Branchiohdella est très caractéristique. Comme je l'ai déjà fait observer, le corps de Branchiohdella est divisé en anneaux, alternativement larges et étroits. J'ai désigné ces derniers sous le nom d'anneaux intercalaires. Comme on peut le constater sur la coupe longitudinale représentée figure 73, la disposition des cloisons correspond à celle de ces anneaux. Comme les ganglions correspondent aux anneaux larges, les cloisons se rencontrent nécessairement entre les ganglions de la chaîne ganglionnaire ventrale. Cette uniformité dans la distribution des cloisons et des gan- glions se voit nettement sur des coupes longitudinales, et peut être suivie sur toute l'étendue du corps de l'embryon. Les fibres musculaires deviennent apparentes vers la fin du développement. Les fibres longitudinales apparaissent en pre- mier lieu. Elles se forment à la face ventrale, sous la chaîne ganglionnaire ventrale, où elles constituent une couche épaisse (fig. 73, Mlg). A la face dorsale, cette couche est à peine distincte. Le mésoderme des régions antérieure et postérieure du corps diffère essentiellement, par son mode de développement, du mésoderme somatique; je vais, pour ce motif, le considérer séparément. Je l'ai déjà dit, on ne constate pas la présence du cœlome dans le mésoderme de la région céphalique, à des stades où cette cavité est nettement reconnaissable dans la région somatique. Il apparaît, dans le mésoderme de la région céphalique, à une époque plus tardive. On le distingue sur la coupe transversale représentée figm-e 67 A; mais les cavités sont insignifiantes et, semble-t-il, disparaissent au cours du développement (fig. 70). Ces cavités se rencon- trent seulement dans la portion postérieure de la tête, là ou s'étend la chaîne ganglionnaire ventrale. Au-devant de la chaîne ganglionnaire, se trouve une portion mésodermique, d'abord faiblement développée, mais qui, plus tard, s'accroît graduellement; elle se distingue du mésoderme o4 W. SALENSKY. de la portion postérieure et du mésoderme somatique parce qu'elle ne se divise jamais en segments : C'est le mésoderme céphalique. Quelle est son origine? apparaît-il indépendamment du mésoderme somatique, ou bien provient-il d'une ébauche commune? c'est une question que je n'ai pu trancher. Dans tous les cas, son évolution ultérieure diffère énormé- ment de celle du mésoderme somatique. A des stades relative- ment assez jeunes, le mésoderme céphalique consiste en des cellules ovalaires, pressées fortement les unes contre les autres. On n'y reconnaît aucun vestige de cavité (fig. 65, 69, 72 Mcep). Vers la fin du développement, son aspect se modifie notable- ment. Ses cellules s'allongent et s'interposent entre l'ectoderme et l'œsophage, en formant toute une aréole de rayons autour de ce dernier. Par leurs caractères, ces cellules sont extrême- ment semblables aux cellules musculaires. Une des extrémités des cellules en question, voisine de l'ectoderme ou de l'entoderme est dilatée et renferme le noyau; ce dernier occupe parfois aussi le milieu de la cellule (fig. 70). Par suite de cette situa- tion des noyaux dans les parties périphériques des cellules, le mésoderme céphalique semble formé de deux rangées de cel- lules, reliées entre elles par des prolongements protoplasmi- ques radiaires. Il résulte de cette distribution des noyaux et du protoplasme, que la forme du mésoderme céphalique dont il vient d'être question n'est qu'une modification de la délamina- tion typique, signalée dans le mésoderme somatique de Bran- chiohdella et de tous les autres Annélides. La délamination du feuille fc mésodermique a probablement lieu aussi dans la région céphalique, avec cette seule différence, toutefois, que les deux lames résultant de cette délamination sont reliées entre elles par des prolongements protoplasmiques cellulaires. L'évolution de la portion postériem-e du mésoderme somatique se relie au développement de la ventouse. Comme les observatem^s qui se sont occupés antérieurement de l'évolution des Hirudinées l'ont déjà établi, la ventouse n'est, en définitive, qu'une modification des métamères posté- rieurs de l'embryon. Je ne puis que confirmer ce fait. Bran- ETUDES SUR LE DEVELOPPEMENT DES ANNELIDES. 5o chiohdella est très peu favorable à l'étude du développement de la ventouse. Pour ce motif, je dois me borner à ajouter fort peu de chose aux faits signalés par mes devanciers, chez les autres Hirudinées. Comme on l'a vu, la portion postérieure du mésoderme s'épaissit de bonne heure. Après la division des bandelettes mésodermiques en métamères, et l'apparition des cavités métamériques, la portion postérieure du mésoderme qui est employée à la formation de la ventouse, éprouve des modi- fications semblables à celle de sa portion somatique. Ce fait seul démontre que les métamères participent à la formation de la ventouse. Toutefois, les cavités des métamères postérieurs subissent certains changements, très différents de ceux que montre le cœlome de la région somatique. Elles se remplissent de cellules ; le seul vestige des métamères persiste sous l'aspect du cloisons. Sous ce rapport, les modifications du méso- derme de la région postérieure correspondent à celles du mésoderme céphalique. Les cloisons se transforment en muscles radiaires de la ventouse. La transition graduelle des cloisons de la région soma- tique aux muscles radiaires de la ventouse, est surtout recon- naissable sur les coupes longitudinales de cet organe, provenant d'embryons dont le développement est assez avancé (fig. 71, 71 A). Une étude plus approfondie de la ventouse aurait permis, je crois, de se convaincre que ses muscles annu- laires ne représentent point des formations nouvelles, et ne sont, en définitive, qu'une modification des muscles longitudi- naux du corps. Cette transformation de muscles longitudinaux en muscles annulaires de la ventouse paraît probable après l'examen d'embryons prêts à éclore. VII. — Entoderme. Canal digestif. Comme l'étude de la segmentation et celle de la formation des feuillets embryonnaires, chez Branchiohdella, le démon- trent, l'entoderme y constitue une masse cellulaire compacte, et la formation de la cavité digestive y est plus tai'dive 56 W. SALENSKY. que chez quelques autres Hii'udinées {Nepìiélis, Hirudo). Il ressort de l'examen de stades plus avancés, que tout l'ento- derme de BrancJiiohdella est employé à la formation du canal digestif, et que ce canal tout entier, à l'exception des parties insignifiantes avoisinant la bouche et l'anus, est exclusivement formé par l'entoderme. Déjà, dans de très jeunes stades du développement, lors de la première apparition de la plaque sincipitale (fig. 52), on peut distinguer, dans l'entoderme, deux parties inégales : L'une d'elles, la plus volumineuse, qui remplit tout le corps de l'embryon, sert d'ébauche à l'intestin et au rectum; l'autre, qui apparaît d'abord sous forme d'une proéminence peu marquée, située entre la plaque sincipitale et les plaques médullaires, constitue l'ébauche de l'œsophage (fig. 52, Oes). Les changements ultérieurs de ces deux parties dépendent des modifications de forme dont l'embryon est le siège. L'accroissement de la région céphalique s'accompagne de celui de l'œsophage. Ce dernier apparaît bientôt comme un prolon- gement entodermique qui, sous forme de bec, pénètre assez profondément entre les deux portions du système nerveux (fig. 58, Oes). Plus tard (fig. 59, 60), l'œsophage se dilate et, lorsque l'extrémité céphalique de l'embryon se replie sur la face dorsale, il suit, sans aucun doute, ce mouvement (fig. 61 et 62 Oes). Au stade dont la figure 62 représente une coupe, l'œsophage montre d'importantes modifications. Quelques-unes de ses cellules médianes disparaissent, et sont remplacées par des cavités qui conservent la forme polyédrique des cellules. Sur des coupes, on découvre, au fond de ces cavités, les vestiges du protoplasme, affectant la forme d'un réseau délié (fig. 61, Coes). Ces cavités servent d'ébauche à la cavité œsophagienne. Leur nombre paraît augmenter très rapidement et, par conséquent, la destruction des cellules centrales de l'œsophage suit aussi une marche très rapide. Dans le stade suivant (fig. 62), une partie considérable de l'œsophage est déjà creuse. La formation de la cavité œsophagienne débute dans la portion antérieure et progresse graduellement d'avant ETUDES SUR LE DEVELOPPEMEMT DES ANNELIDES. 5< en arrière. Au stade auquel appartient la coupe représentée figure 66, toute l'ébauche œsophagienne paraît creuse. Ses parois consistent en un epithelium cylindrique ; de fins prolon- gements protoplasmiques, simples vestiges des cellules détrui- tes, s'entrelacent dans le fond de sa lumière. Au stade dont il s'agit, l'extrémité antérieure de l'œsophage s'effile, et se termine en un cul-de-sac arrondi qui s'applique fortement contre l'ectoderme. Dans le point où il adhère à ce feuillet, se forme, plus tard, l'ouverture buccale. La formation de l'ouverture buccale est très tardive, mais le début de l'invagination est indiqué, chez l'embryon, dès avant son renversement. Sur l'œuf entier, on reconnaît déjà, à l'extrémité antérieure du corps, une invagination oblongue qui constitue l'ébauche de l'ouverture buccale. Par l'étude des coupes, on peut se convaincre que les cellules constitutives de cette invagination s'aplatissent gi-aduellement, à mesure qu'on se rapproche du plancher de la cavité (fig. 61), et que l'œsophage, dont les parois sont excessivement amincies, adhère à l'endroit le moins épais (fig. 66 A) de cette invagination. Je n'ai pas réussi à observer le moment de la formation de l'ouverture buccale. Chez des embryons appartenant au stade représenté figure 33, la bouche est déjà formée. Sui' la coupe représenté figure 66 yl, on distingue nettement la ligne de démarcation entre les parties ectodermique et entodermique de l'œsophage. Cette ligne correspond à peu près à l'endroit de l'œsophage indiqué par un astérisque (i); à ce niveau, on reconnaît, dans les parois de l'œsophage, un étran- glement peu marqué, qui correspond aux cellules antérieures aplaties de l'ébauche primitive de l'œsophage. La partie ectodermique de l'œsophage, comme il est facile de s'en convaincre par la comparaison des coupes représentées figure 66 et 33, ne constitue point l'œsophage proprement-dit. Elle est employée exclusivement à la formation des lèvres. (i) L'astérisque n'a pas été reproduit par le graveur. 58 W. s ALE N SKY. Le processus de l'évolution de l'œsophage, chez Branchioh- della, démontre clairement que tout l'épithélium de cette partie nait exclusivement aux dépens de l'entoderme. L'ectoderme, qui chez plusieurs autres invertébrés donne naissance à l'œso- phage, ne participe point à sa formation chez Branchiobdella. Sous ce rapport, cette Hirudinée ressemble à quelques autres Annélides, notamment au Psygmobranchus et à Aucia; elle s'écarte donc davantage du type commun de l'évolution de l'œsophage, l'entoderme donnant encore naissance à des forma- tions qui, partout ailleurs, proviennent de l'ectoderme. Les mâchoires de Branchiohclella dérivent aussi de l'ento- derme. Elles apparaissent dans la paroi de l'œsophage, située au-dessus de la commissure cérébrale (fig. 73). En cet endroit, la paroi œsophagienne est représentée par un tubercule affec- tant la forme d'une dent; celle-ci est constituée par d'énormes cellules à protoplasma finement granuleux, et à noyaux nette- ment distincts. Ces cellules, présentant tous les traits caracté- ristiques de cellules glandulaires, sécrètent une masse cuticu- laire qui, sous forme de calotte, revêt le tubercule, et forme ainsi la mâchoire. La comparaison des figures 72 et 63 permet de se convaincre que le tubercule dentiforme en question a une origine entodermique et non ectodermique. La portion moyenne du tube digestif conserve, plus longtemps que l'œsophage, l'aspect d'une masse compacte. Dans des stades relativement jeunes, la surface dorsale de l'entoderme intestinal se détache de l'ectoderme, formant, de la sorte, une cavité entre ces deux feuillets. Cette cavité paraît n'avoir aucune valeur morphologique; son apparition dépend de causes mécaniques, propres au développement de Brandiiohdella. Elle est le résultat de la croissance rapide de l'embryon, laquelle a lieu dans un espace relativement très étroit. Cette cavité disparaît avant le début du renversement de l'embryon. Au stade auquel appartient la coupe représentée figure 66, elle n'est plus reconnaissable ; l'ectoderme est fortement appli- qué contre l'entoderme. L'apparition de la lumière de l'intestin est due aussi à la ÉTUDES SUR LE DÉVELOPPEMEM DES ANIN EUDES. 59 destruction des cellules centrales de ce dernier. Elles se con- fondent en un amas commun et se modifient notablement. Leur protoplasme, d'abord finement granuleux, devient homo- gène, les granules disparaissent; seuls, les noyaux plongés dans la masse homogène du protoplasme se conservent, comme vestiges de cellules disparues. Quant aux granules, ils sont seulement reconnaissables dans les cellules périphériques qui se transforment en epithelium de l'intestin. Je n'ai pas réussi à suivre le mode de destruction ultériem^e des cellules. Dans les premiers stades qui succèdent à la formation de la lumière intestinale, toute la cavité était encore remplie par une masse protoplasmique, évidemment le produit de la destruction des cellules. Vers la fin de l'évolution, l'intestin forme cinq gros caecums qui deviennent reconnaissables après la formation définitive du cœlome et des cloisons. Les étranglements entre les caecums correspondent exacte- ment à la situation des cloisons (fig. 73). L'origine des caecums peut sans doute être expliquée par la dilatation de l'intestin, dilatation qui serait uniforme si l'intestin n'était pas embrassé par les cloisons, lesquelles constituent, poui- ainsi dire, un obstacle mécanique à sa dilatation. Ce fait, déjà rendu évident par la répartition des cloisons en rapport avec les étranglements séparant les caecums, le devient davantage encore si on se rapelle que, dans les endroits où le canal digestif ne se dilate point, comme c'est le cas pour le rectum, les caecums font défaut. La portion postérieure de l'entoderme qui donne naissance au rectum devient indépendante de l'intestin, seulement vers la fin de l'évolution. Aussi son développement marche-t-il parallèlement avec celui de l'intestin. La direction suivant laquelle s'opère l'accroissement du rectum ainsi que la situation de l'anus, sont sous la dépendance des parties voisines, surtout du mésoderme. On l'a déjà vu, la portion postérieiu'e des bandelettes mésodermiques s'est épaissie à un stade très précoce du développement. Cet épais- 60 W. SALENSKY. sissement comprime la portion postérieure de I'entoderme, en la refoulant graduellement vers la face dorsale. La comparaison des figures 58, 62 et 65 donne une idée assez nette de ce mouvement progressif du rectum, ensuite duquel ce dernier se déplace de l'extrémité postérieure du corps à la face dorsale. Au stade représenté figure 66, l'extrémité postérieure du rectum occupe à peu près sa position définitive. Elle répond à l'endroit où, beaucoup plus tard, se trouvera l'anus. Chez Branchiohdella, comme chez la plupart des Annélides, l'anus est une formation tardive. C'est seulement après la formation de la ventouse, qu'une invagination peu marquée devient apparente à la face dorsale de l'embryon, où elle s'applique fortement contre l'extrémité postérieure du rectum. Elle constitue l'ébauche de l'anus (fig. 70). Sa réunion à la cavité de l'intestin (fig. 73) s'opère vers la fin du développe- ment embryonnaire. ÉTUDES SLR LE DEVELOPPEMENT DES ANNÉLIDES. «1 EXPLICATION DES PLANCHES. A = extrémité antérieure de l'embryon. An = Anus. Bàms = bandelette mésodermique. BU = Blastocœle. Ce = canal central du tube médullaire. Cfew = cavité entoderm! que. Ghgr = chaîne ganglionnaire ventrale. Cl = cœlome. eu = cellules intermédiaires, situées entre les grosses cellule s Cln = cellules nerveuses. Cœs = cavité œsophagienne. Corne = commissure cérébrale. D = face dorsale de l'embryon. Dt = mâchoire. Dsvt = muscles radiaux de la ventouse. Ec = ectoderme. En = entoderme. FI = filaments de l'amphiaster. Gc = grosses cellules. Chn = gouttière médullaire. Osœs = ganglion sousœsophagien. In = intestin. L = lèvi'e. Mac = macromère. Mcep = mésoderme céphalique. Mie = micromère. Msen = mésoentoderme. Mslg = muscles longitudinaux. B2 VV. S\LENSKN. Mtm = metanière . Mv = membrane vitelline. NcetNp = nucleus de I'amphiaster. 0 = orifice ou enfoncement buccal. Oes = œsophage. p = protoplasme de I'amphiaster. Pm ===== plaque médullaire. Pise = plaque sincipitale. Plms == plaque axiale du mésoderme. P = rectum. Sein =~cœcum de l'intestin. Smpl = somatopleure. Splp = splanclinopleure. T = tête. V = face ventrale. Vt = ventouse. X '= enfoncement problématique de la face dorsale de l'em- bryon. Fig. 1. L'oeuf avant la segmentation, portant une petite tache claire à sa surface. Fig. 2. Coupe longitudinale de l'œuf au stade de la formation de I'amphiaster. Fig. 3. Coupe longitudinale de l'œuf au stade de la fécondation. Fig. 4. Coupe transversale de l'œuf au stade de la figure 2. Fig. 5-19. Différents stades de la segmentation. Fig. 20. L'œuf immédiatement après la segmentation. Fig. 21-22. L'embryon au stade de l'apparition de la gouttière médullaire. Fig. 23. L'embryon au stade ou la gouttière médullaire commence à se rétrécir. Fig. 24. L'embryon au stade du développement de la portion cépha- lique. Fig. 25, 25 A. Embryon un peu plus avancé que celui de la figure précédente. KTUDES SUR LK DIîVELOPPRMENT DES ANNÉLIDES. 6o Fig. 26-27. Les embryons au stade ou les grosses cellules dispa- raissent. Fig. 28. L'aspect ventral de l'embryon, à un stade un peu plus avancé que celui de la figure, précédente, pour montrer la forme de la gouttière médullaire. Fig. 29-31. Divers stades du développement, avant la commence- ment du renversement de l'embryon. Fig. 82-38. Divers embryons de la période du renversement embryonnaire. Fig. 39. Coupe longitudinale de l'œuf au stade figure 9. Fig. 40. Idem au stade figure 12. Fig. 41. Coupe transversale de l'œuf au stade figure 13. Fig. 42, 42 A. Idem, au stade figure 15. Fig. 43, A. B. Idem, au stade figure 16. Fig. 44, 44 D. Idem, au stade figure 17. Fig. 45, 45 B. Idem, au stade figure 18. Fig. 46. Idem, au stade figure 17. Fig. 47. Coupe longitudinale de l'œuf au stade figure 15. Fig. 48, 48 A. Coupes transversales de l'œuf au stade figure 19. Fig. 49. Coupe longitudinale de l'embryon au stade figure 20. Fig. 50. Idem, à peu près du même stade. Fig. 51. Idem, au stade figure 25. Fig. 52. Idem, au stade figure 26. Fig. 53, 53 B. Coupes transversales de l'embryon au stade figure 21. Fig. 54. Idem, au stade figure 27. Fig. 55, 55 B. Idem, au stade figure 28. Fig. 56. Idem, au stade figure 29. Fig. 57. Idem, au stade figure 30. Fig, 58. Coupe longitudinale de l'embryon au stade figure 29. Fig. 59-62. Coupes longitudinales d'embryons, aux stades intermé- diaires entre ceux des figures 29-30. Fig. 63. Coupe transversale de l'embryon au stade figure 31. Fig. 64. Coupe transversale de l'embryon au stade intermédiaire entre ceux des figures 32-33. Fig. 65. Coupe longitudinale de l'embryon au stade figure 31. Fig. 66, 66 A. Idem, au stade figure 32. Fig. 67. Coupes transversales de la partie céphalique de l'embryon figure 33. 64 VV. SALENSK\. Fig. 68, 68 B. Coupes longitudinales de la partie céphalique de l'embryon, avant la formation de la bouche. Fig. 69, 69 A. Coupes longitudinales de la portion céphalique de l'embryon avec la bouche formée. Fig. 70. Coupes transversales de l'embryon éclos. Fig. 71, 71 A. Coupes longitudinales de la partie postérieure de l'embryon, au stade de la formation de l'anus. Fig. 72. Coupe horizontale de l'embryon figure 31. Fig. 73. Coupe longitudinale de l'embryon prêt à éclore. Recherches sur la respiration et la circulation. fS""^ Article, (i) — La courbe pléthysmographique du cerveau du chien. PAR LÉON FREDERICQ. Professeur à l'Université de Liège. CHAPITRE PREMIER. INTRODUCTION. Ressources offertes par la vivisection pour l'élude graphique des mouve- ments du cerveau. Description du pléihysmographe cérébral : tube de verre se fixant à frottement dans un trou de trépan, et communiquant avec un tambour à levier de Marey. La courbe pléthysmographique du cerveau exprime à chaque instant la différence entre l'entrée et la sortie du sang de la cavité céphalo-rachidienne; elle ne correspond pas nécessairement aux variations pulsatiles dans le diamètre des vais- seaux artériels. Elle présente des oscillations cardiaques, respiratoires et vaso-motrices. § I. — Les mouvements d'expansion et de retrait alternatifs du cerveau (mouvements isochrones avec ceux du cœur et avec ceux de la respiration), que l'on observe aux fontanelles des jeunes enfants, ou au niveau des pertes de substance des os du crâne chez l'adulte, étaient déjà connus des anciens. C'est de la Renaissance que datent les débuts de leur étude scientifique. Depuis cette époque jusqu'à nos jours, un grand (i) Voir la première partie : De Cinjluence de la res/Jimlioii sur la circu- lation, dans les Archives de Biologie, vol. IH, p. 55, 1882. 5 C6 LÉON FREDERICQ. nombre de médecins et de physiologistes se sont appliqués à les décrire, à en découvrir les causes et à en déterminer l'importance fonctionnelle. H est en effet peu de questions spéciales en physiologie, qui aient donné lieu à une série aussi nombreuse de travaux intéressants et parfois de débats pas- sionnés. Je me dispenserai d'en refaire ici l'historique, ren- voyant ceux que la chose intéresse, aux différents mémoires cités plus loin. Je signalerai notamment le grand travail de Mosso qui a paru en italien (1879) et en allemand (1881) et qui est précédé d'un résumé historique suffisamment étendu. Je me bornerai à rappeler que cette question est entrée depuis quelques années dans une phase nouvelle. Elle a été pour ainsi dire rajeunie par l'introduction de la méthode grahique. Grâce à l'emploi des appareils enregistreurs(4). (0 W. Leyden. Beitrâge und Untersuchungen zur Physiologie und Patho- logie des Gehirns. (Virchow's Archiv. Bd. 37, 1866, p. 519.) J. B. Langlet. Études criliques sur quelques points de la physiologie du sommeil, Paris, 1872. A. Salathé. Recherches sur le mécanisme de la circulation dans la cavité céphalo-rachidienne. (Travaux du laboratoire de Marey, 1876 et Comptes- rendus, 19 Juin 1876.) Recherches sur les mouvements du cerveau. Thèse de Paris, 1877. Mosso. Introduzione ad una serie di esperienze sui movimenti del cervello nelC uomo. (Archivio per le scienze mediche I, fase. 2, 1876). C. GiACOMiNi e A. Mosso. Esperienze sui movimenti del cervello nell' uomo. (Archivio per le scienze mediche, I, fase. 3, 1876 et Comptes-rendus, 3 Jan- vier, 1877.) Albertotti e Mosso. Osservazioni sui movimenti del cervello di un idiota epilettico. (R. Accademia di Medicina di Torino, 1877.) Mosso. Sulla circolazione del sangue nel cervello dell' uomo. (Atti dei Lincei. Mem. Se. Fis. Ser^. 3^. voi. V» p. 237. 7 Dicembre 1879. Ueber den Kreislauf des Blutes im menschlichen Gehirn. Leipzig, 1881.) Brissaud et François-Franck. Inscription des mouvements d'expansion et de retrait du cerveau chez une femme présentant une vaste perte de substance du pariétal gauche. (Travaux du laboratoire de Marey. Année 1877, p. 137.) François-Franck. Recherches critiques et expérimentales sur les mouve- ments alternatifs d'expansion et de resserrement du cerveau dans leurs rapports avec la circulation et la respiration. (Journal de l'Anatomie et de la Physiologie, Mai 1877, p. 266.) RECHERCHES SUR LA RESPIRATION ET LA CIRCULATION. 07 Salathé, Mosso, François-Franck, Flemming, Ragosin et Mendelssohn, G. Burckhardt, Karl Mays, Mondin! ont pu reprendi-e à nouveau l'étude des mouvements du cerveau, et l'eni'ichir d'un grand nombre de données intéressantes. Fait assez singulier, le zèle de ces nouveaux expérimentateurs s'est porté presque exclusivement vers l'étude des mouvements du cerveau de l'homme, négligeant ainsi les ressources offertes par la vivisection. Si ou laisse de côté quelques expériences incomplètes de Leyden, le mémoire de Salathé est le seul travail consacré à l'étude graphique des mouvements du cer- veau d'un animal. Cependant l'expérimentation sur l'animal vivant nous offre des moyens d'investigation bien plus complets que l'.observa- tion pure, à laquelle doit plus ou moins se résigner celui qui étudie le sujet humain. Il est d'ailleurs toute une série de questions que la vivisection peut seule élucider. Enfin une dernière raison qui aurait dû faire préférer un animal de laboratoire^, le chien à l'homme, c'est que le chien présente plusieurs particularités physiologiques qui facilitent singuliè- rement l'étude de certains phénomènes circulatoires : les pulsations cardiaques se ralentissent extraordinairement pen- dant l'expiration chez cet animal. En outre, l'expérimentateur peut à volonté observer la discordance des variations respira- WiLLiAM Flemming. Tlie motions of the brain. (Glasgow Medical Journal, Juli 1877.) L. Ragosin und M. Mendet.ssohn. Grapliische Untersuchungen iiber die Be.wegungen des Geiiirns beim lebenden Mensclien. {Sl-Pe[ershuv%ev medi - cinischc Wochenschrift, 13 (25) Sept. 1880, p. 303.) G. Burckhardt. Ueber Gehirnbewegungen. (Vortrag gehallen in der Silzung vom 26 Februar 1881. Mittheiiungen der Naturforscher Gesellschaft in Bern. 1881, p. 35.) Karl Mays. Ueber die Bewegungen des menschliclien Geliirns. (Virchow's Archiv. Bd. 88, Hft 1, 5 April 1882, p. 125. Ibid. Bd. 88, p. 599.) E. Sciammanna. Fenomeni prodotti, etc. (R. 'Acad. d. Lincei, XIII, 25 Juin 1882. Analyse dans Arch. ita!, de Biologie, II, p. 444-446.) MoNDiNi. SuUa circolazione del Sangue nel cervello. (Giorn. della R. Acad. di Medicina di Torino. Juli 1882.) G8 LÉON FREDERICQ. toires de la pression artérielle et de la pression trachéale, ou provoquer la concordance de ces deux phénomènes. Nous verrons le parti que l'on tire de ces faits pour étudier la forme exacte de la pulsation cérébrale d'origine cardiaque, et pour déterminer la part respective qui revient aux artères et aux veines de la cavité céphalo-rachidienne, dans la production des oscillations cardiaques et respii^atoires du cerveau. Ces points ainsi que plusieurs autres n'avaient pas été abordés par Salathé. Comme on le fait généralement, lorsqu'il s'agit d'un travail de première orientation, portant sur un sujet nouveau, il s'en était tenu aux questions les plus générales, et n'avait pu s'arrêter à la minutie des détails. Il avait d'ailleurs éprouvé d'assez grandes difficultés dans l'inscription des mouvements du cerveau du chien, difficultés provenant probablement du peu de largeur du trou de trépan par lequel le cerveau devait agir sur l'appai'eil inscripteur (i). (i) François-Franck, sous les yeux duquel les expériences de Salathé ont été exécutées, insiste sur les difficultés éprouvées par ce dernier dans l'inscription des mouvements du cerveau du chien et du lapin. " Chez les animaux, l'inscription des mouvements du cerveau n'est point aussi facile (que chez l'homme), et cette difficulté relative tient à des conditions que de nombreuses expériences ont permis à M. Salathé de bien déterminer. On fait à un chien ou à un lapin l'ablation d'une rondelle osseuse sur le pariétal à l'aide d'une couronne de trépan; à la place de cette rondelle, on visse un tube métallique comme celui que Lorry et Ravina employèrent autrefois; dans le tube, dont le calibre doit être assez considérable (au moins de 7 à 8 millimètres de diamètre intérieur), on verse de l'eau jusqu'à une certaine hauteur. Si la dure-mère a été laissée intacte, les changements du niveau de l'eau contenue dans le tube, sont en général assez peu marqués et ne permettent guère de distinguer nettement, surtout sur le lapin, les petits battements en rapport avec l'action cardiaque ; si la dure-mère a été enlevée dans le fond de la trépanation, les mouvements sont assez complets pour fournir un bon tracé, grâce à la transmission par l'air; mais bien souvent ce succès dure peu : le cerveau fait volontiers hernie à travers l'orifice de la trépanation, et les mouvements transmis, n'appartenant plus qu'à la petite masse de tissus étrangers, deviennent imperceptibles. On réduit alors la portion saillante, et, en mettant l'animal la tête en haut, on peut espérer obtenir encore pendant assez longtemps des courbes tout-à-fait satisfaisan- tes, etc. " p. 280. Journal de l'Anatomie et de la Physiologie, 1877. RECHERCHES SUR LA RESPIRATION ET LA CIRCILATION. 69 Pom- ma part, j'ai réalisé sur dix-sept chiens l'inscription (les mouvements du cerveau au moyen d'un appareil des plus primitifs, sans avoir eu à lutter contre les accidents signalés par Salathé et François-Franck. Voici comment j'opère : Un chien d'assez grande taille est anesthésié par le chlor- hydi'ate de morphine (20 à 30 dg) et le chloroforme, d'après la méthode de Claude Bernard. Il est fixé sur le ventre, dans la gouttière d'opération, le corps un peu incliné à droite. Après avoir incisé la peau et séparé à gauche la partie supé- rieure du muscle temporal de ses attaches crâniennes, on enlève au pariétal du même côté, au moyen du trépan, une rondelle osseuse de 'vingt millimè- tres de diamètre. On divise la dure- mère dont on résèque les lambeaux : on aperçoit alors dans le fond, le cerveau animé de pulsations mani- festes. L' hemorrhagic est parfois nulle : dans tous les cas, il suffit d'attendre quelques instants, en appliquant au besoin un petit frag- ment d'épongé sur le trou de tré- pan, pour voir l'écoulement du sang s'arrêter. Dans l'orifice circulaire ainsi obtenu, on fixe à frottement le petit appareil qui servira à trans- mettre les pulsations cérébrales (fig. 1). Cet appareil est formé d'un bout de tube de verre T, large de 16'"™., long de 47"»». Son extrémité inférieure, destinée à s'enchâsser hermétiquement dans le trou cylin- drique du pariétal, est garnie exté- rieurement d'une lame de caoutchouc Ci Fi^J. FiG 1. — Plélliysmographc cérébral. Coupe, grandeur na- tareile. T, tube de verre ; C, caout- ^ . , -, . , cliouc ; B, bouchon ; t, (ube rouge C (anneau coupe dans un tube ^^ yerre relié supérieurement de caoutchouc). L'extrémité supé- «." '«^*o«r à levier ; p, paraf- ' ^ [ine remplissant C espace iiuisi- rieure est fermée par un bouchon bie de l'appareil. \ 70 LÉON FREDERICQ. de caoutchouc B, traversé par le tube étroit t qui le relie à un tambour à levier de Marey (petit modèle construit par Rothe de Prague). Pour diminuer l'espace nuisible de l'appa- reil et le rendi-e plus sensible, on remplit de paraffine fondue P, la plus grande partie du tube de verre T, en ne laissant libre que son extrémité inférieure, ainsi que l'étroit canal central formé par le tube qui fait communiquer l'intérieur du crâne avec le tambour à levier. Cet appareil est facile à con- struire avec les éléments que l'on trouve dans tout laboratoii^e. Si son diamètre inférieur correspond exactement à celui du trépan employé, il s'applique hermétiquement au trou du crâne, et peut être enlevé ou placé instantanément. Les principales différences qu'il présente avec le tube employé par Salathé (voir la description de l'appareil de Salathé à la note de la page 68) sont les suivantes : sa surface de section est beau- coup plus grande, il n'est pas vissé dans le crâne, mais fixé à frottement, en outre il n'est pas rempli d'eau. La boite crânienne, reliée comme il vient d'être dit au tambour à levier, constitue un véritable pléthysmographe céré- bral on appareil inscripteur des changements de volume du cerveau, (ou plutôt du contenu de la cavité céphalo-rachi- dienne). La plume de l'appareil monte ou descend suivant que l'afflux de sang par les artères dépasse l'écoulement par les veines, ou lui est inférieur. Il est essentiel de ne pas confondre, comme on le fait trop souvent, la courbe pléthysmographique du cerveau (ou de tout autre organe) avec la courbe sphyg- mographique des artères afférentes de l'organe. La courbe pléthysmographique du cerveau exprime à chaque instant la différence entre l'entrée et la sortie du sang de la cavité céphalo-rachidienne, elle ne correspond pas nécessaii^ement aux variations pulsatiles dans le diamètre des vaisseaux arté- riels. Les pulsations des artères ne modifieront la courbe pléthysmographique, que si elles correspondent à des diffé- rences entre l'entrée et la sortie du sang. Si pour mie raison quelconque, les pulsations des carotides et des vertébrales coïncidaient avec des pulsations semblables du courant sanguin RECHERCHES SUR LA RESPIRATION ET LA CIRCULATION. 71 efferent, leur effet s'annulerait et la courbe pléthysmographique n'en porterait aucune trace. Il n'y a donc pas nécessaii^ement identité entre le pouls des organes et celui des artères. Quant à vouloir chercher dans les différentes inflexions de la pulsa- tion d'un organe, inscrite au moyen du pléthysmographe, la trace de la dilatation pulsatile successive des artères, des arterioles puis des capillaires de l'organe, comme l'ont fait différents physiologistes en renom, c'est à mon avis un véri- table non sens(i). Il doit être par conséquent bien entendu que le degré d'élévation du graphique au-dessus de l'abscisse à un moment donné, correspond au volume, au degré d'expansion du cer- veau, c'est-à-dire à la quantité de sang contenue dans les vais- seaux de l'organe ou plus exactement dans la cavité qui loge l'organe. L'allure de la courbe, sa marche ascendante ou descendante correspond aux variations de ce volume, c'est-à- dire à la différence entre l'entrée et la sortie du sang de la cavité céphalo-rachidienne. Le style du tambour à levier du pléthysmographe cérébral inscrit sa courbe sur le papier enfumé du kymographe de Ludwig ; on prend également un tracé du temps (horloge à secondes, signal électrique inscrivant les centièmes de seconde), et s'il y a lieu un graphique de pression artérielle (sphygmos- cope de Marey, manomètre à mercure de Ludwig), de choc du cœur ou de respiration (cardiographe, pneumographe, sonde œsophagienne). Le cerveau du chien présente comme celui de l'homme trois sortes de mouvements périodiques correspondant respective- ment aux battements du cœur, aux mouvements respiratoires et aux périodes vaso-motrices. Nous passerons successivement en revue les oscillations cérébrales d'origine cardiaque, respi- ratoire et vaso-motrice. (i) Voir à ce sujet les réflexions très-judicieuses de Mays, p. 131 et suiv. de r.arlicle cité précédemment. Voir aussi : FicK. Unlersuchungen ans d. physiolog. Laboral. d. Zûricher Hochschule. Hft. I, p. 51 et suivantes. 7 2 LÉON FREDERICQ. CHAPITRE II. PULSATIONS CÉRÉBRALES D'oRIGINE CARDIAQUE. § II. — Analyse du graphique de la pulsation cérébrale. — La pulsation cardiaque se propage au cerveau à la fois par les artères et par les veines. Le tracé du pouls cérébral montre des ondulations d'origine artérielle et des ondulations d'origine veineuse. § in. — Ondulations artérielles du tracé cérébral. — a, ondulation corres- pondant à la pulsation principale de la carotide, sur laquelle elle ne retarde que d'un centième de seconde. L'ondulation a peut se dédoubler et môme se décomposer en trois sommets a, a', a", d, ondulation dicrote présentant son sommet 25 centièmes de seconde après a. e, ondulation élastique. Le début de la contraction ventriculaire avance de 10 centièmes de seconde environ sur le début de a. § IV. — Ondulations veineuses du tracé cérébral. — v, ondulation corres- pondant au pouls veineux positif des jugulaires et à la systole auricu- laire. L'ondulation v persiste, tandis que les ondulations artérielles disparaissent, quand on provoque l'inertie des ventricules, les oreillettes continuant à battre. L'ondulation v se propage plus lentement que les ondulations artérielles a et d. La fin de la systole auriculaire et le début de l'ondée aortique sont séparés, au niveau du cœur, par un intervalle appréciable. Au niveau du cerveau, l'intervalle entre v et a a disparu, le début de la pulsation artérielle a a rattrapé la fin de la pulsation veineuse v. Importance très-variable de v. La pulsation v peut être précédée d'une partie ascendante du graphique, correspondant à la repletion progressive de l'oreillette droite et des veines jugulaires et rachidiennes, pendant la diastole auriculaire. La pulsation dicrote d peut être suivie d'une dépression n, correspondant au pouls négatif des jugulaires. Le tracé cérébral représente une combinaison du tracé de la pulsation des jugulaires, avec celui de la pulsation des carotides. Réalité de la pulsation veineuse normale. § V. — Pouls cérébral tricuspide. — Le tracé cérébral présente au moins trois formes différentes de pouls tricuspide, chez le chien. La première forme de pouls tricuspide résulte du dédoublement de la pulsation principale a. Les trois sommets sont représentés par a, a" etrf. La deuxième forme résulte de l'exagération de la pulsation veineuse v. Les trois sommets correspondent à v, a et d. La troisième forme résulte de l'exagération de l'ondulation élastique e. Les trois sommets correspondent à a, rf et e. § II. — Analyse du graphique de la pulsation cérébrale. — Les oscillations les plus fréquentes du tracé cérébral, cor- respondent manifestement aux pulsations du cœur. Or, les communications anatomiques entre le cœur et la cavité céphalo- RECHERCHES SUR LA RESPIRATION ET LA CIRCULATION. 73 rachidienne sont doubles : il y a la voie veineuse et la voie artérielle, par lesquelles les battements du cœur peuvent agir sur le cerveau. A priori, on peut donc concevoii' une propaga- tion de la pulsation de l'oreillette droite par les veines raclii- diennes et cérébrales (pouls veineux), et une propagation de la systole du ventricule gauche par les artères (pouls artériel). Il est assez étrange que tous ceux qui se sont livrés à l'étude graphique du pouls cérébral dans ces derniers temps, aient complètement méconnu l'existence du facteur d'origine vei- neuse, et aient attribué le soulèvement cérébral d'origine car- diaque à la seule pulsation artérielle. Ils n'auraient sans doute pas commis cette erreur, s'ils avaient expérimenté sur le chien. Les graphiques de pulsations cérébrales du chien, surtout ceux qui correspondent aux pulsations très rares de la phase d'expiration, permettent de discerner nettement une ou plu- sieurs ondulations d'origine artérielle (pouls artériel du cer- veau), et une ou plusieurs ondulations d'origine veineuse (pouls veineux du cerveau). Les ondulations d'origine veineuse précè- dent ou suivent immédiatement celles d'origine artérielle : pour les observer à l'état de pureté, il faut donc s'adresser à des graphiques où les pulsations d'origine artérielle sont espa- cées suffisamment pour permettre aux autres de s'intercaler dans leur intervalle (phase d'expiration). Si l'on s'adresse aux pulsations fréquentes de la phase d'inspiration, les oscillations veineuses qui précèdent ou suivent une pulsation artérielle, empiéteront plus ou moins sur les deux pulsations artérielles voisines, et il en résultera un tracé plus difficile à décliiffrer. Enfin si l'on opère sur un animal dont le rythme cardiaque est fort accéléré (atropine, saignée, fièvi^e, section des pneu- mogastriques), il sera impossible de discerner les pulsations veineuses du cerveau. Dans l'analyse que nous allons entre- prendre du graphique de la pulsation cérébrale, nous passerons successivement en revue les ondulations d'origine artérielle et celles d'origine veineuse. § m. — Ondulations artérielles du tracé cérébral. — La forme de la pulsation cérébrale est des plus variée et diffère 74 LEON FREDERICQ. parfois notablement de celle de la pulsation carotidienne. Aussi n'est-il pas toujours facile de déterminer quelles sont, dans le tracé cérébral, les inflexions d'origine artérielle. Dans cette étude, il faut prendre comme point de départ, ceux des gra- phiques de pulsation cérébrale ressemblant suffisamment aux tracés de pouls carotidien, pour qu'il ne puisse y avoir aucun doute sur leur interprétation. Le n° 1 de la figure 2 nous A S ^^ S Seconde wi ^f\^jV^Vj^~J^ FiG. 2. — Quelques (ormes de pouls cérébral du chien. Les différents graphiques sont dessinés à la chambre claire de Braune. Le grossissement a été choisi dans chaque cas de manière que le graphique de temps, qui se trouve en haut de la figure, fut applicable à tous les tracés. La ligne verticale A B correspond au début de la pulsation carotidienne. a représente donc la pulsation principale d'origine artérielle; d, ondulation dicrote d'origine artérielle ; e, ondulation élastique ; v, ondulation d'origine veineuse correspondant à la systole de Coreillette droite. L'ondulation veineuse v ne manque que sur le tracé n° 1. Le tracé n° 1 correspond à un rythme cardiaque très accéléré sous l'influence de V atropine. RECHERCHES SUR LA RESPIRATION ET LA CIRCULATION. 75 montre im exemple de ce genre. On y reconnaît nettement la pulsation artérielle principale a et la pulsation secondaire ou dicrote cl Si l'on prend en même temps un graphique de pression carotidienne, on pourra s'assurer de la correspondance exacte des deux tracés. Le manomètre ordinaire à mercure ne peut servir ici pour eni^egistrer le pouls carotidien : l'inertie FiG. 3. — PC. Pouls cérébral du chien semblable au pouls artériel. (Voir fig. 3 n° 2). Horloge à secondes. de la masse de mercui'e en mouvement, déforme le graphique, et ne se prête pas à l'inscription instantanée. Après divers essais faits avec les manomètres élastiques de Fick, de Tatin FiG. i. — P C. Pouls cérébral du chien très accéléré {atropine). Forme analogue à celle du pouls artériel. (Voir fig. 2 n° 1). et avec le sphygmoscope de Marey, je me suis arrêté à l'emploi de ce dernier instrument. Les indications du sphyg- moscope dont je me suis servi, m'ont paru irréprochables. Le début de la pulsation cérébrale coïncide presque exacte- ment avec le début de la pulsation carotidienne; le retard de la première sur la seconde ne dépasse guère un à deux cen- tièmes de seconde. Aussi les repères des courbes cérébrales et artérielles paraissent coïncider absolument, si l'on a pris les 76 LÉOIN FREDERICQ. deux graphiques sur un cylincke animé d'une vitesse de rota- tion peu considérable. Pour déterminer exactement l'intervalle qui sépare les débuts des deux pulsations, il faut donner au cylindre enregistreur sa plus grande vitesse, et inscrii-e simul- tanément au moyen du signal Marcel Deprez un graphique du temps divisé en centièmes de seconde. A cet eflfet, le signal est intercalé dans un circuit électrique passant par un diapason de cent vibrations doubles par seconde. (Diapason de 100 V. D. de Verdin.) . Le début de la pulsation carotidienne, reporté sur le gra- phique cérébral, constitue un point de repère précieux, qui permet toujours de discerner sur ce dernier graphique, l'ondu- lation principale d'origine artérielle a. Cette ondulation prin- cipale a présente une ascension brusque, d'une durée fort FiG. 5. — Inscription simultanée du pouls cérébral, P C, du temps en secondes, S S, et du pouls artériel de la carotide, P A (sphygmoscope). V, pulsation cérébrale d'origine veilleuse; a, pulsation artérielle principale ; d, pulsation veineuse dicrote; de S en S, une seconae. courte; sa portion descendante au contraire est plus ou moins inclinée. Cette portion descendante pourra montrer les mêmes détails que ceux décrits par les auteurs sur le tracé sphygmo- graphique du pouls artériel. Les n°^ 2 et 3 de la figure 2, nous en offrent des exemples. L'ondulation désignée par Moens et Heynsius et par Mosso par la lettre S s'y retrouve plus ou moins nettement. Dans certains cas, cette ondulation S dépasse en hauteur le premier sommet de a. Il en résulte que le pouls cérébral présente alors la forme à laquelle Mosso a donné le RECHERCHES SUR LA RESPIRATION ET LA CIRCULATION. 77 nom (le Polso tricuspidale ou pouls tricuspide. (Voir n* 1, fig. 19.) Enfin clans d'autres cas, l'ondulation a peut présenter trois sommets a, a, a" (voii' plus loin le pouls cérébral du jeune Erpicum, dans l'article sur les mouvements du cerveau de l'homme). La position de l'ondulation dicrote d se détermine facile- ment sur le tracé du cerveau. En effet le sommet de cette onde se produit presque exactement un quart de seconde après le début de l'ondulation a. On retrouve donc facilement d en mesurant au compas, à partir du début de a, une longueur correspondant à 25 centièmes de seconde. L'ondulation dicrote d ne manque sur aucun des graphiques recueillis par moi : son importance par rapport à a est des plus variables. Sur la plupart des tracés, la pulsation dicrote d se trouve sur la ligne de descente du tracé, son sommet atteint par conséquent alors un niveau moins élevé que celui de a. (Voir fig. 2, n°" 1, 2, 3, 5 et 6). Dans quelques cas cependant, le rebondissement du pouls cérébral artériel est si marqué, que l'ondulation d atteint la hauteur de l'ondulation a. Le n° 4 de la figure 2 nous en montre un exemple. Le n" 3 de la figure 19 présente même une ondulation dicrote d dépassant notablement l'ondulation a. Il en résulte une forme spéciale de pouls tricuspide. Fig. 6. — Forme de pouls cérébral du chien, présentant une ondulation dicrote d égale à l'ondulation principale a. V, ondulation veineuse; n, ondulation négative. A B, repère correspondant au début de la pulsation carotidienne. Lorsque les pulsations sont fort lentes, on peut observer sur le graphique une ou plusieurs oscillations qui suivent l'ondu- lation d. Elles correspondent probablement aux oscillations artérielles dites élastiques. Elles sont désignées par la lettre e sur les tracés n° 3, 4 et 5 de la figure 2. L'ondulation élas- 78 LÉON FREDERTCQ, tique est alors d'ordinaire séparée de l'ondulation dicrote d par une dépression de la courbe, par une onde négative n, qui me paraît d'origine veineuse. H en sera question plus loin. Nous avons vu que le pouls cérébral retarde au plus d'un centième de seconde sur le pouls carotidieu. Il est clair que le retard sera bien plus considérable, si l'on prend comme point de départ le début de la pulsation du ventricule gauche. Le retard atteint alors 10 (et même 12) centièmes de seconde. FiG. 7. — Retard du pouls cérébral sur le début de la systole ventriculaire. {Explorateur à coquille appliqué directement sur le cœur). En haut, tracé du. ventricule. SO, systole de C oreillette ; SV. systole du ventricule. I à II, 6 centièmes de seconde ; de II à III, 4 centièmes de seconde. En bas, tracé du cei'veau, avec repères correspondant à ceux du tracé du ventricule. Cette durée de 10 centièmes de seconde ne correspond pas toute entière au transport de l'onde artérielle du cœur au cerveau. En effet, il faut tenir- compte du retard qui existe entre le début de la systole du ventricule, et la pénétration du sang dans l'aorte. Ce retard qui dans l'expérience de la figui'e 7 est égal à 6 centièmes de seconde, est employé par le ventricule à atteindre le degré de pression intérieure suffisant pour vaincre la pression du sang dans l'aorte. Le temps néces- saire à la propagation de l'onde artérielle du cœur à la base RFXHERCHES SUR LA RESPIRATION ET LA CIRCLLATION. 79 du cerveau, serait donc de 10 — 6 = 4 centièmes de seconde environ En admettant que cette distance soit de 30 centi- mètres, cela nous donnerait une vitesse de 7™50 par seconde pour la propagation de l'onde artérielle. Ce chiffre de vitesse ne s'éloigne pas beaucoup de ceux qui sont considérés comme classiques. Nous verrons que l'onde veineuse se propage plus lentement. J'ai employé différents procédés, pour enregistrer la pulsa- tion du ventricule gauche, et déterminer ainsi le retard du pouls cérébral. Le procédé le plus exact consiste à ouvrir la poitrine, et à appliquer directement sur le cœur l'explorateur à coquille de Marey, relié à un tambour à levier. C'est de cette façon qu'a été obtenu le tracé de la ligure 7. J'ai effectué également l'inscription du choc du cœur au moyen du cardio- graphe appliqué à l'extérieur de la poitrine. La figure 8 en donne un exemple. Fie. 8. — Retard du pouls cérébral sur le début du choc du cœur. V a d, tracé cérébral ; s , pulsation veineuse; â et û, ondulations artérielles. A B, repère correspondant au début de la pulsation carotidienne. C C, choc du cœur. Enfin dans quelques cas j'ai eu recoui'S à l'emploi d'une sonde munie d'une ampoule exploratrice, poussée dans l'œso- phage, jusqu'à l'entrée de la poitrine. La sonde œsophagienne est reliée à un tambour à levier, et frace une courbe dans laquelle on reconnaît les mouvements respiratoires ainsi que 80 LÉON FREDERICQ. les pulsations cardiaques. La figure 9 reproduit un de ces tracés. FiG. 9. — Tracé de la pulsation cardiaque obtenu au moyen d'une sonde œsophagienne reliée à un tambour à levier de Marey. S 0, tracé de la sonde œsophagienne. Le repère r correspond au début de n pulsation cérébrale. S S, tracé de L'horloge à secondes. § IV. — Ondulations veineuses du tracé cérébral. — Lorsque les pulsations du cœur sont suffisamment lentes, le graphique cérébral montre toujours une ondulation plus ou moins mar- quée, précédant immédiatement la pulsation principale d'origine artérielle a. Cette ondulation est désignée par la lettre v sur la figure 2 et les suivantes. Comme le tracé du pouls carotidien ne montre aucun indice d'ondulation semblable, et qu'il pré- sente au contraire sa partie la plus déclive à la place que devinait occuper cette saillie, il est clair qu'elle ne peut être d'origine artérielle. Si ce n'est pas par la voie artérielle que cette pulsation du cœur est transmise au cerveau, ce ne peut être que par la voie veineuse. Dans ce cas, la pulsation en question correspond à la propagation par les veines, du pouls positif dû à la systole de l'oreillette droite. Une démonstration péremptoii"e de cette interprétation consisterait à supprimer toute communication veineuse entre la tête et la poitrine^, sans interrompre la circulation arté- rielle : on devrait dans ce cas voir disparaître l'ondulation V d'origine veineuse, tandis que les ondulations a et d d'origine artérielle persisteraient. La ligature des jugulaires internes RECHERCHES SUR LA RESPIRATION ET LA CIRCULATION. 81 et externes ne peut servii- à résoudre la question; cette liga- ture ne supprime pas l'ondulation v, mais elle n'exerce que fort peu d'influence sur le tracé cérébral. Ceci nous prouve uniquement que les voies de retour ouvertes au sang veineux de la cavité céphalo-rachidienne, sont si larges et si nombreu- ses, que l'écoulement n'est pas sensiblement influencé par l'occlusion de quelques unes de ces voies. Pour arrêter la circulation veineuse dans la tête, il faut lier ou comprimer la veine cave supérieure (veine cave antérieure, puisqu'il s'agit d'un quadi'upède). J'ai exécuté cette opération au moyen d'un procédé nouveau qui sera décrit plus loin. Un crochet dont le manche se trouve en dehors de la poitrine, pénètre dans cette cavité et embrasse la circonférence de la veine cave. A un moment donné, on soulève brusquement le crochet, de manière à arrêter toute cii'culation veineuse et à accumuler le sang en amont de l'endroit comprimé. La circu- lation artéiielle n'en est pas affectée immédiatement d'une façon notable ; au début la pression baisse fort peu dans la carotide. En effet, le cœur reçoit encore tout l'afflux de la veine cave inférieure (veine cave postérieure), la circulation veineuse seule se trouve donc arrêtée dans la tête. Malheureu- sement l'expérience, exécutée de cette façon, ne fournit pas de graphiques de pulsations cérébrales utilisables pour la question qui nous occupe. Dès qu'on comprime la veine cave antérieure, le sang s'accumule avec rapidité dans la cavité céphalo-rachidienne, et la plume du pléthysmographe cérébral trace une courbe à ascension tellement raide, qu'il est impos- sible d'y discerner la présence ou l'absence de l'ondulation qui nous occupe. En outre les pulsations se marquent de moins en moins sur le tracé et deviennent irrégulières. L'expérience inverse, consistant à supprimer l'action du ventricule gauche en conservant celle de l'oreillette droite, peut au contraire fournir la démonstration cherchée. Sur un chien dont la poitrine est ouverte et le cœur mis à nu, on excite mécaniquement ou électriquement la face antérieure des ventricules. Si l'excitation est suffisante, le cœur cesse de Sa LÉON FREDERICQ. battre; les muscles des ventricules ne sont cependant pas paralysés; on aperçoit sur toute leur surface, des contractions fibrillaii-es, oscillatoires, irrégulières, ne se groupant plus de manière à former de véritables pulsations. Dans ces conditions les valvules sigmoïdes de l'aorte restent fermées, et de nou- velles ondées sanguines ne viennent plus s'ajouter au contenu des artères : les pulsations de ces vaisseaux disparaissent. L'arrêt du cœur est définitif et l'animal ne tarde pas à mouiir (i). Le plus souvent, l'arrêt du cœur est total, d'autrefois les ventricules seuls cessent de battre, tandis que les pulsations des oreillettes persistent pendant plusieurs minutes. Alors se trouve réalisée la condition de la suppression de l'action du ventricule gauche, sans interruption des pulsations de l'oreil- lette droite. Dans ce cas, la cerveau continue à battre. A chaque systole auriculaire, le graphique cérébral montre une petite inflexion, entièrement semblable au soulèvement v des tracés de la figure 2. Seules les pulsations d'origine artérielle ont disparu. Cette expérience doit lever tous les doutes sur la possibilité de la propagation de la pulsation auriculaire jus- qu'aux veines de la cavité céphalo-rachidienne. On peut d'ailleurs démontrer d'une autre façon, la facilité avec laquelle les ondulations nées dans l'oreillette droite, influencent la courbe pléthysmographique du cerveau. On ouvre la poitrine chez un chien que l'on vient de sacrifier ; le pléthysmographe cérébral est fixé dans le crâne. On comprime alors périodiquement l'oreillette droite entre les doigts, de (i) Certaines parties du cœur sont exlraordinairement sensibles à l'exci- lant électrique. Il m'est arrivé d'arrêter le cœur, et de tuer par conséquent l'animal, en employant des chocs d'induction tellement faibles (appareil à iraineau de du Bois-Reymond), que les électrodes excitatrices appliquées au bout de la langue, provoquaient seulement une sensation de léger picote- ment nullement désagréable. On peut se demander, si dans certains cas, la mort qui survient chez l'homme ou les animaux, par l'action foudroyante de l'électricité à haute tersion, n'est pas due à un arrêt du cœur produit de celle façon. RECflERCHES SUR LA RESPIRATION ET LA CIRCULATION. 8â façon à imiter le jeu normal des systoles auriculaires. A chacune de ces systoles artificielles, correspond un léger soulè- vement du cerveau. La même expérience peut servir à déterminer la vitesse de l'onde veineuse dans son mouvement de translation du cœur au cerveau. On comprime l'oreillette droite, en appuyant brusquement contre sa paroi l'explorateur à coquille relié à un tambour à levier. La courbe de ce choc s'inscrit en dessous de celle du pléthysmographe cérébral, sur le cylindre animé de sa grande vitesse de rotation. On inscrit en même temps les centièmes de seconde et l'on prend des repères correspondant aux débuts des deux courbes. On constate alors un retard de 6 centièmes de seconde envii^on, entre le début de la pul- sation auriculaire et le début de la pulsation cérébrale. Cette vitesse est plus faible que celle de la propagation de l'ondée artérielle. L'examen raisonné des tracés pléthysmo- graphiques du cerveau conduit d'ailleurs à la même conclusion. Sur ces tracés, la pulsation artérielle a suit la pulsation vei- neuse V sans intervalle appréciable. Or, au niveau du cœur, la systole ventriculaire se produit, il est vrai, immédiatement après la systole auriculaire; mais il n'en est pas de même de l'origine de l'ondée aortique. Celle-ci retarde, comme nous l'avons vu, de plusieurs centièmes de seconde sur le début de la systole ventriculaire et par conséquent sur la fin de la systole auriculaire. Les deux phénomènes, fin de la systole auriculaire et début de l'ondée artérielle, sont séparés au niveau du cœur par un intervalle appréciable. Au niveau du cerveau, l'intervalle a disparu, le début de la pulsation arté- rielle a rattrapé la fin de la pulsation veineuse. Ces deux pulsations ont donc cheminé avec des vitesses inégales. Dans certains cas, la pulsation artérielle a arrive au cer- veau avant la fin àe. v : v se combine alors en partie avec l'ascension initiale de a, le pouls cérébral devient anacrote. L'importance de la pulsation v sur le graphique de pulsation du cerveau est des plus variables. J'ai déjà dit qu'on ne la retrouve pas quand les pulsations sont très-rapides (section 84 LEON FREDERICQ. des pneumogastriques). Parfois c'est une ondulation peu mar- quée : dans ce cas le dessinateur chargé de reproduire le tracé omettra cette ondulation, à moins que son attention n'ait été spécialement dirigée sur ce point (fig. 10 et 11). FIG. 10. FIG, H. FiG. 1-2. ■ FiG. 10, 11, 12. — Différentes formes de pouls cérébral du chien. A B, repère correspondant au début de la pulsation carotidienne. V, oscillation veineuse correspondant à la siistole auriculaire ; a, oscillation artérielle principale ; d, oscillation artérielle dicrote ; n, oscillation négative {d'origine veineuse ?). D'autrefois son importance équivaut à celle de l'ondulation dicrote. Le sommet a se trouve alors encadré entre deux sommets analogues v et d. Il en résulte une variété de pouls tricuspide assez fréquente chez le chien. Je l'ai rencontrée RECHERCHES SLR LA RESPIRATION ET LA CIRCILATION. 85 chez plus du quart des animaux sur lesquels j'ai expéri- menté (fig. 12 et 13). FiG. 15. — Pouls cérébral tricuspide. A B, repère correspondanl au début de la pulsation carolidienne ; V, oscillation veineuse; a, oscillation artérielle principale ; d, oscillation artérielle dicrote. D'autrefois enfin l'ondulation v est la plus élevée, et le pouls cérébral simule un pouls artériel, tout en ayant une significa- tion très-dilférente. FiG. 14. — Pouls cérébral du chien. A B, repère correspondant au début de la pulsation carotidienne ; V, oscillation veineuse ; a, oscillation artérielle principale; d, oscillation artérielle dicrote. Dans ce cas, il faut absolument recourir à l'inscription simultanée du pouls carotidien, pour interpréter convenable- ment le pouls du cerveau. La figure 14 nous montre cette forme singulière, ainsi que la transition entre elle et la forme tricuspide. Sur beaucoup de graphiques, l'ondulation veineuse v est précédée par une portion de courbe oblique, légèrement ascen- dante ; en d'autres termes le tracé cérébral après avoir pré- senté le rebondissement du dicrotisme {d ) ne continue pas à décliner, mais atteint immédiatement son point le plus déclive; de là il se relève pour monter graduellement jusqu'à v, au début de la pulsation suivante. Le n° 6 de la figure 2 et les ^e LEON FREDERICQ. tracés des figures 12, 15, 19 (n° 2), 22 et 23, correspondant à des pulsations lentes, montrent plus ou moins bien le détail en question. La signification de ce soulèvement n'est pas douteuse pour moi. Comme on ne saurait lui assigner une origine artérielle, FiG. 15. — Pouls cérébral du chien présentant une ondulation négative n, (d'origine veineuse?) très marquée. Ce. Tracé du cerveau, v, oscillation veineuse; a et à , oscillations arlérietles; n, oscillation négative. Car. Tracé de La carotide (ce dernier tracé n'a pas été reproduit très exac- tement). A B, repère correspondant au début de la pulsation carotidienne. c'est au pouls veineux qu'il faut attribuer sa production. L'ascension graduelle de la courbe dans l'intervalle entre deux pulsations, me paraît en rapport avec la repletion progressive FiG. 16. — Pouls cérébral du chien. V, ondulation veineuse; a et d, ondulations artérielles; n, ondulation négative. A B, repère correspondant au début de la pulsation carotidienne. de l'oreillette droite et des veines jugulaires et rachidiennes, pendant la diastole auriculaire. Le tracé du pouls veineux des RECHERCHES SUR LA RESPIRATION ET LA CIRCULATION. 87 jugulaires présente la même portion ascendante, précédant immédiatement la systole de l'oreillette droite. (Voir plus loin figures 17 et 18.) Il arrive assez souvent que la partie la plus déclive du tracé cérébral, c'est-à-dire celle qui suit immédiatement l'ondu- lation dicrote, présente une dépression plus ou moins brusque, un vrai pouls négatif n. (Voir fig. 2, n° 3, 4 et 5 entre d et e, et fig. 10, 15 et 16). C'est encore au pouls négatif des jugulaires qu'il faut l'attribuer, selon moi. Le pouls négatif des jugulaires survient après la systole du ventricule gauche : si l'on tient compte de la lenteur relative du transport des ondu- lations d'origine veineuse, la position de l'onde négative sur la courbe cérébrale correspond assez bien comme temps au début de la diastole ventriculaire. Certains détails de la pulsation cérébrale sont par consé- quent dûs à l'action du pouls veineux. Cette affirmation aurait semblé paradoxale il y a quelques années à une époque oii physiologistes et cliniciens étaient d'accord pour admettre avec Bamberger (i) et Geigel(2), que le pouls veineux est un phénomène pathologique, et qu'on l'observe uniquement dans les cas d'insuffisance tricuspide, ou tout au moins d'insuffisance des valvules veineuses. D'ailleurs beaucoup de cliniciens partagent encore aujourd'hui cette manière de voir. Cependant Potain (3), Mosso (4), Riegei (5), François- Franck (e) ont démontré chez l'homme l'existence constante (1) Bamberger. Arch. f. pntfwl. Anatomie, IX, 1856, p. 345. (2) Geigel. Wûrzburger medie. Zeilschrift, 1863, p. 332. (s) Potain. Mém. soc. méd. des hôpitaux, 1868. (4) Mosso. Die Diaqnostik des Puises. Leipzig, 1879. (îi) RiEGEL. Berliner klinische Wochenschrift, n° 18, 1881. — Deulsches Archiv. filr klinische Medicin, XXXI, p. 1 el p. 471, 1882. 6) François-Franck. Gazette hebdomadaire de médecine et de chirurgie. Mai-Avril, 1882. 88 LÉON FREDERICQ. OU tout au moins très-fréquente du pouls veineux jugulaire, en dehors de toute lésion cardiaque ou vasculaire. Gottwalt(4) constata que les pulsations cardiaques se propagent normale- ment chez le chien et le lapin dans toutes les grosses veines qui aboutissent au cœur. Dans la jugulaire externe, il s'étend d'ordinaire jusqu'à la tête. Mosso avait admis que le pouls veineux est purement néga- tif et consiste dans un affaissement des parois veineuses coïncidant avec la systole ventriculaii^e; il serait dû unique- ment à l'augmentation du vide thoracique qui accompagne la depletion du ventricule gauche. A ce moment le sang veineux est aspiré avec plus de force vers la poitrine, d'où affaissement de la jugulaire. Mosso attribue donc le pouls négatif de la jugulaire, à la même cause qui produit le mouvement dit carclio-pneiimatique. Les recherches récentes de Riegel, de Gottwalt et de François-Franck ont démontré l'inexactitude de cette explica- tion exclusive. En effet, le pouls veineux se montre encore après l'ouverture de la poitrine, qui supprime et le vide thora- cique et toute variation de ce vide. En outre le phénomène est plus complexe que ne le croyait Mosso. A chaque systole cardiaque, correspondent plusieurs soulèvements et affaisse- ments successifs de la jugulaire. Il est bien entendu que les phases de soulèvement du pouls de la jagulaire, ne correspon- dent pas à des mouvements de véritable reflux du liquide sanguin, comme on pourrait être tenté de l'admettre à pre- mière vue. Il s'agit seulement d'arrêts momentanés ou de ralentissements dans l'écoulement du sang vers la poitrine. Ces variations dans la vitesse d'écoulement du sang vers le cœur, sont sous la dépendance directe des variations de pres- sion qui se développent successivement dans l'intérieur de l'oreillette et du ventricule droits, à chaque révolution car- diaque. (1) Gottwalt. Archiv. fur die gesammie Physiologie, XXV, p 1, 1882. RECHERCHES SUR LA RESPIRATION ET LA CIRCULATION. 89 Riegel, Gottwalt et François-Franck sont d'accord pour admettre, que l'ondulation la plus marquée du pouls veineux, est un mouvement de soulèvement brusque, correspondant à la systole de l'oreillette droite; et que cette ondulation principale est suivie d'une longue période d'aifaissement, interrompue par deux ou trois soulèvements peu importants; puis la courbe se relève graduellement pour se relier à la pulsation auricu- laire suivante. La figure 17 montre d'après François-Franck le schéma des rapports du pouls jugulaire normal avec les différents actes d'ime révolution cardiaque. Fie. 17. — Schema des rapiwrtx (la poiils jiigulnire norviai P. J. avec les différents actes d'une révolution cardiaque complète P. C. (d'après François- Franck) ■ Un premier soulèvement veineux se produit en même temps que la systole de l'oreillette 0. Le premier affaissement commence avec la diastole de Coreillette et dure de A en A' sauf une légère interruption. Un second soulè- vement A' peu important survient à la fin de la systole ventriculaire S. V. et est suivi d'un second affaissement ii B' en rapport avec le début de la diastole ventriculaire D, V. Le point B' le plus bas de la courbe veineuse P. i. se trouve donc après la fin de La systole ventriculaire. Si nous combinons à présent le tracé fourni par la jugulaire avec celui de la carotide, nous obtiendrons précisément le 90 LEON FREDERICQ. même tracé que celui du pléthysmographe cérébral. Le schéma de la figure 18 réalise cette combinaison. Ceci est un argument de plus en faveur de la thèse d'après laquelle la pulsation cérébrale résulte de la combinaison de la pulsation artérielle et de la pulsation veineuse. Les variétés si nombreuses de pouls cérébral que nous avons rencontrées chez le chien, dépendent en grande partie de l'importance respective de l'influence veineuse et de l'influence artérielle. Cette importance respective est des plus variables d'un animal à l'autre. En outre la forme de la pulsation arté- rielle et celle de la pulsation veineuse varient notablement FiG 18. — Analyse du tracé pteViysmograiJliique (lu cerveau. Schéma des rapports du pouls cérébral C, avec le pouls veineux V et avec le pouls artériel A. Les éléments d'origine artérielle a e^ d sont jigurés en traits pleins sur le graphique cérébral, G. Les éléments d'origine veineuse n et \ sont figurés en pointillé. V. Tracé de la veine jugulaire. A. Tracé de l'artère carotide. a, pulsation artérielle principale; d, pulsation dicrote; v, ondulation veineuse due à la systole auriculaire; n, pouls négatif veineux. RECHERCHES SIR LA RESPIRATION ET LA CIRCULATION. 9l suivant les conditions physiologiques dans lesquelles se trouve le sujet de l'expérience. H y a donc là un nouvel élément de diversité . § V. — Pouls cérébral tricuspide. — J'ai observé plusieui's fois la forme tricuspide de la pulsation cérébrale du chien, forme qui paraît si fréquente chez l'homme. En analysant FiG. 19. — 1, 2, 3, Trois formes de pouls (ricuspide. Pouls cérébral du chien. Les différents graphiques sont dessinés à la chambre claire de Braunc. Le grossissement a été choisi de manière que le graphique de temps qui se trouve en haut de la figure fût applicable à tous les tracés. La ligne verticale A B correspond au début de la pulsation carotidienne. a, pulsation principale d'origine artérielle. d, ondulation dicrote. e, ondulation élastique. V, ondulation veineuse. S en S, longueur correspondant à la durée d'une seconde. 92 LEON FREDERICQ. soigneusement ces graphiques de pulsation tricuspide, au moyen de repères correspondant aux phases simultanées de la pulsation carotidienne, j'ai acquis la conviction que les diffé- rentes formes de pouls tricuspide du cerveau de chien ne sont nullement équivalentes. J'en ai distingué nettement trois. Une première forme de pouls cérébral tricuspide provient du dédoublement de la pulsation principale d'origine arté- rielle a. Voir figure 19 n" 1 et figure 20. Les deux premiers FiG. 20. — Pouls cérébral tricuspide de In première variété (voir n» / fig. 19). Pulsations accélérées par Calropine. Horloge à secondes. sommets appartiennent donc à «, le second atteignant un niveau plus élevé que le premier. La troisième dentelure du graphique correspond au dicrotisme carotidien cl. La pulsation FiG. 21. — Passage du pouls cérébral dicrote au pouls tricuspide (à par- tir de P. C). Empoisonnement par ratropinc. Horloge à secondes. veineuse v ne se voit pas ici à cause de l'accélération des pulsations cardiaques. Je n'ai rencontré cette forme que chez un seul animal et seulement pendant quelques instants. La figure 21 montre le passage du pouls cérébral ordinaire à cette variété de pouls tricuspide. RECHERCHES SLR LA RESPIRATION ET LA CIRCULATION. ^3 La deuxième forme de pouls tricuspide, la plus fréquente des trois chez le chien, se produit par l'exagération de la pulsation d'origine veineuse y, ou du soulèvement graduel qui précède v. Les trois sommets de la pulsation sont respective- ment représentés par v, a et cl (Voir figures 2 (n°*^ 5 et 6), 8. 12, 13, 15, 19 (n" 2), 22 et 23). Fio. 22. — Pouls ce'rébml tricuspide de la 2<^ variété. Le trait a correspond au début de la pulsation carotidienne. Voir ligure 19 m 2. Horloge à secondes. Enfin une troisième variété de pouls tricuspide, résulte de l'exagération de l'oscillation élastique e, et du développement de l'oscillation dicrote d. Les trois sommets de la pulsation FiG. 23. — P- G. Pouls cérébral tricuspide de la S" variété. Voir figure 19 n» S. Horloge à secondes. correspondent respectivement à a, d et e. La pulsation d'ori- gine veineuse ?;, peut être plus ou moins manifeste. J'ai Ô4 LÉON FRËDËRICQ. rencontré cette forme singulière chez deux chiens. (Voir figures 19 (n» 3), 24 et 25). FiG. 24. — Pouls cérébral tricuspide de la troisième variété. Secondes. Note. Le graphique a été reproduit assez peu exactement. CHAPITRE III. OSCILLATIONS RESPIRATOIRES DU TRACÉ CÉRÉBRAL. § VI. — L'affaissement inspiratoire du cerveau est dû principalement à l'aspiration veineuse vers le thorax. Chez le chien, l'influence artérielle tend à faire gonfler le cerveau pendant l'inspiration ; cette influence est d'ordinaire masquée par celle des veines. Exception à cette règle. Empoisonnement par l'atropine, ouverture de la poitrine, respiration artificielle; la suppression brusque de l'aspiration thoracique fait monter le graphique cérébral. § VI. — On sait depuis longtemps que chez l'homme, le cerveau s'affaisse pendant l'inspiration et s'élève au contraire pendant l'expiration. Ces oscillations, peu marquées pendant la respiration paisible, s'accentuent davantage quand la respira- tion devient laborieuse. Chez l'homme, deux facteurs contri- buent à produire l'affaissement du cerveau pendant la phase d'inspiration : ces deux facteurs sont la baisse de la pression artérielle et l'aspiration veineuse vers le thorax. Il est impos- sible de faire ici la part de chacun de ces facteurs et de déterminer leur importance relative. Chez le chien au contraire, les conditions sont des plus favorables : la pression artérielle ne baisse pas, mais augmente pendant l'inspiration; l'influence artérielle doit donc tendre à faire gonfler le cerveau, alors que l'influence veineuse tend à l'affaisser. En général c'est l'influence veineuse qui predo- RECHERCHES SUR LA RESPIRATION ET LA CIRCULATION. 95 mine, le graphique descendant à l'inspiration pour remonter à l'expiration. Cependant il peut arriver qu'exceptionnelle- ment l'influence artérielle l'emporte et que le graphique cérébral monte à l'inspii^ation pour présenter son point le plus déclive à l'expiration. La figure 25 nous en montre un exemple. FiG. 2o. — Ondulations respiratoires de la courbe plétfujsmograpliique du cerveau. Première ligne P. C. Tracé du pouls cérébral inscrit au moyen du plétkys- mographe. La courbe monte à l'Ì7ispiration 1, descend à l'expiration E, (par exception). Deuxième ligne R. Tracé de la respiration fourni par un cardiographe inscrivant en même temps le choc du cœur. La courbemonte à l'inspiration I, descend à l'expiration E. Troisième ligne. Tracé de l'horloge à secondes. Note. Ne pas attacher d'importance aux petits détails de la courbe que le graveur a reproduit peu exactement. L'ondulation e a notamment été omise. J'ai montré dans un travail précédent (i) que l'ascension inspiratoire de la pression artérielle était due chez le chien à l'accélération du rythme cardiaque qui se produit pendant cette phase de la respiration. J'ai signalé dans l'empoisonne- ment par l'atropine un moyen de modifier à volonté la marche (0 Archives de Biologie, vol. III, p. .'iS, 1882. 96 LEON FREDERICQ. de la pression sanguine, et de faire baisser cette pression pendant l'inspiration. Si l'on inscrit un graphique cérébral pendant l'empoisonnement par l'atropine, on constatera que cette fois, le cerveau s'affaisse régulièrement et notablement à chaque inspiration. C'est qu'ici les deux facteurs à consi- dérer, la pression artérielle et l'aspiration veineuse, accumulent leurs effets au lieu de se contrarier mutuellement. La section des pneumogastriques, la saignée ou la fièvre produisent le même effet. Dans une de mes expériences d'empoisonnement par l'atro- pine, les oscillations respiratoires disparurent complètement du tracé de la pression artérielle. Le tracé pléthysmographique du cerveau les montre au contraire de la façon la plus manifeste (voir fig. 26). Ici les variations respiratoires sont uniquement FiG. 26. — Ondulations respiratoires du tracé plélliysmographiqne du cerveau chez un chien empoisonné par l'atropine. Première ligne. P. C. Tracé des pulsations cérébrales. La courbe descend à l'inspiration i, pour remonter à l'expiration e. Deuxième ligne. Tracé de l'horloge à secondes. Troisième ligne. R. Tracé respiratoire inscrit au moyen du cardiographe. La courbe monte à l'inspiration i, descend à l'expiration e. Quatrième ligne. P. A. C. Tracé de pression artérielle (carotide gauche) inscrit au moyen du manomètre, à mercure de Liidwig. Les oscillations respiratoires font par exception défaut sur ce tracé. RECHERCHES SUR LA RESPIRATION ET LA CIRCULATION. 97 d'origine veineuse et dues à l'exagération de l'aspiration thoracique. C'est bien par suite des variations dans la valeur de la pression intra-thoracique que les mouvements respiratoires produisent les oscillations cérébrales dont nous nous occupons. Si l'on ouvre largement la poitrine de manière à supprimer l'influence aspiratrice que l'inspiration exerce sur la circula- tion veineuse, on n'observe plus l'affaissement du tracé cérébral pendant cette phase de la respiration. Tout au contraire, le tracé se relève plutôt légèrement à chaque contraction du diaphragme exécutée par l'animal. Il est probable que la contraction des muscles inspiratoires provoque alors la com- pression de quelque veine communiquant avec la cavité céphalo-rachidienne. Si Ton pratique la respiration artificielle, la poitrine étant fermée, on voit le cerveau se soulever à chaque insufflation pour s'affaisser dans l'intervalle entre deux insufflations, comme l'ont montré les expériences de Salathé, Mosso, etc. J'ai constaté qu'il en est de même lorsque la poitrine a été largement ouverte, le cerveau se soulève également à chaque insufflation. Tout effort de l'animal et eu général tout obstacle à la circulation de retour de la cavité céphalo-rachidienne, provoque également l'ascension de la courbe cérébrale. J'ai déjà signalé les effets de la compression de la veine cave supérieure. La suppression brusque de l'aspiration thoracique par ouver- ture de la poitrine, fait instantanément monter le tracé céré- bral. Cette expérience donne les résultats les plus nets, quand on la pratique au moyen du procédé d'ouverture et de ferme- ture du thorax que j'ai imaginé et qui sera décrit dans un autre article. Ce procédé opératoire consiste à ouvrir large- ment le thorax, au moyen d'une incision unique, linéaire, pratiquée longitudinalement sur un des côtés de la poitrine. On entretient la respiration tant que la poitrine est ouverte. On rétablit ensuite le vide pleural, en insufflant brusquement les poumons, et en rabattant vivement l'un sur l'autre, les 7 98 LÉON FREDERICQ. deux lambeaux musculo-osseux qui constituent les lèvres de la plaie; et par dessus, les deux lambeaux cutanés. On réunit ces derniers au moyen de quelques pinces à pression. De cette façon, les organes tlioraciques se retrouvent placés dans des conditions mécaniques très-analogues à celles d'avant l'ouver- ture de la poitrine; l'animal se remet spontanément à respirer avec son rythme habituel ; la pression artérielle, les batte- ments du cœur reprennent également leur valeur et leur allure premières. Sur un chien préparé de cette façon, on ouvre et l'on ferme la poitrine, comme on le ferait d'une boite dont on soulève ou replace à volonté le couvercle. Chaque fois que l'on ouvre la poitrine, on voit le graphique^ cérébral présenter une brusque ascension. CHAPITRE IV. ONDULATIONS VASO-MOTRICES DU CERVEAU. § Vn. — Les oscillations cérébrales dues à la respiration peuvent se grouper en larges ondulations d'une durée plus longue (5 à 2 par minute). On les attribue généralement au resserrement et au relâchement périodique des petits vaisseaux, se traduisant par un retrait ou une dilatation du cerveau. Ce n'est que tout à fait incidemment que je me suis occupé de ces ondulations. Dans certains cas, j'ai observé des variations périodiques du rythme respiratoire coïncidant avec les ondu- lations vaso-motrices. La figure 27 en donne un bel exemple. RECHERCHES SUR LA RESPIRATION ET LA CIRCULATION. 99 •S H T3 2 ~ ? ■?' e: H !^ ■^0 Paris, 1878, p. 665. 212 C. VANLAIR. position est excentrique, offrent toujours une direction tor- tueuse. Mais cette double distinction s'efface invariablement après un court trajet et les deux espèces de fibres se mêlent et se confondent en un lacis inextricable. Prise dans son ensemble, la masse est alors tout-à-fait homogène. Mais examinée de près, elle montre dans certains points des fascicules très-grêles et même des fibres isolées, dans d'autres des faisceaux volumineux. Ici, les tubes sont à peine myélinisés ; ils sont même parfois si petits que l'on peut compter jusqu'à 13 fibres dans un espace de 20 f/,. Là, au contraire, ils revêtent tous les attributs d'une matura- tion complète. Dans telle circonscription, c'est l'élément nerveux qui domine; dans telle autre, c'est le stroma conjonctif qui l'emporte. La charpente elle-même est formée tantôt de tractus délicats, tantôt de travées épaisses et compactes; le plus souvent des deux à la fois, les premiers occupant de préfé- rence les régions centrales, les seconds les zones périphériques du névrome. 2° Configuration du névrome. — La forme du névrome est plus ou moins régulièrement conique, la base du cone toujours tournée en haut et appliquée contre le moignon central. Cette forme est déterminée par l'inflexion générale que subissent vers l'axe les faisceaux circonférentiels dès l'instant où vient à manquer le soutien que leur apportait le bout central. Quelle que soit l'activité du travail neurogénique, jamais la portion inférieure du névrome n'atteint des dimensions équi- valentes à celles du tronc primitif. Cela tient à ce qu'un grand nombre des fibres intégrantes du névrome se perdent en route. Les unes, rencontrant devant elles un obstacle insurmontable, avortent; d'autres déraillent et vont s'égarer dans le tissu circatriciel de l'interstice; quelques-unes même semblent vou- loir, par une sorte de récurrence, regagner leur point de départ. Enfin, le stroma conjontif lui-même subit une atrophie manifeste. 3" Siège et limites du névrome. — Le névrome de régénéra- RÉGÉNÉRATION DKS NERFS, 213 tion débute immédiatement au-dessus de la section et sa limite inférieure est marquée par le point au niveau duquel apparais- sent les premiers rudiments névriculaires. Mais c'est là une limite plutôt virtuelle que réelle. En effet, le tissu névroma- teux ne s'arrête jamais en ce point. Seulement, il n'est plus alors, à vrai dire, qu'un élément contingent et non plus le substratum essentiel de la formation nerveuse. Il serait diffi- cile au reste de fixer exactement, dans la plupart des cas, le niveau en question, car ce n'est le plus souvent qu'après plusieurs faux départs que le névricule parvient à conquérir une individualité définitive; et même alors, il ne le fait que graduellement, en passant par des transitions insensibles. Il est cependant certains indices qui, indépendamment de l'apparition des névricules, permettent d'établir objectivement la limite inférieure de névrome proprement dit. C'est d'abord la raréfaction du tissu nerveux qui se produit pour ainsi dire subitement autour des névricules déjà formés. Puis, la trans- formation rapide du tissu fasciculaire du névrome en un véri- table tissu aréolaire à mailles allongées tout-à-fait semblable à celui du manchon périneuriculaire du bout central. J'ai pu constater, au surplus, que la limite inférieure du névrome était soumise à des variations individuelles considé- rables. Chez tel animal, elle est atteinte déjà à deux ou trois millimètres en dessous du point de section; chez tel autre, elle descend beaucoup plus bas, jusqu'à dix et quinze millimètres du même point. Au cas où l'on voudrait se contenter d'une moyenne, il faudrait, d'après cela, évaluer à un demi-centimètre la longueur du névrome proprement dit. Désirant étudier la régénération dans ses stades les plus avancés, je n'ai pas cherché à déterminer le délai requis pour la névrotisation du segment cicatriciel dans le cas de rencontre entre le prolongement central et le bout périphérique. Mais un travail récent de Johnson (i) contient, en ce qui concerne ce (i) Johnson. Bidrag lit Kànnedommen om nervsutur odi nerv transplan- tation. (Nordisk med. Arkiv, XIV, n» 27.) 214 e. VANLAIR. point, des indications très-précises, que je me contenterai de reproduire. Chez le lapin, après une section simple, on trouvait déjà, au bout de 40 jours dans le cas de suture, au bout de 60 dans le cas de non suture, des faisceaux de fibres amyélini- ques qui s'étendaient du bout central jusqu'au bout périphéri- que à travers la cicatrice. Vingt jours plus tard, soit 60 jours après l'opération pour les cas de suture, les fibres nerveuses contenaient pour la plupart de la myéline au niveau de la cicatrice et à la partie périphérique. Chez les animaux où la suture n'avait pas été pratiquée, la myélinisation des fibres tardait jusqu'au 71^ jour. 4° Affinités morphologiques du névrome de régénération. — De tous les hyperplasmes pathologiques, le névrome d'ampu- tation est celui qui présente avec le névrome de régénération la parenté la plus étroite. Ce qui n'a rien de surprenant puis- qu'ils sont tous deux consécutifs à une section nerveuse et que la seule différence réside dans les conditions où se trouve placé le nerf après la section. Pour faire ressortir cette analogie, il me suffira de repro- duire ici quelques-unes des observations de Hayem et Gilbert (}), les plus récentes de toutes. Ces auteurs ont en effet constaté la variété de volume des névromes d'amputation et la part considérable que prennent à leur constitution les éléments nerveux. Ils ont également signalé les caractères juvéniles, le trajet sinueux, l'enchevêtrement inextricable de leurs fibres, lesquelles reconnaissent toutes, comme dans le névrome de régénération, une origine centrale. Il n'est pas jusqu'à la dégénérescence du bout central qui ne se manifeste ici comme dans la section simple des nerfs. Hayem et Gilbert ont donc parfaitement raison quand ils considèrent le névrome d'ampu- tation comme Vébauche d'un travail régénérateur. Mais ils (i) Hayem et Gilbert. Note sur Les modifications du système nerveux chez un amputé. (Archives de physiol. 1884, n» i.) RÉGÉNÉRATION DES NERFS. 215 vont au delà ou plutôt à rencontre des faits quand ils invo- quent l'absence du bout périphérique pour expliquer la forma- tion des tumeurs terminales des nerfs dans les moi^ions des amputés. Mes observations démontrent surabondamment que le bout périphérique ne joue absolument aucun rôle dans le développement du renflement névromateux. Les névromes spontanés eux-mêmes ne sont pas sans offrir des analogies assez étroites avec le névrome de régénération. Tous les névromes non traumatiques ne sont pas naturelle- ment dans ce cas. Par exemple, les névromes de la peau dont V. BecMinghausen a donné la description dans sa publication magistrale (i) ne sont le siège ni d'une production, ni d'une dégénération des fibres nerveuses : ils sont dûs seulement à une liyperplasie du tissu endoneurial de la région marginale des névricules. Mais à côté de ces tumeurs qu'il faudrait qualifier de pseudo-névr ornes, il existe toute une série d'hyper- plasmes nerveux où, sans parler du trajet sinueux et de l'intri- cation des faisceaux, l'on rencontre des fibres nouvelles à tout degré de développement. Témoin les cas étudiés notamment par Czerny (2), par P. Bruns (3) et par Stienon (4). Dans la tumeui' de Czerny, les parties axiales se compo- saient de faisceaux formés par de longues cellules fusiformes avec des noyaux bacillaires et ondulés ; puis venait une zone constituée par des fibres amyéliniques ; puis enfin une dernière couche à tubes myéliniques. Les cellules de la première cir- conscription ont même été considérées par Czerny comme un stade embryonnaire des fibres de nouvelle génération. P. Bruns a constaté également la présence de fibres- amyé- liniques dans les névromes plexiformes. Enfin, dans une excellente étude qu'il a faite récemment de (1) Von Reckmnghausen. Ueber die muUiplen Fibrome der Haul iiiid Hire Beziehung zu den muUiplen Neuromen, Berlin, 1882. (2) CZERNY. Langenbeck's Archiv, 187i, Bd XVII, 557. (3) P. Bruns. Das Rankenneurom. (Virchow's Archiv, 1870, L, 80 u. H2). •4) Stienon. Elude sur la slruclure du névrome. Bruxelles, 1883. 216 e. VAISLAIR. ce genre de névrome, Stienon a pu distinguer aussi, à côté de libres en dégénérescence granuleuse et atropliique, des tubes myéliniques à moelle mince et des fibres complètement amyé- liniques. IV. Organisation des névricules aux dépens du névrome. La formation des névricules résulte d'une triple modification dans les éléments du névrome, modification portant 1° sur le mode de groupement des fibres, 2° sur la direction qu'elles affectent, 3'' sur leur degré de maturation. 1° Dans toute l'étendue du névrome, les fibres nerveuses sont pour la plupart réunies en très-petits fascicules, lesquels rampent isolément dans le stroma conjonctif. Déjà par ci par là, vers la partie inférieure du cone, on voit se dessiner un faisceau plus volumineux circonscrit par une enveloppe fibreuse d'épaisseur assez uniforme. Plus bas com- mencent à se dessiner, par suite de l'atrophie progressive des trabecules fibreuses en certains points de la masse, des groupes de faisceaux dans lesquels les fibres nerveuses et les faisceaux eux mêmes se sont étroitement accolés, sans autre interposi- tion que celle d'une minime quantité de substance conjonctive délicate analogue au tissu normal de l'endonèvre. Ce sont là les rudiments des névricules. Il ne faut pas s'imaginer cependant que tous ces petits faisceaux du début soient destinés à devenir ultérieurement de véritables névricules. On aurait tort également de croire que ces derniers, une fois constitués, doivent passer inélucta- blement à l'état de névricules parfaits et définitifs. Ainsi que je l'ai fait remarquer déjà, ce n'est souvent qu'après une série d'efforts impuissants et de remaniements successifs que le pro- cessus de névriculation finit par aboutir. Il arrive même que la masse ne réussit jamais à s'organiser en névricule. 2" Pendant que s'établissent ces dispositions nouvelles, les faisceaux abandonnent leurs voies tortueuses pour se porter directement vers la périphérie. Toutes les fibres d'un même RÉGÉNÉRATION DES NERFS. 217 faisceau deviennent en outre tout à la fois rectilignes, paral- lèles et longitudinales. La substance fibreuse qui envii'onne les faisceaux s'étale alors en une membrane stratifiée qui leur forme un véritable étui. 3° En même temps aussi, les tubes intégrants des faisceaux atteignent un degré de maturation plus avancé et plus uni- forme. Les tubes transmis au névrome par le bout central ont acquis déjà pour la plupart une perfection presque pbysiolo- giqiie, mais dans la masse névromateuse elle-même, les tubes en question émettent des fibres nouvelles qui ont besoin d'un certain délai pour accomplii- leur évolution. Comme la prolifé- ration tend à se ralentir à mesure que l'on descend vers la périphérie, et comme d'autre part la maturation des fibres est d'autant plus avancée que l'on se trouve à un niveau plus inférieur, on doit s'attendre à rencontrer dans la partie infé- rieure du névrome un excès considérable de fibres mûres. C'est ce qui se produit en réalité. Toutefois, la structure de ces fibres n'est pas encore irréprochable. Dans la plupart d'entre elles, la couche de myéline est relativement mince et beaucoup moins accessible à l'action de l'osmium que dans les conditions normales. C'est seulement dans les faisceaux longitudinaux dont j'ai précédemment parlé que l'évolution s'achève et que le tube nerveux atteint définitivement sa perfection physiolo- gique. Mais le tissu fasciculaire du névrome n'est pas employé tout entier, loin de là, à l'édification des névricules nouveaux. Qu'advient-il donc du reliquat? Toujours, quand il ne rencontre pas le bout périphérique, il tend à disparaître par une sorte d'épuisement progressif. Généralement il commence par subir une sorte de systématisa- tion, c'est-à-dire qu'il se subdivise en autant de circonscrip- tions qu'il y a de névricules; chacune d'elles, si elle ne l'a déjà fait, échange sa disposition fasciculaire contre une structure aréolaire semblable à celle du manchon périneuriculaire du bout central et forme autour du névricule correspondant une enveloppe lamelliforme d'épaisseur variable. La gaîne ainsi 218 C. VANLAIR. constituée rappelle d'une façon saisissante la disposition observée dans le cone supérieur du renflement. Puis la gaîne en question s'amincit; les fascicules nerveux qu'elle renferme deviennent de plus en plus rares et de plus en plus grêles. Elle s'atrophie et disparaît enfin comme un échafaudage après l'achèvement de l'édifice à la construction duquel il a servi. Quant aux vides que laisse sa disparition, ils sont immédiate- ment comblés par des dépôts adipeux. En vertu de quelle disposition organique s'effectue cette étonnante reconstitution des névricules? On n'aperçoit au premier abord aucune raison pour que le tissu névromateux ne se maintienne pas indéfiniment sous sa forme primitive. Mais en y réfléchissant quelque peu, on en arrivera à trouver la raison déterminante du phénomène dans la combinaison d'une double influence : celle d'une loi primordiale et celle d'une condition organique d'ordre tout-à-fait local. La loi générale dont je veux parler est celle qui préside à la restauration de tous les éléments organisés. Un tissu nor- mal tend toujours à réparer ses pertes au moyen d'un tissu semblable à lui-même ou tout au moins d'un tissu équivalent. L'os fracturé guérira par la production d'un cal osseux. Une fibre musculaire dont la masse a été détruite par la dégé- nérescence cireuse se reconstituera par la formation d'une substance musculaire nouvelle. Seulement cette tendance ne réussira pas toujoui^s à se traduire en fait : lorsque, par exemple, des circonstances défavorables générales ou locales viendront y mettre obstacle. Il arrivera alors que le travail de restitution avortera ou bien déviera dans un sens anormal. C'est en conformité de cette loi — avec ses exceptions éven- tuelles — que la solution de continuité pratiquée sur le trajet d'un nerf se comble tout d'abord au moyen de tissu nerveux, mais non pas d'un nerf tout formé. La dégénération du bout central, l'obstacle qu'oppose au drageonnement direct des fibres l'exsu- dat inflammatoire et plus tard le tissu cicatriciel qui remplit l'interstice, le déplacement du moignon nerveux à chaque mouvement du membre, la souffrance imposée à l'animal, tout RÉGÉNÉRATION DES NERFS. 219 cela est en effet de nature à empêcher la substance nerveuse nouvelle de revêtir d'emblée une forme physiologique parfaite. Mais plus bas, au moins dans les cas réguliers, les effets du du traumatisme s'épuisent; l'interstice musculaire redevient libre; les conditions locales qui entravaient la réorganisation du nerf se trouvent écartées. Plus rien dès lors ne s'oppose à ce que la grande loi de la régénération ressortisse ses effets, et le sciatique se reconstitue avec ses cai^actères physiologiques essentiels. V. Sort du prolongement central. Jusqu'ici le sort définitif du prolongement central n'a pas encore été suffisamment fixé, par la raison sans doute que l'on a négligé l'étude histologique de la régénération tardive des nerfs. J'ai donc cru devoir m'attacher spécialement à l'élucida- tion de ce point et voici, exposés sous une forme synthétique, les résultats qui m'ont été fournis par mes observations. 1° Dans les cas les moins avantageux, le fascicule qui fait suite au renflement s'épuise sans donner lieu à de véritables formations névriculoïdes ; quelques fascicules seulement se grou- pent d'une façon plus étroite, mais sans parvenii- à se consti- tuer eu individualités névriculaires distinctes. Ces groupes eux-mêmes ne tardent pas d'ailleurs à subir une disgrégation complète. Ceci s'observe particulièrement dans les cas où la rencontre avec le bout périphérique n'a pas eu lieu, lorsque celui-ci, par exemple, a été détruit dans une trop grande étendue. 2° Lorsque les circonstances sont un peu plus favorables, on peut assister à V organisation de névricules à peu près parfaits; mais ces névricules de nouvelle formation finissent, tout comme tantôt, par se désagréger. Ils se résolvent en faisceaux longi- tudinaux qui s'appauvrissent de plus en plus par l'arrêt ou la dispersion de leurs fibres, et le prolongement central se réduit finalement à un tractus excessivement grêle que la dissection ne parvient plus à poursuivre. 220 e. VANLAIR. Le fait s'observe encore plus spécialement dans les cas où le cordon nerveux émanant du névrome central ne prend point contact avec le bout périphérique. Mais lorsque s'effectue la collusion avec le segment périphé- rique, une autre série d'éventualités peut se produire. Déjà dans mon premier mémoke, j'avais constaté qu'indé- pendamment de quelques fibres isolées qui s'insinuaient dans les uévricules anciens, des formations névriculoïdes nouvelles s'engagaient aussi dans le bout périphérique; seulement, elles se bornaient à côtoyer ses névricules sans jamais se confondre ni même sans jamais se mélanger intimement avec eux. Restait à savoir si cette disposition était constante. Or, les recherches ultérieures auxquelles je me suis livré me permettent de répondre négativement à cette question. 1° On peut observer d'abord, comme dans le cas de termi- naison libre, un épuisement progressif des névricules nouveaux avant que la rencontre ne se soit effectuée. Cet épuisement a lieu suivant le mode physiologique. Dans les conditions nor- males, les nerfs des membres émettent d'abord, de distance en distance, des branches collatérales; puis ils finissent par se résoudre en leurs filaments terminaux. Les névricules régé- nérés ne se comportent pas autrement. Il est à remarquer seulement que les productions collatérales^ au moins à l'origine, sont généralement très-nombreuses. Elles sont aussi très- précoces en ce sens qu'elles ont lieu avant le parachèvement du névricule. J'ai même vu dans certains cas, entre autres chez le chien II, côté gauche, un névricule collatéral émerger directement de la masse névromateuse. Lorsque les névricules s'épuisent ainsi avant d'atteindre le bout périphérique, il ne reste plus, pour former le tractus nerveux au moment de la rencontre, que du tissu aréolaire. On voit alors celui-ci poursuivre sa marche centrifuge à travers le segment périphérique. Une partie de ses fibres côtoie les anciens névricules, parfois jusqu'au dessous de la bifurcation, de façon à dépasser notablement le jarret. Mais la majeure REGENERATION DES NERFS. 221 partie pénètre dans l'intérieur des névricules anciens poui' en effectuer la revivification. Comment s'opère cette sorte de rénovation des névricules périphériques ? Il semble qu'elle suive deux procédés différents. Tantôt l'intrusion se fait en masse, tantôt seulement dans l'un ou l'autre segment du champ névriculaire. Mais dans ce dernier cas, l'on constate que presque immédiatement au dessous du moignon périphérique, les segments primitivement épargnés s'entrepreiment à leur toui". Il arrive aussi que les fibres anciennes et les fibres nouvelles se trouvent mélangées sans ordi'e. Quant à la qualité des fibres immigrées, j'ai pu m'assurer que tout au début de l'infiltration, c'est-à-dire au niveau même du moignon périphérique, ce sont les fibres de petite dimension qui pénètrent à peu près seules dans le champ névriculaire. Mais il s'opère bientôt, sous le rapport du volume et de la maturation des fibres, une differentiation parfois très- nette entre les diverses circonscriptions de la masse névricu- laire. Tandis que certains segments restent composés de fibres grêles, d'autres se chargent de fibres épaisses, fortement myélinisées et formant déjà des faisceaux parfaitement systé- matisés. (Chien X, pi. VI, fig. 7.) Enfin, dans la plupart des cas, les fibres anciennes dégéné- rées disparaissent très rapidement; elle ne se maintiennent que dans ceux où l'immigration a été des plus restreintes. Malgré les recherches les plus attentives, je ne suis jamais parvenu à observer la pénétration d'une ou de plusieurs fibres nouvelles dans les gaines de Sciiwann du bout périphérique. Je n'ai donc pu, sous ce rapport, corroborer les constatations de Ranvier et les observations plus récentes de Johnson (i). J'ai déjà indiqué, dans mon premier mémoii^e, les arguments de raison qui tendaient à faii'e considérer cette substitution (i) Loc, cil. 222 C. VANLAIR. comme exceptionnelle : obstruction de la cavité de la gaine dans les premiers stades de la dégénérescence, affaissement complet de ses parois à la période atrophique, et d'autre part, à côté de l'imperméabilité des gaines, la béance des espaces lymphatiques endoneuriaux dont l'accès reste toujours ouvert aux fibres nouvelles. Ces objections toutefois ne peuvent pré- valoir contre des faits bien observés. H faut donc admettre ici que la cause du désaccord gît dans la différence des dates. Ranvier et Johnso7i ont examiné leurs animaux après un délai maximum de trois mois, tandis qu'il s'est écoulé généralement chez les miens entre l'opération et l'autopsie un laps de plus d'une année. 2° Dans les cas les plus heureux, des névricules de nouvelle formation déjà complètement organisés atteignent le bout périphérique et s'y engagent. Ils cheminent dans la substance épineuriale et descendent jusqu'à une assez grande distance du moignon. Mais le fait n'est pas commun. Je l'ai rencontré chez le chien qui a fait le sujet de mon premier travail. Il s'est également produit chez le chien II, côté gauche, et chez le chien XI. Mais encore, chez le chien n, n'y avait-il qu'un seul névricule qui fût parvenu à s'introduire dans le bout péri- phérique pour l'abandonner d'ailleurs presque aussitôt. Chez le chien XI, les névricules nouveaux étaient assez nombreux et se prolongeaient assez loin dans le poplité interne. Ils présentaient cette particularité que nulle part ils ne se con- fondaient avec le système névriculaire ancien; ils formaient en effet deux groupes parfaitement distincts occupant respective- ment les deux extrémités du diamètre transversal du cordon. Chose remarquable, dans ce cas, les anciens névricules ne renfermaient pour ainsi dire que des fibres dégénérées. C'est- à-dire qu'il s'était produit une revivification du funicule péri- phérique mais non de ses névricules. Dans aucun cas d'ailleui's ces névricules nouveaux n'ont pu être poursuivis jusqu'à l'extrémité du membre. RÉGÉINÉRATION DES NERFS. 223 VI. Bout périphérique. Autant les faisceaux de provenance centrale ont à subir des fortunes diverses, autant est fatal le sort réservé aux fibres du segment périphérique. Celles-ci sont vouées à la dégénéres- cence et rien ne peut les en préserver. Lorsque peu de temps après la section — j'entends après un délai minimum de 5 jours (i) — on y rencontre des tubes vivants, ou bien ces derniers sont des fibres récurrentes ou bien des éléments origi- naires du bout central. En réalité, le centre, c'est-à-dii^e les cellules ganglionnaires auxquelles aboutissent les cylindraxes, constituent en réalité un foyer de nutrition indispensable à la nutrition de la fibre qui succombe inéluctablement du moment où elle vient à en être séparée. Jusqu'ici, il est vrai, cette influence conservatrice du centre est restée absolument énigmatique. Passe encore pour le cylindraxe qui est une émanation directe de la cellule centrale ; mais où le problème devient tout-à-fait insoluble, c'est quand il s'agit d'expliquer l'altération de la cellule conjontive inter- rannulaire qui enveloppe le cylindraxe et lui fournit la série de ses gaines. Admettre qu'à son tour le cylindraxe est indispensable à la nutrition de ces éléments ne ferait reculer la difficulté : ce serait tomber d'une hypothèse dans mie autre, d'autant plus que l'altération de la gaine semble précéder celle du cylindraxe. Quoi qu'il en soit de sa raison dernière, la dégénération des terminaisons nerveuses isolées du centre s'opère suivant une formule bien définie. Elle passe par une série régulière d'alté- rations qui aboutissent en dernier ressort, pourvu que le délai soit suffisamment long, à une obsolescence complète. Seule, la gaîne de Schwann, qui n'appartient pas en propre à la fibre, se maintient avec ses noyaux. Ces différentes phases ont été indiquées déjà dans mon (i) Voir mon premier mémoire. 224 C. VANLAIR. premier travail (i) : ce sont les états granuleux, noduleux et atrophique. Quant aux gros agglomérats granuleux dont j'ai noté également l'existence et que j'ai figurés dans le même mémoire (pi. XIX, 5 et 6), je ne les ai presque jamais observés chez mes derniers chiens. Par contre, j'ai rencontré beaucoup plus communément la dégénérescence atrophique. Ce qui tient vraisemblablement à la différence des délais écoulés entre la section nerveuse et l'autopsie. Dans le premier cas, le délai n'était que de quatre mois; ici, il a toujours dépassé un an. J'avais déjà signalé cette pai^ticularité que les portions terminales du nerf étaient celles où se rencontrait de préfé- rence le type atropliiqiie. J'ai pu faille ici sur une plus large échelle la même observation. D'où il faudrait induire que la dégénération wallérienne, à l'encontre de ce que professent encore beaucoup d'auteurs, ou bien entreprend les parties périphériques avant les parties centrales, ou bien y subit une involution plus rapide. Les observations de Gessler(^) semblent plaider eu faveur de la première éventualité. Dans la seconde hypothèse, la cause du dyschronisme en question devrait être cherchée surtout dans des influences d'ordre local : peut-être dans la gracilité des faisceaux et la minceur des gaines, condi- tions qui paraissent de nature à faciliter la résorption des produits dégénérés. J'ai pu noter enfin, dans ces fibres atrophiques, une luxuria- (i) Depuis lors, Cajo Peyrani a exécuté sur les lésions de la dégénéres- cence après les sections nerveuses des recherches que j'ai déjà eu l'occasion de citer. Pitres et Vaillard ont également étudié de très près les altérations des névrites non traumatiques et ont nettement distingué dans leur travail les différents types morphologiques de la dégénérescence. (2) H. Gessler. {Untersuchungen ûber die lelzten Endigungen der moto- rischen Nerven im quergeslreiflen Muskel und ilir Verlialten nach Durcli- schneidung der Nervenstàmme. Deutsches Archiv f. kl. Med. XXXIII, 4:2, 1883) a vu qu'après les sections nerveuses, c'était par l'arborisation termi- nale amyélinique des filets musculaires que débutait la dégénérescence et qu'ensuite seulement elle gagnait les fibres terminales et de là le tronc nerveux. RÉGÉNÉRATION DES NERFS. 225 tion remarquable des éléments cellulaires, laquelle favorise aussi sans aucun doute la reprise des résidus myéliniques. L'atrophie dont je viens de parler a pour effet de réduire les dimensions transversales des faisceaux nerveux et de leur donner en même temps un aspect grisâtre, translucide. Ils deviennent par là moins visibles et ne peuvent être poursuivis jusqu'à leur extrémité terminale qu'avec une extrême diffi- culté. Mais pas plus ici que pour le bout central, il ne serait légitime de conclure de l'aspect macroscopique aux qualités histologiques du nerf. La portion du segment périphérique la plus rapprochée du centre peut en effet, nonobstant l'altéra- tion granuleuse de sa myéline et la disparition de ses cylin- dres, se confondre assez facilement avec un segment de nerf normal. Et la distinction sera plus malaisée encore à établir entre un nerf atrophique d'une part et un nerf en voie de régénération de l'autre. Pitres et Paillard (i) ont déjà démontré, à propos de leurs névrites spontanées, la possibilité de cette confusion. Les nerfs malades n'offraient à l'œil nu aucune altération appré- ciable. Ds avaient gardé leur coloration normale et leur aspect chatoyant; ils n'étaient ni ramollis, ni œdémateux. Néanmoins leurs éléments présentaient tous les degrés de l'involution degenerative, depuis la fragmentation simple de la myélini jusqu'à l'atrophie la plus complète. C'est là une observation sur laquelle il m'a paru utile d'insister : elle nous donne le droit en effet de n'accueillir qu'avec une extrême réserve les résultats qui n'ont pas été soigneusement contrôlés par l'examen microscopique. Quant au sort définitif du segment périphérique, je l'ai fait connaître déjà à propos des terminaisons du prolongement central. Tantôt il reste dégénéré totalement et sans espoir de retour : toutes les fois, par exemple, qu'il reste hors de portée (i) Pitres et Vaillard. Contribution à L'étude des névrites périphériques non traumatiques. (Arch, de neurologie, 1883, nos \q ^ 17,) 13 226 .. e. VANLAIR. des fibres émanées du moignon central. Tantôt il subit une revivification partielle par la pénétration des fibres nouvelles dans les intervalles ou dans l'intérieur même de ses névricules. Tantôt enfin la substitution des fibres vivantes aux fibres mortes s'effectue d'une façon complète : le segment périphé- rique du nerf est alors morphologiquement reconstitué. Toute- fois, il ne s'agit jamais dans ces derniers cas d'une véritable résurrection des fibres dégénérées. Il semble même qu'il ne se produise pas de substitution proprement dite. Les fibres nouvelles s'engagent simplement dans les interstices lympha- tiques qui séparent les anciennes et ne font que cheminer à côté de ces dernières. Elles peuvent se prolonger ainsi, et elles le font toutes les fois qu'on leur en donne le temps, jusqu'aux extrémités musculaires et cutanées du funicule nerveux. Conclusions. Si l'on prend comme type l'ensemble des phénomènes mor- phologiques qui caractérisent la reproduction du sciatique chez le chien et si l'on cherche à en tracer le schéma d'après les faits observés sur des nerfs soumis à la section depuis plus d'une année, on arrive d'abord à cette conclusion que des lois constantes président aux premières phases de l'évolution géné- ratrice. Qu'il s'agisse d'une section simple ou d'une résection, que l'on ait employé ou non la suture, que celle-ci soit ou non tubulaire, le procès débute toujours de la même façon; il ne se diversifie que dans les stades ultérieurs. Dans tous les cas en effet, on observe, vers l'extrémité du bout central, une prolifération de la zone marginale des névri- cules, une obsolescence des fibres axiales, un exode des fibres nouvelles aboutissant à la formation, autour de chaque névri- cule en particulier, d'un manchon conjonctivo-nerveux, puis enfin, consécutivement à l'infiltration nerveuse de la gaîne, une fusion plus ou moins complète du champ néviiculaire avec la couche adjacente fortement neurotisée de la substance eudoneuriale. RÉGÉNÉRATION DES NERFS. 227 Examinés de près, ces pliénomènes présentent les particu- larités suivantes : La multiplication des cylindraxes commence relativement très-haut : de 2 1/2 à 1 1/2 centim. au dessus de l'extrémité libre du bout central. Elle a lieu par fissiparité et non par bourgeonnement latéral. La gaine médullaire commune n'a pas encore disparu que déjà chacun des nouveaux cylindraxes s'est enveloppé d'une gaîne myélinique propre. Quant à la maturation des fibres, elle progresse avec rapi- dité ; mais au lieu de marcher, comme on pourrait s'y attendre, du centre vers la périphérie, elle s'étend au contraii'e de la périphérie vers le centre. Toutefois, le volume des fibres nou- velles reste très-longtemps inférieur à celui des tubes nerveux physiologiques. De ces nouvelles fibres naissent ensuite des fibres secon- daires, tertiaires, etc., et cela parfois jusqu'à l'extrémité du membre. Mais il n'existe point, loin de là, de corrélation con- stante entre l'activité prolifératrice du bourgeon central et l'importance définitive de la production nerveuse. Celle-ci est déterminée par des conditions d'un autre ordre, notamment par la qualité des milieux dans lesquels devra végéter le nouveau nerf. - Le travail proliférateur est plus actif et plus avancé dans la zone marginale que dans les régions intérieures du névri- cule ; ce qui vraisemblablement résulte de l'épineurite et de la périneurite consécutives au trauma. L'obsolescence des fibres du bout central, qui commence déjà à un centimètre de son extrémité libre, ne se distingue généralement que par des différences secondaires de la dégé- nération des fibres du bout périphérique. Toutefois il est des cas où la conservation du cylindraxe a pu être constatée, plus d'un an après l'opération, jusqu'à l'extrême terminaison des fibres centrales. Dans les cas de ligature, le cylindraxe a subi une altération degenerative toute particulière consistant en une tuméfaction énorme mais irrégulière de sa substance propre qui perd en même temps une partie de sa réfringence. 228 e. VANLAIR. Li'exode commence naturellement par les couches internes de la gaîne névriculaire dont les lamelles s'écartent à l'avance par le fait de la prolifération et de la desquammation de leur revêtement endothelial. Une fois engagées dans l'épaisseur de la gaîne, les fibres nerveuses traversent toutes les stratifica- tions internes sous un angle très-aigu; puis, arrivées dans les couches extérieures, elles prennent une direction plus oblique, gagnent de là le tissu endoneuiial et se mettent à cheminer entre les faisceaux du tissu conjonctif. Ces derniers présentent, au surplus, une altération analogue à celle que subissent les lamelles du périnèvre. La couche conjonctivo-nerveuse périneuriculaire est d'abord mince et discontinue; puis elle s'épaissit et forme autour du névricule im véritable manchon. Encore ici, il semble qu'il se produise dans le tissu endoneurial une sorte de travail préli- minaire à l'arrivée des fibres. Dans tous les points qu'elles vont atteindre, il se forme à l'avance de petites protubérances conjonctives totalement dépouillées de graisse et appliquées par leur base contre la face externe de la gaîne. La structure du manchon dont je viens de parler est d'abord tubulaire, en ce sens que les fascicules nerveux y adoptent une direction sensiblement parallèle à l'axe du névricule lui- même. Plus bas la disposition devient aréolaire, c'est-à- dire que les fascicules nerveux, toujours séparés les uns des autres par des travées fibreuses d'une certaine épaisseur, se croisent dans tous les sens de manière à former comme un plexus microscopique. L'ensemble tend cependant à gagner la périphérie; au moins dans les cas ordinaires de section. Mais si l'on a imprimé au bout central une direction récur- rente, la formation nerveuse circumnévriculaire remonte au contraire vers le centre. Et lorsque le sciatique vient à pren- dre une position transversale, le manchon nerveux l'abandonne, pour conserver sa direction longitudinale, au moment où le cordon se fléchit. C'est-à-dii-e que les formations nerveuses secondaires peuvent affecter une direction tantôt centripète et tantôt centrifuge, mais toujours longitudinale. RÉGÉNÉRATION DES NERFS. 229 En d'autres termes leur trajet est toujours celui de l'inter- stice musculaire oii précisément la résistance se trouve être moindre que partout ailleurs. Cette influence du milieu se manifeste d'une manière non moins évidente dans une autre circonstance que j'ai itérative- ment notée au cours de ce travail. Je veux parler de Vengaî- nement nerveux des vaisseaux. J'ai constaté en efiet, à plusieurs reprises, que des tractus neuro-aréolaires se détachaient de la masse pour accompagner un vaisseau ou un groupe de vais- seaux autour duquel ils formaient un véritable étui ne différant du manchon périneuriculaire que par ses moindres dimensions. Il est même arrivé que cette gaîne nerveuse s'étendait au loin, plus loin même que les traînées périneuriculaires. Dans cer- tains cas, les vaisseaux en question étaient complètement obli- térés, soit par un épaississement de la tunique musculaire, soit par une prolifération diffuse de leur endothelium; ils ne renfermaient plus une goutte de sang. C'était donc uniquement à cause de la laxité relative du tissu sous-jacent à la gaine que les fibres nerveuses avaient choisi cette route. On est donc en droit d'affirmer que les fibres nerveuses de nouvelle formation ne peuvent progresser qu'à la condition de ne jamais rencontrer une résistance sérieuse. Ceci est si vrai que dans les cas de ligature, on voit la masse nerveuse péri- neuriculaire s'arrêter net devant l'obstacle que lui oppose le fil métallique jeté autour du cordon nerveux. Lorsque le point de section est atteint, au bout central succède le névrome de régénération. Celui-ci se constitue à la fois aux dépens du manchon péri- neuriculaire et des fibres nerveuses provenant directement des névricules centraux. La réalité de cette double origine ressort à l'évidence de la structure de la portion basale du névrome, les fascicules issus du manchon gardant leur position excen- trique et ceux de la seconde provenance occupant la région axiale du cone névromateux. Plus bas, les deux ordres de fibres se confondent et la »•■•* 230 C. VANLAIR. masse devient homogène. Elle prend alors une structure à peu près semblable à celle des névromes d'amputation et de cer- tains névromes spontanés. Elle se compose en effet presque entièrement de fascicules très-grêles, étroitement enchevêtrés, formés eux-mêmes de fibres fines, flexueuses et nattées. D'habitude, vers son extrémité inférieure, le feutrage névromateux tend à faire place de nouveau à une structure aréolaire analogue à celle de manchon. Sauf de légères variantes, tous les nerfs sectionnés se com- portent de la façon qui vient d'être indiquée. Mais à partir du moment où le névrome de régénération se trouve complète- ment organisé, le processus diverge. Tantôt la masse névromateuse reste stérile : elle se prolonge alors purement et simplement jusqu'à une certaine distance sans plus changer de structure et sans donner naissance à aucune formation ultérieure. Seulement l'élément nerveux y devient de plus en plus rare et finit par disparaître. D'autres fois, on voit se constituer aux dépens et dans l'intérieur même du névrome des faisceaux qui méritent déjà le nom de névrkules. Cette organisation, qui s'effectue rare- ment d'emblée, résulte d'un groupement longitudinal et systé- matique des fascicules du névrome et d'une maturation graduelle des fibres. A l'entour des névriciiles en question se rencontre encore une certaine quantité de tissu aréolaire qui ne s'épuise que lentement. Les névricules nouveaux eux- mêmes ne tardent pas d'ailleurs à se perdre, soit par une sorte de dispersion latérale, soit par la disgrégation de leurs faisceaux. Tout improductive qu'elle soit, cette formation névriculaire n'en offre pas moms un intérêt extrême, car elle met en pleine lumière la puissance réparatrice du tissu nerveux périphérique. Non seulement un nerf sectionné se montre apte à régénérer une multitude de fibres nerveuses, mais encore il parvient à tirer d'une formation aussi diffuse que celle du névrome toute une série de névricules physiologiquement organisés. RÉGÉNÉRATION DES NERFS. 231 Dans des circonstances plus favorables, lorsque par exemple le bout périphérique vient offrir aux névricules nouveaux une voie tracée à l'avance, ceux-ci s'engagent dans le champ épineurial et se prolongent dans le segment périphérique jusque bien au-dessous de la bifurcation du sciatique. Ils côtoient alors les anciens névricules, mais en se groupant en un ou plusieurs systèmes particuliers distincts des formations primitives. Lorsque les conditions sont encore plus avantageuses, il se produit en outre, lors de la rencontre avec le bout périphé- rique, une pénétration des fibres d'origine centrale dans l'inté- rieur même des névricules périphériques. Et cette fois les fibres nouvelles se prolongent presque invariablement jusqu'à l'extrémité du membre. C'est-à-dire que l'on obtient alors une revivification effective et complète des névricules dégénérés. Il ne semble pas qu'il s'agisse dans ces cas d'une substitu- tion proprement dite des éléments nouveaux aux éléments périphériques dégénérés. Ce serait en effet dans les interstices ménagés entre les anciens tubes et non dans les gaines de ces tubes que la pénétration aurait lieu. Cette intrusion, au reste, ne s'opère pas toujours de la même façon. Tantôt elle se fait en masse ; tantôt elle n'intéresse primitivement qu'un ou plu- sieurs segments névriculaires. Mais par contre, on constate que les éléments nouveaux qui s'introduisent ainsi dans les névricules périphériques appartiennent pour la plupart à la catégorie des fibres grêles. Chose remarquable, il ne faut qu'un très-petit nombre de fibres nouvelles pour effectuer la rénovation d'un bout péri- phérique tout entier. Chez les chiens dont le membre a été débité par tranches, j'ai pu m'assurer en effet qu'il ne restait plus dans l'interstice musculaii'e qu'un très mince rulan de tissu névromateux aux trois quarts sclérosé au moment du contact avec le bout périphérique. Et néanmoins ce maigre apport a suffi pour régénérer d'emblée toute une masse de névricules; il a pu même fom-nir par surcroît plusieurs petits manchons circumnévriculaires. Si, dans ces cas, la dissection 232 C. VANLAIR. du nerf eût été pratiquée comme d'habitude, on n'aurait point reconnu, à coup sur, la continuité des deux seg-ments et la revivification du bout périphérique eût constitué une énigme bien difficile à résoudre. De tout ce qui précède ressort la démonstration objective de la possibilité d'une régénération complète^ par drageonnement central, des nerfs péripliériqiies sectionnés. Il en résulte aussi qu'elle resterait imparfaite, au moins pour les nerfs d'une certaine longueur, si les névricules du segment séparé du centre ne venaient, à un moment donné, remplir vis-à-vis des fibres émanées du bout central l'office de conducteurs. Mais si une première régénération peut s'effectuer d'une manière aussi satisfaisante, il n'en est pas de même quand on exige d'un nerf régénéré une restauration nouvelle. Je n'ai pu réussir, en pareil cas, qu'à obtenir une reproduction limitée. A la vérité, les chiens que j'ai opérés ainsi pour la seconde fois ont été pris de suppuration et de marasme, et il n'est nullement impossible qu'en opérant après un plus long inter- valle et dans de meillem-es conditions, on ne réussisse à obtenir chez un seul et même animal toute une série de régénérations plus ou moins complètes. REGENERATION DES NERFS. 233 EXPLICATION DES FIGURES. La plupart des figures ont été dessinées à un grossissement modéré (Ocul. 3 obj. IV et VII H), puis réduites. Pl. VI. FiG. 1. Chien IV. Coupe transversale du sciatique près de l'extrémité inférieure du bout central. Montre le volume relativement énorme que peut acquérir le manchon péri- neuriculaire. 1, 1'. Manchons. 2, 2', 2". Névricules. 3, Graisse. Pl. VI. FiG. 2. Coupe prise au niveau de la première entaille chez le chien IX où le sciatique a subi une double rescision. 1. Ancien névricule épargné par la section. 2. Manchon neuro-aréolaire qui l'entoure. 3. Une artère entourée d'un manchon nerveux. 4. 4'. Masse neuro-aréolaire libre. 5. Névriculoïdes en voie d'organisation. Pl. VI. FiG. 3. Chien VII. Bovi périphérique. Chaque névricule ancien revivifié est entouré d'un manchon nerveux pro- venant du névrome de régénération. La coupe ressemble beaucoup à celle d'un bout central près du point de section. 1, 1', 1". Névricules. 2, 2', 2". Manchons. Pl. VI. FiG. 4. Chien II, côté gauche. Coupe longitudinale pratiquée dans l'axe du nerf et comprenant tout le segment inter- calaire. Faible grossissement. A. Bout central. B. Névrome de régénération. C. Zone d'organisation névriculaire. D. Segment périphérique. 234 e. VANLAIR. 1. Petit névrome développé sur le trajet même d'un des névricules de bout central. 2. Névricules centraux. 3. Cinq petits névricules nouveaux à directions variées, développés aux dépens du névrome de régénération. L'un d'eux occupe l'intérieur d'une petite formation neuro-aréolaire distincte située à la surface du funicule. 4. Névricules du bout périphérique d'abord obliques, puis parallèles à l'axe du nerf. Pl. VI. FiG. 5. Chien VI. Un névricule du bout central à un demi- centimètre de la section. On y distingue cinq régions concentriques : 1. Une masse axiale composée de fibres dégénérées avec interposition de quelques fines fibres nouvelles. 2. Une couche entourant la masse précédente, formée prin- cipalement de fibres nouvelles, non groupées, avec quel- ques fibres dégénérées. 3. Une couche marginale ne renfermant plus du tout de tubes dégénérés, mais en échange beaucoup de fibres en voie de multiplication formant déjà des fascicules analo- gues à ceux du tissu aréolaire. 4. Le restant de la gaine périneuriale infiltrée de fasci- cules nerveux. .5. Un segment particulier presque exclusivement formé de fibres grêles et à peu près exempt de dégénération [revivification segnientaire) . Pl. VI. FiG. 6. Autre exemple de restauration segmentaire, inverse du précédent. 1. Segment qui n'a encore subi qu'un commencement de revivification, alors que la rénovation est achevée par- tout ailleurs. Pl. VI. FiG. 7. Chien X. Bout périphérique. Revivification inégale d'un névricule. 1. Zone formée de fibres mûres et déjà systématiquement groupées. 2. Zone composée de fibres grêles, à peine myélinisées et uniformément disséminées. RÉGÉNÉRATION DES NERFS. 235 3. Restant d'une traînée périneuriculaire provenant du névrome. Pl. VI. FiG. 8. Chien IV. Une artère entourée d'un manchon neuro- aréolaire. 1. Artère. 2. Cercle aréolaire. 3. Cellules ffraisseuses. Recherches sur la morphologie des Xuniciers, EDOUARD VAN BENEDEN, Professeur à l'Université de Liège, ET Charles JULIN, Chargé du cours à la même Université. INTRODUCTION. Le mode de développement de la cavité du corps est devenu, dans ces dernières années, l'une des questions fonda- mentales de la morphologie animale. C'est au point que l'on a essayé de baser, sur des caractères se rattachant à sa genèse, la classification des Métazoaires. Pendant longtemps les Vertébrés seuls ont été étudiés au point de vue de l'organogéuèse. On savait depuis Pander (1) et vonBaër(2) que, chez les oiseaux, la cavité pleuro-péritonéale apparaît, dans le feuillet moyen, sous la forme d'une fente. Les résultats acquis, à une époque plus récente, relativement aux rapports de cette cavité avec les vaisseaux lymphatiques, chez plusieurs Vertébrés, l'existence de larges communications entre la cavité du corps et les vaisseaux sanguins, chez les Arthropodes, les Mollusques et les Vers, ont fait admettre que le cœlome se rattache directement au système vasculaire, et qu'il n'est, dans la plupart des cas, qu'un large espace lym- phatique ou sanguin, primitivement destiné à recevoir les produits de la digestion intestinale transudes à travers les 16 â38 ED. VAN BENEDEN ET Cfl. JULIN. parois du tube alimentaire. Les recherches embryologiques dont les invertébrés d'abord ont été l'objet, dans ces dernières années, ont amené une transformation complète des idées sur ce point. En 1864, Alexandre Agassiz (3) découvre que, chez les larves des Echinodermes, il nait deux diverticules latéraux aux dépens du tube digestif à peine ébauché. Ces culs de sac, d'abord en communication avec la cavité digestive, s'en sépa- rent ensuite, constituent alors deux vésicules closes, interposées entre le tube alimentaire et la paroi du corps, et donnent naissance d'une part à la cavité périviscérale, d'autre part à tout le système aquifère. Une disposition anatomique perma- nente chez beaucoup de Cœlentérés se montre donc transitoi- rement dans le cours de l'évolution des Echinodermes. Ainsi se trouve confirmée l'idée formulée dès 1848 par Leuckart (4), d'après laquelle l'appareil gastrovasculaire des Cœlentérés représenterait à la fois l'appareil digestif et la cavité du corps d'autres animaux. Metschuikow (5) fut le premier à mettre cette conclusion en lumière. En 1869, Metschuikow (6) confirme la découverte d'Agassiz en ce qui concerne l'origine de la cavité du corps des Echinodermes; de plus il constate, chez la larve Tornaria (Balcmoglossus), un second exemple d'une communication primitive entre la cavité digestive et la cavité du corps. Peu après Kowalewsky (7) décrit chez Sagitta un processus génétique très semblable, et, dès 1874 (8), il montre que chez les Brachiopodes, comme chez les Chœtogna- thes, l'archenteron se subdivise, dans le cours du développe- ment, en trois portions : la médiane devient le tube digestif de l'adulte ; les deux latérales représentent le mésoderme ; et leur cavité, primitivement ouverte dans la cavité digestive, devient la cavité du corps du futur animal. Butschli(9) confirma, en ce qui concerne le Sagitta, les données fournies par Kowalewsky. Dans un écrit de quelques pages, sobre de mots mais riche d'idées " Classification of the animal Kingdom „ , Huxley (10) cherche à établir que, si l'on s'en rapporte à leur genèse, l'on RECUERCUES SUR LA ÎVIORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 239 ne peut confondre sous une dénomination commune les espaces désignés sous le nom de " cavités du corps „. Morphologique- ment il y a lieu de distinguer trois catégories de formations cavitaires. Huxley propose de désigner sous le nom à' enterocèle les cavités qui procèdent, comme chez les Echinodermes, les Enteropneustes et les Chœtognathes, de diverticules latéraux de l'archenteron. Dans l'opinion de Huxley, ces cavités sont homologues aux portions collatérales de l'appareil gastrovas- culaire des Cœlentérés, peut-être aussi aux ramifications dendritiques de l'appareil digestif des Planaires et de quel- ques Trématodes. Quand la cavité du corps résulte de l'exten- sion progressive de fentes apparues dans une ébauche méso- blastique interposée entre l'ectoderme et l'endoderme Huxley la désigne sous le nom de schizocèle. (Aimélides, Mollusques, Arthropodes.) Un épicele se forme par introflexion de l'épiblaste. Cette dénomination est appliquée aux cavités péribranchiales des Tuniciers. A quelle catégorie de formations cavitaires répond l'espace pleuropéritonéal des Vertébrés? Huxley ne résoud pas cette question. Nous verrons plus loin quelle solution Balfour pro- posa, peu de temps après que Huxley l'eut soulevée. Dans le même volume du " Quarterly Journal „ qui contient la note de Huxley, Eay Lankester (11) se demande s'il existe vraiment une différence essentielle entre un entérocèle et un schizocèle. Il est parfaitement possible, dit-il, que, par oblitération cœnogénétique de la cavité des diverticules gas- trovasculaires,ces derniers apparaissent sous la forme d'excrois- sances solides et pleines, aux dépens desquelles se constituera le mésoblaste. Dans ce cas, le cœlome apparaîtra secondaire- ment dans les ébauches mésodermiques; il méritera le nom de schizocèle; mais n'en sera pas moins homologue à un entérocèle proprement dit. Il y aurait simplement altération secondaire du processus évolutif primitif. Lankester fait observer, d'autre part, que la découverte faite par F. E. Schulze(12) de vérita- bles espaces schizocéliens chez Sarsia tuhulosa, parle plutôt en faveur de la distinction originelle entre les deux genres de cavités. 240 ED. VAN BENEDEN ET CH. JULTN. Dans ses " Early stages in the development of Vertebrates „ (13) et plus tard dans sa monographie des Sélaciens (14), Balfour montre que, chez les Elasmobranches, le mésoblaste consiste au début en deux bandes cellulaires Tune droite, l'autre gauche, interposées entre l'épiblaste et l'hypoblaste. Ces ébauches, qui s'accroissent d'arrière en avant, naissent de l'endoderme et procèdent des lèvres du blastopore. Dans chacune des deux ébauches apparaît une fente cœlomique et celle-ci s'étend jusques dans la plaque vertébrale, jusques dans les protovertèbres, dont les parois engendrent la muscu- lature. Il est parfaitement possible, dit Balfour, que ces ébauches mésoblastiques des Sélaciens, qui siègent l'une à droite, l'autre à gauche du plan médian, qui se forment par le même processus que le mésoblaste de beaucoup de vers, soient équivalentes à des diverticules cœlomiques primitifs. S'il en était ainsi, la cavité du corps, primitivement double et secondairement unique, des Sélaciens et, par conséquent, des Vertébrés en général, tout en se formant à la façon d'un schizocèle, serait homologue à un entérocèle. Balfour fait observer que certains faits constatés chez les Echinodermes militent en faveur de cette opinion. Si, en effet, chez des Asterides et des Echinides, comme Agassiz et Metschnikow Font démontré, la cavité du corps et les canaux ambulacraires naissent de diverticules creux de l'archenteron, chez d'autres (Ophiura, Synapta), les espaces aquifères et la cavité du corps apparaissent secondairement dans des ébauches mésoblastiques pleines, nées des parois du tube alimentaire sous la forme de bourgeons. L'exactitude de cette manière de voir devait recevoir bientôt une pleine et entière confirm-ation par les mémorables découvertes de Kowalewsky (15) sur le développement de TAmphioxus. L'éminent embryologiste russe montra, en effet, que les protovertèbres de l'Amphioxus sont, au début, de simples diverticules de l'archenteron; que ces diverticules s'isolent ensuite pour devenir des vésicules closes, interposées entre l'hypoblaste et l'épiblaste, aux côtés de la corde dorsale RECHERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 241 et du tube médullaire. C'est aux dépens des parois épithéliales de ces saccules disposés en deux séries l'une droite, l'autre gauche, que se développent les muscles et les tissus con- jonctifs de l'Amphioxus; les cavités de ces saccules per- sistent dans la cavité du corps de l'Amphioxus. Il est donc évident que cette cavité est un enterocèle chez l'Amphioxus et il devient éminemment probable, dès lors, que telle est aussi la valeur anatomique des espaces pleuropéritonéaux des Ver- tébrés proprement dits. Tout récemment Hatschek (16) a repris l'étude du développement de l'Amphioxus; il a con- firmé avec éclat les résultats des travaux de Kowalewsky, en ce qui concerne l'origine du mésoblaste et de la cavité du corps des céphalochordes. Dans ses leçons sur les Invertébrés (17), Huxley revient à diverses reprises sur la question du cœlome. Il reconnaît la difficulté de distinguer dans tel ou tel cas si l'on a affaii-e à un enterocèle ou à un schizocèle, et réserve son opinion but le point de savoir s'il existe ou non une difi"érence essentielle et primordiale entre les deux genres de cavités. Ray Lankester, qui le premier avait émis, mais avec une sage réserve, l'hypothèse de l'identité essentielle du schizocèle et de l'enterocèle, se départit complètement de cette attitude, dans ses " Notes on the embryology of the animal Kmgdom, comprising a revision of speculations relative to the origin and significance of the germ-layers. „ (18) Pour lui, le mésoderme a partout et toujours la même valeur anatomique et la même origine : non seulement toutes les cavités du corps, mais les canaux sanguins et les lacunes lymphatiques quelle que soit leur genèse, sont essentiellement des espaces enterocéliens. Non seulement les epitheliums délimitant ces cavités, qu'elles se présentent sous la forme de larges espaces cavitaires, de canaux vasculaires ou de lacimes lymphatiques, mais aussi les globules du sang et de la lymphe, tout cela dérive des parois de diverticules gastrovasculaires et les cavités de tous ces espaces sanguins et lymphatiques ne sont qu'un enterocèle dont le développement a été modifié par cœno- 242 ED. VAN BENEDEN ET CU. JULIN. genèse : " According to the hypothesis just set forth, we must look, then, in all animals with a cœlom, that is to say, in all the higher animals, for parenteric growths, lateral masses of cells of the endoderm, the progeny of which can be traced in further development to the ejnthelium (the lining cell membrane), of all and any sanguiferous or lymphatic cavities or canals ami to the corpuscles floatijig in such cavities. „ Balfour est revenu lui aussi sur cette question dans deux travaux successifs. (19) Sans aller aussi loin que Lankester, il incline cependant à accepter les idées de ce dernier quant à l'unité originelle de la cavité du corps des animaux. Il est à remarquer toutefois qu'il laisse prudemment de côté la question de savoir jusqu'à quel point les vaisseaux sanguins et lympha- tiques peuvent être confondus, comme le fait Lankester, avec les cavités cœlomiques. Dans tous les cas où le mésoblaste apparait sous la forme de deux ébauches procédant des lèvres du blastopore, Balfour considère comme probable que ces for- mations sont homologues à des diverticules de l'archenteron. Tel serait le cas chez les Vertébrés, les Mollusques, les Bryozoaires, les Chœtopodes, les Géphyriens, etc. Il va même jusqu'à exprimer l'opinion que, partout où il existe une cavité du corps, celle-ci est virtuellement une dépendance de la cavité digestive. Mais il se demande si les animaux dépourvus d'une telle cavité tels que les platyhelmes, dérivent de formes pri- mitivement pourvues d'un enterocèle, qui se serait secondaire- ment oblitéré. Il doute qu'il en soit ainsi : peut-être, dit-il, les Triploblastiques comprennent-ils deux grandes divisions primordiales : l'une, celle des Vers parenchymateux, chez lesquels il n'existe pas de cavité du corps, l'autre, compre- nant tous les autres Métazoaires bilatéraux, chez lesquels deux diverticules cœlomiques se sont séparés de l'archenteron pour donner naissance à un cœlome. Quand, en 1881, parut le mémoire des frères Hertwig(20), SUI' la théorie du cœlome, l'origine et la signification des cavités périviscérales, leurs rapports avec le mésoblaste, leur impor- RECHERCnES SUR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 243 tance au point de vue de la classification du règne animal, avaient donc été discutés par différents auteurs. Les recher- ches des frères Hertwig sur l'organisation et le développement des Méduses, des Actinies, des Cténophores et des Choetogna- thes les conduisirent à aborder à leur toiu" l'examen de ces problèmes et à formuler dans un mémoire, désormais célèbre, une conception nouvelle de l'histoire évolutive des Méta- zoaires. L'étude des Cœlentérés les amène à établir une distinction fondamentale entre deux catégories de tissus : les epitheliums et le mesenchyme. Tandis que, chez les Hydroméduzaires et les Anthozoaires, tous les tissus musculaii-es et nerveux procèdent directement des epitheliums, que le mesenchyme ne se diffé- rencie guère et devient tout au plus une formation conjonctive, tantôt dépourvue, tantôt pourvue d'éléments cellulaires; chez les Cténophores, le mesenchyme intervient pour une large part dans la genèse des systèmes musculaires et nerveux. La structure des tissus, particulièrement celle des éléments musculaires, la forme, la texture, voire même le groupement des éléments anatomiques sont tout différents, suivant qu'ils procèdent directement d'un epithelium ou d'un mesenchyme. L'on peut par conséquent conclure de la structm^e à la genèse et vice-versa. Il existe donc, chez les Cœlentérés, deux modes bien distincts dans la manière dont l'organisme évolue aux dépens de la larve didermique (Gastrula ou Planula) : le type epithelial, pour nous servir des expressions des frères Hertwig, diffère totalement, à bien des points de vue, du type mésen- chymateux. Trouve-t-on, chez les autres Métazoaires, des différences de même ordre? Les auteurs résolvent affirmativement cette question : les Chœtognathes et les Mollusques nous mon- trent au plus haut point cette même opposition entre les deux processus évolutifs : chez les premiers, tous les tissus sont d'origine épithéliale; chez les Mollusques, les epitheliums primitifs, après avoir produit un mesenchyme, n'interviennent plus dans l'édification de l'adulte que pour produire, d'une part, 244 ED. VAN BENEDEN ET CH. JULIN. l'épiderme et ses dépendances immédiates, quelques glandes et certaines parties du système nerveux, d'autre part 1' epi- thelium digestif et ses glandes. Toute la musculature, une partie du système nerveux, les produits sexuels et peut être même les organes urinaires dérivent, comme les tissus con- jonctifs, les éléments sanguins et les revêtements des cavités internes, d'un mesenchyme primitif. Les auteurs montrent comment des diiférences essentielles dans l'organisation, la structure des tissus, et jusqu'au faciès et au mode de loco- motion de l'adulte, sont en accord avec le mode de déve- loppement de la cavité du corps. Chez les Chœtognathes, il se forme un entérocèle; chez les Mollusques, un schizocèle. Chez les Chœtognathes, la cavité du corps, primitivement en communication avec l'intestin, est délimitée de toutes parts par un véritable epithelium; on peut y distinguer un feuillet splanchnique et un feuillet somatique, et le mode de genèse de ces feuillets entraîne, comme conséquence, la formation de deux mésentères, l'un dorsal, l'autre ventral, qui fixent l'intestin à la paroi du corps. C'est aux dépens de quatre couches épithéliales que s'édifie l'organisme d'un Chœtognathe : les muscles et les nerfs moteurs naissent du feuillet soma- tique du mésoblaste; les produits sexuels se forment aux dépens de ces mêmes couches épithéliales ; à leur maturité, ils tombent dans l'entérocèle pour être éliminés ensuite. La couche musculaire est, en définitive, un epithelium partiellement trans- formé en fibrilles longitudinales; celles-ci, groupées en lames musculaires, sont toutes parallèles les unes aux autres et naissent toutes d'un seul et même côté de l'épithélium. Tout autre est le développement d'un Mollusque; et les différences dans l'histoire ontogénique entraînent une toute autre organisation^ un tout autre faciès, voiï^e même un tout autre mode de locomotion chez l'adulte. Chez les Mollusques un mesenchyme s'interpose entre l'épiblaste et l'hypoblaste de la Gastrula. Il occupe un large espace qui résulte de l'écartement des deux feuillets primordiaux de la larve; cet espace, auquel Claus a appliqué le nom de cavité primaire du RECriERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 245 corjos (21), que Huxley a appelé uu blastocèle, est aussitôt envahi par le mesenchyme. Les auteurs ne résolvent pas la question de savoir si le schizocèle de l'adulte est un reste du blastocèle primitif, ou s'il est un système de lacunes et de cavités creusées secondai- rement dans le mesenchyme ; quoi qu'il en soit, la cavité du corps du Mollusque n'a rien de commun avec un entérocèle ; jamais elle ne communique avec le tube digestif; elle est un système compliqué de lacunes creusées dans le mesenchyme, et tout au plus délimitées par un endothelium, jamais par uu véri- table epithelium; ces lacunes constituent une seule et même formation avec les espaces sanguins, qui communiquent toujours, dès le début, avec les espaces plus considérables auxquels on réserve le nom de cavités du corps. Jamais il n'existe de vrais mésentères. Les fibres musculaires sont des cellules différen- tiées du mesenchyme : ce sont des fibres-cellules, fusiformes ou ramifiées, s'entrecroisant dans toutes les directions; tout au plus forment-elles des faisceaux ou des couches chez les mol- lusques les plus élevés; mais ces faisceaux et ces couches elles-mêmes s'enchevêtrent et constituent des tissus inextri- cables. La substance musculaire n'est jamais decomposable en fibrilles. Une partie du système nerveux se développe aux dépens du mesenchyme. L'appareil sexuel procède du môme tissu fondamental; et les produits sexuels, au lieu de tomber dans la cavité du corps, sont éconduits par un système de canaux dépourvus de toute communication avec le schizocèle. Après avoir analysé toutes les différences qui se manifes- tent entre les Choetognathes et les Mollusques, entre ces deux groupes de Métazoaires bilatéraux, dont l'un se rapproche du type epithelial réalisé chez les Hydromédusaires et les Actiniaires, l'autre du type mésenchymateux des Cténophores, les frères Hertwig signalent les Echinodermes pour montrer que, chez certains Métazoaires, les processus évolutifs si diffé- rents rencontrés chez les Chœtognathes d'une part, les Mollus- ques de l'autre, peuvent se montrer réunis. Chez les Echino- dermes on trouve à la fois un mesenchyme très développé et des 246 ED. VAN BENEDEN ET CH. JULIN. diverticules cœlomiques ; ce dernier caractère est considéré comme rapprochant davantage les Echinodermes des Chœ- tognathes : rien de comparable à un cœlome ne se présente chez les Mollusques. Des faits que nous venons de» résumer et qui sont magis- tralement développés dans leur mémoire, les frères Hertwig tirent trois conclusions : 1/ Sous le nom de mésoderme on a confondu des formations fort diverses : le mésoderme peut consister exclusivement en un mesenchyme primitif, une substance fondamentale parfois dépourvue, le plus souvent pouiTue de cellules disséminées ; ce mesenchyme peut atteindre, par differentiation histologique, un haut degré de complication (Cténophores, Mollusques). Dans un second cas, le mésoderme se constitue de deux feuillets épithéliaux délimitant un enterocèle (Chœtognathes) ; les auteurs veulent réserver à un semblable mésoderme le nom de mésohlaste. Enfin un mesenchyme peut coexister avec un véritable mésoblaste dérivé de l'archenteron (Echinodermes). 2/ D'après leur genèse, les tissus peuvent être rangés en deux catégories, suivant qu'ils procèdent d'un mesenchyme ou qu'ils dérivent directement de couches épithéliales. Chaque feuillet est susceptible des differentiations les plus diverses. 3/ Les différences dans les premiers phénomènes du déve- loppement et plus particulièrement dans le mode de forma- tion du feuillet moyen se font sentir dans la constitution définitive de l'organisme et jusques dans la structure de leurs tissus. Un schizocèle a une origine toute différente de celle d'un enterocèle. Ces cavités peuvent se distinguer l'une de l'autre même par les caractères qu'elles affectent chez les animaux adultes. Mettant largement à contribution les connaissances acquises relativement à l'organisation et au développement des animaux, recourant à l'ensemble des faits acquis en matière d'anatomie animale, d'histologie et d'embryologie, les auteurs passent successivement en revue les principaux types d'organisation, RECHERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 247 et ils en arrivent à diviser en deux grands groupes les Méta- zoaires à symétrie bilatérale. Ils rapprochent des Mollusques, les Bryozoaires, les Rotateurs et les Plathelmintlies et propo- sent de les réunir sous la dénomination commune de Pseudo- cœUens. Quant aux Brachiopodes, aux Entéropneustes, aux Anné- lides, aux Nematodes, aux Vertébrés et aux Arthropodes, ils sont considérés comme plus semblables aux Chœtognathes et réunis avec ces derniers et les Echinoderraes sous le nom de Eniérocœliens. On peut reprocher aux frères Hertwig d'avoir négligé de tenir compte de bon nombre de faits difficiles à concilier avec leur système. Balfour et plusieurs autres auteurs ont élevé contre la théorie du cœlome des objections graves. Nous sommes de ceux qui pensent que l'application de cette théorie à la classification du règne-animal ne résistera pas à la criti- que. Mais quelle que soit l'opinion que l'on peut se faire sur la valeui^ des conséquences que les Hertwig ont tirées de leurs prémisses, quoi que l'on puisse penser de la légitimité des rap- prochements qu'ils ont établis, l'on sera à peu près unanime à reconnaître que la publication de la théorie du Cœlome a été un immense service rendu à la morphologie; le mépris que Dorhn (23) paraît professer pour ce genre de travaux ne sera pas partagé par beaucoup de morpliologistes. Ce livre a jeté une vive lumière sur une foule de questions obscures; il a soulevé quantité de problèmes nouveaux; il a donné à bon nombre d'entre eux des solutions satisfaisantes et, à notre avis, définitives. Parmi les lacunes que présente l'ouvrage, on peut signaler le défaut de renseignements précis sur la place qu'il convient d'attribuer, dans le système, au groupe des Tuniciers. Aucun chapitre spécial ne leur est consacré, les faits connus relatifs à leur organisation et à leur développement ne sont pas discutés, et c'est avec une extrême réserve, et sans en indiquer les raisons, que les auteurs rangent les Urochordes parmi les vers Entérocéliens. Nous lisons à la page 109 : " Zu deu letz- 248 ED. VAN BENEDEN ET CH. JULIN. tereii (den Enterocœlier) rechnen wir die iibrigen Wiirmer, nàmlich die Nematoden, Chœtognathen. BracMopoden, Anne- liden (inclusive der riickgebildeten Formen der G-ephyreen), die Enteropneusten und tvahrschemlich audi die Tunicaten, ausserdem noch die Stâmme der Echinodermen, Arthropoden und Vertebraten. „ Ce peu d'attention accordé aux Tuniciers peut paraître singulier au premier abord; la forme dubitative sous laquelle les frères Hertwig se prononcent sur la place qu'il convient d'attribuer à ces animaux, ne laisse pas que de causer quel- qu'étonnement, quand on songe au nombre et à la valeur des travaux qui ont eu pour objet l'étude de l'organisation et du développement des Tuniciers. Mais on peut se rendre compte des difficultés qui se sont présentées à l'esprit des auteurs, quand ils se sont demandé ce qu'ils devaient faire des Tuniciers. L'histoire de ces animaux offre encore, parti- culièrement sur les points qui importaient le plus à l'appli- cation de la théorie, des lacunes considérables. Les faits connus relatifs à leur organisation cadrent mal avec la solution qui consiste à ranger les Tuniciers parmi les Entérocéliens. Ne présentent-ils pas un mesenchyme typique remarquablement développé? Où trouver chez eux une cavité comparable à un Entérocèle? La musculature de l'adulte, tant par la structure que par le groupement des éléments dont elle se constitue, n'est-elle pas bien mieux comparable à celle d'un Mollusque qu'à celle d'un Entérocélien? Eien ici de compa- rable à des organes segmentaires ; les organes génitaux sem- blent se former aux dépens de cellules du mesenchyme (Kowalewsky, Pérophore)(22); les œufs et les spermatozoïdes sont éconduits, comme chez les Mollusques, par des canaux qui ont toute l'apparence de conduits glandulaires. Les espaces sanguins, énormément développés, sont bien probablement, comme chez les Pseudocéliens, des restes d'un blastocèle primitif. Si Kowalewsky, suivi par quelques auteurs plus récents, a cru voir dans la cavité péribranchiale des bour- geons, un véritable entérocèle, les faits bien autrement impor- RECHERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 249 tants pour la phylogénie, révélés par l'étude du développement de la larve, démontrent clairement qu'il s'agit ici d'un épicèle, dans le sens que Huxley a accordé à ce mot. Tous ces faits devaient tendre à rapprocher les Tuniciers des Pseudocéliens. D'un autre côté, si comme il semble résulter si clairement des travaux de Kowalewsky (24) et de Kupffer(25) les Tuni- ciers sont apparentés aux Vertébrés, comment pourraient-ils être des Pseudocéliens? Si les Vertébrés sont des Entérocé- liens, les Tuniciers, à supposer qu'ils aient avec les Vertébrés les affinités que l'on suppose, doivent être dans le même cas. Et de fait, si toute l'organisation de l'adulte plaide contre cette conclusion, il est certain que les muscles de la queue de la larve et ceux des appendiculaires rappellent singuliè- rement par leur genèse, leur structure et leur texture le type des muscles épitliélioïdes. Suivant donc que l'on considère l'organisation ou le déve- loppement, pour autant qu'il soit connu, l'on se décidera dans un sens ou dans l'autre, alors que, d'après la théorie, l'on devrait pouvoir conclure de la structure à l'évolution et vice-versa. Cette même difficulté se présente pour d'autres groupes, voire même pour celui dont les Hertwig ont fait le type de leurs Pseudocéliens. La trochosphère des Mollusques diffère bien peu de celle des Annélides, et ce fait restera l'une des objections les plus gi^aves de toutes celles que soulève la théorie. Mais encore faut-il reconnaître que l'opinion de Lankester et de Balfour, qui voient dans les ébauches méso- blastiques des Mollusques, les équivalents de deux diverticules cœlomiques n'est qu'une pure hypothèse. A aucun stade du développement, et chez aucun Mollusque, pas même chez la Paludine, le caractère epithelial ne se manifeste d'une manière évidente dans les ébauches du feuillet moyen. Nous verrons qu'il n'en est pas de même chez les Tuniciers : le carac- tère epithelial des ébauches musculaii^es de la larve, telles que Kowalewsky les avait fait connaître, ne peut être con- testé. Aussi les Hertwig inclinent-ils à faire des Tuniciers des entérocéliens, oubliant que l'oi'ganisation de l'adulte paraît 250 ED. VAN BENEDEN ET CH. JULIN. bien difficilement conciliable avec cette manière de voii-, et que, par conséquent, l'étude des Tuniciers démontre le peu de créance qu'il faut accorder au principe d'après lequel on pour- rait du développement conclui^e l'organisation et vice-versa. L'un de nous (Edouard Van Beneden) avait clierclié, en 1880, pendant un séjoui- à Leerwig (Norwège), à élucider plus complètement la question du mésoderme des Ascidiens. La Corella parallelogramma est extraordinairement commune dans cette localité; elle est à maturité sexuelle en août et sep- tembre, et ses œufs se prêtent merveilleusement à l'étude du développement. Ayant découvert le fait important que le plan de symétrie de la larve se dessine dès le début de la segmen- tation, et entrevoyant une série de conséquences à tirer de ce fait quant aax rapports entre la struc,ture de l'œuf et l'orga- nisation de l'adulte, il se consacra tout d'abord à l'étude des stades successifs de la segmentation. Un beau jour, le matériel vint à faire défaut; les Corelles continuaient à pondre, mais les œufs ne se développaient plus normalement : les segmenta- tions se faisaient irrégulières et il devint impossible d'obtenir de nouvelles éclosions. Peut-être cette contrariété était-elle due à ce que les Corelles avaient cessé de produire des sper- matozoïdes. L'on sait que, chez beaucoup d' Ascidiens, l'appareil mâle entre en fonction et produit déjà abondamment des sper- matozoïdes, alors que l'ovaire est encore à l'état rudimentaire. Peut-être les testicules cessent-il de produire alors que les ovaires restent encore en activité. Quoi qu'il en soit de cette hypothèse, il lui fallut quitter Leerwig sans avoir pu élucider la question de l'origine du mésoblaste. Le livre des frères Hertwig parut dans le cours de l'hiver suivant. Le peu d'attention que ces auteurs avaient accordée aux Tuniciers s'expliquait : on ne possédait que des renseigne- ments fort insuffisants sur la genèse du mésoderme, la struc- ture et le développement du péricarde et du cœur, des organes sexuels, des reins, des muscles, etc. Il était évident que l'étude de l'organisation et du développement des Ascidiens conduirait à des conclusions importantes pour apprécier la valeur de RECHERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TINICIERS. 251 la théorie du cœlome. Edouard Van Beneden se rendit à Naples, en avril 1881, pour y poursuivre ses recherches sur les Ascidiens. Il s'y occupa presqu'exclusivement de Tétude du développement des Ascidies simples et sociales et recueil- lit un riche matériel qu'il se proposait d'utiliser en vue de la publication d'une monographie des Ascidies simples et sociales dont Dohrn lui demanda de se charger, poui- la Faune et Flore de Naples. Il formula comme suit les conclusions de ses recherches : (26). " En vue de trancher la question de savoir s'il existe chez les Tuniciers une cavité du corps proprement dite (Enterocèle), j'ai recherché le mode de formation du mésoderme chez la larve et le développement du péricarde d'une part, des organes sexuels de l'autre, dans la larve et dans le bourgeon. Les espèces qui se prêtent le mieux, poui- élucider ces ques- tions, sont Phallusia mentula, Ph. mammillata, Giona intes- tinalis, Perophora Listeri et ClaveUna Bissoana. „ 1/ Le mésoderme de la larve se constitue de deux plaques latérales, l'une droite, l'autre gauche. Ces plaques se forment exclusivement dans la partie postérieure de l'embryon, aux dépens de l'endoderme primitif. — Chaque plaque mésoder- mique se constitue de deux parties. La partie postérieure, formée par une seule rangée de cellules, donne naissance aux cellules musculaires de la queue. La partie antérieure est cons- tituée, chez Perophora et chez ClaveUna, de deux rangées de cellules délimitant une fente qui s'ouvre dans le tube digestif; la voûte de ce dernier est formée par les cellules de la corde dorsale. — Cette partie du mésoderme apparaît donc comme un diverticule latéral du tube digestif primitif. Par le mode de développement de leur mésoderme, les Ascidies sont de vrais enterocéliens. „ 2/ Plus tard les cellules qui constituent la partie antérieure des plaques mésodermiques perdent leur caractère epithelial. Elles s'arrondissent, se séparent les unes des autres et se disséminent isolément entre l'épiblaste d'une part, le système nerveux central et l'hypoblaste de la cavité digestive de 252 ED. VAN BENEDEN ET CH. JULIN. l'autre. Elles ont alors les caractères des globules du sang de l'adulte. Les cellules qui forment le plancher du canal neuren- térique subissent la même transformation. — Ces cellules répandues dans une cavité formée par l'écartement de l'épi- blaste et de l'hypoblaste (blastocèle de Huxley) donnent naissance aj aux éléments cellulaires du sang, bj au tissu conjonctif, c/ aux muscles du tronc de l'Ascidie, dj au péri- carde, ej aux organes sexuels. „ Dans l'évolution du bourgeon de Perophora, les mêmes parties se développent aux dépens des globules du sang qui circulent entre la vésicule externe (épiblastique) et la vésicule interne (hypoblastique). „ 3/ Chez Peropliora adulte, la paroi du cœur est formée par une seule couche de cellules. Ces cellules d'apparence épitlié- liale ont la couche profonde de leur protoplasme transformée en fibrilles musculaires. Il n'existe pas d'endothélium endo- cardique, pas plus qu'il n'existe de paroi endothéliale aux vaisseaux. La paroi du cœur n'est que le feuillet viscéral du péricarde. Elle se continue aux extrémités du sac péricardique et suivant la ligne d'insertion du cœui^ avec la couche des cellules épithéliales qui constituent le feuillet pariétal du péricarde. — Tout le péricarde (feuillet pariétal et feuillet viscéral constituant le tube cardiaque) se développe aux dépens d'un amas plein de cellules mésodermiques. Ces cellules se disposent régulièrement en deux couches entre lesquelles apparaît une fente; celle-ci devient bientôt une cavité (cavité péricardique). Le feuillet interne s'incurve de façon à cir- conscrire une lacune qui se remplit de cellules libres (globules sanguins) et devient la paroi du cœur. 4/ Les organes sexuels, testicules et ovaires, de même que leurs canaux excréteurs, se développent aux dépens d'un petit amas plein de cellules mésodermiques (globules sanguins) d'abord mal défini, plus tard nettement circonscrit. Plus tard, il apparaît dans cet amas de cellules une cavité excentrique- ment placée qui s'étend rapidement, d'où résulte sa transfor- mation en une vésicule sexuelle. — L'organe est relié dès le RECHERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 253 début à la paroi du cloaque par un cordon mésodermique formé d'une seule rangée de cellules. Puis la vésicule sexuelle se divise en deux lobes: l'un externe devient l'appareil femelle, l'autre interne devient l'appareil mâle. Les deux lobes, creux l'un et l'autre, s'ouvrent dans la cavité commune. Celle-ci s'étend en un long boyau rempli d'un liquide homogène et délimité par une couche de cellules plates. — Ce boyau court entre l'intestin d'un côté, l'estomac et l'œsophage de l'autre. E se termine en cul de sac à ses deux extrémités. L'extrémité antérieure s'approche progressivement du cloaque. Au fur et à mesure qu'il s'allonge, le boyau se dédouble en deux canaux superposés et adjacents : l'externe devient l'oviducte, l'interne, le canal déférent. L'extrémité postérieure renflée du canal déférent est le testicule. Il est formé d'abord d'un lobe unique qui se subdivise plus tard en deux. Ceux-ci se subdivisent à leur tour en lobes testiculaires multiples. L'épithélium plat qui circonscrit la large cavité de l'oviducte passe, en un point voisin de son extrémité postérieure, à un epithelium germinatif caractérisé par la présence d'ovules primordiaux, qui font d'abord saillie dans la cavité de l'oviducte. Mais en se développant, ils s'engagent dans le tissu conjonctif ambiant, entourés par une couche de cellules épithéliales plates. Us forment alors des follicules appendus extérieure- ment à l'extrémité de l'oviducte. L'ensemble de ces follicules constitue l'ovaire. Quand l'œuf est mûr, il tombe dans l'oviducte. „ Tant que le cul de sac antérieur de l'oviducte n'a pas atteint le cloaque, le canal déférent débouche dans l'oviducte. Quand plus tard il s'est mis en rapport avec l'épithélium du cloaque, le canal déférent se sépare complètement de l'oviducte et les deux canaux, accolés l'un à l'autre, dans toute leur étendue, s'ouvrent dans le cloaque par des orifices distincts. „ Le développement des organes sexuels est le même chez Peropiiora Listeri (bourgeon) Clavelina Rissoana (bourgeon) et Giona intestinalis (larve). „ Il ressort de ces observations que si, d'une part, le méso- 17 254 ED. VAN BEiSEDEN ET Cil. JLLIN. derme se forme, tout au moins dans sa partie antérieure, comme chez l'Amphioxus, d'où il résulte que les Tuniciers sont évidemment des Entérocéliens, d'autre part, toute la suite de leur développement les rapproche des Pseudocéliens ; les cliver- ticules cœlomiques se transforment dans le cours du développe- ment individuel en un mesenchyme, identique à celui des Mollusques et il évolue comme chez ces derniers. Certaines cavités qui apparaissent dans ce mesenchyme, à la façon d'un schizocèle, paraissent homologues à des espaces Entérocéliens. Il n'y a donc pas lieu d'établir une distinction essentielle entre une cavité mésenchymatique et un entérocèle ou, tout au moins, certains espaces, nés dans le mesenchyme, peuvent être homologues à un entérocèle. C'est le cas notamment pour la cavité des organes génitaux. Si les Tuniciers sont Entérocé- liens par leur origine, Pseudocéliens par la suite de leur déve- loppement et par leur organisation, il est évident que la distinction systématique, établie entre Pseudocéliens et Enté- rocéliens, perd toute valeur. Ce qui n'est pas moins bien établi c'est que le mesenchyme d'un Tunicier n'est nullement homologue à celui d'une Méduse ou d'un Actiniaire et que les Hertwig ont confondu sous un même nom, en se fondant sur une apparence commune, des formations totalement différentes. C'est pourquoi, si Ton veut conserver le nom de mesenchyme pour désigner objectivement un type histologique, il faut établir, au point de vue morphologique deux catégories de mesenchymes : un mesenchyme primitif ou vrai (Hydromé- dusaii'es et Actiniaires) et un mesenchyme secondaire ou faux mesenchyme (Tuniciers), Pendant son séjour à Naples, en décembre 1881 et janvier 1882, Ch. Julin s'est surtout occupé de l'étude de l'organisa- tion et du développement de quelques Ascidies composées et aussi de la Clavelme de Risso. Il a réussi à préparer pour l'étude du développement de cette dernière espèce un riche matériel d'embryons et de bourgeons. La méthode qu'il a employée est la meilleure que nous connaissions sous la préparation des Tuniciers et tout spécialement pour la conser- RECHERCnES SUR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 255 vation des œufs et des larves. Elle consiste à traiter les Ascidies par l'acide acétique glacial pendant une ou quelques minutes, en proportionnant la dui'ée de l'action à la dimen- sion des objets; on achève de durcir par les alcools de plus en plus concentrés. La forme et jusqu'aux moindres détails de structure cellulaire sont admirablement conservés. Nous avons eu principalement recours à ce procédé pour préparer le maté- riel que nous avons recueilli, dans le cours des trois dernières années, pom- l'étude des Ascidiens de notre littoral. Nous avons poursuivi en commun, à partii' de l'année 1882, l'étude des Ascidies. Nous avons publié, dans trois mémoires successifs, nos recherches 1° sur la segmentation chez les Ascidiens, dans ses rapports avec l'organisation de la larve (2 7); 2° sur le système nerveux central des Ascidies adultes et ses rapports avec celui des larves urodèles(28); 3° sur le déve- loppement postembryonnaii'e d'mie Phallusie, Phalluâa sca- hroïdes (nov. sp.) (29). Dans le présent travail nous ferons connaître nos obser- vations : 1° Sur les premiers phénomènes du développement, depuis la fin de la segmentation, jusqu'à la formation du faux mesen- chyme ; 2° Sur la formation du cœur, du péricarde et des organes qui s'y rattachent, chez la larve et chez le bourgeon de la Claveline de Risso. Nous avons joint à cette partie du travail un chapitre relatif à la structure de la paroi cardiaque chez diverses formes de Tuniciers. 3° Sur la formation de l'appareil digestif. 4'^ Sur la formation des organes sexuels chez Perojjhora Listeri, Clavelina Bissoana et Phallusia scahroïdes. Nous avons consacré un chapitre spécial à l'ovogénèse. Il nous a paru utile de faire cette addition, à raison de l'intérêt d'actualité qui s'attache à ce problème, après les publications récentes de Fol, de Sabatier et de Roule. 5° Sur la formation des muscles du tronc, chez la Claveline, des tissus conjonctifs et des vaisseaux sanguins. 256 ED. VAN BENEDEN ET CH. JULIN. 6° Nous avons discuté, dans un chapitre terminal, les con- séquences que l'on peut déduire des faits acquis. Ce n'est pas seulement au point de vue de la solution des questions soule- vées par les publications de Huxley, de Lankester, de Balfour et des frères Hertwig que les Tuniciers méritent toute notre attention. Leurs affinités avec les Vertébrés sont dès aujour- d'hui si bien établies, que l'on ne compte plus guère d'oppo- sants à la conclusion qui ressort avec évidence des mémorables travaux de Kowalewsky. Mais la morphologie comparée des Tuniciers et des Vertébrés est bien loin d'être éclaircie, et l'on n'est pas encore près de s'entendre sur la nature des rapports qui les rattachent les uns aux autres. Après avoir été considérés au début comme les formes ancestrales dont seraient issus les premiers Vertébrés, les Tuniciers sont, aux yeux de quelques naturalistes, des Vertébrés dégénérés, voire même des poissons dégradés. Gegenbaur et Clans admettent un embranchement spécial des Tunicata; Balfour fait des Tuniciers, sous le nom de Urochordata, un sous embranchement des Chordés ; Lankester et avec lui Dohrn et son école les rangent parmi les Verté- brés ; Dohi^n, pour être logique, doit même en faire une sous- division des Poissons : les Tuniciers seraient aux poissons ce que les Sacculines sont aux Cyrrhipèdes, ce que les Copépodes parasites sont aux Copépodes libres. Avant de tirer de semblables conclusions, quant à la place qu'il convient d'assigner aux Tuniciers dans le système, il Importe, pensons nous, que l'on soit plus complètement édifié sur la morphologie des Ascidiens. Le magnifique travail que Hatschek a publié sur le déve- loppement de l'Amphioxus nous a si complètement initiés aux premières périodes de l'histoire de cet animal, qu'une comparaison détaillée avec les Tuniciers devient possible, à la condition toutefois que les études sur l'ontogenèse de ces derniers aient été poussées au même point. Les lecteurs jugeront si nous sommes autorisés à nous flatter d'avoir atteint notre but. RECHERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 257 CHAPITRE PREMIER. LE DÉVELOPPEMENT EMBRYONNAIRE DE LA CLA VELINA RISSOANA. Dans un précédent travail nous avons décrit la segmentation et la constitution de la Gastrula(27). Nousy avons montré que la moitié droite du corps de cette larve, à symétrie bilatérale parfaite, provient toute entière et exclusivement du premier blastomère droit, que la moitié gauche de la même larve dérive du premier blastomère gauche. Le plan de symétrie de la larve répond au plan de séparation des deux premiers blastomères. Le premier chapitre du présent travail n'est que la continuation de l'étude du développement de la Claveline, dont nous avons commencé l'exposé dans ce premier mémoire. Le plus jeune stade que nous étudierons ici est un peu plus avancé que le plus âgé de ceux que nous avons décrits dans notre travail siu- la segmentation. La figure la (pi. VII) montre l'embryon vu de dos; le blastopore, encore large- ment ouvert, s'ouvre à la face dorsale, plus près de l'extré- mité postérieure que de l'extrémité antérieure de la larve. Son bord antérieur est très apparent; il en est de même de ses limites latérales. Au contraire, son bord postérieur, qui répond à la surface convexe de deux grosses cellules portant le numéro 4 dans toutes les figures qui représentent cette même larve sous différents aspects, ne peut avoir l'apparence d'un ligne. La figure la représente l'ectoderme du côté de la face dorsale de la larve. Les contours de toutes les cellules ont été dessinés à la chambre claire et les dimensions des noyaux prises le plus exactement possible. L'on remarquera que les cellules qui avoisinent le blastopore et en général toutes celles qui siègent au milieu de la face 258 ED. VAN BENEDEN ET CH. JULIN. dorsale se font remarquer en ce qu'elles possèdent de très grands noyaux, tandis que les cellules des faces latérales, qui occupent les bords de la figui-e, possèdent des noyaux beaucoup moins volumineux. A ces différences dans les dimen- sions des noyaux correspond une différence marquée dans l'affinité du protoplasme de ces cellules pour les matières colorantes : dans toutes les larves de ce stade, traitées par le carmin boracique et suffisamment décolorées, les cellules dorsales à gros noyaux restent assez vivement colorées en rose, alors que les cellules ectodermiques des faces latérales et de la face ventrale ne présentent plus, dans leur corps protoplasmique, aucune trace de carmin. Enfin ces cellules dorsales ont une forme cuboïde, tandis que les cellules du reste de l'épiblaste sont plates. C'est ce qui ressort d'un coup d'oeil jeté sur les figures le, Id et le; le représentant la coupe optique sagittale et à peu près médiane de la même larve, Id et le des coupes transversales. Id en avant du blastopore, le au niveau de cet orifice. Nous désignerons dès à présent sous le nom de plaque médullaire la partie de l'épiblaste qui se constitue de cellules roses à gros noyaux; épidémie, le reste de l'épiblaste. L'étude des stades ultérieurs du développement justifiera suffisamment ces dénominations. n est facile de reconnaître, tant en avant que sur les côtés du blastopore, les limites de la plaque médullaire. En avant de cet orifice, la plaque se constitue de trois rangées trans- versales de cellules médullaires : la première se compose de six cellules; les deux suivantes, de huit chacune. Aux deux côtés du blastopore la plaque médullaire se compose, dans le sens transversal, de deux cellules, l'externe recouvrant en partie l'interne. C'est ce que montre bien la figure la, qui représente la larve vue de dos; cela résulte aussi de l'examen des coupes optiques représentées en le. Id et le. La figure le est très instructive en ce qu'elle fait voir comment les cellules médullaires externes recouvrent partiellement les internes. n est moins facile de déchiffrer comment les cellules sont RECHERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 259 groupées à l'extrémité postérieure du blastopore et de déter- miner leur signification. La figure la montre en arrière du blastopore deux grandes cellules en voie de division; elles portent le numéro 4; l'une d'elles siège à droite, l'autre à gauche du plan médian. Ces cellules superficiellement placées, en partie recouvertes par les cellules médullaires voisines, recouvrent elles même les deux petites cellules cunéiformes, que nous avons signalées à tous des stades de la segmentation et dont nous avons fait connaître la dérivation. La coupe optique (fig. le) nous montre que ces petites cellules cunéiformes, sous jacentes aux grandes cellules ovoïdes en voie de division, sont recouvertes en arrière par les cellules épidermiques posté- rieures et que celles-ci tendent à recouvrir aussi, d'arrière en avant, les grandes cellules ovoïdes, qui bordent en arrière le blastopore. Les caractères du protoplasme des cellules en voie de division et des cellules cunéiformes nous portent à croire qu'elles font partie les unes et les autres de la plaque médul- laii'e et l'étude des stades ultérieurs ne laisse aucun doute sur l'exactitude de cette détermination. S'il en est ainsi, l'ébauche du système nerveux central présente la forme d'un anneau ou plus exactement celle d'une bague chevalière, l'anneau élargi en une plaque en avant du blastopore se rétrécit progressivement sur les côtés et se réduit à son minimum en arrière de cet orifice. Cet anneau médullaire se trouve même déjà constitué, quand la Gastrula est encore largement ouverte. Au stade que nous avons représenté figure 11 de notre mémoire sur la segmenta- tion (27) il règne, sur tout le pourtour du blastopore, un anneau formé par des cellules cuboïdes, riches en protoplasme, très avides de carmin et remarquables par leurs noyaux volu- mineux. A ce stade déjà, l'extrémité postérieure de l'embryon se reconnaît facilement aux petites cellules cunéiformes qui siègent sous l'épiblaste. La coupe antéro-postérieui^e repré- sentée figure lia montre l'anneau élargi en avant et formé de trois rangées transversales de cellules, tandis que, en arrière du blastopore, il n'existe que deux cellules médullaires, 260 ED. VAN BENEDEN ET CH. JULIN. y compris la petite cellule cunéiforme. A ce stade, il n'existe encore, aux côtés du blastopore, qu'une seule rangée de cellules médullaires. C'est ce que montre bien la coupe transversale représentée figure lie, où l'on voit cette cellule engagée à la manière d'un coin, à faces latérales convexes, entre une cellule endodermique et une cellule épidermique, moulées sur elle l'une et l'autre. Il en résulte que dès le moment où l'invagination de l'endo- derme commence à se produire, dès le moment où la Gastrula devient reconnaissable, l'ébauche du système nerveux central se distingue déjà du reste de l'épiblaste, qu'elle affecte la forme d'un anneau répondant au pourtour du blastopore et siégeant à la limite entre l'endoderme et l'ectoderme. Cet anneau complet, élargi en avant du blastopore, se rétrécit sur ses côtés et à sa limite postérieure. En même temps que le blastopore se rétrécit, cet anneau médullaire gagne la face dorsale de la larve, le nombre des cellules qui le constituent augmente, sa plaque antérieure s'étend, mais sa forme ne change pas et ses rapports avec le blastopore restent ce qu'ils étaient. Endoderme. — Le feuillet interne de la Gastrula repré- sentée figure I h, c, d, e est formé partout par une seule assise de cellules. Mais il y a lieu de distinguer, dans ce feuillet, deux parties : la partie de l'endoderme qui est sous- jacente à l'anneau médullaire, est formée de cellules beaucoup plus petites que la partie qui est recouverte par l'épiderme proprement dit. La première affecte, comme la plaque médul- laire, la forme d'un anneau entourant le blastopore. Elle constitue Vébauclie commune de la notocorde et du mésoblaste; la seconde est l'hypoblaste proprement dit. La corde dorsale va se former aux dépens des cellules qui siègent sous la plaque médullaire, en avant du blastopore, près de la ligne médiane de l'embryon. En allant d'avant en arrière, on compte trois rangées transversales de cellules noto- cordales, comme le montrent les figures ïb, qui représentent une coupe optique horizontale de la larve, reposant sur sa face RECHERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TINICIERS. 261 ventrale et le, qui représente une coupe optique sagittale et à peu près médiane de la même larve. Ces cellules constituent la voûte de l'archenteron (fig. le). Les cellules qui siègent d'une part aux côtés du blastopore, d'autre part aux limites latérales de l'ébauche de la notocorde donnent naissance au mésoblaste futur. Mais il n'est pas possible de reconnaître, au stade que nous considérons, la limite entre l'ébauche de la notocorde et celle du futiu' mésoblaste. Les deux cellules qui occupent l'extrémité postérieure de l'ébauche commune de la notocorde et du mésoblaste se font remarquer par leurs dimen- sions exceptionnelles. Elles sont si semblables aux grandes cellules du futur hypoblaste, celles qui délimitent l'archen- teron en avant, en dessous et sur les côtés, qu'on pourrait tout aussi bien les rattacher à l'hypoblaste qu'au mésoblaste futur. Ces deux cellules sont désignées par le nombre 15 dans toutes les figures représentant la larve que nous décrivons. Il est à remarquer que l'ébauche commune de la notocorde et du mésoblaste était déjà bien reconnaissable au stade que nous avons représenté dans notre mémoii-e sur la segmen- tation, planche II, figure lia. Seulement l'anneau n'était constitué encore, sur le pourtour du blastopore, que par une seule rangée de cellules, aussi bien en avant que sur les côtés et en arrière du blastopore. Il ressort de là que, dès le moment où l'invagination d'où va résulter la formation de la Gastrula commence à se produire, l'on peut distinguer dans l'endoderme primitif, l'ébauche com- mune de la notocorde et du mésoblaste, de même que, dans l'ectoderme, la plaque médullaire se montre déjà bien diffé- rentiée. L'ébauche commune de la notocorde et du mésoblaste a, comme celle du système nerveux central, la forme d'un anneau, formé de deux moitiés semblables, entourant le blastopore et ces deux ébauches, adjacentes l'une à l'autre, sont en conti- nuité l'une avec l'autre au niveau de l'orifice et sur tout le pourtour de ce dernier. Les grandes cellules endodermiques postérieures marquent l'extrémité postérieure de l'endoderme 262 ED. VAN BEISEDEN ET CH. JULIN. de la larve, comme les petites cellules cunéiformes qu'elles supportent et avec lesquelles elles se continuent, marquent l'extrémité postérieure de la plaque médullaire. Planche VII, figures 2a, 20, 2c, 2d. Les figures 2a, 2h et 2c représentent une seule et même larve, 2a vue de dos, à la surface, de façon à montrer la plaque médullaire et l'épiderme ; 2b vue de dos, sur un plan plus profond, de manière à montrer une coupe optique horizontale intéressant la plaque notocor- dale; 2c vue en coupe optique sagittale, à peu près médiane. 2d représente une coupe transversale réelle d'une autre larve de même âge. Cette coupe, parfaitement transversale, passe en avant du blastopore. Toute la plaque médullaire s'est affaissée et en même temps incurvée, dans le sens transversal, de façon à constituer une gouttière antéro-postérieure, plus largement ouverte en avant, se rétrécissant progressivement en arrière. Les bords de la gouttière constituent deux bourrelets antéro-postérieurs sail- lants, qui se rejoignent en arrière du blastopore en une courbe semi-circulaire à concavité dirigée en avant. La constitution de ces bourrelets, que nous appelons bour- relets dorsaux ou médullaires, se voit dans la figure 2d, qui représente une coupe transversale réelle faite un peu en avant du blastopore. La plaque médullaire s'y montre con- stituée de cellules présentant les mêmes caractères qu'au stade précédent. Les plus externes sont en grande partie recouvertes par les cellules épidermiques voisines et les bour- relets dorsaux sont constitués par ces cellules médullaires externes et les cellules épidermiques qui les recouvrent. Les coupes faites plus en avant, sont semblables à celle que nous avons figurée, en ce qui concerne les formations ectoder- miques ; cependant la gouttière médullaire devient de moins en moins profonde, les bourrelets dorsaux de moins en moins saillants, et tandis que la coupe figurée montre dans la plaque RECHERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 263 médullaire quatre cellules seulement, les coupes faites plus en avant en présentent six. Il est fort difficile de déchiffrer sur des coupes transversales les dispositions cellulaires réalisées en arrière du blastopore. Nous n'avons pas réussi à obtenii- de bonnes coupes réelles bien sagittales de ce stade. Aussi nous bornerons-nous à décrire la coupe optique que nous avons représentée en 2c. En arrière du blastopore se voient quatre cellules superposées, qui se font remarquer en ce que leur protoplasme est avide de carmin et en ce qu'elles présentent de gros noyaux. La plus inférieure d'entre elles, est beaucoup plus petite que les autres; elle est engagée, à la manière d'un coin, entre la troisième de la série que nous considérons et une grande cellule endodermique sous jacente. La compa- raison de cette figure avec la figure le du stade précédent ne laisse aucun doute sur la valeur des quatre cellules situées en arrière du blastopore et recouvertes par l'épiderme. Elles constituent bien la portion terminale de la plaque médullaire et, si l'on compare la figure 2c avec la figure 3a, qui repré- sente une coupe optique correspondante du stade suivant, il devient évident, que cette partie terminale de la plaque médul- laire, située en arrière du blastopore, intervient dans la forma- tion de la voûte du canal médullaire, dans la partie postérieure de la larve. Notocorde. — La notocorde est beaucoup plus nettement séparée du reste de l'endoderme qu'au stade précédent, ce qui se reconnaît surtout bien distinctement dans les figures 2c et 2d, moins bien dans le dessin 2h, qui montre la plaque noto- cordale vue de dos. Elle est formée de quatre rangées antéro- postérieures de cellules (fig. 2d), sous-jacentes à la plaque médullaire. (Voir aussi fig. 26.) Sur une coupe optique sagittale (fig. 2c), aussi bien que dans la projection horizontale (fig. 2h) on reconnaît que chaque rangée antéropostérieure se constitue de cinq cellules. La rangée interne comprend les cellules portant, dans les deux figures, les numéros 16, 17, 18, 19 et 20. La dernière de ces cellules confine au blastopore, dont elle marque le bord antérieur. 264 ED. VAN BENEDEN ET CH. JULIN. Mésohlaste. — L'on peut distinguer dans le feuillet endo- dermique trois formations distinctes ; la notocorde, les deux ébauches mésoblastiques et l'hypoblaste ou epithelium digestif. La notocorde qui siège à la voûte de l'archenteron (fig. 2cZ) se constitue d'une plaque légèrement incurvée, à concavité dirigée en bas. A droite et à gauche de la notocorde l'endoderme se constitue de petites cellules. Ces cellules contribuent à délimiter la cavité archentérique qui se prolonge à droite et à gauche en deux diverticules latéraux (fig. 2d). Ces portions latérales de l'endoderme, constituent les ébauches de la partie anté- rieure du mésoblaste. Le plancher de l'archenteron est formé de grandes cellules chargées d'éléments deutoplasmiques, teintés en jaune. Ils donnent à ces cellules une apparence granuleuse toute parti- culière, qui se retrouve identique dans les cellules notocordales, tandis que les cellules mésoblastiques sont formées d'un proto- plasme finement ponctué, se colorant en rose par le carmin boracique, à peu près comme les cellules médullaires. Il ressort clairement de l'examen de cette coupe (fig. 2d) (12^ de la série) et des trois précédentes 1° que le mésoblaste se développe, comme la notocorde, aux dépens de l'endoderme de la G-astrula; 2° qu'il procède de deux diverticules laté- raux de l'archenteron, affectant au début la forme de deux gouttières antéropostêrieures, interposées entre l'ébauche notocordale et l'hypoblaste digestif de l'embryon. Les coupes transversales faites au niveau du blastopore et en arrière de cet orifice sont fort difficiles à déchiffrer. Les cellules 21 et 22 de la figure 2b sont certainement endodermiques par leur origine; il est probable qu'elles interviennent dans la forma- tion du mésoblaste; mais elles diffèrent beaucoup par leurs dimensions des cellules qui délimitent les diverticules cœlo- miques. On ne peut pas distinguer, dans les coupes transver- sales faites au niveau du blastopore ou en arrière de cet orifice les prolongements latéraux de la cavité archentérique. RECHERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 265 sxi^LnE III. Figures Sa, planche VII, coupe optique sagittale et médiaue ; 35, 3c, Sd, 3e, Sf, Sg, planche VIII, coupes réelles successives transversales, un peu obliques, d'une larve de même âge. 23 coupes ont été pratiquées à travers cette larve; 3& est la 8«; 3c la 11«; Sd la 13«; 3e la 15«; 3/" la 16«; 3g la 1S«. — Fig. 3h (planche VII) une autre larve de même âge vue de dos. Système nerveux. — La plaque médullaire incurvée en gout- tière, est limitée latéralement par des bourrelets dorsaux, de plus en plus saillants et de plus en plus rapprochés l'un de l'autre, à mesure qu'on s'éloigne de l'extrémité antérieure de la larve; elle forme en arrière un tube fermé, recouvert par l'épiderme. Toutes les coupes montrent les bords de la plaque médullaire se continuant avec l'épiderme, le long des bourre- lets dorsaux; en arrière le canal médullaire est délimité par des cellules médullaires, non seulement à son plancher et sur ses faces latérales, mais aussi à sa voûte. Sur aucune coupe on ne voit la disposition signalée, chez l'Amphioxus, par Kowalewsky(15) et par Hatschek(16), disposition que Seeli- ger(30) figure aussi chez la Claveline. Nous n'avons rien trouvé de semblable, ni à aucun stade du développement, ni en aucun point du corps larvaire. Comment la fermeture du tube médullaire s'est-elle faite dans la partie postérieure du corps? Si nous comparons le stade actuel avec le précédent, il nous paraît vraisemblable que les choses se passent comme Kowalewsky l'a décrit : nous pensons que la lèvre postérieure du blastopore s'est rapidement accrue d'arrière en avant, de façon à venir recouvrir la partie de la plaque médullaire située en avant du blastopore. Celle-ci devient le plancher du tube, tandis que sa voiite nait de la partie de la plaque médullaire qui siégeait en arrière du blastopore, dans la lèvre postérieure de cet orifice. La fermeture du tube médullaire, dans la partie postérieure de la larve résulterait alors avant tout d'un chan- gement de position des parties constitutives de l'anneau médul- laire primitif, accompagné d'un accroissement, résultant d'une 266 ED. VAN BENEDEN ET CH. JULIN. multiplication des cellules de la portion rétro-blastoporique de la plaque médullaire. Constatons que la gouttière médullaire est, à peu de chose près, également large dans toute sa longueur, comme le montre bien la série des figures 2b à 2/". Il n'y a guère de différences sous ce rapport entre la 13® et la 17« coupe. Dans toute la longueur de la larve la plaque médullaire, qu'elle constitue le plancher d'une gouttière ou la paroi d'un tube, se montre constituée de six cellules, dans une coupe transversale quelconque. Le fait que la coupe transversale du tube médul- laire se montre constituée de six cellules, tandis que, au stade précédent, l'on ne compte, immédiatement en avant du blasto- pore, que 4 cellules médullaires, confirme l'opinion que nous venons d'émettre quant à l'intervention de la portion rétro- blastoporique de la plaque médullaire dans la formation de la voûte du tube nerveux. Comme le montre clairement la figure 3a, le canal médul- laire débouche en arrière dans l'archeuteron. Kowalewsky a le premier fait connaître ce fait important; le canal neurenté- rique est cette partie du conduit qui contourne en arrière l'extrémité postérieure de la notocorde. L'on voit aussi, dans cette figure (3a), que le tube médul- laire, dans sa voiite aussi bien que dans son plancher est constitué par des cellules dont les noyaux contrastent, par leurs dimensions et par tous leui's caractères, avec les noyaux cellulaires des formations voisines. Le tube médullaire se con- tinue en arrière avec l'hypoblaste digestif; mais la limite entre les deux formations est très nettement indiquée par la cellule cunéiforme. Celle-ci ne diffère plus guère, par ses dimensions, des autres cellules médullaires. Notocorde. — L'ébauche de la corde dorsale constitue, à ce stade, un organe fort volumineux. Elle présente son maximum d'épaisseur à son milieu, et s'amincit vers ses deux extrémités (fig. 3a). En avant elle ne présente, en hauteur, qu'une cellule unique; dans le reste de son étendue elle montre dans son épaisseur deux cellules superposées. Dans sa largeui^ on dis- tingue quatre cellules comme le montre la figure 3/z qui repré- RECHERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 267 sente la plaque notocordale en projection horizontale. Dans les coupes transversales on voit en avant quatre cellules, plus en arrière six cellules (fig. 3b et suivantes). A son extrémité antérieure la notocorde se continue avec l'hypoblaste digestif, en arrière avec le plancher du tube médullaire (flg. 3a). La série des figures db, 3c, 3d, 3f, 3g montre que la noto- corde est en avant une plaque incurvée de façon à constituer une gouttière ouverte dans l'archenteron (figures 3c et 3d); plus en arrière elle constitue un cordon plein. Cependant la figure 3e permet de reconnaître encore une trace de gout- tière. H semble donc que le cordon plein se forme par incurvation progressive de la plaque notocordale ou, si l'on veut, par l'accolement des faces latérales de la gouttière ; la notocorde est donc un tube virtuel. L'étude des stades précédents et subséquents confirme cette manière de voir. Mésoblaste. — Le mésoblaste se constitue de deux bandes latérales de cellules. Les coupes figurées en 3c à 3g sont légèrement obliques. La figure 3c montre l'extrémité anté- rieure de la bande mésoblastique gauche, tandis que, à droite, la coupe passe en avant de l'extrémité antérieure du feuillet moyen. H ressort clairement de l'examen de la série des coupes, que les bandes mésoblastiques sont formées en avant de deux assises de cellules, tandis que, en arrière, ce feuillet n'est représenté que par une assise unique de cellules beau- coup plus grandes. En avant les ébauches mésoblastiques sont interposées entre l'hypoblaste intestinal et l'épiderme, tandis que, en arrière, le mésoblaste est formé par un assise unique de cellules, qui se continue en bas avec les cellules hypoblas- tiques. Elles diffèrent de ces dernières par des noyaux plus volumineux, plus pâles et par un protoplasme moins chargé d'éléments deutoplasmiques verdâtres. En avant, sui-tout à gauche, l'on distingue encore des indices manifestes du processus génétique qui a donné nais- sance au mésoblaste. Des deux assises cellulaires qui consti- tuent l'ébauche mésoblastique, l'une, interne, adjacente à 268 ED. VAN BENEDEN ET Cfl. JULIN. l'hypoblaste, se continue avec cette partie de l'endoderme qui forme le plancher de l'archenteron, l'autre externe, répondant au feuillet somatique se continue avec la plaque notocordale. Entre les deux se voit encore une trace du diverticule de la cavité archentérique. Cette partie latérale de la cavité de l'archenteron, s'étend virtuellement entre les deux assises mésoblastiques et représente la cavité cœlomique de la Cla- veline. En arrière, ce sont les portions latérales de l'endoderme primitif qui représentent les ébauches des plaques musculaires et l'on distingue déjà fort bien, au stade que nous considérons, la partie du mésoblaste qui va se résoudre en petites cellules rondes et plus tard engendrer les tissus conjonctifs et muscu- laires aussi bien que les éléments figurés du sang de l'adulte, de la partie qui va donner naissance aux cellules musculaires de la queue. SXADE} IV. Planche VIII, figure 4a, larve entière vue de profil. Le dessin représente la coupe sagittale optique de la larve. Le mésoblaste est projeté sur cette coupe sagittale. Figure 4i, la même larve vue de dos; le contour du système nerveux est seul indiqué. Il se projette en avant sur le tube digestif, en arrière sur la notocorde, dont les cellules sont dessiaées. Sur les côtés se voit le mésoderme formé en avant de petites cellules polyédriques, en arrière de grandes cellules. Les figures 4c, Ad, 4e, 4/", Ag, représentent des coupes transver- sales successives d'un larve de même âge. Ces coupes sont légèrement obliques. 4c représente la IS** coupe. Ad la 14^, 4e la 15«, àf la 16^ 4g la 18«. Système nerveux. — Il présente la forme d'un tube fermé dans la plus grande partie de sa longueur; il est ouvert seu- lement à son extrémité antérieure. Cet orifice représenté en Aa et Ah, a une forme triangulaire. Les bords latéraux, con- vexes se réunissent en arrière en un angle aigu ouvert en RÉCHÉRCUÈS SUR LA ^tORPllOLOGIE DES TUNICIERS. 2G9 avant. Son bord antérieur répond à la limite antérieure de la plaque médiillaii'e. Le tube présente à peu près le même diamètre transversal dans toute sa longueur. L'ébauche encé- phalique n'est pas encore séparée de l'ébauche de la moelle. Cependant le diamètre vertical du tube médullaire est un peu plus considérable en avant qu'en arrière (Fig. 4a.). Si l'on compare cette larve à celle que nous avons décrite en dernier lieu l'on constate que la gouttière médullaire qui, au stade précédent, présentait à peu près la même largeur dans toute son étendue, s'est maintenant transformée en un tube, dans la plus grande partie de sa longueur. Il est éminem- ment probable que l'occlusion de la gouttière se fait à peu près simultanément dans toute la longueur et que la fermeture s'opère par rapprochement progressif et soudure ultérieure des bom'relets dorsaux. Le processus de l'occlusion est un peu différent dans la région postérieure de la larve, où elle se fait par une sorte de relèvement de la lèvre postérieure du blas- topore, et dans la partie antérieure du corps, oii elle est le résultat d'un rapprochement progressif des bourrelets dorsaux. Dans toutes les coupes que nous avons figurées, la paroi du tube médullaire se montre constituée de 4 cellules : l'ime d'elles occupe le plancher, deux les faces latérales, une la voûte du canal (fig. 4c à 4(/). Au contraire, au stade précédent, chacune des coupes transversales de la plaque médullaire incurvée, aussi bien en avant où elle constitue le plancher d'une gouttière, qu'en arrière où elle forme la paroi d'un tube, montre six cellules médullau-es, trois à droite, trois autres à gauche du plan médian. Il s'est donc produit un déplacement, une sorte de chevauchement des cellules, en même temps que la fermeture du tube s'est opérée. Il est à remarquer cepen- dant que dans les premières coupes intéressant le système nerveux la plaque médullaire est encore formée de six cellules. C'est le cas, notamment au niveau de l'orifice antérieur du tube médullaire. Au début (l^"" stade décrit) la plaque médullaire ne dépas- sait guère en avant l'ébauche de la notocorde. Mais peu à peu 270 ED. VAN BENEDEN ET CH. JtJLiN. l'extrémité antérieure de la plaque médullaire progresse vers l'avant et, au stade que nous considérons, l'extrémité anté- riem-e de la notocorde est déjà fort en retrait sur la limite antérieure du système nerveux. A l'extrémité postérieure du corps la série des cellules qui forment la voûte du canal médullaire se continuent encore avec les cellules hypoblastiques qui représentent le plancher de la cavité archentérique dans la région de la queue. Mais l'extré- mité postérieure de la notocorde, en s'appliquant contre les cellules neurales, est venu clore le canal neurentérique : la cavité archentérique réduite ne communique déjà plus avec le canal médullaire. C'est ce qui se voit bien dans la figurée 4a. Notocorde. — La notocorde a une forme ovoïde. Elle con- stitue encore la voûte de l'archenteron. Son extrémité anté- rieure se continue en avant avec l'hypoblaste digestif f^fig. 4a). Soit qu'on l'examine de profil (fig. 4a) soit qu'on la voie de face, la larve reposant sur sa face ventrale, on reconnaît très distinctement deux rangées de noyaux dans la notocorde et les contours des cellules se montrent très nettement. La coupe transversale réelle, figurée en 4e, permet de reconnaître six cellules, trois droites et trois gauches, que l'on serait tenté, à première vue, de rattacher à la notocorde. A son extrémité antérieure (coupe précédente, fig. 4(Z) la corde se constitue de deux cellules seulement, une droite et une gauche. Plus en arrière (4/" et 4^) le nombre des noyaux que l'on trouve sur une même coupe varie de cinq à trois. Il est à remarquer qu'il est fort difficile d'obtenir une coupe parfaitement transversale. La notocorde affecte encore manifestement en avant la forme d'une gouttière (fig. 4e et 4/). Très large sur la coupe 4e, elle se rétrécit brusquement sur la coupe suivante 4/". Dans les coupes intéressant la portion postérieure de la larve la notocorde apparaît sous la forme d'un cordon plein (fig. Ag). Les cellules de la notocorde présentent toujours exactement le même aspect que les cellules hypoblastiques. La cavité archentérique délimitée en bas par l'hypoblaste, hecuërcues sur la morpuologih des TUNICIERS. 271 en haut par la notocorde, se réduit considérablement d'avant en arrière, la notocorde envahissant de plus en plus cette cavité. Dans la portion terminale de la larve cette cavité a complètement disparu, la notocorde s'appliquant immédiate- ment contre l'hypoblaste, réduit, dans cette région, à deux séries de cellules juxtaposées (fig. 4^). MésoUaste. — Il se constitue comme aux stades précédents de deux bandes cellulaires, siégeant aux faces latérales de la larve. Les coupes représentés en 4e et 4/" sont les seules qui permettent encore de reconnaître le processus génétique qui a donné naissance à ce feuillet. Les bandes mésoblastiques dépassent déjà légèrement en avant l'extrémité antérieure de la notocorde (4a, 46 et 4c). L'on peut distinguer dans chacune d'elles, mieux encore qu'au stade précédent, deux parties. La partie antérieure de chacune des bandes mésoblastiques est formée de petites cellules polyédriques disposées non plus en deux, mais en plusieurs assises cellulaires. Ce sont des amas cellulaires pleins dans lesquels on ne distingue déjà plus de disposition épithé- liale proprement dite (fig. 4c, 4d) et dont l'épaisseur diminue légèrement d'avant en arrière. Ils siègent sur les faces latérales du tube médullaire, et sont complètement séparés l'une de l'autre par le système nerveux en haut, la notocorde au milieu, le tube digestif en bas (fig. 4cZ et 4/). La partie postérieure des bandes mésoblastiques, au con- traire, est formée d'une assise unique de grandes cellules polygonales (fig. 4a, 4/" et 4^) appliquées sur les faces laté- rales de la notocorde. Ces bandes, que nous appellerons dès à présent, les plaques musculaires caudales, se continuent en bas avec l'hypoblaste digestif de la région caudale de l'embryon (fig. 4/- et 4^). Il ressort avec évidence de l'étude comparative des stades successifs que les plaques musculaires caudales sont des por- tions difi'érentiées de l'endoderme primitif, et que la cavité archentérique est encore représentée virtuellement, dans une coupe comme celle que nous avons figurée en 4.9, par une ligne â72 ED. VAN BENEDEN ET CH JULIN. sémilunaire à concavité dirigée tn haut et séparant la noto- corde d'une part, les plaques musculaires et l'hypoblaste de l'autre. Nous avons montré plus haut que la partie antérieure du mésoblaste se constitue, au début, de deux assises cellulaires, présentant l'une et l'autre un caractère epithelial. Ces assises, que nous avons appelées couche somatique et couche splanch- nique du mésoblaste, délimitaient une cavité communiquant avec la cavité digestive future. Il eut été important de pou- voir trancher la question de savoir laquelle de ces deux assises se continue, en arrière, dans les plaques musculaires caudales. L'examen du stade III ne nous a pas permis de trancher la question; mais l'étude attentive de la série des coupes du stade IV nous autorise à penser que c'est la série des cellules mésoblastiques adjacentes à la notocorde qui se continue en arrière dans les cellules musculaires caudales. L'on reconnaît en effet, dans la coupe figurée en 4/", (à droite) que les cellules adjacentes à la corde sont un peu plus volumineuses que celles qui sont immédiatement sous-jacentes à l'épiderme. Les trois cellules plus inférieures, se rapprochent, par leurs dimensions, des cellules musculaires de la coupe suivante. Sans vouloir affirmer que les coupes dont il s'agit démon- trent l'exactitude de cette manière de voir, il nous semble cependant qu'elles justifient cette opinion. Il en résulterait qu'il se forme des cellules musculaires caudales, même dans la partie antérieure du mésoblaste. Tiée digestif. — De même que la larve montre déjà les premiers indices de la division future en une portion viscérale et une portion caudale du corps, le tube digestif se constitue déjà manifestement, au stade que nous considérons de deux parties : l'une antérieure dilatée l'autre postérieure rétrécie. Le tube digestif droit et parfaitement symétrique présente en avant une large cavité pourvue de deux cornes latérales ; elle se continue, en arrière, dans la portion rétrécie qui s'engage dans la région de la queue et se réduit, bientôt à une fente virtuelle, sous-jacente à la notocorde. Cette division du tube RECHERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TIJNICIERS. 273 digestif ne répond pas cependant à celle de la larve. La portion viscérale du corps de la larve renferme non pas seule- ment la dilatation antérieure du tube digestif, mais aussi une partie de sa portion rétrécie. La partie antérieure du mésoblaste siège dans la portion viscérale du corps. Comme la limite antérieure des bandes mésoblastiques marque la ligne suivant laquelle commence le rétrécissement du tube digestif, il est clair que la division extérieure du corps ne répond pas à celle du tube digestif. L'hypoblaste intestinal est immédiatement accolé à l' épi- derme sauf en arrière, où les bandes mésoblastiques s'inter- posent entre le revêtement externe du corps et la paroi épithéliale du tube alimentaire. Les noyaux des cellules liypoblastiques siègent généralement au voisinage de la cavité digestive. sxì%.de: v. Planche Vili, fig. 5a, larve vue de profil. Coupe optique sagittale avec le mésoblaste. Fig. 5&, la même vue de dos. La partie terminale de la queue, dirigée en bas n'a pas pu être représentée. Fig. 5 c à 5g, coupes transversales succes- sives d'un larve un peu plus âgée. 5c représente la 3« coupe ; 5d la 8«; 5e la IP ; la queue est coupée transversalement tout près de son extrémité. 5/" est la 12^; òg la 15e de la série. Système nerveux. — Il n'a guère subi de modifications. Il est encore ouvert en avant par un orifice triangulaire à sommet dirigé en arrière. Cependant la partie du tube médullaire qui dépasse en avant l'extrémité de la corde commence à se renfler en une vésicule allongée. A la coupe transversale on distingue partout quatre cellules médullaires, sauf à l'extrémité tout-à-fait antérieure, où l'on en compte six (fig. 5c et bd). La coupe représentée en òg montre également six cellules ; mais il faut tenir compte de l'obliquité de la coupe qui ne permet pas une numération exacte. Le canal central de la moelle a une forme quadrilatère; il est plus développé dans le sens transversal qu'en hauteur. 274 ED. VAN BENEDEN ET CH. JULIN A son extrémité postérieure le tube médullaire se réduit à une mince plaque superposée à la notocorde et formée de deux petites cellules aplaties. (Fig. 5e montre la coupe de la queue tout près de son extrémité.) Notocorde. — Elle s'est considérablement allongée et ne présente plus qu'un faible diamètre, comparativement aux stades précédents. Elle est constituée d'une rangée unique de cellules discoïdes placées à la suite les unes des autres ; elle est comparable à une pile de pièces de monnaie. H est donc cer- tain que les cellules notocordales se déplacent les unes vis-à- vis des autres, qu'elles se glissent les unes entre les autres, comme le font les cartes d'un jeu à jouer quand, dans le but de mêler les cartes, on place verticalement l'une des moitiés du jeu sur l'autre et que l'on exerce une pression sur les cartes de la moitié supérieure du jeu, de façon à les obliger à s'insinuer entre celles de la moitié inférieure. Le début du phénomène est indiqué dans la figure 4&. A partir de ce stade la notocorde, qui se constituait jusqu'ici de deux moitiés latérales juxtaposées, situées l'une à droite, l'autre à gauche du plan médian du corps, l'une des deux moitiés provenant du premier blastomère droit, l'autre du premier blastomère gauche, devient un organe médian et symétrique, résultant de l'enchevêtrement et de la postposition d'éléments cellulaires primitivement juxtaposés. Ce que nous venons de dire de la notocorde est vrai également pour le système nerveux central \ lui aussi se constitue au début de deux moitiés semblables juxtaposées entre elles, adjacentes au plan médian du corps, et dérivées l'une du premier blasto- mère droit et de la moitié droite de la Gastrula, l'autre du premier blastomère gauche et de la moitié gauche de la Gastrula. Au stade précédent des cellules, latérales par leur origine, sont venues occuper la ligne médiane, de sorte que le plan médian du corps coupe en deux moitiés semblables les cellules occupant soit le plancher, soit la voûte du tube médullaire. Il n'existe donc ^as au début d'organes médians; les organes RECHERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 275 médians en apparence comme le myelencéphale et la notocorde sont, de par leur origine, des organes pairs et latéraux, comme tous les autres organes du corps. Ce que nous appelons le plan médian de la larve symétrique des stades subséquents, n'est plus le plan médian réel, ce mot étant pris dans son sens, anatomique : la symétrie bilatérale primitive se perd dans le cours du développement, ce qui résulte de ce que des éléments cellulaires nés à droite du plan médian primitif, en gagnant la ligne médiane passent en partie dans la moitié gauche du corps et vice-versa. Ce passage d'éléments cellulaires d'une moitié du corps dans l'autre est plus évidente encore et beau- coup plus complète, en ce qui concerne le feuillet moyen. Le mésoblaste lui aussi est formé au début de deux moitiés sem- blables et latérales : l'une nait du premier blastomère droit et de la moitié droite de la G-astrula, l'autre du premier blastomère gauche et de la moitié gauche de la Gastrula. Tous les éléments cellulaires qui en dérivent ont donc leur origine les uns à droite, les autres à gauche. Mais bientôt arrive le moment où toute la partie antérieure des bandes mésoblastique se résoud en cellules libres qui, sous forme de globules sanguins, vont circuler dans l'organisme et, sans nul souci de leur origine, concourir non-seulement à l'entretien mais aussi à l'édification du corps de la jeune Ascidie. Mésoblaste. — La partie antérieure des bandes mésoblas- tiques s'est considérablement développée et les cellules, en se multipliant, ont donné naissance à deux amas cellulaires consi- dérables, siégeant sur les côtés du myelencéphale et de la notocorde, entre le tube digestif et l'épidei-me. Ces cellules, de petites dimensions, sont pressées les unes contre les autres et présentent encore des formes polyédriques. Les plaques muscu- laii'es caudales sont constituées chacune de trois rangées de cellules polygonales (fig. 5a), sauf à l'extrémité postérieure de la queue (figure 5e et bf). Tube digestif. — Dans la portion viscérale du corps la dilatation antérieure du tube digestif présente les mêmes caractères qu'au stade précédent. Mais, tandis que la noto- 276 ED. VAN BEINEDEN ET CH. JULTN. corde se continuait, à son extrémité antérieure, avec l'épithé- lium hypoblastique, à la voûte de la cavité digestive, au stade que nous considérons, la notocorde se trouve interposée en avant entre le tube médullaire et l'épithélium digestif. C'est ce qui ressort clairement de l'examen de la coupe représentée en 5/" et de quelques coupes voisines que nous avons cru inutile de reproduire. D'où vient cette ditférence? Nous pen- sons qu'elle résulte de l'occlusion de la gouttière notocordale. Au stade précédent la notocorde coustituait encore, à son extrémité antérieure, une plaque incurvée délimitant une gout- tière ouverte dans l'archenteron (flg. 4e et 4/"). L'on peut se demander, quand on examine avec attention la coupe repré- sentée en 4e, si l'ébauche notocordale se constitue de six cellules, comme l'on serait tenté de le croire à première vue, ou de quatre cellules seulement, auquel cas les deux cellules inférieures, interposées entre la gouttière notocordale et les gouttières cœlomiques seraient des cellules hypoblast] ques destinées à former, après l'occlusion des gouttières, la voûte de la cavité digestive. L'étude minutieuse de la série des coupes représentées en 4c à 4/" d'une part, la comparaison du stade 4 au stade 5 de l'autre, nous portent à croire que la der- nière manière de voir est fondée et que, par conséquent, chez la Claveline comme chez l'Amphioxus, les cellules endoder- miques interposées entre l'ébauche notocordale et les ébauches mésoblastiques concourrent à clore la cavité digestive sous la notocorde. Tandis que la paroi du tube digestif se complète sous l'extrémité antérieure de la corde dorsale, par la formation d'une voûte épithéliale distincte de la notocorde, la cavité archentérique disparaît dans la plus grande partie de la queue : Les cellules hypoblastiques qui constituaient le plan- cher de cette cavité viennent s'appliquer contre la face inférieure de la corde dorsale (5e, 5/", 5^). Il n'en est pas moins vrai que virtuellement le tube digestif s'étend en ligne droite dans toute la longuem^ de la larve pour se continuer, en contournant l'extrémité postérieure de la notocorde dans la cavité médullaire. RECHERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 277 Nous ne poui-suivrons pas ultérieurement le développement de la larve, en suivant pas à pas les changements qu'elle subit dans sa forme et l'évolution des diverses ébauches dont nous avons fait connaître la genèse. Notre but a été de com- bler, par de nouvelles observations, les lacunes que présentait encore l'histoire des appareils dont l'origine première était incomplètement connue ou inexactement décrite. Notre inten- tion n'est pas d'allonger inutilement ce travail en répétant, à propos de la Claveline, ce qui a été si excellemment décrit par Kowalewsky, en ce qui concerne les Ascidies simples et en particulier la Phallusia mamillata. Nous avons publié dans un travail spécial l'histoire du système nerveux central; nous exposerons plus loin nos recherches sur le développement du cœur, des organes génitaux et des muscles. Kowalewsky a montré le premier comment les petites cellules qui constituent à un moment donné les extrémités antérieures des bandes mésoblastiques se séparent les uns des autres et comment, à la suite de l'apparition d'un espace de plus en plus étendu entre l'hypoblaste et l'épiderme, ces cellules s'insinuent individuellement entre ces deux epithe- liums. Ces amas cellulaires se résolvent en cellules libres, aux dépens desquelles se développeront plus tard les tissus conjonctifs, les muscles de la portion viscérale du tronc, enfin et surtout les globules sanguins de la larve urodèle et par conséquent de l'adulte. Les cellules hypoblastiques sous-jacentes à la notocorde elles aussi paraissent se transformer en petites cellules rondes semblables aux cellules mésoblastiques libres ; à la place qu'elles occupaient apparaît un espace sanguin longitudinal, délimité en haut par la corde, sur les côtés par les muscles, en bas par l'épiderme. Les coupes de larves que nous avons représentées (pi. IX) montrent bien comment l'épiderme, primitivement accolé aux organes sous jacents, s'en écarte progressivement. Une cavité de plus en plus étendue, envahie au fur et à mesure qu'elle se développe par les petites cellules qui proviennent de la 278 ED. VAN BENEDEN ET CH. JULIN. résolution des parties antérieures des bandes mésoblastiques, apparaît entre 1 epiderme et le tube digestif. Cette cavité présente tous les caractères d'un blastocèle. Claus et avec lui Seeliger l'appellent cavité primaire du corps (primàre Leibes- holïle). Il est fort difficile de dire si la substance anhyste qui la remplit est du plasma sanguin ou une substance gélatineuse plus ou moins consistante. Au début toutes les cellules qui s'y trouvent sont de forme arrondie (pi. IX, fig. 2a à 2d). Mais à des stades un peu plus avancés, indépendamment de nombreuses cellules rondes, on trouve ça et là dans le blasto- cèle, quelques cellules fusiformes ou étoilées, très rares d'abord (pi. IX, fig. 3a à M) plus fréquentes ensuite (pi. IX, fig. 4a à 4e). On en trouve bien ça et là au milieu du blastocèle ; mais elles sont en plus grand nombre appliquées soit à la face profonde de l'épiderme, soit au contact de l'hypoblaste. Il se constitue même deux plaques de ces cellules, fusiformes à la coupe, aux faces latérales du corps, immédiatement sous l'épiderme. Ces plaques latérales, l'une droite, l'autre gauche sont bien indi- quées dans les figures 4a à 4e de la planche IX. Il ressort avec évidence de l'étude comparative de larves de plus en plus âgées que les tissus conjonctifs et les faisceaux muscu- laires du tronc de la Claveline naissent de semblables cellules rondes primitives ; les unes et les autres ont la même valeur, la même signification et la même origine. Il n'y a pas le moindre doute sur ce point : les tissus conjonctifs et muscu- laires, aussi bien que les éléments figurés du sang, dérivent des portions antérieures des bandes mésoblastiques primitives. Celles-ci se résolvent donc en un mesenchyme, de tous points semblable au mesenchyme typique d'une larve de mollusque. Au fur et à mesure que les tissus conjonctifs et musculaires se développent, le blastocèle primitif se réduit, se subdivise et se complique; il se transforme en un système de canaux et d'espaces communiquant largement les uns avec les autres. Ces espaces constituent le système vasculaire de l'adulte. Creusés dans le mesenchyme, de la même manière que les RECHERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 279 espaces sanguins et la cavité du corps des Mollusques, ils méritent, tout aussi bien que chez ces derniers, d'être désignés sous le nom schizocêle. Comme nous l'avons dit plus haut, ici comme chez les Mollusques, il est difficile de trancher la question de savoir si le blastocèle est bien une cavité remplie par un liquide tenant en suspension des globules, ou s'il est un espace virtuel rempli par une substance gélatineuse, dans laquelle se creuse- raient ultérieurement des trouées vasculaires. Comme l'ont fait observer les frères Hertwig, dans la première hypothèse, le blastocèle occupé par un mesenchyme ne constituerait pas une cavité proprement dite; le mot blastocèle pourrait être supprimé : les cavités vasculaires, se développant secondaii"e- ment dans le mesenchyme seraient des espaces schizocéliens. Dans la seconde hypothèse le schizocèle ne serait que le blastocèle réduit. Le mot schizocèle ferait double emploi. Avant de passer a l'exposé de nos observations sur la for- mation du cœur, du tube digestif de l'adulte, des organes génitaux et des muscles, nous voulons jeter un coup d'œil rétrospectif siu' les faits que nous venons de faire connaître, les mettre en regard avec les observations de nos devanciers et en tirer les conclusions qu'ils comportent. I. Dans notre travail sur la segmentation nous avons établi que le premier plan de segmentation répond au plan médian de la Gastrula. Toute la moitié droite du corps procède du blastomère droit, la moitié gauche du blastomère gauche. Les organes médians, tels que le tube médullaire et la notocorde procèdent d'une double ébauche et se constituent de deux moitiés parfaitement semblables, séparées l'une de l'autre par le plan médian anatomique, mais adjacentes à ce plan. Dans les plus jeunes stades larvaii^es aucune cellule du corps ne siège dans le plan médian. Mais plus tard des cellules nées soit à droite, soit à gauche, viennent se placer sur la ligne médiane (Tube médullaire, notocorde) et deviennent ainsi des éléments en apparence médians et symétriques; d'autres peu- 280 ED. VAN BENEDEN ET CH. JULIN. vent même passer de la moitié droite dans la moitié gauche du corps et vice-versâ. C'est ce qui se produit certainement pour ime partie des cellules du mésoblaste, peut être aussi pour d'autres cellules. II. Le second plan de segmentation est transversal, le troisième horizontal; c'est-à-dire que le second plan divise chacun des blastomères primitifs en un blastomère antérieur ou céphalique et en blastomère postérieur ou caudal; le troi- sième plan divise les quatre premiers blastomères en quatre dorsaux et quatre ventraux. m. La formation de l'ectoderme se fait progressivement par poussées successives aux dépens de globes mixtes. Nous entendons par là des blastomères renfermant à la fois en eux des matériaux destinés à former de nouveaux globes ectoder- miques et des éléments destinés à former des cellules endo- dermiques. Les quatre premiers blastomères sont mixtes. Au stade 8 il existe 4 globes ectodermiques et 4 globes mixtes. Au stade 16 10 globes ectodermiques et 6 globes mixtes. Au stade 32 26 globes ectodermiques. 4 — endodermiques. 2 — mixtes. Au stade 44 32 globes ectodermiques. 12 — endodermiques. A partir de ce moment il ne se forme plus de cellules ecto- dermiques, si ce n'est pas division des cellules ectodermiques préexistantes : l'endoderme s'est constitué; la segmentation proprement dite est arrivée à son terme, l'invagination d'où va résulter la formation de la Gastrula commence à se produire. IV. Les dernières cellules ectodermiques formées aux dépens des globes mixtes, siègent toujours à la périphérie de la plaque ectodermique antérieui'ement constituée. Comme c'est le bord de cette plaque qui devient l'ébauche du système nerveux, il est permis d'affirmer que les cellules dont procède F épidémie sont engendrées avant celles qui donnent naissance au système nerveux. RECHERCHES StJR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 281 V. La cavité de segmentation de forme tubulaii-e et verticale s'ouvre à l'extérieur, au stade huit, par ses deux extrémités. Au stade 16 la cavité de segmentation est close. Au stade 32 et aux stades suivants on n'en trouve plus de trace. Elle ne peut donc avoir aucun lien génétique avec les grands espaces qui se forment plus tard entre l'hypoblaste et l'épiblaste, espaces qui seront occupés par le mesenchyme. VI. Dès le moment oii l'invagination d'où résultera la Gastrula commence à se produire, les cellules médullaires, dont l'ensemble constitue l'ébauche du système nerveux, se distinguent des cellules épidermiques. Elles forment ensemble un anneau entom'ant immédiatement le blastopore ; il a la forme d'une bague chevalière, l'anneau étant notablement plus large en avant que sur les côtés et en arrière du blastopore. VII. Au même stade l'ébauche commune de la notocorde et du mésoblaste se sépare du reste de l'endoderme qui lui deviendra l'hypoblaste digestif de la larve. L'ébauche com- mune de la notocorde et du mésoblaste a, elle aussi, la forme d'un anneau entourant le blastopore. Cet anneau est sous- jacent à l'anneau médullaire. VIII. Une partie importante de la plaque médullaire siège en arrière du blastopore. Elle répond à la portion médiane, rétroblastoporique, de l'anneau médullaire primitif. Elle fait partie de la lèvre postérieure du blastopore et contribue, dans la suite, à former la voûte du tube médullaire, dont le plancher se constitue, dans toute la longueur du corps, aux dépens de la partie de la plaque médullaire située en avant du blastopore. Nous ne pouvons que confirmer sur ce point les recherches très précises, très exactes et très complètes de Kowalewsky. Les choses se passent chez la Claveline comme chez Phallusia mamillata. La gouttière médullaù'e règne exclusivement en avant du blastopore, contrairement à l'opinion avancée par Seeliger. L'occlusion de la partie antérieure de la gouttière médullaire paraît se faire par rapprochement des bourrelets dorsaux, tandis qu'en arrière la fermeture est le résultat du déplacement de la partie de la plaque, qui siège au début en arrière du blastopore (Kowalewsky). â8â ËD. VAN ËENEDËN Eï Cil. JULIN. Faut-il en conclure à l'existence de deux processus évolutifs essentiellement différents dans l'histoire de l'occlusion du tube médullaire? Nous ne le pensons pas. Si l'on y réfléchit un peu, l'on s'aperçoit que le relèvement et l'extension en avant de la lèvre postérieure du blastopore peuvent être ramenés au soulèvement, suivi de rapprochement, des bourrelets dorsaux, au processus qui détermine l'occlusion de la partie antérieui^e du tube, à celui qui se présente chez tous les Vertébrés supérieurs. En effet, ce que nous avons appelé la portion rétroblastoporique de la plaque médullaire se constitue de deux parties latérales l'une droite, l'autre gauche. Ces parties qui bordent le blastopore sur les côtés et en arrière sont la continuation en arrière des bourrelets dorsaux. L'on peut donc s'imaginer qu'ils ne soient autre chose que les bour- relets dorsaux, reportés en arrière, de cette partie de la plaque médullaire qui siège immédiatement en avant du blastopore et que l'occlusion du canal médullaire en arrière soit par consé- quent, comme en avant, le résultat du soulèvement, du rappro- chement, puis de la soudure de ces portions terminales des bourrelets dorsaux. Ici, comme en avant, les bomTclets engen- drent exclusivement la voûte du tube médullaire. IX. Jamais, à aucun stade du développement et en aucun point du corps de la larve la plaque médullaire n'est séparée de l'épiderme pour constituer le plancher d'un canal dont la voûte serait formée par l'épiderme. La description et les figures de Seeliger, d'où résulterait, à ce point de vue, une identité complète entre la Cla veline et l'Amphioxus, reposent sur des observations inexactes ou sur une interprétation erronée de préparations défectueuses. X. Le système nerveux primitivement formé de deux moi- tiés latérales parfaitement semblables subit, dans le cours de son développement, des modifications profondes dans l'arran- gement et la disposition de ses éléments constitutifs. Ces modifications sont telles que des cellules primitivement laté- rales viennent se placer secondairement dans le plan médian de la larve. Il est donc éminemment probable qu'un partie au RECHERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 283 moins des cellules qui proviennent de ces premières par voie de division passent dans l'autre moitié du tube médullaire. Si les choses se passent chez les Vertébrés comme chez la Claveline il est probable que ce transfert de cellules nerveuses d'un côté à l'autre des centres nerveux est la cause de l'entre- croisement des fibres bien connu dans le myelencéphale des Vertébrés. XI. La notocorde se développe aux dépens de cette partie de l'endoderme primitif qui est sous-jacente à la portion médiane et problastoporique de la plaque médullaire. Elle prend naissance en avant du blastopore aux dépens d'un partie de l'ébauche qui engendre aussi le mésoblaste. Elle nait sous la forme d'une gouttière et se transforme en un cordon par rapprochement progressif des bords de la gouttière. Typique- ment elle affecte donc l'apparence d'un tube. Elle se constitue au début de deux moitiés latérales semblables. Elle ne devient que secondairement un organe médian. D'après Seeliger la corde ferait son apparition longtemps avant la fermeture du blastopore : elle serait représentée d'abord par deux cellules de l'endoderme, siégeant l'une à droite, l'autre à gauche du blastopore, près de l'extrémité postérieure de la larve. Plus tard au lieu d'une il se montre- rait à chaque côté du blastopore deux et puis quatre cellules notocordales. Quand le blastopore s'est réduit à n'être plus qu'un petit orifice les deux traînées notocordales primitive- ment écartées l'une de l'autre se juxtaposeraient en avant de l'orifice, de façon à se confondre en un organe médian. Celui-ci se bifurquerait alors, au niveau du blastopore, en deux bran- ches qui entoureraient le blastopore pour se rejoindre entre elles en arrière de cet orifice. Il est à peine besoin de dire que nos observations sont en opposition formelle avec la description de Seeliger. Cet auteur a probablement pris pour les premières cellules notocordales les grandes cellules eudodermiques auxquelles aboutit en arrière l'ébauche commune du mésoblaste et de la notocorde. Les figures de Seeliger ont été dessinés d'après le vivant. Or 284 ËD. VAN BËNËDEN ET Clî. JULiN. les œufs de la Claveline sont très opaques et ne se prêtent pas du tout à l'analyse des détails relatifs à la forme et au grou- pement des cellules. L'on ne peut réussir à déchiffrer ces jeunes stades qu'en étudiant des larves bien durcies et éclair- cies par le baume, après coloration préalable. Il est facile alors de les faire rouler sur le porte objet et d'étudier une même larve sous toutes ses faces après lui avoir donné l'orientation voulue. Metschnikow et Kowalewsky décrivent, comme ayant la forme d'un fer à cheval, la première ébauche de la corde. Nous pensons qu'ils ont désigné sous ce nom l'ébauche com- mune et probablement incomplète de la notocorde et du méso- blaste. Xn. Le mésoblaste se développe, comme Metschnikow et Kowalewsky l'ont reconnu les premiers, aux dépens de l'en- doderme. Il se constitue de deux moitiés latérales, séparées l'une de l'autre, du côté du dos par la notocorde, du côté du ventre par l'hypoblaste digestif. En ce qui concerne sa genèse et son évolution l'on peut distinguer, dans le mésoblaste, deux parties : l'une, antérieure, qui se résoud ultérieurement en un mesenchyme ; l'autre, posté- rieure, qui donne naissance aux muscles de la portion caudale du tronc. La première portion du mésoblaste nait, à la façon du mésoblaste de l'Amphioxus et des entérocéliens en général, sous la forme de diverticules latéraux de l'archenteron. Ces diverticules creux au début et présentant un caractère epithelial manifeste, à la suite d'une multiplication rapide des cellules épithéliales se transforment en ébauches pleines, interposées entre l'épiderme et l'hypoblaste, aux deux côtés du corps. Les cavités de ces diverticules (cavités cœlomiques) qui affectent au début l'apparence de deux gouttières longitudinales, ouvertes dans l'archenteron, s'oblitèrent donc très tôt; mais elles persis- tent cependant assez longtemps au point d'origine de ces diver- ticules, et les ébauches cellulah^es du mésoblaste restent en continuité d'une part avec l'ébauche notocordale, d'autre part RECHERCHES SUR L4 MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 285 avec l'ébauche de l'hypoblaste intestinal. La place qu'occupent ces diverticules est la même que celle des sacs cœlomiques chez l'Amphioxus ; les processus génétiques sont identiques de part et d'autre. Les ébauches mésoblastiques, qui sont primi- tivement en continuité avec la plaque notocordale et avec l'hypoblaste, se séparent secondairement de ces organes, de façon à constituer des formations indépendantes de la noto- corde et de l'intestin. Les seules différences avec l'Amphioxus résultent 1'^ de ce que les cavités cœlomiques s'oblitèrent très tôt chez la Claveline, tandis qu'elles persistent chez l'Am- phioxus ; 2° de ce que les diverticules cœlomiques se résolvent, chez l'Amphioxus, en saccules séparés, disposés par paires à droite et à gauche des organes médians, en d'autres termes qu'ils se segmentent, tandis qu'ils ne subissent aucune méta- mérisation apparente chez la Claveline; 3" de ce que chez l'Amphioxus ces formations cœlomiques conservent, avec leur cavité, leur caractère epithelial, tandis que chez la Claveline ces diverticules cœlomiques se résolvent eu cellules arrondies, qui se séparent les unes des autres, se disséminent dans un blastocèle et engendrent un mesenchyme. La seconde partie du mésoblaste nait, comme la première, des portions latérales, adjacentes à l'ébauche notocordale, de l'en- doderme primitif. Elle est la continuation en arrière du diver- ticule cœlomique qui termine en avant l'ébauche mésoblastique. Mais tandis qu'en avant l'endoderme primitif donne lieu à la formation de diverticules délimités par un epithelium spécial, en arrière la portion mésoblastique de l'endoderme se trans- forme directement en cellules musculaires. Les plaques muscu- laii'es droite et gauche représentent donc en arrière les parois de diverticules cœlomiques largement ouverts dans l'archen- teron, au point que les cavités de ces diverticules se confon- dent avec lui. Les plaques musculaires paraissent se continuer plus spécialement en avant dans cette partie de la paroi du mésoblaste qui est adjacente à la notocorde. De sorte qu'ici, comme chez l'Amphioxus, les cellules mésoblastiques adjacentes à la notocorde se transforment en muscles longitudinaux. 19 286 ED. VAN BENEDEN ET Cfl. JtJLiN. La queue de la Claveline ne présente, à aucun stade du développement, de segmentation bien apparente. Cependant il est éminemment probable qu'il faut considérer la queue des Ascidiens comme une partie métamérisée du tronc. Chez l'Amphioxus, les cellules musculaires du tronc ont la longueur du segment auquel elles correspondent, de sorte que le nombre des cellules musculaires adjacentes à la notocorde, comptées dans le sens de la longueur du corps, est égal au nombre des métamères et vice-versa. Si, ce qui ne nous paraît guère contestable, les plaques musculaires de la queue de la Clave- line sont homologues aux plaques musculaires de l'Amphioxus, ici aussi il doit y avoir dans la queue autant de métamères, que l'on compte de cellules musculaires dans la longuem' de la queue. La queue de la Claveline se constituerait alors d'un assez grand nombre de segments, 18 au moins. Cette conclusion se trouve pleinement confirmée par les observations de Langerhans(31) et de Laukester(32) sur les Appendiculaires. Ils ont démontré, en effet, que, chez ces orga- nismes, les couches musculaires de la queue sont formées de segments innervés par des nerfs spinaux, qui naissent par paires des faces latérales de la moelle caudale. Kupffer(33) a vu, chez des larves d'Ascidies simples, les mêmes nerfs spinaux dont il a pu reconnaître, lui aussi, la disposition segmentaire. Un mot d'historique sur la genèse du mésohlaste des Tuni- ciers. — Dans son fameux mémoire de 1871, Kowalevsky démontra que non seulement les cellules constitutives de la corde dorsale, mais aussi celles que Metschnikow (34) le pre- mier reconnut comme étant les ébauches des cellules musculai- res de la queue, dérivent du feuillet interne de la Gastrula. Il conclut de la comparaison de l'embryon représenté planche XI, figure 18 et suivantes de son mémoire, avec les stades plus jeunes figurés planche X, figures 10, 11 et 12 et planche XI, figures 13 à 16, à l'origine endodermique de la notocorde et de ce qu'il appelle le feuillet musculaire. Ce dernier se constitue de deux séries latérales de cellules, de deux plaques distinctes, RECHERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 28"? séparées l'une de l'autre, du côté du dos, par l'ébauche de la notocorde, du côté ventral, par les deux rangées de cellules qui continuent en arrière l'intestin antérieur (Vorderdarm). Il conclut en disant : Was die Abstammung des Muskelblattes anlangt so lehrt ein Blick auf die figuren 11, 12, 19 und 22 und deren Erklârung und Beschreibung, dass dasselbe zusam- mensetzenden Zellen aus den Zellen in Figur 11 kommen und dass sie deshalb eigentlich nur die, im hinteren Theile des Embryo seitlich liegenden Zellen des unteren Blattes sind; dass also das mittlere Blatt unmittelbar aus den Zellen des primitiven unteren Blattes abstammt. Wir fiuden somit bei dem von uns gleich besprochenen Embryo alle die Keimblatter, welche man bei den "VVirbeltliiere annimmt und ganz in der entsprechenden Lagerung. „ Seeliger a confirmé les conclusions de Kowalevsky et de Metschnikow, non seulement en ce qui concerne l'origine endo- dermique du mésoblaste, mais aussi par rapport à la dualité primitive de l'ébauche mésoblastique. Mais pas plus que ses prédécesseurs il n'a reconnu les ditférences manifestes qui existent, au point de vue de leur genèse, entre les deux parties qu'il y a lieu de distinguer dans ce feuillet. Tout son exposé se ressent du reste de l'erreur qu'il a commise en admettant que l'endoderme vient clore, sous la notocorde, la cavité intes- tinale. Il n'a pas plus compris la genèse du mésoblaste que celle de la notocorde et il ressort avec évidence de l'examen de ses figures que les coupes qu'il a faites à la main, à travers des larves imparfaitement préparées, ne pouvaient suffire pour trancher la question de la genèse du feuillet moyen. Seeliger n'a pas reconnu la présence des diverticules cœlomiques et il conclut en disant : " Was nun aber die phyletische Ableitung der seitlichen Mesodermstreifen der Appendicularien und Larven aus paarigen, den Cœlomsâcken der Vertebraten zu homologizirenden Ausstulpungen anbelangt, so muss fest gehalten werden dass dafiir, in der ontogenetischen Entwick- lungsgeschichte der Ascidien, keine Beweise zu finden sind. „ Il est à peine besoin de taire observer que notre conclusion 288 ED. VAN BENEDEN ET CU. JULIN. est précisément le contrepied de celle de Seeliger : la forma- tion pliylétique des bandes mésoblastiques aux dépens de diverticules cœlomiques, homologues de ceux de l'Amphioxus et des Vertébrés, se trouve démontrée par l'apparition de sem- blables diverticules et de deux cavités enterocéliennes dans le cours de l'évolution ontogénique des Clavelines et nous pouvons ajouter des Pérophores, où l'un de nous a constaté en premier lieu l'existence de ces formations. (26) Les espaces entérocéliens primitifs disparaissent sans laisser de trace et l'épithélium mésoblastique, qui délimitait au début ces cavités, se résoud eu un mesenchyme qui envahit le blasto- cèle. Il importe de ne pas confondre ce dernier et les espaces vasculaires qui en dérivent avec l'enterocèle primitif. Roule (35), pour avoir mal compris la note citée plus haut, a commis cette confusion. Xin. Le tube digestif de la larve est droit et médian ; il règne dans toute la longueur du corps. Comme Kowalevsky l'a décrit, il se continue en arrière, au début du développe- ment, par un canal neurentérique contournant l'extrémité postérieure de la notocorde, dans le canal médullaire. Plus tard, non seulement le canal neurentérique, mais la portion caudale de l'intestin s'oblitèrent. Néanmoins l'intestin persiste, sous la forme d'un organe rudimentaire, constitué par deux rangées de cellules, dans toute la longueur de la portion cau- dale du tronc (Kowalevsky). Le tube digestif se constitue, pendant cette première période du développement, de trois portions distinctes, aj Une dilatation antérieure que nous appelons la portion précordale du tube intestinal; bj une portion rétrécie, mais pourvue d'un cavité et d'une paroi épithéliale complète. Celle-ci est sous-jacente à la notocorde et siège également dans la portion viscérale du tronc. Elle présente, au début, la forme d'un gouttière, ouverte en haut, sa voûte étant interrompue au milieu par la plaque notocordale. Elle se trouve placée entre les diverticules cœlomiques. Sa paroi se complète, après l'occlusion de la gouttière notocordale et la RECHERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 289 séparation du mésoblaste, aux dépens des cellules hypoblas- tiques interposées, à droite et à gauche du plan médian, entre la gouttière cordale et les gouttières cœlomiques. cj La troisième portion du tube digestif règne dans toute la longueur de la partie caudale du tronc. Elle reste rudimen- taire; sa cavité disparaît très tôt; elle est envahie par la notocorde. A aucun stade du développement sa paroi hypoblas- tique ne se complète sous la notocorde, contrairement à ce qu'affirme et figure Seeliger; elle ne constitue jamais un organe tubulaire délimité par une couche épithéliale propre. Elle n'est représentée que par une double série longitudinale de cellules endodermiques, sous-jacentes à la notocorde et interposées entre les plaques musculaires. Ces cellules représentent le plancher de l'intestin de l'Amphioxus. Dans la queue de la Claveline l'intestin ne dépasse jamais le stade primordial de son déve- loppement chez l'Amphioxus. DEUXIEME CHAPITRE. LE CŒUR, LE PÉRICARDE ET LE TUBE ÉPICARDIQUE. Nous devons à Seeliger les premières observations sur la formation du cœur chez les Ascidiens. Il a étudié la genèse de cet organe chez le bourgeon (36) et, plus tard, chez la larve de la Claveline (30). Il a le premier constaté que la paroi cardiaque et le péricarde procèdent de l'endoderme de la cavité branchiale, aussi bien chez le bourgeon, que chez la larve : la cavité péricardique n'est qu'une portion séparée de la cavité branchiale, communiquant au début avec cette dernière; la cavité cardiaque n'est qu'une partie séparée de ce qu'il appelle la " cavité primaire du corps „ (primàre Leïbeslidhlé). Seeliger admet que l'ébauche commune du péricarde et du cœur nait sous la forme d'un diverticule de la cavité branchiale, en dessous de l'ouverture œsophagienne. Il pense que, chez la 290 ED, VAN BENEDEN ET CH. JULIN. larve, ce diverticule n'est que partiellement employé à la formation du péricarde et du cœur : ime partie du diverticule se sépare par étranglement sous la forme d'un vésicule close.- C'est aux dépens de cette vésicule que se forment le péricarde et le cœur, tandis que le reste du diverticule primitif, sous la forme d'un tube aveugle, s'accroit en arrière et s'étend à un moment donné jusqu'à l'estoniac. Seeliger pense que ce tube aveugle s'atrophie plus tard et il ignore totalement la signi- fication de cet organe " liber die Bedeutung der Rôhre bin ich nicht in der Lage etwas Sicheres mitzutheilen. „ Et plus loin : " wàlirend des Larvenlebens scheint dieser entodermale Fortsatz bei den Ascidien riickgebildet zu werden, denn ich konnte ihn weiterhin nie mehr auffinden. „ (30) Si nos observations nous permettent de confirmer pleine- ment les conclusions de Seeliger en ce qui concerne l'origine endodermiqne du péricarde et du cœur, tout aussi bien que la communication primitive de la cavité péricardique avec la cavité branchiale, non seulement chez le bourgeon mais aussi chez la larve, nous devons ajouter que le processus évolutif est tout différent de celui que Seeliger a décrit. Seeliger n'a pas vu le début du phénomène; ses figures ne sont nullement conformes à la réalité; le tube dont il admet la disparition, prend au contraire un développement considérable et joue un rôle important dans le phénomène du bourgeonnement. C'est à cet organe que nous avons donné le nom de tube épicardique C'est donc à tort que l'un de nous (26) avait exprimé l'opinion que l'ébauche du cœur naîtrait, à la façon de l'ébauche sexuelle, d'un amas plein de cellules du mésoblaste, entre lesquelles apparaîtrait une cavité. Il avait tiré cette conclu- sion de ses observations sur le développement du bourgeon de la Pérophore. Mais cette petite Ascidie sociale se prête très mal à l'étude de la question dont il s'agit. Il apparaît à un moment donné, au contact de la cavité branchiale, un petit amas de cellules claires, qui ressemblent beaucoup aux cellules mésoblastiques ambiantes. Au début il n'est pas possible de reconnaître dans cette formation aucun caractère epithelial. RECHERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TL'NICIERS. 291 Les coupes ne nous ont pas donné, chez la Pérophore, de meilleurs résultats que l'examen des bourgeons entiers. Par contre la Claveline se prête admirablement à l'étude du développement du cœur. Nous ferons connaître nos observations : I sur le dévelop- pement du cœur et de ses dépendances, chez la larve; II chez le bourgeon ; III sur la structure du cœur chez quel- ques Tuniciers adultes. I. Développement du cœur et de ses dépendances chez la larve. sxi%nE: I. Les figures 2a, 2b, 2c, 2d, (pi. IX) représentent une série de coupes transversales successives d'une larve un peu plus jeune que celle qui a été très inexactement figurée par Seeliger planche IV, figure 40, de son mémoire. Ces coupes sont légèrement obliques. Les vésicules dites cloacales sont consti- tuées, mais ne communiquent pas encore avec la cavité bran- chiale : les fentes branchiales ne sont pas encore ouvertes. Les deux organes de sens pigmentés ont déjà apparu dans la vésicule cérébrale; le diverticule hypoganglionnaire a pris naissance (fig. 2a. Hyp.). L'hypoblaste s'est déjà écarté de l'épiderme sur tout le pourtour de la dilatation antérieure du tube digestif (cavité branchiale) et le mesenchyme a envahi l'espace qui est résulté de l'écartement de ces deux feuillets jusqu'ici accolés. A ce stade du développement les ébauches du cœur existent déjà; elles apparaissent à un stade plus reculé du développe- ment. Nous décrivons plus loin la formation de ces premiers rudiments. Le stade, par l'étude duquel nous commençons l'exposé de nos recherches, a totalement échappé à Seeliger. Il existe déjà sous le plancher de la cavité branchiale, vers la limite postérieure de cette cavité, dans la région où elle se continue avec l'œsophage, deux cordons cellulaires adjacents, l'un gauche plus volumineux, l'autre droit de moindre diamètre. A leurs deux extrémités ces cordons se confondent avec l'épi- thélium hypoblastique du tube digestif. Au contraire, vers le 292 ED. VAN BENEDEN ET CH. JULIN. milieu de leur longueur, ils sont très nettement séparés de l'hypoblaste branchial. Le cordon gauche est beaucoup plus volumineux que le droit; il se distingue de ce dernier non seulement par son diamètre beaucoup plus considérable, mais en outre par la présence d'une cavité en forme de fente, autour de laquelle les cellules se disposent en un epithelium cylin- drique bien caractérisé (fig. 26 et 2c). Les figures 3a à Se représentent une série de coupes trans- versales successives d'une larve plus âgée, chez laquelle les vésicules dites cloacales communiquent déjà, par deux orifices distincts, avec la cavité branchiale. L'on trouve, sous l'œso- phage, le même organe, formé par deux cylindres accolés l'un à l'autre, que nous avons reconnus au stade précédent. A leur extrémité antérieure les deux cylindres se confondent avec l'épithélium hypoblastique du plancher de la cavité branchiale, immédiatement en avant et en dessous du point où cette cavité se continue dans l'œsophage (fig. 3a). La coupe suivante montre les deux cylindres nettement séparés de l'hypoblaste intestinal; mais ils sont adjacents à cet epithelium. Dans chacun d'eux se voit une lumière et, autour des orifices, les parois des deux organes cylindriques affectent l'apparence d'un epithelium. Celui de gauche est notablement plus volumineux que le droit (fig. Sh). La figure suivante (fig. 3c) montre les deux cylindres non-seulement soudés entre eux, mais en partie confondus en un organe unique. Les cavités des deux organes communiquent entre elles, et, si l'on en était réduit à l'examen de cette seule coupe, l'on pourrait hésiter à se prononcer sur la question de la dualité de l'ébauche dont il s'agit. Il n'existe en effet, dans l'ensemble de l'organe, qu'une cavité unique en forme de bissac et l'organe lui-même, étranglé à son milieu, affecte l'apparence d'un 8 couché. Entre l'organe et l'œsophage se voit un espace assez étendu, occupé par des globules san- guins. RECUERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TLNICIERS. 293 La figure suivante (fig. Sd) rappelle beaucoup la seconde, sauf que le cylindi-e droit ne présente aucune lumière et que les deux cylindres adjacents se trouvent assez éloignés du tube digestif (œsophage). Enfin la coupe représentée figure 3e, la dernière qui inté- resse l'ébauche cardiaque, montre l'extrémité postérieure pleine du cylindre gauche. L'extrémité postérieure du cylindre droit se trouvait sur une coupe intermédiaire, entre celle que nous avons représentée, figure 3d (la 17« de la série) et celle qui a été figurée figure 3e (la 19® de la série). Tandis que dans les coupes 16 (fig. 3c) 17 (fig. M) et 18 l'ébauche cardiaque se trouvait assez éloignée de l'œsophage, de nombreux globules sanguins étant interposés entre les deux organes, dans la dernière coupe intéressant le cœur, l'ébauche cardiaque se trouvait immédiatement adjacente à l'épithélium de l'œsophage. Nous avons obtenu des séries complètes de coupes transver- sales de larves se rapportant aux stades que nous venons de décrire ou à des stades intermédiaires. Dans toutes ces larves les cylindres cardiaques étaient inégaux, le droit étant toujours moins volumineux que le gauche (pi. XVI, fig. 2a). Dans toutes aussi nous avons trouvé une fusion entre les ébauches cardiaques et l'hypoblaste aux extrémités antérieures des deux cylindres. Quant aux extrémités postérieures des cordons, elles étaient soudées à la paroi œsophagienne dans les plus jeunes stades, adjacentes à l'œsophage dans les phases plus avancées. Les cavités qui apparaissent vers le milieu de la longueur des cylindres cardiaques d'abord pleins, sont d'abord complè- tement séparées de la cavité branchiale et sont aussi séparées l'une de l'autre. SXiVDE III. Larve poiUTue de quatre orifices stigmatiques de chaque côté. Les figures 4a, Ab, 4c, Ad, 4e représentent cinq coupes d'une semblable larve. La figure 4a n'intéresse pas l'ébauche cardiaque. On voit 294 ED. VAN BENEDEN ET CH. JULIN. le sac branchial communiquer avec les cavités péribranchiales à droite par deux fentes, à gauche par une fente unique. La coupe n'est pas parfaitement transversale. Au plancher du sac branchial se voit la gouttière hypobranchiale coupée en travers. La coupe suivante, figure 4&, a passé par le fond de la gouttière hypobranchiale O. H. et a coupé obliquement le fond du sac branchial. L'épithélium n'est pas coupé perpen- diculairement à sa surface, mais obliquement, tout au moins sur les côtés. La figure 4c, qui représente la coupe suivante, montre clai- rement que la cavité branchiale se continue en arrière dans trois canaux distincts, un médian et supérieur, deux latéraux et inférieurs. Le canal médian est l'œsophage; les deux infé- rieurs sont les deux tubes épicardiques. Il est clair que ces derniers s'ouvrent dans le sac branchial, à sa face postérieure, entre l'extrémité de la gouttière hypobranchiale et l'entrée de l'œsophage. Les figures suivantes montrent nettement que les deux tubes, distincts à leur origine, s'ouvrent en bas dans une cavité unique qui établit une large communication entre les deux tubes. Cette cavité médiane, délimitée par un epithelium assez mince, formé de cellules plates peu distinctes et pourvues de petits noyaux se colorant vivement en rouge, c'est la cavité péricardique future. La voûte concave de cette cavité péricar- dique va donner naissance à la paroi du cœur ou, si l'on veut, au feuillet viscéral du péricarde; son plancher convexe va deve- nir le feuillet pariétal du péricarde. La cavité, dans laquelle se voient quelques globules sanguins et qui se trouve déli- mitée sur les côtés par les tubes épicardiques, en dessous par la paroi cardiaque, c'est la cavité du cœur futur. La cavité péricardique communique avec les deux tubes épicardiques et, par l'intermédiaire de ces derniers, avec la cavité branchiale. Il ressort clairement de l'examen des figures 4a à 4e, qu'à ce stade, il y a continuité entre l'épithé- lium péricardique, dont une partie devient la paroi cardiaque. RECHERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 295 et l'hypoblaste branchial, par l'intermédiaii'e des deux tubes épicardiques. La figure 4e montre la coupe du sac péricardique, la gout- tière (cavité) cardiaque et les fonds des deux tubes épicar- diques coupés tangentiellement. 8XADE IV. (PL X, fig. la à 1^). Larve en voie de transformation. La queue n'est plus visible à l'extérieur; mais on trouve encore, dans l'intérieur de la larve, les résidus des organes larvaires, (organes de sens pigmentés, corde dorsale, muscles de la queue, etc.), qui s'atrophient, lorsque la larve subit sa trans- formation. La larve dont proviennent les coupes que nous avons représentées planche X, figures la à Ig, était à peu près au même stade de développement que celle que nous avons figurée dans notre mémoire sur le système nerveux, (28) planche XIX, figure 37. La figure la montre une coupe du sac branchial, près de l'extrémité postérieure de l'endostyle, et tout près de l'entrée de l'œsophage. La cavité branchiale est très développée dans le sens transversal, œ. œsophage, g. h. gouttière hypobran- chiale, c. h. cavité branchiale, i. intestin. La figure Ih représente la coupe 3, la coupe représentée figure 1, portant le numéro 1. Cette figure a à peine besoin d'être expliquée : on y voit les mêmes organes que dans la figure 1. A gauche, au voisinage du sac branchial se voit une masse pigmentaire provenant du bouton pigmenté de la vésicule cérébrale dégénérée. La figure le représente la coupe 5. Elle montre en g. h. le fond de la gouttière hypobranchiale ; en œ l'œsophage. Au plancher de l'œsophage œ sont fixés deux tubes l'un à droite, l'autre à gauche; ce sont les tubes épicardiques. La figure Ici représente la coupe 6. Les tubes épicardiques sont complètement indépendants de l'œsophage. A gauche se voit une nouvelle masse pigmentée, un reste de la cupule 296 ED. VAN BENEDEN ET CH. JULIN. pigmentée (œil) de la vésicule cérébrale dégénérée ; les restes dissociés de la vésicule ont été amenés ça et là par le torrent circulatoire. Les coupes 7, 8 et 9 de la série sont semblables à la pré- cédente. On remarque cependant que les deux tubes épicar- diques se rapprochent l'un de l'autre. La figure le représente la coupe 10. Les deux tubes épi- cardiques se sont confondus en un seul que nous appellerons cul de sac éjncardique. En poursuivant la série des coupes d'avant en arrière l'on constate, en effet que cette cavité se termine en cul de sac. La série des coupes 11 à 21 ressemblent à la coupe 10. Toutes montrent la section transversale du cul de sac épicar- dique, dont le diamètre transversal et vertical diminuent très légèrement d'avant en arrière. Coupe 21. Sous le tube épicardique l'on voit l'extrémité antérieure du sac péricardique. Coupe 22 (fig. If). La coupe transversale du péricarde a la forme d'un croissant à peu près fermé; la paroi cardiaque (feuillet viscéral du péricarde) répond au bord concave du croissant; le feuillet pariétal du péricarde à son bord convexe. La cavité cardiaque renferme des globules sanguins, la cavité péricardique un liquide clair et hyalin, sans trace d'éléments figurés ; il en est de même des tubes épicardiques et du cul de sac épicardique. La cavité cardiaque serait ouverte en haut, n'était que le péricarde est accolé au cul de sac épicardique, de telle sorte que le plancher de ce dernier organe vient com- pléter la voûte de la cavité cardiaque. Il se fait ainsi que la cavité du cœur est un tube fermé, sauf à ces deux extrémités, où il communique par un large orifice avec des espaces vascu- laii^es. L'orifice antérieur du cœur se voyait très distinctement dans la coupe 21, où il se présentait sous une forme semblable à celle que nous avons représentée planche XI, figure 8. Les coupes 23 à 31 sont semblables à la coupe 22, repré- sentée figure If, avec cette seule différence, que le plancher et la voûte du tube épicardique se rapprochent de plus en plus RECHERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TUNICfERS. â97 l'un de l'autre, puis s'accolent et se confondent en une lame cellulaire, qui parait constituée par ime couche unique de cellules plates. Il est certain qu'en réalité elle est formée de deux assises cellulaires accolées. Cette lame se réduit, dans la coupe 32, à une mince cloison insérée entre les deux cornes du croissant péricardique (fig. Ig). Les coupes du péricarde se retrouvent sur les coupes 33 à 36. Les dernières montrent le croissant ouvert supérieure- ment. A son extrémité postérieui'e la cavité cardiaque débouche, par un large orifice, dans les espaces vasculaires du mesen- chyme. La cavité péricardique se termine en cul de sac. Ainsi donc, à ce stade, la cavité péricardique constitue un sac clos, sous jacent à l'organe épicardique, mais sans commu- nication avec lui. Le cœur formé par le feuillet viscéral du péricarde présente une cavité tubulaire ouverte à ses deux bouts, dans laquelle cii^cule le sang. L'organe épicardique se constitue d'une cavité terminée en cul de sac en arrière, se bifurquant en avant en deux branches qui s'ouvrent l'une et l'autre, par des orifices distincts, dans le sac branchial. La paroi épicardique est formée par un epithe- lium plat, qui se continue, au niveau des orifices épicardiques, avec l'épithélium branchial. Ces orifices se trouvent placés entre l'entrée de l'œsophage et l'extrémité postérieure de la gouttière hypobranchiale, à droite et à gauche de la ligne médiane. Avant de tirer des conclusions de l'étude que nous venons de faire, il nous reste à rendre compte de nos observations rela- tives à l'origine première des cylindres épithéliaux, aux dépens desquels se développent l'organe épicardique et le péricarde. Pour voir les premières indications de ces organes il faut remonter jusqu'à un stade assez reculé du développement. C'est chez des larves montrant les premiers indices des vésicules cloacales futiu'es, sous la forme de deux épaississements de l'épiderme, chez lesquelles l'hypoblaste de la dilatation anté- rieure du tube digestif est encore accolé à l'épiderme, chez 208 ËD. Van benedén et cH. julin. lesquelles aucune trace de pigment n'a encore apparu dans la vésicule cérébrale, que l'on doit rechercher les premiers rudi- ments des formations cardiaques. Dans ces larves les deux bandes mésoblastiques sont encore formées en avant de cellules polyédriques pressées les unes contre les autres et toutes réunies en deux amas latéro-dorsaux siégeant, l'un à droite, l'autre à gauche, du système nerveux central, du côté du dos de l'embryon, à peu près comme nous l'avons figuré pour un stade un peu plus jeune, planche YIII, figure od à 5f et aussi même planche, figure 5a. Si l'on examine des coupes transver- sales de semblables larves, faites au niveau des ébauches cloacales (pi. IX, fig. 1), l'on remarque que l'hypoblaste digestif présente, du côté de la face ventrale de l'embryon, deux bourrelets cellulaires d'un caractère tout particulier (fig. 1, jj. c). L'on constate l'existence, sur 3 ou 4 coupes successives, de deux bandes épithéliales, courant parallèlement l'une à l'autre, et formées toutes deux de quelques cellules hypoblastiques se colorant fortement en rose. Tandis que toutes les cellules du reste de l'hypoblaste ont leurs noyaux situés au voisinage de la cavité digestive, les cellules qui constituent ces bandes ont leurs noyaux situés au milieu du corps cellulaire. Ces cellules ne contribuent plus d'ailleurs à délimiter la cavité digestive; elles forment ensemble deux cordons qui, quoique engagés à la façon de coins, dans l'épais- seur de l'hypoblaste, tendent à s'interposer entre l'hypoblaste et l'épiderme. Il ne peut y avoir le moindre doute quant à l'origine de ces ébauches. Les cylindres iwocardiques, c'est le nom que nous donnerons à ces formations, sont au début deux cordons cellulaires pleins, qui se détachent de l'hypoblaste, au plancher du futur sac branchial. Nous fondant sur l'ensemble des faits acquis dans l'étude objective que nous avons faite d'une série de larves de plus en plus développées, nous exposerons maintenant, à un point de vue synthétique, l'histoire de l'évolution des organes car- diaques chez la Claveline. RECHERCHÉS SIR LA MORPHOLOGIE DES TtJNiClÉRS. 209 Mais avant de faire cet exposé, il importe de s'entendre sur la signification de quelques termes. Le cœur des Ascidiens adultes est un organe tubulaire, ouvert à ses deux bouts, pré- sentant une paroi musculaii-e fort mince, la paroi cardiaque, et une cavité que nous désignons sous le nom de " cavité du cœur ou cavité cardiaque. „ Ce tube cardiaque est inscrit dans un autre tube membraneux, dont la paroi est constituée par un simple epithelium plat ; on donne à ce dernier le nom de péricarde et on appelle cavité péricardique l'espace, rempli d'un liquide clair homogène et hyalin, qui siège entre le tube cardiaque et le péricarde. Chez l'adulte, la cavité péricardique est fermée de toutes parts et ne communique avec aucune autre cavité du corps, ce qui dépend de ce que la paroi car- diaque se continue avec le péricarde le long d'une ligne longi- tudinale, sorte de suture, que nous appellerons le raphe car- diaque. En fait paroi cardiaque et membrane péricardique constituent une seule et même formation : elles forment ensem- ble un sac clos, une vésicule allongée, aplatie et incurvée de telle sorte que la section transversale de la vésicule ait l'appa- rence générale d'un croissant. Les cornes du croissant arrivent tout près l'une de l'autre et entre elles règne le raphe car- diaque. La cavité cardiaque résulte de l'introflexion ou de l'invagi- nation d'une partie de la paroi du sac péricardique; celui-ci est un sac clos, et la cavité du cœur est délimitée par la paroi invaginée du sac. Le cœur ou paroi cardiaque d'une part, le péricarde proprement dit de l'autre, sont des parties distinctes d'un seul et même organe vésiculeux. Ce sac peut-être utilement comparé au péricarde d'un Vertébré : ce que l'on appelle le cœur d'un Tunicier c'est le feuillet viscéral du sac péricar- dique; le péricarde proprement dit, c'est le feuillet pariétal du péricarde. N'était l'absence d'un endothelium vasculaire délimitant immédiatement la cavité cardiaque, le cœur d'une Ascidie serait absolument comparable au cœur d'un embryon de Vertébré : chez un Vertébré en effet, deux couches cellu- laires interviennent dans la formation de la paroi du cœur : un 30Ô ËD. VAN BËNËDËN ET CIÎ. JULIN. endothelium vasculaire et un epithelium mésoblastique. Tout le myocarde dérive de la couche splanchnique du mésoblaste, entourant le vaisseau cardiaque de l'embryon, et cette couche, dont le caractère epithelial est manifeste, au début du développement, n'est autre chose que le feuillet viscéral du péricarde embryonnaire. Chez la Claveline, le feuillet viscéral du péricarde donne naissance, lui aussi, à une couche musculaire; nous en ferons l'étude plus loin. C'est à ce feuillet viscéral du péricarde, celui qui délimite la cayité cardiaque que Ton donne, chez les Ascidiens, le nom de paroi cardiaque. En fait, dans la paroi du cœur d'une Ascidie on peut distinguer, comme chez les Vertébrés, une couche musculaire ou myocarde et un ectocarde ou feuillet viscéral proprement dit du péricarde. Ce qui fait défaut, dans le cœur des Ascidiens, c'est un endothe- lium vasculaire, un endocarde. Mais il est à remarquer que les vaisseaux sanguins, pas plus que la cavité cardiaque, ne pré- sentent aucune trace d'endothélium, tout au moins chez cer- taines formes (Claveline, Pérophore). De part et d'autre, chez un Vertébré comme chez un Ascidien, le cœur est un vaisseau cardiaque entouré par un feuillet péricardique embryonnaire qui se résoud, dans le cours du développement, en un myocarde et un ectocarde. Le cœur ainsi constitué siège dans une cavité péricardique close, déli- mitée extérieurement par un feuillet pariétal. Chez les Verté- brés le vaisseau cardiaque présente, comme tous les autres vaisseaux, une paroi endothéliale ; chez les Cla vélines le vais- seau cardiaque présente les mêmes caractères que tous les autres vaisseaux du corps; il est dépourvu d'endothélium vas- culaire. Au sac péricardique constitué de deux parties, le cœur et le péricarde proprement dit, se rattache, chez la Claveline, et probablement chez tous les Tuniciers, un autre organe que nous appelons l'épicarde. L'épicarde constitue, chez la larve de la Claveline après sa transformation et chez l'Ascidie lixée, un tube aveugle bifurqué en avant et s'ouvrant, par deux orifices distincts, l'un droit, l'autre gauche, dans la cavité branchiale, RECIIERCnES SIR LA MORPUOLOGIE DES TINICIERS. 301 entre l'entrée de l'œsophage et l'extrémité postérieure de la gouttière hypobrancliiale. L'épicarde comprend donc : un cul de sac épicardique, deux tubes épicardiques et deux orifices épicar- diques. Les cavités de l'épicarde sont délimitées par un epithe- lium plat qui, au niveau des orifices, se continue avec l'épithélium du sac branchial. Le cul de sac épicardique, aussi bien que les tubes, sont aplatis de bas en haut. En arrière la cavité du cul de sac se réduit à une fente horizontale ; puis, par suite de l'accolement des epitheliums plats formant l'un le plancher l'autre la voûte du cul de sac épicardique, l'organe se réduit à une lame cellulaire horizontale. Cette lame, qui dans la larve représentée planche X, figures la à Ig, n'atteint pas l'extré- mité postérieure du cœur, s'accroit de plus en plus vers l'arrière ; bientôt elle dépasse le cœur, pénètre dans le stolon, s'allonge avec lui, se bifurque avec lui, s'engage dans ses branches collatérales et jusques dans les bourgeons qui naissent de ces branches. C'est cette lame épicardique, depuis long- temps décrite chez la Pérophore, qui, chez cette espèce comme chez la Claveline, constitue dans le stolon une sorte de cloison membraneuse subdivisant en deux moitiés la cavité des stolons et de leurs branches. C'est encore aux dépens de cette lame, comme Kowalevsky l'a démontré en premier lieu, que nait la vésicule interne des bourgeons de la Pérophore; il en est de même chez la Claveline. Loin de disparaître dans le cours de l'évolution, comme le pense Seeliger, l'organe épicardique joue un rôle capital dans le phénomène du bourgeonnement. Kowa- levsky a le premier bien décrit cette cloison médiane des stolons chez la Pérophore (22); c'est lui qui a montré qu'elle se constitue de deux lames cellulaires accolées ; c'est lui qui a reconnu le premier que la cavité délimitée par ces lames cellulaires s'ouvre dans le sac branchial, entre le fond de l'endostyle et l'entrée de l'œsophage. Seulement il n'a pas connu l'existence des deux orifices de communication et il n'a pas vu que, par son développement, cet organe se rattache étroitement au sac péricardique. Plusieurs auteurs récents et Della Valle (37) en particulier ont totalement méconnu ces données anatomiques. 2J 3Ô2 ED. VAN BENEDEN ET CH. JULIN. L'on sait depuis longtemps que, dans les stolons des Ascidies sociales, il existe deux courants sanguins inverses, l'un centri- pède, l'autre centrifuge. Ces deux courants sont séparés l'un de l'autre par la lame épicardique (cloison stoloniale) et comme cette dernière n'atteint jamais l'extrémité même du stolon, le courant centrifuge arrivé près de cette extrémité, contourne le bord de la lame épicardique et se continue dans le courant centripète. Le cœur est toujours placé immédiatement sous le cul de sac épicardique et accolé à ce dernier. Le plancher de l'épi- carde est intimement uni au péricarde, aux deux côtés du raphe cardiaque, de telle sorte que la paroi cellulaire qui forme le plancher de l'épicarde ferme supérieurement la gouttière cardiaque et constitue à proprement parler le raphe du cœur. N'était la présence de l'épicarde, le vaisseau cardiaque pré- senterait dans toute sa longueur une fente ouverte. C'est ainsi que l'épicarde est organiquement lié au péricarde et au cœur. 11 joue aussi un rôle important dans la régulation du courant sanguin. Quand le cœur se contracte d'arrière en avant, il sort de son orifice antérieur un courant qui se dirige d'arrière en avant sous l'épicarde et se continue sous la gouttière hypo- branchiale. C'est ce courant, ce vaisseau, si l'on peut ainsi parler, qui répond à l'artère branchiale primaire des Vertébrés, le cœur occupant la même position et affectant les mêmes rapports chez les Tuniciers que chez les Vertébrés. Le sang passe, de ce vaisseau ventral médian, sur les faces latérales du sac branchial, poui^ gagner la ligne medio dorsale. Là il donne lieu à un courant antéro-postérieur médian, à un vaisseau dorsal, qui se porte d'avant en arrière, au-dessus du sac branchial, de l'œsophage et de l'estomac. Il est homologue au courant aortique des Vertébrés. Il règne donc au-dessus de l'épicarde qui lui même est sous-jacent à l'œsophage. Quand, ce qui ne tarde pas à se produire, chez la Claveline, la lame épicardique dépasse en arrière le cul de sac de l'estomac, ce courant pour arriver à l'orifice postérieur du tube cardiaque doit contourner le bord postérieur libre de la lame épicar- RECnERCHES SUR LA MORPUOLOGIE DES TUNICIËRS. 303 (lique. Quand, aux dépens du pied de la jeune Claveline fixée, s'est développé un tube stolonial, la lame épicardique s'est étendue jusques près de l'extrémité du stolon. C'est donc en ce point que se fera alors la réflexion du courant dorsal ou sus-épicardique dans le courant ventral ou sous-épicardique. Chez les Ascidies simples, au lieu d'un stolon il se produit des espaces stoloniaux dans l'épaisseur de la tunique externe. Ces espaces, à tort désignés sous le nom de vaisseaux du test, sont constitués comme le stolon des Ascidies sociales. Chaque espace tubulaire, délimité par l'épiderme, est divisé par une cloison membraneuse, homologue à la lame épicardique des Clavelines et des Pérophores, en deux vaisseaux sanguins, l'un centripète, l'autre centrifuge. L'épicarde, en séparant l'un de l'autre les deux courants principaux des Ascidiens, le courant postéro-antérieur, ventral, hypobranchial ou sous-épicardique, du courant antéro-posté- rieur, aortique, ou sus-épicardique, joue donc un rôle important dans la régularisation du torrent circulatoire. Les deux formations, dont nous venons de parler, le péri- carde et l'épicarde se rattachent donc intimement l'une à l'autre tant, au point de vue anatomique, qu'au point de vue physiologique. Elles se lient aussi l'une à l'autre par leur genèse. Le péricarde, dont une partie constitue le tube car- diaque, et l'épicarde naissent d'une même ébauche et consti- tuent des parties différentiées d'une même formation embryon- naire que nous désignons sous le nom de procarde. Le procarde se constitue de deux portions latérales non- seulement distinctes, mais séparées l'une de l'autre, de deux bourrelets procardiques, qui naissent l'un et l'autre de l'hypo- blaste, au plancher de la cavité branchiale, vers la limite entre le sac branchial et l'œsophage. Ces deux bourrelets cellulaires pleins d'abord, adhérents à l'hypoblaste dont ils proviennent, s'en détachent bientôt vers le milieu de leur longueur, puis à leur extrémité postérieure; ils constituent alors deux cylindres procardiques, fixés seulement par leur extrémité antérieure. Ces cylindres, sous-jacents à l'œsophage, s'accolent l'un à 304 ED. VAN BENEDEN ET CH. JULIN. l'autre dans la plus grande partie de leur longueur; ils restent seulement écartés près de leur insertion à la paroi du sac branchial, entre le fond de la gouttière hypobranchiale et l'entrée de l'œsophage. Les deux cylindres sont toujours d'inégales dimensions : le gauche est toujours plus volumineux que le di'oit. Bientôt une cavité apparaît dans chacun des organes, et pres- qu'aussitôt après, les deux cylindres s'étant soudés entr'eux, les deux cavités se mettent en communication l'une avec l'autre. Les portions terminales des cylindres soudés entre eux don- nent ainsi naissance à une vésicule unique, dont la cavité est délimitée par un epithelium formé d'une assise unique de cel- lules. Cette vésicule se rattache à l'hypoblaste branchial par deux cordons pleins, les restes des deux cylindres procardi- ques. Mais bientôt ces cordons s'excavent à leur tour; il en résulte la formation de deux tubes ou canaux par lesquels la cavité de la vésicule se met en communication avec la cavité branchiale. La vésicule terminale constitue l'ébauche du sac péricardique; les deux tubes qui le rattachent au sac bran- chial sont les premiers rudiments de l'épicarde. La vésicule présente son plus grand diamètre dans le sens transversal; son diamètre vertical est beaucoup moindre. Son plancher, qui regarde la face ventrale de la larve, est convexe; sa voûte présente une concavité bien marquée du côté de l'œsophage. Cette concavité est le premier indice de la cavité cardiaque. C'est en effet la voûte incurvée de la vésicule qui devient la paroi du cœur; sou plancher donne naissance au péricarde proprement dit. A ce moment l'ébauche commune du péricarde et de l'épi- carde affecte l'apparence non pas d'un diverticule unique, mais d'un double diverticule partant du fond du sac branchial. L'hypoblaste se continue dans la paroi de ces deux culs de sacs, confondus, à leur extrémité, en une cavité unique. Au stade suivant le sac péricardique se sépare par étran- glement des deux tubes qui mettaient sa cavité en communi- cation avec la cavité branchiale; à partir de ce moment il RECHERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 305 constitue un sac clos dont la section transversale a la forme d'un croissant. Déjà avant le moment où la séparation s'accomplit, les deux tubes épicardiques se sont distendus, en deçà des étrangle- ments qui vont les séparer du sac péricardique. Les deux tubes s'accolent et puis se soudent entre eux, au niveau de ces dilatations. Il en résulte la formation, au dessus du sac péri- cardique, d'une nouvelle vésicule, dont le plancher ferme supérieurement la cavité du cœur et qui reste en communi- cation par deux orifices avec le sac branchial. Cette nouvelle vésicule c'est le cul de sac épicardique. Dès ce moment se trouvent réalisés les organes qui persisteront, en se modifiant seulement dans leur forme et dans leurs dimensions, pendant toute la durée de la vie. Le sac péricardique s'allonge dans le sens antéro-postérieur et donne naissance à deux demi-tubes emboîtés l'un dans l'autre : le cœur et le péricarde proprement dit. Les cornes du croissant, que l'on voit à la coupe transversale du sac, se rapprochent l'une de l'autre et par là la largeur du raphe cardiaque dimi- nue ; le feuillet viscéral du sac, constituant la paroi du cœur, donne naissance, en se diff'érentiant, au myocarde et à l'ecto- carde. La paroi cardiaque et le péricarde proprement dit restent en continuité l'un avec l'autre le long du raphe. En même temps l'épicarde s'allonge considérablement; le cul de sac terminal transformé en une longue cavité aplatie de haut en bas conserve avec le cœur ses rapports primitifs. Les deux embouchures du cul de sac s'allongent également; elles continuent à s'ouvrir dans le sac branchial. Le cul de sac épicardique, en se développant d'avant en arrière, entraîne avec lui le cœur; celui-ci gagne la face ventrale de l'estomac, après avoir siégé au début sous l'œsophage. Le cul de sac épicardique, réduit à une double lame cellulaire dépasse en arrière le sac péricardique; il s'engage dans le pied de la Claveline fixée, puis dans les stolons qui en partent, séparant partout le courant aortique ou sus-épicardique du courant branchial ou sous-épicardique. 306 ED. VAN BENEDEN ET CH. JULIN. Le mode de développement du procarde indique clairement que nous avons affaire ici à un processus cœnogénétique : comme cela se présente si fréquemment en embryogéuie, une ébauche cellulaire pleine et massive se développe là où primi- tivement se produisait une invagination. Il résulte claire- ment de toute l'étude que nous venons de faille, que les cavités péricardique et épicardique, de par leur origine, sont des dépendances de la cavité branchiale. Le cœur, le péricarde et l'épicarde se développent aux dépens de l'hypoblaste branchial. Ce qui n'est pas moins remarquable, c'est l'existence de deux ébauches distinctes, contribuant concurremment à la genèse des organes cardiaques. Nous voyons se reproduire, chez les Ascidiens, le fait bien connu de la dualité originelle du cœur des Vertébrés supérieurs. De même que les autres organes médians, le système nerveux et la notocorde, le sac péricardique et par conséquent le cœur de la Claveline se développent aux dépens de deux ébauches, l'une droite, l'autre gauche, procédant probablement l'une du premier blastomère droit, l'autre du premier blastomère gauche. Ce qui est remarquable ici c'est l'inégalité des deux ébauches procardi- ques : nous avons toujours trouvé que l'ébauche di'oite est moins volumineuse que celle de gauche. II. Développement du Cœur et de ses dépendances chez le Bourgeon. Nous n'avons pas l'intention de faire ici l'histoire complète du développement du bourgeon chez la Claveline. Il existe deux travaux sur le bourgeonnement chez les Ascidies sociales. L'un, le plus ancien des deux, a eu pour objet la Peropiiora Listeri. C'est le mémoire bien connu de Kowalevsky(22). Nous avons refait après lui le développe- ment du bourgeon de la Pérophore de Naples. Des bourgeons de tout âge ont été débités en coupes transversales et longi- tudinales et, en tout ce qui concerne les premières phases du développement, nous n'avons pu que confirmer point par RECHERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 307 point les données fournies par 1' eminent naturaliste russe, sans avoir rien à ajouter, rien à rectifier à son excellente description. Nous sommes arrivés à des résultats différents en ce qui concerne l'évolution de l'appareil génital ; nous n'avons pas pu nous édifier complètement sur l'histoire du cœur et du système nerveux; mais sur tous les autres points, notamment en ce qui concerne l'origine et le mode de forma- tion de la vésicule interne, des cavités péribrancliiales et du tube digestif, nous ne pourrions que répéter ce que Kowa- levsky a si parfaitement observé et si excellemment décrit. Un second mémoire, portant cette fois sur le bourgeonne- ment chez la Claveline a été fourni par Seeliger(36). Sur bien des points les conclusions de cet auteur s'écartent considéra- blement des résultats de Kowalevsky. A en croire Seeliger le développement du bourgeon de la Claveline différerait nota- blement de celui de la Pérophore. En est-il réellement ainsi? nous ne le pensons pas. Tout ce que nous avons vu du développement du bourgeon de la Cla- veline est conforme à ce qui se passe chez la Pérophore, à de petites différences de détails près. Seeliger se trompe quand il dit que la vésicule interne se sépare très tôt de la cloison stoloniale, dont il ignore d'ailleurs les rapports avec l'individu agame. Cette séparation ne se produit à aucun stade du déve- loppement. Il fait erreui^ aussi quand il annonce que la vési- cule interne se subdivise en deux parties dont l'une constitue- rait l'ébauche du tube digestif, l'autre le premier rudiment de la cavité péribranchiale. Chez la Claveline, comme chez la Pérophore, la vésicule interne primitive se divise non pas en deux vésicules secondaires, dont l'une serait ventrale, l'autre dorsale, mais bien en trois vésicules, l'une médiane et symé- trique, qui devient le sac branchial et donne naissance à tout le tube digestif, les deux autres latérales. Ces dernières, qui se séparent de plus en plus complètement de la vésicule médiane, avec laquelle elles communiquent largement pendant toute la première période du développement, constituent les cavités péribranchiales et ne se mettent que très tard en 308 ED. VAN BENEDEN ET CH. JULIN. communication l'une avec l'autre, au-dessus du sac branchial. Seeliger a pris poiu' un diverticule du sac branchial engen- drant le péricarde et le cœur une partie de la cloison stoloniale (lame épicardique), dilatée en un large espace en deçà de la vésicule interne proprement dite; le cœur se forme non pas aux dépens de cette dernière, mais bien aux dépens du pédicule de la vésicule interne. Seeliger admet que le cul de sac, qu'il considère comme l'ébauche du cœur et qui n'est en réalité que l'épicarde du bourgeon, se sépare complètement du sac bran- chial; cette séparation ne se produit jamais ; l'épicarde est un organe permanent qui reste en communication avec la cavité branchiale pendant toute la durée de l'existence du bourgeon. Pom^ arriver à se faire une opinion sur ces différents points il n'est pas nécessaire de retracer toute l'histoire du dévelop- pement du bourgeon. Nous avons représenté planche XI, figures 1 à 12, une série de coupes transversales d'un jeune bourgeon. Nous allons décrire ces coupes. La figure 1 représente la neuvième coupe de la série. Au milieu se voit le sac branchial, qui montre du côté de la face ventrale la gouttière hypobranchiale. A droite et à gauche se voient les coupes de deux vésicules aplaties, interposées entre l'hypoblaste branchial et l'épiderme. Ces vésicules s'étendent dans la partie dorsale du bourgeon et leurs extrémités supérieures s'insinuent partiellement entre l'épiderme et un organe médio-dorsal, qui présente, à la coupe, une cavité en forme de fente. Les deux vésicules latérales sont les cavités péribranchiales ; l'organe médio-dorsal est le système nerveux. Entre les lames épithéliales constituant les parois de ces diffé- rents organes entre l'hypoblaste branchial et l'épithélium péri- branchial, entre celui-ci et l'épiderme, entre la gouttière hypobranchiale et l'épiderme se voient des cellules mésoblas- tiques, les unes arrondies, d'autres fiisiformes ou étoilées. Le système nerveux est non seulement sous-jacent mais adjacent à l'épiderme. Nous n'insisterons pas ici sur les parti- cularités que présente la paroi du système nerveux. Les coupes précédentes, la 8® et la 1'' sont très semblables à RECHERCUES SIR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 309 celle que nous venous de décrire ; elles montrent, comme cette dernière, les deux cavités péribrancliiales séparées entre elles par le système nerveux et le sac brancliial. La Q" montre les extrémités antérieures terminées en culs de sac des deux cavités péribrancliiales. La 6^ ne présente plus de traces de ces vésicules latérales. Les coupes 10 et 11 sont aussi semblables à la 9^; seule- ment les vésicules latérales descendent plus bas. La 12« (fig. 2) montre à droite du système nerveux l'extré- mité aveugle de l'intestin, accolée à la cavité péribrauchiale. Il est à remarquer que la position réelle des organes est inverse. La moitié droite dans toute cette série de figures représente la moitié gauche du corps et vice versa, ce qui dépend de ce que les coupes faites au microtome, d'avant en arrière n'ont pas été retournées sur le porte-objet. La 14** coupe (fig. 3) montre la cavité péribrauchiale, à gauche, sous la forme d'un diverticule de la cavité branchiale. Les coupes étant légèrement obliques, à droite la cavité appa- raît encore sous la forme d'une vésicule close, séparée du sac branchial. En Int. se voit la coupe transversale de l'intestin. La 15^ coupe (flg. 4) montre à droite la communication entre la cavité péribrauchiale, et le sac branchial. L'examen de la série des coupes 6 à 15 démontre clairement qu'à ce stade du développement il existe encore deux cavités péri- branchiales distinctes, complètement séparées l'une de l'autre. Elles communiquent toutes deux, par un large orifice, avec le sac branchial. Elles constituent deux diverticules du sac bran- chial dirigés de bas en haut et d'arrière en avant. Les coupes 16 à 21 sont semblables à la coupe 15, avec cette seule différence, qu'elles ne montrent plus aucune trace des diverticules péribranchiaux. La cavité branchiale y est plus étendue que dans les coupes précédentes et le système nerveux apparaît dans toutes ces coupes, sous la forme d'une plaque cellulaire adjacente à la face interne de l'épiblaste. La coupe 21 montre l'entrée de l'œsophage sous la forme d'une gouttière s'ouvrant dans la cavité branchiale. A la place 310 ED. VAN BErSEDEN ET CH. JULIN. occupée dans les coupes précédentes par la gouttière hypo- branchiale, se voit un repli de la paroi, saillant dans la cavité branchiale ; il en résulte que la coupe transversale de cette cavité prend la forme d'un bissac. Coupe 22. (fig. 5) La cavité branchiale se montre divisée en deux cavités distinctes, situées l'une dans la moitié droite, l'autre dans la moitié gauche du corps. La plaque nerveuse permet encore de reconnaître la ligne médiane; un peu à droite du plan médian se voit la coupe de l'intestin; un peu à gauche la coupe de l'œsophage. Cette dernière apparaît encore sous la forme d'une gouttière. L'épithélium qui constitue la paroi œsophagienne se continue encore manifestement avec l'hypo- blaste formant la voûte de la cavité branchiale. Le repli que formait le plancher de cette même cavité dans la coupe précé- dente, s'est soulevé ici jusqu'à la voûte de la cavité et le bord supérieur de ce repli s'est accolé à la lèvre postérieure de l'ori- fice œsophagien. Il en est résulté la subdivision de la cavité branchiale en deux cavités latérales. Ces deux larges cavités que montre la coupe 22 (fig. 5) ne sont autre chose que les orifices épicardiques, et il ressort clairement de l'étude du bourgeon dont nous nous occupons, que ces orifices se forment ici secondairement par subdivision d'une cavité primitivement unique. Cette subdivision résulte du soulèvement du plancher de la cavité branchiale, en arrière de l'endostyle, en un repli dont le bord supérieur libre s'accole et puis se soude à la voûte de la cavité, immédiatement en arrière de l'entrée de l'œsophage. La coupe 24 (fig. 6) nous montre la coupe de l'épicarde, dont le plancher, soulevé en un repli vertical, divise incomplè- tement la cavité en deux parties latérales. Cette coupe inté- resse le bord postérieui' du repli dont nous avons signalé le bord antérieur, au fond de la cavité branchiale, dans la coupe 21, et le milieu dans la coupe 22, représentée figure 5. La coupe 26 (fig. 7) montre la cavité épicardique indivise. A la paroi de l'intestin sont accolés, aussi bien dans cette coupe que dans la précédente (fig. 6) et dans les suivantes RECHERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 311 (fig. 8, 9 et 10), des masses cellulaires arrondies, les unes dépourvues, les autres pourvues d'une cavité. Ces masses représentent les coupes transversales de la glande intestinale tubulaire, dont les ramifications enlacent, chez l'adulte, une grande partie de l'intestin. La coupe 34, représentée figui-e 9, montre en E l' embouchure dans l'estomac de cette glande intestinale, dont la fonction est encore fort énigmatique. L'ébauche de système nerveux (cordon ganglionnaire vis- céral), peut être poursuivie jusqu'en arrière du point où l'esto- mac se continue dans l'intestin (coupe 43 figurée fig. 12). Dans les dernières coupes il n'est pas possible de voir la limite entre l'ébauche neurale et l'épiderme; elle paraît être im simple épaississemeut de l'épiblaste (fig. 10, 11 et 12). Les figures 8, 9, 10 et 11 qui représentent les coupes 31, 34, 36 et 39, montrent, sous le système nerveux, l'ébauche des organes sexuels. Nous attirerons dès à présent l'atten- tion sur deux particularités relatives à cette ébauche. Son siège sous le système nerveux en fait un organ médian. Sa forme est celle d'une vésicule dont le grand axe croise trans- versalement le tronc d'origine de la glande intestinale. Elle est placée au-dessus du tube digestif, entre celui-ci et le système nerveux, tandis que l'épicarde et le cœur, dont nous allons parler, sont sous-intestinaux. Nous reviendrons plus loin sur la description de cette ébauche génitale, dans le chapitre qui traitera du développement de l'appareil sexuel. La coupe 31 (fig. 8) passe par l'extrémité antérieure du sac péricardique et du tube cardiaque. Ce tube est ouvert en avant et communique avec les espaces vasculaires ambiants. La coupe montre que le sac péricardique se termine en avant par deux cornes latérales délimitant à droite et à gauche la cavité du cœur. Les coupes 29 et 30 permettent de recon- naître que ces deux cornes se terminent en cul-de-sac l'une et l'autre. L'extrémité antérieure du sac péricardique et celle du cœur sont sous-jacentes à l'organe épicardique, qui présente encore, à ce niveau, une très large cavité; le sac péricardique est accolé à la lame épithéliale qui constitue le plancher de la cavité épicardique. 312 EU. VAN BENEDEN ET CH. JULIN. La figm^e 9, qui représente la 3i^ coupe, montre en haut la cavité épicardique, en bas le sac péricardique. Le feuillet viscéral du sac péricardique constitue la paroi du cœur. Il est formé par un epithelium plat. La cavité cardiaque est délimitée par une ligne très nette. Lnmédiatement en dehors se voit une rangée de points brillants : ce sont les coupes de fibrilles mus- culaires siégeant dans les cellules épithéliales de la paroi cardiaque. La couche formée de fibrilles représente le myocarde; la couche formée par le protoplasme et les noyaux cellulaires est l'ectocarde. Le feuillet pariétal du péricarde (péricarde proprement dit) est formé par un epithelium plat. Les deux feuillets du sac péricardique se continuent l'un avec l'autre, aux deux côtés de la fente cardiaque. Aux côtés de cette fente péricarde et épicarde sont soudés l'un à l'autre. Une partie de l'épithélium constituant le plancher de l'épicarde ferme la fente cardiaque et constitue le raphe du cœur. La cavité de l'épicarde présente dans le plan médian son minimum de hauteur : elle a la forme d'un 8 couché horizontalement. La figure 10 (coupe 36) montre l'épicarde subdivisé en deux tubes inégaux, siégeant l'un à droite l'autre à gauche du plan médian. Ces deux tubes sont accolés au sac péricardique. La figiu^e 11 (coupe 39) montre ces deux tubes plus réduits. La gouttière cardiaque est ouverte supérieurement. La figure 12 (coupe 43) ne montre plus rien, à gauche, du tube épicardique. Le fond en cul de sac de la branche de ce côté se trouve sur la coupe 41. On distingue au contraire dans la coupe 43 le fond du cœcum épicardique droit. Le sac péricardique est très large à ce niveau; le tube cardiaque est largement ouvert en haut. Nous n'avons pas représenté les coupes subséquentes de ce bom-geon : ces figures auraient fait double emploi avec celles que nous avons représentées, planche XV, figure 1 à 7 et qui représentent, à une moindre échelle, des coupes transversales d'un bourgeon un peu plus âgé. En suivant cette série de coupes non représentées du bourgeon flgui-é planche XI, il est facile de constater qu'ici, comme dans le bourgeon de la RECHERCUES SUR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 318 planche XV, le sac péricardique prend en arrière la forme d'une gouttière de plus en plus largement ouverte en haut : il ne montre bientôt plus, à la coupe transversale, qu'une fente horizontale comme dans les figiu'es 5 et 6 de la planche XV ; plus en arrière encore le plancher et la voûte de cette fente se rapprochent l'un de l'autre ; la fente se rétrécit, puis dispa- rait totalement, le sac péricardique se continuant en arrière en une mince lame membraneuse comme dans la figure 7 de la planche XV. Cette membrane est formée par l'accolement de deux epitheliums plats; on peut la poursuivre, à travers le pied du bourgeon jusques dans la cloison des stolons. Comme Kowalevsky l'a le premier reconnu chez la Pérophore, cette cloison que nous avons appelée la lame épicardique est formée par deux couches cellulaires accolées l'une à l'autre; entre les deux existe une cavité virtuelle. Il résulte clairement de l'étude que nous venons de faire, que chez le bourgeon cette cavité communique avec la cavité péricardique, tandis que dans l'mdividu qui provient de la transformation de la larve, elle communique non pas avec le péricarde mais avec le sac branchial, par l'intermédiaii^e de l'épicarde. C'est ce que nous avons démontré plus haut. De ce fait que la cloison stoloniale affecte des rapports différents dans l'individu agame et chez le bourgeon sexué il résulte que les orifices du cœur ne présentent pas les mêmes rapports avec les espaces sanguins chez la larve transformée d'une part, chez le bourgeon de l'autre. Chez l'individu qui provient de l'œuf et qui, comme on sait, reste stérile, les deux extrémités du cœur et les deux orifices terminaux du tube cardiaque se trouvent l'un et l'autre en dessous de l'épicarde et par conséquent de la lame stoloniale. Le sac péricardique est enroulé autour du courant sanguin sous épicardique et la direction du coiu'ant est la même en arrière du cœur, dans le tube cardiaque et en avant du cœur. Il est inverse au con- traire, sous l'épicarde et au dessus de l'épicarde. Dans les bourgeons au contraire l'orifice postérieur du cœur est sus-épicardique, tandis que son orifice antérieur est sous- 314 ED. VAN BENEDEN ET CH. JULIN. épicardique. Il en résulte que, chez le bourgeon le courant stolonial sous-épicardique n'aboutit pas à l'extrémité posté- rieure du cœur, comme dans l'individu agame, mais bien à son extrémité antérieure. Au contraire le courant stolonial sus- épicardique aboutit, chez le bourgeon, à l'extrémité postérieure du cœur, tandis que chez l'individu agame ce courant n'afifecte pas de rapports immédiats avec le cœur. L'on ne possède pas jusqu'ici les éléments nécessaires pour trancher la question de savoir si le courant sous-épicardique de l'individu agame se continue dans le courant sous-épicar- dique du bourgeon ou au contraire dans le courant sus-épicar- dique de ce dernier. Suivant que l'une ou l'autre de ces hypothèses se réalise la direction des contractions cardiaques et celle des courants sanguins doit être semblable ou inverse dans l'individu qui provient d'une larve et dans les bour- geons qu'il engendre. Résumoiis maintenant les faits relatifs à la constitution et aux rapports des organes cardiaques, tels qu'ils ressortent de Vexamen des bourgeons, partielleynent représentés dans les planches XI et XV. — Le sac péricardique de ces bourgeons consiste en une simple dilitation vésiculiforme de la cloison stoloniale. Cette vésicule présente ceci de particulier que sa paroi dorsale est invaginée dans sa paroi ventrale Cette paroi dorsale invaginée du sac péricardique constitue la paroi cardiaque. Le tube épicardique au contraire, complètement séparé de la cloison stoloniale, constitue, avec le sac branchial, une seule et même formation. Ce diverticule, qui communiquait d'abord avec le sac branchial par un orifice unique, se subdivise à son origine, à la suite de la formation d'un repli médian qui, partant du plancher de la cavité commune primitive, se soude enfin par son sommet à la voûte de la cavité, immédiatement en arrière de l'entrée de l'œsophage. Il en résulte que l'orifice de communication primitif se subdivise en deux orifices laté- raux, séparés l'un de l'autre par le repli dont le bord antérieur devient le fond de la cavité branchiale. Ces deux orifices, RECHERCflES SUR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 315 semblables aux orifices épicardiques de la larve mettent en communication le sac branchial avec le cul de sac épicardique. Ces orifices, pour être analogues à ceux de la larve, n'en ont pas moins un tout autre mode de formation. Le cul de sac épicardique est bilobe en arrière. Il se tennine par deux cœcums, accolés à l'extrémité antérieure du sac péricardique, avec lequel ils affectent des rapports semblables à ceux que nous avons fait connaître chez de jeunes larves. Avant de conclure à la genèse des formations cardiaques chez le bourgeon de la Claveline, nous ferons connaître les particularités que nous avons constatés chez un bourgeon plus jeune, dont nous avons représenté quelques coupes transver- sales planche XVI figures Sa à 3e. La coupe représentée figure 3a montre en œ la coupe de l'œsophage; en Int. l'intestin; en T. Ej) la tube épicardique; en S. Pe le sac péricardique. En suivant d'arrière en avant la série des coupes transversales, en partant de celle que nous avons représentée (flg. 3a), l'on constate que le tube épicar- dique communique largement en avant, par un orifice unique, très large, avec le sac branchial. Pharynx et épicarde consti- tuent encore une seule et même cavité. En 36 l'on voit que le tube épicardique se bifurque en arrière en deux branches. Figure 3c. La branche à gauche communique avec le sac péricardique. Figure Sd. La même communication s'est établie à droite entre l'épicarde et le péricarde. Figui-e 3e, la cavité commune est plus réduite. En suivant d'avant en arrière la série des coupes l'on constate que la réduction s'accuse de plus en plus ; le plancher tend à s'accoler à la voûte comme dans la figure 6 (pi. XV); plus en arrière encore les deux lames épithéliales se sont confondues en une cloison transver- sale comme en figure 7 (pi. XV). Cette lame on peut la pour- suivre jusques dans le stolon d'où émane le bourgeon. Il résulte de l'examen de la série des coupes successives faites à travers le bourgeon partiellement représenté pi. XVI, figure Sa à 3e, que le péricarde, l'épicarde et le sac branchial sont des parties, incomplètement séparées l'une de l'autre, de 316 ED. VAN BËNEDEN ET CH. JULIN. la vésicule interne du bourgeon. Celle-ci procède de l'écarte- ment des deux lames cellulaii^es qui constituent la cloison stoloniale. Les cavités du sac branchial, du tube épicardique et du sac péricardique, communiquent entre elles; elles sont des parties incomplètement séparées d'une seule et même cavité primitive. Cependant, le sac péricardique a commencé à se séparer de l'épicarde, et l'étude de ce bourgeon nous permet de nous faire une idée très exacte de la manière dont s'accomplit cette séparation. Les premiers indices de la formation du cœur ont apparu : 1' epithelium péricardique s'est épaissi à la voûte de la cavité ; il a donné lui à la formation d'une plaque cardiaque (iig. 3c, Sd, 3e, P. Car.). Cette plaque déprimée, a commencé son mouvement d'introflexion ou d'invagination dans la cavité du péricarde. Il en résulte qu'elle se trouve sur un plan plus inférieur que la voûte de la cavité épicardique future. Au point correspondant à l'extrémité antérieure du cœur fatur, la gouttière cardiaque devait se terminer aux stades plus jeunes par un cul de sac formé par la voûte de la cavité. Le fond de ce cul de sac refoulé en bas et en avant s'est accolé au plancher de la cavité, s'est ensuite soudé avec lui, et enfin un orifice a apparu dans la soudure. Il en est résulté l'établis- sement d'une voie de communication entre l'espace sanguin sus-épicardique et le sinus sous-épicardique. Cet orifice répond à l'extrémité antérieure du cœur. Au stade que nous considérons épicarde et péricarde com- muniquent encore entre eux, aux côtés de cet orifice (flg. 3c et 3d). Plus tard ces communications cessent d'exister (pi. XI) et dès lors la vésicule interne primitive du bourgeon s'est subdivisée en deux parties distinctes : sac branchial et épi- carde, en avant, péricarde et cloison stoloniale en arrière. Il résulte de ce mode de développement du sac péricardique et du cœur, très difféi-ent de celui de la larve, que, tandis que chez la larve et l'individu agame qui en provient, le tube épicardique se continue en arrière dans la lame épicardique, le sac péricardique entièrement clos, étant tout entier sous RECHERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 317 jacent à l'épicarde, chez le bourgeon le tube épicardique se termine en cul de sac et le péricarde s'ouvre en arrière dans la cavité virtuelle de la cloison stoloniale. Résumons VJdstoire de la genèse chi cœur et de ses dépen- dances chez la Claveline. - Chez la Claveline, comme chez la Pérophore, la vésicule interne du bourgeon résulte de l'écar- tement des deux lames cellulaires adjacentes de la cloison stoloniale. La vésicule, allongée dans le sens de l'axe du bourgeon se continue en arrière dans la cavité vii'tuelle de la cloison stoloniale. Cette vésicule se divise transversalement en une portion terminale et une portion basilaire. La portion terminale de la vésicule donne naissance au sac branchial et au tube épicardique, qui ne sont que des parties incomplète- ment séparées de la vésicule primitive et à des diverti cules secondaires, les cavités péribranchiales et le tube digestif proprement dit. La portion basilaire engendre le sac péricardique, dont la voûte invaginée devient la paroi cardiaque. Les portions terminale et basilaire de la vésicule interne communiquent largement entre elles au début. Mais bientôt la voiite invaginée de la vésicule basilaire donne lieu à une gouttière cardiaque qui se termine en avant par un cul de sac. Le fond de ce dernier va s'accoler, dans le plan médian du bourgeon, au plancher de la cavité; une perforation se montre bientôt dans la soudure; elle répond à l'orifice antérieur du cœur. Puis, par une sorte d'étranglement progi-essif les deux por- tions de la vésicule interne primitive se séparent l'une de l'autre, aux deux côtés de l'orifice antérieur du cœur. A ce moment la cavité épicardique se termine en arrière pas deux culs de sacs superposés au péricarde et accolés à ce dernier en avant. La gouttière cardiaque est encore largement ouverte. Elle se ferme incomplètement par rapprochement de ses bords et l'allongement du tube épicardique, superposé au péricarde, et accolé à ce dernier aux côtés de la fente cardia- que, permet la formation d'un véritable pont epithelial, qui, réunissant entre elles les lèvres de la fente du cœur, justifie son nom de le raphe cardiaque. ^^i 318 ED. VAN BENEDEN ET CU. JULIN. En même temps que s'opèrent ces changements, le plancher de la vésicule terminale se soulève, en arrière de la gouttière hypobranchiale en une repli dont le sommet atteint la voûte de la vésicule, immédiatement en arrière de l'entrée de l'œso- phage. Le bord antérieur de ce repli devient le fond du sac branchial ; son apparition amène la subdivision en deux ouver- tures latérales de la large communication primitive entre le sac branchial et l'épicarde. Le mode de développement et les rapports anatomiques des organes cardiaques, sont donc tout différents chez Vindividu qui procède dhme larve urodèle et chez celui qui provient d'un bourgeon. III. Structure du Cœur de l'adulte. N'était l'union des lèvres de la fente du cœur avec le plancher de l'épicarde, la gouttière cardiaque serait ouverte, non seulement à ses deux bouts, mais également dans toute la longueur de sa face dorsale. Le cœur n'est jamais par lui même un tube complet, mais bien une gouttière ouverte supé- rieurement et dont les lèvres se continuent en dehors avec le péricarde, dans le sens restreint du mot. Comme aux deux côtés de la fente cardiaque le péricarde est soudé à l'épicarde, celui-ci réunit en fait les deux lèvres de la gouttière cardiaque, de façon à compléter le tube. Une étroite bande épithéliale, formant une partie du plancher de l'épicarde constitue la voûte du cœur. C'est cette partie de l'épithélium épicardique que nous appelons le raphe cardiaque. Il ne faut pas confondre cette formation avec la fente cardiaque : le raphe s'applique sur la fente, de façon à la fermer. Chez l'adulte le raphe est extrêmement étroit; mais il n'en existe pas moins. Pour étudier la structure de la paroi cardiaque de l'adulte il importe de recourir à deux gemmes de préparations. Il faut examiner par transparence la paroi du cœur isolée, étalée et soumise au préalable à l'action de matières colorantes telles que le carmin boracique, le picrocarmin, l'hématoxyline ou d'autres ; il faut compléter les connaissances acquises de cette RFXIIERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 319 manière par l'étude de coupes longitudinales et transversales de la paroi cardiaque. Nous avons représenté planche X, figure 2 et SA, une par- tie de la paroi du cœur de la Claveline vue par transparence, telle qu'elle se présente au l/lO^ à Immersion de Hartnack. Cette paroi parait formée d'un assise unique de fibres mono- cellulaires. Elles n'ont pas toutes la même forme; les unes sont des fuseaux s' effilant progressivement en une pointe unique à chacune de leurs extrémités; d'autres, simples à l'un des bouts sont bifurquées à l'autre extrémité; d'autres encore sont bifur- quées des deux côtés. L'on en voit une, ça et là qui présente à l'un de ses bouts trois branches divergentes tandis que de l'autre côté elle reste simple ou se bifurque. Le plus souvent il existe un noyau unique pour chaque faisceau fibrillaire ; il se projette d'habitude sur le milieu légèrement renflé du fuseau ; rarement on remarque qu'il existe deux noyaux pour un seul faisceau ; parfois même à un noyau unique correspon- dent deux faisceaux parallèles, mais séparés l'un de l'autre. Les faisceaux sont manifestement striés tranversalement : la striation longitudinale quoique visible est beaucoup moins apparente (fig. 2). Entre les faisceaux se voit une substance finement ponctuée; mais les limites des cellules n'apparais- saient pas dans la préparation d'après laquelle ont été faits les dessins. Il suffit de porter son attention sur la position des noyaux relativement à la substance fibrillaire poni- reconnaître qu'ils ne sont pas entourés par la substance musculaire, mais superposés à la couche des fibrilles. C'est ce qui se voit avec la dernière évidence partout où la membrane' cardiaque pré- sente un pli et mieux encore sur les coupes réelles. L'on ne peut distinguer qu'une assise unique de fibrilles musculaii'es. Celles-ci siègent dans la partie la plus profonde de la cellule, au contact immédiat de la cavité cardiaque à la face externe d'une membrane anhyste très apparente (pi. X, fig. SB). Corella parallelogramma. — (Fig. 4A et 48). Les prépara- tions ont été faites d'après des individus traités vivants par 320 ED. VAN BENEDEN ET CH. JULIN. l'acide picrosulfurique et conservés dans l'alcool. Ici les fais- ceaux fibrillaires ne sont pas fusiformes. Ils paraissent anasto- mosés entre eux en un réseau à mailles étroites et très allon- gées. Des noyaux ovalaires sont disséminés à la surface des faisceaux, à des distances à peu près égales les unes des autres. Les limites des cellules paraissent ne plus exister. Il serait fort intéressant d'observer l'action du nitrate d'argent sur ces membranes. Il est fort probable que cet agent donnerait des images très semblables à celles que l'on obtient chez les Ver- tébrés. Les coupes longitudinales ou obliques du cœur donnent des images très semblables à celles que l'on obtient chez la Claveline. Elles paraissent indiquer que les cellules n'ont pas perdu leurs limites (fig. 45). Salim pinnata. — Figure bA, paroi du cœur vue par trans- parence; flgui^e 55, coupe longitudinale. Préparations faites chez des individus traités directement par l'alcool. Les limites des faisceaux sont ici très nettement indiquées par des lignes interposées entre les faisceaux. Les faisceaux parallèles les uns aux autres sont très longs, mais cependant fusiformes. A chaque faisceau correspondent plusieurs noyaux ovalaires équidistants. Striation transversale très nette; striation lon- gitudinale et composition flbrillah^e beaucoup moins apparentes que chez la Corelle. L'on distingue cependant fort bien ici, comme chez la Corelle, que les stries transversales sont formées par des rangées transversales de grains réfringents, et que les fibrilles sont moniliformes. Les coupes donnent les mêmes images que le cœur de la Claveline et de la Corelle. Le péricarde est formé chez toutes les espèces examinées par une assise unique de cellules plates, légèrement renflés seulement autoiu' des noyaux, où le protoplasme accumulé offre l'apparence d'un fuseau. Planche X, figure 6 A et 6 B, dessinées d'après le péricarde de la Salpa pinnata. Il résulte de l'étude que nous avons faite du cœur de la Claveline, de la Corelle et de la Salpa pinnata que chez ces diveis Tuniciers la paroi cardiaque est formée par une assise RECHERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 321 unique de cellules épithéliales aplaties. Ces cellules, partiel- lement transformées en fibrilles musculaii-es, constituent l'un des plus beaux exemples que l'on puisse citer d'éléments épithélio-musculaires. Chez la Claveline les fibrilles, dans toute leur longueur, procèdent d'une même cellule; chez la Corelle et chez la Salpe il semble que plusieurs cellules interviennent concurremment dans la formation d'une même fibrille et d'un même faisceau fibrillaire. Il n'existe jamais qu'une assise unique de fibrilles musculaires. Toutes les cellules étant transformées en substance muscu- laire, au contact immédiat de la membrane anhyste qui déli- mite la cavité cardiaque, il en résulte que l'on peut diviser cette paroi en une lamelle musculaire (myocarde) et une couche celluleuse (ectocarde). Il n'existe aucun trace d'endocarde (endothelium) chez les espèces étudiées par nous. Il ressort de ce qui vient d'être dit que, de même que, chez les Vertébrés, le feuillet viscéral du péricarde embryonnaire (feuillet splanchnique du mésoblaste) représente en puissance le myocarde et l' ectocarde, qui l'un et l'autre dérivent d'un même epithelium cylindrique primitif, de même, chez les Tuni- ciers, le feuillet viscéral du péricarde (paroi cardiaque) est à la fois myocarde et ectocarde. Nous avons en vain cherché à découvrir dans la paroi du cœur des Tuniciers des fibres et des cellules nerveuses. Il est plus que probable cependant que le myocarde est innervé, voire même qu'il existe des centres nerveux intra-cardiaques. La méthode au chlorure d'or, telle qu'elle a été pratiquée par Ranvier, dans ses admirables recherches sur le système ner- veux, est toute indiquée ici pour arriver à une connaissance plus complète du cœur. Le traitement par le nitrate d'argent rendrait aussi de grands services. Mais nous n'avons pas eu l'occasion jusqu'ici de pousser plus loin l'étude du cœur des Tuniciers. Nous y reviendrons peut-être un jour. 322 ED. VAN BENEDEN ET CH. JUUN. TROISIÈME CHAPITRE. DÉVELOPPEMENT DU TUBE DIGESTIF DE LA CLAVELINE. L'étude du développement de la larve a montré que le tube digestif constitue, dans les premiers temps de l'évolution un organe droit et médian, s'étendant dans toute la longueur du corps, jusqu'à l'extrémité de la queue. Il comprend, chez de toutes jeunes larves, trois parties distinctes : aj une dilatation antérieure, qui répond à la portion précordale du tube intes- tinal; hj une portion rétrécie, pourvue d'une cavité et d'une paroi épitliéliale complète, sous-jacente à la notocorde et siégeant, comme la dilation précordale, dans la portion viscé- rale du tronc ; c/ une portion régnant dans toute la longueur de la queue. La paroi de cette dernière est incomplète ; sa cavité n'existe bientôt plus que virtuellement. Cette troisième por- tion, rudimentaire, du tube digestif n'est représentée que par deux séries de cellules hypoblastiques sous-jacentes à la noto- corde. Les recherches de Kowalevsky ont établi et tous les tra- vaux récents n'ont fait que confirmer la disparition précoce de cette troisième portion du tube alimentaire primitif. La portion caudale du mésenteron primitif s'atrophie complète- ment : les cellules hypoblastiques qui le constituent perdent, dans le cours du développement, leur caractère epithelial et se transforment en cellules rondes qui paraissent identiques aux globules sanguins d'origine mésoblastique. Il en résulte que le tube digestif de l'adulte se développe tout entier aux dépens des deux premières portions du mésen- teron de la larve. Ces deux portions sont médianes l'une et l'autre. Comment le tube intestinal de l'adulte procède-t-il de l'ébauche larvaire réduite à deux portions médianes, la pre- mière précordale, la seconde hypocordale? C'est là un point qui n'a guère attiré l'attention et qui présente cependant, à notre avis, une très grande importance. RECHERCnES SIR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 323 n importe au plus haut point de savoir comment, aux dépens de l'appareil médian et symétrique de la larve, nait le tube digestif partiellement asymétrique et latéral de l'adulte. L'on s'est représenté le développement en admettant que l'ébauche médiane primitive, en s'allongeant progressivement se replie sur elle même : se développant dans un espace très limité, son extrémité postérieure, terminée en cul de sac, qui se continuait au début avec la traînée hypoblastique de la queue, se porte vers la gauche et en haut pour aller s'ouvrir enfin dans la vésicule cloacale gauche. Dans cette hypothèse l'anus de l'adulte répondrait à l'extrémité postérieure de la seconde partie de l'intestin et l'asymétrie de l'appareil digestif ne serait qu'apparente. C'est de cette manière que les choses se passeraient, chez les Ascidies simples, si l'on s'en rapporte aux données de Kowalevsky et des auteurs qui se sont occupés après lui du développement des Tuniciers. L'étude du développement des bourgeons semble justifier pleinement cette manière de voir. L'on y voit en eifet le tube intestinal proprement dit, naître sous la forme d'un diverticule médian de la voûte du sac branchial futur; ce diverticule s'allonger, se contourner, le fond du cul de sac se porter vers la gauche, puis se diriger en avant et en haut pour aller se mettre en rapport avec la paroi du cloaque et s'ouvrir enfin dans cette cavité. Mais il est incontestable que l'étude de la larve seule peut fournir des données certaines pour l'interpré- tation des processus génétiques primitifs : l'évolution du boui^- geon est plus directe ; l'étude des autres appareils prouve clai- rement que la marche du développement y est, à bien des points de vue, profondément modifiée. Nous avons étudié avec le plus grand soin la complication progressive de l'appareil digestif chez la larve ; nous allons faire connaître les faits qui ont attiré notre attention ; nous formulerons ensuite les conclusions que nous en avons tirées. Nous avons représenté planche XVI, figures la à Id, quatre coupes d'une jeune larve. Son âge est suffisamment 324 ED. VAN BENEDEN ET CU. JULIN. indiqué par le fait qu'elle ne présentait encore, dans la vési- cule cérébrale, aucune trace de pigment sensoriel ; les vési- cules dites cloacales ont fait leur apparition; elles ne sont encore indiquées que par de légères invaginations épiblas- tiques (fig. la et Ih). L'examen des coupes successives montre que la dilatation antérieure du tube digestif passe insensiblement à la portion rétrécie et que la limite entre ces deux portions, si nettement séparées l'une de l'autre, aux stades précédents, est maintenant méconnaissable. Un coupe transversale faite au niveau des ébauches cloacales a été représentée figure la. La cavité digestive présente à la section la forme d'un T. L'extrémité inférieure de la branche verticale du T se prolonge vers la gauche en un diverticule creux à sa base, plein à son sommet. Le sommet avoisiue l'invagination cloacale gauche. Ce diver- ticule représente l'ébauche de l'intestin proprement dit. La coupe suivante figui-e Ib ne montre plus trace du cœcum intestinal. La cavité en forme de T de la portion médiane du tube digestif est encore très apparente. La coupe suivante figure le montre le fond en cul de sac dn tube digestif. Il a une forme trilobée. Le lobe inférieur présente encore une trace de la cavité digestive. La notocorde apparaît ici entre le système nerveux et le tube digestif. Cette coupe montre, d'une manière évidente, que le tube digestif est médian. La coupe suivante n'a pas été dessinée. La subséquente est représentée figure Ici. On y voit le fond du lobe inférieur et, sous la notocorde, im cordon plein, incom- plètement séparé du lobe inférieur. Ce cordon subcordai, se retrouve encore sur la coupe sui- vante. Il est le dernier vestige, en arrière, du mésenteron de la larve. Sur la coupe suivante, à la place du cordon subcordai se voit l'espace occupé par des cellules rondes qui, aux stades antérieurs, était rempli par la portion caudale du mésenteron. Le cordon subcordai est la cicatrice du point de continuité entre la portion restée et la portion disparue du tube digestif droit des premières phases larvaires. Il résulte clairement de RECHERCUES SUR L\ MORPHOLOGIE DES TDNICTERS. 325 l'examen de cette larve que l'intestin nait sous la forme d'un diverticule, dont le fond est dirigé à gauche et en haut, du plancher de la portion médiane du tube digestif. Celui-ci se prolonge en arrière du diverticule intestinal, et se termine en un cul de sac, du sommet duquel partait la troisième portion intestinale de la larve plus jeune. La même conclusion ressort avec évidence de l'étude de larves un peu plus âgées, comme celle dont nous avons repré- senté une série de coupes (pi. XVI, fig. 2a à 2e). La figure 2a représente la 22*^ coupe de cette larve. Sous le système nerveux se voit la coupe de l'œsophage et, en dessous de ce dernier, les deux tubes procardiques, accolés l'un à l'autre et d'inégales dimensions. A gauche l'intestin coupé suivant sa longueur. La figure 2h représente la coupe 27. Sous le système ner- veux se voit la coupe de l'estomac. Du plancher de l'estomac, part un diverticule dirigé à gauche et en haut : c'est l'embou- chure de l'intestin. La coupe 30 (fig. 2c) ne montre plus trace de l'intestin; mais la cavité de l'estomac est très étendue; celui-ci se pro- longe donc en arrière de l'embouchure du l'intestin. Sous-jacent au système nerveux, dont il est séparé par la notocorde, l'estomac nous apparaît, tout aussi bien que le sac branchial et l'œsophage comme un organe médian. La coupe 33 (fig. 2d) montre le fond de l'estomac; il se prolonge assez loin en arrière, sous la notocorde, sous la forme d'un cordon plein, subcordai : on peut le poursuivre jusques dans la coupe 36 (fig. 2e) et même jusques dans la coupe 37 que nous n'avons pas figurée. Il ressort avec évidence de l'étude de ces larves que le sac branchial, l'œsophage et l'estomac sont des parties différenciées de l'ébauche primitive de la larve; ces trois parties du tube digestif sont et restent médianes et symétriques; l'estomac, terminé en cul de sac, se prolonge en arrière par un cordon cellulaire plein, très court, qui n'est qu'un reste de la portion caudale du méseutéron primitif. 326 ED. VAN BENEDEN ET CH. JULIN. L'intestin nait, sous la forme d'un diverticule secondaire du plancher de l'estomac, à quelque distance en avant du fond de cet organe. L'origine du cœcum intestinal se fait sentir à droite; elle proemine de ce côté. Le diverticule se dirige d'abord de droite à gauche puis de bas en haut et d'arrière en avant pour aboutir à la vésicule cloacale gauche. L'intestin constitue une néoformation et non un produit de transformation de l'ébauche primitive; il est une partie surajoutée à celles qui procèdent de cette ébauche. Terminé en cul de sac au début il finit par s'ouvrir dans la vésicule cloacale gauche. Son mode de développement rappelle celui des glandes. Le cœcum intestinal nait au niveau de l'extrémité antérieure de la notocorde ou bien même un peu plus en avant. H procède plutôt de la portion précordale que de la portion subcordale du mésenteron primitif. Il est donc certain que l'anus ne répond pas à l'extrémité postérieure de la seconde portion du mésenteron et que l'in- testin n'est pas une portion différentiée de la première ébauche du tube digestif; cette ébauche primitive reste médiane et elle se transforme en une série d'organes médians, le sac branchial, l'œsophage et l'estomac. Dans le tube digestif d'une Claveline adulte, il faut donc distinguer deux portions bien différentes : la portion descendante du tube digestif, qui résulte de la transformation de la première ébauche et la portion ascendante, qui nait toute entière d'un cœcum secondaire inséré au plancher de l'estomac, et proéminant, à son origine renflée, à droite du plan médian. Si donc chez les Phallusiadés, les Molgulides et les Cyn- thiadés tout le tube digestif, à partir de l'entrée de l'œsophage, est rejeté sur l'une des faces du sac branchial, c'est qu'il s'est produit, chez les Ascidies simples, des changements de position secondaires, des altérations des rapports anatomiques pri- mitifs. La Claveline, qui conserve bien plus complètement les dispo- sitions typiques que révèle l'étude du développement de la larve urodèle, nous apparaît comme un type bien moins modifié RECHERCHES SIR LA MORPHOLOGIE DES TUNTCIERS. 327 par cœnogénèse. Nous verrons que l'étude de tous les appa- reils conduit à la même conclusion. La Claveline adulte est absolument organisée comme la portion viscérale du tronc de la larve étirée en longueur après l'atrophie de la queue. A notre avis le type des Clavelines auquel il faut probablement rattacher les genres Rhopalea, les Diazona et moins intime- ment les Giona est plus archaique que toutes les formes actuel- lement vivantes du groupe des Ascidieus. QUATRIEME CHAPITRE. DÉVELOPPEMENT DE L'APPAREIL SEXUEL. Ganin a le premier attiré l'attention sur ce fait important que chez les Ascidies sociales, comme chez les Synascidies, l'individu qui provient de la transformation de la larve ne devient pas sexué. La souche de la colonie est stérile et c'est dans les bom^geons seuls que l'appareil sexuel se développe. Chaque zooïde engendré par voie agame est hermaphrodite et si la maturation des produits sexuels ne se fait pas toujoui's simultanément dans les deux appareils, il n'en est pas moins certain qu'un appareil mâle et un appareil femelle complets l'un et l'autre coexistent dans chaque individu, A ce dernier point de vue, les zooïdes nés de bourgeons, chez les Ascidies sociales, se comportent exactement comme les Ascidies simples. Nous diviserons en deux parties le chapitre de notre travail qui traite de l'appareil sexuel des Ascidiens. La première aura pour objet l'étude de la formation des appareils; dans la seconde nous ferons connaître les résultats de nos recherches sur l'ovogénèse chez la Claveline. L'étude de l'ovogénèse est inséparable de l'histoire du développement de l'ovaire, La structure de l'ovaire des Tuniciers, si peu connue et si mal comprise jusqu'ici, ne peut être convenablement interprétée que si l'on a suivi l'organe depuis le moment de sa première appa- rition, et l'on possède jusqu'ici fort peu de données sur la 328 ED. VAN BENEDEN ET CH. JULIN. genèse de l'appareil sexuel des Ascidiens. Il n'est guère dou- teux que les opinions si contradictoires et parfois si étranges, qui ont été émises sur l'ovogénèse des Tuniciers, tiennent en partie à ce que la constitution de l'ovaire est si peu élucidée. Pour arriver à connaître l'ovogénèse l'on a eu presqu'exclusi- vement recours à la méthode des dissociations, appliquée à des ovaires très complexes d'animaux adultes. Or, il n'est pas possible, en dilacérant des fragments d'ovaires de comprendre la structure de ces organes et de se faire une idée exacte de la constitution de cet appareil. Or il paraît bien difficile d'arriver à connaître l'ovogénèse, alors que l'on ignore la constitution de l'appareil qui engendre les œufs. A. DE LA GENÈSE DES APPAEEILS SEXUELS MALE ET FEMELLE. Nous avons étudié la formation des organes sexuels chez la Pérophore, chez la Claveline et chez une Ascidie simple très commune sur nos côtes : la Phallusia scabr aides. E. Yan Beneden et Ch. Julin. § I. Développement des organes sexuels chez la Pérophore. Nous ne connaissons aucun Ascidien qui se prête mieux que la Pérophore à l'étude de la formation de l'appareil sexuel. Aussi est-ce à cet animal que Giard et Kowalevsky se sont adressés dans les tentatives qu'ils ont faites pour résoudre cette question. L'examen de bourgeons vivants ou montés dans le baume, après coloration préalable, permet l'observation de la plupart des faits dont nous allons rendre compte. D'après Giard, " l'ovaire et le testicule, au moment où ils se constituent, présentent exactement le même aspect; ce sont de grands culs de sac pyriformes, dont les parois présentent un grand nombre de noyaux réfringents assez analogues à ceux de l'enveloppe commune. Ces noyaux sont surtout abondants RECHERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 329 dans le fond des ' culs de sac où ils forment un amas qui ne tardera pas à devenir granuleux. Bientôt dans cette matière, qui peu à peu remplit toute la cavité du cul de sac, on voit se produire des cellules arrondies à noyau bien visible. „ Dans les culs de sac mâles les noyaux de ces cellules se segmentent et bientôt l'on a sous les yeux des cellules mères de spermatozoïdes, tout à fait comparables à celles que l'on trouve chez les animaux supérieurs, comme on peut s'en con- vaincre en examinant la figure 7 de notre planche XX. „ ^1 î , Cette description montre combien peu Giard s'est attaché / à rechercher l'origine et les phases successives par lesquelles, passe l'appareil sexuel dans le cours de son évolution. Giard a laissé la question ouverte et quand Kowalevsky a fait con- naître le résultat de ses études son l'origine du testicule et de l'ovaire, chez la Pérophore, il pouvait à bon droit se dispenser de citer aucun travail antérieur. Kowalevsky (22) a vu la première ébauche des glandes génitales sous la forme d'un très petit amas plein de cellules, situé près de l'estomac, accolé au canal excréteur de la glande intestinale, au point où ce canal se bifurque. Bientôt cette spherule cellulaire se creuse d'une cavité et se transforme en une vésicule renfermant deux ou trois cellules libres dans son intérieur. De cette vésicule part, en se dirigeant parallèlement à la portion supérieure du tube digestif, une série de noyaux entourés de protoplasma et qui se termine dans la paroi de la vésicule cloacale, un peu au-dessous de l'ouverture anale. La vésicule grandit, se remplit de cellules et se divise supé- rieurement en deux lobes qui se sous-divisent à leur torn-. En même temps, sur la ligne des noyaux unissant la vési- cule lobée à la cavité cloacale et près de la base de la vésicule, il apparaît encore un très faible amas de cellules. De ce dernier aussi on voit partir bientôt une série de noyaux formée exactement comme la première et rejoignant également la cavité cloacale. Cependant la vésicule génitale primitive grandit rapidement; ses lobes se multiplient et se remplissent de cellules libres. 330 ED. VAN BENEDEN ET CU. JULIN. La série des noyaux ne tarde pas à former un canal abducteur par le dédoublement des noyaux primitifs et la formation d'une lumière faisant communiquer la glande avec le cloaque. Les cellules libres des lobes donnent naissance à des sperma- tozoïdes et il devient évident que l'ébauche génitale primitive était le premier rudiment du testicule. Ce n'est que quand le testicule est déjà fort avancé dans son développement que le second amas cellulaire, que nous avons vu apparaître, se trans- forme lui aussi en glande creuse. Certaines cellules de cet amas se transforment bientôt en jeunes ovules qui permettent de reconnaître l'ovaire. La série des noyaux qui l'unit au cloaque devient un oviducte, qui, dans tout son parcours, est uni au canal déférent. Kowalevsky a parfaitement décrit la première ébauche de l'appareil sexuel, formée d'une part d'un amas plein de cel- lules, d'autre part d'un cordon cellulaire qui, partant de cet amas, se prolonge jusqu'au cloaque. Mais il ne se prononce pas sur l'origine de cette ébauche. D'autre part il fait appa- raître plus tard une seconde ébauche semblable à la première et tandis que celle-ci donne naissance à l'appareil sexuel mâle, celle-là devient l'appareil femelle. Il existerait deux cordons cellulaires pour représenter les ébauches des deux conduits excréteurs, comme il se constitue deux ébauches distinctes pour les deux glandes sexuelles. Les cordons cellulaires pleins donneraient naissance l'un au canal déférent, l'autre à l'ovi- ducte Nos conclusions ne s'accordent pas, en ce qui con- cernent ces différents points, avec les résultats annoncés par Kowalevsky. Nous avons trouvé en effet qu'une même ébauche primitive donne naissance non-seulement au testicule, mais aussi à l'ovaire, à Toviducte et au canal déférent. Il n'existe pas d'ébauche ovarienne primitivement distincte; et il n'apparaît jamais deux cordons cellulaires pleins (séries de noyaux de Kowalevsky). Le cordon primitif est et reste unique. Nous allons décrire les stades successifs de l'évolution de l'appareil. RECnERCUES SUR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 331 Nous avons représenté planche XII, figure 1, le plus jeune stade observé. L'ébauche génitale occupe exactement la place indiquée par Kowalevsky. Elle siège dans la concavité de la coui-be intestinale, et se projette sur la glande tubuleuse intestinale, qui montre déjà un canal excréteur s'ouvrant largement dans la dilatation stomacale et trois branches de division dirigées vers l'intestin. Elle est formée comme le décrit Kowalevsky d'nn petit nombre de cellules réunies en une petite spherule cellulaire pleine. Ces cellules sont identiques aux globules sanguins qui remplissent les espaces vasculaires voisins. De cette spherule cellulaire part un cordon formé par une rangée unique de cellules placées bout à bout et présentant, elles aussi, tous les caractères des cellules méso- blastiques voisines. Cette trainee cellulaire décrit une courbe semblable à celle de l'intestin et se dirige paraUèlemeut à ce dernier. A ce moment l'intestin se termine encore en cul de sac et l'anus n'est pas encore formé. Il nous a semblé que le cordon génital n'atteint pas encore, à ce stade, l'épithelium cloacal. Des coupes de bourgeons de même âge, faites dans la direction indiquée dans la figure 1 par la ligne a h, ont été représentées planche XVI, figiu-e oa et bh. Ces figures repré- sentent deux coupes successives du même bourgeon. Les rapports indiqués plus haut de la masse génitale avec l'ébauche de la glande intestinale permettent de retrouver facilement dans les coupes l'ébauche sexuelle. La figure 5a montre en E la coupe de l'estomac, en /celle de l'intestin, en O I celle de la glande intestinale. La masse génitale, E (r, est adjacente à la glande; elle se trouve placée entre elle et l'épiderme, au milieu du mésoblaste. La coupe suivante (fig. 5&) montre l'embouchure dans l'estomac de la glande intestinale. La masse génitale se voit immédiatement en dehors {E 0). L'on remarque ici une particularité que nous signalerons encore plus loin à propos de la Phallusia scabroïdes. Quelques-unes des cellules périphériques de l'amas génital sont pourvues de prolongements semblables à ceux des cellules mésoblastiques 332 ED. VAN BENEDEN ET Cn. JllLIN. libres que l'on trouve dans la voisinage de l'ébauche génitale. Çà et là on constate même qu'il existe des anastomoses entre les cellules de la masse génitale et les cellules mésoblastiques voisines. Nous avons constaté le même fait, chez un bourgeon plus avancé dans son développement, pour les cellules du cordon génital. H en résulte que les éléments cellulaires de l'ébauche géni- tale ne ressemblent pas seulement aux cellules mésoblastiques ambiantes, mais qu'il existe entre eux, comme entre cellules conjonctives embryonnaires, des anastomoses protoplasmiques. Uorigine mésoblastique de VébaucJie génitale est ici évidente. Ce n'est que dans la suite de l'évolution que le caractère epithelial se dessine dans l'organe génital. Dans le bourgeon dont nous avons représenté deux coupes (fig. 5a et oh) (pi. XVI) la spherule sexuelle n'est déjà plus une masse pleine : une cavité minuscule, intercellulaire, se montre distinctement dans la coupe (fig. 5 a). Planche XII, figure 2. L'ébauche sexuelle occupe à peu près la même position vis-à-vis du canal excréteur de la glande intestinale que dans la figure 1. Cette glande est un peu moins avancée dans son développement. Par contre la spherule génitale présente une cavité excentrique, délimitée à gauche par une seule assise cellulaire, à droite par plusieurs assises. La spherule a pris une apparence pyriforme. Son sommet se continue dans un cordon génital constitué comme au stade précédent. Planche XII, figures 3, 4 et 5. Ces figures, dessinées d'après le vivant comme les figures 1 et 2, représentent l'ébauche sexuelle un peu plus avancée dans son développe- ment. La cavité s'est étendue et, au côté opposé à l'insertion du cordon génital a apparu un sillon qui tend à diviser l'ébauche commune en deux lobes. La forme de ces lobes n'est pas par- faitement constante. Au sillon externe répond un repli interne de la paroi^ divisant incomplètement la cavité primitive en deux cavités secondaires communiquant largement l'une avec l'autre. La paroi est considérablement épaissie au fond des RECIIRRCIIES Sill LA MORPHOLOGIl' DES TIMCIEUS. 33o deux culs (le sac. Elle est réduite à un epithelium simple à l'extrémité effilée de l'organe (fig. 4). Le cordon génital pré- sente la même constitution qu'aux stades précédents. Il est maintenant possible de le poursuivre jusqu'au cloaque. Il abou- tit à l'épitliélium cloacal et se continue avec lui. Figure 6. Les deux lobes du stade précédent sont mainte- nant beaucoup plus complètement séparés l'un de l'autre : ils constituent deux organes distincts. L'un d'eux présente une cavité beaucoup plus étendue, de forme ovoïde; il se continue par son sommet avec le cordon génital. C'est l'appareil sexuel femelle. Il est placé immédiatement sous l' épidémie, dans le mésoblaste et est par conséquent plus externe que le second organe qui, lui, est plus profondément placé. Ce dernier con- stitue l'ébauche de l'appareil sexuel mâle. Il dépasse l'extré- mité libre de l'appareil femelle ; il était sous-divisé en trois lobules dans l'exemplaire que nous décrivons ici, ce qui est exceptionnel non seulement au point de vue du nombre, mais aussi en ce qui concerne la précocité de ces lobules. Ces trois lobules creux sont délimités par une paroi cellulaire épaissie au fond des culs de sac. La cavité de l'ébauche sexuelle mâle débouche, par un très large orifice, dans la cavité de l'appa- reil sexuel femelle. De sorte que, à ce stade encore comme aux stades précédents, il n'existe eu fait qu'une cavité unique et commune pour les deux appareils. La figure 7 représente un stade plus avancé du développe- ment. L'ébauche sexuelle femelle ne s'est guère modifiée que dans sa forme et dans ses dimensions. Les rapports avec le cordon génital n'ont pas changé et ce dernier est toujours formé, comme aux stades précédents, d'une rangée unique de cellules fusiformes placées bout à bout. L'ébauche de l'appareil sexuel mâle se constitue d'une dila- tation terminale et d'un canal présentant, dans toute sa lon- gueur le même diamètre. La dilatation terminale est vaguement bilobée. Sa paroi est formée de deux couches que l'on distin- gue très bien, même sur le vivant. La couche externe est formée de cellules plates; la couche interne de plusieurs t2 334 ED. VAN BENEDËN ET Cil. JULIN. assises adjacentes de cellules arrondies, peu adhérentes les unes aux autres. Les dimensions des cellules de cette seconde couche ne sont pas constantes. Les plus grandes sont d'habi- tude sous-jacentes à l'épithélium plat. L'on trouve fréquem- ment quelques unes de ces cellules librement suspendues dans la cavité de l'organe. Les cellules de cette couche interne constituent l'ébauche aux dépens de laquelle se développent les spermatogemmes. Ces grandes cellules sont des sperma- tomères ou même déjà en partie des spermatogonies. Le canal qui part de la dilatation terminale, va s'ouvrir dans la vésicule sexuelle femelle. Sa paroi, formée d'une epithelium cubique assez épais se continue d'une part avec la couche épithéliale plate de la dilatation testiculaire; de l'autre avec l'épithélium plat de la vésicule sexuelle femelle. L'orifice sémilunaii^e du canal se voit de face dans la figure 7. La differentiation de la paroi primitive de l'ébauche sexuelle mâle en deux couches, l'une externe épithéliale, l'autre interne spermatogone, est déjà accusée à des stades plus reculés du développement. Elle se voit surtout fort nettement dans des coupes réelles comme celles que nous avons représentées planche XVI, figure 6a et Gb. Ces figures se rapportent à un stade très jeune et proviennent d'un boui^geon chez lequel l'ébauche sexuelle était à peu près semblable à celle que nous avons représentée planche XII, figure 5. Les figures 6a et 6b (pi. XVI) qui représentent deux coupes successives de l'ébauche sexuelle montrent en T le lobe testiculaii-e en 0 le lobe ovarien. Une coupe à travers le lobe testiculaire rap- pelle singulièrement celle d'un spermatocyste de Vertébré, de Sélacien ou d'Amphibien par exemple. En ce qui concerne la Pérophore il n'est pas douteux que les cellules épithéliales périphériques et les cellules spermatogènes ne proviennent d'une seule et même espèce de cellules embryonnaires primi- tives. Le fait que l'épithélium plat du testicule se continue directement dans l'épithélium cubique du canal déférent (pi. XII, fig. 7 et 8) confirme pleinement cette opinion. Cet epithelium plat représente la couche folliculeuse d'un follicule RËCnËRCHËS SUR LA MORPHOLOGIE DES tUNICIERS. ^35 ovarien. Seulement les cellules, au lieu d'envelopper indivi- duellement chaque spermatomère et ses dérivés, entourent toute la masse spermatogone. Dans l'ovaire, au contraii-e, les cellules folliculeuses sont interposées au début entre les ovules primordiaux de 1' epithelium germinatif. La figure 8 représente un stade plus avancé du développe- ment. La vésicule sexuelle femelle s'est transformée en un long boyau cylindrique qui, à une de ses extrémités, se continue avec le cordon génital. Celui-ci présente toujours la même constitution que précédemment ; seulement il est devenu beaucoup plus court. Le boyau sexuel femelle, par une de ses extrémités avoisine déjà la cavité cloacale. Le boyau sexuel présente à considérer une cavité et une paroi. La cavité très étendue, close de toutes parts, sauf en un point, où elle reçoit le canal excréteur du testicule est occupée par un liquide clair et hyalin, dans lequel on ne dis- tingue aucune trace d'éléments figurés. La paroi formée par un epithelium plat très mince s'épaissit considérablement, au voisinage de l'extrémité du boyau, à laquelle nous donnerons le nom d'extrémité ovarienne ; cette partie épaissie de l'épithélium se fait remarquer en ce qu'elle se constitue, tout au moins en partie, de cellules volumineuses à gros noyaux sphériques clairs. Il est facile de reconnaître dans ces cellules à gros noyaux vésiculeux des ovules pri- mordiaux; la partie de la paroi qui les renferme est un véritable epithelium germinatif. Entre les ovules se voient de petits noyaux semblables à ceux des cellules plates. Ces noyaux appartiennent aux éléments interovulaires que nous appellerons les cellules folliculeuses de l'ovaire. (Voir plus loin le chapitre relatif à la structure de l'o vaille). Il résulte clah^ement de l'examen de la figure 8 qu'une partie seulement de l'épithélium du boyau ovarien donne naissance à des ovules et l'étude des stades ultérieurs du développement confirme pleinement cette doimée. Nous donnons à cette partie de l'épithélium qui engendre les ovules le nom d'épithelium germinatif. Nous ferons remarquer dès à piésent 336 ED. VAN BENEDEN ET CH. JULIN que l'épitliélium germinatif affecte avec l'épithéliura plat du reste du boyau ovarien des rapports analogues à ceux que l'on constate, chez l'embryon des Vertébrés, entre l'épitliélium germinatif ou ovarien et l'épitliélium peritoneal proprement dit. Au stade dont nous nous occupons le testicule se constitue de deux lobes incomplètement séparés. Chacun d'eux, délimité par un epithelium folliculaire à cellules plates, présente une couche spermatogone fort épaisse. Dans la cavité testiculaire se voient quelques cellules libres, arrondies, à dimensions variables. Ces cellules sont semblables à celles de la couche spermatogène. Le canal déférent s'est beaucoup allongé; il est adjacent au boyau sexuel femelle et rampe à la face interne de ce dernier. Il s'ouvre à l'une de ses extrémités dans le boyau ovarien, non loin du point oii celui-ci se continue avec le cordon génital. Les cavités des deux parties de l'appareil sexuel nous apparaissent donc encore à ce stade, aussi bien qu'aux stades précédents, comme des parties d'une seule et même cavité primitive. La paroi du canal déférent, formée par un epithelium cubique se continue d'un côté avec l'épi- thélium folliculaire du testicule, de l'autre, au niveau de son embouchure, avec l'épithélium plat de l'organe ovarien. Nous indiquerons sommairement les modifications ultérieures de l'appareil; il est très facile de comprendre comment les dispositions réalisées chez le bourgeon arrivé à maturité (pi. XVI, fig. 4) procèdent de celles que nous venons de décrire. Au fur et à mesure que le boyau ovarien s'allonge, le cordon génital se raccourcit; il n'en reste plus aucune trace au moment où le boyau en vient à s'accoler à l'épithélium du cloaque. Un orifice apparaît alors entre les deux cavités. Au moment oii cet orifice apparaît, l'embouchure du canal déférent s'est à tel point rapprochée de l'extrémité d'abord aveugle du boyau, que lorsque ce dernier se met en com- munication avec le cloaque l'orifice est en réalité commun au boyau ovarien et au canal déférent. Après que ce trou s'est élargi, les deux canaux accolés s'ouvrent l'un et l'autre RECHERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TUMCIERS. 337 dans le cloaque, au voisinage l'un de l'autre. Ces deux con- duits adjacents sont généralement désignés, l'un sous le nom de canal déférent, l'autre sous le nom d'oviducte. Chez la Pérophore il est fort difficile de trancher la ques- tion de savoir si le cordon génital intervient ou non dans l'accroissement de l'ébauche sexuelle commune. A tous les stades du développement la vésicule sexuelle primitive, aussi bien que l'ébauche subdivisée sont assez nettement séparées du cordon. C'est ce qui se voit aussi bien dans la figure 3 que dans la figure 8. L'on ne constate que très rarement un passage insensible de l'un à l'autre comme dans les figures 4 et 7 ; nous n'avons jamais observé une prolifération cellulaire à l'extrémité du cordon. Cependant des images comme celle que nous avons représentée figure 4 et surtout les faits con- statés chez Phallusia scabroïdes nous portent à croire que l'extension de la portion excavée de l'ébauche se fait tout au moins partiellement aux dépens du cordon. Il est à remar- quer du reste que la spherule mésoblastique primitive et le cordon qui en part (fig. 1) constituent ensemble une seule et même ébauche et que le cordon aussi bien que la spherule se forment aux dépens des mêmes cellules mésoblastiques libres, amenées par le courant sanguin entre la vésicule interne ou hypoblastique et la vésicule externe ou épiblastique du bourgeon à son début. Le développement du testicule marche beaucoup plus rapi- dement que celui de l'ovaire; nous sommes en mesure de confirmer pleinement l'observation de Kowalevsky qui a vu que les spermatozoïdes mûrs remplissent déjà les lobes testi- culaires aussi bien que le canal déférent, chez des bourgeons où l'ovaire est encore tout à fait rudimentaire. Les deux lobes testiculah-es se séparent de plus en plus complètement l'un de l'autre; la couche spermatogone devient discontinue et se divise en deux portions qui gagnent respectivement les fonds des lobes devenus distincts Dans chacun d'eux l'on peut recon- naître alors une portion élargie et terminée en cul de sac, dans laquelle s'accomplit la spermatogénèse et une portion 338 ED. VAN BENEDEIN ET CH. JLLIN. rétrécie, délimitée par une simple couche épithéliale qui se continue dans le canal déférent. Les deux lobes primaires se subdivisent à leur tour en lobes secondaires; mais le nombre total des lobules testiculaires reste toujours fort restreint (pi. XVI, fig". 4). Nous ne nous occuperons pas de la sperma- togénèse dont les premières phases s'accomplissent en même temps que l'organe se décompose en lobules. La pérophore et en général toutes les Ascidies que nous avons examinées à ce point de vue, se prêtent mal à l'étude de cette question, à cause de la petitesse des éléments cellulaires. Quant à l'ovaire il se constitue de l'ensemble des follicules qui se développent aux dépens de l'épithélium germinatif et des restes de ce dernier. Les ovules, au fur et à mesure qu'ils se développent proéminent de plus en plus dans le tissu con- jonctif ambiant; entourés par un epithelium folliculaire, les œufs, nés dans l'épithélium, finissent par se trouver en dehors du boyau ou, si l'on veut, de l'oviducte. A ce point de vue les choses se passent ici exactement comme chez les Vertébrés : chez eux aussi les ovules nés dans l'épithélium ovarien descen- dent dans le stroma conjonctif sous-jacent. Mais tandis que chez les Vertébrés les follicules se séparent complètement de l'épithélium, chez la Pérophore et aussi, comme nous le verrons plus loin, chez la Claveline, où nous avons étudié de plus près l'ovogénèse, les follicules restent fixés par un pédi- cule epithelial creux, dont la cavité s'ouvre, dans la cavité de l'oviducte. L'épithélium du pédicule se continue avec l'épi- thélium folliculaire. Quand l'œuf est mûr ce pédicule s'élargit et l'œuf tombe dans la cavité de l'oviducte, tout comme chez un Vertébré, le follicule arrivé à maturité crève et rejette l'œuf dans la cavité peritoneale. Ce que l'on appelle l'ovaii-e de la Pérophore, c'est l'ensemble des follicules ovariens eu voie de développement, l'épithélium germinatif qui les engen- dre et le tissu conjonctif richement vascularisé qui les réunit. L'oviducte se comporte ici vis-à-vis de l'ovaire, comme la cavité peritoneale à l'égard de l'ovau^e d'un Vertébré. RECHERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TCNICIERS. 330 § II. Développement des organes sexuels chez " Phallusia scabroïdes. » Il y a tant d'analogie entre le développement de l'appareil sexuel de cette Ascidie simple et celui de la Péropliore que nous pourrons décrire sommairement les phénomènes évolutifs des organes génitaux de la Phallusie scal)roïde, après la des- cription détaillée que nous avons donnée de la genèse de l'appareil sexuel chez la Pérophore. Nous avons tenu cependant à reproduire un certain nombre de figures relatives à une même période du développement, à cause des différences con- sidérables que l'on observe entre individus de même âge. L'ébauche sexuelle primitive est exactement constituée chez la Phallusie scabroïde, comme chez la Pérophore de Lister. La position et les rapports sont identiques dans les deux espèces. Dans le plus jeune stade montrant le début de l'ébauche sexuelle, celle-ci est formée par une petite accu- mulation triangulaire de cellules mésoblastiques, (pi. XIII, fig. 9) du sommet de laquelle part un cordon très grêle, formé par une rangée unique de cellules fusiforraes. Ce cordon on peut le poursuivre jusqu'au cloaque; nous l'avons représenté dans toute sa longueur à un stade un peu plus avancé du développement (pi. XIV, fig. 1). Il accompagne l'intestin, décrit une courbe identique à la courbe intestinale et, comme le tube digestif, aboutit à 1' epithelium du cloaque. Comme l'ébauche terminale triangulaire occupe la concavité de la première courbure de l'intestin, le cordon génital croise le canal excréteur de la glande intestinale. Une coupe trans- versale permet de reconnaître la position de l'ébauche sexuelle, dans la tunique interne, et ses rapports avec les organes voisins. Nous appellerons l'attention sur deux points. Les cellules de l'ébauche sexuelle sont identiques aux cellules mésoblastiques voisines; aucun caractère ne les différentie : elles sont pourvues les unes et les autres de prolongements protoplasmiques et ceci est vrai pour les cellules du cordon aussi bien que pour celles de l'organe terminal (pi. XIII, fig. 9). 340 ED. VAN BENEDEN ET CH. JULIN. Au voisinage de l'organe sexuel se voient des vésicules rénales à tout état de développement. Elles sont formées de petits amas de cellules mésoblastiques entre lesquelles a apparu une petite cavité. Quand, au stade suivant, une petite cavité aura apparu dans l'ébauclie sexuelle d'abord pleine, celle-ci ressemblera beaucoup, si l'on fait abstraction de ses dimensions et de sa forme, aux vésicules rénales en voie de formation. Il y a lieu de faire observer cependant que, tandis que toutes les cellules mésoblastiques qui délimi- tent une cavité rénale s'aplatissent considérablement au point de prendre toute rapparence de cellules endotbéliales, l'épi- tbélium de la vésicule sexuelle primitive reste beaucoup plus épais et l'on distingue même, au fond de la vésicule, plusieurs assises cellulaires (pi. XIII, fig. 1). Le second stade du développement est caractérisé par l'apparition d'une cavité dans l'ébauche, d'abord pleine, de l'ovotestis (pi. XIII, fig. 1); les cellules périphériques ne montrent plus de prolongements protoplasmiques et leur carac- tère epithelial se dessine. Une autre modification importante s'est produite. L'ébauche d'abord indivise se montre consti- tuée de deux parties inégales. L'une des deux, plus volumi- neuse présente l'apparence d'un vésicule; c'est elle qui se continue avec le cordon génital. La paroi de la vésicule ne présente pas les mêmes caractères dans toute son étendue. La partie qui avoisine le point d'insertion du cordon génital est toujours formée par im epithelium pavimenteux simple. La partie qui répond au fond de la vésicule est un epithelium stratifié dans lequel les contours cellulaires sont difficiles à distinguer. Cet épaississement de la paroi épithéliale est tantôt très considérable (flg. 1, 2 et 5), tantôt relativement peu marqué (fig. 3, 4, 6, 10 et 11). Dans le premier cas l'on y distingue parfois une cavité, qui parait séparée de la cavité principale de la vésicule (fig. 2), mais qui, en tous cas, les stades ultérieurs le montrent clairement, se confond bientôt avec la première. L'autre partie de l'ébauche sexuelle, notablement plus petite RECHERCHES SIR LA M0R1M10L0G[E DES TUNICIERS. 341 que la première présente, à son début, des apparences fort diverses. C'est tantôt une sorte de bouton epithelial plein (fig, 1, 5 et 6), tantôt un cylindre légèrement renflé à son sommet, (fig. 6) tantôt un tube aveugle, à lumière très étroite s'quvrant dans la cavité de la vésicule principale (fig. 2 et 3), tantôt enfin une vésicule très semblable à la vésicule princi- pale, mais plus petite (fig. 7). Il est possible qu'il s'agit là de stades successifs du développement du même organe ; l'ébauche serait d'abord pleine; elle se creuserait ensuite d'une lumière étroite et se renflerait plus tard encore en une vésicule; il est possible aussi qu'il existe réellement des différences indivi- duelles, très secondaires du reste, dans le mode de formation. Ce qui est certain c'est que les deux organes se développent aux dépens d'une ébauche commune, d'abord unique et indi- vise. Suivant que la vésicule sera plus ou moins développée au moment où l'autre organe commence à s'en séparer, le processus génétique aura l'apparence d'une division ou d'un bourgeonnement : il est indifférent, à l'essence du phénomène, que l'ébauche primitive soit pleine ou creuse. Dans plusieurs des ébauches qui se rapportent au stade de développement que nous venons de décrire, l'on constate déjà que le cordon génital part du sommet d'un entonnoir dont la paroi est formée par des cellules d'apparence endo- théliale. La base de cet entonnoir répond à la vésicule sexuelle principale et sa cavité n'est que la continuation de celle de la vésicule (fig. 1, 2, 4, 6 et 7). Ce même entonnoir se voit, dans des stades plus avancés, tantôt plus tantôt moins développé (pi. XIII, fig. 10 et 11 et pi. XIV, fig. 3 et 4). Il nous parait probable que cet entonnoir se développe aux dépens de la partie du cordon génital primitif qui avoisine immédiatement l'ovotestis; des stades comme ceux que nous avons représentés planche XIII, figures 6, 10 et 11, ne laissent guère de doute à cet égard et la première ébauche, telle qu'elle a été repré- sentée figure 9, montre bien que cordon et dilatation terminale ne constituent qu'une seule et même formation originelle. Le plus petit des deux lobes dont se constituent les ébau- 342 ED. VAN BENEDEN ET CH. JULIN. elles figui'ées planche XIII, figures là 7, 10 et 11 devient l'appareil sexuel mâle. Nous exposerons d'abord l'histoire de cette partie de l'ébauche génitale primitive poui' reprendre ensuite l'étude de l'évolution des autres parties. De même que les premiers stades du développement, de même les phases ultérieures présentent des variations individuelles assez étendues. Le plus souvent la vésicule testiculaire se développe dans une direction perpendiculaire à l'axe de l'appareil génital (pi. XIII, fig. 10 et 11, pi. XIV, fig. 4). Toujours située à la face interne de la vésicule sexuelle femelle, elle communique avec cette dernière par un large orifice tantôt circulaire, tantôt allongé dans le même sens que la vésicule elle-même. La paroi est plus mince au voisinage de l'orifice qu'au fond du cul-de-sac. Bientôt l'orifice se rétrécit et aux dépens de la vésicule testiculaire se constitue, au voisi- nage de cet orifice, un conduit assez étroit, l'ébauche du canal déférent (pi. XIV, fig. 4). La dilatation terminale est allongée dans le sens perpendiculaire à l'axe du canal déférent. Cette dilatation se rétrécit à son milieu et tend à se diviser en deux lobes qui bientôt se subdivisent à leur tour en lobules et ainsi de suite (fig. 5). Au fond, la complication progressive de l'appareil s'accomplit ici exactement comme chez la Péro- phore; mais tandis que chez cette dernière il ne se forme qu'un petit nombre de lobules testiculaires, quatre, cinq ou six, chez la Phallusie scabroïde il se forme un très grand nombre de lobules, toujours d'après le même processus, par subdivision de lobules antérieurs. De part et d'autre ce ne sont pas seule- ment les dilatations terminales, dans lesquelles se voit la couche spermatogène, qui naissent de la vésicule testiculaire primitive, mais aussi les conduits qui partent de ces dilatations terminales et qui se réunissent par voie dichotomique. C'est ce qui ressort avec évidence de l'examen comparatif des figures 4, 5, 6 et 7 de la planche XIV. Chez la Phallusie scabroïde, comme chez la Pérophore, une couche épithéliale folliculeuse délimite les lobules; elle se continue avec l'épithélium simple des con- duits ramifiés. Le conduit excréteur définitif ou canal déférent, RECHERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 343 que nous avons vu naître de la même ébauche que la première dilatation testiculaire (pi. XTV, fig. 4), se fait remarquer par un epithelium cuboïde, tandis que ses branches de division ont un epithelium plat. Ce canal s'allonge progressivement, au fur et à mesure que s'étend le lai-ge canal partant de la vésicule ovarienne. Il s'ouvre toujours dans ce dernier canal, tout près de sa terminaison, non loin du point d'insertion du cordon génital, jusqu'au moment oii s'établit la communication de ce boyau avec le cloaque. La vésicule ovarienne, d'abord plus étendue que la vésicule testiculaire primitive (pi. XIV, fig. 4) ne s'accroit pas avec la même rapidité que l'organe mâle (fig. 5). D'abord arrondie elle prend bientôt un contour irrégulier (fig. 6); on constate alors que partout où se montre une saillie de la paroi, l'épithé- lium est considérablement plus épais que dans les points où le contour fait une rentrée. Les rentrées s'accusant de plus en plus, au fur et à mesure que le développement progresse, l'ovaire devient bientôt nettement lobule. Les épaississements de l'épi- thélium siègent toujours et seulement dans les lobules (fig. 7). Déjà à des stades relativement reculés (fig. 6), on remarque dans les parties épaissies de l'épithélium des cellules à grands noyaux clairs, vésiculeux, qui présentent déjà tous les carac- tères d'ovules primordiaux. Ici donc, comme chez la Pérophore, nous pouvons distinguer dans le revêtement de la cavité ovarienne un epithelium germinatif et des portions d'épithé- lium dans lesquelles ne se forment point d'ovules. Les premiers lobes se sous-divisent en lobules plus petits, qui se sous-divisent encore et la complication de l'organe ovarien, quoique se montrant plus tardivement que celle de l'organe testiculaire, suit en définitive une marche tout-à-fait semblable. Comme l'épithélium germinatif siège exclusivement dans le fond des lobules, il se constitue, aux dépens de la vésicule ovarienne primitivement unique et indivise, un organe en forme de grappe se composant d'une foule de vésicules ovariennes, pourvues chacune d'un petit canal excréteur. Ceux-ci aboutissent, après s'être réunis par voie dichotomique, 314 ED. VAN BEIVEDEN ET CH. JULIÎS. au canal excréteur définitif, l'oviducte proprement dit. Le développement de follicules ovariens pédicules se fait ici comme chez la Pérophore : à la face externe de chaque vési- cule ovarienne s'insèrent, chez l'adulte, un certain nombre de follicules renfermant chacun un œuf en voie de développement. Au début, testicule et ovaire siègent, comme chez la Péro- phore adulte, dans la concavité de l'anse intestinale; mais bientôt l'appareil sexuel gagne le tube digestif, puis, s'éten- dant toujours dans le tissu conjonctif de la tunique interne, il dépasse cette limite, étend ses ramifications sur la face externe de l'intestin et finit par dépasser même le contour externe du tube digestif. Au début l'organe ovarien est externe par rapport au testicule; l'ovaire est sous-épidermique ; le testicule siège plus profondément. Plus tard il se fait une sorte d'enchevêtrement des parties des deux organes. Nous avons vu l'oviducte proprement dit naitre, sous la forme d'un entonnoir très court, au contact de la vésicule ovarienne proprement dite. Cet entonnoir s'étend (fig. 4) et devient bientôt un long boyau fermé au point oii il se continue avec le cordon génital et ouvert, à son autre extrémité, dans la vésicule ovarienne primitive. Au fur et à mesure que ce boyau cylindrique s'allonge et se rapproche du cloaque, le cordon génital se raccourcit; à la fin le cul de sac terminal du boyau arrive au contact immédiat de l'épithélium cloacal, contre lequel il s'applique; à ce moment il ne reste rien du cordon génital primitif. Un orifice s'établit bientôt dans la cloison de séparation entre le cloaque et l'oviducte; à ce moment l'oviducte et le canal défé- rent débouchent dans le cloaque par deux orifices distincts, voisins l'un de l'autre. L'oviducte a toujours une position externe par rapport au canal déférent. Nous devons appeler l'attention sur un point important. Ici, comme chez la Pérophore, le canal déférent s'ouvre dans l'oviducte en un point voisin de l'insertion du cordon géni- tal, jusqu'au moment où l'un et l'autre vont déboucher dans RÉCHÉRCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIËRS. 345 le cloaque. Ce fait démontre la participation de la paroi de l'oviducte à l'accroissement du canal déférent. S'il en était autrement, si le canal déférent se formait par l'accroissement de l'ébauche que nous avons représentée figure 4 (pi. XIV), la position de l'orifice devrait rester la même. Or il n'en est pas ainsi : cet orifice s'éloigne progressivement des glandes géni- tales. Il en résulte que les canaux que l'on nomme oviducte et canal déférent se forment, au moins dans la plus grande partie de leur longueur, par le dédoublement d'un boyau unique qui, lui, procède du cordon génital. Il en est donc des conduits comme des organes sexuels eux mêmes : les ébauches primi- tives se dédoublent en une ébauche mâle et une ébauche femelle, ovaire et testicule d'une part, oviducte et canal déférent de l'autre : de même que dans l'ébauche terminale d'abord pleine nait une cavité commune au testicule et à l'ovaire, qui se subdivise ensuite, de même dans le cordon d'abord plein appa- raît un large canal qui se subdivise en oviducte et canal déférent. Tout ceci confirme donc l'opinion que nous avons exprimée quant à l'unité de l'ébauche primitive : cordon et dilatation terminale constituent une seule et même formation. L'ensemble des cavités de l'appareil sexuel mâle et de l'appa- reil femelle représentent virtuellement une seule et même cavité qui se subdivise secondairement. Ce qui prouve bien encore que les canaux définitifs n'ont pas une autre significa- tion que les vésicules terminales primitives, c'est que tout l'appareil des canaux secondaires ramifiés nait, pour les deux appareils, des vésicules sexuelles et non pas des canaux qui en partent. Nous ferons remarquer encore, que chez la Pérophore, comme chez la Phallusie scabroïde, les cellules constitutives du cordon génital sont, comme les éléments de la dilatation terminale, ébauche commune du testicule et de l'ovaire, de simples cellules mésoblastiques, semblables dans les deux parties de l'ébauche. Toutes les imrties constitutives des deux aiipareils sexuels naissent donc d'une seule et unique formation embryonnaire. Toutes les cavités de ces deux appareils, sont des parties secondairement séparées dhme seide et unique cavité primitive. â46 ËD. VAIN BËNEDÊN ET Cit. JULtN. § III. Développement de l'appareil sexuel chez la Claveline de Risso. Nous avons représenté planche XI, figure 1 à 12, une série de coupes d'un jeune bourgeon de Claveline. Nous avons décrit plus haut, en nous fondant tout au moins en partie sur l'étude de ce bourgeon, la genèse des cavités péribran- chiales, du tube épicardique, du sac péricardique et du cœur. Nous y revenons pour faire connaître la constitution de l'ébauche sexuelle de ce bourgeon. Des coupes de cet organe embryonnaire se voient en 0, T, dans les figures 9, 10 et 11. Il est formé par une vésicule creuse dont le fond a été intéressé par la coupe 39 (fig. 11), le milieu par la coupe 36 (fig. 10) et ses voisines et dont l'extrémité antérieure se voit dans la coupe 34 (fig. 9). A la place occupée dans les coupes suivantes par l'organe vésiculeux dont nous venons de parler, l'on distingue dans la coupe 31 (fig. 8), deux cellules (C, O) qui sont probablement la continuation eu avant de l'ébauche sexuelle. L'on comprendra facilement qu'il ne soit pas possible de distinguer, sur des coupes transversales, les sections d'un cordon formé par une seule série de cellules fusiformes, alors que ces cellules présentent d'ailleurs des caractères identiques à ceux qu'affectent les cellules du mésoblaste ambiant. Mais l'on ne peut douter que l'extrémité antérieure de la vésicule sexuelle ne se continue, chez la Claveline comme chez la Phal- lusie scabro'ide et chez la Pérophore, en un cordon génital plein. L'on remarquera l'extrême analogie qui se montre ici, comme dans les genres que nous venons de citer, entre les cellules de l'ébauche sexuelle et les cellules mésoblastiques voisines. C'est ce qui se voit surtout très bien dans la prépa- ration représentée figure 11. Les connaissances, que nous avons acquises par l'examen des formes antérieurement étudiées, nous permettent de reconnaître dans l'ébauche sexuelle, que nous venons de décrire chez la Claveline, la seconde phase du développement de l'appareil RËCIÎERCUËS SUtt LA MORPHOLOGIE DES TUNICIËRS. 347 sexuel, caractérisée par l'apparition d'une cavité dans une spherule cellulaii'e d'abord pleine. Nous appellerons seulement l'attention sur la position de cette ébauche. Elle est médiane et symétrique, sous-jacente au système nerveux, et, placée au-dessus du tube digestif; elle occupe vis-à-vis de l'embouchure de la glande intestinale les mêmes rapports que chez la Pérophore (voir fig. 9 et 10). Sous le tube digestif, plus particulièrement sous l'œsophage et l'estomac, se trouvent placés le tube épicardique et le cœur. Nous ferons encore observer que le système nerveux central (cordon ganglionnaire viscéral) s'étend en arrière plus loin que l'ébauche sexuelle, comme le montre bien la figure 12. Cette figure représente la coupe 43. A partir de la 46^ on ne trouve plus aucun indice du cordon nerveux. Son extrémité postérieure dépasse donc en arrière le fond du tube digestif et répond à peu près à l'extrémité postérieure du cœur. Un stade un peu plus avancé de l'ébauche sexuelle nous est offert par le bourgeon dont quelques coupes ont été représen- tées, à un faible grossissement, planche XV, figure 1 à 7. La vésicule sexuelle est sous-jacente au cordon nerveux; celui-ci est accolé et encore en partie confondu avec l'épiblaste, dans les figures 3, 4 et 5. Les figures 6 et 7 montrent que le cordon nerveux dépasse en arrière le fond de la vésicule sexuelle représentée figure 5. Les figures 1 et 2 montrent le cordon génital sous-jacent au système nerveux. Il se présente sous l'apparence d'un petit corps assez réfringent. En exami- nant la série des coupes il est facile de voir qu'il se continue en arrière avec la vésicule sexuelle. Les figures 8, 9 et 10 représentent à un plus fort grossis- sement trois coupes de l'ébauche sexuelle dans ses rapports avec le système nerveux. La figure 8 représente l'ébauche sexuelle près de son extrémité antérieure ; la figure 9 vers son milieu ; la figure 10 montre le fond de la vésicule. La figure 9 nous montre dans la paroi de la vésicule sexuelle trois épais- sissements : un médian et deux latéraux. La même image se montre sur les coupes voisines de celle que nous avons repré- 348 ED. VAN BENEDEN ET Clì. JULIN. sentée. Nous donnerons à ces épaississements les noms de bourrelet médian et de bourrelets latéraux. Des coupes de Tébaucbe sexuelle d'un bourgeon un peu plus avancé ont été représentées planche X.Y, figure 11, 12 et 13. Ces figures montrent en S. N. le cordon ganglionnaire viscé- ral, plus complètement séparé de l'épiblaste qu'aux stades précédents. Sous ce cordon l'ébauche sexuelle 0. T. La vésicule a pris un développement beaucoup plus considérable ; sa cavité s'est étendue. Le bourrelet médian s'est séparé de la paroi de la vésicule ; une cavité y a apparu. En suivant la série des coupes l'on constate sans peine que le bourrelet médian est devenu im diverticule de la vésicule principale. Sa cavité s'ouvre eu avant dans la grande vésicule ; elle se termine en cul de sac en arrière. La figure 12, qui intéresse la vésicule près de son extrémité anteriem-e^, montre que, en avant de son embouchure, le diverticule se continue dans un épaississement du plancher de la vésicule principale. Celle-ci est fermée à ses deux bouts : son extrémité antérieure a été représentée figure 11. Les bourrelets latéraux de la vésicule principale présentent les mêmes caractères qu'au stade précédent. Si nous nous en rapportons à ce que nous savons de la Pérophore et de la Phallusie scabroïde, il est facile de recon- naître dans la vésicule principale l'ébauche de l'ovaire, dans ses bourrelets latéraux le futur epithelium germinatif. Le diverticule secondaire, né du plancher de la vésicule principale, est le premier rudiment de l'organe testiculaire. Il apparaît ici sous la forme d'un épaississement de la paroi de la vésicule primitive; chez la scabroïde aussi il se présent^, parfois au début avec l'apparence d'un simple bourgeon plein. La posi- tion relative des ébauches mâle et femelle, leurs rapports avec les organes voisins, épidémie, tube digestif, glande intestinale, sont les mêmes dans les trois genres. Nous n'avons pas cru devoir décrire et figurer ici les stades ultérieurs du développement de ces ébauches ; nous aurions du répéter ce que nous avons décrit à propos de la Pérophore et RECHERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 349 (le la Scabroïde, à quelques différences de détail près. L'organe testiculaire devient lobule, comme dans les formes précéden- tes; la vésicule femelle se prolonge en un long boyau, qui s'étend progressivement jusqu'au cloaque, pour s'ouvrir enfin dans la cavité cloacale. Le canal déférent sous-jacent à ce boyau accompagne ce dernier jusqu'à sa terminaison. Il débouche dans le boyau, tant que celui-ci n'a pas atteint le cloaque; après il s'ouvre directement dans cette dernière cavité. Chez la Claveline, pas plus que chez la Pérophore, il ne se développe jamais de lobules ovariens. L'ovaii^e ne devient jamais une glande en grappe comme chez la Scabroïde. L'épithélium germinatif occupe toujours, même chez l'adulte, les faces latérales droite et gauche du boyau sexuel femelle, mais seulement au voisinage de l'extrémité de l'organe : le reste de la cavité du boyau est délimité par un epithelium plat. Chez l'adulte, des follicules pédicules se sont développés aux dépens de chacune des deux bandes d'épithélium germi- natif. Ces follicules, appendus aux parois du boyau sexuel, proéminent dans le tissu conjonctif ambiant (pi. XV, fig. 14). L'ovaire de la Claveline est donc constitué comme celui de la Pérophore. Nous ignorons si, chez cette dernière, il existe, comme chez la Claveline, deux bandes d'épithélium germi- natif; mais dans l'un comme dans l'autre genre l'ovaire pré- sente des caractères plus primitifs, plus embryonnaires que chez les Phallusies. H ne constitue pas un organe lobule. Il forme avec l'oviducte une cavité unique et indivise, partielle- ment délimitée par un epithelium germinatif. Les ovules, nés dans l'épaisseur de cet epithelium et entourés par une couche de cellules plates qu'ils entraînent avec eux, s'engagent dans le tissu conjonctif ambiant, pom- former des follicules, dont ils remplissent complètement la cavité. En définitive l'organe sexuel femelle d'une Pérophore ou d'une Claveline n'est autre chose qu'une vésicule embryonnaire considérablement étendue, dont la paroi épithéliale produit, en certains points, des follicules ovariens. 23 350 ED. VAN BENEDEN ET CH. JULIN. IV. De rOvogénèse chez la Claveline. Une coupe transversale du corps de la Claveline adulte, faite au niveau de Festomac, intéresse à la fois les deux appa- reils sexuels, la portion ascendante et la portion descendante du tube digestif, le tube épicardique et le cœur. Si l'on com- pare cette coupe à une section transversale faite au même niveau, chez un jeune bourgeon (pi. XI, fig. 9), l'on constate immédiatement que la position relative des organes est restée ce qu'elle était précédemment : d'un coté du tube digestif se voient les organes cardiaques, de l'autre les organes sexuels, l'ovaire plus près de l'épiderme, les lobules testiculaires entre l'ovaire et les organes digestifs. Si l'on oriente la coupe de l'adulte par rapport à celle de l'embryon, l'on voit que l'ovaire est resté chez l'adulte, ce qu'il était chez le jeune boui^geon, un organe médian, que le plan de symétrie du corps divise en deux moitiés semblables. Nous avons repré- senté une coupe transversale de l'organe ovarien de l'adulte, planche XV, figure 14. L'on distingue en C une très large cavité, dont la section présente la forme d'un T. L'épithélium qui délimite cette cavité diffère suivant qu'on le considère dans la branche verti- cale ou dans les branches transversales du T. La partie ver- ticale, dont les parois latérales sont irrégulièrement plissées, est délimitée par un epithelium plat, pavimenteux simple. A l'origine des branches transversales cet epithelium passe insensiblement à un epithelium très épais, dans lequel l'on distingue des ovules primordiaux, d'autant plus volumineux qu'ils siègent plus près des extrémités des deux branches. C'est ce que l'on distingue mieux encore dans la figure lAhis qui représente, à un plus fort grossissement, la partie ger- minative de l'ovaire, d'après une autre coupe. Les plus petits ovules sont logés dans l'épaisseur de l'épi- thélium ; au fur et à mesure qu'ils grossissent ils font de plus en plus fortement saillie dans le tissu conjonctivo-vasculaire ambiant. Il existe donc une bande d'épithélium germinatif dans RECnERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TCNICIERS. 351 chaque moitié de l'organe ovarien; elle occupe le plancher de cette partie de la cavité qui répond aux branches transversa- les du T. A la voûte de cette même cavité se voit au contraire un epithelium cylindrique, formé de cellules faisant inégalement saillie dans l'espace, qui se continue directement en avant dans l'oviducte très large chez la Cla veline. La hauteur de cet epithelium cylindrique décroit d'ailleui's insensiblement de dehors en dedans : il devient extrêmement mince sur la ligne médiane. Cet epithelium cylindrique s'étend dans des canaux qui s'ouvrent dans la cavité de l'ovaire et leur con- stitue une paroi épaisse. Quelques uns de ces canaux appa- raissent, dans la coupe (fig. 14), comme de simples culs de sacs dépendant de la paroi ovarienne ; d'autres, de longueui' d'ailleurs très variable, aboutissent à des follicules ovariens, auxquels ils constituent des sortes de pédicules, dont la lon- gueur est en rapport dii'ect avec le volume des œufs que ces follicules renferment. A côté de quelques follicules pédicules on en voit un grand nombre d'autres qui paraissent dépourvus de pédicules, ou dont les pédicules semblent être sans aucun lien avec la paroi de la cavité ovarienne. Ces follicules ont des dimensions extrê- mement variables. En examinant la série des coupes successives, l'on constate que toutes présentent les mêmes particularités et il est facile de voir, si l'on porte son attention sur les sections successives d'un même follicule, que tous les follicules logés dans le tissu conjonctif sont pédicules. Les culs de sacs comme celui que nous avons représenté figure 14, j/, ne sont autre chose que des pédicules qui, étant dirigés obliquement, ont été section- nés près de lem- base, sans que le follicule qu'ils portent à leur extrémité ait été intéressé par la coupe. Les bandes d'épithélium germinatif sont complètement sépa- rées l'une de l'autre dans toute la longueur de l'ovaire. Celui-ci se termine en cul de sac et la paroi du cul de sac est formée par un epithelium plat, identique à celui que nous avons signalé dans la branche verticale du T (fig. 14). D'autre part la 352 ED. VAN BENEDEN ET CH. JULIN. cavité de l'ovaire se continue dans l'oviducte, sans se rétré- cir; mais de ce côté aussi la cavité est délimitée de toutes parts par un epithelium pavimenteux simple. Là où cesse l'épitliélium germinati! se termine aussi la couche d'épithélium cylindrique qui, dans la région ovarienne, siège à la voûte de la cavité. Vers les deux extrémités de l'organe ovarien les interruptions médianes de l'épithélium cylindrique gagnent progressivement en largeur, et, au fur et à mesure que la bande d'épithélium germinatif se rétrécit, l'épithélium pavi- . menteux simple s'étend. Il existe donc deux lieux de formation pour les ovules, l'un à droite, l'autre à gauche; deux groupes de follicules ovariens en rapport avec les deux bandes d'épithélium germinatif et, de même que chez un Vertébré on admet l'existence de deux ovaii^es, répondant aux deux bourrelets génitaux de l'embryon, l'on est autorisé à dire que l'ovaire de la Claveline est double : il existe un ovaire droit et un ovaire gauche com- prenant chacun une bande d'épithélium germinatif, un groupe de follicules qui en dépendent et en dérivent, enfin, le tissu conjonctivo-vasculaire interposé entre ces follicules. Ce que nous avons appelé la cavité de l'ovaire n'est que la continuation en arrière du large boyau qui sert à éconduire les œufs; les oeufs mûrs tombent dans cette cavité de la même manière que, chez un Vertébré, ils tombent dans la cavité abdominale. De même que, chez un Vertébré, l'existence d'une cavité commune pour les deux ovaires n'autorise nullement à dire qu'il n'existe qu'un seul ovaire, de même le fait que chez la Claveline, la cavité qui sert à éconduire les œufs est unique, ne permet pas de douter de la dualité de l'organe ovarien. L'épithélium germinatif se montre constitué de deux sortes de cellules : les unes, plus volumineuses, arrondies de toutes parts, se font remarquer par leurs énormes noyaux clairs, sphériques, pourvus d'un gros corpuscule chromatique; les autres, interposées entre les premières, moulées sur elles, ont de petits noyaux arrondis ou ovalaires, ne montrant aucun RECHERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 353 corpuscule chromatique bien apparent. Les premières sont des ovules primordiaux; les autres des cellules folliculeuses. Dans la région où l'épithélium germinatif passe à l'épithélium plat, il est difficile de distinguer deux sortes de cellules. Cet epithelium germinatif, qui présente des contours bien réguliers, se continue en dehors dans une série de jeunes folli- cules juxtaposés, se comprimant mutuellement, et dont la les dimensions sont d'autant plus considérables qu'ils sont plus éloignés du plan médian. Les plus jeunes d'entre eux, dont il est difficile de dire s'ils siègent encore dans l'épithélium germinatif, ou s'ils s'en sont séparés (fig. 14 à droite et fig. 14:his), sont en tous cas adjacents les uns aux autres, sans interposition de substance conjonctive. Cependant ils proémi- nent, chacun individuellement, dans le tissu conjonctif ambiant; et l'on voit, autour de chaque œuf, une ou un petit nombre de cellules plates, appliquées sur cette partie de la surface ovulaire qui proemine dans le tissu conjonctif. Ces cellules, fusiformes à la coupe, sont très étendues : dans les plus jeunes follicules une cellule recouvre parfois à elle seule le quart de la circonférence de l'œuf. Ces cellules plates, dont le nombre augmente avec le volume de l'œuf, ont des noyaux identiques à ceux des cellules qui, dans l'épithélium genninatif, sont inter- posées entre les ovules primordiaux. Elles n'en diffèrent que par des dimensions plus considérables et ne s'en distinguent pas plus, que les ovules des follicules jeunes ne diffèrent des ovules primordiaux logés dans l'épaisseur de l'épithélium germinatif. Il est de toute évidence qu'un jeune follicule n'est qu'une partie individualisée de l'épithélium germinatif. Les cellules, qui recouvrent l'hémisplière ovulaire tourné vers la cavité ovarienne, sont plus nombreuses et moins étendues. De ce côté l'épithélium périovulaire est plus épais (fig. 14 et léhis). La genèse du follicule résulte du gonflement des ovules primordiaux; en même temps qu'ils augmentent de volume, les ovules font de plus en plus saillie dans le tissu conjonctif et les cellules primitivement interposées entre les ovules, 354 ED. VAN BENEDEN ET CH. JULIN. moulées siu- ces ovules, sont entrainées par eux, s'aplatis- sent à leur surface et se font reconnaître bientôt comme cellules folliculeuses. Comme l'ovule en se développant proe- mine de plus en plus en dehors, au lieu de faire saillie dans la cavité de l'ovaire, les cellules épithéliales s'aplatis- sent moins du côté de la cavité et elles donnent naissance, au contact de la cavité ovarienne, à un epithelium relativement épais. Le tissu conjonctif finit par s'immiscer non seulement entre les jeunes follicules voisins, mais même entre eux et l'épithélium épaissi qui les séparait, au début, de la cavité de l'ovaire. C'est ce qui se voit, figure làhis, en ce qui concerne les follicules f" et /"". Les faits que nous venons d'indiquer font comprendre comment se forme l'épithélium cylindrique de la voûte ovarienne et celui des pédicules folli- culaires. Le vitellus de ces jeunes ovules est finement et uniformé- ment ponctué; son aspect et sa coloration sont uniformes. On n'y voit aucun élément formé, aucun corpuscule chromo- phyle, rien qui ressemble ni à un corps cellulaire, ni à un noyau de cellule. Dans tous les ovules indistinctement existe une grande vésicule germinative, régulièrement arrondie, pré- sentant un double contour et des traînées de granulations peu colorées, vaguement réticulées; un gros corps chromatique vivement coloré, homogène, au moins en apparence et dépourvu de vacuole, siège excentriquement dans son intérieur, sans jamais être cependant adjacent à la membrane nucléaii-e. Ce corpuscule germinatif est entouré d'une auréole claire, dépour- vue de granules. Dans aucun ovule primordial, dans aucun follicule, nous n'avons rien vu qui put faire supposer une genèse de cellules intra-ovulaires : ni au contact de la vési- cule germinative, ni eu aucun autre point du vitellus nous n'avons pu distinguer rien qui ressemblât ni à une cellule, ni à un noyau, rien qui rappelât les extroflexions de la membrane nucléaire décrites et figurées par Fol; rien non plus, dans la vésicule germinative, qui pût être interprété comme nucléoles accessoires (Roule). Il n'existe jamais dans la vésicule germi- RECHERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TENICIERS. 355 native qu'un seul corps chromatique. Certes il se présente des images douteuses, où l'on voit de véritables noyaux se projeter sur le vitellus ovulaire (flg. 14 fn)\ mais il est toujours possible, en suivant la série des coupes, de constater que jamais ce fait ne se présente que lorsque l'ovule a été coupé plus ou moins tangentiellement. Chaque fois que l'on a sous les yeux une coupe bien méri- dienne, l'on ne distingue de noyaux qu'autour de l'ovule, jamais dans le vitellus et ceci est vrai pour tous les stades du déve- loppement, pour les ovules primordiaux comme pour les œufs mûrs. Nous tenons nos préparations à la disposition de tous ceux qui nous exprimeront le désir de les examiner. Le nombre des cellules folliculeuses augmente avec le volume de l'ovisac; au début ces cellules sont très étendues et fort peu nombreuses. Comment se multiplient-elles? Nul doute qu'elles ne se divisent. Nous avons rencontré çà et là des figures karyokinétiques manifestes. Certes elles sont peu nombreuses ; mais s'il fallait conclure de là que ces cellules ne procèdent pas les unes des autres, il faudrait en dire autant des éléments constitutifs des tissus chez le boui'geon et chez la larve. Dans tout le bourgeon dont nous avons représenté une série de coupes planche XI, nous n'avons pas rencontré un seul noyau en karyokinèse. Nous pourrions en dire autant de plus d'une larve. Il résulte de ce qui précède que l'épithélium folliculaire de la Claveline de Risso procède, comme l'ovule qu'il renferme, des éléments cellulaii^es déjà différentiés dans l'épithélium germinatif ; il ne nait chez cette espèce aucune cellule intra- ovulaire : les cellules folliculeuses sont préformées dans l'épi- thélium germinatif tout aussi bien que les ovules. Le jeune follicule est délimité extérieurement par un cou- tour uniforme et régulier, beaucoup plus apparent que la ligne qui sépare l'ovule des cellules folliculeuses appliquées à sa surface (fig. l^Us /""); il est possible que l'épithélium follicu- laire comme l'épithélium germinatif repose sur une mem- brane sans structure. L'épithélium folliculaire est formé au 356 ED. VAN BENEDEN ET CH. JILIN. début d'une seule assise de cellules, fusiformes à la coupe. Mais bientôt l'on remarque çà et là quelques cellules plus saillantes dans le vitellus; elles présentent d'ailleurs des caractères de forme et de structure identiques à ceux des cellules plus superficiellement placées. En certains points de la surface de l'œuf il apparait manifestement deux assises cellulaires, séparées l'une de l'autre par un contour foncé, légèrement sinueux, ondulé, tantôt plus rapproché, tantôt plus éloigné de la surface du follicule (fig. 14òis, /"iv). Au fur et à mesure que le follicule grandit, la ligne de séparation entre les deux assises cellulaires devient plus apparente et en même temps plus régulièrement circulaire (fig. lAbis, fv). En même temps les caractères des éléments se modifient dans les cellules des deux assises. Les cellules de la couche externe, en même temps qu'elles deviennent plus nombreuses, perdent l'apparence fusiforme qu'elles afiectaient; elles deviennent plutôt cuboïdes ou tout au moins elles ne montrent plus d'épaississement au niveau du noyau. La couche prend une épaisseur uniforme sur tout le pourtour du follicule. Les cellules de l'assise interne ne deviennent pas seulement plus nombreuses ; elles grossissent, font plus fortement saillie dans le vitellus qu'elles dépriment et deviennent hémisphé- riques ou même globuleuses. Leur contour devient très peu apparent ; elles acquièrent le même indice de réfraction à peu près que le vitellus ovulaii-e. Par contre, leui^s noyaux sphé- riques ou ovoïdes restent on ne peut plus distincts ; ils con- servent les mêmes caractères que ceux des cellules externes, se colorant de la même manière et présentant les mêmes détails de structure. On n'en trouve que dans la portion la plus externe du vitellus, jamais la moindre trace dans la profondeur de l'œuf. En même temps que ces modifications se produisent dans le revêtement cellulaire des œufs, les caractères du vitellus changent et la vésicule germinative se transforme (fig. 14). Dans les follicules les plus avancés (fig. 14 /■■") l'œuf, prêt à être évacué dans la cavité de l'oviducte, n'occupe plus qu'in- RECHERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 357 complètement la cavité du follicule. Il a pris une forme sphé- rique parfaitement régulière; son vitellus présente une structure toute différente de celle de l'œuf en voie de développement; au lieu de la vésicule germinative on trouve près de la surface une figure pseudokaryokinétique. Dans un espace assez étendu qui règne entre la surface de l'œuf et une enveloppe ovulaii^e (e. o) se voient les corpules du test, qui ne sont que les cellules de l'assise interne dont nous avons parlé plus haut. Le carac- tère cellulaire de ces éléments ne résulte pas seulement de l'étude de leur genèse; il ressort avec évidence d'un examen attentif de leurs caractères. Chaque élément présente un noyau de cellule des mieux caractérisés. Ces cellules ont notablement grandi pendant la dernière période de l'évolution du follicule. L'enveloppe ovulaire présente exactement la même appa- rence que la paroi du follicule qui, elle, se continue avec la paroi du pédicule folliculaii^e (fy). Les cellules de l'assise cel- lulaii-e externe du stade précédent revêtent en partie la face externe de la membrane ovulaire, en partie la face interne de la membrane folliculeuse. Entre les deux couches se voit une fente étroite qui, par l'intermédiaii^e du pédicule follicu- laire, communique avec la cavité de l'ovaii^e. Ces cellules adhérentes à la membrane ovulaire sont manifestement homo- logues aux cellules spumeuses, parfois développées en longues papilles, de beaucoup d'Ascidies simples. Elles répondent à la couche que Fol appelle spumeuse ou papillaire. Une couche cellulaire adjacente à la face interne de la membrane anhyste du follicule a été pour la première fois bien décrite par Fol; elle a été reconnue par lui comme constituant autour du follicule mûr une enveloppe particulière. Il résulte de l'exposé qui précède : 1° Que chez la Claveline de Risso l'épithélium folliculaire primitif procède exclusive- ment des cellules folliculeuses de l'épithélium germinatif. 2" Que cet epithelium primitif se résoud en deux assises secondaires; l'une, interne, répond à la couche du testa, l'autre externe est ce que nous appelons Vépithélmm follicu- laire secondaire. Les éléments du testa sont des) cellules, qui 358 ED. VAN BENEDEN ET CH. JULIN. dérivent exclusivement des cellules foUiculeuses primitives. Elles ne sont jamais entièrement plongées dans le vitellus, mais seulement saillantes dans la substance de l'œuf. S° L'épithélium folliculaire secondaire se subdivise, au moment où l'œuf arrive à sa maturité, en deux nouvelles assises cellulaires : l'interne adhérente à la membrane ovulaire devient la couche spumeuse de l'œuf pondu; l'externe reste en place, à la face interne de la membrane anhyste du follicule. 4° L'enveloppe ovulaire anhyste qui prend naissance après la subdivision de l'épithélium primitif du follicule en deux assises adjacentes ne peut être une production de l'ovule : elle procède de l'épithélium folliculaire. Elle a le même aspect que la membrane anhyste du follicule, qui se continue sur le pédicule folliculaire et jusque sous l'épithélium ovarien. Cette dernière a probablement la valeur d'une membrane basale. Elle n'est certainement pas formée de cellules endothéliales. Les membranes qui entourent l'œuf mfir dans le follicule sont donc au nombre de cinq; la couche du testa, l'enveloppe ovulaire anhyste, l'épithélium interne du follicule, l'épithélium externe du follicule, la membrane anhyste du follicule. Toutes dérivent de l'épithélium folliculaire primitif. 5° L'épithélium qui constitue la paroi des pédicules follicu- laii-es se développe aux dépens de cellules épithéliales de l'épithélium germinatif. L'épithélium cylindrique que l'on observe à la voûte de la cavité ovarienne procède lui aussi de l'épithélium germinatif. L'on pourrait dire qu'il est un reste de l'épithélium germinatif épuisé. Ce sont toujours et exclusi- sement les portions les plus externes des bandes germina- tives qui engendrent de nouveaux follicules. Une portion différentiée de cet epithelium ne peut produire au maximum qu'un nombre de follicules équivalent au nombre des ovules primordiaux qu'il renferme. Cette portion devient incapable de produire ultérieurement de nouveaux ovules et se trans- forme, après avoir engendré ses follicules, en epithelium cylindrique. Il est probable qu'au fur et à mesure qu'il se produit de dedans en dehors de nouvelles poussées de folli- cules, l'ancien epithelium cylindrique entre en dégénérescence. RECnERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 359 n ressort de l'étude que nous avons faite du développement de l'appareil sexuel femelle chez divers Ascidiens, aussi bien que de la connaissance des faits relatifs à la structure de l'ovaii-e et à l'ovogenèse chez la Claveline, que toute l'histoire de la formation des follicules ovariens de ces Tuniciers rap- pelle singulièrement les faits généralement admis aujourd'hui concernant l'ovogenèse chez les Vertébrés. Si l'on admet que la cavité commune de l'ovaire et de l'oviducte d'une Claveline ou d'une Pérophore est homologue à la cavité peritoneale d'un Vertébré, qu'elle représente, comme cette dernière, une portion d'enterocèle, il y a non seulement une remarquable analogie, mais une identité complète en ce qui concerne les dispositions anatomiques et les processus évolutifs entre les Timiciers et les Vertébrés. Jusqu'à quel point l'on est autorisé à comparer la cavité de l'appareil sexuel femelle d'une Claveline à la cavité peri- toneale d'un Amphioxus ou d'un Cyclostome, c'est là une question que nous discuterons plus loin. Nous nous bornerons pour le moment à faire remarquer que l'idée que l'on se faisait de l'ovaire des Ascidiens, une simple glande en grappe pour les uns, un système de cavités lymphatiques pour d'autres, cadre mal avec les dispositions anatomiques réalisées chez la Claveline : la Claveline possède manifestement deux ovaii-es l'un droit, l'autre gauche. L'ébauche primitive se modifie profondément dans le cours du développement chez la Phal- lusie Scabroïde, et de la même manière probablement chez toutes les Phallusies. Chez les Molgulides il existe généra- lement deux organes ovariens complètement séparés l'un de l'autre, probablement homologues aux deux ovaires de la Claveline. Chez les Cynthiadés, l'ébauche primitive se frag- mente selon toute apparence, en un grand nombre d'organes distincts. L'étude du développement de l'appareil sexuel, chez des représentants des différentes familles, pourra seule nous éclairer définitivement sur la manière, dont il faut ratta- cher les unes aux autres, les diverses dispositions réalisées par l'appareil sexuel dans le groupe des Ascidiens. Pour des 360 ED. VAN BENEDEN ET CH. JULIN raisons que nous exposerons plus loin, nous pensons que les Clavelines représentent la plus primitive de toutes les formes actuellement connues du groupe des Ascidiens, la forme chez laquelle les dispositions ancestrales sont le plus complètement conservées. Nous pensons donc que l'existence de deux ovaires l'un droit, l'autre gauche, déversant leurs produits dans une large cavité commune, unique et médiane, représente la forme typique et originelle de l'appareil sexuel femelle des Tuniciers; que cet ovaire double, avec sa cavité commune, s'est trans- formé secondairement en un organe lobule, d'apparence très complexe chez les Phallusiadés ; que les deux moitiés se sont séparées l'une de l'autre à la suite du dédoublement de la cavité commune, chez les Molgulides; que l'ébauche s'est irrégulièrement fi^agmentée en un nombre variable de parties disséminées dans l'épaisseur de la tunique interne chez les Cynthiadés. Quoiqu'il en soit de la justesse de cette opinion, il est certain que, chez la Claveline, les follicules ovariens procèdent d'un epithelium germinatif, que 1' epithelium des follicules se forme aux dépens des cellules folliculeuses de cet epithelium ; que les processus de l'ovogénèse sont, chez la Claveline, de tous points semblables au mode de développement des folli- cules ovariens des Vertébrés. Nos observations ne concordent pas, en ce qui concerne l'origine des cellules folliculeuses, avec les résultats des recherches récentes de Fol (39), de Sabatier (40) et de Roule (41). Ces trois auteurs sont d'accord, pour faire naître de l'ovule lui même les cellules épithéliales du follicule. Leurs observations ont porté sur des espèces très diverses d'Ascidies simples, voire même sur la Claveline; cependant c'est surtout la dona intestinalis qui a été l'objet de prédilection pour ces recherches. Des divergences d'opinions séparent cependant ces auteurs quant aux détails du processus qui amène la formation de ces cellules intra-ovulaires. Tandis que Fol et Roule font intervenir, de façon fort différente d'ailleurs, la vésicule germinative de l'œuf dans la formation des noyaux RECHERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 361 des cellules folliculeuses, Sabatier nie formellement toute par- ticipation de la vésicule germinative et pour lui, les cellules folliculeuses dériveraient exclusivement du vitellus ovulaire. Il nous parait superflu de faire ici un exposé détaillé des différences entre les observations de Fol, de Sabatier et de Roule, sur la genèse des cellules folliculeuses; nous nous bornerons à répéter ici que rien, dans nos observations sur la Claveline, ne nous autorise à penser que l'ovule joue un rôle quelconque dans la formation des cellules épithéliales du follicule ovarien. Si nous en étions réduits à constater seulement ce résultat négatif, si nous n'étions pas éclairés sur l'origine des cellules folliculeuses, nous serions autorisés à penser que d'autres méthodes de préparation nous auraient conduit aux mêmes conclusions que ces auteurs. Il n'en est pas ainsi. Nous avons suivi jusques dans l'épithélium germi- natif les premières cellules épithéliales du follicule, et il ne nous reste aucun doute quant à leur origine chez la Claveline. Nous nous abstiendrons aussi d'exposer ici ce que Fol (39) appelle spirituellement la théorie carnivore de Seeliger (36). Nous n'avons jamais rencontré, ni chez la Claveline, ni chez aucun autre Ascidien, rien qui rappelle l'immigi-ation cellu- laire admise par Seeliger. Roule a figuré planche 8, figure 9, de son mémoire (41) l'épithélium germinatif de la Ciona intestmalis, dans ses rap- ports avec de jeunes follicules. Si cet auteur, au lieu de se borner à l'examen d'ovaires adultes, avait étudié le développe- ment de l'appareil sexuel de la Ciona, en recourant à la méthode des coupes, peut-être serait-il arrivé à des résultats semblables à ceux que nous avons formulés. Nous pensons aussi que s'il avait eu recours à de jeunes individus pour l'étude de l'appareil mâle, il eut évité la confusion qu'il a faite entre l'appareil excréteur des testicules et la glande intes- tinale dont il nie bien à tort l'existence chez la Ciona. Cette glande ne fait pas plus défaut chez la Ciona que chez toutes les autres Ascidies simples, sociales et composées. Ce sont les canaux glandulaires de cet organe et non les canaux excré- 362 ED. VAN BENEDEN ET CH, JULIN. teurs du testicule que Roule a représentés planche 6, figure 48 {Tsc) de son mémoire. Jusqu'au jour où Fol (42) fit connaître en 1877, le résultat de ses recherches sur l'origine des cellules folliculeuses chez Ciona intestinalis, aucun des auteurs qui ont publié soit sur l'anatomie, soit sur le développement des Ascidies n'avait cherché à résoudre la question de savoir d'où viennent ces cellules plates périovulaires que plusieurs d'entre eux avaient parfaitement vues et très exactement figurées. Quelques uns expriment l'opinion que ces cellules dérivent du stroma de l'ovaire. Mais ce stroma de l'ovaire n'avait jamais été analysé. L'on ne possédait sur l'anatomie de l'ovaire des Tuniciers que des idées fort imparfaites et en grande partie erronées. L'on peut dire qu'il en est encore de même aujourd'hui. Témoin le récent mémoh^e de Roule qui considère les cavités de l'ovaire comme étant d'origine vasculaire. Dans ces derniers temps Fol, Sabatier et Roule ont cherché à élucider le problème de la genèse de l'épithélium folliculaire. Ils ont abouti à une opinion commune. Deux manières de voii^ se trouvent donc aujourd'hui en présence : celle de ces trois auteurs, d'après laquelle les cellules épithéliales du follicule ovarien auraient une origine intraovulaire; la nôtre qui fait dériver directe- ment ces cellules, tout comme les ovules eux-mêmes, des éléments constitutifs d'un epithelium germinatif. Si la bibliographie relative à la question de l'origine des cellules épithéliales des follicules ovariens se résume dans les travaux de Fol, de Sabatier et de Roule, le nombre de recherches portant sur le mode de formation des éléments de testa est considérable. Le nom très-défectueux que portent aujourd'hui les cellules qui, chez les Ascidiens, se trouvent en dedans de l'enveloppe ovulaire de l'œuf pondu, provient comme on sait, de l'opinion répandue pendant un certain temps, d'après laquelle ces cellules interviendraient dans la formation de la tunique externe. Les recherches de Semper (43) et de Hertwig (44) ont fait justice de cette erreur. L'un de nous avait reconnu, dès 1871, en étudiant, pendant un séjoui' à RECHERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 363 Helgoland, le développement de la Clavelina lepadiformis, que ces cellules dites du testa ne sont pour rien dans la genèse de la tunique, que celle-ci se forme toute entière aux dépens de l' épidémie de la larve et que les cellules du testa restent dans l'œuf, en dehors de la tunique larvaire, sans participer d'aucune façon à la genèse de la larve. Quoique Kowalevsky lui-même se soit rallié à cette manière de voir (45), incontestée aujourd'hui, le nom de cellules du testa est resté. Fol propose de le remplacer par celui de globules du testa larvaire. Nous ne voyons pas l'avantage qu'il y aurait à accepter ce nouveau nom, rappelant la même erreur. Ne pou- vant admettre l'opinion de Fol, qui conteste à ces éléments la nature cellulaire, nous pensons que le nom de cellules convient seul pour désigner ces globules ; ils sont en effet des cellules, tout au moins à leur origine. Certes, ils peuvent perdre secon- dairement leur noyau ; au moment de la ponte, ces éléments ne présentent plus, chez beaucoup d'Ascidiens, de caractère cellulaire ; mais encore est-il utile de rappeler dans le nom qu'on leur assigne leur valent^ originelle. Ne dit on pas que la cuticule épidermique des mammifères est formée de cellules ? Le nom de globules granuleux proposé également par Fol, ne nous paraît pas plus heureux. Indépendamment de cet incon- vénient qu'il manque de précision et prête à la confusion, il présente le défaut de manquer d'exactitude. Chez plusieurs Ascidiens, les cellules du testa ne sont pas granuleuses, mais présentent au contraire, l'apparence de petits corps homogènes à contours extrêmement foncés. Ce qui n'a pas peu contribué à fixer l'attention sur ces cellules du testa, c'est l'opinion répandue d'après laquelle l'enveloppe ovulaire dériverait de l'œuf lui-même, à peu près comme la membrane cellulaire pro- cède de la cellule. Cette manière de voir est encore défendue par Fol dans son récent mémoire (39). Dans cette concep- tion il est fort étrange en effet de trouver, longtemps avant la fécondation, toute une série de cellules sous cette mem- brane, entre elle et la surface du vitellus. La circonstance que ces cellules sont au début empâtées dans le vitellus, à 364 ED. VAN BENEDEN ET CH. JULIN. fait croire qu'elles se forment aux dépens de la cellule-œuf avant la fécondation. Mais la question change d'aspect, le côté énigmatique et exceptionnel disparaît dès que l'on envisage l'enveloppe ovulaii-e non comme une membrane vitelline, mais bien comme une production de l'épithélium, folliculaire. C'est ce fait qui se dégage clairement de l'étude du développement des follicules chez la Clavelme. Et s'il est établi d'autre part que les cellules du testa ne sont en définitive qu'une partie différentiée de l'épithélium folliculaire, les différences qui se montrent entre l'œuf des Ascidiens et celui des autres animaux ne présentent plus du tout la même portée. Bien d'autres animaux pondent des œufs entourés en tout ou en partie d'un epithelium folliculaire. Si l'on considère l'enveloppe ovulaire comme une production épithéliale, l'œuf des Ascidiens, au moment de la ponte, est an œuf nu, dépourvu de membrane vitelline. A ce point de vue encore, les Ascidiens sont loin de constituer une exception dans le règne animal : ils se trouve- raient dans le même cas que les Appendiculaires qui, d'après Fol, pondent des œufs dépourvus de membrane. Les opinions émises quant à l'origine et à la valeur des cellules du testa sont très diverses. 1/ D'après Kowalevsky, les cellules du testa dérivent des cellules folliculaires. Il exprime déjà cette opinion, quoique sous une forme un peu dubitative, dans son premier mémoire : " Ces cellules jaunes dérivent, selon toute probabilité, du follicule dans lequel l'œuf s'est formé „ et plus loin : " Je ne doute nullement que ces globules jaunes (les cellules de testa) ne proviennent des cellules du follicule. „ Après avoir porté plus spécialement son attention sur la question de l'origine de ces cellules, Kowalevsky maintient, dans son second mémoire, sa première opinion : il la formule d'une façon beaucoup plus affirmative et dans son travail sur le développement des Pyrosomes il y revient encore : " chez les Pyrosomes, comme chez les Ascidiens proprement dits, les éléments du testa sont bien des cellules, et ces cellules dérivent de l'épithélium folliculaire. Elles ne pénètrent que secondairement dans le vitellus. „ RECUERCUES SUR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 3G5 L'opinion de Kowalevsky a été confirmée par Ganin (46), qui affirme, lui aussi, que chez Botryllus les cellules du testa proviennent des cellules du follicule; cette manière de voir a aussi été soutenue plus tard par Ussow (47). Les cor- puscules jaunes ne sont, pour lui, que des cellules du follicule de de Graaf qui se disposent en une couclie autour de la cellule-œuf déjà formée. Giard a adopté la même manière de voir à la suite de ses études sur le développement de " Lithonepliria engyrmida. „ (48) 2/ Kupffer (49) est le premier qui se soit élevé contre cette opinion. Dans son mémoii-e sm- le développement de VAscidia (Oiona) canina, il consacre un chapitre à l'exposé de ses recherches sur ce point. La membrane oviilaire existerait déjà, à la surface du vitellus avant l'apparition des éléments du testa. Ceux-ci naîtraient à la suite d'une differentiation de la couche périphérique du vitellus, par résolution de cette couche en autant de fragments qu'il doit se former de cellules du testa. Ces éléments procéderaient donc du vitellus ovulante; ils seraient engendrés par la cellule-œuf et Kupffer compare le processus à une formation libre de cellules (freie Zellbildung). Le noyau des cellules du testa se formerait après le corps cellulaii^e. Plus tard, Kupffer (50) reprit de nouveau l'étude de cette question et fut conduit aux mêmes conclusions : les choses se passeraient, chez Molgula macrosiphonica, comme chez Ascidia canina. Chez d'autres espèces, dona intestinalis, Ascidia mentula, parallelogramma et complanata, le problème est plus difficile à résoudre à cause de la formation plus tardive de la membrane ovulaire. Metschnikow (51) s'est rallié à l'opinion de Kupffer; seu- lement, tout en reconnaissant que les éléments du testa sont mobiles et exécutent des mouvements amœboïdes, il n'a pas pu leur trouver de noyau cellulaire. Les travaux récents de Fol, de Roule et de Sabatier ont conduit ces auteurs à des conclusions semblables à celles de Kupffer, en ce sens que tous trois admettent l'origine intra- ovulaire des éléments du testa. Seulement il existe entre les 24 366 ED. VAIS BENEDEN ET CH. JULIN. opinions de ces auteurs des divergences notables en ce qui concerne le lieu de formation, les processus génétiques, et la valeur anatomique des éléments du testa. Pour Fol les éléments du testa, les corpuscules de la granu- leuse comme il les appelle, sont, chez la plupart des Asci- diens, des differentiations de la partie superficielle du vitellus, sans participation aucune de la vésicule germinative. En ayant recours aux préparations durcies par les mélanges à base d'acide osmique l'on voit, dit Fol, que les globules du testa subissent une série régulière de modifications de struc- ture qui n'ont été vues par aucun auteur, pas même par les plus récents, l^"" Stade. Les globules sont un peu irréguliers de forme et composés uniquement de vésicules arrondies qui se touchent toutes. 2"^ Stade. Les vacuoles vésiculeuses se sont placées sur un seul rang, tout autour du globule, laissant au milieu un petit amas de la substance qui constitue la paroi des vésicules. Cette partie centrale, creusée elle-même d'une vacuole plus petite que les autres, se colore dans le carmin et ressemble alors à un noyau; mais l'hœmatoxyline et les vrais colorants nucléaires ne l'affectent en aucune façon, d'où Fol conclut qu'il ne s'agit pas là de véritables cytoblastes. 3™« Stade. C'est celui que les auteurs ont décrit. Le contenu des corpuscules est devenu homogène. Pour Fol les éléments du testa ne sont pas des cellules. Si Fol donne des renseignements très précis et fort circon- stanciés sur les trois stades qu'il décrit, par contre il ne nous renseigne guère sur le mode de formation des corpuscules de la granuleuse. Il indique exactement le lieu de leur formation ; mais il passe légèrement sur le fait même de leur apparition. Fol admet d'autre part qu'il existe, chez Molgula impura, en dedans de la membrane ovulaire, des éléments qui, si l'on ne tient compte que de l'époque de leur formation et de leur position, pourraient être placés dans la même catégorie que les éléments du testa des autres Ascidiens. Mais il hésite à faire ce rapprochement parce qu'il a reconnu qu'il s'agit ici d'éléments nucléés, par conséquent de cellules. Il ne se pro- RECHERCHES SlIR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 367 nonce pas sur leur origine " il semble, dit-il, que nous avons alfaire ici à une formation sui geiieris, qui tient le milieu entre les cellules du follicule et les globules granuleux des Ascidies proprement dites. „ Ceci nous parait absolument incompréhensible : comment des éléments pourvus chacun d'un noyau cellulaire peuvent-ils constituer une forma.tion tenant le milieu entre des cellules et des éléments qui n'ont rien de commun avec une cellule ? Roule pense lui que les éléments du testa se forment par le même processus que les cellules du follicule. Ils ne seraient que des cellules tardivement formées, au contact de la vésicule germinative et avec participation de cette dernière. Enfin Sabatier, après avoii' professé, au début de ses recherches, une opinion qui se rapproche beaucoup de celle de Fol^ s'est rallié dans son dernier travail à la manière de voir de Roule, en ce sens tout au moins que pour lui, comme pour ce dernier auteur, les cellules du testa se développent, comme les cellules du follicule, dans la profondeur du vitellus. Mais Sabatier n'admet ni pour les unes, ni pour les autres, l'intervention de la vésicule germinative. Tous les auteurs que nous venons de citer admettent donc en commun l'origine intraovulaire des éléments du testa; mais ils sont bien loin de s'entendi'e quant au lieu de formation de ces corps, sur les processus évolutifs qui leur donnent naissance, voire même sur leur valeur anatomique. 3/ Une dernière opinion, que nous citons pour mémoire, a été émise par Semper (43). Pour lui les éléments du test ne sont que des gouttelettes expulsées du sein du vitellus quand on met les œufs en contact, pendant un temps plus ou moins prolongé, avec des solutions diluées d'acide acétique ou d'acide chromique, avec de l'eau douce (!) ou même simplement avec de l'eau de mer. Cette expulsion se fait rapidement quand les gouttelettes étaient déjà préformées et visibles dans la masse vitelline avant l'expérience. Dans le cas contraire, elle se fait tardivement ou même elle n'a pas lieu. Ces expériences de Semper n'ont aucune portée en ce sens qu'elles ne donnent, et ne peuvent 368 ED. VAN BEiNEDEN ET CH. JULIN. donner aucun éclaircissement ni sur l'origine, ni sur la valeur de ces soi-disant gouttelettes, dont Semper admet la préexistence dans le vitellus des œufs mûrs. Elles établissent ce que chacun sait et savait depuis longtemps, c'est que ces éléments sont empâtés individuellement dans la couche corticale du vitellus, avant la maturité complète, et qu'elles viennent au contraire s'interposer entre le vitellus et l'enveloppe ovulaire, au moment où celle-ci se distend et qu'une cavité périvitelline apparaît ce qui, chez certaines espèces, ne se produit qu'après la ponte, c'est-à-dire au contact de l'eau de mer. Il se produit donc alors un semblant d'expulsion. Les données de Semper sont inexactes en ce qui concerne la Claveline de Risso, quand il dit que chez la Claveline un œuf fécondé, retiré de l'oviducte, permettrait de voir, sous les yeux de l'observateur, la sortie des globules du testa. Chez la Claveline de Risso, l'espace périvitellin est constitué, l'expulsion des cellules du testa a par conséquent eu lieu, avant que l'œuf ne tombe dans l'oviducte (pi. XY, fig. 14 /•-). Quand Semper a vu se produire chez de jeunes ovules, chez lesquels il n'existait pas encore de " gouttelettes „ préformées, une expulsion cette fois tardive de gouttelettes, il est évident qu'il a eu affaire à de simples phénomènes d'altération : il eut pu voir semblable expulsion de gouttelettes se produire sous ses yeux, en prenant de jeunes ovules de n'importe quelle espèce animale, voire même de simples cellules protoplasmiques. Les expériences de Playfair Mac Murrich(52) sur des œufs mûrs de Ascidia amphora et de Cynthia depressa n'ont servi qu'à établir aux yeux de leur auteur le fait bien connu par tous ceux qui se sont occupés du développement des Ascidies simples, que chez la plupart des espèces l'enveloppe ovulaire, appliquée contre le vitellus tant que l'œuf reste dans l'oviducte, ne se distend qu'au contact de l'eau de mer. Il est tout naturel que des solutions aqueuses faibles déterminent le même résultat. Mais quand l'auteur conclut de l'action des réactifs qui produisent une fixation plus rapide, et aussi de l'examen des caractères des éléments du testa, partiellement ou totalement RECHERCHES SCR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 369 expulsés, que ces corpuscules ne seraient que des parcelles de vitellus, chassées par le retrait de ce dernier, il exprime une opinion qui ne sera admise, pensons-nous, par aucun de ceux qui ont étudié l'ovogénèse des Tuniciers. H ressort de tout ce qui précède, que nous n'avons fait que confirmer, par notre étude sur la genèse des éléments du testa chez la Ola veline de Risso, les observations et les conclusions depuis longtemps formulées par Kowalevsky, battues en brèche et souvent contestées par toute une série d'auteurs récents, et cependant, s'il est permis de conclure d'un cas particulier, parfaitement exactes et vraies. L'enveloppe ovulaire apparaît après que les cellules du follicule se sont disposées en deux assises cellulaires; elle apparaît entre les deux assises ; elle est par conséquent d'origine épithéliale et sépare l'épitlielium primitif en deux parties : la couche du test et l'épithélium secondaii-e du follicule. Une subdivision ultérieure de cette assise externe se produit plus tard; vers le moment de la ponte, quand cet epithelium se résoud en deux couches, l'une adjacente à l'enveloppe ovulaire et homologue à la couche papillaire ou spumeuse des autres Ascidiens, l'autre accolée à la membrane anhyste du follicule et homologue à la membrane décrite par Fol chez Ciona intestinalis sous le nom de couche folliculaire membraniforme. L'épithélium folliculaire primitif, formé par une simple couche de cellules plates, dérive des cellules folliculeuses, interposées entre les ovules primordiaux dans l'épithélium germinatif. Cet epithelium donne naissance, dans la suite du développe- ment du follicule, à deux membranes anhystes et à trois assises cellulaires. La position relative de ces couches est la suivante : En allant de l'extérieur vers l'intérieur, on trouve succes- sivement. 1/ La membrane anhyste du follicule. 2/ La couche folliculaire membraniforme. 3/ La couche papillaire ou spumeuse, non papillaire et non spumeuse chez la Claveline. 370 ED. VAN BENEDEN ET CH. JULIN. 4/ La membrane anhyste de l'enveloppe ovulaire. (Chorion de Fol). 5/ La couche du testa. 1 et 2 restent en place au moment de la ponte; 3, 4 et 5 sont expulsés avec l'œuf. Celui-ci ne donne naissance à aucune membrane ; il est nu comme l'œuf des Appendiculaires. Les enveloppes, qui l'entourent après comme avant la ponte, sont d'origine folliculaire. Le nom de Chorion proposé par Fol ne nous parait pas fort convenable, quoique, en fait, la signification morphologique de ce mot ne soit pas fort bien définie. Il s'applique d'ordinaire aujourd'hui aux enveloppes ovulaires d'origine épithéliale, qui se trouvent au contact immédiat soit du vitellus, soit d'une membrane vitelline (Œuf des Insectes). Chez la ClaveUne la membrane se forme dans Vépaisseur de V épitMlium entre les deux assises cellulaires qui le constituent. Nous préférons donc, afin de réserver au mot Chorion une signification plus précise, employer le mot membrane anhyste de Vœuf, ou enveloppe ovulaire anhyste, noms qui ne préjugent rien et qui ne compro- mettent rien. CINQUIEME CHAPITRE. LES MUSCLES LONGITUDINAUX DE LA CLA VELINE. C'est un fait bien connu que les muscles des Ascidies adultes diffèrent beaucoup de ceux qui fonctionnent chez la larve urodèle et chez les Appendiculaires, non-seulement par leurs caractères histologiques et par leur groupement, mais par leur genèse. Tout récemment Seeliger résumait son opinion sur la portée de ces différences dans la phrase suivante: " Die Musadatur der ausgebïldeten Ascidien trdgt diirchaus den Charakter von Mezenchymmuskelzellen, die des Schwanzes der RECHERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 371 Larven und Appendicularien ist eine epithéliale, die aber ebenfalls in der primaren Leibeshdhle liegt{\). La formation des muscles du tronc aux dépens de cellules libres du mesenchyme n'est pas douteuse : elle est facile à reconnaître, chez la Claveline, aussi bien dans la larve trans- foimée que dans le bourgeon. La structm-e des fibres musculaires, chez les Ascidies simples, n'est pas facile à analyser. Les faisceaux musculaires sont formés de fibres homogènes; celles-ci ne sont pas décom- posables en fibrilles et elles ne montrent aucune trace de stria- tion transversale. Dans les faisceaux l'on distingue toujours bien nettement des noyaux; mais il est difficile de décider si ces noyaux siègent dans les fibres ou entre les fibres. La première opinion est généralement admise : tant chez les Ascidies simples que chez les Ascidies sociales (Péro- phores et Clavelines) les éléments musculaires, groupés en faisceaux dans l'épaisseur de la tunique interne, ont été décrits comme des fibres cellules. La substance contractile non fibril- laire et non striée constituerait une couche corticale à la fibre pourvue d'un noyau unique siégeant dans l'axe de l'élément. Il n'y aurait donc pas de différence essentielle entre les mus- cles des Ascidies simples et les bandes musculaires des Salpes et des Doliolum : l'on sait eu effet que ces bandes sont consti- tuées de cellules musculaires, montrant parfois des traces d'une striation transversale (2). H est certain que les faisceaux musculaires de la tunique interne des Ascidiens se forment aux dépens de cellules du mesenchyme. L'on voit en effet, à un certain stade du déve- loppement, des cellules du mesenchyme s'allonger en fuseaux et se disposer les unes radiaii-ement, les autres circulairement autour des orifices des siphons. De par leur origine ces (i) Seeliger. Die Entwick. der socialen Ascidien, 1885. Separat-Abdruck, page 90. (2) Uljanin. Die Arien der Gattung Doliolum im Golfe von Neapel. Leipzig, 1884. 372 ED. VAN BENEDEN ET CH. JULIN. éléments musculaires rentrent donc dans la catégorie des muscles mésenchymatiques des frères Hertwig. n existe, chez les Clavelines, des muscles longitudinaux qui siègent aux faces latérales du corps. Milne Edwards les a vus le premier ; il les décrit comme suit : " Sa surface (la surface de la tunique interne) est parcourue par diverses fibres muscu- laires, dont les unes sont circulaires et constituent des sphinc- ters autour de la bouche et de l'anus, tandis que les autres, au nombre de neuf ou dix paires naissent d'une sorte de collier tendineux situé autour de la bouche et descendent verticale- ment jusqu'à V extrémité inférieure de V abdomen, (i) Le collier tendineux dont parle Milne Edwards est l'organe bien connu aujourd'hui sous le nom de bourrelet péricoronal. Seeliger a parfaitement reconnu un fait très particulier qui avait échappé à l'illustre zoologiste français. H a vu que ces faisceaux longitudinaux vont en divergeant de bas en haut à partir d'un ou deux points d'insertion communs. Voici comment il s'exprime à ce sujet : " Es ist intéressant dass aile Lângsmuskeln von ein oder hochstens zwei sehr eng begrenzten Stellen, welche weit hinten tiber den Darmbogen hinaus liegen, ihren Ursprung nehmen und von da aus divergii-end gegen vorn verlaufen. An diesen eben erwâhnten Stellen findet die hintere Insertion der Lângsmuskel an die âussere Hautschicht statt, die oft noch knopfformig vorspringt. Nach vorn zu, in der Region des Kiemendarmes, verzweigen sich die Muskeln vielfach und inseriren sich in âusserst feinen Fâden. „ Cette description de Seeliger est de tous points exacte. La saillie en forme de bouton, qui répond aux extrémités posté- rieures des faisceaux, est constante ; il en existe une à droite et une autre à gauche, symétriquement placées par rapport au plan médian. Si on les suit d'avant en arrière, on voit les faisceaux converger vers ces boutons et s'y insérer. (1) H. Milne Edwards. Observations sur les Ascidies composées des côtes de la Manche, page 5-t. RECHERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 373 Au niveau de ces boutons l'épiderme forme une proéminence discoïde à la surface de laquelle les cellules épidermiques, de forme cylindroïde, présentent des caractères tout particuliers. Nous avons représenté (pi. XV, fig. 17) une coupe transver- sale à travers une de ces formations. Non seulement l'épiderme, mais aussi la couche musculo-cutanée sont notablement épais- sis au niveau de la saillie et l'on voit, en m, les coupes transversales de quelques faisceaux musculaires longitudinaux, sectionnés tout près de leur extrémité postérieure. La structure des faisceaux musculaires latéraux des Clave- lines est fort intéressante. Chaque faisceau est formé d'un certain nombre, peu considérable, de fibres homogènes, très réfringentes, courant parallèlement les uns aux autres. On peut les poursuivre dans la longueur des faisceaux dont elles occupent toujours et seulement la périphérie. Elles sont immédiatement sous-jacentes à une membrane que nous croyons pouvoir comparer au sarcolemme des fibres muscu- laires striées des Vertébrés. L'axe du faisceau musculaire est occupé, dans de jeunes individus, par une masse protoplasmique dans laquelle se trouvent disséminés de nombreux noyaux vésiculeux et réticulés (pi. XV, fig. 16). Ce protoplasme médullaire s'étend entre les fibres corticales, jusques sous la membrane (pi. XV, fig. 15). Au fur et à mesure que le bour- geon se développe les fibres réfringentes augmentent de volume aux dépens du protoplasme médullaire qui, lui, se réduit progres- sivement (pi. XV, fig. 15d, coupe d'un faisceau provenant d'un bourgeon plus âgé que ceux qui ont foui'ni les coupes a, b et c). Quand le faisceau est arrivé à son complet développement il ne reste plus du protoplasme médullaire que de minces lames granuleuses interposées entre les fibres homogènes et réfrin- gentes. Dans ces lames se voient les noyaux. Une particularité intéressante à signaler est relative à la forme des fibres (fibrilles) homogènes. Leur section transver- sale est presque toujours triangulaire; la base du triangle répond au sarcolemme; son sommet se continue en une ligne pâle, mais très nette , qui parfois se perd dans le protoplasme, 374 ED. VAN BENEDEN ET CH. JULIN. parfois se réunit à une ou à plusieurs de ses voisines. H arrive même que l'on peut voir ces lignes se réunir dans l'axe du faisceau (pi. XV, fig. 15a). Pour nous ces lignes sont l'indice de la structure réticulée du protoplasme et, si cette interprétation est exacte, il est clair que la substance muscu- laire qui constitue les fibres homogènes se continue avec les filaments du reticulum protoplasmique et n'est en définitive qu'une partie différentiée de ce réseau. Les faisceaux longitudinaux des Clavelines se rapprochent donc bien plutôt par leur structure des faisceaux primitifs des Vertébrés que des fibres cellules et, à part l'absence totale de striation transversale chez les Clavelines, l'analogie est complète. Il est parfaitement évident que les fibres homogènes du faisceau représentent la substance musculaire des faisceaux primitifs et que, n'était leur volume, elles mériteraient plutôt le nom de fibrilles que celui de fibres. H est probable qu'il s'agit ici, non de fibrilles simples, mais de groupes de fibrilles. Avant d'examiner jusqu'à quel point le développement de ces faisceaux est conforme à celui des faisceaux primitifs des Vertébrés, nous appellerons encore l'attention sur une parti- cularité de leur structure. Tandis que dans toute la longueur des faisceaux la substance contractile siège à la périphérie du protoplasme médullaire, d'où résulte, pour la coupe transver- sale de la fibre, une figui^e radiaire bien caractérisée (pi. XV, fig. 15, 16 et 17m'), près de l'extrémité inférieure des faisceaux les fibrilles ou les groupes de fibrilles n'intéres- sent plus qu'une portion restreinte de la surface ; (pi. XV, fig. 17, m, m, m, m.) Les caractères si particuliers des faisceaux longitudinaux des Clavelines ont été en partie reconnus par Seeliger ; il a fourni aussi quelques renseignements sur leur genèse. Mais il nous est impossible de comprendre comment il a pu considérer ces muscles comme réalisant le type mésenchymatique des frères Hertwig. Nous reproduisons ici les quelques mots que Seeliger consacre à l'histoire de ces muscles. RECHERCHES SUR L.4 MORPHOLOGIE DES TCNICIERS. 375 " Die Lângsmusculatur setzt sich aus einzelnen Muskel- ziigen zusammen, welche unzweideutig zu dem zweiten Hertwig'schen Typus, den Mesenchymmuskeln gehoren. Die Lângsmuskeln entstehen aus den freien Mesodermzellen, welche sich spindelfôrmig aus ziehen und in langen Reihen anorduen. Zuerst lassen sicli in diesen Zellreihen die einzelnen Zellelemente mit ihren Kernen nocli unterscheiden, bald aber nur noch die Kerne. Dièse zuerst einfachen Ziige spalten sich bald in eine wechselnde Zahl von Fibrillen, die auf dem Querschnitte als stark lichtbrechende Korperchen erkeunbar werden. Deutliche Lângsmuskeln sah ich erst an verhâltniss- mâssig weit entwickelten Knospen auftreten, wâhrend ein- zelne spindelfôrmig ausgezogene Zellen, die wahrscheinlich spater zu Muskelzellen werden, schon in sehi' jungen Knospen zu sehen sind. „ Ck)mme Seeliger l'a fort bien observé, les muscles longitudi- naux se forment, dans de tout jeunes boui^geons, aux dépens de cellules libres du mesenchyme qui, après s'être fixées à la face profonde de l'épiderme, s'étirent en fuseaux dans le sens de l'axe et se rangent, à la file les unes des autres. H en résulte l'apparition, à chaque côté du corps, de quelques stries longitu- dinales. A un stade plus avancé du développement les limites des cellules ont disparu et les noyaux se sont multipliés. Si l'on fait alors, à travers un semblable boui'geon, une série de coupes transversales l'on trouve, à droite et à gauche, aux côtés du tube épicardique et du péricarde, entre ces formations et l'épiderme, un certain nombre d'éléments qui se font remarquer en ce qu'ils présentent, à leur pourtour, une série de points brillants disposés en un cercle. (Planche XI, fig. 8 à 12.) Les cordons musculaires montrent déjà la structure des faisceaux longitudinaux décrits plus haut. Contrairement à l'opinion de Seeliger et quoiqu'ils naissent aux dépens de cellules du mesenchyme, ces faisceaux longitudinaux diffèrent profondément des muscles du second type des frères Hertwig, tant par leur structure que par leur groupement. S'ils sont mésenchymatiques par leur origine, leur structure les rapproche bien plutôt du type des muscles épithéliaux. 376 ED. VAN BENEDEN ET CH. JULIN. Nous avons constaté récemment que chez la Molgule ampul- loïde, les faisceaux musculaiies présentent la même structure et le même développement que les faisceaux longitudinaux de la Claveline. Là aussi il s'agit non pas de fibres cellules fasci- culées mais de faisceaux primitifs : aussi bien dans les parois des siphons que dans toute l'étendue de la tunique interne, les faisceaux sont formés de cordons parallèles de substance con- tractile; ces cordons ne renferment jamais de noyaux, mais entre eux se trouve interposé du protoplasme, dans lequel sont disséminés de nombreux noyaux. Parfois ces éléments nucléai- res sont moulés sur les cordons contractiles; jamais ils ne sont logés dans leur épaisseur. Chaque faisceau est délimité par un sarcolemme. Il est donc probable que la même structure des muscles se retrouvera chez tous les Ascidiens. PARTIE GÉNÉRALE. LE DÉVELOPPEMENT EMBRYONNAIRE DE LA CLAVELINE COMPARÉ A CELUI DE L'AMPHIOXUS. L La segmentation. — 1. Chez la Claveline, comme chez l'Amphioxus, le premier plan de segmentation divise l'œuf en deux blastoraères semblables. Chez la Claveline, ce premier plan devient le plan de symétrie de la larve; toute la moitié droite de la larve procède de l'un des deux premiers blasto- mères, la moitié gauche de l'autre. Ce plan de symétrie apparaît clairement à tous les stades successifs de la segmentation. Chez l'Amphioxus Hatschek n'a reconnu qu'à la fin de la segmenta- tion la symétrie bilatérale de la larve ; mais rien, dans ses observations, n'empêche d'admettre l'hypothèse de l'existence bien plus précoce d'un plan médian, rien ne s'oppose à la supposition que le premier plan de segmentation répond, chez l'Amphioxus, comme chez la Claveline, au futur plan de symétrie RECHERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TUNICTERS. 377 de la larve. Les stades représentés figures 6, 8, 9, 10, 12. 13, supportent parfaitement cette interprétation. Deux circon- stances peuvent expliquer la difficulté de distinguer, chez l'Amphioxus, le plan de symétrie. C'est d'abord que, à tous les stades successifs de la segmentation, les blastomères homody- names, c'est à dire ceux qui interviendront dans la formation d'un même feuillet primordial de la larve blastula, ont la même forme, les mêmes dimensions et les mêmes rapports, tandis que, chez la Claveline, dès le stade 8, les globes sont semblables deux à deux, que chaque groupe de deux difî'ère, par les dimensions et la forme, de chacun des autres groupes. C'est ainsi qu'il existe au stade 8, deux globes ectodermiques plus petits et deux autres plus grands, deux mixtes plus petits, deux autres plus grands. Que par l'imagination l'on supprime ces différences dans les dimensions des 4 globes ectodermiques d'une part, des globes mixtes de l'autre, aussitôt le plan de symétrie cesse d'être reconnaissable. Cette supposition se trouve réalisée chez l'Amphioxus : il existe au stade 8, deux gioupes de quatre cellules semblables entre elles, chaque groupe ayant ses dimensions propres; dès lors le plan de symétrie, si même il existe, ne peut être reconnu. Une autre circonstance qui peut expliquer la difficulté de reconnaître, chez l'Amphioxus, le plan de symétrie, c'est le nombre considérable et par conséquent la petitesse des cellules constituant la blastosphère à la fin de la segmentation. Si l'on ne peut conclure des observations de Hatschek à l'existence, chez l'Amphioxus, pendant la segmentation, d'un plan de symétrie répondant d'une part au premier plan de segmentation, de l'autre au plan médian de la larve, rien non plus n'autorise à affirmer qu'il existe, à ce point de vue, des différences essentielles entre l'Amphioxus et les Tuniciers. Le plan de symétrie très apparent chez les Ascidiens, dès la première segmentation l'est peu ou point chez l'Amphioxus. Le fait saute aux yeux ; mais si, comme nous le pensons, cette différence tient à la similitude des globes homodynames chez l'Amphioxus, il est clair que l'on ne peut attribuer à 378 ED. VAN BENEDEN ET CH. JULIN. cette différence qu'une valeur tout à fait secondaire. Il en serait tout autrement s'il était démontré que chez l'Am- phioxus la symétrie larvaire, pendant la segmentation est radiaire, tandis qu'elle est bilatérale chez les Tuniciers. A tous les autres points de vue les analogies entre la segmen- tation de l'Amphioxus et celle de la Claveline sont si complètes qu'il est éminemment probable que chez l'Amphioxus comme chez les Ascidies le premier plan de segmentation répond au plan de symétrie de la larve. 2. Dans les deux types, les deux premiers plans de segmen- tation sont verticaux. La ligne d'intersection de ces deux plans répond à une verticale qui, au stade blastula, passe d'un part par le milieu de la face ventrale (ectodermique) et, d'autre part, par le milieu de la face dorsale (endodermique). Le troisième plan de segmentation est horizontal (equatorial) dans les deux types : il est plus rapproché du pôle ectoder- mique que du pôle endodermique. 3. La cavité de segmentation apparaît au stade 4. Elle a d'abord l'apparence d'un tube vertical ouvert à ses deux bouts. Les deux orifices du tube répondent aux milieux des faces ecto- dermique et endodermique. Secondairement les deux orifices se ferment, le tube devient une cavité close, plus tôt chez la Claveline que chez l'Amphioxus. Toute trace de la cavité de segmentation finit par disparaître, plus tôt chez la Claveline que chez l'Amphioxus. 4. La segmentation est inégale de part et d'autre. Elle marche plus rapidement suivant l'hémisphère ectodermique que suivant l'hémisphère endodermique. 5. La formation de l'ectoderme se fait par poussées succes- sives aux dépens de globes mixtes. A la fin de la segmentation ectoderme et endoderme sont complètement séparés. La ligne qui, à la surface de la blastula, marque la limite entre l'ecto- derme et l'endoderme répond au blastopore futur. Le nombre des cellules qui vont donner naissance à l'endoderme de la Gastrula est très petit, au moment où l'invagination com- mence à se produire, comparativement au nombre des cellules de l'ectoderme. RECHERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS, 379 n. Sixbde Oastrula. — 1^ Chez la Claveline comme chez l'Amphioxus la formation de la Gastrula résulte de l'invagi- nation de la face dorsale (endodermique) de la blastula, d'où résulte que le blastopore primitif intéresse toute la face dor- sale de la larve. 2o La fermeture du blastopore se fait de la même manière dans les deux types. La lèvre antérieure du blastopore s'in- fléchit et s'accroit d'avant en arrière, en même temps que ses bords latéraux se rapprochent. La lèvre postérieure du blas- topore n'intervient en rien dans la fermeture de l'orifice. Le blastopore réduit siège à l'extrémité postérieure de la larve, du côté de sa face dorsale. Cette face est aplatie, tandis que la face ventrale est convexe. 3" A l'extrémité postérieure du blastopore se voient, sur les côtés, deux cellules endodermiques de dimensions exception- nelles. Chez la Claveline deux cellules ectodermiques, très petites et cunéiformes, sont adjacentes à ces grandes cellules endodermiques. Quand le blastopore se trouve réduit à n'être plus qu'un petit orifice, siégeant du côté du dos, près de l'extrémité posté- rieure de la larve, l'ectoderme se montre constitué de deux ébauches : la plaque médullaire et l'épiderme. La plaque médullaire siège du côté de la face dorsale de la larve, en avant du blastopore. Chez la Claveline elle se prolonge sur les côtés et même en arrière de cet orifice. Chez l'Amphioxus ses rapports avec le blastopore réduit ne sont pas bien élucidés ; mais chez les Poissons, les Amphibiens et même chez les Amniotes la plaque médullaire se comporte, vis-à-vis du blas- topore (sillon primitif des Amniotes) exactement comme chez la Claveline. Dans l'endoderme primitif de la Gastrula, l'on peut distinguer, au point de vue génétique, tant chez la Claveline que chez l'Amphioxus, une portion médio-dorsale d'où procède la notocorde, deux régions dorso-latérales qui engendrent le mésoblaste et une portion méfUo-ventrale, qui donne naissance à l'hypoblaste digestif. Cependant ce n'est que dans la portion postérieure de la larve qui s'accusent les 380 ED. VAN BENEDEN ET CH. JULIN. differentiations préalables à la formation de ces ébauches. Dans la partie antérieure de la larve, chez la Claveline comme chez l'Amphioxus, l'endoderme primitif, intimement uni à l'épiderme donne exclusivement naissance à l'hypoblaste du tube digestif (vésicule précordale). Les deux premières périodes du développement de la Claveline présentent, si on les compare aux stades correspon- dants de l'Amphioxus, des indices manifestes d'une accélération du développement. La fermeture de la cavité de segmentation, la disparition de cette cavité et l'invagination de l'hémisphère endodermique sont plus précoces chez la Claveline. De même la differentiation de la plaque médullaire et la formation d'une ébauche commune pour la notocorde et le mésoblaste apparaissent, chez cette Ascidie, à une époque plus reculée du développement. Toute cette première période de développe- ment est raccourcie, abrégée et en quelque sorte condensée chez la Claveline. m. Formation des premiers organes aux dépens des feuillets primordiaux de la Oastrida. — Tuhe médullaire. — Le tube médullaire se forme chez la Claveline, aux dépens de la plaque médullaire. Les bords d'abord soulevés le long des bourrelets dorsaux se rapprochent et puis se soudent. Ce mode de formation du tube médullaire jst iden- tique à celui que l'on connaît depuis longtemps chez la plupart des Vertébrés. D'après les observations concordantes de Kowalevsky et de Hatschek, le processus serait un peu différent chez l'Amphioxus. La plaque médullaire ne donne naissance à un tube clos que fort tard. Elle constitue pen- dant longtemps le plancher d'une cavité, dont la voûte est formée par l'épiderme ; puis elle s'incurve, ses bords se rapprochent et la plaque qui constituait d'abord les faces inférieure et latérales du tube médullaire finit par le délimiter aussi supérieurement. Ce processus a été aussi signalé chez la Claveline, par Seeliger; mais nos observations nous permettent d'affirmer qu'il n'en est pas ainsi, tout au moins chez la Claveline de Naples. RRCnERCHES SUR L\ MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 381 Le processus évolutif tel qu'il s'accomplit chez l'Amphioxus est très probablement une modification secondaire ou cœnogé- nétique du mode de formation primitif du myelencéphale conservé chez les Ascidiens et chez les Vertébrés propre- ment dits. Une particularité du développement du tube médullaire chez la Claveline, particularité tout d'abord signalée par Kowalevsky chez d'autres Ascidiens (Phallusia mamillata), c'est l'intervention de la lèvre postérieure du blastopore dans la fermeture de la gouttière nerveuse. Il nous paraît éminem- ment probable que ce détail n'a qu'une importance secon- daire, en ce sens qu'il résulte simplement de l'extension sur les côtés, voire même en arrière du blastopore, des bourrelets dorsaux. Le soulèvement de la lèvre postérieure et des bords laté- raux du blastopore ont pour résultat exclusif la formation de la voûte du tube médullaire, tout comme le rapprochement transversal des bourrelets dorsaux en avant du blastopore. Le plancher du tube médullaire se forme tout entier et exclusive- ment en avant du blastopore. Chez la Claveline, comme chez l'Amphioxus, la plaque médullaire s'infléchit, au bord antérieur de cet orifice, pour se continuer dans la plaque notochordale de sorte que, dans l'un comme dans l'autre type, le tube médul- laire se continue, au niveau du blastopore, avec la cavité de l'archenteron. (Comparer notre fig. 3«, pi. VII avec la fig. 42, pi. IV du mémoire de Hatschek). Il existe un autre point de ressemblance remarquable entre les deux types : chez la Claveline, comme chez l'Amphioxus, l'occlusion du tube médullaire se fait très rapidement et à peu près tout d'un coup dans toute la longueur de la larve. (Com- parer nos figures 3a (pi. VII) et 4i (pi. VIII) aux figures 35 (pi. III) et 42 (pi. IV) de Hatschek). Cependant un orifice persiste pendant très longtemps, chez les Urochordes comme chez les Céphalochordes, à l'extrémité antérieure du tube méduUah-e. Notocliorde. — 1'^ Chez les Ascidies, comme chez l'Amphioxus, 382 ED. VAN BENEDEN ET CH. JULIN. la notochorde se constitue aux dépens de cette partie de l'endoderme primitif, qui est sous-jacente à la plaque médul- laire. 2" De part et d'autre, cette portion médiane de l'endoderme donne lieu à la formation d'une gouttière s'ouvrant dans l'arclienteron. (Voir notre planche VIII, figures Sd, 3c, 4e, 4/"; comparer avec les figures 87 à 90, 95 à 101, 106 à 111, planche VIII de Hatschek). 3° L'occlusion de la gouttière se fait par justaposition de la moitié droite et de la moitié gauche de la gouttière. (Voir notre planche VIII, figures 3e, 3f, 4:f et la planche VIII de Hatschek, figures 97, 98, 99, 100, 101, 107, 108, 109, 110 et 111). 4° Le nombre des cellules que l'on trouve dans une coupe transversale de la notochorde se réduit au fur et à mesure que la larve progi^esse. 5° Dans les deux types l'extrémité tout à fait antérieure de la chorde se développe tardivement aux dépens de l'endoderme. La chorde présente encore, à son extrémité antérieure, l'appa- rence d'une gouttière ouverte dans la cavité digestive, alors qu'elle est déjà, dans la plus grande partie de sa longueur, un cordon cylindroïde plein. (Voir notre pi. VIII, fig. 3c, Sel, 3e, Sf, Sg, 4e, if, ig; comparer avec les figures 96 et sui- vantes, 106 et suivantes de Hatschek.) 6° La notochorde constitue au début la voûte de la cavité digestive; plus tard l'hypoblaste digestif se complète sous la notochorde. Mais tandis que, chez l'Amphioxus, ce processus s'accomplit dans toute la longueur du corps, chez la Claveline il ne s'opère que sous l'extrémité antérieure de la notochorde. (Voir notre planche VIH, figui^e f; comparer avec les figu- res id, 4e, 4/" et les figm^es des planches VIH et IX de Hatschek.) Dans toute la longueur de la queue, chez la Claveline, la notochorde conserve ses rapports primitifs ; la queue est frappée d'un arrêt de développement. Chez l'Amphioxus la disposition primitive persiste longtemps près de l'extrémité postérieure RECHERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 388 de la larve. (Voir Hatscliek, planche VIII; comparer la figure 103 aux figiu-es 99 et 100; la figure 111 aux figures 107 et 108 et planche IX, comparer les figures 118 et 119 aux précédentes 115 à 117, la figure 128 aux précédentes 122 à 127. 7" Là où l'hypoblaste se complète sous la notochorde, les cellules endodermiques interposées entre les diverticules cœlo- miques et la gouttière notochordale, participent à la formation de la voûte du tube digestif. (Voir Hatschek, planche IX, figures 118 et 141). Le même fait se présente chez la Clave- line. (Voir notre planche VIII, fig. 4e). Les cellules marquées par les lettres Hyp. n'interviennent pas dans la formation de la notochorde, mais bien dans l'achèvement de l'hypoblaste digestif. Mésohlaste. — Les portions dorso-latérales de l'endoderme primitif donnent naissance au mésoblaste; il en résulte la formation, chez la Claveline, comme chez l'Amphioxus, de deux bandes mésoblastiques interposées entre l'ébauche notochordale et l'hypoblaste formant le plancher du tube digestif futur. La partie antérieure des bandes mésoblastiques, chez la Claveline, la plus grande partie de ces ébauches, chez l'Am- phioxus, donne lieu à la formation de diverticules épithéliaux, dans lesquels s'engage la cavité de l'archenteron. (Voir nos planches VII, figure 2d et VIII, figui'es 3c, 3d et 4e et les planches VIII et IX de Hatschek). Dans toute la longueur de la queue, chez la Claveline, les bandes mésoblastiques restent au stade primitif de leur déve- loppement : il ne se forme pas de diverticules cœlomiques. Il est à remarquer, qu'à ce point de vue, la plus grande partie du mésoblaste de la Claveline, arrêté dans son développement, se comporte comme l'extrémité postérieure des bandes méso- blastiques des jeunes larves d'Amphioxus. (Voir la série des figures 89 à 92 de la planche VIII de Hatschek et aussi les larves entières représentées pi. IV, figures 45, 47, 49 et 52). De même que chez l'Amphioxus, les extrémités antérieures des bandes mésoblastiques se développent d'arrière en avant, 384 ED. VAN BENEDEN ET CH. JULIN. du côté du dos de la larve, pour s'immiscer entre l'hypoblaste et l'épiblaste, aux deux côtés du système nerveux médian, (Voir Hatschek, pi. IV, figures 50, 51 et 52, planche VIII, figures 93 et 94, 95 à 97), de même, chez la Claveline, les ébauches mésoblastiques gagnent bientôt d'arrière en avant aux faces latérales de la larve et surtout du côté du dos. (Voir planche VIII, figures 4a et 5a ; 4e, 4:d et 4e ; od, 5e, of.) Entre le mésoblaste de la Claveline et celui de l'Amphioxus il existe deux différences importantes. 1° Chez l'Amphioxus, les cavités des diverticules cœlomi- ques persistent pour devenir l'enterocèle de l'adulte ; chez la Claveline les diverticules cœlomiques perdent bientôt leur cavité et se transforment en deux masses cellulaires pleines. L'enterocèle disparait très tôt dans le cours du développement. 2° Chez l'Amphioxus, les bandes mésoblastiques se segmen- tent en somites nettement séparés les uns des autres; chez la Claveline les ébauches mésoblastiques ne montrent aucun trace de composition métamérique. Ces différences peuvent-elles nous empêcher de considérer l'ensemble des ébauches mésoblastiques de la Claveline comme homologues des bandes mésoblastiques de l'Amphioxus, si l'on tient compte de l'évolution ultérieure de ces ébauches? Si l'on compare la queue de la larve complètement développée de la Claveline au tronc de l'Amphioxus, l'on ne peut mécon- naître dans la première des indices manifestes d'une segmen- tation de tous points comparable à celle de l'Amphioxus. Nous en concluons que l'absence de composition métamérique dans Fébauche primitive du mésoblaste chez les Ascidiens n'est point palingénétique, mais bien cœnogénétique ; l'ébauche mésoblastique non segmentaire de la Claveline et des autres Ascidiens a perdu secondairement la segmentation ancestrale et le processus génétique primitif, conservé chez l'Amphioxus, a disparu secondairement chez les Ascidiens. Nous donnerons plus loin les raisons qui nous font admettre, dans la queue complètement développée des Ascidiens, une composition seg- jnentaire. RECHERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 385 Tandis que tous les segments mésoblastiques de l'Amphioxus, à partir du second, se comportent de la même manière et se développent uniformément, le premier, qui donne naissance au mésoderme de l'extrémité céphalique de la larve, subit, dans le cours de son évolution, des modifications toutes particulières. Nous voyous chez la Claveline, et il paraît en être de même chez tous les Ascidiens, les extrémités antérieures des bandes mésoblastiques donner naissance à des ébauches toutes spécia- les : elles engendrent, à la suite d'une prolifération cellulaire très active deux amas cellulaires formés d'éléments de petites dimensions. Tandis que tout le reste du mésoblaste donne exclusivement naissance aux couches musculaires de la queue adjacentes à la notochorde, ces amas se résolvent, tout au moins en grande partie, en éléments cellulaires isolés ; ils engendrent le mésoderme de l'extrémité antérieure dilatée de la larve. Pour des raisons qui seront exposées plus loin, nous considé- rons ces extrémités antérieures des ébauches mésoblastiques de la Claveline et des Ascidiens en général, comme homolo- gues à la première paire de segments mésoblastiques de l'Amphioxus. Tiihe digestif. — Le mésoblaste et la notochorde se forment aux dépens de l'endoderme primitif de la Gastrula, dans toute la longueur de la larve, à l'exception de son extrémité anté- rieure. L'on peut donc distinguer dans la longueur du corps de la larve une partie antérieure préchordale dans laquelle la chorde et le mésoblaste font défaut (Hatschek, pi. IV, fig. 46, 47 et 48; voir notre planche VIII, fig. 4a et 5a) et une portion chordale, dans les limites de laquelle s'étendent la notochorde et les bandes mésoblastiques. Il en résulte aussi que, chez l'Amphioxus comme chez la Claveline, le tube digestif des jeunes larves se constitue de deux portions bien distinctes : une portion préchordale et une portion subchordale. La première, dilatée eu une large vésicule, est partout en rapport immédiat avec l'épiderme, non-seulement à la face ventrale, mais aussi sur les côtés et à la face dorsale de la larve. Chez l'Amphioxus la notochorde, en se développant d'arrière en avant, s'insinue 386 ED. VAN BENEDEN ET CU. JULIN. bientôt entre la voûte de la vésicule préchordale et l'épiderme dorsal. Cet allong'enient de la notochorde en avant constitue l'une des particularités les plus caractéristiques des Céphalo- chordes. Chez la Claveline la notochorde ne s'allonge guère : son extrémité antérieure reste en retrait sur le système nerveux. Il est important de constater que cet allongement de la notochorde ne s'opère, chez l'Amphioxus, qu'à une époque rela- tivement tardive du développement. Au stade représenté par Hatschek (pi, IV, fig. 46) l'ébauche notochordale ne dépasse pas encore en avant la plaque médullaire. Ce n'est que plus tard que la chorde en vient à dépasser en avant le système nerveux central, au-dessus de la vésicule préchordale. Les rapports primitifs qui se maintiennent chez la Claveline se modifient secondairement chez l'Amphioxus. L'homologie entre la vésicule préchordale de l'Amphioxus et la dilatation anté- rieure de l'enteron de la Claveline n'en est pas moins évidente et il est tout aussi clair que la seconde portion du tube digestif de- l'Amphioxus est homologue de la partie subchordale de l'enteron de la Claveline. Chez l'Amphioxus, cette seconde portion du tube alimentaire de la larve, sous-jacente à la chorde dorsale, est délimitée supé- rieurement, au début, par la notochorde elle-même; mais plus tard la paroi épithéliale du tube digestif se complète : une voûte hypoblastique se constitue sous la chorde dorsale et dès lors ce dernier organe constitue un cordon plein interposé entre le tube médullaire et le canal intestinal. Chez la Claveline les choses se passent de la même manière sous l'extrémité antérieure de la notochorde ; mais dans toute la longueur de la queue, le tube digestif, arrêté dans son développement, ne dépasse jamais le premier stade larvaire de l'Amphioxus : jamais la paroi épithéliale du canal alimen- taire ne se complète sous la notochorde. Bien plus, la notochorde envahit peu à peu la cavité alimentaire, et toute la portion subchordale de l'enteron, réduite à une simple rangée de cellules épithéliales, incapable de recevoir et de conduire des matièrps alimentaires, n'est plus qu'un organe rudimentaii^e appelé RECHERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 387 d'ailleurs à disparaître bientôt. La comparaison avec la larve de l'Ampliioxus démontre de la manière la plus évidente le caractère cœnogénique de la larve des Ascidiens : par suite de l'arrêt du développement et de l'atrophie progressive de la portion subcliordale du tube intestinal, la queue des Ascidiens, homologue à la plus grande partie du tronc de la larve de l'Amphioxus, a été réduite à un simple organe de locomotion. De même que chez l'Amphioxus et chez les Poissons la por- tion postanale du tube digestif s'oblitère et se résorbe, de même chez les larves urodèles des Ascidiens toute la portion subchordale du canal alimentaire devient rudimentaii^e et inca- pable de fonctionner. Si donc la larve urodèle des Tuniciers est comparable à celle de l'Amphioxus, elle nous apparaît comme une forme larvaire profondément modifiée, par suite de l'atrophie du tube digestif dans la plus grande partie de la longueur du corps. Les Appen- diculaires, qui réalisent à l'état permanent et sexué le type larvaire des Ascidiens, ne peuvent être que les descendants dégénérés de formes ancestrales, chez lesquelles le tube diges- tif droit s'étendait, comme chez la larve de l'Amphioxus, dans toute la longueur du tronc. Il est éminemment probable que l'anus primordial siégeait, chez ces ancêtres communs des Tuniciers et des Céphalochordes, à l'extrémité même du tronc et que le canal médullaire et le canal digestif débouchaient ensemble au niveau de cet orifice. La formation du canal neurentérique a coïncidé avec l'occlusion secondaire de cet anus primordial et l'apparition d'un anus de nouvelle for- mation. Il y a lieu de se demander comment il a pu s'établir un nouvel anus chez les Tuniciers et comment les matières alimentaires introduites par la bouche ont cessé de passer dans la portion subchordale de l'enteron; comment enfin cette dernière partie du tube digestif a pu s'atrophier progressive- ment et disparaître. Tous les observateurs qui ont étudié de jeunes larves d'Am- pliioxus leur ont décrit un organe fort énigmatique jusqu'ici. 388 ED. VAN BENEDEN ET CU. JULIN. Ils l'ont considéré comme une glande et désigné sous le nom de " Kolbenfônnige Drtise, „ glande en forme de massue. Hatscliek a montré que cette glande se forme par une extroflexion de l'épithélium intestinal, à quelque distance en arrière de la vésicule précliordale. Voici comment il s'exprime : " Man kann schon friihe an Erabryonen mit 9-10 Ursegmenten eine sehr seichte quere Faltung des Darmes in dieser Region unter- scheiden. Dieselbe verlàuft von der recliten Seitenwand des Darmes, wo sie besonders scharf ausgeprâgt ist, ventralwârts und greift bis auf die linke Seitenwand des Darmes iiber. In den nâclisten Stadien vertieft sich dièse Faite und sie erinnert bald in ihrem Ausselien an die fertige Driise, obwohl sie noch in ihrerganzen Ausdehnung gegen den Darm offen ist (flg. 55, 57). Sie ist am màchtigsten auf der recliten Korper- seite, wo sie lângs der ganzen Hohe der rechten Darmwand etwas scliief nach vorne herabsteigt, und setzt sich auf der linken Seite viel schmâler nur bis zur Mitte der linken Darmwand fort (fig. 60). Gegen das Ende der embryonalen Période erfolgt der Verscliluss der Rinne und die Abschniirung dieser Bildung vom Darme (fig. 61). Dieselbe stellt nun eine kolbige Driise dar, die an der rechten Seite gelegen ist, dièse setzt sich in einen diinnen Ausfiihrungsgang fort, der sich ventralwârts um den Darm herumbiegt und auf der linken Seite bis gegen die Mitte des Darmes aufsteigt (fig. 63); dort miindet der diinne Ausfiihrungsgang spâter nach aussen. Da spâter an dieser Stelle der linken Korperwand die Mundofihung durchbricht, so miindet die Driise dann am aiisseren Mundrande. „ Il s'agit donc là d'un organe bien singulier : il s'ouvre à l'extérieur du corps et présente une apparence glandulaire; mais au lieu de se développer par invagination aux dépens de l'épiblaste comme c'est le cas pour toute glande cutanée, il nait tout entier de la paroi hypoblastique du tube digestif et avant de déboucher à l'extérieur, il constitue un diverticule aveugle de la paroi intestinale. Il se pourrait donc qu'à un moment donné cette glande singulière communiquât à la fois RECHERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 389 avec le canal alimentaire et avec l'extérieur. Nous ne possé- dons malheureusement aucune donnée sur ce que devient ulté- rieurement cet organe et il est l)ien difficile de se faii-e une idée de sa fonction. Hatschek ne précise pas dans sou texte le lieu de formation de la glande en forme de massue; mais il ressort de ses figures que la duplicature de l'iiypoblaste qui lui donne naissance apparaît à la limite entre le premier et le second somite méso- blastiques, sous la forme d'un gouttière transversale. (Voir Hatschek, pi. Y, fig. 51, 57, 60 et 61 Dr.) Elle procède non seulement de la face di'oite, mais aussi du plancher et de la moitié gauche du tube digestif et constitue en définitive un diverticule de la paroi de cet organe dont le fond en cul de sac est dirigé en haut et à gauche. Ce cul de sac va s'ouvrir à l'extérieur sur la face latérale gauche du premier segment céphalique. Nous avons décrit plus haut la formation de l'intestin de la Claveline. Nous avons montré que, taudis que la cavité bran- chiale, l'œsophage et l'estomac se développent aux dépens de la vésicule préchordale et d'une courte portion subchordale de l'enteron, l'intestin apparaît sous la forme d'un diverticule collatéral du tube digestif médian de la larve. Ce diverticule nait du plancher du tube digestif; son embouchure dans l'esto- mac s'étend en partie sur la face droite de cet organe. Ce diverticule se développe de droite à gauche et de bas en haut et son extrémité aveugle se dirige vers la vésicule cloacale gauche qui, elle même, n'est que le produit d'un introflexion de l'épiblaste. Il importe de se rappeler que chez les Appen- dicularres l'intestin s'ouvre directement à l'extérieur. Il est fort regrettable que le développement embryonnaire des Appendiculaires soit à peu près totalement inconnu jusqu'ici, que l'on ne possède aucun renseignement sur la position primitive des orifices branchiaux externes et de l'anus. Comme le montrent les figures la, Ih, 2a, 2b et 2c de notre pi. XVI, le diverticule intestinal nait, du plancher de l'enteron, chez la Claveline au niveau de l'extrémité antérieure de la notochorde. 390 ED. VAN BENEDEN ET CH. JULIN. L'enterou se constitue à ce moment d'une dilatation anté- rieure préchordale et d'une portion rétrécie, subchordale par son origine; aux stades antérieurs cette dernière se continuait dans l'hypoblaste caudal. La première devient le sac branchial, la seconde l'œsophage et l'estomac de la future Ascidie. C'est de cette seconde portion subchordale du tube digestif que nait le cœcum intestinal. La dilatation préchordale, qui devient le sac branchial de l'Ascidie, est homologue de la vésicule antérieure du canal alimentaii-e de la larve de l'Amphioxus, ce qui saute aux yeux si l'on compare par exemple la larve représentée figures 4a et Ah, de notre planche VIII, à des larves d' Amphioxus comme celles que Hatschek a représentées figures 47, 49 et 53 de son mémoire. Il est tout aussi évident que la portion rétrécie qui lui succède et qui engendre l'œsophage et l'estomac de la Cla- veline répond à cette partie du tube digestif de l'Amphioxus qui suit immédiatement la dilatation préchordale et qui se trouve interposée entre les saccules cœlomiques de la pre- mière paire. Ce n'est qu'à cette première paii^e de saccules que l'on peut comparer les ébauches du mesenchyme qui ter- minent en avant les bandes mésoblastiques de la Claveline. De même que ces saccules, chez l'Amphioxus, les ébauches mésenchymatiques de la Claveline s'insinuent entre l'hypo- blaste et l'épiblaste aux faces latérales de la portion préchor- dale de l'enterou. S'il en est ainsi, le lieu de formation du cœcum intestinal de la Claveline répond exactement au point d'où procède la glande en massue de l'Amphioxus et l'homo- logie entre ces deux formations devient éminemment probable. Non seulement le cœcum intestinal des Ascidies se déve- loppe à la même place que la glande en massue de l'Am- phioxus, mais le mode de formation est le même : de part et d'autre il s'agit d'un diverticule hypoblastique, naissant entre le premier et le second somite mésoblastiques ; de part et d'autre ce diverticule se développe de droite à gauche et de bas en haut; terminé en cul de sac au début de son développement, il va s'ouvrir secondairement à l'extérieur sur la face latérale RECHERCHES SIR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 391 gauche. Mais tandis que chez les Ascidiens il reste en commu- nication avec l'estomac et devient l'intestin, chez l'Ampliioxus il se sépare de l'enteron et devient la glande énigmatique que l'on sait. La présence de cet organe collatéral, chez les Tuniciers d'une part, chez l'Amphioxus de l'autre, nous autorise à admet- tre sa présence chez les formes ancestral es vermiformes et segmentées, dont sont issus les Tuniciers et les Céphalochordes. Nous sommes arrivés à la conclusion que ces formes devaient posséder, à la façon des larves d'Amphioxus, un tube digestif droit étendu dans toute la longueur du corps. A la limite entre le pi-emier et le second segment mésoblastiques devait exister un diverticule de l'enteron communiquant avec l'exté- rieur sur la face latérale gauche du corps. L'existence de cet organe ancestral permet de concevoii' comment les Tuniciers ont pu se développer aux dépens d'organismes vermiformes et segmentés, organisés à la façon des larves de l'Amphioxus et par conséquent des vers annelés primitifs. Les matières alimentaires digérées dans la partie antérieure de l'intestin, distendue en une poche stomacale entre les premiers somites mésoblastiques, au lieu de traverser toute la longueur de l'enteron subchordal, ont pu suivre la voie de dérivation résul- tant de la présence de l'organe collatéral. L'orifice de cet organe a pu jouer le rôle d'un anus. Dès lors toute la portion de l'enteron subchordal située en arrière de l'embouchure de l'organe collatéral a pu perdre de son importance; elle a pu cesser de fonctionner et, à la suite de son atrophie progres- sive, toute la partie correspondante du tronc a pu se réduire à ne jouer plus que le rôle d'un simple organe de locomotion. Il en est résulté la formation d'organismes constitués à la façon des larves urodèles d' Ascidiens et des Appendiculaires actuels. Quant aux Ascidiens, ils ont perdu secondairement leur organe de locomotion et tout l'organisme se trouve réduit à la partie tout à fait antérieure du tronc des ancêtres. Une Ascidie, une Salpe ou un Doliolum, sont l'équivalent du 392 ED. VAN BENEDEN ET CH. JLLIN. segment céphalique joint au premier segment mésoblastique d'une larve d'Amphioxus. Si cette manière de voir est exacte, il est clair que les Ascidies, pas plus que les Salpes, ne peuvent être considérées comme des animaux segmentés à la manière des Vertébrés, des Annélides et des Arthropodes. Ils dérivent il est vrai de formes segmentées; mais toute la portion métamérisée du tronc, à partir du second segment, s'est atrophiée sans laisser de trace, en même temps que l'extrémité céphalique et le premier segment du corps, prenant un développement plus grand et une importance croissante, en sont venus à suffire à l'accom- plissement de toutes les fonctions organiques. Il en résulte que pas plus les rangées de stigmates que les stigmates eux-mêmes ne peuvent être considérés comme homo- logues aux fentes branchiales métamériques des Vertébrés; que les anneaux musculaires des Salpes et des Doliolums ne peuvent en rien être comparés à des myocomes. Nous exami- nerons plus loin jusqu'à quel point les faits actuellement établis justifient cette déduction. Les larves urodëles des Timicim's et les Appendiculaires ])résentent-elles une composition segmentaire? Il ressort clairement des travaux de Kowalevsky, de Kupffer et de Seeliger que le mésoblaste se constitue, chez les larves des Tuniciers, de deux bandes continues et indi- vises ; il n'apparait, dans le cours du développement, rien qui rappelle les saccules cœlomiques segmentaires de l'Amphioxus. Cependant, diverses considérations justifient l'opinion d'après laquelle la queue des Appendiculaires et partant des larves ui'odèles des Ascidiens présentent une composition segmen- taire comparable à celle qui caractérise le tronc de l'Am- phioxus. Langerhans a montré, (31) que si l'on traite une Appen- diculaire fraîche par une solution de potasse à 30 "/o, chacune des bandes musculaii-es de la queue se résoud en dix plaques RECHERCHES SIR LA MORPHOLOGIE DES TLNICIERS. 393 successives. Les dix plaques de la bande droite répondent exactement aux dix plaques gauches. La potasse n'est pas le seul réactif qui fasse apparaître ces plaques musculaires. On obtient le même résultat en traitant par le bichromate de potasse, par l'acide nitrique à 20 °/o et même sans l'addition d'aucun réactif, au moment de la mort de l'animal. Lang-erhans a trouvé ces dix plaques musculaires dans chacune des bandes de la queue chez Oikopleura velifera, 0. fasiformis, Fritillaria formica et F. furcata. Mertens (53) a découvert le nerf caudal qui, chez les Appendiculaires, court au-dessus de la chorde dorsale. Huxley (54) a le premier observé que ce nerf présente, de distance en distance, des renflements d'oii portent des filaments. Leuckart (55) a fait la même observation. Il a vu des filets naitre du nerf, tantôt isolément, tantôt disposés par paii-es et, dans ce dernier cas, ces filets procèdent de renflements qui ne sont pas sans analogie avec des renflements ganglion- naires. Plus tard Gegenbaur (56) a observé ces mêmes renflements. Kowalevsky, utilisant une observation de son ami Nogine, observation dont il a par lui même vérifié l'exac- titude, considère ces renflements comme représentant chacun une paire de ganglions. Fol (57), au contraire, n'admet de structure ganglionnaire que pour le ganglion caudal situé à la base de la queue; les petits renflements au nombre de 20 à 40 ne renfermeraient, d'après cet auteur, ni noyaux, ni protoplasme. Ces renflements se trouvent tantôt isolés, tantôt groupés par deux ou par quatre, rarement trois ensemble. Chez 0. copliocerca et dioica certains nerfs se rendant aux muscles se distinguent, en ce qu'ils naissent par paires, à des intervalles égaux, la première paire en avant du ganglion caudal, les autres en arrière. Langerlians(31) affirme que les petits renflements sont, tout aussi bien que le gros ganglion caudal, de vrais ganglions. Ils sont formés de deux, rarement d'une, parfois de trois à six cellules nerveuses entourés d'une gaine conjonctive. De tous ces ganglions partent des nerfs. 394 ED. VAN BENEDE!\ ET CH. JILTN. La répartition des ganglions chez 0. velifera ne correspond pas à la succession des plaques musculaires. Le nombre total des petits ganglions est de 12 à 16. Les nerfs qui en partent se rendent à la peau. Mais il existe en outre des nerfs moteurs qui naissent par pailles de la moelle caudale, à des distances égales les uns des autres. Ils naissent du tronc du nerf caudal, parfois près des ganglions, mais jamais directement de ces derniers. Le premier prend son origine immédiatement en avant du gan- glion caudal, et se dirige en avant; tous les autres naissent à la limite entre deux plaques musculaires successives et peuvent se poursuivre en arrière jusques vers le milieu de la plaque musculaire dans laquelle ils se terminent. Tous ces nerfs sont disposés par paires et dans la plus grande partie de la queue ceux de droite répondent exacte- ment à ceux de gauche. Rarement à partir de la 5^ paire, ordinairement à partir de la 6®, le nerf d'un côté se trouve un peu en avant de 1 autre. Chez 0. velifera Langerhans n'a pas pu découvrir les nerfs correspondants aux plaques muscu- laires de la 9^ et de la 10* paii-e. Chez Fr. formica, par contre, il a pu parfaitement distinguer les nerfs de la 10*^ paire. Les nerfs moteurs sont en général plus forts que les nerfs sensibles. Chaque nerf se termine exclusivement dans une plaque musculaire. Il résulte clairement de ces observations, aussi bien de celles qui sont relatives à la constitution des couches muscu- laires que de celles qui ont trait la disposition des nerfs moteurs, que la queue des Appendiculaires se constitue de 10 segments; les nerfs moteurs répondent à autant de racines spinales motrices et ici, comme chez l'Amphioxus et chez les Cyclostomes, le système musculaire se constitue d'une série de plaques, placées les uns derrière les autres, chaque plaque s'étendant de la limite antérieure à la limite postérieure d'un segment. La circonstance que les deux nerfs spinaux d'une même paire ne se correspondent pas exactement, dans la partie RECHERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TINICIERS. 395 postérieure de la queue, confirme davantage encore le rappro- chement avec l'Ampliioxus, où l'alternance des nerfs spinaux est connue depuis longtemps. Tout récemment E. Lankester (58) a publié quelques obser- vations sommaires qui confirment pleinement les données de Langerhans. Les conclusions que l'on a tirées de ces recherches sur l'organisation des Appendiculaires n'ont fait que confirmer d'ailleurs les belles recherches de Kupffer sur la larve de VAscidia mentula. Pendant un séjour à Arendal, Kupifer a découvert les nerfs spinaux moteurs chez les larves de la Pliallusia mentula (59). Il les a vus avec toute la netteté désirable et a pu rendre témoin de sa découverte son compagnon, le même Paul Lan- gerhans, dont nous avons signalé plus haut les recherches exécutées à une date plus récente, sur l'organisation des Appendiculaires. Les nerfs spinaux moteurs naissent chez les larves de la Ph. mentula des faces latérales de la moelle à des distances égales les uns des autres. L'écart entre deux nerfs successifs correspond exactement à la longueur d'un fibre musculaire. La première paire apparaît à la limite entre la portion troncale et la portion caudale de la moelle (au der Grenze von Rumpf und Schwantheil des Markes). Ces nerfs sont des faisceaux de fibrilles, qui s'écartent peu à peu les uns des autres, à partir de leur racine. Il se rend plusieurs fibrilles à chaque fibre musculaire. Kupifer a même observé les termi- naisons de ces fibrilles; mais ces détails, fort intéressants d'ailleurs, importent peu à la question dont nous nous occupons. Le fait essentiel qui se dégage des observations de Kupffer, c'est que la queue des larves des Ascidiens est constituée à la façon de celle des Vertébrés et de l'Amphioxus, en ce sens, qu'elle est formée d'autant de segments qu'il existe de paires rachidiennes motrices, autant que la longueur d'une fibre musculaire est contenue de fois dans la longueur totale de l'organe. 396 ED. VAN BENEDEN ET CH. JILTN. Chez les larves d'Amphioxus les fibres musculaires s'éten- dent de la limite antérieure à la limite postérieure de chaque segment musculaire. L'on peut donc conclure du nombre des cellules musculaires, comptés dans la longueur du corps, au nombre des diverticules cœlomiques primitifs et vice-versa. S'il est démontré d'autre part que, chez une larve d'Ascidie, chaque cellule musculaire répond à une paire nerveuse rachi- dienne, qu'il en est de même chez les Appeudiculaires et que la composition segmentaire de la queue se trouve par là irré- futablement démontrée, il est clair que dans les jeunes larves comme celle que nous avons représentées planche VII, fig. 4 et 5, il existe virtuellement autant de paires de saccules cœlomiques que l'on compte de grandes cellules musculaires dans la longueur d'une bande mésoblastique. De même que la disparition de la portion caudale de l'ente- ron, chez les Ascidiens, indique un arrêt de développement, de même il faut admettre que le mésoblaste a subi une réduc- tion considérable : les diverticules cœlomiques n'apparaissent plus comme des diverticules distincts et séparés les uns des autres. Mais de même que l'on peut conclure de la présence, dans la région caudale des Ascidies, à l'existence chez les formes ancestrales d'un intestin subchordal traversant toute la longueur du corps, délimité par une couche épithéliale com- plète et capable de digestion, de même l'on peut, en se fondant sur l'existence de segments musculaires distincts, conclure à la présence, chez les ascendants éloignés des Tuniciers actuels, d'un enterocèle segmenté à la façon du mésoblaste de F Amphioxus et des Vers annelés. Il est à remar- quer que les parties antérieures des bandes mésoblastiques, celles qui, dans notre opinion, sont homologues aux premiers diverticules cœlomiques cle l' Amphioxus, naissent et se déve- loppent chez la Claveline suivant le processus typique pour les formations cœlomiques. Des considérations qui précèdent nous concluons : lo Que la queue des Appeudiculaires et des larves urodèles des Ascidiens est segmentée à la manière du tronc de l'Am- phioxus. RECHERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TLNICTERS. 397 2» Que les Tuniciers actuels dérivent de formes ancestrales segmentées qui, comme les larves de l'Amphioxus, possédaient à droite et à gauche du plan médian, des saccules cœlo- miques disposés par paires. Ces saccules, nés sous la forme de diverticules pairs de l'archenteron, n'apparaissent plus dans le cours du développement des Tuniciers actuels; mais l'on trouve, dans la composition segmentaire des couches muscu- laires de la queue, des indices évidents de la composition méta- mérique du mésoblaste ancestral. Toute cette portion uniformément segmentée du tronc s'atrophie dans le cours du développement et les Ascidiens adultes résultent de la transformation progressive de l'extré- mité antérieure du corps de leurs larves. Nous avons indiqué plus haut les raisons qui nous portent à croire que la queue des Tuniciers est homologue à toute la partie du tronc de l'Amphioxus qui s'étend en arrière du second segment. L'opiuion que nous venons de développer est en opposition avec la manière de voii^ de Gegenbaur qui, tout en reconnais- sant chez les Tuniciers des affinités avec les Vertébrés infé- rieurs, se fonde principalement sur l'absence d'une metamerie du corps chez les Tuniciers, pour les séparer des Vertébi^és et en faire un embranchement distinct du règne animal. Il est à remarquer qu'à l'époque où l'illustre fondateur de l'anatomie comparée moderne formulait cette conclusion, nos connais- sances sur l'organisation des Appendiculaires d'une part, sur le développement des Ascidiens et de l'Amphioxus de l'autre, étaient loin d'être aussi avancées qu'elles le sont aujourd'hui. L'on possède maintenant des données plus complètes sur plu- sieurs points relatifs à la constitution et à la genèse de la queue chez les larves urodèles. Elles suffisent, à notre avis, pour établir que les Tuniciers, comme les Leptocardes et les Vertébrés, dérivent d'organismes segmentés ; ceux-ci présen- taient très-probablement une organisation relativement simple, au sujet de laquelle les larves de l'Amphioxus peuvent nous donner des indications précieuses. Dans ces derniers temps une nouvelle hypothèse a été 26 398 ED. VAr< BENEDEN ET CH. JULIN. formulée par 0. Seeliger, en ce qui concerne la segmentation des Tuniciers. L'auteur admet que les Tuniciers sont issus de formes urodèles semblables aux Appendiculaires. Il ne croit pas que les recherches de Langerhans sur les Appendiculaires, pas plus que celles de Kupifer sur les nerfs spinaux de la larve, chez Ascidia inentula, démontrent l'existence d'une segmentation comparable à celle de l'Amphioxus et des Vertébrés. Il fait valoir, pour appuyer son opinion, la variabilité chez une seule et même espèce du nombre des cellules musculaires, comptées dans la longueur de la queue. A supposer que le fait soit réel, en quoi démontrerait-il que les cellules musculaires ne répondent pas à autant de segments ? Pour Seeliger toute la queue de la larve représente un segment unique : au début du développement on ne trouve pas, dit-il, d'indices évidents d'une composition métamérique de la queue larvaire : la partie postérieure du corps de la larve, celle aux dépens de laquelle se forme la queue, apparaît au début comme une formation unique et indivise : on n'y trouve aucune trace de métamérisa- tion. A ce titre il faudrait soutenir aussi que les Vertébrés, pas plus que les Annélides et les Arthropodes, ne sont des animaux segmentés. Nous savons en effet que chez tous les Vertébrés, depuis les Cyclostomes et les Sélaciens jusqu'aux Mammifères, le mésoblaste constitue au début une formation continue et indivise, étendue dans toute la longueur du corps de l'embryon. Les protovertèbres naissent par métamérisation secondaire de la plaque vertébrale; les cavités céphaliques des Cyclostomes et des Sélaciens résultent de la subdivision du mésoblaste céphalique, au moment de la formation des fentes branchiales; de plus, chez la plupart des Annélides comme dans l'immense majorité des Arthropodes, les somites se forment par segmentation secondaii-e de bandes mésoblas- tiques coutumes. Il n'y a guère que l'Amphioxus et le Péripate qui fassent exception à cette règle. A ce compte les Céphalochordes et les Protracheates seraient seuls des animaux segmentés. RECHERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 399 Si l'on admet que tous les Vertébrés, les Annélides et les Arthi'opodes sont des organismes segmentés, c'est donc parce que l'on a reconnu que la segmentation peut n'apparaître que tardivement dans une ébauche primitivement indivise. Poiu' nier la segmentation de la queue, chez les Appendiculaires et chez les larves des Ascidiens, il faudrait donc établir qu'il n'apparait pas dans le cours du développement d'indices mani- festes d'une métamérisation. C'est ce que Seeliger n'a pas fait; il s'est borné à dire qu'à ses yeux les observations de Laugerhans et de Kupffer n'ont pas la signification que beaucoup de morphologistes ont cru devoir leur attribuer. Il est assez singulier de voir Seeliger nier d'une part la segmentation de la queue et admettre d'ailleurs que la larve de la Claveline, volile même la forme Gastrula, se constitue de trois segments, dont les deux premiers se retrouveraient dans le corps de l'Ascidie adulte, tandis que le troisième, qui domie naissance à la queue, est résorbé dans le cours du développe- ment. Où donc Seeliger a-t-il pu trouver dans la constitu- tion d'une larve quelconque la preuve de l'existence de ces trois segments? " Es kanu nicht geleugnet werden, écrit-il, dass der V^orderleib der Ascidien in seiner ersten Anlage genau ebenso ein einheitliches Stiick repràsentirt wie der Hinterleib, den wii' einem Segmente gleichsetzen. Wenn wir ihn aber trotzdem durch Yerschmelzung^zweier Theile entstan- den auffassen, so geschieht dies deshalb, weil die ganze fest- gesetzte Ascidie und ebenso der Salpenkorper in toto nur dem vorderen Abschnitte der Larven und Appendicularien zu homologii-en sind, wâhrend der hintere riickgebildet wuixle. Wenn es nun richtig ist, dass aile Bilaterien eine Stammform besitzen, welche ans Kopf und Eumpfsegment sich zusammen- setzt, und dass dièse beiden Abschnitte ftU' die Existenz des Thieres unbedingt nothwendig sind : dann werden dieselben auch im Timikatenkorper und auch in der friihesten embryo- nalen Anlage desselben vorhanden sein miissen. „ Tout repose donc sur l'hypothèse d'après laquelle tous les Métazoaii'es bilatéraux dériveraient d'une forme ancestrale à deux segments 400 ED. VAN BENEDEN ET CH. JULIN. et non sur l'observation de ces segments chez la larve des Tuniciers. On ne trouve aucun indice, chez la larve, de ce segment céphalique et de ce premier segment du tronc supposés; mais il faut admettre leur existence parceque tous les méta- zoaires à symétrie bilatérale dérivent d'un forme souche com- posée d'un segment céphalique et d'un segmeiit représentant le tronc / Il y a là une pétition de principe évidente et l'on nous permettra de demander pourquoi, si deux segments existent virtuellement dans la partie antérieure du corps de la larve, sans que l'on puisse objectivement reconnaître leur présence, il ne pouiTait pas exister plusieurs segments dans la queue? Seeliger fait dériver le groupe des Tuniciers d'une forme larvaire à trois segments, un segment céphalique et deux segments du tronc. Cette forme aurait présenté une organi- sation extrêmement simple : c'était une Gastrula à peine différentiée, chez laquelle un système nerveux rudimentaire s'était peut être constitué du côté du dos; elle possédait un organe d'excrétion et quelques cellules mésenchymatiques. Cette forme primitive aurait donné naissance d'une part au rameau des Tuniciers, d'autre part à celui des Céphalochordes. Si l'on compare le développement des Ascidies à celui de l'Amphioxus, les ressemblances se montrent seulement dans les tout premiers stades du développement, avant que la larve de l'Amphioxus ait acquis les caractères typiques des Vertébrés, l'embryon de l'Ascidie les traits essentiels de l'organisation des Tuniciers. Le développement ultérieur suit des voies différentes dans les deux groupes. La manière de voir de Seeliger repose toute entière sur une interprétation erronée des phénomènes évolutifs de l'Am- phioxus d'une part et des Ascidiens de l'autre. Seeliger n'a pas reconnu comment se forme le mésoblaste chez la Clave- line; il a été induit en erreur en ce qui concerne la genèse de la notocorde; il n'a pas observé les faits qui démontrent une identité complète des processus évolutifs qui conduisent à RECHERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 401 la formation du tube digestif chez la Claveline et chez l'Am- phioxus; il n'a pas accordé la valeur qu'elles méritent aux observations de Kupffer et de Langerhans. H n'est pas douteux poui- nous que si Seeliger avait eu à sa disposition un matériel mieux préparé, que si, au lieu de faii-e des coupes à main levée, il avait obtenu des séries complètes de coupes transversales et sagittales, il eut exposé tout autre- ment la genèse du système nerveux, de la notochorde et du tube digestif; il eut reconnu la formation des diverticules cœlomiques et par conséquent l'homologie entre le mésoblaste de la Claveline et celui de l'Amphioxus. Il eut conclu tout autrement qu'il ne l'a fait; il eut été frappé, comme nous l'avons été nous mêmes, des affinités étroites que révèle la structure des larves urodèles des Urochordes comparée à celle des embryons segmentés de l'Amphioxus. Les fentes branchiales et les stigmates des Ascidiens. En ce qui concerne les dispositions caractéristiques de l'appareil branchial, il existe, dans le groupe des Tuniciers, des différences considérables. Chez les Appendiculaires l'on trouve une paire de canaux branchiaux qui font communiquer le pharynx avec l'extérieur. Le milieu de chaque canal présente un étranglement, un anneau composé de cellules fortement réfringentes et qui portent de longs cils vibratiles. D'après Fol ces fentes se forment, chez la larve, par deux invaginations croissant de l'extérieur à la rencontre du pharynx. Le pharynx produit lui même deux culs de sac. Les invaginations vont chacune à la rencontre de l'un des culs de sac, puis se soudent; la soudure se perce dans son centre et l'anneau vibratile marque le point où le percement a eu lieu. De tous les Tuniciers ceux qui, au point de vue des carac- tères de l'appareil respiratoire, se rapprochent le plus des Appendiculaires sont à notre avis les Salpes. Il est probable en effet que les deux grands trous qui, chez ces animaux, 402 ED. VAN BEINEDEN ET CH. JULIN. établissent une large communication entre la cavité branchiale ou pharyngienne et le cloaque, sont homologues aux canaux branchiaux des Appendiculaires. Ce que l'on appelle la bran- chie, chez les Salpes, c'est la voûte réduite du pharynx. Chez les Ascidiens, les Doliolum, les Anchinies et les Pyro- somes, les parois latérales du sac branchial sont perforées d'un grand nombre d'orifices, que Milne Edwards a le premier désignés sous le nom de stigmates branchiaux. L'étude du développement des Ascidies permet de comprendre les liens qui rattachent l'appareil branchial de ces Tuniciers aux dispo- sitions anatomiques réalisées chez les Appendiculaires. Indépendamment des invaginations épiblastiques connues depuis les travaux de Metschnikow et de Kowalevsky et désignées à tort sous le nom de vésicules cloacales, il se forme, chez la Claveline, comme chez les Appendiculaires, des culs de sac hypoblastiques qui procèdent de la voûte du sac branchial, se soudent aux invaginations épiblastiques et se mettent en communication avec elles, après la résorption de la cloison de séparation entre les culs de sacs accolés, puis soudés entre eux. La jeune larve dont nous avons représenté une coupe trans- versale, planche IX, figure 1, montre distinctement les deux cul^ de sac de la paroi latérale du pharynx qui interviennent dans la formation des canaux branchiaux. Comme le montre bien la figure 4a de la même planche, les culs de sac épiblas- tiques et les diverticules hypoblastiques interviennent concur- remment dans la formation des canaux branchiaux de la larve urodèle. Ces canaux sont évidemment homologues à ceux des Appendiculaires. Il est absolument certain que les cavités péribranchiales droite et gauche ne sont que ces canaux primitifs considérablement distendus et développés en deux larges espaces interposés entre la paroi du corps et la paroi du pharynx. Les deux ébauches, qui coopèrent à la formation d'un canal primitif, interviennent l'une et l'autre dans la for- mation des cavités péribranchiales ; il est difficile de dire dans quelles limites. Kowalevsky et Seeliger font dériver des culs RECHERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 403 de sac épiblastiques tout l'épitliélium péribranchial. Nous pen- sons que le feuillet viscéral de la membrane péribranchiale s'il est permis d'employer ce terme, est en grande partie d'origine hypoblastiquc. Mais ce point importe peu pour la question dont nous nous occupons. Ce qui n'est point douteux c'est que, à la suite de soudures multiples opérées entre l'épitliélium branchial et l'épitliélium péribranchial, et après le percement de ces soudures, de nouveaux orifices de commu- nication s'établissent entre la cavité branchiale et les cavités péribranchiales. Ce sont là les stigmates. De semblables orifices existent non seulement chez tous les Ascidiens, mais aussi chez les Pyrosomes, les Anchinies et les Doliolum. Leur nombre, leur forme et leur distribution varient considérable- ment. Chez la plupart des Ascidiens les stigmates, disposés en séries transversales régulières, forment autour du sac branchial distendu des anneaux réguliers que l'on pourrait assez bien comparer aux cerceaux entourant un tonneau. Ces séries transversales de stigmates sont séparées les unes des autres par des saillies annulaires plus ou moins proéminentes dans la cavité branchiale. Chez les Salpes, les Ascidiens, les Pyi'o- somes, les Anchinies et les Doliolums, les cavités péribran- chiales (canaux branchiaux distendus) s'ouvrent dans une dépression médiane de la sm^face du corps. Cette dépression, qui se confond plus ou moins complètement avec les cavités péribranchiales, constitue la cavité cloacale proprement dite des Ascidiens (i). Il ne sera pas sans intérêt de donner ici quelques renseigne- ments précis sur la formation des séries transversales de stigmates, dont nous avons parlé plus haut. Quelques auteurs ont cru trouver dans cet arrangement des fentes stigmatiques en séries transversales un indice de la composition segmen- taire du corps des Ascidies adultes. C'est encore une question de savoir si les orifices branchiaux (1) Van Beneden et Julin. 404 ED. VAN BENEDEN ET CH. JULIN. internes primitifs, les embouchures des diverticules hypoblas- tiques, qui interviennent dans la formation des canaux bran- chiaux (cavités péribranchiales), persistent chez l'adulte et fonctionnent concurremment avec les stigmates proprement dits ou s'ils s'oblitèrent dans le cours du développement, après l'apparition des stigmates. Dans les bourgeons des Ascidies sociales et des Synascidies ils se ferment et les cavités péri- branchiales constituent, pendant quelque temps, des sacs clos; ils perdent complètement les orifices qui les mettaient primitivement en communication avec le sac branchial. Ces orifices branchiaux iuternes n'ont donc, chez les bourgeons, qu'une existence éphémère. Nos études ne nous permettent pas de trancher positivement la question de savoir s'il en est de même chez les larves; mais ce que nous avons vu nous porte à croire qu'il n'existe pas de différence, à ce point de vue, entre le développement de la larve et celui du bourgeon. Quoiqu'il en soit il ressort des travaux de P.-J. Van Benedén, de Krohn et de Kupffer que, chez les Ascidies simples (Phallusies et Molgules), la jeune Ascidie présente, pendant une certaine période de son développement, deux paii^es de stigmates branchiaux. Nos recherches sur la Phal- lusie scabroïde ont établi qu'il apparaît ultérieurement de nouveaux stigmates, non seulement en arrière mais aussi entre les deux stigmates primitivement formés. Le nombre de ces orifices s'élève bientôt de 2 à 6. Si l'on désigne par leurs numéros d'ordre ces six stigmates l'on peut exprimer comme suit leur âge relatif. Le premier en date est probablement le quatrième de la série; puis se forme le premier, puis le cinquième, puis le second, puis le troisième et eufin le sixième. Il reste du doute sur les deux premiers ; mais l'ordre d'appa- rition des quatre autres est certainement celui que nous venons d'indiquer. Contrairement à ce qui s'observe pour tous les organes métamériques les nouveaux stigmates ne se forment donc pas en arrière des stigmates antérieurement formés. RECHERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 405 Nous avons montré aussi, par l'étude du développement de la Phallusie scabroïde, que ces six premiers stigmates, placés les uns derrière les autres et très allongés dans le sens verti- cal, et que nous avons appelés stigmates jmmaires, se divisent et se sous-divisent en stigmates secondaires, chaque stigmate primaire pouvant ainsi donner naissance à une série trans- versale ou verticale de stigmates dérivés. Il se forme ainsi chez la Scabroïde six séries de stigmates secondaires. A une époque plus avancée du développement le nombre des stig- mates dans chaque série peut ^s'accroître par la formation de nouvelles fentes stigmatiques entre les stigmates secondaires, par un processus identique à celui qui donne naissance aux stigmates primaires (voir notre pi. XIY, fig. 1). Rien de comparable à la subdivision des stigmates primaires en stigmates secondaires n'est connu, en ce qui concerne les fentes branchiales, ni chez l'Amphioxus, ni chez les Vertébrés. L'ordre d'apparition des stigmates primaires des Ascidiens, ou ce qui revient au même, l'ordre d'apparition des séries transversales de stigmates, s'oppose à ce que l'on considère ces séries comme des organes métamériques. Ce qui ressort clairement de l'étude comparative de l'appa- reil branchial des Tuniciers, c'est que, chez tous ces animaux, il existe une paire unique de canaux branchiaux. Ces canaux ont pris chez les Ascidiens l'apparence de larges espaces appelés cavités péribranchiales. Les stigmates sont des forma- tions propres à une partie seulement des Tuniciers; ils man- quent chez les formes les plus anciennes du groupe ; ils ont apparu dans le cours de l'évolution phylogénique du tronc commun des Tuniciers; il ne présentent pas les caractères essentiels des formations métamériques et l'on n'est nullement autorisé à conclure de leur présence à la composition segmen- taire de l'appareil branchial. L'on est conduit à la même conclusion si, se fondant sur un tout autre ordre de considérations, l'on compare le développe- ment des Ascidiens à celui de l'Amphioxus. L'organe de la larve des Ascidiens qui devient le sac 406 ED. VAN BENEDEN ET CH. JULIN. branchial de l'adulte n'est autre que cette partie du tube digestif à laquelle nous avons donné le nom de " vésicule précordale „. Elle est probablement homologue au pharynx des Appendiculaires, Si, comme nous l'avons fait plus haut, l'on compare la larve des Ascidiens à celle de l'Amphioxus, il ne peut y avoir aucun doute quant à l'existence, chez cette dernière, d'une vésicule précordale homologue à celle des Ascidiens. Or, cette vésicule, placée à l'extrémité antérieure du tronc, en avant des premiers somites mésoblastiques et par conséquent en avant de la région segmentée du corps, ne peut être considérée, ni comme un segment somatique ni comme un composé de segments. Ce qui, dans notre opinion, caractérise essentiellement la segmentation c'est la présence réelle ou vii'tuelle d'une double série latérale de diverticules cœlomiques. L'étude du déve- loppement de l'Amphioxus montre que l'extrémité céphalique, avec la vésicule précordale qu'elle renferme n'est comparable qu'au lobe céphalique des vers segmentés. Si l'on admet que la partie du corps des larves d' Ascidiens qui renferme l'ébauche du sac branchial est homologue à l'extrémité céphalique de l'Amphioxus, pourvue de sa vési- cule précordale, l'idée d'une composition segmentaire du sac branchial, supposant un rapprochement avec une série de segments somatiques tels qu'ils existent seulement dans le tronc de l'Amphioxus, doit être complètement écartée. Une conséquence logique de ce qui précède c'est que ni les canaux branchiaux primitifs des Tuniciers, ni à plus forte raison les stigmates ou séries de stigmates ne sont homologues aux fentes branchiales de l'Amphioxus. L'on ne peut davan- tage les comparer aux fentes branchiales des Vertébrés. Chez l'Amphioxus comme chez les Vertébrés les fentes branchiales siègent dans cette partie du tronc qui présente une composition segmentaire manifeste. En ce qui concerne l'Amphioxus les recherches de Hatschek ont établi que la première fente bran- chiale apparaît au niveau du second segment du tronc. Les RECHERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 407 observations de Max Schultze et de Kowalevsky ont montré (lue les nouvelles fentes apparaissent en arrière de la première formée. Rien de comparable à ces fentes médianes et ventrales par leur origine et siégeant dans la région segmentée du tronc n' apparaît dans le cours du développement des Tuniciers. Et, si l'intestin des Tuniciers est homologue à la glande en massue de l'Ampliioxus, si la queue des larves urodèles et des Appen- diculaires répond à la partie du corps qui commence au second segment de la larve de l'Amphioxus, il est clair que l'on ne peut établir aucun rapprochement entre les fentes branchiales des Céphalocordes et les orifices respiratoires des Urochordes. Les fentes branchiales de l'Ampliioxus sont elles comparables à celles des Vertébrés? C'est là une question qu'il nous paraît bien difficile de résoudre affirmativement si l'on tient compte des données embryologiques. Mais la discussion de ce problème ne rentre pas dans le cadre du présent travail. Il nous suffira de faire remarquer que si l'on ne peut établir aucun rappro- chement entre les canaux respiratoires des Tuniciers et les fentes branchiales de l'Amphioxus, il est bien plus difficile encore de considérer comme homologues des formations aussi différentes que les organes respiratoii^es des Ascidiens et les fentes branchiales manifestement métamériques des Vertébrés proprement dit. N'existe-t-il chez la larve de l'Amphioxus aucun organe comparable aux canaux branchiaux des Tuniciers ? Hatschek a montré que la vésicule hypoblastique précordale de l'xlmphioxus donne naissance à deux culs de sac latéraux, l'un droit, l'autre gauche, auxquels il a donné le nom de saccules endodermiques. Ces extroflexions, paires et symétriques au début, évoluent différemment à di'oite et à gauche. L'une et l'autre s'étranglent à leur base et finissent par se séparer complètement du tube intestinal. La vésicule précordale, après avoir engendré ces saccules latéraux, subit un mouvement de retrait; elle s'éloigne de l'extrémité antérieure du corps. Le saccule droit se distend considérablement et son epithelium, cylindrique d'abord, se 408 ED. VAN BENEDEN ET CH. JULIN. transforme peu à peu en un epithelium pavimenteux simple. Il envahit toute l'extrémité céphalique de la larve, sous la noto- chorde. Le saccule gauche reste arrondi et conserve une paroi épaisse. Tandis que celui de droite s'étend de plus en plus en avant, celui de gauche reste à l'extrémité postérieure du pro- longement céphalique, un peu en arrière du renflement anté- rieur du tube médullaire. Au moment où le jeune animal commence à vivre de sa vie larvaire, le saccule gauche s'ouvre à l'extérieur par un petit orifice qui siège sur la face latérale correspondante de la tête. Ce saccule avait déjà été décrit par Kowalevsky et considéré par lui comme un organe de sens énigmatique (Eigenthiimliches Sinnesorgan). Il existe une analogie remarquable entre la genèse de ces saccules et le développement des culs de sac hypoblastiques qui, chez les larves de Clavelines, interviennent dans la forma- tion des canaux branchiaux. Comparer les figures 113, 114, 121 et 122 de Hatschek avec la figure 1 de notre planche IX. Nous avons remarqué à diverses reprises une certaine asymé- trie entre les organes branchiaux droit et gauche chez les Ascidiens. C'est ainsi que les deux invaginations épiblasti- ques, dites vésicules cloacales, sont presque toujours inéga- lement développées et l'une est toujours un peu en avance sur l'autre. Il en est de même pour les culs de sac hypo- blastiques (fig. 1, pi. IX). Enfin nous avons signalé l'asymé- trie qui se remarque dans les cavités péribranchiales chez la Phallusia scabroïdes (fig. 1 et 3 de notre mémoire sur la Phallusie scabroïde). L'analogie est bien plus frappante encore entre les processus génétiques signalés par Hatschek et les phénomènes du déve- loppement des cavités péribranchiales chez les bourgeons des Ascidies sociales et composées. Ici aussi les diverticules endo- dermiques se séparent complètement du tube alimentaire. De même que les tubes branchiaux d'origine hypoblastique se mettent en communication avec l'extérieur chez les Asci- diens par la formation des orifices branchiaux externes (orifices des vésicules dites cloacales), de même, chez l'Amphioxus, tout RECHERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 409 au moins le saccule gauche va s'ouvrir à l'extérieur. Il y a donc des analogies remarquables entre les saccules endoder- miques de l'Amphioxus et les canaux branchiaux des Tuniciers. Sans vouloir être du tout affirmatifs sur ce point, nous pensons qu'il pourrait y avoir là plus que de l'analogie et l'homologie entre ces formations ne nous semble nullement impossible. Quant aux fonctions des saccules droit et gauche chez l'Am- phioxus, elles sont tout à fait énigmatiques, et l'opinion de Kowalevsky qui voit dans le saccule gauche un organe de sens particulier est certes fort problématique. Le cœur des Tuniciers et le cœur des Vertébrés. Si l'on étudie la constitution de l'organe cai-diaque chez une Ascidie adulte et si on le compare au cœur d'un Vertébré, tel qu'il se trouve constitué au début de son développement, l'on est fort naturellement amené à penser que l'organe central de la circulation d'un Tunicier est homologue à celui d'un Vertébré. De part et d'autre le cœur siège typiquement sous l'œso- phage, à l'extrémité postérieure de l'artère branchiale pri- maire; les rapports avec l'appareil branchial sont les mêmes. De part et d'autre, le "myocarde et l'ectocarde procèdent du feuillet viscéral du péricarde primitif; chez les Tuniciers comme chez les Vertébrés, le cœur est logé dans un sac péri- cardique. La seule différence que l'on constate résulte de l'absence complète, tout au moins chez certains Tuniciers, peut-être chez tous, d'un endothelium cardiaque. Mais cette différence perd beaucoup de son importance quand on se rap- pelle d'une part que tous les vaisseaux sont dépourvus, chez ces Tuniciers, de revêtement endothelial, d'autre part que chez les Vertébrés comme chez les Tuniciers, les vaisseaux sont au début de simples trouées à travers le mesenchyme et que ce n'est que secondairement que les cellules conjonctives disséminées dans la trame conjonctive, au voisinage des trouées vasculaires, se transforment autour des espaces sanguins en 410 ED. VAN BENEDEN ET CH. JULTN. cellules endothéliales. Ces considérations avaient conduit l'un de nous à penser que le sac péricardique des Tuniciers est homologue à celui des Vertébrés. Nos études ultérieures sur la genèse des organes cardiaques nous ont amené à douter du bien fondé de ce rapproche- ment et la connaissance que nous avons acquise du déve- loppement du cœur chez la Claveline nous a fait adopter une manière de voir toute opposée à celle, dont nous nous attendions à trouver la confirmation dans les données embryo- logiques. Il ressort de l'exposé que nous avons fait, dans le cours de ce travail, de nos recherches sur la formation des organes cardiaques. l*' Qu'il y a lieu de distinguer, chez la Claveline, divers organes qui tous se rattachent à l'évolution du cœur : les formations procardiques, le sac péricardique et l'épicarde. 2° Que tous ces organes procèdent d'un ébauche double. 3° Que cette ébauche double à laquelle nous avons donné le nom de procarde, est formée virtuellement d'abord, puis en réalité de deux diverticules du sac branchial et par conséquent de l'hypoblaste. 4» Que ces deux diverticules se confondent bientôt, au voisinage de leur extrémité aveugle, en un saccule unique et médian, communiquant avec la cavité digestive par deux con- duits séparés. Ce saccule qui se sépare secondairement de ses conduits ou tubes épicardiques constitue l'ébauche du sac péri- cardique. .5*^ La paroi cardiaque se développe aux dépens de la partie supérieure du sac péricardique, après que celle-ci s'est inva- ginée dans la moitié inférieure restée convexe du saccule primitif. 6" Les tubes épicardiques, après s'être séparés du sac péri- cardique, s'accolent de nouveau, au voisinage de leui' extrémité aveugle, puis se confondent, dans cette région, en une cavité unique, superposée au canal cardiaque et désignée poui' ce RECHERCHES SLR LA MORPHOLOGIE DES TUNICEERS. 411 motif sous le nom de sac épicardique. Les deux orifices de communication primitifs entre l'épicarde et le sac branchial persistent; on les trouve, au fond de sac branchial, entre le fond de l'endostjie et l'entrée de l'œsophage, aux deux côtés du plan médian. Chez tous les Tuniciers, comme chez l'Amphioxus et chez les Vertébrés, l'on peut distinguer deux grands courants sanguins : l'un sous-intestinal ou hypobranchial, l'autre sus- intestinal ou épibranchial. Le cours du sang est inverse dans les deux courants : sous l'appareil branchial le sang coule d'arrière en avant ; au-dessus de l'appareil intestinal il coule d'avant en arrière. Le sang passe du courant hypobranchial dans le courant épibranchial par des canaux arciformes, en remontant les faces latérales de la région branchiale du tube digestif. Il nous paraît évident que le courant ventral des Tuniciers est homologue de la portion sous-intestinale de l'appareil circulatoire de l'Amphioxus et des Vertébrés, que le courant dorsal des Tuniciers est homologue de l'ensemble des vaisseaux aortiques des Vertébrés et de l'Amphioxus. Ceci, revient à dire que, dans les formes ancestrales d'où sont issus les Urochordes, les Céphalocordes et les Vertébrés, le sang suivait un trajet semblable à celui que nous rencontrons actuellement dans ces trois groupes de Chordés : sous le tube digestif exis- tait un grand courant postéro-antérieur ; au-dessus du tube digestif un courant antéro-postérieur et ces grandes lignes de l'appareil circulatoire se retrouvent actuellement chez toutes les formes issues de ces formes primitives. Deux remarques doivent prendre place ici : La première c'est que nous avons fait abstraction, dans ce qui précède, du fait général chez les Tuniciers du renversement rythmique du torrent circulatoire. Cette particularité distinc- tive de la circulation des Urochordes a probablement pris naissance chez les ancêtres immédiats des Tuniciers, après la formation des organes cardiaques si caractéristiques de ces 412 ED. VAN BENEDEN ET CH. JILIN. animaux. Nous chercherons à établir plus loin que le cœur des Tuniciers constitue un organe exclusivement propre aux Urochordes, qu'il n'est pas homologue du cœur des Vertébrés et que les organes centraux de la circulation ont fait leur apparition, non pas chez les formes ancestrales qui ont donné naissance à tous les Chordés, mais bien chez les formes plus récentes dont les unes constituent la souche des Tuniciers, les autres le tronc commun des Vertébrés. Nous pensons que les inversions du torrent circulatoire ont commencé à se produire seulement après l'apparition du cœur et peut-être trouvera- t-on l'explication de ce phénomène, unique dans le règne animal, dans la genèse si particulière des formations cardia- ques des Urochordes. Une seconde remarque qui trouvera sa place ici, c'est que chez les Annélides, comme chez les Arthropodes, les courants sanguins principaux présentent les mêmes caractères que chez les Chordés : si l'on renverse un Annélide ou un Arthropode de façon à ce que la chaîne ganglionnaire vienne occuper une position dorsale comme chez les Chordés, si l'on considère comme dorsale la face neurale, comme ventrale la face opposée, l'on trouve que chez eux aussi le sang court d'arrière en avant dans les vaisseaux sous-intestinaux, d'avant en arrière au contraire dans les grands vaisseaux sus-intestinaux. Chez les Vertébrés comme chez les Tuniciers un organe central de la circulation apparaît dans le cours du développe- ment de l'embryon. La couche musculaire cardiaque procède, chez les uns comme chez les autres, d'un epithelium péricar- dique et le cœur complètement développé proemine dans un sac clos d'ordinaire, qui a reçu de part et d'autre le nom de péricarde. De plus, dans les deux groupes, cet organe, fonction- nant à la façon d'une pompe alternativement aspirante et foulante, s'est développé sur le trajet du courant sous-intes- tinal et siège en arrière de la portion antérieure du tube digestif laquelle préside à l'hœmatose du sang. Et cependant le cœur des Tuniciers n'est pas homologue de celui des Vertébrés : il se développe chez les Urochordes aux RFXHERCHES SIR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 41^ dépens d'un tout autre organe et d'une toute autre manière que celui des Vertébrés. Chez la Claveline, et il en est probablement de même chez tous les Tuniciers, le cœur se développe aux dépens de l'hypo- blaste branchial; le sac péricardique communique au début avec la cavité digestive, et le mésoblaste n'intervient en rien, ni dans la formation du cœur, ni dans la genèse du péricarde. Le myocarde est hypoblastique et la cavité péricardique n'est pas un espace entérocélien. Au contraire, chez les Vertébrés, le péricarde procède tout entier du mésoblaste; la cavité péricardique est une partie séparée de l'espace pleuro-péritonéal; le myocarde dérive du mésoblaste; l'espace péricardique est une partie de l'entérocèle. A moins de dénier toute valeur aux données embryologiques, l'on ne peut songer à considérer comme homologues des organes aussi différents par leur genèse. Cette conclusion nous conduit à penser que les formes ancestrales, qui représentent le tronc d'origine des Chordés, étaient dépourvues d'organe cardiaque et qu'un cœur s'est constitué seulement chez les descendants de ces types primitifs. Des organes tout différents, le sac branchial d'un part, les cavités cœlomiques de l'autre, ont fourni les éléments aux dépens desquels se sont développés les muscles, dont les contractions rythmiques ont pu contribuer à régulariser la circulation des liquides nutritifs. Un fait qui vient singulièrement à l'appui de notre opinion c'est l'absence totale, chez l'Amphioxus, de toute formation péricardique : il n'existe pas chez cet animal de cœur propre- ment dit. La contractilité acquise par les parois vasculaires a suffi pour assurer, chez les Céphalochordes, le cours régulier de la circulation sanguine. La formation d'un épicarde, qui se rattache si intimement, chez les Tuniciers, à la genèse du péricarde et du cœur, a eu pour cet embranchement une autre conséquence, c'est de rendre possible la multiplication par bourgeonnement. L'on sait, en effet, que la lame épicardique ou cloison stolouiale, 414 ED. VAN BENEDEN ET CH. JULIN. simple prolongement de l'hypoblaste branchial, procédant de cette partie de l'endoderme de la Gastrula qui n'engendre, ni chorde dorsale, ni mésoblaste, qui concentre en elle toutes les propriétés de l'endoderme primitif, est la condition de la polyzoïcité de beaucoup de Tuniciers. Elle fournit aux bour- geons leur vésicule interne d'où procèdent tout au moins tous les organes liypoblastiques, qui dérivent de l'endoderme lar- vaire. Les organes sexuels des Ascidiens. Nous avons montré plus haut que les organes sexuels des Ascidiens dérivent d'une ébauche très simple. Cette ébauche, unique pour les deux appareils, consiste en un saccule médian (Claveline), qui se subdivise secondairement en un saccule mâle et un saccule femelle communiquant entre eux. La cavité commune débouche dans le cloaque. L'ébauche primi- tive procède toute entière des cellules du mesenchyme et par conséquent des bandes mésoblas tiques. Les produits sexuels, œufs et spermatozoïdes, naissent aux dépens des cellules épithéliales des saccules sexuels. Chez la Pérophore et chez la Claveline les appareils sexuels conservent pendant toute la vie leur simplicité primitive : tout l'appareil femelle con- siste en un large boyau partiellement tapissé par un epithe- lium germinatif; l'appareil mâle se complique légèrement par la formation de lobules testiculaires débouchant dans un conduit unique, que l'on désigne sous le nom de canal défé- rent. L'étude de l'appareil sexuel de la Claveline nous a conduits à cette conclusion que les organes sexuels, simples en apparence, sont en réalité doubles, en ce sens qu'il existe deux ovaires latéraux déversant leurs produits dans une cavité unique et médiane; celle-ci communique avec le cloaque. Elle nous a montré aussi que la position typique de l'appareil sexuel est la même que chez les Vertébrés : les organes de la génération siègent au-dessus et sur les côtés du tube digestif médian, en dessous du système nerveux central (cordon ganglionnaire viscéral). RECHERCHES SLR LA MORPHOLOGIE DES TINTCIERS. 415 Si de l'ontogenèse on peut conclure à la phylogénèse, il est permis de supposer que l'appareil sexuel liermaphroditique des xlscidiens actuels procède d'un prototype, consistant en une cavité unique et médiane sous-jacente au système ner- veux et placée au-dessus du tube digestif médian; cette cavité, délimitée par un epithelium, produisait, à droite et à gauche du plan médian, des œufs et des spermatozoïdes qui, arrivés à maturité, tombaient dans la cavité sexuelle avant d'être éliminés. A droite et à gauche de la ligne médiane régnait une bande d'épithélium germinatif moitié mâle, moitié femelle. S'il est un appareil qui dans le cours de l'évolution phylo- génique n'a pu disparaître, qui, une fois formé, a du se maintenir dans ses parties essentielles et n'a pu subir que des modifications d'ordre secondaire, c'est bien l'appareil sexuel. Certes l'évolution ontogénique des organes sexuels aura pu subir, dans la succession des générations, des modi- fications importantes, voire même des réductions ou des extensions; mais l'ovaire produisant des œufs, le testicule engendrant des zoospermes n'ont pu cesser d'être homologues aux ovaires et aux testicules des formes ancestrales même les plus éloignées. De même que nous croyons à la continuité indéfinie des produits sexuels, de même nous pensons que les organes sexuels ont pu se modifier, mais jamais disparaître pour être remplacés par des organes de formation nouvelle. Nous avons en vue bien entendu, non pas les organes acces- soires qui servent à éconduire les produits sexuels, mais bien les organes formateurs des œufs et des zoospermes. Nous devons nous demander quelle pouvait être, dans les formes ancestrales d'où sont issus les Tuniciers, la constitution des organes sexuels. Avant d'exprimer l'opinion que nous nous sommes formée à cet égard, il importe de faire connaître comment, en se fondant sur les données de l'embryologie, on peut se repré- senter ces formes ancestrales. La comparaison du développement des Ascidiens avec celui 416 ED. VAN BENEDEN ET CH. JULIN. de l'Amphioxus permet de supposer que les uns et les autres dérivent d'organismes allongés, vermiformes et segmentés. La segmentation résultait de la présence aux deux côtés du plan médian, de saccules mésoblastiques, primitivement en commu- nication avec l'intestin ou, en d'autres termes, d'un enterocèle incomplètement subdivisé par des cloisons transversales ou dissepiments. Un système nerveux central consistant en une plaque médullaire, délimitant soit une gouttière ouverte dans toute sa longueur, soit plus probablement une cavité tubu- laire, régnait dans toute la longueur du corps. Sous le sys- tème nerveux s'était constitué, aux dépens d'une gouttière médio-dorsale, ouverte dans l'archenteron, un organe tubulaire ou un cylindre plein, la notochorde, qui s'est transmise à tous les Chordés. Des muscles longitudinaux, nés de l'épithélium des diverticules cœlomiques, aux deux côtés de la notochorde, constituaient les organes actifs de la locomotion. L'extrémité antérieure du corps se distinguait du tronc proprement dit en ce que, dépourvue de saccule cœlomique et privée de la notochorde, elle logeait une vésicule préchordale hypoblastique. Le long du plancher de cette vésicule, l'épithé- lium présentait quatre bandes parallèles de cellules mucipares. Le stomodœum débouchait dans cette portion préchordale du tube digestif. A la limite entre le premier et le second segment im diverticule hypoblastique, né du plancher de l'enteron, renflé en un cul de sac dans la moitié droite du corps, se continuait dans la moitié gauche et s'ouvrait sur la face latérale gauche. La partie du corps située en avant du second segment du tronc était probablement distendue et présentait un diamètre plus considérable que le reste du tronc. Conformément à l'opinion de Balfour, il existait proba- blement des organes papilliformes au voisinage de la bouche, pour permettre à l'organisme de se fixer temporau^ement. L'anus était situé à l'extrémité postérieure du corps; à cet orifice aboutissait, en même temps que le tube digestif, la gouttière médullaire ou le tube médullaire, ouverts à leur extrémité postérieure. RECHERCHES SUR LA MORPHOLOGIK DES TUNICIERS. 417 Les somites mésoblastiques communiquaient les uns avec les autres, dans la moitié inférieure du tronc, de façon à constituer un enterocèle unique, quoique segmenté du côté du dos, comme chez la plupart des Annélides actuels. Le système vasculaire consistait dans un sj^stème de lacu- nes formant ensemble un schizocèle, interposé entre les forma- tions épithéliales voisines. Il existait, sous le tube digestif, un espace lacunaire longitudinal; au-dessus du tube digestif et en dessous du système nerveux, un autre espace sanguin, La direction du courant sanguin était postéro-antérieure du côté ventral, antéro-postérieure du côté dorsal. Des communications arciformes mettaient en communication les lacunes longitu- dinales, notamment à l'extrémité antérieure du corps, aux côtés de la vésicule préchordale de l'enteron et des premiers segments du tronc. Des éléments cellulaires libres, dérivant des epitheliums somatique et splanchnique du mésoblaste, circulaient sous la forme de globules du sang; ils ont pu donner naissance çà et là à des éléments fixes de tissu conjonctif et engendrer un mesenchyme secondaire. Peut-être les vésicules cœlomiques remplissaient-elles, au moins dans certaines de leurs parties, une fonction rénale, et rejetaient- elles à l'extérieur leurs produits excrétoires, soit qu'elles restassent en communication avec l'enteron, soit que des orifices semblables à ceux qui existent chez beaucoup d'Antho- zoaires, par exemple aux extrémités des tentacules des Acti- nies, les missent en communication avec l'extérieur. La respiration s'accomplissait probablement, au moins eu partie, par la partie antérieure du tube digestif où, grâce à la pénétration et à la sortie alternative de l'eau par la bouche, comme on l'observe chez quelques Annélides actuels (Eisig), une ou plusieurs paires de poches latérales ont pu se former entre les arcs vasculaires. Chez les descendants de ces formes ancestrales ces diverticules latéraux de l'enteron respiratoire se sont ouverts à l'extérieur, aux faces latérales du corps, (une paire dans le groupe des Tuniciers (diverticules pré- chordaux), huit ou neuf chez les formes qui ont donné nais- 418 KD. VAN BEN EDEN ET CH. JULIN. sance aux Vertébrés (diverticules segmentaires), uu grand nombre chez les Céphalocbordes.) Des organismes constitués comme les formes hypothétiques que nous venons de définir et que nous désignons sous le nom de Protochordes présentaient l'ensemble des caractères distinc- tifs communs aux Urochordes, aux Céphalochordes et aux Vertébrés que nous considérons comme trois rameaux distincts de la souche primitive. Les Archiannélides actuels et plus particulièrement les Prutodriles se rapprochent beaucoup de nos Protochordes hypothétiques, si l'on fait abstraction de la notochorde. n est évident que de très légères modifications ont du permettre, à des organismes constitués à la façon de nos Protochordes, de se mouvoir les uns sur la face neurale, les autres sur la face opposée ; chez les premiers, le système ner- veux central était ventral, chez les seconds, dorsal. Balfour a fait valoir des considérations très sérieuses en faveur de l'idée, d'apiès laquelle le cerveau des Annélides serait homo- logue au proencéphale des Chordés. L'étude du développement des Ascidies nous a montré que le système nerveux central se constitue au début de deux moitiés latérales simplement adjacentes l'une à l'autre. Il est permis de croire qu'il en est de même chez les Annélides, qu'il en a été ainsi chez les premières formes segmentées. L'on conçoit fort bien dès lors la possibilité d'un déplacement de la bouche suivant le plan médian. En admettant que des vers annelés, ayant un système nerveux constitué à la façon de celui des Protodrilus, ont précédé les Protochordes et ont été la souche de ces derniers, i'(m peut s'expliquer la disparition de l'anneau œsophagien et la fusion des ganglions céphaliques avec les extrémités des cordes nerveuses ventrales, en admettant que la bouche a cheminé d'arrière en avant, le long du plan médian encore libre de toute cellule, chaque moitié du système nerveux innervant la moitié correspondante du corps. La bouche a pu en arriver à siéger entre les ganglions céphaliques, voire même en avant de ces derniers, qui se sont réunis entre eux, en RECHERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 419 arrière de la bouche, pour devenir le proencéphale des Proto- chordes. L'exemple des Péripates est là pour montrer que des connexions commissurales médianes peuvent disparaître dans le cours de l'évolution ontogénique. Nous pensons donc que la bouche des Protochordes peut-être homologue à celle des Annélides et que des déplacements de l'orifice buccal ont pu marcher de pair avec le renversement du corps chez les organismes segmentés, issus des Archiannélides primitifs, et qui sont devenus les Protochordes. Il n'existe de chorde dorsale chez aucun Annélide; mais s'il est démontré qu'une gouttière hypoblastique a été la première ébauche, disons le prototype, des formations notochor- dales, l'on peut se rendre compte de la formation d'un sem- blable organe chez un Archiannélide, tout aussi facilement que l'on s'explique la formation d'un axe squelettique plein aux dépens d'un diverticule endodermique creux dans un tentacule de Cœlentéré. Il ne nous parait donc pas impossible de concevoir la formation des Protochordes aux dépens d'or- ganismes constitués comme nos Archiannélides; les Chordés et les Vers Annélides peuvent être deux rameaux divergents issus d'une souche commune. Est-ce de cette façon qu'ont évolué les premiers organismes vermiformes à composition métamérique, ou bien les Protochordes et les Annélides sont ils issus séparément de formes plus primitives encore que les Archiannélides les plus inférieurs et ne réalisant pas encore les caractères distinctifs de ces derniers embranchements? l'on ne peut faire à cet égard que des hypothèses et l'on en est réduit à se lancer dans le domaine des spéculations purement gratuites. Nous ferons observer que, dans la définition que nous avons donnée des Protochordes, nous n'avons fait que traduire sous une forme spéciale, conforme aux idées régnantes, les données morphologiques qui ressortent de l'étude comparée de l'Am- phioxus et des Tuuiciers. Nous avons cherché à mettre en évidence l'ensemble des caractères communs aux Urochordes, aux Leptocardes et aux Vertébrés, tels qu'ils ressortent de 420 KD. VAN BENEDEN ET CH. JULIN. l'examen des phases successives de leur développement. Les hypothèses phylogéniques reposent exclusivement sur l'en- semble des données morphologiques et avant tout sur les renseignements fournis par l'embryologie. A supposer que des organismes, constitués comme nous venons de le dire, aient existé et aient constitué la souche commune des Tuniciers, des Céphalochordes et des Vertébrés, comment se reproduisaient-ils? où et comment se formaient chez eux les œufs et les spermatozoïdes ? Les faits connus relativement à l'ovogénèse et à la sperma- togénèse chez les vrais entérocéliens nous permettent de répondre à cette question. Chez les vrais entérocéliens les epitheliums cœlomiques constituent la source des éléments sexuels. Les œufs et les spermatozoïdes nés des cellules épithéliales du mésoblaste tombent dans l'enterocèle pour être de là rejetés à l'extérieur du corps. Il en est ainsi chez les Vertébrés et chez les Annélides. Chez ces derniers, tantôt les produits sexuels se forment indifféremment dans tous les segments, tantôt dans des segments déterminés; tantôt les œufs et les zoospermes se forment chez des individus différents, tantôt dans des segments différents du même individu; parfois même un même segment engendre à la fois, chez le même individu, des œufs et des zoospermes; mais dans ce segment le lieu de formation est différent pour les produits des deux sexes. H est donc éminemment probable que, chez les Proto- chordes, comme chez les Aunélides, les diverticules cœlomi- ques constituaient la source des produits sexuels. Chez les Céphalochordes la composition segmentaire des organes sexuels est manifeste et il est éminemment probable que les ébauches de ces organes procèdent des epitheliums cœlomiques engagés dans les replis latéraux de la paroi du corps, qui servent à délimiter extérieurement la cavité dite péribranchiale. Le fait que les produits sexuels, arrivés à maturité, sont déversés dans la cavité péribranchiale par autant d'orifices distincts qu'il existe d'organes sexuels, tend RECHERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 421 à premier que primitivement, avant la formation des replis péribranchiaux, les cavités cœlomiques débouchaient à l'exté- rieur. Chez les Protodriles l'expulsion des produits sexuels se fait aussi par des perforations de la paroi du corps. Le fait que chez les Céphalochordes les organes sexuels siègent dans la partie antérieure du corps est aussi intéressant à noter. Il ressort de toute l'étude du développement des Ascidies que l'extrémité antérieure du corps et le premier segment du tronc ont pris, à partir des Protochordes, une importance croissante; par contre le reste du tronc a subi des modi- fications profondes, qui ont amené sa transformation en un organe exclusivement moteur. Le diverticule intestinal des Protochordes est devenu un organe important de digestion; communiquant avec l'extérieur, il a pu servir à l'élimination des résidus de la digestion. En même temps toute la partie du mésentéron, située en arrière de l'embouchure de ce diver- ticule, a pu s'atrophier. De même les cavités cœlomiques, à partir du deuxième segment, ont pu cesser de fonctionner comme organes sexuels et les diverticules mésoblastiques de la première paire, confondus en une cavité unique et médiane, ont seuls conservé la faculté de produire des œufs et des spermatozoïdes : ils ont constitué l'organe sexuel herma- phroditique des premiei'S Tuniciers. La cavité de cet organe n'est qu'un reste de l'enterocèle segmenté des Protochordes. L'on ne peut s'imaginer que cet organe sexuel, formé chez les premiers Tuniciers aux dépens des diverticules cœlomiques de la première paire, ait pu disparaître chez les descendants. Dans toutes les formes issues des types primitifs, l'organe sexuel a du consister en une cavité entérocélienne délimitée, tout au moins en partie, par un epithelium germinatif. Il doit en être ainsi dans tous les représentants actuels du groupe ; l'enterocèle sexuel a pu se subdiviser secondairement en un organe mâle et un organe femelle, qui ont pu se com- pliquer l'un et l'autre, affecter tantôt une apparence dendri- tique comme chez les Phallusiadés, se diviser dans le sens de la longueur, de façon à se résoudre en deux parties latérales 422 ED. VAN BEN EDEN ET CU. JULIN. séparées l'une de l'autre, comme chez les Molgulidés, voire même se fragmenter en un grand nombre de parties comme chez les Cynthiadés; mais nous devons considérer l'ensemble des cavités sexuelles comme homologues à la cavité cœlomique du premier segment du tronc des Protochordes et de l'Am- phioxus. Ces cavités représentent donc un dernier reste de la cavité cœlomique ou de l'enterocèle des formes ancestrales. Ce que nous venons de dire de la cavité du corps s'applique également aux organes rénaux, qui consistent chez les Tuniciers en un nombre variable de vésicules épithéliales closes (une chez les Molgulidés, un grand nombre chez les Phallusiadés). Chez les Entérocéliens, tels que les Annélides et les Verté- brés, l'épithélium cœlomique remplit en tout ou en partie les fonctions excrétoires : les organes dits segmentaires ne sont que des portions différentiées de l'épithélium peritoneal (Ver- tébrés). Il est probable que, chez les Protochordes, il en était de même et que la fonction rénale était dévolue à une partie de l'épithélium cœlomique. Après la transformation de la plus grande partie du tronc des Protochordes en un organe exclusivement moteur, chez les premiers Tuniciers, le premier segment seul a pu servir à l'accomplissement des fonctions excrétoires et la partie de la cavité cœlomique délimitée par des cellules rénales s'est séparée de la partie chargée des fonctions germinatives, pour constituer une vésicule rénale, tout comme l'ovaire s'est séparé du testicule. La vésicule rénale a pu se résoudre en un nombre variable de parties comme l'appareil sexuel chez les Molgulidés et les Cynthiadés. Les cavités rénales représentent donc, avec les cavités sexuelles, l'enterocèle du premier segment du tronc des Pro- tochordes. L'on objectera peut-être que ni les cavités sexuelles ni les organes rénaux ne sont, ontogéniquement parlant, des diverticules de l'enteron. La réponse à cette objection sera donnée dans le chapitre suivant où nous discutons la valeur anatomique des cavités du corps des Tuniciers. RECHERCHES SIR LA MORPHOLOGIE DES TlNICIERS. 423 Les cavités du corps chez les Tuniciers. L'un des résultats principaux du présent travail c'est la démonstration de l'identité morphologique du mésoblaste des Ascidiens et des Céphalochordes. Il suffit de comparer les coupes transversales des larves de Claveline, au moment de la differentiation du mésoblaste, avec des coupes d'Ampliioxus comme celles qui ont été figurées par Kowalevsky et Hatscliek, pour reconnaître l'analogie des processus évolutifs dans les deux groupes. Il existe, pendant une courte période du déve- loppement, chez la Claveline, un eutérocèle homologue au cœlome de l'Amphioxus. Mais, tandis que l'entérocèle persiste chez ce dernier, il disparait dans le cours du développement chez les Tuniciers et les ébauches mésoblastiques primitive- ment creuses deviennent solides. Il y a sous ce rapport un rapprochement fort significatif à établir entre les Tuniciers et les Vertébrés. Chez les Vertébrés aussi le mésoblaste est solide ; mais, en ce qui concerne la genèse du feuillet moyen, les Tuniciers se distinguent des Vertébrés en ce que si, chez ces derniers, l'on trouve encore des particularités qui plaident en faveur de l'origine entérocélienne du feuillet moyen et par conséquent de la cavité pleuro-péritonéale, jamais cependant il ne se développe chez eux de diverticules cœlomiques de l'endo- derme. Chez les Tuniciers, au contraire, le mésoblaste appa- raît encore, à son extrémité antérieure tout au moins, sous la forme d'extroflexions latérales de l'archenteron; les cavi- tés cœlomiques primitives s'oblitèrent dans le cours de l'onto- genèse. Chez les Vertébrés le processus évolutif primitif est plus profondément altéré. Chez les uns comme chez les autres le mésoblaste est formé, pendant une période de l'évolution individuelle, par une ébauche pleine et solide, interposée entre l'épiblaste et l'hypoblaste. Cette circonstance n'empêche nulle- ment de reconnaître, dans la cavité pleuro-péritonéale qui apparaît secondairement dans cette ébauche, l'homologue de l'entérocèle archaïque de l'Amphioxus. Il ne peut donc y 424 ED. VAIS BENEDEN ET CH. JDLIN. avoir aucune raison à priori qui empêche de considérer comme homologues au cœlome de l'Amphioxus certaines cavités du corps prenant naissance, pendant le cours du développement ontogénique des Tuniciers, dans les ébauches solides du méso- blaste. Pour appuyer cette conclusion nous pourrions invoquer ici l'exemple des Annélides ou celui des Arthropodes tout aussi bien que celui des Vertébrés. L'on connaît chez les Tuniciers et chez les Ascidiens en particulier un grand nombre de cavités distinctes. Laissant de côté celles qui sont manifestement des parties du tube digestif nous signalerons : Les cavités péribranchiales et la cavité cloacale ; La cavité péricardique et celle qui siège dans l'épicarde et jusques dans la lame épicardique (cloison stoloniale); La cavité du cœur et les esp'ices vasculaires ; Les cavités sexuelles ; Les cavités rénales; Les grandes cavités du corps de certains Phallusiadés et des Giona en particulier. Cavités péribranchiales et cavité cloacale. — Kowalevsky, après avoir constaté la formation des cavités péribran- chiales aux dépens de la vésicule hypoblastique, dans les bourgeons des Ascidies sociales et composées, a songé à les comparer aux diverticules cœlomiques des Echinodermes, des Sagitta et des Brachiopodes. Plusieurs auteurs ont accepté ce rapprochement et parmi eux il convient de signaler M. Della- Valle. Nous pensons avec Seeliger que l'on ne peut se fonder sur l'étude exclusive du développement des bour- geons pour faire des rapprochements de ce genre; l'histoire ontogénique de la larve doit être seule prise en considération, quand il s'agit de rechercher les homologies entre les Tuni- ciers et les autres groupes du règne animal. Or que voyons nous chez la larve? A une période reculée du développe- ment il apparaît, aux faces latérales de l'archenteron, des diverticules qui se rattachent à l'histoire du mésoblaste, qui représentent le mésoblaste et qui sont manifestement homolo- gues des diverticules cœlomiques de l'Amphioxus. RECHERCHES SIR LV MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 420 L'on ne peut donc comparer à ces formations les saccules latéraux qui apparaissent beaucoup plus tard, dans la partie antérieure de la larve de la Claveline, aux cotés du sac bran- chial : ils ne contribuent en rien à la formation des tissus conjonctifs, des muscles et des éléments figurés du sang ; mais ils interviennent dans la formation de l'épithélium péribran- chial conc.irremment avec l'épiblaste. Quant à Ix cavité cloacale, qu'il convient de distinguer des cavités péribrancliiales, comme le montre si bien l'histoire de la Phallusie scabroïde, elle n'est qu'une dépression de la paroi du corps dans laquelle débouchent les cavités péribranchiales. Pour nous, comme pour Fol, Seeliger et la plupart de ceux qui se sont occupés récemment de la morphologie des Tuni- ciers, les cavités péribranchiales sont homologues aux canaux branchiaux des Appendiculaires. Ils nous représentent une paire de fentes branchiales considérablement distendues en de larges cavités. Des communications secondaires, caracté- ristiques de certains Tuniciers et qui ne présentent rien d'homologue, ni chez les Vertébrés, ni chez les Céphalochordes, se sont établies entre le pharynx primitif, qui est devenu le sac branchial, et les fentes branchiales primitives transformées en cavités péribranchiales. Les orifices externes de ces cavités (orifices branchiaux externes) s'ouvrent directement à la sur- face du corps chez les Appendiculaires; ils débouchent dans une dépression médio-dorsale de la surface du corps (cloaque) chez les autres Tuniciers. Cavité péricardique et épicarde. — Les observations que nous avons rapportées plus haut ne laissent aucune doute quant à l'origine des cavités péricardique et épicardique : elles procèdent de diverticules du sac branchial et communiquent soit temporairement, soit définitivement avec la cavité bran- chiale. Nous ne connaissons ni chez l'Amphioxus, ni chez les Vertébrés, aucim organe homologue ni à l'une, ni à l'autre de ces formations. Il ressort clairement de l'étude du développe- ment que le sac péricardique des Tuniciers n'est pas homo- 426 ED. VAN BENEDEN ET CH. JILIN. logue au péricarde des Vertébrés et que les couches myocar- dique et ectocardique du cœur des Tuniciers sont simplement analogues, mais nullement homologues au myocarde et à Tecto- carde des Vertébrés. Le cœur des Tuniciers constitue une for- mation anatomique totalement différente du cœur des Vertébrés. La cavité péricardique des Vertébrés est une partie du cœlome : sa paroi dérive du mésoblaste. Les cavités péricardique et épicardique des Tuniciers sont des portions séparées de la cavité branchiale; leur paroi procède de l'hypoblaste. Nous sommes donc autorisés à croire que ces organes n'existaient pas chez les Protochordes ; qu'ils ont du prendre naissance chez les premiers Tuniciers et qu'ils ont été transmis à toutes les groupes issus de ces formes ancestrales. L'on ne peut admettre en effet que si un organe central de la circulation avait existé chez les Protochordes, il ferait défaut chez les Céphalochordes, et qu'il aurait disparu chez les Vertébrés, pour être remplacé ensuite par un nouveau cœur, formé aux dépens d'organes différents^ et de tous points analogue au cœur primitif. La cavité du cœur et les espaces sanguins. — Cœur et vaisseaux. — L'histoire du développement des Ascidiens met en pleine lumière la signification des espaces vasculaires des Tuniciers, y compris la cavité cardiaque, qui n'est qu'une portion, endiguée par le sac péricardique, du grand courant sous-intestinal. Il apparaît très tôt entre l'épiderme et les organes internes, par écartement successif d'épithéliums d'abord adjacents, une large cavité, à laquelle Clans et avec lui Hatschek ont donné le nom de cavité primaire du corps (Primâre Leibeshohle). Cet espace présente d'ailleurs tous les caractères du pseu- docèle ou du blastocèle de Huxley. Les petites cellules qui constituent d'abord, à l'extrémité de chacune des bandes mésoblastiques, une formation pleine résultant de la transfor- mation des saccules cœlomiques, se disséminent dans le blas- tocèle. Celui-ci s'étend bientôt, dans toute la longueur de la queue, sous la notochorde, à la place qu'occupait d'abord RFXHERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 427 l'hypoblaste intestinal de la queue. D'après Kowalevsky ces cellules liypoblastiques se transformeraient en cellules rondes, qui se confondent avec celles qui proviennent de la résolution d'une partie du mésoblaste. Ce point mériterait d'être examiné de plus près. Toutes les cellules disséminées au début dans le blastocèle sont de forme arrondie; elles y sont suspendues dans une substance liquide ou semi-liquide, avec laquelle elles constituent le sang de la larve. Bientôt ces cellules se fixent ça et là; elles deviennent fusiformes ou étoilées, semblent sécréter autour d'elles une substance gélatineuse et donner naissance à un vrai mesenchyme. Ultérieurement un certain nombre de ces cellules se transforment en éléments muscu- laires. Ces transformations des éléments figurés du sang sont faciles à suivre aussi bien dans la larve que dans le boui'geon. n en résulte une réduction progressive du blastocèle et sa transformation en un scliizocèle, qui se compose de l'ensemble des espaces vasculaires de l'adulte. Il est éminemment probable que les globules du sang, comme les cellules conjonctives, procèdent de cellules déta- chées des epitheliums cœlomiques. Les analogies que présen- tent, dans leurs grandes lignes, les systèmes circulatoires des Tuniciers, des Céphalochordes et des Vertébrés, permettent de supposer que les espaces vasculaires principaux se trouvaient constitués chez les Protochordes, et que la genèse de ces lacunes sanguines est celle que nous venons d'indiquer. La résolution du mésoblaste solide en éléments cellularres isolés et leur dissémination dans un blastocèle ne sont que l'exagération du processus qui a donné naissance aux éléments du tissu conjonctif et du sang chez les Protochordes ; le blas- tocèle de la larve des Ascidiens n'est, de par son origine, que l'ensemble des espaces vasculaires des formes ancestrales. Il est probable que, phylogéniquement parlant, les espaces cœlo- miques se sont progressivement réduits, au fur et à mesure que les formations conjonctives prenaient, dans l'extrémité antérieure distendue du tronc, une importance de plus en plus considérable et que les espaces vasculaires devenaient plus étendus et plus compliqués. 428 ED. VAN BENEDEN ET CU. JILIN. La signification des lacunes vasculaires étant ainsi déter- minée, il importe d'attirer l'attention sur ce fait important que dans le cours de l'évolution ontogénique des Ascidies, l'on voit des portions du mésoblaste, epithelial par son origine, se transformer en un tissu qui présente tous les caractères du mesenchyme des Mollusques. Il est de toute évidence que ce tissu mésenchymatique, qui intervient pour une part importante dans la constitution de l'organisme des Tuniciers, ne peut-être comparé au mesenchyme des Hydroïdes et des Anthozoaires. D'une part il s'agit d'un tissu résultant de la dissociation de formations épithéliales, de l'autre d'une substance sécrétée au contact d'un epithelium, dans laquelle pénètrent ça et là des cellules isolées, détachées des epitheliums. C'est pourquoi l'un de nous a proposé de distinguer dans les tissus réalisant les caractères histologiques du mesenchyme, tel qu'il a été défini par les frères Hertwig, deux catégories de formations, qu'il importe de ne pas confondre et pour lesquelles il a proposé les noms de mesenchyme secondaire et de mesenchyme primaire. Le fait que chez les Ascidiens un mesenchyme secondaire résulte de la transformation de diverticules cœloniiques primi- tivement pourvus d'une cavité entérocélienne, enlève toute valeur principielle à la distinction que les frères Hertwig ont voulu établir entre le mesenchyme et le mésoblaste. Si, chez les Ascidiens, un mesenchyme résulte de la transformation d'un mésoblaste, le mesenchyme des Mollusques, des Bryo- zoaires et des Plathyelmes peut être, lui aussi, morphologique- ment équivalent à un mésoblaste et par conséquent les Pseudocéliens peuvent être issus, aussi bien que les Tuniciers, de formes ancestrales pourvues d'un mésoblaste et d'un enterocèle : ils peuvent être, de par leur origine, des entéro- céliens, c'est-à-dire issus d'organismes chez lesquels il existait un vrai cœlome délimité par un mésoblaste epithelial. Si l'on s'en rapportait à la structure de l'adulte, et si l'on ignorait ce que l'on sait aujoui'd'hui de leur développement ontogénique, l'on n'hésiterait pas à ranger les Tuniciers parmi les Pseudo- céliens. RECHERCHES SIR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 429 A supposer que, chez tous les Ascidiens, comme c'est le cas cliez les Molgules anoures et chez les Salpes, le développe- ment embryogénique soit raccourci et condensé, que la queue de la larve n'apparaisse plus même chez l'embryon, pourrait- on soupçonner que les Tuniciers sont issus de formes entéro- céliennes et segmentées? L'exemple des Ascidiens est des plus significatifs à ce point de vue et si même il n'était pas démontré d'autre part, qu'en ce qui concerne les Mollusques notamment, les frères Hertwig se sont totalement trompés, en les rangeant parmi les Pseudocéliens, l'histoii^e du dévelop- pement des Ascidiens serait de nature à fah-e douter singu- lièrement de la valeui- de la division des Métazoaires bilatères en Pseudocéliens et Entéi'océliens. L'exemple des Vertébrés n'est pas moins significatif d'ail- leurs : chez les Sélaciens l'entérocèle s'étend dans la tête, voire même en avant de l'arc maxillaire; le mésoblaste s'y transforme en un certain nombre de segments céphaliques, dont procèdent les organes mésoblastiques de la tête. Chez les Vertébrés supérieurs, l'on ne rencontre au début, dans la même région du corps, qu'un mesenchyme typique, qui engen- dre les mêmes organes que le mésoblaste des Sélaciens, sans que l'on puisse trouver chez eux ni cavités céphaliques, ni epitheliums mésoblastiques, ni aucune trace de segmentation dn feuillet moyen. Il est évident que ce mesenchyme cépha- lique est morphologiquement équivalent au mésoblaste seg- menté de la tête des Sélaciens et des Cyclostomes, qu'ici aussi il s'agit d'un mesenchyme secondaire. Mais tandis que, chez les Clavelines, l'histoire ontogénique fournit la preuve manifeste de l'altération cœnogénetique, chez les Vertébrés, le développement embryonnaire seul ne permettrait pas d'affirmer l'origine mésoblastique du mesenchyme céphalique. Qu'est-ce donc alors qui pourrait nous autoriser à affirmer que, chez les Mollusques, les Bryozoaires, les Rotateurs et les Platyhelmes, il ne s'agit pas aussi d'un mesenchyme secondaire ? L'on peut se demander comment, dans le cours du dévelop- 430 ED. VAN BENEDEN ET CU. JULIN. pement phylogénique des Tuuiciers,les diver ticules cœlomiques du premier segment du tronc ont pu se transformer en un mesenchyme. Quoique l'on ne connaisse en détail que les premières phases du développement de l'Amphioxus, que la seconde partie du mémoire de Hatschek, si impatiemment attendue, n'ait pas encore vu le jour, que l'on ne possède guère de renseigne- ments jusqu'ici sur la genèse des tissus conjonctifs, des vais- seaux et du sang, l'on est autorisé à penser que les tissus conjonctifs procèdent des epitheliums cœlomiques et que les espaces sanguins ne sont que des trouées creusées dans ces tissus ou, ce qui revient au même, des lacunes laissées entre les organes d'origine épithéliale et délimitées par un tissu de sécrétion. La cavité périviscérale des dona. — KupfFer a fait con- naître l'existence, dans le genre Ciona, d'une large cavité qu'il désigne sous le nom de cœlome ou cavité du corps. Chez les Ciona, le canal alimentaire (abstraction faite du rectum), le sac péricardique et les organes sexuels se trou- vent logés, en arrière du sac branchial et des cavités péri- branchiales, dans un large espace séparé des cavités péri- branchiales par une cloison membraneuse transversale (septum). Celle-ci est tapissée à sa face antérieure par l'épithélium péribranchial, à sa face postérieure par une couche endo- théliale; entre ces deux epitheliums plats existe une couche conjonctive vascularisée. L'œsophage et l'intestin perforent ce septum et l'endothélium de la face postérieure de la cloison s'étend sur la face externe de l'œsophage, de l'estomac et de l'intestin, pour constituer à ces organes un véritable revête- ment peritoneal. Un revêtement semblable recouvre extérieu- rement les organes génitaux et le sac péricardique. Il existe ainsi une sorte de séreuse, à laquelle ou peut distinguer un feuillet pariétal et un feuillet viscéral. Là où le septum se continue avec la tunique interne, l'endothélium peritoneal se continue à la face interne de la tunique, pour lui constituer un revêtement continu, qui fait partie du feuillet pariétal. RECHERCHES SUR L\ MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 431 Kupffer fait observer qu'il existe clans le septum, du cOté de la face ventrale du corps, un petit orifice, qui met le cœlome en communication avec la cavité péribranchiale. Grâce à cet orifice l'eau peut pénétrer dans la cavité du corps, ce qui arrive régulièrement lorsque l'animal se contracte énergi- quement. Roule, dans sa monographie de la Ciona intestinalts, donne une description très étendue de cet espace, auquel il donne indifféremment les noms de cavité générale du corps et de cavité générale postérieure; il ne mentionne aucime commu- nication avec les espaces péribrancliiaux. Il est malheureusement difficile de se rendre compte, en se fondant sur les renseignements fournis par Roule, de l'origine et de la signification de cette cavité. Cet auteur donne le nom de cœlome et aussi de cavité générale du corps au blastocèle de la larve et il semble considérer la cavité géné- rale postérieure comme un reste de la cavité générale primaire (notre blastocèle, primare Leibeshohle deClaus et de Seeliger). Seulement il ne paraît pas que Roule ait étudié l'organo- génèse chez les Ciona et il semble que son opinion soit d'ordre spéculatif. Si sa manière de voir était exacte, la cavité générale postérieure des Ciona, que nous proposons d'appeler provisoirement V espace pérkiscéral, afin de ne rien préjuger quant à sa signification, cet espace devrait commu- niquer avec les vaisseaux sanguins. Or, il résulte des obser- vations de Kupffer aussi bien que de la description de Roule et des injections pratiquées par cet auteur, que l'espace peri- visceral ne communique pas avec les lacunes sanguines. Il est éminemment improbable dès lors que l'espace perivisceral soit ime partie du schizocèle de l'adulte et qu'il procède, comme le pense Roule, du blastocèle de la larve. Quelle est la signification de cette cavité? Il n'est pas possible, sans recomir à l'embryogénie, de résoudre actuelle- ment cette question et Ton en est réduit aux hypothèses. L'opinion d'après laquelle l'espace perivisceral serait une partie du blastocèle larvaire ou, ce qui revient au même, du 432 ED. VAN BETVEDEN ET CU. JULTN. schizocèle de l'adulte, étant écartée, il reste deux possibilités : ou bien cette arrière- cavité dépend des espaces péribran- chiaux, ce qui expliquerait l'existence de l'orifice de commu- nication signalé par Kupffer; ou bien, et c'est là, à notre avis, l'opinion la plus probable, elle constitue une dilatation de l'épicarde, auquel cas elle devrait communiquer non pas avec les cavités péribranchiales, mais bien avec le sac bran- chial. La circonstance, que Roule nie l'existence de toute communication avec les cavités péribranchiales, permet de douter de l'existence de l'orifice que Kupffer a cru observer. Roule a constaté que la cloison s'insère au sac branchial le long du sillon rétropharyngien (raphe postérieur). Si l'espace perivisceral répond à la cavité épicardique des autres Asci- diens, les communications avec le sac branchial doivent exister à droite et à gauche de ce sillon, à supposer toutefois que ces orifices persistent pendant toute la durée de la vie chez ces Ascidiens. Notre hypothèse, qui présuppose l'exis- tence de ces orifices, rendi-ait bien compte aussi du fait affirmé par Kupffer de la pénétration de l'eau dans l'espace perivisceral. Elle peut s'appuyer sur une observation positive du même auteur, observation dont nous avons vérifié l'exac- titude. Kupffer a trouvé qu'il existe régulièrement chez dona caniìia et C. intestinalis deux orifices symétriquement disposés au fond du sac branchial, aux deux côtés du sillon médian postérieur, lequel s'étend depuis l'extrémité postérieure de l'endostyle jusqu'à l'entrée de l'œsophage (sillon rétro- pharyngien). Ces orifices sont symétriques et conduisent, d'après Kupffer, dans la partie postérieure des cavités péri- branchiales. D'ordinaire, l'un des orifices est plus grand que l'autre. Le seul point que nous n'ayons pas pu confirmer, c'est que ces orifices déboucheraient dans les cavités péribranchiales. Il est possible, sans que nous soyons en di'oit de l'affirmer, que ces orifices conduisent au contraire dans l'espace peri- visceral, auquel cas il deviendrait éminemment probable que cet espace est homologue à la cavité épicardique des autres RECHERCHES SLR LA MORPHOLOGIE DES TLNICIERS. 433 Ascidiens. E resterait à vérifier, par l'organogénèse, les conclusions tirées de l'anatomie. Les Cavités sexuelles et rénales. — Le développement des organes sexuels et des vésicules rénales chez les Ascidiens n'a rien de commun avec celui des glandes. Toute glande procède d'un epithelium, soit qu'elle siège dans l'épaisseur de cet epithelium, sous la forme d'une cellule glandulaire ou d'un amas de semblables cellules, soit qu'elle se trouve placée dans l'épaisseur des tissus sous-jacents ; dans ce dernier cas, ou bien elle nait sous la forme d'un diverticule epithelial creux ou d'une ébauche solide, s'il s'agit d'une glande tubuleuse, acineuse ou tuboacineuse simple ou compo- sée, ou bien, réduite à une cellule unique, elle ne consiste qu'en une cellule épithéliale développée dans la profondeur. Dans le cours de leur évolution ontogénique, les organes génitaux et les vésicules rénales procèdent des cellules du mesenchyme ; elles se constituent dans l'épaisseur du feuillet moyen et, tandis que les vésicules rénales, délimitées par un epithelium simple, ne s'ouvrent jamais à l'extérieur, les cavités sexuelles, délimitées elles aussi par un epithelium, en partie seulement germinatif, s'ouvrent secondairement dans le cloaque. Quelle est la signification morphologique de ces cavités délimitées par des epitheliums? Si l'on se fonde sur les données embryologiques seules, l'on arrive à constater qu'elles se déve- loppent tout autrement que des glandes; mais les éléments cellulaires, dont elles se constituent, proviennent en dernière analyse des extrémités antérieures des bandes mésoblas tiques et par conséquent d'un epithelium cœlomique secondairement transformé en un mesenchyme. Ce fait nous démontre que le processus génétique actuel des organes génitaux et rénaux des Ascidiens n'est pas un mode primitif. Car si, comme il résulte de la comparaison entre le développement des Clavelines et celui de l'Am- phioxus, le mesenchyme des Ascidiens n'est pas une forma- tion primitive, mais au contraire une particularité distinctive des Tuniciers, il est évident que les produits génitaux ont 434 ED. VAN BENEDEN ET CU. JULIN. dû se former chez les formes ancestrales des Urochordes autrement que ne nous le montre l'ontogenèse des Tuniciers. Si, chez les Protochordes, au lieu du mesenchyme si développé chez les Ascidiens, le feuillet moyen était constitué par des formations épithéliales, ce n'est pas aux dépens d'un mesen- chyme qu'ont pu se former les œufs et les zoospermes. L'analogie avec d'autres formes entérocéliennes segmentées très-simples, les Archiannélides par exemple, permet de supposer que les produits génitaux ont dû se former chez les Protochordes aux dépens des epitheliums cœlomiques, tout ou partie de l'entérocèle faisant fonction de cavité génitale et aussi d'appareil urinaire. Après la constitution des premiers Tuniciers urodèles, c'est-à-dire après la réduc- tion du tronc des Protochordes et sa transformation en un organe exclusivement moteur, la cavité du premier segment seule a pu servir à la genèse des produits sexuels et à l'accomplissement de la fonction rénale. Or, c'est le méso- blaste epithelial de ce premier segment qui, dans l'ontogenèse de la Claveline, se transforme totalement en un mesenchyme, aux dépens duquel naissent ultérieurement les organes génitaux et les vésicules rénales. Il n'est pas possible d'admettre que les processus de l'orga- nogénèse actuelle représentent l'histoire phylogénique des organes qui procèdent du feuillet moyen. Il faudrait admettre pour cela la disparition totale et permanente, chez certaines formes ancestrales, de l'entérocèle primitif (cavité du premier segment); il faudrait admettre que les œufs et les zoospermes soient nés directement de cellules mésenchymatiques dissé- minées dans le feuillet moyen. Comment, dans ces conditions, ces produits auraient-ils pu arriver à l'extérieur? L'on ne peut concevoir que, dans le cours de l'histoire phylogénique des Tuniciers, la cavité enté- rocélienne génitale et rénale des formes ancestrales ait pu disparaître; la cavité cœlomique du premier segment ances- tral a dû se perpétuer de génération en génération et se maintenir jusque chez les descendants les plus éloignés des RECHERCHES SLR LA MORPHOLOGIE DES TLMCIERS. 435 formes primitives : les cavités sexuelles, telles qu'elles se présentent actuellement chez les Tuniciers arrivés à maturité sexuelle, ne peuvent être que la continuation directe de l'entérocèle primitif, ou, ce qui revient au même, de l'organe sexuel hermapliroditique des premiers Tuniciers. L'analogie nous porte à croire qu'il eu est de même des vésicules rénales, si l'on se rappelle que les organes segmentaires ne sont en définitive que des portions différenciées des epitheliums cœlo- miques, que les cavités de ces organes ne sont, de par leur origine, que des parties séparées du cœlome primitif (organes segmentaires des Vertébrés). Mais tandis que les cavités sexuelles se sont maintenues de génération en génération dans tout le coiu'S de l'histoire phylogénique du groupe, l'évolution ontogénique a pu se modifier lentement et de telle sorte que les cavités sexuelles et rénales, au lieu de dériver directement de l'entérocèle des diverticules cœlomiques, ont pu se former secondaii'ement dans des groupes cellulaii-es, d'origine mésoblastique, séparés des epitheliums primitifs et disséminés dans le mesenchyme. Nous admettons donc les stades suivants dans la phylo- génèse des organes génitaux et rénaux. 1° L'entérocèle du premier segment fonctionne à la fois comme appareil sexuel mâle et femelle et comme appareil rénal; des portions diverses de l'épithelium cœlomique sont affectées à chacune de ces fonctions. L'épithelium sexuel et rénal nait dii-ectement, dans le cours de l'évolution indivi- duelle, des diverticules cœlomiques; l'entérocèle est à la fois cavité sexuelle et rénale, le mesenchyme est très réduit chez l'adulte. 2° Il se développe encore, dans le cours du développement ontogénique, des diverticules cœlomiques ; mais l'ébauche creuse au début devient secondairement pleine ; un mesenchyme se forme aux dépens d'une partie de ce mésoblaste solide ; le reste se creuse secondairement d'une cavité à la fois sexuelle et rénale. Seul le développement ontogénique est modifié. 3° Le mesenchyme prend plus d'importance ; le noyau •136 ED. VAN BENEDEN ET CH. JULIN. mésoblastique, d'où dérive l'organe iiro-génital, est d'abord très-réduit ; mais il prend plus d'importance chez l'adulte et se résoud en deux parties, dont l'une devient la vésicule rénale, l'autre la vésicule sexuelle. 4" Tout le mésoblaste se résoud, dans le cours de l'évolution ontogénique, en mesenchyme. Les amas cellulaires solides, dont lesquels se creuseront plus tard les cavités sexuel- les d'une part, les cavités rénales de l'autre, se reconstituent dans le cours du développement. Dans ces amas pleins appa- raissent secondairement les cavités. 5° Au lieu d'un amas cellulaire rénal il s'en forme plusieurs, d'où procèdent plusieurs vésicules rénales. La vésicule sexuelle tend à se subdiviser en deux vésicules, l'une mâle, l'autre femelle. Cependant ces deux organes n'en constituent encore qu'un seul en réalité. Sa cavité est commune aux deux appareils. 6° Le nombre des vésicules rénales devient considérable ; les organes mâles et femelles se séparent complètement l'un de l'autre et s'ouvrent séparément à l'extérieur, tandis que, au début, il n'existait qu'une communication unique pour l'organe entérocélien, à la fois sexuel et rénal. Il ressort de l'ensemble des considérations qui précèdent et qui nous ont permis de formuler l'histoire hypothétique des changements subis, dans le cours du développement, par la vésicule entérocélienne du premier segment du tronc, que l'ensemble des vésicules rénales et des organes sexuels des Tuniciers est probablement homologue à la cavité cœlomique du premier segment du corps des larves urodèles et par conséquent de l'Amphioxus ; que toutes ces cavités sont des restes de l'entérocèle des ancêtres des Tuniciers. Il en est des Tuniciers comme des Vertébrés : si nous prenons les Mammifères pour exemple, nous voyons le feuillet moyen être représenté d'abord par des cellules séparées les unes des autres et dépourvues de tout caractère epithelial. Ce n'est qu'au moment où apparaît la fente cœlomique, que les cellules se groupent et se rangent les unes à côté des autres, au contact immédiat de la fente cœlomique, en un feuillet RECHERCHES SIR LA MORPHOLOGIE DES TINICIERS. 437 splauclinique et un feuillet somatique, présentant l'un et l'autre un caractère epithelial manifeste. Ici donc, comme chez les Clavelines, le feuillet moyen ne prend un caractère epithelial qu'après avoir affecté au début l'apparence d'un mesenchyme, et le caractère epithelial ne se manifeste que sur le poui'toiu' du cœlome. Quant au cœlome, il se divise secondaii-ement en un grand nombre d'organes, le péricarde, les plèvres, les canalicules urinifères (organes segmentaires), les canaux de Millier, le péritoine qui n'est en définitive qu'une cavité sexuelle, partiellement tapissée par un epithelium germinatif. Un pas de plus et ces cavités naîtront séparément les unes des autres dans des ébauches pleines, isolées les unes des autres. Et cependant toutes ces cavités distinctes, prises dans leur ensemble, sont homologues à une partie de l'eute- rocèle segmenté des formes ancestrales. Les Tuniciers et VAmjjJiioxus sont ils des Poissons dégénérés ? L'on connaît l'opinion que Dohrn a exprimée depuis long- temps au sujet de l'origine des Tuniciers. A en croire l'éminent créateur de la station zoologique de Naples, les Cyclostomes et les Céphalochordes ne seraient que deux chaînons de la lignée ancestrale rattachant les Tuniciers aux Poissons. Il n'est pas nécessaire de rappeler ici la série des découvertes qui ont été le fruit de l'activité que ce naturaliste a déployée pour accumuler des arguments à l'appui de son hypothèse. La morphologie des Vertébrés a été fort bien servie par les recherches de Dohrn et les progrès récents réalisés en ce qui concerne l'anatomie et l'organogénèse chez les Poissons et les Cyclostomes sont dus, pour une part importante, à ses remar- quables travaux. Mais quelque soit la valeur que l'on attribue aux résultats de ces recherches, l'on ne pourra méconnaître que les objections, qui s'opposent à l'hypothèse de Dohrn, sont loin d'être levées, que les arguments contre l'emportent de beau- coup sur les arguments pour et que, à s'en tenir aux données 438 ED. VAN BENEDEN ET CH. JILIN. sur lesquelles Dolirn s'appuie, les probabilités ne sont guère en sa faveur. Les faits que nous avons exposés plus haut concernant l'origine du cœur chez les Ascidiens ne nous paraissent pas seulement inconciliables avec l'hypothèse de Dohrn; ils nous semblent démontrer à l'évidence que les Tuniciers ne sont pas issus des Poissons. L'on peut citer une foule d'exemples pour prouver que des organes de sens peuvent s'atrophier et même disparaître totalement; des organes locomoteurs devenus inutiles dégénèrent; les Cestodes et les Echinorhynques peuvent être cités pour montrer comment le tube digestif peut disparaître, sans laisser de traces, chez des animaux complè- tement adaptés aux conditions de la vie parasitaire; mais il nous parait bien difficile de concevoir la disparition du cœur. Quelque soit le genre de vie d'un animal, il doit toujours être avantageux pour lui de posséder un organe capable d'assurer et de régulariser la circulation des liquides nourriciers. Nous n'avons pas à nous occuper ici des rapports généalogiques qui rattachent les uns aux autres, les Poissons et les Cyclostomes ; mais toute l'organisation aussi bien que le développement de l'Amphioxus et des Tuniciers nous paraissent plaider contre l'hypothèse, qui tend à faire considérer ces animaux comme des poissons dégénérés; l'absence chez les Céphalochordes de tout organe homologue au péricarde et au myocarde des Poissons, la présence chez les Tuniciers d'un cœur tout diffé- rent de celui des Vertébrés, nous paraissent être, de toutes les objections que l'on peut soulever contre l'hypothèse de Dohrn, la plus puissante et la plus décisive. Il répugne de croire en effet que l'Amphioxus ait pu perdi-e le cœur, si utile à ses ascendants supposés, si indispensable à leur exis- tence, qu'un arrêt quelque peu prolongé des contractions cardiaques entraîne inévitablement la mort. Après avoir perdu ce cœur ancestral, les premiers Tuniciers en auraient acquis un nouveau, qui aurait subsisté sans changer de caractères chez tous les Tuniciers sans une exception, depuis les Appen- diculaires jusqu'aux Ascidies les plus compliquées, malgré les RECHERCHES SLR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 439 différences de taille, de genre de vie et d'habitudes, de forme et d'organisation. En quoi donc un cœur serait il moins utile à un AmpMoxus qu'à une Lamproie ou à une Appendiculaire? L'on peut en dire autant de l'appareil branchial. Si l'on admet que les fentes branchiales de l'Amphioxus sont homo- dynames des fentes branchiales des Cyclostomes et des Pois- sons, et c'est là une simple hypothèse qui ne repose pas à coup sûr sur les données embryologiques, le type Ammocète poiu' devenir Amphioxus a dû perdre les systèmes de lamelles branchiales éminemment favorables à la diffusion des gaz et acquérii' par compensation un plus grand nombre de fentes branchiales. Il nous paraît éminemment peu vraisemblable que des organes si bien appropriés à l'exercice d'une fonction essentielle, indispensable à tout être vivant, aient pu dispa- raître et se réduire à tel point que, pour compenser leur insuffisance, de nouveaux organes aient dû apparaître. Mais pour voir dans les Tuniciers des Poissons dégénérés, il faut faire une nouvelle hypothèse plus invraisemblable encore : il faut admettre que les fentes branchiales métamériques des formes ancestrales ont totalement disparu sans laisser de traces et qu'elles ont été remplacées par des organes de nou- velle formation, tout à fait analogues, mais de valeur anato- mique totalement différente. A moins de dénier toute valeiu' aux faits révélés par l'étude de l'organogénèse, il faut bien reconnaître que les stigmates des Tuniciers, voire même les canaux branchiaux, ne sont pas homologues aux fentes bran- chiales des Vertébrés. Il est à remarquer que ce sont des considérations, d'un caractère exclusivement théorique et spéculatif, qui ont con- duit Dohrn à formuler son hypothèse. Ce n'est que a posteriori qu'il a cherché à établir son opinion en invoquant des faits positifs. Dohrn le reconnaît lui même : à la fin de sa cin- quième étude, après avoir rappelé l'hypothèse ancienne, d'après laquelle les Tuniciers seraient les survivants actuels des formes ancestrales, d'où sont issus les Céphalochordes et les Vertébrés, il ajoute : " Dieser bisher allgemein gehegten 440 ED. VAN BENEDEN ET CU. JCLIN. Anschauiing habe ich die entgegengesetzte gegeniiber gestellt : in Cyclostomen, Amphioxus und Tunicaten degenerirte imd reducirte Fische zu erblicken. Der Beweis fur die Richtig- keit dieser Hypothèse ist freilich iioch nicht erbracht, auch nicht einmal durch die hier gelieferte Ausemandersetzung von der Natur der Kiemenknorpel. Ich daif aber dennoch diesen Aufsatz mit dem Versprechen schliessen, dass ich der Beweis in einer der nâchsten " Studien „ vollkràftig liefern werde, in denen ans einander gesetzt werden soli, wie gewisse Organe und Structuren der Cyclostomen, des Am- phioxus und der Tunicaten nur erklârbar sind, wenn als ihre Vorfahren Fische angesehen werden, welche mit den beute lebenden Fischen die allernàchsteu phylogenetischen Bezie- hungen besassen. „ Cette promesse de fournir à bref délai un exposé des faits qu'il considère comme la démonstration péremptoire de la nouvelle hypothèse, a été tenue en effet. Dans sa VIII™® étude " Die Thyreoidea bei Petromyzon, Amphioxus und Tunicaten „ Dohrn fait connaître les observations qui, à ses yeux, établis- sent irréfutablement que l'Amphioxus et les Tuniciers sont des poissons dégénérés. Jusqu'à quel point cette argumentation sera jugée suffisante et ralliera les morphologistes, c'est là une question que l'avenir se chargera de résoudre. Toute l'argumentation de Dohrn repose 1° sur l'étude qu'il a faite de la glande thyroïde des Sélaciens et des Cyclosto- mes, et de la gouttière hypobranchiale des Tuniciers et de l'Amphioxus, 2° sur le rapprochement qu'il établit entre la fente de l'évent des Sélaciens, la pseudobranchie des Téléos- téens, la gouttière dite pseudobranchiale des Cyclostomes et le sillon péricoronal des Tuniciers. Pour Dohrn la gouttière hypobranchiale des Cyclostomes et des Tuniciers aussi bien que le corps thyroïde des Vertébrés ne sont que les restes d'une paire de fentes branchiales, qui, chez les Poissons primitifs, aurait existé entre l'arc hyomandibulaii'e et l'arc hyoïdien. La glande thyroïde, si compliquée dans sa struc- RECHERCHES SIR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 441 ture et dans son développement, telle qu'elle existe chez l'Ammocète, étant homologue de la gouttière hypobranchiale de l'Amphioxus et des Tuniciers, l'endostyle des Urochordes est aussi l'équivalent d'une paire de fentes branchiales deve- nues rudimentaires et dont l'ébauche s'est adaptée, chez les descendants dégénérés des poissons primitifs, à ime fonction secrétoire. D'autre part 1' event des Sélaciens apparaîtrait encore chez l'Ammocète, où il constitue une première paire de fentes bran- chiales rudimentaires : ces fentes sont frappées d'un arrêt de développement; elles ne s'ouvrent plus à l'extérieur; elles se présentent sous la forme de deux gouttières épithéliales ciliées, situées aux faces latérales de la partie respiratoire du tube digestif, immédiatement en arrière du velum, en avant des premières fentes réelles. Ces deux gouttières se prolongent en bas et en arrière jusqu'à l'entrée de la glande thyroïde, tout comme les deux moitiés du sillon péricoronal des Ascidiens débouchent inférieurement dans la gouttière hypobranchiale, à l'extrémité antérieure de cet organe. Ce sillon péricoronal, qui ne fait défaut chez aucun Tunicier, serait donc homologue aux pseudobranchies des Poissons. Pour juger la valeur de l'argumentation de Dohrn, il importe d'apprécier séparément les faits sur lesquels il s'ap- puie et les conclusions qu'il en tire. Et d'abord résulte-t-il de ses observations que le corps thyroïde des Sélaciens soit l'équivalent d'une paire de fentes branchiales? Dohrn a montré qu'à un stade reculé du développement des Sélaciens, avant l'ouverture de la bouche, ou au moment même où la perforation buccale apparaît, quand il n'existe encore que deux fentes branchiales et que quatre seulement sont ébauchées, il apparaît à la partie ventrale antérieure de l'hypoblaste une petite excroissance solide. Cette ébauche apparaît sur la ligne médiane et procède de l'épithélium intestinal. A chaque côté de ce petit bourrelet epithelial coui't une artère branchiale ; en avant se voit la cavité céphalique de l'arc mandibulairej 442 ED. VAN BENEDEN ET CH. JULIN. entourée de cellules mésodermiques. Aux stades subséquents, cette ébauche pleine s'accroît d'avant en arrière vers le cœur : elle prend la forme d'une bouteille à long col ; son fond com- mence à prendre un contour irrégulier; les inégalités qu'elle présente sont le premier indice de la formation des follicules. Il se forme des diverticules arrondis non-seulement aux côtés mais aussi en dessous et au-dessus du fond de l'ébauche, et bientôt ces diverticules se détachent du corps de l'organe pour constituer les premiers follicules, qui s'écartent plus ou moins de leur lieu de formation. Cette formation de follicules s'accompagne d'une pénétra- tion du mésoderme ambiant dans le corps glandulaii-e, qui prend par là les caractères d'une glande en grappe. Le méso- derme entraîne avec lui des vaisseaux. A chaque côté de la glande un petit arc artériel naît de la paroi antérieure de l'artère hyoïdienne, qui se dirige en avant, en dehors et enfin en haut dans l'arc hyoïdien. La glande finit par se séparer de son lieu d'origine et, dans son accroissement ultérieur, elle se porte de plus en plus en arrière, de telle sorte qu'au lieu de rester entre la mâchoire inférieure et l'arc hyoïdien, elle siège plus tard en arrière de ce dernier, s'étire en longueur, se développe en largeur, reste aplatie et présente enfin la structure bien connue du corps thyroïde. Dohrn se fondant sur la genèse des vaisseaux, des muscles et des cartilages, admet avec d'autres morphologistes, contrai- rement à l'opinion de Gegenbaur, que l'arc hyoïdien des Sélaciens se constitue en réalité de deux formations distinctes, un arc hyomandibulaire et un arc hyoïdien proprement dit entre lesquels existerait une fente branchiale virtuelle actuel- lement disparue. Il admet que la glande thyroïde constitue le dernier ves- tige de cette paire de fentes branchiales qui ont dû exister entre l'arc hyomandibulaire et l'arc hyoïdien : " Der oben gelieferte Nachweis von der doppelten Natur der Hyoïdbogens ergiebt nicht nur das Recht sondern geradezu das Postulat, RECHERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 443 die Thyreoïdea fiir die letzte Spur der einst hier bestanden habendeu Kiemenspalte zii balteu, oder aber nacbzuweisen, was aus der von mir postulirten Kiemelspalte geworden sei. „ Nous avons cherché en vain dans le travail de Dorhn une démonstration quelconque de l'origine branchiale de la glande thyroïde des Sélaciens. A supposer même que vraiment Tare hyoïdien des Sélaciens soit l'équivalent de deux arcs successifs entre lesquels une fente a du exister, il n'en résulterait pas encore hic et nunc que le corps thyroïde est mi reste de cette fente, et fut-il même établi que la bouche des Vertébrés provient de la fusion de deux fentes branchiales, que l'hypo- physe procède de deux fentes prébucales, que nous deman- derions encore, avant de croire que la glande thyroïde a la même origine, des arguments décisifs et non pas une simple affirmation. Qu'un organe unique et médian puisse avoh' une origine double et latérale nous l'admettons sans difficulté. Mais avant d'affirmer pour un organe particulier cette dualité originelle, il faut que l'on ait trouvé, soit dans l'anatomie, soit dans le développement, sinon la preuve évidente, tout au moins des indices de cette dualité. Dohrn fait état de l'existence de deux artères thyroïdiennes l'une di'oite, l'autre gauche. " Vor Alleni ist es von grosser Tragweite, in der Arteria thyreoïdea noch das wesentlichste Attribut einer friiheren Kiemenbildung zu besitzen. Thr Ursprung aus dem vorderen Wiuckel der Hyoïdarterie, ihr Verlauf und Verbindung mit den Venen des Hyoïdbogeus deuten augenscheinlich darauf hin, dass hier einstens eine vollkommen entwickelte Kiemenspalte bestand. „ Nous ne pensons pas que ces dispositions vasculaires aient la portée considérable que Dohrn leur attribue. Elles ne démontrent nullement la dualité originelle de l'organe, à plus forte raison ne prouvent-elles pas du tout que le corps thyroïde dérive de la fente branchiale supposée. Un organe médian placé dans une région du corps où il n'existe que des artères latérales ne peut recevoir des artères nourricières que de ces vaisseaux latéraux et si ces vaisseaux 444 ED. VAN BENEDEN ET CH. JULIN. sont symétriques par rapport à l'organe, rien d'étonnant à ce qu'il reçoive une branche artérielle de chacun d'eux. Dohrn fait observer aussi que, chez beaucoup d'animaux, et chez les Amphibiens en particulier, le corps thyroïde se déve- loppe en donnant naissance à deux moitiés latérales et symé- triques. Est-ce là une preuve que l'on puisse invoquer pour soutenir la àimlité primitive? Enfin, il invoque l'identité de structure entre le corps thyroïde et les produits abortifs de la dernière paire de fentes brancliiales de la plupart des Sélaciens, sur lesquels Van Bemmelen a attiré l'attention. Que conclure delà? Cette analogie peut-elle être légitimement invoquée pour soutenir que le corps thyroïde lui aussi est une paire de fentes bran- cliiales dégénérées? En fait Dohrn n'a pas réussi à apporter à l'appui de sou hypothèse une seule preuve décisive. Les considérations qu'il invoque ne sont pas même des demi preuves. Ce qui ressort de l'étude qu'il a faite du développement du corps thyroïde des Sélaciens, c'est que cette glande est, de par son origine, un organe unique et médian, et que rien dans son développe- ment n'indique, qu'il faille lui attribuer une origine double, bien moins encore qu'elle ait aucun rapport génétique avec des fentes branchiales. Dorhn a étudié le développement, chez l'Ammocète, de cet organe compliqué que W. MiiUer a le premier reconnu comme homologue du corps thyroïde des Vertébrés supérieurs d'une part, de la gouttière hypobranchiale de l'Amphioxus et des Tuniciers de l'autre. L'on possédait déjà des données assez complètes sur la genèse et l'évolution de cet organe, grâce aux travaux de W. Mtiller, de Calberla et d'A. Schneider et la plupart des mcrphologistes se sont ralliés à l'opinion for- mulée pour la première fois par l'éminent anatomiste d'Iena, quant à l'homologie entre cet organe et l'endostyle des Tuniciers. En ce qui concerne le développement et la structui^e du corps thyroïde chez l'Ammocète, la description de Dohrn RECHERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 445 diffère moins de celle de ses devanciers, par les faits observés que par l'interprétation qu'il donne à ses observations. D'après Calberla, la première ébauche de l'organe thyroï- dien consiste en une gouttière, dépendant du plancher de la portion branchiale du mésenteron et s'étendant depuis l'extré- mité antérieure de la région branchiale jusqu'à la quatrième fente branchiale. Bientôt après, l'entrée de la gouttière se rétrécit d'avant en arrière et d'arrière en avant; elle se réduit à un orifice placé entre les saccules branchiaux de la seconde et de la troisième paire. Schneider prétend que chez l'Animo- cète arrivée à son complet développement cet orifice se trouve entre les orifices branchiaux internes de la 3" et de la 4« paire. Balfour affiline qu'il n'en est certainement pas ainsi chez les jeunes larves. Quoique les toutes premières phases du développement de la gouttière thyroïdienne soient restées inconnues à Calberla, il semble résulter de ses observations et de ses figures, que la première ébauche de l'organe thyroïdien se rattache non pas à une paire déterminée et unique de fentes branchiales, mais bien à une série de fentes : elle résulte d'une descente progressive du plancher de la cavité branchiale entre la première et la quatrième fente. Dohrn décrit et figure deux stad^.s plus jeunes. Le premier indice du corps thyroïde se remarque chez de jeunes larves, chez lesquelles les saccules branchiaux antérieurs ont fait leur apparition. Sous la première paire de diverticules endoder- miques latéraux, qui, d'après Dohi'n, seraient homologues à l'évent des Sélaciens et à la pseudobranchie des Téléostéens, l'endoderme s'invagine en bas et un peu en avant, de sorte que, sur une coupe passant exactement par le plan médian, il semble que l'endoderme se termine en avant en deux diver- ticules divergeant à angle droit : le supérieui' répond aux fentes pseudobranchiales, l'inférieur est la première ébauche du corps thyroïde. Entre l'extrémité antérieure du mésenteron et l'invagination épiblastique qui engendre le stomodœum, se voit une cloison membraneuse formée par une lame mésoder- 29 J4(j i:d. van beneden et gii. julin. mique dans laquelle montent les artères pseudobranchiales. Il n'est pas difficile de reconnaître, dans cette formation, les premières traces du futur velum. A ce moment le cone artériel est formé; il se bifurque en avant en deux branches qui courent parallèlement l'une à l'autre, aux deux côtés de l'invagination thyroïdienne et mon- tent ensuite le long des bords de la cloison membraneuse interposée entre le stomodœum et le mésenteron, cloison qui donnera naissance au velum. Ces branches vasculaires sont les artères branchiales antérieures, homologues aux artères de l'évent des Sélaciens. Après 24 heures, l'on remarque que la lamelle mésoder- mique, engagée entre le diverticule thyroïdien et les sac- cules de l'évent, s'est étendue en arrière et constitue une cloison entre la glande thyroïde et les saccules de l'évent dirigés maintenant très obliquement. Le bord postérieur de cette cloison atteint déjà le milieu entre les saccules bran- chiaux répondant aux fentes définitives de la seconde paire. La cloison recouverte inférieurement par l'épithélium thyroï- dien est tapissée supérieurement par l'épithélium qui dépend des saccules de l'évent. Et si la glande semble s'ouvrir maintenant entre les fentes branchiales de la seconde paire ce n'est là qu'une apparence trompeuse : par son origine son orifice se rattache à la région du mésenteron qui donne nais- sance latéralement aux saccules branchiaux homologues de l'évent des Sélaciens. L'extrémité postérieure du saccule thyroïdien répond, à ce stade, au niveau de la quatrième fente branchiale réelle, où son plancher se continue simplement dans la paroi endoder- mique du mésenteron, après avoir formé une saillie. Après une nouvelle période de 36 heures, l'on trouve la cloison de séparation antérieure étendue jusqu'à la limite entre la 3^ et la 4*' fente branchiale (la fente de l'évent comprise). A sa rencontre progresse une cloison qui procède du bord postérieur de l'invagiaation thyroïdienne et tend à séparer du mésenteron l'extrémité postérieure du corps RECHERCHES SIR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 447 thyroïde. Les deux cloisons se confondent siu' les côtés, d'où résulte la formation d'une sorte de diaplu-agme, séparant la la cavité branchiale du saccule thyroïdien, mais présentant en son milieu un orifice de communication entre les deux cavités. Dohrn décrit ensuite les phénomènes qui amènent la com- plication progressive de l'ébauche et la transforment dans l'organe glandulaire si particulier et si compliqué que A. Schneider a le premier bien décrit. Cette seconde période de l'évolution n'a qu'une importance très secondaire pour la question qui nous occupe ici. Nous relevons cependant dans la description de Dohrn une observa- tion qui nous paraît intéressante et importante : il a remarqué que tous les processus évolutifs intéressent d'abord l'extré- mité antérieui-e de l'organe et ne s'étendent que secondaire- ment à son extrémité postérieure : " AVie denu ilberhaupt aile Umbildungen, die das Organ betreffen, von vorn ihren Ausgang nehmen. „ Dolu'n représente et considère l'ébauche thyroïdienne comme une dépendance de la partie tout-à-fait antérieure du mésen- teron branchial; il la rattache étroitement aux ébauches des saccules, qu'il considère comme homologues des fentes de l'évent des Sélaciens et les termes mêmes dont il se sert témoignent de cette conviction. La démonstration de semblables rapports, si elle eut été faite, eut présenté en effet une très grande importance. Car pour établir que la glande thyroïde n'est, de par son origine, qu'une paire de fentes branchiales ayant existé, chez les ancêtres des poissons, entre l'arc hyomandi- bulaire et l'arc hyoïdien, il importe que l'on puisse démontrer par le développement que chez les Cyclostomes, comme chez les Sélaciens, la première ébauche du corps thyroïde siège en avant des fentes hyoïdiennes, entre celles-ci et les fentes de l'évent. A s'en rapporter à la description de Dohrn, la genèse du corps thyroïde serait conforme aux exigences de l'hypothèse; mais si l'on consulte ses figures, l'on ne peut s'empêcher de 448 ED. VAN BENEDEN ET CH. JULÎN. trouver que les choses ne sont nullement aussi claires et que l'idée préconçue a exercé une influence considérable sur la manière dont les faits sont présentés. Si l'on considère le plus jeune stade, représenté planche 5, figure 9 du mémoire de Dohrn, l'on y voit une dépression du plancher du mésentéron branchial, s' étendant d'avant en arrière entre les saccules branchiaux marqués par les chiffres 1, 2 et 3 et répondant aux fentes des trois premières paires, y compris le diverticule considéré comme homologue à la fente de l'évent. Aux stades suivants, figures 10 et 11, la gouttière hypo- branchiale intéresse le plancher du mésentéron branchial jusques et y compris la quatrième peut être même la 5"^ paire de fentes. Il semble résulter clairement des figures de Dohrn, comme de celles de Calberla, que l'organe thyroïdien se rattache au plancher du mésentéron branchial, non pas au niveau d'une paire unique de diverticules branchiaux, mais des quatre premières paii-es, au moins. Si, comme Dohrn l'affii-me, l'épi- thélium des saccules de l'évent se prolonge sur la face supé- rieure de la cloison antérieure, de façon à se continuer avec l'épithélium thyroïdien, il semble ressortir clairement de ses propres figures que l'épithélium des 2% 3® et 4"* paires de saccules branchiaux se continue avec le même epithelium thyroïdien sur les côtés de l'orifice d'abord très étendu d'arrière en avant, qui met la gouttière thyroïdienne en com- munication avec le mésentéron branchial. Il est permis de tirer des figures de Dohrn une seconde conclusion, c'est que la gouttière thyroïdienne se développe d'avant en arrière. Elle est interposée d'abord entre les fentes 1, 2 et 3 (stade représenté figure 9) et sa profon- deur diminue d'avant en arrière ; puis ayant gagné en longueur, elle en arrive à se trouver placée entre les fentes 1, 2, 3 et 4, au moins (fig. 10 et 11); d'abord très peu profonde en arrière, elle finit par être aussi développée en arrière qu'en avant (fig. 11). S'il en est ainsi, la remarque RECUERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 449 que Dohrn a faite quaut au développement ultérieur de l'organe s'applique aussi aux premières phases de son évolu- tion : la glande thyroïde se développe d'avant en arrière, son extrémité antérieure étant toujours en avance sui' son extré- mité postérieure. La seule conclusion que nous voulons tirer des considéra- tions qui précèdent, c'est que les figures publiées par Dohrn n'autorisent nullement à affirmer que chez les Cyclostomes la gouttière thyroïdienne se rattache plus spécialement aux sac- cules de l'évent, ou même aux deux premières paires de fentes branchiales qu'aux quatre premières paires. Rien dans le développement du corps thyroïde de l'Ammocète ne tend à justifier un rapprochement quelconque entre cet organe et une paire de fentes branchiales disparues, dont il serait le dernier vestige ; bien au contraire il semble, à ne considérer que l'Ammocète seule, et abstraction faite de toute idée préconçue, que la gouttière thyroïdienne se rattache à une partie du mésenteron branchial correspondant à une série de fentes branchiales successives, 4 au moins, y compris le saccule de l'évent. Dohrn, reprenant l'idée de W. Millier et acceptée plus ou moins explicitement par tous les morphologistes, Gegenbaur, Balfour et d'autres, admet que le corps thyroïde des Pétro- myzon et des Vertébrés est homologue à la gouttière hypo- branchiale des Tuniciers et de l'Amphioxus, qu'il décrit avec soin, dont il donne d'excellentes figures, mais sans rien ajouter d'important aux faits antérieiu-ement connus. Nous partageons cette opinion; mais il y a lieu de préciser plus exactement la portée de ce rapprochement et de dire en quel sens et dans quelles limites cette homologie peut être admise. L'analogie si frappante qui existe entre le corps thyroïde de l'Ammocète, la gouttière hypobranchiale des Tuniciers et la bande hypobranchiale de l'Amphioxus, témoignent de l'unité originelle de ces organes. Aux ressemblances anatomiques s'ajoute même une similitude fonctionnelle bien remarquable. 450 ED. VAN BEINEDEN ET CH. JILIN. Mais l'on peut concevoir de diverses manières les rapports phylogéniques qui rattachent les uns aux autres ces différents organes. Pour W. Millier suivi par Gegenbam-, la gouttière hypobrauchiale des Urocliordes est devenue la bande liypo- brancbiale de l'Amphioxus ; en même temps que le nombre des fentes branchiales s'est réduit, la bande hypobrauchiale s'est transformée en l'organe thyroïdien de l'Ammocète, et secondairement en le corps thyroïde des Vertébrés supé- rieurs. L'organe, qui atteint son maximum de développement chez les Tuniciers, s'est progressivement réduit et successive- ment transformé. Pour Dohrn, qui admet une filiation inverse, tous ces organes représentent un reste plus ou moins profon- dément modifié d'une paire de fentes branchiales. Quant à la manière dont cette ébauche rudimentaire pleine, folliculeuse, des formes ancestrales (Poissons) est devenue une gouttière glandulaire ouverte dans toute sa longueur, Dohrn l'explique de la manière suivante. Se fondant sur ce fait que les disposi- tions réalisées chez le Pétromyzon adulte, chez lequel l'organe glandulaire de l'Ammocète se résoud en follicules, se rappro- chent beaucoup plus que l'organe larvaire du corps thyroïde des Sélaciens et des autres Vertébrés supérieurs, tandis que la première ébauche du corps thyroïde de l'Ammocète res- semble davantage à la gouttière hypobrauchiale des Tuniciers et de l'Amphioxus, Dohrn admet l'interpolation du stade Ammocète dans le développement des Lamproies. Des formes Ammocètes, devenues sexuées sans plus atteindre le stade Lamproie, ont donné naissance par dégénérescence aux Cépha- lochordes et aux Urochordes. Nous avons quelque peine à nous figurer comment et pourquoi cette ébauche cellulaire solide dépendant de l'hypoblaste branchial a pris fantaisie de se développer sous la forme d'une gouttière chez les descendants dégénérés des poissons qui ont donné naissance aux Lamproies; pourquoi l'ébauche est entrée en activité avant de se résoudre en follicules; tout cela ne nous paraît ni bien clair ni bien conforme à ce que nous apprend la morphologie des organes glandulaii^es ; mais passons. L'hypothèse de Dohrn étant RECHERCHES SLR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. Ì51 admise, il doit y avoir homologie complète entre le corps thyroïde des Vertébrés et la gouttière hypobrancliiale des Tmiiciers. Quant à nous qui pensons, au risque d'être taxés de croyants orthodoxes, que le seul fondement légitime de toutes nos conceptions, non seulement morphologiques mais aussi phylogéniques, se trouve dans la loi biogénét.iqne, nous qui ne pouvons admettre que les méthodes morphologiques suivies jusqu'ici méritent le discrédit que Dohrn leur accorde, nous sommes d'avis, qu'avant de se prononcer sur la question de savoir si la gouttière hypobranchiale des Tuniciers est stric- tement homologue à celle de l'Amphioxus, il importe de consulter les données embryogéniques. Il résulte de .l'étude du développement de la Claveline, comparé à celui de l'Amphioxus, que la gouttière hypobran- chiale des Tuniciers siège dans la vésicule préchordale du mésenteron et par conséquent en avant de la portion segmen- tée du corps. Chez la larve de l'Amphioxus nous constatons 1° que cette vésicule préchordale tend à se confondre avec le reste du mésenteron, après en avoir été primitivement sépa- rée; 2° que les fentes branchiales apparaissent dans la région segmentée du tronc; 3" que la bande hypobranchiale, dont l'on ignore l'organogéuèse, siège chez l'adulte dans toute la lon- gueur de la chambre branchiale et intéresse par conséquent une série de métamères. Pour ces motifs nous ne pouvons admettre que la bande hypobranchiale de l'Amphioxus est exactement homologue à la gouttière hypobranchiale des Ascidiens; mais nous pensons que les deux formations procèdent d'une ébauche commune. Le fait que cliez les Tuniciers la gouttière siège dans la vésicule préchordale de l'enteron et l'analogie de structiu^e entre l'endos- tyle des Urochordes et la bande hypobranchiale des Cépha- lochordes, nous autorise à supposer que la formation primitive, l'ébauche commune aux dépens de laquelle se sont formés l'en- dostyle des Tuniciers et la bande hypobranchiale de l'Am- phioxus, existait chez les formes ancestrales de ces deux 452 ED. VAN BENEDEN ET CH. JULIN. groupes, clans la partie tout à fait antérieure, préchordale du mésenteron, qu'elle présentait chez ces formes ancestrales, organisées à la façon des jeunes larves de l'Amphioxus, une structiu^e glandulaire analogue à celle de la bande liypobran- chiale des Cépbalocliordes actuels, qu'elle y remplissait une fonction glandulaire analogue. Cet organe glandulaire pri- mordial s'est conservé dans le sac branchial de tous les Tuni- ciers; le pharynx ou sac branchial des Urochordes n'est que la vésicule préchordale étendue. Chez l'Amphioxus, il s'est développé d'avant en arrière, après la fusion de la vésicule préchordale avec le reste de l'enteron; le plancher de la portion respiratoire du tube digestif a subi progressivement dans toute sa longueur une différenciation glandulaire analogue à celle qui caractérisait la vésicule préchordale seule chez les formes originelles. L'organogénèse de l'Amphioxus nous apprendra un jour si la bande hypobrancliiale se développe d'avant en arrière; si elle prend naissance d'abord dans la partie tout-à-fait antérieure du mésenteron. Dans notre opinion, seule l'extré- mité tout-à-fait antérieure de la bande hypobranchiale de l'Amphioxus est strictement homologue à la gouttière hypo- branchiale des Tuniciers. D'autre part, il nous semble résulter de la constitution anatomique de la bande hypobranchiale de l'Amphioxus que la structure de l'organe est plus primitive chez ce dernier que chez les Urochordes. L'organe hypobran- chial de l'Amphioxus consiste en effet en une simple différen- ciation histologique : des cellules mucipares, groupées de façon à constituer quatre bandes glandulaires, courant paral- lèlement les unes aux autres, ont apparu dans l'épithélium cylindrique. La différenciation est bien plus avancée chez les Urochordes où il s'est produit en outre une gouttière longitudinale destinée à conduire le produit de sécrétion. Si donc les Timiciers ont conservé dans leur sac branchial, homologue de la vésicule préchordale des formes ancestrales, un organe hypobranchial qui, pour être strictement homologue à celui RECHERCHES SLR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 453 des formes ancestrales ne s'est pas moins compliqué dans sa structure, l'Ampliioxus a conservé le type anatomique primitif, quoique l'organe, en se développant d'avant en arrière dans la région segmentée du tronc, n'est plus strictement homologue de celui des ancêtres. Nous avons montré plus iïaut que l'examen critique des recherches de Dohrn sur le corps thyroïde et l'organe hypo- branchial conduit à cette conclusion, qu'aucun fait ne justifie l'hypothèse d'après laquelle ces organes seraient homologues d'une paire de fentes branchiales. L'on ne trouve dans l'histoire de ces organes, telle qu'elle est actuellement connue, aucune raison d'admettre les rapports de filiation supposés par l'hypothèse de Dohrn. L'étude du développement du corps thyroïde chez les Cyclostomes conduit à cette conclusion que l'organe folliculaire de l'adulte, de tous points comparable à celui des Sélaciens et des Vertébrés supérieurs, est le résidu atrophié d'un organe actif pendant la période larvaire. Son développement et sa structure rapprochent ce dernier de l'organe hypobranchial des Urochordes et des Céphalochordes. Jusqu'au jour où Dohrn apportera d'autres preuves que celles qu'il a fournies jusqu'ici à l'appui de son hypothèse, nous considérerons le corps thyroïde comme un organe rudimentaire issu d'un organe hypobranchial. Dans notre opinion, l'organe larvaire de l'Am- mocète est homologue à la bande hypobranchiale des formes ancestrales des Chordés, dans le même sens et dans les mêmes limites que la bande hypobranchiale de l'Amphioxus. Nous reconnaissons volontiers que notre manière de voir n'a, elle aussi, d'autre valeur que celle qu'il faut accorder à des hypo- thèses; elle diifère de celle de W. Millier en ce que poiu' nous les formes ancestrales, d'où sont issus les Chordés et aux- quelles nous donnons le nom de Protochordes, étaient moins semblables aux Tuniciers qu'aux Céphalochordes ; c'étaient des organismes segmentés, constitués à la façon des jeunes larves d'Amphioxus, présentant par conséquent des analogies avec les vers annelés et les Archiannélides en particulier. 454 ED. VAN BEINEDEN ET CH. JULIN. Ces Protochordes présentaient, dans leur vésicule mésentérique préchordale, une bande hypobranchiale, glandulaire. C'est cet organe primitif siégeant dans la partie tout-à-fait antérieure du tube digestif qui, tout en se modifiant suivant des voies différentes, a donné origine à la gouttière hypobranchiale des Tuniciers, à la bande hypobranchiale de l'Amphioxus et à l'organe thyroïde des Cyclostomes et des autres Vertébrés. Telle est, dans notre opinion, l'hypothèse qui se concilie le mieux avec l'ensemble des faits anatomiques et embryologi- ques actuellement connus. V event des Sélaciens, la gouttière pseudohrancliiale des Cyclostomes et le sillon péricoronal des Tuniciers. Dohrn a confirmé, dans ses études récentes sur le dévelop- pement des Cyclostomes, la découverte, faite par Schneider, de l'existence, chez la larve Ammocète, de deux gouttières latérales ciliées, montant sur les faces latérales du mésentéron branchial, en arrière du velum, en avant des fentes bran- chiales de la première paire. En poursuivant ces sillons il les a vus se prolonger en arrière et en bas jusqu'à l'entrée de la glande hypobranchiale et se continuer l'une et l'autre, à la voûte de la cavité branchiale, aux côtés d'un repli médian, antéro-postérieur, de la muqueuse de cette cavité. A. Schneider qui le premier a fait connaître ces organes les décrit un peu différemment ; " Auf der Bauchseite beginnt am Eingange des Magens, in der Mittellinie eine wirpernde Rinne, welche bis zum Eingange der Thyreoidea zieht, dann sich theilt und rechts und links von der mittleren Kante bis vor die erste Kiemenspalte verlaiift. Parallel dem Vorder- rande derselben steigen beide Rinnen bis zur Rlickenlinie, dort werden dieselben flach und ziehen nun als Wimperschuur an den beiden Seiten der ober beschriebenen dorsalen Kante in geringer Entfernung von deren freiem Rande bis zum Eingang des Magens der Kiemenhôhle. An jedem Kiemeu- bogen zweigt sich von den oberen Wimperschniii'en je ein RECHERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 455 Wimperschniir ab, welche auf dem vorderen Saum jedes Ivienieubogens nach unten zieht, oline dass, wie ich aus- driicklicli bemerke, eine Verbindiin^ dieser quereu Wimper- schniire mit deu vertralen Wimperrinnen stattfiiidet. „ Dohni décrit comme Schneider la partie de ces sillons ciliaires qui est située en avant de l'orifice thyroïdien et les bandes ciliaires qui régnent à la voûte de la cavité bran- chiale; mais tandis que Schneider fait aboutir les sillons latéraux que Dorhn appelle sillons pseudobranchiaux à une gouttière unique et médiane qui se prolongerait jusqu'à l'entrée de l'estomac, Dohrn fait déboucher les deux sillons latéraux dans l'orifice de la glande thyroïde et il ne dit mot de l'extension de ces organes, confondus en un sillon unique, en arrière de cet orifice. Il est singulier que Dolii-n ne signale pas ces divergences entre sa description et celle de Schneider, et qu'il nous laisse dans le doute sur l'existence ou la non-existence de la partie de l'appareil située en arrière de l'orifice. Cette partie existe-t-elle ou n'existe-t-elle pas? Nous en sommes réduits, après le travail de Dohrn, à nous poser cette question sans pouvoir la résoudre. Cependant il semble résulter d'un passage de son mémoire que, lui aussi, admet une prolongation des gouttières ciliaires latérales en arrière de l'orifice. Nous trouvons en effet à la page 55 " Ich habe der Ent- wicklung dieser beiderseitigen Wimperrinnen besondere Theil- uahme geschenckt, und kann mit grosster Bestimmtheit aussprechen, dass der, vor der Miindung gelegene Theil derselben der letzte Rest der vordersten, blinden Kiemen- tasche ist, welche nicht zum Durchbruch gelangt. „ Le mot vor est impi'imé en italique par l'auteur lui-même. Il semble que nous devons en conclure qu'une partie des " Wimper- rinnen „ se trouve en arrière de l'orifice. S'il en est ainsi, il est regrettable que Dohrn ne nous ait pas appris ce qu'il faut croire de l'affirmation de A. Schneider, qui fait abouth- les sillons latéraux non pas à l'orifice thyroïdien mais au sillon unique et médian situé en arrière de cet orifice. 456 ED. VA^ BENEDEN ET Cil. JULIN. Schneider a-t-il bien où mal observé? Il est à regretter que Dohru ne soit pas explicite sur ce point qu'il importerait d'élucider. Si Schneider a bien observé, il est évident que les rapports anatomiques entre ce système de gouttières ciliaires et l'organe thyroïdien de l'Ammocète sont assez différents de ceux qu'af- fecte la gouttière péricoronale des Ascidiens avec l'endostyle. Dohrn a constaté la présence, dans les jeunes larves de Pétromyzon, d'une paii'e de diverticules branchiaux en avant de ceux qui donnent naissance à la première paire des fentes branchiales de l'adulte. Ces diverticules (première paire) ne s'ouvrent jamais à l'extérieur. Huxley avait déjà vu qu'il existe en arrière du velum, de chaque côté du corps une dépression, et même il avait réussi quelquefois, en introdui- sant une soie dans une de ces dépressions, à la faire passer à l'extérieur. Il en avait conclu à l'existence, chez l'Ammocète, d'une paire d'organes rudimentaires homologues de l'évent des poissons Sélaciens. Dohrn nie l'existence de ces orifices ; mais tandis que Scott qui décrit lui aussi huit paires d'ébauches branchiales, sou- tient la disparition complète de la première paii-e de diver- ticules, qu'il considère comme homologues des events des Sélaciens, Dohrn assure que ces diverticules donnent nais- sance aux sillons ciliés latéraux de l'Ammocète, qui siègent en avant de l'orifice thyroïdien et aboutissent à cet orifice : " Auf Sagittal, Frontal und Querschnitten lâsst sich die Umwandlung dieser vordersten, der Spritzlochspalte der Selachier gleich zu setzenden Kiementasche in die hier beschriebene Wimperrinne mit vollkommener Sicherheit beobachten. „ Il y a lieu de faire remarquer qu'aucune figure démontrant cette transformation n'a été produite, qu'aucune des coupes, SUI* lesquelles l'auteur a fondé son opinion, n'est décrite et que . l'on en est réduit, par conséquent à croire l'auteur sur parole relativement au rapprochement qu'il établit entre ces sillons latéraux de l'Ammocète et les ébauches pseudobranchiales de la jeune larve. RECHERCFIES SIR LA MORIMlOLOGIE DES TUNICIERS. 457 Quand donc Dohra affirme d'une part I'homologie entre les gouttières ciliées latérales des Cyclostomes et l'évent des Sélaciens, d'autre part riiomolog-ie entre ces formations qu'il appelle gouttières pseudo-branchiales et la gouttière péricoro- nale des Tuniciers, il est possible qu'il ait raison, mais il nous sera permis de dii^e que la preuve fait défaut. Si les observations de Schneider sont exactes, il nous paraît évident que le système des sillons et des bandes ciliaii'es de l'Ammocête n'est nullement comparable au sillon péricoronal des Tuniciers. D'une part il s'agit d'une forma- tion mi-médiane, mi-latérale, mi-ventrale, mi-dorsale, intéres- sant toute l'étendue du mésenteron branchial, et n'affectant que des rapports éloignés avec l'orifice du corps thyroïde; d'autre part, d'un organe exclusivement latéral, s'ouvrant dans la gouttière hypobranchiale, et siégeant exclusivement à la limite antérieure de la cavité respiratoire. Le repli médio- dorsal de la muqueuse brancliiale, sur les faces latérales duquel s'étendent des bandes ciliaires, se continuant en avant avec les sillons pseudo-branchiaux chez l'Ammocête, ne peut être comparé, à notre avis, aux dépendances médio-dorsales de la muqueuse branchiale des Tuniciers. Chez les formes les plus primitives des Ascidiens, chez Clavelina, Giona, Rhopalœa, Ecteinascidia, Corella et d'autres, au lieu d'un repli continu de la muqueuse, tel qu'on le trouve chez les Ascidies simples les plus spécialisées, on ne trouve qu'une série de languettes, indépendantes les unes des autres; cette formation n'est en rien comparable au repli médian, que Schneider a le premier décrit chez l'Ammocête. Il est facile de démontrer que le repli médio-dorsal du sac branchial des Ascidies les plus spécialisées est une formation secondau'e procédant de ces languettes primitivement indépendantes les unes des autres. Nous doutons fortement, quant à nous, de l'homologie sup- posée entre les diverticules branchiaux de la première paire chez l'Ammocête, les events des Sélaciens et les pseudo- branchies des Ganoïdes et des Téléostéens. Il est possible 458 ED. VAN BENEDEN ET CH. JULIN. cependant que l'avenir démontrera tout le bien fondé de cette opinion. Loin de nous aussi l'intention de révoquer en doute l'affirmation de Dohrn, quant à l'existence de sillons dits pseudo-branchiaux chez l'Ammocète. Nous nous bornons à dire : Dohrn n'a pas plus démontré que le sillon péricoronal des Tuniciers et des Lamproies est homologue des events et de la pseudo-branchie des poissons, qu'il n'a établi que les organes thyroïdes et hypobranchiaux dériveîit d'une paire de fentes branchiales, dont l'existence elle-même n'est que sup- posée. Et comme toute la prétendue démonstration de l'hypothèse, en vertu de laquelle les Tuniciers seraient des poissons dégénérés, repose exclusivement jusqu'ici sur ces deux donnéeS; nous concluons en disant qu'à notre avis, aujourd'hui comme avant la publication de la VIII^ étude, l'opinion de Dohrn doit être considérée comme une hypothèse purement gratuite. De la place qui revient aiix Tuniciers dans la classiflcatio7i du règne animal. Au point de vue systématique trois conclusions nous parais- sent ressortir avec évidence de l'ensemble des données anato- miques et embryologiques que l'on possède actuellement : 1° Les Tuniciers, les Céphalochordes et les Vertébrés pré- sentent un ensemble de caractères communs, qui justifient pleinement leur réunion dans un embranchement unique, auquel le nom de Chordés (Chordata) peut-être utilement appliqué. 2° Les Tuniciers sont issus, comme les Céphalochordes et les Vertébrés, d'animaux enterocéliens segmentés, présentant une organisation comparable à celle des Vers annelés les plus primitifs, tels que les Archiann elides. Il est probable que des organismes assez semblables aux Protodriles actuels, mais pourvus d'une corde dorsale et présentant dans la partie antérieure de leur tube digestif des diverticules latéraux RECHERCHES SLR LA MORPHOLOGIE DES TLNICIERS. 459 pairs servant à la respiration, diverticules dont ou peut se faire une idée si l'on se rappelle les formations semblables, que Eisig a signalées chez de vrais Anuélides, ont été la souche commune de tous les Chordés. Chez ces organismes hypothétiques, auxquels nous donnons le nom de Protochordes (Protochordata) la partie postérieure du tronc s'est adaptée plus spécialement à la fonction de locomotion : en même temps la partie caudale du tube digestif ancestral a subi une atro- phie progressive et les fonctions végétatives se sont localisées dans la partie antérieure du tronc. Cette transformation d'une partie du corps segmenté des ancêtres vermiformes a atteint tout le tronc sauf l'extrémité céphalique et le premier segment du corps chez les formes, dont sont issus les Urochordes. Elle n'a intéressé qu'une portion beaucoup moins considérable du tronc chez les Céphalochordes et les Vertébrés. S" Les affinités entre les Urochordes et les Céphalochordes sont manifestement plus étroites qu'entre l'un ou l'autre de ces groupes et les Vertébrés. Nous pouvons formuler graphique- ment ces conclusions sous la forme ci-dessous. Vertebrata Cephalochordala Urochordaia Annulala Protochordata Protaunulaia 460 ED. VAN BENEDEN ET CH. JULTN. EXPLICATION DES PLANCHES. ABREVIATIONS. C. = cavité de l'ovaire. C. br. ou C. B. = cavité branchiale. C. card. =■ cavité cardiaque. C. conj. = cellule conjonctive. Cd. = canal déférent. C ep. = cul-de-sac épicardique. '-'" Ch. = chorde dorsale. Cl. st. = cloison stoloniale. C. perì). = cavité péribranchiale. C. pér. = cavité péricardique. E. G. = ébauche génitale. E. Int. = ébauche de l'intestin. e. 0. = enveloppe ovulaire. Ep. = épiderme. Eph. = epithelium péribranchial. Epe. = épicarde. Ep.perh.,o\\ Ep. per. = épiblaste péribranchial. E. ou Est. = estomac. fi, fu, fin, fi\, fv. = follicules ovariens. . . /m. = follicule mûr. ^S^'^'^'^G. H. = gouttière hypobranchiale. G. I. ou Gl. Int. = glande intestinale. Hyp. = organe hypophysaire ou hypoganglionnaire. Hyp. per. = hypoblaste péribranchial. I. ou Int. = intestin. M. = plaque musculaire latérale. Mescli. = mesenchyme. RIÌCHERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 461 Mesa. = mésoderme. 0. = ovaire. Œs. ou Œ. = œsophage. Or. epe. = orifice épicardique. OT. = ovotestis. Ov. = oviducte. pc. = procarde. pc. dr. = organe procardique droit. p. car. = paroi du cœur. p'. = pédicule d'un follicule ovarien. S. ép. = sac épicardique. S. N. = système nerveux central. S.pe. = sac péricardique. T. =- testicule. T. ep. = tube épicardique. Planche VII. — Clavelina Rissoana. Les figures la, 16, le, Id et le représentent une série d'images fournies par une même Gastrula un peu plus avancée dans son déve- loppement que celle représentée par nous, dans ces mêmes Archives, t. V, planche VIII, figure 11, lia, 11&, lie et lld. Ch. cl. obj. 5. Hartn. Fig. la. L'embryon vu de dos; ectoderme de la face dorsale de la larve; blastopore encore largement ouvert et entouré de la plaque médullaire. Pig. Ih. Coupe optique horizontale plus profonde, montrant l'ébauche commune de la chorde dorsale et du mésoblaste. Fig. le. Coupe optique sagittale et à peu près médiane. Fig. Id. Coupe optique transversale en avant du blastopore. Fig. le. Coupe optique transversale au niveau du blastopore. Les numéros des figures la, Ih et le, se rapportent aux mêmes cellules dans les trois images. Les figures 2a, 2& et 2c représentent une seule et même larve examinée dans différentes positions, et un peu plus avancée dans 30 462 ED. VAN BENEDEN ET GH. JLLIN. son développement que la précédente. Blastopore presque nul. Même grossissement. Fig. 2a. La larve vue de dos à la surface. Fig. 26. Coupe optique horizontale sur un plan plus profond, de façon à montrer la plaque notochordale et l'ébauche du mésoblaste. Fig. 2c. Coupe optique sagittale et à peu près médiane. Fig. 2d représente une coupe réelle d'une autre larve du même âge. Cette coupe parfaitement transversale passe en avant du blastopore. Ch. cl. obj. B. Zeiss. Fig. Sa. Coupe optique sagittale et médiane d'une larve, dont la gouttière médullaire est déjà fermée en arrière et trans- formée en un canal. Ch. cl. obj. 5. Hartn. Fig. Sh. Une autre larve du même âge, vue par transparence du côté du dos. A la surface nous avons indiqué par une ligne foncée les limites du système nerveux central (canal et gouttière médullaires). Plus profondément on voit en coupe optique horizontale la notochorde et l'ébauche du mésoblaste. Enfin plus profondément encore, un trait plus mince indique la limite interne de la cavité digestive. Même grossissement. Planche VIII. — Clavelina Rissoana. Les figures 36, 3c, Sd, Se, Sf et Sg représentent des coupes réelles transversales et un peu obliques pratiquées à travers une seule et même larve du même âge que celle repré- sentée planche VII, figure Sh et figure Sa. Cette larve a été débitée en 23 coupes : 36 est la 8^ de la série, 3c la 11«, Sd la 13% Se la 15% Sf la 16» et Sg la 18«. Ch. cl. obj, 5. Hartn. Les figures 4a et 46 représentent une même larve, un peu plus avancée dans son développement. Ch. cl. obj. 5. Hartn. Fig. 4a. Larve vue de profil. Le dessin représente la coupe sagittale optique de la larve; le mésoblaste est projeté sur cette coupe. Fig. 46. La même, vue de dos. Le contour du système nerveux est indiqué. Il se projette en avant sur le tube digestif, en RECHERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 463 arrière sur la notochorde, dont les cellules sont dessinées. Sur les côtés se voit le mésoderme, formé en avant de petites cellules polyédriques, en arrière de grandes cellules. Les figures 4c, Ad, 4e, 4/" et 4g représentent des coupes réelles transversales d'une larve du même âge. Ces coupes sont légèrement obliques. 4c représente la 13^ coupe, 4(i la 14», 4e la 15", 4/" la 16^ et 4g la 18« de la série. Ch. cl. obj. 5. Hartn. Fig. Ae. Hyp = cellules hypoblastiques. La figure 5a représente une larve un peu plus avancée que la précé- dente et vue de profil en coupe optique sagittale; le mésoblaste est projeté comme dans la fig. 4a. Ch. cl. obj. 5 Hartn. Fig. bh. La même larve vue de dos. La partie terminale de la queue, recourbée en bas n'a pu être représentée. Même gros- sissement. Les figures 5c, hd, 5e, bf et hg représentent des coupes ti*ansver- sales successives d'une larve un peu plus âgée que celle figurée en 5a et bh. La figure 5c représente la 3^ coupe, bd la 8e, 5e la 11«, bf la 12^ et bg la Ib^ de la série. Dans la figure 5e, la queue de la larve est coupée transversalement tout près de son extrémité. Ch. cl. Même grossissement. Planche IX. — Clavelina Rissoana. Fig. 1. Coupe optique transversale, pratiquée au niveau des ébau- ches cloacales chez une larve très jeune, chez laquelle les organes de sens pigmentés n'ont pas encore apparu dans la vésicule cérébrale. Les figures 2a, 2&, 2c et 2cZ, représentent une série de coupes trans- versales réelles d'une larve un peu plus âgée que la précédente. Chez cette larve les vésicules dites cloa- cales sont conptituées, mais ne communiquent pas encore avec la cavité branchiale : la fente branchiale n'est pas encore ouverte. Les deux organes de sens pigmentés ont déjà apparu dans la vésicule cérébrale. Le diverticule 464 ED. VAN BENEDEN ET CH. JILIN. hypophy saire a déjà pris naissance, fig. 2a Hyp. Ces figures montrent la double ébauche du cœur (cylindres procardi ques). Les figures 3a, 3&, 3c, M et 3e représentent des coupes transver- sales réelles pratiquées à travers une même larve, plus avancée dans son développement : les vésicules dites cloacales communiquent déjà par deux orifices distincts avec la cavité branchiale. Ch. cl. obj. 5. Hartn. Les figures 4a, 46, 4c, M et 4e représentent cinq coupes transver- sales dune larve pourvue de quatre orifices stigmati- ques. Même grossissement. Planche X. Les figures la, Ih, le, \d, le, If et Ig représentent des coupes transversales pratiquées à travers une larve de Clavelina Rissoana, en voie de transformation. La figure la est la 1", 16 la 3e, le la 4% Id la 6^, le la 9», If la 27e et Ig la 32» de la série figurée. Fig. 2. Clavelina Rissoana. Portion de la paroi du cœur, (feuillet viscéral du péricarde) étalée et examinée par transpa- rence. Ch. cl. 1/10 Imm. homogène Hartnack. La stria- tion transversale n'est figurée que sur un seul élément. Fig. 3a. Clavelina Rissoana. Idem. Même gross*. La striation trans- versale est peu marquée; la striation longitudinale est au contraire plus nettement accusée. Fig. 36. Clavelina Rissoana. Coupe transversale de la paroi du cœur. Ch. cl. obj. 8 de Hartn. Fig. A^A. Corella parallelogramma. Portion de la paroi du cœur étalée et examinée par transparence. Ch. cl. 1/10 Imm. hom. de Hartn. Fig. 45. Corella parallelogramma. La même, en coupe transversale. Fig. 5a. Salpa pinnata. Portion de la paroi du cœur vue par trans- parence. Ch. cl. obj. 8 de Hartn. Fig. 56. Salpa pinnata. Coupe longitudinale de la même. Même grossissement. Fig. 6a. Salpa pinnata. Portion du péricarde examinée par trans- parence. Même gross*-. Fig. 66. Salpa pinnata. Le même en coupe optique. Même gross*. RECHERCHES SIR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 465 Planche XI. — Glavelina Rissoana. Les figures 1 à 12 représentent des coupes transversales pratiquées à travers un jeune bourgeon. La fig. 1 est la 9® de la série, la fig. 2 la 12e, la flg. 3 la 14^, la fig. 4 la 15", la fig. 5 la 22«, la fig. 6 la 24% la fig. 7 la 26e, la fig. 8 la 31e, la fig. 9 la 34e, la fig. 10 la 36% la fig. 11 la 39» et la fig. 12 la 43e. Planche XII. — Perophora Listeri. Les figures 1 à 8 représentent difi'érents stades successifs du déve- loppement des organes génitaux chez le bourgeon de Perophora Listeri, l'animal étant examiné par trans- parence. Planche XIII. — Phallusia scabroïdes. Les figures 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 9, 10 et 11 représentent différents stades du développement des organes génitaux chez la Phallusia scabroïdes. La figure 9 montre l'ébauche mésodermique commune de ces organes et le cordon génital; elle laisse voir en outre l'ébauche de la glande intestinale et plusieurs vésicules rénales en voie de développement. L'animal est examiné par transparence. La fig. 8 représente une vésicule rénale d'un individu plus développé. Planche XIV. — Phallusia scabroïdes. Fig. 1. Vue d'ensemble d'un jeune individu montrant dans l'anse intestinale l'ébauche des glandes génitales et le cordon génital jusqu'au cloaque. Fig. 2. Coupe transversale réelle pratiquée à travers un individu jeune et montrant la position de l'ébauche génitale par rapport aux autres organes et à l'épiderme. 466 ED. VAN BENEDEN ET Cfl. JULIN. Fig. 3, 4, 5, 6 et 7. Stades ultérieurs du développement des organes génitaux, examinés par transparence, l'animal étant placé dans la position représentée fig. 1. Mode de forma- tion des lobules testiculaires et ovariens. Planche XV. — Clavelina Rissoana. Les figures 1 à 7 représentent une série de coupes transversales pratiquées à travers un bourgeon un peu plus âgé que celui représenté planche XI. La fig. 1 étant la l""» de la série figurée, la fig. 2 est la 5^, la fig. 3 la 7^, la fig. 4 la lie, la fig. 5 la 13% la fig. 6 la 17^ et la fig. 7 la 20e. Ch. cl. obi. B. de Zeiss. Fig. 8, 9 et 10. Fragments de coupes transversales à travers le même bourgeon, et montrant l'ébauche sexuelle dans ses rapports avec le système nerveux central. La fig. 8 représente l'ébauche sexuelle près de son extrémité antérieure ; la fig. 9 vers son milieu et la fig. 10 montre le fond de la vésicule. Ch. cl. obj. D. de Zeiss. Fig. 11, 12 et 13. Coupes transversales de l'ébauche sexuelle d'un bourgeon un peu plus avancé, dans ses rapports avec le système nerveux central. Ch. cl. de Zeiss. Fig. 14. Coupe transversale de l'organe génital femelle d'un indi- vidu adulte, montrant des oeufs à tous les états de développement. Ch. cl. obj. D. de Zeiss. Fig. lAhis. Portion plus fortement grossie d'une coupe semblable. Fig. 15, a, b, c, d, coupes transversales de faisceaux musculaires ; la fig. d est la coupe d'un faisceau provenant d'un bourgeon plus âgé que ceux qui ont fourni les coupes a, h, c. Ch. cl. 1/12. Imm. de Zeiss. Fig. 16. Idem. Même grossissement. Fig. 17. Coupe transversale pratiquée à travers l'une des saillies en forme de bouton, auxquelles aboutissent les muscles longitudinaux. On voit en m, les coupes transversales de quelques faisceaux musculaires longitudinaux, sec- tionnés tout près de leur extrémité postérieure. RECHERCHES SIR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS. 4B7 m', l'un de ces faisceaux coupé en un point de son étendue plus éloigné de son extrémité postérieure. Même gros- sissement. Planche XVI — Glavelina Rissoana. Perophora Listeri. Les figures la, Ib, le et Id représentent quatre des coupes trans- versales pratiquées à travers une larve jeune de Clave- line. Cette larve ne présentait pas encore dans sa vésicule cérébrale de trace de pigment sensoriel. Ces coupes montrent les rapports qu'affectent entre elles les différentes parties du tube digestif. Ch. cl. 4 Hartn. tube tiré; grossissement 196. Fig. la coupe au niveau des ébauches cloacales et intéressant l'estomac et le cœcum intestinal. Fig. lb coupe plus postérieure intéressant l'estomac. Fig. le coupe plus postérieure intéressant le fond du cul du tube digestif. Fig. Id coupe plus postérieure encore montrant le fond du cul-de- sac du tube digestif et le cordon subchordal. Les figures 2a, 2b, 2c, 2d et 2e, font partie d'une série de coupes transversales pratiquées à travers une larve plus âgée de Claveline, La fig. 2a représente la 22^ coupe de cette larve, la fig. 2b la 27^, la fig 2c la 30^, la fig. 2d la 33« et la fig. 2e la 36«. Cette série de coupes montre les rapports qu'affecte le cœcum intestinal avec l'estomac. Même grossissement. Les figures 3a, Sb, 3e, 3d et 3e représentent quelques coupes trans- versales d'un jeune bourgeon de Claveline. Ch. cl. obj. B. de Zeiss. Ces coupes montrent les rapports qu'affec- tent entre eux, à ce stade, le sac péricardique et le tube épicardique. Fig. 4. Vue d'ensemble du tube digestif, des glandes génitales et de la glande intestinale chez un bourgeon de Pérophore adulte. Grossissement 80. • Fig. 5a et 56. Coupes transversales pratiquées au niveau de l'ébauche des organes sexuels chez un bourgeon de Pérophore. Ch. cl. D. Zeiss. 468 El). VAN BENEDEN ET CH, JULIN. Fig. 6a et 66. Coupes transversales pratiquées à travers l'ébauche génitale d'un bourgeon de Pérophore un peu plus avancé dans son développement. Ch. cl. F. Zeiss. Fig. 7. L'oviducte et le canal déférent de Peropiiora Listeri, examinés par transparence sur le vivant. Ch. cl. 1/18 Imm. de Zeiss. L'on voit sur une partie de l'étendue de l'oviducte des fibrilles transversales, qui siègent dans la partie profonde de l'épithélium plat. L'épithélium cubique du canal déférent est cilié et l'on remarque dans la lumière de ce canal quelques corpuscules réfrin- gents. Enfin à la surface l'on distinguait une cellule conjonctive ramifiée, que nous avons figurée. Le présent mémoire était terminé et en partie déjà com- posé quand ont paru les IX® et X® études de Dolu-n. " Zur Urgeschichte des Wirherthierk'órpers „ intitulées respective- ment : " Die Bedeutimg der unyam-en Flosse filr die Beur- theilung der genealogischen Stellung der Tunicaten und des Amphioxus, und die Reste der Beckenflosse bei Petromyzon „ et " Znr Phylogenese des Wirhelthier auges. „ Dans sa IX® étude Dohrn complète les données qu'il a fournies antérieurement en ce qui concerne la portion respi- ratoire du tube digestif de l'Ammocète. Quelqu'intéressantes que soient les observations complémentaires que relate cette étude et à supposer même que l'on soit justifié à admettre les rapprochements que Dolirn établit entre les bandes ciliées de l'Ammocète et les formations analogues dont il affirme l'existence chez les Ascidiens, il faut bien reconnaître que la IX« étude n'apporte aucun argument nouveau, ni en faveur de l'hypothèse d'après laquelle les gouttières, dites pseudobran- chiales des Ammocètes seraient homologues des events des Sélaciens, ni à l'appui de l'idée émise par Dohrn, quant à l'origine de la gouttière hypobranchiale des Tuniciers. Nous ne trouvons dans les dernières publications de Dohrn ni observation, ni considération qui nous engage à modifier eu RECHERCHES SIR LA MORPHOLOGIE DES TUNICIERS, 469 quoi que ce soit les opinions que nous avons développées dans le présent mémoire. Si réellement les gouttières et les bandes ciliées de la cavité branchiale de l'Ammocète ont la significa- tion que Dohrn leur attribue la parenté entre les Cyclostomes et les Tuniciers sera une fois de plus démontrée. Mais en quoi en résulterait-il que les Tuniciers dérivent des poissons ? Il en serait tout autrement si de nouveaux arguments étaient produits pour établir que le corps thyroïde est le reste d'une paù-e de fentes branchiales ou que les gouttières dites pseudobranchiales des Cyclostomes sont homologues aux events des Sélaciens. Dans sa VIII^ étude Dohi-u a montré que les gouttières dites pseudobrancliiales de l'Ammocète débouchent dans l'entrée du corps thyroïde. Mais il ne dit rien de la gouttière ciliée médio-ventrale, qui continue en arrière l'orifice thyroïdien, gouttière dont A. Schneider a le premier signalé l'existence. Nous avons mentionné plus haut cette omission. Dans sa IX® étude Dohrn comble cette lacune et la descrip- tion qu'il fournit est absolument conforme à celle qu'avait donnée A. Schneider. Seule la manière de voii* de Dohrn relativement à l'origine des gouttières dites pseudobranchiales et du corps thyroïde, difiëre de l'opinion soutenue par ses prédécesseurs. Nous avons fait plus haut toutes nos réserves relativement aux conclusions que Dohrn a cru pouvoii' tirer de ses recherches siu^ le déve- loppement de ces organes. Nous avons dit, qu'il ne nous parait nullement démontré, si l'on s'en rapporte aux figures et à la description de Dohrn : l'' que les gouttières pseudobranchiales dérivent en réalité des deux petits culs de sacs endodermiques, qui apparaissent, l'un à di'oite et l'autre à gauche de la ligne médiane, immédiatement en avant des diverticules endodermi- ques qui interviennent dans la formation de la f® fente bran- chiale définitive de l'Ammocète; ces culs de sacs Scott les avait déjà considérés comme homologues aux events des Sélaciens; 2° que la gouttière thyroïdienne primitive est le reste d'une paire de fentes branchiales ayant existé entre l'arc hyomandibulaire et l'arc hyoïdien. Nous ne croyons pas 470 ED. VAN BEINEDEN ET CH. JILIN. avoir à revenii- sur les critiques que nous avons formulées plus haut à cet égard. Depuis l'époque où le texte de notre mémoire a été envoyé à l'impression, nous avons fait une série de recherclies sui' le corps thyroïde, les gouttières dites pseudobranchiales et la gouttière médio-ventrale postérieure du sac branchial de l'Ammocète. Nos observations confirment entièrement la description qu'en ont donnée A. Schneider et Dohrn, et les images que nous avons obtenues sont identiques à celles qu'ont figurées ces deux auteurs. (PI. V et VI du mémoire de Schneider et pi. VI de la VHP étude de Dohrn.) Plus récemment, l'un de nous, Ch. Julin a entrepris des recherches comparatives sur l'innervation de l'appareil bran- chial des Sélaciens et des Cyclostomes, afin de vérifier si le mode d'innervation des difîerentes fentes branchiales est con- forme à ce qu'il devrait être, si l'hypothèse émise par Dohrn relativement à la valeur morphologique des gouttières dites pseudobranchiales et du corps thyroïde était exacte. Ces recherches feront l'objet d'un mémoire qui paraîtra incessamment; voici les conclusions qui rassortent de ces recherches. 1° Le nerf facial se comporte chez l'Ammocète, vis-à-vis de la première fente branchiale définitive, absolument comme le facial des Sélaciens vis-à-vis de l'évent {Scyllium catulus et Spinax acanthias). De même que chez les Sélaciens le nerf facial, comme l'ont décrit Gegenbaur (Hexandms) et Balfour {Pristiurus), se divise en deux branches dont l'une, la plus volumineuse passe en arrière de l'évent, l'autre, beaucoup moins considérable, en avant de cette fente, de même chez l'Ammocète le nerf facial fournit à la première fente bran- chiale deux branches : la postérieure plus importante se distribue en arrière de la fente, l'antérieure plus petite fournit en avant de cet organe. Il en résulte avec évidence que la première fente branchiale des Cyclostomes est homo- logue de l'évent des Sélaciens. 2° Chez l'Ammocète, le nerf glossopharyngien se comporte RECHERCHES SUR LA MORPHOLOGIE DES TDMCIERS. 471 vis-à-vis de la seconde fente hranchiale définitive de la même manière que le glossopharyngien des Sélaciens vis-à-vis de la première tente branchiale proprement dite de ces animaux. 3° Les nerfs branchiaux proprement dits se comportent chez l'Ammocète absolument de la même manière que chez les Sélaciens, conformément à la description qu'en a faite Gegenbaur chez Hexanchns. 4" Enfin, le corps thyroïde, chez un embryon de Spinax acanthias, au moment de la naissance, reçoit plusieurs paires de nerfs disposés métamériquement. La première paire de ces nerfs thyroïdiens est four?iie piar les deux yierfs glossopharyn- giens; la seconde paire, par les deux premiers nerfs brancJiiaux proprement dits. Nous ne pouvons encore affirmer d'une façon positive quel est le nombre de paires de nerfs thyroïdiens que reçoit le corps thyroïde; mais il y en a, à coup sûr, p)lus de deux, trois au moins. On le voit, ce mode d'innervation du corps thyroïde du Spinax acanthias est en désaccord complet avec la manière de voir soutenue par Dohrn relativement à la signification morphologique du corps thyroïde. Si l'on tient compte de l'innervation, il est clair, que le corps thyroïde ne représente nullement une paire de fentes branchiales transformées, mais qu'il dépend, comme le montre le développement chez l'Am- mocète, de plusieurs segments du corps. Si l'hypothèse de Dohrn était exacte, le corps thyroïde devrait être innervé par une paire unique de nerfs, qui prendi-aient naissance et chemineraient entre le facial et le glossopharyngien. Concluons. L'étude de l'innervation de l'appareil branchial et du corps thyroïde de l'Ammocète, des Cyclostomes et des Sélaciens, démontre à l'évidence 1° que la première fente branchiale définitive de l'Ammocète est homologue à l'évent des Sélaciens et que, par conséquent, il ne peut être question, ainsi que le soutient Dohrn, d'une homologie quelconque entre l'évent des Sélaciens et la gouttière dite pseudobranchiale de l'Ammo- cète; 2° que le corps thyroïde des Sélaciens ne peut être considéré comme une paire de fentes branchiales transformées. 472 ED. VAN BENEDEN ET CH. JULIIS, LITTERATURE. (I) Pander. Hist, metamorplioseos, quam ovum inciibatum prioribus qidnqiie diebus subit. (Wirceburgi, 1817.) — Beitr. z. Entwicklungsgesch. des Eulmchens im Eie. (Wiirzburg, 1817.) (2 K. E. VON Baer. Entwickelungsgeschichle der Thiere. Beobachtung und Re flexion. 1828-1837. (3) A. Agassiz. Embryology of (he Starfish. Contrib. to the natural History of the United States . Bd. V. (4) R. Leuckart. Veber die Morphologie und Verwandtschaftsverhaltnisse der wirbellosen Thiere. (Ein Beilrag zur Charaklerislik und Classification der Ihierischen Formen. Braunschweig, 1848 (5) Metschnikow. Studien fiber die Entw. der Medusen und Siphono- phoren. (Z. f. w. Z. Bd. XXIV, p. 13-83. 1874.) (6) Metschnikow. Studien iiber die Entw. der Echinodermen und Nemer- tinen. (Mém. Acad. S'-Pétersb. vn« Sér. T. XIV. 1869. n» 8. (7) KowALEWSKY. Entw. der Sagitta. (Mém. Acad. S'-Pétersb. VII" Sér. T. XVI, N«12, 1871.) (8) KOWALEWSKY. Entw. der Brachiopoden. Nachr. der Kais. Gesells. der Freunde der Natur. der Anthrop. u. Ethn. (Bd. XIV. Moscou, 1875, Russie). (9) BuTSCHr.i. Zur Entw. der Saqilta. (Z. f. w. Z. Bd. XXIII, p. 409-413, 1873 ) (10) Huxley. On the classification of the animal Kingdom. (Quart. J. of microsc. Se. vol. XV, p. 52-56, 1873.) (II) E. Ray Lankester. On the invaginate planula or diploblastic phase of Paludina vivipara. (12) F. E. Schulze. Ueber der Bau von Syncoryne Sarsii, Lovén, und der zugehorigene Meduse Sarsia tubulosa, Lesson. (Leipzig, 1873.) (13) F. M. Balfour. Early Stages in the development of Vertebrates. (Quart. J. of micr. Sc. vol. XV. p. 207-226, 1875.) (14) Idem. A monograph of the development of Elasmobranch Fishes. (London, 1878.) (15) A. KowALEWSKY. Weitcre Studien iiber die Entivicklungsgeschichte des Amphioxus lanceolatus. (Arch. f. micr. Anal. Bd. XHI, 1877.) (16) B. Hatschek. Vntersuchungen iiber die Entwick. des Amphioxus. (17) Huxley. The anatomy of invertebrated animals, 1877. (18).E. Ray Lankester. Notes on the Embryology and Classification of the animal Kingdom. (Quart. J. of micr. Sc. Vol. XVII, r. 399-454, 1877.) (19) F. M. Balfour. On the structure and homologies of the germinal layers of '.he embryo . (Quarterly journ. of micr. Sc. 1880.) (20) 0. Hertwig et R. Hertwig. Die Cœlomtheorie. (Jena, 1881.) (21) Claus. Die Typenlehrc und HaeckeCs sogeiiannte Gastrœatheorie. (Wien, 1874.) RECHERCHES SIR L\ \IOUPHÛL()l Par la même méthode, mais après l'action préalable de l'eau bouillante. (Pour les premiers stades du développement de Tegenaria domestica et les derniers stades du développe- ment de la Lycosa saccata). 4/ Par le bichromate de potasse à 2 °/o ou par la liqueur de Millier, pendant quelques jours; alcool à 93 degrés. (Pour les stades moyens du Pholcus phaUmgioides). Pour la confection des coupes, les objets, après coloration, ont été enrobés dans le savon de glycérine ou dans la paraf- fine. Comme agents colorants, j'ai employé le carmin ammo- niacal, le carmin boracique, le carmin aluné, l'hématoxyline; les coupes ont ensuite été montées dans le baume de Canada. Ces recherches ont été faites au laboratoire du Musée Zoologique de l'Université de Moscou. Qu'il me soit permis de remercier le chef du laboratoire, A. G. Bogdanofif des conseils et des indications qu'O ma donnés pendant la durée de mon travail. Nishny-Nowgorod 12, XII, 85. CHAPITRE I. ENVELOPPES l»E L'OEUF ; CONSTITUTION DE L'OEUF PONDU; PHÉNOMÈNES DE LA. segmentation; formation du Mésoderme. Ludwig et Balbiani ont démontré que l'enveloppe de l'œuf des Araignées peut être dissociée, sous l'mfiuence de l'action de l'acide acétique, en deux couches : la couche interne correspond à la membrane vitelline des autres Arthropodes et est due à une sécrétion de l'œuf même; la couche superficielle correspond au chorion des autres Arthropodes. J'ai constaté que, chez le Pholcus, les petits follicules ovariques sont pourvus ÉTUDE SUR LE DÉVELOPPEMENT DES ARAIGNÉES. 519 (Vune couche de cellules épithéliales, comme l'affirment Wittich et Lubbock (i) et qu'où peut attribuer à ces cellules un rôle dans la genèse du deutoplasme. Mais, dans les follicules plus développés, les cellules épithéliales ne sont plus visibles que dans les pédoncules. Il est donc difficile de considérer le chorion comme un produit de sécrétion de ces cellules, et il est bien plus probable qu'il représente une production des parois des oviductes. Les deux enveloppes sont tout-à-fait homogènes. Si l'on traite l'œuf pondu par une solution concentrée d'acide picrique, qui provoque le retrait des enveloppes, on observe facilement que les granules vitellins passent à travers ces enveloppes. Cette circonstance met hors de doute l'exis- tance, dans les enveloppes ovulaires, de pores étroits, que je n'ai pu cependant observer directement. Le chorion est tapissé, à l'extérieur, par une couche de corpuscules réfringents, solubles dans les alcools, comme le décrit Balbiani. D'après Sabatier, ces corpuscules sont dis- posés en un réseau, mais Ludwig leiu- attribue une autre dispo- sition, et j'ai pu constater que c'est la vraie. Cette disposition rappelle celle des cellules par lesquelles ces corpuscules sont sécrétés. Les corpuscules qui correspondent aux faces internes des cellules sont plus rapprochés du chorion, tandis que les corpuscules qui correspondent aux limites cellulaires sont un peu éloignés de ce dernier. Ludwig suppose que ces corpus- cules sont un produit de sécrétion de la couche épithéliale des oviductes, dans laquelle aucun auteur n'a pu voir de limites cellulaires, et qui consiste en une masse protoplasmique ren- fermant des noyaux. Ludwig admet l'existence, dans la couche épithéliale des oviductes, de territoires cellulaires bien délimités. En réalité, la division de la couche épithéliale des oviductes en territoires cellulaires n'existe pas et les corpuscules sont, en grande partie, une production des cellules (i) Lubbock. On the generative organs and on the formation of the Egg in the Anniilusa. Philos. Trans, v. CLI, 1862. ScHiMKEwiTSCH. Étude sur l'anatomie de CE péire. Ann. de Se. Nal. 188-i. 520 WLADIMIR SCIIIMKEWITSCH. épithéliales d'un organe spécial, que j'ai nommé l'utérus. Les limites des cellules épithéliales de la paroi utérine sont bien marquées, et la cavité utérine est remplie de corpuscules réfringents. L'œuf, pendant son passage à travers l'utérus, remplit toute la cavité de cet organe et s'enveloppe d'une couche de corpuscules. Le dessin résultant de la disposition de ces corpuscules donne l'impression des cellules épithéliales utérines elles mêmes. Comme les orifices externes des récep- tacles des Araignées servent à recevoir le sperme, les orifices internes, par lesquels les réceptacles s'ouvrent dans le vagin, servent à féconder les œufs pendant leur passage à travers ce conduit. En même temps, la glande impaire qui s'ouvre sur la paroi antérieure du vagin produit un liquide, lequel sert à agglutmer les œufs en cocons. Les glandes tubuliformes de l'Epéire, qui n'existent pas chez les mâles, servent à filer les cocons. Des glandes semblables sont décrites par Mitrophanoif (i) chez les femelles de l'Argyronète aquatique. Quant à la constitution de l'œut pondu des Araignées, il existe, dans la littérature zoologique, deux opinions contradic- toires. D'après l'une (Claparède, Salensky, Barrois, Ludwig), l'œuf est formé une masse protoplasmatique, dans laquelle sont englobés des granules vitellins; d'après l'autre (Balbiani, Sabatier), la masse vitelline serait divisée en deux couches, l'une centrale, l'autre périphérique; la dernière seulement serait plastique ou formative. D'après Balbiani la vésicule embryogène ou le " Dotterkern „ des auteurs allemands, se trouverait logée dans cette dernière couche, jouerait un rôle des plus im- portants pendant la segmentation et persisterait jusqu'à l'éclo- sion de la Tégénaire. Dans la couche centrale est placé la vésicule de Purkiuje, qui disparaît sans laisser de trace avant la segmentation. Il est à remarquer que Ludwig admet lui (t) Sur l'Anat. de L'Argyronète aquatique. Mém. de la Soc. linpér. des amis des Se. Nat. t. XXXVIl, !■•« édil. ÉTUDE SUR LE DÉVELOPPEMENT DES ARAKJNÉES. 521 aussi la disparition de la vésicule de Purkiuje. Mes propres observations m'ont démontré : 1/ Que la subdivision de la masse plasmatique de l'œuf en deux couches n'existe point, quoique, sous l'enveloppe vitelline, on observe facilement une accumulation périphérique de pro- toplasme, déjà remarquée par Claparède et par Barrois; 2/ Que le " Dotterkeru „ ne se rencontre jamais dans l'œuf pondu. Je crois que la signification de cette formation a été suffisamment discutée par Schiltz(i) pour qu'il soit inutile de revenir sur ce point. 3/ Que la vésicule germinative ne disparaît pas. J'ai eu la chance de rencontrer un œuf non segmenté du Pholcus phalcmgioides (pi. XX, fig. 8) ; dans son intérieui', j'ai observé un amas protoplasmique à contour irrégulier, placé un peu excentriquement et contenant la vésicule germinative ; sa chromatine est disséminée et on ne constate pas la présence d'une tache germinative (f). D'après moi, l'œuf des Araignées peut être avantageusement comparé à une Noctiluque. La couche plasmatique pariétale de la Noctiluque correspond à la couche sous-jacente à la membrane vitelline de l'œuf; le plasma péri- nucléah'e de la Xoctiluque doit être comparé au plasma central de l'œuf, entourant la vésicule germinative; les rayons plasmatiques, qui s'étendent du plasme périnucléaire au plasnie pariétal, sont comparables au réseau plasmatique de l'œuf, dans les mailles duquel sont logés les granules vitellins. Salensky décrit, chez la Clubione, trois formes de globules vitellins : 1/ Des granules à contenu homogène; 2/ Des granules qui contieiuient des corpuscules arrondis réfringents ; (i) ScHûTZ. Ueber den BoUerhern, dessen Entsteilung, Slructiir, Vorkom- men und BedeiUung, 1882. (2) Les œufs des Araignées, alors qu'ils sont encore dans l'ovaire, possè- denl une vésicule germinalive avec un nucléole inonlranl une cavile dans son intérieur '^22 ^v^AUT^^R sciiniKEWiTscn. 3/ Des granules à contenu finement granuleux. Les globules de la V^ forme se transforment, d'après Salensk}^, en ceux de la 2™« forme et ces derniers en globules de la 3'"'' forme; aux dépens de ceux ci se développent les cellules blastodermiques. Je n'ai jamais rencontré, chez les genres que j'ai eu l'occasion d'étudier {Epeira, Tegenaria, Pholcus, Lycosa), de globules de la 2'°« forme. Ceux de la 3me fornie ne se rencontrent que dans les œufs segmentés et représentent les amas protoplasmatiques des segments. Dans ces globules, on peut facilement observer des noyaux clairs. Ainsi tous les globules vitellins des œufs des Araignées sont uniformément homogènes et ne diiîèrent entre eux que par leur grandeur relative. Mais dans l'œuf du Pholcus phalancjioidesy traité par l'acide chromique, les globules vitellins présentent des formes diverses (pi. XX, flg. 8) : 1/ Les uns, après coloration par l'hématoxyline, restent homogènes ; 2/ Les autres deviennent granuleux; 3/ Les troisièmes renferment de nombreuses vacuoles; ces derniers se trouvent en abondance autour de l'amas plasmique central. Par conséquent, il faut admettre que les globules vitellins subissent une modification chimique sous l'influence de l'amas protoplasmatique central, et qu'ils deviennent capables de donner naissance à des vacuoles sous l'influence de l'acide chromique. En ce qui concerne la segmentation des œufs des Araignées, il y a deux opinions en présence : Claparède, Balbiani et Sabatier la comparent à la segmentation superficielle, tandis que Ludwig la regarde comme une segmentation totale. Balbiani et Sabatier (i) affirment que la couche superficielle se divise, indépendamment de la masse vitelline de l'œuf, eu champs polygonaux, nommés champs germinatifs par le premier (i) La communicalion de Sabalicr, bien que postérieure de cincj années aux recherches de Ludwig, est, à mon sens, en relard sur ces dernières. ÉTUDE SUR LE DÉVELOPPEMENT DES ARAIGNÉES. 523 auteur. Puis, sous la couche superficielle, apparaissent des noyaux, entourés de protoplasme granuleux. Comme les champs germinatifs sont beaucoup plus nombreux que ces noyaux ils se soudent et se fusioimeut de manière à former, autour de chaque noyau, un territoire cellulaire bien circonscrit. Ainsi se forment des cellules blastodermiques. D'après Sabatier, les globules vitellins, sous l'influence de l'activité des amas granuleux entourant les noyaux, se dispo- sent, autour de ces derniers, sous forme d'étoiles ou de rosettes. Alors commence la division des noyaux et des amas granu- leux qui les entourent; cette division provoque celle des rosettes vitellines. Enfin les rosettes cessent d'être distinctes et les amas plasmatiques forment des cellules blastodermiques. Cet auteur compare l'œuf des Araignées à un œuf méroblastique à plusieurs cicatricules. Nous avons vu qu'il n'existe pas de couche superficielle indépendante ; il est fort probable que Balbiani à pris les dessins formés par les corpuscules, superposés au chorion, pour les champs polygonaux de la couche superficielle. Comme le remarque Ludwig, aucun auteur français n'explique l'apparition des noyaux sous la couche superficielle. Aujourd'hui nous pou- vons nier à priori l'apparition spontanée de cellules et de noyaux. Ni Balbiani, ni Sabatier ne signalent l'existence de noyaux dans le vitellus; Barrois et Balfour ont fait connaître l'existence de semblables noyaux. D'après Ludwig, l'œuf du Philodromiis Umbatus renferme., dans son intérieur, un amas protoplasmique, dans lequel, après la disparition de la vésicule germinative, se forme le noyau de segmentation. Les granules vitellins se disposent radiairement autour de cette masse et se groupent en colonnes (Deutoplasmasâulen). De là résulte la formation d'un» rosette. La division du noyau et de l'amas qui l'entoure, en 2, puis en 4, 8, 16... provoque la division de la rosette vitelline. Dans les premieres phases de la segmentation, les amas périnucléaires se trouvent à l'intérieur des rosettes vitellines; mais, pendant la durée de la segmentation, ils se ò2i AYLAI)r.>JIR SCIIBIKENVITSCH. portent vei-s l'extérieur. Les rosette prennent une forme pyramidale et, de chaque pyramide, se détache un amas protoplasmatique avec noyau, donnant ainsi naissance à une cellule blastodermique. Nous avons vu que la vésicule germinative ne disparaît pas. Les noyaux des segments doivent être regardés comme les descendants de cette vésicule. Si tous les éléments cellulaires se séparent du vitellus, comment faut-il expliquer l'apparition des noyaux endodermiques? J'ai observé la segmentation de l'œuf chez la Tégénaire domestique. Je n'ai pas vu la phase de la division en deux, mais bien la phase transitoire entre celle-ci et la division en quatre segments, puis les divisions en huit et en seize seg- ments. Comme le décrit Ludwig, pendant ces stades, les segments, vus de l'extérieur, présentent la forme de roset- tes; les spherules vitellines sont disposées en colonnes; mais elles ne se soudent jamais entre elles, et restent bien délimi- tées. Les spherules périphériques et internes restent arrondies, tandis que, sur le reste du trajet de la colonne, elles s'allon- gent dans le sens de l'axe longitudinal de cette dernière. La confection de coupes d'œufs d'Araignées en voie de seg- mentation présente de sérieuses difficultés ; en effet, si, dans ces conditions, on débarasse l'œuf de ses enveloppes, les segments s'isolent et l'œuf subit en même temps une certaine compres- sion. J'ai réussi à faire des coupes d'œufs de Tégénaire présen- tant la division en 8 et en 16 segments (pi. XYIII, flg. 11). Dans ces stades, les segments qui affectent la forme de rosettes, présentent, sur les coupes, ime forme pyi^amidale. Leurs extré- mités internes font saillie à l'intérieur de la cavité de seg- mentation (se). Cette cavité, placée un peu excentriquement, a été observée par Ludwig, mais niée par Sabatier. Aux extrémités internes des pyramides, correspondent des amas protoplasmiques granuleux, à contour irrégulier et munis de noyaux. Ces amas ne sont sépai'és de la cavité centrale que par une rangée de globules vitellins arrondis. Les globules vitellins des pyramides sont disposés en colonnes qui s'éten- dent de l'extrémité interne vers la surface. ÉTUDE SI R IJ- DÉVELOPPEMKNT DES ARAKINÉES. Ô25 La (livisiou des amas protoplasmi ques nucléés provoque la division des pyramides vitelliues, lesquelles deviennent plus étroites et plus allongées; mais, quoiqu'en dise Ludwig, les amas protoplasmiques restent toujoiu's situés à leurs extré- mités internes ou centrales (pi. XXUI, flg. 6). Lorsque la segmentation est achevée, on compte, sur une coupe passant par le centre de l'œuf, jusqu'à quarante pyramides chez la Tégénaire et l'Epéire, tandis que, chez la Lycose, elles sont peu nombreuses. Alors l'amas protoplasmique de chacune des pyramides augmente et devient polynucléaire (pi. XX, fig. 9). Les extré- mités internes des pyramide se résolvent en spherules vitel- lines qui remplissent la cavité de la segmentation. Chez la Lycose, la destruction des pyramides a lieu un peu plus tard, comme nous le verrons plus loia. Pendant cette phase, les amas protoplasmiques et leurs noyaux sont le siège de modifications remarquables. Elles se consta- tent très difficilement; mais, si l'on traite par l'ammoniaque la coupe d'unœuf conservé dans le liquide de Kleiuenberg, et qu'on la colore ensuite par le carmin-boracique, on distingue facilement, dans les pyramides, de nombreux amas proto- plasmiques fortement colorés et renfermant des corps arrondis dont une mince couche périphérique est seule colorée, et qui ressemblent à des noyaux vides (pi. XX, fig. 10, 9). Ces noyaux présentent mie ressemblance frappante avec ceux de la cicatri- cule du Petromyzon, que j'ai eu l'occasion d'observer sur les préparations du Prof. Owsjanikow. Chez les Myriapodes, à en juger par les figures 19 et 22 de M. Zograff(i), les amas plas- miques de l'œuf segmenté se colorent d'une manière très intense ; chez les insectes, d'après les figures 4 et 6 de la planche I de M. Tichomiroiï(2) ces amas sont pourvus d'un corpuscule réfringent qui ne se colore jamais. D'après moi, (i) Le développement du GeopliUus ferrugineus. Mém. de la soc. Imper, des amis des Se. Nat. l. XLUI. P»-' édit. (-2) Le développement du Bombyx mori. Ibidem, t. XXXII. 4"'^ édit, 526 WLADIMIR SCIIIMKEWITSCU. il faut admettre que la chromatine de ces noyaux se mêle au plasma ambiant, et qu'à cette phase, les noyaux sont simple- ment représentés par la substance achromatique. Cette dilfusion du contenu nucléaire peut être observée, chez le Petromyzon, sur les préparations du Prof. Owsjanikow. Il est probable que les noyaux des premiers segments de l'œuf des oiseaux subis- sent une modification semblable ; du moins, ils ne sont pas visibles pendant les premiers stades de la segmentation. Il ne peut y avoir aucun doute sur la transformation de ces amas protoplasmiques en cellules blastodermiques ; les dernières présentent d'abord le même aspect : leur plasma se colore d'une façon très intense et leu: s noyaux ne se colorent pas (pi. XX, fig. 10). Vues de face, elles présentent la forme d'étoiles. Les cellules blastodermiques se séparent-elles de l'extrémité périphérique des pyramides ou bien émigrent-eUes de l'intérieur de l'œuf, à travers les intervalles des pyrami- des, comme cela est prouvé, pour Gammarus locusta par MM. Edouard Van Beneden et Bessels (1868), par M. Edouard Van Beneden pour Asselus aquaticus (1869) pour GeojMlus, par M. Zograff? Je suis porté à croire que la question doit être résolue dans le premier sens. En effet, les cellules blastodermiques occupent toujours le milieu de la face externe des pyramides; on ne voit jamais d'amas protoplasmiques entre les pyramides; enfin, chez la Lycose, les cellules blastoder- miques se séparent avant la destruction des extrémités internes des pyramides, alors que la cavité de segmentation n'est pas encore remplie par les globules vitellins. Il existe, entre la segmentation des Araignées et celle du Geophiliis, des rapports analogues à ceux que l'on constate entre la segmentation du Pa^ae/wo?i(i) et celle de VAstacusQi). Chez ces deux crustacés, la partie protoplasmatique de l'œuf est située en dehors de la partie deutoplasmatique. Chez le (i) BOBRETZKY. Étude sui' C embryologie des Arthropodes. Kicw, 1875. (2) ScHiMKEWiTSCH. Einigc Bemerkiing. iib. die EnlwickelnngsgesclûclUe des Flusskrebses. Zool. Anz. VlU, Jahrg. N" 193, 1883. ETUDE SI R LE DEVELOPPEMENT DES AKVKiNEES. ô27 Palaemon, la division de la partie protoplasmatiqiie provoque immédiatement la division de la partie deutoplasmatique. Chez VAstacus, la segmentation débute par la partie protoplasma- tique, et ce n'est que quand la division de cette partie est achevée, que la partie deutoplasmatique se divise d'emblée. Chez les Araignées et chez le Géophile, la partie proto- plasmatique occupe l'intérieur de l'œuf; elle siège en dedans de la partie deutoplasmatique. Chez Geophilus, la segmentation de cette dernière partie a lieu après la division complète de la partie protoplasmatique, comme cela s'observe chez VAstacus. Chez les Araignées, comme chez le Palaemon, chaque division de la partie protoplasmatique provoque immédiatement la division du deutoplasme. La formation du blastoderme, chez les Araignées, est tout-à-fait comparable à celle du blastoderme de Clielifer{\)\ de part et d'autre elle est le résultat d'une délanii- nation; mais, chez ce dernier arachnide, les cellules vitellhies ou endodermiques restent uninucléaires et ne présentent pas la forme pyramidale. La formation du mésoderme est liée, chez les Araignées, à l'apparition du cumulus primitif (Germen ou Keim de Herold). D'après Claparède, le cumulus se trouve sur le dos de l'em- bryon et peut être comparé à l'organe dorsal des Amphipodes, D'après Balbiani, le cumulus, dans les pi-emiers stades du développement, se trouve placé en avant du lobe céphalique. Cet auteur aussi compare le cumulus à l'organe dorsal des Crustacés; d'après lui, le noyau vitellin est situé sous le cumulus, dans les derniers stades du développement. Mais il résulte des recherches de Grobben sur l'organe dorsal des Crustacés, que la comparaison faite par Claparède et Balbiani est insoutenable. Salensky et Claparède regardent le cumulus comme une formation tout-à-f\iit provisoire qui disparait pendant les premiers stades de l'évolution. D'après ces deux auteurs, le cumulus a son siège dans la partie postérieure de (i) Metschnikoff. Enlwickt. der ClieU[er. Zcii. f. wiss. Zool. Bd. XXI, 1870, 528 WLADIMIR SCHIMKEWITSCH. la face ventrale de l'œuf. Sous le cumulus, d'après Balfour, se forment, aux dépens de l'ectoderme et de l'endoderme, les premières cellules mésodermiques. Nous avons laissé l'œuf de l'Araignée au stade où le blasto- derme se compose de deux couclies : la couche externe du blastoderme ou l'ectoderme primaire est représenté par une seule rangée de cellules aplaties, tandis que la couche interne ou l'endoderme primaire est représenté par les cellules polynu- cléaires vitellines; les plus externes de ces cellules ont la forme de pyramides. Immédiatement après l'on voit se produire presque simultané- ment; 1/ la destruction des pyramides vitellines; 2/ la concen- tration de l'ectoderme primaire ou blastoderme; 3/ la formation du mésoderme. La simultanéité de ces phénomènes est loin d'être générale : chez le Pholcus, par exemple, au commence- ment de la formation du mésoderme, les pyramides n'existent déjà plus dans le vitellus et la concentration du blastoderme est déjà terminée (pi. XX, fig. 6); chez la Lycose, au contraire, les premières cellules du mésoderme paraissent avant le com- mencement de la concentration du blastoderme, et en même temps commence la destruction des pyramides (pi. XX, fi.g. 1). L'Epéire semble appartenir au premier type; du moins j'ai observé, chez ce genre, la destruction des pyramides avant le commencement de la concentration du blastoderme et avant la formation du mésoderme (pi. XX, fig. 10). De là résultent, comme nous le verrons plus loin, deux types de formation du mésoderme. Voici en quoi consiste la destruction des pyramides vitellines : chacune des pyramides se désagrège en cellules arrondies et polynucléaires (pi. XX, fig. 10). Par suite de la destruction continuelle ayant lieu d'un côté, et de la formation du méso- derme qui se fait aux dépens des noyaux des cellules vitellines de l'autre, au moment de la formation de l'embryon, les cellules mononucléaires abondent tandis que les cellules polynucléaires se rencontrent plus rarement. Chez l'Epéù-e et le Pholcus, ce processus de la destruction des pyramides marche du centre i:th)K sir i,i; i)i;vi:loimm;\ìi:nt 1)i:s auvi<;\i:i:s. "i^^» vers la périphérie et progresse ég-alement dans toutes les régions de l'œuf Q)l. XX, flg. 10). Il n'en est pas ainsi chez la Lycose, où ce phénomène com- mence au centre, mais progresse surtout rapidement du côté ventral de l'œuf, c'est-à-dire là où le mésoderme prend nais- sance (pi. XX, fig. 1). Sur le côté dorsal, au contraire, qui se dénude pendant la concentration du blastoderme, les pyra- mides existent plus longtemps (pi. XX, fig. 3). Le phénomène de la concentration du blastoderme fut remai'qué pour la première fois par Salensky; mais la denu- dation du côté dorsal de l'œuf ne peut s'expliquer uniquement par une multiplication plus rapide des cellules blastodermiques du côté ventral, comme le pense cet auteur. Il me semble qu'il faut admettre une vraie migration de cellules blastodermiques d'un pôle vers le pôle opposé. Les cellules blastodermiques, aplaties, de forme étoilée et douées de mouvements amiboïdes, cheminent véritablement vers le côté ventral de l'œuf; de là il résulte que les cellules de ce côté deviennent d'abord arron- dies et prennent ensuite la forme polygonale dans les vues de face, et presque cylindrique sur les coupes transversales. Ordi- nairement les cellules blastodermiques plus éloignées du milieu, de la face ventrale, prennent une forme arrondie, et celles qui sont plus près du côté dorsal dénudé conservent la forme d'étoiles aplaties (pi. XX, fig. 3). Je n'ai pas observé la nuiltiplication des cellules pendant la concentration du blasto- derme; On remarque parfois des cellules aplaties isolées sur l'hémisphère dorsal dénudé (pi. XX, fig. 6). Sont-ce là des cellules primitives du blastoderme, qui n'ont pas participé à la migration, ou bien sont-ce des cellules nouvellement formées, du côté dénudé, aux dépens des cellules vitellines? c'est une question que je n'ai pas réussi à élucider. Bientôt, avant même que la formation du mésoderme soit achevée, débute un phénomène absolument opposé au précé- dent : le côté dorsal de l'œuf se revêt de nouveau d'un man- teau cellulaire, par suite de la multiplication des cellules blastodermiques; cette multiplication a nécessairement pour 3g 5oU NNLAUlMIll SCUlMkliWlTSCH. conséquence I'extention en surface du rudiment blastodermique du côté dorsal. En même temps on aperçoit, sur le côté dénudé, des cellules arrondies et isolées : ces cellules descendent pro- bablement des cellules en forme d'étoile et que nous avons signalées au stade précédent. La formation du mésoderme se manifeste par l'apparition, sur la surface ventrale de l'œuf, d'une tache blanchâtre (l"" stade); cette tache s'accroit peu à peu (2*^ stade), prend la forme d'un tubercule (cumulus primitivus) et, en avant de ce tubercule, paraît une raie blanchâtre (3^ stade). Celle-ci est déjà décrite par Hérold et, selon l'heureuse comparaison de cet auteur, le rudiment mésodermique présente alors la forme d'un comète (speciem pme se ferens cometœ. Loc. cit. p. 13). Plus tard, en avant du cumulus primitif, se montre une tache blanchâtre; d'abord reliée au cumulus par la raie susdite (4« stade), elle se trouve ensuite séparée du cumulus par une dépression (5« stade). Tous ces phénomènes, qui ont pour siège la surface ventrale de l'œuf, sont soigneusement décrits par Balfour, excepté la dépression, d'abord signalée par Salensky. Dans le premier stade, on distingue sur les coupes transver- sales de l'œuf de Lycose, (pi. XX, flg. 1) douze pyramides, disposées assez régulièrement; celles qui répondent au côté ventral sont plus courtes et leurs extrémités internes déjà en voie de résolution. Entre les bases de deux pyramides ventrales, on aperçoit deux cellules mésodermiques {ms). Dans le stade suivant (2^ stade), à la place de ces deux pyramides, on dis- tingue déjà deux cellules vitellines (pi. XX, fig. 2) et, entre elles, plusieurs cellules mésodermiques. Je ne doute nullement que les premières cellules mésodermiques ne se séparent des .deux pyramides vitellines et que les deux cellules vitellines ne soient autre chose que les extrémités périphériques des pyramides. Dans le 3^ stade (en forme de comète) on voit, sur les coupes longitudinales (pi. XX, fig. 3), que les cellules méso- dermiques s'entassent sous le cumulus primitif (q;), tandis qu'au devant de lui elles se disposent en une seule couche (pr). i;tii)i: sia i.r. dkvklof'pemkm dks vr\ig\ées. 581 Dans le 4« stade, le mésoderme fait sou apparition en avant du cumulus, dans la région de la tache blanchâtre. Chez l'Epéire, où je n'ai pas observé le commencement de la forma- tion du mésoderme, les coupes transversales du rudiment mésodermique (pi. XX, flg. 11 et 12) prouvent qu'au-dessous du cumulus (fig. 12 cp), les cellules mésodermiques prennent naissance entre les cellules vitellines qui remplissent la cavité du cumulus; ce dernier représente ainsi l'endroit où a lieu la fornuition du mésoderme aux dépens de l'endoderme. Au con- traire, les coupes transversales, faites au niveau de la tache blanchâtre, nous montrent (pi. XX, fig. Il pr) qu'ici les cel- lules mésodermiques naissent à la fois des cellules vitellines et des cellules ectodermiqaes ; ces dernières pénètrent dans la profondeur, s'allongent et se divisent en cellules arrondies, dont l'inférieure devient mésodermique. Les particularités du 5™« stade se voient très bien, chez la même Epéire, (sur la coupe longitudinale de la fig. 13, pi. XX) : l'ectoderme forme une dépression (hï) entre la tache blanchâtre {pr) et le cumulus {(p), d'où résulte que les deux rudiments semblent s'éloigner l'un de l'autre. Puis cette dépression ainsi que le cumulus disparaissent; jamais les bords de la dépression ne se réunissent, comme cela est admis par Salensky, et cette dépression ne joue aucun rôle important dans la formation du mésoderme. La coupe longitudinale du rudiment mésodermique (pi. XX, fig. 4) montre ensuite deux épaississements formés de plusieurs couches de cellules : l'un d'eux {cp) remplace le cumulus, l'autre {pr) la tache blanchâtre. Le premier épaississement est plus considérable. Çâ et là on aperçoit des accumula- tions isolées de cellules mésodermiques; celle qui remplace la dépression (hï) est formée d'une seule couche des cellules, probablement séparées de celles qui occupent le fond de la dé- pression. Enfin, quand sa formation est achevée, le mésoderme se présente, sur les coupes longitudinales (pi. XX, fig. 5), comme une ébauche continue, formée de plusieurs couches cellulaires à l'endroit où se trouvait le cumulus, (c'est-à-dire à l'endroit du 532 WLADIMIU SCillMKKNMTSCII. futur lobe anal) et à celui où était la tache (c'est-à-dire à l'endroit du futur lobe céphalique). Mais, dans l'intervalle entre ces deux régions, le mésoderme consiste en une seule assise cellulaire, au-dessous de laquelle on aperçoit toutefois çà et là des cellules isolées; mais celles-ci paraissent s'intercaler entre les cellules mésodermiques déjà formées et ne donnent pas lieu à une multiplication des couches dans l'intervalle qui sépare les deux régions épaissies. Les premières cellules mésodermiques, chez le Pholcus, apparaissent à l'intérieur de l'œuf entre les cellules vitellines et viennent se placer sous l'ectoderme (pi. XX, fig. 6). Ces cellules ont presque le double du volume de celui des cellules ectodermiques ; après s'être rapprochées du blastoderme, elles se multiplient (pi. XX, fig. 7). En tenant compte de tous ces faits, j'incline à penser que, chez les formes où la concen- tration du blastoderme précède la formation du mésoderme, la destruction des pyramides vitellines a lieu également dans toute l'étendue de l'œuf et que les premières cellules mésoder- miques se séparent des cellules vitellines internes. Chez les formes où la formation du mésoderme précède la concentration du blastoderme, la destruction des pyramides marche plus énergiquement et plus rapidement du côté ventral de l'œuf, et les premières cellules mésodermiques se séparent de deux pyramides, placées l'une près de l'autre. Grâce aux travaux de Rabl, de Hatschek, de Kleinenberg, de Kowalewsky et d'autres, nous savons que, chez les Vers et chez les Mollusques, les cellules mésodermiques procèdent de deux cellules, dites mésoblastiques. Chez le Balanus, d'après Xassonoff(i), l'endoderme entier est représenté par deux cellules vitellines, donnant naissance à deux rangées de cellules mésodermiques. Chez les Araignées, l'endoderme est représenté par les nombreuses pyramides ou cellules vitellines, mais deux de ces cellules jouent le rôle de cellules (i) Nasonoff. Znr embnjanale Entwickelung von Bnlanus. Zool. Anz. VH .lahrg, n" 187, ÉTIJDI-: sin l.Ii DKVELOPPEMEÎST DES AUAIGINÉES. 53 3 mésoblastiques. Il est évident pour moi que la dépression de l'ectoderme pendant la formation du mésoderme représente un blastopore rudimentaire (i) et que le cumulus primitif, qui se trouve en arrière de cette dépression, correspond au bord postérieui' du blastopore. Peut-être la saillie de ce bord est-elle produite par l'accumulation des cellules vitellines et mésoder- miques sous-jacentes, La tache blanchâtre en avant du blasto- pore, c'est-à-dire la région de la formation du mésoderme aux dépens de l'ectoderme et de l'entoderme, représente le sillon primitif, et si l'endoderme des Araignées n'était fortement chargé de globules vitellins, les trois couches embryonnaires se confondraient tout le long- du sillon primitif (2). Les deux cellules vitellines qui engendrent les premières cellules mésodermiques se trouvent placées côte à côte, et l'origine paire du mésoderme ne s'observe pas chez les Araignées. Chez les Vertébrés, les deux rudiments mésodermiques sont séparés par la corde dorsale (3). Chez les Vers, les deux cellules mésoblastiques sont séparées par la cavité archentérique. Chez les Araignées, aucun obstacle ne s'oppose à ce que les deux rudiments mésodermiques se confondent en un seul; c'est pourquoi nous voyons le mésoderme de ces Arthropodes se présenter sous la forme d'un rudiment impair (4). (1) KuPFFER. Die Gastrulalion der meroblas lichen Eiern der Wirbellhiere. Arch. r. Anal, und Physiol , 188i. (•2) Comp. Hkrtwig. Die Entwickl des miuleren Keimb'ates der Wir- bellhiere Jen. Zeil , 1885. (5) Comp Hertwig. Ibid (4) Groiîiîen. Zur Enlwickel. d. Moina recliroslris. Arbeil aus dcm Zool. Inslit. zu Wien. (ol 11, 1879). L'auleur affirme que les Arthropodes, chez les(iucls il existe des ébauches génitales doubles el symétriques, présentent aussi deux rudiments symélri(iues du mésoderme. Cliez les Araignées, les rudiments génitaux sont pairs, mais le rudiment mésodermique est im|)air. Les considérations mentionnées expliquent cette différence. 5û4 \NLADIM1R SCHIMKEWITSCH. CHAPITRE IL DÉVELOPPEMENT DE LA FORME EXTÉRIEURE DE l'EMBRYON. Les observations suivantes ont été faites sur les œufs d'une espèce indéterminée d'Agelène, mais qui est très voisine de VAgelena labyrinthica. 1) Salensky et Balfour ont observé le stade où l'embryon se constitue d'un lobe céplialique, d'un lobe anal et de trois zonites. Je n'ai pas réussi à le rencontrer. Dans le stade le plus jeune qui s'est présenté à mon observation, l'embryon montrait deux l<)bes terminaux et cinq zonites. Le 6'"® zonite, mandibulaire, était à peine indiqué sur le lobe céphalique (pi. XVIII, fig. 1). Il eu est déjà complètement séparé dans le stade suivant (pi. XVIII, fig. 2). La formation du zonite man- dibulaire aux dépens du lobe céphalique a d'abord été observée par Balbiani, puis confirmée par Balfour. Dans ce stade, le lobe anal est surmonté d'une légère saillie, considérée par Balfour comme un reste du cumulus primitif. La forme de l'œuf s'est déjà modifiée à ce stade : d'arrondie qu'elle était d'abord, elle est devenue oblongue; sur la face dorsale de l'embryon, se voit une légère excavation. 2) Balbiani a observé, chez l'Epéire, le stade à un zonite abdominal; moi-même j'ai rencontré des embryons munis de deux et de trois zonites abdominaux (pi. XVIII, fig. 2). Dans ces deux stades, les cinq zonites postéiieurs du thorax portent les rudiments des appendices sous forme de tubercules situés sur le bord externe du zonite, près de leur angle postérieur ; les extrémités distales de ces appendices sont dirigées en dehors. Le lobe céphalique présente, en avant, une légère échancrure qui le divise eu deux moitiés. L'embryon est divisé en deux moitiés par une dépression longitudinale, située à la face ventrale. L'extrémité antérieure de cette dépression, qui atteint le milieu du lobe céphalique, est arrondie, et son ÉTUDE SLR LE DÉVELOPPEMENT DES ARAIGNÉES. 535 extrémité postérieure s'atténue graduellement; le dernier zonite abdominal reste indivis. Jamais le lobe anal n'atteint la dimension que Balfour représente dans la figure 4 de la planche VIII, et la largeur des zonites qui s'en séparent est toujours égale à celle du lobe anal lui-même. 3) Dans le stade suivant observé par moi, l'embryon pré- sentait déjà six appendices thoraciques et six zonites abdomi- naux (flg. 3, pi. XVni). Voici en quoi ce stade diffère du précé- dent : a) sur les bords du premier zonite, apparaissent deux tubercules, dont les extrémités distales sont dirigées en dedans; ce sont les cbélicères. h) Les deux premières paires de pattes et les pédipalpes, dont les extrémités distales sont dirigées maintenant du côté interne, sont devenus triarticu- lées, tandis que les deux paires de pattes postérieures sont biarticulées. L'article terminal des pattes est le plus long; pour les maxilles ou pédipalpes, au contraire, c'est l'article basai qui l'emporte en longueur sur ses congénères. La dis- tance comprise entre la deuxième et la troisième paire de pattes est plus grande que celles qui séparent la première de la deuxième et la troisième de la quatrième paire, particularité qui persiste chez quelques acariens. Cette particularité a fait supposer à Haller(i) que les deux paires de pattes postérieures des acariens sont des pattes abdominales, c) Le sillon ventral atteint le bord antérieur du lobe céphalique et le divise entière- ment, tandis que les deux zonites abdominaux postérieurs ne sont pas divisés par ce sillon. Au même stade, mais un peu plus tard, apparaît la lèvre supérieure : en avant, les deux moitiés du lobe céphalique se réunissent de nouveau et, à l'endroit oii cette union a lieu, apparaissent deux tubercules ; les extrémités distales de ces tubercules sont dirigées en arièrre, mais k^urs parties basales sont confondues (pi. XVIII, fig. 4). Plus tard encore, les tubercules consistent déjà en deux (I) Die Mundtheile und sxjstematische Stellung dcr Milben. Zool. Anz. 1881, N. 88. 536 WLADIMIR SCHIMKEWITSCJI. appendices indépendants (pi. XVIII, fig. 5), décrits pai;Kronen- berg, chez VAttus, comme étant les antennes embryonnaires. 4) Au stade suivant (pi. XVIII, fig. 6), on observe huit zonites abdominaux; les 2"'«, 3™« et 4'"'' de ces zonites portent chacun ime paire d'appendices en forme de tubercules^ placés au milieu de chaque moitié du zonite et non pas sur le bord externe, comme le figure Claparède. Le premier zonite abdo- minal, malgré l'assertion contraire de Claparède et de Balfour, ne porte jamais de pareils appendices, comme l'a démontré Salensky. La gouttière ventrale ne divise pas les deux zonites postérieurs. Toutes les pattes, de même que les maxilles ou pédipalpes sont triarticulaires, et les pattes, par suite de l'allongement du dernier article, se touchent sur la ligne médiane. L'article basai des maxilles, comme cela est décrit par Claparède et par Salensky, se divise en deux moitiés : la supérieure correspond à la partie basale des maxilles et l'infé- rieure au palpe. Sous la lèvre supérieure, apparaissent encore deux tubercules obliquement placés, les ébauches de la lèvre inférieure. Ces deux lèvres limitent l'enfoncement buccal (comparez le développement de la lèvre supérieure et de l'inférieure chez les insectes, d'après J. Millier, Kowalevsky, Biitschli, Zichamirofi" et d'autres). 5 et 6). Les deux stades suivants ne se distinguent guère du précédent que par la structure de l'abdomen (fig. 1, pi. XIX et fig. 7, pi. XVIII). Chez les embryons de ces stades, l'extrémité supérieure du lobe céphalique est bien marquée, ce qui a fait croire à Salensky, mais à tort, que les bords du lobe cépha- lique se recourbent en dedans pour donner naissance au ganglion sus-œsophagien. Près du bord antérieur de chaque moitié du lobe céphalique, apparaissent deux enfoncements recourbés en arc, dont la signification a d'abord été donnée par Balfour (v. le chap. IV, sur le développement du système nerveux). Dans le premier stade, les lèvres se composent chacune de deux moitiés; dans le second stade, les moitiés de la lèvre inférieure se confondent d'abord, puis celles de la lèvre supérieure; ainsi nait le rostre de l'adulte (pi. XVIII, liTlDE SLR I,E PÉVELOPPEMEINT DES ARAIGNÉES. 537 fig. 8 A, B, C). Les chélicères se sont déplacées un peu vers le haut et il est facile de voir maintenant qu'elles sont devenues triai'ticulaires, rappelant ainsi les chélicères de l'embryon des Opiliouides, figurées par Balbiani(i) et celles des Pycnogonides. Les maxilles restent formés de trois articles; mais pour les pattes, par suite de la division de l'article terminal, le nombre des articles s'élève jusqu'à 5. Les 2™% 3'"% 4'"^ et 5™*^ zouites abdominaux portent chacun une paire d'appendices. On compte jusqu'à dix zonites abdominaux; dans le premier stade, le dernier zonite n'est pas encore divisé en deux moitiés par la gouttière ventrale, et le lobe anal conserve la forme arrondie, tandis que, dans le second stade, la gouttière ventrale divise tous les zonites abdominaux et le lobe anal est bilobe. Deux processus d'une grande importance débutent pendant ces stades : 1) l'inversion de l'embryon, accompagnée de l'élar- gissement de la gouttière ventrale, par suite du refoulement du \àtellus vers la partie ventrale de l'embrj^on. Dans tous les stades décrits jusqu'à présent, l'embryon présente une flexion dorsale qui, dans tous les stades suivants, (pi. XIX, fig. 2, 3) fait place à une flexion ventrale. Selon l'explication donnée par Balfour, ce processus a probablement pour cause l'accroissement énergique de la surface dorsale de l'embryon. 2) Le second pro- cessus, sur lequel Barrois le premier a attiré l'attention, con- siste en ce que chaque moitié des zonites abdominaux se divise en trois parties : la partie sternale, sous laquelle se trouve le ganglion de ce zonite; la partie pleurale, qui porte dans les zonites 2, 3, 4 et 5, l'appendice embryonaire, et la partie tergale. Dans le premier stade, ce processus ne n'observe que pour les 8 zonites antérieurs de l'abdomen (fig. 7, pi. XVIII); dans le second stade, il s'étend aux dix zonites (pi. XIX, fig. 1). Jamais je n'ai vu toute la surface dorsale se diviser en zonites, comme cela est décrit et figuré par Barrois, dans le (i) Mém. sur le déveiopp. des Phalnngides. Ann. des se. Nal. s. V, t. XVIl, 1873. r).'58 MLADIMIU SCHfMKEWlTSCH stade nommé par lui limuloïde, parce que les segments méso- dermiques se confondent avant de recouvrir la surface dorsale (v. le cliap. III). Quant aux lignes transversales qu'on remar- que sur le dos de l'embryon dans les stades suivants, je puis confirmer l'observation de Claparède d'après laquelle leur nombre ne correspond pas à celui des zonites; d'après ce que j'ai pu observer moi-même, ces lignes ne représentent point les limites des zonites, comme le pense Barrois, mais sont l'indice des muscles en ailerons et des artères latérales du cœur qui se placent, chez tous les Arthropodes, non pas sur les limites, mais au milieu de chaque zonite. Avec ces stades, se termine la première période du développement, qui se caractérise par la multiplication du nombre des zonites et des appendices; alors commence la seconde période, caractérisée par la fusion des zonites et la diminuation du nombre des appendices. D'après tous les observateurs, les appendices céphalothora- ciques apparaissent simultanément, à l'exception des mandi- bules, dont l'apparition tardive à été constatée chez la plupart des Arachnides. Les appendices et les zonites abdominaux apparaissent graduellement, l'un après l'autre; cela ne peut être mis en doute en ce qui concerne les zonites; quant aux pattes abdominales, Salensky a observé un stade caractérisé par la présence de deux paires des pattes, et moi-même j'ai observé un stade où l'embryon présentait trois paires de pattes abdominales. Quoiqu'en disent Claparède et Balfour, le premier zonite abdominal ne porte jamais d'appendices et ceux-ci ne sont qu'au nombre de quatre paires (i). Comme je l'ai déjà dit, dans tous les stades suivants, l'embryon pré- sente la flexion ventrale. Dans le stade le plus précoce de cette période que j'ai observé (fig, 2, pi. XIX), le lobe céphalique revêt la forme de celui de l'adulte et ses moitiés se soudent sur la face dorsale; toutefois, en avant, les traces de (t) Claparède décril, chez la Clubionc, six paires de pattes abdominales. ÉTUDE SUR LE DÉVELOPPEMEM DES ARAIGNÉES 530 la soudure des deux moitiés reste visible très longtemps. Les chélicères sont placées verticalement et couvrent la fente buccale. Leurs deux articles proximaux sont confondus avec les articles suivants, tandis que l'article distal, formant plus tard le crochet, est très nettement séparé. Les palpes maxillaires se composent toujours de trois articles, mais les pattes en comptent sept. Sur l'abdomen, on ne distingue plus que deux paires d'appendices postérieurs, mais le lobe anal et les parties sternales des zonites abdominaux sont confondus en deux bandes que Claparède a nommées " les bourrelets ventraux, „ et Barrois " les bandes germinatives. ,, Cette coales- cence correspond à celle des ganglions abdominaux, (v. le chap. IV, fig. 8). Dans le stade suivant (fig. 3, pi. XIX), les deux paires postérieures d'appendices abdominaux disparais- sent et, de face, on ne distingue qu'un petit triangle du lobe anal qui se déplace encore plus en avant. Ce triangle est décrit par Barrois, chez l'Epéire, comme une lèvre inférieure. Si, dans ce stade, on sépare le céphalotharax du reste de l'embryon, chez la Lycose (pi. XVIII, fig, 9), on voit que les bandes germinatives sont déjà soudées dans leur partie posté- rieure. L'extrémité postérieure de cette partie s'est trans- formée en quatre filières. Ainsi, les araignées dipneumones traversent le stade, pendant leciuel elles ont seulement quatre filières, comme les tétrapueumoues. Le reste du lobe anal se change en une plaque qui entoure l'anus chez l'adulte. En ce qui concerne le développement du Pholcus, j'ai réussi à confirmer l'observation de Claparède d'après laquelle, chez cette espèce, les trois zonites postérieurs du stade représenté par cet auteur sur sa planche II, figure 12, sont réellement recourbés en avant. Ce n'est pas tout : j'ai observé un stade (pi. XIX, fig. 4), pendant lequel tous les zonites abdominaux, situés en arrière du cinquième, sont recourbés en avant. Le nombre des zonites abdominaux chez le FJiolciis s'élève à 11 et, plus tard, à 12 (pi. XXn, fig, 15), dont les 2'"<', 3™^ 4'"^ et b"'" portent des appendices abdominaux. Mais, en réalité, l'embryon n'est pas •340 >\LA1))>1IU S(;!!IMKli>MTSi;il. replié sur lui-même, comme on pourrait le supposer, et cette courbure des zonites postérieurs en avant ne représente, en somme, que le dernier degré du processus de l'inversion de l'embryon. Chez le Pholcus, l'accroissement de la surface dorsale va plus loin que chez l'Agelène, d'où résulte que les zonites abdominaux du Pholcus (plus nombreux que ceux de l'Agelène). ne pouvant se placer sur la surface vitelline en ligne droite, doivent inévitablement former la courbure dont il s'agit. Je me crois obligé d'indiquer certaines contradictions entre les faits exposés plus haut et ceux signalés par d'autres auteurs. Balfour a décrit, chez l'embryon de l'Agelène, des chélicères en forme de pmcettes. Nous avons vu que l'article basai des mâchoires donne naissance à la partie basilaire de ces mâchoires, laquelle se trouve placée très près de l'extrémité inférieure des chélicères. Ces parties, vues de côté, peuvent être fautivement prises pour la branche externe des chélicères; c'est ce qui est arrivé à Balfour. En effet, cet auteur ne figure nulle part cette partie basilaire, si bien visible sur les dessins de Claparède et de Salensky, tandis que les chélicères en pincettes sont représentées par Balfour sur une seule figure (pi. VIII, fig. 6), qui représente un embryon de l'Agelène, vu de côté. Le ganglion mandibulah^e de Balfoui' n'est autre chose que l'article basai des chélicères. Ce ganglion mandibulaire, malgré son existence réelle, ne peut être aperçu à l'extérieur, et il en est de même de tous les ganglions thoraciques. Les appendices abdominaux apparaissent beaucoup plus tôt d'après les obser- vations de Balfour que d'après les miennes. Il se peut qu'il existe, sous ce rapport, certaines différences selon les espèces observées; mais, quoiqu'il en soit, le stade représenté par Balfour, figure 5 de la planche VIII, reste pour moi tout-à-fait énigmatique : à en juger par la forme du lobe céphalique, le nombre des zonites abdominaux (neuf ou dix, la figure ne l'indique pas clairement), la présence de quatre paires d'appen- dices abdominaux, l'on croirait avoir à faire à un stade tardif; KTinK SI l{ U: DKVI'LOI'IM'.Mr.NT DF.S VIUK.Mll'.S. ■')41 mais, à en juger par les pattes inarticulées, l'absence des lèvres supérieure et inférieure, ce serait un stade précoce. En général, les figures de Balfour représentant la forme extérieure de l'embryon sont très schématisées. Claparède se trompe lors- qu'il décrit les appendices buccaux comme apparaissant sous la forme d'une " plaque épicliilique ,. sur laquelle naîtrait l'orifice buccal. Salensky décrit un processus extrêmement compliqué d'inversion embryonnaire chez la Clubione; ce processus s'accomplit d'une façon beaucoup plus simple chez l'Agelène. Balbiani figure les premiers zonites de l'embryon de l'Epéire comme divisés en deux moitiés ah origine: c'est une erreur, comme l'a démontré Balfour. Barrois décrit, chez l'Epéire, un stade très intéressant " stade limuloïde „ et il compare l'accumulation ventr.de du vltellus, chez l'embryon de l'Epéire, à " la vésicule vitelline „ des Vertébrés. (Loc. cit. p. 541). Ce stade n'existe ni chez l'Agelène, ni chez la Lycose, ni chez le Pholcus, et la vésicule vitelline des Vertébrés est placée, comme on sait, sur la surface ventrale, correspondant à la surface dorsale des Invertébrés. CHAPITRE III. nftVRLOPPEMENT DES OHGANES MKSOORRMIQUF.S ET ENnOItElîMIQUES. D'après Claparède et Salensky, l'embryon des Araignées se compose de deux feuillets embryogènes : du feuillet externe qui correspond à l'ectoderme, et du feuillet interne qui corres- pond au mésoderme des auteurs contemporains. Balbiani, en décrivant l'embryon composé de plusieurs zonites, s'exprime comme suit : " partout, en effet, le rudiment embryonnaire reste formé d'une seule couche de cellules blastodermiques „ (i); il ne donne aucune indication sur la formation du mésoderme. (i) l-oc. cit. p. "T. 542 WLADIMIR SCHIMKEWITSCH. D'après Barrois, le mésoderme se détaclie des bandes germinatives ; le premier, il décrit la formation des segments mésodermiques. Aux dépens du mésoderme, selon Barrois, se développent une partie du mésentéron, les tubes de Malpighi, les organes génitaux et les glandes de la soie; les cloisons mésodermiques persistent, chez l'adulte, séparant les lobes du foie et les caecums céplialothoraciques. Balfour a décrit très exactement la formation des segments mésodermiques du cœlome; mais, comme nous le verrons plus loin, il a eu le tort de prendre les cellules de l'endoderme secondaire pour des cellules mésodermiques. Nous avons laissé le rudiment mésodermique alors qu'il se présente sous forme d'une couche continue, recouvrant la face ventrale de l'œuf (pi. XX, iig. 5). Les cellules méso- dermiques sont disposées en plusieurs assises : a) à l'extrémité antérieure du rudiment où se rencontrent, dans les stades précédents, la tache blanchâtre (sillon primitif, pr) et, dans les stades suivants, le lobe céphaliqne; et b) à l'extrémité postériem-e du rudiment où se trouve, dans les stades précé- dents, le cumulus primitif, (c^j) et, dans les stades suivants, le lobe anal; sur le reste du trajet du rudiment, elles ne forment qu'une seule couche. Dans le stade caractérisé par la présence de 6 zonites, le mésoderme est disposé de la manière suivante (pi. XXIII, fig. 1) : Sous les lobes céphaliqne et anal, les cellules mésodermiques forment 2 à 3 assises, taudis que, sous la plupart des zonites, elles sont disposées en une seule couche. Au niveau des inter- valles qui séparent les zonites, le mésoderme fait toujours défaut, et la paroi de l'embryon, dans ces intervalles, est formée par l'ectoderme seul. Ainsi le mésoderme est divisé eu segments, dont le nombre correspond à celui des zonites. Mais le mésoderme du zonite mandibulaire représente un simple prolongement de celui du lobe céphalique (pi. XXIII, fig. 1, {Im. cl), comme le mésoderme du dernier zonite (ibid. 6) représente un simple prolongement de celui du lobe anal. Il n'est pas douteux que le mésoderme du zonite mandi- irnin: sir ?,i-: ih':m:i,()pi>i:mi:nt ih:s viukìnkks. ■')4a biliaire se détache de celui du l()l)e céplialique, et que le mésoderme du dernier zoiiite se détache de celui du lobe anal. Cette dernière relation du mésoderme du zouite postérieiu' avec celui du lobe anal peut être observée dans tous les stades suivants. Quoique, dans la plupart des zonites, le mésoderme soit disposé en une seule couche, dans le 4™^ zonite on peut observer, sous la couche mésodermique, des cellules isolées (pi. XXI, ûg. 10); dans le 5'"« zonite (pi. XXI, fig. 11), de semblables cellules forment la seconde couche du mésoderme. La couche supérieure correspond à la somatopleure, la couche inférieure à la splanchnopleure. Il serait natm^el de supposer que le dédoublement du mésoderme commence au zonite antérieur et s" étend progres- sivement en arrière; mais, en réalité ce phénomène débute dans le 5"'' zonite. On explique quelque peu ce fait étrange par le mode de formation des zonites antérieurs. Ces zonites, à l'exception du mandibulaire, apparaissent, simultanément, comme l'affirment la plupart des auteurs, sur le rudiment embryonnaire ; tous les zonites suivants se détachent l'un après l'autre du lobe anal. Les trois zonites antérieurs sont ceux qui ne suivent pas la règle générale du dédoublement du mésoderme. D'après Balfour, ce dédoublement s'opère, chez l'Agelène, par suite de la formation de nouvelles cellules mésodermiques aux dépens de l'endoderme. Mais, chez la plupart des geni-es que j'ai eu l'occasion d'étudier (Lycosa, Pliolcus, Epeira), je n'ai pas vu cette prétendue formation, et je suis porté à croire que la seconde couche du mésoderme se forme par une division des cellules de la première couche, comme cela est démontré pour les Annélides. Il est très probable que, chez l'Agelène, les cellules de l'endoderme secondaire apparaissent à des stades plus précoces que chez la Lycose et le Pholcus, et que ces cellules ont été considérées à tort par Balfour comme des cellules mésodermiques. Il suffit pour s'en convaincre de jeter un coup d'œil sur la figure 12, planche IX de cet auteur. Dans le stade à 9 zonites (comp. pi. XVIII, fig". 2)^ 1q .')44 WLADIMIR S(;illMki:\MTS(.II. mésoderme est disposé comme suit : chez T embryon de la Lycosa saccata, dans la partie postérieure du lobe céplialique et dans les 8 zonites antérieurs, le mésoderme est divisé en deux moitiés par un sillon longitudinal. Dans les zonites thoraciques et les zonites abdominaux antérieurs, les deux couches du méso- derme se séparent, donnant ainsi naissance à la cavité cœlo- mique (pi. XXI, fig. 7, pi. XIX, fig. G) qui se prolonge dans l'appendice du même zonite. Le mésoderme des zonites thora- ciques commence à s'accroître au niveau des appendices, le long des côtés du corps de l'embryon, vers la face dorsale, mais, dans cette partie, les deux couches mésodermiques sont si rapprochées l'une de l'autre, que la cavité cœlomique n'existe que potentiellement. Dans le stade à 12 zonites (comp. fig. 6, de la pi. XVIII), le mésoderme offre la disposition suivante : dans le lobe céphalique, ce feuillet est tout-à-fait divisé en deux moitiés et présente deux cavités cœlomiques, comme le décrit Balfour. Dans les zonites thoraciques, la cavité cœlomique donne naissance à trois prolongements : l'un d'eux se dirige dans l'appendice dont il atteint l'extrémité distale; l'autre s'étend le long du côté du corps de l'em- bryon vers le dos et le troisième, plus court, gagne la face ventrale; mais il n'arrive pas encore, par son extrémité inférieure, jusqu'au bord externe du rudiment nerveux. Les cavités cœlomiques de tous les zonites thoraciques sont confondues entre elles, et la cavité du dernier zonite thoracique est confondue avec celle du 1^'' zonite abdominal; mais les cavités des autres zonites abdominaux sont jus- qu'ici séparées (pi. XXI, flg. 8). Dans les stades précédents, on voit quelques cellules mésodermiques se détacher et tomber dans les cavités cœlomiques et dans la cavité limitée par l'ectoderme et l'endoderme, c'est-à-dire dans la cavité de segmentation. Les cellules des cloisons mésodermiques subis- sent le même sort, lorsque les cavités cœlomiques se confondent entre elles (pi. XXI, flg, 7 et flg. 9 es). Ces cellules mésoder- miques libres sont représentées par Balfour sur sa figure IS, planche IX. Comme je les ai rencontrées dans les cavités dô KTlDi: SI H I.F, l)i:vr,LOIMM-MIAT ORS OR(aM:s ■)4.") l'embryon plus développé, et aussi dans la cavité du cœur, je pense qu'elles donnent naissance à des corpuscules sanguins. Dans le cours du même stade, on observe la formation de l'endoderme secondaire (pi. XXI, fig. 9 se). Ses cellules sont sphériques et leur protoplasme, qui ne se colore que très faiblement après l'action de l'acide cbromique, présente un aspect ridé. On n'observe pas d'enveloppe cellulaire ce qui est dû probablement à l'existence d'une couche périphérique, un peu plus dense que le plasma central. Ces cellules se déve- loppent aux dépens de l'endoderme primaire ou des cellules vitellines. Les amas protoplasmiques nucléés que renferme le vitellus s'arrondissent, se détachent des cellules vitellines et forment celles de l'endoderme secondaire. Ces cellules se ren- contrent dans la cavité du mésentéron et aussi dans les cavités cœlomiques (pi. XXI, flg. 8). Dans l'abdomen de laLycose, elles remplissent exclusivement les cavités cœlomiques (pi. XXI, fig. 8). Il est hors de doute que ces cellules émigrent dans la cavité cœlomique au travers de la couche splanchnique du mésoderme. Balfour les figure, dans les stades suivants, sur la face dorsale de l'embryon de l'Agelène (v. sa fig. 18, pi. X); mais il les considère comme des cellules mésodermiques, et suppose que la partie dorsale des segments mésodermiques se forme à leurs dépens, alors qu'en réalité cette partie est un simple prolongement du mésoderme ventral, comme cela est démontré pour les Annélides. Ces cellules, comme nous le ver- rons plus loin, donnent naissance à des corpuscules sanguins, à la couche peritoneale et au tissu adipeux, et peuvent être com- parées aux cellules du mesenchyme des animaux inférieurs. Chez les espèces des genres SlmuUa et Cliironomus (Metschnikoff, Weismaun), une partie des cellules vitel- lines reste en dehors de la cavité du mésentéron et forme, plus tard, les corpuscules sanguins et le tissu adipeux. Chez le Bombyx mori (Tichomirofi") et chez les Myriapodes, le tissu adipeux se développe aux dépens de l'endoderme secon- daire, et, chez le Geophilus (Zograff") a lieu une migration des cellules de l'endoderme secondaire au travers de la •■id ~Ai) Wl.VDIMIK SCIIIMKKNMTSCII. couche splaiichiiique du mésoderme dans le cœlome. Bal- four (i) suppose que le mésoderme secondaire, décrit par Reichenbach (2) chez YAstacus, n'est autre chose que l'endo- derme secondaire. En se basant sur quelques figures de Grobben, on peut supposer que les " Fettzellen „ de la Moina se développent aux dépens des noyaux vitellins. Pendant la formation du cœur, les cellules de l'endoderme secondaire pénètrent dans la cavité cardiaque (pi. XIX, fig. 0) et je les ai rencontrées dans la cavité du cœur de l'embryon presque complètement développé (pi. XXI, fig. 2, es). Il n'est pas douteux qu'une partie de ces cellules se transforme en corpuscules sanguins. J'ai démontré (s), chez les Araignées adultes, l'existence de corpuscules sanguins de deux formes bien différentes. Il est probable que l'une d'elles est d'origine mésodermique, l'autre d'origine endodermique. Chez les ver- tébrés, Hoffmann (4) a démontré le développement des cellules sanguines aux dépens de l'endoderme; mais, d'autre part, le développement des globules sanguins, aux dépens du méso- derme, chez les animaux du même type est bien connu (Ranvier). Chez les Tuniciers (5), le mésoderme et l'endoderme de la partie caudale se transforment en même temps en corpuscules sanguins. Lorsque tous les zonites abdominaux sont confondus (comp. pi. XIX, fig. 2, 3), le mésoderme revêt la forme de deux plaques, formées par la , soudure de tous les segments mésodermiques (pi. XIX, fig. 6, pi. XXIII, flg. 2). Les plaques mésodermiques (Mesodermplatten des auteurs alle- mands) sont très rapprochées de la ligne médiane dans le céphalothorax; mais, dans l'abdomen, leur bord inférieur ne dépasse pas le tronc nerveux correspondant (pi. XIX, fig. 6) et (i) Handbuch der vergleichenden Embryologie. Ca) Bie Embryonnkminge u. die erste Entwickeiung d. FlusHkrebses. Z. f. w. Zool. Bel. XXFX 1877. (r>) V. ma notice dans la Zoologie Médicale du Prof. Bogdanoff, p. 1040. (4) Beitr. zur EnlwicM. der Reptilien. Zeit. f. wiss. Zool. Bd. iO, 1884. (f;) Seeliger. Die Entwicki. der .wcialen Aseidien. Jen. Zeli. XVII I, Pd. U, 1884. I'TiDi: SI u [,i: i)i;M:i.(U'i'i;N[r.\T i>i:s mivk.nkks. ■■)47 Tectoderme seul forme la paroi ventrale de I'enibryou. Sur la face dorsale de l'embryon, les bords de la lame somatique se rapprochent de la ligne médiane bien plus tòt que ceux de la lame splanclmique, et les parties du mésoderme qui unissent ces deux lames et qui correspondent au mésentère dorsal des Annélides, donnent naissance à une cavité s'ouvrant, par une large ouverture, dans la cavité du mésentéron, et remplie de cellules vitellines. Les cellules mésodermiques entourant cette cavité, qui représente la cavité du cœur et des aortes postérieure et antérieure, prennent la forme cylindrique. Quant aux cavités cœlomiques du lobe céphalique, elles sont confon- dues entre elles et avec les cavités du zonite mandibulaire, pendant le stade représenté figure 1 de la planche XIX (pi. XXI, fig. 4 et 5). Enfin a lieu la soudure des plaques mésodermiques sur la ligue médiane de la face ventrale (pi. XXIII, fig. 2); mais, dans l'abdomen, près de la ligne médiane, on observe deux épaississements mésodermiques, mentionnés par Barrois (pi. XXII, fig. 5, msd). Aux dépens de ces épaississements, se développent les grands muscles longitudinaux de l'abdomen. D'après moi, ces épaississements sont comparables aux " Muskelplatten „ ventrales des Anné- lides; seulement chez ces dernières, les épaississements en question sont moins développés et plus éloignés de la ligne médiane. Chez le Pholcus, le nombre des zonites abdominaux s'élève jusqu'à 12. Les coupes longitudinales d'embryons appartenant au stade représenté figure 4 de la planche XIX, nous démontrent (fig. 15, pi. XXII) que, dans le stade caractérisé par la présence de 11 zonites, le cœlome est déjà formé dans les 6'"'', 7'"'' et 8™^ segments mésodermiques et que les cavités du 6™« et du 7™® segment sont déjà confondues. Tous les segments postérieurs sont encore privés des cavités cœlomiques et le mésoderme des 11™« et 12™« zonites con- stitue un simple prolongement de celui du lobe anal. Le 12'"'' et dernier zonite est en voie de formation et indiqué par un faible épaississement de l'ectoderme et du mésoderme. Dans le stade suivant (pi. XXII, fig. 16), les cavités cœlomi- •')4S NM.ADFMIH SCIf l\IKR>\ ITS<;|[. ques des G^e^ T""*^, 8'"% 9"ie et 10'"<' zonites sont déjà confondues; mais celles du ll'"« et du 12'"'^ zonites sont encore séparées. Le lobe anal ne possède pas de cavité cœlomique. Ces coupes nous démontrent aussi que les zonites postérieui^s de l'abdomen du JPholcus (c'est-à-dire la partie postabdominale) ne sont pas repliés sur les zonites antérieurs, comme l'aspect extérieur de l'embryon le ferait supposer (pi. XIX, ûg. 4). Tous les zonites postabdominaux se juxtaposent immédiatement au vitellus, et seul le lobe anal en est séparé par une dépression de Tecto- derme. La cavité du lobe anal est occupée par des cellules vitellines (v. chap. LL). Aux dépens de la lame somatique, se développent les organes suivants : 1) toute la musculature du corps, excepté celle du mésentéron, si elle existe ('); 2) la lame apouévrotique du céphalothorax; 3) le tissu conjonctif sous-cutané; les mem- branes propres de l'intestin antérieur et de l'intestin posté- rieur, celles des trachées, des glandes et d'une partie des conduits génitaux, c'est-à-dire de tous les organes qui se déve- loppent par invagination de l'ectoderme; 4) le sarcolemme et le nevrilemme. Aux dépens de la lame splanchuique se développent les organes suivants : 1) La membrane propre de l'intestin médian; 2) Les organes génitaux; 3) Le péricarde et les veines pulmonaires. Aux dépens du mésentère dorsal se développent : 1) Le cœur; 2) Les artères latérales; 3) L'appareil de soutien du cœur (Befestigungsapparat). Aux dépens des cloisons se développent des corpuscules sanguins. Claparède, Salensky et Balfour affii-ment que le cœur des (i) Plateau (Bull. dcrAcad.de Belgique, l. XLIV, 1877J dit qu'il a vu, sur la membrane propre de l'intcslin médian, quelques stries, qu'il considère comme des libres musculaires, .le n'ai pas vu cene slrialion chez l'Epcire, ÉTIDE SIR LE DÉVELOPPEMENT DES ARAIGNÉES 549 Araignées se développe sous forme d'un cordon mésoderraique compacte. D'après les deux derniers auteurs, les cellules cen- trales du cordon se transforment en corpuscules sanguins et les cellules périphériques forment la paroi cardiaque. En effet, la cavité du cœur est parfois littéralement remplie par des cellules de l'endoderme secondaire, et le cœur peut être pris par en-eur poiu- un cordon solide. Mais les autres indica- tions des auteurs ne concordent pas avec les faits anatomiques. Salensky décrit le développement de deux paires de veines pulmonaires et de valvules cardiaques, alors que les Araignées ne possèdent qu'une seule paire de veines pulmonaires et que leur cœur est privé de valvules. Balfour décrit le développe- ment de plusieurs paires de veines et la délamination de la paroi cardiaque en deux couches : musculaire et épithéliale; mais le cœur des Araignées, ainsi que je l'ai démontré, est privé de couche épithéliale et tapissé, à sa face interne, comme celui des Insectes, par une tunique homogène. Nous avons vu que le cœur et les aortes postérieure et antérieure des Arai- gnées se développent aux dépens d'une partie du mésoderme qui correspond au mésentère dorsal des Annélides. Les aortes se ferment un peu plus tôt (pi. XXIII, fig. 2 et 3), tandis que la cavité cardiaque reste quelque temps en communication avec celle du mésentéron. Lorsque les bords de la couche splanch- nique se rapprochent de la ligne médiane, la cavité cardiaque se sépare de celle du mésentéron; mais une liaison persiste entre la paroi du cœur et les deux feuillets du mésoderme. Les cellules du mésentère aux dépens dequelles cette liaison a lieu se transforment en les faisceaux contractiles supérieurs et inférieurs, qui soutiennent le cœur et qui sont comparables au " Befestigungsapparat „ des Lisectes, décrit par Graber. La position du vaisseau dorsal, chez les Anné- lides (i), nous démontre que sa paroi est aussi formée par le (i) Salensky. Eludes sur le dévelovpemenl des Annélides. Arch, de Biol. Ill cl IV, 1882, 1885. 550 WLADIMIR SCHIMKEWITSCH. mésentère. Le développement du cœur chez le Prlstiurns, d'après Balfour (i), nous permet de supposer que la partie du mésoderme, aux dépens de laquelle se développe le cœur des poissons, correspond aussi au mésentère ventral (resp. dorsal) (2). Coel:-- I. Deux figures schématiques, représentant le développement du cœur; A. chez les Mammifères ; B. chez, les Araignées ; ect. ectoderme; end. endo- derme; smt. et spi. couche somalique et couche splanchnique du mésoderme ; cœl. cavité cœlomique ; H. cavité cardiaque ; D. cavité intestinale; N. système nerveux; ch. corde dosale; P. appendices abdominaux . La liaison de la paroi cardiaque aux deux feuillets mésoder- miques s'observe chez les Insectes (Tichomiroff) et chez les Vertébrés. D'un autre côté, Ayers (3) et Korotneff (4) ont (1) Balfour. A Monograph, of the développement of Elamobranch Fisches 1878. (2) ScHiMKEWiTSGH. Ucbcr die Identitât der Herzbildung bei den Wirbel und Wirbellosen Thiere. Zool. Anz. VI 11] n» 186. Idem. Noch Etwas iiber die Identitât der Herzbildung bei den Melazoen, Ibidem VIII. n» 198. (3) Ayers. On the development of Œcanthus niveus. Mém. of ihe Boslnn Soc. vol. m, N. VIII. 188i. ii) Korotneff. Die Embryologie der Gryllotalpa. Z. f. W. Z. XXXXVl, 1885. ETDDi: SIR L1-: DKVKLOl'PEMKNT DES AllAKiNÉES. 551 constaté que le cœur des Insectes se forme d'une manière semblable à celle que j'ai décrite pour les Araignées. Nous trouvons le même mode de formation du cœur chez les Mam- mifères (v. fig. I, A)] mais chez ces animaux les deux moitiés cardiaques, avant de se rapprocher et de se fusionner sur la ligne médiane, prennent la forme de deux tubes adjacents et le cœur présente, dès l'origine, deux cavités séparées. Le même mode de développement du cœur a été observé chez les Crustacés par Claus(i); toutefois, chez les Phyllo- podes, les deux moitiés du mésoderme se rapprochent sur la ligne médiane avant que les segments mésodermiques se soudent entre eux, et le cœur est divisé, dès l'origine, en plusieurs chambres, dont le nombre correspond à celui des segments mésodermiques qui prennent part à la formation du cœur. Le mode de formation du cœur chez les oiseaux offre une modification de celui que l'on a observé chez les Mammi- fères : les bords des plaques mésodermiques, au lieu de former deux diverticules creux longitudinaux, présentent deux épais- sissements, dans lesquels apparaissent, par délamination, deux cavités. Le mode de développement du cœur chez les Myriapodes, d'après Metschnikoif et Zograff, peut être ramené à celui que Claus a observé chez les Phyllopodes. Les bords dorsaux des segments mésodermiques se rappochent de la ligne médiane, avant que les segments mêmes se soudent entre eux; mais, au lieu de former deux enfoncements creux, ces bords présen- tent, dans chaque segment, deux épaississements à l'intérieur desquels se forment, par délamination. deux cavités, comme chez les oiseaux. Chez les derniers, les cavités restent séparées chez l'adulte, tandis que, chez les Myriapodes, elles se confondent dans le cours de la vie embryonnaire. (3) Ci.AUS. Zur Kennlniss d. Baues und d. Entwicklung von Branchipiis slniinaHs u. Apus cnneriformis. Abhandl. d. Kôni|j;l. Gcsclsch. d. Wis- scusch. Gôliingcn XVI 11, 1875. 552 A>LADmill SCUIMKEWITSCH, Ziegler (i) a soutenu que le cœur des Mollusques se forme entre les parois de deux vésicules symétriques, nommées par lui péricardiques (Pericardialblasen) ; et Grobben (2) a démontré l'homologie des cavités péricardiques des Mollus- ques et de la cavité cœlomique des autres Métazoaires. C'est pourquoi la formation du cœur des Mollusques est identique à celle des autres Métazoaires. Il résulte des faits que nous venons de mentionner : 1) Que la 2)aroi du cœur, comme cela se voit dans les ani- maux cliez lesquels le mode de formation du cœur n'est pas modifié, est formée par deux lames mésodermiques qui cor- respondent au mésentère dorsal des Annélides; 2) Que la cavité du cœur, chez tous les Métazoaires, répond à la cavité de segmentation, comme l'affirme Blitschli(3). La paroi du cœur des Araignées se partage en deux couches (pi. XXII, fig. 7 et pi. XXI, fig. 2) ; la superficielle représente la tunique externe conjonctive, et l'interne la mus- culaire. Cette dernière couche est décrite à tort, par Balfour, comme épithéliale. Hofiniann (4) a démontré que la couche endotheliale du cœur des Vertébrés se développe aux dépens de l'endoderme. Chez les Annélides, la cavité cardiaque ren- ferme un organe énigmatique, d'origine endodermique, d'après Kennel. Chez les Insectes et les Araignées, les cellules endo- dermi ques tombent dans la cavité cardiaque, et deviennent des corpuscules sanguins. Il résulte de ce qui précède que la 2)aroi cardiaque des Arthropodes correspond simplement au myocarde des Vertébrés. Les artères latérales naissent, chez les Araignées, sous forme d'excroissances de la paroi cardiaque (pi. XXII, fig. 7, B). {\) Die Enlivickl. von Cyclas cornea. Z. f. VV. Z. Bd. 41, 1883. (2) Morphol. Stiidien ûber Ceplialopoden. Arbeit, a. d. Zool. Inslil. zu Wien T. V. 42, 1885. (y>) Ucb. eine Hypothèse beziiglicli der phylogenelischen Herleïlung des Bliitgefiusnpparates eines Theils der Metawen. Morphol. Jahrb. 8 Bd. (4) Z. f. W. Z. XLBd. 1884. ÉTUDE SIR li: DÉVJÌLOPI'E-ME^T des ARAIGNEES. o5o Les aortes postérieure et antérieure consistent en un simple prolongement du cœur même. Dans les stades suivants, le cœiu- se trouve placé au fond d'une dépression de la paroi supérieure de l'intestin médian. La couche splanclinique de cette partie de l'intestin médian se divise bientôt en deux lamelles, dont l'externe se juxtapose au cœur, commence à s'accroître le long des parois latérales du cœur et forme enfin une enveloppe autour de lui. Cette enveloppe représente le péricarde (pi. XXI, fig. 2, pi. XXII, fig, 7, .1). Comme le cœur est primitivement placé dans la cavité cœlomique, la cavité du péricarde n'est qu'un reste de cette dernière; mais la lacune entourant le péricarde et limitée par deux couches du feuillet splanchnique du niésoderme représente une cavité d'ordre tertiaire (i). Ainsi la cavité jJéricardique des Araignées, comme celle des Mollusques et des Vertébrés est un reste de la cavité cœlomique. Les veines pulmonaires sont deux diverticules de la paroi péricardique; elles se dirigent eu avant, puis, se recourbant en bas, passent près de la paroi antéro-latérale de l'abdomen et atteignent la lacune pulmonaire. Après la formation du péricarde, la couche somatique donne naissance aux prolon- gements qui se dirigent vers le cœur (pi. XXII, fig. 7, m. al). Ces prolongements atteignent la paroi péricardique et don- nent naissance à des muscles aliformes (2). J'ai démontré que la couche homogène sous-cutanée (innere cuticula de M. Graber) se continue et se confond, aux points d'insertion des muscles au tégument, avec le sarcolemme des faisceaux musculaires qui est une formation conjonctive, et avec l'enveloppe de l'œil, dans laquelle on observe des noyaux. C'est pourquoi je pense que cette couche du tégument doit (1) Si la cavilo cœlomique est une cavité du corps secondaire (secuudarc lA'ibeshohlf). (2) Chez l'Araignée adulte, les muscles en ailes confondent les librilles de leur extrémité périphérique avec celles du sac musculaire souscutané. •J'^^ WLVDiAiin s<;iiiMKR\MTS(;n. être cousidérée comme étant de nature conjonctive. En effet, chez l'embrj^on, la prétendue cuticule interne et le sarcolemme des muscles, avec lequel elle se confond, sont pourvus de noyaux (pi. XXII, ûg. 17). Dans l'abdomen, où existe une couche musculaire sous-cutanée, le feuillet somatique se partage en deux lames, dont l'externe forme la couche conjonctive et l'interne la musculaire sous-cutanée. Les glandes, l'œsophage, le rectum et tous les organes qui se développent par invagination de l'ectoderme entraînent avec eux, au moment de leur genèse, la couche somatique sous- jacente qui forme la membrane propre de ces organes. Dans l'œsophage, le rectum et la glande venimeuse, cette couche se divise en deux lamelles, dont l'externe forme la muscu- lature de ces organes, tandis que l'interne devient leur membrane propre. Quand le feuillet splanclmique du mésoderme forme des replis qui s'enfoncent dans la cavité de l'intestin médian et la divisent en plusieurs lobes, la couche somatique émet des prolongements qui pénètrent à l'intérieur de ces replis et représentent les muscles futurs (pi. XXII, flg. 9). Dans le céphalothorax, les extrémités internes de ces prolongements se rencontrent au-dessus de la masse nerveuse; leurs cellules terminales commencent à se multiplier et forment la lame aponévrotique (pi. XXII, fig. 10). La lame aponévrotique de l'embryon nous permet de distinguer, dans son épaisseur, plusieurs rangées de noyaux; elles correspondent aux prolon- gements des muscles qui s'attachent à la lame. Chez l'adulte, ces rangées de noyaux se transforment en faisceaux tendineux et conservent leur direction primitive. Chez les jeunes Epéires, on distingue, entre les faisceaux tendineux, des amas proto- plasmiques nucléés et parfois une division en territoires cellulaires. Des cellules mésodermiques qui forment la lame aponévrotique, les unes se transforment en faisceaux tendineux, tandis que les autres conservent leur forme cellulaire ou con- stituent des amas protoplasmiques. La lame aponévrotique du céphalothorax, considérée par les auteurs comme une sorte de F/riDE SUI Lli DliVELOPPEMEiNT DES ARAKJNEES. ooo Sfiuelette, interne, représente un tendon mésodermique, com- parable aux tendons des Vertébrés, et ses cellules peuvent être comparées à celles décrites par Ranvier dans ces organes. Les cloisons des segments mésodermiques ne persistent pas chez l'adulte, comme le décrit Barrois, et la couche splanchni- que du mésoderme forme de nouveau des replis à l'intérieur de l'intestin médian pour le diviser en lobes (pi. XXIII, fig. 3, ^^Z). Les diverticules du feuillet interne du mésoderme présentent la disposition suivante : 1) quatre paires de replis latéraux divisent la partie céphalothoracique de l'intestin médian en cinq paires de cœcums latéraux (pi. XXII, fig. 10). 2) Deux replis longitudinaux partent de la face ventrale de l'intestin abdominal et séparent un diverticulum impair qui s'ouvre dans la partie antérieure de l'intestin médian (fig. II, i). FiG. II. — FÎQurc schématique, reprcscntnnt la division du mésenléron abdominal en lobes ; pni. fMumons ; ]-i plis de ta couche splanchniquc, qui s'enfoncent dans rinicvieur du mcscnlcron. 55G AM.VDIMIU SCIIIMKENMTSCII. 3) Deux paires de replis latéraux partagent l'intestin médian en deux paires de lobes latéraux (fig. II, 2) et en un lobe impair postérieur. 4) Un repli médian dorsal divise ce dernier lobe en deux (fig. II, .3). r^) Une paire de replis latéraux, qui se forme plus tard que les autres, partage chacun des deux lobes postérieurs en deux (fig. II, 4). Puis se forment de nombreux replis secondaires, qui divisent les lobes abdominaux en petits follicules. Tous ces diverticules n'arrivent pas jusqu'à l'axe longitu- dinal de l'embryon, et la partie centrale du mésentéron, qui reste indivise, représente l'intestin proprement dit. La formation de la couche épitliéliale de l'intestin propre- ment dit est décrite par Balfour, et je ne puis que confirmer les observations de l'embryologiste anglais. En effet, la formation de la couclie épithéliale commence dans la partie postérieure de l'intestin et, de là, s'étend de plus en plus en avant. Les amas protoplasmiques nucléés des cellules vitellines adjacentes à la membrane propre de l'intes- tin se détachent des cellules mêmes, prennent la forme arrondie, se juxtaposent à la membrane propre et forment les cellules épithéliales. Mais, dans les diverticules de l'intestin médian, la couche épithéliale se développe d'une autre manière. Les cellules vitellines se juxtaposent à la membrane propre; les unes deviennent caliciformes et leurs granules vitellins se transforment en corpuscules hépatiques (pi. XXI, fig. 6, eh.); les autres perdent les granules vitellins et prennent une forme hémisphérique; elles sont plus petites, leur substance claire est chargée de petits granules transparents (pi. XXI, fig. 6, fc). Les granules vitellins abandonnés par ces cellules se dissolvent dans le liquide qui remplit la cavité du diverti- culum. Les premières cellules sont les cellules hépatiques, les secondes représentent les cellules à ferment (Fermentzellen) encore appelées cellules pancréatiques. Chez l'embryon, avant l'éclosion, les cellules de l'endoderme secondaire se rencontrent en abondance dans tous les espaces compris entre les organes du céphalothorax, espaces qui, chez KTinK SIR LR DKVKLOIMM-MI-NT Dl-S Ml VKI NKKS. ")■)( l'adulte, sont remplis par des cellules adipeuses (pi. XXI. ftg". 1 m, et pi. XXIT, fìg. 11, ca). Ces dernières ont une forme sphérique et leur protoplasme se colore très faiblement par le carmin et riiématox3''line, comme cela s'observe pour les cellules de l'endoderme secondaire. Les cellules adipeuses se développent, sans aucun doute, aux dépens de l'endoderme secondaire. Comme, chez l'adulte, les cellules adipeuses sont souvent en voie de division et en même temps on trouve entre elles des corpuscules sanguins; il est donc très probable que le rôle essentiel du tissu adipeux est un rôle hématopoiétique. On peut admettre que les cellules adipeuses, chez l'adulte, se divisent pour former les corpuscules sanguins. Les cellules de l'endoderme secoudaii^e se rencontrent aussi dans les espaces compris entre les organes de l'abdomen (pi. XXII, fig. 6, 13) et forment une couche peritoneale qui enveloppe les organes digestifs et génitaux. A l'intérieur des deux plis longitudinaux de la couche splanchnique du mésoderme qui séparent le cœcum impair de l'intestin médian, on observe des épaississements ovalaires symétriques de ce feuillet (pi. XIX, fig. 1, gen.). Ces épaissis- sements consistent en deux cordons compactes, dont les cellules périphériques forment une membrane enveloppante. Leurs extrémités antérieures (pi. XXII, fig. 13, g.) sont recourbées vers la face ventrale de l'embryon. Ces épaississements représentent les ébauches des organes génitaux qui se déve- loppent, comme ceux des Vertébrés, aux dépens de la couche splanchnique du mésoderme. Leurs extrémités recourbées représentent les oviductes ou les vaisseaux déférents. Les Araignées, au moment de l'éclosion, sont privées d'orifices génitaux. D'après une communication que m'a faite Wagner, qui a étudié l'évolution postembryonaii'e des Araignées, l'orifice génital externe et la partie impaire des conduits génitaux se développe, après plusieurs mues, par invagination de l'ectoderme. Ainsi la partie mésodermique des conduits génitaux correspond aux " primare Ausfiihrungsgange „ de '>')>^ \\ÌA\)Ì\U\\ SCIIIMKKWITSCH. Schneider cliez les Insectes (i), et la partie ectodermique au " Herold'sche gang „ des Insectes lequel, d'après Nussbaum (-â) se développe aux dépens de l'ectoderme. CHAPITRE IV. OKVRLOPPEiMRNT DES OIlf.ANES EGTOnEItMIQIIES. Aux dépens de l'ectoderme se développent les organes sui- vants : 1) La couche chitineuse et la couche chitinogène du tégument. 2) La couche épithéliale et la tunique interne de toutes les glandes. 3) La couche épithéliale et la tunique interne des trachées et des poumons. 4) La couche épithéliale et la tunique interne de l'œsophage du rectum, de la poche stercorale et des vaisseaux de Malpighi. 5) Le système nerveux et les yeux. La cuticule embryonnaire des Araignées est pourvue d'épaississements linéaires, mais privée de poils; ceux-ci se développent aux dépens de grandes ceUules ectodermiques, dites trichogènes. Dans les derniers stades du développe- ment, ou peut observer que plusieurs cellules de la couche chitinogène augmentent de volume, prennent la forme sphé- rique et se placent en dessous de la couche chitinogène (pi. XVIII, fig. 10, A). Ces cellules renferment un noyau très volumineux et à contour peu net. Les cellules voisines de la couche chitinogène forment, au dessus de cette dernière, une sorte de voûte et exhaussent un peu la cuticule embryonnaire. (t) Schneider. Die Enlwicklung cler Geschlechlsorgane der Tnaeclen. Zool. Beilrage, Bd. I, n» 5, 1883, p. 265. (2) Nussbaum. Zar Entwicklungsgesck. der Aiisfûhrungsgnnge der Sexualdriiseii bei den Insec/en. Zool. Anz. 1882. KTiDR SI H u: I)i:vi:i,(>i'im:mi:\t 1)i:s vnvi(iM:i:s. •)■)'•• iiaire. Quand la cellule trichog'ène est placée immédiatement, au-dessous de la couche chitineuse (pi. XVIII, flg. 10, B), ses limites sont bien nettes; les cellules voisines s'allongent, prennent la forme sémi-lunaire et enveloppent la cellule trichogène en guise de cellules de revêtement. Bien que je n'aie pu observer toutes les phases du développement du poil, je suis convaincu que le poil est le produit d'une seule cellule, comme l'a décrit Tichomirolî pour les poils du Bonihyx mori. Nous avons vu que la lame aponévrotique du céphalothorax est une formation mésodermique. Les tendons des Arthropodes représentent un prolongement chitinisé du sarcolemme, comme Reichert l'a démontré pour l'écrevisse, Landois pour la puce du chien, Leydig pour VIxodes, et comme moi-même je l'ai constaté pour l'Epéire. Mais l'ectoderme aussi prend part à la formation des tendons. Chez l'embryon des Araignées, les cel- lules de la couche chitinogène, au point d'attache d'un muscle au tégument, sont très allongées et pourvues de noyaux oblongs, presque cylindriques (pi. XXII, fig. 17). Chez l'Araignée adulte, la couche chitinogène est réduite, à ces niveaux, à une très faible lamelle, ordinairement pigmentée, tandis que le sorcolemme correspondant à l'extrémité par laquelle le muscle s'attache au tégument est chitinisé. Il est probable que la chitinisation de T extrémité tendineuse du muscle est produite par les cellules chitinogènes qui diminuent de volume pendant ce processus. Dans l'abdomen des Araignées, sur le trajet des grands muscles longitudinaux, se trouvent deux tendons, tout-à-fait isolés du tégument. Comme les coupes longitudinales de l'embryon de la Lycosa saccata le démontrent, il existe une liaison provisoire entre ces tendons et la couche chitinogène de la face ventrale de l'abdomen (pi. XXII, fig. 11). Les cellules de cette couche, situées sous le tendon antérieur {TI), s'allon- gent et affleurent au tendon. Sous le tendon postérieur {T 2), on aperçoit un repli ectodermique {enf 2), qui s'enfonce dans l'abdomen et se juxtapose au tendon par son extrémité interne. Il est évident que nous avons sous les yeux des organes .")()() WLVDIMÎR SCIIIMKEWTTSCH. spéciaux, qui ont pour but de produire la chitinisation des tendons. Il existe, dans les cliélicères des Araignées, un tendon énorme, d'où part un système de muscles fléchisseurs du crochet à venin. Chez l'embryon de la Lycose, l'ectoderme de l'extrémité distale des chélicères forme une prolifération com- pacte (pi. XXIT, fig-. 14, td) dont les cellules périphériques sont disposées en une couche épithéliforme et servent à l'attache des fibres musculaires. Dans ce dernier cas, une partie du tendon est d'origine ectodermique. Ainsi, chez les Arthro- podes, on comprend sous le nom de tendon, des formations bien différentes. * La lame aponévrotique du céphalothorax est d'origine méso- dermique et comparable aux tendons des Vertébrés. Quoi- qu'elle résiste à l'action des acides et des alcalis, elle n'a aucune relation avec la couche chitinogène de l'embryon, et la substance à laquelle elle doit sa consistance, et qui est probla- blement un produit de sécrétion des cellules placées entre les faisceaux tendineux, n'est pas de nature chitineuse. Ces tendons représentent le sarcolemme chitinisé par suite de l'activité des cellules de la couche chitinogène. Les autres, dont les dimensions sont plus grandes, consistent en des cellules ectodermiques chitinisées. Tja glande à venin nait, sous forme de bourgeon compact, de l'ectoderme de l'extrémité distale des mandibules (pi. XXII, fig. 14, gl). Avant l'éclosion, cette glande consiste en un amas de cellules ectodermiques qui occupe le tiers inférieur de la cavité mandibulaire. Les glandes à soie (pi. XXII, fig. 8 gl) se forment par invagination de l'ectoderme. La lumière de l'inva- gination est limitée par une membrane mince, la tunique interne, qui représente le prolongement de la cuticule embiyonnaire. La différence remarquable entre le développe- ment de la glande à venin et celui des glandes à soie peut s'expliquer par la différence de structure histologique de ces glandes. La première est privée, chez l'adulte, de tunique interne et nait, sous forme de diverticule compacte ; les glandes KTi di: sin i,r. i)i:M:L(ii>i'r,Mi:M in:s arai(;m':i:s. 5(ji à soie sout pourvues d'une tunique interne et naissent par invagination. Balfour a démontré que les trachées et les poumons des Araignées se forment par invagination de l'ectoderme. Je ne puis que confirmer cette observation. Chez l'embryon de la Lycosa saccata, avant l'éclosion, les trachées sout représentées par un tronc principal d'où partent quatre branches secon- daires. Leur paroi est formée de la couche épithéliale ecto- dermique, tapissée par une tunique interne homogène et revêtue par une tunique externe renfermant des noyaux d'origine mésodermique (v. le chap. III). Dans ce même stade, la structure des poumons est plus intéressante (pi. XXII, fig. 1, imi). A. Milne-Edwards (i) et J. Mac Leod (:2) s'efforcent de prouver l'homologie des poumons des Araignées avec les branchies des Limules, homologie indiquée en premier lieu par Edouard Van Beneden, à la suite de ses études sur le déve- loppement des Limules. Les poumons de Tembrj^on de la Lycosa saccata consistent en de vraies trachées disposées en faisceaux : le tronc principal (pi. XXII, fig. 1), qui s'ouvre au dehors par l'orifice stigmatique {st), se divise eu cinq branches secondaires. La couche épithéliale de ces dernières est repré- sentée par des cellules aplaties. Les branches secondaires^ apla- ties de haut en bas, plongent dans la lacune entourant les poumons, et dans les intervalles de ces branches s'observent des coipuscules sanguins. Ainsi, le poumon embryonnaire consiste en une trachée disposée en faisceau; la seule diftérence à noter, c'est l'absence de la tunique externe que je n'ai rencontrée, ni sur le poumon de l'embryon, ni sur celui de l'adulte. En ce qui concerne l'évolution de l'intestin antérieur et de l'intestin postérieur, Claparède s'exprime comme suit : " Le sac vitellin qu'on observe dans l'embryon serait donc la région (t) Etudes sur les Xiphosoures. Mission scientifique au Mexique, 1875, et dans les Ann. des Se. Nat. {^) Recherches sur la signification de l'appareil respiratoire des Arachnides. Aroh. do Hiol. T. V. 1884. 5G2 WLADIMIR S(,lll\IKi:\MTS(;il. mediane du canal alimentaire. L'œsophage et le rectmii se développeraient, en allant à la rencontre de la partie médiane, à partir de la bouche et de l'anus. „ En effet, Salensky, Balfour et Barrois s'accordent à admettre que l'intestin antérieur et l'intestin postérieur se développent par invagination de l'ecto- derme. Barrois affirme qu'aux dépens de l'invagination antérieure se développent, non seulement le pharynx, l'œso- phage, le suçoir, mais encore une partie du canal alimentaire faisant immédiatement suite au suçoir, c'est-à-dire la partie céphalothoracique de l'intestin médian. Cet auteur affirme aussi que les vaisseaux de Malpighi se développent aux dépens du mésoderme. D'après mes recherches, aux dépens de l'invagina- tion antérieure, se développent simplement le pharynx, l'œso- phage et l'organe de la succion. L'invagination postérieure donne naissance, à son extrémité interne, à un renflement qui prend la forme d'un huit de chiffre, (pi. XXII, fig. 6), la partie inférieure est beaucoup plus petite que la supérieure. Cette dernière représente la poche stercorale, qui s'ouvre dans la partie inférieure ou le rectum proprement dit. La paroi du rectum émet deux diverti- cules latéraux (mi:»), qui représentent les tubes de Malpighi. Les yeux des Arthropodes se développent ordinairement aux dépens de l'ectoderme tégumentaire, mais, comme cela a été signalé par Bobretzky pour l'Ecrevisse, et par Grobben pour la Moina, la partie rétinienne de l'œil se forme aux dépens du tissu du nerf optique, ou de l'ectoderme nerveux. Ce dernier mode du développement s'observe chez les Arai- gnées. Le nerf optique, en s'approchant du tégument du tube céphalique, montre, à son extrémité distale, un renflement pyriforme (pi. XXII, flg. 2) et l'ectoderme du tégument forme, autour de ce renflement, un épaississement annulaire, composé de plusieurs couches de cellules (pi. XXII, flg. 3). Plus tard (pi. XXII, flg. 4), les cellules tégumentaires situées au-dessus du renflement piriforme s'allongent, prennent la forme cylin- drique et constituent les cellules formatives du cristallin ou corps vitré des auteurs {cv). Les cellules de l'épaississement lÎTiDi: SI li m: 1)i:vi:l()I'I'i:mi;\t dks vkvicnkks. "i^.j annulaire, qui s'agrandit de plus en plus et enveloppe les côtés du renflement neural, donnent naissance aux cellules pigmentées qui forment la zone iridienne {pg). La partie neurale du rudiment se transforme en un assemblage de termi- naisons nerveuses. Comme au-dessous de la couche chitinogèue se trouve la couche conjonctive sous-cutanée et que le renfle- ment pyriforme du nerf optique est revêtu d'un névrilemme conjonctif, il se forme, eutre la partie rétinienne et la partie tégumentaire de l'œil, une lamelle conjonctive, nommée péréti- nienne par Graber (i). Je n'ai pas observé de noyaux dans la lamelle pérétinienne ; mais, dans les parties restantes du névrilemme du nerf optique et de la couche sous-cutanée, qui forment Tenveloppe conjonc- tive de l'œil, les noyaux sont bien visibles. Ainsi l'œil des Araignées se développe, comme celui de l'Ecre visse et des Vertébrés, aux dépens de trois couches : de l'ectoderme tégumeutaire, de l'ectoderme nerveux et du mésoderme. Les principales observations sur le développement du système nerveux appartiennent à Salensky et à Balfour. D'après Salensky, les ganglions sus-œsophagiens des Arai- gnées apparaissent sous forme de deux épaississements ecto- dermiques du lobe céphalique, qui pénètrent dans ce lobe par invagination. Les troncs ventraux se développent, sous forme de deux bourrelets longitudinaux, de l'ectoderme de la face ventrale, dont les extrémités antérieures se fusionnent, dès l'origine, avec les ganglions du lobe céphalique. Dans le céphalothorax, ces troncs donnent naissance à 6 paires des gan- glions, dont l'antérieur correspond à la paire mandibulaire ; dans l'abdomen de l'embryon, les troncs nerveux ne sont pas divisés en ganglions. (i) Mais cet auteur la considère comme élanl de nature cuticulaire. Ueb. clas unicorneale Auge. Arch. f. Micr. Anat. 27 Bd. Heft, ÔG4 WLADIMIR SCIIIMKI.NMTSr.ll. Barrois a observé cinq paires de ganglions thoraciqnes et 3 à 4 paires de ganglions abdominaux; ces ganglions restent visibles après l'éclosion. D'après Balfour, les épaississements du lobe céphalique ne pénètrent jamais à l'intérieur du lobe par invagination, mais l'ectoderme de ce lobe forme deux replis sémihmaires qui s'en- foncent dans l'épaisseur des ganglions. La lumière de chacun de ces replis se transforme en une cavité qui s'observe dans chaque moitié du ganglion céphalique de l'embryon. Les troncs ventraux dérivent, sous forme de deux bourrelets, des faces latéro-inférieures de l'embryon. Ils sont d'abord tout-à-fait indépendants des ganglions céphaliques et divisés en gan- glions, dont le nombre correspond à celui des zonites thoraci- qnes et abdominaux. La première trace du système nerveux s'observe dans le stade à 9 zonites (pi. XVIII, fig. 2). Les coupes transversales d'embryons de ce stade (pi. XXI, flg. 7) nous démontrent que l'ectoderme de la face ventrale présente des épaississements symétriques (n, n). Sur les coupes faites au niveau des pattes, ces épaississements sont plus forts et plus développés que dans les intervalles entre ces appendices, où ils consistent en une seule couche de cellules. Ch'est une preuve que les rudi- ments des troncs ventraux possèdent, dès l'origine, des renfle- ments ganglionnaires. Ces rudiments occupent d'abord la face ventrale de l'embryon, près de la ligne médiane, mais, plus tard, ils se rapprochent de plus en plus des parties latérales. Balfour, qui n'a vu ces rudiments que dans des stades plus avancés, a supposé, à tort, qu'ils apparaissent sur les faces latéro-infé- rieures de l'embryon. Cet écartement des rudiments nerveux résulte de l'élargissement de la gouttière longitudinale qui les sépare et de l'inversion de l'embryon (v. chap. II). Dans ce stade, l'abdomen ne renferme aucun rudiment du système nerveux (pi. XIX, flg. 5), mais le lobe céphalique (ibid, gc) présente deux épaississements ectodermiques, indépendants des rudiments ventraux, et qui constituent la première ébauche des ganglions sus-œsophagiens. Dans le stade à 12 zonites ÉTUDE Sdì LE DÉVELOPPEMENT DES ARAIGNÉES. 5G5 les rudiments ventraux, déjà très éloignés de la ligne médiane, ont une forme ovalaire (pi. XXI, fig. 9). Dans les stades à 16 zonites (pi. XVIII, fig. 7 et pi. XIX, fig. 1) apparais- sent les dépressions sémilunaires du lobe céphalique (pi. XIX, fig. 1, enf) et les ganglions abdominaux, dont le nombre s'élève d'abord à huit (pi. I, fig. 7), puis à dix paires (pi. XIX, fig. 1). Chez le Pholcus, leur nombre s'élève à 12 paires. Les coupes transversales du lobe céphalique d'embryons de ce stade nous permettent xVétudier la formation des cavités ganglionnaires décrites par Balfour (pi. XXI, fig. 4 et 5). Une coupe faite en avant de l'orifice buccal (fig. 5) démontre que les bords internes des moitiés du rudiment ganglionnaire sont déjà confondus entre eux sur la ligne médiane. Les diverticules ectodermiques (enf.) se présentent sous forme de deux fentes, très étroites et tapissées en dedans par une seule couche de cellules tégumentaires. Les angles externes du ganglion forment deux renflements pyriformes, dont les sommets sont dirigés vers la face latérale (a^j). Une coupe faite en arrière de l'orifice buccal (fig. 4) montre que là les deux moitiés du ganglion sont séparées l'une de l'autre, et que les sommets des renflements se recourbent de plus en plus vers le bord inférieur du ganglion lui-même. L(jrsque les sommets du renflement se confondent avec ce bord (pi. XXIII, fig. 5 h), ils donnent naissance à deux cavités décrites par Balfour. Ainsi, ces cavités ne résultent pas d'une invagination de l'ectoderme, et ne sont non plus comparables aux cavités cérébrales des Vertébrés. Elle sont d'abord limitées par l'ectoderme et le mésoderme, c'est-à-dire ({u'elles représentent des restes de la cavité de segmentation. L'ectoderme des parties latérales du lobe céphalique oftre deux épaississements (pi. XXI, fig. 5, cm.) qui formeront les commissures œsophagiennes. Les coupes longitudinales d'embryons de ce stade (pi. XXIII, fig. 5) nous apprennent que la chaîne ganglionnaire est repré- sentée par quatre paires de ganglions pédieux (g, 4, 3, 2, 1), une paii'e de ganglions maxillaires (gmx), une paire de ganglions 566 WLADIMIR SCHIMKEWITSCH. mandibulaires (gdm.) et une paire de g-anglions que je nomme rostraux (fjr) parce qu'il est très probable qu'ils donnent naissance aux nerfs du rostre. Dans les stades avec zonites abdominaux confondus (pi. XIX, fig. 2 et 3), tous les ganglions abdominaux sont fusionnés en deux troncs, placés au dessous des bandes germinatives et, dans ces stades, les ganglions antérieurs du céphalothorax commencent à se rapprocher de la ligne médiane (pi. XXIII, fig. 2). Les troncs abdominaux se rapprochent et se confondent un peu plus tard, dans le stade représenté, figure 9, de la pi. XVIII. Balfour nie l'existence d'un rudiment nerveux médian chez les Araignées. Il n'en existe jamais dans la partie céphalothora- cique, où les ganglions, pendant leur rapprochement, sont tout à fait séparés de l'ectoderme; mais, dans l'abdomen, le rudi- ment en question peut être observé. La coupe transversale de la paroi abdominale inférieure d'embryons de Lycosa saccata pi. XXII, fig. 12) nous montre que les troncs abdominaux {n, ahd) sont un peu distants de la Ugne médiane et que l'ectoderme forme, entre eux, un faible enfoncement {n. r.) où les cellules sont disposées en plusieurs couches. Sur une coupe plus anté- rieure (pi. XXII, fig. 13), les troncs abdominaux ont la forme sémilunaire et leurs bords concaves sont tournés vers le haut. Les cellules ectodermiques de l'espace limité par les bords internes des troncs sont très allongées; de leurs extrémités internes se séparent des cellules nouvelles. Ces cellules repré- sentent le rudiment médian du système nerveux. La couche somatique du mésoderme se juxtapose immédiatement à la face supérieure du rudiment nerveux et, plus tard, l'enveloppe de tous côtés (pi. XXI, fig. 1). Aux dépens de cette couche, se développent le névrilème et la charpente conjonctive du système nerveux. Le mésoderme produit, à l'intérieur de la masse nerveuse, les excroissances suivantes : 1) Les excroissances qui pénètrent dans la face ventrale du système nerveux et qui séparent les ganglions (pi. XXIII, fig. 4). ÉTCDE SUR LE DÉVELOPPEMENT DES ARAIGNÉES. 567 2) Une excroissance longitudinale, qui s'enfonce dans la face ventrale du système nerveux et la divise en deux moitiés symétriques (pi. XXI, fig. 1, ms). 3) Une excroissance qui, pénétrant dans la face dorsale du système nerveux, y forme : a) les faisceaux conjonctifs qui s'insèrent sur la ligne médiane dans le tissu nerveux (h) le névrilemme interne ou la membrane conjonctive, qui s'observe entre la couche cellulaire et la couche fibrillaire. Comme le tissu conjonctif sert de bordure à chaque ganglion, il est pos- sible de reconnaître la disposition des ganglions embryonnaires chez l'adulte. La coupe longitudinale, représentée figure 3 de la planche XXI appartient à un embryon non encore éclos. La partie postérieure du système nerveux (g. ahd) (pi. XXIII, fig. 4) est formée par la soudm^e de tous les ganglions abdo- minaux de l'embryon; les parties ^,-^^, qui donnent naissance aux nerfs des pattes, représentent les ganglions des quatre zonites postérieurs du céphalothorax; la partie g. m. x. est formée par une paire de ganglions du second zonite thoracique, ou ganglions maxillaires. Une paire de ganglions du premier zonite, ou ganglions mandibulaires {g. m. d.) occupe les faces latérales, de la partie sus-œsophagienne et s'étend jusqu'au bord occipital et postérieur du système nerveux. Sur le bord postérieur, elle donne naissance à une paire de prolongements (pii correspondent à l'ébauche du système sympatique (pi. XXIII, fig. 4, symp.). Une paire de ganglions du rostre (gr) occupe la partie supérieure de la face latérale de la région sus-œsophagienne et s'étend jusqu'au bord supérieur du système nerveux, (i). Une petite partie seulement du système nerveux (gc), qui donne naissance aux nerfs optiques, se développe au dépens du lobe céphalique. (i) TiCHOMiROFF décrit, chez le Bombyx mori, une paire de ganglions, l)lacós en avant des ganglions mandibulaires et nommés, par cet auteur, labiaux. Ils sont comparables aux ganglions rostraux des Araignées. 568 WLADIMIR SCHIMKEWITSCH. Nous avons vu que le système nerveux central des Arai- gnées dérive de trois ébauches ectodermiques : 1) De deux épaississements du lobe cépbalique; 2) de deux épaississements longitudinaux de la paroi ventrale de l'embryon et 3) d'une ébauche ventrale médiane et impaire. Malgré les assertions de Kupffer, Gotte, Fol, Bobretzky (i), Semper (-2) et Boutschinsky (3), d après lesquels le mésoderme interviendrait dans la formation du système nerveux des Vertébrés, des Mollusques et des Annélides, je pense que le système ner- veux des Bilatérés est exclusivement d'origine ectodermi que. En effet, les observations de His, Kolliker, Balfenr (vertebrata), Hatschek (4) (Teredo, Annélides), Kleinenberg (s) (Annélides), Kowalewsky (6) (Chiton, Dentaliwm), Ziegler (7) (Cydas), nous prouvent que le système nerveux des Bilatérés est une formation purement ectodermique. Cependant il est probable que les ébauches mésodermiques signalées, par exemple, par M. Boutschinky, chez le Lumhrkus, servent à la formation des enveloppes et du squelette con- jonctif du système nerveux. Les ganglions céphaliques des Annélides naissent sous forme d'un épaississement impair du lobe céphalique (Kleinen- berg, Hatschek), tandis que les mêmes ganglions des Arthro- podes apparaissent sous forme de deux, épaississements du même lobe, munis de deux enfoncements ectodermiques (Hatschek (8), Reichenbach(9), etc. Mais Grobben(io) a démon- tré que les ganglions céphaliques de la Moina apparaissent sans forme d'une ébauche impaire qui se divise, plus tard, en (i) Mém. de la soc. Imp. des Amis des Se. Nat. l. XXIV 1« édit. (2) Arbeit, a. d. Zool. Instil, zu Wiirzburg. Cd. IH. H. 2, 3. (r,; Bullet, de la soc. des Natural, de Nouvelle-Russie, l. "VIII, 2. (4) Arbeit, a. d. Zool. Instit. z. Wicii. 1878, 80,85. f5) Quart. Journ. LXXIV, 1879. (6) Ann. du Musée d'Hist. Nat. de Marseille t. I. (7) Z f. W. Z. Bd. 41, 1885. (8) Jeu. Zeit. Bd. XI. (y) Z. f. W. Z. Bd. 29. (10) Arb. a. d. Zool. Inst. Wien H, 1879. ETUDE SLR LE DEVELOPPEMENT DES ARAIGNEES. 560 en deux moitiés. Le même phénomène est signalé par Fol(i) chez les Ptéropodes, tandis que, chez les autres Mollusques (Teredo^ Bentalium, Cyclas), l'apparition des ganglions cépha- liques s'opère d'une manière semblable à celle des Arthropodes. Il résulte de ces observations, que la forme primitive de l'ébauche céphalique est celle d'un épaississement impali-, et que l'apparition de deux ébauches, munies l'une et l'autre d'un enfoncement de l'ectoderme, est un phénomène secondaire. La plupart des aut^irs qui ont étudié le développement du système nerveux des Mollusques, des Annélides et des Arthro- podes, affirment : 1) Que la chaîne ventrale dérive de deux ébauches symétriques placées sur la face ventrale de l'embryon (les ébauches latéro- ventrales) ; 2) que ces ébauches sont d'abord indépendantes et séparées des ganglions céphaliques (flg. III). m. A. Premier rudiment ontogénéliquc du syslème nerveux des Bilaleria; B. Forme transitoire hiipothélique ; gc. ganglion céphalique ; 1- Deux rudi- ments symétriques de la chaîne ventrale; an. anneau œsophagien; sa. Com- missure supra-anale . (i) Arch, de Zool oxpériin. et générale, t. IV, 1875. 5"0 >\LAI)1MIK SCllIMkEWlTSClI. Je ne connais que les exceptions suivantes : 1) Korotneff(i), chez le Gryllotalpa, et Hatschek (2), chez le Siimnculus, ont décrit l'ébauche de la chaîne ventrale comme étant impaire ah origine; 2) Salensky(;i), chez les Némertiens et Hatschek (i) chez le PolygordiuSj ont observé que la chaîne ventrale a pour origine deux prolongements immédiats des ganglions céphaliques. Salensky, se basant sur les faits du développement du système nerveux du Monopora, émet les conclusions suivantes : la commissure ventrale des Némertiens est l'homologue de la commissure dorsale des Annélides; la commissure dorsale des Némertieus est une formation propre aux Némertiens seulement; les nerfs latéraux des Némertiens correspondent aux commissures circumœsophagiennes des Annélides. S'il en est ainsi, comment devons-nous considérer les com- missures du Geonemertes, lesquelles embrassent la trompe et le pharynx (atrium, vestiimle de Salensky)? Comment devons- nous considérer la commissure supra-anale, décrite chez les Némertiens par Hubrecht (s)? Il est impossible d'admettre une liaison des commissures circumœsophagiennes par une conmiissure supra-anale, et il est évident que l'ancienne manière de voir sur le système nerveux des Némertiens explique mieux les faits mentionnés. Scott et Osborn (g), en étudiant le développement du système nerveux des Amphibieus, ont fait observé que la première ébauche de la moelle est représentée par deux épaississements ectodermiques longitudinaux. Chez les Annélides et les Arthropodes, on observe la troisième ébauche du système central, c'est la gouttière médiane. (t) Z. f. W. Z. Bd. 41, taf. 29, figure 32. (2) Arb. a. d. Zool. Insl. Wicn, t. V, H. 1. (s) Arch, de Biol., l. V, f. A. (i) Arb. a. d. Zool. Inst. Wien, Bd. VI, Heft. 2. (5) Quart. Journ. 1880. (6) Ibidem. 1879, vol. XXIX. ÉTLDE Sin LE DEVELOPPEMENT DES AlRAlGlNÉES. 571 D'après Salensky(i) et Boutschinsky, cette ébauche est souvent compacte ; mais les observations de Hatschek nous permettent de supposer que la forme typique de cette ébauche est celle d'une gouttière creuse. Chez VAstacas, d'après Reichenbach, cette ébauche peut être observée en avant de la boucJie, c'est-à-dire entre les ganglions céphaliques (fig. V, B). Les Vertébrés nous présentent un énorme développement de cette gouttière médiane et, chez les embryons dont l'ecto- derme est subdivisé en " Deckschicht „ et " Sinnesschicht „ {Teleostei, Lepidosteus), au lieu de la gouttière creuse, nous une trouvons ébauche compacte. Ce phénomène est évidemment secondaire. Ainsi, chez ces Vertébrés, nous avons trouvé les homologues des épaississements latéro-ventraux et de l'ébauche médiane; mais il est impossible de découvrir l'homologue de l'épaississement du lobe céphalique. Comment devons- nous considérer la portion antérieure du cerveau des Vertébrés? Malgré les observations de MM. Ahlboru(^^) et Graai'O^), qui ont démontré que la glande pineale est un œil impair, il est possible d'admettre que l'hypophyse représente le reste de l'œsophage primitif, comme le veut Owen (4). Poléjaew, dans une communication faite à la soc. des Naturalistes de Pétersbourg (non encore publiée), à émis l'hypothèse que la bouche primitive de Vertébrés s'ouvrait probablement au fond de la gouttière nerveuse, quand cette dernière était ouverte, c'est-à-dire que la bouche primitive répondait au fond de Vinfundihidimi. L'existence de l'épithélium ciliaire dans le trou nerveux et la position de la bouche, chez l'embryon de VAdacus, sur le trajet de l'ébauche nerveuse médiane sont des faits qui parlent en faveur de l'hypothèse de Poléjaew. S'il en est ainsi, la partie du cerveau des Vertébrés placée en avant de l'hypophyse correspondi-ait à la partie préorale de (0 Arch, de Biol., t. f. fa) Z. f. w. Z.Bd. XL. (5) Zool Anz. 1886, n"2l9. (i) Essays on the conario-liyiiophysoal Tract. I^oiiduii, 1883. Ò72 WLADIMIR SCUIMKENMTSCU. l'ébauche médiane de VAstams. Il est possible qu'une pareille ébauche préorale existe aussi chez les autres Arthropodes; mais elle n'a pas jusqu'ici attiré l'attention des observateurs et elle est restée inapei'çue. On a émis plusieurs fois l'hypothèse de la transformation du système nerveux annulaire des Cœlentérés en celui des Bilatérés. Sedgwick (4) compare l'anneau nerveux buccal des Actiniaires au cerveau et à la chaîne ventrale des Bilatérés. Mais cette manière de voir n'explique pas l'apparition indé- pendante des ganglions céphaliques. C'est pourquoi Balfour suppose que le ganglion du Trocliozoon a une origine indé- pendante de l'anneau nerveux. En mettant en regard la Trochophore et un Cœlentéré idéal, nous ne pouvons comparer à l'anneau nerveux de ce dernier que l'anneau nerveux, situé chez la Trochophore au niveau de l'organe viblatile anneau qui fut découvert par Kleinenberg. Hatschek(i2), étudiant le développement du Polygordius, a constaté que la larve de ce ver est pourvue de deux anneaux nerveux dont l'un est situé au niveau de l'organe vibratile préoral, l'autre au niveau du cercle ciliaire postoral. Il est très probable que, chez les larves, dites Polytrocha, on trouvera autant d'anneaux nerveux qu'il existe de cercles vibratiles. Je pense que ces anneaux représentent simplement des formations secondaires, lesquelles sont apparues pendant la vie larvaire. Les commissures œsophagiennes traversent ces anneaux pres- que perpendiculairement. Tous ces faits me portent à croire que le système nerveux des Bilatérés, présentant dès les premiers stades du développement des indices manifestes de symétrie bilatérale, n'est pas l'homologue de celui des Cœlentérés. Les Bilatérés dérivent-ils de formes radiaires? c'est là (i) Quart. Journ., 1884. (2) Arb. a. d. Zool. Inst. Wien. i. VI, H. 1. KTUDK Sin Li: l)i:VKT.OI'l>K\IRM DES VRVICNKKS -uà ime question qui est loiu d'être tranchée; mais il est permis (le supposer que la forme ancestrale des Bilatérés, pendant le stade diblastique, était pourvue d'un blastopore en forme de fente allongée, c'est-à-dire qu'elle était bisymétrique. L'existene d'un pareil blastopore est constatée chez les Gastéropodes (Fol), les Pulmonés (Rabl, Lankester), le Cucu- lanus (Biitschli)(i), la Serpula (Conn et Brasche) (2) et le Ferijoatus (3). Si nous supposons l'existence d'un blastopore en en forme de fente allongée chez la forme ancestrale des Bila- terés, nous pourrons pour rendre compte du fait que le blasto- pore arrondi des larves actuelles se transforme tantôt en bouche, tantôt en anus; nous nous expliquerons pourquoi, chez les oiseaux il existe plusieurs canaux neurentériques. Les phénomènes d'embryogénie s'expliquent donc en admettant que la forme ancestrale diblastique des Bilatérés possédait un corps allongé et un blastopore en forme de fente, dont la portion antérieure deviendrait la bouche, la portion postérieui'e l'anus. Les premières ébauches du système nerveux pourraient apparaître sous la forme de " Siuneszellen „ à l'extrémité antérieure du corps de cette forme ancestrale, cette extrémité étant la siège principal des organes des sens chez tous les Bilatérés et aussi le long des bords du blastopore, comme on observe chez les Actiniaires autour de la bouche. Mais ces ébauches pourraient être tout-à-fait indépendantes l'une de l'autre, comme nous le voyons chez tous les embryons des Bilatérés. Ij'ébauche antérieure correspondrait au ganglion céphalique. les ébauches ventrales aux troncs latéro-ventraux de l'em- bryon. L'existence de la commissure supra-anale, chez les Némertiens et le Peripatus (fig. IV. A et D.) nous fait supposer que ces troncs étaient reliés entre eux, en arrièrre du bord (1) z. f, w. Z. Bd. 26. (2) Zool. Anz, 188.^, N" 185 oM90. (r.) Quart, .lourn vol. XXIII, i74 N\ LADIMIR SCHIMKEWTTSCII postérieur du blastopore. Mais comment s'est formée la liaison entre l'ébauche antérieure et les ébauches latéro- ventrales ? n: Ì .'7C IV. A. Système nerveux de Ncmertes; B. Système nerveux du Chiion C. Système nerveux des lamellibranches ; D. Système nerveux du Peripalus ; gc. g. céplialique; 1. Troncs ventraux; sa. Commissure supra-anale; an. Anneau œsophagien ; rf. Renflements ganglionnaires de cet anneau ; cm. Commissures transversales. En comparant le système nerveux des Némer tiens (fìg. IV. A) et celui du Chiton (fig. lY. B), l'on est conduit à penser que cette liaison s'est établie par l'apparition d'un anneau de " Sinneszellen „ autour de la bouche, après la soudure des bords du blastopore, ou autour de la trompe, chez les ancêtres des Némertiens (ûg. III). Les ganglions inférieurs des Némertiens ne sont pas com- parables aux ganglions sous-œsophagiens des autres Bilatérés. Les ganglions des Némertiens représentent des épaisissements de l'anneau circumbuccal ; tandis que les ganglions sous- œsophagiens des autres Bilatérés sont formés par la soudure de ceux des zonites antérieurs, c'est-à-dire par la soudure des épaisissements des troncs latéro-ventraux. Les homologues des ganglions inférieurs des Némertiens KTiDE Sin li: I)i:vi:i,(>i'i>i:mi:\t di-s .\rai(;m:i:s 075 se retrouvent chez le Chiton dans de faibles épaisissements de l'anneau cir cum- œsophagien (fio-. IV, B). Il est possible que les trois faibles commissures transversales antérieures du Peripatus {ûg. IV. Z)) représentent, de même, le reste de l'anneau circumbuccal. Chez tous les autres Bilatérés, cet anneau se réduit à de simples commissures œsophagiennes. Entre le système nerveux du Chiton et celui des Lamelli branches (fig. IV. C) existent des formes de transition (Fissn- rella, Haliotis), qui prouvent (pie les ganglions pédieux des Mollusques sont comparables aux troncs latéro-ventraux du Chiton et des Annélides. Il est beaucoup plus difficile de trouver chez les Annélides les homologues des ganglions viscéraux des Acéphales. Sont-ils comparables au sj'Stème symphatique? Leur développement (Ziegler) en forme de deux ébauches ectodermiques indépendantes de celles des ganglions céphaliques ne milite guère eu faveur de ce rappro- chement. /TTNn -? M. B V. A. Figure schématique reprénentanl le rudiment ontogénétique du système nerveux des Annélides et des Arthropodes;^. Rudiment embryon- naire du système nerveux de /'Aslacus fluvialilis; C Rudiment embryon- naire du système nerveux des Vertébrés; gc. Ganglion céphalique; an. Anneau œsophagien; I. Cordons ventraux (dorsaux dans la fig. C) ; M. Rudi- ment ventral médian ; 0 . orilice buccal ou « conario-hypophyseal tract » 576 WLADIMIR SCIIIMKKNMTSCII. Ijes troncs dorsaux des Nematodes et du Balanoglossus procèdent-ils du ganglion céplialique et correspondent-ils au système symphatique ? c'est une question à élucider. Chez les formes supérieures des Bilatérés, on observe le rapprochement des troncs latéro-veutraux vers la ligne médiane (Annélides). La cause de ce phénomène reste inconnue. Pen- dant le rapprochement des ébauches latéro-ventrales, l'ecto- derme, limité par ces ébauches, forme un pli et s'enfonce dans l'intérieur de l'embryon. Ainsi se forme l'ébauche médiane des Annélides, des Arthropodes et des Vertébrés. Chez ces derniers, les ébauches latéro-ventrales sont rudimentaires, les ganglions céphaliques ont disparu, mais l'ébauche médiane présente un développe- ment énorme et forme tout le myel-encéphale. ETvmi SI H li: développement des araignées. EXPLICATION DES PLANCHES. (Planche XVIIL) Fig. 1-9 représentent les changements de forme extérieure de Fembryon de l'Agelène (sj)?). EXPLICATION DES LETTRES. le = lobe céphalique. la = lobe anal. md = zonite mandibulaire \ mx = zouite maxillaire \ et leurs appendices. lp-4p = zonites pédieux \ Ir = labre supérieur. Ib = labre inférieur. st = partie sternale \ pl = partie pleurale \ des zonites abdominaux. tg = partie tergale j 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, zonites abdominaux. Fig. 1. Stade à 5 zonites et avec zonite mandibulaire nid, en voie de formation. Fig. 2. Stade à 9 zonites et 5 paires d'appendices thoraciques. Fig. 3. Stade à 12 zonites et 6 paires d'appendices thoraciques. Fig. 4 et 5. Le lobe céphalique avec les rudiments du rostre. Fig. 6. Stade à 14 zonites et 3 paires d'appendices abdominaux. Fig. 7. L'abdomen de l'embryon à 16 zonites. Fig. 8. Trois phases du développement du rostre. Fig. 9. Abdomen vu en dessous de l'embryon de la Lycosa saccata, après la fusion des bandes germinatives (de Barrois) hg; fl = filières; tg = point d'attache de la tige céphalothoracique. 3S 578 ^VLADIM1R SCIIIMKEUTTSCH. Fig. 10. A et B, deux coupes du tégument de l'embryon de la Lycosa saccata, avant l'écslosion, pour démontrer le développe- ment des cellules tfichogènes tr; Hartn. 3/7; Fig. 11. Coupe de l'œuf de la Tégénaire domestique au stade à 8 segments ; se = cavité de la segmentation ; n = noyaux et amas protoplasmiques qui les entourent, Hartn. 2/7. (Planche XIX). Fig. 1, 2, 3 représentent le changement de la forme extérieure de l'embryon de la même Agelène. Même signification des lettres que pour la planche XVIII. Fig. 1. Stade à 16 zonites plus avancé que celui de la lig. 7 de la pi. I; JS = rostrum; enf = diverticules sémilunaires de l'ectoderme du lobe céphalique; gc = ganglions céphaliques; g. àbd = ganglions abdominaux. Les mem- bres thoraciques ont été mal numérotés Ip est l'appen- dice du zonite maxillaire et non la première paire de patte : A la place de 2p lisez 1^ ; à la place de ^p lisez '2p et ainsi de suite. Le premier zonite abdominal est caché, à gauche par la dernière patte. Fig. 2 et 3. Deux stades de la seconde période du développement; or = les branches latérales de l'aorte postérieure; hg = bandes germinati ves. Fig. 4. Œuf du Pholcus phalangioides, vu par la face ventrale; embryon à 17 zonites, dont les 6 postérieurs correspon- dent au post-abdomen. Fig. 5. Coupe partielle d'oeuf de Lycosa saccata au stade représenté figure 2 de la planche XVIII. La coupe traverse le lobe céphalique et le zonite antérieur de l'abdomen, tnsp = mésoderme du zonite abdominal; ms = mésoderme du lobe céphalique; gc = rudiment du ganglion céphalique; end = cellules vitellines; Hartn. 3/5. Fig. 6. Coupe transversale d'embi'yon de Lycosa saccata apparte- nant au stade représenté figure 2 de la planche XIX; bd = bandes germinatives; n =- cordons nerveux de l'abdomen; p =^ appendice abdominal; c ^^ cavité du cœur; cœl = cavité cœlomique; smt = couche soma- tique; spi = couche splanchnique du mésoderme j ÉTUDE SliR LE DÉVELOPPEMENT DES ARAIGISÉES. 579 end = cellules vitellines ; se = cellules de l'endoderme secondaire, Hartn. 3/5. Fig. 7. Partie d'une coupe transversale de l'abdomen d'un embryon du Phokus phalangioides avant l'éclosion; cœc = cœcum impair du mésentéron abdominal ; gen = rudiments des organes génitaux. (Planche XX). hd = blastoderme. ms = cellules mésodermiques. end, vt = endoderme ou cellules vitellines. cp = cumulus primitif. hl = blastopore rudimentaire. pr = sillon primitif. n = noyaux et amas plasmiques de l'endoderme. Fig. 1-5 représentent le développement du mésoderme chez la Lycosa saccata; sur les figures 1, 3, 4 les noyaux des cellules vitellines ne sont pas représentés. Fig. 1. Coupe de l'œuf; elle traverse le premier rudiment du méso- derme (ms), Hartn. 3/5. Fig. 2. Partie d'une coupe qui traverse le même rudiment plus développé. Hartn. 3/7. Fig. 3. Coupe longitudinale de l'œuf, au stade où le rudiment méso- dermique est en forme de comète. Hartn. 3/5. Fig. 4. Coupe longitudinale de l'œuf, après la disparition du cumu- lus et du blastopore (ep par erreur au lieu de cp). Fig. 5. Coupe longitudinale de l'œuf avec rudiment mésodermique complètement formé. Hartn. 2/5. Fig. G. Coupe de l'œuf du Pholcus phalangioides pendant la forma- tion du mésoderme. Hartn. 2/7. Fig. 7. Partie d'une coupe longitudinale de l'œuf du Pholcus pha- langoides au stade correspondant à celui de la figure 3 de la même planche; m -= cellule mésodermique en voie de division. Hartn. 3/7. Fig. S. Partie d'une coupe d'œnf non segmenté du Pholcus 2}halan- gioides; vg = vésicule germinative. Hartn. 2/7. 580 WLADIMIR SCHIMKEWITSCH. Fig. 9. Partie d'une coupe d'œuf de Tegenaria domestica après la destruction des pyramides. Hartn. 2/7. Fig. 10. Coupe partielle d'œuf d'iJpezVa diadema, après la formation du blastoderme. Hartn. 3/7. Fig. 11. Partie d'une coupe transversale d'œuf de l'Epéire diadème, traversant le sillon primitif {pr). Hartn. 3/7. Fig. 12. Partie d'un coupe transversale d'un œuf de la même Araignée, qui passe à travers le cumulus primitif. Hartn. 3/7. Fig. 13. Partie d'une coupe longitudinale d'un embryon de la même espèce, pendant la formation de l'enfoncement ectoder- mique ou du blastopore (bï). Hartn. 3/7. (Planche XXI.) Fig. 1. Partie d'une coupe transversale du céphalothorax d'un embryon de Lycosa saccata, avant l'éclosion. m = muscles; so = organe de la succion; cœ == cœcum antérieur de la partie céphalothoracique du mésentéron; st = lame aponévrotique ; m, mi, m-i = muscles; p == article basai de la patte; g. th = ganglions thoraciques; ps = substance fibreuse du ganglion ; ms = proliféra- tion inférieure du mésoderme dans l'intérieur du système nerveux; ca == cellules adipeuses ou celles de l'endo- derme secondaire. Hartn. 3/7. Fig. 2. Coupe horizontale de l'abdomen du même embryon, au niveau du cœur; 1, 2, 3 = trois lobes du mésentéron abdominal; lac = lacunes sanguines; adm = tuniques adventive et musculaire de la paroi du cœur; j;er = paroi péricardique qui se sépare de la couche splanch- nique du mésoderme; vp = vaisseaux pulmonaires; es = cellules de l'endoderme secondaire. Hartn. 3/7. Fig. 3. Coupe longitudinale du système nerveux central d'embryon àe Lycosa saccata; gc= ganglion optique ;5'r == ganglion rostral; gmd = ganglion mandibulaire ; gmx == gan- glion maxillaire; gt-gi = ganglions pédieux; g. abd = ganglion abdominal; ms = excroissance supérieure du mésoderme, formant le névrilemme interne et les fais- ceaux conjonctifs (cj) dans l'intérieur du système ner- veux. Hartn. 3/7. ÉTUDE SIR LE DÉVELOPPEMENT DES ARAIGNÉES. 581 Fig. 4 et 5. Deux coupes transversales du lobe céphalique d'em- bryon de Lycosa saccata, au stade correspondant à celui de la figure 1 delà planche XIX. La coupe de la figure 5 traverse le lobe céphalique en avant de l'orifice buccal, celle de la figure 4, en arrière de cet orifice, œ = œso- phage; ccel = cavité cœlomique du lobe céphalique; enf = invagination de l'ectoderme à l'intérieur du ganglion céphalique; ap = renfiement pyriforrae du ganglion; cm = commissure œsophagienne. Fig. 6. Coupe d'un lobe du foie (de la partie abdominale du mésen- téron) d'embryon de Lycosa saccata, avant l'éclosion; ch = cellules hépatiques; fc ==■ cellules à ferment. Hartn. 3/7. Fig. 7. Partie inférieure d'une coupe transversale d'embryon de Lycosa saccata, au stade correspondant à celui de la figure 2 de la pi. XVIII. La moitié droite traverse le céphalothorax au niveau de la naissance de la patte; ^ = la moitié gauche dans l'intervalle entre les pattes ; n = épaississements de l'ectoderme, représentant le rudiment du système nerveux; ms == segments mésodermiques; cœl = cavité cœlomique ; es = cellules du mésoderme qui se détachent de la couche somatique et tombent dans la cavité cœlomique. Hartn. 3/5. Fig. 8. Partie d'une coupe longitudinale d'embryon de Lycosa saccata; 1, 2, 3, 4 == zonites abdominaux; se = cellules de l'endoderme secondaire ; es = cellules mésoderraiques libres. Hartn. 3/5. Fig. 9. Partie d'une coupe transversale d'embryon du Pholciis plia- langioides, au stade correspondant à celui de la figure (5, de la planche XVIII ; n = rudiment du système nerveux ; cœl = cavité cœlomique ; se = cellules de l'endoderme secondaire ; es ^= cellules mésodermiques libres ; p = patte. Hartn. 3/5. Fig. 10. Coupe longitudinale des 3™e et 4™«' zonites d'embryon du PJiolcus phalangioides, au stade correspondant à celui la figure 1 de la planche XVIII. Fig. 11. Coupe longitudinale du 5™» zonite du même embryon; cet = ectoderme ; ms = deux couches du mésoderme. Hartn. 2/7. ■)82 WLADIMIR SCHIMKE>VITSCH. (PLANXHE XXII.) Fig. 1-10 représentent des coupes d'embryon de Lycosa saccata, avant l'éclosion. Fig. 1. Partie d'une coupe transversale faite au niveau des stig- mates pulmonaires stg; pm = poumons; es = cor- puscules sanguins ; m = les muscles longitudinaux de l'abdomen. Hartn. 3/7. Fig. 2, 3, 4 représentent les diverses phases du développement de l'oeil ; g. op = ganglion optique; rf == renflement du nei*f optique; pg = cellules ectodermiques qui forme- ront plus tard les cellules pigmentées de l'œil; cv = cellules du corps vitré. Fig. 5. Coupe horizontale oblique de la partie antérieure de l'abdomen et de la partie postérieure du céphalothorax ; g. abd = ganglions abdominaux; msd == accumulation de cellules du mésoderrae, aux dépens de laquelle se développent les muscles longitudinaux. Fig. 6. Partie d'une coupe transversale de l'abdomen au niveau de la naissance des vaisseaux de Malphigi; rect = rectum; p. st = poche stercorale; prt = couche peri- toneale; m = muscles; tr. trachées; fl = filière. Hartn. 3/7. Fig. 7. A) Partie de la coupe transversale de l'abdomen; c = cœur; 2)e = péricarde; vi. al = muscles aliformes; mp == couche splanchnique du mésoderme; se = cellules de l'endoderme secondaire. Hartn. 2/7. B) Coupe horizon- tale de la paroi du cœur, au niveau de la naissance de l'artère latérale art; pe == péricarde; te = tunique externe ; m = muscularis. Hartn. 3/7. Fig. 8. Coupe longitudinale des filières; fs = filière supérieure; fm = filière médiane; fi = filière inférieure; gl = glandes à soie. Fig. 9-10. Deux coupes horizontales du céphalothorax. Celle de la figure 9 traverse le céphalothorax au niveau du suçoir sg; celle de la figure 10, au niveau de la lame aponévrotique st; gc = ganglion céphaliquei KTUDE SIR LE DÉVELOPPEMENT DES ARAIGNÉES. 583 ce == œsophage; sg = suçon*; st = lame aponévrotique; sp = excroissances de la couche splanchuique du mésoderme, qui partagent le mésentéron céphalothora- ciques en lobes; m = muscles; 1, 2, 3, 4 = lobes du mésentéron. Hartn. 3/7. Fig. 11. Partie inférieure d'une coupe longitudinale d'embryon de Ly cosa saccata, au stade représenté fig. 9 de la pi. XVIII; ti^ ti = tendons des muscles longitudinaux de l'abdo- men; enfi, enfi = deux dépressions de l'ectoderme, qui servent à la chitinisation des tendons. Fig. 12 et 13. Coupes transversales de la partie inférieure de l'abdomen du même embryon; celle de la figure 13 traverse l'abdomen plus avant que celle de la figure 12 ; n. abd = troncs nerveux; nr = rudiment médian du système nerveux; m = muscles; g = rudiments des organes génitaux; prt = cellules de l'endoderme secon- daire. Fig. 14. Coupe verticale à travers la mandibule de la Lycosa saccata, avant l'éclosion; td = tendon; m = muscles; gl = glande à venin ; ca = cellules adipeuses ou celles de l'endoderme secondaire. Fig. 15 et 16. Deux coupes longitudinale du post-abdomen du Pholcus phalangioides, au stade à 17 zonites (v. fig. 4 de la pi. XIX) et à 18 zonites ; ect = ectoderme; ms = mésoderme; c. vit = endoderme. Fig. 17. Coupe du tégument de la Lycosa saccata, avant l'éclosion, au point d'attache d'un muscle; cj = couche conjonctive du tégument; sr = sarcolemme. (Planche XXIII). Fig. 1. Coupe longitudinale schématisée d'embryon du Pholcus phalangioides, au stade à 6 zonites. la = lobe anal ; le = lobe céphalique; Imd = zonite mandibulaire ; 2ma; == zonite maxillaire; 3-6 = zonites pédieux; ect = ectoderme; ms = mésoderme. Fig. 2. Coupe horizontale schématisée d'embryon du même, au stade correspondant à celui de la figure 2 de la planche XIX, 584 WLADIMIR SCHIMKEWITSCH. N = ganglions thoraciques ; Ni = troncs abdominaux ; hd = bandes germinatives ; p = appendices abdomi- naux; spi = couche splanchnique, smt = couche soma- tique du mésoderme ; cœl = cavité cœlomique ; ao = aorte .postérieure; se = cellules de l'endoderme secon- daire. Fig. 3. Coupe transversale du céphalothorax d'embryon de Lycosa saccata, au stade correspondant à celui de la figure 3 de la pi. XIX. N = ganglion thoracique; spi. smt = deux couches du mésoderme; se = cellules de l'endoderme secondaire, qui remplissent la cavité cœlomique ; ao = aorte antérieure; pi = pli de la couche splanchnique du mésoderme, qui s'enfonce dans le mésentéron; P = lieu de naissance d'une patte. Fig, 4. Coupe longitudinale schématisée du système nerveux cen- tral d'embryon de Lycosa saccata, avant l'éclosion. La coupe traverse le système nerveux plus loin de la ligne médiane que celle de la fig. 3 de la pi. XXI. gc ^= gan- glion optique; gr == gangl. rostral; g. md = gangl. man- dibulaire; g. mx = gangl. maxillaire; gi-gi = ganglions pédieux; g. abd == gangl. abdominal; symp = rudiment du système de la vie organique. L'enveloppe et les cloi- sons conjonctives sont colorées en rouge. Fig. 5. Coupe longitudinale de la partie céphalothoracique du sys- tème nerveux d'embryon de Lycosa saccata, au stade correspondant à celui de fig. 1 de la pi. XIX; h = cavité du ganglion céphalique; ms = couche somatique. Les autres lettres ont la même signification que celles de la figure précédente. Fig. G. Coupe d'œuf de l'Epéire diadème dans la phase des pyra- mides; se = cavité de la segmentation; n = amas plasmatiques avec noyaux. Hartn. 2/5. L.a Septicémie Inoculée ì\ des Einleines pm* le» flèciieis dont se «ervent les pécheurs. ARMAUER HANSEN. A chaque printemps les pêcheurs des environs de Bergen capturent rég'ulièrement tantôt un tantôt deux exemplaires de la petite espèce de Balénoiitère bien connue aujourd'hui sous le nom de Balœnoptera rostrata. Voilà 500 ans au moins que cette chasse se répète chaque année dans des conditions identiques, dans les mêmes parages, avec les mêmes engins et avec les mêmes résultats. C'est ordinairement dans une petite baie, à 30 kilomètres environ de Bergen, nommée Skogsvag que la baleine annuelle se fait prendre. Ce fjord a une embouchure fort étroite et une fois qu'il y est entré l'animal n'en peut plus sortir. Il se promène alors le long des côtes, en attendant qu'on lui fasse la chasse. Aux mois d'Avril et de Mai les pêcheurs attendent la baleine et surveillent la baie : dès qu'elle y a pénétré ils en ferment l'embouchure au moyen d'un filet et dès lors la proie est à eux : jamais l'animal n'essaie de repousser devant lui le filet qui s'oppose à sa sortie. Aussitôt qu'il approche du filet, il rebrousse chemin. Il s'agit maintenant de se rendre maître du colosse. Les pêcheurs armés d'arcs se mettent en devoir de poursuivre 586 ARMAIER HANSEN. l'animal. Les arcs dont ils se servent sont d'nne construction très primitive, mais d'une force considérable et leurs flèches en bois sont pourvues d'une pointe en fer. Lorsque la flèche atteint la baleine le fer seul pénètre dans ses chairs et celui-ci porte la marque du pêcheur qui l'a lancé. Celui qui réussit à flxer dans les flancs de la baleine la flèche mortelle^ reçoit la plus grosse part de la dépouille. Après un temps qui varie entre 24 et 36 heures la baleine devient plus lourde et moins agile; elle vient plus souvent à la surface pour respirer; elle est évidemment malade, et à ce moment on peut l'attaquer par des harpons; après avoir été harponnée elle est amenée à terre et il faut de 50 à 100 hommes pour la hisser sur la plage. On trouve invariable- ment alors, autour de l'une des flèches qui ont pénètre dans la chair, une région gangrenée et cette flèche est considérée comme étant la flèche mortelle. Pour empoisonner les flèches pour les chasses futures on baigne les pointes dans la chair gangrenée, après quoi on les laisse se dessécher. Je ne sais si c'est mon frère le Dr. K. Hansen ou M. le Dr. Gade qui a eu le premier l'idée qu'il s'agissait ici d'un empoisonnement; je sais seulement qu'ils ont tous deux fait des préparations du sang et de la chair gangrenée à peu près en même temps, et qu'ils ont trouvé l'un et l'autre des bacilles dans leurs préparations. Mon frère a aussi essayé de mesurer le température d'une baleine en introduisant un thermomètre dans ses muscles; mais malheureusement par les contractions musculaires le thermomètre s'est brisé. Au printemps dernier j'ai assisté à une de ces chasses avec mon ami M. Nielsen, vétérinaire à Bergen, et nous avons fait sur place des ensemencements dans l'Agar, en puisant les germes d'une part dans la rate,, d'autre part dans la chair gangrenée. Nous avions oublié de nous munir d'un thermomètre. Dans les tubes de culture de la rate jious avons obtenu une culture pure de bacilles pré- sentant les mêmes caractères que ceux qui avaient été trouvés LA SEPTICÉMIE INOCILÉE A DES BALEINES. 587 auparavant par mon frère et M. Gade, et nous avons encore trouvé les mêmes bacilles dans un vaisseau sanguin du poumon. Dans les cultures de la chair gangrenée il y avait principalement des micrococcus. Les bacilles engendrent, dans les cultures, des spores incolores. Je crois pouvoir conclure de ces observations que l'intro- duction de la flèche empoisonnée inocule aux baleines les germes d'un bacille, qui produit chez elles la Septicémie. Dans les trois cas examinés on a trouvé le même bacille dans le sang et il serait intéressant de soumettre au contrôle de l'ex- périence l'opinion que je viens de formuler. M. Gade a essayé d'infecter des lapins mais sans résultat. J'espère pouvoir expérimenter au printemps prochain les bacilles que je possède en culture. Ce qui me paraît bien curieux, c'est que les pêcheurs de la côte de Norwège ont trouvé accidentellement et sans s'en douter un bacille produisant la septicémie et probablement ils ont fait cette découverte il y a des milliers d'années. Les arcs dont ils se servent sont de la même construction que ceux qu'employaient les guerriers anciens, les Vikings; il y a lieu de croire que cette forme d'arcs remonte à une haute antiquité; car il est éminemment probable que cette chasse aux baleines a pris naissance longtemps avant qu'un évêque de Bergen ait fait de cette pêche un monopole de son siège, ce qui eut lieu il y a 500 ans. Etude» sur le développement des A.nnélides, PAR M. SALENSKY Professeur à Odessa. DEUXIÈME PARTIE. CONCLUSIONS ET RÉFLEXIONS. Les recherclies embryologiques modernes n'ont pas seule- ment en vue la description des phénomènes évolutifs d'un animal, à partir de la ponte de l'œuf jusqu'à l'éclosion de l'embryon; l'horizon qu'elles embrassent est plus étendu. Elles cherchent à trancher quelques questions relatives aux rapports génétiques qui existent entre les différents groupes d'animaux et à dresser, pour ainsi dire, le tableau de l'évolution phylogé- nique de chacun d'eux. Or, ce n'est que par la comparaison des processus évolutifs des formes les plus nombreuses possible que l'on peut espérer résoudre ces questions. Mais dès qu'un embryologiste aborde l'étude d'un semblable problème, il se heurte à de nombreuses difficultés. D'abord le nombre des animaux, que l'on a étudiés au point de vue embryogénique, est encore fort restreint, de sorte que les matériaux, qui peuvent servir à établir des comparaisons, sont aussi fort insuffisants. Eu outre il est parfois bien difficile de distinguer, dans l'étude du développement d'un animal, les 40 590 M. SALENSKY. processus palyngénétiques des phénomènes cénogénétiques. Il en résulte alors des différences notables dans l'évolution d'animaux, dont la constitution présente cependant des analogies évidentes, et ces différences on les constate même dans l'évolution d'espèces appartenant à un même genre. Ces variations dans le développement sont loin d'être rares; plus le nombre des animaux, dont on étudie le dévelop- pement, devient considérable, plus le nombre de ces variations augmente. Je pourrais citer comme exemples, le développe- ment des Balanoglosses, celui des Péripates et surtout celui des Salpes, particulièrement remarquables par les grandes diver- gences qui se présentent dans l'évolution de différente espèces. Il est bien difficile d'admettre que ces divergences soient le résultat d'une différence dans l'évolution phylogénique. Il faut les considérer au contraire, selon les idées généralement admises aujourd'hui, comme résultant de la cénogénèse. Toutefois il faut avouer que fort souvent les embryologistes sont embarassés non seulement pour expliquer les causes de la cénogénèse, mais encore pour discerner les phénomènes cénogénétiques des phénomènes palyngénétiques. Tout ce que je viens de dire prouve combien il est difficile, à l'heure actuelle, d'établir des principes généraux, qui permet- tent d'expliquer les processus embryologiques et d'en tirer des conséquences relativement au développement phylogénique des animaux. Tout ce que l'on a fait à cet égard jusqu'à ce jour doit être considéré comme de simples tentatives plus ou moins heureuses, mais qui restent sujettes à caution. La théorie émise récemment par Gotte se trouve dans ce cas. Je m'y arrêterai quelque peu, parce qu'elle se rapporte aux Vers, que j'ai moi-même étudiés. On peut désigner la théorie de Gotte (i) sous la dénomina- tion de théorie stéréométrique ; elle est basée en effet sur les relations qui existent entre les axes d'un animal bilatéral (i) Gotte. Abhandlungen zur EntivickeUinqsgescliichle de'r Tfiiere, 2'«'' Theil. ÉTIDES SUR LE DÉVELOPPEMENT DES ANNÉLTDES. 591 adulte et ceux de sa Gastrula. Gotte divise les animaux bilatéraux en deux groupes : 1" les hyjw gastriques, chez lesquels l'axe longitudinal du corps de l'adulte répond à l'axe principal ou, comme Gotte l'appelle, à l'axe sincipital de la Gastrula ; 2'' les pleurog istriques, chez lesquels l'axe principal de l'adulte répond à l'un des axes transversaux (Kreuzaxe) de la Gastrula. Les animaux hypogastriques différeraient tellement des pleurogastriques que Gotte attribue à chacun de ces deux groupes une genèse indépendante (p. 171, loc. cit.). D'après Gotte les Hhiidinées et les Annélides chétopodes seraient indubitablement des formes très- voisines, attendu que leur évolution est absolument la même. Les Hirudinées seraient hypogastriques comme le sont les Chétopodes. Cette manière de voir n'a pas re(;u, tant s'en faut, de confirmation par mes recherches et parmi les travaux antérieurs il en est qui démon- trent déjà le peu de justesse de cette manière de voir. Chez la Clepsine, l'axe sincipital de la Gastrula, c'est-à-dii'e l'axe qui réunit le centre du disque germinatif avec celui des cellules entodermiques, représente aussi l'axe principal de l'adulte. On peut s'en convaincre en comparant la figure 36 avec la figure 50 de la planche XII de Whitmann(i). Chez Nephélis {i), l'axe sincipital, c'est-à-dire celui qui réunit le disque germinatif avec le centre du groupe des globes vitel- lins, représente l'axe longitudinal du corps. Bien que chez Brancliiohdellaii) le blastopore et le stade Gastrula fassent défaut, par analogie avec les autres Hirudinées, on peut considérer comme axe sincipital celui qui réunit le centre du groupe des macromères avec celui des micromères. Pom^ s'en convaincre il suffit d'examiner la figure. 9 de mon histoire du développement de BranckioMella. Or, cet axe correspond à l'axe transversal de l'adulte. H en résulte que les relations (i) Whitmann. Embryology of Clepsine. (Quarierly journal of micr. science 1878;. (2; BiJTscHLi. Entivickelmigsgeschicht. Beilrdge. (Zeits. fur. wiss. Zool. Bd. 29). (3) SalenSky. Développement du BranciiiobdeUa. (Arch, de Biolog. vol. V). 59â M. SALENSKY. qui existent entre les axes de l'embryon et ceux de l'adulte sont différentes non-seulement si l'on compare les Annélides avec les Hirudinées, mais même si l'on compare entre elles diverses espèces d'Hirudinées. Les lois établies par Gotte ne sont donc pas même applicables dans des limites aussi restreintes que celles fournies par la classe des Annélides. Dans le présent travail je me bornerai à comparer le mode de segmentation, la formation des feuillets embryonnaires, les modifications qu'ils subissent ainsi que les différentes formes larvaires des Annélides que j'ai observés et je tâcherai d'en tirer quelques conclusions relativement aux affinités des Anné- lides avec les autres groupes de Vers. Segmentation et formation des feuillets embryonnaires. La segmentation du vitellus, que nous avons décrite dans les chapitres précédents, suit la marche de la segmentation inégale; elle conduit d'abord à une araphiblastula, puis plus tard à une amphigastrula. Ce mode de segmentation est le plus répandu chez les Annélides; cependant, dans quelques espèces de cette classe, la segmentation est égale et conduit à la formation d'une archigastrula. Le fait que ces deux modes de segmentation se rencontrent dans des espèces voisines d' Annélides a été signalé depuis longtemps par Kowalevsky(i), qui a observé une amphigastrula chez Euaxes et une archigastrula chez Liimbricus. Chez les Annélides marins on connaît aussi quelques cas, où il y a for- mation d'une archigastrula. Quoique, chez les Annélides que j'ai observés, la segmenta- tion présente une grande uniformité, on peut constater cependant qu'elle s'opère suivant deux types bien distincts. Cette distinction peut être basée sur la division des premiers (i) KowALEVSKY. Embryologisclie Studien an Wûrmern und Arthropoden. (Mémoires de l'Acad. Imper, de Sl-Pélersbourg. T. Xli;. ÉTUDES SUR LE DÉVELOPPEMENT DES ANTNÉLIDES. 593 macromères. On a vu que, chez Psygmohranchus et chez Nereis cultrifera, après la division de l'œuf en quatre macro- mères et en quatre micromères le nombre des premiers reste longtemps le même. Ce n'est qu'à des stades du développement relativement fort avancés que l'un des macromères se divise en deux globes, après quoi ils sont au nombre de cinq. Chez Pileolaria, Arida fœtida et Terehella, les macromères se multiplient activement avant l'achèvement de l'épibolie. Aussi l'entoderme de ces Annélides est-il représenté par un grand nombre de cellules, tandis que, dans le premier cas, le nombre des cellules entodermiques ne dépasse pas cinq. Le premier de ces deux types de segmentation peut être assimilé à celui que l'on rencontre chez les Planaires, les Mollusques et les Clepsines. L'épibolie est-elle due exclusivement à la division des micromères ou bien les macromères y participent-ils aussi? C'est là un point important à trancher; car de cette question dépend la solution de cet autre problème : peut-on considérer les blastomères primitifs comme les ébauches des feuillets embryonnaires? Si l'épibolie s'opérait exclusivement aux dépens des micromères, il en résulterait qu'à partir du moment de la division de l'œuf en quatre micromères et en quatre macromères, les premiers constitueraient déjà à eux seuls l'ébauche de l'ectoderme, et les seconds celle de l'entoderme. Telle est la signification que leur attribue Gotte (i). Il soutient que l'ectoderme s'accroît aux dépens des micromères seuls et que les macromères n'interviennent nullement dans la forma- tion de ce feuillet. Mes propres recherches ne concordent point avec l'opinion de Gotte. Chez Nereis et Psygmohranchus, sur les œufs desquels la segmentation s'observe le mieux, le deutopksme y étant coloré et le protoplasma incolore, on reconnaît facilement que l'augmentation du nombre des micromères est due non seulement à la division des quatre micromères primitifs, mais (i) Gotte, /oc. cil. I Hcft. 594 M. SALENSKY. aussi à celles des macromères. Pendant toute la durée de la segmentation, les macromères engendrent des cellules formées exclusivement de protoplasme; celles-ci s'unissent aux cellules dérivées des quatre micromères primitifs, pour participer à l'épibolie. Aussi je pense que l'on n'est autorisé à parler de feuillets embryonnaires qu'après la fermeture du blastopore, c'est-à-dire au moment où la formation des cellules protoplas- miques est complètement achevée. Avant ce stade du déve- loppement, nous ne pouvons distinguer que des micromères et des macromères. Comme dans le chapitre " sur le développement de Bran- chiohdella „ j'ai déjà établi un parallèle entre les premiers stades de la segmentation de Clepsine, de Neplielis et de Branchiohdella, comme j'ai déjà indiqué les différences et les ressemblances qui apparaissent, pendant la segmentation, chez ces trois représentants du groupe des Hirudinées, je me bornerai à donner ici trois dessins, qui figurent les trois stades correspondants de la segmentation de ces Hirudinées (fig. 1, 2, 3) (*). Si l'on compare la segmentation chez ces trois espèces ainsi que le mode de formation de leurs feuillets embryonnaires, on peut déterminer à peu près exactement l'homologie des blasto- mères. Chez Clepsine et Nephelis, des quatre macromères, trois seulement interviennent dans la formation de l'entoderme. Le mode de formation de ce feuillet n'est pas tellement différent chez ces deux espèces qu'on ne puisse considérer les trois blastomères entodermiques de Clepsine et de Nephelis comme des parties homologues entre elles. L'entoderme de (*) Quand j'ai rédige mes recherches sur le développement de Bran- chiobdeila j'ai commis une erreur en disant que les trois macromères de Nephelis se transformaient exclusivement en neuroblasles (globes vitellms de Robin, grosse Zellen des auteurs allemands). J'ai tâché de réparer cette erreur avant que l'article ne fût imprimé; mais la lettre que j'ai écrite à cet effet à Mf Ed Van Beneden.ne lui est pas parvenue : Aussi dois-je le faire maintenant. Les trois macromères de Nephelis ne répondent pas aux neuro- blastes de Clepsine, mais bien aux cellules entodermiques de cet animal. ÉTUDES SUR LE DÉVELOPPEMENT DES ANNÉLIDES. 595 Clejjsine est le produit de la division des portions protoplas- miques des macromères, suspendues dans du deutoplasme qui reste indivis. L'entoderme de Nephelis apparaît sous forme de petites cellules entodermiques provenant probablement des macromères (Biitschli). Plus tard ces cellules-filles délimi- tent la cavité digestive. Il existe entre le mode de formation de l'entoderme chez Clepsine et celui réalisé chez Nephelis le même rapport que celui qui existe dans cette même formation chez Nereis cultri- fera et chez Psygmohrancims. Le gj'os volume des macromères de Nephelis ainsi que leur situation, qui est semblable à celle des neuroblastes de Clep- sine, ont été la cause pour laquelle on les avait comparés à tort avec ces derniers. Plusieurs embryologistes ont considéré les neuroblastes de Clepsine (Colossale Zellen) comme les homolo- gues des globes vitellins (macromères) de Nephelis. Chez cette Hirudinée, les trois grosses cellules persistent longtemps au pôle postérieur de l'œuf, tandis que chez Clepsine, les trois macromères pénètrent à l'intérieur de l'embryon pour engen- drer son entoderm e. J'ai pu me convaincre sur des coupes que j'ai pratiquées à travers des larves de Nephelis arrivées à diiïérents stades de leur développement que ces trois cellules ne sont enveloppées par l'ectoderme que relativement tard; elles s'aplatissent dans le cours du développement, mais sont longtemps recon- naissables en dessous de l'ectoderme. D'ailleurs, ce fait a été déjà signalé par Robin et par Biitschli. La question de l'homologie des globes vitellins de Nephelis avec les cellules entodermiques de Clepsine étant tranchée, il s'en présente une autre à résoudre. Ne rencontre-t-on pas chez Nephelis des cellules qui cor- respondent aux grosses cellules de Clepsine'^ Deux publications toutes récentes, traitant, l'une du développement de Nephelis (i), (i) Bergh. Uber die Metvnorpliose von Nephelis. CZcitschrift fiir wiss. Zoologie. Bl, 41.) 596 M. SALENSKY. l'autre de celui de Clepsïne (i) nous ont fourni des rensei- gnements précieux, que je ne possédais pas l'an dernier, relati- vement à la solution de cette question. Bergh décrit chez Nephelis cinq grosses cellules occupant les extrémités postérieures du germe somatique (Rumpfkeim) et qu'il considère comme donnant naissance aux cinq rangées de cellules qui constituent les germes somatiques (Rumpfkeime). D'après leur situation, ces cinq cellules répondent aux grosses cellules de Clepsine, et l'examen des figures 4 et 5 ci-jointes en démontre la complète homologie. D'après Nussbaum, les grosses cellules de Clepsine, donnent naissance aux organes génitaux ; chez Nephelis on ne connaît pas la façon dont elles se comportent. Il se peut que plus tard (chez Nephelis, comme chez Clepsine) on établisse l'homologie de ces cellules avec le mésoblaste primitif des autres Vers. Leur situation est abso- lument la même ; elles n'en diffèrent que par leur nombre, ce qui d'ailleurs n'est pas une différence essentielle. Blastopore. La question de savoir ce que devient le blastopore est encore bien loin d'être élucidée et cependant le nombre des recherches embryologiques augmente de jour en jour et tous les observateurs ont leur attention fixée sur cette question. La majorité des embryogénistes admettent que le blastopore des Annélides devient la bouche. Cependant, cette manière de voir ne s'appuie que sm^ trois ou quatre observations; et d'autre part un nombre égal d'observations tendent à prouver que le blastopore ne devient nullement cet orifice. Il est difficile d'admettre qu'une telle discordance soit le fait d'observations inexactes; elle indique plutôt une différence dans la marche des phénomènes évolutifs. {i) i. NussBAUM. Zur Enlwickl. der Hirudineen. (Zoologischer Anzfeiger. Bd. 7, p. 169.) ÉTUDES SUR LE DÉVELOPPEMENT DES ANNÉLIDES. 597 Tous les faits connus jusqu'ici relativement à l'occlusion du blastopore des animaux bilatéraux, démontrent que cet orifice, de forme cii'culaire à son début, devient plus tard ovalaire, puis se transforme en dernière analyse en une fente longitudi- nale, dont l'axe coïncide avec l'axe longitudinal du corps. La soudure des lèvres du blastopore s'opère suivant la longueur de cette fente ; elle affecte la forme d'une soudure que Gotte désigne sous la dénomination de soudure prostomiale. Chez les Annélides comme chez les Vertébrés, cette soudure siège à la face neurale du corps. Sa longueur et son volume varient chez les différents Annélides. Comme elle répond à Taxe longitudinal du corps, c'est-à-dire au sillon médullaii-e des Annélides, ou bien au sillon primitif des Vertébrés, on peut admettre, comme hypothèse, que le sillon médullaire est un vestige de la soudure prostomiale, et que celle-ci, au début de l'évolution, intéresse toute la portion neurale qui est ventrale chez les Annélides et dorsale chez les Vertébrés. Or, malgré sa grande extension, il n'est pas permis de soutenir que, dans cette classe de Vers, l'extrémité antérieure du blastopore se trans- forme toujours en la bouche. Poui' pouvoir trancher cette question, on ne doit tenir compte que d'observations d'une exactitude rigoureuse. Il arrive fort souvent en effet, que la bouche et l'anus, bien que situés au voisinage immédiat du blastopore ont cependant une origine complètement différente. Aussi, je ne considère la transforma- tion du blastopore en bouche comme incontestablement prouvée, que dans les cas où les modifications que subit cet orifice ont été suivies pas à pas et sur des objets qui se prêtent facile- ment à l'observation, comme c'est le cas pour Lumhricus (Kowalevsky et Kleinenberg) Ctenodrilus (Hatschek) et Folygordius (Mecznikoff). Or, si l'on admet que chez les animaux que. je viens de citer, la transformation du blastopore en l'ouverture buccale est un fait définitivement acquis, de quelle manière pourra-t-on expliquer que chez d'autres espèces le blastopore ne donne pas naissance à la bouche, ainsi que cela est bien établi pour 598 M. SALENSKY. Psygmobranclius, Nereis cultrifera, Euaxes et autres? Je reconnais que l'explication de cette différence dans le mode de transformation du blastopore constitue l'un des problèmes les plus difficiles de l'embryogénie moderne. Mais cette question ne sera pas résolue parceque l'on ne tiendra compte que des cas où le blastopore se transforme en bouche, pour en faii-e une règle générale applicable à tous les Annélides. Chez les Anné- lides chétopodes que j'ai observés, l'orifice buccal aussi bien que l'anus se forment indépendamment du blastopore. Je ne doute évidemment pas que le blastopore ne se transforme effec- tivement en bouche chez quelques Annélides; mais je ne puis considérer cette transformation comme une règle générale; elle constitue plutôt un cas exceptionnel, que l'on pourrait expliquer en admettant que le point où se produit l'invagination buccale coïncide avec l'extrémité antérieure du blastopore. Mes propres recherches ainsi que tous les faits fournis par la bibliographie contemporaine m'amènent à la conclusion que le blastopore de certains Annélides, pas plus que celui des Vertébrés ne se trans- forme ni en bouche ni en anus. Il occupe une position intermé- diaire entre les zones anale et buccale; après son occlusion, il en persiste des traces sous forme d'une gouttière qui intéresse le milieu de la face neurale de ces animaux. La bouche et l'anus qui apparaissent indépendamment du blastopore et qui avoisi- nent ses extrémités antérieure et postérieure peuvent coïncider accidentellement avec l'une de ces extrémités. Si nous étudions le mode de transformation et d'occlusion du blastopore chez les Hirudinées, nous rencontrons de nouvelles difficultés. D'abord il y a lieu de se demander quel est l'orifice que l'on peut considérer comme blastopore chez les Hirudinées. Le seul moyen d'arriver à une con- clusion sous ce rapport c'est de comparer les stades reculés du développement des Hirudinées avec ceux des autres ani- maux où l'on observe l'épibolie. Les tous premiers stades de l'évolution des Hirudinées sont extrêmement semblables à ceux des Turbellariés et des Mollusques. Bien que le dévelop- pement de quelques Hirudinées diffère notablement du type ÉTUDES SUR LE DÉVELOPPEMENT DES ANNÉLIDES. 590 épibolique proprement dit, le développement de Branchiob- clella, où ces différences sont surtout manifestes, peut être cependant ramené à ce type. Les particularités caractéristiques signalées relativement à l'apparition et à la forme du blastopore chez différentes Hiru- dinées sont les suivantes : C'est chez Clepsine que la forme épibolique de la genèse des feuillets embryonnaires s'observe le plus nettement. Dans l'embryon de cette Huridinée trois cellules entodermiques sont enveloppées par des cellules ectodermiques. L'enveloppement débute par le pôle oral; plus tard, les éléments dérivés des cellules ectodermiques enveloppent la face dorsale de l'embryon pour se réunir en dernier lieu à sa face ventrale (fig. 33 et 34 AVhitmann. The Embryology of Clepsine. Quarterly Journ. of micr. Science, 1878). Dans l'œuf de Clepsine, on peut considérer comme représentant le blastopore l'espace déli- mité par le bord de l'ectoderme, c'est-à-dire ce e[ui plus tard se transforme en Keimstreifen ou bandelettes embryon- naires. A des stades reculés de son développement, la forme du blastopore déterminée par celle qu'affecte le bord libre de l'ectoderme, est circulaire. Plus tard, lorsque les bandelettes embryonnaires progressent vers la face ventrale de l'embryon, le blastopore devient ovalaire, et, à la fin, il ne représente plus qu'une fente longitudinale régnant le long de la face ventrale de l'embryon. En conséquence, la forme du blastopore de Clepsine subit toutes les modifications caractéristiques que subit le même organe chez les animaux bilatéraux et la soudure pro- stomiale se produit à la face neurale de l'embryon. On a déjà vu que chez Nephelis la segmentation est en tous points semblable à celle de Clepsine. On y constate le début de l'épibolie. Les quatre cellules ectodermiques se multiplient et les cellules-filles progressent vers le pôle oral de l'embryon, c'est-à-dire dans la direction des trois cellules entodermiques, ou en d'autres termes, dans la direction de l'entoderme pri- maire, sans cependant envelopper ce dernier. Les cellules entodermiques continuent à constituer une partie de la surface 600 M. SALENSKY. de r embryon et elles concourent, avec les cellules ectodermi- ques, à la formation de l'amphiblastula, dont une moitié se trouve délimitée par des cellules ectodermiques et l'autre moitié par les cellules de l'entoderrae primaire. (PI. VIII, fig. 11 et 12, Biltschli Entwicklmigsgeschicht Beitràge. Zeit- schrift fur wiss. Zoologie. Bd. 28.) A en juger d'après la ressemblance des premiers stades du développement de Clepsine et de Nephelis, on doit considérer le plan suivant lequel s'opère l'évolution de cette dernière, comme une modification du type de l'évolution réalisé chez Clepsine, attendu que, chez Nephelis, l'épibolie s'arrête à un moment déterminé et que les cellules entodermiques ne sont pas complètement enveloppées par les cellules ectodermiques. Vers la fin de l'évolution les cellules de l'entoderme primaire pénètrent à l'intérieur de l'embryon, comme on peut s'en con- vaincre par le dessin de Biltschli (loc. cit. fig. B.); mais ce phénomène n'a rien de commun avec l'occlusion du blastopore. D'après ce que j'ai pu observer, l'enveloppement des cel- lules de l'entoderme primaire ne se fait pas régulièrement, L'ectoderme ne s'étend pas graduellement au-dessus des cel- lules de l'entoderme primaire comme cela s'eifectue lors de l'occlusion du blastopore. A la surface de l'entoderme, on voit apparaître de petites ceUules qui ne sont pas en continuité de substance avec l'ectoderme, et dont je n'ai pu découvrir l'origine. Si l'on tient compte de la ressemblance qui existe entre le mode de développement de Nephelis et celui de Clepsine, chez laquelle le processus de l'épibolie s'est conservé sans subir aucune modification, on doit considérer comme blastopore, chez Nephelis, l'espace délimité par le bord de l'ectoderme c'est-à- dire la ligne suivant laquelle l'ectoderme se continue avec les cellules de l'entoderme primaire. La forme de ce blastopore est alors circulaire. Il reste ouvert beaucoup plus longtemps que chez Clepsine; en outre son occlusion s'opère d'une manière complètement différente, si toutefois l'on peut consi- dérer le processsus de l'enveloppement définitif de l'entoderme ÉTUDES SUR LE DÉVELOPPEMENT DES ANNÉLIDES GOl de Nephelis comme analogue au processus de l'occlusion du blastopore chez Clepsme. Mais c'est chez Brcmchiohdella que la question du blasto- pore, présente le plus de difficultés. Non seulement il y a lieu de se demander ce que l'on doit considérer comme blastopore, mais on peut même douter de son existence. Ce doute est bien permis, si l'on tient compte de la manière tout exceptionnelle, dont se produisent, chez cet animal, la segmentation et la formation des feuillets embryonnaires. Et tout d'abord le lieu de formation des pre- mières cellules, chez Branchiobdella, n'est pas le même que chez Clepsine. Les premières cellules n'apparaissent pas à la face dorsale ou au pôle oral de l'œuf, comme c'est le cas chez Nephelis et Clepsine mais bien à sa face ventrale, c'est-à-dire au point même où devrait se trouver le blastopore. De là, les cellules ectodermiques gagnent la face dorsale et recouvrent l'entoderme. Ainsi, si l'on voulait chercher le blastopore de Branchiobdella du côté opposé au pôle par lequel débute l'épibolie, on devrait le chercher à la face dorsale. En consé- quence, chez Branchiohdella le blastopore fait défaut. Le blastopore des Hirudinées devient-il la bouche de l'animal ou bien cette transformation n'a-t-elle pas lieu ? En ce qui concerne Clepsine, Whitmann nous fournit une indication en faveur de la transformation de l'extrémité antérieure du blastopore- en bouche, il dit : " The mouth invagination is at lìrst continuous by a linear depression with the primitive grove which is formed by the junction of the two germ bands „ (loc. cit. p. 294). Mais, sur le dessin donné par Whit- mann, l'on ne voit nullement la " junction „ en question. Mes recherches sur le développement de Clepsine, que je n'ai pas encore publiées, parce qu'elles ne sont pas entièrement achevées, ne me permettent pas de me rallier à la conclusion de cet observateur. Chez un embryon de Clepsine âgé de 28 heures environ, qui répond à celui que Whitmann a figuré en 37 loc. cit. et où les bandelettes embryonnaires ne se distinguent pas encore extérieurement, le germe, qui siège au G02 M. SALENSKY. pule germinatif de l'œuf, consiste en deux portions : l'une centrale, que l'on peut considérer comme représentant les futurs lobes céphaliques, l'autre périphérique, représentant la future portion somatique (fig. 6). En arrière, cette dernière est adjacente aux grosses cellules; elle se termine en forme de fourche. A.u milieu des lobes céphaliques on distingue une légère invagination qui constitue l'ébauche de l'ouverture buccale (o). Cinq heures plus tard, apparaissent les bandelett.es germinatives dont les extrémités postérieures sont contigues aux grosses cellules; les extrémités antérieures se réunissent entré elles en arrière des lobes céphaliques. A ce stade (fig. 7), la bouche n'est pas encore réunie avec le blastopore; elle est complètement séparée des bords de cet orifice. Ce fait ressort avec évidence de la situation qu'elle occupe au centre des lobes céphaliques, nettement séparés des autres portions de l'embryon. Quant à ce qui concerne la " linear depression „ qui, d'après Whitmann, réunit la bouche avec le blastopore, je ne l'ai point distinguée aux deux stades en question. Elle est pourtant reconnaissable à des stades plus avancés; mais elle ne provient que de la modification ultérieure que subit la forme de l'ouverture buccale par suite de la soudure des bandelettes germinatives avec les lobes céphaliques. La forme et la dimension de l'ouverture buccale se modifient beaucoup dans le cours du développement. Aux stades subséquents, l'ouverture buccale s'accroît nota- blement et devient cordiforme, ce qui dépend de l'épaississe- ment du bord dorsal des lobes céphaliques (fig. 8); plus tard, elle affecte une forme quadrilatère (fig. .9). Les bandelettes germinatives se replient sous forme d'un demi- cercle, et leurs extrémités antérieures se rapprochent de la plaque céphalique (fig. 9) pour s'y réunir plus tard. Elles se soudent avec le bord postérieur (ventral) des lobes, où leurs extrémités postérieures arrondies se réunissent entre elles (fig. 9). La ligne de démarcation, qui sépare ces extré- mités, apparaît sous forme d'une gouttière, qui probablement a été considérée par Whitmann comme la " linear depression „ ÉTUDES SrR LE DÉVELOPPEMENT DES AINNÉLIDES. G03 réunissant l'ouverture buccale avec le '' primitive grove. „ La forme rhomboïdale ou plutôt cruciale qu'aifecte l'ouverture buccale, dépend de la soudure des bandelettes avec les lobes céplialiques. L'axe transversal de cette croix représente juste- ment ce que Whitmann désigne sous la dénomination de " pharyngialcleft „ fente pharyngienne. La bouche conserve cette forme à peu près jusqu'au moment où se produit la réunion définitive des bandelettes • germinatives entre elles (fig. 11). Tout ce qui précède tend à démontrer que la bouche de Clepsine se forme indépendamment du blastopore. Bien que le mode de formation de l'ouverture buccale n'ait pas été soigneusement étudié chez Neplielis, on peut conclure de la situation et de la forme du blastopore que chez cette Hirudinée l'ouverture buccale n'affecte non plus aucun rapport avec lui. Le blastopore de Nephelis est circulaire, il conserve cette forme jusqu'au moment de l'enveloppement complet des cellules de l'entoderme primitif. En outre, la bouche n'apparaît pas au pôle opposé au blastopore; aucun fait ne confirme par conséquent l'hypothèse d'une réunion possible entre cet orifice et l'ouverture buccale. Système nerveux L'apparition du système nerveux sous forme de deux ébauches indépendantes l'une de l'autre, l'une pour le ganglion céphalique et l'autre pour la chaîne ganglionnaire ventrale, est un fait extrêmement remarquable, que nous offre l'embryogénie des Annélides. Il a d'abord été signalé chez les Hiriidinées par E,athke(i) et par Leuckart(i2) et plus tard Kleinenberg (a) en fit une description plus détaillée. Bien que ni Rathke ni Leuckart n'aient dessiné le ganglion céphalique des Hirudinées, leur description est si claire, que l'on ne peut guère douter que CO Rathke. Beitrdge zur EntwicklungsgeschiclUe der Hirudineen, 1882 (-2) Leuckart. Die menscMichen Parasiten, 1885, t. I, p. 705. i,5) Kleinenberg Sullo Sviluvno del Lumbrlcus irapzeo'ides, 1878. 604 M. SALENSKY. le développement de cet organe n'ait été soigneusement étudié . par les deux célèbres anatomistes allemands. Leuckart décrit l'ébauche du ganglion céphalique et de la commissure céré- brale comme un cordon cellulaire qui, sous la forme d'un arc, se replie autour de la bouche, et qui, au début de sa formation, n'est point réuni avec les ébauches de la chaîne ganglionnaire ventrale. Il est vrai, ni Rathke, ni Leuckart n'ont constaté que la formation du système nerveux s'opère aux dépens de l'ectoderme. Ce fait s'explique parfaitement, étant donné qu'à cette époque on n'avait pas la moindre notion des feuillets embryonnaires des animaux invertébrés. L'origine ectodermique du système nerveux des Annélides peut être considérée comme incontestablement établie depuis les belles recherches de Kowalevsky (i). Cet auteur n'avait cependant pas réussi à observer le développement du ganglion céphalique. Cette lacune fut comblée d'une manière écla- tante par Kleinenberg qui lit une description détaillée et complète du développement du système nerveux de Lum- bricus trapezoïdes. Ayant confirmé les recherches de Eathke et de Leuckart, il prouva que le ganglion céphalique provient d'un épaississement de l'ectoderme, complètement indépendant de ceux qui donnent naissance aux ébauches de la chaîne gan- glionnaire ventrale. A son tour Gotte (2) confirma les recher- ches de Kleinenberg en ce qui concerne Nereis. Aussi l'origine du système nerveux des Annélides aux dépens de deux ébauches complètement indépendantes l'une de l'autre est-elle aujourd'hui un fait définitivement établi. Les recherches de Hatschek (3) sur le développement de Limihricus, de Criodrilus (1) Kowalevsky, Loc cit. (2) Gotte . Untersucliungen zur Enlwickliing der Wûrmer Abhandlungen zurEnlvvickl. derThiere. l'^^ Heft. 1882. (5) Hatschek. Studien iiber EnlwicMungsgeschichte der Anneliden. Arbeiten aus dem zoolog. Institut der Univ. Wien, Bd. I. Heft III. » Beitrdge zur Entxvicklung und Morphologie der Anne- liden. Silzungsberichte der Academic der Wissench. in Wien, 1876. ÉTUDES SUR LE DÉVELOPPEMENT DES ANNÉLIDES. 605 et autres sont les seules qui ne concordent pas avec les conclusions des travaux que nous venons de citer. Hatscliek soutient que la chaîne ganglionnaire ventrale n'est rien autre chose que le prolongement en arrière des extrémités de la plaque sincipitale. Kleinenberg, à bon di'oit, a révoqué en doute l'exactitude des premières observations de Hatschek. {Limibrkus. — Sitzungsberkhte der Wiener Académie 1876.) On ne peut non plus considérer comme concluantes, les recherches plus récentes de cet auteur chez Criodrilus. {Arheiten aus dem zoologisclien Institut zu Wien Bd I, Heft 3.) Du moins, les ligures sur lesquelles Hatschek insiste le plus (fig. 13, 17, loc. cit.) sont très peu probantes, attendu que l'on n'y distingue pas la continuité immédiate de la plaque sincipitale avec les plaques médullaires. ' Mes recherches confirment complètement les déductions de Kleinenberg. Dans tous les Annélides que j'ai étudiés, la formation du système nerveux est uniforme. Il apparaît deux ébauches indépendantes l'une de l'autre; la première est représentée par la plaque sincipitale, située dans la région céphalique, la seconde, par les plaques médullaires qui siègent dans la région somatique. Les plaques médullaires sont toujours séparées l'une de l'autre par deux rangées de cellules constituant le fond de la gouttière médullaire. Dans tous les Annélides, à l'exception de Nereis cidtrifera, ces cel- lules sont couvertes de cils. Chez la plupart des Annélides la gouttière médullaire est ciliée. C'est ce qui résulte des descrip- tions de Kowalevsky chez Eiiaxes et Lumbricus et de Kleinen- berg chez Lumbricus trapezoïdes. En outre Claparède et Mecznikoff'(i) ont signalé dans les larves de plusieurs Anné- lides, des cils recouvrant leur face ventrale. Ces cils doivent être considérés comme appartenant à la gouttière médullaire. Dans les Chétopodes, l'indépendance de ces deux ébauches du système nerveux est plus manifeste que dans les Oligo- (i) Claparède et Mecznikoff. Beitrâge zur Kenntniss der Entwicki. der Chnetopoden Çleilschr . f. wiss. Zoologie. Bd. 19). 60G M. SALENSKY. chètes, attendu que, chez eux, la région céphalique est séparée de la région somatique par les couronnes préorale et postorale. Comme en dessous des couronnes ciliaires il n'existe aucune formation ectodermique qui puisse être considérée comme servant d'union entre la plaque sincipitale et les plaques médullaires, l'indépendance complète des deux ébauches du système nerveux peut être considérée comme incontestablement démontrée. Le manière dont le système nerveux se sépare de l'ecto- derme est différente pour les diverses espèces d'Annélides que j'ai décrites. Le premier type, que réalisent Psygmohranchus et Pïleolaria est caractérisé en ce que la chaîne ganglionnaire ventrale, qui se forme aux dépens de la couche profonde des plaques médullaires, se sépare de ces dernières à peu près au début de sa formation. Dans les autres Annélides appartenant au second type, la limite entre les ébauches des ganglions et l'ectoderme des plaques médullaires, reste longtemps indis- tincte. La differentiation des ganglions s'y opère tardivement. Je suis porté à admettre que c'est ce dernier type de l'évolution du système nerveux que l'on droit considérer comme primitif. Dans l'autre type, l'individualisation du système ner- veux est beaucoup plus précoce; de sorte que ce type réalisé chez Pïleolaria et chez Psygmohranchus doit être considéré comme un type à embryogénie condensée comparativement à l'autre. L'évolution de la chaîne ganglionnaire ventrale de Psyg- mohranchus et de Pleolaria est très-intéressante encore sous un autre rapport. On sait que chez Psygmohranchus ainsi que dans la plupart des Serpulides, les deux moitiés de la chaîne ganglionnaire ventrale sont notablement écartées l'une de l'autre et peuvent en quelque sorte être comparées aux nerfs latéraux des Némertiens. On invoque toujours ce fait pour prouver l'homologie de la chaîne ganglionnaire ventrale des Annélides avec les nerfs latéraux des Némertiens. On a vu que les phénomènes relatifs à l'évolution du système nerveux de Psygmohranchus et de Pïleolaria ne confirment aucunement ÉTUDES SUR LE DÉVELOPPEMENT DES ANNÉLIDES. G07 cette liomologie : Chez Psygmohranchus protensis où les deux moitiés de la chaîne ganglionnaire ventrale sont très- distantes l'une de l'autre et les ganglions réunis entre eux par des commissures transversales (i) les mêmes portions à l'état embryonnaire et larvaire ne sont séparées que par deux rangées de cellules de la gouttière médullaire, comme cela s'observe chez les autres Annélides. Cela nous permet de conclure que l'écartement des deux moitiés de la chaîne gan- glionnaire ventrale ne représente pas leur rapport primitif mais doit être considéré comme une disposition secondaire, l'état- primitif étant caractérisé au contraire par un rappro- chement de ses deux moitiés. Ce fait démontre également que l'opinion régnante relativement à l'homologie de la chaîne ganglionnaire ventrale des Annélides avec les nerfs latéraux des Némertiens ne repose que sur des bases bien peu solides. Ayant étudié l'évolution de toute une série d' Annélides, j'ai naturellement été porté à fixer mon attention sur celle des Némertiens, afin de pouvoir résoudre la question de l'homo- logie des nerfs latéraux de ces vers avec la chaîne ganglion- naire ventrale des Annélides. Les déductions auxquelles j'ai été amené, en ce qui concerne les Némertiens, s'appliquent aussi aux Turbellariés, attendu que l'homologie des nerfs latéraux de ces deux groupes n'est guère douteuse. Les embryons de Mono- ])ora (Borlasia) vivipara se prêtent extrêmement bien à cette étude, aussi m'ont-ils fourni un excellent matériel. Je termi- nais en ces termes la communication préliminaire, que je fis en 1882, des principaux résultats : " Wir milssen annehmen dass die Lateralnerven der Nemertinen nicht den Bauchstrange sondern der Schlundkomissur liomolog sind „ ('2). Un an et demi plus tard je constatais avec plaisir que Gotte (s), dans sa partie générale sur le développement des vers, confirmait (\) Claparède. Annélides Cfiélopodes, p. 434. (2) Salensky. Beitràge zur Entwicklungsgeschichte der Borlasia vivipara. Biologisches Centralblait. (5) Gotte, loc. cit. p. 98. 608 M. SALEÎNSKY. mes déductions. Il est vrai qu'il ne mentionnait point mes recherches sur le développement de Borlasia, mais* il arrivait absolument aux mêmes conclusions relativement aux nerfs latéraux des Némertiens : les commissures latérales de l'anneau oesophagien des Annélides (Schlundcommissuren), d'après leur origine et leur situation, sont les homologues aux nerfs latéraux des Turbellariés. Gotte appuie sa découverte un peu tardive sur les recherches de Selenka(i) et de Lang (2); mais il ne communique aucun fait nouveau touchant le système nerveux de StylochojJsis, dont il venait d'observer le développement. D'après Selenka et Lang les ganglions céphaliques des Tur- bellariés apparaissent sous forme de deux ébauches séparées qui, beaucoup plus tard, se réunissent entre elles par des commissures cérébrales. Ce mode de formation aurait pu faire naître quelque doute quant à l'homologie de ces ébauches avec Ig, plaque sincipitale des Annélides et des autres animaux. Mais ce doute disparaît aussitôt que l'on se rappelle que les ganglions céphaliques de plusieurs animaux, notamment de quelques Mollusques (Dentalium d'après les recherches de Kowalevsky et Vermetiis d'après les miennes qui vont paraître) apparaissent toujours sous forme de deux ébauches séparées. Je ne crois pas qu'il soit impossible que, dans les Annélides que j'ai observés, les ganglions céphaliques ne se montrent sous forme de deux ébauches paires indépendantes, séparées l'une de l'autre par la cellule sincipitale et que bientôt après leur formation ces deux ébauches ne se réunis- sent entre elles pour former la plaque sincipitale. Malgré les découvertes embryologiques de plus en plus nombreuses, démontrant que la chaîne ganglionnaire ventrale et la plaque sincipitale apparaissent sous forme de deux ébauches indépendantes, Hatschek insiste quand même pour faire prévaloir son opinion primitive, d'après laquelle, au début de leur formation, ces deux portions du système nerveux (i) Sei.enka. Zar Entwick der SeepLanarien . (Zool. siudie fi".) (2) Lang. Polycladen (Fauna u. Flora der Golfes von Neapel). ÉTUDES SIR LE DÉVELOPPEMENT DES AN.NÉLIDES. 000 constitueraient un organe continu. Il soutient (i) que les premières ébauches de la chaîne ganglionnaire ventrale chez les Anné- lides, les Sipunculides et les Mollusques sont représentées pai* des nerfs longitudinaux logés dans l'ectoderme et qui indubita- blement (imziveifelhaft) se réunissent avec la plaque sincipi- tale; cela revient à dire que ces nerfs affectent avec la plaque sincipitale les mêmes rapports que les nerfs latéraux affectent avec les ganglions céphaliques chez les Turbellariés et les Némertiens. L'apparition indépendante de chacune de ces parties est considérée par Hatschek comme un processus cénogénétique. Dans un dernier ouvrage il tâche d'expliquer les opinions qui ne concordent pas avec la sienne (celle de Gotte, de Kleinen- berg et la mienne) en ce qui concerne le développement du système nerveux (2). Il affirme que la commissure cérébrale est fort mince, au moment de son apparition, et dès lors, qu'il est très difficile de la distinguer. Il s'appuie sur ses études récentes sur le développement de la tête de Polygordius, chez lequel il fait dériver la commissure cérébrale des deux nerfs latéraux qui partent de la plaque sincipitale, pour se diriger dans la portion postorale de la larve. Pour ma part je ferai à Hatschek les objections suivantes : 1. Ses observations sur la naissance de la commissure céré- brale aux dépens des nerfs latéraux ne sont pas probantes, attendu qu'il a observé des stades avancés du développement et qu'il n'a démontré nulle part que les nerfs latéraux se transforment effectivement en commissures cérébrales. 2. Dans tous les Annélides que j'ai observées, ainsi que dans les Mollusques {Chiton, Dentalium) la couronne préorale constitue une véritable cloison séparant la portion antérieure (préorale) de la portion postérieure (postorale) de la trocho- phore. Les cellules ectodermiques de la couronne s'appliquent • (i) Hatschek. Uber Entiuicktung von Sipunculus nudus. (Arbeiten aus cl . zool. Instit. Wien, Bel. V. f2) Hatschek Zur Enlwicklung des Kop(es von Polygordius . (Arb. aus (1. zool. Insi. Wien. Bd. VI, Heft I.) 610 M. SALENSRY. immédiatement contre l'entoderme, de sorte qu'an début de leur évolution, ni le système nerveux, ni le mésoderme de la portion préorale ne sont en continuité de substance avec les organes correspondants de la portion postorale. 3. Dans les embryons de tous les Annélides que j'ai étudiés, on peut suivre pas à pas l'accroissement graduel de la com- missure cérébrale qui se présente, non pas sous Faspect de nerfs très minces ainsi que Hatschek Taffirme pour Polygor- dius, mais sous forme de deux gros prolongements qui s'accroissent d'avant en arrière et qui ne se réunissent avec la chaîne ganglionnaire ventrale qu'après la disparition de la couronne ciliaire. 4. C'est par l'examen des embryons des Mollusques chez lesquels, d'après Hatschek, l'ébauche de la commissm^e appa- raîtrait sous forme de nerfs très minces, qu'il est surtout facile de se convaincre de l'existence de deux ébauches complètement indépendantes l'une de l'autre pour les ganglions céphaliques et pour les ganglions pédieux (ces derniers sont les homologues de la chaîne ganglionnaire ventrale). Ces deux organes ont une origine non seulement indépendante, mais encore différente. Chez Vermetus, par exemple, les ganglions céphaliques apparaissent sous forme de deux culs-de-sacs les ganglions pédieux sous la forme de deux épaississements ectodermiques. La théorie qui soutient l'homologie de la chaîne ganglion- naire ventrale des Anuélides et des nerfs latéraux des Turbellariés offre cet avantage qu'elle nous permet non seule- ment d'imaginer avec beaucoup de facilité et même avec une certaine élégance le mode d'apparition du système nerveux des Annélides et des autres animaux, mais encore de le ramener au type le plus simple de formation du système ner- veux, tel que l'anneau nerveux des méduses, comme l'a fait Sedgwick dans sa belle théorie sur la metamerie (i). (i) Sedgwick. Origin of metamerie segmentation. (Quarter. Journ. oi micr. Sciences, 1884). ÉTUDES SUR LE DÉVELOPPEMENT DES ANiNÉLIDES. 611 En effet, l'on possède aujourd'hui quelques renseignements qui semblent démontrer qu'à un certain stade de leur évolution, il existe chez les Annélides un système nerveux extrêmement semblable à celui des méduses et qui affecte aussi la forme d'un anneau. Ce système nerveux, découvert par Kleinen- berg(i) chez Lepadorkyndms et observé par Hatschek(2) chez Pomatocerus n'affecte aucun rapport ni avec la plaque sinci- pitale, ni avec les plaques médullaires. Pour ce motif, on ne peut nullement le considérer, comme le prototype du système nerveux des Annélides. D'ailleurs, en admettant que le système nerveux des Tur- bellariés proviendrait de l'anneau nerveux des méduses, les difficultés que présente la question de la genèse du système nerveux des Annélides, ne seraient nullement applanies. Si l'on voulait considérer le système nerveux des Turbellariés, chez lesquels la plaque sincipitale et les nerfs latéraux déri- vent d'une ébauche commune, comme le prototype du système nerveux des Annélides qui apparaît sous la forme de deux ébauches indépendantes on devrait admettre : 1. Que chez les ancêtres turbellariformes des Annélides, l'ébauche de la chaîne ganglionnaire ventrale était réunie avec celle de la plaque sincipitale, 2. que plus tard la chaîne gangHoïmaire ventrale aurait été séparée de la plaque sincipitale comme c'est le cas dans les larves des Annélides, pour se réunir de nouveau avec elle chez l'adulte. Mais oil donc sont les preuves qu'il s'opère une séparation et une réunion semblables dans le système nerveux des Annélides ? L'embryologie ne possède aucun fait qui confirme la possibilité des modifications qu'implique la théorie de Sedgwick. Toutes les recherches relatives à l'évolution du système (i) Ki.EiNENBERG. Sul Origine del Systema nervoso degli Annelidi (Ani del Reale Academia dei Lincei, 1880-1881). (2) Hatschek. Arb. des Zool.-Zool. Inst. in Wien. Bd. VI. Ub. I. 612 M. SALENSKY. nerveux des Annelidas nous autorisent à croire que la chaîne ganglionnaire ventrale est une formation nouvelle qui proba- blement a existé chez les ancêtres Turbellariformes des Anné- lides, à une époque très reculée. Cette induction ressort du fait que l'apparition des plaques médullaires est très précoce dans cette classe. On pourrait considérer comme ayant précédé la chaîne ganglionnaire ventrale, une gouttière médullaire, qui, chez ces formes ancestrales, aurait régné le long de la face ventrale. Je base cette conclusion sur le fait que, chez les Annélides et chez ceux des Mollusques qui présentent un mode de déve- loppement analogue de leur système nerveux, la gouttière médullaire apparaît avant la formation de la chaîne ganglion- naire ventrale, tandis que les épaississements ectodermiques ou plaques médullaires n'apparaissent que plus tard à di'oite et à gauche de cette gouttière. Aujourd'hui on connaît du reste une forme animale qui, d'après sa structure, répond au stade de l'évolution des Annélides où la gouttière médullaii^e a déjà apparu, alors que les plaques médullaires font encore défaut. Cette forme c'est le Dinophïlus, animal extrêmement intéressant en ce sens qu'il réunît à la fois, les traits caractéristiques d'une larve d'Annélîde et ceux des Turbel- lariés adultes. • L'évolution du système nerveux des Hirudinées présente des particularités toute spéciales dont quelques unes consti- tuent des différences essentielles avec ce qui se passe chez les Annélides. Le système nerveux des Hirudinées comme celui des Annélides se constitue d'une plaque sincipitale et de plaques médullaires. J'ai déjà fait observer que la présence des deux ébauches du système nerveux a été signalée pour la première fois dans les embryons d'Hîrudinées, notamment dans ceux de Nephélis, par Rathke et Leuckart. On a vu aussi qu'il existe deux ébauches indépendantes l'une de l'autre dans le système nerveux de Clepsine et de Branchiohdella. La plaque sincipitale située à la face dorsale des embryons des Hirudinées est inciu'vée, ses ÉTUDES SUR LE DÉVELOPPEMEÎNT DES ANNÉLIDES. 613 extrémités regardant les plaques médullaires (i); elle ne présente aucune différence essentielle avec la plaque sinci- pitale des Annélides. Par contre, les plaques médullaires se distinguent par quelques particularités intéressantes, et d'après plusieurs observations, elles semblent se développer différem- ment dans diverses espèces d'Hirudinées. Chez Nephelis, l'évolution de ces organes s'opère à peu près de la même manière que chez les Annélides. Je n'ai pu observer les toutes premières phases de l'évolution du système nerveux de Nephelis. Dans les stades où l'embryon affecte la forme d'une bouteille, alors que son extrémité cylindiique est déjà formée et que les bandelettes mésodermiques qui délimitent les plaques médullaires ont apparu, celles-ci consistent en des épais- sissements ectodermiques séparés l'un de l'autre par une gouttière médullaire formée de deux assises cellulaires. Mais il est bien difficile de ramener au même type le développement du système nerveux de Brancidohclella et de Clepsine. Nussbaum (2) a démontré que, chez Clepsine, et pour ma part je puis affirmer la même chose quant à Branchiobdella, l'ébauche de la chaîne ganglionnaire ventrale est tubiforme ce qui la rend extrêmement semblable à la moelle épinière des Vertébrés. Dans BroLnchiohdella, cette ébauche apparaît sous forme de deux bourrelets, séparés l'un de l'autre au début par une gouttière profonde qui se réduit au fur et à mesure que les bourrelets se rapprochent; ils finissent par ne plus former qu'un seul épaississement, au milieu duquel se voit mie lumière, ce qui donne à l'ébauche de la chaîne ganglionnaire ventrale l'aspect d'un tube. (i) Les [dernières recherches de Bergh (Zoologischer Anzeiger et Zeil- schrift f. wiss. Zoologie) expliquent tous les phénomènes embnjogéniques signalés chez les Hirudinées tout autrement qu'on ne Ca fait jusqu'ici. Quant à mes observations sur le développement de Nephelis, bien qu'incomplètes, elles ne sont pas inconciliables avec les conclusions de Bergh. (-2) Zoologischer Aiizeiger 1884. 614 M. SALENSKY. Ce mode de formation du système nerveux de Branchiohdella, est complètement semblable à celui de la moelle épinière de quelques poissons osseux. Chez C'Zepsme, l'évolution de la chaîne ganglionnare ven- trale est encore plus remarquable. D'après Nussbaum, l'ébauche de cet organe apparaît sous la forme d'un épais- sissement ectodermique unique. Plus tard, ses bords droit et gauche se soulèvent en des replis et se réunissent pour con- stituer un tube qui, dans la suite, se sépare de l'ectoderme, tout comme la moelle épinière des vertébrés. De ces deux modes de développement du système nerveux, celui qui est réalisé chez Branchiohdella se rapproche le plus de ce qui se voit chez les Annélides. Dans l'ébauche de sa chaîne ganglionnaire ventrale se rencontrent absolument les mêmes parties que l'on distingue dans celle des Annélides : ce sont les plaques médullaires et la gouttière médullaire. A cer- tains stades du développement de Branchiohdella, la gouttière médullaire consiste en deux rangées de cellules dépourvues de cils. Le même fait s'observe aussi chez quelques Annélides : c'est le cas notamment chez Nereis cidtrifera, où les cellules de la gouttière médullaire sont dépourvues de cils vibratiles. L'apparition d'une lumière au milieu de l'ébauche de la chaîne ganglionnaire ventrale constitue déjà un fait caracté- ristique de l'évolution du système nerveux de cette Hirudinée. Cette lumière se montre immédiatement au-dessous des cellules de la gouttière. Elle sépare l'ébauche de la chaîne ganglionnaire ventrale des cellules de la gouttière médullaire, lesquelles se transforment ultérieurement en cellules épider- miques. En conséquence, c'est par l'apparition de cette lumière que débute la séparation du système nerveux d'avec l'ectoderme. L'existence de cette cavité chez Branchiohdella peut s'expliquer par la réunion précoce des deux plaques médul- laires pour ne constituer alors qu'une seule plaque axiale. De ce fait il résulte encore que les cellules de la gouttière ne sont pas interposées entre les deux plaques méduUaii-es, mais se ÉTUDES SUR LE DÉVELOPPEMENT DES A>iN ELIDES. 615 logent au-dessous des deux plaques réunies. Aussi la séparation des plaques médullaires ou, ce qui revient au même, de l'ébauche de la chaîne ganglionnaire ventrale d'avec l'ecto- derme, s'opère-t-elle d'une autre façon que chez les Annélides. En proposant cette explication qui permet de ramener à un même type, l'évolution de la chaîne ganglionnaire ventrale de Dranchiobdella et le développement du système nerveux des Annélides je n'entends nier en aucune façon la similitude entre l'évolution du système nerveux de Dranchiobdella et celle de la moelle épinière des vertébrés. llésoderme. Le mésoderme des Annélides que j'ai observés, se con- stitue de deux parties, des bandelettes mésodermiques ou mésoderme somatique, et du mésoderme céphalique. Kleinen- berg (1) qui, le premier, distingua ces deux parties du méso- derme chez Lumbricus trapezoïdes, considère le mésoderme céphalique comme la continuation immédiate des bandelettes mésodermiques ; aussi l'appelle-t-il " 'porzione cephalica delle note germinative. „ Dans les différentes espèces d'Annélides sur lesquelles ont porté mes observations, les rapports entre le mésoderme céphalique et le mésoderme somatique varient notablement. Ce n'est que dans Nereis cultrifera et dans Pïleolaria (voyez Archives de Biologie t. III, p. 575) que le mésoderme céphalique semble être effectivement la continua- tion immédiate des bandelettes mésodermiques. Par contre dans Terebella et Arida le mésoderme céphalique naît non seulement indépendamment des bandelettes mésodermiques mais encore constitue une formation impaire. Le même fait se présente dans Psygmohrancims, où j'ai réussi à observer les tout premiers stades de l'évolution du mésoderme. Il se peut (i) Kleinenberg. SuUo sviluppo del Lumbricus trapezoïdes . 616 M. SALENSKY. aussi que les toutes premières phases du développement du mésoderme céphalique dans Nereis et Plleolaria m'aient échappé et qu'ici aussi, le mésoderme céphalique soit indépen- dant à son origine, des bandelettes mésodermiques comme chez Arida, Terebella et Psygmohranchus. L'indépendance du mésoderme céphalique dans les trois dernières espèces ressort de la formation de la cavité céphali- que. Bien que celle-ci se réunisse par la suite avecle cœlome de la région somatique, elle en diffère néanmoins par sa forme et par le moment de son apparition. La cavité céphalique de Terebella et di' Arida apparaît avant la formation du cœlome, sous forme d'une cavité impaire, située en dessous de la plaque sincipitale. Quant au cœlome somatique, on a vu qu'il apparaît sous la forme de deux cavités paires, qui, au cours du développement, se réunissent entre elles. Dans Nereis cultrifera, où le mésoderme céphalique est plus faible- ment développé que chez les autres Annélides, je n'ai pu découvrir la cavité céphalique, alors même que le cœlome somatique était déjà formé. Le fait que la cavité céphalique des Annélides que j'ai étudiés apparaît avant la formation du cœlome somatique concorde complètement avec les observations de Kleinenberg sur Lumhricus trapezoïdes. D'après cet auteur, la cavité céphalique de cet Annélide apparaît avant la formation des autres portions du cœlome; mais elle naît non pas comme une cavité impalile, mais sous forme de deux cavités paires qui séparent le mésoderme céphalique en une lame somatique et une lame splanchnique. La première de ces lames donne nais- sance aux muscles, la seconde enveloppe la portion œsopha- gienne du canal digestif. La splanchnopleure et la somatopleure céphaliques répondent absolument aux mêmes portions de la région somatique. Aussi, dans le cours du développement, la limite entre le mésoderme céphalique et le mésoderme somati- que disparaît-elle complètement. Eu égard 1) à l'identité des dérivés du mésoderme céphali- que avec ceux du mésoderme somatique et 2) à la présence ÉTUDES SUR LE DÉVELOPPEMENT DES ANNELIDES. G17 dans le mésoderme céphalique d'ime cavité unique tantôt paire, tantôt impaire, on est naturellement porté à conclure que le mésoderme céphalique répond à un segment unique du mésoderme somatique. L'origine des bandelettes mésodermiques. Dans un des chapitres précédents (voyez le développement de Nereis cuUrifera) j'ai déjà fait remarquer qu'il existait deux opinions différentes concernant l'origine du mésoderme des Annélides, En premier lieu Kowalevsky, Hatschek et Gotte ont admis que le mésoderme somatique nait aux dépens des deux grosses cellules (mésoblastes primitifs), qui apparaissent ou bien pen- dant la segmentation (Euaxes, Nereis), ou bien au stade Gastrula (Lumhricus). D'après la seconde opinion (celle de Kleinenberg) le rôle des mésoblastes primitifs serait secon- daire, et le mésoderme dériverait d'épaississements ectodermi- ques. Les trois premiers auteurs basent leurs conclusions sur les recherches de Kowalevsky concernant le développement du mésoderme chez Lumhricus, recherches qui jusqu'ici sont les plus complètes et les plus concluantes. Kowalevsky a observé chez Lumhricus que les mésoblastes primitifs se divi- sent en trois cellules qui, par la suite, donnent naissance aux bandelettes mésodermiques (i). Hatschek et Gotte, qui comp- tent parmi les défenseurs les plus ardents de la théorie de l'origine du mésoderme aux dépens des mésoblastes primitifs, s'appuient principalement sur le lien qui existe entre les mésoblastes primitifs et les bandelettes mésodermiques; mais aucun de ces auteurs n'a suivi de proche en proche la forma- tion des bandelettes mésodermiques aux dépens des méso- blastes primitifs. Si le lien anatomique qui existe entre ces deux formations peut être considéré comme un lien génétique, comme l'affirment Gotte et Hatschek, il est toutefois néces- saire de prouver que les bandelettes mésodermiques sont (i) Kowalevsky. Sludjen an Wilrmern und Artliropoden (voyez le dóve- loppemeni de Lumbricus). 618 M. SALENSKY. bien le produit de la division des mésoblastes primitifs. Avant que cette pi-euve ne soit faite on ne peut non plus admettre à priori la valeur que Gotte et Hatschek attribuent aux mésoblastes primitifs. La théorie de Kleinenberg(i) sur l'origine ectodermique des bandelettes mésodermiques est beaucoup plus admissible. Sans nier la possibilité que les bandelettes mésodermiques dérivent des mésoblastes primitifs, Kleinenberg suppose que ces derniers donnent naissance seulement à une certaine portion des bandelettes mésodermiques, dont la plus grande partie provient de l'ectoderme. C'est le rapport immédiat qu'affectent les bandelettes mésodermiques avec l'ectoderme, aux stades les plus reculés de leur développement, qui con- stitue le meilleur argument en faveur de leur orgine ectoder- mique. Les connexions de ces parties sont si intimes qu'au début de l'évolution il est très difficile de tracer une ligne de démarcation entre l'ectoderme et les bandelettes mésoder- miques; et comme ces dernières apparaissent sous forme de deux épaississements de l'ectoderme, on est certes en droit de conclure qu'elles en dérivent. Mes recherches relatives au développement des bandelettes mésodermiques chez Nereis cuUrifera et chez les autres Anné- lides confirment l'opinion de Kleinenberg. Partout où j'ai réussi à observer les jeunes stades de l'évolution du méso- derme somatique, ce feuillet, à son début, consistait en un épaississement ectodermique qui, sous forme de deux bande- lettes, règne suivant l'axe longitudinal du corps ; ce n'est que dans le cours du développement qu'il se sépare de l'ectoderme. J'ai pu observer, dans les embryons de Psygmobranchus et de Nereis deux grosses cellules situées à l'extrémité posté- rieure du corps. D'après leur situation, ces cellules répondent aux mésoblastes primitifs décrits par Gotte dans Nereis Dumerilii. Dans Psygmobranchus, après l'occlusion du blasto- (I) Kleinenberg, loc. cit. ÉTUDES SIR LE DÉVELOPPEMENT DES ANNÉLIDES. Cl<< pore, au point même où se trouvaient ces mésoblastes primitifs, on remarque deux amas cellulaii'es consistant chacun en trois cellules et occupant la place qu'occupent plus tard les bande- lettes mésodermiques. Je n'ai pas réussi à observer sur des coupes l'évolution ultérieure du mésoderme de Psygmohran- clius; sur le vivant, la chose est tout-à-fait impossible. Il en résulte que je ne peux faire connaître le rôle que jouent les mésoblastes primitifs dans la formation du mésoderme de cet Annélide. En ce qui concerne Nereis caltrifera, où la formation des bandelettes mésodermiques peut être suivie avec plus de facilité, je me suis convaincu qu'elles proviennent exclusive- ment de l'ectoderme. Les mésoblastes primitifs, nettement distincts avant l'occlusion du blastopore, ne sont plus recon- naissables, une fois que cet orifice a disparu. Le mésoderme des Anuélides que j'ai étudiés consiste exclu- sivement en bandelettes mésodermiques et en mésoderme céphalique. A part ces deux parties, je n'ai pu découvrir, aux stades les plus reculés du développement, aucun élément qui eût pu être considéré comme appartenant au mésoderme. Or, ce fait n'est pas commun à tous les Annélides. D'après certains auteurs, il existe, dans les embryons de quelques Annélides, avant l'apparition des bandelettes mésodermiques, un méso- derme complètement indépendant de ces dernières et qui affecte aussi une forme différente. D'après Kleinenberg(i) dans les larves de Lepadorhynclius une mince membrane cellulaire apparaît entre l'entoderme et l'ectoderme avant la formation des bandelettes mésodermiques ; elle représente le mésoderme, et, eu égard à son apparition précoce, elle peut être appelée mésoderme primitif. Répond- elle au mesenchyme des autres animaux ou bien représente- t-elle une forme différente du mésoderme? C'est une question difficile à trancher, attendu que cette forme n'a été observée jusqu'ici que chez Lepadorhynchus parmi tous les Annélides. (i) Kleinenberg. SuU origine del systema nervoso centrale degli Annelidi. (Reale Acadcmia dei Lincei. T. X, 1880). 620 M. SALENSRY. Il se peut que des études plus minutieuses des stades reculés du développement de dilférents Annélides, démontreront que ce mésoderme primitif est plus répandu chez les Annélides qu'on ne le suppose actuellement. La chose est d'autant plus probable que, dans Echiurus (i), dont la larve représente une trochophore éminemment semblable à celle des Annélides, le mésoderme primitif existe sous une forme plus nette- ment accusée que dans Lejmdorhynchus II y constitue une membrane nettement distincte, contigue à l'entoderme et con- stituée par des cellules aplaties. D'après Hatschek (2), cette membrane serait formée pai' des cellules primitivement dissé- minées, mais se réunissant par la suite poui' lui donner naissance. Nos connaissances actuelles au sujet du mésoderme primitif sont si incomplètes que l'on ne peut même aborder la question de l'homologie de cette formation avec les autres formes du mésoderme. On ne sait absolument rien ni de sa genèse ni de la manière dont elle se comporte. Aussi serait-il à désirer que l'on possédât quelques données, au moins sur le rapport qu'affecte le mésoderme primitif avec les bandelettes mésoder- miques et leurs dérivés. C'est là un point qui malheureusement a été négligé par tous les auteurs contemporains. Differentiation des bandelettes mésodermiques. Le plan général suivant lequel s'opère la differentiation des bande- lettes mésodermiques fut tracé par Kowalevsky dans son travail sur le développement des Oligochètes. Les recher- ches ultérieures et principalement celles de Hatschek confir- ment complètement l'opinion de Kowalevsky. En ce qui concerne mes recherches sur les Aimélides elles concordent complètement avec celles de Kowalevsky et ne diffèrent de (1) Salensky. JJber die Metamorphose des Echiurus (Morph. Jahrbuch, Bd. 2). (2) Hatschek. Uber Entwicktungsgeschichle von Echiurus. {XrheMen aus dem Zoolog. Institute d. Un. Wien. T. Ill, l^es Het'l). ÉTLDES SLR LE Dl- VELOPPE.MENT DES ANNÉLIDES (î21 celles de Hatschek que par quelques détails. Daus tous les Annélides que j'ai étudiés les bandelettes raésodermiques, situées au début à droite et à gauche de la ligne médio-ven- trale, progressent à la fois vers les faces dorsale et ventrale. En s'épaississant des deux côtés de la ligne médio-ventrale, elles y constituent les plaques musculaires composées d'un nombre restreint de cellules volumineuses. Les portions des bandelettes mésodermiques qui n'ont pas été employées à la formation des plaques musculaires, constituent les plaques latérales, qui se délaminent au cours du développement pour se transformer en somatopleure et en splanchnopleure. La soma- topleure donne naissance aux muscles dorsaux et la splanchno- pleure enveloppe le canal digestif et engendre les vaisseaux intestinaux. Le phénomène le plus important à signaler dans la genèse du mésoderme des Annélides, c'est l'ordre suivant lequel apparaissent leurs muscles. Les muscles qui se montrent en premier lieu dans les Annélides sont les muscles longitudinaux et les muscles obliques. Ces muscles se trouvent chez tous les Archiannélides, notamment chez Polygordius (i), chez Protodrilus {^) et chez Histriodrïlusii). Saccocirrhus (i), qui présente beaucoup de traits de ressemblance avec Polygor- dius, mais qui néanmoins est un Chétopode, attendu que ses pieds sont pourvus de soies, a déjà les muscles plus développés. Dans cet Annélide, outre les muscles longitudinaux, on distin- gue une mince couche de muscles circulaires. Saccocirrhus est (i) UuANiN. Observations sur les Polygordius du golfe de Sebastopol. Bul- letin de la société impériale des sciences k Moscou (texte russe). Peiuuer décrit dans Cespèce Polijgordus Villoli, découverte par lui, des muscles circulaires; mais sa description est si brève qu'elle ne peut être considérée comme suffisamment explicite pour faire admettre le fait qu'il annonce. (Comptes-rendus, 1875, p. 1101). (2) Hatschek. Protodrilus Leuckartii. (Arbeiien der zool. Inst. zu Wien. T. III Hefil ) (3) FOETTiNGER. Rcch. sur Histriobdclla Homari. (Arch, de liiolog. T. V). (4) Marion et Bobretzky. Études sur les Annélides du golfe de Marseille. (Bibliothèque de l'école des hautes études T. III., 1875). 622 M. SALENSKV. considéré à bon droit comme une forme primitive parmi les Chétopodes; d'après sa structui-e, il atfecte des rapports inté- ressants avec le développement des autres Annélides. Ses pieds sont surtout remarquables à ce point de vue là. Dans les chapitres précédents j'ai tâché de démontrer que les parapodes des Annélides apparaissent sous la forme de tubercules simples qui par la suite se subdivisent en deux portions. Dans Terebella, les tubercules ne se subdivisent pas et conservent leur position dorsale. Aussi ai-je tâché d'établir. 1) Que les pieds de Terebella correspondent au tubercule pédieux primitif des autres Annélides, non encore subdivisé en deux tubercules, et 2) que les bourrelets ventraux de Terebella ne sont pas homologues aux pieds des autres Anné- lides. Le tubercule primitif se rencontre aussi dans Saccocirrhus où, à chaque côté des segments, on distingue un seul tubercule et non pas deux. Si Saccocirrhus représente eifectivement une forme primitive parmi les Chétopodes, la présence d'un seul tubercule sur chaque segment de son corps confirme mon hypothèse quant aux pieds de Terebella. Formation des vaisseaux sanguins. C'est à peine s'il existe dans les animaux vertébrés un système d'organes d(mt le développement ait été aussi peu étudié que celui du système vasculaire. Pour la majorité des invertébrés, on ne possède que des descriptions du système vasculaire de l'adulte ou de l'animal à peu près développé. Les rapports que les ébauches des vaisseaux sanguins et celle du cœur affectent avec les feuillets embryonnaires et le cœlome n'ont été étudiés soigneu- sement pour ainsi dire chez aucun type. Il en résulte que les déductions relatives aux vaisseaux lymphatiques et à leur forme primitive se basent principalement, si non exclusivement, sur des faits fournis par l'anatomie comparée. Or, le système vasculaire définitivement constitué est si peu semblable à sa forme primitive, il affecte tant de rapports avec les autres organes, rapports qui se sont établis dans le cours de son évolution, que c'est à peine si les données de l'anatomie com- ÉTIDES SIR LE DÉVELOPPEMENT DES AÎSXÉLIDES. 623 parée seule peuvent servir de base solide aux déductions générales concernant l'évolution du système vasculaire et sa valeur morphologique. En ce qui regarde le développement des vaisseaux sanguins des Annélides on possède des recherches de Kowalevsky (i) et de Vejdovsky (2). D'après Kowalevsky, l'ébauche des vais- seaux sanguins apparaît sous forme d'amas cellulaii^es compacts dans lesquels se creuse une lumière au cours du développement. Le vaisseau dorsal de Lumbricus, d'après les recherches des deux auteurs que nous venons de citer, dérive de la réunion de deux vaisseaux primitifs. Oh a déjà vu, par la description que j'ai donnée des vaisseaux sanguins de Terehella, que les résultats auxquels je suis parvenu ne confirment ni les observations de Kowa- levsky, ni celle de Vejdovsky. Le système vasculaire de Psyymohrancims et de Terehella débute par la formation du sinus intestinal, cavité qui siège entre l'épithélium du canal digestif et la splanchnopleure. Cette cavité est le point de départ des vaisseaux sanguins, qui apparaissent comme des prolongements de cette cavité. Ces canaux restent réunis encore pendant longtemps avec le sinus intestinal. En conséquence les ébauches des vaisseaux sanguins revêtent dès leur début, non pas la forme d'une masse cellulaire compacte, mais celle d'un canal creux, dont la lumière n'affecte aucun rapport avec le cœlome. La majorité des morphologistes contemporains considèrent le cœlome comme le point de départ des systèmes lymphatique et sanguin. Cette opinion a été nettement formulée par Haeckel (3) et par Ray Lankester. Haeckel dit : " Die ivahre Leibesholile oder der Cœlom ist geradezu als der erste Anfang des Oefdssensystem eu hetrachten. „ Le cœlome serait rempli (!) Kowalevsky. Enlwicklting der Warmer and Arttliropoden (ì) Vejdovsky. SUzungsbericlUe der bôlimischen Geselsckaft. der Wissen- ekaflen, 1879. System unti Morphologie derOligochelcn, 1884. (5) Haeckei>. Die Gastrealheorie, die pliylogeneiisclie CLassijlcalion, etc. (Jcnaische Zeitsclirift. Bd . VIII ) 6,24 M. SALEÌSSKY. d'un liquide qui filtre à travers les parois du canal digestif. Ce liquide représenterait à la fois le sang et la lymphe. {Hœmatochylus de Haeckel.) Avec beaucoup de raison, Haeckel désigne ce système sous le nom de Hœmatochylussystem et suppose que, dans la suite, il se différencie en deux systèmes distincts : le système sanguin et le système lymphatique. La manière de voir de Ray Lankester(i) concorde complè- tement avec celle de Haeckel et l'on peut considérer à bon droit ces deux opinions comme généralement admises. Les frères Hertwig(2) envisagent d'une autre façon, plus juste à mon avis, la genèse du système vasculaire. Ils soutien- nent que les vaisseaux sanguins se forment indépendamment du cœlome (p. 84). D'après ces deux auteurs, le système vasculaire dérive exclusivement du mesenchyme, aussi fait-il défaut chez tous les animaux dépourvus de mesenchyme. Comme preuve principale à l'appui de leur théorie, ils invoquent le mode de formation des vaisseaux sanguins et lymphatiques chez les Vertébrés, où ces vaisseaux apparaissent sous forme de .lacunes creusées dans le mesenchyme de la splanchnopleure. A cet argument, on peut objecter que la forme sous laquelle apparaît le système vasculaire chez les Vertébrés doit être une forme cénogénétique, modifiée, et doit résulter d'une accélération du développement. Pour permettre de trancher la question de l'origine des vaisseaux sanguins, on ne doit pas recourir à l'étude du développement de formes aussi hautement organisées que le sont les Vertébrés supé- rieurs, car l'on risque d'y trouver les formes primitives extrê- mement modifiées. Quelque différentes que soient les opinions de Haeckel et des frères Hertwig, tous ces auteurs s'accordent à reconnaîti-e aux vaisseaux sanguins et lymphatiques une origine commune. Mais les Hertwig soutiennent que le système vasculaire ainsi (i) Ray Lankester. On the primi Live Cell-layers of the embryo, etc. Annals and Magazine of Natural History. Vol. X (2; R. unci 0. Hertwig. Die Ccetomlheorie, p. 80, 88. ÉTUDES SIR LE DÉVELOPPEMENT DES AîSINÉLIDES. 625 que le système lymphatique naissent indépendamment du cœlome aux dépens des interstices du mesenchyme. Ils disent : " MorpliologiscJi ist es unricJitig die Leibeshohle zu den grossen Lymphrdumen zu reclinen „ (p. 85, loc. cit.). Les rapports qui existent entre le cœlome et les vaisseaux lymphatiques des Vertébrés sont considérés par eux comme une disposition secondaire (p. 85, loc. cit.). Malheureusement jusqu'ici, on ne possède que peu de don- nées sur la formation des vaisseaux lymphatiques. On en sait encore moins en ce qui concerne l'évolution des orifices par lesquels les vaisseaux lymphatiques débouchent dans le cœlome. Il en résulte évidemment que l'on ne peut prouver incontesta- blement la naissance du système lymphatique aux dépens du cœlome. Cependant, il est un fait que l'on ne peut nier et qui dans la question a une grande valeur c'est que le cœlome des animaux inférieui-s (invertébrés) est rempli d'un liquide extrê- mement semblable à la lymphe et que, en conséquence, il joue le rôle de cavité lymphatique. Aussi, est-il bien probable que le système lymphatique des animaux supérieurs n'est qu'une portion du cœlome, génétiquement parlant. Les faits relatifs au développement des vaisseaux sanguins, que j'ai communiqués dans un des chapitres précédents, démontrent que dans le corps des larves des Annélides, avant l'apparition des vaisseaux sanguins, il existe deux cavités, ce sont : 1° Le cœlome délimité par les deux lames du mésoderme et rempli d'un liquide qui tient des cellules en suspension et 2° le sinus intestinal dépourvu de tout élément cellulaire. Ce dernier donne naissance aux vaisseaux sanguins et peut être considéré comme le prototype du système sanguin. On ne pourrait en effet imaginer un organe plus simplement organisé que ne l'est cette cavité, qui circonscrit le canal digestif et qui renferme tous les liquides nutritifs qui filtrent à travers l'épithélium de ce canal. Quant au liquide qui remplit le cœlome, il diffère du sang au point de vue morphologique et l'on est en droit de croire qu'il en diffère aussi au point de vue chimique. La différence mor- 626 M. SÂLENSRY. phologique seule et les rapports que le cœlome affecte avec le sinus intestinal et les vaisseaux sanguins sont déjà suffisants pour déterminer la signification du cœlome et du liquide qui le remplit. On sait que, chez plusieurs Vertébrés, les vais- seaux sanguins sont entourés par des cavités lymphatiques et baignés par la lymphe dans toute leur longueur. La plus étendue de ces cavités est certainement le péricarde, dont l'origine aux dépens du cœlome peut être considérée dès à présent comme incontestablement prouvée. Les rapports que les vaisseaux sanguins des Annélides affectent avec le cœlome sont en tous points semblables aux rapports que ces organes présentent avec les cavités lymphatiques chez les Vertébrés. Le cœlome n'est en définitive qu'une grande cavité remplie de lymphe qui baigne les vaisseaux sanguins. Cette manière de voir n'est pas nouvelle ; il y a longtei:9ps que le cœlome a été regardé comme une cavité remplie de liquide lymphatique; mais il a été et il est encore aujourd'hui considéré comme une ébauche commune des cavités lymphatiques et sanguines. Cette opinion n'est cependant pas confirmée par les découvertes embryologiques; elles démontrent, au contraire, que le système sanguin a une origine indépendante du système lymphatique. En outre chacun de ces systèmes est important sous un autre rapport. C'est à Biitschli(i) que revient l'honneur d'avoir posé des principes généraux très-intéressants au sujet du système circulatoire. En 1878, se basant sui' des considérations purement théoriques, il en arriva à conclure que le système sanguin n'est qu'un reste du blastocèle. Et, en effet, si nous considérons le sinus intestinal comme le prototype du système sanguin, l'hypothèse de Bùtschli se confirme par les faits embryologiques. Pour ma part, je partage complètement les vues de Blitschli, et m'appuyant sur les considérations mentionnées plus haut, (i) BiiTSCHM. Ueber eme Hypothèse bezngl. der phyiogen. Herleitung der Bliilgefâssapnral, etc. (Morph Jahrbuch. T. VIII ) ÉTl'DES SIR LE DÉVELOPPEMEIST DES ANNÉLIDES. 627 je suis disposé à les étendre davantage. Je crois que les deux cavités signalées chez les animaux à l'état embryonnaii-e, c'est-à-diï^e la cavité primitive, le blastocèle, et la cavité secon- daire, le cœlome, représentent les prototypes des deux systèmes vascularizes qui existent dans le corps des animaux. Si le blastocèle représente le système sanguin primitif, le cœlome doit être considéré ^comme le système lymphatique primitif. Biitschli agit avec beaucoup de prudence en ne faisant pas valoir son hypothèse pour tous les métazoaires. Nos connais- sances relatives au développement du système circulatoii-e dans la plupart des animaux sont si insuffisantes, qu'il serait réellement téméraire d'étendre l'hypothèse de Biitschli à la genèse du système vasculaire de tous les animaux. Ce serait d'autant plus difficile que le système sanguin des Arthropodes et des Mollusques affecte des rapports intimes avec le cœlome, ou en d'autres termes, avec le système lymphatique. Dans ces animaux il existe certainement plus qu'un simple système de vaisseaux sanguins, et il faut admettre chez eux la présence d'un système hœmolymphatique. D'autre part, il est éminemment probable que les communications entre les vaisseaux sanguins et le cœlome constituent une disposition secondaii-e. Mais, comme en somme nous possédons très peu de données relative- ment au prototype des vaisseaux sanguins primitifs, ainsi qu'à leurs rapports primitifs avec le cœlome, chez les Arthropodes et les Mollusques, nous ne serons autorisés à formuler des conclusions générales que quand de nouvelles recherches embryologiques auront fait connaître un nombre plus considé- rable de faits. Entoderme Tous les faits que j'ai mentionnés relativement à la segmen- tation de l'œuf des Annélides, tendent à démontrer que leur entoderme n'apparaît qu'après l'achèvement de l'épibolie. Jusqu'à ce moment, les macromères constituent des cellules mixtes qui donnent naissance d'une part à de petites cellules 62fi M. SALE^SKY. qui interviennent dans la formation de l'ectoderme et d'autre part à l'entoderme proprement dit. Ce n'est que, quand l'épi- bolie est achevée, que l'on peut désigner les cellules internes réduites provenant des macromères primitifs sous le nom de cellules entodermiques. Le nombre des macromères employés à la formation de l'entoderme est diiférent chez les divers Annélides que j'ai étudiés. Il en résulte certaines particularités dans la differentiation ultérieure de l'ectoderme et dans la formation du canal digestif. Sous ce rapport, on peut subdi- viser les Annélides que j'ai observés en deux et même en trois catégories. 1. Les macromères se divisent activement pendant la seg- mentation, de telle manière, qu'au moment où l'épibolie est complète, l'entoderme consiste en un grand nombre de cellules. (Pileolaria, Arida, Terebella.) 2. Les quatre macromères primitifs ne se divisent point avant l'achèvement de l'épibolie (i). Il en résulte que l'ento- derme primitif consiste en quatre ou cinq cellules, dont le deutoplasma est complètement séparé du protoplasma {Psygmohranclius, Nereis). La multiplication des cellules de l'entoderme primitif peut s'opérer de deux manières différentes : a) Ces cellules ne se divisent pas complètement : seules leurs portions protoplasmiques dirigées vers le centre de l'œuf et leurs noyaux se segmentent; les portions protoplasmiques des macromères, bien que devenues libres restent longtemps réunies entre elles; elles constituent l'entoderme secondaire {Nereis cultrifera); b) les cellules de l'entoderme primitif, situées à la face ventrale de l'embryon, donnent naissance à de petites cellules protoplasmiques (entoderme secondaire), qui consti- tuent l'ébauche des parois ventrales de l'estomac, de l'œso- phage et du rectum, les cinq grosses cellules elles-mêmes constituant la paroi dorsale de l'entoderme (Psygmobranchus). En comparant ces différents modes de formation de l'ento- (i) Il est fait nalurellement abstraction des portions protoplasmiques des macromères qui sont employées à la formation de l'ectoderme. ÉTUDES SIR li: DÉVELOPPEMEìNT des 41NNÉI,IDES. 629 derme, il devient évident que la diiférence consiste princi- palement dans le mode de division des macromères qui constituent l'ébauche de l'entoderme. Les macromères de tous les Annélides se divisent soit avant soit après l'achèvement de l'épibolie. Mais la forme que revêt leur division dans les trois cas est différente. Dans Pileolaria, Ancia et Ter ebella les cellules entodermiques se divisent complètement; dans Psygmobranchus et Nereis, leur portion protoplasmique seule se divise, tandis que le deutoplasma reste indivis. Comment expliquer ces différences? Cette question est facile à trancher, si l'on compare la structure des cellules entoder- miques de Pileolaria, à.'' Arida et de Terebella avec celle de Nereis et Psygmobranchus Dans les embryons des premières espèces le deutoplasma, sous forme de petits corpuscules lécytiques, est réparti uniformément dans tout le protoplasma; par contre, dans les embryons des autres espèces, le deuto- plasma envahit à peu près tout le corps cellulaire et le proto- plasma s'amasse à l'un des pôles. Comme la division de la cellule intéresse exclusivement le protoplasma et que le deutoplasma ne joue qu'un rôle passif, il est évident que la dissémination du deutoplasma doit entraîner une division complète de la cellule, ce qui effectivement se produit dans Pileolaria, Terebella et Arida. Par contre si le protoplasma est séparé du deutoplasma, l'on doit évidemment s'attendre à une division incomplète de la cellule ou, en d'autres termes, à la division de sa portion protoplasmique seule, comme cela s'effectue dans Nereis et Psygmobranchus. La différence qui s'observe dans la division des cellules entodermiques des Annélides de la première et de la seconde catégorie est comparable à la différence, qui existe entre la segmentation totale et la segmentation partielle du vitellus. La division des cellules entodermiques de Pileolaria, à' Arida et de Terebella répond à la segmentation totale; celle des cellules de Psygmobranchus et de Nereis à la segmentation partielle. Les causes dont dépendent les différents modes de division des cellules entodermiques sont absolument les 630 M. SALEINSKY. mêmes que celles qui détermiuent la segmentation totale ou partieUe, c'est-à-dire la quantité plus ou moins considérable d'éléments nutritifs accumulés dans les cellules et la sépara- tion plus ou moins complète du protoplasma d'avec la portion deutoplasmique de la cellule. Le mode de formation de l'œsophage et du rectum est différent dans chacun des Annélides que j'ai étudiés. Jusque aujourd'hui l'on a soutenu que ces portions du tube digestif se développent aux dépens de l'ectoderme, sous forme de culs- de-sacS; qui apparaissent aux extrémités antérieure et posté- rieure de l'embryon, ces culs-de-sacs se mettant ultérieurement en rapport avec l'archentéron délimité par l'entoderme. Ce mode de développement des portions antérieure et postérieure du canal digestif, s'observe très-nettement chez quelques Annélides, chez Nereis par exemple ; mais il ne constitue pas ime forme typique de développement du canal digestif, com- mune à tous les Annélides. Parmi les Annélides que j'ai observés, quoique le nombre en soit fort restreint, j'ai constaté des diiférences considérables dans le mode de formation des portions antérieure et postérieure du canal digestif : l'ecto- derme intervient pour une part différente dans la formation de ces organes. On a vu que chez PsygmohrancJius et chez Arida les portions antérieure et postérieure du canal digestif dérivent de l'entoderme. L'invagination buccale des Aimélides y est fort réduite. Dans Pileolaria tout -l'œsophage, à peu près, dérive de l'invagination buccale, c'est-à-dire qu'elle a une origine ectodermique. Enfin chez Terebella l'œsophage, si l'on y rattache la trompe protractile, occupe une position intermédiaire, puisqu'il se forme en partie aux dépens de l'entoderme et en partie aux dépens de l'ectoderme. Il est assez difficile d'expliquer les diiférences que je viens de signaler dans la formation du rectum et de l'œsophage. Néanmoins, les faits observés permettent de conclure que deux feuillets embryonnaires concourent à la formation de ces organes. La part que chacun d'eux prend à ce développement varie notablement, de manière que tantôt c'est l'entoderme ÉTIDES SIR LE DÉVELOPPEMENT DES ANNÉLIDES. (iol (Nereisl, tantôt c'est l'ectoderme {Arida, Psygmobranchus) qui n'intervient point dans la formation de l'œsophage. Chez Bonellia (Spengel), Branchioclella (Salensky) et Clepmie (Nussbaum), Tentoderme intervient aussi dans la formation de l'œsophage. Comparaison des formes larvaires des Annélides entre elles et avec les larves d'autres vers La principale forme larvaire qui se rencontre chez les Annélides, c'est la Trochosphère de Ray Lankester ou Trochophore, dénomination sous laquelle Hatschek (i) propose de la désigner dorénavant. L'importance attribuée tout d'abord par Ray Lankester à cette forme larvaire, non seulement relativement au développement des Annélides, mais aussi relativement à celui des autres animaux invertébrés, m'oblige à en faire une étude attentive. Pour pouvoir envisager les rapports qui unissent la Trochophore aux autres formes lai-vaireSj il est nécessaire de connaître aussi complètement que possible son organisation. Dans ses recherches sui' le développement de Polygordius, Hatschek nous donne une description détaillée de la Trocho- phore de ce ver ; cette circonstance me permet de ne pas m'arrêter aux détails d'organisation que cette forme larvaire affecte chez les différents Annélides, et d'insister seulement sur ses caractères typiques, dans le but d'expliquer la manière dont les différentes portions du corps de la Trochophore se comportent relativement à celles de l'adulte. Hatschek distingue dans la Trochophora de Polygordius, une portion céphalique et une portion somatique. Il considère comme tête de la Trochophore sa partie antérieure sphérique, qui est aussi la plus volumineuse. Il y distingue trois régions : 1) La région sincipitale (Scheitelfeld), délimitée en arrière par les (i) Hatschek. Uberdie Enlxvuklungsgeschichle der Anneliden. ('Arbeiten aus d. Zoolog Institut zu Wien.) 632 M. SALEISSKY. couronnes ciliaires ; 2) la région des couronnes orales ^t 3) la région postorale, qui est contigue à la région somatique (Rumpfabschnitt). La portion somatique de la Trochophore se constituerait d'un appendice conique peu considérable situé en arrière de la portion céphalique. En décrivant la Trochophore de mes Annélides, j'ai attribué aux différentes régions de leur corps, ime signification toute différente de celle que leur accorde Hatschek. Je consi- dère comme constituant la tête d'une Trochophore, la région préorale seule, et comme somatique, toute la région postorale. D'après ma description, la tête de la Trochophore répond à la région sincipitale (Scheitelfeld) de Hatschek et ce que j'appelle la région somatique, se constitue à la fois de la région postorale de la tête et de la région somatique de Hatschek. La différence qui existe entre la manière de cet auteur de voir et la mienne sur la structure de la Trochophore semble être insignifiante à première vue; mais son importance se révèle clairement si l'on compare la Trochophore des Annélides avec les larves d'autres animaux, dont les affinités avec les Annélides ne sont pas encore élucidées (Arthropodes, Mollusques et Vertébrés), mais qui passent cependant, à peu près, par les mêmes stades de développement. Si, avec Hatschek, l'on considère comme tête de la Trocho- phore sa région préorale, plus une région postorale, alors la tête nous apparaît comme constituée .de deux portions dont la géiièse est complètement différente. La région préorale pré- sente une structure différente de celle de la portion somatique, tandis que, dans la région postorale, on rencontre les mêmes particularités de structure qui caractérisent le tronc ou le soma proprement dit. Eu outre la structure des couronnes orales, diffère de celle des deux régions qu'elles séparent. Les différences que l'on observe entre les portions céphali- que et somatique sont les suivantes : 1. La région céphalique répond à la portion antérieure du corps, qui n'est point formée de métamères. La région posto- rale, au contraire, se divise très tôt en métamères, dont les KTl'DES SIR LE DKVKl.OPFRMKM DKS VNMM.IDES. (io.j ébauches sont facilement reconnaissables dans le mésoderme des Annélides à des stades très-reculés du développement ; cette inétamérisation intéresse, au cours de l'évolution, tous les feuillets embryonnaires. 2. La région céphalique et la région somatique sont le siège de deux ébauches indépendantes du système nerveux. La plaque sincipitale, ébauche des ganglions céphaliques, prend naissance dans la région céphalique, tandis que, dans la région somatique, apparaissent les plaques médullaires, qui constituent l'ébauche de la chaîne ganglionnaire ventrale. Il a été prouvé, dans les chapitres précédents, que ces deux ébauches apparais- sent indépendamment l'une de l'autre; au début, elles sont séparées par la région des couronnes orales et ne se réunissent que dans le coui's du développement. 3. Le mésoderme de la région céphalique et celui de la région somatique diffèrent essentiellement l'un de l'autre par leur genèse et par quelques particularités qui se manifestent au cours de leur évolution. Il est probable que chez Fsygmohranchus, Arida, Terehella et Pileolaria le mésoderme céphalique uait indépendamment des bandelettes mésodermi- ques, qui constituent le mésoderme somatique. Le mésoderme céphalique, dans tous les cas où j'ai réussi à observer les premiers stades de son évolution (Arida, Terehella), apparaît sous la forme d'une plaque impaire, située dans la région cépha- lique. Ce n'est que dans la suite, que cette plaque se divise en deux portions {Pileolaria). Cela se produit dans les Annélides chez lesquels la tête se réduit notablement. Les bandelettes mésodermiques apparaissent sous forme de deux lames situées suivant la longueur de l'axe longitudinal de l'embryon. Les cavités qui se font jour dans les deux ébauches du méso- derme apparaissent aussi indépendamment Tune de l'autre. Dans le mésoderme céphalique apparaît une cavité impaire, c'est la cavité céphalique ; dans le mésoderme somatique, se forment toute une série de cavités logées les unes derrières les autres et constituant l'ébauche du cœlome somatique. La cavité céphalique ne se réunit avec le cœlome qu'à des stades avancés du développement. 634 M. SALENSKV. Hatschek(i) affirme que la cavité céphalique de Polygordius se forme aux dépens du blastocèle et il ajoute que sa genèse est la même dans tous les Annélides et probablement aussi dans tous les mollusques. En ce qui concerne Polygordius cette origine de la cavité céphalique n'est point démontrée et quant aux autres Annélides, cette hypothèse n'est rien moins que fondée. Leur cavité céphalique n'est pas située entre l'entoderme et l'ectoderme, comme le blastocèle, mais elle apparaît au contraire sous forme d'une fente dans le méso- derme, comme le cœlome. 4. Les néphridies font complètement défaut dans la région céphalique (si Ton considère comme telle seulement la région préorale). Bien qu'ils existent chez Polygordius, Echiurus et Psygmobranchus, ils y siègent dans la région somatique. Hat- schek désigne les premières néphridies qui apparaissent dans Polygordius et Echiurus sous la dénomination de reins cépha- liques, à raison de sa manière de voir concernant la région céphalique de la larve. 5. Une des différences les plus essentielles qui existent entre la région céphalique et la région postorale, c'est que la première est le siège des organes des sens, notamment des yeux et des tentacules. L'apparition des tentacules dans la région céphalique de la Trochophore des Annélides que j'ai observés, suit la marche commune à toutes les espèces de cette classe, à part quelques différences de détails. Dans la plupart des Annélides, le tentacule médian dont le degré de développement varie notablement, apparaît à la face ventrale de la région céphalique. Dans quelques Annélides, il cons- titue un prolongement considérable {Terebella, Pileolaria et Psygmobranchus), dans d'autres il se réduit complètement {Nereis, Arida). J'ai déjà fait observer, dans la description du développement d'Arida, que, chez cet Annélide, à la place du tentacule médian, siège une glande que l'on est en droit de considérer comme une modification de cet organe. Dans Nereis, (i) Hatschek EnlwickLungsgeschiclUe der Anneliden, p. 87. ÉTUDES SIR i.r r)KVRi.()PPr:\ri-\T des an^élidrs. hm,') je u'ai pu découvrir l'homologue du tentacule médian. Ce dernier occupe toujours une position axiale dans la région céphalique; à sa droite et à sa gauche se développent les ten- tacules latéraux, dont le nombre et la forme varient chez les différents Annélides. Ainsi, la région préorale d'une Trochophore est le siège du cerveau et des organes des sens. Ce. fait indique déjà à lui •seul que cette portion du corps larvaire d'un Annélide doit être considérée comme représentant la tête. On sait que par la suite, elle se transforme en les lobes céphaliques de l'adulte, qui représentent la région céphalique du corps. Entre la tête et le corps de l' Annélide adulte siège l'anneau buccal. Dans une larve, la place de l'anneau buccal est occupée par la région des couronnes orales. Cette portion du corps de l'adulte est considérée comme faisant partie de la tête par plusieurs morphologistes. Effectivement, à l'état adulte, et même dans des larves où se produit la division du corps en métamères, l'anneau buccal affecte des rapports plus intimes avec la tête qu'avec la région somatique. A de jeunes stades de la Trochophore, alors que les bandelettes mésodermiques ne sont pas encore divisées en segments, cette portion de la larve est complètement indépen- dante dans la plupart des ilnnélides. D'après sa texture elle diffère de la région somatique et de la région céphalique. Elle forme un anneau intermédiaire qui sépare ces deux régions. Dans la larve de Terebella, la région des com-onnes orales constitue un anneau ciliaire formé exclusivement de grosses cellules ectodermiques appliquées immédiatement contre l'ento- derme. Entre l'anneau ciliaire et l'entoderme il n'existe point de mésoderme. Ce n'est qu'à des stades plus avancés que le mésoderme céphalique s'étend en dessous des cou- ronnes ciliaires. Cette extension du mésoderme céphalique peut être consi- dérée comme le début de sa réunion avec les bandelettes mésodermiques. Par conséquent les couronnes ciliaires servent de ligne de démarcation entre le mésoderme céphalique et le 636 M. SALEÎSSkV. mésoderme somatique et séparent en même temps Tune de l'autre les deux ébauches du système nerveux, les plaques médullaires et la plaque sincipitale. On a vu que, dans tous les Amiélides, les plaques médul- laires intéressent toute la région somatique de la larve et s'amincissent dans le voisinage des couronnes ciliaires pour se confondre complètement avec l'ectoderme. Dans la région des couronnes orales, il n'existe ni plaques médullaires, ni prolongements de la plaque sincipitale. La réunion de ces deux portions du système nerveux ne s'opère qu'après la réduction des couronnes orales. J'ai fait observer antérieurement que, dans les Annélides, la région des couronnes orales consiste en une ou deux cou- ronnes ciliaii'es que j'ai désignées sous les noms de couronne préorale et de couronne postorale. Au début, il n'existe qu'un seul anneau ciliaire qui, par la suite, se subdivise en deux por- tions. Ces anneaux peuvent exister simultanément {Psygmo- branchus, Nereis)\ ou bien l'anneau primitif disparaît pour faire place à l'anneau postoral (Pileolarià); ou bien enfin, comme c'est le cas dans Terebella, l'anneau primitif reste indivis. Dans les Annélides chez lesquels il existe deux couronnes ciliaires, il apparaît entre elles une gouttière; à la face ventrale de la Trochophore, cette gouttière s'élargit pour constituer une plaque triangulaire, la plaque buccale; c'est là que se forme plus tard l'invagination buccale. La couronne préorale, située en avant de la plaque buccale, con- stitue un anneau complet, tandis que la couronne postorale s'allonge en arrière et se continue avec la gouttière médul- laire, qui sépare l'une de l'autre les deux plaques médullaires. Ce rapport que la couronne postorale affecte avec la gouttière médullaire est nettement reconnaissable dans les larves de Psygmohranchus (Archives de BioL, vol. III, pi. XV, fig. 14). Dans le cas où la couronne postorale fait défaut (Terebella) la bande cellulaire qui répond à gouttière médullaire est en continuité en avant avec les cellules ciliées de la plaque buccale. Je tiens à scruter davantage encore la question de savoir si la ÉTUDES SUR LE DÉVELOPPEMENT DES ANNÉLIDES. 037 portion antérieure de la région postorale appartient à la région céplialique, comme le soutient Hatschek, ou bien si elle appar- tient à la région somatique. Cette question a déjà été résolue en partie dans les cinq thèses de ce chapitre : j'ai tâché de démontrer la diiFérence qui existe, au point de vue de leur structure, entre la région préorale et la région postorale. Mais, eu égard à l'importance de cette question, je crois nécessaire d'ajouter encore quelques mots. Dans quelques-uns des Annélides que j'ai observés {Tere- hella) les deux segments antérieurs de la région postorale se distinguent effectivement des autres segments somatiques par une particularité caractéristique, c'est-à-dii^e par l'absence de pieds. Ces deux segments sont ceux que l'on désigne sous les noms de premier et de deuxième segments branchiaux. Dans quelques espèces du genre Tereheila ces segments se réduisent notablement et dans d'autres ils se réunissent comme c'est le cas dans TerebelUdes Strœmi. Steen(i) considère ces segments de cet Aunélide comme une portion de la région céphalique. Il base son opinion en partie sur les • renseignements fournis par ses prédécesseurs, en partie sur la texture des segments en question et particulièrement leur situation voisine de la tête. Généralement, on désigne les branchies de Tereheila sous le nom de branchies céphaliques. C'est probablement pour ce motif que les segments qui les supportent sont considérés comme des segments céphaliques. Si l'on accepte cette opinion au sujet des (i) Steen (Anatomisch histol. TJntersuch. v. TerebelUdes Slrœmi. Jenaische Zeils. XVI Bd. Hoti I, u. 2 ) n'y trouve qu'un seul segment qu'il considère comme une portion de la tête Ce segment serait pourvu de deux bourrelets transversaux. A en juger d'après ses figures, on peut admettre que ces deux bourrelets constituent deux segments qui se sont confondus. Dans les TerebelUdes, les branchies n'apparaissent jamais sur ces segments Par contre, le troisième segment qui, d'après Steen, représente le deuxième segment du corps, supporte deux paires de branchies au lieu d'une. Si l'on compare cette distribution des branchies des TerebelUdes avec celle qui existe dans Terebella, il semble probable que la première paire de leurs branchies disparait complètement, que la deuxième se réduit notablement cl que la troisième seule se développe normalement. 43 G38 M. S4LEiNSRY. segments branchiaux, il est évident que la tête de la Terebella est formée de plusieurs segments et, s'il en est ainsi chez Terebella, l'on en arrive facilement à affirmer avec Semper que la tète de tous les Annélides comprend plusieurs segments. Mais cette manière de voir me paraît bien peu fondée. 1. Si l'on considère les segments qui supportent les bran- chies de la Terebella comme des segments céphaliques, il faut aussi considérer comme tel le premier segment somatique (den ersien dltesten Korperglied, comme l'appelle Semper), qui, lui aussi, supporte des branchies. Ce segment présente cepen- dant tous les caractères des segments somatiques; outre les branchies, il supporte encore des pieds sétifères, et les pieds sétifères ne siègent jamais sur la tête des Annélides. 2. C'est surtout l'évolution des premiers segments postoraux qui démontre qu'on ne peut les considérer comme appartenant à la tête. On distingue dans ces segments les ébauches de tous les organes qui se rencontrent dans les segments somatiques: leur système nerveux dérive des plaques médullaires; leur mésoderme est le produit des bandelettes mésodermiques, engendrées par le mésoderme somatique et non par le méso- derme céphalique. La formation de ces segments est très précoce; ils ne diffèrent des segments somatiques que par l'absence de pieds sétifères. Or, cette distinction est de peu de valeur, attendu que, dans la plus grande portion de la région postérieure du corps, notamment dans toute la région abdominale, il n'existe pas de véritables pieds sétifères, mais seulement des plaques onciales qui, comme il a été démontré dans la description de l'évolution de Terebella, ne sont pas homologues aux pieds sétifères. Tout cela prouve donc nettement que la région postorale ne se divise pas en portion postorale de la tête et en portion somatique, comme l'a admis Hatschek pour la Trochophore de Polygordius. Elle appartient dans son ensemble à la portion somatique, et par la suite fait partie de la portion métamérisée du corps de l'adulte. La région préorale de la Trochophore au contraire reste indivise; par sa structure elle diffère ÉTUDES SIR LE DÉVELOPPEMENT DES ANNÉLIDES. 639 essentiellement de la région postorale; elle seule peut être considérée comme tête de la Trochopliore. En résumant tout ce qui a été dit relativement à l'organi- sation de la Trochopliore on arrive aux conclusions suivantes : La Trochopliore constitue une larve ovoïde ou sphérique qu'une zone equatoriale sépare en une région céphalique ou préorale et en une région soraatique ou postorale. La première qui répond au " Scheitelfeld „ de Hatschek constitue l'ébauche des lobes céphaliques; la seconde est l'ébauche de toute la région annelée du corps de l'adulte. La première est le siège du ganglion céphalique et du mésoderme céphalique ; la seconde, de la chaîne ganglionnaire ventrale et du mésoderme somatique, qui est susceptible de se diviser en métamères. Entre ces deux régions principales de la Trochophore se trouve une région intermédiaire formée par l'anneau des cou- ronnes orales ; la bouche siège à la face ventrale de cette région intermédiaire, dont la structure diiïère aussi bien de celle de la région céphalique que de celle de la région somatique. Aujourd'hui, la majorité des morphologistes reconnaissent que la phase Trochophore est d'une grande valeur, au point de vue morphologique, pour la plupart des types animaux. Elle est surtout importante pour la genèse des animaux segmentés et des mollusques. Dans quelques formes, la Trochophore se rencontre sous sa forme typique, telle qu'on la connaît chez les Annélides Chétopodes. Dans d'autres, elle se modifie pro- fondément. La première modification qu'elle subit consiste dans la disparition des couronnes orales, ce qui s'observe chez quelques Oligochètes, où le développement est en quelque sorte condensé et qui, pour ce motif, n'ont pas besoin d'organes locomoteurs larvaires. Par suite de la disparition des couronnes ciliaires, la limite entre les régions céphalique et somatique devient moins tranchée. Mais d'après la situation de la bouche et de la plaque sincipitale, on peut distinguer dans les embryons de ces animaux les deux portions principales de la Trochophore et dériver ces embryons de la forme larvaire 040 M. SALENSKY. type. Les modifications ultérieures que subit la Trocliophore chez différents animaux, résultent de la réunion précoce des régions céphalique et somatique produite par la disparation précoce des couronnes orales. Cette réunion précoce entraine parfois la formation d'une tête, constituée par des éléments hétérogènes et qui, en conséquence, n'est pas homologue aux lobes céphaliques des Annélides. Enfin, la région céphalique de la Trochophore peut se réduire au point de disparaître complètement; la tête ne se forme alors que plus tard princi- palement aux dépens des segments postoraux, qui, dès lors, prennent une position préorale. Toutes ces modifications de la Trochophore se retrouvent chez difi'érents types animaux; on peut s'en convaincre en comparant l'évolution des Anné- lides avec celle des Mollusques, des Arthopodes et des Vertébrés. Tout ce que je viens de faire observer touchant la Trocho- phore concerne principalement la Trochophore des Annélides. Le phénomène le plus essentiel à signaler dans le dévelop- pement ultérieur de la Trochophore des Annélides et des Mollusques, c'est l'apparition de la chaîne ganglionnaire ven- trale ; car dès lors l'animal entre dans une nouvelle période de son évolution. Le développement de la Trochophore des Annélides, eu égard à l'évolution du système nerveux, peut être divisé en deux périodes : au début, la Trochophore {Polygordïus, Echiurus et autres) est pourvue de l'ébauche d'une seule por- tion du système nerveux, de celle des ganglions céphaliques; cette ébauche formée des plaques sincipitales, est logée dans la région céphalique. A cet état, la Trochophora, pour les raisons qui seront énoncées plus loin, peut être considérée comme réalisant la première période de son évolution. La seconde période débute par l'apparition des ébauches de la chaîne ganglionnaire ventrale, qui apparaissent sous forme de deux épaississements de l'ectoderme situés symétriquement, à la face ventrale de la région postorale. L'apparition de cette seconde portion du ÉTUDES SIR LE DÉVELOPPEMENT DES ANNÉLIDES. 641 système nerveux caractérise une phase très importante de l'évolution des Annélides : elle est le point de départ de toute une série de modifications ultérieures que subit la région postorale et qui aboutissent à la formation définitive de la région somatique de l'Annélide. Entre les deux moitiés de la chaîne ganglionnaire ventrale se montre la gouttière médul- laire, qui représente un organe embryonnaire commun à tous les Annélides. La Trochophore des Mollusques subit les même modifications et l'évolution de son système nerveux suit la même marche que celle du système nerveux de la Trochophore des Annélides. Chez Chiton et Dentalium, d'après Kowalevsky, chez Ver- metus, d'après mes recherches qui vont bientôt paraître, chez Teredo, d'après Hatschek, les ganglions céphaliques apparais- sent dans la région préorale et les ganglions ventraux ou pédieux dans la région postorale. Les ébauches de ces gan- glions ont chacune une origine indépendante et n'apparaissent pas simultanément. D'habitude, ce sont les ganglions cépha- liques qui apparaissent en premier lieu; les ganglions pédieux se montrent plus tard. De même que dans les Annélides, ces organes se réunissent ultérieurement par une commissure qui circonscrit l'œsophage. On a signalé, il est vrai, quelques différences dans la forme des ébauches du système nerveux des Annélides et des Mollusques; mais dans plusieurs cas, ces différences peuvent être expliquées par les modifications que subissent les parties avoisinant les ébauches en question. Ainsi, chez Dentalium, les ébauches des ganglions céphaliques apparaissent, non pas sous la forme d'une seule plaque sinci- pitale, mais sous la forme de deux dépressions ectodermiques séparées l'une de l'autre par une énorme cellule qui supporte un faisceau de cils. Dans les larves de quelques Annélides, cette cellule se retrouve également; elle est située au milieu de la plaque sincipitale; mais elle ne présente jamais des dimensions aussi considérables que chez Dentalium. Dans Vermelus, les ganglions céphaliques apparaissent aussi sous forme de deux épaississements ectodermiques, qui s'enfoncent 642 IVI. SALE^SKY. à l'intérieur de l'embryon et qui sont séparés l'un de l'autre par de grosses cellules ectodermiques. Chez Teredo, d'après Hatschek, la plaque sincipitale affecte une forme semblable à celle de la plaque sincipitale des Annélides. Les ganglions pédieux des mollusques se montrent après la formation des ganglions cépbaliques. Chez Dentalium, il n'existe encore aucun indice de ganglions pédieux, alors que les ébauches des ganglions céphaliques sont déjà nettement reconnaissables. Je puis confirmer absolument cette conclusion en ce qui con- cerne Vermetus. D'après Hatschek, le même fait se présente chez Teredo. Ainsi, l'on peut distinguer deux stades importants dans la métamorphose de la Trochophore. 1. Une Trochophore pourvue d'une plaque sincipitale, chez laquelle la chaîne ganglionnaire ventrale fait encore défaut et 2, Une Trochophore pourvue de la plaque sincipitale et de la chaîne ganglionnaire ventrale. Pour le premier de ces stades, on peut conserver la dénomina- tion de Trochophora; quand au second, je propose de le désigner sous le nom de Troclioneurula. On va voir immédiatement combien il est important de distinguer ces deux phases dans l'évolution des Annélides, des Mollusques, etc. Ayant reconnu ces deux stades dans l'évolution de la Tro- chophore, nous établissons pour ainsi dire deux étapes par lesquelles passent les animaux bilatéraux pourvus d'un système nerveux composé de la plaque sincipitale et des plaques médullaires. On a déjà vu que les ébauches de ces organes n'apparaissent pas simultanément. La plaque sincipitale se développe avant les plaques médullaires ; elle existe déjà au stade Trochophore. Elle apparaît non seulement dans les Anné- lides, les Mollusques et autres animaux bilatéraux pourvus de la chaîne ganglionnaire ventrale, mais aussi dans les vers inférieurs qui ne passent pas par la phase Trochophora, tels que les Platodes. Il ressort de là que la plaque sincipitale de la Trochophore lui a été transmise par des formes inférieures et ce fait démontre à son tour, que la Trochophore n'est pas une forme larvaire primordiale, qu'elle dérive elle même d'une ÉTUDES SUR LE DÉVELOPPEMENT DES ANNÉLIDES. (343 forme encore plus simple, commune non seulement aux Annélides mais à tous les vers en général. Balfoui' (i) fut le premier à considérer Pllidium comme la forme larvaire qui a conservé le plus complètement les carac- tères du prototype. Cette déduction de Balfour fut confirmée par Conn (f), qui considère aussi Pllidium comme le prototype des larves des Vers, des Mollusques et des Echinodermes. Gotte (3) considère comme forme primordiale de la larve, la gastrula bilatérale qu'il désigne sous le nom de Helmintida. La transformation de la gastrula en helmintula doit s'accompagner, d'après cet auteur (p. 129), de la formation de la soudure prostomiale et du déplacement du blastopore d'arrière en avant, La face prostomiale de la gastrula se déprime et tout son ectoderme se recouvre de cils. C'est certainement à tort que Gotte attribue autant de valeur au voile ciliaire commun qui recouvre une helmintule. Ce voile n'est point un caractère distinctif de l'helmintula ; la gastrula le possède et elle le lui a transmis. On doit considérer comme étant des particularités beaucoup plus importantes de la forme larvaire primordiale, la coui-onne orale et la plaque sincipitale. En eifet, 1) ces organes se retrou- vent toujours dans la Trochophore et la Trochoneurule qui en dérive ; 2) l'apparition de la couronne ciliaire est déjà un indice de la division du corps larvaire en portions céphalique et somatique, ce qui est caractéristique pour toutes les larves et 3) la couronne ciliaire et la plaque sincipitale apparaissent avant tous les autres organes, pendant la métamorphose du stade gastrula et, pour ce motif, ils doivent être considérés comme les organes les plus anciens. Étant données toutes les considérations que je viens de faire valoir, on est naturellement porté à admettre la conclusion de (i) Bai,four. Vergleicliende Embryologie Ubers. von Vetter. p 344. (^) CONN. Marine larvœ. (Studies from the biologie. Inboratonj of John Hopkins University . Vol. Ill, .ï.) ("3) Gotte. Untersuchungen zur Entwicklungsgeschichle der Wiirmer, 2'« TheiL 644 M. SALENSKY Balfour, d'après laquelle la forme larvaire primitive, commune à tous les vers, devait ressembler au Pilidium. Pllidimn ne représente qu'une des modifications du prototype de la larve; aussi est-il caractérisé par quelques particularités distinctives, notamment par des lobes latéraux et pai' un faisceau de cils implantés au sommet de son corps triangulaire. Pour ce motif, je ne choisis pas la dénomination de Pilidium pour la forme larvaire primitive; je la désignerai sous le nom de Trochogastrula. Elle peut être caractérisée comme suit : c'est une gastrula bilatérale divisée par une couronne ciliaire en une portion postorale ou orale et en une portion préorale ; dans cette dernière, on distingue déjà la plaque sincipitale. Dans les formes les plus typiques, la région postorale est aplatie ; la région préorale est hémisphérique ou bien affecte la forme d'une cloche. Dans tous les Platodes et dans le Pilidium des Némertiens, la structure primitive de la couronne ciliaire s'est compliquée par la présence de différents prolongements caractéristiques pour les divers genres de ces groupes. Ces prolongements doivent être considérés comme les résultats de modifications adaptives de la larve. Dans le type des vers, on doit s'attendre à priori à rencontrer beaucoup de phénomènes adaptifs, attendu que l'on y observe les phases les plus diverses de la métamorphose. En effet dans quelques groupes de vers, chez lesquels la Trochogastrula représente un stade du développement embryonnaire et non larvaire, quel- ques particularités distinctives de la Trochogastrula ont disparu ; aussi la suite des phénomènes évolutifs est-elle supprimée. (Oéphyriens inermes.) Là où la métamorphose suit la marche la plus typique, dans les formes les plus primitives, telles que certains Annélides, la trochogastrula se transforme en Trochophora. Deux faits jouent un rôle important dans cette métamorphose, c'est : 1) l'allongement de la région somatique et 2) la formation de l'anus. Le premier de ces phénomènes est commun à tous les vers et se rencontre même dans les formes inférieures de ce groupe. Le second, n'apparaît que dans les formes à organisa- tion supérieure. ÉTUDES SUR Li: DÉVELOPPEMENT DES ANiNÉLIDES. 645 La transformation de la Trocliopliore en Trochoneurule a déjà été décrite; aussi, je ne veux plus insister sur ce point. La valeur de ces trois stades du développement, c'est-à-dire de la Trochogastrule, de la Trochopliore et de la Trochoneurule est nettement définie, si l'on compare l'évolution des différents groupes de vers. Il résulte de cette comparaison que tous ces stades sont autant d'indices des liens qui unissent entre eux les différents groupes de vers, aussi permet-elle de déterminer la position systématique de chacune des classes de cet embran- chement. Pour expliquer plus clairement la thèse que je viens de formuler, je vais brièvement passer en revue les stades les plus importants de l'évolution des différentes classes de vers, en ne tenant compte que des formes métaboliques et en laissant de côté plusieurs formes qui sont le résultat de modifications évidemment cénogénétiques, telles que les Cestodes, les Tré- matodes et les Acanthocéphales. Turhellariés. La forme larvaire la plus simple et en même temps la plus semblable à Pilidium est certes le Stylochopsis. Cette larve, ainsi que Pilidium, ne diffère de la Trocho- gastrule typique que par la présence des lobes latéraux qui, sans aucun doute, constituent une adaptation larvaire. Les variétés que présentent ces prolongements lobés, chez les larves des Turhellariés en général, en est une preuve évidente. Ainsi, la larve de Millier, qui, comme l'ont démontré Gotte et A. Lang, peut être ramenée au type de la larve Stylochopsis, possède un nombre plus considérable de prolongements. Le genre Stylochopsis constitue probablement une forme primitive parmi les Turhellariés. La métamorphose de Stylociiopsis con- duit à l'accroissement des portions antérieure et postérieure de la larve ; elle détermine aussi l'aplatissement de son corps dans la direction dorso-ventrale. La situation de la couronne ciliaire pendant la durée de la métamorphose est la même que celle de la couronne préorale au stade Trochophore, Généralement, la larve de Stylochop>sis pendant toute la durée de sa métamorphose, affecte une 646 M. SALENSKY. grande ressemblance avec la Trochophore des Annélides et ne s'en distingue que par l'absence de l'anus. Elle répond au stade de l'évolution des Annélides pendant lequel la Trocho- phore ne possède pas encore d'anus La larve de Millier présente une ressemblance encore plus frappante avec cette phase reculée du développemant de la Trochophore des Anné- lides. Il ne faut évidemment pas tenir compte des lobes ciliés qui, comme je l'ai déjà fait observer, sont les résultats de l'adaptation larvaire. Dans la larve de Muller le lobe postoral est fortement développé même avant la réduction de l'appareil ciliaire. Dans tous les cas, la métamorphose de la Trochogastrule d'un Stylochopsis, est accompagnée de l'allongement de la région postorale de son corps ; chez les Annélides, ce phéno- mène se passe pendant la transformation de la Trochogastrule en Trochophore. Dans cette classe, l'apparition de l'anus, qui se montre à l'extrémité postérieure de la région postorale, détermine l'achèvement de la Trochophore. Dans les larves des Turbellariés, le développement ne va pas jusqu'à la formation de l'anus. Il en résulte que la larve de Millier, ainsi que la larve de StylocJiopsis, pendant toute la durée de leur métamorphose, peuvent être regardées comme des formes intermédiaires entre la Trochogastrule et la Trochophore. Némertiens. On a déjà vu que dans le Pilidium les carac- tères distinctifs de la Trochogastrule se sont mieux conservés que dans les autres larves et qu'ils se sont conservés à peu près au même degré que dans la larve du genre Stylochopsis ; aussi je ne crois pas nécessaire d'insister sur sa ressemblance avec cette forme larvaire primitive. La métamorphose de Pilidium est accompagnée de phénomènes cénogénétiques si nombreux, qu'il est extrêmement difficile d'établir un parallèle entre la métamorphose des Turbellariés et celle des Némer- tiens. Les processus évolutifs qui aboutissent à la transforma- tion de la phase Pilidium en un Némertien adulte sont de même nature que ceux que subit la larve de Stylodiopsis pour se transformer en Stylochopsis adulte. En effet la ÉTIDES Sill LE DÉVELOPPEMENT DES AÎN.NÉLIDES. 647 formation des sacs ectodermiques chez le Pilidium peut être considérée comme résultant de l'accroissement de la portion postorale. Dans le genre Stylodiopsis, cet accroissement se produit à l'extérieur; chez Pilidium, il se fait à l'intérieur, ce qui explique la présence d'un amnios chez ce dernier. Les sacs antérieurs, dérivés du lobe préoral, donnent naissance à la portion antérieure du corps et les sacs postérieurs se transfor- ment en sa portion postéiieure. En outre, les Némertiens sont pourvus d'un anus. Dans les Némertiens amétaboliques tels que Monopora, Amphiporus ladeus et les Némertiens qui passent par la phase de la larve de Desoer, l'anus se montre à l'extrémité postérieui^e de la région postorale du corps, au point même où on le trouve chez l'adulte. Ainsi, la position de l'anus chez les Némertiens est absolument la même que chez les Trochophore ; l'évolution des Némertiens comparativement à celle des Turbellariés a donc pour ainsi dire avancé d'un pas. La Trochogastrule des Némertiens doit nécessairement se transformer en une Trochophore. Mais la Trochophore des Némertiens diffère de celle des Annélides : 1) en ce qu'elle est masquée par des phénomènes adaptifs et 2) en ce qu'elle ne se transforme jamais en Trochoneurule. Rotifères. Ce sont les Eotateurs qui, d'après le plan de leur organisation, présentent le plus de ressemblance avec une Trochophore. Ce fait ressort de leur développement embryolo- gique (i). La structure de l'adulte, considérée dans ses détails, est caractérisée par plusieurs particularités distinctives qui résultent de l'adaptation de la Trochophore. L'embryogénie des Rotateurs démontre que, dans cette classe, la Trochogastrule précède aussi la Trochophore; seulement elle ne représente pas une phase larvaire, mais bien un stade embryonnaire. L'ébauche de l'appareil ciliaire affecte ici la forme de deux lobes situés à di'oite et à gauche de l'invagination buccale (Salensky loc. cit. (i)Salensky. Beiirâge zar Entwickl. des Brachionus urceolaris (Zeit- schrifi fur wiss Zoologie, Bd 22). 648 M. SALENSkY. fig. 9). Ces deux lobes, dépourvus de cils, à leur début, sont excessivement semblables aux lobes de l'appareil vibratile de la larve de Stylocliopsis et à ceux de Pilidinm. Aussi, au cours de leur développement, subissent-ils des modifications analogues. Ils se placent perpendiculairement à l'axe longitudinal de l'embryon, se recouvrent de cils et donnent naissance à l'appareil rotateur. La région postorale des embryons des rotateurs s'accroît de la même manière que lors de la trans- formation de la Trochogastrule en Trochopliore chez les autres vers. Annélides. La Trochogastrule des Annélides, ainsi que sa transformation en Trochophore doit s'observer le plus nettement dans les formes métaboliques chez lesquelles la segmentation du vitellus aboutit à l'archigastrula, telles que : Polygordius (i), Pomotocerus (2), Eupomatus (3). Dans Eupomatus et Pomoto- cerus, ce processus peut être étudié avec beaucoup de facilité. A la surface de la gastrula, il existe une couronne ciliaire qui divise la gastrula en une portion préorale et une portion postorale ; la plaque sincipitale apparaît ensuite dans la région préorale. La région postorale ou orale de la gastrula s'allonge et la gastrula de ces deux Annélides devient semblable à la Trochogastrule modifiée des Turbellariés (fig. 25, Brasche Pomotocerus et fig. 36, Hatschek Eupomatus). Dans la suite, avec l'apparition de l'anus, elle se transforme en Trochophore. Dans la plupart des Annélides, il apparaît, en arrière de l'ouverture buccale, une coiu^onne ciliaire postorale qui affecte toujours des rapports avec la gouttière médullaire. Après la formation de la Trochophore, commence celle des plaques médullaires, ce qui amène la transformation de la Trochophore en Trochoneurule. (i) Metschnikoff. Vergi, embr. Studien. (Zeitschr. f wiss. Zoologie Bd. 53. Taf. XX, fig. 45 ) (2) Drasche. Beitrâge zur Entwicklung der Polychœlen. (5) Hatschek. EntwicMung der Trochophora von EupomaLus uncinatus. (Arbeiten aus dem Zoolog. Instilul d. Un, Wien. T. VI). ÉTUDES SIR LE DÉVELOPPEMENT DES ANINÉLIDES. U49 Les couronnes préorale et postorale subissent une série de modifications chez différents Aunélides. Ainsi dans Pileolaria, la couronne préorale se réduit au fur et à mesure que la couronne postorale prend un plus grand développement. Dans Nereis cutrifera, la couronne préorale est complètement dépourvue de cUs. Ces variations dans la structure des couronnes ciliaires peuvent rendre compte des différents cas où la couronne préorale fait défaut et de quelques autres modifications signalées dans l'évolution des couronnes ciliaires chez plusieurs Annélides et Géphyriens. Oéplujriens. Balfour (^) fut le premier à considérer les Géphyriens comme une branche dégénérée des Chétopodes. Son opinion fut confirmée par plusieurs recherches embryolo- giques faites après la mort du célèbre embryologiste anglais. L'évolution des Géphyriens armés est très semblable à celle des Annélides. D'après les recherches de Conn (2), la gastrula de Thalassema acquiert une couronne ciliaire et, à en juger par les dessins schématiques donnés par cet auteur, elle est complètement semblable aux stades du développement de Pomotocerus et de Ewpomatus que j'ai signalés plus haut. Ce stade du développement de Tlialassema est indubitablement une Trochogastrule. La transformation de sa Trochogastrule en Trochophore a été suivie pas à pas par Conn. Les modifications que subit sa Trochogastrule sont absolument les mêmes que celles de la Trochogastrule des Turbellariés. La Trochophore de VEchhirus, que j'ai découverte, a été soigneusement observée par Hatschek(3). Cet auteur démontra qu'elle est extrêmement semblable à la Trochophore des Annélides. La transformation de la Trochogastrule en Trochophore chez les Géphyriens suit aussi à peu près la même marche que chez les Annélides. Chez Bonellia, on observe quelques déviations (i) Balfour. Hnndbuch der vergi. Embryologie. M. I. (-2) CONN. Marine Larvœ. [ô) UxTUCHEK. Arbeiten ans dein Zoolog. Iiist. zuWien Bd. III. 650 M. S\1.R\SKY. dans le processus que suit l'évolution des auti-es Géphyriens armés. Malheureusement, dans Bonellia plusieurs phénomènes évolutifs fort essentiels, tels que la formation du système nerveux et la division du mésoderme en segments n'ont pas été observés; il en résulte que l'on ne peut établir un parallèle entre son développement et celui des Géphyriens armés. Dans les Géph^Tiens inermes, notamment dans Sipunculus et dans Phascolosoma, l'évolution et la structure de la larve différent beaucoup de celles du groupe précédent. La différence, la plus essentielle que l'on y signale, c'est que dans leurs larves il ne se développe qu'une couronne postorale. Chez Sipunculus (i) l'on retrouve encore l'ébauche de la couronne préorale; chez Phascolosoma {;2) elle fait complète- ment défaut. Dans ce Géphyrien l'apparition de la couronne postorale est très précoce et la coui^onne préorale ne se montre point. La différence qui existe entre l'évolution des Géphyriens armés et inermes ne prouve évidemment pas l'absence de tout lien génétique entre ces deux groupes. Elle démontre seule- ment que dans l'évolution des inermes, il s'est produit une forte déviation du plan primitif suivant lequel s'opère l'évolu- tion de toute la classe des Géphyriens. D'après leurs caractères anatomiques les Géphyriens inermes différent notablement plus des Annélides que les Géphyriens armés; leur évolution est également différente et démontre que les Géphyriens inermes ont dévié du type des Annélides bien avant les Géphyriens armés. Nematodes. Au point de vue embryologique les Nematodes ont été moins bien étudiés que les autres classes de vers. Aussi n'avons nous pas de bases solides pour établir le lien génétique qui unit les Nematodes aux autres animaux. La chose est d'autant plus difficile que, au cours de leur évolution, les Nematodes ne passent pas par des formes larvaires. Si l'on (i) Hatschek. Arbeilen ausdem Zoolog. Inst. Wien. Bd. V. (2j Selenka. Zeitschr f. wiss Zoolog. Bd XXIV, ÉTUDES Srn Ì.E DEVELOPPEMENT DES ANGELI DES. Oôl considère la texture de leur mésoderme qui ne se délamine point en lame splanctinique et en lame somatique et donne naissance seulement à des muscles longitudinaux, on est en droit d'induire que les Nematodes se sont séparés de bonne heure de la souche ancestrale commune à tous les vers. D'autre part, si l'on s'en rapporte au développement de leur système nerveux, on ne peut méconnaître que les Nematodes appartien- nent à un groupe de vers dont le système nerveux est très com- plexe ; en effet leur système nerveux est composé de ganglions céphaliques et d'autre part de ganglions ventraux homologues à la chaîne ganglionuaire ventrale ; d'où l'on peut conclure qu'ils ont une organisation supérieure à celle des Platodes des Némertiens et des Rotateurs. D'après Gotte (i) et Ganin(:2) le système nerveux des Nematodes se constituerait de quatre ébauches, dont deux sont dorsales et deux ventrales et qui se réuniraient très tôt en un seul anneau. S'il en est ainsi les ébauches dorsales sont probablement les homologues de la plaque sincipitale et les ébauches ventrales de la chaîne ganglionnaire ventrale. En conséquence, l'évolution du système nerveux des Nematodes indique leur affinité avec les Anné- lides et les Géphyriens et, pour ce motif, je les classe avec ces derniers. Des recherches embryologiques ultérieures démon- treront si cette position systématique est légitime. Le Sagitta affecte une ressemblance beaucoup plus grande encore avec les Annélides et les Géphyriens. En effet, chez ce type, le système nerveux se constitue aussi de deux ébauches et l'on y rencontre en outre un véritable cœlorae (entérocèle). Si nous résumons tout ce que nous venons de faire observer relativement à l'évolution des vers, nous pouvons en tirer les conséquences suivantes : 1. Trois stades du développement jouent un rôle important (i) Gotte. Verhandl. iïber die EntxvickLung der Thiere. T. I. (2) Ganin Études sur le développement des Nematodes {l'usse) 1876. 052 M. SALKNSK\. dans l'évolution des vers. Ces stades se succèdent suivant un ordre déterminé, dans le développement embryonnaire et par conséquent dans l'évolution pliylogénique. Ce sont la Trocho- gastrule, la Trochophore et la Troclioneurule, qui répondent à l'ordre consécutif de l'évolution des vers. A. La Trochogastrule représente un stade du développement commun à tous les vers et qui sert de lien génétique entre les différentes classes de ce groupe. La Trocliogastrule est une gastrula bilatérale, dont le corps est divisé en une portion préorale et une portion postorale ; la première est le siège de la plaque sincipitale. L'anus fait encore défaut. Quelquefois, le voile ciliaire de la gastrula persiste. B. La Trocliophore représente un stade de développement ultérieur de la Trocliogastrule; il est caractérisé par l'ap- parition de l'anus et d'un anneau postoral, ainsi que par l'accroissement de la région postorale du corps. C. La Trochoneurule se caractérise par l'évolution des plaques médullaires. 2. L'embryogénie comparée des vers démontre que les diverses classes de ce type passent tantôt par une, tantôt par deux, tantôt par les trois stades que nous venons d'indiquer. La classification des vers, par rapport à ces stades, peut être formulée comme suit : A. Les Platodes passent seulement par le stade Troclio- gastrule. B. Les Némertiens et les Rotateurs par les stades Troclio- gastrule et Trochophore. C. Les Annélides et les Géphyriens par les stades Troclio- gastrule, Trochophore et Trochoneurule. 3. Le développement des Némathelminthes présente d'énor- mes dificultés pour la comparaison avec l'évolution des autres classes de vers, attendu que chez eux il n'existe point de formes métaboliques. Il se peut que des recherches plus minu- tieuses sur l'évolution des Nematodes viennent un jour dévoiler le lien génétique qui rattache ce groupe intéressant aux autres vers. ÉTUDES SUR LE DÉVELOPPEMENT DES ANNÉLIDES. OôS 4. En considérant l'évolution successive des vers, il est très facile de reconnaître, dans la phylogénèse de ce type, un progrès considérable, qui a dû s'effectuer pendant l'évolution des plaques médullaires dans la Trocliophore ou, en d'autres termes, pendant la transformation de la Trocliophore en Tro- choneurule. En se fondant sur la présence ou l'absence des plaques médullaii^es, ou, ce qui revient au même, de la chaîne ganglionnaire ventrale, on peut ranger les vers en deux groupes : a) TrocJiogasiridœ, qui pas- sent seulement par le stade Cephaloiieura, pouvus seule- \ Trocho^astrule — Platodes. ment de ganglions céphali- ques et de commissures cére- \ ^^ Trochophoridœ, qui pas- \yYQ\Qi. I sent par les stades Trocho- gastrule et Trochophore Némertiens et Rotateurs. f Ti'ochoneuridœ qui passent Neuraxonia, pourvus de \ parlesphasesrTrochogastrule, ganglions céphaliques et d'une } Trochophore et Trochoneurule chaîne ganglionnaire ventrale. / — Annélides, Géplujriens et Nemathelmin thés. 44 654 M, SALENSKY. EXPLICATION DE LA PLANCHE XXIV. Fig. 1, 2, 3, Les stades correspondants de la segmentation de Clep- sine, (fig. 1, d'après Whitmann), de BrancMohdeîla (fig. 2, d'après Salensky) et de Nephelis (fig. 3, d'après Biistchli) . Les segments correspondants sont désignés par les mêmes lettres a, h, c, x, x' (macromères, dont trois, a, b, c constituent, chez Clepsine, l'entoderme et restent, chez Nephelis, comme globes vitellins à l'extrémité postéi'ieure de l'embryon). Fig. 4. Embryon de Clepsine, d'après Whitmann; o, bouche; hmd, bandelettes mésodermiques; gc, grosses cellules. Fig. 5. Les bandelettes mésodermiques et les grosses cellules de Nephelis; hmd, bandelettes mésodermiques; gc, grosses cellules. Fig. 6-11, Différents stades du développement de Clepsine, o, bouche; hmd, bandelettes mésodermiques; hl., blastopore. Eludes sur le développement du Vermel. PAR M. SALENSKY. Professeur à Odessa. (Planches XXV, XXVI, XXVII, XXVIII, XXIX, XXX, XXXI et XXXIl). PREFACE. Les recherclies de Bobretzky(i) sur le développement du système nerveux des mollusques, et les conséquences que les Hertwig(2) ont tirées de la genèse du mésoderme, chez ces animaux, ont provoqué diverses publications récentes. Ces recherches n'ont guère confirmé, ni les résultats annoncés par Bobretzky, ni les déductions des frères Hertwig. On sait que le premier de ces auteurs chercha à prouver que le système nerveux des mollusques dérive du mésoderme. Dans le cas où ces observations auraient été confirmées, l'on aurait été auto- risé à considérer les mollusques comme n'étant liés aux autres types du règne animal que par le stade gastrula, conformé- ment aux idées de Bobretzky. Déjà Fol (3), dans ses études classiques sur le développement des Ptéropodes, prouva que les ganglions céphaliques de ces mollusques procèdent de l'ectoderme, tout en soutenant l'origine mésodermique des gan- glions pédieux. La plupart des observateurs qui étudièrent. (1) Bobretzky. Studien iiber die emb. Entwickl. der Gasleropoden . Arch, f. micr. Anal. Bd, 13. (2) R. unci 0. Hertwig Cœlomllieorie. (5) Fol. Sur le développem. de Ptéropodes. (Arch, de Zool. experim. f. IV). » Sur le développem embr. ei larvaire des Hétéropodes . Idem. t. I. » Sur le développement des Gastéropodes Pulmonés. Idem. i. VIII. C5G M. SALENSKY. après cet auteur, l'évolution des mollusques, notamment Hats- chek (4), Haddon (2) et Sarasin (3), sont arrivés à la conclusion que le système nerveux des mollusques procède tout entier et exclusivement de l'ectoderme. Les faits les plus probants à l'appui de cette manière de voir ont été mis en lumière, par Kowalevsky (4), dans ses recherches sur le développement de Chiton et de Dentalium. Il a réussi à observer les phases initiales de la formation des ganglions pédieux, chez Chiton et l'origiDe des ganglions céphaliques chez Dentalium. Kowa- levsky est le premier et le seul qui est réussi, jusqu'ici, à observer les tous premiers stades de l'évolution du système nerveux. Cette circonstance m'a déterminé à observer, à mon tour, l'étude du développement des mollusques, et, comme bien on pense, j'ai cru devoir porter en même temps toute mon attention sur l'étude de la genèse du mésoderme. L'évolution et la différenciation de ce feuillet, chez les mollusques, soulève toute une série de problèmes de première importance, dont la solutiim intéresse, au plus haut point, la morphologie. Depuis l'apparition de la " théorie du cœlome „ des frères Hertwig, la question de savoir si les mollusques sont bien, comme le pensent ces auteurs, des pseudocœliens et non des entérocéliens a été abordée par plusieurs auteurs. Les recher- ches anatomiques de Grobben(5) ont conduit cet auteur à affirmer l'existence d'un enterocèle chez les mollusques. Les recherches embryologiques de Kowalevsky concordent (1) Hatschek. Ueber die Entwickiungsgeschiclite von Teredo. (Arb. d. zool. Institut zu Wien. Bd, III. (2) Haddon. Notes on the developm. ofmollusca. Quarterly journ. of mlcr. Scien. l. XXII, 1882. (5) Sarasin. Entwick. der Bilhynia tentacuLala . Arb. aus d. zool. Institut zu Wùrzburg. Bd, 6. (4) Kowalevsky Embryogénie du Chiton Polii. (Ann. du Musée d'hist. natur. de Marseille, t. I. » Embryogénie du Dentalium. Ibidem, t. II. (s) Grobben. Morpnologische Studien iiber den Earn und Geschlechts- Apparat so wie die Leibeshôhle der Cephalopoden. Arbeit aus d. zool. Instit. d. Univ. Wien. Bd, V. ÉTUDES SLR LE DÉVELOPPEME.M Dl VERMET. 057 complètement avec les inductions de Grobben et ont porté im coup décisif à la théorie du cœlome des frères Hertwig. Mais Kowalevsky n'a pas suivi, de proche en proche, l'évolu- tion du mésoderme de ces animaux, et n'a pas expliqué les rapports que l'entérocèle de la larve affecte avec la cavité du corps de l'adulte. La question de l'origine de la première ébauche du méso- derme est encore loin d'être résolue. La plupart des observa- teurs récents ont essayé de faire dériver le mésoderme de l'entoblaste primitif. Mais d'autres recherches semblent légi- timer l'opinion d'après laquelle le mésoderme dériverait exclusivement de l'ectoderme. Pour ce motif, il était d'un grand intérêt d'observer, le plus soigneusement possible, les tous premiers stades de l'évolution de ce feuillet. Les considérations qui précèdent indiquent les problèmes principaux dont j'avais en vue de rechercher la solution, en abordant la recherche de l'évolution du Vermetiis. J'ai choisi cet animal par la seule raison que c'était là un matériel que je pouvais me procurer en abondance. Sous plusieurs rapports, les œufs de Vermetus sont très peu favorables à cette étude. Leur principal défaut résulte de ce qu'ils se prêtent très mal à la culture et qu'il n'est pas possible de suivre le développe- ment d'un même gi^oupe d'oeufs. En outre, les œufs durcis de Vermetus sont très cassants, ce qui rend difficile la confection des coupes. Le développement du Vermetus a déjà été observé par le célèbre zoologiste français de Lacaze-Duthiers (i). Le mémoire qu'il a consacré à l'exposé de ses recherches a paru, il y a 25 ans environ, alors que les méthodes d'investigation et les problèmes que se posaient les observateurs étaient tout autres qu'aujourd'hui. Il est de toute évidence que cet ouvrage ne peut répondre à toutes les exigences de la morphologie moderne. (\) DE Lacaze-Duthiers. Mémoire sur L'Anatomie et l'embryologie du Vermel. (Ann. des sciences naturelles, 4"'^ série, t. Xlll ) 658 M. SAL EN SKY. t« PÉRIODE. Segmentation et formation des feuillets embryonnaires. Je n'ai pu observer les tous premiers stades de l'évolution, et je ne suis en mesure de faire connaître ni les phéno- mènes de la maturation de l'œuf, ni ceux de la fécondation. Comme je n'ai pas réussi à me procurer des œufs en voie de maturation, la question concernant l'apparition des cellules de rebut reste ouverte. L'œuf non segmenté se constitue d'un corps protoplasmique et d'éléments deutoplasmiques. Le protoplasma siège au pôle germinatif; quant au deutoplasma, il constitue la plus grande portion de l'œuf. J'ai eu à ma disposition un nombre fort restreint d'œufs arrivés à maturité, mais non encore seg- mentés ; aussi ne m'a-t-il pas été donné d'observer la forme et la situation de leur noyau. Comme la structure de l'œuf de Vermetus, ou, en d'autres termes, la distribution du protoplasma et du deutoplasma (fig. A), est semblable à celle de l'œuf des autres mollusques, on peut supposer déjà, à priori, que la segmentation doit s'y opérer d'après un plan commun à tous les mollusques, ce qui a lieu en effet. Les descriptions détaillées que Fol (i) et Blocb- mann (2) ont données de la segmentation, chez les gastéropodes, me permettent de traiter sommairement la description des différents stades de la segmentation, chez Vermehis. Au premier stade de la segmentation que j'ai observé, l'œuf est divisé, par un sillon méridien, en deux globes, dont chacun se compose de protoplasma et de deutoplasma (figure B). Le protoplasma siège au pôle germinatif ou dorsal, le (1) H. Fol. Etudes sur le développement des mollusques. (Arch, de zool. experiment. T. VIII. (2) Blochmann. Ueber die Entwickelung dcr NerUina (î uviatilis. (Leilschr. f. wiss. zool. Bd, 56). ÉTIDES SIR LE DÉVELOPPEMENT DI VERMET. 659 deutoplasma au pôle opposé. Au cours de l'évolution, l'un des segments se subdivise, par un nouveau sillon méridien, en deux globes (fig. C). Le second segment ne tarde pas à se subdi- viser, à son tour, en deux portions (fig. D), de telle manière que dans ce dernier stade, l'œuf est divisé en quatre gros blastomères. Il a perdu, à ce moment, sa forme, et affecte l'apparence d'une lamelle composée de quatre segments disposés en croix. .Ces quatre blastomères sont les cellules mères qui, par la suite, donnent naissance à l'ectoderme et à l'entoderme. Les premiers éléments qui en dérivent sont des micromères ou, en d'autres termes, des cellules ectodermiques. La formation de ces dernières s'opère, comme chez tous les mollusques, par la séparation du protoplasma qui occupe le pôle germinatif de chacun des macromères. Les quatres micro- mères primitifs occupent le pôle germinatif de l'œuf. Je n'ai pas réussi à observer tous les stades du début de la segmenta- tion, en ce sens que je ne puis dire si tous les quatre micro- mères primitifs apparaissent simultanément ou successivement, comme cela a été signalé, dans d'autres Mollusques, par War- neck et par Blochmann. Il est probable qu'ils apparaissent successivement; dans des coupes d'œufs dans lesquels les micromères ne sont pas encore complètement formés, les noyaux de quelques-uns montrent déjà une forme caryocinétique (fig. 1, ksp.) tandis que d'autres sont encore indivis. Après la séparation des micromères de la première généra- tion, a lieu la formation de ceux de la deuxième. La portion protoplasmique de chaque macromère s'amasse au pôle germi- natif et fait saillie à la périphérie des premiers micromères. Elle se soulève, de plus en plus, au-dessus de la surface des macromères, et vient occuper une position intermédiaire entre deux macromères adjacents, répondant à l'angle formé par deux micromères voisins de la première génération (fig. E et Fefgh). La figure E représente le début de la formation des micro- mères de la deuxième génération; en F, le processus est achevé. Au stade suivant le protoplasma des macromères est de 660 M. SALENSKY. nouveau refoulé en dehors des micromères de la deuxième génération; le processus qui aboutit à la formation des micro- mères de la troisième génération est, de tous points, semblable à celui que j'ai signalé au stade précédent. Le protoplasme se loge dans les angles, entre les micromères de la première et ceux de la deuxième génération (fig. O). On voit bientôt apparaître les quatre micromères de la troisième génération (fig. G, iklm). Probablement les quatre micromères de la quatrième génération ne tardent pas non plus à se montrer (fig. H, nopq). L'œuf comprend alors vingt segments, dont quatre macromères et seize micromères. Ces derniers éléments sont disposés radiairement autour du pôle germinatif. Chaque génération de micromères constituée de quatre cellules, dès le moment de son apparition, occupe une situation déterminée. Tout l'œuf peut être divisé en quatre rayons et en quatre inter-rayons. Les rayons répondent aux macromères et aux micromères de la première génération. Les micromères de la deuxième génération siègent entre ceux de la première et caractérisent les inter-rayons. Les micromères de la troisième génération répondent aux rayons, les micromères de la quatrième aux inter-rayons. Cette régularité dans l'arrangement des blastomères ne peut être constatée que jusqu'au moment où l'œuf se trouve divisé en vingt segments, dont quatre macromères et seize micromères. Après ce stade, les micromères s'aplatissent; observés de la surface, leurs limites ne sont plus nettes. Ou ne peut juger du nombre des micromères que par celui des noyaux. Comme les nouvelles cellules apparaissent à l'extré- mité orale et, plus tard, à la face orale de l'œuf, il devient très difficile de suivre, de proche en proche, sur des œufs vivants, la marche de l'épibolie ; mais ce processus peut être observé sur des coupes. Aux premiers stades de l'évolution, les micromères repré- sentent de grosses cellules élevées, chacune pourvue d'un noyau présentant un réseau chromatique très apparent. Leur proto- plasma, est finement granuleux. Quant à la forme des cellules, 1-TlDES SIR LE DÉVELOPPEMENT DI VEKMET. OGl elle est très variée et dépend principalement de la pression mutuelle des cellules. La forme et le volume des micromères nr varient guère jusqu'au stade où l'on en compte seize; c'est pourquoi je ne figure qu'une seule coupe (fig. 2) ; elle montre nettement la structure des micromères ainsi que les rapports qu'ils affectent avec les macromères. Fol, le premier, donna une description exacte de la segmen- tation de l'œuf des Mollusques et se rendit compte du rôle que jouent les macromères pendant l'épibolie. Il montra que, chez les Ptéropodes et les Hétéropodes, la formation des micromères s'opère aux dépens du protoplasma des macro- mères. Chez les Ptéropodes, pendant toute la durée de la segmentation, les portions protoplasmiques des cellules nutri- tives (macromères) s'accumulent, à diverses reprises, au pôle germinatif de l'œuf, après quoi elles donnent naissance à de nouvelles cellules qui se joignent aux cellules primitives. Fol ne mentionne pas la formation de nouveaux micromères par division des micromères primitifs. Il est fort probable que, chez les Ptéropodes, toutes les cellules de l'ectoderme, jusqu'à l'achèvement de l'épibolie, sont produites par le fractionnement des portions protoplasmiques des macromères. Blochmann est arrivé aux mêmes conclusions, dans son étude sur le dévelop- pement de Neritina. En ce qui concerne Vermetus, je puis complètement confirmer les observations faites par Fol, chez les Ptéropodes. La migra- tion du protoplasme des macromères, à parth- du pôle germi- natif ou aboral de l'œuf, vers son pôle oral ou végétatif s'observe facilement, sur des coupes, aux divers stades de la segmentation. Les micromères de la première génération constituent ensemble une lamelle composée de quatre cellules, qui siège au pôle germinatif de l'œuf. Les portions protoplas- miques des macromères se juxtaposent aux bords de cette lamelle et donnent naissance à de nouveaux micromères; la lamelle s'étend, son accroissement marginal résultant de ce que de nouvelles cellules formées aux dépens des macromères, viennent se placer en dehors des cellules antérieurement 662 M. SALENSKY. formées; ce bord gagne peu à peu l'équateur, puis dépasse cette ligne et se rapproche peu à peu du pôle oral ou végétatif de l'œuf. Sur les coupes représentées fig. 2 et fig. 3, ce rapport des portions protoplasmiques et des micromères est nettement reconnaissable. La figiu-e 4 représente une coupe pratiquée à travers l'œuf au stade où les micromères s'aplatissent et intéressent une moitié environ de l'œuf. Les micromères marginaux confinent déjà à l'équateur de l'œuf. La coupe n'a pas passé à travers les amas protoplasmiques de tous les macromères, mais d'un seulement d'entre eux. Elle montre que cette portion est située en dessous de l'équateur de l'œuf et avoisine son pôle oral (fig. 4, Ppìn). A ce stade du dévelop- pement, les micromères sont fortement aplatis. Leur nombre, reconnaissable sur chacune des coupes, est peu considérable; Taccroissemeut du nombre des micromères, pendant le proces- sus de l'épibolie, marche très lentement. C'est l'aplatissement et l'extension en surface de chacun des micromères, et non leur multiplication^ qui sont la cause principale de l'épibolie. Pendant toute la durée de l'épibolie, jusqu'au moment où les micromères recouvrent la face orale de l'œuf, le rôle des macromères consiste dans la production de nouveaux micro- mères par une sorte de bourgeonnement, pour nous servir de l'expression bien choisie que Fol a employée poiu^ désigner le processus de formation des micromères des Mollusques. Bientôt les micromères, formant ensemble une mince couche ectodermique, enveloppent les trois quarts de l'œuf; à ce moment, les macromères se fractionnent à leur tour, et la symétrie radiée, bien accusée au début, dans la répartition des macromères et des micromères, disparaît. Afin de rendre plus facile la description des phénomènes ultérieurs du développement, je désigne les macromères par les lettres A, B, C, D. L'allongement de l'œuf dans la direction de l'un de ses axes est d'une grande importance morphologique, attendu qu'il permet de déterminer les faces principales du futur ÉTIDES SIR LE DÉVELOPPEMENT DI VERMET. 663 embryon, ses extrémités céplialiqiie et caudale et ses côtés droit et gauche. L'axe allongé passant par les macromère A et C devient l'axe transversal de l'embryon. A répond à sa face droite, C à sa face gauche. L'axe raccourci de l'œuf traversant les macromères D et B devient l'axe longitudinal de l'embryon. La face ventrale répond au blastopore, la face dorsale se reconnaît, dès le début, parce qu'elle est le siège des micromères primitifs. En conséquence, l'axe organique de l'œuf répond à l'axe dorso- ventral de l'embryon. La multiplication des macromères débute à l'extrémité céphalique de l'embryon : un nouveau macromère D' apparaît entre D et C, k gauche de D (fig. J). A en juger d'après sa situation, il est très probable qu'il est le produit de la division du macromère D. Aussitôt après D', un nouveau macromère figuré en K apparaît, quelque peu en avant, entre lui et B. Je le désigne par B', car, d'après sa situation, il semble dériver de D. Ce menu macromère siège à la face ventrale et n'est point visible de la face dorsale, y étant recouvert par les micromères. La cellule B' est la première qui se montre à la face ven- trale, entre les macromères. Cette cellule ainsi que toutes celles qui apparaissent dans son voisinage donnent naissance à l'entoderme secondaire. L'œuf, représenté en K, a subi quelques changements. Les coupes démontrent nettement que la face où la cellule B' a apparu et qui représente la face ventrale, plane au début, tend à devenir concave. Cette invagination, très peu marquée au début (fig. 5), est l'indice de la formation de la gastrula. Elle est délimitée par les macromères ou, en d'autres termes, par l'entoderme primitif. L'intérêt principal de l'évolution se concentre, dès à présent, sur la formation de nouvelles cellules qui tapissent le plan- cher de l'invagination gastrulienne et sur la division de la cellule JD. Sur des œufs entiers éclaircis, il est fort difficile de suivre, de proche en proche, l'individualisation de nouvelles cellules à la face ventrale. Il est excessivement difficile de 664 M. SALEISSKY. préciser quels sont les macromères dont elles dérivent, attendu que les sillons qui délimitent ces derniers siègent dans la profondeur de l'œuf. Sur des coupes, il est plus facile de s'orienter dans la marche de la segmentation, bien que, par cette méthode, l'on n'aboutisse pas toujours, non plus, au résultat voulu. Au stade figuré en L, le nombre des cellules occupant le milieu de la face ventrale a augmenté jusqu'à trois. L'une d'elles est interposée entre les macromères A ^i B {A). La deuxième est située vis-à-vis de la cellule C (C), enfin la troisième D' est logée vis-à-vis de la cellule D. J'incline à croire que la première de ces cellules entodermiques dérive du macromère A et la deuxième du macromère C. Ces trois cel- lules sont aussi reconnaissables, à la surface de l'œuf, dans les stades suivants figurés en M et en N, jusqu'au moment où elles s'enfoncent complètement et sont refoulées dans la profondeur de l'œuf par les cellules de l'entoderme secon- daire. A la face dorsale, la multiplication des macromèi'es marche encore très lentement, dans les stades figurés en M, N et 0. Au stade figuré en M, la cellule D' s'allonge dans la direction de la longueur de l'embryon, au stade figuré en iV, elle se partage en deux portions. A la face ventrale siègent trois cellules décrites au stade précédent. Au stade figuré en WI, j'ai oublié de les désigner par des lettres, mais on les reconnaît, dès que l'on compare le stade M avec celui qui est figuré en L. Aux stades plus avancés, la cellule D' se fractionne de telle manière que déjà, au stade figuré en N, on trouve, à sa place, deux cellules D" et D". Ces deux cellules adhèrent au macromère C qui est très volumineux. Il est très difficile de déterminer la genèse de toutes les cellules qui siègent à la face ventrale de l'embryon. Entre les cellules A et C, ont apparu deux petites cellules C^ et C^ qui siègent dans la pro- fondeur de l'invagination gastrulienne et qui sont peut-être le produit de la cellule C. Le bord de l'invagination gastrulienne ÉTUDES SIR LE DÉVELOPPEMENT Di: VERMET. 065 est délimité par trois petites cellules D'^', D" et Z)"', situées en dessous de la cellule D. Ces dernières sont encore recon- naissables au atade 0, à la face ventrale (côté gauche de la fig. 0). Dans les stades subséquents figurés en P, Q, B, S, l'aspect du bord de l'invagination gastrulienne se modifie, grâce probablement à ce que les cellules D"', D'' et D^' sont refoulées dans la profondeur et se recouvrent d'autres cellules plus volumineuses. Au stade P, au lieu des trois cellules D, on n'en trouve plus que deux : D" et D^'. Au stade B, on distingue de nouveau trois cellules, mais plus grosses; au stade S, aucune de ces cellules n'est plus reconnaissable, mais, en arrière du blastopore, siège un seul gros macromère. En même temps, l'œuf acquiert un aspect semblable à celui qu'il avait revêtu à des stades reculés de son développement, au début du fractionnement des macro- mères. A la face orale l'aspect de l'œuf s'est aussi modifié. Au stade P^ on distingue sept macromères dont la position est tout autre que celle qu'Us occupaient au stade 0. Au stade P, il est encore possible de reconnaîti-e les macromères primaires A, B, C, D. J'ai désigné provisoirement les autres macro- mères par C, C", D" (stade P); je dis provisoirement, parce que je n'ai pas réussi à suivre, de proche en proche, la division des macromères. Les œufs du Yermet ne se dévelop- pent que dans des sacs fixés à la coquille. Une fois les œufs isolés, leur évolution s'arrête. Vers la fin de la segmentation, l'invagination gastrulienne s'approfondit; son orifice qui représente le blastopore (fig. Q. M) devient circulaire et se dessine plus nettement à l'extérieur. Déjà, sur des œufs préparés et éclaircis, on peut remarquer que le blastopore est délimité par des cellules ectodermiques, hyalines et volumineuses. Je considère ce moment comme marquant la fin de la segmentation, attendu qu'à ce stade l'œuf représente une gaslrula et que son développement ulté- rieur consiste dans la différenciation de l'eutoderme secon- daire et dans l'apparition des premières ébauches des organes. La formation de l'eutoderme secondaire ne peut être GOG M. SALENSKY. étudiée qu'à l'aide des coupes; les cellules de ce feuillet sont si petites et si claii^es qu'on les distingue difficilement en examinant les œufs entiers. Poiu- que le lecteur puisse mieux suivre ce processus, je commence la description des coupes à partir du stade où s'achève Tépibolie et où débute le fraction- nement des macromères, que j'appelle cellules de l'entoderme primitif. Au moment où la division des macromères commence à se produire, l'invagination de la portion orale de l'œuf est encore peu marquée. Au stade représenté fig. 4, l'œuf, convexe à sa face aborale, l'est moins à sa face orale. L'entoderme primitif est délimité par les bords de la couche ectodermique, qui revêt toute la face aborale de l'œuf. Les cellules ectoder- miques, excessivement planes, sont peu nombreuses ; elles sont pourvues d'un protoplasma finement granuleux, qui tient en suspension de gros noyaux. Celles d'entre elles qui intéressent la face orale et délimitent le blastopore ne se distinguent nulle- ment de leurs congénères et, comme à ce stade, elles sont extrêmement aplaties, le blastopore n'est point reconnaissable dans des œufs entiers. Mais sur des coupes, on peut facilement constater qu'il intéresse la plus grande portion de la face orale et qu'il est circulaire. Les modifications essentielles que l'on constate dans les macromères consistent en ce que leurs portions protoplasmiques siègent exclusivement maintenant à la face orale. Il arrive quelquefois que, dans la même coupe, on peut distinguer, à la fois, les portions protoplasmiques de tous les macromères. La fig. 5 représente la coupe d'un œuf arrivé à un stade voisin du stade K déjà décrit. La face orale de l'œuf devient concave. Cette invagination, encore insignifiante, représente l'ébauche de la cavité gastrulienne primitive. On remarque, dès à présent que, dans la région antérieure de l'embryon, elle est plus profonde que dans sa portion postérieure. Cette forme de l'invagination gastrulienne persiste à des stades plus avancés et même elle s'accuse davantage. La multiplication ultérieure des macromères qui s'observe ÉTUDES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU VERMET. 0G7 facilement sur des œufs entiers, a été décrite plus haut. Aussi je passe immédiatement à la description de la formation de l'entoderme secondaii-e, qui ne peut être observée qu'à l'aide de coupes. La formation des cellules de ce feuillet débute à peu près au stade 0. J'ai figuré, fig. 6, 6 .4 et 6 Bj trois coupes longitudinales d'un œuf arrivé à un stade voisin de celui que j'ai représenté en 0. L'examen de ces figures démontre que l'invagination primi- tive s'est approfondie ; elle est dirigée obliquement vers l'extrémité antérieure de l'œuf. Les macromères continuent à se multiplier; c'est, dans les macromères oraux^ que le pro- cessus de la division est surtout actif. Le plancher de l'invagi- nation gastrulienne est tapissé par quelques petits macromères engendrés par les macromères primitifs. Leius portions proto- plasmiques regardent la face orale de l'œuf. La limite anté- rieure de l'invagination est constituée par les cellules i)'^ et D''; le plafond de l'invagination est délimité par de petits macro- mères {Ens) qui, à en juger d'après leur situation, sont engendrés parles gros macromères logés au-dessus. La cellule B délimite la portion postérieure de l'invagination. Entre cette cellule et la cellule D'^', sont interposées les petites cellules hyalines Ens^ Ksp, {Ens). Elles possèdent des noyaux très particuliers. Ces cellules représentent les premières ébauches de l'entoderme secondaire. H est fort difficile de suivre, de proche en proche, la genèse de ces cellules. Quoique j'aie examiné un grand nombre de coupes de différents stades de la segmentation, je n'ai pu acquérir la certitude que les cellules de l'entoderme secondaire dérivent des petits macromères. A en juger d'après la situation et la structure de l'entoderme secondaire, une semblable genèse paraît probable. Les coupes que je figure en 6, 6 J. et 6 B, bien qu'elles n'établissent pas l'origine des cellules de l'entoderme secon- daire, expliquent les rapports que ces dernières affectent avec les macromères, qui tapissent le plancher de l'invagination. Sur la figure 6, on distingue, au fond de l'invagination 668 M. SALENSKY. gastrulienne, deux macromères dont le plus volumineux adhère au gros macromère postérieur et le plus petit (Ejîs) au macro- mère antérieur. Ce dernier se compose d'une portion deuto- plasmique ou supérieure et d'une portion protoplasmique ou inférieure. Son protoplasma finement granuleux ne renferme pas de noyau, A la place qu'il devrait occuper, se voient quelques granules qui sont aussi sensibles à l'action du carmin que la substance chromatique des noyaux ordinaires. Sur la coupe suivante, à l'endroit qui correspond au petit macromère, se voit une cellule de l'entoderme secondaire ; son protoplasma hyalin tient en suspension un groupe de granules chroma- tiques très avides de carmin. En arrière de ce groupe, se trouve un petit macromère, dont le protoplasma regarde l'inva- gination; lui aussi renferme, au lieu d'un noyau ordinaire, un amas de granules chromatiques. La figure 6 B montre bien que ces granules sont effec- tivement des éléments chromatiques. On y distingue trois cellules de l'entoderme secondaire; deux d'entre elles sont complètement séparées l'une de l'autre, séparées aussi des macromères contigus. La troisième, qui siège au-dessus et est évidemment de formation plus récente, n'en est pas encore séparée. Dans l'un des éléments de l'entoderme secondaire Ksp (Ens), qui adhère au macromère antérieur, les granules sont disposés en deux rangées et sont réunis entre eux par des filaments grêles à direction transversale. Ce groupe de gra- nules constitue ime figure en tous points semblable aux figures caryocinétiques des noyaux. Dans la cellule gauche (Eiîs), l'on voit aussi un groupe de granules chi^omatiques, et dans la cellule superposée et qui évidemment n'est pas com- plètement indépendante du macromère, l'on distingue des granules chromatiques réunis par des fils exigus, en somme une figure caryocinétique coupée. En rapprochant ces faits les uns des autres, je crois être autorisé à conclure : 1° Que les granules chromatiques des petits macromères représentent les noyaux de ces cellules; 2" que cette apparence particulière est due à ce que ces noyaux se KTIOES SIR LF. DKVFJ.OPPKMRNT Dl VFRMRT. 0(50 multiplient par voie indirecte et 3° que les cellules de I'euto- derme secondaire sont le produit de cette division des macro- mères; elles aussi présentent, comme les petits macromères, des amas de granules chromatiques au lieu de noyaux ordinaires. Le processus de la division des cellules de Tentoderme secondaire paraît ne différer, en rien d'essentiel, de la division mitosique des cellules; mais il es' difficile d'étudier les détails du phénomène, à raison de l'exiguité des éléments. La prolifération des cellules de l'entoderme secondaire, qui débute au plancher de l'invagination gastrulienne, s'étend bientôt aux bords de cette dernière. Au début, les cellules de l'entoderme apparaissent par amas; bientôt elles se réunissent en un seul groupe, remplissant toute la cavité de l'invagination et s' étendant;, au dehors, sous la forme d'une languette. Cette saillie proemine par le blastopore. Au stade figuré en R, l'ento- derme secondaire affecte cette forme, comme le démontre la coupe figurée en 7. L'invagination primitive s'approfondit toujours; son plancher reste toujours tapissé par de petits macromères. Une assise excessivement mince de cellules ecto- dermiques à gros noyaux enveloppe l'embryon. A ce stade du développement, le bord antérieur du blasto- pore est déjà épaissi, et cet épaississement est dû à l'accroisse- ment des cellules ectodermiques dont il se constitue. Ces dernières deviennent cuboïdes et leur volume l'emporte de beaucoup sur celui des autres cellules. Sur la coupe représentée fig. 7, on distingué deux ou trois cellules semblables. {Cs) L'épaississement du bord du blastopore constitue la première ébauche de la portion céphalique de l'embryon. Dans la suite, les cellules dont il vient d'être question seront employées, au moins en partie, à la formation de la ligne sincipitale vibratile et des voiles. Le bord postérieur du blastopore s'épaissit plus tard. La languette saillante par le blastopore dépendant de l'ento- derme secondaire, est toujours bien visible. Les cellules qui la constituent se distinguent, à première vue, de toutes les autres cellules de l'embryon. Elles sont rendues polyédriques, proba- G 70 M. SALENSKY. blement par la pression qu'elles exercent les unes sur les autres et rappellent, par là, les cellules d'un parenchyme végétal. Comme on l'observe dans les cellules des tissus végétaux, les contours des éléments de l'entoderme secondaire sont très apparents; leur protoplasma liyalin se colore très faiblement par le carmin, tandis que leurs noyaux et les granules du deutoplasma fixent énergiquement les matières colorantes. Chaque cellule possède un noyau sphérique très facile à distinguer des noyaux de l'ectoderme, grâce à son volume peu considérable et à un épais réseau de substance chromatique. La saillie formée par l'ébauche de l'entoderme secondaire est si exceptionnelle que l'on serait tenté de supposer qu'il s'agit là d'une anomalie. Mais j'ai pu me convaincre de la constance de cette particularité à certains stades de l'évolu- tion. Peut-être dépend-elle de l'étendue comparativement considérable du blastopore, au stade dont il s'agit et au stade subséquent figuré en 8. ^ Dès que le blastopore se rétrécit et devient un orifice de faibles dimensions, l'entoderme secondaire rentre et gagne le fond de l'invagination gastrulienne. La fig. 8 représente une coupe longitudinale d'un œuf arrivé à un stade un peu plus avancé que celui qui a été figuré en 7, mais possédant toujours un blastopore circulaire fort étendu, siégeant vers le mOieu de la face orale. Ce stade répond à peu près au stade S. La prolifération des cellules de l'entoderme secondaire a fait de notables progrès. L'amas formé par ces cellules proemine toujours au dehors. La forme de l'œuf et la différenciation de l'ectoderme montrent un certain progrès comparativement au stade précédent. L'extrémité antériem^e de l'œuf est notablement plus renflée que l'extrémité posté- rieure. Cette forme de l'œuf est caractéristique au moment de l'apparition des ébauches des voiles, du pied et de la coquille. La forme de l'entoderme secondaire reproduit celle de l'embryon lui-môme. Il représente un amas cellulaire renflé à son extrémité antérieure et aplati en arrière. Les cellules de KTTDES Sin LE [)!■ VKI.OPPi: AFKNT 1)1 VI-RMI'T. (fig-. 11, C, ms) divisée en deux, parallèlement à la surface de l'embryon ms, Inh (a), Bien que la division soit achevée, les noyaux des deux cellules ms et Inh (a), adhèrent encore lim à l'autre. La cellule ms se trouve interposée entre la cellule ectodermique et l'entoderme ; elle est certainement mésoder- mique. Sur la coupe suivante (fig. 11, D), des cellules ectoder- miques en voie de division se voient à droite et à gauche du blastopore. La situation des cellules Inh (a") et Mh {à") est à peu près symétrique par rapport au blastopore; leur forme est la même. Toutes deux sont allongées et leurs extrémités sont dirigées Inh {a' ) à gauche, Inh {a") à droite. Chacune de ces cellules renferme deux noyaux; l'un d'eux siège à côté des noyaux des autres cellules ectodermiques, dans la portion superficielle de la cellule, le second dans sa portion profonde, engagée en dessous des cellules ectodermiques. La cellule Inh {a') n'est pas encore divisée, tandis que la portion profonde de la cellule Inh {a") s'est complètement séparée de la portion superficielle et occupe la place des cel- lules mésodermiques. Les coupes 11 E et 11 F, pratiquées à travers le blastopore et l'épaississement ectodermique qui le circonscrit, sont surtout instructives en ce qu'elles montrent plusieurs phases de la division des cellules ectodermiques. La cellule Inh (a^) (fig. 11, i^) renferme uu noyau au début de la division. Il est d'une forme ovalaire allongée, et l'on y distingue des indices manifestes d'une division commençante. Dans la cellule Inh (a^', cC"''), le noyau est déjà divisé par un étranglement en deux moitiés sphériques, encore réunies l'une à l'autre. Dans la cellule voisine Inh (a''), les deux noyaux sont déjà écartés; l'un siège dans la portion profonde de la cellule et représente le noyau de la future cellule mésodermique, le second, qui occupe la portion superficielle de la cellule, est le noyau de la cellule ectodermique. Des noyaux semblables se rencontrent aussi dans la cellule Inh (a'^'), avec la seule diffé- rence que le noyau ectodermique s'allonge de nouveau, se pré- parant ainsi, à ce qu'il semble, à une nouvelle division. 684 M. SVLKNSKV. Les coupes que je viens de décrire justifient les conclusions suivantes : 1" Le mésoderme se forme aux dépens de l'ecto- derme; 2° les cellules ectoderraiques qui donnent naissance au mésoderme se multiplient par voie directe ou amitosique; 3° r ébauche du mésoderme a une répartition bilatérale : le mésoderme se constitue, à son début, rie deux plaques que l'on peut comparer aux bandelettes mésodermiques des Annélides. Indépendamment de ces bandelettes mésodermiques, il existe encore, dans les embryons de Vernietiis, une ébauche méso- dermique qui paraît indépendante de ces dernières. Je dési- gnerai cette portion du mésoderme, qui est impaire et siège sous la glande préconchylienne, sous le nom mésoderme péri- cardique. Il donne naissance, en effet, au péricarde, au cœur et à la couche peritoneale du rectum. Comme le mésoderme péricardique apparaît plus tardivement, je ne m'en occuperai pas ici. Au stade que nous considérons actuellement, les coupes qui intéressent la glande préconchylienne (fig. 11 K) ne montrent que des cellules ectodermiques dont les noyaux sont déjà divisés (fig. 11 K ec. et ms.). Comme aux stades suivants, l'on trouve, en dessous de la glande préconchylienne, des cel- lules mésodermiques (fig. 14, B, C, Msjic), je suppose que la division des noyaux, au stade 11, est un indice de l'origine ectodermique du mésoderme péricardique. Développement du système neuveux et des organes des sens. On sait déjà qu'au stade comparativement très reculé de l'évolution figuré en W, des èpaississements ectodermiques, consistant en une seule assise cellulaire, apparaissent dans les champs sincipitaux. Ces èpaississements (fig. 14, I Plsii) inté- ressent maintenant la plus grande partie des champs sincipi- taux; ils représentent les ébauches des ganglions céphaliques, qui, de toutes les portions du système nerveax, apparaissent en premier lieu. Nous pouvons les désigner sous la dénomina- tion de ^Zaç Mes céphaliques. 'FAle.^ sont séparées, de la région >:> ÉTUDES SLR LE DÉVELOPPEMENT DU VERMET, G 85 postorale ou du pied, par les voiles ; d'où il résulte que ces plaques sont indépendantes des ganglions pédieux. Ceux-ci n'apparaissent que beaucoup plus tard, dans la région du pied. L'évolution des ganglions céphaliques est intimement liée à celle des yeux; les uns et les autres dérivent de la même ébauche; c'est pourquoi je traiterai, en même temps, du déve- loppement de ces deux organes. Yeux et ganglions céphaliques. Dans les embryons comme ceux qui ont été figurés en B', le développement des plaques céphaliques a déjà notablement progressé. Aux deux côtés de la bande ciliaire céphalique, l'ectoderme s'est quelque peu épaissi. Ces épaississements sont formés de cellules cubiques et n'intéressent pas toute l'étendue des champs sincipitaux. Entre ces derniers et les voiles, se trouve un étroit espace dans les limites duquel se voient de petites cellules. Les ébauches des ganglions céphaliques sont séparées l'une de l'autre par une rangée de cellules ciliées. Le phénomène le plus remarquable que l'on constate, à ce stade, c'est l'apparition des yeux. Aux bords externes des plaques céphaliques, se montrent deux épaississements hémi- sphériques de l'ectoderme, qui sont les ébauches des yeux. La coupe figurée en 20 Z? n'a pas été pratiquée bien perpen- diculairement à l'axe longitudinal de l'embryon : l'ébauche de l'œil gauche Jest coupée juste au milieu, et celle de l'œil droit plus près du bord. L'analyse de la coupe de l'œil droit permet de constater que la formation de l'œil est due à l'épaississement des plaques céphaliques, et celle de l'œil gauche démontre que l'épaississement en question subit une délamination. La meilleure preuve à invoquer, pour établir ce fait, c'est l'apparition de pigment dans la fente de l'ébauche. Au cours de l'évolution, la fente de l'ébauche oculaire se trans- forme en une cavité spacieuse ; mais, au stade dont il s'agit, elle est encore insignifiante. Siu- la coupe, elle n'est délimitée que par trois cellules intimement unies aux autres cellules de l'ectoderme. Les ébauches des yeux occupent un espace peu étendu. 4G 686 M. SALENSKY. On ne peut les distinguer que sur une ou deux coupes successives (*). Sur la deuxième coupe, après celle dont il s'est agi, on voit les plaques céphaliques s'épaissir notablement et s'enfoncer dans la profondeur de l'embryon, sous forme de deux petites poches. Ces invaginations céphaliques, qui constituent les portions principales des ganglions céphaliques, sont peu éten- dues à ce stade du développement. A l'un des côtés de la coupe figurée en 20 C, on aperçoit seulement le bord de l'invagination céphalique {Invn). Comme du côté opposé, la coupe a passé plus près de l'extrémité antérieure, l'invagina- tion n'est point reconnaissable; on y distingue seulement l'épaississement de l'ectoderme. En dessous de l'invagination, se voient des amas de cellules mésodermiques, qui affectent une forme triangulaire. Par la suite, elles deviennent des cloisons incomplètes qui délimitent la cavité des voiles. L'examen des coupes transversales nous démontre que les ébauches communes des ganglions céphaliques et des yeux constituent deux épaississements ectodermîques disposés symé- triquement, à droite et à gauche de la bande ciliaire cépha- lique. Leur bord postérieur s'enfonce dans la profondeur de l'embryon. Les bords externes de la paroi antérieure de ces invaginations se renflent et constituent les ébauches des yeux. La dh'ection des invaginations céphaliques n'est pas parallèle à l'axe longitudinal du corps. Il est difficile de le constater sur des coupes transversales; mais l'analyse des coupes horizontales nous donne ime idée nette sur cette direc- tion. Une semblable coupe a été représentée figures 33 A &t B; elle montre bien que l'invagination est dirigée obliquement vers l'ébauche de l'œsophage, et qu'elle se termine en cul-de- sac, en avant de ce dernier. 1^ L'enfoncement des plaques céphaliques qui s'annonce au stade figuré en B\ s'accuse de plus en plus, aux stades subsé- (*) J'ai confcclionné mes coupes à cinq divisions du microiome de Yung. ÉTUDES SIR LE DÉVELOPPEMENT DU VERMET. G87 queuts. Au stade figuré en D', les invaginations céphaliques constituent déjà deux culs-de-sac à parois épaisses. Sur des coupes transversales qui ont passé par les portions posté- rieures des invaginations céphaliques on peut se convaincre que ces dernières siègent déjà en dessous de l'ectoderme (fig. 21, B). Leurs cavités apparaissent sous l'aspect de fentes étroites, parallèles à la surface du corps. La paroi dorsale de l'invagination est notablement plus épaisse que sa paroi ventrale antérieure, bien qu'elle ne se constitue encore, comme cette dernière, que d'une seule assise cellulaire. Les coupes pratiquées à travers l'ouverture des invagina- tions (fig. 21 A), démontrent que leur voûte est formée de cellules plus élevées que leurs bords. Cela explique l'épaisseur plus grande de la paroi dorsale qui dérive de la voûte des invaginations, et la moindre épaisseur de leur paroi ventrale qui est la continuation des bords de ces dernières. Déjà au stade figuré en D, on constate, entre les invagina- tions céphaliques et la bande ciliaire céphalique, le début de la formation des tentacules. Ds apparaissent sous forme de petits tubercules situés un peu en avant des invaginations céphaliques, et, à en juger par leur structure et leur situation, leur paroi ventrale paraît provenir des plaques céphaliques. Cette paroi est, en effet, épaisse et consiste en de grosses cellules cylindriques, qui passent insensiblement à celles qui constituent la paroi de l'invagination céphalique (fig. 26, D, C). Avec l'apparition des tentacules, la textui-e de la portion préorale se modifie. Sa portion médiane, dérivée de la bande ciliaire céphalique, se soulève en une plaque qui, sous la forme d'une lèvre, recouvre quelque peu l'ouverture buccale (fig. 26, D, Pllb, fig. 28, A, Fllh). On peut l'appeler jj^agwe labiale. Elle est formée de cellules cylindriques ciliées: Les grosses cellules ciliées, qui constituent la bande ciliaire cépha- lique se maintiennent dans la portion antérieure de la tête, où elles se voient encore, quoique peu nombreuses, à des stades très avancés figurés ?>0, A, Cs. Aux deux côtés de la plaque labiale, juste en avant de 688 M. SALENSKY. l'ouverture des invaginations céphaliques, sont situés les ten- tacules. Comme ces organes se forment en partie aux dépens des plaques céphaliques, il est évident que leur apparition doit entraîner le rétrécissement des orifices d'invagination (fig. 26, C, D). En même temps que s'accomplissent les changements que je viens de décrû^e, les voiles prennent un grand développe- ment : dans chacun d'eux, l'on voit apparaître une cavité (fig. 26 C, D, fig. 28 A, B), qui se remplit de liquide, les bords seuls de ces organes restent garnis par les cellules vibra- tiles qui formaient, au début, toute l'ébauche de ces organes. A la limite entre les voiles et la région céphalique, se voient maintenant les ouvertures des invaginations céphaliques (fig. 26 C, D, 28 Inviï). La paroi ventrale des invaginations n'est que la continuation immédiate de la paroi des tentacules. Elle est toujours notablement plus mince que la paroi dorsale, qui affecte des rapports intimes avec les yeux (fig. 27, fig. 28 B). L'accroissement des ganglions céphaliques et la modification de leur texture marchent de paire avec les modifications que je viens d'indiquer. ' Les cellules de la paroi dorsale et plus encore celles des invaginations céphaliques commencent à se multiplier active- ment; elles forment, non plus une seule assise cellulaire, mais plusieurs strates. Leur forme se modifie en même temps. De cylindriques qu'elles étaient, elles deviennent polyé- driques (fig. 27, fig. 28 B) et bientôt l'on voit, à la paroi antérieure des invaginations, des amas cellulaires tendre à se séparer de l'épithélium pour former les deux ganglions cépha- liques. Mais, avant même que cette séparation soit complète, les deux ganglions se réunissent l'un à l'autre par la commis- sure céphalique. On sait déjà que les invaginations céphaliques se forment au-dessus de l'œsophage et qu'elles avoisinent la paroi dorsale de ce dernier. Ce rapport persiste à tous les stades subsé- quents de l'évolution, avec la seule modification que, en même temps que les ganglions augmentent de volume, leurs extré- ETUDES SUR LE DEVELOPPEMENT DU VERMET. 689 mités, qui affectent la forme de culs-de-sac, se rapprochent. Au stade H', elles se réunissent pour former la commissure cépba- lique tnterganglionnaire, En même temps, leur structure intime " / change. Dans les extrémités postérieures des invaginations, qui elles se transforment en ganglions, apparaît, en abondance, de la substance fibrillaire ; la commissure interganglionnaire, qui procède de ces extrémités, se constitue donc aussi princi- palement de substance fibrillaire. Des cellules se voient seule- ment à la surface de la commissure. Elle est d'ailleurs si mince, qu'on ne peut l'obtenir, dans ses rapports avec les ganglions, que sur une seule, rarement sur deux coupes suc- cessives. -— ^ La formation de la substance fibrillaire est due à la modifi- cation du protoplasma des cellules des invaginations ; en même temps qu'elles augmentent de volume, ces cellules deviennent fibrillaires. Dans quelques coupes, les contours des cellules apparaissent nettement. Plus tard, ils disparaissent et toutes les cellules se transforment en une substance fibrillaire dans laquelle on distingue encore, pendant un certain temps, les noyaux des cellules formatrices. Je n'ai pas réussi à voir ce qu'ils deviennent ultérieurement ; mais, à en juger par la réduction de leurs dimensions, il y a lieu de supposer qu'ils disparaissent complètement. En même temps que se fait la réunion des ganglions cépha- liques, ils se séparent des invaginations qui leur donnent nais- sance. Au stade figuré en 30 i), E, les ganglions sont encore intimement liés avec l'ectoderme. Sur quelques coupes (fig. 30 D), on peut encore distinguer les cavités des invaginations sous forme de fentes. Au stade I, figure 31, l'évolution des gan- glions a notablement progressé; ils sont complètement indépen- dants des invaginations dont ils dérivent et siègent dans le mésoderme. Cependant les vestiges des invaginations sont encore reconnaissables, à ce stade, dans des coupes transversales. Le développement des yeux est fort simple. On a vu qu'au moment de leur apparition, les yeux affectent un rapport intime avec la plaque céphalique, qu'ils ne sont, en définitive, 690 M. SALEINSKY. que des épaississements de cette plaque. De bonne heure, ils acquièrent la forme de vésicules spliériques (fig. 28 J.), ce qui est dû à l'extension de leur cavité; mais ils restent en rapport intime avec les ébauches des ganglions cépha- liques. Ce n'est qu'à des stades relativement avancés (fig. 30), que les yeux deviennent complètement indépendants des ganglions. Il n'y a pas de doute que la paroi des vésicules ne se trans- forme en rétine. Bien que je n'ai pas réussi à observer tous les stades du développement de l'œil, je suis en droit d'affirmer qu'il en est amsi; ce fait résulte avec évidence, et de la texture de la paroi, et de la répartition du pigment. Pendant toute la durée de l'évolution de l'œil; ses parois consistent en une seule assise de cellules cylindriques, dont les parties profondes sont chargées de pigment noir. Avant que les yeux se séparent des ganglions céphaliques, les cristallins apparaissent dans les cavités oculaires (fig. 28 A, Crst). Je n'ai malheureusement pas pu suivre la formation de ces organes. Otocystes et Ganglions pédieux. Tandis que le développe- ment des ganglions céphaliques est intimement lié à celui des yeux, les ganglions pédieux naissent indépendamment des ganglions céphaliques, indépendamment aussi des otocystes. Les ganglions pédieux se développent beaucoup plus tard que les otocystes, qui ici, comme chez tous les Mollusques, appa- raissent très tôt. Au moment où le pied commence à se soulever au-dessus du niveau de la face ventrale de l'embryon, les premières ébauches des otocystes sont déjà manifestes à la limite du pied et du corps. Elles apparaissent sous forme de petites invaginations de l'ectoderme dont les parois sont épaisses. Les ébauches des otocystes, et il en est de même de l'évolu- tion ultérieure de ces organes, ne diffèrent en rien d'essentiel de ce que l'on a constaté chez d'autres Mollusques. A un stade un peu plus avancé que celui figuré en Tf, les fossettes auditives s'enfoncent davantage et leurs parois ÉTUDES SUR LE DÉVELOPPEMEÎNT DU VERMET. G91 s'amincissent (fig. 15 Ot). A ce moment, le pied n'est pas encore indépendant. En même temps, les invaginations s'ac- croissent dans la direction de la face ventrale ; elles deviennent pyriformes et leurs orifices se rétrécissent. L'accroissement marche dans la même direction aux stades ultérieurs; il aboutit à une occlusion graduelle de l'orifice de la fossette. Au stade représenté fig. 16, on peut constater que les bords des fossettes auditives sont rapprochés l'un de l'autre, à tel point que l'orifice est à peu près fermé. A ce stade, les parois des otocystes sont encore réunies avec l'ectoderme. Au stade subséquent (figure 17), les orifices des fossettes audi- tives se ferment complètement et les otocystes se séparent de l'ectoderme. Ils constituent alors deux vésicules indépen- dantes; ils sont toujours pyriformes et leur extrémité effilée répond à l'orifice primitif de la fossette auditive. Une fois indépendants, les otocystes augmentent de volume, ce qui est dû à l'accumulation d'un liquide dans lem- cavité ; en même temps, les parois s'amincissent (fig. 18 A, 21 C, 24, 25, etc., Ot). Aux stades ultérieurs de l'évolution de l'embryon, la texture des otocystes ne subit guère de modification; cependant les otolithes s'y montrent et cette apparition des otolithes est précoce. Les gangliotis pédieux. Ces organes se forment relative- ment tard. Au moment où les invaginations céphaliques sont déjà fortement développées, alors que s'opère le développement des yeux et que les otocystes affectent déjà la forme de deux gros saccules, on ne reconnaît encore aucun vestige des ganglions pédieux. Leurs ébauches ne se différencient qu'au stade D. A ce moment, la coquille est déjà notablement développée et l'ébauche de la cavité palléale a apparu. Une coupe trans- versale, pratiquée au niveau de la partie antérieure du pied (fig. 21 C), montre que la portion axiale de cet organe est occupée par les cellules de la bande ciliaire qui s'enfonce pour former une gouttière longitudinale (fig. 21 C. cp.). 692 M. SALENSKY. A droite et à gauche de cette gouttière, l'ectoderme s'épaissit notablement en deux lamelles, qui s'enfoncent dans 1 épaisseur du pied; elles sont nettement séparées des autres portions de l'ectoderme. Elles rappellent les ébauches des plaques céphaliques et je les désignerai sous le nom de plaques pédieuses. (Fig. 21 (7, Plìd.). Tandis que la plus grande portion de ces plaques, se constitue d'une assise unique de cellules cylindriques, l'on distingue, dans leur portion médiane, des indices manifestes de multiplication cellulaire. Il en résulte la formation de petites cellules polyédriques qui siègent dans la profondeur de l'ectoderme (fig. 21 (7, Cnv). Ces cellules représentent les premières ébauches des ganglions pédieux. Aux stades subséquents figurés en 22, le nombre de ces cellules augmente; la partie médiane des plaques pédieuses s'épaissit et proemine dans la cavité du pied. Au stade dont il s'agit aussi bien qu'aux stades ultérieurs, il est très difficile d'obtenir une coupe transversale intéressant, à la fois, les ébauches des deux ganglions pédieux. Pour peu que la coupe ne soit pas parfaitement transver- sale, on n'obtient que la coupe d'une seule ébauche, comme le montre la figure 23, qui représente un stade où l'évolution des ganglions pédieux est déjà très avancée, comparativement au stade précédent. L'épaississement des plaques pédieuses s'est notablement accru ; il est nettement séparé des autres portions de la plaque et se constitue d'un plus grand nombre de cellules. A en juger par le nombre des noyaux que renferme cette ébauche nerveuse, les cellules de la plaque se multiplient activement. Mais les cellules de l'ébauche nerveuse sont si intimement liées aux cellules cylindriques de la plaque à laquelle elles adhèrent et dont elles dérivent, qu'il est très difficile de tracer une ligne de démarcation entre l'ébauche du ganglion proprement dit et l'ectoderme de la plaque. Néanmoins, l'ébauche des ganglions pédieux, en même temps qu'elle augmente de volume, se sépare graduellement de ÉTUDES SUR LE DÉVELOPPEMEINT DU VERMET. 693 l'ectoderme. Au stade figuré en 24, l'ébauche des ganglions pédienxj bien que appliquée contre l'ectoderme, en est séparée par une limite tranchée. Après la formation du ganglion, les plaques pédieuses s'amincissent de nouveau (fig. 24). Elles se réduisent à un epithelium cylindrique formé d'une seule assise cellulaire. Chacun des ganglions pédieux, encore adjacent à la plaque, se constitue de cellules polyédrique très serrées. Dans les coupes, ces organes forment des amas à peu près sphériques (fig. 24 Cnv Gp). Déjà à des stades reculés du développement, quelques cel- lules mésodermiques s'appliquent contre les ébauches des ganglions pédieux. Une fois la prolifération des cellules de l'ectoderme des plaques pédieuses terminée, les cellules méso- dermiques s'interposent entre l'ectoderme et les ganglions pédieux. Au stade représenté figure 25, le ganglion pédieux du côté gauche est déjà séparé de l'ectoderme par une couche de cellules mésodermiques. A droite, où la coupe a traversé le ganglion plus près de son bord, cet organe s'applique contre l'ectoderme. Les deux ganglions sont encore séparés l'un de l'autre. Au cours du développement, les ganglions pédieux s'éloi- gnent graduellement de l'ectoderme dont ils dérivent, et, en même temps qu'ils s'avancent vers la partie médiane du pied, ils se rapprochent l'un de l'autre. Le rapprochement des ganglions coïncide avec le moment de l'évolution où le pied subit des modifications importantes. Les glandes pédieuses apparaissent et la portion postérieure du pied qui les renferme s'accroît considérablement, compara- tivement à la portion antérieure. Elle se dédouble en deux lobes, séparés l'un de l'autre par une gouttière profonde. Les ganglions pédieux s'avancent graduellement vers la portion antérieure du pied et l'on y voit apparaître une masse centrale fibrillaire et une couche corticale cellulaire, La réunion des ganglions pédieux se fait comme celle des ganglions céphaliques. 694 M. SALENSKY. La masse fibrillaire est à nu à la surface des ganglions pédieux dans les portions qui se regardent l'une l'autre (fig. 35). Cette masse fibrillaire fournit les matériaux pour la for- mation de la commissure interganglionnaire, qui est d'ailleurs moins développée que la commissure cérébrale. La réunion des ganglions pédieux s'accomplit beaucoup plus tard que celles des ganglions céphaliques. Elle est évidente seulement au stade figuré en I . Formation de la commissure pharyngienne et du système nerveux périphérique. J'ai déjà fait observer que la formation de la commissure cérébrale a lieu après que les ganglions céphaliques se sont complètement séparés de l'ectoderme. Au stade I, où la différenciation de tous les ganglions est achevée, ils constituent un anneau complet autour de l'œsophage. Au stade H', on peut voir le début de la formation des commissures pharyngiennes. L'analyse d'une série de coupes longitudinales successives (fig. 34 A-C) pratiquées, chez un embryon de cet âge, dans la région des ganglions, permet de constater que les ganglions céphaliques forment ensemble un fer à cheval, dont la portion médiane est sous-jacente à l'ectoderme, tandis que ses extré- mités regardent les ganglions pédieux. Sous ce rapport, les gan- glions céphaliques de Vermetus rappellent ceux des Annélides. Sur une coupe longitudinale qui a passé près de la portion axiale de l'embryon, les ganglions céphaliques (fig. 34 A), sous-jacents à l'ectoderme, paraissent fort petits et, par leurs extrémités antérieures, ils s'appliquent contre la paroi dorsale de l'œsophage; ils sont encore séparés des ganglions pédieux. Sur une des coupes latérales, figurée en 34 B, les ganglions céphaliques paraissent plus longs; ils s'étendent plus en arrière et envahissent quelque peu l'espace situé en arrière du canal digestif; par leurs extrémités, ils adhèrent aux otocystes. Tandis que l'extrémité antérieure des ganglions s'applique ÉTUDES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU VERMET. 695 contre l'ectoderme, leur extrémité postérieure se bifurque en s'approchant de l'otocyste ; l'une des branches de bifurcation s'applique contre le ganglion pédieux et constitue l'ébaucbe de la commissure pharyngienne; la seconde monte et se dirige vers l'ébauche du muscle columellaire (flg. 34 Z?, Nj^ï). A en juger par les stades ultériours de l'évolutioii et par l'organisation de l'adulte, cette branche ascendante est probablement l'ébauche de la commissure viscérale. Au stade figuré en I', la commissure pharyngienne est com- plètement formée (fig. 31, B, C,). Ainsi que les autres commissures, elle se constitue d'une masse fibrillaire revêtue de cellules ganglionnaires. L'évolution des ébauches des diifé- rentes parties du système nerveux périphérique, marche paral- lèlement avec l'évolution de cette commissure. Au stade dont il s'agit, apparaissent aussi les nerfs tentaculaires, les nerfs optiques et le système des nerfs viscéraux; D'après Lacaze-Duthiers, on peut distinguer, chez Vermetus, deux paires de tentacules : les antérieurs et les postérieui's. Les premiers, qui répondent aux tentacules des autres mollus- ques, sont innervés par les ganglions céphaliques. Dans les seconds, qui représentent des organes propres au seul genre Vermetus, les nerfs sont fournis par les ganglions pédieux. Les tentacules de Vermetus dont nous avons exposé plus haut la genèse sont les tentacules antérieurs; cela ressort du fait que leurs nerfs dérivent des ganglions céphaliques. On a déjà vu que ces tentacules apparaissent dans le voisinage immédiat des ganglions céphaliques. Ils se constituent d'un axe mésodermique, revêtu d'une couche de cellules ectodermi- ques. Leurs nerfs, qui apparaissent tardivement, sortent direc- tement des ganglions cérébraux (flg. 31, A, NI.) Leur forme répond à la forme cylindrique de la cavité des tentacules et, comme ces derniers, ils se terminent par un bout arrondi. Ils se constituent d'une masse fibrillaire centrale et d'une couche superficielle de cellules ganglionnaires. Leur accrois- sement ultérieur marche probablement avec l'accroissement du tentacule lui-même. 696 M. SALENSKY. Les ganglions optiques se montrent tardivement, comme les nerfs tentaculaires. Ils procèdent, sous la forme de lobes, de la portion superficielle des ganglions céplialiques (fig. 32) et sont sous-jacents aux yeux. Pendant les stades de l'évolution que je viens de décrii^e^ l'on voit naître aussi d'autres parties du système nerveux périphérique. Lacaze-Duthiers nous a donné une description fort détaillée du système nerveux de l'adulte. D'après Lacaze-Duthiers, les ganglions céphaliques émet- tent, indépendamment des commissures pharyngiennes, des commissures qui se réunissent à un ganglion que cet auteur désigne sous la dénomination de ganglion moyen ou asymé- trique, mais qu'il serait rationnel de désigner sous le nom de ganglion j^leural. Les ganglions pédieux se réunissent aux ganglions pleuraux par l'intermédiaire de commissures très courtes. " Ainsi, dit Lacaze-Duthiers (p. 255), sur les côtés du tube digestif, immédiatement en arrière de la masse linguale, si l'on fait une préparation latérale, on aperçoit un triangle dont les angles sont occupés par les ganglions. „ Le ganglion pleural émet de chaque côté des nerfs que Lacaze-Duthiers appelle nerfs palléaux. On a déjà vu qu'au stade H', un nerf partant du ganglion céphalique se dirige vers le muscle columellaire. Ce nerf, à en juger par sa position, répond à un des nerfs palléaux internes (Lacaze-Duthiers), ou, en d'autres termes, à la com- missure viscérale. Au stade figuré en T, ces nerfs sont plus développés. Sur des coupes longitudinales, on peut distinguer le triangle caractéristique pour Vermetus, dont parle Lacaze- Duthiers (fig. 31, C). D'après la situation des ganglions céphaliques et celle des ganglions pédieux, il n'est guère difficile de détermiaer la valeur des autres nerfs constituant le triangle. La grosse masse ganglionnaire qui forme le côté supérieur du triangle (fig. 31, C, Npl), à en juger d'après sa situation, représente l'ébauche de la commissure viscérale. La base du triangle (fig. 31, C, Cnc) représente la commis- sure viscéro-pédale, car elle réunit les ganglions pédieux avec la commissui'e viscérale. ÉTUDES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU VERMET. 697 Le côté antérieiu' du triangie est formé par la commissure cérébrale (flg. 31, C, Com). La commissure viscéro-pédale apparaît comme une branche de la commissure viscérale, éma- nant de cette dernière, immédiatement en avant de l'otocyste. La portion de la commissure viscérale, qui lui donne naissance, s'épaissit, par la suite, pour donner naissance au ganglion pleural. La commissure viscérale {Npï) est la commissure droite qui, dans Vermetus, ainsi que dans les autres Chiastonem"es, se porte à gauche. Dans les coupes figui'ées en 31, C, D, on distingue, au dessus de la commissure viscérale, une autre commissure Nhr. Elle est bien recomiaissable au point où elle croise la précé- dente. La commissure Nhr est la commissui'e viscérale gauche qui se réunit avec le ganglion branchial. Ce dernier n'existait pas encore aux stades de l'évolution que j'ai observés. Glandes du pied. Lacaze-Duthiers a trouvé, dans 'Vermetus adulte, une glande pédieuse fortement développée qui présente une structure remarquable. Quelques injections qu'il a pratiquées lui ont fait admettre que la glande pédieuse communique par un oriiice avec la cavité du corps, qu'elle sert d'intermédiaire, par conséquent, entre cette cavité et l'extérieur (p. 292). Bien que je n'aie pas étudié spécialement la texture de la glande pédieuse, j'ai pu me convaincre cependant qu'il n'existe aucune communication entre elle et la cavité du pied ; je crois que les conclusions du savant français sont basées sur le fait accidentel de la rupture de la paroi glandulaire, au moment de l'injection. Grâce à des recherches récentes minutieuses, grâce surtout aux travaux de Carrière (i) et de Théodore Barrois (2), les (i) I. Carrière. Die FiissdrïLHen der Prosobranchien, etc. Archiv fur miscroscop. Anatomie, Bd. XVI. (2) Th. Barrois. Les glandes da pied et tes pores aquifères chez les Lamellibranches. Lille, 1883. 098 M. SALENSRY. glandes pédieuses des mollusques sont maintenant bien connues. Dans les Lamellibranches et d'autres mollusques, on connaît deux sortes de glandes pédieuses, une glande antérieure et une glande postérieure. Barrois les désigne sous les dénomina- tions de glande suprapédieuse et de glande pédieuse. Dans Vermetus, l'on voit aussi apparaître deux glandes (flg. Slj E, Opda. Gpdp). Elles se distinguent l'une de l'autre par leur position, leur texture, le moment de leur apparition et, probablement aussi, par leur fonction. L'une d'elles se montre de bonne heure à l'extrémité postériem^e du pied, la seconde plus tardivement à son extrémité antérieure. Je leur ai conservé les noms sous lesquels Barrois les a désignées. La glande décrite par Lacaze-Duthiers c'est la glande supra- pédieuse de Vermetus. La glande pédieuse apparaît relativement tôt. Déjà, sui^ des coupes du stade figuré en D', on peut constater que l'épithé- lium de la région postérieure du pied subit certaines modifica- tions. Le protoplasma des cellules devient opaque; les noyaux cessent d'être granuleux ; ils deviennent homogènes. Comme le protoplasma, aussi bien que les noyaux de ces cellules, sont maintenant plus avides de carmin que les cellules avoisinantes, elles se font de suite remarquer dans les coupes colorées. Au stade E' (fig. 51, A, B), àe semblables cellules recouvrent une région considérable de la face inférieure du pied; elles sont distinctes siu' toute une série de coupes. Dans les coupes médianes, uu groupe de semblables cellules, faciles à distinguer des cellules avoisinantes, atfecte la forme d'une plaque (fig. 31, E, Gpdp) qui commence à s'invaginer. Cette plaque, avec les cellules adjacentes de l'ectoderme, modifiées comme il a été dit, constitue l'ébauche de la glande pédieuse postérieure. On peut constater, sur des coupes transversales, que l'inva- gination de cette plaque s'effectue dans la direction de l'axe du pied, d'où il résulte que la cavité de la glande est la conti- nuation immédiate de la bande ciliaire, qui siège dans la région antérieure du pied, suivant son axe longitudinal. Dans les coupes longitudinales, on peut reconnaître, à l'extré- ÉTUDES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU VERMET. 099 mité postérieure du pied, en arrière de la glande pédieuse, une paire de cellules ciliées (fig. 36, A, Cap), qui continuent pour ainsi dire la bande ciliaire, mais en sont séparées par la glande pédieuse. Aux stades ultérieurs du développement, l'ébauche de la glande pédieuse s'in vagine graduellement (fig. 37, Gpdp. stades F' et 0'). L'une de ses extrémités se termine en cul-de-sac et se dirige en avant; elle revêt la forme d'une calotte ou plutôt celle d'im bonnet phrygien et s'ouvre à l'extérieur par un large orifice. A des stades plus avancés, cet orifice est reconnaissable de la surface. La paroi dorsale de la glande pédieuse se constitue des cellules modifiées que nous avons caractérisées plus haut. Les cellules de son extrémité et de sa paroi ventrale présentent un protoplasma hyalin tenant en suspension de petits noyaux. Au stade H', le fond de la glande pédieuse se partage en deux branches qui se terminent ainsi eu cul-de-sac (fig. 35, C, Ap). Ces deux formations donnent naissance aux deux tubes qui aboutissent à la glande propre- ment dite. L'évolution ultérieure de ses tubes est reconnais- sable au stade T, où ils forment deux culs-de-sac siégeant à la face dorsale de la glande, suivant toute la longueur de cette dernière. Si l'on compare ces tubes, au stade dont il s'agit, avec ce qu'ils étaient au stade précédent, il n'est pas difficile de recon- naître que les seules modifications que subit la glande pédieuse, pendant le laps de temps qui s'est écoulé entre le stade figuré en H' et celui représenté en F, consistent dans son accroissement en avant : sa longueur dépasse celle des tubes qui, au début, étaient situés au devant d'elle. En même temps la texture de l'ébauche se modifie. La plus grande portion de la glande est formée de grosses cellules cylindriques à protoplasma hyalin et pourvues de petits noyaux adjacents aux parois des cellules. Dans la portion inférieure et dans la portion postérieure de la glande, les cellules, profondément modifiées, ont perdu leurs noyaux ; 700 M. SALENSKY. elles se sont transformées en des amas d'une substance homo- gène, visqueuse, fort sensible à l'action du carmin. L'on peut trouver les homologues des deux branches ter- minées en cul-de-sac qu'émet la glande pédieuse, dans l'organe que Carrière a découvert dans quelques espèces de Murex, et qu'il a appelé seconde glande pédieuse (Ziveite Solendrilse). La position de ces branches par rapport à la portion principale de la glande pédieuse dans Vermetus, répond complètement à la situation de la seconde glande dans Murex. La glande suprapédieuse commence à se développer un peu plus tard que la glande pédieuse. A un stade intermédiaire entre ceux qui sont figurés en O' et H', naît, à l'extrémité antérieure du pied, une invagination peu étendue de l'ecto- derme (fig. 29, A, Gpda) qui, d'après sa position, répond à la glande suprapédieuse et n'est autre chose que l'ébauche de cette dernière. Cette invagination se constitue de cellules cylindriques dépourvues de cils, tandis que les cellules ambiantes sont ciliées. Au stade H', la glande suprapédieuse affecte déjà la forme d'un sac (flg. 34, B, Olpda), dont le fond est fort épaissi et présente une petite cavité cylindrique. Plus tard, on peut distinguer, dans cette glande, une portion glandulaire proprement-dite et un tube excréteur. La première se constitue d'un amas compact de cellules cubiques ou polyédriques, à protoplasma finement granuleux et pourvues de noyaux; la seconde constitue un tube à epithelium cylindrique. La cavité du conduit excréteur s'étend jusque contre les cellules sécré- toires de la glande. Au stade /', ces deux portions de la glande diffèrent encore davantage l'une de l'autre (fig. 31, E, Of da). Les cellules sécrétoires s'appliquent fortement l'une centre l'autre; elles sont remplies par une masse homogène très limpide, à peu près insensible à l'action du carmin; leur protoplasma s'amasse à la périphérie des cellules et enveloppe le noyau. Sur des coupes longitudinales des stades figurés en H et en /', ou peut constater que deux tubes se forment, à droite et à gauche, de la glande suprapédieuse. Ces tubes sont délimités ÉTUDES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU VERMET. 701 par des cellules cylindriques en tous points semblables aux cellules glandulaires. D'après les rapports qu'ils affectent avec la glande antérieure, ils rappellent singulièrement les tubes terminés en cul-de-sac de la glande postérieure. Il est très difficile de suivre leur direction sur des coupes longitudinales, attendu qu'ils sont quelque peu incurvés et qu'ils s'appliquent si étroitement contre la glande, qu'ils se confondent avec elle, au moins en apparence. Par contre, sur des coupes transver- sales appartenant au stade 7', on peut constater qu'ils longent la glande jusqu'à son extrémité antérieure pour s'ouvrir dans son canal excréteur. D'après leur origine et leur texture, ils ne sont que des portions différenciées de la glande. Mais leur genèse ne donne aucune indication quant à leur valeur physio- logique ; celle-ci reste aussi obscure que le rôle de la glande elle-même. Différenciation du Mésoderme. — Formation du cœur et des reins. Dans le chapitre relatif à la formation des feuillets embryon- naii-es, nous avons décrit la genèse des premières cellules mésodermiques aux dépens de l'ectoderme. Le lecteur a vu que les premières cellules du mésoderme se montrent aux deux côtés de la bouche. Aussitôt après leur séparation de l'ectoderme, les cellules mésodermiques s'aplatissent, grâce probablement à la pression exercée par les cellules eutodermi- ques. A en juger d'après les coupes transversales, ce feuillet ne constitue pas une couche continue ; ses cellules sont éparses (fig. 11, C, F). A ce stade; je n'ai pu distinguer de cellules mésodermiques, ni en avant, ni en arrière du blastopore. Le mode de formation des cellules mésodermiques permet d'induire que, dans Vermetiis, le mésoderme apparaît sous la forme d'une ébauche bilatérale. Outre cette ébauche qui, dans la suite, donne naissance au mésoderme de la face ventrale de l'embryon (mésoderme somatique ou pédieux et mésoderme céphalique). nous avons 47 702 M. SALENSKY. VU des cellules ectodermiques de la glande préconchylienne donner naissance au niésoderme péricardique. Au stade figuré en B', la formation du mésoderme a notable- ment avancé. Des cellules mésodermiques existent, non seule- ment à droite et à gauche du blastopore, mais encore dans les portions antérieure et postérieure de l'embryon. L'examen des coupes transversales, appartenant à ce stade, montre que, dans les portions antérieure et médiane de l'embryon, le mésoderme reste divisé en deux portions symétriques. Sur les coupes antérieures les cellules méso dermiques siègent à droite et à gauche de la bande ciliaire axiale; elles conservent la même situation aux deux côtés de l'invagination œsophagienne ou, en d'autres termes, aux bords du blastopore. Plus en arrière, à la limite du pied, on reconnaît, sur les coupes, une plaque mésodermique continue. Elle est due à l'apparition de cellules mésodermiques au-dessus de la bande ciliaire. L'examen des coupes du stade suivant démontre que les cellules médianes, que nous pouvons désigner sous le nom de mésoderme cervical, constituent un lien entre le mésoderme pédieux et le mésoderme céphalique. Au stade suivant figuré en 14, A, J, le mésoderme se constitue de deux minces lamelles, formées par une seule assise cellulaire ; il est très facile de suivre cette formation sur la série des coupes de l'extrémité postérieure de l'embryon jusqu'à sa partie antérieure ; elle se distingue, même à un faible grossissement. Dans le pied, le mésoderme se constitue de deux plaques symétriques nettement accusées (fig. 14, A, D, Ms). Sui' des coupes de la portion antérieure du pied, faites au voisinage du bord postérieur du blastopore, l'on voit, entre les deux plaques mésodermiques, le mésoderme cervical (fig. 14, C). Sui' la coupe suivante, on peut constater que cette couche moyenne s'étend sur la face dorsale de l'œsophage. Plus en avant, siège la portion céphalique du mésoderme, le mésoderme céphalique, qui se constitue de deux groupes de cellules logées à droite et à gauche de l'œsophage. Elles s'appliquent étroitement contre l'entoderme (fig. 14, G). Dans ÉTUDES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU VERMET- 703 la région céphalique de Temòryon, en avant de l'œsophage, le mésoderme céphalique est formé de deux plaques semblables à celles du pied. Nous pouvons les désigner sous le nom de 2)laques céphaliques du mésoderme. L'examen des coupes, appartenant aux stades que nous venons de décrire, démontre que le mésoderme de l'embryon est formé de quatre plaques réunies entre elles au milieu, de façon à former ensemble un X. Les branches supérieures de l'X forment ensemble le mésoderme céphalique, les branches inférieures le mésoderme somatique, et le lien médian répond au mésoderme cervical. L'évolution du mésoderme péricardique, dont j'ai indiqué l'apparition au stade précédent, marche rapidement. Les cellules du mésoderme péricardique, se montrent seule- ment du côté de la coquille, là où plus tard s'accusera la cavité palléale. Il en résulte que, même au stade reculé du déve- loppement que nous avons représenté figure 14, l'embryon, malgré son apparence symétrique, est en réalité dissymétrique. Le mésoderme péricardique est formé d'une mince plaque composée d'un nombre restreint de cellules aplaties disposées en une seule assise. Le mésoderme somatique ou pédieux ne présente sa forme primitive et ne se montre formé d'une seule assise cellulaire que dans des stades très jeunes, caractérisés en ce que le pied s'élève à peine au-dessus de la surface de l'embryon (stade Z). En même temps que le pied s'accroît, le mésoderme pédieux s'épaissit au point d'être bientôt formé de plusieurs strates de cellules. Bientôt après l'épaississement du mésoderme, s'opère la délamination de ce feuillet, d'où r^^ulte la formation du cœlome. L'examen des coupes des stades suivants démontre que chaque plaque mésodermique se délamine séparément et que, par conséquent, deux cavités cœlomiques, primitivement séparées, apparaissent à la fois. A des stades plus âgés, alors que le pied fait saillie sous forme d'un tubercule bien apparent, on peut facilement distinguer les deux cavités, même sur des coupes un peu obliques. En ce qui concerne les stades plus avancés 704 M. SALENSKY. de l'évolution, figurés en 16 et 17, je n'ai pas eu la chance d'obtenir de coupes bien symétriques; c'est là probablement le motif pour lequel je n'ai pas réussi à obtenir, en même temps, les deux cavités. En 16 et en 17, le cœlome gauche surtout est visible. A droite, la coupe a passé par la paroi postérieure épaissie des bandelettes mésodermiques qui com- prend maintenant plusieurs assises cellulaires. La délaraination du mésoderme répond au processus bien connu, si souvent observé chez les vers, les arthropodes et les vertébrés. Le bien fondé de ce rapprochement est si évident qu'il me paraît inutile d'insister. J'emploierai donc les dénominations dont on se sert pour distinguer les parties du mésoderme des entérocéliens en général : je nomme splanchnopleure la couche adjacente à l'entoderme (fig. 19, 8pl]j) et somaiopleure celle qui adhère à l'ectoderme (fig. 19, som). A leurs extrémités antérieure et postérieure, les bandelettes mésodermiques se confondent en une couche unique. L'accroissement des deux cavités cœlomiques marche de pair avec l'accroissement du pied. Dans les figures 18, A, C (stade A'), ces deux cavités sont déjà spacieuses. Les bande- lettes mésodermiques sont disposées symétriquement; les cavités sont séparées l'une de l'autre par une mince cloison résultant de l'accolement de leurs parois médianes (fig. 18, B). La somatopleure s'épaissit quelque peu dans la partie axiale du pied; quant à la splanchnopleure, elle apparaît sous la forme d'une mince plaque soudée avec le mésoderme cervical. Au- dessus des bandelettes mésodermiques délaminées, se voient les otocystes (fig. 18, yl, Ot). Ils siègent dans une cavité qui n'est autre que le blastocèle et qu'il faut se garder de con- fondre avec le cœlome. Les otocystes occupent, d'autre part, l'espace situé entre le mésoderme somatique et les portions postérieures du mésoderme céphalique (fig. 18, C, Mspé)(i). (i) En 18 A et B, le mésoderme céphalique se dislingue neliemeni, et l'on voit bien les rapports qu'il affecte avec le mésoderme somatique. J'ai oublié de le désigner par une lettre. ÉTUDES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU VERMET. 705 La cloison qui sépare les cavités coelomiques se continue, en avant, dans le mésoderme cervical épaissi (fig. 18, A, B, Msc) qui relie les plaques mésodermiques à l'œsophage et joue, avec cette cloison, le rôle de mésentère. Plus en arrière, les deux plaques mésodermiques s'épaississent, sui"tout dans leur por- tion axiale. Dans les coupes postérieures (fig. 18, C), la cloison logée entre les deux cavités cœlomiques acquiert une épais- seur égale à celle des parois du cœlome; enfin, à l'extrémité postérieure du pied, elle se confond avec la paroi en question pour former une masse mésodermique compacte. L'évolution ultérieure du mésoderme somatique consiste dans l'épaississement de ses parois et principalement de la somatopleure. En même temps, la cloison qui séparait les deux cavités cœlomiques s'amincit graduellement, poiu^ disparaître enfin, de façon à ce que les deux cavités se confondent en une seule. La réunion de ces cavités en une seule se fait d'abord dans la portion postérieure du pied; elle progresse d'arrière en avant. La coupe figurée en 39, K, représente les deux cavités cœlomiques séparées l'une de l'autre par une mince cloison. Sur celle figm-ée en I et qui a passé plus près de l'extré- mité postérieure du pied que la coupe précédente, les cœlomes se sont déjà réunis et le mésoderme est subdivisé en plusieurs lacunes distribuées irrégulièrement {splp). Les cellules de la couche somatique perdent leiu' forme primitive : d'ovalaires qu'elles étaient, elles deviennent fusi- formes et se transforment en tissu conjonctif et probable- ment aussi en cellules musculaires. L'évolution des cellules musculaires à la face inférieure du pied s'effectue probablement à des stades plus avancés que ceux que j'ai eu l'occasion d'observer. Le muscle columellaire, par contre, se développe de bonne heure. A la paroi [dorsale de la base du pied, sous le pli du manteau, l'on voit déjà, à des stades reculés figurés en D et en C, un amas ovalaire de cellules mésodermiques qui donnent naissance au muscle en question. Aux stades figurés en (r' et en H, ces cellules 706 M. SALENSRY. deviennent fiisiformes (fig. 29, 29 A, Mcol). An stade T, le mnscle columellake est déjà définitivement constitné (fig. 31, Mcoï). Je n'ai pu trancher la question de savoir si le muscle columellaire se développe exclusivement aux dépens des cellules indiquées ou si d'autres éléments mésodermiques inter- viennent aussi dans sa formation, n'ayant pas eu à ma dispo- sition des stades de l'évolution intermédiaires à ceux qui ont été figurés en H' et en /'. Mésoderme céphalique. Le mésoderme céphalique reste long- temps stationnaire. Pendant longtemps, il reste constitué par ime seule assise de cellules. Dans le cours du développement, les deux plaques que je viens de décrire (fig. 20, A) se réunis- sent, siu' la ligne médiane, par une plaque intermédiaire. Au niveau de l'œsophage, celle-ci disparaît et le mésoderme cépha- lique reste constitué de deux portions latérales. Comme la plaque médiane n'atteint pas l'œsophage, la paroi dorsale de ce dernier n'est pas revêtue par le mésoderme (fig. 18, A, B, C). Au niveau des yeux, le mésoderme céphalique montre deux épaississements que j'ai déjà signalés plus haut et qui, dans la suite, délimitent, mais incomplètement, les régions des voiles de l'embryon. Ce n'est qu'au moment où les voiles gagnent de l'importance, à partir du stade F', que le méso- derme céphalique se montre constitué de plusieurs assises cellulaires (fig. 26, A, D). Quand les ébauches des tentacules . se développent, il s'engage dans les cavités de ces organes. Le fait le plus intéressant concernant l'évolution du méso- derme céphalique c'est son accroissement en arrière. Depuis le moment où le pied se différencie et prend la forme d'un tubercule nettement accusé (stade B' C), le mésoderme cépha- lique s'étend, dans la région postorale de l'embryon, sous la forme d'une mince plaque qui s'épaissit dans la suite. Le mésoderme céphalique se délamine comme le mésoderme pédieux, avec la seule différence que la délamination s'y opère plus tardivement que dans ce dernier. Les cavités du mésoderme céphalique se développent siu-tout au stade G' (fig. 39, L k N). A des stades plus avancés, ces cavités se remplissent de parenchyme et enfin disparaissent complètement. ÉTUDES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU VERMET. 707 L'examen d'une série de coupes transversales met eu évi- dence les données suivantes relatives à la répartition des cavités cœlomiques et à la forme du mésoderme en général. Les coupes antérieures montrent que, dans la région des gan- glions et des yeux, le mésoderme siège au milieu de la tête et comprend une cavité médiane impaire. Il est évident que cette cavité s'est creusée dans l'épaisseur de la portion médiane du mésoderme qui était nettement reconnaissable à tous les stades antérieurs et qui servait de lien aux deux plaques latérales du mésoderme céphalique. Plus en arrière, près de la région postorale, il existe deux cavités latérales; elles siègent aux deux côtés de l'œsophage (fig. 39, Met N). Elles affectent une forme triangulaire; les sommets des triangles regardent la face ventrale de l'embryon et leurs bases sa face dorsale; elles sont nettement séparées des cavités des voiles. Ces dernières correspondent au blastocèle, tandis que les cavités des bande- lettes mésodermiques représentent le cœlome. Sur les coupes figurées en 39, Z" et Z-, se voient en même temps les cavités céphaliques et somatiques. Ces coupes expliquent les vrais rapports topograpliiques entre ces deux cavités mésodermi- ques. Sur la coupe figurée en 39, L, les cavités céphaliques sont moins étendues. Elles se disposent aux deux côtés de l'œsophage {Cvcp) et circonscrivent les parois latérales de ce dernier. La couche splanchnique s'étend à la face dorsale et revêt la paroi dorsale de l'œsophage. Vis-à-vis et au-dessous des cavités céphaliques, est située, à la face ventrale de l'embryon, la cavité pédieuse divisée, elle aussi, en deux cavités. Cette division ne persiste que . dans la région anté- rieure du mésoderme pédieux. La portion postérieure de la cavité pédieuse est impaire et fort spacieuse. Sur toutes les coupes suivantes, les cavités céphaliques qui se prolongent le long de l'œsophage, se rédui- sent graduellement pour disparaître complètement au voisi- nage de son extrémité postérieiu-e. Le développement du cœur. Les embryons de Vermetus comme ceux des autres Cténobranches, possèdent deux espèces 708 M. SALENSKY. d'organes destinés à la circulation du liquide nutritif. A des stades reculés du développement, les liquides circulent dans un système de cavités qui constituent le système circulatoire embryonnaire. A des stades plus avancés, débute l'évolution des organes circulatoires définitifs. Les organes centraux de ces deux systèmes sont situés au voisinage l'un de l'autre dès le moment de leur apparition. Le cœur de l'adulte dérive du mésoderme péricardique. Mais, avant d'exposer le développe- ment de cet organe, je dois donner quelques renseignements sur la formation et la situation de la cavité palléale et du système circulatoire embryonnaire. Nous avons laissé le mésoderme péricardique au moment où il affecte la forme d'une plaque mésodermique située en dessous du bord droit de la coquille. L'ectoderme sous-jacent au bord de la coquille est épaissi et formé de cellules cylindriques, tandis que, dans tout le reste de son étendue, il se constitue de cellules plates à peine reconnaissables sur les coupes. Le bord épaissi de la glande préconcbylienne repré- sente r ébauche du manteau. En même temps que la coquille s'étend, ses bords progressent, en avant, comme le montre la série des embryons figurés depuis J.' jusqu'en E'. A des stades reculés (figurés en ^et A'), les bords de la coquille forment un cercle complet qui circonscrit la portion antérieure du corps de l'embryon. Au stade B', le bord droit de la glande précon- chylienne devient notablement échancré {Cbr). Au milieu de cette échancrure, se voit une vésicule animée de pulsations rythmiques. L'échancrure du bord du manteau constitue la première ébauche de la cavité palléale, et la vésicule logée en avant n'est autre que le cœur embryonnaire, que l'on a reconnu dans les embryons de la plupart des Cténobranches. Dans des coupes et, à plus forte raison, dans les embryons conservés, le cœur embryonnaii^e n'est pas toujours distinct. Il n'est recon- naissable que dans les embryons qui ont été fixés par les réactifs au moment où le cœur était en diastole (fig. 39, H, Crem). Par contre, dans ceux qui ont été tués au moment de la systole, le cœur embryonnaire est si peu visible qu'il peut facilement passer inaperçu. ÉTUDES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU VERMET. 709 Cet organe, connu sous la dénomination de cœur embryon- naire, a été découvert par Koren et Danielssen dans Biiccinum et Purpura ; c'est un organe provisoire. Il persiste pendant longtemps dans les embryons et il semble que, dans les Cépha- lophores, il affecte des rapports avec toute ime série de cavités comprises entre les organes, et eu particulier avec les cavités des voiles et la vésicide céphalique. Le cœur embryonnaire représente effectivement l'organe central de tout ce système de cavités dans lesquelles circule un liquide nutritif. Au point de vue morphologique, les espaces qui sont en rapport avec le cœur embryonnaire, répondent aux cavités des organes circula- toires de l'adulte attendu que, comme ces dernières, ils sont les restes du blastocèle. Le cœur embryonnaii^e apparaît avant les cavités du voile, et même avant toutes les autres cavités dérivées du blastocèle. A mon grand regret, je n'ai pas réussi à obtenir de bonnes coupes d'embryons tels que B' par exemple, chez lesquels le cœiu' eut été fixé en diastole. Aussi ne puis-je rendre compte de l'évolution de cet organe qu'en me fondant sur la connais- sance de stades plus avancés. D'après les données que je possède, j'incline à croire que le cœur embryonnaire est d'origine exclusivement ectodermique et qu'il dérive d'une invagination vésiculaire de ce feuillet. Sa paroi externe est constituée par l'ectoderme dont les cel- lules se sont notablement modifiées. Elles sont devenues fusiformes et se sont allongées dans le sens de la longueur de l'embryon (fig. 39, H). Cette transformation des cellules ectodermiques ne s'observe qu'au niveau du cœur embryonnaire chez les différents céphalophores. Elle a été décrite, par moi, dans Calypirœa synensis et, par Bobretsky, dans Nassa et Fiisus. Il est très facile de constater, sur les embryons vivants de toute une série de Cténobranches, que ces éléments fusiformes se contractent à chaque pulsation du cœur. Pour ce motif, je les ai pris d'abord pom- des cellules mésodermiques. Mais une étude plus attentive faite sur des coupes m'a bientôt fait reconnaître mon errem\ Les éléments 710 M. SALENSKY. contractiles fusiformes du cœur embryonnaire sont des cellules ectodermiques. Les éléments mésodermiques font défaut dans le cœur embryonnaii-e, si l'on fait abstraction de quelques cellules éparses séparées, soit du mésoderme céphalique, soit du mésoderme somatique. Je n'ai pas réussi à voir, dans les coupes, la mise en commu- nication de la cavité du cœur avec les cavités des voiles; mais il y a lieu de penser que cette communication s'établit. Je fonde cette opinion sur les faits suivants : 1. Sur les coupes pratiquées à travers la portion antérieure du cœur embryon- naire, on voit la cavité cardiaque communiquer avec la partie du blastocèle qui siège en dessous du muscle columellaire; d'où il résulte que la cavité cardiaque n'est pas fermée, mais qu'elle communique avec des cavités analogues à celles qui apparaissent dans les voiles et qui sont, elles aussi, im dérivé du blastocèle. 2. Les pulsations rythmiques du cœur embryonnaire, faciles à observer dans tous les mollusques, prouvent que cet organe sert à lancer le liquide, dont il est rempli, dans d'autres cavités. Ce liquide ne peut pénétrer que dans des portions du blastocèle attendu que, à des stades aussi reculés, les cavités cœlomiques sont closes. 3. Dans quelques Cténobranches, par exemple dans Calyptraea, Bucci- num et chez les Pulmonés, il existe, indépendamment du cœur embryonnaire, une seconde cavité pulsatile ; celle-ci siège dans la tête et communique certainement avec le cœur embryon- naire. D'où il résulte que, chez ces mollusques, le liquide du cœur embryonnaire passe dans d'autres cavités embryonnaires et probablement aussi dans les cavités des voiles. Dans Vermetus, la cavité céphalique fait défaut. Je n'ai réussi à la découvrir, ni sur le vivant, ni dans des œufs conservés. Lacaze-Duthiers n'a pas été plus heureux que moi ; tout au moins ne la mentionne-t-il pas. 4. Dans les embryons conservés, les voiles sont plus remplis de liquide et plus distendus que dans les embryons vivants. Si l'on se rappelé qu'au moment ou l'on plonge les embryons dans le liquide fixateur, le cœur embryon- naire est presque toujours en état de systole, ce fait s'expli- ÉTL'DES SLR LE DÉVELOPPEMENT DU VERMET. 711 que. Le liquide du cœur embryonnaire, au moment de la dernière systole, a été lancé dans les cavités des voiles. Revenons à la formation de la cavité palléale. L'examen des coupes transversales, pratiquées au moment où apparaît l'échan- crure que j'ai mentionnée plus haut, démontre que, sur le côté droit de l'embryon, juste à l'endroit oii se montre cette échan- crure, le bord du manteau forme un repli et s'invagine (flg. 38-41 Pif). Cette invagination, qui constitue la première ébauche de la cavité palléale, est très réduite; elle se dirige obliquement vers la face dorsale. La portion invaginée de l'ectoderme se constitue de cellules cylindriques; à sa face dorsale, elle est formée de grosses cellules à peu près insensibles à l'action du carmin; ces cellules supportent la coquille (flg. 38). Aux stades ultérieurs, l'invagination que nous considérons comme étant l'ébauche de la cavité palléale devient plus spacieuse. Les modifications les plus im portantes que l'on observe au cours du développement de la cavité branchiale consistent dans la formation du cœur, du rectum et des reins. L'évolution du rectum sera décrite dans le chapitre suivant. Le développe- ment des reins ne débute qu'après l'apparition du cœur définitif; je vais donc m'occuper tout d'abord de l'évolution de ce dernier organe. J'ai déjà fait observer qu'à des stades comparativement assez jeunes, figurés en 14, A, B, C, apparaît, sur le côté droit de l'embryon, en dessous du bord de la glande préconchylienue, une plaque mésodermique (fig. 14 Mspc). Le siège de cette portion du mésoderme répond au repli de la cavité palléale et au péricarde qui apparaissent plus tardivement. Pour ce motif, je l'ai désignée sous le nom de mésoderme j^éricardique. Il s'étend à partir du bord de la glande préconchylienne, oblique à droite et avoisine le mésoderme céphalique, aussi bien que le mésoderme somatique, sans cependant se confondre avec ces formations (i). (i) Dans ma communication préliminaire « Zur Enlxvickelungsgeschichte von Vermelus fBiolog. Centralblat, Bd. V, n» 18)» j'ai commis une erreur 712 M. SALENSKY. Pendant la formation de l'invagination palléale, le méso- derme péricardique, qui circonscrit cette invagination, se délamine en deux plaques dont l'une siège en dessous de l'ecto- derme de la cavité palléale, tandis que l'autre s'applique contre l'entoderme. La cavité, comprise entre les deux feuillets déla- minés, constitue la cavité péricardique (fig. 38, 39, 40 Peli). Cette délamination répond complètement aux délaminations observées dans les mésodermes céphalique et somatique, la cavité péricardique est homologue au cœlome et les deux plaques qui la délimitent sont les homologues des feuillets splanchnique et somatique du mésoderme. Je les désignerai sous les noms de feuillets splanchnique et somatique du péricarde {Pcsm, Pcsp fig. 38-40). Le mésoderme péricardique se délamine à la face dorsale, en dessous et en arrière de l'invagination palléale; seule sa portion ventrale reste indivise. Au stade figiu^é en 38, le feuillet splanchnique du péricarde commence à s'épaissir dans l'angle supérieur de la cavité péricardique (Pcsm), les cellules y sont accumulées en plus grand nombre que dans le reste de ses parois. Cet épaississe- ment siège à l'endroit où, dans la suite, on verra apparaître le cœur; il constitue la première ébauche de cet organe. A un stade intermédiaire entre ceux figurés en B' et en C' (fig. 41 A-C), l'ébauche du cœur, peu volumineuse encore, a subi des modifications notables. Elle se soulève au-dessus de l'ectoderme sous forme d'une petite calotte plate. Entre sa paroi et l'ento- derme, se creuse ime cavité qui constitue l'ébauche de la futm^e cavité cardiaque. Au point de vue morphologique, cette cavité répond au en considérant le mésoderme péricardique comme étant la continuation immédiate du mésoderme pédieux. Je n'avais pas encore eu l'occasion d'étudier, au moment oii j'ai publié cette note, les premiers stades de l'évo- lution du péricarde, que j'ai réussi à observer plus tard, et qui m'ont démontré que ces deux portions du mésoderme ont une origine indépen- dante. ÉTUDES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU VERMET. 713 blastocèle. Au stade D' fig. -11, la cavité cardiaque devient plus spacieuse et en même temps les parois du cœui' s'aplatis- sent. Le bord antérieur ou ventral du cœur se sépare du feuillet splanchnique du péricarde par un repli profond de ce dernier. Enfin plus tard, l'ébauche du cœur affecte la forme d'une vésicule close, complètement différenciée du feuillet splanchnique, mais encore étroitement apliquée contre ce dernier. Si l'on compare le stade actuel avec le précédent, il devient évident que la séparation du cœiu" du feuillet splanchnique du péricarde, est due à l'enfoncement graduel du repli formé, dans cet endroit, par le feuillet splanch- nique; les bords se réunissent graduellement et le cœur, affectant la forme d'une vésicule close, se sépare du feuillet splanchnique. Les stades ultérieurs du développement du cœur consistent dans l'accroissement de la vésicule cardiaque, et cet accroisse- ment marche parallèlement avec l'extension de la cavité péricardique. Je n'ai pas réussi à observer la formation des orifices artériels et veineux. Aux stades H' et /', le cœur est déjà un tube allongé (fig. 31-27, Cr). Il s'étrangle à son milieu et se divise en ventricule et en oreillette ; son extrémité postérieure s'allonge pour former l'aorte. En même temps, la texture du cœur se modifie. Ses parois s'épaississent; leurs cellules formées d'un protoplasma hyalin, peu sensible à l'action des matières colorantes, émettent des prolongements qui traversent, dans plusieurs directions, la cavité cardiaque. Développement du Rein . On sait que dans plusieurs Prosobranches {Calyptrœa, Buc- ciniim, Fusils et autres), on rencontre, à des stades très reculés du développement, dans la région cervicale, entre la tête et le corps revêtu par la coquille, des cellules glandulaires très parti- culières formant ensemble ce que l'on a appelé les reins provi- soires. La présence de ces organes n'est pas commune à tous 714 M. SALENSRY. les Prosobranches et n'est point caractéristique de ce groupe de mollusques. Vermetiis peut être cité parmi les mollusques chez lesquels non seulement la vésicule céphalique, mais aussi ces reins font défaut. Peut-être est-ce la conséquence de ce que l'embryogénie de ce mollusque est condensée. J'avais observé, il est vrai, dans quelques embryons, à des stades reculés de leur évolution, de grosses cellules disséminées dans la région cer- vicale, qui sont peut-être les vestiges des reins provisoires ; mais elles sont si faiblement développées et se rencontrent si rarement que j'hésite à me prononcer positivement sur leur nature. Le rein définitif àe Vermetus apparaît relativement fort tard. Je n'ai pu reconnaître les ébauches de cet organe qu'au stade figuré en 39, alors que le cœur est déjà une vésicule close. En examinant successivement toute une série de coupes, à partir de la portion postérieui-e du péricarde, l'on distingue, en avant du cœur, dans l'angle antérieur ventral de la cavité péricardique (fig. 39, F), un petit amas de cellules mésoder- miques. Cet amas dont les contours sont nettement tracés, se trouve juste à la limite entre la cavité péricardique et le cœur embryonnaire (ôg. 39, F, H, En). Sur toutes les coupes qui montrent le cœur embryonnaire, l'on voit cet amas de cellules qui, à en juger d'après les stades ultérieurs du développement, représente l'ébauche du rein. Les coupes transversales démon- trent que cette ébauche est bien un amas ovoïde de cellules mésodermiques (fig. 39, //, et (r, Rn). Aussitôt que l'on dépasse la limite du cœur embryonnaire l'ébauche du rein n'est plus distincte. A des stades reculés de l'évolution, alors qu'une grande quantité de vitellus existe encore dans la portion antérieure de l'embryon et que le manteau est encore faiblement déve- loppé, il est très difficile de confectionner une coupe longitu- dinale du rein. Au stade H', où le vitellus a déjà disparu de la région céphalique, l'ébauche du rein devient reconnaissable dans les coupes longitudinales (fig. 34, A, En). Elle affecte la forme d'un amas cylindrique de cellules, saillant dans la cavité ÉTUDES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU VERMET. 715 péricardique. Elle est quelque peu incurvée dans la direction de la paroi qui délimite la cavité brancliiale. Son extrémité postérieure est arrondie; son extrémité antérieure n'adhère pas immédiatement à la cavité branchiale à proprement parler, mais à une invagination peu étendue, dépendant de cette dernière (fig. 34, A, Inr) avec laquelle elle se soude. Cette invagination constitue l'ébauche du canal rénal. Son orifice représente, dans la suite, l'orifice du rein. Au stade J, le rein est déjà un large cul-de-sac (fig. 31, A, à E, Rn), qui à droite s'ouvre dans la cavité palléale par un orifice infundibuliforme (Inv). A ce stade la limite qui séparait le corps du rein dérivé du mésoderme et le canal rénal produit par l'ectoderme est encore assez nette. Le rein est formé de cellules cubiques à protoplasma hyalin, tenant en suspension de petits noyaux clairs et brillants. Le canal rénal se constitue de grosses cellules à protoplasma granuleux qui renferme de gros noyaux. Les organes digestifs Le canal digestif de Vermetiis se forme en partie aux dépens de l'ectoderme et en partie aux dépens de l'entoderme. L'ectoderme donne naissance à l'œsophage; l'entoderme à l'intestin et au rectum. L'ébauche de l'œsophage apparaît en premier lieu, en second lieu se forme le rectum; l'intestin en dernier lieu. L'œsophage. C'est l'invagination œsophagienne décrite dans les chapitres précédents qui sert d'ébauche à l'œsophage. Au début, il affecte la forme d'un entonnoir, dont l'extrémité élargie regarde la surface de l'embryon. L'orifice externe représente l'orifice buccal. Le fond tronqué de l'entonnoir est ouvert; ses bords s'appliquent fortement contre l'entoderme secondaire (fig. 18, C, Z)); son orifice se trouve bouché par des cellules de ce feuillet embryonnaire. Les parois de l'œsophage sont formées de cellules cylindriques. Dans la portion antérieure de cet organe elles portent des cils vibratils. Aux stades ulte- 716 M. SALENSKY. rieurs de l'évolution la texture de l'œsophage se modifie peu. Ses éléments constitutifs sont toujours des cellules cylindriques, ciliées dans sa région antérieure et nues dans sa portion postérieure. Il est très probable que les cellules de l'œsophage résorbent le vitellus nutritif pendant la vie embryonnaire. La présence de grains vitellins dans cette portion du canal digestif en est un indice. Au début, l'œsophage occupe une position axiale dans le corps de l'embryon; mais quand ce dernier se tord à droite l'œsophage suit cette torsion (fig. 30, C, D, E Œs). La soudure de l'œsophage avec l'intestin s'opère seulement dans les derniers stades de l'évolution, après que les parois de l'intestin ont commencé à se difîerentier. L'œsophage donne naissance à deux appendices : 1° aux culs-de-sac de la radule et 2° à deux autres diverticules qui, d'après leur situation, doivent être considérés comme étant les ébauches des glandes salivaires. Les culs-de-sac de la radule se forment avant les glandes salivaires. Leurs premiers vestiges deviennent manifestes au stade C Dans le voisinage de l'orifice buccal les cellules de la paroi postérieure de l'œsophage se multiplient activement et consti- tuent une plaque dont les contours apparaissent nettement dans des coupes longitudinales. Au stade subséquent cette ébauche primitive fait saillie en arrière et forme un cul- de-sac (fig. 29, Sr). Les parois de ce sac s'épaississent surtout dans sa portion postérieure close, et sa cavité se réduit d'autant. Au stade H une membrane mésodermique se forme autour de cet organe. Les cellules mésodermiques s'accumulent surtout à la paroi antérieure du cul-de-sac de la radule. Au stade T ses parois et surtout sa paroi ventrale antérieure se différencient en trois portions (fig. 35, B) : une médiane formant un cous- sinet sur lequel va apparaître la radule et deux latérales fortement épaissies. En même temps se montre, à l'extrémité antérieure du cul- de-sac, ime plaque épaisse qui proemine dans sa cavité, pour ÉTUDES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU VERMET. 717 former une voûte au-dessus du coussinet. A ce stade apparais- sent déjà les premières dents de la radule. Les deux invaginations (culs-de-sac) qui constituent proba- blement les ébauches des glandes salivaires, se montrent plus tard en avant de la radule. Elles naissent à la paroi dorsale de l'œsophage et, au stade H, s'allongent considérablement et s'enfoncent dans le mésoderme pédieux. Leurs parois sont formées de cellules cylindriques. Elles ne subissent aucune modification dans les derniers stades que j'ai réussi à observer. Le rectum et Vintestin dérivent d'une ébauche commune aux dépens de l'entoderme secondaire. J'ai déjà décrit le mode de formation de l'entoderme secondaire aux dépens des macro- mères de l'entoderme primaire. L'amas de cellules de l'ento- derme secondaire augmente de volume; au fur et à mesure de son accroissement, les cellules de l'entoderme primaire se réduisent. Dans ces dernières, on peut distinguer longtemps encore le deutoplasma et le protoplasma tenant en suspension de gros noyaux. Bien que je n'aie pas réussi à observer la division des noyaux de l'entoderme primaire, il ressort avec évidence du fait de la réduction graduelle des éléments qui le constituent, que l'entoderme secondaire se développe à ses dépens. A partir du stade E', l'entoderme primaii^e n'est plus guère reconnaissable. Toute la portion interne de l'embryon se compose de petites cellules polyédriques dont le proto- plasma renferme une gi-ande quantité de granules vitellins; chacune d'elles possède un petit noyau sphérique et granuleux. Cette masse se transforme partiellement en un epithelium intestinal ; elle est en partie résorbée, devient granuleuse et se liquéfie. La différenciation de la paroi épithéliale de l'intestin n'inté- resse pas en même temps toute la surface de l'entoderme. En outre elle s'opère fort lentement et est encore loin d'être achevée dans les derniers stades que j'ai réussi à observer. Les premiers indices de la transformation des cellules ento- dermiques en un epithelium apparaissent au stade D'. Du côté droit de l'embryon, en arrière de l'ébauche de la cavité 718 M. SÂLENSKY. palléale, se montre une petite plaque, qui consiste en un epi- thelium cylindrique; celle-ci passe insensiblement aux cellules polyédriques de l'entoderme secondaii-e. Cette plaque repré- sente la première ébauche du rectum. Elle se soulève quelque peu au-dessus du niveau de la surface de l'entoderme; sous elle se montre un espace peu étendu, la. cavité du rectum. Aux stades ultérieurs figurés de A' à D', le rectum s'accroît en avant sous la forme d'un tube creux terminé en cul-de-sac; il longe le repli du manteau qui constitue la cavité palléale. La situation de cette portion du canal digestif par rapport au cœur, aux reins et au cœur embryonnaire se voit dans la série des figures 39, J. à E. L'ébauche du rectum est plus voisine de la face ventrale de l'embryon que tous les organes susmen- tionnés. Son extrémité, terminée en cul-de-sac, se soude avec l'ectoderme du pli du manteau (fig. 39, E). C'est au point où se fait cette soudure que l'on verra apparaître l'anus au stade figuré en O'. Le rectum est rempli de grains vitellins pendant toute la durée de son évolution, ce qui permet de supposer que lui aussi résorbe les éléments nutritifs. Après la formation du rectum a lieu la différenciation de l'intestin. Il se montre au stade figuré en F', sous forme d'une plaque peu étendue appliquée contre l'ectoderme et semblable à l'ébauche du rectum. La seule différence consiste en ce que cette plaque ne se soulève point au-dessus de l'entoderme. Les parois latérales de l'intestin se montrent plus tard aux stades figurés en H et en T. Leur formation débute à droite là où siège le rectum et progresse d'avant en arrière. Cette plaque épithéliale se compose de cellules cylindriques qui se multiplient énergiquement, d'où il résulte que la plaque s'amincit à mesure qu'elle s'étend. Elle intéresse à peu près toute l'étendue de la première spirale de l'embryon tordu ; en arrière et sur les côtés, elle passe insensiblement à la masse des cellules entodermiques qui ne sont pas encore transformées en epithelium. Toute la portion postérieure de l'entoderme, celle qui dans la suite donne naissance au foie, se constitue en partie de cellules polyédriques et en partie d'une substance ÉTUDES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU VERMET. 719 granuleuse tenant en suspension des noyaux fortement modifiés. Les cellules épithéliales de la paroi latérale de l'intestin se distinguent des autres en ce que, aussitôt après leur différen- ciation, elles deviennent ciliées. La présence de cils dans la paroi de l'intestin contigue au rectum indique peut-être que ses cellules servent plutôt à l'éloignement des aliments non digérés par les autres cellules du vitellus, qu'à la digestion. En dessous de l'épithélium de la paroi latérale de l'intestin se trouve une masse finement granulée de vitellus, tenant en suspension quelques noyaux modifiés. Il est difficile de suivre de proche en proche le processus de la transformation de la plus grande partie de la masse centrale de l'entoderme en une masse nutritive. Elle résulte de la destruction des cellules. Je puis dire seulement que les limites des cellules disparaissent, que les noyaux se renflent, pei-dent eux aussi leurs contours et se résolvent en une substance fine- ment granulée, qui se confond bientôt avec le protoplasma, lui aussi fort granuleux, des corps cellulaires. De la formation des feuillets embryonnaires du Vermet dans ses rapports avec la forme ancestrale des Métazoaires. Le mode de segmentation de l'œuf, tel que je l'ai décrit en détail au début de ce mémoii-e, se rencontre, avec des varia- tions plus ou moins étendues, chez un grand nombre d'animaux. Il conduit à la formation d'un amphigastrula. Je crois devoir, après avoir exposé, à un point de vue purement objectif, les différents stades de la segmentation et de la formation des feuillets chez le Vermet, faire connaître ici mes idées sur les liens qui rattachent ces phénomènes évolutifs à ceux que l'on a observés, au début de l'évolution, chez d'autres métazoaires. La première tentative qui ait été faite, dans le but de ramener à un seul et même type les premiers phénomènes de l'évolution des métazoaires date d'il y a vingt ans. C'est à Hœckel que revient le mérite d'avoir tenté le premier cette 720 M. SALENSKY. synthèse et, nul ne le contestera, sa théorie de la Gastrœa a exercé une influence considérable sur les progrès de la mor- phologie moderne. Il se fait que les premières recherches soignées, relatives à la formation des feuillets de l'embryon, chez les invertébrés, portèrent sur des formes chez lesquels une gastrula, résultant d'un véritable embolie, apparaît dans le cours du développement. Comme le nombre des formes chez lesquelles on observe une vraie gastrula l'emportait sur celles où cette forme paraissait faire défaut, il pouvait sembler alors que l'archigastrula ou gastrula invaginée constitue une forme primordiale commune à tous les métazoaires. Cette affirmation constitue l'idée fondamentale de la théorie de la Gastrœa de Hœckel. Hœckel, et avec lui beaucoup d'embryologistes qui accep- tèrent ses idées, considérèrent comme pouvant être déduits de l'archigastrula les autres modes alors connus de la formation des feuillets. Bien des objections furent faites, dès le moment où elle parût, à la théorie de Hœckel. Il paraissait impossible de faire dériver de l'archigastrula, en appelant à son secours la cœnogénèse, divers développements observés particulièrement chez les métazoaires inférieurs, tandis que la formation d'une gastrula par in\ agination paraissait pouvoir être déduite de ces formes plus primordiales. Chez plusieurs cœlentérés la for- mation de l'entoderme résulte, soit d'une immigration de cellules, soit d'une délamination de la blastula. La formation des deux feuillets primordiaux par délamination d'une assise cellulaire unique, entoui^ant de toutes parts une cavité centrale, fut découverte chez les Géryonides par Mecznikow et par Fol. Le nombre des formes chez lesquelles l'on observa la forma- tion de l'entoderme, soit par délamination de la paroi d'une blastula, soit par immigration de cellules dans le blastocèle, s'accrût d'année en année, au point qu'aujourd'hui ces derniers modes de formation des feuillets paraissent être notablement plus fréquents, chez les métazoaires inférieurs, que l'invagina- tion. L'on en a conclu avec raison que l'archigastrula n'est ÉTUDES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU VERMET. 721 pas une forme primordiale, mais bien au contraire une forme accidentelle ou, si l'on veut, secondaire ; que les formes primor- diales sont caractérisées par l'absence d'une cavité digestive ouverte et deux théories différentes tentèrent de se substituer à la théorie de la Gastrœa : la théorie de la Planula de Ray Lankester et la théorie de la Par enchy mula de Mecznikoff. Pour Eay Lankester la forme primitive des métazoaires est la Planula. Elle consiste en une vésicule close dont la paroi est formée de deux couches cellulah^es, l'ectoderme et l'ento- derme. La couche interne délimite une cavité digestive; mais celle-ci ne communique pas primitivement avec l'extérieur; elle est dépourvue de blastopore. La Planula procède d'une blastula par voie de délamination. Elle constitue un stade de l'évolution des Géryonides et de quelques autres méduses. La Parenchymula de Mecznikow, désignée plus tard par le même auteur sous le nom de Phagocytella, procède d'une blas- tula, tantôt par délamination, tantôt par immigration de cellules isolées. Elle est dépourvue de cavité digestive, mais possède un blastocèle qui se remplit de cellules entodermiques immigrées. La Parencliimula n'est donc pas une vésicule mais bien une forme embryonnaire pleine. Ces deux théories, parti- culièrement celle de Mecznikow, indépendamment d'autres avantages, sont supérieures à la théorie de la Gastrœa, en ce qu'elles permettent de rattacher le stade didermique, commun au début de l'évolution de tous les métazoaires, aux formes coloniales des protozoaires et d'entrevoir ainsi le lien qui rat- tache les métazoaires primitifs aux organismes mono-cellulaires. Mecznikow a fait un exposé très détaillé de sa théorie dans ses " Emhryologische Studien an Medusen. „ Il voit le proto- type des métazoaires dans des Flagellates coloniales, chez lesquelles les cellules seraient capables de se diviser suivant trois directions perpendiculaires entre elles, et il donne à ces êtres le nom de " Metazoa flagellata. „ Cette faculté des cellules flagellifères de se diviser suivant trois plans aurait amené d'une part la formation d'une planula, née par délamination, telle qu'on l'observe chez les Géryonides et, d'autre part, 722 M. SALENSRY. l'apparition de la Pliagocytella (Parenchymula) d'autres méduses. L'on connaît plusieurs formes de transition entre ces deux types. La délamination ou l'immigration a pu s'effectuer au début en un grand nombre de points de la planula, se localiser plus tard en un point unique, répondant au pole de la blastula, où apparaîtra plus tard la bouche. Dans le premier cas l'immi- gration est multipolaire, dans le second elle est hypotrope. De ce dernier processus à l'invagination il n'y a qu'un pas. Si les cellules, au lieu d'immigrer une à une dans le blastocèle, s'y enfoncent toutes ensemble, elles donneront lieu à une véritable invagination. L'invagination peut donc être conçue comme dérivant de la délamination et l'immigration constitue une étape intermédiaire entre les deux processus extrêmes. Quelque séduisante qu'elle puisse paraître, l'hypothèse de Mecznikow a, elle aussi, ses côtés faibles; ils ont été mis en évidence par Biitschli. Cet auteiu- fait observer avec raison que l'on cherche en vain l'avantage qui aurait pu résulter, soit d'une délamination, soit d'une immigration, pour les cellules primitivement rangées en une assise unique à la périphérie d'une colonie vésiculaire de flagellés. Dans de semblables colonies chaque cellule se procure elle-même sa nourriture; placées à la périphérie de la colonie, les unes à côté des autres, elles se trouvent dans des conditions bien plus favorables, au point de vue de leur nutrition, qu'immigrées à l'intérieur de la vésicule. Si l'on suppose une colonie de flagellés, dont tous les individus seraient également bien adaptés à l'accomplissement des fonctions motosensorielles et des fonctions de nutrition, l'immigration, vers l'intérieur de la vésicule, d'une partie des individualités cellulaires ne pourrait être que désavantageuse pour la colonie, en rendant la préhension des aliments plus difficile pour une partie tout au moins des associés. Logés à l'intérieur de la vésicule, ces individus devront écarter les cel- lules superficielles pour pouvoir allonger leurs pseudopodes, à moins de les faire passer par les méats intercellulaires super- ficiels. Dans l'une comme dans l'autre hypothèse, ils occupe- raient une position bien moins favorable que s'ils étaient restés ETUDES SUR LE DEVELOPPEMENT DU VERMET. rio à la surface de la colonie. Cette objection perdrait de sa valeur s'il était permis de supposer, comme point de départ poui- la pliylogénèse des métazoaires, des colonies de flagellés vivant à la façon des plantes ; mais il faut bien, pour rendre compte de l'évolution animale, supposer comme point de départ une colonie animale, c'est-à-dii-e une colonie de protozoaires se nourrissant à la manière des animaux. Aussi que voyons-nous dans les flagellés actuels, tels que les Volvocmées et les Protospongia, chez lesquels on observe le phénomène de l'immigration? Dès qu'elles quittent la surface pour pénétrer dans l'intérieur de la vésicule, les cellules cessent de se procurer leur nourriture. Elles n'immigrent que lorsqu'est arrivé pour elles le moment de la reproduction; elles sont alors chargées d'une réserve alimentaire et l'on conçoit, que n'ayant plus besoin de nourri- ture, elles trouvent un avantage sérieux à quitter la surface, pour s'adonner, à l'abri des causes extérieures, aux soins de la reproduction. Biitschli proposa une théorie nouvelle bien connue sous le nom de " Théorie de la Plakida. „ Lui aussi prend comme point de départ une colonie de flagellés, non plus de flagellés vésiculiformes, comme l'avaient fait ses prédécesseurs, mais bien de flagellés lamellaii^es, comme le sont les Gonium par exemple. L'organisme lamelleux, formé au début par une seule assise cellulaire, se compliqua par subdivision des cellules primitives en deux assises adjacentes entre elles. C'est ce flagellé didermique supposé que Btitschli appelle Placula. De plane qu'elle était d'abord la placula, en s'incurvant, devint hémisphérique et puis progressivement elle se compléta, de façon à devenir une Gastrula sphéroïdale ou ovoïde, pourvue d'un blastopore à l'un de ses pôles. La blastula serait, dans cette hypothèse, une forme cœnogénétique et non palyngéné- tique et le blastocèle ne serait point homologue à la cavité des flagellates vésiculaires, mais bien une cavité interposée entre la couche des cellules motosensorielles et la couche des cellules nutritives. La formation de l'archigastrula serait précédée p?.r la transformation cœnogénétique de la placula en une 724 M. SALENSKY. blastula vésiculaire, dont l'un des hémisphères serait motosen- soriel, l'autre nutritif. Pour Biitschli, la formation de l'archi- gastrula serait le résultat d'un retard dans le processus de la délamination. L'invagination ne s'opérerait qu'après que la placula se serait transformée en une sphère. L'archigastrula dériverait donc, non pas de la placula, mais d'un stade précoce non différencié du stade placula et Mecznikow propose de désigner ce stade sous le nom de " Proplakula. „ Bien que l'hypothèse de Biitschli ait été émise dans le but de tourner les difficultés que soulève l'hypothèse de Meczni- kow, il faut bien reconnaître qu'elle ne les résoud pas com- plètement. Biitschli fait observer que l'immigration de cellules dans la cavité centrale ne peut être avantageuse, qu'elle doit même être désavantageuse à une colonie vésiculaire de flagel- lates, primitivement formée d'un assise unique de cellules périphériques toutes semblables entre elles, comme c'est le cas chez les Volvox, par exemple. Mais quel avantage peut-il y avoir à ce qu'une colonie lamel- laire, monodermique, devienne didermique? Biitschli recon- naît lui même qu'il est difficile de dire en quoi une semblable transformation peut avoir été avantageuse et il se borne à dire qu'en tous cas, elle ne peut avoir été désavantageuse. L'argument qu'il tire du mode de développement observé chez Cucidlanus, Bhabdo7iema, Lmnhricus, Phoronis, Chiton, Ascidia mentula, Paludina, Sagitta, ne paraît pas très probant : le stade visé par Biitschli ne peut être ramené, ni au type de la blastula, dans laquelle le blastocèle serait faiblement déve- loppé, ni au type de la placula, puisqu'un blastocèle s'y trouve déjà sous la forme d'une fente. De plus l'on ne connaît, parmi les flagellates, aucune forme répondant au type de la placula supposée. Tous les flagelles lamelliformes, à la manière des Gonium, sont formés d'une assise unique de cellules, et sont des colonies homoplastides. Seuls les flagellates vésiculaires sont hétéroplas- tides. Biitschli s'appuie sur l'existence du type Trichoplax, découvert par F. E. Schulze. Mais il faut bien reconnaître que ÉTUDES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU VERMET. 725 l'on connaît trop peu, non seulement la structure, mais encore et surtout le développement de cet organisme, pour que le rapprochement tenté par Btitsclili puisse être considéré comme fondé, alors surtout que, par la présence non de deux, mais de trois couches cellulaires, le Trichoplax s'éloigne si considé- rablement du type hypothétique de Blitschli. Il me paraît incontestable qu'aucune des hypothèses que nous avons passées en revue ne permet de se rendre compte de la raison qui, en déterminant l'immigration de cellules nutritives dans l'intérieur d'une colonie monodermique, a amené la formation d'un organisme didermique, prototype et souche de l'ensemble des Métazoaires. L'hypothèse de la G-astrœa (Gastrœatheorie) serait la plus acceptable, n'était qu'elle n'explique ni la Planula, ni la Paren- chymula, si fréquentes dans l'évolution des Métazoaires infé- rieurs et des Zoophytes en particulier. L'immigration s'observe non seulement dans l'édification du stade didermique des Métazoaires, mais même chez les Protozoaires coloniaux. Dans les flagellates coloniaux tels que Vol vox, Protospongia, etc., l'on observe en effet un processus fort semblable à celui que l'on connaît chez les Zoophytes sous le nom d'immigration cellulaire. Des cellules superficielles quittent la périphérie et gagnent la profondeur pour y servir à la reproduction. Les colonies de Yolvox, constituées d'un assise périphérique de cellules motosensorielles, logeant à leur intérieur un certain nombre de cellules immigrées, rappellent si complètement les stades reculés de l'évolution des Métazoaires caractérisés par la présence de cellules immigrées, que l'on peut, me paraît-il, se fonder sur cette ressemblance pour justifier l'hypothèse que je vais développer. La première différenciation cellulaire, caractérisant le passage des protozoaires coloniaux au prototype des Méta- zoaires a consisté dans la division des cellules, en motonutri- tives d'une part, en cellules génitales de l'autre. Les cellules nutritives des Métazoaires procèdent elles-mêmes de cellules primitivement affectées aux besoins de la reproduction. 726 M. SALEISSKY. Cette idée a été conçue simultanément par Gotte et par moi. Je l'ai formulée il y a quelques mois dans le Biologisclies Ceniralblatt. Elle présente des connexions étroites avec la question de l'origine du blastopore. Si jusqu'ici l'on s'est liwé à de longues et patientes recherches, si l'on a discuté à perte de vue sur la destinée du blastopore, sur les liens génétiques qui rattachent cet orifice à la bouche et à l'anus de l'adulte, l'on s'est beaucoup moins préoccupé des causes de son appari- tion ou de son occlusion, et aucune hypothèse plausible n'a été émise, ni sur sa genèse, ni sur la raison de son occlusion chez tant d'animaux. L'on admet généralement que, chez les formes ancestrales des Métazoaires, le blastopore aurait fonctionné comme bouche. Mais comment compreiidre alors sa disparition chez les Métazoaires actuels et l'apparition d'orifices secondaires, la bouche définitive et l'anus, qui fort souvent apparaissent à l'endroit même où s'est opérée la soudure des lèvres du blastopore? La physiologie ne peut rendre compte de ces faits. Ils deviennent au contraire très compréhensibles, si l'on admet que la forme ancestrale des Métazoaires doit être cherchée dans des colonies vésiculaires de Flagellates se déve- loppant à la manière des Volvox actuels, que le blastopore répond à l'orifice que présentent les jeunes colonies de Volvox et qui, lui aussi, disparaît dans le cours de l'évolution. Les Volvox se développent aux dépens d'un stade lamelliforme, pendant lequel ils peuvent être comparés à des Gonium. La lame s'incurve, donne naissance à une calotte ouverte, dont l'orifice se rétrécit progressivement et se ferme enfin, au moment de la maturation des produits sexuels. L'organisme hypothétique que nous considérons comme la souche des Métazoaires devait se développer de la même manière ; mais il différait des Volvox actuels en ce que les individualités cellu- laires de la colonie étaient capables de nutrition animale comme c'est probablement le cas chez les Protospongia. Comme les Volox, l'ancêtre hypothétique des Métazoaires était capable d'engendrer des cellules génitales, semblables à des ÉTIDES SIR LE DÉVELOPPEMENT IH VERMET. "27 partlienogonides. Ces cellules probablement amseboïdes, comme celles des Protospongia, après s'être séparées de la paroi de la colonie, tombaient dans le génitocèle, nom sous lequel nous désignons la cavité de la colonie. La maturation des cellules génitales et l'évolution des embryons s'opérant dans cette la cavité, après l'occlusion de la vésicule, il est clair que le génitocèle constitue une véritable chambre d'incubation destinée à protéger les germes et leurs dérivés. L'on sait que, chez les Volvox, les colonies filles peuvent donner naissance à des parthénogonides avant de sortir de la colonie mère; que parfois aussi elles éclosent avant l'occlu- sion de leur orifice. Nous sommes autorisés à penser que les mêmes faits ont pu se présenter chez les formes ancestrales des Métazoaires, tout au moins à titre de particularités indivi- duelles. Il devait être avantageux, pour la nutrition des cellules génitales, capables de mouvements amseboïdes, que l'éclosion se fit avant l'occlusion de l'orifice colonial. Cette éclosion précoce, d'abord accidentelle, par cette seule raison qu'elle constituait un avantage pour les colonies nées prématu- rément, a dû bientôt dévenir héréditaire et constante, et la persistance de l'orifice a du s'accuser davantage de génération en génération. Les formes pourvues d'un orifice, pendant une période plus ou moins prolongée de l'existence, se trouvant dans des conditions plus favorables au point de vue de l'ali- mentation des parthénogonides, ont dû produire un nombre croissant de cellules reproductrices et se multiplier plus active- ment que les autres. Il a dû naître des formes passant la plus grande partie de leur existence sous forme de vésicules ouvertes, fortement chargées de parthénogonides, et chez lesquelles l'occlusion de l'orifice ne s'opérait qu'au moment de la maturation des cellules reproductrices et de la formation de colonies filles aux dépens des parthénogonides. Ce stade ouvert est pour nous le prototype des Métazoaires. Je l'ai appelé génitogastrula. Il persiste pendant la plus grande partie de la vie de l'organisme maternel et le stade fermé, devenu secondaire, n'apparait plus qu'au moment de la reproduction. 728 M. SALEÎSSKY. Il est à supposer que la nutrition active des partliénogonides a déterminé une multiplication rapide de ces éléments. Il a dû arriver que toutes les partliénogonides n'ont pas pu donner naissance à des colonies filles, l'espace délimité par la couche cellulaire périphérique de l'organisme maternel étant néces- sairement limité. Une partie d'entre elles n'ont pu arriver à maturité; elles ont conservé leurs mouvements amaeboïdes; delà la subdivision du groupe des parthénogonides en deux catégories de cellules : les cellules génitales et les cellules nourricières. Je propose le nom de Phagogénitohlaste pour désigner la couche interne composée de cellules nourricières et de cellules génitales, et je conserve, pour désigner la couche externe formée de cellules amaeboïdes, le nom de KynoUade proposé par Mecznikow. Les cellulles nourricières du Phagogénitohlaste ne pouvaient fonctionner facilement que pour autant que l'orifice colonial restât ouvert. H était donc avantageux pour l'ensemble de la colonie, que l'occlusion de l'orifice ne se produisît qu'au moment de la maturation des produits sexuels et de la forma- tion des colonies filles. L'expulsion des embryons dut entraîner la formation d'un ou de plusieurs orifices de sortie et il était indiiférent que l'orifice servant à l'élimination des germes coïncidât ou non avec l'orifice colonial primitif. Ces orifices secondaires une fois formés ont pu persister pour constituer une bouche ou un anus secondaires. La série des modifications que nous avons signalées se retrouve dans le même ordre, dans le cours de l'évolution des Métazoaires. L'on y constate bien en outre des modifications cœnogénétiques ; l'enveloppement des macromères par les micromères (l'épibolie), aussi bien que l'invagination (embolie); mais ces phénomènes ne sont cependant que la reproduction de l'incurvation du stade lamelliforme des flagellates coloniaux. Le blastopore est pour nous un reste de l'orifice colonial ; la soudure des lèvres du blastopore répond à l'occlusion de ÉTUDES SIR LE DÉVELOPPEMENT DU VERMET. 729 l'orifice colonial. La formation de nouveaux orifices (bouche ou anus) se lie phylogénétiquement à l'apparition d'un orifice secondaire dans les colonies de flagellates. Il faut s'attendre à priori à voir la genèse des feuillets embryonnaires ne reproduire que fort imparfaitement les pro- cessus génétiques primitifs et, en fait, l'on constate des variations multiples dans le mode de formation des couches cellulaires primitives. Les stades confondus sous le nom de blastula, n'ont pas tous, à notre avis, la même signification, mais se rattachent à deux types qu'il y a lieu de distinguer, ce qui ressort clairement de la manière dont ils engendrent la gastrula. Dans l'un de ces types auquel se rapportent les blastula formées par délamination ou par immigration, la ScJmoUastula et la PoreioUastula, comme je les ai désignées dans mon opuscule " Urform der Heteroplastiden, „ la blastula est palyngéné tique : elle répond à une colonie de flagellates vési- culeuse close; la formation des cellules génitales s'opère après l'occlusion de l'orifice colonial. La cavité représente le Phago- génitocèle. Dans le second type, qui embrasse les diverses formes de Gastroblastida, V AmpJdblaskda, V Archiblastula, la Feri- blastida et la Biscoblastida, nous avons à faire à des altérations cœnogénétiques. La cavité de la blastula est ici un blastocèle dont l'apparition précoce témoigne de l'intervention de la cœnogenèse. De même que, chez les Volvox, le moment de l'apparition des cellules génitales peut probablement varier et coïncider avec des stades ditïéreuts de l'évolution de la vési- cule, de même, chez les Métazoaires, les cellules endodermi ques peuvent apparaître à différents moments de la formation de la blastula, tantôt avant, tantôt après l'occlusion de la vésicule. Dans Schizoblastula et Poreioblastula, les cellules entoder- miques se forment aux dépens des parois de la vésicule close. Comme ces formes répondent à une colonie de flagellate, formée par une assise unique de cellules périphériques, leur blastopore existe avant la diiférentiation de l'entoderme, et n'est point l'orifice qui, plus tard, met en communication avec l'extérieur la 730 M. SALENSia. cavité gastrogénitale. Dans Poreioblastula les cellules ento- dermiques se forment par division longitudinale des cellules de la blastula et la formation du feuillet interne résulte d'une immigration. Dans Schizoblastula, les cellules de la blastula se divisent transversalement, parallèlement à la surface, d'où résulte que l'endoderme se forme par délamination. Pour rattacher l'un à l'autre ces deux processus, Mecznikow a supposé que, dans la forme ancestrale supposée des Métazoa Flagellata, la division cellulaire pouvait s'opérer dans trois directions et que cette faculté a été héritée par les Métazoaires. Les nombreuses observations de Mecznikow sur la formation des Poreioblastula, nous autorisent à penser que la division longitudinale des cellules a été le mode primordial de multi- plication de ces éléments et une série de forme de transition conduisant à la division transversales se présentent : les plans de division, au lieu d'être perpendiculaires à la surface sont souvent obliques. Les Gasteroblastula sont beaucoup plus variées que les blastula du premier type, ce qui doit être, si elles sont réelle- ment le résultat de modifications cœnogénétiques. La cœno- genèse a amené une differentiation précoce des cellules entodermiques en même temps qu'une apparition précoce du blastocèle qui, dans les représentants du premier tj'pe, ne se montre qu'après l'apparition de la cavité digestive. La distri- bution inégale du vitellus nutritif dans les blastomères a exercé aussi son influence sur les stades successifs de l'évolu- tion des Gasteroblastula. L'étendue du blastocèle varie et dépend de la quantité plus ou moins considérable de vitellus nutritif dans les macromères. Dans les Gasteroblastula la séparation des éléments ento- dermiques et ectodermiques s'opère pendant la segmentation et souvent s'accuse, quoique ce ne soit pas toujours le cas, par une répartition inégale du vitellus nutritif, d'où résulte la formation de macromères et de micromères. Chez les mollus- ques, chez lesquels la segmentation s'opère comme chez le Vermet^ cette différence se manifeste au stade où l'œuf se ÉTUDES SIR LE DÉVELOPPEMENT DU VERMET. 731 divise en huit, bien que la différenciation des éléments ectoder- miques d'une part, entodermiques de l'autre, n'apparaisse que plus tard. L'Amphiblastula et l'Ampliigastrula, où le blasto- cèle est très réduit, sont le résultat de cette forme de segmentation. La transition des blastula et gastrula épiboliques aux formes endoboliques s'observe, d'une part, chez quelques mol- lusques (Patella, Fasus), où les macromères s'enfoncent quelque peu et où le blastocèle se développe plus fortement que dans les amphigastrula typiques, d'autre part chez les formes aplaties de blastula où le blastocèle est faiblement développé. L'épibolie et l'endobolie sont au fond des processus similaires : ils ne diffèrent entre eux que par des particularités mécaniques de l'enveloppement. Dans la formation des gastrula endobo- liques, les cellules de l'entoderme, qui constituent l'un des hémisphères de la blastula, se divisent suivant leur longueur et donnent naissance à une mince plaque qui cède à la pression de l'hémisphère ectodermique de la blastula et s'invagine dans l'intérieur du blastocèle. L'invagination est le résultat de la pression exercée par la couche ectodermique sur les bords de la portion entodermique de la blastula. Grâce à sa minceur, la portion entodermique de la blastula cède facilement à cette pression. Dans les formes épiboliques, tantôt les cellules ento- dermiques restent complètement indivises, tantôt, au contraire, elles se divisent dans tous les sens en formant un amas cellulaire qui, à raison même de sa masse, résiste à la pression de l'hémis- phère ectodermique. Bien que le volume des cellules entoder- miques joue un rôle important dans la détermination de la forme de la gastrula, elle ne constitue point la condition exclusive de l'apparition de cette forme. Dans quelques mollusques {Natica, Patella), malgré le volume considérable des cellules entoder- miques, on voit apparaître une gastrula endobolique quelquefois fort nettement accusée (Natica). Dans des formes semblables, la division des cellules entodermiques marche rapidement ; elle se fait exclusivement dans le sens de la longueur des cellules. Par contre, dans d'autres mollusques, où les cellules entodermi- 732 M. SALENSKY. ques ont le même volume, mais où elles ne se fractionnent pas avant l'occlusion du blastopore, ou bien se fractionnent dans différentes directions, on voit apparaître une gastrula épibo- lique bien caractérisée. Pour le moment, il est difficile d'expliquer d'où dépend la direction suivant laquelle s'opère la division des cellules. La cause en est probablement dans la texture moléculaire des cellules elles-mêmes et il y a lieu de penser que les différences sont dues à des modifications cœnogénétiques. La formation du mésoderme est un des problèmes les plus obscurs de l'embryologie comparée. Depuis que l'on a commencé à étudier le développement, l'on a cherché à ramener la forma- tion du mésoderme des divers types à un seul et même pro- cessus. L'on n'y a guère réussi. Plus les observations se sont multipliées, plus il est devenu évident que la genèse du méso- derme s'accomplit de diverses manières. L'on a vu : 1° que le mésoderme se forme ici, aux dépens de l'ectoderme, là aux dépens de l'entoderme ; 2^ que même dans les cas où le mésoderme procède de l'entoderme, soit sous forme de sacs péritoneaux, soit sous forme de mésoblastes primitifs, soit par délamination de l'entoderme, les processus évolutifs sont trop variés pour pouvoir être ramenés à un schema unique et déduits d'un seul et même processus fonda- mental. En ce qui me concerne j'ai pu démontrer que, chez les mollusques, l'on constate deux modes de formation du méso- derme : il dérive tantôt de l'ectoderme, tantôt de l'entoderme. Dans quelques espèces des mollusques, notamment chez Nassa mutabilis le mésoderme se forme pendant la durée de la segmentation. Il apparaît sous la forme d'une ébauche spéciale, à côté des feuillets embryonnaires primordiaux, et son mode de formation ne peut être assimilé à aucun des types sus- mentionnés. Néanmoins la majorité des embryologistes s'efforce de ramener tous les cas de la formation du mésoderme au type de l'origine entodermique et spécialement au type de la formation ETIDES SLR LE DEVELOPPEMENT DI VERMET. '33 (les mésoblastes primitifs établi par Eabl. Cette manière de voir a rallié un grand nombre de partisans, parmi les embryo- logistes modernes. J'ai déjà fait observer, dans la partie géné- rale de mes études sur le développement des annélides, que, dans la plupart des cas où elle est admise, l'origine des bande- lettes mésodermiques aux dépens des mésoblastes primitifs n'est pas prouvée; jusques dans ces tout derniers temps aucun embryologiste n'avait pu fournir de preuves incontestables établissant que les bandelettes mésodermiques proviendraient de la division des mésoblastes primitifs. Dernièrement cepen- dant, Patten (i), en découvrant des noyaux en division dans les mésoblastes primitifs, a pu établir que les bandelettes mésoder- miques se forment réellement, chez Patella, aux dépens de ces éléments. Dès qu'il est prouvé que les mésoblastes primitifs sont vraiment l'origine des bandelettes mésodermiques, chez Patella, il devient éminemment probable que l'origine de ces bande- lettes est la même chez les autres mollusques qui possèdent des mésoblastes primitifs. Mais il n'en résulte pas que tout le mésoderme se forme de cette manière, moins encore qu'une semblable origine serait constante dans un ou plusieurs types d'animaux issus d'une forme ancestrale commune, comme c'est le cas pour les annélides et les mollusques. J'ai étudié avec le plus grand soin le mode de formation du mésoderme dans Ve7'metus ; i' ai cherché à découvrir des cellules que l'on aurait pu considérer comme des mésoblastes primitifs, mais je n'ai pu en découvrir. Par contre mes préparations démontrent avec évidence qu'ici le mésoderme dérive tout entier de l'ectoderme et j'ai pu représenter toute une série de stades montrant la séparation des cellules mésodermiques d'avec l'ectoderme. Si la formation des bandelettes mésodermiques aux dépens de mésoblastes primitifs était un phénomène primordial com- ment expliquer les cas où elles naissent aux dépens de l'ecto- (i) Patten. Embryology of Palella. (Arbeiien aus dem zooL Insiilui zu Wien. Bd, VL) 734 M. SALENSKY. derme ? Je pense que si l'on veut rester sur le terrain solide de l'observation, il faut bien reconnaître que le mésoderme peut naître indifféremment, soit de l'ectoderme, soit de l'entoderme et la circonstance que les deux modes de formation se ren- contrent chez des espèces voisines démontre que les deux modes de formation se lient l'un à l'autre beaucoup plus intimement que l'on n'est généralement tenté de le croire. La formation du mésoderme nous apparaît comme une complication de la forme dijjlohlastique primordiale des méta- zoaires. Cela ressort : P de ce qu'il existe des métazoaires dépourvus du mésoderme et 2° de ce que la formation du mésoderme est consécutive à la formation de l'ectoderme d'une part, de l'entoderme de l'autre, dans Tontogénie des métazoaires qui possèdent ce troisième feuillet. Nous sommes donc autorisés à penser que dans l'histoire phylogénique des Métazoaires, la formation du mésoderme est survenue après la formation de l'entoderme. Nous avons exposé plus haut les considérations qui nous autorisent à supposer que l'immigra- tion de cellules amœboïdes (cellules génitoentodermales) dans l'intérieur du génitocèle de la génitogastrula, a dû être de plus en plus active, dès le moment où, grâce à la présence d'un orifice s'ouvrant dans la génitocèle, ces cellules se sont trouvées dans des conditions favorables à leur nutrition : car plus a été grand le nombre des cellules nourricières, plus grande a dû être la prospérité de la colonie. Si l'on imagine que pour l'une ou l'autre raison, l'accroisse- ment de la génitogastrula, par exemple, les cellules vibratiles qui servaient à la locomotion de l'organisme n'ont plus suffi à sa translation et que cette insuffisance ait déterminé une adap- tion graduelle des cellules amœboïdes profondes aux besoins de la locomotion, par transformation d'une partie des cellules nourricières en cellules musculaires, il a dû en résulter la formation d'une couche contractile interposée entre l'ectoderme et le génito-entoderme. L'on conçoit que cette couche de cellules ait pu dériver indifféremment des cellules périphé- riques du génito-entoderme ou, par immigration, de cellules I-TLDES SLR LE DI- VELOPPEMl- M DI VERMET. 735 nouvelles, procéder de l'ectoderme. Les cellules, quelque soit leur origine ont pu se transformer, les unes aussi bien que les autres, en cellules musculaires, les cellules du génito-ento- derme n'étant elles-mêmes, par leur origine que des cellules ectodermiques immigrées dans le génitocèle. Il a dû être indifférent à l'organisme que les cellules mésodermiques pro- viennent de l'immigration de nouvelles cellules ou bien de cellules antérieurement immigrées. Dans les deux cas il a du apparaître une gastrula triploblastique, dans laquelle une portion des cellules s'est transformée en muscles primordiaux ; mais, dans l'un cas, le mésoderme paraîtra avoir une origine entodermique, dans l'autre une origine ectodermique. Ce processus de la formation de la couche mésodermique (muscles primitifs) a été hérité par les métazoaires. De même «lue la genèse de Tentoderme s'est modifiée par des causes cœnogénétiques, de même la formation du mésoderme, suivant qu'elle précède ou qu'elle suit l'occlusion de la vésicule ectoder- mique, présentera des apparences diverses et paraîtra résulter de processus différents. Comme l'origine du mésoderme est plus variée que celle de l'entoderme, (on a vu qu'il peut se former aux dépens de l'ectoderme aussi bien que de l'ento- derme), les modifications qu'il subit durant son évolution sont aussi plus variées que celles de l'entoderme. Cela explique les énormes différences signalées, quant au moment de l'apparition du mésoderme et quant aux formes sous lesquelles il se montre. Ces différences qui portent souvent sur la marche ultérieure de l'évolution du mésoderme, dépendent de causes cénogéné- tiques ayant agi sur les stades précoces de l'évolution. La différenciation de fibres musculaires dans les cellules épithéliales (epithelium musculaire) des cœlentérés, et proba- blement aussi de quelques larves de vers, ne peut être consi- dérée comme le mode primaire de la formation du mésoderme. L'épithélium musculaire qui est en général fort peu répandu est, pour nous, le résultat d'une adaption secondaire de formes dépourvues d'un véritable mésoderme. Aussi les fibres muscu- laires des cœlentérés ne peuvent-elles pas être comparées aux 736 M. SALENSKY. fibres musculaires des autres animaux : celles-ci procèdent de cellules qui, au début, ne sont point différenciées, qui fournis- sent le matériel nécessaire à la formation de différents tissus, et forment un feuillet embryonnaire spécial. , Par la variabilité de leur origine, les cellules génitales pré- sentent une grande ressemblance avec le mésoderme. Malheu- reusement la genèse des cellules génitales est fort peu connue chez la plupart des Métazoaires. L'on sait cependant que ces cellules peuvent dériver indif- féremment de l'ectoderme ou de Tentoderme, en ce sens, que chez certains animaux, elles procèdent du feuillet externe, chez d'autres du feuillet interne. On aurait pu s'attendre, en se fondant sur l'hypothèse que je viens d'exposer touchant l'orgine de l'entoderme, hypothèse d'après laquelle ce feuillet serait le produit des cellules génitales, à voir ces dernières naître toujours de l'entoderme. Cette conclusion ne serait légitime que pour autant qu'il serait établi que l'immigration des cellules cesse, dès que l'entoderme se trouve constitué. Mais, comme je l'ai déjà fait observer, cet arrêt précoce de l'immigration ne serait guère avantageux à l'organisme : il a du au contraire être avantageux que cette immigration pût se continuer pendant longtemps. Il est hors de doute que l'origine entodermique des cellules génitales est le mode primitif de leur formation. Les quelques données que nous possédons touchant ce processus dans les cas où la genèse des ébauches sexuelles se rattache aux stades précoces de l'évolution des invertébrés démontrent cette origine entodermique des cellules génitales. (Sagitta (i), Moina (2). La où les organes reproducteurs paraissent comparative- ment fort tard, alors que la différenciation des autres organes (i) 0. s. R Hertwig. Die Chœtognalen. (Jenaïsche Zeilsch. f. Nalurw. u. Medicin. Bd. XIV). (2) Grobben. Zur Entwickelungsgescliichle d. Moina reclirostris. (Arb. a. d. Zool. Inst. Wien. Vol. II). ÉTUDES SUR LE DÉVELOPPEMEINT DU VERMET. 737 est déjà notablement avancée (Vertébrés), on voit nécessaire- ment apparaître quelques déviations de ce mode de formation primitif des organes génitaux. Si l'on reconnaît que l'immigra- tion des cellules peut s'opérer encore, après la formation de l'entoderme, on peut admettre la possibilité de la formation des cellules génitales aux dépens de l'ectoderme par l'intermé- diaire d'une immigration nouvelle comme nous l'admettons pour le mésoderme. En ce qui concerne la formation des cellules génitales, ce retard est encore plus probable, attendu que leur différenciation dépend de conditions plus nombreuses que la différenciation du mésoderme. Il est certain que l'origine ectodermique des cellules géni- tales se rencontre plus rarement dans les Métazoaires que l'origine entodermique. Cela dépend de ce que les cellules entodermiques sont placées dans des conditions plus favorables à la nutrition que les cellules ectodermiques. L'origine ectoder- mique des cellules génitales doit s'accompagner d'une série de phénomènes qui ne sont point signalés à l'origine entodermique. Les cellules génitales dérivées de l'ectoderme, aussitôt après leur différenciation, s'enfoncent dans la portion antérieure de l'embryon, plus fournie de matériaux nutritifs, pour y rester ou pour revenir à l'endroit de leur formation. Pour s'en convaincre, il suffit de se rappeler les migrations remarquables des cellules génitales d'une couche à l'autre chez les hydroïdes : elles ont été observées par Kleinenberg(i), et fort ingénieusement expliquées par Weissmann (2). Une semblable immigration des cellules génitales de la péri- phérie vers l'intérieur se rencontre aussi chez les insectes, où les cellules génitales dérivent des cellules polaires, situées à la périphérie de l'œuf et s'enfoncent fort tard dans le vitellus. (0 Kleinenberg. Uber die Enlstehung der Eier bei Eudendrium. (Zeitsch. fiir wiss. -Zoologie, Bd. 35). (iu) Weissmann. Die Entstehung der Sexualellen bei den Hydromedusen. 738 M. SALEÎSSKY. Relations phylogéniques entre les Mollusques et les autres bilatéraux. Bien que les recherches de mes devanciers aient largement contribué à préparer la solution de la question de savoir quels sont les rapports de parenté entre les mollusques et les autres bilatéraux, l'on est loin d'être arrivé à résoudre définitivement le problème. Eu ce qui concerne l'évolution des organes qu'il importe de prendre en premier lieu en considération, le système nerveux et les dérivés du mésoderme, il y a une grande divergence de vues et les résultats des recherches particulières ont conduit à des opinions fort diverses en ce qui concerne les affinités des Mollusques. Les formes larvaires des mollusques aussi bien que l'organisation des adultes démon- trent l'existence d'un lien génétique entre les mollusques et les vers. Mais à quel groupe de vers faut-il les rattacher? Est-ce aux Plathelmintes? est-ce aux Annélides. Ces questions ne peuvent être tranchées qu'à l'aide des données relatives à l'évolution du système nerveux et du mésoderme; je veux m'arrêter un moment à considérer les résultats fournis par l'étude du développement de ces organes chez les mollusques. Dans mes études sur le développement des Annélides (i), j'ai partagé les vers en deux grands groupes, en me fondant sur l'organisation des formes larvaires et sur révolution du système nerveux : les Cephaloneura et les Neuraxonia, J'ai distingué trois formes larvaires qui se développent successivement, la Trochogastrula, la Trochopliora et la Troclio- neurula. Les formes larvaires des Cephaloneura s'arrêtent, dans leur évolution, au stade Trochophora; aussi le système nerveux de ce groupe dérive-t-il tout entier de la seule plaque sincipi- tale. Les formes larvaires de Neuraxonia passent par les trois stades évolutifs; aussi le système nerveux de ce groupe est-il (i) Voyez, Archives de Biologie, vol. VI, fase. IV. ÉTUDES SCR LE DÉVELOPPEMEiNT DU VERMET. 739 plus complexe. Il est le produit de la combinaison d'organes dérivés de la plaque sincipitale d'une part, des plaques médul- laires de l'autre. L'évolution du mésoderme dans les Aimélides et les autres Neuroxonia demande encore de nouvelles recher- ches. Néanmoins, dans le cas unique jusqu'ici, où l'évolution de la trochophora, aux dépens d'une gastrula invaginée, a pu être observée en détails, j'ai en vue les recherches de Hatschek sur l'évolution à! Eupomatus uncinatus, il a été constaté qu'il y a lieu de distinguer deux périodes dans la formation du méso- derme : 1) la formation des bandelettes mésodermiques primi- tives et 2) celle des bandelettes secondaires. D'après Hatschek ces deux formations dérivant d'une ébauche commune repré- sentée par les mésoblastes primitifs. Les cellules des bandelettes primitives se répandent dans le blastocèle et donnent lieu à la formation d'un mesenchyme. Les bandelettes secondaires se délaminent pour former le cœlome. L'existence de ces deux ébauches mésodermiques distinctes est probablement commune à tous les Annélides, aux Géphyriens (Echiurus), et à plusieurs autres groupes de vers appartenant au groupe des Neuraxonia. Le mésoderme primaire apparaît-il toujours sous la forme de deux bandelettes symétriques, ou bien, peut-il se montrer dès l'abord sous l'aspect de cellules éparses? c'est-là une question qui reste à trancher. Néanmoins la présence des cel- lules mésenchymateuses dans les Trochophora de Polygordius, d'Echim-us et d'autres annélides, bien avant la formation des bandelettes mésodermiques, démontre que le processus de la double formation du raésoderme est caractéristique de tous les annélides. L'on ne peut douter qu'elle n'ait une grande impor- tance pour la morphologie du mésoderme. Dans les Cepha- loneura (Plathelmintes, Rotateurs), il n'existe qu'une seule forme de mésoderme : elle apparaît tantôt sous l'aspect de cellules éparses, tantôt sous la forme de deux (Rotateurs), (i) (i) Zacharias. Uber Fortpflanz. und EniivicM. von Rotifer vnlgaiis. CZeil- schrifi fur wiss. Zoologie, Bd. il), 740 M. SALENSKY. tantôt de quatre bandelettes (Turbellariés) (i). Ce mésoderme est formé d'un tissu parenchymateux et ne se délamine jamais pour donner lieu à la formation d'une cavité cœlomique, comme c'est le cas dans les Enterocéliens de Hertwig. Aussi est-il fort probable que les Cephaloneura se caracté- risent par la présence d'un seul et unique mésoderme primaire. Dans plusieurs représentants des Neuraxonia, au contraire, comme je viens de le faire observer, on voit apparaître deux formes de mésoderme. Il est probable que leur mésoderme primaire correspond au mésoderme des Cephaloneura et que leur méso derme secondaire est une formation propre aux Neuraxonia. Si les recherchers ultérkures viennent à démontrer la formation successive de deux ébauches mésodermiques dans un grand nombre d'animaux bilatéraux, Ton pourra considérer à bon droit cette particularité comme distinguant essentielle- ment la Trochoneura de la Trochophora. Il en résulterait une confirmation éclatante des idées que j'ai développées dans mes études sur les Annélides, quant à la nécessité de distinguer l'une de l'autre ces deux formes larvaires. La Trochophora serait caractérisée par la présence du mésoderme primaire, la trochoneurula par l'apparition ultérieure d'un mésoderme secondaire. Les cas où le mésoderme primaire fait défaut en apparence et où de prime abord on voit apparaître un mésoderme secondaire capable de délaraination, doivent être considérés comme les résultats d'une accélération embryogé- nique. Plusieurs faits bien établis semblent démontrer qu'il existe des affinités réelles entre les mollusques et les Turbellariées, d'une part, et, d'autre part, entre les mollusques et les anné- lides. Ainsi l'apparition de la cavité du corps sous forme de lacunes (Schizocèle), l'existence de quelques formes actuelles, telle que Bhoclope, qui réunissent les caractères des Turbel- lariés et ceux des mollusques, sont autant d'indices d'une parenté possible entre les mollusques et les Turbellariés. (i) Hallez. Contributions à C histoire naturelle des Turbellariés. KTLDES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU VERMET. 741 D'autre part la ressemblance des larves des mollusques avec celles des annélides, reconnue déjà par mes devanciers, démontre aussi une affinité entre ces deux types. Néanmoins, pour élucider la question, il importe d'examiner de plus près le développement de quelques organes et princi- palement du système nerveux et du mésoderme. Passons à la considération de ces processus. Les difficultés pratiques qui se présentent, quant on cherche à s'éclairer sur la genèse du système nerveux des mollusques, sont si grandes, que les auteurs qui se sont appliqués à élucider ces problèmes, sont arrivés à des conclusions fort divergentes et inconciliables entre-elles. Malgré le nombre considérable des publications, qui ont vu le jour depuis quinze ans, sur l'ontogénie des mollusques, l'on n'a pas réussi jusqu'ici à établir, pour une seule espèce, une description complète et détaillée du développement de toutes les portions du système nerveux central. L'évolution des ganglions ven- traux présente des difficultés toutes spéciales, à raison de la rapidité avec laquelle ils se forment, à raison aussi des connexions étroites qui existent entre leurs ébauches et le mésoderme ambiant. J'ai démontré déjà, en 1872, que les ganglions pédieux dans Calyptrœa(i) dérivent de l'ectoderme et se montrent sous la forme de deux épaississements de ce feuillet, qui se détachent bientôt de la couche qui leur a donné naissance. Les recherches de Bobretzky sur le développement des Prosobranches(2), faites à l'aide d'une méthode plus sûre, amenèrent ce savant à la conclusion que le système nerveux est un produit du méso- derme. Bien que, au moment de l'apparition de l'ouvrage de Bobretzky, l'origine ectodermique du système nerveux fut déjà établie pour la plupart des animaux, les recherches de cet (0 Salensky. Beilràge zur Entxvick. der Prosobranchiën. (Zeilschrift f. WÌSS. Zoologie, Bd. 22). (2) Bobretzky. Sludien ub. d. embr. Enlwick. d. Gasteropoden. (Archiv. f. micr. Analomio. Bd. 13). 742 M. SALENSKY. auteur furent accueillies avec taat de confiance que l'origine mésodermique du système nerveux des mollusques fut géné- ralement considérée comme établie. Elle fut acceptée notam- ment par Fol(i), qui cependant démontra la formation des ganglions céplialiques aux dépens de l'ectoderme, chez les Ptéropodes, les Hétéropodes et les Pulmonés terrestres. Mais il admet d'autre part la formation des mêmes organes, aux dépens du mésoderme, dans les Pulmonés aquatiques. En ce qui concerne les ganglions pédieux, voici comment il s'exprime : " Pour ces ganglions on peut donc bien dire qu'ils procèdent du mésoderme, sans préjuger la question encore pendante de savoir de quel feuillet primordial dérive la portion du mésoderme qui les constitue. „ L'origine ectodermique des ganglions céplialiques et méso- dermique pour toutes les autres portions du système, est aussi admise par Ray Laukester(2), qui, d'ailleurs, ne fournit aucune preuve à l'appui d'une semblable genèse. La majorité des recherches récentes ont établi au contraire l'origine ectodermique de tout le système nerveux. Citons en premier lieu les travaux de Eabl(3), qui tranche la question dans le sens que je viens d'indiquer, sans apporter cependant d'ob- servations bien concluantes sur la genèse des ganglions pédieux chez Planorhis : il arrive à une conclusion bien étrange et cer- tainement erronée quand il fait dériver les ganglions pédieux et céphaliques d'une même ébauche. Hatschek (;) a prouvé pour Teredo l'origine ectodermique des ganglions pédieux, aussi bien que des ganglions céphaliques. Bientôt après, une semblable (0 Fol. Sur le développement des Ptéropodes. (Arch, de Zool. exp. F. IV). » Sur le développement embryon, et larvaire des Hétéropodes. (Arch. de Zool. exp., T. V). » Sur le développement des Gastéropodes Pulmonés. (Arch, de Zool. exp., T. Vili). (2) Ra\' Lankester. Observations on the development of the Cephalopoda. (Quarterly Journal of microscop science. Vol. XV, N'' 5). fô) Rabk. Ueber die Entwickl. der Teller schnecke. (Morph. Jahrbuch. Bd. V). (i) Hatschek. JJeber Entwickelungsgeschichte von Teredo. fArbeiten der ^Zoologischen Institut zu Wien. Bd. III). l^TUDES SI R m: DÓKLOIM'RMnM DI VERMET. 743 origine de tous les ganglions fut soutenue par Haddon (i), dans sa courte communication sur l'évolution de quelques mollus- ques. Les figures qu'il donne (fig. 15 loc. cit.), sont très pro- bantes en ce qui concerne l'origine ectodermique des ganglions pédieux, bien que sa description soit fort brève et que les stades tardifs de l'évolution n'aient pas été figurés. A peu près en même temps que Haddon, Sarasin prouva l'origine ectoder- mique du système nerveux dans Bitliynia tentaculata. Puis vinrent les beaux travaux de Kowalevsky sur le développement de Chiton et de Dentalium (2). Malheureusement cet illustre observateur n'a pas réussi à observer l'évolution de toutes les portions du système nerveux dans la même espèce de mollusques. Dans Chiton, il a observé seulement la formation des ganglions pédieux, dans Dentalium celle des ganglions céplialiques. Ses recherches prouvent incontestablement la genèse ectodermique des ganglions cépha- liques et pédieux. Quant aux particularités signalées dans l'évolution de Chiton, elles s'expliquent en partie par la texture du système nerveux de ce mollusque. Probablement elles seront complète- ment expliquées par les recherches embryogéniques et anatomiques dont seront l'objet, dans l'avenir, les autres représentants de ce type. Enfin les recherches de Ziegler (3), sur l'évolution de Cyclas, fournissent de nouvelles preuves en faveur de l'origine ectodermique du système nerveux. Toutes les recherches susmentionnées démontrent : 1° que le système nerveux des mollusques dérive de l'ectoderme et 2° que les deux portions principales du système nerveux, les ganglions céphaliques et les ganglions pédieux se forment indépendamment les uns des autres. Les premières siègent (0 A. Haddon. Notes on the development of moUusca. (Quarterly Journal of microscop. science, T. XXII. N. S. 1882). (-2) KowAi.EVSKY. Embryogénie du Chiton Polii. (Annales du Musée d'hist. naturelle de Marseille, t. i.) Embryogénie du Dentalium, t. 11. (3) Ziegler. Die Entwicklung von Cyclas cornea. Lamm (Zcilschrift fiir wiss. Zoologie. B(l. i\\ 744 M. SALENSKY. dans la portion préorale, les secondes dans la portion posto- rale de la larve. En ce qui concerne l'origine des ganglions viscéraux, les opinions diffèrent tellement que nous en reparlerons plus tard. L'examen de l'évolution des ganglions pédieux et céphali- ques nous autorise à conclure que les mollusques passent par le stade trochoneurula et, en conséquence, qu'un lien génétique les unit aux Neuraxonia et non aux Céplialoneura (i). Auxquels des Neuraxonia les mollusques sont-ils le plus apparentés? Pour le moment on se prononce généralement en faveur de leur affinité avec les Annélides, vu la ressemblance de leui'S larves avec celles de ces vers. Cette manière de voir est aussi la mienne : les faits que j'ai exposés dans cet opuscule touchant l'évolution du mésoderme et du système nerveux, la justifient pleinement Dans ces derniers temps, nos connaissances relatives à l'évolution du système nerveux chez les Anné- lides se sont considérablement étendues, grâce aux belles recherches de Kleinenberg. A en juger par les résultats obtenus par ce savant, le développement du système ner- veux est beaucoup plus compliqué, chez Lepadorhynclms et quelques Phylodocides, que dans les autres Annélides. Faut-il attribuer cette différence à ce que les recherches de Kleinenberg ont été plus soignées que celles de ses prédé- cesseurs ou bien des différences existent-elles réellement ? Pour ma part, j'incline en faveur de cette dernière alternative, attendu que des recherches fort minutieuses, touchant l'évolu- tion du système nerveux d'autres Annélides, démontrent que, dans la majorité des représentants de ce type, le système nerveux apparaît comme un simple épaississement de l'ecto- derme et que sa formation ne s'accompagne pas des processus compliqués que Kleinenberg a décrits chez Lepadorhynchus. Le type du développement du système nerveux décrit par Klei- nenberg n'a été observé nulle part ailleurs. Si donc dans l'évo- (i) Voyez « Développement des Annélides. » Partie générale. {Archives de Biologie, l. VI). ÉTUDES SIR LE DKVELOPPEMEM DU VERMET. 740 lution des mollusques, l'on n'observe pas des processus aussi compliqués, l'on n'en peut nullement conclure que le système nerveux des mollusques ne serait pas homologue de celui des Annélides. L'évolution du système nerveux des mollusques peut être, au contraire, assimilée à celle de cet appareil chez les Anné- lides aussi bien dans son ensemble que dans ses détails. On a vu que, dans Vermetus, il existe, entre les deux ébauches des g-ang-lions pédieux, une bandelette ciliaire, qui répond à la gout- tière médullaire des Annélides. L'on rencontre dans la littérature diverses indications qui tendent à établir la présence de formations semblables chez d'autres mollusques. L'on a même signalé, chez certaines formes, im véritable sillon. Ainsi chez Lymnœiis, ce sillon est recouvert de cils (voyez Fol, Gastéropodes Pulmonés, fig. Vni, p. 169). Ce sillon a été observé maintes fois (Lereboullet, Eay Lan- kester); mais on ne lui a pas attribué sa véritable signification. Dans d'autres mollusques il n'a pas été décrit. Il se peut qu'il y soit faiblement différencié; peut-être y est-il dépourvu de cils, comme chez quelques annélides, {Nereis cultrlfera par exemple). L'évolution des mollusques présente une différence impor- tante avec le développement des annélides, en ce sens, que chez les premiers les otocystes sont fort répandus, tandis que dans la majorité des représentants des annélides ils font défaut. L'on peut dire que, dans la classe des annélides, ces organes sont moins fréquents que dans les autres embranchements. Ils ne se rencontrent que rarement dans leurs larves. Cepen- dant les recherches de Hatschek sur l'évolution d^Eupomatus imcinahia ont établi une complète analogie entre l'évolution des otocystes de cet annélide et celle de ces organes des mollusques. A en juger d'après les figures qu'il en donne, les otocystes apparaissent, dans la région postorale de la larve, antérieurement à la formation du système nerveux. Il est vrai que, d'après Hatschek, les otocystes de Eiipomatus se forme- raient aux dépens d'une seule cellule ectodermi que, qui se 74G M. SALENSKY. vacuolise, tandis que, dans les mollusques, ils se forment anx dépens d'une invagination formée de plusieurs cellules; mais cette différence ne suffit pas pour révoquer en doute l'iiomo- logie de ces organes dans les deux classes d'animaux. Les faits sur lesquels je viens d'attirer l'attention montrent bien que les ganglions céplialiques et pédieux des mollusques sont les homologues des ganglions céphaliques et de la chaîne ganglionnaire ventrale des annélides. Cette homo- logie me paraît définitivement établie. Mais il est beaucoup plus difficile de trouver, dans le système nerveux des anné- lides, les homologues du système nerveux viscéral des mollusques. Cette difficulté dépend en partie de ce que l'évolution de cette portion du système nerveux a été fort peu étudiée jusqu'ici. Seules les recherches de Ziegler (i) et de Schmidt (2) donnent quelques renseignements sur le développement des ganglions viscéraux dans les Lamellibran- ches et celles de Sarasin (3), touchant l'évolution du système nerveux viscéral dans Bythinia. Ces observations arrivent unanimement à la conclusion que les ganglions viscéraux ae forment indépendamment du système nerveux central et se réunissent plus tard avec les ganglions céphaliques. Ses recherches sur l'évolution du système nerveux viscéral ont fait croire à Sarasin que les ganglions viscéraux sont homologues aux ganglions de la chaîne ganglionnaire ventrale. Voici comment il s'exprime : " Ainsi mes recherches ont démontré que le système nerveux des Céphalophores comprend une chaîne ganglionnaire ventrale, constituée par trois paires de ganglions, les ganglions pédieux, viscéraux et abdominaux, une paire de ganglions buccaux, dérivés de la portion anté- (1) Ziegler. Die Entwickelung von Cyclas cornea. (Zeitschrift f. wiss. Zologie, bl. 11.) (2) F. Schmidt. Beilrag zur Kenntniss der poslembryon. Enlwick der Najaden. (Arch. f. Nalurgeschichle 1883.) {i) Sarasin. Entwickelung der Bilhynia ientaculala. (Arbeiten aus den zool., zoot Inst. zu Wiirzburg, bd. 6.) ÉTUDES SIR LE DÉVELOPPEMENT DI VERMET. 747 rieure de l'œsophage, et un ganglion olfactif impair qui siège à la face dorsale. „ (Sarasin, p. 56.) Les ganglions viscéraux sont-ils vraiment homologues à la chaîne ganglionnaire ventrale des annélides, ou bien répondent- ils au système nerveux sympathique de ces vers ? C'est là une question difficile à trancher en présence des opinions discor- dantes relativement au développement de cette portion du système nerveux. La texture anatomique du système nerveux viscéral et les rapports qu'il affecte avec les ganglions cépha- liques et non avec les ganglions pédieux ne parlent pas en faveur de l'hypothèse de Sarasin. Cet observateur n'attribue pas à ces faits l'importance qu'ils méritent : les rapports des ganglions viscéraux et de lem- commissure avec les ganglions céphaliques ou les ganglions pleuraux sont, à notre avis, un point qui ne peut être négligé. Pour ma part je suis disposé à croire que le système nerveux viscéral des mollusques doit être comparé au système nerveux sympathique des annélides et non avec la chaîne ganglionnaire ventrale de ces animaux. La différenciation du mésoderme et l'évolution du cœlome chez Vermetus et chez les autres mollusques représente une série complexe de processus, qui aboutissent en définitive à l'apparition de nombreuses lacunes séparées les unes des des autres par des cloisons cellulaires. Une semblable cavité du corps a été désignée sous le nom de Schizocèle et comparée aux lacunes du parenchyme des Plathelmiutes. Aussi les frères Hertwig classent-ils les mollusques à côté des Turbellariés dans le groupe des bilatéraux pseudocœliens. Les conclusions des Hertwig étaient basées exclusivement sur des données anatomiques; mais les recherches embryologiques s'opposent à la réunion des Plathelmiutes et des mollusques dans un groupe commun. Cette opinion des frères Hertwig n'est plus soutenable, depuis que Kowalevsky (i) a démontré que dans les embryons (0 Kowalevsky. toc. cit. 748 M. SALENSKY. de Chiton et de Dentalkmi, le mésoderme se délamine de la même manière que dans les Entérocéliens et que Grobben (i) a établi que, dans les Céphalopodes adultes, le mésoderme et le cœlome ne diffèrent guère du mésoderme et de l'Entérocèle des autres animaux par des caractères aussi tranchés que l'ont pensé les frères Hertwig, Néanmoins la texture du mésoderme et la constitution du cœlome des mollusques soulèvent bien des questions qu'il est bien difficile de trancher en se fondant sur les recherches faites jusqu'ici. Les études de Grobben concer- nent les Céphalopodes, qui constituent un groupe à part parmi les mollusques. Aussi conviendrait-il, en vue de trancher la question de savoir quelle est la signification de la cavité du corps des mollusques, de s'adresser à d'autres formes de cet embranchement. Dans ses recherches sur Chiton etDentalium, Kowalevsky ne décrit que les stades de l'évolution dans lesquels le mésoderme se trouve déjà délaminé comme dans les Entérocéliens; il ne résoud pas la question de savoir comment cet entérocèle se transforme en un système de lacunes. Cette transformation est-elle due à ce que l'entéiocèle se cloisonne et se divise en plusieurs lacunes ou l'entérocèle disparaît-il complètement et le schizocèle se creuse-t-il dans la masse mésodermique qui circonscrivait l'entérocèle ? De nouvelles recherches étaient nécessaires pour résoudre ces questions et pour déterminer les rapports qu'affectent les cavités dites schizo- céliennes des mollusques avec le cœlome des vers annelés. Dans la première partie de cet article, j'ai fait connaître mes observations sur ces points. Dans Vernietus le mésoderme apparaît au début sous la forme de minces plaques logées dans les parties pré- et postorale de l'embryon et qui procèdent de l'ectoderme. Ces plaques qui, par leur situation, répondent complètement aux bandelettes mésodermiques des Annélides sont au début dépourvues, de cavités. Il apparaît bientôt dans (2) Grobben. Morph. Sludien uber den Earn und. Gesclil. der Cepfinlo- poden. (Arbeit, aus den zool. last, zu Wien, bd. V.) ÉTUDES SUR LE DÉVELOPPEMENT Dl VERMET. 749 ces plaques non des lacunes multiples comme on en constate à (les stades plus âgés, mais bien une cavité continue, résultant du dédoublement des plaques mésodermiques en splanclinopleure et en somatopleure et qui répond complètement au cœlome des Entérocéliens. L'apparition du cœlome, dans l'épaisseur des plaques mésodermiques, caractérise la deuxième période de l'évolution du mésoderme. A ce stade les embryons de Ver- metus représentent un Entérocélien entendu conformément aux idées des frères Hertwig. Les deux cavités des plaques mésodermiques se confondent bientôt en ime seule par la disparition de la cloison qui les séparait au début. Les parois qui délimitaient le cœlome, surtout la somatopleure, s'épaississent et font peu à peu disparaître le cœlome. Au début la somatopleure consiste en des cellules aplaties entre lesquelles se forment bientôt des espaces lacunaires. Ces cellules deviennent étoilées et tout le mésoderme se transforme en une masse spongieuse dont les cavités, ou en d'autres termes les lacunes, représentent le cœlome définitif. Cette modification du mésoderme caractérise la troisième période de l'évolution de ce feuillet et aboutit à l'état définitif du mésoderme Les deux premières périodes de l'évolution du mésoderme ont été observées, non seulement dans Vermehis, mais aussi dans Dentalium et Chiton et cela d'une manière fort détaillée par Kowalevsky. En conséquence, une semblable évolution du mésoderme peut être considérée comme répandue chez les mollusques. Comme dans Chiton et Dentalium, le mésoderme et le cœlome définitifs sont fort semblables à ceux des autres mollusques, on est en droit d'induire que l'évolution ultérieure de leur mésoderme, notamment la formation de leur cavité définitive suit la marche que j'ai observée et décrite chez Vermetus. Certes, ces faits ne sont pas prouvés pour tous les mollusques et il est même possible que les choses ne se passent pas chez tous de la même manière : chez Cydas, Ziegler fi) a (\) Ziegler. Bie En/wickeUtnç von Cyclas cornea. (Zoiisclir. (. wiss 7.00\0'X\C, t. 41.) 750 M. SALENSKY. décrit des bandelettes mésodermiques et un mesenchyme; il affirme que les premières ne se délaminent jamais en feuillets somatique et splanchnique, mais que des lacunes apparaissent directement dans ces formations. Ziegler ne considère pas même la cavité péricardique comme homologue du cœlome des Entérocéliens : il l'appelle un Schizocèle secondaire et exprime l'opinion qu'elle pourrait n'être qu'une portion de l'appareil rénal (i). Pour le moment il est encore très difficile de trancher la question de savoir de quelle manière l'évolution du mésoderme de Cydas se rattache à celles des autres mollusques. Les lamelli- branches ont été moins étudiés, au point de vue embryogéni- que, que les autres mollusques. Mais, en tous cas, la présence de bandelettes mésodermiques dans Ctjdas démontre que l'évolu- tion du mésoderme des lamellibranches suit, jusqu'à un certain moment, la marche caractéristique du développement des Céphalophores. Tout cela démontre : 1° que le mésoderme définitif des mol- lusques est tout au moins en partie le produit de cellules éparses, mais qu'il procède aussi partiellement de bandelettes mésodermiques ; 2° que dans quelques Céphalophores, et peut- être aussi chez des lamellibranches, les plaques mésodermiques se dédoublent en splanchnopleure et en somatopleure et don- nent lieu à la formation d'une fente homologue au cœlome et S*', que la cavité du corps définitive des Céphalophores présente tous les caractères d'un schizocèle, qui prend nais- sance après la disparition de l'entérocèle. Si, en se fondant sur ces faits, l'on compare le mésoderme des mollusques, celui des Céphalophores du moins, avec le méso- derme des Plathelmintes, l'on reconnaîtra sans peine que, de l'analogie de structure entre ces formations, on ne peut guère conclure à des liens génétiques entre les deux groupes. Dans les Plathelmintes la formation de lacunes dans le (l) ZiEGl.ER. f,OC cil p. 556. ÉTUDES SCR LE DÉVELOPPEMEINT DU VERMET. 751 mésoderme s'opère directement. Dans les mollusques les lacunes schizocéliennes apparaissent secondairement et n'in- téressent que le feuillet somatique. Si l'on veut désigner les unes et les autres sous le nom de schizocèle, il est indispen- sable de faire observer que le schizocèle des Plathelmintes est un schizocèle primordial, tandis que celui des Mollusques est un schizocèle secondaire. H est évident que la préexistence d'un l'entérocèle, chez les mollusques, éloigne considérablement ces animaux des Plathelmintes, au lieu de les confondre dans un groupe commun, comme l'ont fait les frères Hertwig, en se basant sur des faits anatomiques. L'existence de bandelettes mésodermiques chez les mollus- ques, la délamination de ces dernières en splanchnopleure et en somatopleure chez quelques-uns d'entre eux, constitue un argument puissant en faveur de la parenté des mollusques avec les Neuraxouia et particulièrement avec les Annélides. Ainsi donc l'évolution du mésoderme conduit aux mêmes conclusions que l'évolution du système nerveux. Malheureusement jusqu'ici les données embryologiques acquises à la science sont insuffisantes pour trancher la question de savoir si la délamination du mésoderme est un phénomène primordial, hérité de formes ancestrales communes, par les mollusques et les annélides ou bien un phénomène secondaire. H est difficile d'imaginer à priori quelles raisons auraient pu amener, avec la délamination du mésoderme, l'ap- parition d'un entérocèle, destiné à disparaître, pour être remplacé ensuite par un schizocèle persistant chez l'adulte. Il est donc fort probable que la délamination qui s'observe chez les formes actuelles, dans le cours du développement, a sa raison d'être dans l'histoire phylogénique des mollusques, qu'un entérocèle a existé chez les formes ancestrales de ces animaux et que la délamination du mésoderme est palyngéné- tique et par conséquent primordiale. Au contraire, la transfor- mation directe des plaques mésodermiques en un mesenchyme, est bien probablement le résultat d'avec accélération embryo- génique. Ce qui tend à faire croire qu'il en est bien ainsi c'est 752 M. SALEiNSKY. que les deux processus s'observent chez des espèces voisines. Tandis que, chez Chiton, les bandelettes mésodermiques se dédoublent en somatopleure et splanchnopleure (Kowalevsky, loc. cit.), chez Paletta, des cellules mésodermiques détachées des bandelettes mésodermiques tombent dans le blastocèle pour y former un mesenchyme, traversé par des lacunes (Patten, loc. cit.) Chez Cydas (Ziegler, loc. cit.) et chez Teredo (Hatschek), les modifications des bandelettes mésoder- miques sont en tous points semblables à celles qu'elles subis- sent chez Patella. Les changements des bandelettes mésodermiques que j'ai signalés chez Vermetus, je veux dii'e la formation d'un schizo- cèle, sont aussi reconnaissables chez les annélides. Dans les larves de Terebélla et ^Wiicia, tout le mésoderme céphalique dans lequel on distingue au début une cavité nettement déve- loppée, se transforme par la suite en une masse spongieuse, dont les cavités sont de tous points comparables au Schizocèle des mollusques. L'évolution du péricarde et du cœur ont été si incomplète- ment étudiés jusqu'ici qu'il est fort difficile de généraliser les faits relatifs à ce sujet. Il est fort probable que la cavité péricardique est au début une formation paire : c'est le cas notamment dans les stades précoces de l'évolution chez Cydas (Ziegler). Il est probable aussi, qu'au cours de l'évolution, au moment où la symétrie bilatérale tend à s'effacer, l'un seulement des organes péricar- diques se développe. Ziegler conteste, sans raisons suffisantes à mon avis, que la cavité péricardique soit d'origine entéro- célienne; il la regarde comme une partie du schizocèle secon- daire. Cette manière de voir a un double défaut : 1° elle éloigne complètement au point de vue anatomique, le péricarde des mollusques de celui des autres animaux et 2" elle n'est justifiée, ni par la genèse de l'organe, ni par ce fait que ses parois donnent naissance au cœur. La cavité péricardique de Cydas résulte de la délamination d'une des extrémités des bandelettes mésodermiques, ce qui ÉTUDES SLR LE DÉVELOPPEMENT DU VERMET. 753 prouve qu'elle répond au cœlome, comme c'est le cas pour toutes les cavités péricardiques dans les autres animaux. Chez Cyclas, comme dans les autres animaux, le cœur, ou du moins son ventricule, dérive de la paroi splanchuique du péricarde; la cavité du cœur est un reste du blastocèle. Ces faits démontrent que le péricarde et le cœur de Cyclas sont complètement homologues aux organes analogues des autres animaux. Le Vermet diffère de Cyclas {\) par le mode de formation de la première ébauche du péricarde. Dans Vermetus elle se forme indépendamment du mésoderme somatique et apparaît comparativement beaucoup plus tôt que dans Cyclas. Mais le péricarde y affecte les mêmes rapports avec le rectum que dans Cyclas, ce qui permet de supposer que sa séparation d'avec le mésoderme somatique, est le résultat de modifications secondaires survenues chez les Céphalophores, après leur séparation de la souche ancestrale commune aux Céphalo- phores et aux Lamellibranches. Ainsi donc l'évolution de la cavité péricardique dans les mollusques peut être facilement ramenée au type de la forma- tion du cœlome. Le mode de formation du cœur, dans les mollusques, aux dépens de la paroi péricardique, est complète- ment analogue à la formation des vaisseaux sanguins chez les annélides, où ils prennent naissance dans la splanchnopleure. Cette analogie nous permet d'expliquer un fait remarquable de l'évolution des mollusques : c'est le passage du rectum à travers le cœur. J'ai déjà fait observer, dans mes recherches sur le développement des Annélides, que l'on doit regarder, comme point de départ des vaisseaux sanguins, une cavité remplie de liquide, qui siège entre le feuillet splanchnique et l'entoderme, la cavité périgastrique ou " la gaine intestinale „ de Claparède. Les parois de cette cavité donnent naissance aux vaisseaux sanguins ventral et dorsal, qui pendant long- temps, toujours même chez certaines espèces, restent en (i) Je prends Cyclas pour point de comparaison, parce que l'évolulion du péricarde y a cié plus complètement étudiée que dans les autres mollusques. 80. 754 M. SALENSKY. communication avec cette cavité. Blitschli attribue à bon droit à cette cavité la signification du blastocèle. L'évolution des vaisseaux sanguins dans les mollusques débute par la formation du cœur, qui apparaît sous la forme d'une cavité, circonscrivant la portion postérieure du canal digestif. Cette cavité délimitée par le feuillet splanchnique du péricarde est évidemment homologue à la cavité périgas- trique des Annélides; mais dans les mollusques, son évolution dépasse le stade réalisé chez les Annélides : elle acquiert des parois musculaires et se transforme en un cœur fort complexe. Malgré son développement considérable, le cœur des IVIollusques affecte toujours avec le rectum des rapports semblables à ceux que la cavité périgastrique des Annélides affecte avec l'intestin : le rectum traverse la cavité cardiaque et est immédiatement baigné par le sang, comme c'est le cas dans les Annélides. Sous ce rapport les Lamellibranches sont plus voisins des Annélides que les Cephalophores; aussi les rapports que leur rectum affecte avec le cœur sont-ils plus primitifs que dans ces derniers. Je crois que les faits que j'ai signalés suffisent à démontrer que les mollusques sont apparentés aux Annélides. Cette manière de voir, à l'appui de laquelle j'ai taché de fournir quelques preuves nouvelles, suggère naturellement la question de savoir, combien de segments entrent dans la composition du corps des mollusques. Cette question a été tranchée de différentes manières. L'embryogénie démontre que la portion somatique ou postorale des mollusques n'est point segmentée. Cette réponse n'est nullement en opposition avec l'opinion que je défends, quant aux affinités entre les Mollusques et les Annélides, si l'on admet que les déviations de la forme ances- trale commune aux Mollusques et aux Annélides, ont débuté à un stade larvaire et ont porté graduellement sur l'organisa- tion de l'animal. ETUDES SUR LE DEVELOtPEMEM DU VERMET. EXPLICATION DES PLANCHES. ABREVLITIONS. A, B, C, D, D', D" etc. == désignent des macromères. a — q. = désignent des micromères. Ap. ■ == Recessus de la glande pédieuse posté- rieure. hp. = Blastopore. Cap. = Cellule postérieure, axiale du pied. Cbr. = Cavité branchiale (palléale). (Fig 9 au lieu Chi il faut lii-e Cbr). Cell. = Coquille. Cer, Com. = Commissure cérébrale. Cem. = Cœur larvaire. Cm, Cms. = Cœlome. Cn c = Commissure cérébro-viscérale. Cnj). = Commissure viscéro-pedale. Cp. = Cellule axiale pédieuse, Gr. = Cœur. Cnv. = Ebauche du ganglion pédieux. Crst. = Cristallin (Fig. 29 A, -30 Cr). Cs. == Cellule axiale céphalique (sincipitale). Cvcp. ^= Cœlome céphalique. Cvl. = Cavité du voile (reste du blastocèle). Ec (Mie). = Ectoderme, Micromères. Ecpl. = Epaississement de l'ectoderme au bord de la glande préconchylienne, qui donne naissance au mésoderme péricardique. 756 M. SALENSRY. Enp {Mac). — Entoderme primitif. Macromères. Ens. = Entoderme secondaire. Fpl. :^ Eepli de la paroi de la cavité branchiale. Gc, Gcph. = Ganglion cérébral. Gc cli. = Glande préconcliylienne. Gp. = Ganglion pédieux. Glpda. = Glande pédieuse antérieure. Glpdp. = Glande pédieuse postérieure. I,Y. = Œil. Invn. = Invagination nerveuse céphalique. Inb. = Invagination buccale. Inr. = Orifice renale. Invpl. = Invagination palléale. Ksp. = Figure kariokynétique du nucleus. Mac. ^= Macromère. Mcep. = Mésoderme céphalique. Mcol. = Muscle collumellaire. Mie. = Micromère. Ms. = Mésoderme. Msc. ==: Mésoderme cervical. Mspc. =- Mésoderme péricardique. Nbr. :^= Commissure viscérale gauche. Kl. == Nerf tentaculaire. Kp. == Nerf pédal. Npl. = Commissure viscérale droite. 0. = Bouche. Oes. = Œsophage. Op. = Opercule. at. = Otocyste. p. = Pied. Pch. = Cavité péricardique. Pcsm. = Somatopleure du mésoderme péricardique. Pcsp. = Splanchnopleure du mésoderme péricardique. pi. = Manteau. Plf. = Repli palléal. Pllh. = Plaque labiale. Plsn. = Plaque céphalique (l'ébauche du ganglion cépha- lique et de l'œil). Pms. = Portion antérieure du pied où se trouvent les ganglions pédieux (corresp. au propodium). ÉTLDES SIR LE DÉVELOPPEMEIST DL VERMET. 757 Pm. = Partie postérieure du pied, où se trouve la glande pédieuse postérieure (correspond, au mésopodium. Ppd. --= Plaque médullaire du pied, qui donne naissance au gangl. pédieux. Ppm. == Partie protoplasraique d'un blastomère. JR. = Rectum. Bn. = Rein. Sont. = Somatopleure. Spi. = Splanchonpleure. Sr (Bs). ^= Sac de la radula. T. = Tentacule. F. = Vitellus. VI. = Voile. X = Invagination problématique de l'ectoderme. Planches XXV a XXXII. Fig. A-Z, A'-K'. Vue externe des embryons aux divers stades du développement. Fig. 1 . Coupe de l'œuf au stade C. Fig. 2. Coupe de l'œuf au stade F. Fig. 3, 3 A. Deux coupes de l'œuf au stade G. Fig. 4. Coupe longitudinale de l'œuf au stade J. Fig. 5. Coupe longitudinale de l'œuf au stade K. Fig. 6, 6 A, 6 B. Coupes longitudinales de l'œuf au stade 0. Fig. 7. Coupe longitudinale de l'œuf au stade B. Fig. 8. Coupe longitudinale de Tœuf au stade S. Fig. 9. Coupe longitudinale de l'œuf à un stade voisin, du stade V. Fig. 10, 10 A. La même au stade voisin de Y. Fig. 11. Série de coupes transversales de l'embryon au stade Z. Fig. 12 A, B. Deux coupes transversales de la partie postérieure de l'embryon au stade Y. Fig. 13 A-H. Série de coupes transversales de la partie moyenne de l'embryon au stade Z- W. 758 M. SALENSKY. Fig. 14 A-I. Série de coupes transversales de l'embryon au stade W. Fig. 15-17. Trois coupes transversales d'embryons à différents stades du développement, pour montrer le déve- loppement des otocystes. Fig. 18 A-C. Trois coupes transversales d'un embryon au stade voisin du stade A' pour montrer le cœlome. Fig. 19. Coupe longitudinale d'un l'embryon arrivé à peu près au même stade du développement que celui qui est en 18. Fig. 20 A-C. Trois coupes transversales de la partie antérieure d'un embryon au stade A'. (Par suite d'une erreur commise par le lithographe toutes les coupes sont désignées par 20 A; la coupe médiane doit être désignée par 20 B, la coupe de droite par 20 A). Fig. 21 A-C. Coupes tranversales d'un embryon appartenant au stade U. Fig. 22-25. Coupes transversales du pied, à l'endroit où se montrent les ganglions pédieux chez des embryons à divers stades du développement. Fig. 26. Coupes transversales de la partie antérieure d'un embryon au stade voisin de F'. Fig. 27. Coupe horizontale de la partie antérieure d'un embryon au même stade du développement que celui de la figure précédente. Fig. 28. Coupes transversales de la partie antérieure d'un embryon du stade G'. Fig. 29 A-B. (La coupe droite 29 A doit être désignée par 29 B). Coupe longitudinale d'un embryon d'un stade intermédiaire entre G' et H'. Fig. 30 A-E. Coupes transversales de la partie antérieure d'un embryon au stade J'. Fig, 31 A-E. Coupes longitudinales d'un embryon au stade K'. Fig. 82. Deux coupes tranversales par la partie buccale d'un em- bryon, pour montrer la formation de la commissure entre deux ganglions cérébraux. Fig. 33 A-B. Deux coupes horizontales par la partie antérieure d'un embryon au stade B'. Fig. 34 A-D. Coupes longitudinales d'un embryon au stade H'-J'. ÉTUDES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU VERMET. 759 Fig. 35 A-D. Coupes transversales du pied de l'embryon adulte (stade J'-K'). Fig. 36 A, B. Deux coupes longitudinales d'un embryon à un stade voisin D' E'. Fig. 37. Coupe longitudinale du stade F'. Fig. 38. Coupe transversale à travers le repli palléale d'un embryon du stade A'-B'. Fig. 39 A-N. Coupes tranversales par la cavité branchiale et le pied d"un embryon au stade G'. Fig. 40. Coupe transversale par la partie péricardique d'un l'em- bryon à un stade voisin de B'. Fig. 41 A-B. Deux coupes transversales de la région de la cavité péricardique d'un embryon au stade B'-C. BOUND DEC 1974 I i I 3 2044 093 335 156 Date Due m