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HARVARD UNIVERSITY
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LIBRARY
OF THE
Museum of Comparative Zoology
ARCHIVES
DE
BIOLOGIE
rUllMEES PAU
Edouard VAN BENEDEN,
PROFESSEUR A l/UN 1 V E K S I TÉ DE I.IÉGE.
et
Charles VAN BAMBEKE,
PROFESSEUR A l>'UMVERSITÉ DE G A NU.
Tome HL.
(MNI) & LEIPZIG,
Librairie CLEMM,
II. ENGELCKE, Suoc^
PARK,
G. MASSON, éditeur,
120, Boulevard S'-Germiiin,
Lif'içc, \in\)r. H. Vaillant-Ciiriiianne, rue St-Adalbcrt, 8.
^' 1890
TABLE DES MATIERES,
'l'«»me X.
Recherches sur le cartilage articulaire des Oiseaux, par le
Dr Orner Van der Stricht (pi. I et II) 1
Monadines et Chytridiacées, parasite^i des algues du Golfe de
Naples, par G. De Bruyne (pi. III à V) 43
La réplique de M. Guignard à ma note relative au dédouble-
ment des anses chromatiques, par Edouard VAN Beneden. 105
Sur la circulation céphalique croisée, ou échange du sang caro-
tidien entre deux animaux, par Léon FrederiCQ .... 127
L'anémie expérimentale comme procédé de dissociation des
propriétés motrices et sensitives de la moelle épinière, par
Léon Fredericq 131
Recherches sur le rythme respiratoire, par BlENEAIT et HOGGE. 189
La mort par le refroidissement. Contribution à l'étude de la
respiration et de la circulation, par George Ansiaux . . . 151
La pulsation cardio - œsophagienne chez l'homme, par le
Dr Ernest Sarolea 187
Recherches sur la circulation et la respiration. — La pulsation
du cœur chez le chien (suite), par Léon FREDERICQ. . . . 211
De l'endothélium de la chambre antérieure de l'œil, particuliè-
rement de celui de la cornée, par les Drs J..p. NUEL et
Fern. CORNIL (pi. VI et VII) , . . . 235
Recherches sur l'organisation de Monobrachium parasiticum
Méréjk., par Jules WAGNER (pi. VIII et IX) 273
Nouvelle contribution à la faune pélagique du Golfe de Mar-
seille, par Paul GOURRET (pi. X) 311
Recherches sur le système cutané et sur le système musculaire
du Lombric terrestre, par Paul Cerfontaine (pi. XI à XIV). 327
Sur la conservation de l'oxyhémoglobine à l'abri des germes
atmosphériques, par Léon FREDERICQ 429
Recherches physiologiques sur l'occlusion de l'aorte thoracique,
par le Dr COLSON 431
— IV —
Les Anthozoaires pélagiques recueillis par M. le professeur
Hensen dans son expédition du Plankton. — I. Une Larve
voisine de la Larve de Semper, par Edouard VAN Beneden
(pi. XV) 485
Contribution à l'étude des yeux de quelques Crustacés et
recherches sur les mouvements du pigment granuleux et des
cellules pigmentaires sous l'influence de la lumière et de
l'obscurité dans les yeux des Crustacés et des Arachnides,
par Vanda SZOZAWINSKA (pi. XVI et XVII) 523
Recherches sur la marche des Insectes et des Arachnides, étude
expérimentale d'anatomie et de physiologie comparées, par
Jean Demoor (pi. XVIII à XX) 567
Sur la kératinisation du poil et les altérations des follicules
causées par l'épilation, par Sébastien GlOVANNINI (pi. XXI
à XXIV) 609
Contribution à l'étude des Rotateurs, par Jean Masius
(pi. XXV et XXVI) 651
Itcclierclies sur le cartilage articulaire
des Oiseaux,
Le Dr Omer van DER STEICHT,
Assistant à ITnivcrsilé de Gand.
Travail du laboratoire d'Histologie de l'Université de Garni.
(Pi, ANCHES 1 et li.)
Avant d'aborder l'étude du cartilage articulaire des oiseaux,
nous tâcherons de donner un court aperçu des nombreux tra-
vaux concernant le cartilage liyalin. Un exposé historique plus
ou moins complet nous paraît superflu ; des mémoires récents
comblent suffisamment cette lacune. Nous nous contenterons
donc de résumer en quelques mots l'état actuel de la question,
en insistant surtout sur les points en discussion. Nous ferons
suivre cet aperçu historique de nos recherches personnelles et
des conclusions auxquelles nous aboutissons.
La plupart des controverses touchant la structure du car-
tilage hyalin ont porté sur les points suivants :
a) La structure fibrillaire du cartilage hyalin.
h) L'existence de prolongements cellulaires.
c) La présence de canalicules nourriciers.
d) La structure lamellaire, l'apparition de fentes, etc.
Chose curieuse, des éléments identiques ont été considérés,
par des histologistes de valeur, tantôt comme prolongements
cellulaires, tantôt comme canalicules nourriciers, tantôt comme
librilles ou faisceaux fibrillaires, tantôt enfin comme productions
artificielles.
1
2 OMER VAN DEE STEICHT.
Ainsi Heitzmann (1) représente les cellules caitilagineuses
munies de prolongements nombreux, ramifiés, anastomosés
entre eux et avec ceux des cellules voisines. Ce riche réseau
protoplasmique serait, d'après cet auteur, en rapport avec un
réseau analogue répandu dans tous les tissus de l'organisme.
Stricker (2) admet la manière de voir de Heitzmann. Lowe (3)
décrit des prolongements cellulaires semblables dans le car-
tilage d'embryons de mammifères.
Spina (4) a trouvé dans l'alcool un réactif précieux pour
faire apparaître ces mêmes détails de structure dans le car-
tilage li3^alin. Elsberg (5) se rallie à cette manière de voir de
Spina. Ses reclierclies portent sur le cartilage aryténoïde
humain et sont basées sur l'action de l'alcool.
Plusieurs histologistes ont tenté de vérifier ces données.
Les uns ont obtenu des résultats négatifs, les autres ont vu
des prolongements cellulaires. Seulement ils ne généralisent
point des observations isolées. Ils n'attribuent point au car-
tilage hyalin en général des caractères rencontrés dans des
cas exceptionnels. D'ailleurs, ils sont loin d'admettre un réseau
protoplasmique aussi riche et aussi serré que celui décrit par
Heitzmann. Signalons ici Reiviak (6), Heidenhain (7), Broder
(8), Hasse (9), 0. Hertwig (10), Retzius (11), Thin (12),
Tizzoni (13), Prudden (14), Flesch (15), Leydig (16), Pétrone
(17), etc.
En faveur de l'existence d'un système canaliculaire reliant
les cellules, se prononcèrent surtout : Bubnoff (18), Henocque
(19), O. Hertwto (10), Budge (20), Orth (21), etc. Budge est
parvenu à le dilater en le remplissant d'air. Arnold (22),
Budge (20), Nykamp (23), ont eu recours à difterents procédés
d'injection de substances colorantes, pour faire apparaître ces
mêmes canalicules et pour démontrer leur rapport avec le
système sanguin général.
Avant d'aller plus lom, remarquons que plusieurs auteurs,
s' occupant de l'étude des canalicules nourriciers et des prolon-
gements cellulaires, laissent de côté l'examen de la substance
fondamentale. Nykamp (23) fait exception. Se servant du
RECHERCHES SUR LE CARTILAGE ARTICULAIRE DES OISEAUX. 3
cliromate neutre d'ammoniaque à 5 "/o, il parvint à l'aide de
ce réactif à faire apparaître les tibrilles de la substance
fondamentale à côté des canalicules nourriciers. La plupart des
autres auteurs, au contraire, décrivent des prolongements
protoplasmiques ou des canalicules nourriciers en rapport avec
les cellules, sans se demander quels rapports ces mêmes éléments
présentent avec les fibrilles, plongées dans la substance intercel-
lulaire. Loin de nous l'idée de critiquer les méthodes employées
par des histologistes de valeur. Leurs reciierches ont contribué
beaucoup à l'étude de la structure du cartilage. Il n'en est pas
moins vrai, cependant, que l'interprétation donnée de certains
détails, rendus apparents par des réactifs aussi ingénieux qu'in-
faillibles, a beaucoup souffert de cette omission. En fixant à la
fois les prolongements cellulaires ou les canalicules nourriciers
et les fibrilles de la substance fondamentale, il est facile de
comparer les deux, et il est aisé de différencier des fibrilles
voisines, un prolongement cellulaire en continuité avec le
protoplasma cellulaire.
La structure fibrillaire de la substance fondamentale hyaline
a été démontrée par plusieurs liistologistes.
KoLLiKER (24), après lui Nykamp (23), signalent la striation
de la substance intercellulaire du cartilage des céphalopodes.
DoNDERS (25) décrit dans le cartilage costal des fibres dirigées
parallèlement à la surface. Langhans (26) trouve dans le car-
tilage hyalin scleral de poisson des fibrilles s' entrecroisant dans
différentes directions. Gegenbaur (27) constate l'existence de
fibrilles disposées en réseau dans le cartilage céphalique des
sélaciens. C'est surtout à Tillmanns (28) que nous devons la
description de la structure fibrillaire du cartilage hyalin. Ses
recherches portèrent sur le cartilage articulaire du Chien et du
Lapin, traité par l'hypermanganate de K et par le chlorure de
Na à 10 "/o. n considère la substance fondamentale hyaline
comme formée par de fines fibrilles reliées par un ciment
intermédiaire, masquant à l'état frais la structure fibrillaire.
Les conclusions de Tillmanns furent adoptées par Baber(29),
Genzmer (30), Eeeves (31), Nykamp (23), Flesch (15), Bicfalvi
(32), VoGEL (33), moi (34), Spronck (35), etc.
4 OMER VAN DEE STEICHT.
Eemarqiions enfin en passant que certains liistologistes
sig-nalent, an sein de la substance fondamentale fibrillaire, des
fibres ou faisceaux fibrillaires spéciaux, reliant les capsules
cartilagineuses. Zuckerkandl (36), étudiant le cartilage de la
cloison nasale du Tapir, y trouve un réseau caractéristique sur
le trajet duquel sont intercalés les éléments cellulaires. Il se
demande si ce réseau est de nature fibrillaire. Nous (34) avons
décrit un réseau semblable dans le cartilage liyalin de plusieurs
animaux et nous nous sommes prononcé en faveur de la nature
fibrillaire de ces " faisceaux intercapsulaires „. Spronck (35)
a confirmé nos recherches.
En résumé, on voit que les figures décrites par Heitzmann,
Lowe, Stricker, Elsberg, Spina, comme prolongements cellu-
laires, ont été considérées comme canalicules nourriciers par
BuBNOFF, Pétrone, Hertwict, Budge, Nykamp, Orth, etc.,
comme faisceaux intercapsulaires fibrillaires par Zuckerkandl,
moi et Spronck.
De plus B. SoLOER (37), après avoir contrôlé très soigneuse-
ment les recherches de Spina, en employant à peu près le même
réactif, préconisé également par Spronck, considère les figures
en question comme des phénomènes de plissement (Schrump-
fungsplianomen). Dans son dernier mémoire, Solger (38) main-
tient cette opinion.
Vogel se servit du même réactif, pour étudier le cartilage
de la Grenouille et des mammifères. 11 attribua aussi une nature
fibrillaire aux éléments que l'alcool rend apparents dans la
substance intercellulaire. Spina (39), dans son dernier travail
sur le cartilage aryténoïde du Cheval, représente les cellules
de ce tissu, munies de prolongements analogues à ceux signalés
dans le cartilage hyalin.
En présence de toutes ces divergences, l'étude du cartilage
articulaire des oiseaux nous paraît très intéressante et parti-
culièrement propre à élucider cette question tant controversée.
Chose étonnante, ce cartilage diarthrodial, si facile à se procu-
rer, a été très peu étudié jusqu'ici. En fait de recherches
sur ce tissu chez les oiseaux, nous n'avons trouvé que des
RECHERCHES SUR LE CARTILAGE ARTICULAIRE DES OISEAUX. 5
notions très succinctes et données d'une façon accessoire à
propos d'études sur le tissu osseux. Nous signalerons les tra-
vaux de Eenaut (40) et de L. Schoney (41). Renaut repré-
sente la coupe longitudinale du tibia d'un embryon de poulet
au 20e jour d'incubation (vo^'ez sa fîg. 3). Il n'insiste pas
beaucoup sur la succession des différentes couches du cartilage.
Il touche cependant à deux points dignes d'attention. Tout
d'abord à l'existence d'une couche tout à fait superticielle.
Renaut n'en parle guère, il se contente de la reproduire dans
sa ligure. Cette couche se continue latéralement avec le
périchondre. En second lieu, il signale la persistance, à l'inté-
rieur de la diapliyse, d'un cône cartilagineux très volumineux,
qu'il désigne sous le nom de cartilage primitif.
L. Schoney, en décrivant le cartilage diarthrodial de jeunes
oiseaux, distingue quatre zones. Une première près du péri-
chondre constituée par des corpuscules cartilagineux fusiformes,
qui engendrent une seconde couche de cellules arrondies à
noyau évident. Celle-ci très épaisse est traversée par des
canaux médullaires vasculaires de diverses formes. Une troi-
sième zone à corpuscules cartilagineux très petits et aplatis,
succède à cette dernière. Elle est toujours colorée en jaune
rougeâtre. Enfin vient le cartilage calcifié auquel fait suite
directement le tissu osseux. Voilà tout ce que nous avons trouvé
concernant la description du cartilage diarthrodial des oiseaux.
Objets de recherches. — Nous avons utilisé le cartilage diar-
throdial d'oiseaux domestiques : le Poulet, le Canard, l'Oie, le
Dindon, le Pigeon. Nous avons examiné ensuite celui de la
Perdrix, de la Bécassine Gallinago media (Gray)) et d'un pal-
mipède : le Fidigula marilcc. Tous fournissent des résultats
identiques. Le cartilage embryonnaire n'a pas été négligé.
Les os d'un Poulet et d'un Dindon nouveau-nés ont été fixés .
pendant 24 heures dans un mélange à parties égales d'eau
et de liqueur de Flemming, puis lavés dans l'eau distillée. Le
cartilage de tous les autres oiseaux, que nous venons de citer,
a été examiné à l'état frais, sans addition de réactifs fixateurs,
6 OJIER VAN DER STRICHT.
dans des liquides neutres tels qu'une solution d'iode, du sérum,
du sérum iodé, etc. Des fragments des mêmes individus ont
été portés dans la liqueur de Flemming pure ou mêlée d'eau
à parties égales, dans l'alcool, etc. Les diverses préparations
ont été colorées par l'iode, le picrocarmin, la fuchsine, la
safranine, l'éosine, l'iiématoxyline, le vert de métliyle, etc.
Carth^age articulaire adulte.
En comparant le cartilage diartlirodial des oiseaux à celui
des mammifères ou autres vertébrés, on s'aperçoit rapidement
qu'il doit exister une différence notable entre les deux. Déjà à
l'œil nu, on remarque, à la surface des epiphyses recouvertes
d'une couche cartilagineuse relativement mince, des détails
macroscopiques, des différenciations à l'intérieur de la substance
hyaline. Ainsi sur l'épiphyse inférieure du tibiotarse d'un
canard adulte, au niveau de la partie antérieure de la surface
articulaire, on constate même à l'état frais, un fin strié nacré,
à direction transversale, reliant les parties latérales des
surfaces articulaires. Les différents liquides fixateurs rendent
ce strié encore plus apparent. Ceci est surtout vrai pour
l'alcool. L'épiphyse traitée pendant quelque temps par ce
réactif, présente à certains endroits des lignes alternativement
claires et nacrées. Ces particularités se remarquent encore au
niveau de l'attache des ligaments intra-articulaires : à la
surface de la tête fémorale, dans l'espace intercondylien de
l'épiphyse inférieure du fémur, etc.. Cet aspect strié présuppose
évidemment une structure histologicpie non homogène,
conforme à ces données macroscopiques. Ranvier (42) et
plusieurs autres auteurs insistent sur la texture fibrillaire du
cartilage au niveau du point d'implantation des tendons, des
ligaments et du périchondre. Seulement jusqu'ici on n'a constaté
que des particularités microscopiques, et encore sur une
étendue excessivement restreinte (comparez la figure 126 de
Eanvier).
Chez les oiseaux, il en est autrement. Comme ces quelques
IIÏÏOI-IERCHES SUR LE CARTILAGE ARTICULAIRE DES OISEAUX. 7
détails macroscopiques le font prévoir, on doit s'attendre à
trouver à ces endroits des détails de structure beaucoup plus
intéressants qu'au niveau de l'implantation des ligaments et du
péricliondre chez les autres vertébrés. D'ailleurs cette striation,
visible à l'œil nu, existe chez les oiseaux en dehors du voisi-
nage des insertions tendineuses ou ligamenteuses. Nous nous
abstiendrons cependant de donner des indications précises, car
il nous semble que cela varie beaucoup d'un individu à l'autre
et avec l'âge des oiseaux.
Quoi qu'il en soit, examinons au microscope ce cartilage
diarthrodial. A cet effet, il sufïït de faire à l'aide d'un rasoir
des coupes très minces. On peut les pratiquer dans un os tout
frais, non fixé et examiner les coupes dans des liquides indiffé-
rents. Ceux-ci montrent la structure du cartilage avec la même
netteté que tous les autres réactifs employés dans nos
recherches. Il ne faut donc aucun liquide additiomiel pour fixer
les éléments constituants de ce tissu. Seulement pour en faire
une étude plus parfaite, pour avoir toujours à sa disposition
des matériaux convenables, en bon état de conservation, il est
indispensable de fixer de petits fragments d'épiphyses, soit par
une solution d'acide osmique à 1 "/o; •'^oit par la liqueur de
Memming, soit par une solution d'acide chromique à Yg % —
1 "/o, soit par l'alcool à 90". Après l'action des liquides fixa-
teurs on lave à l'eau distillée et on conserve dans l'alcool.
L'action durcissante de l'alcool a le grand avantage de per-
mettre de faire des coupes suffisamment minces. En effet, à
l'état frais, les couches superficielles du cartilage diarthrodial
sont de nature à ne pas se laisser diviser en coupes très
minces ; elles n'ont pas la consistance ferme du cartilage
hyalin ordinaire. Elles sont plus flasques, un peu molles, elles
se dépriment sous la pression du tranchant du rasoir. Sans
doute, là où ces couches superficielles n'atteignent qu'une faible
épaisseur, on parvient à les diviser en tranches suffisament
minces, parce qu'elles recouvrent un tissu essentiellement dur
et résistant. Mais là où cette épaisseur est plus grande on
atteint ce but plus difficilement. Dans tous les cas, l'action
8 OMER VAN DER STRICHT.
durcissante de l'alcool, soit directe, soit après fixation par
d'autres réactifs, facilite beaucoup les préparations microsco-
piques.
Sur des coupes faites dans les conditions précitées, on
distingue deux éléments différents : Ijes cellules et la substance
intercellulaire. Nous commencerons par l'étude des cellules.
A. — Cellules cartilagineuses.
Les cellules varient beaucoup d'aspect. Etudiées sous le
rapport des caractères propres aux éléments cellulaires hyalins,
on peut dire en général qu'elles possèdent une capsule.
Leur protoplasma présente une structure granuleuse manifeste,
n est riche en granulations graisseuses se colorant en noir
sous l'influence de l'acide osmique. L'action de l'eau produit
un retrait du corps protoplasmique. Le noyau volumineux, plus
ou moins arrondi ou ovalaire, possède une structure réticulée.
La substance chromatique montre des épaississements nom-
breux. L'iode colore les cellules d'une façon intense. Leur
volume égale à peu près celui des cellules du cartilage articu-
laire des mammifères. Le contour et la limite des capsules
cartilagineuses sont nets, réguliers et on n'y constate
absolument pas de prolongements protoplasmiques. Pas la
ûioindre trace de canalicules, à parois propres, reliant deux
capsules voisines.
La forme varie beaucoup. A la surface du cartilage, les
éléments sont plus ou moins lenticulaires, à grand axe parallèle
à la surface. Plus profondément ils deviennent plus sphé-
riques, ou du moins leur diamètre vertical parallèle à l'axe de
l'os augmente sensiblement. On peut donc distinguer chez les
oiseaux, comme chez les mammifères, une couche superficielle à
capsules lenticulaires, et une couche plus profonde à capsules
sphériques. Mais disons-le de suite, cette disposition est loin
d'être la règle. A des endroits divers, on trouve toute espèce de
cellules, dont la forme varie d'après leur arrangement et leur
distribution. D'ailleurs d'autres caractères sont également
RECHERCHES SUR LE CARTILAGE ARTICULAIRE DES OISEAUX. U
sujets à varier. Ainsi à la surface du cartilage, à aspect
tendineux, de la partie antérieure de l'épipliyse inférieure du
tibiotarse d'une Oie adulte, on rencontre des éléments cellulaires
dépourvus de capsule, à corps protoplasmique à peu près
homogène, peu coloré (voyez flg. 1). Le noyau présente un
aspect uniformément chromatique. Le contour cellulaire est
elliptique. A un examen superficiel, ces éléments ressemblent
assez bien à de jeunes corpuscules rouges, non chargés d'hémo-
globine, mais d'un volume considérable. Dans leur protoplasma
on trouve quelques granulations graisseuses, devenant noirâtres
sous l'influence de l'acide osmique. Ces cellules nous semblent
établir des stades de transition entre les corpuscules hyalins
typiques et ceux dont nous parlerons plus loin (voyez fig. 2).
Comme nous venons de le dire, la forme et l'aspect des
cellules varient beaucoup d'après leur disposition et leur agence-
ment. Voici ce que nous apprend l'étude du cartilage
diarthrodial. D'une manière générale on peut dire que les
cellules ont une tendance à se grouper en séries linéaires.
Plusieurs coupes donnent des images identiques, à peu près, à
celles fournies par une préparation des tendons d'une queue de
Souris ou de Rat (voyez fig. 2). Toutes les cellules y sont
distribuées en séries linéaires, serrées les unes contre les autres,
adoptant la forme que la pression réciproque leur communique.
Ici comme dans la queue de Souris, les rangées cellulaires sont
parallèles les unes aux autres. Seulement ceci n'est vrai que
lorsque la section entame un seul plan cellulaire. Si la prépara-
tion est plus épaisse, en changeant la distance focale, on peut
distinguer plusieurs plans cellulaires. Toutes les rangées
d'un même plan sont parallèles entre elles, mais les colonnes
d'un plan voisin s'entrecroisent avec celles du premier, de façon
à former un angle variant depuis l'angle aigu le plus petit,
jusqu'à l'angle droit. Sous le rapport de l'entrecroisement
des éléments constituants, cette structure du cartilage arti-
culaire des oiseaux ressemblerait davantage à celle décrite par
Eanvier (-12) dans l'aponévrose d'enveloppe de la cuisse d'une
grenouille (comparez la figure 123 de Eanvier, page 359).
10 OMER VAN DER STRICHT.
Les fibres s'y entrecroisent à angle droit (voyez nos fig. 3
et 4).
Si on examine de plus près ces colonnes cellulaires, en fixant
l'attention sur chaque corpuscule en particulier, on remarque
plusieurs particularités intéressantes. Tout d'abord leur noyau
arrondi ou ovalaire est uniformément chromatique (voyez
fig. 2). Ses limites sont nettement accentuées. Sa situation est
souvent excentrique ; il est reporté quelquefois vers la périphérie
de la colonne cellulaire, plus souvent du côté de la cellule
voisine. Le protoplasma plus ou moins homogène ou finement
granuleux se colore faiblement. Souvent il est chargé de granu-
lations graisseuses. Quant à l'existence d'une capsule, on est
fréquemment embarrassé de se prononcer. La cellule présente
une limite nette, une membrane à double contour, plus dense et
plus résistante que le protoplasma lui-même. Celui-ci se rétracte
peu sous l'influence des divers réactifs fixateurs. Il reste en
contact immédiat avec la surface interne de la couche limitante.
Du côté extérieur, la délimitation de la membrane à double
contour également nette, ne se confond absolument pas avec la
substance fondamentale. Là où la cellule est libre, dégagée
complètement de la matière intercellulaire, elle reste munie de
cette couche limitante périphérique. Celle-ci semble donc faire
corps avec la cellule. Nous sommes par conséquent porté à la
considérer comme étant une véritable membrane et non une
capsule cartilagineuse. Ce serait toutefois une erreur de croire
que cette capsule manque toujours. Cela est vrai pour le
cartilage à aspect tendineux. Le plus souvent la capsule existe,
même là où l'arrangement des corpuscules en séries linéaires
est idéal. En effet, la rétraction protoplasmique, la présence
entre le protoplasma et la capsule d'un espace clair corres-
pondant au vide laissé par le retrait, l'adhérence intime entre
la couche limite et la substance fondamentale environnante,
enfin la persistance de la capsule au sein de cette matière après
la chute du corps protoplasmique, par suite de manipulations
diverses, sont autant de preuves de l'existence d'une couche
limitante faisant plus ou moins corps avec la substance inter-
cellulaire, c'est-à-dire d'une capsule véritable.
RECHERCHES SUR LE CARTILAGE ARTICULAIRE DES OISEAUX. 1 1
Cette interprétation difficile ne doit étonner personne.
Il suffit de quelques préparations microscopiques d'un cartilage
diartlirodial d'oiseau adulte pour se convaincre des aspects
variés que présente ce tissu. Le point essentiel pour nous c'est
la constatation de ces éléments différents au sein de ce cartilage,
c'est-à-dire la présence de cellules hyalines tjT)iques, à côté de
cellules ressemblant beaucoup à celles du tissu conjonctif
tendineux. Entre ces deux variétés on rencontre d'ailleurs
toutes les formes intermédiaires. Cependant les éléments
cellulaires du cartilage articulaire qui ont le plus de res-
semblance avec ceux du tissu tendineux, s'en éloignent
par des caractères importants. Ainsi ils ne possèdent jamais
les expansions membraneuses en forme d'ailes ou les prolon-
gements latéraux décrits par Ranvier (43). Ils ne montrent
jamais de crête d'empreinte, particularité désignée par
Boll (-11) sous le nom de strie élastique. Au point de vue
de leur forme, les cellules ne sont pas aussi aplaties que celles
du tissu tendineux. Plusieurs sont lenticulaires, d'autres
s'aplatissent davantage et présentent un diamètre beaucoup plus
court que les deux autres. Dans ce cas, les deux grands
diamètres sont plus ou moins parallèles à la surface articulaire.
Le plus court est plutôt parallèle à l'axe de l'épiplij'se. En
d'autres termes, si les cellules tendent à s'aplatir, l'aplatisse-
ment se fait d'ordinaire parallèlement à la surface articulaire.
Aussi les coupes horizontales qui lui sont parallèles, montrent
les cellules à plat ou de face, et les coupes verticales montrent
les cellules de profil ou en section transversale. Le noyau se
présente alors sous forme de strie allongée, entourée par un
corps protoplasmiquetrès peu abondant. Toutefois les exceptions
à cette règle sont nombreuses. Dans les deux espèces de
préparations on rencontre toujours des corpuscules qui se
présentent de face et des corpuscules qui se présentent de
profil (voyez fig. 2 et 3).
Enfin mi dernier caractère propre à toutes ces cellules, est
leur richesse en granulations graisseuses, devenant noirâtres
par l'action de l'acide osmique. Tantôt ces granulations rem-
12 OMER VAN DEIi STRICHT.
plissent tout le corps protoplasmique ; d'autres fois, on en trouve
seulement quelques-unes éparpillées vers la périphérie, ou dans
le voisinage du noyau, ou disposées d'une façon irrégulière. Cette
tendance que présentent ces éléments cellulaires de se charger
de graisse, offre une grande importance au point de vue de leur
nature. Ranvier insiste sur ce caractère des cellules carti-
lagineuses. Dans le cartilage diarthrodial des oiseaux toutes les
cellules indistinctement possèdent cette propriété, même celles
dont l'aspect se rapproche le moins de celui des cellules
cartilagineuses t3^piques.
En résumé, l'étude des éléments cellulaires du cartilage arti-
culaire des oiseaux nous apprend que la plupart de ces éléments
présentent les caractères d'une cellule hyaline typique et que
d'autres se rapprochent beaucoup des corpuscules conjonctifs
du tissu tendineux. Ce dernier rapprochement se manifeste :
1» Par leur distribution en rangées cellulaires.
2° Par leur forme plus ou moins irrégulière, résultant de leur
pression réciproque.
3» Par la structure et la situation du noyau.
4» Le protoplasma, d'ailleurs lui-même à aspect plus clair,
moins granuleux, fixant peu l'iode et les matières colorantes,
ressemble plus ou moins à celui des corpuscules tendineux.
5*' Enfin quelquefois la capsule hyaline semble faire défaut.
D'un autre côté, l'absence d'expansions membraneuses et de
crêtes d'empreinte, la propriété du corps protoplasmique de se
charger de granulations graisseuses, distinguent les cellules
hyalines les moins typiques des corpuscules tendineux.
Enfin les cellules cartilagineuses présentent des contours
nets. On n'y observe pas de trace de prolongements cellulaires
ou de canalicules nourriciers.
Quand on se borne à étudier superficiellement les cellules
sous le rapport des prolongements, là surtout où ce cartilage
recouvre en couche très mince la surface épiphysaire, par
exemple au niveau des epiphyses des phalanges des oiseaux
adultes, on s'expose beaucoup à donner dans des erreurs que
nous tenons à prévenir. Après avoir fait dans ce cartilage
RECHRRCHES SUR LE CARTILAGE ARTICULAIRE DES OISEAUX. 13
quelques sections parallèles à la surface, on tombe rapidement
dans la couche calcifiée. Chez les oiseaux, il existe une grande
tendance aux dépôts calcaires; un grand nombre de tissus
possèdent cette propriété à un haut degré. Le tissu tendineux
en offre un exemple frappant. Le cartilage articulaire aussi s'in-
filtre rapidement de sels calcaires. C'est au niveau de cette
couche calcifiée que des erreurs se commettent facilement. Des
préparations faites, soit à l'état frais, sois après fixation de
fragments épiphysaires par des liquides préconisés, donnent des
résultats identiques, à la condition qu'on ne décalcifie point par
des solutions acides. Il n'est pas difficile de faire des coupes
suffisamment minces de la couche calcifiée. Les préparations de
la zone où le dépôt calcaire commence sont les plus instructives.
Même sans addition de matières colorantes, on distingue
nettement les parties infiltrées de sels calcaii^es. Ceux-ci ne se
déposent pas d'une façon diffuse dans toutes les parties
constituantes du cartilage. Ils respectent certains endroits et
affectent une préférence pour d'autres, c'est-à-dire pour le
voisinage des cellules. Là on voit apparaître des zones plus ou
moins étendueS; circonscrivant les capsules. L'épaisseur de ces
zones atteint à peu près la moitié de la distance entre deux
cellules voisines. Elles se reconnaissent facilement à leur
aspect brillant, à leur réfringence spéciale. La substance fonda-
mentale non infiltrée conserve plus ou moins sa teinte normale.
Examinée de plus près à un fort grossissement, la couche bril-
lante ne se montre pas continue; elle est interrompue et
parcourue par des lignes nombreuses, s'irradiant autour de la
cellule pour aller rejoindre l'espace situé entre les parties
infiltrées. Cet espace est plus ou moins large, les lignes sont
beaucoup plus étroites. Quand on met ces dernières exactement
au point, .elles présentent un aspect hjalin, clair comme la
substance fondamentale normale. Mais du moment qu'on élève
ou (iu'on abaisse l'objectif, elles prennent un aspect tout parti-
culier. On dirait alors des stries foncées, opaques presque noires,
tranchant sur les parties brillantes voisines. Nous avons tâché
de rendre dans la fig. 5 ce qu'on observe en éloignant l'objectif.
14 OMER VAN DER RTRICHT.
Comme on le voit, toute la substance fondamentale est par-
courue par un réseau à mailles serrées et nombreuses. Il est
d'ailleurs sujet à varier. Les mailles sont quelquefois larges, les
ramifications moins nombreuses ; d'autres fois les trabecules se
multiplient et se rapprochent davantage. Remarquons aussi
l'inégalité des parties constituantes de ce réseau ; les stries
s'irradiant autour des cellules sont très fines. Comme nous
l'avons dit tantôt, les travées situées entre deux territoires
voisins sont plus épaisses. On y distingue donc des travées
principales formant un réseau continu à travers toute la
substance fondamentale et dans les mailles duquel sont comprises
les cellules entourées de leur territoire respectif. Ce dernier est
subdivisé par des trabecules secondaires réunissant la capsule
cellulaire aux travées principales.
L'interprétation de ces faits, qu'on observe sans peine, n'est
certes pas des plus faciles. Au premier abord les lignes foncées
(h) aiïectant des rapports si intimes avec les cellules cartilagi-
neuses, en imposent pour des prolongements protoplasmiques.
C'était là notre première impression, toute naturelle d'ailleurs.
Après avoir clierclié vainement le riche réseau protoplasmique
décrit par Heitzmann, à l'aide des réactifs préconisés, dans le
cartilage articulaire des mammifères, nous éprouvions une
véritable satisfaction de le trouver si facilement dans celui des
oiseaux. Heureusement notre première idée fut de rendre ces
ramifications encore plus évidentes en dissolvant les sels cal-
caires déposés dans les mailles du reticulum. A cet ettet, nous
laissions pénétrer sous la lamelle couvrante une solution d'acide
nitrique à 5 o/o. Or sous l'influence du réactif, le réseau en
question disparaît comme par enchantement et il reste un
cartilage hyalin typique, c'est-à-dire des cellules dépourvues
de tout prolongement à limites nettes et régulières, au milieu
d'une substance fondamentale parfaitement homogène. Nous
devons donc conclure à l'absence de tout prolongement cellulaire
à cet endroit du cartilage articulaire.
Une seconde interprétation erronée reste encore possible.
Ces lignes opaques et foncées, qui disparaissent si rapidement
EECHERCHES SUR LE CARTILAGE ARTICULAIRE DES OISEAUX. 1 5
par l'acide nitrique, ne sont-elles pas elles-mêmes formées par
des sels calcaires ? Cette hypothèse est inadmissible. L'aspect
brillant même des parties, siège de dépôts calcaires, est tout à
fait caractéristique et propre à des infiltrations de cette esjièce
seulement. Il suffit d'ailleurs de recourir à quelques matières
colorantes pour avoir tous ses apaisements. Si les lignes
foncées {b) ne sont pas modifiées au point de vue chimique, si
elles sont de même nature que la substance fondamentale
hyaline, elles doivent se colorer de la même manière. Sous ce
rapport, la fuchsine et la safranine donnent des préparations
démonstratives. La substance intercellulaire fixe ces matières
d'une façon intense. Il en est de même des trabecules principaux
et secondaires en question (voyez fig. 6). Ils se colorent de la
même manière que le cartilage non ca,lcifié. Donc ces réseaux
ne sont constitués ni par des prolongements cellulaires, ni
par des dépôts calcaires, mais par de la substance fondamentale
non modifiée.
Heitzmann a décrit dans le cartilage hyalin un réseau
semblable, rendu apparent sous l'influence du chlorure d'or et
du nitrate d'argent. Pour lui, ce réseau correspond aux ramifi-
cations protoplasmiques. Ces dernières seraient visibles sans le
concours de réactif dans le cartilage calcifié à l'état frais.
D'autres histologistes ont discuté l'interprétation donnée par
Heitzmann du réseau obtenu grâce aux réactifs préconisés.
Quant à celui signalé dans le cartilage calcifié, nous venons de
démontrer qu'on ne peut nullement lui attribuer la valeur de
prolongements cellulaires. Un examen attentif ])rouve que ce
réseau est constitué pcir de la substance fondamentale non
imiirégnée de sels ccdcaires.
B. — Substance fondamentale inter cellulaire.
Après avoir étudié les cellules cartilagineuses, nous abordons
la question la plus importante, celle de la substance fondamentale
intercellulaire. Des coupes verticales, c'est-à-dire perpendicu-
laires à la surface du cartilage diarthrodial, examinées au
16 OMER VAN DER STRICHT.
microscope dans le sérum sanguin ou dans des liquides neutres,
montrent trois couches nettement distinctes. Une première super-
ficielle, à substance fondamentale fibrillaire ; une seconde à
substance intercellulaire homogène, sans structure apparente,
et une troisième, siège de dépôts calcaires, la zone calcifiée.
Nous ne nous occuperons que de la couche superficielle.
Couche superficielle à substance fondamentale fibrillaire. —
Ainsi qu'on l'a vu plus haut, dans le court aperçu historique,
nous n'avons pu trouver la moindre description relatant
l'existence d'une zone semblable. On ne trouve guère de mémoire,
parmi les travaux récents, traitant du cartilage articulaire des
oiseaux adultes. Les traités anciens n'en disent pas davantage.
Leydig (45) dans son cours d'Histologie comparée, figure " la
coupe à travers le cartilage articulaire du genou du Coq de
bruyère „. D ne parle pas de la structure de la matière inter-
cellulaire ; il insiste seulement sur l'existence, dans ce tissu, de
canaux vasculaires (voyez p. 180, fig. 88).
Or rien n'est plus facile que de constater l'existence d'une
couche fibrillaire dans le cartilage diarthrodial. Celui-ci examiné
à l'état frais dans des liquides indiff'érents, ou bien fixé préala-
blement par des réactifs préconisés et durci ensuite par
l'alcool, domie toujours des préparations très démonstratives.
En général, il est préférable de s'adresser à des individus
adultes, âgés au moins de quelques mois. En effet, chez des
sujets jeunes, la couche fibrillaire est relativement mince ; elle
existe toujours, mais la zone homogène l'emporte de beaucoup
en diamètre. A mesure que l'oiseau avance en âge, elle gagne
en épaisseur, se développe davantage et finalement peut acquérir
la même épaisseur que la couche située immédiatement en
dessous d'elle. Pour l'étudier convenablement, il est donc
préférable de choisir des oiseaux d'un certain âge. Chez ceux-ci
on rencontre des articulations où le cartilage présente une
structure fibrillaire dans toute son étendue. La couche calcifiée
même montre quelquefois cette texture.
Des coupes horizontales très minces, parallèles à la surface
du milieu de la partie antérieure de l'épiphyse inférieure du
RECHERCHES SUR LE CARTILAGE ARTICULAIRE DES OISEAUX. 17
fémur ou du tibiotarse, présentent une grande ressemblance
avec des préparations d'un tendon de la queue de Souris ou de
Rat. La substance intercellulaire y est manifestement iibrillaire.
Les fibrilles exactement parallèles les unes aux autres, sont
parallèles aux rangées cellulaires qu'elles séparent. Tous les
éléments présentent à peu près la même direction, et celle-ci
est également parallèle à la suiface articulaire, car sur des
coupes horizontales, on obtient rarement la section transver-
sale de fibres. Enfin ces dernières semblent unir les parties laté-
rales de l'épiphyse ; en effet, à part quelques-unes toutes super-
ficielles, à direction antéro-postérieure, la plupart courent dans
le sens frontal. Aussi sur des coupes parallèles au sens sagittal,
verticales, presque tous les éléments flbrillaires sont entamés
transversalement, exception faite pour quelques faisceaux super-
ficiels, visibles dans le sens de la longueur.
Toutes les fibres n'ont cependant pas la même direction.
Nous avons vu que les colonnes cellulaires d'un même plan
sont parallèles entre elles, mais s'entrecroisent avec celles d'un
plan sous-jacent. Il en est de même pour les fibres. Celles-ci
forment plusieurs plans, plusieurs lamelles, et quand la coupe
atteint une certaine épaisseur, on voit les éléments de deux,
trois, quatre lamelles différentes, s'entrecroiser dans divers
sens, sous des angles variant depuis l'angle aigu le plus petit
jusqu'à l'angle di^oit. Sous ce rapport, l'agencement des parties
constituantes de ce cartilage est tout à fait spécial. Aucun
tissu ne présente une textm-e pareille. Le tissu tendineux s'en
rapproche, mais dans aucun organe il ne montre, dans la dis-
tribution de ses éléments, un entrecroisement ou un entrelace-
ment semblable. La fig. 7 montre la section verticale, paral-
lèle à l'axe, faite au milieu de l'épiphyse inférieure du tibio-
tarse de poulet dans le sens sagittal. La plus grande partie du
cartilage à ce niveau est constituée par des faisceaux frontaux,
coupés ici transversalement. La figure 8 montre le même car-
tilage sectionné dans le sens frontal. En dehors des faisceaux
parallèles à la surface, on en voit quelques-uns situés dans les
interstices laissés par ces derniers et coupés transversalement.
2
18 OMER VAN DER STRICHT.
La figure 7 donne en plus un réseau manifeste, constitué par
des faisceaux fibrillaires plus ou moins épais à direction irré-
gulière et prenant leur origine à la surface articulaire. A ce
niveau, ils forment une mince couche de fibres parallèles à la
surface, à direction sagittale. Ils pénètrent ensuite plus pro-
fondément, se ramifient, s'anastomosent et forment un reticu-
lum dans les mailles duquel sont situés les faisceaux frontaux ;
ils se perdent finalement dans la couche à substance fondamen-
tale homogène.
La direction générale des fibres est k peu près la même dans
les condyles de l'épiphyse inférieure du fémur et du tibiotarse.
Les sections verticales sagittales montrent un grand nombre
de faisceaux coupés transversalement ; superficiellement il
existe encore une mince couche de fibres sagittales. Les
faisceaux verticaux, plus ou moins perpendiculaires à la sur-
face, sont encore plus nombreux et leurs ramifications sont
très abondantes. Les coupes faites parallèlement à la surface
articulaire, les plus superficielles surtout, présentent un aspect
tout diiîérent. Au lieu de former des lamelles à faisceaux plus
ou moins parallèles, les fibres se groupent en travées de lar-
geur variable, s' entrecroisant et s' entrelaçant dans tous les sens.
Les figures 9 et 10 montrent combien la distribution de ces
éléments est sujette à varier. Tantôt ils forment un reticulum,
dont les mailles renferment les cellules, tantôt celles-ci se
trouvent sur le parcours des trabecules, ou bien au niveau de
l'entrecroisement des travées. Nous reviendrons plus loin sur
ces particularités. Ajoutons seulement que ces données concer-
nant la direction des fibres, ne sont pas toujours rigoureuses,
elles ont seulement une valeur générale. De plus, le nombre
des faisceaux verticaux parallèles à l'axe de l'os, peut être
considérable, leurs anastomoses peuvent se multiplier. Dans ce
cas, l'aspect des sections frontales et sagittales varie avec le
nombre, la grandeur des faisceaux verticaux et de leurs rami-
fications anastomotiques.
Ces résultats concordent à peu près avec les conclusions
auxquelles est arrivé Sprongk dans son étude surla direction des
EECHERCHES SUR LE CARTILAGE ARTICULAIRE DES OISEAUX. 10
fibres dans le cartilag-e diarthrodial de la Grenouille. Il distingue
une couche superficielle et une couche profonde plus tard
calcifiée où les faisceaux fibrillaires sont plus ou moins perpen-
diculaires à la surface libre. Dans la zone intermédiaire, corres-
pondant à la partie la plus épaisse du cartilage, les fibres sont
en général parallèles à la surface articulaire incurvée. Dans
le cartilage diarthrodial des oiseaux, la couche superficielle à
fibres perpendiculaires à la surface n'existe pas. Elle est rem-
placée par des fibres sagittales pai-allèles à la surface. On
rencontre ensuite la zone à fibres frontales également parallèles
à la surface; elle est très épaisse et correspond à la couche
intermédiaire de Spronck. Les faisceaux fibrillaires y unissent
les parties latérales du périchondre épiphysaire. Enfin la troi-
sième zone de Spronck à fibres perpendiculaires, s'observe
rarement à l'état frais chez les oiseaux. La couche à substance
fondamentale homogène lui correspond très probablement. En
eifet, les faisceaux verticaux delà couche intermédiaire viennent
se perdre dans la substance intercellulaire et présentent, à ce
niveau, une direction franchement perpendiculaire à la surface.
Voilà tout ce que nous pouvons dire concernant la direction
prédominante des fibres et des faisceaux fibrillaires. Insistons
encore cependant sur la fréquence des exceptions. A certains
endroits l'arrangement des faisceaux est des plus complexes.
C'est surtout le voisinage de l'insertion des ligaments intra-
articulaires qui modifie leur distribution. Souvent aussi les
faisceaux sagittaux de la couche superficielle deviennent
compactes et nombreux, de façon que cette dernière présente
l'épaisseur de la zone moyenne. D'autres fois celle-ci est très
riche en faisceaux verticaux. Ces derniers l'emportent quelque-
fois sur les éléments horizontaux parallèles à la surface libre.
Après cet examen de la direction générale des éléments
fibrillaires, disons quelques mots de leur distribution et de leur
arrangement intime. Très souvent les fibrilles sont réunies en
faisceaux. Le diamètre de ceux-ci varie depuis l'épaisseur d'une
grosse fibre jusqu'à celle des faisceaux les plus volumineux.
Leur structure est manifestement fibrillaire. Les fibrilles y
20 OMER VAN DER STRICHT.
courent plus ou moins parallèlement à l'axe, d'autres s'entre-
croisent, s'entrelacent et décrivent des flexuosités. Souvent elles
quittent le faisceau primitif et vont s'adjoindre à celles d'un
faisceau voisin, en figurant des anastomoses quelquefois
multiples entre deux faisceaux. Les faisceaux sont donc
constitués par une agglomération de fibrilles, séparées par une
substance interâbrillaire moins dense, moins compacte, ayant
moins d'affinité pour les matières colorantes que la substance
fibrillaire. Elle semble être de même nature que la matière
interfasciculaire. Cette dernière est d'ailleurs souvent parcourue
par des fibrilles isolées, non réunies en faisceau.
Quant aux rapports des faisceaux entre eux : sur une coupe
très mince, ils sont plus ou moins parallèles les uns aux autres,
quelquefois réunis par des anastomoses. Si la préparation est
plus épaisse, on parvient à énumérer deux, trois, quatre jjZans
ou lamelles fascicidaires ; les divers faisceaux d'mi même plan
sont parallèles les uns aux autres, mais ils s'entrecroisent avec
ceux d'un plan voisin. Ils se comportent par conséquent comme
les rangées cellulaires qu'ils séparent. Souvent même, il existe
un entrelacement entre les faisceaux de deux lamelles adjacentes.
Ce serait une erreur de croire que les fibrilles se réunissent
toujours en faisceaux. Très souvent la substance intercellulaire
présente un aspect fibrillaire tout à fait régulier, l'espace
interfibrillaire est à peu près partout de même largeur. Ici
encore les fibrilles sont plus ou moins parallèles les unes aux
autres ; quelquefois cependant elles se superposent, s'entre-
croisent et même s'entrelacent. Elles forment ordinairement des
espèces de plans ou lamelles fibrillaires, et les fibrilles de deux
plans voisins s'entrecroisent sous des angles divers (voyez
fig. 3). Parfois les fibrilles d'un même plan, tout en étant
parallèles les unes aux autres, décrivent des flexuosités, des
ondulations comme en montre la fig. 11.
Enfin en dehors de la disposition en plans ou lamelles
fasciculaires, c'est-à-dire constituées par la réunion de faisceaux,
en dehors de la disposition en plans ou lamelles fibrillaires, il
existe la disposition réticulaire ou trahéculaire, consistant en
RECHERCHES SUR LE CARTILAGE ARTICULAIRE DES OISEAUX. 2 1
des amas de fibrilles ou de faisceaux fibrillaires, s' entrecroisant
dans tous les sens, de façon à former un reticulum (fig. 9, 10).
TiLLMANNs (46) décrit des dispositions semblables dans le
cartilage hyalin traité par la tiypsine. Il signale trois types
différents : un premier où les fibrilles forment des lamelles ; un
second où les fibrilles de deux lamelles voisines s'entrecroisent ;
un troisième où elles forment un feutrage, une espèce de réseau.
Chez les oiseaux, on rencontre donc en plus la disposition
fasciculaire.
Quant à la question de savoir si les fibrilles sont ramifiées,
nous ne pouvons nous prononcer d'une façon catégorique.
Il faudrait avoir recours à des réactifs spéciaux, propres
à dissoudre tout le ciment interfibrillaire. Or pour donner
plus de valeur à nos recherches, nous avons exclu ce genre
d'examen. Des préparations de cartilage frais, dissocié,
montrent souvent des faisceaux à structure fibrillaire manifeste
de l'extrémité desquels naissent un grand nombre de petites
fibrilles (voyez fig. 12). Ceci ne constitue certainement pas une
ramification. Ce sont autant de fibrilles réunies d'abord en
faisceau par un ciment interfibrillaire suffisamment compacte
et se dissociant plus loin en autant de parties isolées. D'autres
faisceaux beaucoup plus minces, ayant le diamètre d'une fibre
épaisse, mais à l'intérieur de laquelle on constate encore, à l'aide
d'un fort grossissement, une striation longitudinale, se terminent
aussi par un certain nombre de fibrilles libres. Dans ce cas
non plus, il ne s'agit d'une ramification véritable. Mais on
constate l'existence de fibres dans lesquelles, à l'aide des grossis-
sements les plus considérables, on ne parvient pas à reconnaître
l'existence d'une striation et dont une extrémité se termine
néanmoins par deux ou trois fibrilles, plus minces et plus fines
(]ue la fibre dont elles naissent. Ici l'on peut se demander si
l'on se trouve réellement en présence de ramifications. Tillmanks
répond affirmativement pour ce qui concerne le cartilage hyalin
des mammifères (Chien et Mouton) (voyez ses fig. 6 et 7).
D'après Spronck, les fibrilles seraient, au contraire, " unver-
zweigt „. Nous n'admettons pas que chez les oiseaux les fibrilles
22 OMER VAN DER STRICHT.
se divisent comme des fibres élastiques, c'est-à-dire qu'une
fibrille se partage en deux parties de même grandeur à peu près.
S'il y a division, les éléments qui en résultent sont toujours
plus petits que l'élément générateur. Dès lors, on peut se
demander si le ciment interfibrillaire ne masque pas la striation
de la fibre génératrice et si celle-ci n'est pas en réalité constituée
par deux, trois fibrilles. On peut se demander encore si les
grossissements dont on dispose sont suffisants pour démontrer
la striation d'éléments déjà excessivement ténus.
Une étude de la plus haute importance est celle des rapports
qui existent entre les fibrilles et les cellules cartilagineuses.
L'intérêt de cette question ressort de ce qui a été dit dans
notre apei-çu historique. Plusieurs histologistes ont signalé des
rapports intimes entre des parties constituantes de la substance
fondamentale et les cellules. Des images présentant plus ou
moins de ressemblance ont été observées et interprétées de la
manière la plus diverse. Ce sont tantôt des prolongements
cellulaires, tantôt des canalicules nourriciers, tantôt des
faisceaux iutercapsulaires fibrillaires. Enfin Solger les considère
comme des productions artificielles.
Que nous apprend à ce sujet, examiné à l'état frais dans des
liquides indifférents, le cartilage articulaire des oiseaux? Nous
distinguerons trois cas d'après les trois types d'arrangements
fibrillaires. Dans les lamelles fasciculaires, les cellules sont
alignées en séries parallèles, séparées par des fibres et des
faisceaux fibrillaires. S'il est vrai que l'on rencontre parfois
des faisceaux obliques, s' entrecroisant avec les colonnes cellu-
laires, il ne viendra jamais à l'idée de quelqu'un d'attri-
buer à ces faisceaux, plus ou moins en rapport avec les
cellules, une nature autre qu'aux éléments situés entre les
colonnes.
Leur aspect est tout à fait le même, et de plus très souvent
on s'aperçoit que ce sont des faisceaux plus ou moins déviés,
primitivement réunis aux autres. Là où deux ou plusieurs
lamelles fasciculaires sont superposées, les choses se com-
pliquent un peu. Seulement en mettant exactement au point,
RECHERCHES SUR LE CARTILAGE ARTICULAIRE DES OISEAUX. 23
on parvient à discerner ce qui appartient à chaque plan et
l'erreur est encore impossible. Des travées fibrillaires unissent
souvent, il est vrai, des lamelles plus ou moins éloignées et
aiîectent dans leur parcours des rapports avec les cellules.
Toutefois après un examen minutieux, la valeur réelle de ces
éléments est évidente.
Les mêmes considérations s'appliquent aux lamelles fibril-
laires.
Enfin c'est au niveau de la disposition réticulaire des travées
fibrillaires, qu'on rencontre les images les plus variées et en
même temps les plus analogues à celles si diversement inter-
prétées. Souvent les cellules sont situées dans les mailles du
reticulum. Dans ce cas, les images sont les moins intéressantes.
D'autres fois les cellules se trouvent sur le trajet des travées
fibrillaires, passant au-dessus ou au-dessous d'elles, ou bien
plus ou moins à côté d'elles (voyez fig. 13). Quelquefois les
travées s'attachent en partie aux capsules hyalines. En un mot,
ces images se rapprochent beaucoup de celles figurées par
BuBNOFF, Budge, Nykamp, Orth, Fûrbringer, Elesch, Spina,
etc. et, dans ces derniers temps, par Spina, Zuckerkandl,
B. SoLGER, moi, Spronck. Là où l'entrecroisement des fibres
devient encore plus complexe, où à côté de travées fibril-
laires, interviennent un grand nombre d'autres fibrilles pour
former une espèce de feutrage, on obtient facilement des
figures ressemblant à celles de Heitzmann, Hasse, Stricker,
Spina, etc. Quant à ces figures aussi variées que multiples,
aucune erreur d'interprétation n'est possible. A l'état frais,
sans addition de réactif fixateur ou de matière colorante, la
nature fibrillaire de tous ces éléments est à peu près aussi
manifeste que dans un tissu conjonctif quelconque. Vouloir
attribuer à ces éléments fibrillaires la valeur de prolongements
cellulaires, serait aussi illogique que d'attribuer à ces mêmes
parties constituantes du tissu tendineux la signification de
ramifications cellulaires, par exemple. Quant à l'existence de
canalicules nourriciers dans le sens de Budge, aucun détail de
structure ne nous permet de soupçonner ici leur présence. Tout
24 OMER VAN DER STRICHT.
ce que nous avons dit jusqu'à présent tend à prouver une nature
identique de tous ces éléments fibrillaires. Nous pouvons donc
considérer toutes ces iigures, si controversées, comme étant
l'expression d'une structure propre de la substance fondamen-
tale intercellulaire. Zuckerkândl (36) a soupçonné le premier
leur nature fibrillaire en 1885 dans le cartilage de la cloison
nasale de Tapir. La même année, nous (47) démontrions
cette manière de voir pour le cartilage liyalin des Céphalo-
podes, des Sélaciens et pour le cartilage articulaire de Veau et
de Grenouille. Nous avons désigné ces éléments sous le nom de
faisceaux inter capsulair es. En 1887, Spronck (35) a confirmé
ces résultats pour le cartilage de la tête fémorale de Grenouille
{Rana esculenta). Dans son dernier travail, traitant du cartilage
aryténoïde de Cheval, Spina (89) maintient toujours sa première
manière de voir (voyez ses fig. 1, 2, 3, 4, 6). Il y distingue un
cartilage jaune et un cartilage blanc. Ce dernier forme des
travées radiaires (radiare Bâlkchen) autour des cellules, et il
renferme les prolongements cellulaires. Weichselbaum (48)
décrit dans le condyle du tibia des lignes, formées par de très
fins espaces vides (feinste Spaltrâume). Il les désigne sous le
nom de " Zerkltiftungslinien „. Il trouve ces mêmes lignes
dans le cartilage articulaire allant subir des modifications seniles.
Là, elles présentent une disposition radiaire autour des cellules
et forment souvent des anastomoses entre des cellules voisines.
Flesch (15) et Bicfalvi ont signalé des particularités analogues.
Dans son dernier travail, B. Solger (38) se rallie à la manière
de voir de Flesch et considère les lignes de Bubnoff comme des
espèces de fentes. Plus loin il ajoute " Ich selbst môchte in den
Budge'schen Linien ebenso wie in den Biibnoli'schen, Ver-
dichtungsstreifen sehen, die allerdings die Folge von Schrump-
fungs-Vorgângen sind „ (v. p. 328).
L'étude du cartilage articulaire des oiseaux, examiné à l'état
frais, permet d'élucider cette question tant controversée. Bans
ce cartilage, on trouve dans la couche superficielle, la substance
fondameiîtale nettement fibrillaire. Les fibrilles y affectent les
dispositions les plus variées, mais parmi elles, il existe des
RECHERCHES SUR LE CARTILAGE ARTICULAIRE DES OISEAUX. 25
travées, des faisceaux flhrillaires à direction spéciale. La dési-
gnation de faisceaux inter capsulair es leur convient parfai-
tement.
Nous venons de dire que pour l'interprétation de ces images,
le doute n'est guère possible. Il existe cependant des cas où il
faut être sur ses gardes, et où certains éléments peuvent en
imposer au premier abord pour des prolongements cellulaires.
Les fig. 14 et 15 en offrent des exemples. On obtient ces images
fréquemment sur les coupes sagittales entamant transversale-
ment les faisceaux de la zone fibrillaire à direction frontale.
A certains niveaux, le reticulum formé par les faisceaux verti-
caux est très développé et présente des mailles très nombreuses.
Les cellules sont situées sur le trajet des travées trabéculaires
et autour de ces cellules comme centre, s'irradient souvent
plusieurs fibres isolées pour former une espèce de reticulum
secondaire, au sein des faisceaux fibrillaires frontaux. Les
figures 14 et 15 font comprendre mieux que toute explication
ce dont il est question. A un examen superficiel, les éléments (h)
s'irradiant autour de (a) en imposent pour des prolongements
protoplasraiques. Les préparations faites après coloration par
la fuchsine ou la safranine rendent surtout cette erreur possible.
En effet, les cellules et les parties rayonnant autour d'elles
prennent une coloration rouge franche. Les faisceaux fibril-
laires coupés transversalement sont beaucoup moins colorés et
plus clairs. En laissant pénétrer sous la lamelle couvrante un
peu de glycérine, l'aspect pointillé correspondant à la coupe
optique des fibrilles disparaît, à cause de leur gonflement,
tandis que les stries plus colorées {h) persistent nettement. Un
examen plus attentif prévient cependant toute erreur. La conti-
nuité de ces stries avec le protoplasma cellulaire n'existe pas.
Par contre, on constate leur union intime avec les faisceaux
intercapsulaires plus grossiers, dont elles sont des prolonge-
ments. De plus, on n'obtient ces images que sur des coupes
verticales parallèles à l'axe de l'os, entamant transversalement
les faisceaux horizontaux de la couche fibrillaire moyenne.
Nous pouvons donc dire qu'à côté des faisceaux intercapsulaires
26 OMER VAN DKK STPJCKT.
sur le trajet desquels sont situées les cellules, il existe des fibres
ou des fibrilles, s'irradicmf autour des capsides entre les
faisceaux fibriUaires, Nous les désignerons sous le nom de
fibres inter fascicidair es.
Nous venons de parler de la confusion possible de ces élé-
ments avec des prolongements cellulaires. Virchow décrit des
figures stellaires semblables dans le tissu conjonctif et il les
prend pour des cellules plasmatiques analogues aux corpuscules
osseux. Henle considère ces stries comme simplement produites
par les bords de faisceaux coupés en travers. Ranvier (-12)
appuie la manière de voir de Henle (comparez les figures 120
et 121 de Ranvier, p. 355, avec nos figures 1-1 et 15).
Caetilage articulaire de Poulet et de Dindon nouveau-nés.
Des fragments de l'épipliyse et de la diapliyse ont été traités
comme nous l'avons dit plus haut, par la liqueur de Flemming
et colorés par le picrocarmin. Des coupes verticales, parallèles
à l'axe de l'os, ont été faites dans les extrémités inférieure et
supérieure du fémur d'un Poulet encore dans l'œuf mais sur le
point d'éclore. Elles montrent dans le cartilage la succession des
couches suivantes : 1° Une couche superficielle colorée en rouge
intense par le carmin, recouvrant toute la surface articulaire
et se continuant latéralement avec le périchondre. Les capsules
cartilagineuses y sont lenticulaires, aplaties, parallèles à la
surface (voyez fig. 18 (a)).
20 Une couche à cellules sphériques, prenant une légère
teinte rose sous l'influence du picrocarmin (b).
30 Un cOne cartilagineux coloré plus ou moins en jaune par
l'acide picrique, se fixant par le carmin. L'éosine hématoxylique
y fait apparaître deux couches bien distiuctives : a) Une couche
calcifiée (en grande partie), b) Une couche non calcifiée.
La première faisant suite à la zone des capsules sphériques,
fixe l'hématoxyline d'une façon très intense. Elle se subdivise
également en deux parties : une première la plus superficielle
(c) où les capsules sont lenticulaires, aplaties, à grand axe
parallèle à la surface. Elles sont serrées les unes contre les
RECIIEKCIIES SUR LE CARTILAGE ARTICULAIRE DES OISEAUX. 27
autres de manière à former des colonnes cellulaires verticales,
perpendiculaires à la surface articulaire. Elle correspond au
cartilage sérié de Ranvier. Une seconde partie plus profonde
(d) où la disposition des éléments en séries linéaires est moins
accentuée. Les cellules y sont volumineuses. Elle correspond à
la couche calcifiée de Ranvier.
La couche non calcifiée (e) se présente sous forme de cône
cartilagineux et s'étend à une grande profondeur dans la dia-
physe de l'os. Elle fixe faiblement l'hématoxyline. La moelle
osseuse y fait suite directement.
Par conséquent si on compare ce cartilage diarthrodial à celui
des autres vertébrés, on voit que la plus grande différence réside
dans la présence d'un cône cartilagineux très volumineux dans
la diaphyse de l'os des oiseaux nouveau-nés.
Examinons de plus près ces diverses couches et voyons
comment elles se présentent quand on les étudie à des grossis-
sements convenables.
I. — Couche superficielle à capsules lenticulaires. Elle
recouvre toute la surface articulaire, et se continue latérale-
ment avec le périchondre. Renaut ne parle point de cette
zone. Dans sa fig. 3, il dessine cependant quelque chose
d'analogue sous forme de bordure foncée. Schôney parle d'une
couche à capsules lenticulaires faisant suite au périchondre,
mais il ne représente rien de semblable.
Cette couche correspond à celle des capsules lenticulaires des
mammifères. Seulement elle présente dans sa texture des
particularités intéressantes sur lesquelles nous devons attirer
l'attention. Pour juger de son épaisseur, il suffit de faire des
coupes perpendiculaires à la surface articulaire ; elle constitue
la couche la plus mince du cartilage. Son diamètre varie
cependant. Vers les parties latérales de l'épiphyse, où elle se
continue avec le périchondre, elle atteint parfois l'épaisseur de
la zone à capsules sphériques.
Au point de vue de sa structure, on y distingue des cellules
cartilagineuses et une substance intermédiaire peu abondante,
avide de matières colorantes. Des coupes parallèles à la surface
28 OMER VAN DER STRIGHI.
articulaire, examinees à l'état frais dans des liquides indiiférents,
montrent des cellules plus ou moins arrondies, à protoplasma
granuleux, se colorant en jaune intense sous l'influence de
l'iode. Le noyau est central, arrondi, plus ou moins allongé. La
cellule remplit complètement la capsule cartilagineuse. Sur des
coupes perpendiculaires à la surface, les éléments cellulaires
présentent une forme lenticulaire. Leur grand axe est parallèle
à la surface. Quant à la substance intercellulaire, au lieu d'être
homogène, elle possède une structure manifestement fibrillaire.
Celle-ci se voit aussi bien sur des cartilages examinés à l'état
frais dans des liquides neutres, que sur des cartilages traités
par des réactifs fixateurs, tels que l'alcool, l'acide osmique à
1 o/o, la liqueur de Flemming, etc.
Quant aux caractères, la distribution et l'arrangement de
ces éléments fibrillaires, nous pourrions répéter tout ce qui a
été dit à propos de l'étude de ces mêmes éléments dans le car-
tilage adulte. La distribution en réseau constitue cependant
la règle (voj^ez fig. 16). D'autres fois, les cellules forment des
rangées linéaires parallèles à la surface, et ces séries sont
séparées par des faisceaux ou des amas fibrillaires plus ou
moins épais. Ici encore on rencontre des images rappelant plus
ou moins les figures' de Budge, Flesch, Spina, Nykamp,
ZucKERKANDL, moi, etc, figures interprétées tantôt comme
prolongements cellulaires, tantôt comme canalicules nourri-
ciers, tantôt comme faisceaux intercapsulaires et considérés
par SoLGER comme productions artificielles. De même ici
toute confusion est impossible, la nature de ces éléments
situés au sein d'un substratum fibrillaire tout à fait identique,
n'est pas discutable. Ce sont donc des fibres ou des faisceaux
fibrillaires à trajet spécial, reliant des capsules voisines.
n. — La couche à capsules spliériques présente peu de
particularités. Ses cellules sont plus ou moins spliériques et
présentent leur maximum d'activité près de la couche à capsules
lenticulaires et sur les parties latérales près du périchondre.
Là surtout on distingue bien la transition entre la couche
fibrillaire et le cartilage hyalin complètement développé. A ce
RECHERCHES SUR LE CARTILAGE ARTICULAIRE DES OISEAUX. 29
niveau, on voit des cellules volumineuses, arrondies, à proto-
plasma granuleux et abondant, à noyau volumineux. Très
souvent on distingue deux noyaux dans une cellule, ou bien deux
cellules dans une capsule. Cette même activité formative existe
autour des canaux médullaires contenus dans la couche à
capsules spliériques. Ces canaux relativement rares à ce niveau
renferment des vaisseaux sanguins au même titre que le péri-
cliondre. La nutrition des éléments avoisinants s'y fait donc
facilement.
Nous n'avons pas essayé le réactif préconisé par Neu-
mann (49), Ranvier (42), Leboucq (50), pour déceler dans ces
cellules la présence du glycogène se colorant en brun acajou
sous l'influence de l'iode. L'existence de cette substance au
sein des cellules cartilagineuses témoigne d'une activité orga-
nique considérable.
Quant à la substance fondamentale, elle est hyaline, homo-
gène à l'état frais, se colore faiblement sous l'influence du
carmin et de l'hématoxyline. Sur un grand nombre de prépa-
rations de cartilage de Poulet nouveau-né et de Dindon âgé de
trois jours, fixé par la liqueur de Flemming mêlée d'eau à
parties égales, nous avons obtenu des images tout à fait
analogues à celles représentées dans notre mémoire déjà cité
(voyez nos figures 6, 11, 14, 20, 21, etc.). De sorte que chez les
oiseaux la zone à capsules sphériques du cartilage diarthrodial
posséderait, du moins à certains niveaux, une structure
lamellaire.
m. — A la seconde couche succède d'une facon brusque la
troisième, celle du cartilage sérié, ou à capsules empilées. Les
préparations colorées par l'éosine hématoxylique sont les plus
instructives. Le picrocarmin la colore en jaune et non en rouge,
comme il le fait pour la seconde zone. Mais comme ces deux
teintes sont très faibles, la diiférence quoique appréciable, n'est
pas aussi manifeste que pour l'hématoxyline ou le vert de
méthyle. Ces substances colorent peu la seconde couche, mais
d'une façon très intense la troisième. Cette grande affinité pour
l'hématoxyline prouve en faveur de modifications chimiques
30 OMER VAN DER STRICHT.
spéciales, survenues au sein de la substance fondamentale. Au
premier abord, on serait tenté d'admettre une infiltration de
sels calcaires. Mais l'examen d'une coupe microscopique faite à
l'état frais, perpendiculairement à la surface de l'épiphyse,
écarte cette idée ; cette couche se montre exempte de dépôts
calcaires. De plus, si on laisse pénétrer doucement sous la
lamelle une solution faible d'un acide minéral, c'est uniquement
au niveau de la quatrième couche (calcifiée) qu'on voit se
former les bulles d'anhydride carbonique. Ceci prouve que cette
dernière seule est le siège de carbonates, l'autre a seulement
subi des modifications chimiques précédant la calcification.
IV. — La quatrième couche, correspondant à là zone de calci-
fication de Banvier, est constituée de cellules volumineuses à
noyau arrondi. La substance intercellulaire est peu abondante
et homogène. Elle se colore en bleu foncé sous l'influence de
l'hématoxyline. On y trouve des canaux médullaires nombreux.
A ce niveau, on remarque les premières traces de l'os
endochondral. Comme dit Schoney, le tissu osseux de formation
récente touche directement au réseau de substance fondamentale
chargée de sels calcaires. De plus, ici, du moins chez le Dindon
âgé de trois jours, il n'y a pas de travées directrices plongeant
librement dans la moelle osseuse diaphysaire. Il persiste à cet
âge un cylindre cartilagineux volumineux, séparant la moelle
osseuse de la couche de calcification. Au reste, l'ossification s'y
fait toujours de la même manière, c'est-à-dire aux dépens de
cellules spéciales ostéoblastiques, occupant la périphérie des
espaces médullaires et tapissant leurs parois. Ces cellules
prennent, de même que les bordures osseuses, auxquelles elles
donnent naissance, une teinte rose foncée sous l'influence de
l'éosine hématoxylique.
Les cellules de la couche de calcification se colorent très peu
et si elles fixent de la matière colorante, c'est à l'hématoxy-
line qu'elles donnent la préférence, prenant alors une teinte
faiblement bleuâtre. Cependant certaines cellules se conduisent
d'une autre façon. Sous ce rapport, nous avons observé des
particularités intéressantes au point de vue de l'intervention
RECHERCHES SUR LE CARTILAGE ARTICULAIRE DES OISEAUX. 31
active ou passive de la part de ce cartilage, dans la formation
de l'os endochondral. (Pour l'historique de cette question, voir
Lebougq (50), p. 1-7.) Pour les uns, le cartilage se comporterait
d'une façon passive dans la genèse de l'os endochondral, il
subirait la destruction complète. Pour d'autres, il jouerait un
rôle actif, les cellules cartilagineuses persisteraient au niveau
de la limite d'ossilication et donneraient naissance à certaines
parties constituantes de la moelle. Lebougq (50) a démontré ce
fait pour le cartilage des mammifères (Homme et ruminants).
Dans un mémoire tout récent, E. Léser (51) arrive à des
résultats opposés. Voici comment il s'exprime à ce propos : " In
der Nahe der Markriiume gehen mit den neugebildeten Zellen
Verânderungen vor, welche ihren thatsàchlichen Ilntergang
einzuleiten scheinen. „
Au point de vue de cette étude, le cartilage des oiseaux est
très favorable. A certains endroits de la couche calcitiée, on
voit des espaces médullaires, dont les bords sont encore dépour-
vus de toute trace de substance osseuse. C'est le moment de
l'apparition des cellules ostéfiblastiques. Celles-ci tapissent les
trabecules du cartilage calcifié. A ce niveau, ces travées de
substance intercellulaire tantôt encore chargées de sels cal-
caires, prenant une belle nuance bleuâtre sous l'influence de
l'hématoxyline, perdent maintenant cette propriété, elles restent
plus ou moins incolores, ou plutôt bleu pâle (voyez fig. 19).
La substance fondamentale y subit donc des modifications
chimiques importantes, les dépôts calcaires y disparaissent.
Les cellules ne restent pas étrangères à ces changements.
Tantôt encore bleuâtres, elles acquièrent une teinte rose,
caractéristique pour les éléments médullaires. Comme la fig. 19
le montre, on constate parfois dans l'intérieur du système tra-
béculaire en partie ouvert ou détruit, la présence de cellules
qu'on est forcé de considérer comme ostéoblastes. D'autres fois
on est embarrassé de dire si l'élément qu'on a sous les yeux,
est une cellule cartilagineuse ou un ostéoblaste. Il est donc
possible de trouver tous les stades intermédiaires entre le
corpuscule hyalin et l' ostéoblaste. Nous croyons pouvoir en
32 OMER VAN DER STRICHT.
conclure que chez les oiseaux, des ostéohlastes naissent aux
dépens de cellules cartilagineuses et que celles-ci jouent 2)ar
coiiséquent un rôle actif dans la formation de Vos endochon-
dral.
ScHONEY est arrivé aux mêmes résultats en examinant des
préparations traitées par l'acide chromique. Il n'indique aucun
réactif capable de faire apparaître les stades de transition
entre les éléments cartilagineux et les éléments médullaires.
L'éosine liématoxylique les rend tout à fait manifestes.
V. — Nous arrivons à la cinquième zone du cartilage diar-
throdial embryonnaire : la couche non calcifiée. Chez le Dindon
âgé de trois jours, elle est très épaisse. Elle constitue à peu près
les 4/5 du cône cartilagineux total. Renaut représente ce cône
(voyez sa fig. 3) chez un embryon de Poulet de vingt jours. A
ce moment, l'infiltration calcaire doit déjà exister. Cependant
il n'insiste pas sur la présence de couches différentes.
Au point de vue de la texture, cette couche ressemble un
peu à sa voisine calcifiée. La substance fondamentale paraît
homogène et est plus abondante que dans cette dernière.
L'aspect trabéculaire y est moins prononcé. Les cellules sont
également volumineuses, à noyau arrondi bien marqué et à
protoplasma granuleux clair; mais elles présentent une forme
plus arrondie. Des canaux médullaires parcourent ce cartilage.
Chez un Poulet nouveau-né, la richesse en espaces médullaires
est à peu près la même dans les deux couches, la calcifiée et la
non calcifiée. Entre les deux, il existe une espèce d'intersection.
Le tissu médullaire en rongeant le cartilage à ce niveau établit
une cloison incomplète entre les deux couches. C'est là, dans la
partie inférieure de la zone calcifiée, qu'apparaissent les pre-
mières traces de l'os endochondral. Le cartilage y est envahi
de plus en plus, les espaces médullaires s'y multiplient, tandis
que dans la couche non calcifiée, leur nombre reste à peu près
stationnaire. Cette différence au point de vue du nombre de
canaux médullaires est visible à l'œil nu. En examinant, sans
le concours du microscope, des coupes longitudinales d'un os
long d'un Dindon âgé de trois jours, on parvient à délimiter à
RECHERCHES SUR LE CARTILAGE ARTICULAUIE DES OISEAUX. 33
peu près ces deux couches en question, grâce à leur aspect
différent. Sous ce rapport, les préparations à l'éosine hématoxj'-
lique sont encore beaucoup plus instructives. Le cartilage épi-
pliysaire se colore en bleu intense, le cartilage diapliysaire en
bleu pâle. Entre les deux existe une couche constituée par des
îlots colorés en rose. Ceux-ci correspondent aux espaces médul-
laires et aux premières traces de l'os endochondral. Le passage
entre les deux zones l'une bleu foncé, l'autre bleu pâle, est
net et brusque, c'est-à-dire qu'il n'existe aucune transition de
teinte. La ligne de démarcation est cependant très irrégulière.
Des travées colorées en bleu intense, pénètrent plus ou moins
profondément dans le cartilage voisin bleu pâle. Ces prolon-
gements irréguliers existent surtout sur les parties latérales
dans le voisinage de l'os périostique. Ajoutons que le vert de
méthyle et d'autres réactifs donnent des résultats identiques.
Il nous reste une dernière question à poser, relativement à
la destinée de ce cône cartilagineux non calcifié. Joue-t-il un
rôle dans la formation de l'os endochondral ? Nous devons
répondre affirmativement. En effet, à côté d'im nombre excessi-
vement considérable de cellules à noyaux multiples, il existe sur
les parois latérales de ce cône des ostéoblastes véritables, des
bordures de tissu osseux endochondral. Ces travées osseuses
sont plus rares vers les régions centrales. Elles y existent cepen-
dant, et elles s'y développent dans les mêmes conditions,
c'est-à-dire aux dépens d' ostéoblastes tapissant les bords des
anfractuosités situées au sein d'un cartilage libre de tout dépôt
calcaire. Ici encore on constate des formes intermédiaires entre
les corpuscules hyalins et les éléments médullaires. Enfin
insistons encore sur l'aspect tout à fait embryonnaire de ces
cellules cartilagineuses : leur forme est arrondie, leur proto-
plasma abondant, leur noyau souvent double. Tout cela prouve
en faveur d'une intervention essentiellement active de la part
de ces éléments dans la formation de l'os endochondral et d'une
partie de la moelle osseuse.
En résumé, l'étude du cartilage diarthrodial nous a démontré :
1°) L'existence d'une couche cartilagineuse superficielle à
substance intercellulaire fibrillaire. 3
34 OMER VAN DER STRICHT.
2") Une structure lamellaire de la substance fondamentale de
la couche à capsules spliéiiques.
30) Des modiflcations chimiques précédant la calcification au
niveau de la zone du cartilage à capsules empilées, correspon-
dant au cartilage sérié de Ranvier.
40) L'existence à côté d'une couche de cartilage calcifié,
d'un cône cartilagineux non calcifié diaphysaire. Celui-ci ne
correspond ni à la couche ostéoïde de Eanvier (couche calcifiée
exempte de tissu osseux), ni à la couche osseuse (celle où le
tissu osseux tapisse les travées directrices calcifiées). Nous
nommerons ce cône, faisant suite à la couche osseuse, cône
cartilagineux médullaire. Il plonge en effet directement dans la
moelle.
50) La participation active du cartilage calcifié et du carti-
lage médullaire à la formation de l'os endochondral. En d'autres
termes, la transformation graduelle des cellules cartilagineuses
en éléments médullaires, notamment en ostéoblastes.
G and, le 30 décembre 1888.
RECHERCHES SUR LE CARTH^AGE ARTICULAIRE DES OISEAUX. 35
LISTE DES OUVRAGES CITES.
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36 OMER VAN DER STRIOHT.
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und die Vernarbung von Knorpelwundcn nebst einigen Berner-
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(42) RANVIER. Traité technique d'Histologie, 1875.
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des tendons. (Laboratoire d'Histol. du Collège de France, 1874,
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(44) BOLL, F. Untersuchungen iiber den Bau und die Entivickhing der
Geivebe. (Arch, de M. Schultze, 1871, p. 275.)
(45) Leydig. Traité d'histologie de l'homme et des animaux. (Traduit
par Lahilonne.)
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(46) TiLLMANNS. JJeher die fibrillare Structur des Hyalinkyiorpels.
(Arch. f. Anat. u. Physiol. Anat. Abth. 1877, p. 9-20.)
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(51) E. Léser. Ueber histologische Vorgdnge an der Ossificationsgrenze
mit besonderer Beriicksichtigung desVerhaltens der Knorpelzellen.
(Archiv. f. mikrosk. Anat. Bd. 32, 1 Heft.)
RECHERCHES SUR LE CARTE^AGE ARTICULAIRE DES OISEAUX. 39
EXPLICATION DES PLANCHES (i).
PLANCHES I ET II.
Fig. 1. Coupe parallèle à la surface de la partie antérieure de l'épi-
physe inférieure du tibiotarse d'une oie adulte. Liqueur
de Flemming mélangée d'eau à parties égales. Eosine.
Hartn. obj. 9. oc. 3.
Fig. 2. Coupe parallèle à la surface de la partie antérieure de l'épi-
physe inférieure du tibiotarse d'une oie adulte. Liqueur
de Flemming mélangée d'eau à parties égales. Safranine.
Tlartn. obj. 9. oc. 3.
Fig. 3. Coupe parallèle à la surface de la partie antérieure de l'épi-
pbyse inférieure du tibiotarse d'un poulet adulte. Liqueur
de Flemming mélangée d'eau à parties égales. Vert de
métliyle. Hart. obj. 9. oc. 3.
Fig. 4. Coupe perpendiculaire à la surface, sagittale, de l'épipbyse
supérieure du tibiotarse. Poulet adulte. Alcool du com-
merce. Eosine. Hartn. obj. 9. oc. 3.
Fig. .5. Coupe à travers l'épiplij'se inférieure de la phalange d'une
patte de canard adulte. Examen à l'état frais dans une
solution de cblorui'e de sodium à 1 "/o. Hartn. obj. 9.
immersion, oc. 3.
Fig. 6. La même coupe, colorée par la fuchsine et examinée dans
Teau distillée, (a) Parties claires non colorées, siège de
dépôts calcaires. (6) Réseau coloré de la même manière
substance fondamentale (c) non infiltrée. Hartn. obj. 9.
immers. oc. 3.
Fig. 7. Coupe sagittale faite au milieu de la partie antérieure de
l'épiphyse inférieure du tibiotarse. Poulet adulte, (a) La
couche toute superficielle, (b) Couche plus profonde.
Alcool. Fuchsijie. Hartn. obj. 9. oc. 3.
(') N.-B. La plupart de ces figures ont été dessinées à la chambre claire.
40 OMER VAN DER STRICHT.
Fig. 8. Coupe frontale perpendiculaire à la surface, faite au milieu de
la partie antérieure de l'épiphyse inférieure du tibio-
tarse. Poulet adulte. Alcool. Eosine. Hartn. obj. 9 im.
oc. 3.
Fig. 9. Coupe parallèle à la surface du milieu d'un des condj'les de
l'épiphyse inférieure du tibiotarse. Fuligula marila.
Liqueur Flemming mélangée d'eau à parties égales. Vert
méthylique. Hartn. obj. 9. oc. 3.
Fig. 10. Coupe parallèle à la surface du milieu d'un des condyles de
l'épiphyse inférieure du tibiotarse. Canard. Liqueur
Flemming et eau à parties égales. Vert méthylique.
Hax'tn. obj. 9. oc. 3.
Fig. 11. Coupe parallèle à la surface du milieu de l'épiphyse inférieure
du tibiotarse d'un poulet adulte. Cartilage frais. Coloré
par la safranine. Hartn. obj. 9. oc. 3.
Fig. 12. Dissociation de faisceaux fibrillaires empruntés à une coupe
horizontale de la partie antérieure de l'épiphyse inférieure
du fémur. Oie. Liqueur de Flemming et eau à parties
égales. Eosine. Hartn. obj. Homogène '/^g. Praz. oc. 3.
Fig. 13. Coupe oblique par rapport à la surface, de l'épiphyse infé-
rieure du fémur. Fuligula marila. Liqueur de Flemming
et eau à parties égales. Fuchsine. Hartn. obj. 9. oc. 3.
Fig. 14. Coupe sagittale perpendiculaire à la surface de l'épiphyse
inférieure du fémur. Oie adulte. Alcool. Fuchsine. Hartn.
obj. 9. oc. 3.
Fig. 15. Coupe sagittale perpendiculaire à la surface de l'épiphyse
inférieure du tibiotarse. Poulet adulte. Alcool. Fuchsine,
(a) Cellules, (b) Fibres intercapsulaires. (c) Faisceaux
intercapsulaires. Hartn. obj. 9. immersion, oc. 3.
Fig. 16. Coupe parallèle à la surface du condyle de l'épiphyse infé-
rieure du fémur. Dindon âgé de 3 jours. Liqueur de
Flemming et eau à parties égales. Eosine. Hartn. obj. 9.
oc. 3.
Fig. 17. Coupe du condyle de l'épiphyse inférieure du tibiotarse d'un
dindon adulte. Liqueur de Flemming et eau à parties
égales. Eosine. Hartn. obj. 9. oc. 3.
Fig. 18. Coupe verticale parallèle à l'axe de l'extrémité inférieure du
fémur d'un dindon âgé de trois jours. Liqueur de Flem-
KECHERCHES SUR LE CARTILAGE ARTICULAIRE DES OISEAUX. -11
ming et eau parties égales pendant 24 heures. Eosine
liématox3^1ique. Grossissement de 10 diamètres.
(a) Couche superficielle fibrillaire.
(b) Couche à capsules sphériques.
(c) Couche de cartilage sérié.
{(l) Couche de cartilage calcifié.
(e) Couche de cartilage médullaire non calcifié.
(/") Premières traces de l'os endochondral.
(g) Os périostique.
(Il) Espaces médullaires.
Fig. 19. Coupe [an même individu, au niveau de la couche calcifiée
Liqueur Flemming et eau à parties égales. Eosii:e héma-
toxylique. Hartn. obj. 9 immersion, oc. 3.
(a) Espace médullaire.
{h) Trabecules de substance fondamentale infiltrée de sels
calcaires.
(c) Trabecules non infilti'és de sels calcaires.
(d) Ostéoblaste.
(/■) Leucoblastes.
(g) Erytroblastes.
Monadines et Chytridiacées, parasites des algues
du Golfe de Naples,
PAR
C. DE BRUYNE,
Assistant à l'Université, Professeur à l'École normale de l'Etat à Gand.
(Planches III à V.
INTRODUCTION.
Les recherches dont le présent travail constitue le compte
rendu, ont été faites à la Station zoologique de Naples, où j'ai
résidé pendant les mois de février, mars, avril et mai derniers.
Je me proposais, en demandant l'autorisation d'aller y occuper
la table belge, de continuer mes études au sujet des protozoaires
vivant en parasites sur les algues.
Mes résultats présentent certaines lacunes, inévitables quand
on ne peut pas disposer d'un temps relativement long : à mon
avis, pour pouvoir mener à bien la question du parasitisme|chez
les algues marines, il faut pouvoir s'en occuper sur place pen-
dant une année entière. Tout d'abord, de même que pour
toutes autres recherches au bord de la mer, il faut compter
avec les intempéries du climat, qui peuvent, pendant plusieurs
semaines, empêcher le renouvellement des matériaux. Au
témoignage de MIVI. les Assistants de la Station zoologique,
le temps a été exceptionnellement défavorable pendant le mois
4:i C. DE BRUYNE.
de février et une partie du mois de mars de cette année.
Malgré la meilleure volonté, les pêclieurs attachés à l'établis-
sement, étaient dans l'impossibilité de me procurer une bonne
moisson d'algues : la mer était continuellement et fortement
agitée. La seconde moitié de mars, ainsi que les mois d'avril et
de mai, au contraire, ont été très favorables, et je rends volon-
tiers hommage au zèle de M. Salvatore Lo Bianco, pour me
dédommager de mes premières privations.
D'un autre côté, les modes de multiplication des organismes
inférieurs varient beaucoup avec l'époque de l'année et les
conditions climatériques. C'est ainsi qu'à tels mois de l'année
ils évoluent avec une rapidité étonnante, tandis qu'ils passent
tels autres dans un état de repos, sorte de léthargie, dont il est
quasi impossible de les réveiller. Il en résulte qu'en pareil cas
le matériel peut devenir, pour le naturaliste dont le séjour est
limité, absolument improductif et, à raison de sa torpeur, entraî-
ner une perte de temps précieux : ceci a été mon cas à plusieurs
reprises, ainsi que j'aurai l'occasion de le montrer en maints
endroits de ce mémoire. Si, au contraire, on travaille à ce
sujet pendant l'époque favorable à la multiplication, on voit sous
le microscope se succéder un grand nombre de générations, mais
malheureusement toutes présentent invariablement le même
cycle : à toutes manquent, presque toujours, le ou les stades
de repos tels que ci/stes, spores de conservation, etc. Quant à
les provoquer artificiellement, je ne crois pas qu'il soit bon d'y
procéder, car dans ce cas on ne parvient d'ordinaire qu'à pro-
duire des formes anormales et qui ne méritent aucune con-
fiance, ou, bien pis encore, on voit ces cultures s'altérer et se
perdre complètement. C'est là l'inconvénient principal que j'ai
rencontré au cours de mes observations. L'unique moyen de
l'éviter eût été de pouvoir séjourner encore davantage au bord
du Golfe de Naples, mais une prolongation de congé m'avait
déjà été accordée et j'ai cru devoir m'en contenter.
La nature même de mon travail exige des matériaux toujours
frais, renouvelés tous les jours et étudiés sur place : l'étude par
les réactifs histologiques ne peut se faire que plus tard et doit
MONADINES ET CHYTRIDIACÉES. 45
toujours être considérée comme un complément, un achèvement.
C'est pourquoi je n'ai pas fait une bien grande collection de
matériaux conservés : ceux que j'ai rapportés ne m'ont servi
qu'à élucider certains détails de structure histologique. Je n'ai
certainement pas songé à rapporter des algues à l'état frais ;
celles-ci, en effet, auraient pu, pendant deux, trois jours, parfois
quelques heures seulement, ne pas s'altérer, mais certainement
elles auraient perdu toute valeur avant leur arrivée à Gand, où
les moj^ens de pourvoir à leurs besoins les plus urgents me
devaient certainement faire défaut. S'il s'agit, au contraire, de
plantes fluviales ou lacustres, leur transport est de beaucoup
facilité et on peut conserver dans un laboratoire quelconque et
dans d'excellentes conditions toute espèce d'algues de cette pro-
venance : on peut même s'en faire envoyer de très loin ; il suffit
pour cela que l'eau soit renouvelée de temps à autre. Je reviens
donc à ce que je disais en commençant : pour étudier la morpho-
logie et la biologie de ces êtres inférieurs si délicats, il faut
absolument s'établir au bord de la mer pendant une année
entière : alors seulement on peut les cueillir sur les algues, les
choisir, les observer dans toutes leurs conditions hahituelles :
lumière, température, milieu naturel, etc.
Dans ce cas encore, on se heurte à une autre diiïiculté qui
occasionne des déboires sans nombre au cours des recherches.
Quand l'observation microscopique d'une même préparation
fraîche doit durer des jours, des semaines, 1' evaporation entraîne
une condensation de chlorure de sodium au sein du liquide et
altère complètement les conditions d'existence des parasites
et de leurs hôtes. Les chambres humides de toute nature (la
goutte pendante peut être seule exceptée) quelque perfec-
tionnées qu'elles soient, ne suffisent point à éviter ce grave
inconvénient. A cela vient encore se joindre le fait que souvent
les algues ont de grandes dimensions et qu'il faut se contenter
d'introduire un petit fragment dans la chambre humide. Celui-ci,
séparé de la plante-mère, s'altère plus ou moins rapidement et
finit même par se détruire complètement. Plusieurs causes
d'insuccès se présentent alors en même temps : le parasite ne
46 e. DE BRUYNE.
trouve plus de quoi pourvoir à sa subsistance, les échanges
gazeux, primitivement réglés par l'algue, ne pouiTont plus
s'effectuer normalement et les germes bactériens, toujours
présents en plus ou moins grand nombre, trouveront d'excellentes
conditions pour se développer. J'ai réussi plus tard à éviter
ceux-ci en me servant d'eau marine primitivement stérilisée ;
mais il m'est avis que mieux vaut ne pas devoir recourir à ce
moyen artificiel et autant que faire se peut, maintenir toutes
les conditions naturelles. A cet eifet, je me suis servi de
l'appareil que L. Rhumbler a imaginé et décrit (^) : toutefois
je l'ai rendu beaucoup plus maniable en supprimant le système
de l'entonnoir et du flacon destiné à aérer le liquide, et en le
remplaçant d'un côté par un siphon plongeant dans l'éprouvette,
et de l'autre en plaçant sur le trajet du tube capillaire un
renflement où, en tombant goutte à goutte, le liquide pouvait de
nouveau se charger d'une quantité d'oxygène {^). Ce qui me
semble aussi très recommandable, c'est l'introduction d'algues
vertes unicellulaires dans la culture ; il est vrai que dans ce cas
on obtient parfois une émigration du parasite sur cette algue
nouvellement introduite : il y trouve, en eifet, une nourriture
fraîche et abondante, qui, sauf les inconvénients del' evaporation,
apporte toutes les conditions requises à son existence et à son
accroissement, mais l'observation des phases évolutives du
parasite n'en est rendue que plus facile.
Dans les pages qui vont suivi'e, je me propose de traiter
successivement des Monadines, (zoosporées et azoosporées) et
des Cliytridiées dont les phases évolutives me sont entièrement
ou presque entièrement connues. Je ferai suivre un appendice
où j'exposerai brièvement les résultats incomplets au sujet
de la morphologie et de la biologie de quelques parasites qui me
semblent également être des"formes non encore connues.
Gand, 8 novembre 1889.
(») Zeiuchr.f. iv. ZooL Ud. XLVI, 4 Eleft. 1888.
(-J Uotanisch Jaarboek, 2'^jaargang, -1889.
MONADINES ET CHYTRIDIACÉES. 47
I. — MONADINES.
I. — MONADINES Z003P0RÉES.
Pseudospora Beyiedeni, n. sp.
(Planche III, fig. \-{\.)
Les algues du genre CladojjJiora, dont la baie de Naples
abonde, présentent quelquefois des filaments décolorés et qu'à
l'œil nu déjà on peut distinguer de leurs voisines : la belle cou-
leur verte naturelle, en effet, est remplacée par un blanc sale ou
un gris plus ou moins foncé. On reconnaît immédiatement que
l'algue est malade en ces endroits, et l'observation au microscope
en révèle la cause : des protozoaires en plus ou moins grand
nombre y parasitent ; ils dévorent le contenu féculent et cliloro-
phyllien et les résidus de leur digestion se présentent comme des
masses informes d'un brun noirâtre. Il ne reste ordinairement
que la paroi des cellules, ce qui donne cet aspect décoloré. H
arrive parfois que les filaments d'algues sont pour ainsi dire
bourrés de parasites ; d'autres fois, des individus isolés y par-
courent leur cycle évolutif complet et, dans ce cas, on peut
poursuivre dans un même filament la succession de plusieurs
générations dont le nombre dépendra de l'étendue du filament
mince et de sa richesse en substances nutritives. J'ai surtout
porté mon attention sur Cladophora gracilis, Kiitz.
11 n'y a pas qu'une seule forme parasitaire à l'intérieur de
cette algue, mais bien souvent, au contraire, on en distingue
plusieurs dont deux surtout sont fréquentes. Leurs caractères
respectifs, quoique présentant parfois quelque ressemblance,
diffèrent néanmoins suffisamment pour permettre une diffé-
renciation parfaite.
A l'effet de pouvoir observer les divers stades successifs, ce
qui demande parfois plusieurs jours, on isole dans une chambre
humide ordinaire ou dans la goutte pendante, un ou plusieui^s
fragments malades; il est bon d'en ajouter quelques autres
48 e. DE BRUYNE.
encore intacts à l'eifet de parer aii manque de nourriture et
d'oxygène pour le parasite, etc. Cette algue résiste assez bien
à la mutilation et, à moins de bactéries introduites en même
temps, aucune cause de destruction ne se manifeste d'or-
dinaire pendant deux ou trois jours, surtout si l'on a pris soin de
stériliser l'eau marine employée dans la culture.
Le principal et le plus fréquent des parasites de Cladophora
gracilis, est celui auquel je propose d'attacher le nom de M. le
professeur Edouard Van Beneden. Il appartient sans aucun
doute aux Monadines Zoosporées, Cienk. à raison de ses 4 phases
évolutives : Zoospore, amibe (plasmode?), ci/ste zoosporipare et
Sjiorocyste ; sa place est marquée dans la famille des Pseudo-
sporées et dans le genre Pseudospora. Je dois néanmoins faire
remarquer que le stade amibe ne possède point les pseudopodes
efïilés et pointus, rappelant par leur aspect ceux ^' Adinophrys.
Malgré cela et quoique Cienkowsky, créateur du genre, les
considère comme caractéristiques, je crois que tous les autres
caractères concordant, il n'y a pas lieu de créer un genre
nouveau.
Pseudospora Benedeni est un grand parasite très fréquent
dans mes cultures à l'intérieur des iilaments de Cladophora. La
zoospore à l'état de repos est d'ordinaire régulièrement sphé-
rique(fig. 1 et 2), parfois légèrement ovoïde; cette forme change
néanmoins beaucoup pendant les mouvements : à ce stade, en
effet, la Monadine est très amiboïde. Une membrane mince et
nette limite extérieurement le protoplasme où se distinguent
nettement une partie hyaline et une partie granuleuse. Comme
toujours l'hyaloplasme se trouve border extérieurement la partie
granuleuse. Une ou plusieurs vacuoles, de dimensions variables,
rarement situées contre la surface, sont d'ordinaire noyées dans
le protoplasme (fig. 1). A l'état frais on ne peut guère distinguer
d'autre différenciation; les réactifs, au contraire, révèlent la
présence d'un noyau. Un cil unique, très long (2-2 Yg fois le
diamètre de la zoospore) bat continuellement l'eau ou les sucs
environnants et détermine la progression de la zoospore. Celle-
ci est très lente et il faut parfois observer un même individu
MONADINES ET CHYTRIDIACÉES. 49
pendant un temps relativement long avant de constater un
déplacement appréciable. La zoospore est néanmoins en proie à
un mouvement total saccadé sur place, mais qui n'intervient
point dans la progression. Le cil ne discontinue pas de batti e
dans tous les sens à l'instar d'un fouet. Quant à la structure
intime du cil, on peut dire qu'elle est régulièrement hyaline;
l'organe va en s'amincissant depuis son origine dans la zoo-
spore, pour se terminer en pointe très effilée. Il n'est pas
rare de voir que tout à coup le cil a disparu et l'on a en ce
moment devant soi une masse spliérique sans mouvements
notables, si ce n'est ceux provenant de l'amiboïdité. Ce phéno-
mène peut se répéter plusieurs fois, car toujours il est bientôt
suivi de la réapparition du cil au même endroit et d'ordinaire
avec les mêmes caractères.
On distingue les jeunes zoospores des autres, plus anciennes,
en ce que celles-ci renferment, en dehors des vacuoles, un ou
plusieurs fragments de chlorophylle : la zoospore, en effet, se
nourrit en englobant les chromatophores de l'algue hospitalière,
qu'elle digère dans son protoplasme granuleux. Cette digestion
est rendue très appréciable par le changement de coloration
des chromatophores : leur vert cède progressivement la place
à une teinte pâle, jaunâtre, passe au brim et quelquefois au
rouge (fig. 1 et 2). Bientôt après on voit quelques résidus ainsi
transformés et rendus complètement méconnaissables, se grou-
per à plusieurs : ils sont comme refoulés vers certains endroits
par le mouvement intérieur du protoplasme, refoulement auquel
on peut parfaitement assister. Il arrive aussi de voir que ces
détritus sont expulsés par le protoplasme et viennent flotter
dans le liquide de l'algue (fig. 1); dans ce cas, la zoospore agit
comme une véritable amibe: le protoplasme se retire tout
autour de la masse excrémentitielle et l'abandonne sur place.
Je parlais tantôt d'une membrane limitant le corps de la zoo-
spore : il va sans dire que j'entends par là une mince couche
limite formée au contact du liquide envii'onnant (membrane de
contact de Max Schultze). S'il s'agissait, au contraire, d'une
membrane proprement dite, il ne pourrait point être question
3
50 e. DE BRUYNE.
ici d'englobement des chromatophores et de l'expulsion des
détritus qui en proviennent.
La nutrition de la zoospore entraîne naturellement un accrois-
sement du protoplasme ; aussi l'on voit le diamètre augmenter
progressivement et les mouvements de progression diminuer
encore d'énergie et de fréquence. C'est surtout à ce moment
que le cil disparaît plusieurs fois. Le protoplasme est devenu plus
granuleux et il renferme maintenant quelques gouttelettes
graisseuses. L'organisme en est arrivé à la transition du stade
zoospore à celui (]j amibe : le cil ne réapparaît plus et la pro-
gression provient uniquement des mouvements amiboïdes.
L'amibe (fig. 1, 2, 13 et li), ainsi que je le disais déjà plus
haut, n'a pas de pseudopodes fins (TAcfinopJirys, caractéristiques
chez tous les représentants connus du genre Pseudos])ora :
seules quelques ondulations pseudopodiformes se produisent à
la surface de l'amibe. Celle-ci est même très souvent complète-
ment ramassée sur elle-même, aftectant la forme sphérique
(fig. 1 et 2) de façon qu'il n'est pas toujours aisé de constater si
on a aifaire à une zoospore dont le cil est rentré ou à une amibe
au repos. La membrane-limite et le protoplasme ne présentent
guère de différence d'avec ce qu'ils étaient dans le stade précé-
dent ; seules les granulations du dernier sont peut-être plus nom-
breuses et plus grossières. Le noyau à l'état frais reste presque
toujours invisible, caché qu'il est par les granulations et les
enclaves du protoplasme : les réactifs peuvent toujours le faire
apparaître. Les jeunes amibes peuvent se frôler, se heurter au
passage : on les voit alors se moulant l'une sur l'autre, mais dans
aucun cas je n'ai observé de fusion; il n'y a donc point de
stade plasmodique. EUes continuent à englober et à digérer
le contenu de l'algue qui finit i ar se vider visiblement si le
nombre de parasites est quelque peu considérable. Leurs
dimensions augmentent progressivement et bientôt on observe
des amibes ayant atteint des diamètres doubles, triples et
même quadruples. Chez celles-ci, les aliments semblent beau-
coup mieux digérés : en effet, leurs détritus passent au brun
foncé et même au noir. Ils ne sont plus éparpillés par petits
MONADINES ET CHYTRIDIACÉES. 51
groupes, mais, an contraire, accumulés en une masse informe
qui occupe le centre du protoplasme (fig. 2). Celui-ci devient
alors le plus souvent très vacuolaire. Les vacuoles sont de di-
mensions bien différentes qui peuvent varier du simple au triple ;
j'ai assisté à la contraction de quelques-unes d'entre elles, mais
jamais je n'ai pu constater l'existence d'une communication avec
l'extérieur. Leur nombre ni leur position ne sont constants et dans
aucun cas je n'ai pu découvrir de membrane propre : le proto-
plasme environnant semble limiter directement le liquide qu'elles
contiennent et s'écarter au fur et à mesure qu'elles s'accroissent.
Les mouvements de progression sont devenus très rares,
mais l'amiboïdité n'a en rien diminué jusqu'ici. La membrane
limite devient maintenant très évidente, et on constate chez elle
un acheminement vers le double contour : la phase de repos
approche.
Ainsi que je le disais tantôt, il n'y a point de formation
plasmodique par fusion ; il n'y a pas davantage de pseudo-
plasmodie. C'est là un fait caractéristique pour toutes les
Pseudospora décrites jusqu'aujourd'hui : elles le partagent avec
le genre Diplophysalis parmi les Pseudosporées. Les grandes
masses amiboïdes résultent uniquement de l'accroissement
progressif des petites par suite de la nutiition aux dépens du
contenu de l'algue.
Après que la membrane a acquis son double contour, on voit
encore bien souvent dans son intérieur l'amibe changer de
forme et animée de mouvements totaux sur elle-même. Les
vacuoles se maintiennent et on peut parfaitement encore
observer le déplacement des granulations protoplasmiques.
Toutefois les divers mouvements, dont je viens de parler,
ralentissent progressivement pour cesser enfin complètement.
Alors le protoplasme prend un aspect plus ou moins uniformé-
ment granuleux et reste dans cet état pendant un temps plus
on moins long: c'est le stade de cyste précédant immédiatement
la multiplication.
Les dimensions du zoocyste dépendent naturellement de
celles de l'amibe dont il dérive ; le diamètre atteint ordinaire-
52 e. DE BRUYNE.
ment de 20 à 25 y.. L'acheminement vers la multiplication
devient bientôt manifeste : nn fractionnement du protoplasme
s'ébauche et devient avec le temps de plus en plus net (fig. 1,
3 et 4). Les fractions du protoplasme sont sphériques, en
nombre variable, mais toutes sensiblement de mêmes dimensions,
4 à 5 [j.. Quelquefois, par suite de compression mutuelle, leur
forme arrondie typique est quelque peu altérée ; une fois la
séparation des fragments accomphe, chacun acquiert des
mouvements amiboïdes individuels lents, mais parfaitement
appréciables. Le reste de la lumière du cyste est occupé par un
liquide, et je ne suis pas très éloigné d'admettre que celui-ci
provient des vacuoles signalées tantôt dans le protoplasme de
la grande amibe.
Si le fractionnement débute le matin, on pourra dans les
conditions ordinaires suivre pas à pas avant la fin du jour
toutes les phases de développement des zoospores, car ces
fragments de protoplasme constituent leur premier stade évolutif:
dans le liquide qui les baigne et où elles se meuvent à la façon
de jeunes amibes, on voit tout à coup un mouvement que l'on
reconnaît aussitôt comme produit par des appendices ciliaires,
même avant que l'on ait pu constater l'existence de ceux-ci :
mais bientôt ils deviennent manifestes et leurs battements
énergiques et fréquents amènent à l'intérieur de la paroi cystique
le déplacement rapide des spores. Ce fourmillement peut durer
un temps variable. Pendant ces mouvements, la forme générale
de la zoospore change : de sphérique qu'elle était, elle devient
ovoïde et le cil se trouve à la partie antérieure plus ou moins
effilée dont sur certains exemplaires il est manifestement la
continuation. Certains de mes dessins (fig. 9) montrent à l'évi-
dence qu'il ne s'agit point d'un organe imitante dans le
protoplasme, mais d'un simple prolongement de celui-ci, qui,
plus agile et plus constant qu'un pseudopode, amène par ses
mouvements propres, le déplacement du corps entier.
Les zoospores quittent le cyste sans qu'aucune cause
extérieure apparente intervienne. Cette cause doit être exclu-
sivement intérieure. Tout d'un coup, les zoospores sortent sans
MONADINES ET CHYTRIDIACÉES. 53
ordre apparent : une première traverse lentement la paroi en
un endroit et grâce à son amiboïdité, elle s'effile aux deux
pointes de l'ovoïde, tandis que le cil bat énergiquement l'espace
environnant. Une seconde ne suit pas toujours immédiatement ;
au contraire, elles continuent toutes leur course rapide à l'inté-
rieur en passant même plusieurs fois chacune devant la brèche
faite par la première. Il arrive parfois que des fragments de
protoplasme restent à l'intérieur du cyste et n'y manifestent
même aucun mouvement : ils ne possèdent pas de cil (flg. 7).
Je présume que ce sont des avortons qui, non armés en vue de
la lutte pour l'existence, périront sur place. La masse de
détritus que j'ai signalée au milieu du protoplasme cystique
avant son fractionnement n'a plus subi de changements. Heurtée
constamment par les zoospores, elle est parfois refoulée excen-
triquement. Lors de leur sortie, elles l'abandonnent ainsi que
certains autres corps expulsés (flg. 8).
La zoospore libérée commence aussitôt sa vie errante à
travers la lumière de l'algue. Son agilité est très grande au
début : il faut surtout l'attribuer à la puissance de son cil,
véritable flagellum. Mais lentement celui-ci devient beaucoup
moins épais pour descendre aux dimensions décrites au début
de l'étude de Pseudospora Benedeni. Les déplacements dimi-
nuent aussi considérablement. L' amiboïdité est très grande
pendant tout le stade de zoospore : l'organisme moule son corps
sur les obstacles de toute nature qu'il rencontre. Avec le temps
la forme ovoïde disparaît pour faire place à la forme sphérique
dont j'ai parlé plus haut.
La zoospore peut rester dans le filament d'algue qui l'a vue
naître, et le fait d'ordinaire quand la nourriture y est suffisam-
ment abondante. Si, au contraire, cela n'est pas le cas, elle en
sortira par un orifice ou l'autre à la recherche d'un terrain plus
propice. C'est ainsi que plusieurs fois il m'est arrivé de
rencontrer dans un filament sain une seule ou un petit nombre
de zoospores ou d'amibes. Comment y avaient-elles pénétré, je
l'ignore. Je présume toutefois qu'à l'instar de beaucoup d'autres
parasites, elles possèdent un pouvoir dissolvant de la paroi
54 e. DE BRUYNE.
d'algue et qu'elles passent à l'intérieur par l'orifice ainsi pra-
tiqué. Elles n'y pouvaient point être nées puisque pour cela
il aurait fallu rencontrer dans le même filament un cyste vide
dont elles fussent provenues. Observant ce ou ces parasites ainsi
isolés dans une algue saine, je réussissais chaque fois à pour-
suivre le^cycle évolutif complet, parfois de plusieurs générations
successives.
Le stade sporocyste ne se rencontrait que fort rarement
dans mes cultures. J'en ai représenté 3 exemplaires dans les
fig. 10, 11 et 12. Voici comment il se produit. Le protoplasme
se contracte vivement mais reste régulièrement arrondi ; les
détritus sont expulsés et refoulés en même temps contre la paroi
qui s'est épaissie légèrement. Une membrane nouvelle se sécrète
à la surface'du protoplasme qui le plus souvent devient mainte-
nant grossièrement granuleux. Je n'ai pas clierclié à déterminer
la nature chimique de ces granulations; serait-ce ici, comme
chez Pseiidospora parasitica Cienk., une formation de matériaux
graisseux de réserve qui servira plus tard lors de la reprise de
l'évolution ?
De tout le temps que j'ai résidé à Naples, et malgré une
observation presque continue, je n'ai pas réussi à voir le sporo-
cyste mettre son contenu en liberté.
Pseudospora edax, n. sp.
(Planche III, Hg. 23-20.)
Second parasite monadinien de Cladophora. Il y est beau-
coup moins fréquent que le précédent et je ne l'ai que très
rarement rencontré dans le même filament, plus souvent dans
des filaments voisins qu'il épuise encore plus complètement.
Dans une algue abandonnée par ce parasite, il ne reste d'ordi-
naire absolument plus rien que des résidus alimentaires. A
raison de cette grande voracité, je propose de lui donner le
nom spécifique edax. Au même titre que le précédent, il appar-
tient à la famille des Psendosporées et au genre Pseudospora.
J'ai pu observer les stades suivants : zoospore, amibe {plas-
modie ?) et cyste zoosporipare.
MONADINES ET CHYTEIDIACÉES. 55
La zoospore en mouvement (fig-. 23) est de forme allongée,
finement granuleuse et amiboïde à un degré très élevé. Elle
traverse le cliamp du microscope avec une rapidité considérable
au point que, pour l'observateur, c'est un travail franchement
fatigant de poursuivre un exemplaire pendant un temps
un peu long. Contrairement à ce que j'ai pu signaler pour
Ps. Benedeni, le noyau est bien visible à l'état frais, mais les
réactifs viennent naturellement encore mieux révéler sa pré-
sence. Comme je ne disposais pas de grossissements suffisants,
je n'ai pas été en état d'observer si ce noyau, si distinct à
l'état frais, présentait des mouvements amiboïdes, ou non. Sa
forme générale était d'ordinaire celle d'un ovoïde allongé. Je n'ai
rencontré aucune vacuole pulsatile ; sur certains individus se
présentaient au sein du protoplasme de petites lacunes splié-
riques qui auraient bien pu être des vacuoles. Le protoplasme
de la zoospore, disais-je tantôt, est finement granuleux; c'est le
cas général ; cependant il y a des granulations, peu nombreuses
il est vrai, mais assez grosses et répandues irrégulièrement
dans la masse. Plus d'un exemplaire même était fortement
granuleux et j'ai constaté qu'en général les granulations
augmentent d'importance avec l'âge de la zoospore. Il est
quasi impossible d'y distinguer un hyoloplasme, même en ayant
recours à l'action des réactifs : cela semble tenir à l'extrême
finesse de la plupart des granulations répandues par tout
le corps de la zoospore. Un cil unique long et mince est- porté
par la partie antérieure ; aucune structure n'y est manifeste :
il semble constitué de protoplasme hyalin : aucune démarca-
tion nette ne se montre entre le cil et le corps de l'organisme.
Les mouvements du cil ne sont point énergiques, tant s'en faut,
bien souvent même il semble ne pas produire le déplacement
de la zoospore, mais le diriger simplement. En eifet, il arrive
que l'organisme, changeant de direction, traîne derrière lui cet
organe qui dans ce cas n'exécute aucun mouvement propre et
joue plutôt le rôle de gouvernail.
Dans ce stade, de même que dans le suivant, le parasite
semble vivre surtout de grains de fécule. Chez aucun exem-
56 e. DE BRUYNE.
plaire je n'ai vu à l'intérieur un grain de chlorophylle ou une
masse décolorée en provenant. Quand la nourriture manque
dans l'habitat, il n'hésite pas à le quitter et à aller chercher
ailleurs dans l'eau environnante, un hôte sain que bientôt lui et
ses générations ont fini d'épuiser.
La limite extérieure de la zoospore est nette ; il n'y a ici,
comme chez le même stade de Pseudosimra Benedeni, qu'une
simple couche-limite qui suffit déjà pour empêcher la fusion de
deux individus au contact. Je n'ai jamais vu l'entrée des
aliments à l'intérieur de la zoospore, ni la sortie des détritus ;
la lumière de l'algue se remplit cependant de ceux-ci qui se
présentent sous forme de granulations, bâtonnets, etc. (fig. 24).
La transition au stade amibe s'annonce ici comme chez
Ps. Benedeni, c'est-à-dire que le corps de la zoospore s'accroît
et s'arrondit progressivement, les mouvements se ralentissent
et le cil finit par rentrer définitivement.
L'organisme arrivé à ce stade afî'ecte d'ordinaire la forme
sphérique, surtout quand il se tient au repos (fig. 25). Ses mou-
vements, du reste, sont fort peu appréciables, de même que sa
progression. Le protoplasme est devenu plus grossièrement gra-
nuleux et son aspect général plus sombre ; des spherules très
réfringentes apparaissent les unes après les autres : elles sont de
nature graisseuse et proviennent probablement de la digestion.
La zone hyaline ne devient manifeste que lors d'un déplace-
ment amiboïde. 11 est très peu abondant, mais son existence
ne saurait être contestée. Le noyau ne devient généralement
bien distinct qu'à la suite de l'action des réactifs : les granu-
lations avec lesquels on pourrait parfois le confondre à un
simple examen à l'état frais, le cachent souvent à la vue. Ici
comme chez l'amibe du précédent, il n'y a point de ces pseudo-
podes à' Actino2)hrys hérissant la surface extérieure : les pseu-
dopodes sont rares et très obtus et dans tous les cas ne se
maintiennent pas longtemps. Mais, pour les mêmes motifs,
malgré cette absence, je n'hésite pas à ranger le parasite en
question dans le genre Pseudospora. L'accroissement de
l'amibe est fort lent et les dimensions ne deviennent jamais
MONADINES ET. CHYTRIDIACÉES. 57
considérables : elles atteignent au plus un diamètre double et
n'y parviennent même pas dans le cas le plus général.
Leur nombre à l'intérieur du filament d'algue peut devenir
très grand et alors plusieurs se touchent et se compriment
même mutuellement. Il n'en résulte néanmoins jamais une fusion
pas même de pseudoplasmodie. Chacune conserve son indivi-
dualité propre et poursuit isolément son évolution. J'ai constaté
souvent que des amibes de même âge n'en étaient pas toujours
au même point de leur cycle : des diiférences individuelles se
manifestent dans chaque série d'observations. L'amibe se nour-
rit du contenu de l'algue : les grains de chlorophylle digèrent
lentement à l'intérieur du protoplasme et leur teinte devient
bientôt jaune brunâtre. Les granulations de détritus alimen-
taires, en grande partie incolores, se groupent d'ordinaire et
s'entourent d'une sorte de membrane, ainsi que je le dirai plus
loin à propos du cyste zoosporipare.
La progression dans la lumière de l'hôte cesse bientôt com-
plètement; seuls les mouvements amiboïdes se maintiennent
tout en restant très faibles. Pendant tout ce stade, comme
pendant le précédent, il ne peut être question que d'une couche
limite à la surface du corps de lamonadine. En ce moment,
apparaît une membrane proprement dite, nette et à double
contour; on peut parfaitement assister à sa formation et à son
épaississement progressif. Elle enveloppe complètement le pro-
toplasme qui s'est régulièrement arrondi et qui a conservé son
aspect général et ses mouvements propres : le cyste en voie de
formation. Les résidus alimentaires se sont tous groupés déjà
depuis le stade amibe en une sorte de vacuole toujours excen-
trique et dont les dimensions varient avec leur nombre. Cette
vésicule a ime paroi propre manifeste et se maintient, ainsi que
je le montrerai plus loin, même après que la membrane cystique
se sera vidée. Presque toujours les résidus alimentaires étaient
incolores (fig. 24 et 25) ; je dois à la vérité de dire que les algues,
où j'ai eu l'occasion d'étudier Ps. edax, en étaient tellement
infectées que les fragments ne contenaient presque plus de
chlorophylle et que, par conséquent, il devait se nourrir des
autres aliments féculents qui tous sont incolores.
58 e. DE BRUYNE.
Le cyste est zoosporqKire. Son protoplasme est devenu d'un
aspect plus régulièrement granuleux et a perdu progressivement
ses mouvements amibo'ides. Dans certains cas, il remplit avec la
vacuole à détritus toute la lumière du cyste ; dans d'autres, au
contraire, il semble s'être rétracté et s'isoler davantage. Ce
sont là encore des différences individuelles qui ne me semblent
pas avoir une bien grande importance.
Le protoplasme, venu au repos, ne tarde pas à se diviser.
Cette division se fait suivant deux plans diamétraux perpen-
diculaires entre eux : il en résulte quatre fragments qui,
par pression réciproque, conservent, pendant quelque temps,
l'aspect de quarts de sphère (fig. 24). Il n'est pas rare de voir
la division se faire suivant un seul plan diamétral; il ne se
forme ainsi que deux fragments : c'est souvent le cas pour les
petits cystes (flg. 24 et 25). Ces fragments manifestent bientôt
une amiboïdité propre et acquièrent une forme générale ovoïde;
un battement de cils devient évident : les zoospores sont
formées. Elles se meuvent d'abord d'une façon très lente puis
progressivement énergique : elles se heurtent et s'entrecroisent
mutuellement à l'intérieur du cyste, se moulent les unes sur les
autres, etc. et ce pendant un temps plus ou moins long.
La sortie des zoospores se fait, comme chez Ps. Benedeni,
sans ordre appréciable. On voit tout à coup, sans cause exté-
rieure apparente, l'une d'elles se frayer un passage à travers la
paroi du cyste et en sortir en s' allongeant et s'effilant, grâce à
sa grande amiboïdité (flg. 25, zc). D'ordinaire, la zoospore, au
moment de sa sortie, traîne derrière elle, et ce pendant plusieurs
secondes ou même une minute, un appendice sans forme déter-
minée, amiboïde et qui disparait par absorption : il semble qu'il
s'agit là d'une déformation de la partie postérieure se produisant
par l'enserrement entre les bords de la brèche de sortie. Les
zoospores se libèrent ainsi toutes successivement et à des inter-
valles très variables : la paroi cystique reste là abandonnée
renfermant encore la vésicule à résidus et parfois quelques
fragments également expulsés.
Le sx)orocyste ne m'est point connu à moins que la fig. 25
MON'ADINES ET CHYTRIDIACÉES. 59
n'en représente un en sj). En effet, il y a là non seulement
une paroi optique ordinaire, mais une formation membraneuse
nouvelle autour du protoplasme contracté. Quoi qu'il en soit, je
n'ai pas réussi à poursuivre pour ce cas unique, une évolution
subséquente. Les éléments me manquent donc pour émettre une
opinion au sujet de ce stade décrit chez toutes les autres formes
du genre Pseudospora.
Gymnococcus Cladopiiorae, n. sp.
(l'iancho V, fig. 16-20.)
Parmi les nombreux protozoaires parasitant sur Cladophora
gracilis, il en est un qui attaque particulièrement et de préfé-
rence l'article terminal des tilaments. Si les conditions sont
favorables, il y parcourt complètement son évolution au bout
de laquelle il en a totalement détruit le contenu. Les parties
atteintes se distinguent déjà à un faible grossissement : elles
sont considérablement hypertrophiées et leur belle couleur
verte est remplacée par une pâleur dont l'intensité varie avec
le degré de destruction. La partie chlorophyllienne et féculente
est dévorée lentement et les parties non assimilables sont
abandonnées à l'état de masses informes dont la teinte varie du
brun clair au noir foncé. Le parasite en question présente des
caractères d'une grande netteté ; il appartient aux Gymno-
coccacées, Zopf, genre Gymnococcus, Zopf. Je ne l'ai rencontré
que sur Cladophora gracilis et n'ai pas réussi à le faire changer
d'hôte dans mes cultures rendues pauvres en Cladophores,
riches, au contraire, en autres algues vertes.
L'observation de l'évolution de ce parasite en chambre
humide, exige plusieurs semaines et pendant ce temps-là on
voit plusieurs d'une culture dépérir dans ces conditions.
Quelques-uns des nombreux essais ont réussi et j'ai eu ainsi, à
plusieurs reprises, l'occasion de poursuivre tous les stades
successifs de zoospore, amibe, plasmode, zoocyste. Les spores
durables caractéristiques pour les Gymnococcacées me sont
inconnues jusqu'à présent.
60 e. DE BRUYNE.
La zoospore, à sa sortie du eyste, se présente sous la forme
d'un petit ovoide, peu réfringent, finement granuleux, amiboïde
et muni de 2 cils (flg. 19). Son liyaloplasme n'est pas toujours
nettement distinct, mais par une observation continue on
découvre son existence particulièrement aux endroits d'implan-
tation des cils. Une vacuole est constante ; elle est nettement
limitée et ne change guère de position : je n'ai pas non plus
constaté qu'elle fût contractile. Les limites de la zoospore sont
bien tranchées et les cils implantés asymétriquement : l'un se
trouve à l'extrémité du grand axe, le second de l'autre côté
est placé plus latéralement (fig. 19). Leur longueur est à peu
près la même et sensiblement égale ou un peu supérieure à celle
du grand axe (3 à 4 u). Le premier surtout bat énergiquement le
milieu liquide et détermine le déplacement delà zoospore; l'autre
m'a semblé beaucoup moins actif dans ce phénomène et entraînée
comme un gouvernail. Les déplacements de la zoospore ne sont
point énergiques et surtout pas très rapides; on peut en observer
se mouvant sur place par saccades pendant des journées en-
tières : les deux cils prennent une part égale à ces mouvements.
Les zoospores finissent cependant par se transporter vers un
hôte encore intact pour y commencer leur évolution.
Il m'est arrivé une seule fois de constater sur le milieu d'une
zoospore un étranglement qui allait en s'accentuant. Le
phénomène marchait assez rapidement, déjà les deux moitiés,
conservant chacune un cil, s'agitaient isolément et le pont qui
les unissait encore allait se rompre, quand par malheur un
grand infusoire vint à traverser le champ de vision en cet
endroit et entraîna l'objet de cette intéressante observation. Il
s'agissait sans aucun doute d'une division de zoospore en deux
zoospores-filles, ce qui aurait constitué un 'chaînon important
du cycle évolutif du parasite en question.
Je n'ai jamais réussi à observer la nutrition de la zoospore :
ni entrée des aliments, ni sortie des détritus. L'organisme
possède à ce stade une amiboïdité suffisante pour permettre
de supposer que cette fonction se passe par englobement de
substances solides et par abandon de leurs résidus.
MONADINES ET CHYTRIDIACÉES. 61
Arrivée à un filament à cellule terminale intacte, la zoospore
y pénètre (probablement par dissolution de la paroi). Plus
rarement elle s'attaque à ravant-dernière cellule et ce presque
uniquement quand la terminale est déjà entamée par un autre
individu. Elle perd bientôt ses cils et se transforme ainsi en
amibe qui aussitôt se met en devoir de dévorer le contenu. Au
début, le protoplasme de l'amibe est finement granuleux, tran-
chant peu, à cause de ce caractère, sur celui de la cellule hos-
pitalière. Ses limites sont assez nettes quoiqu'il ne puisse pas
être question de membrane (fig*. 17). L'amiboïdité est très pro-
noncée : c'est par englobement que le contenu cellulaire entre
dans le corps du parasite. (3n voit la chlorophjdle subir la trans-
formation déjà signalée en masse brunâtre d'abord, foncée et
noire ensuite. Le résidu granuleux se groupe d'ordinaire en
plusieurs masses que les mouvements du protoplasme entraînent
et déplacent. L'amibe ne rampe guère à l'intérieur de l'algue.
Si on cesse l'observation pour la reprendre quelques heures
après, on la retrouve à la même place; seules les dirjensions ont
changé : elles se sont accrues parfois d'une façon considérable.
Tantôt une seule amibe parasite dans un article terminal de
Cladopliora; d'autres fois il peut y en avoir deux ou même
davantage encore. Dans le premier cas, l'amibe unique se
nourrit du contenu de son hôte pour ainsi dire, jusqu'à épuise-
ment complet et forme finalement une amibe considérable,
remplissant avec ses détritus toute la lumière cellulaire. Dans
le second cas, après digestion des substances nutritives, ou
même déjà avant, les parasites qui se sont déjà heurtées mu-
tuellement à plusieurs reprises, finissent par se fusionner en une
plasmodie unique, dont les dimensions varient avec celles de la
cellule.
Au cours de cet épuisement, les parois s'écartent considéra-
blement dans toutes les directions, de façon à doubler même les
dimensions de l'article (fig. 16, 18 et 20).
Pendant cette phase importante, le protoplasme de la
Monadine acquiert de fortes granulations de diverse nature et
entre autres des corpuscules graisseux. L'hyaloplasme devient
62 e. DE IBRUYNE.
de moins en moins distinct (ûg. 16). Il ne se produit pas de
vacuoles contractiles ou autres, pas plus que chez la jeune
amibe. A l'état frais, on ne distingue point de noyau. Comme il
était toujours difficile de mener à bien une culture de la
monadine en question, je me suis surtout occupé de l'examen à
l'état frais et j'ai négligé de vérifier l'existence du noyau au
moyen des réactifs microcliimiques.
Lentement, mais progressivement, les résidus alimentaires
sont refoulés vers le milieu de la cellule où ils se groupent
suivant le grand axe (fig. 18, 19 et 20). Leur digestion est
achevée : en effet, ils sont devenus d'un brun foncé allant
jusqu'au noir. C'est là un indice certain que le protoplasme se
prépare à la division ; mais cet état peut durer bien longtemps:
ainsi, je l'ai conservé pendant plus d'un mois dans un même
article d'algue. Il ne se produit pendant ce laps de temps
aucun changement appréciable : détritus, protoplasme et algue
conservent leur aspect.
Quand l'époque de la division approche, on voit des groupe-
ments se produire à l'intérieur du protoplasme, d'abord d'une
façon indécise, bientôt fort nette au contraire. Chaque fraction
de protoplasme isolée par suite d'une sorte d'étranglement
constitue l'ébauche d'un cyste zoosporipare. Le nombre de
ceux-ci varie avec les dimensions qu'a pu acquérir l'amibe ou la
plasmodie; leur diamètre et leur forme sont également sujets à
des variations. J'en ai observé de 5 a, de 11 p. et del2,u; ils
sont presque tous parfaitement sphériques (fig. 18 et 19), mais
peuvent se déformer et devenir angulaires par pression mutuelle :
il y en a même de fusiformes (fig. 20). Le cyste n'est formé
qu'après que s'est produite la membrane à double contour. Le
protoplasme y renfermé ne présente rien de bien particulier : il
est grossièrement granuleux et renferme quelques globules grais-
seux. Sous ce rapport, deux cystes voisins ne sont pas toujours
complètement identiques : on constate des différences individuel-
les qui me semblent cependant toutes d'importance secondaire.
Le protoplasme ainsi fractionné semble entré dans une phase
de repos. En effet, cet état, qui ne présente rien de bien
MONADINES ET CHYTRIDIACÉES. 63
saillant et qui surtout ne subit aucun chang-ement, peut durer
pendant un temps plus ou moins long, des semaines, même un
ou deux mois. A des époques donc variables, le contenu cystique
se fractionne à son tour en un nombre plus ou moins grand de
parties spliériques où un mouvement amiboïde individuel ne
tarde pas à apparaître ; chaque fraction s'individualise : la
zoospore se forme ; il ne lui manque plus que les cils qui se
dessinent pour ainsi dire à la même époque chez tous les
individus d'un même cyste. Aussitôt commence à l'intérieur le
fourmillement caractéristique de zoospores enfermées, four-
millement qui peut durer plusieurs jours. Il ne se fait jamais
que les cystes provenant d'une même plasmodie arrivent tous
en même temps à ce stade : le plus souvent les zoospores ont
déjà quitté tel cyste, alors que dans tel autre, le protoplasme
ne s'est même pas encore fractionné.
Quand le mouvement des zoospores à l'intérieur de la
capsule cystique a duré ainsi quelque temps, il se produit tout
à coup en un point une rupture par laquelle elles soitent les
unes après les autres, mais sans ordre apparent. Quelques-unes
y restent encore longtemps après les autres, même deux ou
trois jours. Une fois libérée, la zoospore ne quitte pas immé-
diatement l'algue : elle peut y rester longtemps encore.
La cellule hospitalière est complètement détruite. Ses
voisines, au contraire, continuent à vivre sans avoir subi aucun
dommage. J'ai rencontré un seul cas où l' avant-dernière cellule
était attaquée par une amibe, ainsi que la terminale qui en
logeait deux. Les cystes abandonnés restent dans la cellule.
Il n'est pas rare de voir qu'ils renferment encore après plu-
sieurs jours, des zoospores en mouvement à côté de fragments
amorphes de protoplasme. Il s'agissait ici de nouveau de
zoospores non complètement formées.
Oymnococcus Gomphonemarum, n. sp.
(Planche IV, fig. 2:2-29.)
FocKE a signalé dans certaines diatomées des corpuscules par-
ticuliers, que, sans les étudier davantage, il considérait comme
64 e. DE BRUYNE.
des organes de multiplication (^). Pfitzner(2), en 1870, découvrit
que, sur certaines formes de Baccilariées, ces corpuscules repré-
sentaient un stade évolutif d'un parasite qu'il nomma Padochy-
trium. En 1871, le professeur Walz (^) décrivit cliez des diato-
mées la formation de zoospores qu'il soupçonnait avoir été
considérées par des naturalistes comme des parasites. Zopf (*),
reprenant ce sujet d'une importance biologique capitale, trouva
cliez des diatomées telles que Synedra, Pinnularia, Cocconema,
Snrirella, Oompiionema, un parasite qu'il a nommé Oymnococms
Fockei et dont il a pu poursuivre tout le cycle évolutif. Plus
tard, il en découvrit un autre, G. j^erniciosus, dans des cellules
de cladophora, et un troisième, G. spermopMliis, dans les
spores d'une algue du genre Cylindrospermum.
J'ai eu l'occasion de m'occuper d'un sujet analogue : il s'agit
d'une monadine parasitant à l'intérieur d'une Gomphoyiema où
elle parcourt le cycle suivant : zoospore, amibe, zoocyste. Il n'y
a pas de doute possible au sujet de la nature de cet organisme
et dans aucun cas il n'y a moyen de le confondre avec un mode
de reproduction de la diatomée.
Jj amibe a des dimensions qui varient d'un individu à l'autre
et également avec l'âge. Son protoplasme est primitivement
très linement granuleux, assez liomogène. On la distingue néan-
moins parfois très difficilement dans le protoplasme de la dia-
tomée. On la retrouve plus aisément quand elle s'est déjà
nourrie du contenu de son hôte. En effet, elle dévore assez rapi-
dement l'endoclirome dont elle transforme les parties non assi-
milables en des masses d'un brun rougeâtre (fig. 22 à 29). Ces
masses, comme toujours, se groupent pour en former de plus
grosses. Quelques granulations protoplasmiques deviennent plus
volumineuses avec le temps. Jamais je n'ai constaté la présence
de vacuoles soit contractiles, soit autres. Les réactifs semblent
affectionner plus particulièrement certaines granulations plus
(') Phijsiolofjisclie Studien, Band 2.
(-) Vcrliandl. d. natiuh. Ver. Pr. IVicin. WePtphalen, s. 02.
{^) Huas, natuif. Ver. Kiew.
[^) Zur Morphologie iiud Biologie der niedcren Pilzthiere. Leipzig, i8So.
MONADINES ET CHYTRIDIACÉES. 65
fortes que les antres; sont-ce des noyaux multiples? A l'état
trais, on ne distingue point de noj^au. Pendant les mouvements
(reptation lente),on peut parfaitement distinguer un hyaloplasme
(fig. 22 et 24). L'amibe abandonne les granulations de détritus
pendant qu'elle se déplace : le protoplasme se retire tout autour;
d'autres fois, on peut voir une véritable expulsion effectuée avec
une certaine force. A ce stade, différents individus peuvent se
frôler, se heurter, sans se fusionner : ils se moulent l'im sur
r autre comme sur un autre obstacle rencontré en chemin;
d'autres fois, au contraire, ils se fusionnent jusqu'à former de
très grandes plasmodies (tig. 24 et 2 G). S'il n'y a qu'une seule
amibe dans une Gompiwnema, elle se nourrit et grandit jusqu'à
atteindre des dimensions égales à celles d'une plasmodie. D'un
autre coté, dans une même diatomée, il peut se former deux
plasmodies séparées (fig. 27) qui pourront évoluer plus tard
chacune séparément (fig. 29).
Quand tout le contenu de l'algue est devenu la proie du
parasite, celui-ci roule son protoplasme en boule qui n'en
continue pas moins la digestion. Celle-ci avance avec la trans-
formation de la teinte de l'endochrome avalé et on peut la
considérer comme achevée quand cette teinte est devenue d'un
brun très foncé, presque rouge. Dans ce cas, on assiste presque
toujours immédiatement à l'expulsion des résidus alimentaires ;
le protoplasme se contracte et on voit se foi'mer lentement à sa
surface une membrane à double contour (fig. 24 et 28).
Cet état de choses peut durer plus ou moins longtemps. La
phase suivante s'annonce par un fractionnement du contenu
protoplasmique. Nous avons donc un cyste. Sa forme et ses
dimensions sont variables avec celles de l'hôte. Il peut mesurer
jusque 20 |j- de diamètre; d'ordinaire sphérique et complètement
dégagé de toutes parts, il peut aussi être enserré entre les
valves de la diatomée (fig. 29).
Les fragments provenant de la division du protoplasme ne
tardent pas à s'individualiser et à s'arrondir : ils sont disposés
très régulièrement d'une façon concentrique; leur nombre est
très variable (fig. 25 et 29) avec les dimensions du cyste.
66 e. DE BRUYNE.
Celui-ci est un zoocyste dont on obtient les spores ordinairement
endéans les 24 lieures. Celles-ci sont sphériques, nncléées,
munies d'un cil et manifestent bientôt, par leur fourmillement à
l'intérieur du cyste, leur intention de quitter. A un moment
donné se produit une brèche par où s'eifectuera leur sortie.
Quelquefois le lendemain du jour où j'avais observé le commen-
cement de la sortie, j'en trouvais encore errant dans le cyste.
Il en est même qui ne quittent jamais et qui meurent sur place :
ce sont probablement des avortons.
La zoospore après sa sortie du cyste ne quitte pas toujours
immédiatement la diatomée. Quelquefois elle y nage encore
assez longtemps battant l'eau énergiquement de son cil. Les
valves de l'hôte, ordinairement endommagées, ne lui offrent pas
de résistance et elle trouve plus d'une brèche pour se lancer au
large. Arrivée dans l'eau extérieure, elle y erre à la recherche
d'une victime. J'ignore de quelle façon elle pénètre dans une
Oomiihonema encore intacte ': jamais, en effet, je n'ai pu
l'observer. Ce détail ne présente pas un intérêt bien grand au
point de vue biologique. J'ai plus d'une fois rencontré des
zoospores de Oymnococcus Gomphonemanim à l'intérieur de
diatomées et je me suis plutôt inquiété de leur évolution. Elle
se nourrit de l'endochrome de la diatomée qu'elle digère tout
comme les autres stades ; elle expulse aussi les détritus. Le
parasite, néanmoins, une fois pénétré ne reste pas longtemps à
l'état de zoospore : les déplacements qui n'étaient déjà plus
très rapides, s'affaiblissent encore; l'amiboïdité augmente,
tandis que le cil ne tarde pas à disparaître par résorption : le
parasite passe à la phase suivante, celle d'amibe, par laquelle
j'ai commencé la description de son évolution.
De même que pour le précédent, je n'ai pas eu l'occasion
d'étudier la spore de conservation.
Quant à la place qui lui revient dans la systématique, d'après
tout ce que je viens d'exposer, elle est marquée dans la famille
des Gymnococcacées, genre Gymnococcus. Vu son habitat, je
propose pour lui le nom spécifique de Gomplionemarum.
MONADINES ET CHYTRDDUCEES. 67
Gymnococcus Bryopsidis.
'.Planche III, figures 27 et 28.)
Monadine parasitaire relativement rare de Bryopsis piu-
mosa; j'en ai pu observer 3 stades dans l'ordre suivant :
V amibe, le zoocyste et la zoospore.
\j amibe se présente sous la forme d'une masse protoplas-
mique de dimensions et d'aspect très divers (fig. 28) : spliérique
ou ovoïde d'une façon générale, elle s'étire, se rétrécit, se
moule sur les obstacles, etc., de façon à acquérir les formes les
plus changeantes. Son protoplasme sombre, granuleux au centre,
plus liyalin vers les bords, tranche nettement sur celui de l'hôte.
Il y a presque toujours des granulations graisseuses qui ne se
produisent cependant que vers l'âge mûr, c'est-à-dire vers
l'époque de la multiplication ; une ou deux vacuoles se tiennent
le plus souvent dans la partie granuleuse. Les limites
extérieures de l'amibe sont très nettes, mais on ne saurait y
distinguer de membrane. L'organisme se nourrit aux dépens du
contenu de la plante hospitalière et probablement uniquement
du protoplasme, car je n'ai jamais assisté à l'englobement de
parties chlorophylliennes et à leur digestion ultérieure. Son
accroissement ne se fait que d'une manière bien lente et dure
parfois plusieurs jours. Arrivé à une certaine limite, cet
accroissement cesse tandis que l'amibe continue sa progression
ou mieux sa reptation dans la lumière de la cellule hospitalière.
A un moment donné, elle s'arrête, se roule en boule et se
couvre lentement d'une mince membrane : elle se transforme
en cyste. Le protoplasme n'a guère subi de changements à part
l'acquisition de granulations graisseuses très réfringentes vers
la fin du stade précédent.
Quelque temps après l'apparition de la membrane cystiqiie,
le protoplasme devient très vacuolaire (fig. 27). Les vacuoles
diffèrent beaucoup entre elles : il y en a de 5 à 10 [j- de diamètre,
elles ne sont pas pulsatiles et sont déplacées dans leur ensemble
grâce aux mouvements du protoplasme lui-même. Pendant leur
déplacement, il n'est pas rare de voir leur forme s'altérer.
68 e. DE BEUYNE.
L'état enkysté peut durer un temps très variable, mais le plus
souvent endéans des 2i heures déjà, la segmentation s'annonce
par un groupement du protoplasme en autant de points qu'il se
formera de zoospores : ce nombre dépend des dimensions acquises
par le cyste lui-même. Les fragments de protoplasme ne tardent
pas à acquérir leur cil : le fourmillement caractéristique
apparaît immédiatement et annonce l'évacuation prochaine du
cyste.
La zoospore au moment de sa sortie est légèrement ovale,
manifestement nucléée (on s'en assure facilement même à l'état
frais) et d'ordinaire pourvue d'une vacuole. Son protoplasme,
de même que celui de l'amibe et du cyste, est sombre et fine-
ment granuleux. Le cil est implanté à l'une des extrémités du
grand axe et peut atteindre la longueur de celui-ci, c'est-à-dire
environ 10 p-. Les mouvements de progression sont relativement
lents quoique le cil batte énergiquement le milieu. La surface
du corps n'est point protégée par une membrane et conserve
une grande amiboïdité. Toutes les zoospores quittent successi-
vement le cyste dont bientôt il ne reste plus que la paroi. Elles
n'abandonnent pas toujours immédiatement l'hôte, et quand elles
le font, c'est que la paroi est trouée ou que la nourriture
manque. D'ordinaire, elles pérégrinent, vont et viennent dans
tous les sens pendant un temps plus ou moins long sur un
espace relativement restreint, se heuitant aux obstacles, se
bousculant entre elles, etc. La plante hospitalière n'étant qu'une
immense cellule, les zoospores trouveront plus loin de quoi
pourvoir à leur subsistance et à leur évolution ultérieure. Après
quelque temps, en effet, on les trouve répandues dans différents
rameaux où elles vont à leur tour porter la dévastation et où,
s' agrandissant puis perdant leur cil, elles se transformeront en
amibes pour donner ensuite le jour à une génération nouvelle.
La Monadine en question est donc une zoosporée ; elle s'écarte
de la famille des Pseudosporées en ce que les détritus de la
digestion quittent le corps avant la formation du cyste, et elle
se rapproche par là des Gymnococcacêes dont un caractère
essentiel cependant, la formation de spores de conservation à
MONADINES ET CHYTRIDIACÉES. 69
nu, n'a pas été constaté chez elle. Je propose provisoirement
l'appellation Gymnococcus Bryopsidis en attendant que lors
d'un séjour que je compte faire sur la côte occidentale de la
France, je puisse reprendre la question et la mener à bien.
Gymnococcus Licmophorae, n. sp.
(Planche IV, fi^'. 14—21 et 30—33.)
Cette monadine se rencontre parfois en grande quantité chez
certaines baccilariées, telles que Gomphonema et surtout
Licmoiiliora. Les stades observés sont : la zoospore, Y amibe et
le {zoo ?-) cyste. Elle se nourrit de l'endochrome de ces algues et
elle rend ses résidus alimentaires sous formes de balles ou de
granulations brunâtres.
La zoospore est d'ordinaire de forme ovoïde et ne possède qu'un
cil unique porté à l'une des extrémités du grand axe (tig. 14, 16
et 17). Il peut atteindre une longueur de 7 — 8 jj.; il est assez
puissant et va en s'effilant depuis la base jusqu'à l'extrémité.
Jamais je ne l'ai vu disparaître pour réapparaître après. Ses
battements énergiques déterminent les mouvements saccadés et
rapides et la progression, jamais très considérable, de la zoo-
spore. Celle-ci est nettement limitée, amiboïde et nucléée et,
pendant ses mouvements, on peut distinguer un hyaloplasma sur
les bords (fig. 14 et 16). Le plasma granuleux est très sombre
et renferme d'ordinaire beaucoup de granulations endochro-
miques qu'elle digère lentement.
Il y a presque toujours une vacuole qui, de même que le
noyau, est souvent soustrait à la vue, grâce aux granulations et
enclaves du protoplasme. Les résidus alimentaires, réunis en des
amas parfois considérables, d'autres fois restés à l'état poussié-
reux, sont expulsés et vont nager dans le liquide ambiant : il
ne peut donc ici non plus être question d'une véritable mem-
brane, mais uniquement d'une couche limite. Bientôt, les batte-
ments du cil diminuent et il rentre par absorption dans le
protoplasme de la zoospore : V amibe s'est formée sans que tous
les détritus formés pendant le stade précédent soient expulsés.
70 e. DE BRUYNE.
La zoospore grandit assez rapidement ; ses dimensions
peuvent devenir 2 — 2 1/2 fois plus grandes.
La vacuole a considérablement augmenté de volume et est
restée contractile comme chez la zoospore (fig. 14). Quand elle
se contracte, son contenu est expulsé et le corps de l'amibe
s'affaisse jusqu'à devenir d'un tiers moindi^e (fig. 15). L'amibe
à l'état de repos est parfaitement sphérique et ne montre en
aucun de ses points du plasma liyalin ; celui-ci apparaît, au
contraire, pendant qu'elle rampe : alors les pseudopodes sont or-
dinairement obtus et les mouvements lents. Parfois, cependant,
il se produit un prolongement plus fin, mais qui ne tarde pas
à grossir aux dépens du protoplasme affluent. Le noyau reste
presque toujours masqué par les fortes granulations du proto-
plasme et par les nombreuses enclaves que celui-ci peut ren-
fermer. L'endoclirome de la plante hospitalière est englobé par
fragments et y digère plus ou moins rapidement ; les détritus,
comme toujours, sont expulsés : à cet effet, le protoplasme les
abandonne tout autour et semble s'ouvrir pour leur livrer
passage (fig. 32). Ces détritus finissent par obstruer la lumière
de la diatomée (fig. 18). Quand il n'y a eu qu'une seule zoospore,
il n'y a non plus qu'une seule amibe qui, une fois rassasiée,
arrondit sa surface et reste au repos (fig. 20). Il arrive aussi
qu'une zoospore s'attaque à une diatomée presqu' épuisée ; dans
ce cas, elle et l'amibe à laquelle elle donne lieu, dévoreront ce
qui reste encore (fig. 21). Il se peut aussi qu'une amibe quitte la
Licmophore quand celle-ci est complètement épuisée et se rend
vers une autre pour y parachever son alimentation (fig. 19 et
30). Arrivée au repos, l'amibe peut conserver sa vacuole ou
non. Dans tous les cas, elle finit par s'arrondir complètement
et sécrète à sa surface une mince membrane protectrice après
avoir manifesté encore quelques mouvements amiboïdes (fig. 32
à 35) et avoir expulsé tout ou partie de ses résidus alimentaires.
J'ai tout lieu de croire qu'il s'est formé ainsi un cyste qui semble
devoir être zoosporipare. Toutefois, je n'ai jamais réussi à voir
éclore ces masses arrondies qui, sans doute, constituaient un
stade de multiplication. Quoi qu'il en soit, j'ai cru utile de
MONADINES ET CHYTRIDIACÉES. 71
signaler également ces résultats incomplets pour que d'autres
plus heureux puissent les reprendre et les continuer.
EdoUélla Plateaui, n. g. n. sp.
(Planche lY, fig. 1-13.)
Dès les premiers jours de ma résidence à Naples, je me suis
procuré une grande quantité de diatomées, surtout des Licmo-
2)hora qui me semblaient particulièrement favorables à l'étude
du parasitisme. Ce genre, en effet, est très répandu dans le
Golfe où il couvre de grandes surfaces rocheuses sous-marines
et les individus peuvent atteindre des dimensions assez considé-
rables. Il est rare de rencontrer un pied qui ne porte un ou deux
individus lacérés et dont l'endochrome a disparu ou est remplacé
par des masses brunes rougeâtres représentant les résidus ali-
mentaires d'un parasite. Il arrivera, mais moins souvent, que
l'on parcourra toute une préparation et plus d'une sans faire un
pas dans la voie de la découverte de l'évolution de ce parasite;
d'autres fois, au contraire, une seule préparation y suffira. Ainsi,
quoique dès mon arrivée j'eusse installé des cultures, ce n'est
que vers le terme de ma mission que j'ai pu recueillir les
données suivantes.
Un organisme bicilié, que les recherches ultérieures ont
démontré être une zoosjjore, peregrine entre les diatomées avec
une rapidité plus ou moins grande. Il est pyriforme et porte ses
deux cils implantés à sa partie gonflée, tantôt dans une sorte
d'enfoncement (fig. 1'), tantôt comme sur une proéminence
(flg. 1). Ces deux cils sont sensiblement de même longueur et
se recourbent au repos, de façon à s'éloigner depuis leur
implantation commune. La partie effilée de la zoospore ne
porte point d'appendice et semble complètement passive dans
les déplacements de la zoospore. Celle-ci est nettement limitée
à la surface extérieure et accuse parfois des mouvements ami-
boïdes très appréciables. Le protoplasme est finement granuleux,
surtout vers le centre ; il est plus hyalin sur les bords. Des
vacuoles, presque toujours au nombre de deux, se maintiennent
72 e. DE BRUYNE.
d'ordinaire en place et je n'ai pas pu remarquer qu'elles fussent
contractiles. La zoospore est nucléée, ce dont on ne peut s'as-
surer que par l'action des réactifs.
A ce stade, l'animal ne semble guère s'inquiéter des nom-
breuses diatomées au milieu desquelles il vit. Il passe et repasse
pendant bien longtemps d'un groupe à l'autre sans s'attaquer
à aucun d'eux; d'autres fois il s'arrête sur un indi\adu, la pointe
effilée appliquée sur la valve, mais bientôt il reprend sa course.
Cependant, on ne voit s'accomplir en lui aucun changement
appréciable : ses deux cils se maintiennent battant l'eau tou-
jours avec la même énergie; le protoplasme conserve son aspect
finement granuleux et les vacuoles n'ont point augmenté de
dimensions. On peut, après une observation parfois très longue,
voir qu'une zoospore se fixe définitivement contre la valve de
la diatomée (fig. 2). Alors les cils rentrent avec une rapidité
très variable : le protozoaire vient d'entrer dans la phase
amibe. Ceci devient bientôt manifeste : il pousse à travers la
capsule silicique un prolongement pseudopodiforme d'abord
mince puis beaucoup plus épais. Y a-t-il là une dissolution de
la paroi ou bien le prolongement passe-t-il à travers un des
nombreux pores qu'il agrandit après ? Dès que le pseudopode a
pénétré (fig. 2), le contenu de la diatomée est régulièrement et
uniformément repoussé en cet endroit. Le corps du parasite
reste à l'extérieur de la Licmophora, tandis que le pseudopode
se forme et s'agrandit à ses dépens : il s'étend en forme de
faux ou en forme de T (fig. 3 et 11) à son extrémité. Après
une demi-heure, ou moins encore, on constate déjà les ravages
qu'il exerce à l'intérieur du corps de la diatomée. A sa surface
et tout autour on voit le contenu endochromique se creuser
davantage et les résidus alimentaires s'accumuler et se grouper
de façon à former des masses quelquefois considérables (fig. 3,
4 et 5). Cependant le corps de l'amibe et le pseudopode s'ac-
croissent progressivement; leur protoplasme à tous deux devient
grossièrement granuleux et sur beaucoup d'exemplaires on voit
les vacuoles augmenter en dimensions et parfois en nombre.
A un très fort grossissement, on distingue un courant finement
MONADINES ET CHYTRIDIACÉES. 73
granuleux du pseudopode au corps de l'amibe ; ce sont là natu-
rellement des produits assimilables de la digestion, mais je
n'ai pu observer qu'ils fussent englobés par le pseudopode, ils y
enti-ent probablement par une sorte de diffusion. Voici donc un
exemple de digestion à la surface même de l'organisme. Son
protoplasme doit posséder, tout au moins dans la partie pseudo-
podique, une propriété dissolvante. Je puis certifier de la façon
la plus formelle, que jamais je n'ai constaté la préhension d'une
parcelle d'endochrome par le pseudopode, son transport vers et
sa digestion ultérieure daiis le corps, ainsi que cela se fait chez
toutes les monadines décrites jusqu'à présent. Nécessairement
les détritus ne sont pas refoulés après l'assimilation des parties
nutritives, elles sont formées et abandonnées sur place. Cepen-
dant la destruction de la diatomée continue et l'excavation
creusée dans son contenu augmente toujours (fig. 3, 4 et 5).
A un moment donné, le pseudopode constamment agrandi, dimi-
nue tout à coup : il rentre dans l'amibe et abandonne dans la
valve, les masses de détritus groupés dans une sorte de vésicule
qui, déjà apparente auparavant, est devenue parfaitement mani-
•feste (fig. 4 à 8 et 12). Cette vésicule affecte une forme ordi-
nairement ovoïde et prend des dimensions variables d'après la
quantité et la grosseur des résidus alimentaires. Dans une
Licmophora épuisée par 3 individus, j'ai rencontré 3 de ces
vésicules avec leur contenu caractéristique (fig. 13) ; 2 dans
une autre (fig. 12) (^).
Ainsi que je le disais tantôt, l'amibe a vu augmenter consi-
dérablement ses dimensions pendant la nutrition et surtout
quand le pseudopode, déjà grand par lui-même, y est rentré.
Le protoplasme tout en conservant sa partie liy aline s'est
chargé de granulations très grossières (fig. 6, 7, 8, 9 et 10).
Les vacuoles devenues assez nombreuses peuvent se fusionner
jusqu'à en former une seule ou deux volumineuses. Pendant
quelque temps encore, le parasite reste en place, contre la paroi
(•) W. Wahrlich signale le refoulement de substances nutritives à l'intérieur d'une
vésicule centrale chez une Vampyrella [Berichie der deutuchen boiauixdien Gcscll-
scliiijt. Jahrg. 7, Hefl7, i Juli 1889). J'y reviendrai dans mes conclunioiix rjénérulci.
74 e. DE BRUYNE.
de son hôte et y manifeste des mouvements amiboïdes : c'est
ainsi qu'il se forme un ou deux pseudopodes hyalins (fig. 7 et 8) ;
ceux-ci se meuvent lentement, augmentent, diminuent, rentrent
et sortent de nouveau pour rentrer enfin définitivement. Ensuite
l'amibe quitte son emplacement pour aller errer dans le milieu
ambiant. Pendant ce temps, je n'ai jamais pu constater de
contraction des vacuoles.
Bientôt le parasite s'arrête, et après avoir encore présenté
quelques déformations amiboïdes, il s'entoure d'une membrane
très évidente. Il a repris sa forme ovoïde qu'il ne quitte plus.
Je suppose qu'il est entré ainsi dans une phase de repos précé-
dant la multiplication : soit donc ou un zoocyste, ou un sporo-
cyste dont proviendra la zoospore d'une génération nouvelle. Je
dois le reconnaître, je n'ai pas réussi à poursuivre l'évolution
de ce stade, mais d'après ce qui précède, je suis certainement
autorisé à faire cette hypothèse qui même me semble s'imposer.
Je connais donc pour le parasite en question : 1° la zoospore,
2» l'amibe, 3° un stade de repos précédant la multiplication.
Il s'ensuit qu'il trouve sa place systématique parmi les Mona-
dmes zoosporées. De l'ensemble des caractères, il résulte qu'on
ne pourrait le classer dans aucune des 3 familles Pseudosporées,
Oymnococcacées et Plasmodiopliorées ; tout au moins, ce que
j'en connais ne permet pas une classification déterminée.
A raison de son mode spécial et caractéristique de nutrition,
il me semble utile de créer un genre nouveau. Comme le corps
de l'amibe reste à l'extérieur de l'hôte et qu'elle digère ses
aliments à la surface, ce qui constitue deux particularités dont
une nouvelle parmi les monadines zoosporées, je propose de lui
donnner le nom générique à' Edohiella. Quant au nom spéci-
fique, j'ai choisi celui de Plateaui comme hommage d'estime
à mon ancien professeur M. Félix Plateau.
Aphelidium lacerans, n. sp.
(Planche V, fig 28 ^i 32.)
Sur Viva laduca se présentent souvent des cellules
complètement vides, ou ne renfermant plus que des restes
MONADINES ET CHYTRIDIACÉES. 75
informes d'une couleur jaune brunâtre. Les parois sont forte-
ment écartées et d'ordinaire lacérées. A première vue déjà on
reconnaît qu'il s'agit d'une destruction causée par un parasite.
Aussi ayant installé des cultures je ne fus pas longtemps sans
voir mon idée se confirmer.
Une zoospore très caractéristique se rencontrait beaucoup
pérégrinant à la surface de l'algue ; quelques cellules en ren-
fermaient une ou même deux. Les observant pendant quelque
temps je voyais qu'elles s'attaquaient aux chromatopliores dont
elles s'emparaient à la façon des amibes, c'est-à-dire par
englobement. Un cil unique implanté à la partie antérieure
produit le déplacement assez lent de la zoospore entre les grains
de chlorophylle (flg. 28). Le corps de l'organisme est allongé,
nettement limité à l'extérieur; une couche-limite en recouvre
la surface. Le protoplasme est très réfringent et tranche nette-
ment sur celui de la cellule hospitalière (flg. 29) : on y distingue
une partie hyaline sur les bords et une partie granuleuse
plus centrale ; il renferme encore une certaine quantité de
fragments chlorophylliens tout ou partie digérés et qui lui ont
communiqué une légère coloration plus ou moins verdâtre.
Quelques granulations graisseuses font lentement leur appari-
tion. Jamais dans ce stade je n'ai constaté la présence d'une
vacuole pulsatile ou autre. Un noyau devient manifeste après
l'action des matières colorantes. De temps en temps on voit que
le parasite expulse de son corps quelques résidus alimentaires à
l'état de grosses masses compactes ou de minces granulations.
Cette alimentation amène naturellement un accroissement de la
zoospore dont les mouvements aussi commencent à ralentir.
Après que le cil a disparu par absorption, V amibe est formée.
Dans ce second stade, les principaux caractères structuraux se
sont maintenus (flg. 29) : amiboïdité, plasmas granuleux et
hyalin, noyau, granulations graisseuses ; le plus souvent une
vacuole s'est formée, mais ne se contracte point. L'amibe se
nourrit très activement et a bientôt flni d'englober tous les
chromatophores encore intacts. Elle s'accroît rapidement et
remplit bientôt toute la lumière de la cellule. Elle manifeste une
76 e. DE BRUYNE.
grande amiboïdité et son aspect cliange constamment. Au fur et
à mesure qu'avance la digestion, les détritus sont expulsés de son
corps mais ne quittent pas la cellule de l'algue : la coloration
que j'ai décrite chez la zoospore n'était qu'apparente ; en eifet,
l'aspect nacré du protoplasme revient progressivement à mesure
que les détritus disparaissent. Enfin on constate que les parois
de la cellule hospitalière s'écartent et se froissent : elle est
épuisée et morte. Après une amiboïdité très franche et dont
la durée peut varier considérablement, le parasite prépare
manifestement une phase nouvelle : il y a repos absolu ; seules
les granulations protoplasmiques trahissent encore une cer-
taine activité à l'intérieur du corps. Sans se munir d'une
membrane, le protoplasme commence à se fractionner, d'ordi-
naire en 8 parties. Ce fractionnement s'annonce par des
étranglements régulièrement espacés et qui se parachevant
forment des masses sphériques de protoplasme. Dans chacune
de celles-ci, apparaît un mouvement amiboïde propre, jusqu'à ce
qu'enfin toutes acquièrent un cil, né manifestement du proto-
plasme. Cependant il n'est pas rare que le cil se forme assez
lentement ; mais comme à cet état primitif acilié l'organisme
ne semble que traverser une période d'attente, je ne crois pas
qu'il faille y voir un stade amibe précédant celui de zoospore.
Je n'ai pas observé de stade de conservation.
Quant à la place systématique qui revient à ce parasite, il me
semble réunir les caractères du genre Aphelidium, Zopf, dans la
famille des Gymnococcacées. Comme son parasitisme entraîne le
déchirement de la cellule hospitalière, je lui ai donné le nom
spécifique de A. lacerans.
II. — MONADINES AZOOSPORÊES.
Leptophrys villosa, n. sp.
(Planche III, fig. 1 V-'J'l )
Ce parasite se rencontrait en assez grandes quantités dans
mes cultures de diatomées et dans les impuretés recouvrant
des plantes aquatiques, surtout Pahnopliyllum crassum, et ses
MONADINES ET CHYTRIDIACÉES. 77
caractères étaient d'une netteté telle qu'il n'y avait pas lieu
d'hésiter sur sa nouveauté. C'est une amibe appartenant au
genre Leptophrys (Hertwig et Lesser) (^) ; je lui ai donné le nom
spécifique de Villosa à raison d'une houppe de fins pseudopodes
qu'elle traîne derrière elle (fig. 14' et 15, vìi). Après avoir
exposé ce que je connais de son évolution je la rapprocherai de
formes analogues décrites par d'autres auteurs et motiverai
l'appellation nouvelle.
Leptophrys villosa peut atteindre des dimensions parfois
considérables ; d'autres fois, au contraire, elle est plus petite. Elle
a d'ordinaire une teinte rosée, sujette à beaucoup de variations
toutefois, tantôt pâle, tantôt plus foncée. Il n'est pas rare de
rencontrer des exemplaires, surtout des jeunes, absolument
incolores. La coloration, quand elle existe, provient, ainsi que
pour beaucoup d'autres Monadines, de la digestion des sub-
stances nutritives empruntées aux algues et aux diatomées.
Les pseudopodes sont très obtus et se produisent un peu sur
tout le pourtour de l'amibe et entraînent des courants de gra-
nulations dans toutes les directions. Jamais je n'ai constaté
la présence de pseudopodes fins tels que ceux décrits pour
Leptophrys vorax, Cienk.
L'existence d'un hj^aloplasma est absolument évidente : il se
manifeste sur toute la surface aux endroits où s'ébauche un
pseudopode et sa largeur peut devenir parfois considérable
(fig. 14' et 15). Les granulations du plasma granuleux s'y
précipitent bientôt et le font aussitôt disparaître à l'œil de
l'observateur.
De fins pseudopodes disposés en houppe et traînés à la partie
postérieure, restent hyalins; ils sont mobiles et rétiactiles
chacun isolément. Au lieu d'une seule houppe, on en trouve
parfois deux coiffant chacune un lobopode non encore rentré.
L'étendue couverte par ces villosités protoplasmatiques varie
constamment sur un même individu de même que leur nombre,
leurs dimensions, etc., elles sont toutefois assez constantes chez
(•) Ueber Rhizopoden iind densclben naliestehenden Oiganismen, A. f. m. A. B. X.
78 e. DE BRUYNE.
L. Villosa en mouvement. Cependant on rencontre parfois des
exemplaires qui momentanément en sont privés, mais par une
observation continue on finit par les voir apparaître. Elles
m'ont semblé naître aux dépens de pseudopodes obtus dont les
parties rentrent irrégulièrement; elles-mêmes ne disparaissent
pas toutes en même temps mais séparément et sont bientôt rem-
placées par d'autres, nouvelles. Je ne pourrais donner aucun
détail décisif quant à leur rôle, mais il me serait impossible d'ad-
mettre, comme Wallicli l'a fait pour une autre forme, qu'elles
servent de point d'appui à l'amibe en mouvement. Elles me
semblent, au contraire, jouer un rôle absolument passif : jamais
je ne les ai vues contribuer soit aux mouvements de progression,
soit à la préhension d'aliments.
L'aspect général du protoplasme est vacuolaire et il est
absolument nu ; seule une membrane de contact peut exister, ou
plutôt se forme et se reforme constamment au fur et à mesure
que change la surface même, c'est-à-dire pendant tout le
temps du déplacement. Ce qui à l'intérieur en impose pour
des vacuoles, sont les nombreuses granulations paramyliques
(fig. l^', 15 et 16). Elles sont absolument constantes et le
protoplasme dans lequel elles baignent, s'est réduit à des fila-
ments épais ou ténus qui les enserrent : il forme comme un
réseau dont les mailles seraient occupées par les granulations de
paramylum. La forme de celles-ci est sphérique, mais elle varie
considérablement par suite de compression mutuelle; leur
nombre aussi est variable avec les individus et avec la taille.
Les réactions chimiques sont absolument caractéristiques :
l'acide sulfurique concentré et la potasse caustique à 10 % les
dissolvent instantanément; l'iodure de potassium iodé et la
solution de chlorure de zinc iodé ne les colorent que faiblement.
Par pression exercée sur le couvre-objet d'une préparation
fraîche, on écrase l'amibe et son contenu s'écoule dans le
milieu où on peut alors poursuivre l'étude de la structure de
ces granulations.
Le protoplasme lui-même renferme dans sa partie granuleuse,
des corpuscules graisseux de dimensions très variables; les
MONADINES ET CHYTRIDIACÉES. 79
granulations protoplasmiques sont dans le même cas. Une
vacuole peut exister ou non : elle atteint parfois un diamètre
considéiable. Je n'ai pas réussi à y découvrir une membrane
et jamais je n'ai assisté à une contraction. Sa situation dans
le corps de l'amibe est assez constante : elle se tient presque
toujours dans le voisinage de la surface (fig. 15 et 16, v).
A l'état frais on ne distingue pas de noyau et j'avoue avoir
négligé les réactions chimiques afin de déceler sa présence. Il
est probable qu'après avoir fait disparaître les grains de para-
mylum, la recherche de cet élément (peut-être y en a-t-il
plusieurs comme chez L. vorax) doit être très aisée. Klein (^)
et Zopf (^) ont signalé la fusion de Leptophrys ( Vamjjyrella)
vorax à l'état amiboïde. Jamais je n'ai pu assister à ce phéno-
mène chez Leptophrys villosa malgré le nombre considérable
d'observations que j'ai eu l'occasion de faire. J'en ai vu qui,
pendant leur pérégrination, venaient à se heurter, mais elles
s'éloignaient aussitôt sans s'être fusionnées en aucun de leurs
points de contact.
Leptophrys villosa s'attaque de préférence aux diatomées, mais
sans manifester de prédilection pour des formes données; même
je l'ai rencontré parfois à l'intérieur des fragments d'algues
polycellulaires. Les aliments enti-ent dans le corps de l'amibe
par englobement : le protoplasme se moule pour ainsi dire sur
ses victimes, les englobe complètement et les entraîne dans sa
progression ultérieure. Souvent dans un même individu se ren-
contrent plusieurs diatomées de formes très différentes (fig. IJt'
et 15). Leur digestion s'annonce d'ordinaire par une décoloration
lente et quand le parasite les a épuisées, le protoplasme se
retire tout autour et les abandonne sur place ; quelquefois il y
a véritable expulsion : le détritus est repoussé. Ce détritus se
compose invariablement de la valve siliceuse renfermant les
parties. non assimilables. Au fur et à mesure qu'avance la
diorestion de la diatomée, se manifeste et s'accentue la teinte
(') Vaìnptjìclla, Hire Eidwickdkìig ttiid .system. StellhìKj, Hoc. Cenir. Raiid. II.
('^) Zuv Morphologie uud Biologie der niederen Pilzlhiere. Leipzig, i88ì>.
80 G. DE BRUYNE.
rosée qui se répand assez uniformément sur tout le corps de la
monadine. Souvent celle-ci englobe une diatomée et l'aban-
donne intacte presqu'immédiatement. Serait-ce parce que
l'aliment ne lui convient pas?
Tantôt elle continue sa progression tout en digérant le
contenu de ses victimes, tantôt, au contraire, elle reste plu-
sieurs heures successives immobile en place, épuisant lentement
une diatomée. Seul parfois un changement de forme se mani-
feste à la surface; à l'intérieur, néanmoins, on continue à
observer le mouvement lent du protoplasme et parfois, comme
conséquence, un déplacement de la diatomée.
Entin, souvent sans expulser les résidus alimentaires, elle
s'arrondit et se tient au repos. L'aspect de son contenu n'a pas
changé : grains de paramylum, vacuole, granulations proto-
plasmiques, etc., se maintiennent ; seul l'hyaloplasme ne se
distingue plus. Toute la surface de la monadine se hérisse
maintenant de filaments étroits, à bords parallèles et nets,
la plupart se terminant en boule (fig. 16 et 17). On les voit,
d'abord très petits, s'allonger progressivement jusqu'au moment
de la formation de la boule terminale. Le vert de méthyle
acide les colore de même que le protoplasme du corps (fig. 20) :
ils sont donc de nature protoplasmique. La boule ne se colore
point. Ces filaments sont les uns rectilignes, les autres, au con-
traire, courbés dans différentes directions ; leur implantation
aussi est irrégulière et elles s'entrecroisent à différentes hau-
teurs et dans tous les sens. Ils sont absolument hyalins, on n'y
rencontre aucune granulation. La boule terminale, après un
temps plus ou moins long, rompt son attache sur le filament, se
libère ainsi et se maintient d'ordinaire dans le voisinage iuimé-
^'at de l'amibe arrondie. Elle est très réfringente, mais comme
^ Jle ne se colore pas en noir par l'acide osmique, elle ne peut
Hi.re de nature graisseuse. Si, d'un autre côté, cette boule
était constituée uniquement d'eau, elle devrait aussitôt se
mélanger au milieu. Or cela n'est jamais le cas : toutes se main-
tiennent intactes et il m'est arrivé de les retrouver encore en
place après 24 heures. Il est question ici, me semble-t-il, d'une
MONADINES ET CHYTRIDIACÉES. 81
excrétion précédant l'enlvj^stement, quoique les résidus alimen-
taires ne quittent pas le corps de la Monadine.
Parfois, après la libération de ces spherules hyalines, les
filaments ténus se maintiennent encore très longtemps, puis
rentrent lentement les uns après les autres dans le protoplasme
avec lequel ils n'ont pas cessé d'être en continuité. Ce sont
donc une manière de pseudopodes chargés d'une mission
spéciale.
Le zoocyste (fig. 21 et 22) se forme comme suit : la surface
se couvre d'une membrane à double contour. Le protoplasme
perd de son aspect ou plutôt devient moins distinct : cela résulte
probablement de la présence de cette membrane cystique. On
n'y constate plus la présence des granulations paramyliques,
mais bien celle de diatomées complètement épuisées ou non
ainsi que des corpuscules de résidus provenant de la digestion
de fragments d'algues vertes, etc.
Malgré le nombre considérable d'observations et les soins les
plus minutieux, je n'ai pas réussi à voir le protoplasme cystique
se diviser et donner lieu à des jeunes Leptophrys. Il est pro-
bable que le phénomène se passe surtout pendant la nuit à la
faveur de l'obscurité. Toujours est-il qu'à deux reprises, j'ai
trouvé, à l'endroit où la veille s'était formé un zoocyste, la
paroi cystique abandonnée et renfermant encore des résidus
alimentaires (fig. 22).
Jamais dans ma culture je n'ai rencontré des zoospores qui,
dans la série de leurs phases évolutives, aient donné lieu à des
jeunes amibes de Leptophrys villosa. Je me crois donc fondé à
admettre comme probable que la multiplication de la Monadine
en question ne compte pas ce stade.
Dans un travail intéressant publié en 1863 {}), Wallich
décrit une amibe d'eau douce stagnante de Hampstead Heath.
Il la nomme Amœha villosa et la caractérise par la présence de
villosités à la partie postérieure. Il signale l'existence de
(') O/i n/j undescribcd imligeneouf: form of Amœba. G. -G. Wallich. Ann. a. mag.
oj Nat. History 18(53, p. 287 avec planche.
6
82 e. DE BRUYNE.
plusieurs vacuoles pulsatiles avec un beau reticulum à la
surface ; il décrit les villosités pseudopodiques comme servant à
la préhension d'aliments et la houppe (toujours unique) qu'elles
forment comme reliée par une sorte de tigelle hyaline et étroite.
Cet auteur ne fait aucune allusion à une coloration rosée si
caractéristique chez la forme dont je viens de donner la
description, ni aux granulations paramyliques, l'arrondissement
et l'encystement de l'organisme, ni enfin à la formation de ces
filaments pseudopodiques étroits terminés en boule. Je crois
pouvoir conclure que le protozoaire d'eau douce décrit par le
savant anglais, n'est point identique à Leptophrys villosa.
Carter (^), dans sa critique du travail de de Bary sur les
myxomycètes, parle assez longuement de l'amibe étudiée par
Wallich ; pas plus que lui, il ne signale les différents caractères
sur lesquels j'ai insisté assez longuement et qui chez Leptoplirys
vorax sont aussi frappants. En 1879, Leydy (^) décrivit une
amibe d'eau douce qu'il rapprocha à'Ainœba villosa Wallich.
Je n'ai pas eu l'occasion de lire ce travail, mais Mobius, qui le
cite (^), n'aurait certainement pas omis de signaler ces carac-
tères si l'auteur américain y avait fait aUiision. Lui-même
figure et décrit un parasite rhizopodaire à houppe postérieure
de pseudopodes, rencontré dans la baie de Kiel. Ses dessins
renseignent très peu sur la structure intime de l'organisme, et
dans le texte il ne parle, pas plus que les trois autres, de ces
détails importants. Mobius n'a rencontré cette amibe qu'une
seule fois et il la rapproche de la forme décrite par Wallich.
Quant à Leptoplirys villosa, j'ai eu l'occasion d'en observer
des centaines et j'ai chaque fois pu constater et vérifier les
différents points sur lesquels j'ai insisté dans la description
précédente. Je me crois donc autorisé à admettre qu'il s'agit
dûment d'une forme nouvelle qui trouve sa place parmi les
Monadines azoosporées, famille des Vampyréllacées, genre
Leptoplirys.
(«) 1(1. 3<^ série, vol. XII, p. 30, etc.
(-) Frcshwaier Rhizopods, N. Am. Ì819.
(5) Bruchslùcke einer Rhizopodenfauna der Kieler Buchtvon K. i)/o/'i«x (6 planches;.
Berlin, -1889.
MONADINES ET CHYTRIDIACÉES. 83
Vampyrella incolor, n. sp.
(Planche V, flg. 21—27.)
J'ai rencontré cette forme sur Valonia utricularis, Derhesia
marina etCladopJwra (sp ?). Elle se présente d' ordinale en
très grande quantité et recouvre la surface de l'algue avec
beaucoup d'autres organismes. Si on soumet celle-ci à un
lavage au pinceau, seul le parasite en question s'y maintient :
beaucoup d'individus n'ayant plus aucune adhérence avec elle,
sont enlevés avec les autres corps étrangers; d'autres, au
contraire, y sont restés, grâce à un prolongement très épais
qui a traversé la paroi : ils représentent la Monadine au stade
à'' amibe.
Celle-ci est d'ordinaire de forme ovale (fig. 21 et 24), quelque-
fois presque spliérique, tantôt finement granuleuse, tantôt
chargée de granulations épaisses. Ses bords sont très nets et on
n'y rencontre jamais unprotoplasme hyalin évident. A l'intérieur,
au contraire, souvent plus d'un endroit est vierge de granula-
tions. Ces dernières sont très variables de dimensions et d'aspect :
les plus grandes tranchent par la netteté de leurs limites et
affectent, parfois à s'y tromper, l'aspect de petites vacuoles ou de
corpuscules graisseux. Elles masquent d'ordinaii^e le noyau que
l'on ne retrouve dans ce cas qu'après la fixation et la coloration.
Il existe chez presque tous les exemplaires une vacuole, souvent
même deux (fig. 21,t;), que les granulations peuvent aussi cacher
en tout ou en partie à la vue de l'obseiTateur. La vacuole
peut même atteindre des dimensions égales à la moitié de celles
de l'amibe elle-même. Jamais je ne l'ai vue se contracter. Il n'est
pas rare de rencontrer dans ces vacuoles des fragments de
grains de fécule, de chlorophylle, etc., complètement digérés ou
non. L'amibe pousse un pseudopode parfois très profondément
à l'intérieur de l'algue où elle puise tous ses aliments. Le proto-
plasme de ce pseudopode est tantôt finement granuleux, même
à peu près hyalin et peut renfermer une ou deux lacunes qui en
imposent pour des vacuoles (fig. 24); d'autres fois, il n'est point
différent de celui de l'amibe. Ses limites sont très nettes et sa
84 e. DE BRUYNE.
forme générale ne varie jamais chez un même individu ; chez
presque tous il se courbe en faucille. Je n'ai pas eu l'oc-
casion d'assister à l'entrée des aliments dans le corps de
l'amibe ; il ne pourrait néanmoins y avoir aucun doute à cet
égard : le chemin suivi est naturellement le pseudopode. Après
quelque temps, on voit irrégulièrement répandus dans le proto-
plasme, des granulations chlorophylliennes ou leurs fragments
déchiquetés et accumulés en une masse informe suivant assez
sensiblement le grand axe de l'amibe. En observant celle-ci
pendant un temps de longueur variable, on assiste à la diges-
tion lente de ces masses clilorophylliennes : elle s'accuse par
un changement progressif de leur coloration qui, finalement,
passe au brun jaunâtre. La masse change lentement de position
à la suite du mouvement intérieur du protoplasme dans lequel
elle se trouve noyée, et il n'est pas rare de la voir se frac-
tionner en deux ou trois parties (fig. 21). Elle reste néanmoins
sensiblement au centre, quoique j'aie vu des exemples (fig. 21)
où elle fut refoulée contre la surface extérieure de l'amibe.
Cependant le pseudopode est rentré et l'amibe s'entoure
d'une membrane protectrice, plus ou moins épaisse. C'est le
stade de cyste qui s'annonce. Je dois le reconnaître, jamais je
n'ai pu assister à la sortie de jeunes Vampyrelles et même
je n'ai pas constaté de division dans le protoplasme cystique.
Plusieurs fois j'ai retrouvé dans mes cultures des cystes vides,
ne renfermant plus des résidus alimentaires. Ce stade est donc
à n'en pas douter un Zoocyste.
Sur certains exemplaires j'ai observé que le protoplasme de
l'amibe, après s'être entouré d'une membrane d'épaisseur va-
riable, se contractait en boule laissant un espace tout autour
de lui, puis sécrétait une membrane nouvelle. C'était probable-
ment une manière de sporocyste dont pas plus que pour le
zoocyste je n'ai pu poursuivre l'éclosion.
Ce parasite ressemble en plus d'un point à V. pedata que
Klein a décrite sur des algues œdogoniées. De même qu'elle,
V. incolor perce la paroi de l'hôte d'un gros pseudopode qui
se maintient souvent (fig. 25) comme un pédoncule fixateur
MONADINES ET CHYTRIDIACÉES. 85
{pedata) après que le cyste s'est formé et même vidé. Les
mouvements de progression sont très peu appréciables ; elle
manque aussi de pseudopodes tins lui donnant l'aspect di^Acti-
nophrys. Klein n'a pas constaté de formation plasmodique ni
de sporocyste. Elle en diifère toutefois profondément par
l'absence constante d'une large bordure hyaline unilatérale et
par l'absence de toute coloration du protoplasme provenant de
la digestion du contenu de l'algue. A raison de cette dernière
caractéristique, j'ai créé le nom spécifique F. incolor.
Ce parasite afitecte parfois, à première vue, surtout si on le
rencontre fixé perpendiculairement sur la membrane d'un fila-
ment de Derhesia, l'aspect d'un zoosporange de cette algue.
Mais l'examen permet immédiatement de l'en distinguer par
la présence de substances chlorophylliennes dont on peut pour-
suivre la digestion progressiA^e, et par le pseudopode épais qui
traverse la paroi de l'hôte.
n. — CHYTRIDIACÉES.
Olpidium Bryopsidis, n. sp.
(Planche V, fig. l-lo.)
Les colonies de Bryopsis piumosa (Huds) sont souvent consi-
dérablement ravagées par la Chytridiacée en question. Ses
ramifications en sont parfois bourrées et leur contenu est dévoré
au point qu'on n'en trouve souvent plus que les détritus déco-
lorés. Quelques-uns de ses stades le font beaucoup ressembler à
Olpidiopsis schenkiana, Zopf (^), mais son évolution la rap-
proche plutôt de Olpidium sapolegniae, Fischer (^).
Je la trouvai d'abord sous forme de grosses masses isolées,
presque toutes sphériques, quelques-unes plus ou moins ovoïdes
(') Nova Acta der ksi. Leop. Citrol. Deutschen Akademie dcr Naturforsclier.
Bd. XLVII, no4, -1884.
(-) Untentitcliiargen iiber die Parasiien dcr Suprolerjiiiecn., llitbilitalioitsschrifc.
Leipzig, 1882.
86 e. DE BRUYNE.
(flg. 1). Elles étaient très serrées les unes contre les autres ; de là
quelques déformations qui disparaissaient aussitôt que par la
rupture des parois de l'algue hospitalière, on les mettait en
liberté. Quelques-unes alors s'allongeaient très fort et manifes-
taient même quelque amiboïdité à la surface (fig. 4 et 5) ; leur
contenu protoplasmique était d'ordinaire caclié par des enclaves
telles que granulations, résidus alimentaires, etc., soit encore
par le protoplasme de l'algue et son contenu chlorophyllien
(fig. 1). Avais-je, au contraire, sous les yeux un exemplaire
libéré et non rempli de substances étrangères, je voyais un pro-
toplasme fortement réfringent, renfermant des granulations,
des corpuscules graisseux et parfois des vacuoles, le tout de
nombre et de dimensions très variables. Aucune difi'érenciation
du protoplasme n'est manifeste à ce stade. Une membrane
mince recouvre la surface. Olpidium Bryojisidis reste dans cet
état parfois pendant un temps assez long : 2, 3 jours, ou seu-
lement pendant quelques heures. Une observation continue
permet de constater les changements qui se produisent : la
membrane très mince s'épaissit lentement; le protoplasme est
devenu plus granuleux, les corpuscules graisseux et les vacuoles
quand elles existent s'amplifient. Jamais je n'ai remarqué chez
celles-ci une contraction quelconque ni chez celles-là de fusion
des unes avec les autres.
Pendant la formation de la membrane apparaît un renfle-
ment en un point de la surface (fig. 2) : ce point ne semble pas
être quelconque ; en effet, sur les masses protoplasmiques de
forme ovoïde, ce renflement naît presque toujours à une
extrémité du grand axe (fig. 12); il y a cependant quelques
exceptions (fig. 11 en bas, p. ex.). Ce renflement est plein : son
protoplasme est très réfringent, et hyalin malgré quelques fines
granulations qui y flottent ; il est également limité par une fine
membrane. Sa direction est très variable : il semble néanmoins
se rendre à la recherche de la paroi de l'algue ; en effet, il
s'accroît lentement en conservant son diamètre et l'aspect de
son contenu, où néanmoins se dessinent d'ordinaire quelques
lacunes (vacuoles '?) nettement limitées. Cet accroissement est
MONADINES ET CHYTRIDIACÉES. 87
très lent; il m'est arrivé de devoir attendre 24 heures et
davantage encore, pour le voir atteindre ses dimensions défini-
tives. Avant cela, son extrémité a touché la paroi de l'algue et
la transperce (flg. 2, 3, 11 et 15) ; il arrive que ce dernier point
ne s'accomplit pas, c'est-à-dire que le renflement ne perce pas
la paroi de l'algue : toujours, dans ce cas, j'ai trouvé la lumière
de l'algue ne renfermant pas beaucoup de parasites (fig. 11).
Sa forme, au moment de son achèvement, varie d'un individu à
l'autre : tantôt rectiligne (fig. 3 et 15), tantôt serpentiforme
(fig. 11 et 13). Sa longueur peut être de 60 (^ et plus encore,
sa largeur de 3 u-. Jusqu'en ce moment je pouvais avoir quelques
doutes au sujet de l'organisme en question ; mais bientôt
s'annonce un phénomène décisif: le fractionnement de la masse
sphérique et de son prolongement ; c'était un sporange à boyau
de sortie, ces fragments étaient des organes de la multiplication,
des spores. Celles-ci ne tardèrent pas à se mouvoir d'une façon
caractéristique : elles fourmillaient à l'intérieur. Enfin la partie
terminale du boyau se rompt et les spores sortent les unes
après les autres, sans ordre cependant parce que sur le trajet
du boyau on en voyait souvent qui étaient devancées par
d'autres. Chacune était munie d'un cil, disposition surtout évi-
dente sur les individus déjà libérés (fig. 13). Tant qu'elles sont
encore enfermées dans le sporange on ne distingue pas le cil
(fig. 12) ou du moins assez imparfaitement (fig. 11 à droite).
Pendant ce temps encore, la paroi sporangique de même que
celle du boyau s'est considérablement épaissie. Après l'action
des réactifs, elle manifeste faiblement une nature cellulosique.
La zoospore au moment de sa sortie ne s'élance pas immé-
diatement au loin ; elle reste d'ordinaire encore pendant
quelques instants dans le voisinage de l'orifice de sortie puis
quitte enfin définitivement. Elle est de forme ovoïde et mani-
festement amiboïde. Son cil est implanté sur le pôle antérieur
plus atténué que le postérieur. Son protoplasme est nettement
limité à la surface et sa réfringence est très grande : il est très
finement granuleux et renferme toujours ou presque toujours un
corpuscule graisseux situé invariablement vers le centre. Les
88 e. DE BRUTNE.
mouvements de progression sont fort rapides, surtout au com-
mencement de ce stade ; le cil, qui peut atteindre 1 à 1 V2 f*^is
celle du corps, bat énergiquement le liquide environnant. Je
n'ai pas observé de mes yeux la pénétration de la zoospore à
l'intérieur de Bryopsis, mais souvent il m'est arrivé d'entrouver
une ou deux dans un rameau encore en parfait état : elles ne
pouvaient donc pas s'y trouver par droit de naissance puisque
pour cela il aurait fallu y constater encore la présence de
sporanges-mères vides et abandonnées. Ceci, au contraire,
arrivait (fig. 1 1 en haut) dans le cas où le boyau du sporange,
n'ayant pas perforé la paroi de l'algue, déversait ses zoospores
dans la lumière de celle-ci : alors les zoospores n'avaient pas
besoin de quitter l'algue, il leur suffisait de se déplacer dans
le sens de l'axe et de cherclier un rameau riche et favorable
de l'hôte unicellulaire.
J'ai observé deux fois la division de la zoospore en deux.
Vers le petit diamètre apparaît un étranglement qui va en
s'accentuant : de là, l'apparition d'un mince filament naissant.
En même temps apparaît un cil sur la moitié qui n'en possédait
pas jusqu'à présent. Le filament unissant se rompt et leurs
fragments disparaissent par absorption dans leur corps (fig. 7).
Le protoplasma de la zoospore devient maintenant régulière-
ment granuleux, les déplacements deviennent moindres, le cil
ralentit ses battements dont aussi l'énergie diminue : la zoospore
passe à l'état de jeune Chytridiacée : le protoplasme se gonfle
et on obtient une masse muqueuse arrondie dont les dimensions
augmenteront maintenant progressivement. J'ignore comment
se fait la nutrition : toutefois elle se fait certainement aux dépens
du contenu de l'algue qui y pénètre, par osmose probablement,
après une digestion à la surface. Il ne m'est pas arrivé souvent,
en effet, de voir des fragments de chlorophylle à l'intérieur de
la zoospore ou de la cellule, mais l'intérieur de Bryopsis se
remplissait lentement de résidus alimentaires.
Fischer {}) décrit chez Olpidium saprolegniae la formation
[}) Loco citalo.
MONADINES ET CHYTRIDIACÉES. 89
d'une sphère épineuse (Staclielkugel) entourant le sporange
dans le cas où les conditions d'existence deviennent défavo-
rables. Je n'ai pas constaté pareil phénomène chez Oljndium
Bryopsidis ; mais peut-être faut-il en rapprocher les espèces de
cystes que j'ai obtenues dans mes cultures sur des exemplaires
isolés de toute substance nutritive. Voici ce qui se passe : le
protoplasme se contracte et il se forme tout autour de lui une
membrane épaisse laissant encore un espace lacunaire tout
autour. Fischer en a vu naître des spores qui, trouvant des
conditions favorables, évoluaient normalement et donnaient lieu
à un sporange ordinaire. Ce serait donc une sorte de cyste de
conservation.
Les fig. 7, 8 et 8' représentent quelques formes anormales :
en 7, il se forme un boyau sur un sporange en forme de biscuit
à l'extrémité du grand axe. Le protoplasme de ce boyau oifre
ici un aspect très différent de celui du sporange et semble
être hyalin. Se formerait-il aux dépens d'un hyaloplasme resté
invisible dans le sporangium à cause des granulations et des
enclaves ? 8 et 8 ' figurent des déformations amiboïdes qui
peuvent se produire très lentement.
CONCLUSIONS.
Un grand nombre de maladies des algues tant marines que
d'eau douce sont occasionnées par la présence d'organismes
parasitant dans leur intérieur. Ceux-ci appartiennent en grand
nombre aux Chytridiacées, aux Monadines et aux Lifusoires :
on les rencontre pour ainsi dire avec certitude aux endroits
décolorés.
Beaucoup d'auteurs ont objecté aux travaux du genre de
celui-ci que les observateurs se laissaient souvent induire
en erreur et considéraient comme parasites, des organes de
multiplication entrant dans le cycle évolutif même de la plante.
Cette erreur est rendue tout à fait impossible : 1° par la
succession des phases évolutives; 2» par l'absorption du
contenu de l'algue et sa digestion à l'intérieur de ces orga-
90 e. DE BRUYNE.
nismes en question et l'expulsion subséquente de leurs résidus ;
3° par le dépérissement progressif de là plante ou de la partie
où s'observe le phénomène.
Tous les organismes unicellulaires décrits dans les pages qui
précèdent,accusent une différenciation quelquefois très prononcée
qui empêche de les classer parmi les Monères de Haeckel. Il est
vrai que j'ai reconnu avoir néghgé chez quelques formes, la re-
cherche du noyau ; mais partout où je me suis servi des réactions
microchimiques, j'ai constaté sa présence, même quand celle-ci
était cachée à l'état frais par les granulations, enclaves et
inclusions du protoplasme, les résidus alimentaires, etc. Il est
donc assez probable que l'élément nucléaire est toujours pré-
sent chez chacune des formes décrites. De plus, il y a aussi
presque toujours une vacuole et j'en ai même signalé quelques-
unes de contractiles.
Les cils de certaines zoospores sont épais et puissants : ce
sont de véritables flagella ; leur continuité avec le protoplasme
cellulaire est évidente. Dujardin, Haeckel, Zaccharias et d'autres
encore admettent une étroite parenté entre les pseudopodes et
les cils. Dans ces derniers temps, Kùnstler, professeur à la
Faculté des sciences de Bordeaux, abonde dans ce sens et il voit
même, " en apparence du moins, „ diverses gradations entre les
cils vibratils, les pseudopodes et les prolongements artificiels
morbides qu'il propose de nommer Nosopseudopodes. J'ai acquis
à mon tour la conviction intime de l'analogie anatomique des
pseudopodes et cils, et je considère ceux-ci comme des j^seiido-
podes transformés, à imsition constante, à forme peu variable et
à fonction déterminée. Plusieurs considérations plaident en
faveur de cette manière de voir :
a) En parcourant les diverses formes que revêtent les pseu-
dopodes dans la série des Protozoaires, on constate qu'il existe
des transitions à tous les degrés, depuis les plus puissants jus-
qu'aux plus ténus. Ceux des genres Actinosphaerium, Actino-
pJirys, Tlicdassicola, Miliola, Vampyrella, etc., etc., sont d'une
MONADINES ET CHYTRIDIACÉES. 91
grande finesse et leurs dimensions sont surpassées par les
flagels, les soies rigides, les pieds en crochets des grands Infu-
soires et par les cils de certaines zoospores : comme chez eux,
les mouvements semblent dépendi-e de la volonté. Leur flexibilité
est certes aussi grande que celle des cils et la constance de leur
emplacement et de leur nombre ne diffère guère de celle des cils,
surtout pour certaines formes. Certains pseudopodes forment
une sorte de houppe et par leur ténuité en imposent à première
vue pour un groupement de cils.
b) Comme les pseudopodes de toutes les formes rhizopodaires,
les cils peuvent souvent rentrer dans le protoplasme pour réap-
paraître aux mêmes endroits, égaux, moindres ou plus grands.
c) Il sont toujours constitués d'un protoplasme hyalin, ce qui
est le cas pour tous les pseudopodes, sauf pour les lobopodes qui
constituent le dernier terme dans la succession des formes pseu-
dopodiques. Encore, même chez ceux-ci la partie hyaline semble
la base même de l'organe, le plasma granuleux n'y arrivant
que par entraînement.
d) Toujours] comme pour les pseudopodes typiques, on ne
distingue aucune structure particulière, aucune membrane.
e) Deux fins pseudopodes d'organismes de même espèce
peuvent se fusionner en se rencontrant. Cela n'est point le cas
pour deux cils. Mais quand on poursuit la division en deux
d'une zoospore munie de deux cils implantés respectivement
aux extrémités du grand axe, on constate que quand l'étrangle-
ment est presque achevé, le pont, unissant encore les deux
moitiés, se rompt à un certain moment à peu près vers son
milieu. Les deux lambeaux constituent dans la règle un cil
pour chacune des deux nouvelles zoospores ; ceux implantés
aux extrémités du grand axe se sont maintenus. Avant la
rupture du pont unissant, on peut dire qu'il constituait une
fusion de deux cils. Si, par la suite, au simple contact, il ne se
produit plus de fusion nouvelle, c'est que leurs mouvements
sont devenus d'une rapidité telle qu'on peut à elle seule imputer
cette impossibilité.
Le cil d'un protozoaire semble donc être un prolongement
92 e. DE BRUYNE.
protoplasmique que Vorganlsme meut plus facilement qu'uji
pseudo2)ode à cause de ses dimensions et d'une disposition ]}lus
favoraUe.
La nutrition d'un organisme amiboïde a toujours été consi-
dérée comme devant se faire exclusivement par engiobement de
substances solides et leur digestion à l'intérieur du protoplasme.
Le cas d' Ectoh iella Flateaui constitue une exception à cette
règle : les aliments ne pénètrent pas à l'intérieur du protoplasme ;
seules les matières rendues assimilables (par digestion à la
surface) y pénètrent ; les détritus restent abandonnés sur place
à l'endroit même de leur formation renfermés dans une vésicule.
Il semblerait qu'il faut rapprocher ce cas de ce que présentent
Pseudospora edax (p. 57) et une Vampyrella décrite par "Walir-
licli (^). En effet, chez ces deux protozoaires, les substances
alimentaires sont enfermées dans une sorte de vésicule située
dans le jn'otojjlasiue, il est vrai, mais limitée par une paroi
véritable au travers de laquelle doit donc se faire l'assimilation
par le protoplasme. AVahrlich admet même pour le cas de sa Vam-
pyrelle la présence de ferments peptonisants. Il y aurait donc
là aussi une digestion à la surface d'une couche de protoplasme
et notamment celle qui entoure immédiatement la vésicule.
. Les protozoaires parasitant sur les algues ont presque tous
une prédilection pour un ou des hôtes. On peut cependant
réussir à les faire changer en prenant quelques précautions
particulières. S'ils se trouvent à l'état de zoospore ou d'amibe,
il faut éviter la dessiccation, le changement trop brusque de
température, choisir une algue qui, dans la série, ne soit pas
trop éloignée de celles librement choisies, etc. Les liquides
des cultures ne peuvent non plus avoir une composition trop
différente : ainsi le transport trop brusque de l'eau de mer dans
l'eau douce ou vice versa peut amener la mort du parasite. Les
précautions à prendre sont beaucoup moins nombreuses et sur-
(') Loco citato.
MONADINES ET CHYTRIDIACÉES. 93
tout moins délicates quand on a affaire à des stades de repos :
les cystes de conservation peuvent résister à des changements
de conditions qui infailliblement tueraient les autres stades : le
froid, la chaleur, la dessiccation, etc., ont beaucoup moins de
prise sur eux et ils pourront s'y maintenir jusqu'à ce que cer-
taines conditions aient réapparu.
Dans mes transplantations je réussissais presque toujours
avec des cystes, moins souvent avec d'autres stades. Le parasite
en présence de l'hôte nouveau et ne trouvant plus celui auquel
il puisait auparavant sa nourriture, l'attaque à son tour et y
évolue normalement. Si néanmoins j'introduis de nouveau des
algues sur lesquelles je l'ai cueilli, je le vois s'y porter, lui ou
ses générations, et abandonner complètement l'hôte que je lui
avais imposé d'abord. Ce cas est pour ainsi dire général et
l'expérience réussit régulièrement quand on y procède minu-
tieusement (^).
(') Cette facilité de transiilantation, surtout quand il s'agit de kystes, me semble
pésenter un grand danger de contagion. Un marais, par exemple, dont les algues
sont infectées par des protozoaires parasites pourra, lors d'une inondation, répandre
aux environs avec les eaux, des cystes qui, s'adaptant à leur vie nouvelle, évolueront
sur des algues d'une autre forme. Le long des côtes et môme à l'intérieur des terres,
on a l'habitude d'amender les champs au moyen d'algues cueillies en grande quan-
tité. En même temps que les algues on transporte leurs parasites enkystés y adhé-
rant ou y renfermés. Geux-ci. après une pluie abondante, par exemple, peuvent
trouver les conditions nécessaires à leur éclosion d'autant plus que les premières
eaux se chargent des sels renfermés dans les résidus d'algues et constituent ainsi
une sorte de milieu de transition. Les plantes cultivées pourront leur fournir, faute
de mieux, un terrain favorable, peut-être excellent pour leur évolution et pourront
ainsi dans certaines conditions se produire de ces fléaux tels que les ravages
des champs de choux par Plasmodiophora Brassicœ. Il ne serait pas sans exemple
dans la nature que ce parasite s'adaptanl à ces conditions nouvelles, ne subisse des
changements morphologiques et biologiques tels que son origine première en soil
cachée.
94 e. DE BRUYNE.
APPENDICE.
Je conserve en portefeuille un grand nombre de notes et de
figures concernant le parasitisme d'organismes inférieurs sur les
algues marines. Toutefois les lacunes qu'elles présentent sont
trop nombreuses et les données que j'ai pu recueillir encore trop
incohérentes pour me permettre de les publier sous la forme
d'un travail achevé. J'en ferai suivre ici im comt aperçu à
l'effet de compléter le compte rendu de mes recherches à la
Station zoologique de Naples.
I. — MONADINES.
A. — Monadines eoosporées.
1. Les racines de Caulerpa prolifera sont parfois infestées
d'un parasite qui y provoque des ravages considérables. Il en
dévore le contenu féculent dans ses stades de zoospore et
^ amibe. La zoospore de grande taille est allongée, extrêmement
amiboïde, et munie de deux cils implantés dans une sorte d'en-
foncement. Cette dernière disposition rappelle un infusoire
décrit par Stein {}) sous le nom de Bodo globosus, par Dujardin (^)
sous celui à' Amphimonas et par Saville Kent (^) sous la déno-
mination de Diplômastix.
Il en diffère essentiellement par ses stades évolutifs suivants.
Par retrait des cils, la zoospore devient une amibe qui se meut
très activement sur place et continue à dévorer les matières
féculentes. J'ai eu l'occasion d'observer et de dessiner des fu-
sions de 2, 3 amibes {de véritables plasmodies), ce qui constitue
un chaînon très important dans l'évolution de l'organisme.
Après s'être fusionnée à d'autres ou non, l'amibe s'enkyste.
Je n'ai pas pu assister à l'éclosion du cyste et il me manque par
(*) Stein. Dcr OiganUmus cler Infusionstliicie, lU AbihcihuKj, Tufel 11 et IH.
(-) DuJARIilN l'ixtoue tinUirelle des infnsoires.
('') Saville Kent. A Mctnnnl of the infusoria.
MONADINES ET CHYTRIDIACÉES. 95
conséquent des données exactes pour classer le parasite dont
s'agit, surtout parce qu'il présente certains points de commun
avec le suivant. A l'effet d'insister sur les différences qu'il
présente d'avec l'infusoire dont je parlais tantôt, je lui donne
le nom générique de Pseudamphimonas.
2. Derhesia marina renferme souvent en très grand nombre
dans ses filaments un organisme cilié, très amiboïde, à proto-
plasma granuleux qui englobe les grains de chlorophylle et les
digère dans son intérieur. Le cil unique implanté dans un
enfoncement, constitue pour ainsi dire le seul caractère diffé-
rentiel d'avec le précédent avec lequel on le confondrait aisé-
ment dans les autres stades. Est-ce une monadine différente, il
faudra la dénommer P. unicïliatus par opposition à P. hiciliatus
qui deviendrait l'appellation du premier. Ici non plus je n'ai pu
tirer au clair l'éclosion du cyste que j'ai vu se former sous mes
yeux, mais qui s'est obstiné à ne pas évoluer davantage malgré
les conditions favorables dans lesquelles je tenais mes cultures.
3. Un parasite presque constant dans mes cultures de
Diatomées, mais que j'ai rencontré maintes fois sur d'autres
algues, présente un stade particulier dans son évolution dont je
connais la zoospore, V amibe et deux formes de cystes zoospori-
pares. La zoospore est fusiforme, uniciliéC; nettement nucléée
et amiboïde. L'amibe peut atteindre des dimensions très
variables, parfois assez grandes. Lors de sa maturité, elle
peut ou non s'entourer d'une membrane (cyste) et donner par
fractionnement im nombre variable de zoospores qui recom-
mencent le cyste évolutif. D'autres fois, après avoir sécrété une
membrane, elle refoule dans son intérieur une grosse masse
sphérique (détritus ?) et le protoplasme qui la recouvre, ainsi
qu'une calotte, se fractionne. Je n'ai jamais pu assister à la
sortie des masses (zoospores?) provenant de ce fractionnement;
serait-ce un cyste de conservation ?
4. J'ai rencontré une forme de protozoaire chez Cladopiiora
gracilis, Cauleriia xirolifera et Alaria (sp ?). Le stade zoospore
surtout était fréquent : le corps avait la forme de fuseau avec un
cil implanté à chacune des deux pointes ; parfois l'un des deux
96 e. DE BRUYNE.
disparaissait et le corps s' allongeant, devenait serpentiforme et
d'une amiboïdité très prononcée. Par retrait des cils et l'avan-
cement de pseudopodes hyalin, l'organisme passe au stade
amibe : dans ces deux stades, il se nourrit du contenu de l'algue
hospitalière et les résidus alimentaires s'accumulent autour de
lui. J'ignore la destinée de l'amibe.
B. — Monadines azoosporées.
1. Dans mes cultures de Diatomées, se trouvait bien sou-
vent une Vampyrelle typique qui, dans ses phases évolutives,
présente bien des détails caractéristiques. A cause de sa forme
je l'appellerais volontiers V. radiosa. Elle s'attaque de préfé-
rence aux Diatomées et plonge dans leur intérieur un pseudo-
pode fin par lequel elle absorbe le contenu. Elle se colore en
rose tendre pendant la digestion des chromatophores de la
Diatomée. Au cours de ses pérégrinations, elle change souvent
sa forme sphérique caractéristique pour devenir pyri ou
fusiforme. Souvent les pseudopodes fins qui hérissent sa surface
disparaissent tous et en un point il en apparaît un ou deux
épais qui se ramifient. J'ai observé la fusion de deux individus,
formant ainsi un plasmode. Vampyrélla radiosa s'enkyste au
dedans d'une double paroi et après quelques mouvements et
déformations amiboïdes, elle revient au repos.
Observant plusieurs fois un exemplaire dans son évolution
depuis le matin jusqu'au soir sans discontinuer, il ne m'a
jamais été donné de pouvoir poursuivre le développement plus
loin : le lendemain matin je ne retrouvais plus avec certitude
l'individu de la veille : j'observais dans la goutte pendante
où il était bien difficile d'isoler complètement des individus à
cause de leur petite taille.
2. En dehors des parasites monadiniens et chytridiés précé-
demment décrits, j'ai rencontré dans les rameaux de Bryopsis
un beau protozoaire à caractères très nets. Il s'agit d'une amibe
n'ayant, en apparence du moins, absolument rien de commmi
avec toutes celles que j'ai eu l'occasion d'étudier. Elle se
MONADINES ET CHYTRIDIACÉES. 97
trouvait à foison surtout dans un rameau tenninal où j'ai pu
l'étudier pendant trois jours. Grossièrement granuleux, son
protoplasme sombre tranchait sur le contenu de l'algue et
envoyait dans toutes les directions des pseudopodes tantôt fins,
tantôt plus obtus, toujours hyalins ; ceux-ci englobaient les grains
de chlorophjdle et abandonnaient les résidus en provenant.
Quoiqu'elles se heurtassent mutuellement, je n'ai jamais
constaté de fusion. Après quelque temps elles avaient dévoré
presque tout le contenu de la cellule et remplissaient sa lumière
de détritus granuleux, tandis que leur corps s'était considéra-
blement accru. Finalement une membrane nette apparaît :
phase de repos précédant probablement la multiplication. Je
n'ai pas eu l'occasion de la voir.
II. — Chytmdiacées.
Cohn (^) a publié ses observations sur l'évolution Chytridium
entosphaeriiim et j'ai pu contrôler ses résultats qui me semblent
en tous points exacts.
J'ai cherché à plusieurs reprises à entreprendre des re-
cherches analogues entre autres pour deux belles Chytridiacées;
mais j'ai dû y renoncer à cause des insuccès de mes cultures.
m. — Labyrinthulées.
Cienkowsky a créé le genre de ces organismes énigmatiques
que personne ne connaissait avant lui (-) ; je les ai rencontrés
très souvent dans mes cultures de diatomées, et j'ai pu contrôler
les belles recherches de ce grand naturaliste. A ma coimaissance,
il n'a jamais signalé que ces organismes fussent parasitaires.
J'ai, au contraire, rencontré de nombreuses valves siliciques
de diatomées dont les chromatophores avaient complètement
disparu, et qui se trouvaient remplies de fuseaux de Ldbyrin-
(*) Ferd. Cohn. Beitr. z. Pliys. da- Pliycochr. u. Iloiid. A. f. M. A. B. III.
(^) Ueber den Bau iind die Entwickelumj der Labijrinthuleen. A. f. M. A. B. III.
7
98 e. DE BRUYNE.
tJiula macrocystis. En dehors de ce détail je n'ai rieri a ajouter
aux résultats de Cienkuwsk}^
IV. — Infdsoires.
Dans les racines de Caulerpa prolifera vit parfois un infu-
soire liolotriche de forme ovoïde. Il se nourrit de granulations
féculentes au milieu desquelles il se meut très rapidement. Son
aspect extérieur le rapproche de Nassula ornata Ehr. mais je
n'ai pas eu l'occasion de l'étudier suffisamment de même que
pour un autre infusoire holotriche paramœcéforme rencontré en
parasite dans des rameaux de Bryopsis piumosa . Il en dévore
les grains de chlorophylle et rejette les détritus d'un jaune
brunâtre.
Je signale particulièrement cet Appendice à ceux qui dési-
reraient s'occuper de la question du parasitisme des organismes
inférieurs sur les algues, mais je me réserve de compléter mes
recherches et d'y revenir dans un autre travail.
MONADINES ET f'HYTRIDIACÉES. 99
EXPLICATION DES PLANCHES.
PLANCHE III.
Figures 1-14. — Fseiidospora Benedeni. De Br.
Fig. 1 et 2. Deux filaments d'algues renfermant le pai'asite à différents
stades de développement : r, zoospore; a, amibe jeune;
a', amibe adulte ; r, résidu alimentaire; s' c, zoocyste ; c. ?', cyste
vide , V, vacuole.
Fig. 3, 4, 5 et 9. Trois stades successifs d'un même zoocyste. En 4, les
spores n'ont pas encore acquis leur flagellum ; en 5, les zoo-
spores sont formées; quelques-unes d'entre elles ont un
flagellum extraordinairement puissant; 9, figure la sortie des
zoospores. L'aspect du résidu alimentaire varie parce qu'à
la suite des déplacements que lui impriment les zoospores,
il ne présente pas toujour:^ la même surface à l'œil de l'obser-
vateur.
Fig. 6. Autre grande amibe formant sa paroi cystique.
Fig. 7v Cyste lenfermant quelques spores qui n'acquièrent pas de cil.
Fig. 8. Cyste abandonné renfermant encore les détritus et 3 vacuoles.
Fig. 10, 11 et 12. Trois sporocystes dont l'un a sécrété une 2e mem-
brane depuis l'expulsion des détritus.
Fig. 13 et 14. Deux jeunes amibes dessinées au cours de leurs dépla-
cements.
Figures 14' -22. Leptophrys Villosa. De Br.
'Fig. 14' et 15. Deux amibes dessinées pendant leur captation ; no 15
surtout présente une belle houppe de villosités pseudo-
podiques, h. v. Lie protoplasme liyalin est nettement indiqué
en p. h. Les deux amibes renferment chacune plusieui's Dia-
tomées, les unes déjà en partie digérées, les autres non encore
entamées; no 14' vient d'en expulser une.
100 e. DE BRUYNE.
Fig. 16. Amibe 15 qui s'est arrondie; la vacuole o s'est maintenue et
même agrandie, de même que les granulations paramyliques.
La surface entière s'est hérissée de pseudopodes fins qui se
terminent en boules; quelques-unes de celles-ci se sont déjà
détachées, sp.
Fig. 17. Même individu dessiné en partie seulement : le contenu s'as-
sombrit; les grains de paramylum ne se distinguent plus et
toutes les boules ne sont pas encore détachées.
Fig. 18. Même individu dont le dessin ne rejDrésente que la forme des
prolongements pseudopodiques après la rupture de toutes les
boules.
Fig. 20. Encore le même après l'action des réactifs colorants et
fixateurs.
Fig. 19. Des spherules sp restent dans le voisinage de la surface
après leur rupture (autre exemplaire).
Fig. 2J . Cyste formé récemment. Il renferme des enclaves de tonte
nature : cristaux de sels minéraux, aliments totalement digé-
rés, d'autres encore intacts, etc.
Fig. 22. Auti'e cyste abandonné : il renferme encore une diatomée
épuisée en partie.
Figures 23-36. Pseudospora edax. De Br.
Fl . 23. Cinq zoospores dessinées pendant leurs mouvements. Le
noyau est partout net. Une figure indique surtout clairement
que le cil est un prolongement protoplasmique. L'aspect
extérieur de ces cinq zoospores est très différent : les unes
sont contractées et les autres, au contraire, très étirées.
Fig. 24 et 25. Deux filaments d'algues renfermant le parasite à plu-
sieurs stades de développement : z, zoospore ; a, amibe ;
zc, zoocyste; c.v, cyste abandonné; r, résidu alimentaire.
Plusieurs zoocystes sont en voie de division : dans les uns, les
spores n'ont pas encore acquis leurs cils, tandis qu'elles sont
complètes dans d'autres. Dans un dessin de la fig. 24, la
division en 4 est nette ; elle se fait en 2 dans un dessin de
fig. 25. Cette figure-ci représente aussi en sp une sorte de
sporocyste (?) en voie de formation.
Fig. 26. Cyste vide de forme un peu particulière.
MONADINES ET CHYTRIDIACÉES. 101
Figures 27 et 3S. Gymnococcus Bryopsides. De Br.
Fig. 27. Fragment de rameau de Bryopsis piumosa contenant une
jeune amibe, 4 cystes dont le protoplasme est encore indivis
et un cyste en éclosion : une zoospore en est déjà sortie.
Fig. 28. Id. renfermant 7 amibes de forme et de dimensions diffé-
rentes ; le protoplasme hyalin est très net en certains
endroits.
PLANCHE IV.
Figures 1-13. Ectohiella Plateaui. De Br.
Fig. 1 et 1'. Deux zoospores dont l'une vient de s'arrêter contre une
diatomée.
Fig. 2-8. Différentes phases d'un même individu pendant la perfora-
tion de la valve de la diatomée, sa nutrition et sa matu-
ration. Les résidus alimentaires augmentent en quantité
venant se grouper dans la vésicule v, la diatomée conservant
la brèche que le parasite y a faite.
Fig. 9 et 10. Deux autres parasites dessinés pour montrer leur struc-
ture vacuolaire.
Fig. 11. Un individu dessiné pendant sa pénétration dans la valve :
son pseudopode est falciforme, non en T comme l'exemple
des figures de la série 3, 4, 5.
Fig. 12. Diatomée attaquée par deux parasites qui ont déjà atteint
leur maturité. La vésicule à détritus est très nette.
Fig. 13. Licmophora presque totalement vidée : il ne reste plus
qu'ime petite masse d'endochrome e, l'autre a été dévoré par
3 individus dont les détritus sont accumulés dans les 3 vési-
cules V.
Figures 14-31 et 30-35. Gymnococcus Licmophorœ. De Br.
Fig. 14. Licmophora renfermant le parasite à l'état de zoospores et
d'amibe. La plus grande des deux amibes renferme une
grande vacuole contractile. Les deux stades renferment des
résidus alimentaires.
Fig. 15. La grande amibe après contraction de sa vacuole.
Fig. IG. Autre Licmophora renfermant 2 zoospores grandes surtout à
cause des gi'os fragments alimentaires. La diatomée est
presque vide et de même que plusieurs des autres figures.
102 e. DE BRUYNE.
Fig. 14, 16, 30 et 31. La valve e.st endommagée.
Fig. 19. Les deux zoo.spores de la fìgm-e 16 après l'expulsion des gros
détritus.
Fig. 18. Licmophora bourrée de parasites et de granulations excré-
mentitielles, grosses et petites.
Fig. 19. Gomphonema épuisée par 4 amibes gorgées d'endochrome ;
l'une d'elles s'en est débarrassée complètement et a quitté
la diatomée.
Fig. 20 et 21. Deux amibes se préparant à l'encystement.
Fig. 30. L'amibe a expulsé tous ses détritus et a quitté la diatomée.
Fig. 31. Licmophora épuisée par 4 individus qui se sont arrondis;
trois possèdent une grande vacuole.
Fig. 32 à 35. Représentent les 4 mêmes amibes A, B, C et D après 24
heures : 32, A expulsant ses détritus; 33, D épurée; 34,
C encore amiboïde ; 35, B devenu plus vacuolaire. (L'obser-
vation fut interrompue par suite d'un accident de prépa-
ration.)
Figures 22-29. Gymnococcus GompJionemarum. De Br.
Fig. 22. Gomphonema envahie par plusieurs parasites amiboïdes :
quelques-uns renferment des granulations de matières nutri-
tives, d'autres les ont déjà expulsées.
Fig. 23. Autre G. dont tout le contenu a été dévoré par une plas-
modie p (résultant de toutes les amibes y parasitant sauf
une a).
Fig. 24. Encore une autre G. à une plasmodie expulsant ses derniers
détritus.
Fig. 25. Zoocyste formé : son contenu se fractionne.
Fig. 26 et 27. Les zoospores sortent successivement toutes jusqu'à la
dernière. Ces 3 derniers dessins forment série.
Fig. 28. Grande G. vue de côté, 1 plasmode, 2 amibes, 1 zoospore.
Fig. id. où se sont formées 2 zoocystes un peu oblongues à cause de
leur pression mutuelle et leur enserrement entre les valves.
PLANCHE V.
Figures l-lo. Olpidium Bryopsidis. De Br.
Fig. 1. Terminaison de rameau de Br3^opsis piumosa bourrée de
sporanges presque mûrs. Le contenu chlorophyllien est déjà
en grande partie digéré.
MONADINES ET CHYTRIDIACÉES. 103
Fig. 2 et 3. Formation successive du boyau de sortie, sur 3 des spo-
ranges de tantôt : l'ébauche de l'un d'eux est dessinée en 2.
Fig. 4 et 5. Deux sporanges isolés par dilacération de l'algue hospi-
talière.
Fig. 6. Ébauche d'un boyau sur un autre sporange également ainsi
isolé.
Fig. 7. Deux zoospores en voie de division en deux.
Fig. 8 et 8'. Déformations amiboïdes de cellules non encore transfor-
mées en sporanges.
Fig. 9 et 10. Deux cystes de conservation (?).
Fig. 11. Terminaison de rameau de Bryopsis renfermant -l sporanges
qui laissent échapper leurs zoospores : l'un d'eux n'a pas
prolongé son boyau jusqu'au dehors de la lumière de l'algue.
Dans celle-ci s'accumulent aussi beaucoup de détritus. Sur
un des cystes, notamment l'ovoïde, le boyau n'est pas
implanté à l'extrémité du grand axe, comme chez les autres.
Fig. 12. Sporange isolé par dilacération des parois de son hôte. Toute
sa lumière et celle de son boyau sont remplies de zoospores
en voie de formation.
Fig. 13. Dans la lumière de l'algue fourmillent les zoospores sorties
probablement d'un cyste à boyau qui n'a pas perforé la paroi.
Fig. 14 et 15. Sporanges vides.
Figures 16-20. Gymnococcus Cladophorae. De Br.
Fig. 16. Cellule terminale de Cladophora gracilis en proie à une
plasmodie p qui dévore son contenu. Une partie, en effet, de
ses chromatophores est déjà réduite à l'état de résidus
brunâtres r.
Fig. 17. Cellule terminale attaquée par 2 amibes qui chacune de son
côté ont entamé la chlorophylle.
Fig. 18. Tout le protoplasme du parasite s'est divisé en un certain
nombre de zoocystes zc, dont quelques-uns même zcv ont
déjà laissé échapper leurs zoospores. Les résidus r sont
devenus d'un noir foncé et accumulés sur le grand axe de la
cellule.
Fig. 10. Deux zoocystes dans une cellule terminale. L'un d'eux s'est
ouve et ses zoospores z s'échappent.
10-4 e. DE BRUYNE.
Fig. 20. Cellule terminale de Cladophore ne renfermant plus que les
parois cystiques abandonnées zc.v. et les résidus alimen-
taires r.
Les figures 18 et 20 montrent combien la cellule avait
augmenté ses dimensions par suite de ce parasitisme.
Figures 21-27. Vampyrella incolor. De Br,
Fig. 21. Fragment de Derbesia marina attaquée par 13 vampyrelles
dont 3 seulement ne renferment ".s de détritus. Plusieurs
possèdent 1 ou 2 vacuoles.
Fig. 22. Une amibe isolée.
Fig. 23. Une autre qui s'est entourée d'une membrane.
Fig. 24. Amibe ayant poussé un pseudopode j^s à travers la paroi de
l'algue.
Fig. 25. LaVampyrelle s'est entourée d'une membrane mais elle reste
encore fixée comme un pédoncule jj sur la paroi de sa
victime.
Fig. 26. Autre amibe avec pseudopode passant à travers la paroi
cellulaire de l'algue.
Fig. 27. Cyste vide : il y reste encore une vacuole et quelques bâton-
nets hyalins probablement de nature féculente.
Figures 28-31. Oîpidium lacerans. De Br.
Fig. 28. Deux zoospores renfermant de la Chlorophylle encore intacte.
Fig 29. Trois cellules voisines d'algue : l'une envahie par une zoo-
spore, l'autre par une amibe, une 3e par 2 zoospores passant
à l'état d'amibe.
Fig. 30. Amibe isolée par dissociation de son hôte. Un protoplasme
hyalin /*, un granuleux et une vacuole v, sont nettement
distincts.
Fig. 31. Une cellule d'algue renfermant 8 zoospores en voie de for-
mation. Les parois cellulaires sont encore intactes.
Fig. 32. Sept jeunes parasites évoluant à l'intérieur de la cellule
hospitalière dont les parois sont complètement lacérées.
La réplique de M. Guignard à ma note relative au
dédoublement des anses chromatique^,
Edouard VAN BENEDEN.
Dans une note intitulée " Quelques remarques à propos d'un
récent travail de MM. Edouard Van Beneden et Ad. Neyt sur
l'Ascaris megalocephala „ (^), M. Guignard m'a gratuitement
accusé d'avoir voulu m'approprier la découverte faite par
Flemming et confirmée tout d'abord par Pfitzner et Retzius, du
dédoublement longitudinal des anses chromatiques. Pour établir
cette grave imputation, M. Guignard a invoqué notamment un
texte tiré de l'un de mes écrits.
J'ai cru devoir répondre à cette note (^). Pour mettre à néant
les affirmations inconsidérées de mon contradicteur, il m'a suffi
de reproduire quelques citations de mon Mémoire sur la
fécondation. Il en ressort que , loin d'avoir eu la prétention
que m'a prêtée M. Guignard, j'ai pleinement et itérative-
ment reconnu les droits de priorité de Flemming, sans négliger
toutefois de rendre justice à Pfitzner et à Retzius. Ces deux
auteurs ont été les premiers à vérifier l'importante découverte
du dédoublement longitudinal ; mais celle-ci n'en appartient pas
moins tout entière et exclusivement en tant que découverte à
r eminent cytologue de l'Université de Kiel : une vérification
(') Bulletin de In Société Botanique de France. Tome XXXIV (2'' série, tome IX).
(-) Archives de Bioloijie. Tome IX, 1889.
106 EDOUARD VAN BENEDEN.
n'est jamais une découverte. J'ai cité en outre, dans ma réponse,
l'extrait d'une lettre que Flemming m'adressait après la récep-
tion de mon Mémoire ; il m'y exprime tous ses remerciements
" pour la bienveillance et l'exactitude que j'ai apportées dans
l'appréciation de ses travaux „.
Comment donc M. Guignard a-t-il pu, pour établir son
accusation, se fonder sur une citation. Me serais-je mis en
contradiction avec moi-même au point d'avoir reconnu d'une
part que la division longitudinale des anses chromatiques a été
découverte par Flemming, puis, vérifiée par Pfitzner et Retzius,
et de m' être attribué d'autre part le mérite de cette même
découverte. Vérification faite de la citation que M. Guignard a
reproduite entre guillemets, il s'est trouvé que le texte qui m'est
attribué a été tronqué et modifié par mon savant contradicteur;
par suite de cette altération, le sens des phrases citées a été
totalement transformé. Il m'a suffi de mettre en regard de
la citation faite par M. Guignard, le texte original pour mettre
en évidence le procédé peu recommandable auquel l'on a cru
devoir recourir : la découverte que je revendique dans la citation
incomplètement et inexactement reproduite n'est pas le dédou-
blement des anses primaires, mais bien le cheminement en sens
opposés des anses jumelles résultant de ce dédoublement
M. Guignard vient de publier, dans les Comptes rendus de
la Société de Biologie (séance du 4 janvier 1890), une réplique
à ma note. Je tiens à la reproduire ici afin de réunir, dans un
même recueil, tous les éléments du débat.
Voici donc cette réponse :
A M. Van Beneden fils, au sujet de ses découvertes sur la
division nucléaire, par M. Léon Guignard.
M. Van Beneden fils vient de faire paraître dans ses
Archives de Biologie (^), au sujet d'une note présentée par moi
en 1887 à la Société botanique de France (^), sur une question
(') Tome IX, 1880.
(-) Quelques remiivqucit à propos iVuu récent irarail de MM. Ed. Van Heneden et
Ad. Neijt sur VAscaris metjalocephala ; nov. 1887.
LA RÉPLK^UE DE M. GUIGXARD A MA NOTE. 107
de priorité relative à la division nucléaire^ un article contenant
une réponse quele Comité derèdaction de la Société n avait pas
cru, en raison de la forme, devoir insérer dans so7i Bulletin.
Dans cet article intitulé : Monsieur Guignard et la division
longitudinale des anses chromatiques, le zoologiste belge tient à
réfuter les accusations portées contre lui par un botaniste " qui,
dit-il, à raison de ses travaux sur la division indirecte des
cellules végétales, jouit jjrobablement en France d'une certaine
renommée „.
Je n'ai malheureusement pas, comme M. Edouard Van
Beneden, l'avantage de porter le nom d'un savant fort connu,
ni le mérite d'en avoir rehaussé la notoriété par des reven-
dications incessantes et des p)olémiques dont le ton seul a déjà
suf[i à le rendre aussi célèbre en France qu'à l'étranger.
L'honorable zoologiste ne p>ourra pourtant qu*être flatté de
me voir appeler encore l'attention sur ses propres travaiix et
l'aider à éclairer le lecteur, auquel il est bien permis d'ignorer
les détails de certains phénomènes de la division nucléaire.
Je ne saurais, en tout cas, imiter 7ii le langage, ni les iwocédés
de M. Van Beneden fils, ni m' attarder à montrer à un contra-
dicteur qui, entre autres aménités, m^adresse le reproche de
mauvaise foi, que je n'ai nullement manqué de courtoisie à son
égard. Il oublie que je l'ai remercié par lettre de l'envoi de son
travail de 1887 sur la fécondation. Je n'ai pas omis no7i plus
de lui envoyer ma Note du Bulletin de la Société botanique,
note dans laquelle je rétablissais l'exactitude des faits. Si, comme
il s'en p>laint, il ne l'apas reçue, je ne puis que le regretter.
Dans cette Note, je commençais par préciser le point en
discussion dans les termes suivants :
" On sait que les éléments chromatiques du noyau, après avoir pris la
forme de bâtonnets ou de segments 2)lus ou moins incurvés, se rassemblent,
à un moment donné, à Véquateur du fuseau nucléaire, pour former la
" plaque ou étoile micléaire „. Puis, chacun de ces bâtonnets ou segments
chromatiques se dédouble suivant sa longueur en deux moitiés égales qui
s^ écartent l'une de Vautre et se rendent en sens opposé à chacun des
pôles du fuseau 2>0Mr y constituer les deux nouveaux noyaux. „
108 ÉDOUAKD VAN BENEDEN.
Je mets à dessein en italique les mots qui se raiiportent au
'phénomène dont M. Van Beneden fils m'accuse de n'avoir rien
dit : (^) je n'aurais, d'après lui, voulu parler que du dédouble-
ment longitudinal, envisagé sans le cheminement aux pôles des
moitiés qui en provienyient.
Cest ce transport aux pôles qu'il prétend avoir découvert chez
^Ascaris, en même temps que Heuser dans les celhdes végétales.
J'aurais confondu deux choses totalement différentes : d'une
partie dédoublement longitudinal; d'autre part, le cheminement
aux pôles des anses qui en résultent. Je n'aurais mdlement
compris la raison d'être du dédoublement, dont M. Vari Beneden
fils ne peut d'ailleurs me contester la découverte chez les
fiantes ; j'aurais poussé la légèreté et l'injustice jusqu'à
l'accuser d'un désir immodéré de s'apjiroprier les résultats de
ses devanciers, et, par un procédé inqualifable, j'aurais altéré
et tronqué son texte, etc
Je ne crois puB devoir répondre en détail à de pareilles
accusations. Toute la question est de savoir si, oui ou non,
M. Van Beneden fils et M. Heuser ont été les premiers à faire
connaître le cheminement, le transport aux pôles des segments
secondaires.
Il est de toute évidence que le dédoublement longitudinal des
segments primaires et le transport des segments secondaires, en
sens inverses, aux deux pôles du fuseau, sont si étroitement
liés l'un à l'autre dans la marche normale de la division que,
sans le second, le premier n\iurait pas déraison d'être. En effet,
le dédoublement lo^igitudinal ayant pour but la répartition
égale des éléments chromatiques du noyau primaire entre les
deux noyaux secondaires, implique forcément le cheminement
vers les deux pôles, en sens opposés, de chacune des moitiés d'un
(*) Pardon : J"ai dit que, dans son mémoire de 1884, Monsieur Guignard n'a
constaté que le dédoublement, qu'il n'a fait aucune observation relative au chemine-
ment en sens opposé; tandis que, dans sa note à la Société Botanique de trance,
confondant dédoublement et cheminement en un seul et même phénomène, il reven-
dique la découverte du cheminement en sens opposés sans l'avoir constaté.
EDOUARD Van Bekeden.
LA RÉPLIQUE DE M. GUIGNARD A MA NOTE. 109
sefjment primaire. Sans cela, à quoi servirait ce dédoubleinent
et quel serait, en outre, la raison d'etre de la plaque nucléaire
si les deux moitiés d'un même segment, au lieu de cheminer en
sens opposés vers les]iôles, devaient, par exemple, se rendre l'une
et l'autre au même pôle et entrer dans la coìistitution d'un
même noyau secondaire ? A moins de discuter uniquement sur
des mots, parler de dédoublement, c'est parler du fait essentiel
avec ses conséquences forcées. Si, dans les cellules animales
surtout, le dédoublement est souvent visible assez longtemps
avant la séparation des moitiés de segments auxquelles il donne
naissance, dans les cellules végétales le cheminement a souvent
lieu en même temps que le dédoublement, et, au stade de la
plaque nucléaire, les deux moitiés d'un même segment sont déjà
séparées et se dirigent vers les pôles, à l'extrémité qui regarde
le centre de la plaque, tandis que, à l'autre extrémité du
segment, le dédoublement est à peine apparent. Le passage de
ma Note, reproduit en italique, montre bien, d'ailleurs, que je
n' entendais pas séparer les deux choses. (^)
Mais ce 7i' est pas ainsi que M. Van Beneden fils comprend
les faits, et, qui pdus est, personne avant lui n'a ni démontré,
ni même soupçonné la raison d'être du dédoublement longitu-
dhicd.
Qu'on en juge plutôt par le passage siiivant de sa réponse :
" Quant à M. Guignard, il n'a pas même soupçonné qu'il importait de
rechercher ce que deviennent les anses jumelles; et de fait, ses obser-
vations manquent totalement de laprécision et de la continuité nécessaires
pour Vétude du problème si fondamental de la destinée des anses secon-
daires.... Il a Vil des éléments chromatiques en voie de division longitudi-
nale dans des cellules végétales, confirmant en cela les données de
Flemming, de Pfitzner et de Retzius dans les cellules animales. Mais il
n'a pas cherché à résoudre la question de savoir ce que deviennent
les anses jumelles. C'est cette question que j'ai résolue concurremment
avec Heuscr ; c'est cette découverte que j'ai revendiquée et dont je
continue à réclamer la priorité. „
(') C'est précisément ce que je reproche à Monsieur Guignard. Il fallait séparer
les deux choses : avant d'adlrmer le cheminement en sens opposés il importait de
rechercher par l'observation si réellement il se produit. Edouard Van Beneden.
110 EDOUARD VAN BENEDEN.
Même affirmation dans les lignes qui suivent :
" SI Pfitzner et Refzhis ont confirmé l'importante découverte de
Flemming, si M. Guignnrd a constaté le même dédoublement dans les
cellules végétales aune époque où Strasburger niait encore son existence,
ni Flemming, ni Pfitzner, ni Eetziiis. ni M. Guignard, n'ont réussi à
établir que les anses secondaires, résultant du dédoublement d'une anse
primaire, se rendent l'une à l'un des pôles, l'autre à l'autre pole de la
figure dicentrique. „
Telle est l'idée que M. Van Beneden fils a de la perspicacité
de ses devanciers.
En opposant à mon tour, à une négation aussi catégorique,
un démenti formel, je me demande en quels termes il faut
s'exprimer pour être compris, si les passages suivants de mes
jniblicatioiis n'indiquent pas clairement ce cheminement des
anses jumelles, que M. Van Beneden fils veut absolument
■: avoir découvert.
Tout d' abord, dans ma Note pjréliminaire à l'Académie des
sciences du 23 septembre 1883, on pteut lire Vindication
■ suivante :
" Chaque m,oitié des segments, devant concourir à la formation des
deux noyaux-filles, tourne l'une de ses extrémités plus ou moins recourbée,
Oil l'angle formé par ses deux branches si la cotirbure se fait au milieu,
. dans la direction des pôles qui constituent deux nouveaux centres
d'attraction autour desquels les segments dédoublés affectent une dispo-
sition rayonnante. „
Il me semble qu'il s'agit déjà, dans cette citation, du sort des
anses jumelles. Mais admettons qu'elle ne soit pas suffisamment
explicite.
Dans mon mémoire détaillé, paru le l^r février 1884 {^),par
conséquent avant celui de M. Van Beneden fils (^), je décris, à
la page 26, le dédoublement longitudinal des segments primaires
(') Recherches sur la strncliire et la diuision du noyau cellulaire. (Ann. des se.
"nat. Bot., 6e série, t. XVII, 1884, cahier n" I.)
(') « Le premier exemplaire de mon mémoire, dit l'auteur, fut remis à Dubois-
Raymond, lors de son passage à Liège, le 4 avril 1884. Le travail de Hauser parut
dans le courant de mars -1881. »
LA RÉPLIQUE DE M. GUIGNARD A MA NOTE. 111
dans le noyau du sac emhryonnaire du Lilium, et je dis formel-
lement qu'ils se séparent " en deux moitiés destinées chacune
à l'un des noyaux-filles „. Oui ou non, s' agit-il ici du sort
des anses jumelles?
Si, dans d'autres passages, je n'ai pas constamment répéié
que les deux moitiés d'un même segment se dirigent vers les
pôles opposés, le sens n'en est pas pihis douteux, je piense, que
dans cette phrase de la j^cige 11, concernant la division des
cellules-mères du pollen :
" Les deux moitiés s'isolent complètement. Dès lors, le nombre de
bâtonnets est doublé : au lieti de douze, on en compte vingt-quatre.
Chacune des deux moitiés entrera dans la formation d'un des noyaux-
filles. „
U importe peu, d'ailleurs, au point de vue de la destinée et
du transport des segments dédoublés, que, dans le cas particidier
des cellules-mères du pollen, les phénomènes antérieurs au
dédoublement n'aient pas été, jusqu'en 1884, exactement inter-
prétés.
A ces citations, je pourrais en ajouter d'autres p)our montrer
que la généralité du phéìioìiiène ne m'avait mdlement échappé.
Quant à son importance, je l'ai suffisamment fait ressortir dans
mes conclusions générales, xmge 29 :
." Il est évident, disais-je alors, que ce dédoublement constitue un
phénomène très important dans la division du noyau. „
Or, comment aurais-je pu m'exprimefr ainsi, si je n'avais eu
la preuve qu'il servait à répartir, d'une façon égale, la substance
des segments primaires entre les deux nouveaux noyaux, en
fournissant à l'un et l'autre une moitié de ces segments '^ (})
C'est pourquoi, dans une Note rectificative qui a si fort
exaspéré M.VanBeneden fils, après avoir nettement précisé la
question dans les termes qui ont été reproduits plus haut, j'ai pu
simplement faire mention du dédoublement longitudÌ7ial, jìarce
f) Est-ce que par tiasard Flemming qui n'a rien affirmé, en ce qui concerne le
sort (les anses jumelles, n'aurait pas considéré le dédoublement comme un fait
important? Ed. Van Beneden.
112 EDOUARD VAN BENEDEN.
que c'est, en somme, le fait important, nié jusqu'en 1884 par
Strashurger etdoiit Vidéeynême du cheminement est inséparahle.
D'ailleurs, en 1884, dans le mémoire oit il rendait compte
des récentes découvertes sur la division nucléaire {^), Strashurger
n'a ])as élevé la moindre objection contre mes résultats, ni fait
observer que, si j'avais vu le dédoublement, je n'avais pas
aperçu le cheminement. Et pourtant il exposait en même temps
les recherches de Heuser.
D'autre part, l'honorable zoologiste me reproche de l'avoir
accusé de n'avoir yas cité ses devanciers, afin de pouvoir
s'ajjproprier la découverte du dédoublement longitudinal. H
oublie que, dans mon travail de 1885 {^), j'empruntais à son
mémoire de 1884 sur TAscaris la citation suivante, qui fait
suite aux 2)assages où il mentionne la découverte de ce 2)héno-
mène par Flemming et d'autres :
C'est, à mon avis, l'un des faits les plus importants de la karyo-
kinèse. „
Cette citation ptrouve deux choses : d'abord, que je n'ignorais
pas en 1885 qu'il eût piarle de ses devanciers et que je ne
pouvais l'accuser en 1887 de vouloir s'approprier la découverte
du dédoublement longitudinal ; ensuite, que le dédoublement
longitudinal, parce qu'il V envisageait évidemment avec ses con-
séquences et qu'il le considérait alors comme inséparable du che-
minement, avait en 1884,p)our M. Van Beneden fis, un intérêt
considérable. Mais aujourd'hui ce même dédoublement perd de
son importance, c'est le cheminement qui est le fait capital,
comme si ces deux choses piouvaient aller l'une sans l'autre !
L'intérêt des faits change pour les besoins de la cause, et V au-
teur en arrive à dire que personne avant lui, ni Flemming, ni
aucun autre, n'a soupçonné la raison d'être du dédoublement !
Si Flemming n'a pas réussi à fournir la preuve directe du
transport aux^ìoles des segments secondaires, il a pourtant écrit
ce qui suit (^) ;
(*) Die Controverseti dcr indirecien Kerntheilung, 1884.
(-) Nouvelles recherches sur le noyau cellulaire^ p. 313, 1883.
(S) Zelhubstanz, Kern-und ZelUhcllung, p. 238, 1882
LA RÉPLIQUE DE M. GUIGNARD A MA NOTE. 113
" On i^eut donc penser que, des deux anses jumelles de chaque segment^
l'une est destinée à l'un des noyaux- filles et l'autre à l'autre noyau. „
En x>résence de cette opinion et des schémas que ce savant a
im donner avec raison du phénomène dans une des planches
de son mémoire, je n'ai jamais songé un seul instant à diminuer
le mérite de ses observations, au point de dire, comme M. Van
Beneden fils, que personne n'avait soupçonné la raison d'être
du dédoublement {^). C est pourquoi j' ai pu faire remarquer en
toute justice, je crois, qu'on eût aimé à retrouver dans cette
discussion les no7ns de Flemming et d'autres qui avaient pré-
paré les voies aux découvertes idtérieures.
En résumé, il résulte des textes et des dates que M. Van
BeJieden fils n' a ]}as plus de droit de prétendre à la découverte
du cheminement qu'à celle du dédoublement ; je pense avoir
montré avant lui leur existence générale chez les végétaux, cdors
que Strasburger ne l'admettait pas encore x^our les cellules
végétales et qu'il croyait pouvoir rejeter en même temps les
conclusions de Flemming pour les cellules animales.
M. Van Beneden fils a découvert en 1884 ce que j' avais fait
connaître dès 1883. Il me semble inutile d'insister davantage :
je crois n'avoir méconnu, dans cette controverse, ni la vérité, ni
la justice, et je pourrais peut-être retourner au zoologiste de
Liège son reproche de légèreté.
Il me sera peruiis de constater :
1'^ Que M. Guignard abandonne complètement l'accusation
qu'il avait cru pouvoir formuler en m'attribuant l'intention
de revendiquer pour mon compte personnel une découverte qui
appartient à Flemming ;
2» Qu'il ne conteste pas l'altération de texte que je lui ai
reprochée.
Monsieur Guignard porte la discussion sur un autre terrain
(') M. Van Beneden fils involine, à l'appui de ses revendications, un passage d'une
ronff^rence de Waldeyer où la découverte du cheminement lui est attribuée ainsi qu'à
Heuser. Ce passage ne prouve qu'une chose : c'est que Waldeyer, qui avait d'abord
dit que Rabl en était l'auteur, n'était pas suffisamment renseigné
8
114 EDOUARD VAN BENEDEN.
sans renoncer toutefois aux procédés de polémique dont il a fait
usage dans sa première note.
Il revendique pour son compte personnel, nous allons voir
par quels moyens, non seulement la découverte du dédouble-
ment longitudinal des chromosomes primaires dans les cellules
végétales, mais aussi celle du cheminement en sens opposés
des anses jumelles résultant de ce dédoublement ; il aurait
été le premier à affirmer la répartition égale entre noyaux
secondaires de la chromatine d'un noyau primaire. A ses yeux,
le dédoublement longitudinal et le cheminement en sens opposés
des produits de la divison se confondent en un seul et même
phénomène, en ce sens que l'un est la conséquence nécessaire
de l'autre; la découverte du dédoublement implique donc forcé-
ment celle de la répartition égale entre noyaux dérivés.
Avant d'entrer dans la discussion relative à la question de
priorité, je dois exprimer le profond regret que j'éprouve de voir
M. Guignard persister dans ce déplorable système qui consiste
à prêter à ceux que l'on combat des idées qu'ils n'ont jamais
eues, à leur attribuer des affirmations qu'ils n'ont pas for-
mulées.
1° Il me fait dire qu'avant moi personne, ni Flemming, ni
aucun autre auteur, n'a soupçonné la raison d'être du dédou-
blement longitudinal. Voici ce qu'il écrit :
" Mais ce n'est pas ainsi que M. Van Beneden fils com-
" prend les faits et, qui plus est, personne avant lui n'a ni
" démontré, ni même soupçonné la raison d'être du dédouble-
" ment longitudinal. „
Et plus loin :
" L'intérêt des faits change pour les besoins de la cause et
" l'auteur (M. Van Beneden fils) en arrive à dire que personne
" avant lui, ni Flemming, ni aucun autre n'a soupçonné la
" raison d'être du dédoublement! „
Je suppose que M. Guignard tiendra à honneur de justifier
cette affirmation en citant le texte sur lequel il se fonde pour
LA RÉPLIQUE DE M. GUIGNARD A MA NOTE. 115
m'attribuer cette pensée. En attendant, je le prie de vouloir bien
lire la page 544 de mon mémoire de 1884; il y trouvera au
3e alinéa :
" La raison du dédoublement des cordons chromatiques, lors
" de la dimsion des noyaux, a été soupçonnée par Flemming ;
" il s'est demandé si chaque anse primaire ne foui-nit pas une
" anse secondaire à chacun des noyaux-filles. Quelque probable
" que lui paraissait cette hypothèse, qui était de nature à faire
" comprendre le pourquoi du dédoublement, il ne pouvait Tap-
" puyer sur aucun fait d'observation; le nombre considérable
" des anses que l'on observe dans les noyaux de la salamandre
" ne permet pas de suivre chacune des anses et de voir ce
" qu'elle devient. ,,
Voilà comment j'aurais affirmé que personne avant moi, ni
Flemming, ni aucun autre auteur, n'a soupçonné la raison du
dédoublement.
Je n'ai pas écrit davantage que M. Guignard n'aurait pas
soupçonné la raison du dédoublement, mais bien ceci :
" Flemming, grâce à l'esprit de critique et au talent d'ana-
" lyse qui le distinguent, a parfaitement compris que la question
" de savoir ce qu'il advient des anses secondaires est entière-
" ment distincte de celle du dédoublement; il reconnaît avec
" franchise et loyauté que ses observations ne lui permettent
" pas de la résoudre. Quant à M. Ouignard, il n'a pas même
" soupçonné qu'il importait de rechercher ce que deviennent
" les anses jumelles. „
Ce qui veut dire, si je ne me trompe, que Flemming a parfai-
tement distingué entre l'hypothèse et le fait, entre la possibilité
et la réalité : il n'a rien affirmé quant à la destinée des anses
jumelles, parce que ses observations ne l'autorisaient pas à rien
affirmer à cet égard. Mais M. Guignard, lui, n'a pas l'air de se
douter que le fait du dédoublement n'entraîne pas nécessaire-
ment le cheminement en sens opposés et que dès lors avant
d'affirmer il importe d'observer.
A-t-il constaté objectivement le fait qu'il affirme? C'est là un
point que j'examinerai plus loin. J'ai voulu montrer seulement
lie EDOUARD VAN BENEDEN.
ici que pour m'attribuer l'idée que personne avant moi n'aurait
soupçonné la raison d'être du dédoublement, il faut que
M. Guignard n'ait pas lu mes travaux ou qu'il les ait parcourus
trop superficiellement, pour avoir pu se rendre compte de ce
qu'ils renferment.
2" Monsieur Guignard me fait dire encore que le fait essentiel
de la karyokinèse ne serait plus aujourd'hui le dédoublement,
mais bien le cheminement en sens opposés des anses jumeUes :
" .... Mais aujourd'hui le même dédoublement perd de son
" importance, c'est le cheminement qui est le fait capital,
" comme si les deux choses pouvaient aller l'une sans l'autre. „
Je prie mon savant contradicteur de vouloir bien signaler une
phrase quelconque de l'un quelconque de mes écrits d'où l'on
pourrait conclure que le dédoublement ne serait pas, à mes
yeux, le fait capital de la mitose. La pensée qui m'est attribuée
est un véritable non sens.
J'en viens à la question de priorité.
Pour établir qu'il aurait été le premier à faire connaître le
cheminement en sens opposés des anses jumelles et la répar-
tition égale de la chromatine d'un noyau en division entre
les deux noyaux secondaires, M. Guignard s'appuie dans sa
réplique : 1» sur sa note préliminaire à l'Académie des Sciences
du 23 septembre 1883 ; 2» sur le mémoire détaillé inséré dans
les Annales des Sciences naturelles botaniques, 6^ série,
t. XVIIe, 1er février 1884, cahier n» 1.
Je me permettrai tout d'abord de poser une question.
A quelle date est sorti des presses, c'est-à-dire quand a été
distribué le cahier n» 1, tome XVII, 1881, des Annales des
Sciences naturelles botaniques? Est-ce le l^r février, comme
l'indique M. Guignard dans sa réplique, est-ce en janvier,
comme il le certifie dans une autre de ses publications, ou est-
ce postérieurement au 1er février, comme il résulte des rensei-
gnements que j'ai recueillis. Le libraire Thomas, 6, place de la
Sorbonne, à Paris, qui fournit les Annales à la bibliothèque de
LA RÉPLIQUE DE M. GUIGNARD A MA NOTE. 117
notre Université, écrit, à la date du 24 janvier 1890, à
M. Grandjean, bibliothécaire à Liège : " Les fascicules des
Annales des Sciences naturelles paraissent généralement un ou
deux mois après la date indiquée sur la couverture. J'en ai fait
très souvent la remarque depuis vingt ans que ce recueil me
passe par les mains et je suis allé moi-même m'en assurer chez
l'éditeur. „
M. Guignard voudra bien, je l'espère, nous renseigner sur le
point de savoir si le fascicule qui contient son mémoire in-
extenso a réellement paru à la date du ler février.
Je suis tout prêt d'ailleurs à accorder qu'il en est ainsi et
que, par conséquent, non seulement la communication prélimi-
naire insérée aux Comptes Rendus, mais aussi le travail
détaillé, ont été publiés l'un et l'autre avant le mémoire de
Heuser et avant mes recherches sur la fécondation.
La question se pose donc comme suit : Qu'est-ce que
Monsieur Guignard a fait comiaître en matière de cheminement
des anses jumelles ?
Pour se rendre compte de ce que l'auteur a observé, il con-
vient de recourir à son mémoire détaillé. Sa note à l'Institut
ne formule que des conclusions et il est difficile, à raison de la
concision inévitable d'une communication préliminaire, de juger
de la portée de ces conclusions, voire même du sens que
l'auteur a voulu y attacher.
Les observations de M. Guignard se rapportent à deux caté-
gories d'objets : il a étudié 1» la division des cellules-mères polli-
niques dans une série de plantes, monocotylédones et àicotylé-
donés{Lilmmma)iagon, Allium ursinum,Alstrœmer in 2)elegrhia,
Listera ovata, Agapanthus umhellatus, Tricyrtis hirta, Fmi-
Tiia, TJrojietalum, Hemerocallis, Camiianida, etc.) ; 2° la multipli-
cation nucléaire dans le sac embryonnaire, préalablement et
postérieurement à la fécondation et dans l'albumen en voie de
formation, chez lÂlium martagon, Lilimn candidimi, et autres
espèces voisines, chez Tradescantia, Pedicidaris, Viola Koppii,
Clematis maritima, Alstrœmeria 2>elegrina et A. versicolor. Les
phénomènes essentiels de la mitose ne s'accompliraient pas de
la même manière dans tous les cas.
118 EDOUARD VAN BENEDEN.
Dans la mitose des cellules polliniques, la division longitudi-
nale des chromosomes primaires ferait défaut; il se produirait
au contraire deux segmentations transversales successives et,
dans les objets étudiés par M. Guignard, tout se passerait
conformément à la description que Strasburger a donnée de la
division des cellules-mères du Pollen chez Fritillaria, etc. Chez
Lilimn martagon, les segments résultant d'une première divi-
sion transversale des cordons chromatiques deviennent peu à
peu plus courts et plus épais. " Chacun d'eux se courbant vers
" le milieu de sa longueur rapproche ses deux extrémités l'une
'' de l'autre; il se fait peu à peu entre elles un accolement
" longitudinal. „ A ces segments plies et formés de deux
moitiés plus ou moins complètement accolées l'une à l'autre,
M. Guignard donne le nom de hCdonnets. '' On observe bientôt
" une division de chaque bâtonnet en ses deux moitiés consti-
" tutives. Les branches qui s'étaient rapprochées et soudées se
" séparent l'une de l'autre en offrant des dispositions variées,
" dont la plus commune est représentée dans la fig. 1 1 ; une
" autre est indiquée dans la figure 12, vue par le pôle, comme la
" précédente. Les deux moitiés s'isolent ensuite complètement.
" Dès lors, le nombre des bâtonnets est doublé : au lieu de
" douze, on en compte vingt-quatre. Chacune des moitiés
" entrera dans la formation d'un des noyaux-filles. „
Il résulte clairement de la description donnée par M. Gui-
gnard et notamment des passages reproduits ci-dessus, qu'il ne
se produirait pas ici, pas plus d'ailleurs que dans les cellules-
filles polliniques, non seulement du Lilium martagon, mais de
toutes les formes de monocotylédones et de dicotylédones étudiées
par lui, de dédoublement longitudinal des chromosomes pri-
maires, mais bien une seconde segmentation transversale. Il ne
peut donc être question ici d'anses secondaires et jumelles. La
phrase reproduite plus haut : " Dès lors le nombre des bâton-
" nets est doublé : au lieu de douze on en compte vingt-quatre.
" Chacune des moitiés entrera dans la formation des noyaux-
" filles „, cette phrase que M. Guignard invoque dans sa i-éplique
pour établir qu'il aurait affirmé le premier le cheminement
LA RÉPLIQUE DE M. GUIGNARD A MA NOTE. 119
en sens inverses des anses jumelles, n'est pas même relative
à la division longitudinale des chromosomes primaires. De
deux choses l'une, ou M. Guignard confond cette seconde
segmentation transversale avec le dédoublement longitudinal
découvert par Flamming, ou il cherche, en vue d'établir ses
prétendus droits de priorité, à faire croire que dans la phrase
citée il a eu en vue les anses jumelles, alors qu'en réalité elle
vise les éléments résultant d'une seconde segmentation trans-
versale.
M. Guignard donne, il est vrai, à cette seconde segmentation
transversale, le nom de " dédoublement longitudinal „. En
partant de la division des cellules-mères polliniques de V Allium
ìirsinum L., qui s'accomplit essentiellement de la même manière
que chez Lilinm martagon, il dit, en effet : " La division de la
" plaque nucléaire se fait comme dans le Lilium : Les nouveaux
•' éléments chromatiques provenant du dédoublement longi-
" tudinal de ses huit bâtonnets prennent la forme d'U ou de Y
" en se transportant aux pôles. „ Dès le moment où il appelle
dédoublement longitudinal, ce qui n'est en fait qu'une seconde
segmentation transversale et où, par conséquent, il ne peut plus
être question ni d'anses secondaires ni de cheminement en sens
opposés de ces anses, pour cette raison que ces anses n'exis-
teraient point, je demande en quoi la seule phrase de la note
du 23 septembre 1883, qui soit relative au dédoublement,
pourrait établir que l'auteur aurait visé le cheminement en sens
opposés des anses jumelles !
Voici cette phrase que M. Guignard invoque à l'appui de sa
réclamation :
" Chaque moitié des segments, devant concourir à la formation
" des deux noyaux-filles, tourne l'une de ses extrémités plus ou
" moins recourbée, ou l'angle formé par ses deux branches, si la
" courbure se fait au milieu, dans la direction des pôles qui con-
" stituent deux nouveaux centres d'attraction, autour desquels
" les segments dédoublés affectent une disposition rayonnante. „
La division longitudinale des chromosomes primaires ferait
défaut dans toute mitose de cellules polliniques. L'auteur nous
120 EDOUARD VAN BENEDEN.
apprend, en effet, dans ses conclusions : " Dans les noyaux des
" cellules-mères polliniques, les deux moitiés qui forment par
" leur soudure longitudinale un bâtonnet se séparent l'une de
" l'autre par dédoublement longitudinal et par une rupture (pii
" se produit à l'endroit de la courbure du segment chromatique.
" Il en résulte deux nouveaux bâtonnets, moitié moins épais,
" qui doivent appartenir chacun à l'un des noj^aux-filles. Tel
" est le cas du Liliura, de 1' Allium, de l'Alstraemeria, etc., qui
" ressemblent complètement sous ce rapport au Fritillaria
" étudié par Strasburger. „
Ainsi donc, il en convient lui-même, M. Guignard n'a fait
que confirmer, en ce qui concerne la mitose des cellules-mères
polliniques, les données de Strasburger, qui contestait, contre
Flemming, l'existence du dédoublement longitudinal. Et après
cela, il invoque des observations sur cet objet pour soutenir
qu'il aurait été le premier à signaler l'existence d'un phénomène
qui présuppose ce même dédoublement longitudinal.
Si M. Guignard a méconnu l'existence de la division longitu-
dinale des anses primaires dans les cellules-mères du pollen,
il n'en est pas de môme pour les mitoses observées par lui dans
le sac embryonnaire préalablement et consécutivement à la
fécondation. Les descriptions et les figures qu'il publie ne
peuvent laisser aucun doute à cet égard. Il a très nettement
observé, décrit et figuré dans ces noyaux en cinése, le dédou-
blement longitudinal.
Mais il aurait tort de s'attribuer la priorité de cette
découverte dans les cellules végétales.
Dès 1880, Flemming a constaté le fait chez Nothoscordon (^).
Dans son grand ouvrage " Zellsubstanz, Kern und Zelltheilung „
publié en 1882, le même auteur a représenté Planche IV b,
figure 70 une cellule de Lilium tigrlnum démontrant la division
longitudinale des chromosomes primaires aussi distinctement
(*) Flemming. BeUi-rKje ziir Keiiiiiiiisa der Zelle. Th. II. Archiv fur mikrosk.
Anatomie. 1880 Tab. II fig. 21. Reproduite dans Sachs : Vorlesungen ujjcr
Pflanzenphysiologie, p. d23. Fig. 4.
LA RÉPLIQUE DE M. GUIGNARD A MA NOTE. 121
et aussi indiscutablement que n'importe quelle figure du
mémoire de M. Guignard. Flemming dit avoir eu sous les yeux
de nombreuses cellules végétales, démontrant le dédoublement,
dans des préparations de Lilium tif/riniifii et de NotJioscorchn
fragans. Il évalue à deux ou trois douzaines le nombre des
cellules dans lesquelles les chromosomes étaient manifestement
en voie de dédoublement. (Ibidem, page 311.)
Il en conclut que le phénomène qu'il a découvert chez la
Salamandre se produit également chez les végétaux et il
attribue à l'action des réactifs, qui déterminent fréquemment
une soudure artificielle des anses jumelles, l'opposition de
Strasburger. Flemming a constaté en outre que dans les anses
secondaires des cellules végétales (Lilium croceum) (^), les anses
sont moitié moins épaisses que les anses primaires, tout comme
chez la Salamandre et que le nombre total des anses du dyaster
est double environ de celui de l'aster primaire.
C'est donc à Flemming et non à M. Guignard, dont les publi-
cations datent de 1883 et de 188.1, que revient le mérite de la
découverte du dédoublement longitudinal, non seulement chez
les animaux, mais aussi chez les végétaux. M. Guignard a
confirmé par de nombreuses observations la découverte de
Flemming et ce à une époque où Strasburger contestait encore
la réalité des faits. Mais l'opposition de Strasburger ne peut
faire qu'une découverte qui appartient à Flemming devienne
la propriété de M. Guignard.
Il me reste à examiner un dernier point.
M. Guignard a-t-il fait connaître le premier, comme il le
prétend, le cheminement en sens opposés des anses jumelles
résultant du dédoublement longitudinal des chromosomes
primaires. Dans sa réplique, il fonde sa revendication sur trois
citations.
Voici la première.
" Les deux moitiés s'isolent complètement. Dès lors le
(') Flemming. Zclhubstmiz, Kern uud ZelUlicilianj. 1882, page 3M. Tab. IVO,
fig. 70.
122 EDOUARD VAN BENEDEN.
" nombre des bâtonnets est doublé : au lieu de douze on en
•' compte vingt-quatre. Chacune des moitiés entrera dans la
" formation d'un des noyaux-filles. „
J'ai montré plus haut que l'auteur a en vue ici non des anses
jumelles, mais bien les éléments provenant d'une seconde
segmentation transversale. Simon contradicteur était justifié
à appuyer sa réclamation sur cette affirmation, par laquelle il
ne fait que reproduire les données de Strasburger, ce n'est pas
à M. Guignard, mais à Strasburger que reviendi-ait la décou-
verte du sort des anses jumelles. Cari' eminent cytologue de
Bonn a soutenu longtemps avant M. Guignard que chacune
des moitiés d'un segment primaire, résultant d'une seconde
segmentation transversale, entre dans la formation d'un des
noyaux-filles. Il se trouverait ainsi que celui qui niait contre
Flemming la réalité du dédoublement longitudinal aurait décou-
vert le sort des anses jumelles dont il contestait l'existence !
Voici la seconde phrase qu'invoque M. Guignard pour établir
ses droits de priorité.
" Chaque moitié des segments, devant concourir à la formation
" des deux noyaux-filles, tourne une de ses extrémités plus ou
" moins recourbée ou l'angle formé par ses deux branches, si
•' la courbure se fait au milieu, dans la direction des pôles qui
" constituent deux nouveaux centres d'attraction autour
" desquels les segments dédoublés affectent une disposition
" rayonnante. „
Qu'est-ce que M. Guignard entend par " chaque moitié des
segments „ et par " segments dédoublés „ ? Nous avons vu
qu'il confond sous une même dénomination (de dédoublement
longitudinal) la seconde segmentation transversale signalée
dans les cellules polliniques et la vraie division longitudinale
des anses primaires. Comment mon savant contradicteui' s'y
prendrait-il pour établir qu'il avait en vue, en formulant cette
proposition, les anses jumelles et non les bâtonnets segmentés ?
M l'une ni l'autre de ces deux premières citations ne prouve
donc que M. Guignard aurait eu l'idée du cheminement en sens
inverses des anses jumelles.
LA RÉPLIQUE DE M. GEIGNARD A MA NOTE. 123
Il n'en est pas de même de la troisième.
A la page 26 de son Mémoire détaillé, l'auteur, après avoir
nettement décrit le dédoublement longitudinal dans les noyaux
du sac embryonnaire du Lilimn candidum, dit formellement que
les segments primaires se dédoublent " en deux moitiés destinées
chacune à l'un des noyaux-filles „. Ici le doute n'est pas
possible ; ce sont bien les anses jumelles que M. Guignard avait
en vue. Il a donc affirmé le cheminement en sens inverses des
anses secondaires résultant du dédoublement longitudinal.
La seule conclusion à tirer de cette affirmation, c'est que
l'auteur a eu l'idée du cheminement en sens inverses. Mais
cette idée, Flemming l'avait eue avant M. Guignard. Celui-ci
a-t-il été plus loin que Flemming? A t-il tranché par l'observation
une question que Flemming n'a pas résolue ? A-t-il démontré
ce que Flemming n'a fait que supposer ? Pour répondre à ces
questions, il importe de lire attentivement le Mémoire détaillé
de M. Guignard. Il ressort avec la dernière évidence de cet
examen, non seulement que M. Guignard n'apporte aucune
OBSERVATION à l'appui dc cette idée, mais qu'il n'a pas même
soupçonné qu'il importait de diriger son attention sur cette
question et de chercher à la résoudre objectivement.
Après avoir écrit cette phrase sur laquelle il fonde sa
revendication : " Dans la figure 108, ils (les bâtonnets) sont
manifestement sur le point de subir un dédoublement longitu-
dinal et de se séparer ainsi en deux moitiés destinées chacune à
l'un des noyaux-filles „, il ajoute quelques lignes plus bas :
"je regrette de n'avoir pu suivre dans les détails toutes les
phases de la division du noyau primaire ; c'est chose difficile
quand il s'agit de cet organe ; mais il n'est pas douteux
qu'elles ne ressemblent entièrement à celles que nous connais-
sons déjà.,,
M. Guignard dira-t-il que ses observations en ce qui con-
cerne la division des noyaux primaires du sac embryonnaire du
Lilimn, auquel s'appliquent les déclarations que j'ai rappelées,
l'autorisaient à affirmer le cheminement en sens inverses de
chacune des anses jumelles ?
12-1 EDOUARD VAN BENEDEN.
Ces observations les a-t-il faites sur un autre objet ? Dans
aucune des descriptions de la mitose relatives à d'autres noyaux,
il n'est plus même question ni de cheminement des anses secon-
daires vers les pôles, ni de répartition égale de la cliromatine
primaire.
A la fin du mémoire, l'auteur résume ses conclusions. L'on
n'y trouve pas une allusion, pas un mot qui soit relatif à ces
phénomènes. Or, tous ceux qui connaissent pour l'avoir étudiée
par eux-mêmes la question de la mitose savent que de tous les
phénomènes l'un des plus difficiles à constater, sinon le plus
difficile de tous, c'est précisément la marche des anses jumelles.
Flemming reconnaît que ses observations ne l'autorisent
pas à rien affirmer à cet égard. Pour résoudre la question
au moyen d'un matériel aussi défavorable à cette étude que
celui au(iuel M. Guignard a eu recours, défavorable à raison
du nombre considérable des chromosomes primaires et de leur
mode de groupement, il aurait dû tout au moins en faire l'objet
d'un examen spécial et y consacrer par conséquent du temps et
de la peine. MM. Heuser, Strasburger et Rabl ne me contre-
diront certainement pas sur ce point. Dès lors, je le demande, si
ces observations il les avait faites, M. Guignard se serait-il
abstenu de les relater, eût-il oublié de formuler dans ses conclu-
sions les résultats de ses recherches? eût-il négligé de figurer
quelques-unes au moins des figures établissant le cheminement
en sens opposés ?
Dans le cours de l'année 1884, M, Guignard a publié de
nouvelles observations sur la division cellulaire Ç). Il ne s'y
trouve mentionné, pas plus que dans le mémoire publié dans les
Annales des sciences naturelles, au début de la même année,
aucune observation relative au cheminement en sens opposés.
L'auteur rectifie ses observations antérieures sur la mitose des
cellules-mères polliniques ; l'incurvation des segments primaires,
suivie de l'accolement des deux moitiés d'un même segment
(*) Nouvelles nb.teri'atioììs snr la atructure el la divisiun du noijdu-cclliilaire^ ISSi.
Jiulleliii de la Société botanique de Lyon.
LA RÉPLIQUE DE M. GUIGNARD A MA NOTE. 125
n'existerait point; mais il s'opérerait ici, comme dans les noyaux
de l'albumen, du parenchyme des ovules, des ovaires, etc., un
fendillement longitudinal. Je ferai remarquer que ce résultat
avait été prévu par Flemming {Zellsiibstam, Kern und Zell-
theihmg, page 314) et que moi-même, discutant les observations
de Strasburger, j'ai exprimé l'idée que ses figures pouvaient
être interprétées comme indiquant l'existence d'une division
longitudinale chez les végétaux {Eeclierclies sur la fécondation,
p. 5UG). Néanmoins je crois-pouvoir certifier que jamais Flem-
ming ne revendiquera, pas plus que moi-même, la découverte
du dédoublement longitudinal dans les cellules même Polliniques
des végétaux. Autre chose l'hypothèse, autre chose l'observa-
tion. Ce phénomène serait donc général chez les végétaux,
comme chez les animaux. Quant au sort des anses jumelles, elle
ne préoccupe pas M. Guignard : son attention est toujours et
exclusivement dirigée sur le fait du dédoublement longitudinal.
Et cependant, au moment où il écrivait cette nouvelle brochure,
les travaux de Heuser et de Strasburger établissant la réalité
du transport en sens opposés avaient paru ; ces travaux
M. Guignard les connaissait ; mais il n'avait pas encore saisi la
haute portée de la démonstration fournie par Heuser.
Mon savant contradicteur n'a donc fourni aucune observa-
tion, aucune contribution à la démonstration du fait dont je
revendique la priorité et pour Heuser et pour moi-même.
Comme Flemming, il a eu l'idée du cheminement en sens
opposés. Mais en matière de sciences d'observation l'hypothèse
ne suffit pas : un fait n'est acquis comme réel que quand il a
été établi par l'observation.
Si quelque botaniste, après la publication du mémoire dans
lequel Flemming signalait pour la première fois le dédouble-
ment longitudinal chez la Salamandre, s'était avisé d'affirmer
la réalité de ce même dédoublement dans les cellules végétales,
sans l'avoir objectivement constaté au préalable, serait-il fondé
à prétendre à la découverte de ce dédoublement chez les plantes?
Là est toute la question. J'abandonne à ceux qui ont autorité
pour se prononcer dans le débat soulevé par M. Guignard, le
soin de la résoudre.
126 EDOUARD VAN BENEDEN.
Je conclus :
Monsieur Guignard a admis à priori sans y être autorisé par
aucune observation, l'hypothèse du cheminement en sens
opposés des anses jumelles. Si la découverte de ce fait doit
être attribuée à celui qui a le premier soupçonné son existence,
cette découverte appartient à Flemming, non à M. Guignard.
Et si, comme le prétend M. Guignard, la division longi-
tudinale impliquait nécessairement le cheminement en sens
opposés, ce qui est absolument insoutenable, la découverte du
cheminement appartiendrait une fois de plus à Flemming. Car
c'est Flemming et non M. Guignard qui a le premier démontré
l'existence du dédoublement non seulement chez les animaux,
mais aussi chez les végétaux.
L'on sait aujourd'hui, grâce à mes recherches, à celles de
Heuser et de Rabl, que le dédoublement longitudinal a pour
résultat de répartir également la chromatine d'un noyau
primaire entre les noyaux qui en dérivent. M. Guignard n'a
pas compris la portée du phénomène, pour avoir confondu sous
un même nom de "' dédoublement longitudial „ le fendillement
des anses découvert par Flemming et une seconde segmentation
transversale admise par Strasburger, pour avoir admis en outre
que chez les végétaux tantôt l'un, tantôt l'autre phénomène
s'accomplit à l'exclusion de l'autre.
La première démonstration du cheminement en sens opposés
des anses jumelles et de la répartition égale de la chromatine
primaire entre les noyaux secondaires a été fournie par Heuser
pour des cellules végétales, par moi pour des cellules animales.
Sur la circulation céphalique croisée, ou échange de
sang carotidien entre deux animaux,
Léon FEEDERICQ.
Je prends deux chiens ou deux très grands lapins A et B,
convenablement anestliésiés. Sur tous deux, je lie les vertébrales
et je prépare les carotides. Sur tous deux, l'une des carotides,
celle de droite, par exemple, est coupée en travers; puis je relie
le bout central, cardiaque de la carotide droite du lapin A, avec
le bout périphérique ou céphalique de la carotide droite du lapin
B, au moyen d'un court tube de verre effilé en canule à ses deux
extrémités, et rempli au préalable de la solution physiologique
(Na Cl à 0.6 o/o). Un second tube établit pareillement la
communication entre le bout central de la carotide droite de B
et le bout périphérique de la carotide de A. La carotide gauche
est ensuite liée chez les deux lapins.
Dans ces conditions, la tête du lapin A ne reçoit que du sang
venant du corps de B, et la tête du lapin B ne reçoit plus que
du sang venant de A. Il y a chez les deux animaux échange de
sang carotidien ou circulation céphalique croisée par les canules
placées dans les deux carotides droites.
Les animaux supportent parfaitement cette opération et ne
présentent aucun trouble des mouvements respiratoires, ni des
128 LÉON FREDERICQ.
battements du cœur. L'expérience pourra être prolongée
d'autant plus longtemps que les canules de verre qui relient les
artères seront plus larges et plus courtes, ce qui retarde la
coagulation du sang dans leur intérieur. Il arrivera cependant
un moment où cet accident se produira fatalement, entraînant
comme conséquence l'arrêt de la circulation commune et
l'obstruction du dernier gros vaisseau nourricier de la tête.
Les lapins ne survivent généralement pas à cette oblitération
et meurent en présentant les symptômes de l'anémie aiguë du
cerveau, c'est-à-dire les phénomènes de dyspnée et de convulsions
décrits poui' la première fois par Kussmaul et Tenner. Chez
les chiens, au contraire, il y a de larges anastomoses entre les
vaisseaux encéphaliques et les vaisseaux spinaux : aussi
l'oblitération simultanée des vertébrales et des carotides
n'arrête pas la circulation encéphalique et ne présente pas les
mêmes dangers que chez le lapin. Le fait a été signalé depuis
longtemps.
Mais reprenons nos animaux au début de l'expérience,
c'est-à-dire alors que la circulation commune fonctionne norma-
lement, sans formation de caillots dans les canules. A ce
moment , les deux lapins à circulation céphalique croisée
permettent de réaliser une expérience que je considère comme
très importante au point de vue de la théorie de la respiration.
Si l'on cherche à produire de la dyspnée chez le lapin A par
l'un des moyens usuels (oblitération complète ou partielle de la
trachée, respiration d'un mélange gazeux pauvre en 0, ou riche
en CO2), c'est B, l'autre lapin, celui dont la tête reçoit le sang
de A, qui présentera les symptômes de la dyspnée (mouvements
respiratoires exagérés, profonds ; expirations actives pouvant
dégénérer en convulsions, etc.), tandis que A pourra, tout au
moins au début, présenter plutôt une tendance à V aimée,
c'est-à-dire une diminution dans l'amplitude des mouvements
respiratoires.
Ces faits trouvent une explication des plus satisfaisantes, si
l'on se place au point de vue de la théorie de Rosenthal sur la
régulation des mouvements respiratoires.
SUR LA CIRCULATION CÉPHÀLIQLTE CROISÉE. 129
Les muscles respiratoires reçoivent, comme on sait, leurs
impulsions motrices de centres nerveux situés clans la moelle
allongée ( nœud vital de Flourens , centres respiratoires ).
Rosenthal admet que le degré d'activité de ces centres et
l'énergie de la ventilation pulmonaire qui en est la conséquence,
sont réglés à chaque instant par les besoins respiratoires de
l'organisme ; et que c'est la qualité du sang (teneur en 0 et
en CO2) qui circule dans la moelle allongée, qui sert ici de
régulateur : excitation exagérée des centres respiratoires
{dyspnée), quand il y a pénurie d'oxygène ou excès de CO2 dans
le sang qui baigne la moelle allongée ; ralentissement ou arrêt
momentané de la respiration {apnèe), quand il y a excès
d'oxygène ou déficit de CO., dans le sang de la circulation
céphalique ; enfin respiration ordinaire ou eupnee, quand il y a
une proportion moyenne de COo et d'O dans le sang artériel
de la tête.
Appliquons ces données à l'interprétation de notre expérience
de circulation croisée. Au moment où l'on ferme la trachée du
lapin A, l'air qui reste dans ses poumons se vicie en peu
d'instants et le sang veineux qui revient aux poumons ne peut
plus s'y charger d'oxygène ni s'y débarrasser de son excès
de COo. C'est ce sang veineux non revivifié, non artérialisé, que
le cœur lance ensuite dans tout le corps de A, sauf la tête, qui
reçoit du sang normal venant de B. Les centres respiratoires
de A, étant convenablement nourris et fournis de gaz vivifiant,
ignorent la pénurie d'oxygène du reste du corps, et n'inter-
viennent pas pour la corriger; le lapin A ne montre aucun
signe de dyspnée.
Chez le lapin B, au contraire, les centres respiratoires et la
tête entière reçoivent du sang noir, veineux, venant de la
carotide de A ; ils réagissent immédiatement comme si tout
l'organisme de B était menacé d'asphyxie, en exagérant les
mouvements respiratoires du thorax. Le lapin B présentera
donc un accès de dyspnée, quoique tout le corps, sauf la tête,
reçoive un sang artériel suroxygéné par les efforts respira-
toires exagérés du thorax.
9
130 LÉON 'FREDERICQ.
On peut doue modifier à volonté le rythme et le type des
mouvements respiratoires en agissant uniquement sur la
composition du sang- qui circule dans la tête d'un animal. En
effet, le seul lien physiologique qui existe entre la tête du
lapin B et le corps du lapin A est constitué par le sang qui
circule dans les canules de verre qui relient les deux animaux.
L'expérience telle que je viens de la décrire me paraît donner
une démonstration simple et élégante de la théoiie de Rosenthal,
qui voit dans la composition du sang qui circule dans la tête le
régulateur des mouvements respiratoires. Cette théorie a eu la
fortune assez commune d'avoir été acceptée presque sans
discussion pendant fort longtemps, et d'être, depuis plusieurs
années, combattue avec acharnement par plusieurs des physio-
logistes qui se sont occupés de l'innervation de la respiration
(Hoppe-Seyler, Marckwald, Mosso, etc.).
L'anémie expérimentale
comme procédé de dissociation des propriétés motrices
et sensitives de la moelle épinière.
Léon FREDERICQ.
§ I.
Lorsqu'on pratique sur le lapin la ligature de l'aorte abdomi-
nale, on observe presque immédiatement la suppression de la
motili'é et de la sensibilité dans F arrière-train de l'animal
(expérience dite de Sténon (^)).
Schiffer {^) a montré que la paralysie et l'anestliésie sont ici
d'origine médullaire et que les organes périphériques, nerfs,
muscles, etc., supportent beaucoup plus longtemps que la moelle
lombaire la privation de sang artériel. Parmi ces organes péri-
phériques, les plaques terminales des nerfs moteurs ainsi que
(') Il vaudrait mieux, me scmble-t-il, donner à l'occlusion de l'aorle des Mammi-
fères, le nom A'expib-ience de Sirmuiiicnlam, puisque Swammerdam a le premier
r(^alisé cette opération sur un Mammifère, tandis que Sténon expérimentait sur des
Poissons.
Tous les deux ont publié leurs reclierches la même année : Johannis'Swammkiuiami.
Tractatnx de nespiraUoiie, Lugd. Batav., \G(J1, pp. G1-G2. — Nicolai Stf.nonis.
Element, myologiœ sperimcii, cui ncccdiiut catiix carcliariœ dissectiiin caput et dissec-
tiis piscis ex cavuin rjeneic. Amstelodamiae, -1007, p. -109. (Cités par Spronck.)
(-) ScHlFFcn. Uebcr die Bcdeittuixj des Steusnn'scheii Ver.\iiclic.i. Centralbiall fiir
die medicinischen Wissenschafle. 18G9, n"*^ 37 cl 38, p. inO et u93.
132 LÉON "FREDERICQ.
les terminaisons des nerfs sensibles sont atteintes en premier
lieu, bien avant les muscles ; et ceux-ci, à leur tour, résistent
moins longtemps que les troncs nerveux (Brown-Séquard).
Si l'expérience est faite chez le cliien ou le chat, la paralysie
motrice de la moelle peut être précédée d'une phase d'excitation
de cet organe, se traduisant par des convulsions passagères
(convulsions anémiques) dans les muscles de l' arrière-train
(Haller, Vulpian, Luchsinger, etc. (^) ).
Si on relâche la ligature aortique, les symptômes de paralysie
et d'anesthésie de l' arrière-train se dissipent ultérieurement, à
condition que l'occlusion de l'aorte n'ait pas duré trop long-
temps (oblitcîration de l'aorte par le procédé de du Bois-Iiey-
mond (")). La restitution peut encore se faire après une
interruption de la circulation d'un quai't d'heure, d'une demi-
heure ou même de plus d'une heure, d'après Stannius et Brown-
Séquard (^). Cependant, d'après Ehrlich et Brieger, Spronck,
après une heure d'anémie, la mort de la moelle lombaire est, en
général, irrévocable. Ceci n'empêche nullement l'animal de
continuer à vivre et permet d'étudier les effets de la nécrose
anémique sur les éléments histologiques de la moelle lombaire
et des nerfs périphériques (*).
(') Ai.miECHT VON Haller. Deux ìncnìoirca sur le innnvemeni du samj. Lausanne,
dlSO, pp. 43 et 203. (Cild par Luchsinger.)
S. Mayer. Znr Leitre von de.r Anàntie des Itiìckcninaikcs. Zeitsclirift fiir Ueilkundc,
4883, IV, p. 2G.
Ll'CHSINGER. Ziir Keììiitiìi.is dcr Fnnclioncn des Rïiclicnmarkcs. Archiv fur die
gesammle l'hysiologie, 'I8'8, XVI, p. SIO.
(-) E. DU Bois-Reymond. Abmdcnimj des Siensoit'sclien Ycrsucliesfïir VoilcsiDigcn.
Archiv fiir Anatomie und Physiologie, 4800, p. G39.
(^) Stannius. Uulersucluingen 'ûher Leistunrjsfàhigkcit derMuskeln und Todtcnsiarre,
Archiv fur physiologische Heilkunde, dSoS, XI, p. \. (Cité par Spronck.)
Brown-Séquard. Ancdijse des rcchcrdies de Kussmaul et Tenner. Journal de la
physiologie de l'homme et des animaux, 1838, I, p. 201.
Sur la persistance de la vie dam les membres- atteints de rigidité qu'on appelle
cadavérique. Comptes rendus, 1831, t. XXXII, p. 833 et 897.
(*) Ehrlich et Brieger. Ueber die Ausschaltung des Lendenmarkgrau. Zeilschrift
fijr klinischc Medicin, 18Sk VII Suiìplementheft, p. 133.
C.-H.-D. Spronck. Over iscbaemie van bel ruggcinerk. Akademisch proefschrift.
Amsterdam, -1886.
l'anémie expérimentale. 133
§n.
Le défaut de presque toutes les expériences dont il vient
d'être question, c'est qu'elles ont été pratiquées sur le lapin.
Or, cet animal se prête fort mal à l'étude des fonctions de la
moelle épinière. Luclisinger avait déjà insisté sur le fait.
J'ai repris ces recherches sur le chien et je suis arrivé à
quelques résultats intéressants et nouveaux que je formulerai
de la façon suivante :
1» Sous l'influence de l'anémie aiguë, due à l'occlusion de
l'aorte, la sphère d'activité sensitive de la moelle lombaire du
chien passe, comme la sphère motrice, par une période de vive
excitation qui précède immédiatement la phase d'anesthésie et
qui se traduit par des manifestations douloureuses ;
2" Les sphères motrice et sensitive de la moelle ne sont pas
atteintes en même temps dans l'expérience de Sténon-Swam-
merdam. Il s'écoule un intervalle d'environ deux minutes entre
le début de la paralysie motrice et la suppression de la sensibi-
lité de la moelle;
3'^ Si l'occlusion de l'aorte n'a duré que quelques minutes, la
restitution de la sensibilité, complète au bout de peu de temps,
se montre bien avant que les premiers signes de motilité repa-
raissent.
En réglant convenablement les périodes d'occlusion et d'ou-
verture de l'aorte, on pourrait arriver à supprimer les fonctions
motrices de la moelle, tout en conservant presque intactes les
fonctions sensibles. L'anémie de la moelle nous fournit donc un
procédé curieux de dissociation physiologique des propriétés
motrices et sensitives de ce centre nerveux.
Contribution à l'élude expérimentale des lésions de In moelle épinière déterminées
par Vanémie passagère de cet organe. Archives de physiologie normale et patholo-
gique, 4888, p. \.
J. Singer. Veber die Vcrànderungen des Hi'ichenmarkcs nacli :eiii('ciscr Verschlies-
sunrj der Baucltaortn. Sitzungsbcrichle dcr Wiener Akadeinie, o. Ahth. XCVI,
pp. 43(i-lo8, 2 Taf. el Prager medicinischeWochenschrift, 1887, XII, u" 4o, p. 382.
13i LÉON FREDERICQ.
§ ni.
Voici comment j'opère :
Un grand cliien non anesthésié (^) est maintenu sur le dos,
dans la gouttière d'opération, par deux aides. On évite de lier
les pattes, surtout les pattes de derrière, alin que l'animal ne
présente aucun trouble de la sensibilité ni de la motilité au
moment de l'occlusion de l'aorte.
La carotide droite est mise à nu à la région inférieure du cou.
On lie le bout périphérique, on pratique au bout central du
vaisseau une boutomiière par laquelle on glisse, dans la direc-
tion de la poitrine, un tube en laiton, long de 30 à 40 centi-
mètres et de 3 millimètres de diamètre (ou mieux une sonde en
gomme, n» 5) coiffé, à son extrémité obtuse, d'un petit doigt de
gant en caoutchouc extensible. On pousse le tube en l'inclinant,
de manière qu'il pénètre, non dans la direction du ventricule
gauche, mais dans l'aorte thoracique descendante, où on
l'arrête. On fixe à la carotide, au moyen d'un fil à ligature,
l'extrémité du tube qui reste à l'extérieur. Cette extrémité est
munie d'un robinet et porte un bout de tube de caoutchouc
épais, permettant d'y raccorder la canule d'une petite seringue
chargée d'eau.
On peut alors détacher complètement l'animal et le laisser
libre de tous ses mouvements. Dans ces conditions, il suffit
d'injecter dans le tube 10 à 15 ce. d'eau et de refermer immé-
diatement le robinet pour gonfler le doigt de gant qui coiffe
l'extrémité de la sonde aortique et la transformer en ampoule.
Cette ampoule produit l'occlusion complète de l'aorte thora-
(•) Il n'est pas necessaire d'anesth(?sier l'animal pour metire la carotide à nu. Le
premier coup de scalpel dans la peau du cou produit par inhibition une espèce d'anes-
Iht^sie qui permet souvent de terminer l'opération sans que l'animal pousse le
moindre gémissement.
Voir : Brown-SÉQUARD. Sur dii'crs effets d'irritation de la partie antérieure du cou
et en particulier la perte de semibilité et la mort subite. Comptes rendus, 4 887,
t. CIV, pp. 9o 1-934. — Sur une espèce d' anesthésié artificielle sans sommeil et avec
conservation parfaite de l'intellUjence, des mouvements volontaires, des sens et de la
sensibilité tactile. Comptes rendus, 4885, t. G, pp. 1300-1309.
L ANÉMIE EXPÉRIMENTALE. 135
cique: les pulsations disparaissent à l'instant dans les crurales (^).
Pour rétablir le cours du sang dans l' arrière-train, on ouvre le
robinet; l'eau s'écoule et l'ampoule aortique s'affaisse.
Il est facile, au moyen de ce dispositif expérimental,
d'observer, à la suite de l'oblitération de l'aorte, les quatre
phases suivantes :
1° Période d'excitation motrice de la moelle ;
2» Période de paralysie motrice de la moelle ;
3» Période d'excitation sensible de la moelle ;
4" Période d'anesthésie de la moelle.
De même, après rétablissement de la circulation, on pourra
distinguer successivement :
l» Le rétablissement de la sensibilité de la moelle ;
2» Le rétablissement de la motilité de la moelle (-).
Excitation motrice. — La période d'excitation motrice
survient 15, 20 ou tout au plus 25 secondes après l'occlusion
de l'aorte. Elle se traduit par un accès de contractions
(') Pawlow a employé au laboratoire de Ludwig un procédé analogue pour pro-
duire l'occlusion de l'aorte Ihoracique au moyen d'une ampoule et d'une sonde intro-
duites par la sous-clavicre gauche. Ch. Bohr s'est également servi d'une sonde
introduite par la sous-clavière gauche.
Voir . l'AWl.ow. ì'AììjlunH dea Va(jaii ciuf de liiil.e lliji-zlidiiniicr. Arcliiv fur Physio-
logie, Ì887, p. 4o2. — Christian Bohr. Vcbcr die Ilespiraiioìì narh Injection von
Pepton nnd liliitcf/clinfiinK und iïber die licdeutnwj ciiizcbicr Onjaiie ft\r die Gerinn-
barkcii des Dlute-t. Centralblatt fiir Physiologie, 1888, p. ^(j1.
(-) Les résultats des expériences de lirown-Séijuard et de Spronck sont ici en
contradiction directe avec ceux dos miennes. Voir: ItnowN-SiioiiARii, G. U. Acad.
dSol, t. XXXIII, p. 8oG.
« J'ai lié l'aorte immédiatement au-dessous de l'origine des rénales sur des lapins
vigoureux. La sensibilité a été perdue en six, huit ou dix minutes dans le train
postérieur ; deux minutes après, les mouvements volontaires ont cessé; l'irritabilité a
duré prés d'une heure », etc
Spronck, Ak. Proefs., p. 24. « Wannecr de ligatuur den bloedstroom langs de aorla
niei volkomen ophief, konden de dieren nog geruimen tijd eenige willekeurige
bcwegingen maken, de sensibiliteit was dan reeds vroeger totasl verlorcn gegaan,
en wanneer ook al nade ophedlngder ligatuur de moliliteit gedeellelijk terugkecrde,
bleven anœsthesie en analgesie meestal voorbestaan.
Het is dus als of de sensible gangliénccllen voor aiucmie gevoeliger zijn dan de
motorische. »
136 LÉON FREDERICQ.
tétaniques, envahissant tous les muscles de l' arrière-train : la
queue est raicle ; les pattes, dans l'extension forcée, sont prises
d'un tremblement convulsif. Si l'on a pratiqué l'occlusion de
l'aorte alors que l'animal était libre de ses mouvements et se
promenait à quatre pattes, on le voit s'arrêter et s'arcbouter
pour ainsi dire sur ses pattes postérieures raidies et étendues en
arrière. Cet accès tétanique ne dure guère qu'un quart de
minute et fait bientôt place au relâchement musculaire de
] 'arrière-train. La période d'excitation motrice ne se montre
pas chez le lapin. Elle peut, d'ailleurs, manquer également chez
le chien.
Paralysie motrice. — La paralysie motrice est complète
moins d'une minute (au bout de 30 à 40 secondes environ) après
k suppression de la circulation dans la moelle lombaire. Elle
atteint les muscles des pattes et de la queue. L'anus est large-
ment ouvert et laisse échapper à l'extérieur le contenu de
l'intestin. Dans plusieurs cas, j'ai noté également un suintement
continu d'urine, s' écoulant goutte à goutte.
L'arrière-train du chien s'aifaisse brusquement et l'animal,
traînant derrière lui ses membres postérieurs inertes, présente
une allure rappelant celle du phoque. Parfois, il cherche
à s'asseoir sur son train postérieur paralysé. Le tronc se penche
alors trop fortement en arrière et le chien tombe fréquemment
à la renverse. C'est en prévision de ces chutes qu'il est bon,
lorsqu'on ne fixe pas l'animal sur la table d'opération, de faire
usage comme obturateur d'une sonde en gomme flexible au lieu
du tube en métal. L'emploi du tube rigide expose à mie
perforation de l'aorte et à la mort foudroyante par hémorrhagie
interne.
A ce moment, la sensibilité de l' arrière-train est encore
intacte. L'animal crie si on lui marche sur la queue ou sur mie
patte de derrière, mais ne retire pas le membre paralysé.
L'excitation électrique du nerf sciatique provoque des cris et
des gémissements, outre des mouvements locaux dans la patte
innervée par le nerf. La portion motrice de la moelle lombaire
est donc seule atteinte jusqu'à présent.
l'anéme expérimentale. 137
Excitation sensitive. — La période d'excitation de la portion
sensible de la moelle lombaire débute une minute et demie,
deux minutes ou même deux minutes et demie après l'occlusion
de l'aorte. La respiration devient plus profonde et plus
fréquente, les expirations s'accompagnent de gémissements qui
bientôt se transforment en hurlements. La pression artérielle
subit en même temps une hausse considérable. Cette excitation
douloureuse de la moelle m"a paru plus accentuée chez les
animaux attachés sur le dos dans la gouttière d'opération que
chez ceux que je laissais se promener librement. A la période
d'excitation douloureuse de la moelle, succède l'anesthésie
complète de l' arrière-train.
Anesthésie. — Si l'on examine de temps en temps, au moj^en
du courant électrique, l'excitabilité du nerf sciatique, on
constate que l'anesthésie ne se montre généralement que trois
minutes au moins (parfois trois minutes et demie) après l'occlu-
sion de l'aorte. A partir de ce moment, les fonctions sensibles
et motrices de la moelle sont suspendues.
Les organes périphériiiues, nerfs et muscles, conservent leur
irritabilité beaucoup plus longtemps. L'excitation électrique du
sciatique provoque des mouvements dans les muscles de la patte
correspondante pendant plus d'une demi-heure après occlusion
de l'aorte. Au bout de trois quarts d'heure, les plaques
terminales paraissent atteintes à leur tour : les muscles ne se
contractent plus par l'intermédiaire du sciatique, mais leur
excitabilité directe persiste encore pendant longtemps.
Eetour de la sensibilité. — Il suffit d'ouvrir le robinet de la
sonde pour laisser écouler à l'extérieur l'eau dont elle était
chargée. Les pulsations reparaissent immédiatement dans les
crurales. Si la suspension de la circulation n'a pas duré plus de
cinq à dix minutes, on verra la sensibilité (essai de l'excitation
électrique du sciatique, compression de la queue ou de la patte)
reparaître au bout de quelques minutes.
Retour de la motilité. — La motilité reparaît longtemps
(un grand nombre de minutes) après le retour de la sensibilité.
138 LÉON FEEDERICQ.
Les mouvements volontaires se rétablissent peu à peu et
présentent pendant assez longtemps un certain degré d'in-
certitude. L'animal marche souvent en s'appnyant, des pattes
de derrière ou d'une des pattes, sur le dos du pied replié et non
sur la plante.
Je n'ai pas observé chez le chien, lors du retour de la
motilité et de la sensibilité, les phénomènes d'excitation signalés
par Ehrlich et Brieger chez le lapin.
Je me réserve de publier ultérieurement mes recherches sur
la pression sanguine, le rythme respiratoire, la distribution du
sang et la coagulabilité de ce liquide au cours de l'expérience
de Sténon-Swammerdam.
Recherches sur le rythme respiratoire,
l'AU
IVBL BIENFAIT et HOGGE,
Ëluiliaiils en nuMecine, ;i Liùge.
Les muscles respiratoires reçoivent, comme on le sait, leurs
impulsions motrices de centres nerveux situés dans la moelle
allongée (nœud vital de Flourens, centres respiratoires).
Rosenthal et Pfliiger admettent que le degré d'activité de
ces centres et l'énergie de la ventilation pulmonaire, qui en
est la conséquence, sont réglés, à chaque instant, par les
besoins respiratoires de l'organisme, et que c'est la qualité du
sang (teneur en oxygène et en acide carbonique) qui sert ici
de régulateur : excitation exagérée des centres respiratoires
et dyspnée, quand il y a pénurie d'oxygène ou excès de CO^
dans le sang qui baigne la moelle allongée ; ralentissement, ou
arrêt momentané de la respiration (cqméé), quand il y a excès
d'oxygène ou déficit de CO^ dans le sang de la circulation
céphalique ; enfin, respiration ordinaire ou eiqmée, quand il y a
une proportion moyenne de CO^ et d'O dans le sang artériel
de la tête.
C'est donc la composition du sang circulant dans la tête qui
sert de régulateur aux mouvements respiratoires.
Cette théorie, acceptée presque sans discussion par la plu-
part des physiologistes au moment de son apparition, a été
depuis quelques années l'objet de critiques nombreuses.
L'explication de l'apnée, telle que l'avaient formulée Ro-
140 BIENFAIT ET HOGGE.
sentlial et Pfliiger, a été remise en question par P. Hering,
Ewald, Filelme, Knoll, Brown-Séquard, Hoppe-Seyler, Marck-
wald, etc. Cette explication de l'apnée compte peut-être au-
jourd'hui plus d'adversaires que de ^partisans. Les autres
points de la théorie de la respiration formulée par Rosenthal
ont également été soumis à des attaques, plus ou moins
directes, de la part de Hoppe-Sejder, Mosso, Markwald, etc.
Hoppe-Seyler (^), après avoir exposé les grandes lignes de
la théorie de Rosenthal et de Ptliiger sur l'innervation respi-
(') Hoppk-Seyleu. Uebei- die (Jrsntlie dcr Atlteinbewefjiaiijen. (Zeilschrift fur
pliysioloy. Chemie, Bd. p. 105.) « Solche Hypolhesen in's Unbestimmte sind meiner
Ansicht nach nicht allein nutzlos, soridern nachlheilig, weil sie so hâufig in das
Gewaud ermillelter Thatsacliea gekleidet werden, ohne dass der Autor selbst, wie
das auch Iiier der Fall ist, irgend daran die Scliuld Iragt.
« Die nachslen AiigrifTspunkte zur Unlersuciiung der Ursacheii der Alhembewe-
gungen liegeii wohl niciit auf dein Gebiele der cheniischen Piiysiologic. Da die
physikalische Untersuchung tiber die Yorgiinge in den Nervencenlren, so viel mir
bekannt, noch gar nichts eriniUelt bat, ist der Begriff dieser Ceatren nur ein ana-
tomiîcber. Der einzige Vergleich, den ich inir iiinsichllich der Funktion als Laie zu
macben weiss, wiirde die Enge des verlangerten Markes belrachlen als den Oit, wo
der grossie Theil der Nerven des korpers hiiidurchgehen und ihre Erregung als
Summe den Alhemnerven inducirten, wie die eleklrische Slromschwankung ineinem
Drabl eine solclie im benacbba'ten. Ob das Bild gliicklich isl odcr iiicbt, ist ain Ende
gleicbgultig, jedenfails ist es Tbalsacbe, dasse die Albcinncrven von dea Erregun-
gen der verscbiedensten sensiblen Nerven in Milleidenschafl gezogen werden und
zwar vom Beginn des extrauterinen Lebens. Der erste Athemzug is wobl unzweifel-
haft die Folge der Reizung der sensiblen Nerven durch den jelzt beginnenden Wàr-
meverlust von der Haut. Bleibt er aus, so wendet sich der Geburtshelfer nicbt an
das Atbemcentrum, sondern er reizt die Haut, sowie aucb fiir die Erregung der
Inspiration bei Erwachsenen in der Olinniaebl das Besprengen mit kaltem Wasser die
kriiftigste Wirkung zeigt. »
Hoppe-Seyler développe la même idée dans son traité de cbimie pbysiologiijue (') :
« Da nun iiberhaupt die Ilijpoihexe dcr clieminchen lleizniKj dcr Medulla obluiujata
ah Ur.sache dcr AthembewegiuKjcn nur ah Notlibehelf eiK.staudcn isl, und Griinde zu
seiner Aufrecbthaltung nicht vorliegen, ja sogar die ganze Hypothèse eine klare
Gestalt noch gar nicht gewonnen bat, so fragl sich nur noch welche anderen Môg-
lichkeiten der Erklarung bleiben. »
Et plus loin :
a , nur die Unhaltbarkeit der Verschiebung der Athemreize auf chemisches
Gebiet musste nachgewiesen und ein Boden gewonnen werden fiir das Verstandniss
dcr Einwirkung der verschiedenen Nervenbabnen auf der Gang der Respiration und
der mit ihm veriinderten Ausscheidung von CO.j und Aufnahme von Sauersloff. »
(*) Hoppe-Seyler. l'hi/siilnginhi' (hernie, 187g, p. 544.
RECHERCHES SUR LE RYTHÏIE RESPIRATOIRE. 141
ratoire et en avoir critiqué quelques points, conclut de la façon
suivante :
Les mouvements respiratoires ne sont pas dus à une action
locale du sang sur les centres respiratoires ; mais ils sont en
corrélation directe avec l'excitation des nerfs sensibles; c'est
ainsi que le premier mouvement respiratoire de l'enfant est dû
à l'action du froid sur les nerfs cutanés, et que l'on ranime les
personnes en syncope en les aspergeant d'eau froide. Aucun
motif n'existant pour, soutenir l'hypothèse chimique, on doit
l'abandonner et rechercher une autre explication.
Mosso (^) n'est pas moins affirraatif :
" Jusqu'à présent, dit-il, on pensait que l'activité plus
grande ou plus faible du centre respiratoire représentait le plus
ou moins grand besoin de pourvoir, par la ventilation pulmo-
naire, aux besoins chimiques de l'organisme; je ne crois pas
m' éloigner du vrai en soutenant que les mouvements respira-
toires se modifient d'une manière correspondant à l'état de
sommeil ou de veille, et à la plus ou moins grande activité du
système nerveux.
Pour exagérer mon principe et le rendre plus facilement
compréhensible, je dirai que, jusqu'à un certain point, on peut
considérer comme deux phénomènes distincts la respiration
chimique et la partie mécanique de la respiration.
La partie mécanique, bien qu'elle ne soit pas complètement
autonome, jouit pourtant d'une telle indépendance qu'elle
représente mieux la vitalité des centres nerveux dont elle
dépend que les besoins chimiques de l'organisme „
Enfin, Marckwald (^) nie directement que l'excitation nor-
(') A. Mosso, l.d rcsjìiiitlioìì ]inio
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A
E
160
GEORGE ANSIAUX.
La profondeur des mouvements respiratoires ne suit pas les
mêmes variations; l'augmentation d'amplitude du début persiste.
4" Cette période d'accélération ne dure guère. La respiration
se ralentit insensiblement, d'autres fois brusquement (de 10
mouvements à 4 au bout de 5 minutes, de 9 à 3 au bout de
25 minutes). Au bout d'un certain temps (un quart d'heure en
moyenne), la fréquence est de 1 à 3 pour 6 secondes. La
respiration conserve cette fréquence presque jusqu'à la fin de
l'expérience, c'est-à-dire jusqu'à la mort de l'animal. De plus,
le nombre de mouvements respiratoires est généralement alors
à peu près égal à celui observé avant l'aspersion.
Il y a cependant quelques exceptions, certains chiens
présentant des pauses respiratoires quelquefois très longues,
dont la durée peut être de plusieurs minutes.
5° L'aspersion d'eau froide, avons-nous dit, détermine
toujours une augmentation de l'amplitude des mouvements
respiratoires.
En général, cette augmentation persiste beaucoup plus
longtemps que l'accélération du début.
Cette persistance n'est pas toujours aussi manifeste que dans
le cas donné comme exemple (fig. 2), mais elle est constante.
Le tableau suivant donne le résultat de quatre expériences :
L'amplitude diminue au bout
de
La période de mouvements
respiratoires accélérés est
terminée après . . . .
Chien n" I
Chien n» II
Chien n'MII Chien n« IV
V-2 Il-
io m.
1 h. 15 m.
V, h.
1 h. 45 m.
15 m.
45 m.
15 m.
C'est la combinaison des deux facteurs fréquence et pro-
fondeur des mouvements respiratoires, qui représente l'énergie
de la ventilation pulmonaire. Les travaux de Pfliiger et de
quelques-uns de ses élèves ont démontré qu'il existait deux
LA MORT PAR LE REFROIDISSEMENT.
161
FiG. 2.
A. Graphique de res|)iraiion pris au tkU)ut de l'aspersion, à 10 heures.
li. (jr:i|)hi(|ue pris à midi, 20 minutes avant la mort de l'animal; température
rectale : ^o" ; pression sanguine : S centimètres.
périodes dans la consommation de l'oxygène des animaux soumis
à un refroidissement progressif; à l'augmentation de cette
consommation au début, succède une diminution constante. A la
première période, correspondent l'accélération et l'augmen-
tation d'ami)litude ; comme à la seconde, le ralentissement de
la respiration (•()ml)iné k la diminution de l'amplitude, diminu-
tion ([ui survient plus ou moins tôt.
Au début de l'aspersion, les mouvements respiratoires sont
donc plus profonds et plus fréquents. Il s'agit vraisemblable-
ment d'une action réflexe sur les centres respii-atoires, ayant
son point de départ dans la vive irritation des nerfs cutanés
sous l'influence du froid.
Mais cette irritation des nerfs cutanés ne persiste pas long-
temps et fait bientôt place à l'anestliésie par le froid, anes-
tliésie dont il est facile de se convaincre directement.
A ce moment, en etïet, les changements signalés à la figure
1, comme se produisant dans le rythme respiratoire sous
11
162 GEORGE ANSIAUX.
l'inflence de l'aspersion, ne s'observent plus : les lésions méca-
niques des nerfs cutanés obtenues par incision de la peau ne
provoquent également aucun réflexe respiratoire.
L'anesthésie des nerfs cutanés supprime l'accélération respi-
ratoire du début de l'expérience et le nombre des mouvements
respiratoires est ramené approximativement à ce qu'il était
avant l'aspersion d'eau froide.
On pourrait conclure de ce qui précède qu'à l'état ordinaire,
les nerfs cutanés ne semblent pas jouer le rôle important que
certains physiologistes ont voulu leur attribuer, la suppression
de leur fonctionnement par le froid ramenant le nombre de
mouvements respiratoires à ce qu'il était avant leur excitation
par aspersion d'eaU.
Avant d'examiner les changements produits sur la respiration
au point de vue du rythme, j'ajouterai que jamais, ni sur les
chiens, ni sur quelques lapins opérés dans les mêmes conditions,
je n'ai remarqué les arrêts de la respiration obtenus par Falk
au début de l'aspersion d'eau froide.
6° Le type des mouvements respiratoires présente quelques
particularités intéressantes.
A l'état normal, l'expiration se fait d'une façon absolument
paisible ; la durée normale de l'inspiration est plus courte que
celle de l'expiration (environ comme 10 : 14).
Ce rapport semble se renverser après un certain degré de
refroidissement, l'expiration active se fait rapidement; l'ascen-
sion du levier inscripteur est brusque : sur le graphique, elle
est presque verticale. L'inspiration se fait avec une plus grande
lenteur: cette lenteur peut être même considérable (fig. 3 et 4).
Ce ralentissement s'observe presque chez tous les animaux
en expérience, quoiqu'il ne s'observe pas à chaque inspiration.
De plus, le ralentissement remarquable de l'inspiration ne se
produit jamais qu'à une période assez avancée du refroidisse-
ment, ainsi que le démontrent les indications placées au-dessous
des figures 3 et 4.
70 Comme le montre la figure 4, une pause peut s'intercaler
entre les deux parties de l'inspiration. L'inspiration peut, dans
LA MORT PAR LF- REFROIDISSEMENT.
163
FiG. 3.
Graphique de resiiralion. Chien n» V. Durde du refroidissement : 1 h. 45 m.;
temperature rectale : 20" C.
FiG. i.
Graphique de respiration. Chien n" VI. Durée de refroidissement : 2 heures;
température rectale : 25" C.
Itemnrqne. — La circulation a cessé. Même vitesse du cylindre enregistreur qu'à la
figure 3.
certain cas, soit être coupée d'expirations actives (la réciproque
est d'ailleurs vraie), soit même ne pas s'achever (flg. 5).
On observe fréquemment des arrêts de la respiration ou
pauses.
164
GEORGE ANSIAUX.
I-'IG. r..
Graphique de respiration. Chien n" VI. L'inspiration I ne s acneve pas, interrom|)ue
par une pause. En E, expiration ; en 1' inspiration complète. Meme vitesse du
cylindre enregistreur, qu'à la ligure ?..
Ces pauses sont de différente nature.
a) On sait qu'à l'état normal il n'intervient pas de pause
entre l'inspiration et l'expiration : cliez un animal refroidi, une
telle pause peut se présenter par suite de la suppression du
fonctionnement des fibres sensibles inspiratrices et expiratrices
du nerf vague (Hering et Breuer, Léon Fredericq). Le graphique
obtenu dans ces conditions rappelle celui pris chez un animal
après la section des pneumogastriques (Léon Fredericq). La
pause est beaucoup plus marquée si l'on a sectionné un des
pneumo-gastriques (fig. 6).
Fig. t).
Graphique de respiration. Chien n» XIV. Température rectale : :24'' C.
refroidissement : 2 '/a h.
Remarque. — Pneumogastriques intacts.
durée du
LA MORT PAR LE REFROIDISSEMENT. 165
Cette pause ne s'observe pas dans chaque expérience ; elle
peut apparaître, soit avant, soit après la cessation de la
circulation.
h) Les pauses qu'il m'a été donné de constater le plus souvent,
dans chaque expérience pour ainsi dire, sont celles qui divisent
une des parties d'un mouvement respiratoire, soit l'inspiration,
soit l'expiration, soit même les deux à la fois.
Ces pauses sont quelquefois extrêmement longues : parfois
même elles durent plusieurs minutes ; pendant ce temps, la
pression sanguine baisse très légèrement et remonte de même
à la reprise de la respiration : donc aucun symptôme d'asphyxie.
Les pauses peuvent apparaître plus ou moins tôt, quelquefois
une demi-heure après le commencement de la réfrigération.
Dans un de ces derniers cas, l'animal avait une température
rectale de 26» C. J'avais cru avoir affaire à une espèce de
syncope respiratoire et établi la respiration artificielle. Qu'on
entretienne ou non la respiration artificielle, les mouvements
respiratoires réapparaissent au bout d'un certain temps, sans
que l'animal semble être incommodé le moins du monde.
Il " oublie „ de respirer, suivant l'expression pittoresque de
Mosso.
De plus, la respiration artificielle semble ne pas avoir beau-
coup d'influence, les mouvements respiratoires réapparaissant
quelquefois pendant qu'on entretient activement cette dernière.
Les pauses séparent, ou bien un seul mouvement respiratoire,
ou bien des groupes de mouvements respiratoires. Le premier
cas est presque général ; je n'ai observé le second cas que trois
fois (fig. 7 et 8).
Chez le chien n» XIV, les pauses séparant les mouvements
respiratoires n'étaient pas complètes ; entre des mouvements
respiratoires, groupés comme ceux figurés aux tracés 7 et 8,
mouvements d'amplitude normale, se remarquent de petits
mouvements faibles et superficiels, qui ressemblent, comme le
dit Mosso, à des mouvements respiratoires avortés (v. fig. 9).
On a donc affaire ici aux phénomènes de respiration inter-
mittente et rémittente, tels que Mosso les a obtenus sur des
JiLìtKV'-"^^»*!'*^*
166
GEORGE ANSIAUX.
e 3
2 "
ce tn
H —
g nics indications que pour la figure préc('dente.
8° De ce qui précètle, on peut tirer quelques conclusions
intéressantes sur les altérations apportées au fonctionnement
des centres respiratoires.
Le froid semble, en effet, ne pas agir de la même façon sur le
centre d'inspiration et sur le centre d'expiration, en ce sens
que le dernier résiste mieux que le premier à son action : j'ai
montré, dans les pages précédentes, le ralentissement de l'in-
spiration, l'accélération relative de l'expiration, les pauses qui
interviennent plus souvent dans l'inspiration que dans l'expira-
tion, ou qui peuvent séparer l'expiration de l'inspiration.
LA MORT PAE LE REFROIDISSEMENT.
169
L'excitation du pneumog-astriqiie donne des résultats concor-
dants avec cette interprétation. Voici, en eifet, ce qu'on observe:
Une excitation électrique d'une valeur donnée choisie de
façon à ne produire aucun effet à l'état normal n'en produira
pas davantage dans les premières périodes du refroidissement.
A une période plus avancée du refroidissement, avec un
courant de même intensité, on remarque une prédominance
plus ou moins accusée, mais constante, du type expiratoire (tig'.
12) ; la figure 12 montre une augmentation de la pause entre
l'expiration et l'inspiration ;
Quelquefois on observe une période latente assez prononcée ;
quelquefois aussi l'effet de l'excitation peut se prolonger pen-
dant un certain temps (fig. 12, après A').
Le froid fait pour ainsi dire " une brèche „ dans la résistance
qu'oppose le centre d'expiration à l'excitation.
l'ic, \^1
Graphique de respiration ; excitation du nerf vague. Chariot de du Bois-Reyinond :
0, deux élf^ments. Signal Despretz dans le circuit primaire. Un des pneumogas-
triques intact, Tautre sectionna. Le nerf intact est excité. Température rectale :
:23",5 C; durée du refroidissement : 1 h. 30 m. En A et A', un arrêt de l'appareil
enregistreur.
170 GEORGE ANSIAUX.
Cette expérience montre aussi que le centre d'expiration
supporte mieux l'action du froid, et est plus difficilement exci-
table que le centre d'inspiration (Marckwald).
Il faut rapprocher ce résultat de celui obtenu par M. Fre-
dericq dans l'excitation du vague chez des lapins à bulbe
refroidi : là, l'arrêt en expiration est des plus caractéristiques
et absolument constant.
9" La respiration linit par s'arrêter tout à fait. Cet arrêt de
la respiration survient toujours plusieurs minutes après la ces-
sation des battements du cœur. Il est dû, non à l'action directe
du froid sur les centres respiratoires, mais à l'anémie des centres,
qui est la conséquence de l'arrêt du cœur.
B. — Modifications observées dans la circulation.
1° Pression sanguine. — Nombre de Pulsations,
La première aspersion d'eau froide a toujours pour consé-
quence immédiate une hausse de la pression et un ralentisse-
ment des pulsations (François Frank, Marey, Bence Jones et
Dickinson, etc.). Ces variations s'effectuent avec une rapidité
plus ou moins grande. Si, au bout de quelques minutes, on cesse
l'aspersion, la pression et le nombre de pulsations redeviennent
normaux (voir fig. 1, diagramme VII). A la reprise de l'asper-
sion, les nouvelles variations sont absolument comparables à
celles obtenues la première fois (fig. 1).
La hausse de la pression résulte de la contraction réflexe des
vaisseaux périphériques et le ralentissement des pulsations d'une
exagération du tonus du nerf vague : au début, ces deux phéno-
mènes marchent toujours de pair.
La hausse de la pression a, dans les expériences faites, une
valeur moyemie de 3 centimètres de mercure ; le ralentissement
des pulsations est plus ou moins prononcé. Il n'est pas possible
d'établir un rapport moyen exact entre ces deux phénomènes,
comme le montrent d'ailleurs le diagramme VII de la figure 1
et aussi le tableau suivant :
LA MORT PAR LE REFROIDISSEMENT.
171
Chnngcmenfs
observés pendant les cinq premières minutes de
l'aspersion.
CHIENS.
HAUSSE
(le la pression sanguine.
RALENTISSEMENT
des iiulsations
No I
No II
No IV
3 centimètres. . .
4 _ . . .
3 - ...
3 _ . , .
3 pulsations de moins.
1 pulsation —
4 pulsations —
4 - -
No VIII. . .
Le mécanisme suivant lequel s'opèrent ces changements est
plus ou moins perfectionné, fonctionne plus ou moins rapide-
ment (Eosentlial) ; c'est ainsi que chez un tout jeune chien
d'une quinzaine de jours l'aspersion n'avait pour résultat ni
une hausse de la pression, ni un ralentissement des pulsations.
Cette absence de contraction des vaisseaux cutanés (pression
sanguine constante) expliquerait probablement en partie le
refroidissement si rapide des animaux à sang chaud nouveau-
nés (W. Edwards, Milne Edwards, Nassarof, Raudnitz, p. 458
et suivantes. Voir travaux de S jltmann et Tarchanoff).
A la hausse de la pression sanguine du début succède une
baisse plus ou moins rapide (période EF de la figure 1). A
partir du point E, la pression baisse constamment (voir aussi
figure 13, diagramme IV; le diagramme n" V fait seul excep-
tion). A cette diminution de pression répond une augmentation
du nombre des pulsations (fig. 1, période EE; à partir du point
E, le nombre des pulsations diminue rapidement).
La diminution de pression doit s'expliquer par une dilatation
des mêmes vaisseaux périphériques. La preuve, d'ailleurs, se
trouve dans l'abaissement rapide de la température, abaisse-
ment qui ne s'explique que par une mise au contact, dans les
parties cutanées, du sang et du milieu ambiant.
Les interprétations diffèrent au sujet de cette dilatation;
s'agit-il d'une " réaction „ provoquée par l'énergique contrac-
172
GEORGE ANSIAUX.
tion du début, ou bien d'une " paralysie vasculaire „ provoquée
par la forte impression de froid du début? (Rosenthal, Marey,
Afanasiew). D'un autre côté, le refroidissement si intense de
la peau (voir plus haut les expériences de Colin) n'aurait-il pas
un rôle à jouer?
Quoi qu'il en soit, cette dilatation constitue une circonstance
défavorable à la régulation de la température et facilite le
refroidissement consécutif.
Jusqu'à ce moment les résultats des expériences concordent,
FiG, 13.
Diagramme lie l'expérience fails sur le chien n" IV. Sur la ligne horizontale est
inscrii le lemps, un côté du carré représentant une durée de cinq minutes. La
pression est indiquée en centimètres de mercure. Le nombre de pulsations est
celui observé pendant six secondes. A droite la température. A gauche de la ligne
verticale se trouve la période du début de l'aspersion.
LA MORT PAR LE REFROIDISSEMENT.
173
mais dans les périodes suivantes du refroidissement U 3- a de
grandes différences suivant les différents chiens, suivant la plus
ou moins grande aptitude qu'ils ont à lutter contre le froid.
Je n'ai pas à m'occuper ici des divers phénomènes qui se
passent dans la lutte contre le froid.
J'aurai seulement une remarque à faire sur les différences
considérables de la durée de la lutte contre le froid chez les
chiens en expérience.
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Dingrunime de l'expérience faite sur le cliieii n" V. Mêmes indications que pour la
figure précédente. l_h. SO m. après le début de l'expérience, la pression sanguine
tombe brusquement à 0.
174 GEORGE ANSIAUX.
Tous les observateurs sont d'accord sur ce fait : l'abaisse-
ment de la température du cœur a pour effet de ralentir ses
pulsations (Newell Martin, Lauder-Brunton, Cyon, Horvath,
Schelske, Bowditch, Luciani). La plupart de ces expériences
ont été faites sur des cœurs de grenouilles, ou sur des cœurs
de mammifères soit extraits de la cage thoracique, soit isolés
physiologiquement par ligature des artères.
Sur le cœur conservé dans ses connexions anatomiques et
Ijliysiologiques, cette action du froid s'exerce au bout d'un
certain temps (fig. 13 et 15).
L'accélération passagère des pulsations qu'on remarque à la
figure 14 et que j'ai pu observer dans environ le quart des
expériences, constitue une exception à la règle formulée plus
haut : le froid ralentit les pulsations du cœur; mais à cette
accélération correspondent les différences concordantes du côté
de la respiration; les animaux présentant cette accélération
accusent des mouvements respiratoires un peu plus fréquents,
d'une amplitude un peu plus considérable; enfin, leur refroidis-
sement se fait moins rapidement. En résumé, chez ces animaux
la lutte contre le froid a une plus grande durée. Chez ces ani-
maux l'action directe du froid sur le cœur (ralentissement des
pulsations) s'exerce beaucoup plus tard, après le commencement
du refroidissement, que chez ceux qui luttent moins contre le
froid.
Cette action directe du froid s'exerce quand l'animal présente
une température d'environ 28» en moyenne.
C'est à ce moment que le lien physiologique qui sert de
régulateur à la pression sanguine semble être rompu : à la
baisse de cette pression ne répond plus une accélération des
pulsations ; à partir de ce moment aussi le rapport entre la
courbe de la température et celle indiquant le nombre des
pulsations est plus étroit (fig. 15).
De plus, cette accélération passagère et exceptionnelle des
pulsations cardiaques est intéressante à étudier à un autre point
de vue.
Cette accélération devient, en effet, un facteur prépondérant
LA MORT PAR LE REFROIDISSEMENT.
175
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Diagramme de l'expdrience faite sur le chien n» I. iMèines indications que pour les
diagrammes précédents voir fig. i3). La p.^riode du début de l'aspersion n'est pas
figurée. Durée : une dizaine de minutes.
dans la valeur de la pression sanguine qui dépendait surtout,
dans les premières périodes du refroidissement, de l'état de
dilatation ou de contraction des vaisseaux périphériques.
Le nombre de pulsations a, en effet, une influence très
marquée sur la hauteur de la pression sanguine, comme le
montre la comparaison des figures 13, 14, 15. A la figure 14,
une accélération considérable fait hausser la pression; une
176 GEORGE ANSIAUX.
accélération moins considérable ralentit la chute de la pression
sanguine (comparez flg'. 13 et a5).
Or c'est cette accélération des pulsations qui détruit le
parallélisme inévitable entre la courbe de la température et
celle de la pression (^) ; il y a, en effet, un rapport de cause à
effet entre la première et la seconde, une baisse de la pression
indiquant une dilatation de vaisseaux, c'est-à-dire une plus
grande facilité, à ce moment, pour le sang à se mettre en équi-
libre de température avec le milieu réfrigérant.
Dans la deuxième période du refroidissement, la cessation de
la circulation peut se faire ou d'une manière brusque ou plus
ou moins insensiblement (voir flg. 13, 14, 15). La valeur de la
chute peut être considérable. Chez le chien n» III, la pression
tombe brusquement de 16 centimètres de mercure à 0.
Avant de terminer ce paragraphe, j'ai à faire remarquer une
coïncidence assez intéressante qui s'est produite plusieurs fois.
A partir d'une certaine température, ai-je dit plus haut, le
cœur semble subir directement l'action du froid, c'est-à-dire
donc qu'à la baisse de la pression il ne répond plus par une
accélération de pulsations, le froid ne permettant plus au nerf
vague de fonctionner normalement. Plusieurs fois j'ai pu
constater que c'était précisément à ce moment que les mouve-
ments respiratoires atteignaient la fréquence qu'ils conservaient
jusqu'à la fin (voir fig. 15 en A, et aussi fig. 1 : en F les pul-
sations commencent à se ralentir. En F aussi les mouvements
respiratoires se produisent avec une fréquence de deux pour six
secondes, jusqu'à la mort de l'animal).
2^ Variations respiratoires de la pression artérielle.
On sait que chez le chien, à l'inverse de ce qui se présente
chez les autres animaux, à l'exception du porc cependant.
(') François Franck avait déjà fail remarquer ce rapport, étroit, en signalant
cependant un certain nomlire d'exceptions. Ces exceptions m'ont paru relativement
assez nombreuses et ayant leur cause dans le nombre des pulsations.
LA MOET PAR LE REFROIDISSEMENT.
177
on observe à l'inspiration une accélération des pulsations et une
hausse de la pression (Léon Fredericq, 2). Le froid supprime
cette discordance entre les variations de la pression sanguine
(artérielle) et celles de la pression pleurale, c'est-à-dire, au
point de vue du résultat, a la même action que l'atropine,
la saignée et la fièvre (Léon Fi-edericq, 4) (voir fig. 16 et 17).
La pression monte alors à l'expiration.
ric. 10.
Tracé supérieur : respiration ; Iracé infé-
rieur : pression artérielle. Variations
respiratoires particulières au chien -.
accélération des pulsations et hausse
de la pression à l'inspiration.
FiG. 17.
Tracé supérieur : respiration ; tracé infé-
rieur: pression artérielle. Môme chien
(n" VII). Température rectale : 27", 5 ;
durée du refroidissement : -1 h. 50 m.
La pression monte à l'expiration.
Cette suppression ne se fait pas brusquement : souvent on
peut observer une période où la pression commence à monter
12
178
GEORGE ANSIAUX.
Tracé supérieur : respiration ; tracé in-
férieur : pression artérielle. Chien
n" VI. Température rectale : 29"; durée
du refroidissement :'20 minutes. Ici l'on
peut observer une accélération des pul-
sations à l'expiration. En A, arrêt de
l'appareil servant de point de repère.
à la fin de l'inspiration, celle-
ci se faisant plus lentement
que l'expiration (voir fig. 18).
Quant au nombre de pulsa-
tions, il peut être égal à l'in-
spiration et à l'expiration ; on
a alors chez le chien le même
tracé que chez un lapin, ou
bien il y a une légère accélé-
ration des pulsations à l'expi-
ration.
Il est presque impossible de
fixer im instant précis pour
cette disparition, de la discor-
dance entre les variations de
la pression artérielle et celles
de la pression pleurale, ni
même de fixer exactement
une moyenne des conditions
dans lesquelles se produit ce
phénomène (voir le tableau
suivant).
CHIENS.
Temps au bout
duquel les va-
riations respi-
ratoires dispa-
raissent.
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NOMBRE
des mouve-
ments res-
piratoires
pendant
6 secondes
NOMBRE
des
pulsations
pendant
6 secondes.
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No VII . .
No III . .
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50 minutes.
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23 cent.
14 cent.
19 cent.
16 cent.
LA MORT PAR LE REFROIDISSEMENT. 179
Cette disparition est certainement indépendante de la hauteur
de la pression. Elle coïncide avec le ralentissement des mouve-
ments respiratoires et un certain degré de refroidissement.
C. — Modifications de la temjjérature rectale cm cours du
refroidissement.
J'ai montré les rapports de la courbe de la température avec
celle de la pression artérielle.
Envisagée en elle-même, cette courbe présente deux parties
généralement bien distinctes (voir fig. 13 et 14). La première
période de refroidissement est une période de refroidissement
rapide ; dans la seconde, le refroidissement est beaucoup plus
lent : ceci est parfaitement naturel et conforme, d'ailleurs, à la
loi de Newton.
On a souvent cité la variation dans le nombre des pulsations
comme intervenant d'une façon importante dans la régulation
de la température. AValther (8) avait même établi comme une
des lois du refroidissement que la vitesse du refroidissement
était en rapport avec l'activité du cœur. Cette opinion a été
également soutenue par Landois (Lelirhuch der Pinjsiologie,
1889. p. 415 et 416), Paul Bert et Liebermeister.
Outre son peu de probabilité a priori, cette opinion est
cumplètement en désaccord avec les faits.
Un ralentissement dans les pulsations aurait donc pour
conséquence un ralentissement correspondant dans la vitesse du
refroidissement. Si, en utilisant les résultats donnés par mes
expériences, on trace au-dessus d'une ligne horizontale (fig. 19),
la courbe de la diminution de la température, au-dessous, celle
indiquant le ralentissement progressif des pulsations, on
remarque que les deux lignes divergent également ; d'après la
loi de Walther, plus la ligne inférieure (pulsations) s'écarterait
de la ligne du 0", moins la courbe supérieure (température)
devrait le faire ; il n'en est rien ; la loi est complètement
inexacte, on doit en renverser les termes et dire, comme je l'ai
indiqué déjà plus haut, confirmant les conclusions de plusieiu's
180
GEORGE ANSIAUX.
physiologistes, que la diiiiinntion de l'activité du cœur est en
rapport direct avec la rapidité de l'abaissement de la tempé-
rature.
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Pour la diirde de l'expérience, chaque côté du carré répond à 3 minutes. Le
tableau monire le résultat des observations pendant deux quarts d'heure (deuxième
et troisiònie de la durée du total refroidissement).
Si je me suis peut-être trop étendu sur une chose qui paraît
si naturelle, c'est que, partant de cette proposition fausse, Paul
Bert en a tiré les conclusions suivantes :
LA MORT PAR LE REFROIDISSEMENT. 181
1" Un animal tué se refroidit plus lentement qu'un animal
vivant ;
2" La saignée diminue la vitesse du refroidissement ;
3" L'excitation du nerf vague aurait le même effet.
J'ai eu malheureusement connaissance un peu tard de ces
conclusions, qui ont fait l'objet d'une communication à la
Société de biologie ; je ne m'occuperai ici que de la première de
ces propositions ; quant à la troisième, François Franck en a
démontré l'inexactitude.
A première vue, il ne paraît pas facile d'expérimenter sur
une pareille donnée ; mais l'oblitération de l'aorte à un niveau
convenable, suivant le procédé employé au laboratoire de
Ludwig (Stolnikow), modifié par Léon Fredericq, permet de
frapper de mort la partie postérieure de l'animal et d'y obser-
ver la marche de la température.
L'appareil est des plus simples : il se compose d'une sonde
en métal, à une des extrémités de laquelle on fixe solidement
un petit morceau (environ 2 centimètres) de tube de caoutchouc
fermé à l'autre bout. L'appareil est introduit dans l'aorte
thoracique descendante par la carotide gauche, maintenu par
une ligature à une hauteur convenable ; à l'aide d'une seringue
chargée d'eau et reliée à la sonde, on distend en forme d'am-
poule le tube de caoutchouc et on oblitère ainsi complètement
l'aorte ; comme moyen de contrôle, on place un manomètre dans
l'artère fémorale.
Cette opération a pour résultat de diviser, si l'on peut
ainsi s'exprimer, l'animal en deux parties, une partie supérieure
vivante, une partie inférieure morte (la paralysie de l' arrière-
train est presque instantanée).
Si alors on refroidit l'animal par immersion dans l'eau froide,
en prenant toutes les dix minutes la température du rectum et
celle de l'œsophage, on observe chaque fois l'abaissement plus
rapide de la température rectale (partie morte), abaissement
qui s'explique par ces deux faits : paralysie musculaire de
r arrière-train, absence de circulation. Il arrive cependant un
moment, dans le refroidissement, où les courbes des tempéra-
18^ GEORGE ANSI AUX.
tures rectale et œsophagienne, après avoir divergé à partir
d'un point commun, se rapprochent et finissent par se con-
fondre : les deux parties de l'animal se retrouveraient à peu
près dans les mêmes conditions vis-à-vis du milieu réfrigérant.
Les expériences faites à ce sujet ne sont pas assez nom-
breuses pour démontrer ce fait très intéressant d'une façon
incontestable; des études ultérieures devront rechercher exacte-
ment le point de réunion des deux températures, qui m'a paru
situé vers 22-25o C.
Bemarque. — Les expériences précitées permettent de
montrer que l'inégale distribution du sang n'est pas une cause
de mort, comme Horvath l'avait prétendu (4, 5).
D'après lui, dans la mort par le refroidissement, la majeure
partie du sang s'amasserait dans la cavité abdominale par suite
de la paralysie des intestins et amènerait ainsi une anémie des
parties supérieures; l'oblitération de l'aorte à un niveau élevé
supprime cette cause ; on ne remarque pas de changements
notables dans les différents phénomènes qui précèdent la mort.
On ne trouve pas non plus une quantité de sang anormale, soit
dans le foie, soit dans les intestins, à l'autopsie de chiens morts
de froid sans avoir subi l'oblitération. (Voir aussi Winternitz,
p. 193.)
Pour terminer ce qui concerne la marche de la température
dans les expériences de refroidissement, j'ajouterai qu'il est
absolument impossible de conclure des particularités de la
courbe de la température à la durée de l'expérience; la durée
de l'expérience n'a pas non plus d'influence sur la température
au moment de la mort : pour deux chiens, par exemple, la
mort survenait au bout de deux heures et un quart ; les tempé-
ratures différaient de plus de huit degrés.
On peut fixer comme moyenne pour la température finale,
22» C. à 24° C. ; la plus basse atteinte a été 14» C; la plus
haute, 280 C. La durée totale du refroidissement, dans les
conditions où je me suis placé, présente une moyenne d'une
heure trois quarts à deux heiu'es; elle varie d'une à trois
LA MORT PAR LE REFROIDISSEMENT. 183
heures. Ces chiffres n'ont pas grande importance, les variations
individuelles, les circonstances ayant ici beaucoup plus d'im-
portance que partout ailleurs.
D'après un grand nombre d'auteurs (Hoppe-Seyler, Pfliiger,
etc.), l'aspersion d'eau froide amènerait une élévation pas-
sagère de la température au début de l'expérience.
Colin déclare ne jamais l'avoir observée. Pour ma part, sur
une trentaine d'expériences, je ne l'ai remarquée qu'une fois :
l'augmentation était d'environ % de degré.
D. — Quelques remarques faites à Vautopsie.
1" La couleur du sang artériel et veineux est un peu
différente de ce qu'elle est à l'état normal : le sang artériel a
une couleur vermeille ; le sang veineux est moins sombre qu'à
l'état normal sur le vivant; suivant l'expression de Quinquand :
" il s'artérialise „ 2, p. 366. (Ogston, Eulenburg, Claude
Bernard.)
C'est peut-être un des rares caractères constants qu'il soit
permis d'observer.
Ces résultats concordent avec ceux obtenus par Falk dans
ses expériences sur le sang soumis au refroidissement en
dehors de l'organisme.
2" Si on ouvre la poitrine immédiatement après la mort,
on peut constater encore la contraction des oreillettes, qui
se présente pendant quelque tem[)S avec une assez grande
régularité; une excitation très légère suffit pour les provoquer.
Deux fois j'ai observé les faits suivants :
Une excitation de l'oreillette droite amenait une contraction
des deux oreillettes, des veines pulmonaires et des veines
caves supérieure et inférieure dans leurs portions voisines du
cœur.
L'excitation de n'importe laquelle de ces parties (veines ou
oreillettes) produit une contraction générale.
L'excitation se transmet avec un plus grand retard de
l'oreillette gauche à la droite qu'en sens inverse.
184 GEORGE ANSIAUX.
La tétanisation d'une oreillette amène le delire de cette
oreillette et quelques contractions isolées dans l'autre.
L'excitabilité des veines diminue rapidement, beaucoup plus
vite que celle des oreillettes. Pour celles-ci, le fait suivant
donnera une idée de cette diminution ; à l'ouverture de la
poitrine, il suffit, pour obtenir une contraction, de passer
légèrement le doigt sur l'oreillette : au bout d'une demi-heure,
il faut un courant électrique fourni par deux éléments (Chariot
de du Bois-Reymond).
Les ventricules montrent la contraction idio-musculaire,
mais ne battent plus ni spontanément, ni à la suite d'une exci-
tation extérieure.
30 A la différence des muscles striés, les muscles lisses des
intestins semblent avoir perdu leur excitabilité.
Les mouvements péristaltiques reparaissent spontanément
dans une anse intestinale que l'on réchauffe. (Faits déjà
signalés par Horvath et Calliburcès.)
§ 4. — Conclusions. Cause de la mort par le froid.
Giez tous les chiens on observe la persistance des mouvements
respiratoires après la cessation de toute circidation {yressiooi
artérielle réduite à 0).
La durée de cette persistance varie de deux à six minutes.
Parfois la chute de la pression à 0 se fait sans que l'on re-
marque rien du côté de la respiration. Le nombre de mouve-
ments respiratoires peut quelquefois augmenter ou se ralentir.
Dans les dernières périodes du refroidissement, on peut
parfois observer immédiatement, avant ou après la cessation
de la circulation, une augmentation considérable du nombre de
mouvements respiratoires ; d'après Horvath et d'autres
auteurs, cette sorte de convulsion respiratoire se présenterait
souvent: ce n'était pas le cas dans les expériences que j'ai
faites.
Cette persistance de la respiration malgré l'anémie cérébrale
peut papaître paradoxale, si on la compare à ce que l'on obtient
LA MORT PAR LE REFROIDISSEMENT. 185
chez un lapin auquel on lie les vertébrales et les carotides :
convulsions et cessation presque immédiate de la respiration ;
il n'y a là cependant rien d'étonnant : le froid semble, en eflfet,
transformer les animaux à sang chaud en animaux à sang froid,
comme l'avait déjà fait remarquer Claude Bernard, s'appuyant
surtout sur les observations médicales de Magendie et de
Doyère sur les cholériques. D'après ce dernier, " la vie per-
sisterait, en quelque sorte indépendamment de ses caractères
chimiques ordinaires : le cœur ne fonctionne plus, les artères
sont vides, la respiration est presque entièrement supprimée et
cependant le moribond entend, voit et parle (^). „
" Chez la grenouille, dans son état ordinaire, la vie peut
continuer un certain temps après l'arrêt de la circulation. „
(Cl. Bernard, 1, p. 162.) Il en est de même chez un chien
dont la température a été fortement abaissée il présente une
sorte de poikilothermie artificielle, suivant l'expression de
Claude Bernard; ce qui confirme cette manière de voir, c'est
la remarque suivante que j'ai pu faire dans les expériences :
la durée de la persistance de la respiration, après l'arrêt du
cœur, semble être en rapport direct avec la température
atteinte ; ainsi à 14° C. elle peut être de dix à douze minutes ;
à 22» C, de deux minutes (^).
La cause de la mort par le froid est donc Varrei du cœur,
cet arrêt amenant une anémie cérébrale ( Walther), anémie se
présentant ici avec des caractères particuliers.
Pour Colin, le cœur constituerait Vultimum moriens ; il
n'en est rien ; dans les cas les plus favorables, on observe
quelques contractions faibles et espacées après la chute de
la pression artérielle à 0, mais ces pulsations, ou plus exacte-
ment ces contractions, n'ont aucune influence sur la circulation
générale, et d'ailleurs elles cessent toujours avant la respiration,
C) Cité d'après Cl. Bernard {Chai, auimale, p. 287)
(*) Sous ce rapport, l'élude du refroidissement chez les nouveau-nés serait très
intéressante: les jeunes animaux supportent mieux un froid intense, tout en se
refroidissant beaucoup plus vite, se rapprochant en cela des animaux hibernants et
des animaux à sangfroid.
186 GEORGE ANSIAUX.
OU bien on observe dans les ventricules des trémulations irré-
gulières (contractions vermiculaires de Cyon, délire du cœur).
Tout ceci doit donc faire rejeter toute idée d'asphyxie ; ce qui
cependant a contribué également à répandre cette opinion
(voir Exposé historique), ce sont les expériences de réchauffe-
ment par la respiration artificielle de Walther.
Je ne me serais pas arrêté à la discussion de cette opinion,
aujourd'hui que nous savons que la respiration artificielle active
est un moyen de refroidir un animal, si je n'avais trouvé cette
opinion reproduite dans la Beal-Encydoimedie, d'Eulenburg,
et le Traité de xiliysiologie, de Landois (1889, s. 429).
Walther prend la température dans l'oreille ; c'est dans les
parties les plus éloignées du cœur que la diminution de pression
fera surtout sentir ses effets, d'où refroidissement rapide; la
respiration artificielle favorise d'une façon mécanique le travail
du cœur (Rosenthal) {}), le sang circule de nouveau dans les
parties précédemment plus ou moins exsangues, d'où leur ré-
chaufferaent (environ 10" (1 d'après Walther). En réalité, ce
n'est qu'une facilité de plus pour le sang à se refroidir: Horvath
a remarqué, en effet, que les animaux chez lesquels on entretient
la respiration artificielle atteignent plus rapidement une tem-
pérature plus basse ; au point de vue pratique, il y aurait donc
là toute une série d'études intéressantes à faire; la respiration
artificielle d'air chaud et une application plus considérable de
la chaleur qu'on ne le fait généralement (évidemment quand
il n'y a pas eu de parties congelées) seraient, comme AValther
le recommande d'ailleurs, les meilleurs moyens de rappeler
l'organisme à la vie en le ramenant à sa température normale.
En résumé donc , le froid ii' amène pas d'asphyxie, ne para-
lysant ni les centres respiratoires, ni les nerfs respiratoires.
(') Rappelons ('gaiement à ce sujet les exp^^riences de Bohm qui prétend que la
respiration artificielle et la compression rythmique du cœur seraient suffisantes
pour ranimer le cœur ayant cessé de battre même depuis quarante minutes. (Cité
d'après Landois, loc. cit., s. 789-790.)
La pulsation cardio-œsophagienne chez l'homme,
LE Docteur Eenest SAROLEA.
§ I. — Historique.
Dans r étude générale qu'il a publiée sur les mouvements
respiratoires, Rosenthal (^) note incidemment les petites ondu-
lations que l'on observe sur les lignes d'ascension et de descente
des graphiques respiratoires pris chez les Mammifères, au
moyen d'une sonde œsophagienne reliée à un tambour à levier
de Marey.
La courbe descend à chaque inspiration et monte à chaque
expiration ; à cette courbe respiratoire se superposent de petites
ondulations à peine marquées. Ces dernières, d'après Rosenthal,
" sont dues aux variations de volume du cœur „.
Kronecker et Meltzer ont fait l'observation suivante, au
cours de leurs recherches sur la déglutition (^) : Meltzer intro-
duit chez l'homme, dans l'œsophage, une sonde assez ferme, dont
l'ouverture inférieure est fermée par un petit ballon à paroi
mince et élastique. Avant de relier à un tambour à levier de
(•) Heniiaììux Ilandbiicli lier l'Iiijsiolotjw, IV. Bil II. Th. p. 2^7.
(•-) Der ScliliickiiiecliaiiUinus^ seine Ene7.Z teTzloTt
V V
-
KiG. 1:2 el 13. Tracû CitrtlioL;r:i|iliiiiue pris chez W. G. au moyen de la sonde
Jœso|)hagieiiue (35 ('1^37,3 ceiiliinutres).
Une autre particularité que présentent la plupart de ces
graphiques, c'est un degré extraordinaire de complication.
Beaucoup d'entre eux laissent apercevoir sept, voire même huit
ou neuf ondulations positives (fig. 14) alternant avec autant
d'ondulations négatives.
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FiG. 14 et 13. Exemples de la eoiiiplicalioii de cei'laiiis cardiogrammes œsophagiens.
198 ERNEST SAROLEA.
Nous sommes loin, on le voit, des trois ondulations du tracé
considéré comme type par Martins.
Cette diversité et cette complication rendent à première vue
fort difficile la tâche consistant à rechercher le type commun
à tous ces tracés, et à rapporter les unes aux autres les
ondulations des différents tracés. Cette tâche est considérable-
ment facilitée si l'on a soin de prendre en même temps que le
tracé œsopliagien un tracé du choc du cœur à l'extérieur ou un
tracé du pouls radial. On établit ainsi le synchronisme des
ondulations du pouls œsophagien avec les ondulations dues à la
systole auriculaire et ventriculaire et à la pulsation artérielle,
qui est une émanation de cette dernière. Les tracés qui, à
première vue, paraissaient totalement différents, se montrent
alors composés des mêmes éléments et se laissent rapporter à
un type commun.
Un type fréquent et caractéristique est celui où une ondu-
lation négative, pinson moins étendue, câ! (fig. 16), se produit
pendant la plus grande partie de la systole ventriculaire. Cette
ondulation négative débute brusquement en c', et atteint en fort
peu de temps sa plus grande déclivité (qui constitue le point le
FiG 10. Traces siniullanés du cardiogramma œsophagien S. 0. cl du pouls mdial
(recueillis chez J. H. âgé de 60 ans, héniiplógifjuc sans signes li'alTeclion car-
diaque).
crf, p\ilsalion artérielle principale ; t'(/', pulsation négative œsophagienne qui
lui correspond.
LA PULSATION CARDIO-ŒSOPHAGIENNE CHEZ L HOMME.
199
plus bas de toute la courbe) ; puis le tracé se relève lentement
en présentant une série de saccades.
L'ensemble de cette dépression rappelle beaucoup, dans
certains cas, un tracé spliygmograpliique ordinaire renversé.
Le début c' de cette pulsation négative retarde de quelques
centièmes de seconde sur le début h de la systole ventriculaire,
mesuré sur le tracé du choc du cœur : il paraît coïncider
exactement avec le moment de l'ouverture des valvules sigmoïdes
de l'aorte et avec la pénétration dans ce vaisseau de l'ondée
sanguine du ventricule.
^1 ^' IJ- \
Secondes — ^
c'
__J^ ±
FiG. n. Tracti du choc du cœur (l''« ligue) pris à l'extérieur au moyen du cardio-
graphe de Marey et trace de la sonde œsophagienne (2''e ligne) (J. D., 52 ans,
bronchite).
Cette pulsation négative qui débute après le commencement
de la systole ventriculaire se prolonge généralement au delà de
la fin de cette systole, et se rattache au début de la pulsation
principale suivante par une ligne sinueuse présentant une série
d'ondulations.
Deux au moins de celles-ci s'inscrivent avant la fin de la
systole ventriculaire ; elles correspondent approximativement,
comme temps, aux ondulations qui se voient sur le plateau
systolique ventriculaire du tracé du choc du cœur.
200
ERNEST SAROLEA.
Parmi les ondulations post-systoliques négatives qui suivent
la fin de la systole ventriculaire, il en est une qui paraît coïncider
avec la dépression du tracé du choc du cœur correspondant à ce
FiG. 18. Curdiogramiiie externe (explorateiii- à co(|iiille «le Marey) et cardiogi'amme
œsophagien (J. n., fj^i ans).
i Y f:
jJ>econ(ies_J\ , __A A A_
FiG. 19. Cardiogramme externe et caidiogramme œsophagien (J. D., i);2 ans).
LA PULSATION CARDIO-ŒSOPHAGIENNE CHEZ L HOMME.
201
queMarey a appelé le vide post-systoliqiie; les autres coïncident
avec les ondulations du tracé spliygmograpliique qui suivent
l'ondulation dicrote. Leur nombre ne paraît pas constant.
cJtoc ) Ann. and Mayaz. of Naliir. llisi. 1877, |). 2:20.
(-) Loc. cit., p. "l'ili.
280 JULES WAGNER.
de quatre de ces organes dans la structure des gonophores et il
suppose que trois d'entre eux sont devenus inutiles. S'il en
était ainsi pourquoi le tentacule restant se serait-il allongé de
façon à suppléer à l'atrophie d'organes superflus. Comme je l'ai
déjà dit, il est peu probable que le Monohracliiimi puisse se
servir de son tentacule pour saisir sa nourriture, enfoui qu'il
est dans la vase. Il me paraît lieaucoup plus naturel de rechercher
la cause de ce développement extraordinaire dans les circon-
stances qui ont produit également l'allongement si considérable
des siphons des Tellines. La Telline qui porte les colonies
de Monohracldum s'enfonce dans la vase, à la surface de
laquelle l'une étale ses siphons et l'autre, son tentacule ; mais,
comme un organe de préhension est inutile à l'hydroïde, trois
des appendices ont disparu, tandis que le quatrième s'est
allongé et a pris l'apparence vermiforme. Cette atrophie et ce
développement anormal sont donc deux phénomènes tout à
fait indépendants l'un de l'autre.
Bien que l'on n'aperçoive extérieurement aucun indice
d'hypostome à l'extrémité de l'hydranthe, comme l'avait déjà
reuiarqué Méréjkowsky, je conserverai cependant cette déno-
mination parce que la structure de cette partie est analogue à
celle de l'hypostome des autres hydroïdes.
On ne trouve aucune trace de calice ; le périsarc de l'hydro-
rhize se continue insensiblement dans le périsarc de l'hydranthe
et diminuant de plus en plus, devient la mince cuticule qui revêt
le polype entier. A sa base, l'hydranthe est, comme l'hydro-
rliize, recouvert d'une couche de vase.
Pour terminer cette description générale de la colonie, je ne
crois pas superflu de mentionner trois cas d'anomalie que j'ai
rencontrés : dans l'un deux, qui s'est présenté plusieurs fois, le
tronc ne portait pas le moindre indice de tentacule ; dans un
autre, j'ai observé un individu muni de deux ouvertures buccales
bien formées ; enfin j'ai trouvé un polype complètement déve-
loppé, mais sans ouverture buccale à son extrémité, quoique
un examen attentif m'en montrât une ayant l'aspect d'un
bourgeon proéminent et placée de côté, près du tentacule.
MONOBRACHIUM PARASITICUM MÉRÉJK. 281
H. Price (^) a démontré que les liyclraiitlies " polystomates „ de
Cordylopliora lacmfris doivent cette anomalie à des blessures
produites par des crustacés munis de pinces.
II. — Structure fflSTOLOciiQUE des Hydranthes.
L'edoderme des hydranthes et des pseudonématophores est
constitué par des cellules musculo-épithéliales. L' epithelium est
plus épais sur le corps de l'hydranthe (fig-. 3), où les cellules
atteignent à peu près 0.0291 millim. de hauteur, et plus mince
sur le tentacule (fig. 9). Les cellules ectodermiques les plus
élevées se trouvent dans la tête des pseudonématophores (fig. 6,
0,0624 millim.). En cet endroit, beaucoup de ces cellules
changent d'aspect : leurs bases s'amincissent, tandis que leurs
extrémités périphériques s'élargissent graduellement (fig. 6, a),
ce qui est dû à la forme plus ou moins sphérique de la tête du
pseudonématophore.
Les cellules dont je parle sont désignées sous le nom de
cellules de soutien (Stiitzzellen des auteurs allemands). Toute
cellule ectodermique semble pouvoir se transformer en cellule
de soutien; il s'ensuit que cette dénomination est tout à fait
arbitraire. Les cellules ectodermiques de la base de l'hypostome
sont aussi transformées en " cellules de soutien „.
Le contenu des cellules ectodermiques est finement granulé
et devient d'un brun intense par l'action de l'acide osmique.
Les noyaux (0,0125 millim.), placés presque au centre, ont
une forme arrondie, un peu allongée dans le sens de la
longueur de la cellule. Le nucléole est tantôt absent, tantôt
nettement dessiné (fig. 9). Il me semble que les réactifs modi-
fient la structure du noyau, car les nucléoles sont presque
toujours très apparents (fig. 9) lorsque les objets ont été traités
par un mélange d'acide osmique et d'acide chromique, tandis
(•) H. Price. Polijxtoinntoiis condition of Cordyl. Uicuairis. Quart. Journal, v. XVI,
N.-S. 1876, p. "2^.
282 JTJLES WAGNER.
qu'ils ne sont ordinairement pas visibles par l'action du sublimé
(fig. 2) et du liquide de Perenyi.
Les rapports entre les cellules et leurs fibres musculaires
longitudinales sont les mêmes que chez les autres hydroïdes.
Près de la base de l'iiydranthe, au point où celui-ci se
continue dans l'hydrorhize, les cellules ectodermiques pré-
sentent des vacuoles : la plus grande partie du contenu cellu-
laire semble être refoulée vers le périsarc, tandis que le reste
tapisse, en mince couche, la membrane propre ; ces deux parties
sont reliées par des filaments protoplasmiques. Les noyaux se
montrent parfois dans la couche externe et ils changent alors de
position, leur axe longitudinal devenant parallèle à la surface
de l'hydranthe. On peut considérer ces cellules comme des
éléments en voie de dégénérescence; elles sont surtout abon-
dantes dans l'ectoderme de l'hydrorhize.
La couche sous-épithéliale de l'ectoderme fait presque com-
plètement défaut sur le corps de l'hydroïde, sur le tentacule et
sur les pseudonématophores ; elle est, au contraire, bien déve-
loppée à la base de l'hydranthe et en beaucoup de points de
l'hydrorhize. A la coupe, celle-ci montre un grand nombre de
noyaux dont la disposition indique plusieurs couches de cellules
à contours invisibles ; entre les noyaux se trouvent çà et là des
capsules de nématocystes.
La couche sous-épithéliale de la base de l'hydranthe, des
gonophores et de plusieurs points de l'hydrorhize est littérale-
ment bourrée de ces capsules aux divers stades de leur déve-
loppement. D'un autre côté, je n'ai jamais observé de jeunes
capsules, ni sur le corps des hydranthes, ni sur les têtes des
pseudonématophores. Cette absence de jeunes nématocystes
dans le corps des hydranthes a déjà été constatée (^) et l'on a
cherché à s'expliquer le mode d'apparition de ces éléments (^).
(') JiCKEU a constaté leur absence chez Cladnuema, Corijne^ Gemmaria^ Cnmpa-
ìudaritt, Obclia^ Plnmularia, Lofoat, Eudeudrium.
(-) JiCKELl. Ueb. d. liisiol. Dau. V. Eudeudrium. Ehrb(j. iiiid Uijdra. Morphol.
Jahrb. T. VIII, 188^2, p. 879.
MONOBRACfflUM PARASITICUM MÉRÉJK. 283
H est certain que la totalité des nématocystes qui, complètement
développés, seront nécessaires à la vie de l'hydranthe, se trouve
déjà dans le bourgeon de l'hydroïde. Je pense que l'animal
possédant toujours plus de nématocystes qu'il n'en a besoin,
riiydrorhize ne contribue pas à en augmenter le nombre. On
peut voir sur la fig. 3 (qui représente une coupe transversale
de l'hydranthe dans la région du cercle des nématocystes) que
la plupart de ces formations n'arrivent pas à la surface et ne
peuvent fonctionner si l'on vient à toucher l'hydroïde ; la preuve
en est donnée par la présence dans leur intérieur du filament
enroulé, lequel n'a pas même été projeté par suite de l'action
du réactif employé (solution concentrée de sublimé chauffée à
50" C). Un seul nématocyste a lancé son filament (a). D'autre
part, la même figure montre que trois de ces éléments seulement
touchent à la surface. A mesure que les nématocystes les plus
superficiels ont projeté leur dard, d'autres arrivent à la surface
pour les remplacer. La plupart des capsules restent dans
riiydrorhize, sans fonctionner, pendant toute la vie de l'animal.
Grâce à cette circonstance, les diverses parties de l'hydrorhize
peuvent, à tout instant, donner naissance soit à un nouvel
hydranthe, soit à un pseudonématophore abondamment pourvus
l'un et l'autre de nématocystes. Ces éléments dispersés çà et là,
en petit nombre, sur le corps du Monohrachium sont très
abondants dans les têtes des pseudonématophores et à la base de
l'hypostome oii ils forment un véritable anneau. Les coupes
pratiquées en ces points intéressent souvent les cellules dans
toute leur longueur et l'on voit alors très distinctement le prolon-
gement central de la cellule ; il est d'apparence fibrillaire et l'on
peut parfois le poursuivre jusqu'à la membrane propre (fig. 3 b,
et 5).
Je n'ai jamais pu constater une union entre les fibres muscu-
laires et ce prolongement qu'il est plus rationnel de considérer
comme muscle ou simplement comme filament de la membrane
cellulaire, que comme nerf.
Les noyaux des cellules à nématocystes ne présentent
aucune régularité quant à leur situation. Ils ont la forme
284 JULES WAGNER.
d'une calotte serai-elliptique, dont la base repose sur la capsule;
en coupe transversale, ils ont l'aspect de triangles (fig. 3). Ils
se colorent plus fortement que ceux des cellules ordinaires de
l'ectoderme et, à leur intérieur, on peut toujours observer un
nucléole d'assez grande dimension. Ce qui les caractérise
encore, c'est leur structure presque homogène, tandis que les
noyaux des cellules épitliéliales sont nettement réticulaires
(c'est-à-dire que les granulations de la cliromatine sont très
distinctes).
Monobrachium ne possède qu'une seule sorte de némato-
cystes : ce sont des capsules de forme ovoïde (0,0208™™ de
long sur 0,0125 de large) renfermant un filament enroulé en
spirale, dont la base, légèrement renflée, présente plusieurs
fortes épines; ce filament est traversé, dans toute sa longueur,
par une ligne spirale (^). Il est à noter que ces capsules n'ont
pas de cnidocils. On sait que chez les hydroïdes à tentacules
renflés à l'extrémité, les nématocystes ont la foi'me d'un
haricot (^) et sont dépourvus de cnidocils; une seule exception
a été observée par Korotneff" (^), chez Myriothela, où les
nématocystes sont de grande taille, de forme ovoïde, avec un
filament plié et non enroulé en spirale, filament que cet auteur
considère comme un organe de sens {^). Par ce qui précède, on
voit que les nématocystes de MonohrmMmn constituent une
sorte de stade transitoire entre les capsules à filament plié et
les capsules habituelles.
Il est évident que ces organes peuvent fonctionner sans
l'aide de cnidocils; on ne doit donc pas considérer l'absence de
cnidocils chez Monobrachium comme constituant un caractère
(') V. LiiNDENFELi). Ctjiinea miaskuUi. Zeitsch. f. Wiss. Zool. T. 37, i88!2, p. 479.
PI. XXIX, lig. -29.
C'} JiCKEU {Der Bail lier Hydroulpnl) les décrit chez Cladou. radiatiim (p. 002;,
Coryne Greffci (p. 607) et Gainiiaria iiiiplcKt (p. 014).
(*) A. Korotneff. lissai d'une étude comparée des Coelentérés [en russe). Part. H.
Bulletin (le la Société des amis des Sciences naturelles de Moscou. T. 37, 1880, p. 17.
(*) Ibidem, p. 19.
MONOBRACHIUM PAKASITICUM MÉKÉJK. 285
primordial : il est plus probable que ces éléments ont existé
jadis et ont disparu dans la suite, à cause du séjour de l'iiy-
droïde dans la vase.
Souvent j'ai rencontré, dans l'hydrorliize, des nématocystes
incomplètement développés, avec un filament court, faisant
saillie à la surface (flg. 4). Jickeli a déjà décrit de semblables
capsules (^) ; il les considère comme de jeunes phases du déve-
loppement et il croit que, au début, le filament se trouve en
dehors des nématocystes et que ce n'est que plus tard, par
suite de la difi'érence qui existe entre la pression extérieure et
la pression intérieure, que ce filament rentre dans la capsule.
Quant à moi, je suis plutôt disposé à y voir des produits
artificiels, surtout si je tiens compte de la présence de vacuoles
dans leur contenu (fig. 4), vacuoles remplies d'un liquide qui
ne change pas par les matières colorantes. Je pense que par
l'action des réactifs, des capsules encore jeunes peuvent pro-
jeter à l'extérieur une partie seulement de leurs filaments.
En général, l'ectoderme des hydranthes, comme celui des
pseudonématophores, se distingue par le faible développement
de la couche sous-épithéliale ; aussi n'ai-je pu trouver chez
Monohradùam aucun indice de cellule ganglionnaire, quelle
que fût la méthode employée.
Je ne me baserai pas là-dessus pour nier d'une façon absolue
l'existence de cellules nerveuses chez cet hydroïde, car ce
résultat négatif pourrait être attribué à l'état très imparfait
des procédés de recherche actuels. Les noyaux de l'ectoderme
avaient tous la même structure et, si parfois on constatait quelque
légère variation, la présence de tous les stades transitoires
possibles montrait qu'il ne fallait pas en tenir compte :
l'absence ou le faible développement des cellules ganglionnaires
différenciées s'expliquerait parfaitement par le mode de vie du
Monohrachium.
Il est tout naturel que si le système nerveux central fait
(') Jickeli. L'b. d. lust, liauv. Eudemlrium, \t. 39'J.
286 JULES WAGNER.
pour ainsi dire défaut, les organes périphériques de perception
doivent également manquer ; en effet, je n'ai trouvé chez
Monobraàiium aucune cellule de sens (Sinneszellen). On ren-
contre parfois dans l'ectoderme de l'hydi^anthe un ou deux
noyaux accolés à la membrane propre; je ne pense pas qu'on
doive les considérer comme des noyaux de cellules nerveuses,
mais bien plutôt comme appartenant à de jeunes cellules ecto-
dermiques.
Les dernières cellules ectodermiques à signaler sont les élé-
ments glandulaires qui existent dans les pseudonématophores où
ils forment, autour de la base de la tête (fig. 6, c, c), un anneau
identique à celui que décrit Jickeli chez Eudendrium ramosum
L. (^) et Weissmann chez Eudendrium racemosum et chez
Eudendrium capUlare i^). La surface extérieure de ces cellules
est couverte de protubérances ; leurs noyaux, à part une légère
différence de grandeur, ne se distinguent en rien de ceux des
cellules ectodermiques ordinaires; leur contenu, au contraire,
se colore plus fortement par l'acide osmique et par le carmin.
Les cellules glandulaires ne sont sans doute qu'une variété
locale des cellules ectodermiques et, comme elles apparaissent
ordinairement dans les parties de l'hydroïde où le développe-
ment est le plus énergique, à l'extrémité des nouveaux rameaux,
par exemple, on peut en conclure que l'accroissement des pseu-
donématophores se fait probablement à la base de la tête.
En résumé, l'ectoderme des hydranthes et des pseudonéma-
tophores de Monohrachium porte des traces évidentes d'atrophie
due au parasitisme : 1» absence de la couche sous-épithéliale,
2° manque d'éléments nerveux, 3» défaut presque complet d'une
différenciation dans les cellules.
L'endoderme des hydranthes est constitué par des cellules
de très grande dimension reposant sur des fibres musculaires
circulaires.
(') Jickeli. Ibidem, p. 378.
(*) A. Weissmann. Ueber eigentintml. Organe p. 7.
MONOBRACfflUM PARASITICUM MÉRÉJK. 287
Les cellules endodermiques ont des limites à peine visibles
du côté de la cavité gastrique, où elles forment ce que l'on
appelle un syncitium ; du côté externe, on distingue mieux
les contours cellulaires, et cela grâce aux épaississements de la
membrane propre. Le fait que les extrémités internes de ces
cellules se confondent est dû à la façon dont elles prennent la
nourriture solide (nutrition interstitielle) : deux ou plusieurs
cellules voisines émettent des pseudopodes qui se touchent et
se fusionnent. De cette manière apparaît une couche proto-
plasmique digestive, toute remplie de particules nutritives et
autres, et recouvrant entièrement la surface interne de la
cavité gastrique. Cette structure de l'endoderme provient de
la fonction de nutrition de la cavité gastrique : en eifet, les
cellules endodermiques de l'hydrorhize sont déjà mieux limitées
et dans les pseudonématophores, où la nourriture solide ne peut
plus arriver, les contours cellulaires sont tout à fait distincts
(fig. 6).
Les corpuscules ou granulations que l'on trouve dans les
cellules endodermiques sont ordinairement de forme irrégulière
(fig. 7 et fig. 8, a), très réfringentes, ce qui leur donne un
aspect de substance grasse, et elles se colorent plus ou moins
fortement par le carmin ; cependant celles dont les bords sont
effacés ne se colorent que très peu (fig. 8, h). Il est facile,
avec de faibles grossissements, de confondre certaines de ces
granulations avec les noyaux cellulaires (fig. 8), et ce n'est
qu'à l'aide de forts grossissements que l'erreur peut être évitée,
par suite de la structure caractéristique des éléments nucléaires.
Quelques-uns de ces corpuscules présentent un aspect parti-
culier (fig. 20) : ils sont de forme globulaire et à contours assez
diffus ; la partie centrale se colore d'une façon très intense,
tandis que des rayons plus pâles partent du centre vers la
périphérie. Ils ont probablement quelque rapport avec la
digestion et surtout avec les substances sécrétées par les
cellules.
Le protoplasme et les noyaux des cellules digestives de l'en-
doderme, chez les hydranthes, ne se distinguent des cellules
288 JULES WAGNER.
ectodermiques ni par leurs propriétés optiques, ni par leurs
réactions micro-chimiques. Toutefois les noyaux des cellules
endodermiques sont habituellement ronds et non ovalaires
comme dans l'ectoderme.
L'hypostome présente un autre genre de cellules (fig. 3 et 7).
Ces cellules sont très allongées; leur protoplasme est plus
grossièrement granulé, se colore plus fortement et ne possède
pas de corpuscules ; à leur base, on observe presque toujours
des vacuoles (fig. 7), de sorte qu'en ces points, les limites cellu-
laires deviennent peu distinctes, tandis qu'elles sont toujours
très nettes dans la partie tournée vers la cavité gastrique. Les
noyaux sont situés vers la base, entre les vacuoles et sont très
rapprochés les uns des autres ; sur une coupe transversale, leur
ensemble apparaît sous forme d'anneau (fig. 3). Ils sont homo-
gènes et moins grands que dans les cellules digestives ; ils se
distingent surtout par leur forme irrégulière, souvent anguleuse.
Une autre particularité de ces cellules consiste dans la pro-
priété que possèdent leurs cils vibratiles de se conserver après
l'action de l'acide osmique, tandis que, dans les autres régions
du corps, les cellules endodermiques les perdent sous l'influence
de ce réactif. On- doit attribuer ce fait à une plus grande
consistance des cils vibratiles dans l'hypostome et y voir la
preuve de la fonction prédominante de ces cellules : le transport
de la nourriture. Ces cellules forment les ténioles caractéris-
tiques de l'hypostome des hydranthes ; ils sont au nombre de
quatre, rarement de cinq chez Monohrachium et affectent la
forme de crêtes. On rencontre dans ces renflements, parmi les
cellules allongées ordinaires, des éléments en forme de minces
bandelettes qui s'imprègnent fortement par les matières colo-
rantes et brunissent par l'acide osmique (fig. 7, a, a, a). Le
contenu de ces bandelettes est assez grossièrement granulé. Je
pense qu'il s'agit ici de cellules glandulaires, analogues à celles
qu'a décrites Jickeli, chez Eudendrium (^). Il ne m'a pas été
(') Ibitkm, p. 380.
MONOBRACHIITM PARASITICUM MÉRÉJK. 289
possible d'obtenir de coupe entière d'une de ces cellules; il
est probable que les bases, qui se perdent dans la région
des vacuoles, sont très effilées et que la cellule ne devient
plus large qu'à partir du noyau. Cette sorte de cellules ne
montre jamais de cils vibratiles.
Les cellules endodermiques de la cavité gastrique se trans-
foi-ment insensiblement dans les cellules du tissu axial du
tentacule. Chez presque tous les autres liydroïdes, ce tissu est
séparé de l'endoderme par la membrane propre ; Tubularia pour-
tant fait naître quelque doute sous ce rapport (^). C'était jusqu'ici,
parmi les liydroïdes, le seul genre dont les tentacules, privés
d'un canal gastro-vasculaire, renferment un tissu axial composé
non d'une rangée de cellules, mais de plusieurs rangées paral-
lèles. Chez Monobrachiam les cellules axiales sont également
sur plusieurs rangs, mais elles sont disposées sans aucun ordre
apparent (voir flg. 9, une coupe verticale à travers un tentacule).
De plus, il n'y a point de limite tranchée entre ce tissu et
l'endoderme de la cavité gastrique (fig. 8).
Lorsque les cellules axiales sont sur un rang, comme cela a
lieu chez la plupart des hydroïdes, elles sont séparées de
l'endoderme de la cavité gastrique par une membrane anhyste ;
chez Tubularia où elles sont sur plusieurs rangs, cette mem-
brane n'existe peut-être pas ou tout au moins elle est très peu
apparente, enfin chez Monobrachiimi, la membrane fait complè-
tement défaut.
Sur une coupe longitudinale du tentacule, on observe toujours
deux rangées de cellules et l'on pourrait croire, en examinant la
fig. 8, que ces cellules forment des rangées régulières; ce serait
erroné, car certaines coupes transversales montrent cinq
cellules, tandis que d'autres en ofirent davantage (sur la coupe
représentée fig. 9 on en voit 8).
Tout le protoplasme des cellules axiales s'accumule vers leur
(') Voir TicHOMiHOFF {l.oc. Cit., p. 2G), bien qu'il refuse aussi aux petits tentacules
(l'avoir leur tissu sdparé de l'endoderme. PI. II, (ig. -1, Z'^.
19
290 JULES WAGNER.
extrémité centrale (fig-. 9) ; le noyau se trouve au contraire à la
périphérie. Le protoplasme est plus grossièrement granulé que
dans les cellules endodermiques de la cavité gastrique, mais
cette différence est peu importante car on trouve toutes les
phases de transition possibles. La membrane cellulaire qui, dans
les cellules axiales typiques est d'habitude fortement développée,
n'existe chez Monohrachium qu'à la périphérie des cellules
(fig. 8, c), tandis que les parties centrales, par lesquelles
les cellules se touchent, semblent être confondues en une
même masse ; du moins on n'aperçoit pas de limites cellulaires
en ces points, même sur des coupes faites à travers des
objets dont la membrane propre s'était beaucoup gonflée à la
suite d'une longue macération. Le centre du tentacule est donc
occupé par un axe protoplasmique (d). Souvent, à la base du
tentacule, une partie de cet axe (fig. 8, e) se montre dépourvue
des granulations propres au protoplasme des cellules axiales :
on dirait que la cavité gastrique pénètre dans le tentacule
sous forme d'un cul-de-sac à contenu liquide plus ou moins
granulé. Je n'ai pu me rendre compte de ce phénomène.
Quant aux particularités que présente la structure du tenta-
cule de Monohrachium, elles s'expliquent facilement : un
tentacule aussi long ne peut être formé, à son intérieur, d'une
seule rangée de cellules; il doit en renfermer un grand nombre
disposées sans ordre. Le role de ces cellules est de servir, d'une
part, à soutenir le tentacule, d'autre part, à transporter les
liquides nourriciers. Les cellules du tissu axial situées à la base
du tentacule reçoivent les substances élaborées par les cellules
gastriques; de là, la nourriture passe dans les cellules axiales
voisines, pour arriver peu à peu jusqu'à l'extrémité du tentacule.
Comme ici il n'existe pas de voies intercellulaires, les éléments
nutritifs ne sont transmis que par le protoplasme et la
disposition la plus favorable pour ce but est justement celle que
nous offre Monohrachium : la plus grande partie du protoplasme
des cellules axiales s'accumule vers le centre du tentacule,
c'est-à-dire au point où convergent toutes les cellules et y forme
une masse disposée en ligne droite. Si les cellules axiales étaient
MONOBRAOHIUM PARASITICUM MÉRÉJK. 291
uniquement composées de protoplasme, une semblable disposition
cellulaire présenterait peu ou [)oint d'avantages; mais, comme
les cellules axiales doivent, pour donner plus de solidité au
tentacule, être de grande dimension et comme la plus grande
partie de leur contenu, dans le but d'économiser les matériaux
plastiques, est constituée par une substance aqueuse (élément
mécanique), on ne peut méconnaître un avantage réel dans la
façon dont sont disposées les cellules ainsi que le plasma du tissu
axial. Sous ce rapport, Monohradiium présente un stade inter-
médiaire entre les liydroïdes à tentacules creux et ceux dont
les tentacules sont pleins. En eitet, si nous supposons que les
cellules de 1' epithelium interne des tentacules de Hydra
deviennent plus volumineuses, au point de se toucher au centre
de l'organe par leurs extrémités, nous aurons la disposition
réalisée chez Monobrachmm.
Pour terminer la description histologique de l'hydranthe, il
ne me reste qu'à dire quehiues mots de la membrane propre et
du périsarc.
La membrane propre est assez peu développée. Dans l'hy-
drorhize, elle est à peine visible, mais devient plus apparente
dans les hydranthes. Elle forme des espèces de protubérances
ou de crêtes entre les cellules ectodermiques et surtout entre
les cellules endodermiques, de telle sorte que si on enlève toutes
les cellules, la surface de cette membrane montre, nettement
dessinés, les contours des bases cellulaires. Cet aspect ne se
voit pourtant que dans la région moyenne de l'hydranthe; il a
à peu près disparu dans le voisinage de l'hypostome. La mem-
brane paraît simple; elle ne montre aucune trace d'une structure
fibrillaire due à la présence des fibres musculaires longitudinales
dans l'ectoderme ni à celle des fibres circulaires dans l'endoderme
(Jickeli, chez l'hydre) (^). Le carmin colore ordinairement cette
membrane assez fortement.
La mince cuticule qui recouvre les hydranthes et les pseudo-
(') Jickeli. Loc. cit., fig. 12 et 13, pi. XVIII.
292 JULES WAGNER.
nématopliores devient, à la base de l'hydrantlie, comme nous
l'avons dit, peu à peu le périsarc de l'hydrorliize, lequel prend
ici une coloration jaune. On peut y distinguer trois couches :
une interne, une moyenne et une externe. Il n'existe aucun
rapport déterminé entre l'épaisseur de ces diverses couches.
Parfois leur nombre s'élève à quatre ; c'est lorsque dans l'hy-
drorhize on en trouve déjà plusieurs.
m. — Les Gonophores.
Les gonophores de Monohrachium ont une forme ovoïde;
ils sont placés sur de courts pédoncules. • Sur le vivant, on
n'aperçoit, à travers la gonothèque, que quatre bandes obscures,
de couleur verdâtre, qui représentent les quatre canaux radiaires
ou plutôt leur epithelium ventral.
Le sommet de la gonothèque ne porte au3un orifice. Les
gonophores renferment une méduse presque complètement
développée. Pour étudier en détail la méduse, il est nécessaire
de l'enlever de la gonothèque, ce qui est assez difficile, ou mieux
de pratiquer des séries de coupes. C'est cette dernière méthode
que j'ai adoptée.
L'ombrelle de la méduse présente une forme ellipsoïdale.
L'ectoderme du sous-ombrelle se continue dans l'ectoderme du
pédoncule. La cavité de l'ombrelle n'est pas apparente, à raison
de la constriction de l'ombrelle. Cette cavité ne fait son
apparition que dans les gonophores mûrs.
Une saillie que l'on observe (fig. 14 sj).) à la base du
gonophore proemine dans la cavité de la cloche : c'est le rudi-
ment du manubrium; Méréjkowsky ne l'a pas vu. A la naissance
du spadice se voit une petite excavation qui est le rudiment de
la cavité gastrique ; il en part quatre canaux radiaires. Sur la
fig. 13, qui représente une partie d'une coupe transversale
d'un gonophore, nous voyons les sections de deux de ces canaux.
Les canaux radiaires (r. c.) sont fortement développés, tandis
que le canal circulaire, qui en général l'est très peu (fig. 10 c. c),
ne possède chez certaines méduses aucune cavité.
MONOBEACfflUM PARASITICDM MÉRÉJK. 293
Il existe deux sacs sexuels accolés à chacun des canaux
radiaires (fig. 13 5. se). Méréjkowsky {^) dit que primitivement
la méduse n'est munie que de quatre amas génitaux qui, par
la suite, se divisent chacun en deux. Je ne puis confirmer
l'assertion de cet auteur; du reste ce mode de développement
n'existerait pas.
Les tentacules de la méduse (fig. 10 tn.) sont à l'état
rudimentaire et ne renferment aucune cavité à leur intérieur,
contrairement à l'opinion de Méréjkowsky {^). Le velum est
bien développé (fig. 10 vL).
Passons maintenant à l'étude histologique de la méduse.
L'épithélium de la face supérieure de l'ombrelle est constitué
par des cellules assez élevées, comparativement aux cellules
aplaties des autres méduses (^). Ces cellules sont, en outre,
entièrement remplies de protoplasme (*), ce qui est dû certaine-
ment, comme le montre le développement, à l'absence de
substance gélatineuse dans l'ombrelle; en effet, chez les jeunes
méduses, dont les parois de la cloche sont très minces, les
cellules de la surface de l'ombrelle sont en même temps plus
riches en protoplasme. Ces cellules ne présentent aucune
particularité ni pour leur forme, ni pour leurs noyaux; certaines
d'entre elles renferment parfois des capsules de nématocystes
qui, à part une légère différence de grandeur, ne paraissent se
distinguer en rien de celles des hydranthes. Je n'ai observé
les capsules que sur des méduses traitées par différents réactifs,
aussi ne puis-je rien dire relativement aux cnidocils. Je remar-
querai que je n'ai trouvé dans l'hydrorhize qu'une seule espèce
de capsules. Dans la méduse de Monoh-achium, ces éléments
sont peu abondants et ne forment jamais d'agglomération.
{') Méréjkowsky. Ann. ami Mmj. nf y^t. Hist., 18"7, p. 233.
(*) Ibid., p. <2-2'2.
(') G. et R. Hertwig. Des OrcjmiismuH der Medusen, p. o.
F. E. SCHULTZE. Vb. den Bau von Syncoryne Sursii, p. 16.
(') V. Lendknfelu. Cijanea Anascnla. led. f wiss. Zoologie. T. XXXVII,
p. 475. PI. XXIX, fig. 10.
294 JULES WAGNER.
Les cellules ectodermiques de la face inférieure de l'ombrelle
présentent des caractères différents suivant leur position;
dans les régions inter-radiaires existent des cellules musculo-
épitliéliales développées surtout perpendiculairement à l'axe
de la méduse, c'est-à-dire dans le sens des fibres musculaires.
Leur forme, par conséquent, est celle d'un rhombe allongé.
Quant au noyau, il est non seulement étiré dans le même sens
que la cellule, mais encore aplati suivant la largeur de celle-ci.
Cette forme de la cellule et du noyau résulte évidemment
de la direction des fibres musculaires circulaires. La preuve
en est donnée par le fait que les cellules situées sur les canaux
radiaires changent de forme (elles ne sont plus rhomboïdales)
et que dans les interstices entre les sacs génitaux d'une même
paire, les cellules de la face inférieure de l'ombrelle ne se
distinguent plus en rien de celles de la face supérieure. La
fig. 10 représente une partie d'une coupe longitudinale de la
méduse passant à gauche par la région inter-radiaire et à droite,
par un canal radiaire. Si l'on compare entre elles les cellules
de la face inférieure de l'ombrelle du côté droit, avec celles qui
sont à gauche de la figure' (vers le haut du dessin), on verra
que les premières sont plus larges, tandis que les secondes sont
plus étroites et plus resserrées, de telle sorte que les noyaux
ne peuvent plus se ranger en une seule ligne.
Enfin, les cellules qui forment les parois des sacs génitaux
se distinguent par leur forme aplatie et par la petitesse de
leurs noyaux (fig. 10 et 13 ej).). Elles constituent un véritable
epithelium de revêtement ou " Deckepithelium „ des Allemands.
Leur épaisseur est si minime, qu'avec un grossissement insuffi-
sant, comme celui à l'aide duquel a été dessinée la fig. 13 (Zeiss
4. A), les noyaux sont seuls visibles ; il faut un fort grossissement
pour pouvoir distinguer autour du noyau une mince couche de
protoplasme (fig. 10, ej).), que l'on remarque encore plus
facilement si la coupe est oblique (fig. 10, e^.). Cela est prin-
cipalement dû à ce que le protoplasme de ces cellules se colore
plus vivement par le carmin que celui des œufs.
Il n'existe pas de couche sous-épithéliale à la face inférieure
MONOBRACHIUM PARASITICUM MÉRÉJK. 295
de l'ombrelle, chez Monobrachiiim, où je n'ai, du reste, pas non
plus constaté de trace de cellule gang-lionnaire ; toutetois, à la
base du velum, l'ectoderme, à la face dorsale ainsi qu'à la face
ventrale, est composé de plusieurs couches cellulaires formant
des amas sous-épithéliaux disposés en une espèce de double
anneau (fig. 10 n, n') dont les deux parties sont séparées parla
membrane sans structure du velum. Sur le velum lui-même, les
cellules sous-épithéliales disparaissent de nouveau et 1' epithelium
devient plus épais. Ces deux anneaux de cellules sous-
épithéliales doivent être considérés comme un reste du système
nerveux cirulaire dont l'état rudimentaire explique l'absence
de cellules ganglionnaires sous-épithéliales à la face inférieure
de l'ombrelle. Les fibres musculaires sont peu développées
dans le velum et dans la sous-ombrelle et leur surface n'est pas
striée transversalement.
L'ectoderme du tentacule (fig. 10, tn) ne se distingue de
celui de la face externe de la méduse, que par la plus grande
quantité de nématocystes (ne) qu'il renferme et par la présence
de cellules sous-épithéliales (a) dispersées çà et là.
Si nous passons à l'étude de l'endoderme du gonophore, nous
constatons que la lamelle vasculaire présente la particularité
fort intéressante d'être formée par des cellules comprimées
rappelant , par leur aspect , les cellules cartilagineuses
(fig. 10, vs. b.). Le protoplasme de ces cellules, peu abondant,
est accumulé autour des noyaux d'où il envoie des filaments
en forme de rayons vers la membrane cellulaire. Le reste du
contenu est un liquide clair, ne s'imprégnant pas par les
matières colorantes. Les membranes cellulaires sont assez
épaisses. Les cellules de la plaque vasculaire, au point où elles
passent dans les parois du canal circulaire (fig. 10, ce),
acquièrent plus de développement en hauteur et deviennent
plus riches en protoplasme.
Les cellules de F epithelium ventral des canaux radiaires
(fig. 10 et 11, V, ep) rappellent déjà parfaitement les cellules
endodermiques de la cavité gastrique de l'hydranthe. En
comparant la fig. 12 {v, ep) avec la fig. 8, nous n'observons
296 JULES WAGNER.
de différence que dans la quantité relative des granulations du
protoplasme. Dans l'endoderme de l'iiydranthe, ces granulations
sont plus nombreuses et celles d'entre elles qui se colorent
fortement par le carmin sont plus abondantes. Par contre, dans
l'endoderme des canaux radiaires, ce sont les corpuscules
presque incolores et à contours diffus qui prennent sensiblement
le dessus; ils donnent probablement lieu à la coloration
verdâtre des canaux radiaires, sur le vivant. L' epithelium
dorsal de ceux-ci renferme également des corpuscules tout à
fait analogues, mais en moins grande quantité et appartenant
tous à la variété qui reste indifférente vis-à-vis du carmin.
L'endoderme qui compose le tissu axial des tentacules des
méduses, consiste en une rangée de cellules. Les cellules axiales
de l'extrémité du tentacule sont complètement remplies de
protoplasme, celles de la base passent insensiblement aux cel-
lules endodermiques ordinaires, qui forment des amas cellulaires
près des canaux radiaires aux points où s'insèrent les tentacules
(fig. 10, b.). Là, les cellules ne sont plus en une seule rangée,
mais sont disposées sans ordre et leurs contours deviennent peu
distincts. Ces amas cellulaires semblent être les rudiments des
corpuscules marginaux sensitifs, qui font défaut chez les
méduses de Monobrachium. Donc la base du tentacule n'est
pas non plus séparée du reste de l'endoderme par la membrane
propre. Le tentacule a évidemment commencé à s'atrophier et
ainsi a acquis un caractère embryonnaire.
IV. — Produits sexuels.
Il n'est guère de question qui ait fait l'objet d'autant de con-
troverses que l'origine des produits sexuels chez les Cœlentérés.
Je ne referai pas l'analyse complète des travaux relatifs à ce
sujet : les mémoires des frères Hertwig (^), de Weissmann (^),
(') O. und. R. Hertwig. Ortjanismus der Meditxen. Iena 1878.
(-) \Vt;issM\NN. Die E'iutehiui'j d. Sexualzelleii bei den Hydromediisen. Iena 1883.
MONOBRACmUJI PARASITICUM MÉRÉJK. 297
et de Hartlaiib (^), ont donné une bibliographie très complète
que je crois inutile de reproduire. Quelques mots cependant
des travaux récents de Hartlaub, de Thalwitz {^) et de
Ticliomiroff (^).
Hartlaub a étudié trois espèces du genre Ohelia {Oh. Ade-
lungi Hartl. ; Oh. helgolandica et Oh. sp.). D'après lui, le lieu
primordial de formation des germes (Keimstâtte des auteurs
allemands) répondrait, chez les Eucopides, aux endroits où ces
éléments arrivent à maturité et se trouverait dans l'ectoderme
de la base du manubrium sur les lignes interradiaires. En effet,
la maturation des œufs se fait assez souvent, par anomalie, dans
le manubrium (■*). De ce point, le lieu de maturation se serait
transporté dans les canaux radiaires et les " Keimstâtte „
auraient suivi ce déplacement, tout en restant sur les lignes
interradiaires. Ce qui prouve qu'il en est ainsi, c'est que chez
Ohelia sp. les spermatoblastes procèdent des cellules du sous-
ombrelle disposées à côté des spermaires qui, eux, sont placés
sur les lignes radiaires (^). Chez les Eucopides actuels, il se
forme en outre des spermatoblastes aux dépens des cellules
ectodermiques des spermaires {^) mêmes, l'ectoderme s'y divi-
sant en deux couches, l'une superficielle épithéliale, l'autre
profonde spermatoblastique.
Thalwitz a surtout porté son attention sur la spermatoge-
nèse proprement dite. En ce qui concerne l'origine des sperma-
toblastes qu'il a recherchée chez les espèces étudiées par
Weissman, il confirme les conclusions de ce dernier. Thalwitz
(') Haktlaub. Ileobacht. ïib.die EntxiehiaK] d. Scxiinlzellen bei Obelin. Zeitsch. fur
wiss. Zool. T. Il, \8m.
{-) Th. Thalwitz. Ueb. die EniwkkluiKi d. mànnlichen Kcinizellcn beid.IIydroiden.
len. Zeilschr. T. i8, i88o.
(') A. TiCHOMlROFF. Sur l'hixtoire du développemeut dot liydroïdes. (Russ : Mdm.
d. 1. soc. (les amis des se. nat. à Moscou. T. L., livr. 2; 1887.)
(*) Hartlaub. Loc. cit., p. 171.
C) r. . » 182.
(") » » .. 181.
298 JULES WAGNER.
a fait en outre des observations sur Eudendrium capillare {})
qui, au point de vue du développement des produits sexuels,
se comporte comme Eadendriiim racemosum Cav. étudié par
Weissmann. Je reviendrai plus loin sur le mémoire de Tlialwitz.
Ticliomiroff a pris pour objet de ses recherches Tubularia
mesemhryanthemum Allm. et Eudendrium armatum Ticliom.
Ses conclusions sont en opposition avec celles de Weissmann.
Chez Eudendrium armatum (^), au moment de la maturation
des g'onophores, l'endoderme subit, tant dans les gonophores
que dans les parties avoisinantes de l'hydranthe, des modi-
fications qui se manifestent par une plus grande affinité du
plasma cellulaire pour les matières colorantes. Aux points oii se
montreront plus tard les spermaires, les cellules endodermiques
se divisent transversalement (^). Les cellules profondes résultant
de cette division se multiplient activement et donnent naissance
aux masses cellulaires spermatoblastiques. Celles-ci sont
séparées de l'ectoderme par une lamelle fondamentale et
bientôt après, une semblable membrane apparaît aussi entre
elles et la portion restée épithéliale de l'endoderme.
Le développement des produits sexuels femelles, Ticliomiroff
l'a étudié chez Tubularia mesemhryantliemum Allm. (■^). Au
moment de l'apparition du bourgeon ectodermique, les cel-
lules endodermiques qui l'avoisinent se multiplient rapidement
et donnent naissance à des amas cellulaires que l'auteur
appelle " coussinets sexuels ,,. Lorsque l'ébauche du manubrium
commence à se montrer, les cellules qui occupent le milieu de
chaque coussinet émigrent à travers la lamelle fondamentale
(membrana propria), jusque dans l'ectoderme du manubrium. Ce
passage, Tichomiroff ne l'a pas observé directement. Il le
présume en se fondant sur le fait que les coussinets sexuels
diminuent de volume concurremment avec l'accroissement du
(») Thalwitz. /.oc. cit., p. 430-431.
(*) A. Tichomiroff. » » 3G.
(■') » » .. 3o, lig. 23,
(*) .. ., . 4.
MONOBRACfflUJI PARASITIGUM 51ÉRÉJK. 299
bourgeon ectodermiqiie (GlockenkeiDi) et proportionnellement à
cet accroissement (^). Après l'apparition des canaux radiaires, les
coussinets sexuels ont totalement disparu. Une autre observation
que Ticliomirolf invoque à l'appui de son opinion, c'est l'absence
de tout indice de la lamelle fondamentale entre le bourgeon
ectodermique et les coussinets sexuels, spécialement dans les
points où, d'après l'auteur, s'opérerait le passage. Le bourgeon
ectodermique s'accroîtrait, dans l'opinion de Ticliomirotf, aux
dépens des coussinets. Les conclusions erronées formulées par
ses prédécesseurs (-) trouveraient leur explication dans la
circonstance que les coussinets sexuels, peu accusés au moment
où le bourgeon ectodermique vient de naitre, ont échapiié à
l'observation. L'existence de ces ébauches n'est pas cependant
bien difficile à reconnaître (voir Tichomiroff, l. c, fig. 12 et 3).
Deux conclusions positives se dégagent des recherches de cet
auteur (^) : la première c'est que chez E. armatum Ticliom. les
spermatoblastes procèdent de l'endoderme au niveau des sper-
maires ; la seconde, c'est que chez Tahiilaria mesem hryanthe-
muni les ovules procèdent de l'endoderme.
Récemment a paru une courte note de C. Ischikawa (^) sur
la formation des spermatoblastes chez Eudendrium racemosum.
Ses recherches ne concordent pas avec les conclusions formulées
par Tichomiroff. D'après Ischikawa, les cellules mâles pren-
draient naissance dans l'endoderme du blastostyle et à la base des
gonophores ; au contraire, ces mêmes éléments occuperaient à
l'extrémité apicale des gonophores l'ectoderme de ces for-
mations. La lamelle fondamentale constitue pour la déter-
mination de la position un point de repère précieux ; les
cellules mâles siégeraient ici à l'extérieur, là à la face interne
de cette membrane, et pour passer d'un feuillet dans l'autre
(*)A. Tichomiroff. Loc. cit., p. 6.
C-) » .. - 3.
(S) .. « n 59.
(•) C. Ischikawa. Ueb die Absiammung d. m'ànnlich. Gcsclilechiszelleii bei End.
racernoswn Car. Zeitschr. fiir wiss. Zoologie. T. 45, 1880.
300 JULES WAGNER.
les cellules sexuelles traverseraient cette lamelle. Cette diver-
gence dans les résultats obtenus par Ticliomiroff d'une part,
par Iscliikawa de l'autre, suppose ou que les choses se passent
différemment chez E. armatum et chez E. racemosum, ou bien
qu'une erreur d'observation a été commise par l'un des deux
auteurs.
On peut en dire autant de l'ensemble des données que l'on
possède sur l'origine des éléments sexuels chez les hydroïdes.
Elles sont si peu concordantes que l'on se trouve dans
l'obligation d'admettre que la question doit être reprise et qu'à
l'heure actuelle nous ne pouvons rien affirmer à cet égard, ou
qu'il existe réellement d'espèce à espèce des différences dans le
mode de formation des œufs et des cellules spermatiques , les
éléments sexuels pouvant se former indifféremment soit aux
dépens de l'ectoderme, soit aux dépens de l'endoderme, soit aux
dépens de l'un et l'autre de ces feuillets.
Cette dernière conclusion n'a d'ailleurs rien d'invraisemblable,
si l'on se rappelle les travaux récents sur la structure des
couches primaires des hydroïdes : ils ont établi que la différen-
ciation des feuillets est fort imparfaite chez les animaux de ce
groupe.
N'est-il pas prouvé aujourd'hui que les cellules endoder-
miques, tout en remplissant les fonctions digestives, sont en
même temps capables d'activité musculaire ? Chez les Scypho-
méduses et les Actinies, les cellules endodermiques engendrent
des nématocystes. v. Lendenfeld a trouvé chez Eucopella
campanularia des nerfs endodermiques analogues à ceux que
l'on connaissait déjà chez les Actinies (^). L'ectoderme aussi
bien que l'endoderme peut concourir à la formation de la lamelle
fondamentale. D'autre part, on voit des cellules ectodermiques
non seulement transmettre des aliments à d'autres cellules
(Jickeli) (^), mais même les digérer (Méréjkowsky) (^).
(') V. Lendenfeld. Zeitschr. fur wissensch. Zool. 38 Bd., 1883.
(•} F. JiCKEU. Ueb. Bau des Hydroidpolype», Morph. Jahrlj. T. VIII, 1882,
p. 638.
(') MéRÉJCHKOWSKY. Sur une anomalie chez les méduses, etc.. (en russe) 1880,
MONOBRACHIUM PARASITICtJM MÉRÉJK. 301
von Lendenfeld a constaté que, cliez les spongiaires de
groupe des Aplysinides (^), les cellules ectodermiques peuvent
ingérer des matériaux solides pour les faire parvenir ensuite au
mésoderme; d'autres auteurs entin n'admettent que la possibilité
d'une semblable faculté digestive (Metsclmikotf) (-). D'après
Gotte (^), la face interne des lobes buccaux de V Aurélia aurita
sont parfaitement capables de digestion, quoiqu'ils soient
recouverts par un epithelium ectodermique. J'ai confirmé ces
résultats en ce qui concerne la Cyanea arctica. Une grande
Lucernaria quadricornis avait été recouverte par les lobes
buccaux d'une méduse de cette espèce. Ayant éloigné la méduse,
je constatais que partout où la lucernaire avait été en contact
intime avec ces lobes, elle présentait une coloration blanchâtre
résultant de l'enlèvement de l'ectoderme naturellement coloré
en brun. N. AVagner a signalé des faits du même genre; il a été
le premier à affirmer la faculté digérante des lobes buccaux chez
Aurélia et chez Cyanea (*).
S'il est vrai que les éléments sexuels peuvent naître
indifteremment soit de l'ectoderme, soit de l'endoderme, chez
les hydroïdes, il nous reste à rechercher comment les choses se
passent dans chaque cas particulier. J'ai eu en vue de rechercher
la solution du problème chez Monobrachimn parasiticum.
J'ai dit, au début de ce mémoire, comment il s'est fait que je
n'ai pas réussi à trancher complètement la question. Je vais
rendre compte de ce que j'ai observé.
Tous les gonophores de Monohrachiiim étaient presque
complètement mûrs et leurs sacs sexuels, entièrement déve-
loppés. D'habitude il m'était impossible de distinguer les limites
p. 7, aussi dans : Aim. and Magaz. of. Nat. Hist. Voir aussi Mehejkowsky.
Slriiclure el dévdoppeinciU des némulopliores, eie. Arch, de Zool. expérim. — T. X,
1882, p. 607.
(') V. Lendenfeld. Veb. Coelenteniten der Siidsee, II. Zeitschr. fur wissensch.
Zoologie, I.XXXVIII, 1883.
('^) H. Metscunikoff. Unteisucli. ùb. d. intercellulare Verdang bei wirbellosen
Thierc». Arbeiien aus d. Zool. Instit d. Univ Wien, Claus T. V, 1883, p. u.
(•'1 GOETTE. Eììlwickelunijsgexch. d. Auretia aurita, eie, 1887.
(') N. Wagner. Les inrcrtébrés de la Mer Blanche {en russe), p. 91 el 94.
302 JULES WAGNEK.
des cellules ovulaires, dont le protoplasme constituant l'ovaire
remplit tout à fait les sacs génitaux {ûg. 12); toutefois, la
disposition des noyaux permettait de se faire une idée sur la
situation des œufs mêmes. Ce n'est que rarement, et seulement
sur des objets traités par une solution concentrée et chaude de
sublimé, qu'on parvenait à voir les limites des ovules {ûg. 13).
Le protoplasme des œufs est plus grossièrement granulé que
celui des autres cellules (fig. 10, 12 et 13). Le liquide plasma-
tique se colore faiblement, tandis que les granulations prennent
une teinte très prononcée. Les noyaux, ou vésicules vitellines,
sont plongés dans cette masse protoplasmique qui ne peut être
décomposée en œufs séparés. Les noyaux ont à peu près un
diamètre de 0,03741"/^. Le liquide nucléaire ne s'imprègne
presque pas de carmin (fig. 17). Sur des coupes, on voit nette-
ment de minces tronçons de filaments nucléaires et parmi eux,
des granules de cliromatine de forme irrégulière, fortement
colorés (fig. 1 7 chr.) et qui ne sont probablement que des renfle-
ments du réseau de la cbromatine. Ces granules ont, en
moyenne, un diamètre de 0,0021 à 0,00421»/^. Le nucléole
(nel.) est très volumineux (de 0,0104 à 0,0125™/i") et placé
excentriquement ; il est homogène, bien que le milieu se colore
plus fortement, ce qui ferait supposer l'existence d'un nucléo-
lule, dont on ne peut cependant apercevoir de limites suffi-
samment nettes. Le fait que cette apparence se montre lorsque
l'on traite les objets avec les réactifs les plus divers (liquide de
Kleinenberg, liquide de Perenyi, acide osmio-chromique) nous
prouve qu'elle n'est point un produit artificiel, dû à l'action des
liquides employés. Je n'ai pas observé la structure du nucléole
sur le vivant.
La constitution des noyaux tels que nous venons de les
décrire, indique que les œufs n'ont pas encore atteint leur
complète maturité. (Voir les changements du noyau accompa-
gnant la maturation des œufs décrits par Bergh, chez Gono-
thyrea (^), chez Clava et Aurélia (^), par Méréjkowsky chez
(') Bergh. Stndieu iïb. d. er.ite Enlwicklung d. lues. c. Gonothijrca Lovoii, Allni,
Morph. Jahrb. T. V., 1879, p. 28.
(-) Ibidem., p. 37.
MONOBRACHIUM PARASITICUM MÉRÉJK. 303
Eucope (^) et par Metsclmikoff, chez plusieurs méduses ('^)).
Il m'est arrivé de rencontrer des noyaux qui n'étaient pas
tout à fait ronds (fig. 12); je pense qu'il s'agissait de défor-
mations causées soit par les réactifs, soit par l'action com-
pressive du rasoir.
L'aspect vésiculeux du noyau et les contours bien nets du
nucléole nous donnent un moyen facile de distinguer les œufs
des autres cellules. C'est ainsi que j'ai observé souvent, dans
r epithelium ventral des canaux radiaires, des cellules amœ-
boïdes qui, par leur grandeur et par l'apparence du noyau,
ressemblaient aux ovules (fig. 1 1 ov.). Les noyaux étaient d'une
structure plus hornogène, c'est-à-dire que leurs granules de
chromatine n'étaient pas aussi grands que dans les noyaux
ovulaires précédemment décrits. Je suppose que les gros frag-
ments de chromatine étaient dissous dans le suc nucléolaire,
car le volume absolu du nucléole était presque identique. C'est
précisément à cette circonstance qu'était due la coloration plus
intense des noyaux, dont le volume n'était que la moitié de
celui des noyaux des ovules à peu près mûrs. Toutefois l'ana-
logie de ces deux sortes d'éléments n'est basée que sur leur
aspect général.
Je suis parvenu cependant à fixer ces cellules amœboïdes au
moment même de leur passage à travers la membrane propre
dans les sacs sexuels, ce qui m'a permis d'en reconnaître la
véritable signification. Ainsi, sur la fig. 12, nous voyons
quatre cellules ovulaires amœboïdes dont une a presque entière-
ment émigré à l'intérieur du sac génital ; il ne reste qu'une
fail)le portion de son protoplasme dans l'épithélium ventral du
canal radiaire {ov') tandis que la majeure partie s'est déjà
fusionnée avec le plasma des autres œufs. Une autre cellule
(oy") a à peine dépassé la membrane propre, alors que les
(') MÉRKJKOWSKY. Sur Vorirjine et le développement de V neuf de la méduse Obelia
avant la fécondation. Comptes rendus de TAcadémie de Paris, -1880.
(-) Metschnikow. Emb^ijoloijUelicn Studicn Medusen. Wien, 188G.
304 JULES WAGNER.
deux dernières sont encore dans les parois du canal (ov). Le
noyau de la première de ces cellules ressemble déjà tout à fait
aux noyaux des œufs ; celui de la deuxième est plus fortement
coloré, quoiqu'il renferme des granulations de chromatine assez
volumineuses (moins grosses pourtant que dans les œufs mûrs).
Il est intéressant de constater que les cellules amœboïdes
ovulaires, lors de leur passage dans les sacs sexuels, ne con-
tiennent qu'une faible quantité de protoplasme. On doit donc
supposer que le restant du plasma ne quitte que plus tard
r epithelium des canaux radiaires pour arriver aux cellules, en
s'infiltrant, par osmose, à travers la membrane propre. Toutes
les cellules parvenues dans le sac sexuel se transforment en
ovules, de telle sorte que chez Monobrachium, les œufs ne
s'accroissent pas en ingérant des cellules voisines. On ne trouve
jamais, en effet, dans le plasma des œufs, d'inclusions d'aucune
sorte, jamais de fragments de noyaux (^).
Dans les points où se fait le passage des cellules ovulaires,
on ne remarque aucune trace de membrane propre ; cette mem-
brane devient très mince au voisinage des œufs aussi n'y a-t-il
pas moyen de déterminer l'endroit où elle iinit.
Ayant rencontré des cellules embryonnaires amœboïdes dans
l'endoderme des canaux radiaires, j'ai eu l'idée de rechercher de
semblables éléments dans des parties plus centrales de la
colonie, et j'en ai observé dans l'hydrorliize, ordinairement près
du pédoncule du gonophore : par leurs noyaux, ils rappelaient
de jeunes ovules (fig. 18 et 19). Le protoplasme ne différait que
légèrement de celui des cellules endodermiques et, par consé-
quent, il était difficile d'en déterminer les limites ; néanmoins, il
était toujours possible de distinguer une petite quantité de
protoplasme plus grossièrement granulée, accumulée autour de
chaque noyau. La plus jeune des cellules embryonnaires que
j'ai rencontrées, à en juger du moins par la grandeur du noyau,
est représentée par la flg. 18. Son nucleus est presque double
de celui des cellules ectodermiques, dont il diffère en ce que les
(') Voir par ex. Ticlwmiioff^ loc. cit., fig. 6, pi. 10.
MONOBRACHHTM PARASITICUM MÉRÉJK. 305
renflements du réseau cliromatique sont rassemblés autour du
nucléole et qu'on peut distinguer très nettement un nucléolule.
Chez d'autres cellules de l'endoderme, au contraire, la cliro-
matine était répartie dans tout le noyau et le nucléole était
entièrement homogène (flg. li)). Il semble donc que la première
cellule quoique pourvue d'un nucleus moins volumineux soit
plus âgée que les autres ; j'incline à croire cependant qu'il n'en
est pas ainsi et que les particularités que présente son noyau
sont dues à un accident de préparation (^).
Passons à l'étude des gonophores mâles. Tous les gonophores
mâles étaient dans un état peu avancé de maturité. Les sacs
sexuels de la plupart des gonophores étaient tellement bourrés
de spermatozoïdes, qu'ils remplissaient toute la cavité de la
cloche, et que leurs limites n'étaient plus visibles.
Ces spermatozoïdes, non encore pourvus de queues, présen-
taient un noyau, à peu près homogène, d'assez grande dimension
(0,0083 mm), très réfringent et se colorant fortement (flg. 21).
La mince couche achromophile (jui entoure le noyau, autour
duquel elle forme comme un anneau clair, était capable de
mouvements assez actifs dans les spermatoblastes vivants,
plongés dans l'eau de mer.
On rencontre également dans les gono^thores mâles et dans
r epithelium ventral de leurs canaux radiaires des cellules
sexuelles amœboïdes, mais moins abondantes que chez les
femelles. Ici, je n'ai pu jamais les observer au moment de leur
passage dans les sacs génitaux ; toutefois cette émigration doit
se faire de la même manière que pour les cellules femelles,
pendant le stade où le noyau devient homogène. Ce stade est
représenté dans la fig. 15 (") par la cellule s^)', qui adhère
(•) Les observations de Vakiìnne {Itccherclies sur lit production des polypes
liildniiies. Archiv. lie zool, expér. T. \. 188"2), comme l'ont démontré Wkissmann et
Thalwitz, sont erronées.
(-) Ce stade parait correspondre à la lig. 4, d de la pi XII et à la lig. 41, e de
la pi. XIV du travad de Thalwitz {lac. cil); il en diffère d'abord par la vive
coloration du plasma cellulaire, et ensuite par la grandeur. iLe noyau de cette
cellule atteint 0,0230 millini.)
-20
306 JULES WAGNER.
intimement à la membrane propre, tandis qne les cellules
moins développées (sj)" et sp'") sont toujours enfouies dans
l'épaisseur même de 1' epithelium ventral.
Le développement des spermatoblastes a lieu de la manière
suivante : les renflements du réseau de cliromatine situés au
niveau des nœuds, au lieu de se confondre en un petit nombre
de grosses granulations, comme c'est le cas pour les cellules
ovulaires, disparaissent complèteuient et leur cliromatine se
dissout dans le suc nucléaire. Les nucléoles disparaissent eux
aussi (fig. 15) et finalement tout le noyau devient complètement
homogène et se colore fortement (^). La quantité de plasma
cellulaire est insignifiante. C'est à ce stade que les cellules
passent dans les sacs sexuels où a lieu leur segmentation. Je
n'ai vu aucun indice d'une division indirecte des noyaux (-).
On rencontre assez souvent des cellules contenant beaucoup
de noyaux (jusqu'à 64, fig. 16). Il est très probable que de
semblables cellules sont en réalité composées d'un grand
nombre de spermatoblastes, jeunes spermatozoïdes, réunis en
une seule masse, et dont les limites ne sont pas visibles, comme
l'a également observé Thalwitz chez Corydendrium (^). Leurs
noyaux étaient de forme irrégulière, à angles arrondis (fig. 16).
De ce qui précède, on peut conclure que le lieu de maturation
des produits sexuels chez Monohrachium diffère du lieu de leur
apparition, aussi bien dans les gonophores mâles que dans
les gonophores femelles. Quant aux cellules embryonnaires
de l'hydrorhize des colonies femelles, ce sont incontestablement
des éléments femelles. (Les colonies de Monohrachium sont,
comme celles de la plupart des hydroïdes, de sexe différent.)
Quoique je n'aie pas étudié l'hydrorhize des individus mâles, je
suis certain qu'il doit y avoir des cellules amœboïdes mâles, car
il ne se trouve dans l'épithélium des canaux radiaires, que des
(') Voir la description de ce proc(?dé dans Thalwitz {Ine cu., p. 4l8j, qui a eu
pour ol),jel la Tnbularin ìnexeiiibniiiìiiliciiiuìit.
(-) Thalwitz, loc cit., p. 436.
{J') lùidein, p. i'M.
M0N(3BRACHIUM PARASITICTOI MÉRÉJK. 307
cellules mâles relativement fort avancées dans leur développe-
ment.
La région germinative (Keimstatte) chez Monohrachium
est donc dans l'hydrorliize; toutefois, j'ignore quelle est la
couche qui donne naissance aux produits génitaux.
Je n'ai rencontré, il est vrai, les cellules sexuelles que dans
l'endoderme; cependant il est possible qu'elles proviennent
de l'ectoderme, d'autant plus que la couche sous-épithéliale de
l'hydrorliize est plus développée dans l'ectoderme, tandis que
dans l'endoderme, il n'existe que fort rarement des cellules sous-
épithéliales.
Quoi qu'il en soit, c'est dans l'endoderme de l'hydrorliize qu'a
lieu la différenciation des produits sexuels et dans F epithelium
ventral des canaux radiaires, leur maturation.
Nous voyons que, chez Monobrachium, il se fait une
émigration très importante des cellules sexuelles, bien que cet
hydroïde possède une méduse presque complètement formée {}).
Les cellules embryonnaires, tout en suivant l'endoderme,
passent de l'hydrorliize dans le blastostyle, puis dans 1' epithe-
lium ventral des canaux radiaires, pour arriver dans les sacs
génitaux en perforant la membrane propre.
(') Weissmann. Die Eììisickittìfi d. Scjualzell bei (t. lïtjiboiiten. C. Die Wiiudcrung
der Kciiìiizdlciì, p. 2G7 et suivantes.
308 JULES WAGNER.
EXPLICATION DES PLANCHES.
8.
Syphon du mollusque.
M.
Hydranthe.
G.
Gonophore.
gnts.
Gonothèque.
N.
Pseudonématophore.
Ne.
Batterie de Nématocystes.
ne.
Nématocystes.
n et n'.
Deux anneaux du système nerveux.
c. c.
Canal circulaire.
r. e.
Canal radiaire.
cp. ep'.
Epithelium des parois du sac génital.
V. cp.
Epithelium ventral du canal radiaire,
d. ep
Epithelium dorsal du canal radiaire.
exumbr. et eoe
". Face supérieure de l'ombrelle.
Sbumbr.
Sous-ombrelle.
vs. h.
Lamelle vasculaire.
ri.
Vélum.
tn.
Tentacule de la méduse.
sp.
Manubrium (spadice).
s. se.
Sac génital.
OV, QV', ov".
Cellules ovulaires.
sp', sp". sp"'.
Cellules sexuelles mâles.
PLANCHE VIIT.
Fig. 1. Une colonie de Monobrneh'um parmiticum, Méréjk, sur une
coquille de Tellina.
Fig. 2. Un pseudonématophore.
Fig. 3. Coupe transversale de la base de l'hypostome. fl, némato-
cyste; h, prolongement central d'une cellule k némato-
cyste.
MONOBEACHIUM PARASITICUM MÉRÉJK. 309
Fig. 4. Jeune nématocyste (Zeiss. F., 4).
Fig. 5. Nématocyste avec le filament.
Fig. G. Coupe longitudinale de la tête d'un pseudonématopliore
(Hart. IV, lOim). a, cellules de soutien; h, voir la fig. 3;
c, anneau des cellules glandulaires.
Fig. 7. Coupe verticale de l'hypostome (Zeiss. C, 5). a, cellules
glandulaires endoderraiques.
Fig. 8. Coupe longitudinale de la base du tentacule (Zeiss. C, 5). a et
h, inclusions dans les cellules endodermiques ; c, parois
des cellules du tissu axial; d ^ axe protoplasmique du
tentacule.
Fig. 9. Coupe transversale du tentacule (Zeiss, C, 4).
Fig. 10. Partie d'une coupe verticale d'une méduse (Zeiss. C. 4).
a, une cellule sous-épitliéliale; h, amas de cellules à la
base d'un tentacule.
Fig. 13. Partie d'une coupe horizontale d'une méduse (Zeiss. A., 4),
Voir la figure précédente.
Fig. 17. No3^au d'un œuf (Zeiss. E., 5). dir, granules de chromatine;
nd, nucléole.
Fig. 20. Une inclusion dans une cellule de l'hydrorliize.
PLANCHE IX.
Fig. 11. Coupe transversale de l'épithélium ventral d'un canal
radiaire (O).
Fig. 12. Coupe longitudinale de l'épithélium ventral d'un canal
radiaire (<^) Im. lamelle soutien (membrane propre).
Fig. 14. Coupe verticale du manubrium de la méduse (Zeiss. C. 4).
Fig. 15. Coupe longitudinale d'un canal radiaire (+).
Fig. 16. Spermatoblaste.
Fig. 18 et 19. Cellules ovulaires à divers degi'és de développement.
(Zeiss. E.. 5.)
Fig. 21. Tête d'un spermatozoïde presque mûr. (Seibert, 3, V.)
Nouvelle contribution à la Faune pélagique
du Golfe de Marseille
M. Paul GOURRET
sous-direcleui' do la Slatiori zooloi;i(|iie do Marsoillc, i)rofosseiir siippk'ant
;i TKcolo do Môdociiie.
[['l.A^Ctlli^ X.
En 1884, dans des considérations sur la Faune pélagique de
Marseille (Annales du Musée d'histoire naturelle, tome II,
mémoire n" 2), j'ai dû ne pas multiplier la liste des espèces qui
habitent la surface de la mer pour m'attacher surtout à dégager
une vue d'ensemble et je crois avoir montré que la faune péla-
gique est originale dans notre rade, en ce sens qu'elle est très
pauvre en animaux flottants.
Des recherches fréquemment renouvelées depuis cette
époque viennent à l'appui de cette conclusion. Ce sont ces
recherches qui font l'objet de la présente note, dans laquelle
j'ai également inséré certaines observations faites antérieure-
ment au laboratoire zoologique dirigé par M. le professeur
A. F. Marion.
312 PAUL GOURRET.
I. — Classe des Poissons.
Ce n'est qu'à de très longs intervalles et exceptionnellement
que l'on capture à la surface, soit dans le voisinage des côtes,
soit au large, des Poissons pélagiques. Aussi, y a-t-il intérêt à
connaître et à consigner avec S(jin'les espèces qu'il est permis
d'y constater quelquefois.
Cependant, si les poissons qui ont été capturés jusqu'ici
seulement à la surface sont rares, il n'en est pas de même de
ceux qui, tout en étant pélagiques, sont capables de descendre
à une profondeur qui paraît être très variable suivant les types,
lorsque règne le mauvais temps. Ces dernières espèces sont
assez communes et il est facile de les suivre dans leur migration
batliymétrique. Cette migration est certaine et il suffit de
rechercher des Poissons pélagiques pendant la belle et la
mauvaise saison pour s'en convaincre. La récolte des mêmes
espèces à la surface et aussi à des profondeurs plus ou moins
grandes le démontre d'une façon indiscutable. C'est ainsi, par
exemple, qvC Orthagoriscus mola a été parfois recueilli dans des
fonds de 1 8 brasses, que Scomber scomber est, surtout en liiver,
ramené depuis 25 à 50 mètres jusqu'à 60 et 80 mètres de
profondeur, que la Sardine et l'Anchois ont été assez souvent
pris dans des fonds de 30 mètres, enfin que le Trachurus
tracJmrus descend jusqu'à 30, 50, 65 mètres.
D'autre part, certaines espèces qui habitent d'ordinaire des
stations plus ou moins profondes, quittent ces points et montent
à la surface à des époques (pii sont peut-être invariables, ou
lorsque des conditions spéciales se présentent, venant ainsi
ajouter un nouvel élément à la faune si complexe de la surface
de la mer.
En dehors des Dactyloptères {Dactylojiteî'us volitans L.),
des Dragons de mer (Trachiniis draco L.), des Syngnates
{Syngnatus 2)hlefjon Risso) et des Sphyrenides {Sphyrœna spet
Lac.) déjà signalés en 188-4, j'ai reconnu jusqu'en décembre
1889 les espèces suivantes :
1" Carcharodon lamia Bp. — Cette espèce errante est assez
FAUNE PÉLAGIQUE DU (tOLFE DE MARSEILLE. 313
commune dans le golfe, surtout dans la portion Nord-Ouest, où
elle se livre à la chasse des Poissons migrateurs, notamment
des Thons, tantôt par 60-80 mètres de profondeur, tantôt par
des fonds moins considérables, ou encore à la surface même.
C'est ainsi que le 7 novembre 1888 trois individus ont été pris
dans le golfe de Fos, embarrassés dans une thonaire de poste.
L'un d'eux ne mesurait pas moins de 4m80 et pesait 5000 kilo-
grammes. Les deux autres atteignaient une longueur de
8 mètres et pesaient environ 1000 kilogrammes chacun. Dans
l'estomac du premier on a trouvé six Thons et deux dans le
ventre d'un autre.
20 Carcharias glaucus Âg. — Ce Squale appelé par les
pêcheurs provençaux " Cagnaou „ ou " Emperour, „ se montre
un peu partout dans le golfe, pendant le printemps et l'été,
surtout en juillet, août et septembre, pour disparaître à
l'approche de l'hiver. Durant la belle saison, on le capture soit
avec les thonaires de poste, soit avec les thonaires flottantes ou
courantilles. Assez souvent il se laisse prendre aussi dans les
madragues de Niolon et de Gignac.
Il est assez commun dans les fonds vaseux de la région
N.-O. par 60-80 mètres, ainsi que dans les graviers vaseux qui
s'étendent au Sud de Riou et de Planier par 100- J 08 mètres.
En été il n'est pas rare de le voir rallier la côte et venir sur
l'eau.
30 Centrina vulpecula Bel. — " Lou pouar „ des pêcheurs
Marseillais est rarement aperçu dans le golfe. Dans ces der-
nières années il a été pris à la calanque même de Sormiou, le
7 février 1888. Il fait ce jour-là une véritable tempête, la mer
est démontée et le mistral (vent du N.-O.) souffle avec force.
Le même Squale avait été capturé l'année précédente, fin
janvier, dans les mêmes conditions et dans la même portion de
la côte. Jamais, jusqu'ici, il n'a été ramené par la drague.
4° Echinorhinus spinosus Blainv. — Très rare à Nice et à
Cette d'après Moreau, cette espèce a été recueillie à deux
reprises dans le golfe, le 11 avril 1880 au large du cap Cou-
ronne et le ler juin 1883 par le travers du cap Méjean.
314: PAUL GOURRET.
50 Orthagoriscus mola Sclineid. — A plusieurs reprises sa
présence a été constatée. Un premier individu a été rencontré
au large de la Corbière le 29 juin 1873. Du 31 mai au 10 juin
1H76, on remarque une abondance tout à fait exceptionnelle de
Moles, notamment au large de Maire, de Jarre et de Riou.
Mais cette espèce ne tarde pas à disparaître complètement.
Toutefois, le 29 juin de la même année, on en capture un
exemplaire au large de la Corbière. Enfin, le 4 juillet 1888, un
nouvel individu est pris dans les tliys, à une profondeur de
18 brasses, également par le travers de la Corbière.
Les différents individus sont attaqués par leur commensal
ordinaire, Lepeophthirus Nordmanni Baird (Caligus M. Edw.).
6" Batistes capriscus Linné. — Deux individus seulement
ont été recueillis depuis quinze ans, l'un vers Canoubier, le
28 septembre 1873, l'autre au large de la Joliette, en mai 1880,
par des pêcheurs de maquereaux et à la canne. Ils avaient une
coloration brun foncé avec quelques bandes noires irrégulières
et peu délimitées de la région dorsale, vers le milieu des flancs.
70 Naucrates dudor Cuv. et Valenc. — Cette espèce, que
l'on désigne sous le nom de " pilote „ ou de " fanfre „, est prise
assez souvent à Marseille dans les ports, notamment dans les
bassins de carénage. C'est ainsi, pour n'en citer qu'un exemple,
que le 10 décembre 1889, une grande quantité de ces poissons
venus à la suite de l'Anatole, brick chargé de morues et
arrivant de Terre-neuve, s'est fait capturer dans le vieux port
de Marseille.
80 Shedophilus medusophagus Cocco. — Elle a été rencon-
trée une seule fois par les pêcheurs à la Seine, le l^r juillet
1877, près du château d'If. L'unique spécimen recueilli a été
donné au Museum de Paris, par le professeur Marion.
90 Astrodermus elegans Cuv. et Valenc. — Il a été pris le
2 octobre 1879, dans un filet à sardines. Il n'a plus été revu
depuis cette époque.
10" Coryphœna hippurus Linné. — Deux individus se sont
engagés et fait capturer dans la madrague du Brusc (Var).
1 If- Echeneis naucrates Linné. — Un individu est trouvé
FAUNE PÉLAGIQUE DU (iOLFE DE MARSEILLE. 815
en avril 1872 dans le port de Marseille, fixé sur la coque d'un
navire " la Clyde „. Il se rapporte à E. Naiicrates, malgré
quelques particularités qui tiennent au grand développement
du disque. Ce dernier, pourvu de 25 paires de lamelles, mesure
une longueur un peu inférieure à la moitié de la longueur
totale s' élevant à 27 centimètres. Son bord postérieur dépasse
d'un centimètre l'extrémité de la pectorale. La seconde dorsale
commence bien vers le milieu du corps. L'œil est placé à la
hauteur de l'espace correspondant à celui compris entre la
huitième et la dixième lamelle du disque.
Un autre individu pris dans les mêmes conditions ne montre
que 21 lamelles.
12" Echeneis remora Linné. — Le 3 juin 1874, sur des
Squales bleus pris à la surface par le traverà de Pomègues,
sont fixés deux petits individus longs à peine de 16 centimètres
et pourvus de 19 paires de lamelles sur la ventouse. Comme
l'espèce précédente, nos pêcheurs le nomment le '' Calf at ,. ou
le '' Suçon „.
13" Lepidopus argenteus Bonnat. — Les pêcheurs à la
Seine en prennent un bel échantillon près du château d'If en
août 1880. Il avait été rencontré précédemment au large de
Cassis. Tout récemment enfin, le 26 juin 1888, après quelques
jours de fort mistral, des bandes assez compactes se montrent
à la surface entre Cassis et Riou; plus de vingt kilogrammes
sont vendus le lendemain sur le marché de Marseille.
14" Trachypterus Spinolœ Cuv. et Val eue. — Un individu,
long de 10 centimètres et demi est pris le 19 avril 1886, dans
le voisinage du château d'If.
Il présente trois taches noires seulement au-dessus de la
ligne latérale et une tache moins intense et plus irrégulière
sur les flancs. Le corps est argenté ; les nageoires sont rouge
orangé. La caudale a une longueur un peu supérieure à la
moitié de la longueur totale ; la ventrale mesure une longueur
égale au tiers de la même longueur totale. Quant au panache,
il était très incomplet.
15" Trachyj)terus faix Cuv. et Valenc. — En juin 1872, un
316 PAUL GOURRET.
bel individu, mesurant une longueur de 2 mètres, est ramené
dans les filets à sardines. Il est remarquable par l'absence des
nageoires ventrales. Un second individu est aperçu à la surface,
entre le Pliaro et le fort St-Jean, presque à l'entrée du vieux
port, en mai 1883.
16° Ammodytes cicerellas Rafin. — Des bandes très com-
pactes de ce poisson que nos pêcheurs appellent •' l'américain „,
traversent le golfe en mai 1885 et en avril 1886. Elles
s'observent surtout dans le voisinage du château d'If. Elles ne
tardent pas à s'éloigner et à dis[»araître entièrement. Les
individus mâles et femelles étaient en pleine maturité sexuelle.
Plusieurs de ces poissons sont rencontrés le 28 août 1889,
non plus à la surface, mais dans l'espace sableux qui avoisine
le château d'If, par 25-28 mètres de profondeur.
17" Exocœtus voUtcms Linné. — Cinq individus ont été
recueillis à diverses reprises par les soins de M. le professeur
Marion. Tout récemment, le 24 décembre 1889, une grande
quantité d'Exocets se montre à la surface, entre le château
d'If et le Canoubier.
18" Exocœtus Rondeletii Cuv. et Valenc. — Il a été pris le
1er juin 1883. Il était seul. Le laboratoire de zoologie en avait
précédemment acquis trois individus.
19" Belone acus Risso. — Assez commun à la surface où
il se livre à la chasse des sardines.
20" Scomber scomber Linné. — Deux espèces de scombre se
rencontrent dans le golfe, mais l'une d'elles, le Maquereau
ordinaire, est de beaucoup la plus commune. De janvier en mai,
cette espèce ne se rencontre guère et l'on peut dire qu'elle ne
compte dans cette période aucun représentant. A partir du 15
mai jusqu'en septembre, des bandes compactes arrivent dans
le golfe où la quantité des Maquereaux prise chaque année
oscille entre 65 et 75,000 kilogrammes. Avec le mois d'octobre,
leur nombre diminue progressivement jusqu'à la Noël.
En été, c'est surtout à l'aube et au crépuscule que le Maque-
reau V Gourion ou le Veiza des pécheurs se rapproche de la
surface. Dans la mauvaise saison, il choisit de préférence les
FAUNE PÉLAItIQUE DU GOLFE DE MARSEILLE. 817
nuits obscures pour s'élever. Dans ces conditions, le Maquereau
mord facilement à l'appât qui consiste en sardines fraîches ou
en harengs salés que l'on colore assez souvent en rouge avec
de la rate de mouton, et ce procédé de pêche (pêche à la canne)
pratiqué surtout à Carry, à Sausset et à Planier, est assez
lucratif.
Dans la journée ou lorsque la nuit est éclairée par la lune,
le Maquereau s'enfonce pour éviter la lumière. On le pêche alors
avec les battudes et les battudons, dans des fonds variant entre
20 et 50 mètres. Entin, par les gros temps, il n'est pas rare
d'en prendre dans les vases de la région Nord-Ouest, par
00-80 mètres.
21° Scomber colias Linné. — Un autre Maquereau, appelé
lou hiard à Marseille, est bien moins commun que le Maquereau
ordinaire avec lequel il vit en société.
22'> Tiiymms thynnus Gunth. — Voii- Annales Musée
d'Histoire naturelle, tome III, au sujet de cette espèce qui a
fait l'objet d'une Note spéciale.
23" Thijnnns alalonga Cuv. et Valenc. — Cette espèce que
nos pêcheurs appellent : " grandes oreilles „, passe plus rare-
ment. Elle arrive d'ordinaire en août et en septembre, en
compagnie du Thon ordinaire.
24" Tliynnus thunnina Cuv. et Valenc. — La Thonine est
encore moins commune; elle vit dans la société des deux
précédentes espèces.
25" Trachurus trachurus Giinth. — Ce poisson de passage
traverse le golfe en grandes compagnies à partir de mai jusqu'en
octobre. Il est très rare en hiver.
Le Sévéréou ou Estranglo hello mèro se tient à la surface où
on le pêche au moyen d'appâts, soit à la canne, soit à la ligne ;
il n'est pas rare aussi d'en prendre avec les filets à sardines.
D'autre part et assez souvent il se trouve à une certaine
distance de la surface ; on le pêche alors avec les issaougo, les
battudons, les battudes, les boguières et même avec les tliys,
suivant la profondeur à laquelle il se tient. Lorsque la mer est
soulevée et par les gros temps, on en prend quelquefois au
318 PAUL GOURRET.
moyen du gangui, dans les prairies profondes de zostères par
10-25 mètres. On le recueille même alors dans les fonds vaseux
de la région Nord-Ouest du golfe.
26" Alosa sardina Bell. — Voir à ce sujet une Note insérée
dans le tome III des Annales du Musée de Marseille.
27° Engraulis encrasicholus Cuv. — Même remarque.
28" Melatta jihalerica. — La Melette ou Apliye phalérique
de Rondelet est assez commune à la surface où on la pêche au
moyen des issaougo. En automne, on la recueille quelquefois
dans les fonds vaseux de la région Nord-Ouest par 50-70 mètres.
29" Laprax lupus Cuv. — Le Loup ou Bar donnait lieu, il
y a quelques années, à une pêche assez importante qui a beau-
coup diminué depuis, et ce n'est guère qu'exceptionnellement et
à de longs intervalles que la récolte est aujourd'hui très fruc-
tueuse. C'est ainsi que le 20 septembre 1888 et pendant
quelques jours consécutifs on a constaté une affluence anormale
de loups au large de Montredon. La pêche s'est alors élevée à
plus de 200 kilogrammes par jour.
En dehors de ce cas exceptionnel, le Bar est assez commun
pendant l'hiver depuis une jusqu'à douze brasses, et il n'est pas
rare d'en voir de grandes troupes à la surface. C'est également
en troupes plus ou moins serrées qu'il quitte le golfe au
commencement du printemps. Cependant, et bien qu'il ne
semble pas rechercher les eaux chaudes, il persiste et demeure
dans la rade de Marseille même en été, mais il est alors moins
fréquent.
La pêche de ce poisson a lieu toute l'année avant le lever
du soleil au moyen de seinches et de mugelières, et la nuit à
partir du mois d'avril jusqu'en octobre. On se sert alors surtout
des mugelières.
30" Brama Rail Schn. — La " Castagnolo négré ,, se tient
dans le voisinage des rochers, à proximité du rivage, depuis une
jusqu'à cinq brasses. Elle monte à la surface par compagnies et
ne s'enfonce que lorsque règne le mauvais temps. Dans ces
conditions, elle recherche des fonds plus tranquilles, notamment
les prairies profondes de zostères (10 à 30 mètres) d'où le
FAUNE PÉLAGIQUE DU GOLFE DE MARSEILLE. 319
cangili la ramène. C'est un poisson stagiaire, restant dans les
mêmes lieux. Il serait cependant, de l'avis des pêcheurs, plus
commun en été.
31» Sargiis Eondeletii Cuv. et Valenc. — Le Sar aifectionne
les fonds de zostères (1-12 brasses). En été, il arrive assez
souvent d'en prendre des individus à la surface même. C'est
dans ces conditions qu'il en a été recueilli plus de 40 kilo-
grammes par jour pendant la première quinzaine de septembre
1888. Ce poisson a ensuite quitté la surface pour gagner les
prairies de zostères où il est assez commun.
32" 8argiis annularis Cuv. et Valenc. — Le " Pataclé „
commun dans les prairies profondes et dans la Broundo (gra-
viers coralligènes), vient à la côte et se montre à la surface
en été.
33" Sargus vulgaris G. S^ Hil. — La " Veirado „ a les
mêmes habitudes que l'espèce précédente. Toutefois elle ne
vient à la surface que très rarement.
34" Ciiarax puntazzo Cuv. et Valenc. — Le " Mouré
pounchu „ ou " Subo „ des pêcheurs, otfre les mêmes mœurs
que Sargus vulgaris.
35" Box hoops Bp. — La " Bogo „ qui est assez commune
aux environs de Planier et aussi le long de la côte Est du golfe,
est un poisson de surface où on en voit nager de grandes
troupes en été et avec le beau temps. Les mois de mars, d'avril
et de mai sont ceux où cette espèce paraît être la plus
abondante. On la pêche au moyen de filets spéciaux appelés
Boguières, et aussi avec les issaougo et les seinches. La Bogue
ne se tient pas toujours à la surface et assez souvent elle se
trouve assez profondément, jusque dans les fonds coralligènes
où on la prend avec les battudons et les battudes. Dans la
mauvaise saison, elle quitte la surface soit pour gagner le
pourtour des prairies de zostères, soit les prairies profondes,
d'où le gangui la ramène. Mais dans ce cas, elle est peu
commune.
36" Box salpa Risso. — La " Saoupo „ oifre les mêmes
habitudes que la Bogo. Comme celle-ci, on la voit rechercher
les eaux tièdes et nager à la surface avec le beau temps.
320 PAUL UOUERET.
37" Ohlada melanura Ciiv. et Valenc. — Rare dans les
prairies profondes de zostères, la " Biado „ est commune à la
còte. Elle est plus commune en hiver qu'en été. Elle se rencontre
quelquefois à la surface, toujours en petits bancs.
38" Pagellus bogaraveo Cuv. et Valenc. — La " Bogo
ravello „ est une espèce abondante dans les prairies profondes
de zostères. Elle remonte cependant à la surface, en bandes
compactes, pendant l'été, époque pendant laquelle elle est très
abondante.
37" Chrysophrys aurata Cuv. et Valenc. — " L'Aourado „,
autrefois très commune, tend aujourd'hui à diminuer. Très peu
abondante dans les prairies profondes de zostères, elle fréquente
la côte. On la pêche surtout le long de la jetée du large et
presque à la surface, où on en voit d'ailleurs venir " bouler „.
Ce poisson erratique est plus rare en hiver.
40" Cantharus griseus Cuv. et Valenc. — Le " Canto „ se
tient à la surface en été le long des rochers, ou à une faible
profondeur (une ou deux brasses). Avec l'hiver, il quitte la
côte et s'engage dans les prairies profondes de zostères.
41" Mœna Osbeckii Lac. — Ce poisson erratique appelé
" Mendolo „ par les Marseillais habite surtout les prairies de
zostères (10-25 mètres). Mais, de juin à septembre, il monte à
la surface ou à quelques mètres seulement de celle-ci. Il est en
grandes troupes.
42" Smaris vulgaris Bp. — La " Cagarello ,. vit dans la
société de la précédente espèce.
43" Mugil. — Les Muges sont des poissons erratiques que
l'on prend avec la ligne ou au moyen de filets spéciaux appelés
Mugelières. Ils se trouvent dans les ports et dans la plage
sableuse du Prado. Ils abondent en automne et en été, sans
disparaître le reste de l'année. En été surtout, ils viennent à la
surface en rangs serrés.
Il y a quatre espèces de Muges dans la rade de Marseille :
Mugil cephalus appelé lou Testu.
„ auratus appelé la gaouto rousso, la taco Jaouno.
„ cajxito appelé la jioimchudo, la talugo.
FAUNK PÉLA(4lyUE DU (40LFE DE MARSEILLE. 321
Mugil chelo appelé l'ueil négré, loii pansard.
44" Murœna helena Linné. — La " Mureno ,. recherche les
fonds de rochers. En été, il n'est pas rare d'en voir venir bouler
sur l'eau, c'est-à-dire à la surface. On les capture soit avec les
Mugelières, soit avec la ligne, ou encore avec le jambin. Par les
gros temps, la Murène gagne les prairies profondes de zostères
d'où le Gangui la ramène quelquefois.
45" Blenniuspavo et Oohius capito se tiennent à la surface
aussi bien que dans les fonds de zostères par 10-25 mètres.
46" Atherina hepsetus et Atherina Boyerii. — Ces deux
espèces sont très communes à la surface. En dehors des espèces
précédentes, on ramène avec les Sardinaou et dans le haut de
ces filets d'autres espèces qui n'habitent pas la surface ou qui
ne sont pas considérées comme des poissons erratiques. Leur
présence est tout à fait exceptionnelle dans ces filets et elle ne
peut s'expliquer que si l'on suppose que ces espèces viennent
séjourner à la surface pendant quelque temps, très probablement
à l'époque du frai. C'est là du reste un point à suivre et à
examiner de plus près.
Quoi qu'il en soit, les espèces remarquées pendant les mois de
mars et d'avril dans ces conditions, se réduisent jus(iu'à présent
à quatre. Ce sont :
Hippocampus guttidatus, Uranoscopus scaber, Merlangus
poutassou et Zeus pungio.
II. — Classe des Mollusques.
Jusqu'ici aucun hétéropode n'a été recueilli dans le Golfe.
Il en est presque de même des Ptéropodes. Si on excepte, en
effet, Creseis aricula que l'on rencontre quelquefois à la surface,
cet ordre ne compte aucun représentant. Cependant, à diverses
reprises, j'ai recueilli flottant, surtout entre Maïré et Jarre,
des coquilles vides de Cymhdia Peronii Cuv. et je n'avais
jamais capturé cette espèce vivante jusqu'en 1884, époque à
laquelle (13 mai) elle a été prise entre les îles et Méjean. C'est
21
322 PAUL (lOURRET.
la première fois que ce Ptéropode a été constaté à l'état vivant
dans notre rade.
D'autres espèces doivent également traverser notre Golfe,
mais elles n'ont pas été recueillies vivantes. Tel est le cas de
Clio pyramidata et à'Iïyalœa uncinata trouvées mortes au Sud
de Planier dans un limon jaunâtre gluant par 105 mètres de
profondeur. 11 en est de même d'Hyalœa vaginella ramenée par
la drague.
Quant à l'ordre des Céphalopodes, il renferme quelques
espèces que l'on peut regarder comme des types à la fois
pélagiques et marcheurs (^). Sur 15 espèces (pie cet ordre
compte dans le Golfe, 9 ont été jusqu'ici prises à des profon-
deurs variables et en même temps à la surface. Ce sont :
1" Octo])us catenulatus. — Assez commune dans les graviers
vaseux de Riou et de Planier par 100-108 mètres où on la
pêche avec les palangres, cette espèce peut quitter ces fonds et
remonter plus ou moins près de la surface. C'est ainsi qu'elle a
été capturée quelquefois dans les prairies littorales de zostères
par 8 mètres de profondeur et qu'elle a été prise à la surface
même delà mer, à deux époques différentes, le 15 mai 1879 et
le 20 juin de la même année, entre les îles et Montredon. Un
seul individu a été recueilli dans chacune de ces deux dernières
pêches. Enfin un autre avait été capturé antérieurement au
milieu des brisants du Pharo.
20 Tremodoims violaceus. — C'est sans contredit le plus
rare des Céphalopodes qui fréquentent notre rade. Il a été
recueilli une unique fois et seulement à la surface (deux
individus), entre les îles et Montredon, le 30 septembre 1879.
3» Sepia officinalis. — Un individu est rencontré à la surface
le 5 mai 1887 par le travers de Méjean. Il avait sans doute
quitté les fonds vaseux de la région Nord-Ouest du Golfe où
cette espèce se trouve habituellement par 60-80 mètres. Ce
(') Considérai ions sur la faune pélagique de Marseille. Annales. Musée Hist""" nat.
Marseille, tome II, Mém. 2.
FAUNE PÉLAGIQUE DU GOLFE DE MARSEILLE. 323
n'est pas là toutefois un cas unique ; car il n'est pas très rare
de prendre la Seiche officinale dans les filets flottants employés
pour la pêche de la Sardine, au large et à la surface, en des
points où la profondeur est assez considérable. Bien plus, il est
donné quelquefois d'en voir nager dans des anses tranquilles, à
proximité du rivage.
Cette Sepia se trompe donc dans les fonds vaseux par 80-60
mètres dans les prairies profondes de zostères par 30-10 mètres,
dans les prairies littorales par 10-2 mètres, enfin à la surface
même.
4» Sepiola BondeletU. — Elle se rencontre dans les mêmes
fonds que la précédente espèce et, comme celle-ci, peut remonter
et se maintenir à la surface, où sa présence a été constatée le
3 juin 1887, au large du Cap Couronne. On la voit quelquefois
aussi, nageant dans les anses tranquilles.
5" Loligo vidf/aris. — Probablement aii moment de la repro-
duction, cette espèce peut abandonner son lieu d'élection (fonds
vaseux de la région Nord-Ouest ou les espaces vaseux littoraux)
et se rapprocher de la surface. Un individu a été pris dans ces
conditions par un filet à Sardine (courantille) en avril 1883,
près du Château d'If.
6" Eledone moscliatus. — Rare dans les prairies profondes
de zostères, " lou Pourpré doou mus „ des pêcheurs marseillais
fréquente le pourtour des Zostères et les fonds vaseux de la
région Nord-Ouest. C'est de tous les céphalopodes celui qui est
le plus souvent pris à la surface, surtout au large de la Corbière
et de Niolon.
70 Ommastrephes sagittatus. — Il habite les vases de la
région Nord-Ouest par fiO-80 mètres ; mais il nage, s'approche
quelquefois du rivage ou se montre à la surface, tantôt au large
en des points où la profondeur est considérable, tantôt dans les
anses tranquilles en compagnie des Seiches et des Sepioles.
A ces espèces il convient d'ajouter Octoims tuherculatus qui
a été signalé par M. le professeur Marion comme faisant partie,
mais à titre excei)tionnel, de la zone littorale (0-2 mètres). Cette
espèce a été prise le 25 mai 1870, au Pharo.
324
PAUL GOURRET.
Enfin, un Argonauta argo est pris en avril 1875, dans le
voisinage du château d'If et à la surface. Sa présence est tout
à fait exceptionnelle dans notre rade, tandis qu'elle est, au
contraire, très commune aux environs de Toulon et des îles
d'Hyères, notamment à l'île de Porquerolles où de nombreux
individus sont rejetés lorsque soufflent les vents du large.
Quant aux autres céphalopodes de Marseille, ils n'ont jamais
été jusqu'à présent rencontrés à la surface. Voici d'ailleurs,
avec leurs noms, les points qu'ils fréquentent et la profondeur
où on peut les trouver :
Zone litto-
rale
O-'i ineti-f"
Prairies lit-
torales
ï>-10 met.
Prairies
profonde;'
10-30 m.
Pourtour
(les
Zoi:iteres
Fonds va-
seux
00-80 m.
Graviers
vaseux de
Hiou
et Planier
100-i200n).
Sepia bisserialis. . . .
Sepia elet;;ans
Sepia Fillouxii ....
Loligo niariiiorca . . .
Oinmastrephes lodai'us
Octopus vuli^aris . . .
Octopus de Filippi . .
Octopus macropus. . .
+
+
+
+
+
+
4-(rare).
. .4-. .
■ + ■
III.
Classe des Vers.
Une seule espèce prise à la surface appartient à cette classe.
C'est une belle Planaire, Jungia aurantlaca Lang., qui a été
capturée nageant à la surface, par le travers du château d'If et
de l'île des Pendus, le 26 juin 1888.
iV. — Classe des Crustacés.
Indépendamment des espèces citées en 1884 dans les Annales
du Musée de Marseille (mémoire u" 2) et dans les Archives de
FAUNE PÉLAGIQUE DU GOLFE DE MAESEILLE. 325
Biologie (torn. IX 1889), il y a, clans le golfe, d'autres espèces
qui font partie de la faune pélagique côtière. Ce sont :
1" Siriella intermedia Gourret (^). — Calanque de llato-
neau, en compagnie de S. Clausii.
2° Leptomysis mar ioni Gourret. — Même habitat que la
précédente.
3" Tiialestris robusta Claus. — Vallon des Auffes; entre
Niolon et Tiboulen de Ratoneau.
4" Cyclops canthocarpoides Fischer. — A la surface dans
les calanques de Morgilet (île Ratoneau) et de Pomégues.
5" Oikona spec? — Morgilet; il s'en trouve aussi dans
l'estomac des sardines.
6» Cypridina mediterranea Costa. — En juillet 1888, de
nombreux individus sont recueillis à la surface dans la calanque
de Morgilet (Ratoneau).
7° Podon minutus G.-O. Sars. J'ai recueilli ce cladocére en
1884 et en 1885à Morgilet et aussi au château d'If. A diverses
reprises, notamment en janvier, juin et juillet, le Salabre en a
ramené plusieurs individus. Mais cette espèce n'est pas com-
mune. Cependant il faut noter une abondance exceptionnelle de
Podon minutus le 5 juillet 1887; on les trouve partout dans
le golfe. Un peu avant cette époque, en mai, il y avait de
nombreux individus dans l'estomac des sardines.
8° Podon polyphemoides Leuckt. — Encore moins commun
que le précédent, ce Podon se rencontre quelquefois à la sur-
face dans le voisinage des îles, ainsi que près du vallon des
Auffes.
9" Axius. — Enfin, parmi les larves de crustacés prises à la
surface, j'ai recueilli le 5 mai 1887 dans le voisinage de la
Pointe rouge une larve d' Axius que j'ai représentée fig. 2.
(') Aniinlea Mus(^e Marseille, tome III, Mém. b.
326 PAUL GOURRET.
EXPLICATION DE LA PLANCHE X.
Figure 1.
Trachypterus spinola Cuv. et Valenc. — Gr. nat.
Figure 2.
Zoé ò.^Axius.
Recherches sur le système cutané
et sur le système musculaire du Lombric terrestre
(LuMBRicus Agricola Hoffmeister)
PAR
Paul CERFONTAINE,
docteur en sciences naturelles, assistant à l'Université de Liège.
(Planches XI à XIV.)
INTRODUCTION.
Un nombre assez considérable de travaux ont paru tant sur
l'anatomie que sur l'histologie du Lombric.
L'ouvrage de M. Charles Morr en (32), paru en 1826, est la
base de nos connaissances sur l'anatomie du Ver de terre. Les
travaux d'Ewald Hering (15) et de J. d'Udekem (50), qui ont
fait connaître les ovaires, et celui de C. Oegenbauer (12), qui
nous a donné les premières notions exactes sur la constitution
et la répartition des organes segmentaires, relatent les princi-
pales découvertes dont l'anatomie du Lombric a été l'objet
pendant la période qui s'étend de 1826 jusqu'en 1868.
En 1869, Éd. Claparède (4) publia ses recherches histolo-
giques sur le Ver de terre; son mémoire est encore classique
328 PAUL CERFONTAINE. ->
aujourd'hui; c'est un travail anatomique précis, exact, et si
des erreurs s'y sont glissées çà et là, elles proviennent spécia-
lement des méthodes histologi'ques défectueuses employées à
cette époque.
Depuis ce temps, plusieurs travaux importants ont paru sur
des points spéciaux relatifs à l'organisation et aussi à la struc-
ture de certains organes ou de certains appareils; signalons
particulièrement les mémoires de R. Horst (18 et 19), de A. von
Mojsisoivkz (29 et 30) sur le système cutané, et les ouvrages
récents de Bergli (53), de Friedlânder (54), de Jacquet (55) et
de Ude (56) sur les organes sexuels, le système nerveux, le
système vasculaire et la constitution de la paroi du corps.
Citons encore la Monographie des Oligochètes, publiée en
1884 par Fr. Vejdovsky (51) qui, pour être un travail général,
n'en renferme pas moins des données importantes sur le Lom-
bric terrestre.
Bien des questions cependant réclament encore une solution
et, comme le Ver de terre est un animal facile à se procurer et
qui est pris constamment comme type d'Oligochète, il importe
que l'on cherche à combler les lacunes que présente encore la
connaissance de son organisation.
Qu'il me soit permis de remercier ici publiquement M. le
professeui- Edouard Van Beneden qui, après m' avoir engagé à
entreprendre ce travail, n'a cessé de me prodiguer ses savants
conseils et a bien voulu contrôler journellement mes résultats.
J'ai entrepris une série de recherches sur l'ensemble de
l'organisation du Lombric, en vue d'arriver à faire une mono-
graphie anatomique de cet animal.
Je publie dès aujourd'hui les résultats obtenus en ce qui
concerne le système cutané et le système musculaire, me réser-
vant de faire comiaître ultérieurement mes recherches sur la
constitution des difterents appareils du Ver de terre.
EECH. SUR LES SYST. CUT. ET MUSC. DU LOMBKIC TERRESTRE. 329
BIBLIOGRAPHIE.
La Bibliographie a été faite dans ces derniers temps d'une façon
irréprochable par Fr. Vejdovsky (51).
Il nous éuumère en tout deux cent quatre-vingt-trois ouvrages,
parmi lesquels je citerai ceux qui ont plus spécialement rapport à
l'espèce qui nous occupe :
1. BlOOMFIELD, J., On tlie development of the Spermatozoa. P. I.
Lumbricus (Quart. Journ. ofmicr. sc, vol. XX).
2. BOSC, Histoire naturelle des Vers pour faire suite au Buffon.
Article Naïade et Lombric. Paris, 1830.
3. Charvin, p., Le Lombric terrestre. Paris, imp. appart., 1852.
4. Claparède. E., Histologische Untersucliungen iiber den Regen-
wurm (Z. f. w. Z., Ed. XIX, 1869).
5. Clarke, J. LOCKHART, On the nervous system of Lumbricus
terrestris (Roy. Soc. Proc, VIII, 1856).
6. COHN, F., Ueber die Phosphorescenz der Regenwiirmer (Z. f, iv.
Z., 1873).
7. DUFOUR, L., Notice sur les cocons ou les œufs du Lumbricus
terrestris {Ann. se. nat., Ire série, t. V, 1825).
8. DUFOUR, L., Nouvelle notice sur les œufs du Lumbricus terrestris
(ibid., 1828).
9. DuGÈS, Ant., Recherches sur la circulation, la respiration et la
reproduction des Annélides abranches (ibid., 1828).
10. Fitzinger, L., Beobachtungen iiber die Lumbrici (Isis, 1833).
11. FraisSE, P., Ueber Spermatophoren bei Regenwiirmern (^r6ei^.
iii zool. Inst. in Wilrzburg, Bd. V).
12. Gegenbauer, C, Ueber die sogenannten Respirationsorgane der
Regenwurmer (Z. f. w. Z., Bd. IV, 1853).
13. Grass, Lumbricorum terrestrium regeneratio (Acta Acad, nat,
curios., 1689).
14. GRUBE, Ed., Ueber den Lumbricus variegatus Miiller's und ihm
verwandte Anneliden ( Wiegmanii^s Archiv, 1844).
15. Hering, Ew., Zur Anatomie und Physiologie der Generations-
organe des Regenwurmes (Z. f. w. Z., IV, 1857).
16. HOFFMEISTER, W., De vermibus quibusdam ad genus lumbrico-
rum pertinentibus. Berolini, 1842.
17. HOFFMEISTER, W., Die bis jetzt bekannten Arten aus der Familie
der Regenwiirmer. Braunschweig, 1845.
330 PAUL CERFONTAINE.
18. HORST, E,., Aanteekeningen op de anatomie van Lumbricus
terrestris {Tij'lschr. ncdcrl. dierk. Vereen., deel III, 1876).
19. HORST, R., Die Lumbricidenhypodermis {ibid., deel IV, afl. 1, p. 56).
20. Kleinenberg, N., The development of the Earthworm {Quart.
Journ. of. micr. sc, 1880).
21. LANKESTER, E., Anatomy of the Earthvporm {Transact, of the
micr. Sac. London, 1864).
22. LANKESTER, E., On the structure and origin of the Spermato-
phors {Quart. Journ. of. micr. sc, 1871).
23. Leo, J., Dissertatio inauguralis de structura Lumbrici terrestris.
Regiomonti, 1820.
24. Leo, J., Ueber die Fortpflanzung der Regenwiirmer {Tsis, 1820).
25. Leydig, Fr., Ueber das Nervensystem der Anneliden {Midler's
Archiv, 1862).
26. Leidig, Fr. Ueber Phreoryctes menkeanus nebst, etc. {Arch. f.
micr. Anat., I, 1865).
27. Meckel, J.-F., Ueber die Zeugung der Regenwiirmer {Meckel's
deutsch. Arch. f. Phys., 1815).
28. Meckel, H., Ueber Geschlechtsapparat einiger hermaphroditen
Thiere {Millier' s Archiv, 1844).
29. MOJSISOWICZ, A. (von), Ueber den Bau der Lumbi-icidenhypo-
dermis {Sitz. d. kais. Acad. d. Wiss. in Wien, 1877).
30. MOJSISOWICZ, A. (VON), Zur Lumbricidenhypodermis {Zool.
Anzeiger, 1879).
31. MONTÈGRE, A. (de), Observations sur le Lombric ou Ver de terre.
Paris, Musée d'hist. nat., 1815.
32. Morren, Ch., Descriptio structuras anatomica et expositio his-
torise naturalis Lumbrici vulgaris sive terrestris. Bruxelles,
1826.
33. Morren, Ch., De Lumbrici terrestris historia naturalis nec non
anatome tractatus. Bruxelles, 1822.
34. Newport, G., On the reproduction of lost parte in Earthworm
{Proc. Lin. Soc, 1855).
35. Perrier, Edm., Recherches pour servir à l'histoire des Lombri-
cins terrestres {Nouv. arch, du Mus. Paris, 1872).
36. Perrier, Edm., Organisation des Lombricins terrestres {Arch.
de zool. exp. et gén., 1873-1874).
37. Perrier, Edm., Note sur l'accouplement des Lombricins {ibid.,
1875).
RECH. SUR LES SYST. CUT. ET MUSC. DU LOMBRIC TERRESTRE. 331
38. PONTALLIÉ, Recherches sur la nutrition et la reproduction du
Lombric terrestre {Aìin. se. nat., 1858).
39. Power d'Arcy, On the endothelium of etc. {Quart. Jonrn. of
micr. se, 1878).
40. QUATREFAGES, A. (DE), Mémoire sur le système nerveux {Comptes
rendus Acad. se. Paris, 1852).
41. QUATREFAGES, A. (DE), Note sur la classification des Annelidas
{Ann. se. nat., 1863).
42. RATZEL und AVarschawsky, Zur Entwicklungsgeschichte der
Regenwurmer {Z. f. w. Z., 1868).
43. RORIE, James, On the nervous system of Lombricus terrestris
{Quart. Journ. of mier. so., 1863).
44. San Giovanni, Ueber die Reproduction des Regenwurmes
{Frorieii''s Notizen, 1824).
45. Schwalbe, Ueber die Muskelfasern von Lumbricus {Arch. f.
mier. Anat., 1869).
46. SURRIRAY, Notes .sur quelques parasites et produits organiques
du Lombric terrestre {Aim. se. nat., 1836).
47. TrevirANUS, g., Ueber die Zeugung des Regenw^urmes {Tiede-
mann's Zeitschr. f. Phys., 1835).
48. TrouessART, E., Sur les constructions terriformes des Vers de
terre en France {Comptes rendus Acad. se. Paris, t. XCV).
49. Udekem, J. (d'). Développement du Lombric terrestre {Mém. cour.
et mém. sav. étr. Acad. Belg., 1855).
50. Udekem, J. (d'). Mémoire sur les Lombricins {Mém. Acad. roy.
de Belg., 1862).
51. Vejdovsky, Fr., System und Morphologie der Oligochaeten.
Prag, 1884.
52. WlCHMANN, Vom Giirtel des Regenwurmes {Berol. naturf. Fr.
Beri, 8, 1777).
Ajoutons-y quelques ouvrages publiés depuis lors, à savoir :
53. Bergh, Untersuchungea liber den Bau und die Entwicklung der
Geschlechtsorgane der Regenwurmer {Z. f. iv. Z., XLIV,
1886).
54. Friedlânder, B., Beitriige zur Kenntniss des Centralnerven-
sy stems von Lumbricus {ibid., 1888).
55. Jacquet, M., Recherches sur le système vasculaire des Annélides
{M. T.zu Neapel, 1885).
50. Ude, Herrmann, Ueber die Rlickenporen der terricolen Oligo-
chaeten nebst Bemerkungen, etc. {Z. f. iv. Z., Bd. XLIII,
1886, p. 87).
332 PAUL CERFONTAINE.
I.
CAEACTÈRES EXTÉRIEURS.
Mon intention n'est pas ici de décrire tous les caractères
extérieurs du Ver de terre ; je veux relever seulement certains
points encore discutés aujourd'hui.
On lit généralement dans les traités de zoologie que le
nombre des anneaux chez le Lombric est d'environ cent quatre-
vingts.
Il y a là certainement de l'exagération, car, en général, je
n'ai compté que de cent à cent cinquante anneaux et, chez le
plus grand exemplaire que j'aie eu entre les mains, un individu
qui, conservé dans l'alcool, mesure 33 centimètres de long, je
ne compte que cent quarante-trois anneaux. Et cependant,
d'après la diagnose donnée dans ces derniers temps par Ude
(56) pour le Lumbricus agricola {lierculeus de Savigny), c'est
bien de cette espèce qu'il s'agit.
La forme du Ver est cylindroïde, mais elle varie constamment
quand l'animal est en mouvement.
La forme cylindrique est surtout apparente à l'extrémité
antérieure et la coupe transversale y est toujours nettement
circulaire, que l'individu soit pris à l'état d'extension ou à l'état
de contraction.
Dans la région moyenne et dans la partie postérieure, la
forme est cylindrique, un peu aplatie ventralement quand le
Ver est à l'état d'extension ; mais, lors de la contraction, la
forme varie énormément, la coupe transversale devient, dans
ce cas, un quadrilatère irrégulier, à trois côtés plans ou légè-
rement concaves et un quatrième côté convexe. Le côté convexe
est le plus grand et situé du côté du dos, la face ventrale est
constituée par un côté plan légèrement concave et les deux
autres côtés, plus petits que ce dernier, sont latéraux, mais plus
rapprochés de la ligne médio-ventrale que de la ligne médio-
dorsale.
RECH. SUR LES SYST. CUT. ET MUSC. DU LOMBRIC TERRESTRE. 333
Les angles du quadrilatère sont occupés chacun par un
groupe de soies.
Le nombre des soies est déterminé pour chaque segment et
est le même pour tous. Tous les anneaux portent des soies ; il
n'y a d'exception que pour le segment buccal et l'anneau anal.
Quelquefois, cependant, plusieurs segments, à l'extrémité posté-
rieure, ne portent pas de soies.
Un organe très apparent sur des individus bien développés,
c'est ce que l'on désigne sous le nom de cUtellum ou ceinture.
Il se fait remarquer par sa couleur pâle blanc-jaunâtre et règne
surtout du côté du dos et sur les faces latérales du corps. Il a
ra[)parence d'une selle plutôt que d'une véritable ceinture. Sa
place et son étendue ont été controversées dans les différents
ouvrages traitant de ces questions.
Comme on le sait depuis le mémoire de Hermann Tide (56)
sur les pores dorsaux des Oligochètes et sur la systématique
des Lombricides, la ceinture, chez l'espèce agricola, occupe
l'étendue de six segments et ce sont les segments 82, 33, 34,
35, 36, 37 ; sur les bords de la face ventrale de la ceinture
régnent deux bourrelets très apparents désignés par Ude sous
le nom de Tuhercula pubertatis ; ils occupent les segments 33,
34, 35 et 36.
A propos de ces chiifres, disons qu'il faut s'entendre sur la
numération des segments du Lombric. Il en est parmi les
auteurs qui comptent comme numéro 1 le segment buccal,
d'autres ne commencent la numération qu'au segment suivant.
C'est ainsi que, pour Clax>arède (4) et d'autres, les orifices
sexuels mâles se trouvent sur le 15e anneau antérieur, tandis
que pour if. TJde{ò - formes que l'on rencontre un peu partout dans les tissus du
, , , Lombric et dans la cavité du corps. Ces corpuscules sont
probablement des bacilles et cela nous explique peut-être
pourquoi les Lombrics morts se décomposent si rapidement.
Fig. 47. Coupe longitudinale de la paroi du tube digestif dans la
région du gésier ou estomac. La couche musculaire circulaire
présente ici une forte épaisseur, et les éléments y affectent
une disposition tout à fait caractéristique et d'une régularité
remarquable.
M. p. Membrane peritoneale.
M. L Muscles longitudinaux.
M. c. Muscles circulaires.
RECH. SUR LES SYST. CUT. ET MUSC. DU LOMBRIC TERRESTRE. 427
E. i. Epithelium intestinal.
C. Cuticule assez épaisse que l'on rencontre dans cette
partie de la cavité digestive.
E. s. Espaces sanguins.
Fig. 18. Quelques formes que présente la coupe transversale de
colonnes musculaires de la paroi du corps.
A, B, C, D, E, dans la couche circulaire;
F, G, dans la couche longitudinale.
S. c. Substance contractile.
S. a. Substance axiale.
Fig. 49. Cette structure des éléments musculaires toujours évidente
dans les muscles du gésier. Une partie de la coupe, figure 47,
à un plus fort grossissement.
Fig. .50. Coupe transversale de la paroi du corps, montrant avec évi-
dence que des muscles de la couche circulaire peuvent inter-
venir pour constituer des muscles radiaires des soies.
8. Soie.
PLANCHE XIV.
Fig. 51. Vue d'une préparation obtenue par deux sections opérées
l'une en avant, l'autre en arrière d'une cloison intersegmen-
taire, dans la partie postérieure du corps.
1, 2, .3, 4. Groupes de soies : 1 et 2, dorsaux-latéraux, 3 et
4, ventraux.
Cut. Cuticule. :
Hyi). Hypoderme.
M. c. Muscles circulaires.
M. l. Muscles longitudinaux.
M. p. Membi-ane peritoneale.
C. n. Chaîne nerveuse.
V. s.-i. Vaisseau sous-intestinal.
V. d. Vaisseau dorsal.
C. d. Cavité digestive.
Fig. 52. Coupe transversale dans la région moyenne du corps. Le tube
musculo-cutané est seul représenté ici. Le Ver a la forme
caractéristique de l'état de contraction, c'est-à-dire plus ou
moins quadrilatérale. Cette figure est faite surtout en vue de
montrer les différents chomps musculaires longitudinaux.
C. d. Champ dorsal.
428 PAUL CERFONTAINE.
C. V. Champ ventral.
C. I. — C. I. Champs latéraux.
G. a. — G. a. Champs accessoires.
1, 3, 3, 4. Champs intersétaux.
M. r. Muscles rétracteurs des soies.
M. r. s. Muscles radiaires des soies.
Fig. 53. Vue intérieure de la paroi du coi*ps, dans le but de montrer
la disposition générale des muscles présidant aux mouve-
ments des soies.
Hyp. Hypoderme.
M. c. Muscles circulaires.
J. s. Jeunes soies en voie de développement.
S. f. Soie fonctionnant.
Pour les autres lettres, même signifif^ation que dans la
figure précédente.
rig. 54. Coupe transversale montrant des vaisseaux sanguins courant
entre les séries de colonnes musculaires longitudinales et
obliquement à travers ces séries.
T. n. Gros tronc nerveux, courant entre les muscles
longitudinaux et circulaires.
Fig. 55. Coupe transversale, nous montrant des éléments musculaires
traversant aussi bien les rubans mu.«culaires de Claparède
que les caissons de Udc.
Fig. 56. Coupe tangentielle, parallèle à la surface du corps, passant à
travers un groupe de soies, dans l'épaisseur de la couche
musculaire longitudinale.
Ce mémoire a été présenté au concours pour la collation des bourses
de voyage et déposé le 28 décembre 1888.
Sur la conservation de l'oxyhénioglobine à l'abri des
germes atmosphériques,
Léon FREDERICQ.
J'ai conservé pendant plus d'un mois, au contact de l'air
et dans un appartement chauffé pendant le jour (c'était en
hiver), des échantillons d' oxyhémoglohine de chien,- tant en
solution qu'à l'état de cristaux. H était facile de constater
spectroscopiquement l'intégrité de la matière colorante rouge.
Je m'explique cette conservation d'une substance considérée
comme éminemment altérable au contact de l'air (dès que la
température dépasse G»), par le mode de préparation de. la
solution et des cristaux. Le sang avait été recueilli directe-
ment de l'artère dans des vases stérilisés au préalable. L'opé-
ration ainsi que toutes les manipulations ultérieures avaient
été exécutées en observant les précautions minutieuses qui
permettent d'exclure les germes atmosphériques.
J'ai constaté en même temps que les solutions aseptiques
à' oxyhémoglobine se conservaient à l'abri de l'air extérieur
(vases et tubes scellés) sans que Voxyhêmoglobine subisse le
phénomène ordinaire de la réduction à l'état d' hémoglobine.
Mais la durée de conservation de Voxyhêmoglobine aseptique
n'est pas illimitée. Au bout de quelques semaines, elle com-
mence à passer à la méthémoglobine, et la transformation est
complète en quelques mois. L'ensemencement de cette méthé-
moglobine dans différents milieux de culture a montré qu'elle
430 LÉON FREDERICQ.
ne renfermait réellement aucun germe vivant (^). Il suffit
d'ajouter à l'un des tubes contenant de la méthémoglobine
aseptique, une goutte de sang putréfié (ou simplement exposé à
l'air), puis de sceller le tube, pour observer au bout de quelques
jours, la disparition de l'oxygène de la méthémoglobine et la
transformation de cette substance en hémoglohme réduite.
Cette propriété (bien connue) de la matière colorante du
sang, de se réduire au contact des germes atmosphériques,
peut servir à reconnaître si un échantillon de sang ou à'oxi/hé-
moglobine est réellement stérile. Si les germes ont été rigou-
reusement exclus, V oxyhémoglohine se conserve intacte pendant
assez longtemps et se transforme ensuite graduellement en
méthémoglobine. Au contraire, le sang souillé de microorga-
nismes peut être scellé avec dix, vingt, etc., fois son volume
d'air : l'oxygène finit toujours par disparaître dans ce cas et
V oxyhémoglohine se réduit entièrement.
Les deux substances en question, Vhémoglohine réduite et la
méthémoglobine, sont faciles à reconnaître, grâce à leur teinte
et à leur spectre d'absorption caractéristique.
(') M le Di' Henrijean, agregii special à l'Université do Liège, a bien voulu
contrôler, par la mélhoile de l'eiiseinencenient, l'étal aseptique des éctiantillons de
niélhétnoglobine que je lui ai remis.
Recherches physiologiques
sur l'occlusion de l'aorte thoracique,
LE Dr COLSON.
CHAPITRE I. — Historique.
L'occlusion de l'aorte abdominale fut exécutée pour la pre-
mière fois, et en même temps, par Sténon (^) chez les Poissons,
et par Swammerdam (^) chez les Mammifères : elle est presque
immédiatement suivie d'une paralysie complète de l'arrière-
train, paralysie définitive ou passagère, suivant la durée plus
ou moins longue de l'occlusion, et dont le point de départ est
fixé par Swammerdam dans l'anémie des organes périphériques,
c'est-à-dire des muscles et des nerfs.
L'expérience fut reprise plus tard par Albrecht von Haller (^)
sur des chats, et par Ségalas d'Etchepare (^) sur des chiens.
Tandis que le premier reconnut que dans certains cas, la para-
lysie de r arrière-train est précédée d'un stade d'excitation
(•) NiCOLM Stenonis. Eleiiieut myologiœ spedine}! cui accednnt cants carchnriœ
(iissectum caput et dissectìis piscis ex cauiim (jenere. Amstelodamife, I(i67, p. 109
(cité d'après Spronck).
(-) JoH. SwAMMERDAMi. Tractatiis (le respiraiione. Lugd. Batav., I66T, pp. 61-62
(cilé d'après Spronck).
(') LUCHSINGEB. Znr Ketììittìi-is der Fitnctionen des Riickenmarkes. Archiv. f. d.
ges. Physiol., 1878, X'.I, p. 310.
(*) Magendik. Journal de physiol. exp., 1824, t. IV, p. 287,
432 COLSON.
motrice peu intense, se traduisant par quelques convulsions
passagères, le second n'observa jamais cette excitation, mais
nota que la ligature simultanée de l'aorte abdominale et de la
veine cave retarde notablement l'apparition de la paralysie.
Le procédé jusque-là en usage consistait à aller lier directe-
ment le vaisseau au-dessus de sa bifurcation en iliaques primi-
tives, après une laparotomie préalable. Stannius (^), pour éviter
l'ouverture de la cavité abdominale et pouvoir soumettre le
même animal à une série successive d'occlusions, alla à la
recherche de l'aorte par une incision profonde, pratiquée entre
la colonne vertébrale lombaire et la masse musculaire sacro-
lombaire, et la saisit dans une ligature qu'il put relâcher à
volonté. Il nota le premier que lors du retour des fonctions de
r arrière-train par suppression de la ligature, la sensibilité
reparut après la motilité.
Kussmaul et Tenner {^) firent chez le lapin la compression de
la crosse aortique au moyen d'une pince de Charrière spéciale :
ce n'est que très exceptionnellement (1 cas sur 10) que la para-
lysie fut précédée de quelques légers tremblements, rappelant
ceux de la paralysie agitante.
E. du Bois-Reymond (^) recourut à un procédé déjà utilisé
par Joh. Brunnerus (*) pour la constriction du canal thora-
cique : il contourna la colonne vertébrale avec un trocart-
aiguille, armé d'un ruban résistant qui, serré sur les apophyses
épineuses, devait comprimer l'aorte contre la colonne verté-
brale. Il opéra également sur les lapins, et vit la paralysie, en
général, n'apparaître que très tardivement, ignorant lui-même
si ce retard tient à la compression concomitante de la veine
cave (fait déjà signalé par Ségalas d'Etchepare), ou bien à
l'insuffisance de la compression de l'aorte, logée dans la gout-
(') Stannius. Archiv fur physiolog. Heilkunde, l8o!2, XI, p. -1.
(*) Kussmaul et Tenner. Moleschotl's Untersuchungen zur Naturlehre des Men-
schen und der Thiere, 1857, p. 60.
(5) E. DU Bois-Reymond. Archiv fur Anatomie und Physiologie, I860, p. 639.
(*) Joh. Brunnerus. Expérimenta nova circa Pancreas. Lugd. Bat , 1722, p. ISô
(cité d'après Spronck).
RECH. PHYSIOL. SUR l'oCCLUSION DE l'aORTE THORACIQUE. 433
tière des deux psoas (comme l'a prétendu plus tard Spronck) (^).
Quoi qu'il en soit, il continua à admettre, avec tous les autres
auteurs, l'ancienne opinion de Swammerdam, relative à l'ori-
gine de cette paralysie, opinion qui avait persisté malgré la
découverte de Stannius, que les nerfs et les muscles conservent
encore leur excitabilité longtemps après l'établissement de la
paralysie.
C'est à Schiffer (^) que revient le mérite d'avoir rectifié cette
manière de voir , en établissant d'une façon positive que cette
paralysie est d'origine médullaire, et que parmi les organes
périphériques, l'anémie frappe d'abord les terminaisons ner-
veuses, puis les troncs nerveux, et en dernier lieu seulement
les muscles. Il opéra sur des lapins et fit la compression de
l'aorte au moyen d'un compresseur de Ludwig et Sczelkow ;
pour exclure l'influence de la compression possible de la moelle
à travers la colonne vertébrale, il contrôla ses résultats avec
ceux fournis par la ligature directe de l'aorte.
Il établit en outre :
1° Que cette anémie médullaire est caractérisée avant tout
par l'absence de tout stade d'excitation, fait qui fut bientôt
confirmé par Nothnagel (^) ;
2° Que, contrairement à l'opinion émise par Brown-
Séquard (*), la sensibilité disparaît toujours après la motilité
lors de l'occlusion aortique, et reparaît avant elle lors du retour
de la circulation dans les parties anémiées.
Mais ces derniers résultats de ses expériences furent bientôt
contredits par Luchsinger et Mayer d'une part, par Vulpian et
Spronck de l'autre.
Luchsinger (^), pour éviter toute circulation collatérale, fit la
(') Spronck. Over Ischaemie van liei Riiggemeik, -1886.
(*) Schiffer. Ueber die Bedeutnng dea Stenson'sehen Verxuches. Ceniralblatt fur
die medici nischen Wissenschafte, -1809, p. ;>79.
(^) NoTHNAGEL. Zar Lettre d. klonixchen Kràmpfe. Archiv. f. palhol. Anatomie,
1870.
(*) Brown-Sécuabd. Comptes rendus Acad. 1851, t. XXXIII, p. 816.
(') Luchsinger. Loc. cit.
•134 COLSON.
ligature préalable des sous-clavières : dans ce cas, le stade de
convulsions existe toujours cliez le chat et quelquefois chez le
lapin. Sigmund Mayer (^) obtint le même résultat, d'une façon
constante, chez le lapin, en faisant la ligature préalable des
carotides.
Vulpian (^) obtint, chez des chiens, l'anémie de la moelle, en
injectant dans le bout central d'une des artères crurales une
petite quantité de poudre de lycopode, suspendue dans 20 à
25 grammes d'eau : les spores de lycopode remontent d'abord
à contre-courant dans l'aorte, puis, entraînées par le courant
artériel, viennent oblitérer les derniers ramuscules des artères
qui naissent de l'aorte en dessous de l'aorte rénale. Dans ces
expériences, la perte de la sensibilité précéda presque toujours,
quoique de peu, la perte de la motilité ; et les quelques expé-
riences où la sensibilité disparut après la motilité, Vulpian les
considère comme " non réussies „, tout comme celles oii se
produisit une agitation plus ou moins vive, avec des cris plain-
tifs quelques secondes après l'injection.
Spronck (^) fit ses expériences sur des lapins, d'après le pro-
cédé de du Bois-Keymond : il vit non seulement la sensibilité
disparaître avant la motilité, lors de l'occlusion, mais en outre
il la vit toujours reparaître plus tard que la motilité, lors du
retour de la circulation dans l' arrière-train. Il attribue cette
différence entre la sensibilité et la motilité, à ce que les cellules
ganglionnaires de la première sont plus impressionnables par
l'anémie que celles de la seconde. Par contre, il ne vit jamais
se produire ces phénomènes très vifs d'excitation signalés, chez
le lapin, par Ehrlich et Brieger (■*), lors du retour de la circu-
lation, et considérés par eux comme le premier indice du
rétablissement des fonctions.
Récemment Léon Fredericq (^) a repris l'expérience de
(') s. Mayer. Zeilschrift fur Heilkimde, IV, 1883.
(-) Vulpian. Maladies du si/stème nerveux, 1879, p. 101.
("') Spronck. Iaîc. cit.
{'■) Ehrlich et Brieger. Zeilschrift f. klin. Medic. Bd II, p. 881.
(*) Léon Freuekicû. Bull, de l'Acad. royale de Belgique, 3»-' sfîrie, t. XVIII,
n" 7, -1889.
RECH. PHYSIOL. SUR l'oCCLUSION DE l'aORTE THORACIQUE. 435
Sténon sur de grands chiens, et est arrivé à des résultats très
intéressants, directement opposés à ceux de Spronck, Vulpian
et Brown-Séquard. Toujours l'occlusion de l'aorte fut suivie de
quatre phases bien distinctes, se succédant dans l'ordre sui-
vant: 1° excitation motrice; 2° paralysie; 3° excitation sensi-
tive; 40 anesthésie; toujours aussi, lors de la suppression de
l'occlusion, la sensibilité reparut longtemps avant la motilité.
Il produit l'occlusion de l'aorte au moyen d'une sonde coiffée, à
une de ses extrémités, d'un petit doigt de gant extensible ; cette
extrémité est glissée à travers la carotide primitive jusque dans
l'aorte thoracique. L'autre extrémité, munie d'un robinet, sert à
l'injection d'une certaine quantité d'eau qui doit dilater le doigt
de gant et qu'on peut laisser écouler ou renouveler à volonté.
Un procédé analogue avait déjà été employé par Pawlow (^)
et par Bohr (^), qui pénétrèrent dans l'aorte thoracique par
l'artère sous-clavière gauche. Bohr vit le sang, après une occlu-
sion aortique d'un quart d'heure, perdre sa coagulabilité pour
au moins vingt-quatre heures.
En présence de résultats aussi contradictoires obtenus par
les différents auteurs, j'ai cru intéressant de reprendre ces
expériences d'après le procédé de Léon Fredericq, et de les
compléter par l'étude des modifications qui se produisent lors
de l'occlusion aortique du côté du sang, de la circulation
sanguine, de la circulation lymphatique, de la respiration (^) et
de la calorification.
CHAPITRE IL — Procédé opératoire.
Un grand chien, anesthésie (^) par une injection sous-cutanée
de morphine, est fixé sur le dos dans la gouttière d'opération ;
(•) Pawlow. Archi v fur Physiologie, 1888, p. 281.
C^) Bohr. Ceatralblatl fur Physiologie, 1888, p. 2Gi.
{'') Pendant que je faisais ces recherches, Heinricius (Zeitschrift fiir Biologie,
4889, p. 43) publia un travail, dans lequel il affirme que l'occlusion aortique, chez
le lapin, n'est accompagnt'e d'aucune augmentation de la pression carotidienne.
(*) Dans quelques-unes de mes expériences, l'animal n'était pas anesthésie, par
exemple : n"» 1 et 11, et tous ceux utilisés pour l'étude de la motilité et de la
sensibilité (p. 40).
436 COLSON.
des deux membres postérieurs, l'un est attaché très lâchement,
l'autre reste complètement libre.
Une grande incision médiane longitudinale est faite dans la
région du cou , les carotides droite et gauche sont mises à nu
dans une étendue d'environ 8 centimètres, et une ligature est
appliquée sur leur partie moyenne (^).
On place une pince à pression dans l'angle supérieur de la
plaie cutanée, sur les bouts périphériques des carotides droite
et gauche, et l'on introduit dans ceux-ci une canule en verre à
laquelle fait suite un petit tube en caoutchouc. Il suffit dès lors
de lever la pince à pression pour recueillir des échantillons de
sang de l'une ou de l'autre des carotides.
Une pince à pression est appliquée provisoirement dans
l'angle inférieur de la plaie cutanée, sur le bout central de la
carotide droite, dans laquelle on introduit dans la direction de
la poitrine, une sonde en laiton, longue de 40 centimètres et
de 3 millimètres de diamètre extérieur, coiffée, à son extrémité
obtuse, d'un petit doigt de gant en caoutchouc extensible. On
lève la pince à pression et l'on glisse la sonde à travers la caro-
tide, dans une direction légèrement oblique en haut, en arrière
et à gauche (par rapport à l'animal supposé dans sa position
naturelle), de manière à éviter le ventricule gauche, pour la
faire pénétrer dans l'aorte thoracique (^). On fixe la carotide au
moyen d'une ligature sur l'extrémité de la sonde qui reste à
l'extérieur. Celle-ci porte un bout de tube en caoutchouc épais
permettant d'y raccorder un tube en plomb, solidement fixé à
la gouttière d'opération et muni, à son extrémité libre, d'un
robinet auquel peut s'adapter une seringue. De cette façon,
(•) Celte incision est faite par des coups de scalpel, donnés avec un instrument
bien tranchant, d'une façon brusque et sûre. La première incision produit chez
l'animal une espèce d'aneslhésie, permettant, le plus souvent, de terminer l'opéra-
tion sans cris. Voir Brown-Séquard, Comptes rendus, 1887, t. CIV, p. 931, et t. G,
p. -1306-1309.
(■■') La position de l'ampoule est relevée à l'autopsie de l'animal : voici quel'[ues-uns
des niveaux auxquels j'ai trouvé l'ampoule dilatée et obstruant complètement l'aorte :
-l" lie, {-2e et 13« côtes; 2» 9e et IQe espaces intercostaux ; 3° Se, 9e et IQe côtes;
4" 7«, Se et 9 côtes ; S» 7e et Se espaces intercostaux ; 6° Se, lie et 12» côtes.
RECH. PHYSIOL. SUR l'OCCLUSION DE l' AORTE THORACIQUE. 437
rinjection de 15 à 20 centimètres cubes d'eau, destinée à dilater
le doigt de gant, peut se faire au moyen d'une petite seringue,
sans irriter la plaie de l'animal, et à une certaine distance de
lui; il en est de même de l'écoulement, qui peut être fait à
volonté.
Le bout central de la carotide gauche est mis en rapport
avec un manomètre à mercure de Ludwig par l'intermédiaire
d'une canule en T (canule en verre, modèle François Franck)
et d'un tube en caoutchouc court et épais. Le manomètre a été
chargé au préalable d'une solution de carbonate de Na d'une
densité de 1083 (solution de Traube), sous une pression d'en-
viron 10 centimètres de mercure.
Les mouvements respiratoires sont enregistrés au moyen
d'un pneumographe de Knoll, l'inspiration correspond à la
ligne de descente, et les graphiques se lisent de gauche à
droite.
La plume de l'horloge à secondes écrit sous celles de la
respiration et de la circulation sur le papier enfumé du grand
appareil enregistreur de Hering.
La température anale est prise au moyen d'un thermomètre
coudé à angle droit et gradué en dixième de degré.
Dans quelques-unes de ces expériences l'horloge à secondes
a été arrêtée un instant pour marquer le moment exact de
l'injection ou de l'écoulement de l'eau, c'est-à-dire de l'occlusion
ou de la désobstruction aortique.
CHAPITEE m. — MoTiLiTÉ, sensibilité et fonction des
SPfflNCTERS ANAL ET VESICAL.
Abstraction faite de certains points relatifs aux sphincters
anal et vesical, sur lesquels j'ai plus spécialement porté mon
attention, mes recherches ont pleinement confli'mé les résultats
obtenus par Léon Fredericq. Je transcris ici, à titre d'exemple,
le tableau des phénomènes observés chez deux chiens à la suite
de l'occlusion de l'aorte thoracique :
438
COLSON.
Chien n^ 1.
TEMPS
PHENOMENES OBSERVES.
0
00
0
20
0
40
0
48
1
10
1
30
1
33
1
30
2
40
2
45
2
50
2
55
3
00
8
00
13
00
18
00
23
00
28
00
38
00
38
00
43
00
48
00
53
00
58
00
Injection d'eau. Disparition instantanée du pouls crural.
Convulsions toniques de l'arrière-train.
Résolution musculaire de l'arrière-train.
Expulsions de matières fécales.
Gémissements.
Cris plaintifs.
Gémissements.
Calme complet. Le sciatique droit est mis rapidement à nu
et relié au chariot de du Bois-Reymond.
Excitation du sciatique = cris et contraction du membre
postérieur.
Excitation du sciatique = cris et contraction du membre
postérieur.
Excitation du sciatique =-- cris et contraction du membre
postérieur.
Excitation du sciatique ^ cris et contraction du membre
postérie^^r.
Excitation du sciatique = contraction du membre posté-
rieur sans cris.
Excitation du sciatique ■= simple contraction du membre
postérieur.
Excitation du sciatique ■= simple contraction du membre
postérieur.
Excitation du sciatique = simple contraction du membre
postérieur.
Excitation du sciatique ^= simple contraction du membre
postérieur.
Excitation du sciatique = simple contraction du membre
postérieur.
Excitation du sciatique = simple contraction du membre
postérieur.
Excitation du sciatique = simple contraction du membre
postérieur.
Excitation du sciatique ■= plus même de contraction.
Excitation directe du muscle = contraction.
Excitation directe du muscle = contraction.
Excitation directe du muscle = contraction.
RECH. PHYSIOL. SUR l'oCCLUSION DE l'aORTE THORACIQUE. 439
CJiien no 11.
0
00
0
25
0
45
0
50
0
52
0
55
1
85
1
40
2
30
2
35
2
40
2
45
2
50
2
55
3
00
3
10
4
00
G
30
G
40
G
53
7
00
8
00
21
00
23
00
Injection d'eau. Dispaiitiou du pouls crural.
Convulsions toniques de l'arrière-truin.
Résolut on musculaire.
Jet continu d'urine.
Expulsion de matières fécales.
Anus largement entr'ouvert.
Cris.
Calme complet. Le sciatique droit, mis rapidement à nu,
est relié au chariot de du Bois-Reymond.
Excitation du sciatique =^ cris et contraction du membre
postérieur droit.
Excitation du sciatique -= cris et contraction du membre
postérieur droit.
Excitation du sciatique ^= cris et contraction du membre
postérieur droit.
Excitation du sciatique ^ cris et contraction du membre
postérieur droit.
Excitation du sciatique ^= cris et contraction du membre
postérieur droit.
Excitation du sciatique ■= cris et contraction du membre
p stérieur droit.
Excitation du sciatique = simple contraction du membre.
Excitation du sciatique =- simple contraction du membre.
Suppression de l'occlusion par écoulement du liquide.
Réapparition instantanée du pouls crural.
Excitation du sciatique = contraction du membre.
Excitation du sciatique =-- contraction du membre.
Excitation du sciatique ^ contraction du membre.
Excitation du sciatique =^ contraction et cris.
Excitation du sciatique ^ contraction et cris.
Légers mouvements volontaires de la queue.
Mouvements volontaires de la patte,
^9
440
COLSON.
Voici quelques chiffres relatifs au moment d'apparition de
ces diff'érentes phases :
■ No
du
chien.
TEMPS AU BOUT DUQUEL APPARAIT LA PÉRIODE DE
l'excitation
motrice.
la paralysie.
l'excitation
sensitive.
l'anesthésie.
1
' 2
3
4
5
G
7
8
9
10
11
12
13
Moyenne.
Quelques secondes
Quelques secondes
0' 20"
0 20
0 25
0 35
0 45
0 30
0 45
0 15
Quelques secondes
0' 28"
0 25
Avant 1 minute
Avant 1 minute
0' 32"
0 40
0 50
1 0
1 30
1 0
1 15
0 30
0 48
0 51
0 41
il
ÌÌ
)i
1' 10"
2 30
1 30
2 15
2 45
2 30
2 30
1 30
1 50
1 35
il
il
3' 15''
4 0
3 0
3 15
4 30
11
il
11
)i
5 2
3 20
0' 28"
0' 50"
1' 48"
3' 42"
L'occlusion de l'aorte est donc toujours suivie de quatre
phases bien distinctes, se succédant dans l'ordre suivant :
excitation motrice, paralysie motrice, excitation sensitive et
anesthésie.
1° La période d'excitation motrice survient au bout de quinze
RECH, PHYSIOL. SUR L OCCLUSION DE l'aORTE THORACIQUE. 441
à quarante-cinq secondes. La queue se raidit et reste le plus
souvent immobile. Les membres postérieurs se fixent dans une
extension forcée, souvent entrecoupée de quelques légères
secousses cloniques. Une seule fois ces dernières, très pronon-
cées, occupaient tout le stade et afitectaient assez bien la forme
du tremblement de la paralysie agitante.
A la fin de cette période, le doigt introduit dans l'anus, se
trouve fortement serré par la contracture du sphincter anal; à
ce moment aussi se produit souvent une émission d'uiine, sous
forme d'un jet continu assez énergique.
2» La période de paralj^sie motrice apparaît au bout de trente
secondes à une minute et demie. La queue d'abord, puis les deux
membres postérieurs retombent flasques et inertes. Bientôt aussi
l'anus, contracture jusque là, laisse expulser des matières fécales
et reste dorénavant largement ouvert; l'émission d'urine, sous
forme de jet, s'arrête et est remplacée, pendant (pie^iues se-
condes, par un léger suintement se faisant goutte à goutte; dans
quelques cas, ce suintement existait seul, sans jet préalable.
30 La période d'excitation sensitive survient au bout d'une
minute dix secondes à deux minutes trente secondes ; elle est
caractérisée par des gémissements et des cris plaintifs, auxquels
succède bientôt un calme complet. A partir de ce moment, l'ex-
citation électrique du sciatique continue à provoquer des cris
pendant plusieurs secondes, voire même pendant plusieurs
minutes.
4" La période d'anesthésie survient au bout de trois minutes
quinze secondes à cinq minutes deux secondes ; elle est carac-
térisée par l'absence de cris pendant l'excitation du sciatique.
A ce moment, l'excitabilité indirecte des muscles est encore
intacte ; elle finit cependant par disparaître, malgré la persis-
tance de leur excitabilité directe.
Pour la facilité de la description, j'ai laissé confondues avec
ces quatre périodes deux phases qu'on devrait en isoler à la
rigueur : ce sont celles de l'excitation et de la paralysie des
sphincters anal et vesical. Leur stade d'excitation débute un
peu plus tard que celui de la motilité, et se termine après l'éta-
442
COLSON.
blissement de la paralysie motrice, avant le début de l'excitation
sensitive.
Retour de la motilité et de la sensibilité. — Après le retour
de la circulation dans l'arrière-train par la sui)piessi()n de l'oc-
clusion de l'aorte, la motilité reparut toujours longtemps après
la sensibilité.
N°
TEMPS AU BOUT DUQUEL APPARAIT
1
DURÉE
du chien.
de
l'occlusion.
la sensibilité.
la motilité.
5
8'
20'
4' 0"
2 (II)
30
55
7 30
4
40
Paralysie persiste après 1 heure.
10 0
3
35
Paralysie persiste après 1 heure.
12 45
1 (II)
1 heure.
Mouvements de la queue après
1 1 heures. Ceux de la patte et
de l'anus après 1 1 heures.
20 0
Le retour de ces fonctions n'est plus guère possible après une
occlusion de plus de vingt minutes. Cette limite concorde assez
bien avec celle fixée par Ivussmaul et Tenner, Schiffer, Lucli-
singer et Léon Fredericq ; mais elle est de beaucoup inférieure
à celle fixée par Elirlich et Brieger (une heure), Spronck (une
heure), Brown-Séquai'd (une heure quinze minutes à une heure
quarante-cinq minutes) et Stannius (trois à quatre heures).
Ce retour se fit toujours d'une façon calme et lentement, pro-
gressivement, et ne fut jamais, ni accompagné, ni précédé des
phénomènes d'excitation signalés par Ehrlich et Brieger.
Jamais non plus, du vivant de l'animal, je n'ai vu survenir
dans l'arrière-train, pai-alysé depuis une à huit heures, la rigi-
dité cadavérique constatée par Brown-Séquard au bout d'une
heure à une heure quinze minutes, par Stannius après trois à
quatre heures.
RECH. PHYSIOL. SUR l'ocCLUSION DE l'aORTE THORACIQUE. 443
Notons, enfin, que l'anestliésie par le chloroforme supprime
complètement les deux stades d'excitation motrice et sensitive,
que l'anestliésie par la morphine peut produire le môme effet
ou bien supprimer seulement l'excitation sensitive, tout en
laissant persister l'excitation motrice.
Je crois donc pouvoir conclure de l'ensemble de ces recher-
ches :
1° Que l'anémie de la moelle lombaire produit très rapide-
ment la paralysie de ces éléments moteurs et sensitifs, et des
centres ano-spinal et vésico-spinal de Masius et Yanlair ;
2" Que ces différentes paralysies sont, chacune, précédées
d'un stade d'excitation préalable;
30 Que les éléments moteurs sont, contrairement à l'opinion
de Spronck, plus rapidement et plus fortement impressionnés
par l'anémie que les éléuients sensitifs, et que les centres anal
et vesical sont frappés après les éléments moteurs, mais avant
les éléments sensitifs.
Ce fait est du reste en rapport avec cet autre, d'observation
clinique (^), que, dans les paraplégies d'origine médullaire, la
motilité est souvent fortement atteinte et les troubles sphinc-
tériels déjà prononcés, malgré la persistance d'une sensibilité
plus ou moins intacte.
CHAPITRE IV. — Sang.
A. — Matériaux solides.
Refouler presque toute la masse sanguine dans l'avant-train
d'un animal revient, en somme, à y pratiquer une forte trans-
fusion, et les modifications produites dans la composition du
sang doivent être les mêmes : le courant normal de transsu-
dation, qui pousse le plasma sanguin à travers les parois
vasculaires dans les interstices des tissus, se trouvera renforcé ;
(*) Vdlpian. Maladies du système nerveux, p. 29.
444 coLSON.
la proportion des éléments figurés à l'intérieiu^ des vaisseaux,
augmentera (^), et, de plus, comme la lymphe est notablement
plus riche en eau que le plasma sanguin (^), ce dernier lui-
même deviendra moins aqueux et plus riche en matériaux
solides.
Pour résoudre la question, j'ai déterminé, chez un certain
nombre de chiens, la proportion de résidu sec (^) de deux échan-
tillons de sang (I et II) recueillis avant l'occlusion aortique, et
celles de deux autres (III et IV) recueillis après une occlusion
d'une heure.
(*) Alexander Andreessen. Disseruuiun de Dorpat, 1883. — J. Cohnstein uiul N.
ZUNTZ. Archiv fiir die ges. Physiologie, B<1. XLII, \8S8. UiiicinKcItitinicii iiticr den
Flilisifikeitsciisiniisch^ eie.
(-) GALI.KN et QuÉVENNR Gtizeltc mt-dic(dc de Pari.i^ 1834, n"^ 24, 27, liO el 34.
— SCHERER. VerliaudluiKien der medicin. plnjsilinl. GeselUchafc zu Wàrzburq^ Vif,
p. 268. — Hen.sen el Dahnhardt. Archivfâr pailiolorj. Aiiaiomie. XXXVH, |i|i. ."io
et (!8. — Carl Schmidt, Uulleiin de Saint-Péierxbourfj, IV, p. 335, 18lil. — Ham-
MARSTEN. Ueher dns Pararilnbidiii, Avchiv f. d. ijcs. Phijsiolofiie, 1878, XVII, p. 413,
et XVII, p. 38. — Hoppe-Seyler. Phyùol. Clicmie, III, ,^ 203 et suiv., 4879.
("") Deu.x capsules en porcelaine (n»* I et II), pesfes au préalable avec leur verre
de montre respectif, sont plac(^es à une certaine dislance de la table d'opération.
Avant rocclusion aortique, environ 13 centimetres cubes de sang sont recueillis,
du bout périphérique de la carotide droite, dans un tube gradué. Celui-ci est ren-
versé un certain nombre de fois pour obtenir un mélange bien uniforme de tous les
éléments, et, dans ce même but, le liquide est versé allernativement et par petites
quantités, dans les deux capsules qu'on recouvre immédiatement de leur verre de
montre. On repèse aussi vite que possible pour éviter toute perte par evaporation,
et la différence du nombre obtenu avec celui de la première pesée exprime le poids
du sang liquide.
On abandonne les capsules, dépourvues de leur verre de montre, au bain-marie
pendant environ six heures, et l'on continue la dessiccation dans l'étuve sèche à
dOS». Au bout d'une dizaine d'heures environ, la dessiccation est interrompue de
temps à autre par une pesée, faite chaque fois après refroidissement préalable dans
l'exsiccateur, et on ne considère la dessiccation comme achevée, que lorsque le
nombre de la dernière pe.sée ne dépasse plus celui de la précédente.
On repèse finalement la capsule et le verre de montre, bien lavés, desséchés et
refroidis au préalable, el leur poids est déduit de celui de la pesée antérieure pour
avoir le poids du résidu sec.
Les échantillons du sang, recueillis du bout périphérique de la carotide gauche,
après une occlusion aortique d'une heure, sont traités de la même façon dans les
capsules III et IV.
RECH. PHYSIOL. SUR l'OCCLUSION DE l' AORTE THORACIQUE. 445
Les résultats de mes recherches se trouvent résumés dans le
tableau suivant :
à
POIDS DU SANG
POIDS DU RÉSIDU
PROPORTION DU RÉSIDU
u
S
a
■a
c
X
w
(en grammes).
(en grammes).
par gramme de sang.
Avant
Après
Avant
Après
Avant
Après
c
occlusion.
occlusion.
occl
usion.
occlusion.
occlusion.
occlusion.
a
.
I2,0G9
III
4.284
I
2, 1 '^8
111
0,806
I
0,178
m
0,188
2 <
+ 0.0105
Il
I0,74o
IV
7,301
II
1,922
iV
1,379
II
0,178
IV
0,189
I
0,210
III
6, lìio
I
1,0 i2
111
1,310
1
0,200
III
0,213)
G ^
H
.■i,5;rt
IV
7,881
II
1,122
IV
1,702
H
0,202
IV
+ 0.0135
0,2 16|
I
8,874
III
S,d83
I
0,8 iO
III
i,20o
I
0,214
III
0,230/
7 .
+ 0.016
11
3, io8
IV
5,0 S7
11
0,7oo
IV
1,185
II
0,217
IV
0,233)
I
6,630
III
6,'40o
I
l,S17
III
1,582
I
0,228
III
0,247)
8
+ 0 0185
II
o.3o3
IV
6,289
II
1,217
IV
1,339
II
0,227
IV
0,243)
I
6,827
m
7,0:-)o
I
l,:3S0
IH
1,763
1
0,231
III
0,251)
4
+ 0.0203
II
7.497
IV
0,712
II
I,7o0
IV
1 ,433
11
0,233
IV
0,234)
l
I
4,883
111
i,48o
I
0,988
III
0,846
I
0,202
m
0,188)
•^
— 0.0135
II
0,636
IV
o,o88
II
1,136
IV
1,040
II
0,201
IV
0,188)
Donc, l'occlusion de l'aorte est suivie, dans l' avant-train,
d'une augmentation de la proportion des matériaux solides du
sang, et cette condensation est d'autant plus forte que le sang
était plus dense avant l'occlusion.
La seule exception à cette règle est fournie par le chien n» 3,
chez lequel le résidu sec est plus fort avant qu'après l'occlusion.
Mais chez lui, s'était produite une hemorrhagic abondante une
demi-heure après le début de l'occlusion. Or, la saignée a pour effet
direct de diminuer la proportion des matériaux solides du sang (^);
(') Popp. Uebcr die Bexcliaffenheil des rnemchlichen Btuteti, 1843, p. 89. — Bec-
querel et RoDiER. Recherches sur lu composition du snug dans Vélat de santé, etc.
Paris, 1844. — Von Lesser. Berichte der sâchs. Gesellschaft d. Wissenschaften zu
Leipzig, 1874-1875, XtV, p. 153.
446
COLSON.
elle a donc pu, dans ce cas-ci, supprimer et même renverser
l'eifet de condensation qu'aurait dû produire l'occlusion aortique.
B. — Coagulabilité du sang.
Pour l'étude de l'action qu'exerce l'occlusion de l'aorte sur
la coagulabilité du sang, les échantillons de ce liquide sont
recueillis par les bouts périphériques des carotides dans des
tubes à réaction d'un même calibre. Avant l'occlusion, la prise
est faite dans la carotide droite; après l'occlusion, dans la
carotide gauche. Lorsqu'on fait plusieurs prises de sang à des
moments inégalement éloignés du début de l'occlusion, la der-
nière prise n'est faite qu'après une saignée préalable destinée à
entraîner les caillots restés dans les tubes à la fin de la prise
précédente.
Comme les occlusions de dix à quinze minutes ne me donnaient
que des différences à peine appréciables, j'ai fait toute une série
d'occlusions beaucoup plus prolongées, dont voici le résultat :
TEMPS NÉCESSAIRE
RETARD
DUREE
pour la coagulation complète.
(iëterniiné
es
-a
a.
a
Z
del
occlusion.
par
l'occlusion.
Avant
occlusion.
Après
occlusion.
H.
M.
s.
H
M
S.
H.
M.
s.
H.
M.
s.
1
0
2o
0
0
6
0
0
6
do
0
0
lo
2
0
0
(1
2
0
0
i
2
0
"2
^2
3
0
0
0
0
7
G
'2
3
0
1
o6 1
4
0
0
0
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3
0
■>
30
0
3
■27 !
6
0
0
0
3
a
0
10
0
0
6
-
0
0
0
8
30
0
13
0
0
r;
30 1
7
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0
0
8
30
1
o
0
0
oO
30
« !
1
0
0
0
i
10
0
8
30
0
4
20
/
-2
0
0
0
4
10
0
oo
30
0
oO
oO
RECH. PHYSIOL. SUR l'oCCLUSION DE l' AORTE THORACIQUE. 447
Donc, rocclusion de l'aorte diminue toujours la coagulabilité
du sang, mais dans une proportion beaucoup moindre que celle
indiquée par Bohr. Cette diminution de la coagulabilité est
d'autant plus forte que l'occlusion a duré plus longtemps, et
elle progresse beaucoup plus rapidement que la durée de
rocclusion.
Ce fait de la diminution de la coagulabilité suffit à lui seul pour
expliquer l'hémorrliagie en nappe qui survient chez l'animal
dans la plaie du cou après une heure et quart d'occlusion. Cette
hémorrhagie, d'abord très faible, va petit à petit en augmen-
tant de façon à devenir très intense au bout de deux heures. Il
n'est pas impossible cependant que l'état de dilatation et l'aug-
mentation de la pression sanguine dans les petits vaisseaux de
l'avant-train (^) y joue un certain rôle en facilitant, jusqu'à un
certain point, l'éclosion de l'hémorrhagie : mais l'influence de
ces facteurs doit être bien faible si l'on tient compte de l'appa-
rition si tardive de l'hémorrhagie.
Ce fait nous explique encore l'état particulier de la •' couenne
inflammatoire (^) „ que présente le sang coagulé et qui, à peine
visible après une occlusion d'une heure, devient manifeste après
celle de deux heures. Grâce à la lenteur de la coagulation, la
séparation des globules et du plasma peut se faire en grande
partie avant la formation de la fibrine, et, par là, la partie
supérieure du coagulum est beaucoup plus pâle et presque
incolore.
Quant à la cause de cette moindre coagulabilité du sang, dans
l'état actuel de nos connaissances incomplètes sur la coagulation
elle-même, il serait difficile d'apprécier, à sa juste valeur, la
conclusion de Bohr : " donc le sang qui perd petit à petit sa
coagulabilité en passant à travers les poumons la regagne
d'une façon constante en passant à travers les intestins et le
foie „. Quoi qu'il en soit, il résulte de toute une série d'expé-
riences qu'il doit la regagner plus lentement qu'il ne la perd;
{*) Cette dilatation des vaisseaux et l'augmentation de la pression sanguine
seront démontrées dans le chapitre suivant : Circulation.
{*) LÉON Fredericq. Action physiologique des soustractions sanguines, 1886.
4-18 COLSON.
car, en soumettant un chien à une série successive d'occlusions
de cinq à vingt minutes, séparées par des désobstructions même
plus longues, l'hémorrliagie en nappe n'en survient pas moins
manifestement, quoique beaucoup plus tardivement et avec
moins d'intensité.
CHAPITRE V. — Circulation sanguine.
A. — Pression sanguine.
Après que Tappeiner (^) eut déjà noté " que, grâce à une
espèce d'accommodation du système vasculaire, une perte san-
guine de 3 % du poids du corps n'empêche pas la pression
sanguine de rester suffisante pour l'entretien de la vie „,
Worm-Miiller (^) démontra qu'un animal peut perdre 1.6 à
2.8 "/o de son sang, sans que la pression soit notablement
diminuée, et, réciproquement, recevoir, par transfusion, une
assez grande quantité de sang, sans que la pression monte
d'une façon appréciable. Plus tard, von Lesser (^), Pawlow (*)
et Vinay (^) arrivèrent à des résultats analogues.
Pour expliquer le mécanisme de cette régulation de la pres-
sion sanguine, les élèves de Ludwig (Tappeiner, Worm-Miiller,
von Lesser), tout en reconnaissant un certain rôle aux modifi-
cations survenues dans la circulation plasmatique, accordent
une importance capitale à l'intervention du système nerveux (^) :
(') Tappeiner. Berichte der sachsischen Gesellsehafl (1er Wissenschaften, 1872,
BJ VII, p. 198.
(-) Worm Mùller. Berichte fier sachsischen, etc., 1873, Bd XXV, p. 572.
("') Von Lesser. Berichte der sachsischen, etc., 187i-187o, Bd XIV, p. 153. Ueber
die Aupdssung der Gefassc an (jroHnen lllutineii'ien.
(') l'AWi.ow. Archiv f. d. ges. Physiologie, XXXVII, p. 73.
Cj ViNAY. Des émissiom sanguines dans les maladies aiguos. Paris, 1880, p. 173.
{>') Worm Millier base sa manière de voir sur la rapidité de la régulation et sur la
nécessité de la coexistence d'un système nerveux central intact : lorsque après la
section de la moelle dorsale, chez un animal saigné au préalable, on fait la transfu-
sion d'une certaine quantité de sang, on voit la pression monter proportionnellement
à la quantité de sang injectée et se maintenir bientôt à un niveau qu'on ne parvient
plus à dépasser et qui est inférieur à celui atteint par la même transfusion et beau-
coup plus rapidement, chez un animal à moelle intacte.
RECH. PHYSIOL. SUR l'oCCLUSION DE l' AORTE THORACIQUE. 449
grâce à celui-cif probablement par action vaso-motrice, le
système vasculaire s'adapte à la quantité de sang qu'il contient,
en se rétractant pendant et après la saignée, en se dilatant
lors de la transfusion.
C'est E. N. von Regéczy (^) qui nia le premier l'origine
nerveuse de cette régulation et la fit dépendre essentiellement
de l'équilibre qui tend à se produire entre deux courants oppo-
sés : l'un constitué par la résorption intestinale, la diffusion ou
absorption de la lymphe interstitielle et la circulation lympha-
tique; l'autre, par la filtration du plasma sanguin et les phéno-
mènes d'excrétion du côté des reins et des glandes. Le premier
tend à faire monter la pression en augmentant la masse san-
guine, l'autre tend à un eff'et inverse en la diminuant.
Plus récemment, Léon Fredericq (^) a démontré que le méca-
nisme de la régulation n'existe pas au même degré chez les
différents animaux; qu'il est beaucoup moins développé, par
exemple, chez le lapin que chez le chien : une saignée de 1 % du
poids dn corps, qui passe inaperçue chez le dernier, suffit à
réduire de moitié la pression chez le premier.
Plus récemment encore J. Conhstein et N. Zuntz (^) démon-
trèrent que les conclusions de von Regéczy sont erronées, parce
que cet auteur ne distingue pas assez ce qui, dans ses expé-
riences, doit être attribué à l'endosmose de ce qui est dû à la
filtration, et ils conclurent en faveur de la théorie vaso-motrice
de Worm-Miiller (^).
(*) Von Regéczy. Archiv fiir die ges. l'hysiologie, 1885, p. 73.
(*) Léon Fredericq. AcHon phy.sioloyiqiie des sonxtractionx xaiignines, 1886.
('') J. CoHNSTEiN et N. Zuntz. Archiv fUr die ges. Physiologie, Bd XLII. Untetau-
cliimgen iïber den Flussigkeilsuuslausch, etc. 1888.
(*j Au moment où j'ai terminé la rédaction de ce travail, Johanson et Robert
Tigertedt (Mittheilungen vom physiologischem Laboralorium in Stockholm, -1889,
Heft 6, p. 331) publient un travail dans lequel ils considèrent les conclusions de
Regéczy comme exagérées ; ils se rallient à la théorie vaso-motrice tout en reconnais-
sant un rôle assez important aux phénomènes de la fdtration, et démontrent, par
une série de transfusions et saignées, comment le cœur, par l'énergie plus ou moins
forte de ses contractions, peut jouer un certain rôle dans la régulation de la pression
sanguine.
■450 COLSON.
L'occlusion aortique représente assez bien le tableau d'une
forte transfusion dans l'avant-train, celui d'une forte saignée
dans r arrière-train ; la désobstruction consécutive réalise assez
bien les conditions d'une saignée après transfusion pour le
premier, celles d'une transfusion après saignée pour le second.
J'ai donc cru pouvoir utiliser l'expérience de Sténon pour
l'étude des modifications de la pression sanguine et du méca-
nisme de sa régulation (^).
I. — Modifications de la pression sanguine après une seule
occlusion aortique.
L'occlusion de l'aorte est suivie d'une hausse presque instan-
tanée, brusque et notable de la pression sanguine, qui va en
augmentant jusqu'au moment du stade de l'excitation sensi-
tive (^) et devient très considérable pendant ce stade (voir
fig. 1 et 2). Elle redescend ensuite plus ou moins rapidement
vers im niveau, variable suivant les sujets, mais toujours supé-
rieur à celui de la pression normale, et auquel elle se maintient,
avec de légères oscillations, pendant un temps considérable
(une heure (^) et davantage).
(•) Pour l'étude de ces phénomènes quelques chiens ont été opérés sans anesthésie
préalable ; d'autres furent au préalable anesthésiés par la morphine (0e'',"25 à Os^SS)
afin de contrôler les résultats fournis par les premiers en se mettant à l'abri des
influences extérieures (courants d'air, cris, etc.). Dans ce même but aussi j'ai
recouru a un dispositif permettant l'injection et l'écoulement du liquide, sans devoir
irriter d'une façon quelconque les nerfs sensibles de la plaie.
(') Ce stade de l'excitation sensitive, caractérisé par les cris plaintifs de l'animal,
survient, comme l'a démontré pour la première fois Léon Frcdericq, une à deux
minutes après le début de l'occlusion, et quelques secondes après l'établissement de
la paralysie de l'arrière-train.
(') Ces résultats sont directement opposés à ceux trouvés par Heinricius chez le
lapin (quatre expériences).
RECH. PHYSIOL. SUR l'oOCLUSION DE l' AORTE THORACIQUE. 451
Fig. I. Graphique de pression carorullomie pris au niomenl d'une oeclusion de
l'aorte ; id. après désobstruction de l'aorte. L'horloge à secondes est reportée à une
pression de 30 millimètres de Hg (à multiplier par deux pour avoir la pression réelle'.
A = pression sanguine avant la première occlusion faite à 4 heure 3 minutes */« ;
Occ, = moment de Tocclusion de l'aorte; B = pression sanguine pendant une
désobstruction, après l'occlusion de 19 minutes.
452
COLSON.
Chien A. — Poids : 2V'^,300. Morphine : 0.
Pression normale (mm. de Hg.)-
Durée de l'occlusion. . . .
Pression sang, correspondante.
Chien B. — Poids : 23''«,280. Morphine : 0^'\25.
170
O'o"
3'
4'o0"
lo'
30'
30'
190
I9i
182
180
186
184
Pression normale . . .
Durée de rocclusion .
Pression correspondante
no
0'30"
4'
20'
30'
40'
55'
190
206
190
186
202
194
Chien C. — Poids : 22''«,930. Morphine : 0"',40.
Pression normale.
Durée de l'occlusion . .
Pression correspondante
60'
180
60'
54
0'30"
1'
2'
3'
4'
25'
30'
35'
110
128
166
148
150
126
...
130
n. — Modification de la pressioii sanguine lors d'une série
d'occlusions aortiques.
Lorsqu'on soumet un chien à une série successive d'occlu-
sions alternant avec des désobstructions, on voit la pression
sanguine alternativement monter et descendre.
1» Lors de chaque occlusion postérieure à la première, la
pression remonte plus ou moins rapidement et se maintient avec
de légères oscillations à un niveau constant, toujours supérieur
à celui de la pression normale, et sensiblement égal à celui
atteint à la fin de la première occlusion (fig. 3).
RECH. PHYSIOL. ST^R l/ocOLITSinK PE I,' AORTE THORAOIQT'E. 453
FiG.!2. ElTol d'une occlusion el d'une désobslfuction aortiques surla pressio;! caio-
lidienne. xz = niveau de la pression normale.
/ = arre*, de l'horloge k secondes indiquant le moment de l'occlusion (llhlîi'jet
retardant de 8 milliiiu'trcs sur le tracé de la pression sanguine ac.
g T= arrêt de l'horloge indiipiant le moment de la septième désobsiruction (l;21iii>')
et relardant de ,"> millimélres sui' la pression bed.
a = niveau atteint après la désohstruclion suivant une première occlusion de 10 min.
c ^ niveau atteint après la seconde occlusion.
b = niveau atteint après la septième occlusion qui a duré 20 minutes.
e = chute brusque correspondant à la septième désobstruction.
d = niveau maximum atteint après la septième désobstruction.
454
n(>Li=^nN.
Pig. 8. r.raplii(|iie de pi'cssiuii LarolliliDiiiio jiris au iiioiiienl (1 1 li. •![') d'une
désobstruction de l'aorle succédant à une première occlusion de "2 minutes. La
pression normale est de i'-lO millimètres de Hg. En a = arrèl jusque -11 h. 23';
A = échelle de U pression sanguine à multiplier par deux pour avoir la pression
réelle. Ce graphique montre en même temps l'inversion passagère dei oscillations
respiratoires immédiatement après la désobstruction. Chien n" 42.
RECH. PHYSIOL. STIR l' OCCLUSION DE l' AORTE THORACIQUE. 455
Vie. i. Crjipliiqiie de iiression cUi'olldiciint) pris uu moment d'une déobstructioii
(D) succc'dant à nne occlusion antérieure de 20 minutes chez le même chien n" 12.
Maintien de la pression au-dessous de la normale; rythme cardiaque absolument
uniformi'.
L'inversion des oscillations se maintient.
A'. />. L'horloge à secondes est reportée à un niveau supérieur ("20 millimètres Hg).
50
456
COLSON.
2° Après chaque désobstruction survient instantanément une
chute brusque de la pression sanguine, chute phis ou moins
forte, suivie, au bout de quelques secondes, d'une ascension
plus ou moins rapide vers un niveau également plus ou moins
élevé, suivant la durée de l'occlusion antérieure.
a. Si l'occlusion antérieure a été très courte, par exemple
de trente secondes à cinq minutes, la pression, après une baisse
initiale relativement faible, remonte très rapidement de façon
à dépasser d'abord la pression normale pour y retourner ensuite
et s'y maintenir (fig. 3).
b. Si l'occlusion antérieure a été plus longue, par exemple
de cinq à huit minutes, la baisse initiale sera plus forte, et
l'ascension consécutive, moins rapide, peut ne remonter que
jusqu'au niveau de la pression normale.
c. Si l'occlusion antérieure a duré de dix à quinze minutes,
la chute initiale sera très considérable, et l'ascension consécu-
tive, très lente, n'atteindra qu'un niveau notablement inférieur
à celui de la pression normale (fig. 2 et 4),
A partir de ce moment la courbe de la pression réalisera
toujours le même type, quelle que soit la durée de l'occlusion
antérieure.
d. Ces trois types de forme peuvent être reliés entre eux
par des formes de transition nombreuses, déterminées par la
durée plus ou moins longue de l'occlusion.
Voici quelques tableaux résumant les modifications de la
pression constatées lors d'une série d'occlusionss alternant avec
des désobstructions :
Chieiî A. — Poids : 2b^'^,330. Mo?phine : 0^'-,35.
Pression normale (mm. de Hg). . .
liiO
N" d'occlusion cl de désobstruction .
I
II
III
IV
V
VI
Durée de Tocclusion
V
-2'
u'
10'
20'
30'
Pression moyenne après l'occlusion .
210
2(8
214
210
212
206
Durée de la désobstruction ....
il,'
20'
10'
13'
4'
20'
Pression b" après la désobstruction .
116
110
112
110
70
72
Pression moyenne maxima après la
désobstruction
IGO
16o
150
130
lit)
114
RECH. PHYSIOL. SUR l'OCCLUSION DE l'aORTE THORACIQUE. 457
Chien B. — Poids : 23 kïlog. Morpidne : O-'/ÎO.
Pression normale (mm. de Hg). . .
i'28
N» d'occlusion et de désobstruction .
I
II
III
IV
V
VI
Durée de l'occlusion
2'30"
3'
5'
6'
10'
30'
Pression après occlusion ....
lo6
154
ii;6
152
158
154
Durée de la désobstruction ....
13'
-'
li'
11'
20'
20'
Pression moyenne minima après la
désobstruction
84
80
70
54
48
5
Pression moyenne maxima après la
désobstruction
134
132
130
126
108
liO
Chien C. — Poids : 2Pr,300. Morphine : 0^%0.
Pression normale (mm. de Hg). •
160
N" d'occlusion et de désobstruction.
I
II
III
IV
V
VI
VII
Vili
IX
Durée de l'occlusion
5'
5'
6' 15"
10'
8'30"
6'30"
2'
4'
5'
Pression au début de l'occlus on .
226
34
238
236
228
216
218
220
216
Pression à la fin de l'occlusion. .
230
228
240
228
226
134
136
218
20'
Durée de la désobstruction . . .
\V
22'
12'
15'
1'
2'
10'
8'
138
i'ression moyenne maxima après la
désobstruclion
588
102
!0'2
13(i
t.! 2
t3'f
i:^6
liO
Bref, les modifications survenues dans la pression sanguine
peuvent être résumées dans le graphique suivant :
FiG. 5. Figure schémali(iue indi(iiiant Failure des variations de la pression san-
guine après une série d'occlusions (durée 1', 5', 12', 30') et de dé.sobstruclion de
l'aorte, a = niveau de la pression normale, bcde = debuts des occlusions de 1', 5',
12', 30'. /(//a' ^= débuts des désobstruclions. fc/m» ^courbes de l'ascension (?onsé-
cutive à la baisse initiale.
458 COLSON.
Donc, la régulation de la pression sanguine est loin de
domier les résultats anxquels on aurait pu s'attendre en se
basant sur les faits connus jusqu'ici par l'étude de la transfu-
sion et de la saignée cliez le chien.
Comment expliquer cette absence, ou plutôt cette insuffi-
sance du mécanisme de la régulation dans les deux théories
émises au commencement de ce chapitre ?
1°. TJiéorie vaso-motrice.
Si l'on tient compte, d'abord de la grande quantité de sang
que l'occlusion aortique refoule dans l'avant-train de l'animal,
et ensuite de ce fait que le champ d'action des centres vaso-
moteurs, étendu dans les expériences ordinaires de transfusion
à tout l'organisme, se trouve limité, ici à une partie restreinte
du corps, et ne comprend plus le champ d'action par excellence
des vaso-moteurs, c'est-à-dire le territoire abdominal; si l'on tient
compte de tous ces faits, dis-je, on conçoit aisément que, dans
l'avant-train, la masse sanguine soit parvenue à distendre les
vaisseaux jusqu'à une limite supérieure à celle que peut produire
l'excitation maxima des centres vaso-dilatateurs. De là le main-
tien prolongé de la pression sanguine au-dessus de la normale.
D'un autre côté, une occlusion prolongée doit produire, par
anémie, une paralysie des centres vaso-constricteurs de la moelle
lombaire. Cette paralysie et l'élargissement consécutif des
vaisseaux portent ici sur un territoire relativement étendu et
surtout très important (territoire abdominal). La masse san-
guine qui, à peu de chose près est restée la même, en rentrant,
lors de la désobstruction, dans ce système, si profondément
modifié, ne parviendi^a donc plus à ramener la pression à son
niveau primitif, malgré l'appui que peuvent lui apporter les
vaso-constricteurs de l'avant-train (^). La courbe, à ce moment,
sera caractérisée par une chute profonde suivie d'une ascension
lente et peu prononcée, n'atteignant plus le niveau normal.
(\ Car « la quantité totale de sang ne suffit pas, tie loin, pour remplir tout l'arbre
circulatoire non rétréci, puisque le seul système porte est assez spacieux, chez l'her-
bivore pour loger tout le sang du corps. » Voir Léon Fredericû, Éléments de
physiologie, l'^^ edit., i883, p. 128.
RECH. PHYSIOL. SUR l'OCCLUSION DE l' AORTE THORACIQUE. 459
Il n'est pas étonnant non plus que cette paralysie soit, tout
comme celle de la motilité et de la sensibilité, précédée d'un
stade d'excitation pendant lequel tous ces vaisseaux sont, au
contraire, rétrécis, et les centres vaso-constricteurs de la moelle
lombaire très irritables. Le retour de la masse sanguine dans
ce système doit se traduire par une ligne de descente relative-
ment petite, et sera accompagnée d'une réaction immédiate et
énergique, caractérisée par une ligne d'ascension rapide pouvant
dépasser, momentanément, le niveau de la pression normale.
Enfin, à cause de la lenteur relative du passage du stade
d'excitation à celui de la paralysie, ces deux courbes extrêmes
seront reliées entre elles par un grand nombre de formes de
transition, déterminées par la durée plus ou moins longue de
l'occlusion aortique, et parmi lesquelles l'une ou l'autre réali-
sera le type moyen où la pression remonte jusqu'au niveau
normal.
2o Théorie de von Regéczy.
En se plaçant au point de vue de cette théorie, l'occlusion
aortique produit, dans l' avant-train, les effets d'une transfusion :
les facteurs, qui diminuent la masse sanguine et que j'appellerai
négatifs, augmentent, tandis que les autres, que j'appellerai
positifs, diminuent. De là, rupture d'équilibre entre les deux
courants et tendance à la diminution de la pression.
Mais, d'un côté, dans cette région du corps, deux des élé-
ments les plus importants des facteurs négatifs, c'est-à-dire
l'élimination par les reins et l'excrétion des glandes, font, l'un
complètement, l'autre presque complètement défaut. De plus,
le seul élément qui reste, à savoir la filtration, au lieu de pou-
voir exercer son action dans toute l'étendue de l'organisme,
comme dans les transfusions ordinaires, a ici un champ d'action
restreint.
La valeur dont augmentent les facteurs négatifs ne sera
donc pas bien forte.
De l'autre côté, dans cette même région du corps, un des
principaux éléments des facteurs positifs, c'est-à-dire l'absorption
intestinale, fait complètement défaut ; les deux autres (diffusion
460 COLSON.
ou résorption lymphatique et circulation lymphatique) ont éga-
lement leur champ d'action restreint
La valeur dont diminuent les facteurs positifs doit être bien
faible également.
Il en résulte, en somme, que la tendance à la diminution de
la masse sanguine est réduite à un minimun ; de là la possibilité
du maintien de la pression sanguine au-dessus de la normale.
Mais les différentes courbes qui suivent les désobstructions
sont beaucoup plus difficiles à expliquer avec les données de
cette théorie :
Dans l'arrière-train se produisent, pendant l'occlusion, des
modifications directement opposées à celles signalées pour
r avant-train : les facteurs négatifs diminuent, les positifs aug-
mentent ; d'oii tendance à l'augmentation de la masse sanguine.
Par des considérations analogues à celles de tantôt, on arrivera
à la conclusion que la tendance à cette augmentation sera rela-
tivement beaucoup plus forte que la tendance à la diminution
de la masse sanguine signalée dans l'avant-train.
Qu'arrivera-t-il dès lors après la désobstruction consécutive ?
La masse sanguine aura augmenté dans l'arrière-train d'une
quantité supérieure à celle qu'elle a perdue dans l'avant-train.
La masse totale sera donc augmentée, et la pression sanguine,
après sa chute initiale, remontera au delà du niveau normal.
Mais bientôt une nouvelle rupture de l'équilibre, avec diminu-
tion consécutive de la masse sanguine, la ramènera à son niveau
normal.
Dès lors se trouve expliquée la première courbe de la
figure 5.
Si l'on veut, au contraire, admettre que la masse sanguine
totale n'ait pas changé, on aura expliqué la seconde courbe, et
la première restera inexplicable.
Mais comment expliquer cette troisième courbe et ce main-
tien constant de la pression au-dessous de la normale ?
Comment encore expliquer cette succession même de phases
absolument différentes, sous l'influence de causes qui agissent
toujours dans le même sens, mais prolongent leur action pen-
dant un temps plus ou moins considérable ?
RECH. PHYSIOL. SUR l'oCCLUSION DE l'aORTE THORACIQUE. 461
La durée plus longue de leur action peut tout au plus ren-
forcer un effet déjà produit par une durée plus courte.
Du reste, le fait seul que la pression sanguine remonte après
chaque occlusion à un même niveau constant, quel que soit
celui atteint à la fin de la désobstruction précédente, et quelle
que soit la durée de cette dernière, ce fait seul, dis-je, prouve
que la masse totale du sang ne varie que dans des limites
certainement très faibles. Les variations de la masse sanguine,
nécessaires pour l'explication des faits, n'existent donc pas.
Donc tous ces phénomènes, à part un seul, de même que leur
succession régulière et constante, restent inexplicables dans la
théorie de Regéczy.
Peut-être pourrait-on tourner la difficulté en procédant
comme le fait du reste Regéczy lui-même (^) pour expliquer la
différence d'action de la transfusion, constatée par Worni-
Miiller chez des chiens, suivant que leur moelle dorsale a été
sectionnée ou est restée intacte, " au bout d'un certain temps
la paralysie de la moelle amènerait un élargissement des vais-
seaux de r arrière-train par affaiblissement de leur paroi
musculaire : dès lors la même masse sanguine ne suffit plus
pour maintenir les parois vasculaires dans le même état de
tension, et la pression baissera d'autant plus, dit-il, que cet
élargissement même des parois s'accompagnera nécessairement
d'une dilatation proportionnelle de leurs pores, c'est-à-dire
d'une augmentation de la filtration.
En admettant même cette dernière considération purement
hypothétique et erronée (-), comment expliquer ce relâchement
même des vaisseaux par paralysie de la moelle, si ce n'est par
la paralysie des centres vaso-moteurs? Regéczy rentre donc
forcément dans la théorie vaso-motrice qu'il combat.
Je crois donc pouvoir conclure de ces recherches :
1» Que cette insuffisance de la régulation de la pression
sanguine s'explique parfaitement par la paralysie, par anémie
(') Voir VON RtGÉCZY, loc. cit.
(-) Voir chapitre : Ciradniiou liiinphatiqiie, p. 4!^.
462 COLSON.
des centres vaso-constricteurs de la moelle lombaire, et que
l'intégrité de ces centres est indispensable et suffisante pour le
mécanisme normal de cette régulation ;
2» Que si les phénomènes de diffusion, de filtration, d'ab-
sorption et d'élimination des liquides de l'organisme peuvent
jouer un rôle relativement important dans cette régulation,
leui' intervention n'est cependant pas indispensable et est
parfois insuffisante quand celle des centres vaso-moteurs est
supprimée ;
3" Que, tout comme pour les éléments moteurs et sensibles
de la moelle, l'anémie peut produire très rapidement la para-
lysie des centres vaso-constricteurs de la moelle lombaire, et
que cette paralysie est toujours précédée d'un stade d'exci-
tation.
B. — Oscillations respiratoires et fréquence des pulsations
CARDIAQUES.
On sait que toute hausse de la pression sanguine est accom-
pagnée d'un ralentissement des pulsations cardiaques, que
toute baisse produit leur accélération (^). On sait également (^)
que toute baisse notable de la pression sanguine amène une
modification profonde dans les oscillations respiratoires de la
pression artérielle chez le chien : la pression carotidienne
(') Hales. Hémostatique^ Ì774. — Bernstein. Centralblall fur die medicin.
Wissensch., 1807. — Marey. Phij.iiologie médicale de la circulntion. Paris, 1883,
(Comptes rendus de la Société de biologie), et Comptes rendus^ 1873. — Kowalewsky
et Adamuk. Centralblattl f(jr d. medicin. Wissensch., 4808. — E. Bernhardt. Unter-
suchungen ùber den Nerriis depressor bei der Katze. (Inaugural Dissertât. Dorpat,
4868. — Nawrocki. Warschauer Universitâts Nachrichten, n" 3, 1870. Ueber den
Einjluss des Dlutdmckes aiif dus Centrum der N. vagi. — Nawrocki et Muraschko.
Warschauer Universitâts Nachrichten, no 2, 1870, p 200. Ueber die FAnwirkuvg des
Blutdruckcs auf die Haûfigkeit der Herzsrblà'je. — François Franck. Travaux du
laboratoire de Marcy, 4877, III, p. 273.
(-) Mosso. Ueber dell Kreislauf des Blutes im meiìsclilichen Gcliirn. Leipzig, 1881,
et Atti dei Lincei, 7 dec. 1879. ^ Léon Frederico. Injlueuce de la respiration sur
la circulation. Archives de biologie. III, p. oo, 1882, et Action physiologique des
Mustract-ions sanguines, 1880.
RECH. PHYSIOL. SUR l'OCCLUSION DE l' AORTE THORACIQUE. 463
baisse pendant rinspiration pour remonter pendant l'expiration,
alors que les rapports entre les variations de la pression arté-
rielle et de la respiration sont inverses chez le chien intact.
Toutes ces modifications sont attribuées avant tout, sinon
exclusivement, à l'action tonique du pneumogastrique et du
centre d'arrêt de la moelle allongée, action tonique qui est
diminuée par la baisse, exagérée par la hausse de la pression
sanguine. C'est la suspension de cette même action tonique
qui, comme l'a démontré surtout Léon Fredericq, fait dispa-
raître les inégalités respiratoires du rythme cardiaque et ren-
verse par là les rapports entre les variations de la pression
artérielle et de la respiration.
Mes recherches, à ce point de vue, n'ont fait que confirmer
ces résultats, mais ont l'avantage de montrer, sous une forme
nouvelle et des plus évidentes, les rapports intimes entre ces
phénomènes et la pression sanguine.
I» Après l'occlusion aortique, les pulsations cardiaques
deviennent moins fréquentes ; leur inégalité respiratoire se
maintient suffisamment pour que les oscillations respiratoires,
devenues plus étendues, continuent à présenter leur type nor-
mal : la pression monte pendant l'inspiration et baisse pendant
l'expiration (fig. 4).
Ralentissement des pulsations cardiaques par occlusion aortique.
N° (lu chien
I
40
III
IV
124
VI
41
VII
41
XII
74
XIV
40
Pouls (en 30"j avant l'occlusion . .
Pouls (en 30") après l'occlusion . .
31
12
70
38
35
70
34
II» Lors d'une désobstruction, on voit survenir, en même
temps que la chute de la pression sanguine, au-dessous de la
normale, une accélération plus ou moins marquée des pulsations
cardiaques, la suppression presque complète de leur inégalité
respiratoire, une réduction considérable des oscillations respi-
464
COLSON.
ratoires et leur inversion complète : la pression monte pendant
l'expiration et baisse pendant rins})iration.
FiG. 6. Rythme cardiaque pendant la huitième désobstruclion.
La pression monte pendant l'expiralion.
La durée même de ces modifications varie avec la durée de
l'occlusion antérieure : elles sont permanentes si cette dernière
a été assez longue pour que la pression sanguine reste constam-
ment au-dessous de la normale (fig. 4 et (i ) ; elles ne sont que
passagères et peu prononcées si la baisse de la pression san-
guine n'est pas permanente : alors on les voit disparaître au
fur et à mesure que la pression remonte à son niveau normal.
Accélération du loouls lors d'une désobstruction.
\ N" (lu chien ....
10
^2
li
N" de désobstruction.
I
11
111
IV
VI
I
11
111
IV
I
II
III
Pouls (en ;^0") avant désob-
struction
oO
4G
GO
43
32
84
81
60
69
34
43
60
Pouls (en 30") après désob-
struction
78
420
123
6o
74
93
90
87
dio
63
86
82
RECH. PHYSIOL. SUR l'oCCLUSION DE l' AORTE THORACIQUE. 465
m» Quelle que soit la durée des modifications survenues
lors d'une désobstruction, l'occlusion suivante, en ramenant la
pression au-dessus de la normale, les fait disparaître immédia-
tement et leur substitue celles constatées lors de la première
occlusion.
Ralentissement du pouls par une occlusion succédant à une
désobstruction.
N" du chien
i
n
ni
IV
II
III
IV
14
H
II!
IV
N" de rocclusion
Pouls (en 30") avant rnrclusinn . .
139
Ì-20
107
8o
76
80
57
79
83
l'ouls (en 30") après l'ucclusion . .
io-
8G
8'2
58
56
61
53
40
49
C. — État de la circulation dans l' arrière-train après
l'occlusion AORTKiUJi-
I. — Distribution du sang.
La circulation de retour, comme on sait, est due essentielle-
ment à l'impulsion cardiaque ou vis a tergo, qui se transmet à
travers les capillaires jusque dans les veines; secondairement
à l'aspiration du cœur lui-même et surtout du vide thoracique,
aux mouvements respiratoires du diaphragme et à la contrac-
tion des muscles volontaires (^).
L'occlusion aortique supprime directement le vis a tergo
dans tout l' arrière-train; j'ai cru intéressant de l'echerclier
jusqu'à quel point les autres facteurs, secondés du reste par la
rétractilité propre des parois vasculaires, arrivaient à chasser
le sang de cette région du corps. Le dosage du sang des
membres postérieurs et du foie devait me permettre de
résoudre cette question.
(') Je ne parle pas ici de l'influence de la pesanteur, parce que la position couchée
de l'animal dan? la gouttière d'opération permet de négliger ce facteur.
466
COLSON.
Pour faire ce dosage j'ai coraparéla teinte de leur sang dilué
avec celle d'une solution titrée au millième et préparée avec
le sang recueilli du même animal et défibriné au mercure (^).
J'ai comparé les résultats ainsi obtenus à ceux fournis par
les mêmes organes que j'avais enlevés à des animaux non
soumis à l'occlusion aortique.
1° Ciiiens non soumis à l'occlusion aortique :
N" du chien
Poids du chien (en grammes)
Organe examiné
Poids de cet organe (en grammes) . . .
Poids de son sang
Proportion du sang par kilogr. d'organe. .
I
23,600
Patte.
3,210
67.5
17.8
II
21,000
Patte.
3,300
60.9
154
Foie.
820
78.1
90.4
Foie.
730
76.3
103.1
2° Chiens soumis à une occlusion aortique d'une heure :
N" du chien ....
I
II
III
IV
II
III
IV.
Poids du chien (en grammes)
14,592
20,500
23,515
31,000
Organe examiné . . .
Patte.
Patte.
Patte.
Patie.
Foie.
Foie
Foie.
Poids de cet organe (en
grammes) ....
1,960
2,680
2,900
3.200
652
616
583
Poids de son sang. . .
13.7
15.9
18.0
18.2
48.1
50.0
49.4
Proportion du sang par
kilogr. d'organe. . .
7.0
5.9
6.2
6.6
86.9
81.2
84.7
1
(') Procédé opératoire. — a) Membre postérieur -. Une canule en verre est fixée
dans l'artère fémorale gauche, et le memhre postérieur correspondant est désarticulé
rapidement au niveau de l'articulation coxofemorale. On lave la surface de section
à grande eau, et l'on place le membre dans un grand bocal, où il est soumis à une
irrigation continue, faite par l'artère fémorale, sous une pression de deux mètres;
le liquide de lavage est formé d'abord par quatre litres d'une solution de Nacl à Va
RECH. PHYSIOL. SUR l'oCCLUSION DE l'aORTE THORACIQUE. 467
En comparant les différents chiffres de ces deux tableaux, on
voit :
1° Que, malgré la suppression du vis a tergo, il s'est produit,
dans ces deux espèces d'organes, une diminution réelle de la
proportion de sang;
20 Que cette diminution est relativement notable pour les
membres postérieurs, mais presque nulle pour le foie.
Je crois pouvoir attribuer cette différence aux deux circon-
stances suivantes :
a. A ce que les contractions musculaires ont, sur la circu-
lation de retour, une influence beaucoup plus marquée que
l'aspiration tlioracique et les mouvements du diaphragme. Les
membres postérieurs sont presque exclusivement sollicités par
les premières, très prononcées pendant le stade de l'excitation
motrice; le foie est presque exclusivement sollicité par les
seconds, dont l'effet utile est encore affaibli, parce que leur
influence sur les vaisseaux est ici en partie détruite par la
résistance du parenchyme hépatique lui-même.
b. A la difference anatomique des parois vasculaires de ces
deux organes. En effet, la tendance des vaisseaux à s'adapter à
leur contenu de façon à le soumettre à une pression égale à la
normale est, pour la circulation de retour, un facteur qu'on ne
peut négliger dans le cas présent où les centres vaso-constric-
teurs passent par un stade d'excitation prononcée. Or, ce facteur
aura un effet beaucoup moins considérable dans le foie, où les
vaisseaux sont maintenus béants par l'adhérence de leurs parois
au parenchyme hépatique dur et résistant, que dans les membres
postérieurs, où les vaisseaux ne sont (jue très lâchement unis
aux tissus voisins, qui, eux-mêmes, sont beaucoup moins rigides.
pour mille, et ensuite par de l'eau ordinaire jusqu'à ce que celle-ci revienne incolore,
b) Foie : Le foie est extirpé, une ligature appliquée sur le conduit cholédo(iue et
une canule en verre fixée dans la veine cave. L'organe est lavé superficiellement à
grande eau; une ligature est appliquée sur la plupart des veines sushépatiques pour
ralentir le courant du liquide de lavage, et l'irrigation est faite comme pour le membre
postérieur, par la veine cave. A la fin de l'opération la ligature des veines sushépa-
tiques est enlevée.
468 COLSON.
II. — Circulation collatérale.
La proportion de sang- retrouvée dans l' arrière-train, après
l'occlusion aortique, est, en somme, plus considérable qu'on
n'aurait pu le croire à jjriori.
En présence d'un tel résultat, j'ai voulu rechercher si la
proportion de sang retrouvée dans les membres postérieurs est
un simple reste du sang contenu dans les vaisseaux au moment
même de l'occlusion, ou si elle est due, en partie au moins, à ce
que du nouveau sang vient s'y ajouter par des voies collatérales.
Le peu de développement de ces voies au niveau de la base du
thorax aurait pu faire rejeter cette dernière hypothèse.
Pour résoudre la question, j'ai employé le procédé qu'inventa
Hering (^) pour déterminer expérimentalement le temps que
met le sang à parcourir l'arbre circulatoire, avec certaines
modifications préconisées par Hermann.
Après une occlusion aortique d'une heure, j'injecte lentement,
et sous une faible pression, 50 centimètres cubes d'une solution
(') Hering [Venuche die SchiielligkeU des Dlulumlaujs^ etc. Zeitschrift fur Physio-
logie, Bd. III, p. 83, 1829) injecte chez le cheval, dans l'une des veines jugulaires,
une solution de ferro-cyanure de potassium ; par l'autre veine jugulaire il recueille
de cinq en cinq secondes un échantillon de sang. Il laisse reposer ce dernier pendant
vingt-quatre heures et en recueille le sérum dont il dépose quelques gouttes sur du
papier blanc. Une goutte d'une solution de sulfate défera 42 "/o, déposée sur le
papier ainsi préparé, y proiuit une coloration bleue dès que le ferro-cyanure, injecté
dans l'une des veines, est arrivé à se mêler au sang recueilli de l'autre.
ViERORDT (Die Erscheinuugen inid Geseize der Stromgenchwindiiikeileu , etc., p. 5o,
-1808) moditia le procédé en s'aidant d'un appareil qui rendit l'exécution plus facile
et la détermination, du temps plus précise. Il recommande de prendre toujours une
solution de ferro-cyanure bien récente, et s-ubstilue le chlorure de fer au sulfate du
môme métal. Après avoir mélangé le sang recueilli à une quantité égale de noir
animal, il broie le tout avec environ 15 centimètres cubes d'eau, fait bouillir, fdtre
et traite le filtrat par un peu d'acide chlorhydrique et une goutte de chlorure de fer.
La réaction tarde un peu à se faire et se montre sous forme d'anneaux bleus après
evaporation du liquide.
Enfin, Hermann (.Archiv. f. d. ges. Physiologie, 4884, Bd 33) modifia à son tour
le procédé de Hering de façon à le rendre applicable aux cas où l'on ne dispose pas
d'une quantité assez grande de sang, nécessaire pour l'exécution des procédés pré-
cités. C'est ce procédé que j'ai suivi.
REUH. PHYSIOL. SUR l'oCCLUSION DE l' AORTE THORACIQUE. 469
récente de feiTO-cj-aniire de sodium à 10% dans le bout central
de la veine jugulaire externe droite. Les échantillons de sang
sont recueillis, de trois en trois minutes, du bout périphériciue
de la veine fémorale droite, dans laquelle j'ai fixé au préalable
une canule en verre.
La petite quantité de sang est reçue sur un fragment de papier
à filtrer qu'on laisse sécher et qu'on projette ensuite dans un peu
d'eau bouillante : celle-ci coagule les matières albuminoïdes et
entraîne les matières solubles, y compris le ferro-cyanure de
sodium. On maintient 1' ebullition pendant quelques minutes et on
laisse refroidir. Finalement on décante et l'on ajoute au liquide
clair ainsi obtenu quelques gouttes d'une solution diluée de
chlorure de fer et une goutte d'acide chlorhydrique. Si le liquide
contient du ferro-cyanure, sa présence est décelée par l'appari-
tion d'une belle teinte bleue qui tarde un peu à se produire.
Par ce procédé, on peut se convaincre qu'après une occlusion
aortique d'une heure, le ferro-cyanure reparaît dans le sang de
la veine fémorale au moins six à neuf minutes après son injec-
tion dans la veine jugulaire externe.
Il en résulte que la circulation collatérale présumée existe
réellement et est beaucoup plus énergique qu'on n'aurait pu le
croire.
CHAPITRE VI. — Circulation lymphatique.
On considère généralement la lymphe comme provenant des
li(iuides exsudés, par filtration, des vaisseaux sanguins dans les
interstices des tissus, d'où elle est reprise par les vaisseaux
lymphatiques pour être déversée dans les grosses veines, près
de leur embouchure dans le cœur.
On admet généralement aussi que cette filtration, et par
conséquent l'activité de la circulation lymphatique, est en
rapport direct avec la pression sanguine elle-même.
Cette manière de voir était basée sur des considérations
théoriques, mais ne reposait sur aucune preuve expérimentale
470 COLSON.
directe, quand Pascliutin (^) démontra, par une série d'expé-
riences faites sur la ciiTulation l3'nipliati(|ue du membre anté-
rieur de cliiens curarisés, que la circulation lymphatique n'est
influencée en rien, ni par la congestion active, due à la section
des nerfs du membre et de la moelle cervicale, ni par l'élévation
notable de la pression sanguine due à l'excitation électrique de
ces mêmes éléments nerveux.
Il arriva ainsi à la conclusion que, contrairement à l'opinion
admise jusqu'alors, l'énergie de la circulation lymphatique
n'offre pas le moindre rapport avec celle de la circulation san-
guine, pas plus qu'avec le niveau de sa pression.
Bientôt Emminghaus (^) reprit quelques-unes de ces expé-
riences sur le membre postérieur de chiens anesthésiés par la
morphine, et arriva à des résultats analogues; d'après lui,
notamment, la ligature des veines augmente notablement l'écou-
lement de la lymphe, tandis que la constriction des artères ne
la réduirait nullement.
Ces deux auteurs prirent, comme tei-me de comparaison, le
volume de lymphe écoulé en un temps déterminé. Pour assurer
l'écoulement qui est absolument nul quand le membre est au
repos, Paschutin imprima au membre des mouvements passifs
réguliers, exécutés par une machine spéciale ; Emnimghaus
préféra recourir à des expressions faites directement à la
main.
En présence de résultats aussi surprenants, j'ai voulu recher-
cher l'influence de l'occlusion aortique sur la circulation lym-
phatique de r arrière-train. Dans ce but, le canal thoracique
est mis à nu près de son embouchure dans la veine sous-clavière
gauche, et une canule salivaire (modèle de Claude Bernard)
est fixée dans son bout périphérique. Un tube en caoutchouc,
très court, relie cette canule à un tube en verre, long de 22
centimètres et de 4 millimètres de diamètre intérieur. Ce
'/) Bericlitc (1er siichsischen Gesellsch. der Wissenscliaften, 1873, p. 93.
(■•^) Id. id. 1873, p. 39G.
RECH. PHYSIOL. SUR l'OCCLUSION DE l' AORTE THORACIQUE. 471
dernier, placé le long de la tête de l'animal, dans la direction
du canal tlioraciqiie, repose par son extrémité libre sur un point
d'appui fixe destiné à lui donner la même inclinaison, presque
horizontale, pendant toute la durée de l'expérience.
Comme l'écoulement de la lymphe se fait dans ce cas sponta-
nément, sans qu'il soit nécessaire d'imprimer des mouvements
quelconques aux membres, ce procédé devient beaucoup plus
simple et est certainement moins sujet à des causes d'erreur
que celui utilisé par Paschutin et surtout par Emminghaus.
Tout comme ces derniers, j'ai voulu d'abord prendre comme
terme de comparaison le volume de lymphe écoulé en un temps
déterminé. Mais la coagulation trop rapide de la lymphe à
l'intérieur des conduits rend ce procédé de mensuration difficile
et, surtout, peu exact.
J'ai donc préféré prendre comme terme de comparaison le
temps que met la lymphe à remplir une longueur déterminée
du tube en verre, limitée par deux points de repère fixes et
d'une étendue d'environ 20 centimètres. Chaque fois que le
tube en verre a été rempli, on le retire et on le vide en soufflant
fortement par une de ses extrémités ; et la canule salivaire est
nettoyée également par un fil de fer avant de procéder à une
nouvelle mensuration.
On soumet ensuite l'animal à une série successive d'occlu-
sions aortiques, et l'on fait un certain nombre de ces mensu-
rations avant la première occlusion, ainsi que pendant les
occlusions et désobstructions suivantes.
Chaque fois qu'on opère dans ces conditions, on obtient un
résultat analogue à celui résumé dans le tableau suivant et
emprunté au chien n" 13.
De l'examen de ce tableau résulte :
1» Lors de chaque occlusion aortique, la circulation lym-
phatique de r arrière-train diminue brusquement et se trouve
arrêtée complètement au bout d'une minute environ ;
2° Lors de chaque désobstruction aortique, la circulation
lymphatique de l' arrière-train renaît immédiatement et atteint,
51
472
COLSON.
Durée de V écoulement avant la première occlusion :
40", 50", 55", 45".
DURÉE
de l'écoulement
pendant l'occlusion.
"-2 1 S
m
III
IV
VI
2'30"
10
20
Le tube ne se remplit que
dans les 8/4 de sa longueur;
arrêt complet de l'écoule-
ment au bout de 1'.
Le tube se remplit à moitié ;
arrêt complet de l'écoule-
ment après oO".
Arrêt complet de l'écoule-
ment au bout de 60".
Arrêt complet de l'écoule-
ment au bout de 40".
Arrêt complet de l'écoule-
ment au bout de o5".
Arrêt d'écoulement au bout
de 38".
m
IV
VI
13'
14
I!
20
lO
l'OO
0 iiO
\ 0
0 o5
0 §9
0 50
0 55
\ 5
0 58
0 53
\ 10
\ 5
1 8
1 18
■1 29
i 16
\ 15
1 23
1 18
N.-B. — L'occlusion n» IV est suivie d'un début de paralysie des
centres vaso-moteurs de la moelle lombaire; cette paralysie est
complète après la V^ occlusion. Dès lors, la pression sanguine reste
notablement abaissée pendant la désobstruction.
RECH. PHYSIOL. SUR l'oCCLUSION DE l' AORTE THORACIQUE. 473
au bout de trente secondes à une minute, une intensité variable
avec le niveau plus ou moins élevé qu'atteint la pression
sanguine :
Si celle-ci retourne à son niveau normal, l'intensité redevient
rapidement ce qu'elle était avant la première occlusion
(exemples I, II et III du tableau) ; si elle reste au-dessous de
la normale, l'activité de la circulation lymphatique reste un peu
moindre (exemples V et VI du tableau).
Notons que ce dernier cas correspond précisément au moment
où Regéczy suppose les vaisseaux élargis, leurs pores dilatés
et la filtration augmentée. Cette hypothèse est donc en contra-
diction directe avec l'expérimentation.
Donc, dans toutes ces expériences, l'activité de la circulation
lymphatique a paru réglée avant tout et directement par le
niveau de la pression sanguine (^).
CHAPITRE VII. — Respiration.
Lorsqu'on soumet un chien, anesthésié ou non par la mor-
phine, à une série successive d'occlusions aortiques et de
désobstructions, on constate, du côté de la respiration, des
modifications très intéressantes. Lors de chaque occlusion, les
mouvements respiratoires deviennent plus lents, surtout au
bout de quelques secondes ; la courbe des inspirations et celle
des expirations descendent pendant quelques secondes au-
dessous de la normale (voir fig. 8). Lors de chaque désobstruc-
tion, les mouvements respiratoires deviennent plus accélérés ; la
courbe des inspirations descend fortement au-dessous de la
normale, celle des expirations remonte légèrement au delà de
la normale (voir fig. 7).
(') Ce procudé opératoire constitue certainement un moyen d'étude de la lymphe
et de sa circulation, qui se rapproche le plus des condhtions normales et permettra
d'élucider plusieurs questions intéressantes. Le temps et le matériel m'ont fait défaut :
je me propose de reprendre plus tard cette étude.
474
COLSON.
Fig. 7. Modification du rythme respiratoire R sous l'influence de la chute de la
pression aorlique P, due à la ddsobstruction de l'aorte. En X, on fait la huitième
désobstruction aorlique.
RECH. PHYSIOL. SUT? l'oCCLI'SION DE l' AORTE THORACIQUE. 475
FiG. 8. iMoilification du rytlime respiratoire (ligne supérieure) sous l'influence de
l'occlusion de l'aorte. Ligne inférieure : pression artérielle.
En X se fait la neuvième occlusion aortique.
Donc:
lo Lors de chaque occlusion aortique, se produit immédiate-
ment une tendance passagère à l'apnée, disparaissant au bout
de quelques minutes et parfois même au bout de quelques
secondes, malgré le maintien de la pression sanguine au-dessus
de la normale.
Cette tendance à l'apnée est caractérisée tantôt par un ralen-
tissement notable des mouvements respiratoires, leur profondeur
restant la même, tantôt par un ralentissement moins marqué,
mais combiné à une réduction plus ou moins prononcée de leur
profondeur. Cette dernière porte le plus souvent sur les inspi-
rations et en même temps, quoique plus faiblement, sur les
expirations; moins souvent elle porte exclusivement sur les
premières et presque jamais exclusivement sur les secondes ;
2° Après chaque désobstruction aortique se produit immé-
diatement de la dyspnée, d'habitude plus accentuée et un peu
476 coLSON.
plus prolongée que l'apnée de l'occlusion, mais également
passagère, quel que soit le niveau auquel descend et remonte
la pression sanguine.
Cette dyspnée est caractérisée par une accélération et surtout
par ime plus grande profondeur des mouvements respiratoires ;
cette dernière porte toujours sur les inspirations et les expira-
tions, mais beaucoup plus sur les premières que sur les secondes,
de sorte que la courbe expiratoire monte toujours légèrement,
en même temps que la courbe inspiratoire baisse fortement (^).
Ces faits me semblent fournir une nouvelle preuve à l'appui
de la théorie de Rosenthal sur la régulation des mouvements
respiratoires, théorie si vivement combattue depuis quelques
années par Hoppe-Seyler, Markwald, Mosso et d'autres. D'après
elle, le degré d'activité des centres respiratoires et l'énergie de
la ventilation pulmonaire, qui en est la conséquence, sont réglés
à chaque instant par les besoins respiratoires de l'organisme :
c'est la qualité ou la quantité du sang, baignant la moelle
allongée, qui sert de régulateur par sa teneur en 0 et CO^.
Or, dans l'expérience envisagée :
1» Lors de chaque occlusion aortique la grande masse de
sang artérialisé, refoulée brusquement dans l' avant-train,
augmente la quantité d'O de la moelle allongée : de là, diminu-
tion de l'activité du centre respiratoire et tendance à l'apnée ;
2° Après chaque désobstruction aortique se produit, en
quelque sorte, une saignée brusque et copieuse de l' avant-train :
de là, pénurie d'O pour la moelle allongée, excitation exagérée
du nœud vital de Flourens et dyspnée ;
3» Dans les deux cas, ces modifications mêmes de la venti-
lation pulmonaire, combinées au ralentissement du pouls dans
le premier cas et à son accélération dans le second, ne tardent
{') Ces modifications diffèrent assez bien de celles signalées par Gad (Verhand-
lungen d. physiolog. Gesellschaft zu Berlin, d88S-86, n" 9) à la suite d'une saignée
non mortelle ; là il n'y a qu'une simple ampliation des mouvements respiratoires sans
accélération, et de plus la courbe des expirations baisse en même temps, quoique
plus faiblement, que celle des inspirations.
RECH. PHYSIOL. SUR l'oCCLUSION DE l' AORTE THORACIQUE. 477
pas à ramener la teneur en 0 à sa proportion normale : de là,
retour à une excitation normale et eupnèe.
CHAPITRE VIII. — Thermométrie.
Influence de l'occlusion aortique sur la calorification
dans V arrière-train.
Il est établi par les expériences physiologiques (de Marschall
Hall, Cliorazewski, von Barensprung et Gatruck (^) ) aussi bien
que par les observations cliniques (de Traube, Maurice, Billet,
Thomas, Lorain, Memeyer (^) ) que la saignée a généralement
pour effet d'abaisser la température interne, et que cet abais-
sement, peu marqué dans une saignée ordinaire, n'acquiert de
véritable valeur qu'à la suite de depletions sanguines copieuses
et répétées.
" Cette diminution de la température, dit Léon Fredericq (^),
est un fait brut dont la signification nous échappe pour le
moment. En effet, l'étude de la température ne se confond pas
avec celle de la calorification : la température interne peut
diminuer sans que la quantité de chaleur produite ait subi le
plus léger changement „, et réciproquement, pourrait-on ajouter.
(*) Marshall Hall. Archives générales de médecine, II, p. 370, 4883. —
GuoiiAZEWSKi, Un'erxHchuufjcn iiber den EinfluM des Aderlaxses auf die Kôrpertem-
pcniinv (Dissertation, Greifswald, 1874). — Barensprung, Archiv f. Anatomie und
Physiologie, 1831, p. 426. — Gatruck, Centralblatt f. d. medicinisclien Wissen-
schaflen, 1871, n" 53, p. 833.
(*, Traube. Goschen's deutsche Klinik, 1851, n" 9. — Maurice. Dea modifications
morbides de la température animale dans les affections fébriles (Thèse de Paris, 18oo).
— Billet. Ëtnde clinique sur la température, etc. (Thèse de Strisbourg, 1869). —
Thomas. Ueber die Temperaturverhàltnisse bei croupôser Pneumonie (Arch. d.
Heiliiunde, V, pp. 30-30). — Lorain. Journal de l'anatomie et de la physiologie de
Charles Robin, 1870-71, vol. VII, p. 336. — Niemeyer. Ueber dus Verhalten der
Eiijenwàrme bei qcsuiiden iind Inanktit Menschen. Berlin, 1869.
(^) LÉON Fredericq. Action plajsiolor/ique des soustractions sanguines, 1886.
478 COLSON.
la quantité de chaleur produite peut diminuer sans que la tem-
pérature interne change. Car l'état seul des vaisseaux de la
peau, dont le rétrécissement amène un ralentissement de la
circulation cutanée avec une diminution proportionnelle de la
perte de chaleur par rayonnement et par contact, et dont la dila-
tation, au contraire, augmente la perte de calorique par un effet
inverse, cet état seul des vaisseaux cutanés peu profondément
modifier la température interne, alors que la production de
chaleur est restée la même ou est même modifiée dans un sens
opposé.
Dès lors, comme le fait observer Hayem (^), les recherches
thermométriques ne sauraient, en aucune façon, nous renseigner
sur les modifications que la saignée imprime aux processus de
calorification.
Ces objections à la thermométrie, parfaitement justes, per-
draient la plus grande partie de leur valeur, si chez un animal
placé dans un mileu constant on arrivait à maintenir les vais-
seaux dans un état invariable, de façon à réduire la perte de
chaleur par rayonnement et par contact à une valeur quelconque,
mais constamment et directement proportiomielle à l'excès de
la température du corps sur celle du milieu ambiant.
L'occlusion aortique, en supprimant presque complètement
toute circulation sanguine dans l' arrière-train et en produisant
la paralysie des centres vaso-moteurs de la moelle lombaire,
réalise ces conditions, et j'ai cru intéressant de rechercher les
modifications que subit dans ce cas la température anale :
(') Hayem. Leçons sur les modifications du sanrj sous Vinfluence des agents médica-
menteux et des pratiques thérapeutiques. Émissions snnjuines, etc. Paris, 188i2,
t. XXVI, p. 5H.
RECH. PHYSIOL. SUE l' OCCLUSION DE l' AORTE THORACIQUE. 479
Giien n° 2.
Temps compté à partir du ddlnil de
l'occlusion
Température anale
Abaissement de celte température.
0
38",2
0
30'
0,i
40'
37",0
1,2
6Ò'
3C",5
1 J
l|,4o'
36",2
2,0
Chien n'^ 3.
Temps compté à parlir du début de
l'occlusion
Température anale
Abaissement de celle température.
0
39'
49'
5T
llilT'
3<\o
39»,0
380,6
38", 4
37", 4
0
0,5
0,9
^,1
2,0
ii,26'
37", 0
2 H
CJiien w^ 4.
Temps compté à partir du début de
l'occlusion
Température anale
Abaissement de cette température.
0
5'
24'
60'
W",0
40», 0
39", 6
390,0
0
0
0,1
1,0
11,15"
38", 2
1,8
Chien n" 6.
Temps compté à parlir du début de
l'occlusion
Température anale
Abaissement de cette température.
0
31'
40'
45'
58'
ll,38"
37",8
37",4
37",2
37",0
36»,5
35", 5
0
0,4
0,6
0,8
1,3
2,3
2 '15'
34",0
3,8
Chien n" 7.
Temps compté à partir du début de
l'occlusion
Température anale
Abaissement de cette température.
0
30'
55'
li'31'
21.0'
2i,40'
37»,6
37",3
36",6
3o",0
33",8
32", 1
0
0,3
1,0
2,6
3,8
5,5
3 26'
30",6
7.0
480 COLSON.
L'examen de ce tableau (^) montre que la température anale
baisse notablement à la suite de l'occlusion aortique et que
cette baisse va en augmentant avec la durée de l'occlusion, de
façon à suivre une courbe à convexité supérieure.
Comment expliquer cette baisse si considérable et la forme
de sa courbe ?
A priori, cette chute de la température pourrait être attri-
buée, soit à une exagéi-ation dans la perte de chaleur par la
dilatation paralytique des vaisseaux cutanés, soit à une dimi-
nution dans la production de chaleur par l'anémie des tissus,
soit enfin à ces deux causes réunies ('^).
1° Dans la première hypothèse : la baisse pourrait difficile-
ment être si notable, vu le peu d'activité de la circulation
cutanée, et de plus sa courbe serait à convexité inférieure,
puisque la perte de chaleur diminue au fur et à mesure que le
refroidissement progresse.
2o Daiîs la seconde hypothèse : on s'explique aisément l'im-
portance de la chute totale de la température, vu le degré
profond d'anémie des tissus et la suppression presque totale de
la circulation. Mais sa courbe spéciale à convexité supérieure
ne s'explique qu'en admettant que la production de chaleur se
maintient encore un petit temps, puis diminue progressivement
et de plus en plus fortement, avec la durée de plus en plus
longue de l'occlusion aortique. Car un arrêt brusque de la pro-
duction de chaleur nous conduirait au mode de refroidissement
de la première hypothèse et donnerait une courbe à convexité
inférieure.
30 Dans la troisième hypothèse : la courbe à convexité supé-
rieure ne s'explique qu'en admettant une prépondérance notable
du facteur admis dans la seconde hypothèse sur celui de la
première.
(') Les chiifres de ce tableau sont un peu inférieurs à ceux trouvés par Spronck
chez le lapin : ià, la baisse est de 20.9 à o^.S pour une occlusion d'une heure.
(-) Je suppose la température du milieu ambiant constante : ce fait n'est pas
absolument exact; mais les tuodificalions de cette température étaient très faibles,
et, dans tous les cas, ne peuvent modifier en rien les conclusions de ce raisonnement.
RECH. PHYSIOL. SUR l'oCCLUSION DE l' AORTE THORACIQUE. 481
Je crois donc pouvoir conclure de cette analyse que, dans
l'occlusion aortique, la température anale peut nous renseigner
réellement sur les modifications imprimées, par l'arrêt de la
circulation, aux processus de calorification ; que la réduction
totale de ces processus est assez considérable et se fait d'abord
lentement, puis de plus en plus rapidement avec la durée de
plus en plus longue de l'occlusion.
GHAPITEE IX. — Résumé.
Chapitre III. — Motilité, sensibilité et fonctions des sphinc-
ters anal et vesical.
1" L'occlusion de l'aorte produit toujours, dans l'arrière-
train, quatre phases bien distinctes se succédant dans l'ordre
suivant : excitation motrice, paralysie motrice, excitation sensi-
tive, anesthésie;
2" Les sphincters anal et vesical passent également par un
stade d'excitation manifeste avant d'être paralysés ; ce stade
d'excitation débute vers la fin de l'excitation motrice et se
termine après l'établissement de la paralysie motrice, mais
avant le début de l'excitation sensitive ;
3" Lors de la suppressioil de l'occlusion, la sensibilité repa-
raît longtemps avant la motilité et les fonctions des sphincters ;
ce retour n'est plus guère possible après une occlusion de plus
de vingt minutes.
Donc les éléments sensitifs de la moeUe lombaire résistent
plus longtemps à l'anémie que les éléments moteurs, et ceux-ci
moins longtemps que les centres ano-spinal et vésico-spinal.
Chapitre IV. — Sang.
A. Matériaux solides du sang.
Une occlusion aortique d'une heure est accompagnée d'une
condensation des matériaux solides du sang de l'avant-train, et
cette condensation est directement proportionnelle à la densité
même que présentait le sang avant l'occlusion.
482 COLSON.
B. Coagulahilité.
L'occlusion aortiqiie diminue réellement la coagulabilité du
sang, mais dans une proportion beaucoup moindre que celle
fixée par Bolir : le retard de la coagulation est de vingt-cinq
secondes pour une occlusion de vingt-cinq minutes, d'une
minute cinquante-six secondes à six minutes cinquante secondes
pour une occlusion d'une heure, et de cinquante minutes
cinquante secondes à cinquante-six minutes trente secondes
pour une occlusion de deux heures.
Cette diminution de la coagulabilité du sang nous explique
l'hémorrhagie en nappe qui survient dans la plaie du cou après
une occlusion d'une heure quinze minutes, et la " couenne
inflammatoire „ du coagulum après une occlusion d'une à deux
heures.
Chapitre V. — Circulation sanguine.
A. Pression sanguine.
1» Contrairement à l'opinion de Henricius l'occlusion aor-
tique est toujours accompagnée d'une hausse instantanée,
brusque et notable de la pression sanguine; cette hausse
devient très considérable pendant le stade de l'excitation sensi-
tive et retourne ensuite plus ou moins rapidement à un niveau
notablement supérieur à celui de la pression normale, et auquel
elle se maintient pendant une heure, et davantage :
2« La suppression de l'occlusion aortique est suivie d'une
chute brusque et instantanée de la pression sanguine, chute
plus ou moins forte et suivie d'une ascension plus ou moins
rapide et plus ou moins forte, pouvant dépasser, atteindre le
niveau normal ou lui rester inférieure, suivant la durée plus ou
moins longue de l'occlusion antérieure, c'est-à-dire suivant
l'état d'excitation ou de paralysie des centres vaso-constricteurs
de la moelle lombaire ;
30 Les centres vaso-constricteurs de la moelle lombaire sont
paralysés par une anémie de douze à seize minutes ; lenr para-
lysie est précédée d'un stade d'excitation, tout comme celle
des autres centres de la moelle, mais leur résistance à l'anémie
RECH. PHYSIOL. SUR l'oCCLUSION DE L AORTE THORACIQUE. 483
est plus forte que celle de ces derniers, y compris les éléments
sensitifs ;
40 Le mécanisme de la régulation de la pression sanguine
est dû essentiellement à l'action vaso-motrice des centres nei-
veux; la diffusion et la filtration des liquides de l'organisme
peuvent y jouer un rôle important, mais qui reste secondaire.
B. Oscillations respiratoires de la pression sanguine et fré-
quence des pulsations cardiaques.
lo La hausse de la pression sanguine qui suit l'occlusion
aortique est accompagnée d'un ralentissement et d'une amplia-
tion des pulsations cardiaques, et du maintien de leurs inégalités
respiratoires, et du type normal des oscillations respiratoires :
la pression monte à l'inspiration et baisse à l'expiration ;
2» Après la suppression de l'occlusion aortique, surviennent
en même temps que la chute de la pression sanguine : une
accélération des pulsations cardiaques et une réduction de leur
ampleur ; la suppression complète de leur inégalité respiratoire ;
une réduction notable des oscillations respiratoires et leur
inversion complète : la pression monte à l'expiration et baisse
à l'inspiration ;
30 Ces dernières modifications sont constantes ou passagères,
suivant que la pression se maintient au-dessous, ou retourne au
niveau de la pression normale ;
40 Quelle que soit la durée des modifications survenues
après la suppression de l'occlusion, une occlusion ultérieure les
supprime immédiatement et leur substitue celles constatées
après la première occlusion.
C. Etat de la circulation dans V arrière-train après une
occlusion aortique.
I" Distribution du sang.
A la suite de l'occlusion aortique d'une heure, la proportion
de sang retrouvée dans les membres postérieurs et dans le foie
est diminuée ; pour les premiers, cette diminution est plus
faible qu'on n'aurait pu le croire a priori, et elle est presque
nulle pour le second.
484 coLSON.
Il» Circulation collatérale.
Le sang retrouvé dans les organes précités n'est pas un
simple reste du sang contenu dans les vaisseaux au moment
de l'occlusion ; il provient, en partie au moins, d'une circula-
tion collatérale qui s'établit au niveau de la base du thorax et
qui est beaucoup plus intense qu'on n'aurait pu le supposer :
car le ferro-cyanure, injecté dans la veine jugulaire externe se
retrouve dans le sang de la veine fémorale après six à neuf
minutes.
Chapitre VI. — Circulation lymphatique.
La circulation lymphatique de l' arrière-train est complète-
ment supprimée par l'occlusion de l'aorte thoracique; elle
reparaît immédiatement après sa désobstruction avec une inten-
sité variable, directement proportionnelle au niveau de la
pression sanguine.
Chapitre VII. — Respiration.
Chaque occlusion aortique est accompagnée d'ime tendance
passagère à l'apnée; chaque désobstruction, d'ime dyspnée
passagère; et ces faits constituent une nouvelle preuve en
faveur de la théorie de Kosenthal sur la régulation des mouve-
ments respiratoires.
Chapitre VIII. — TJiermométrie. Calorification.
L'occlusion aortique est suivie d'un abaissement notable de
la température anale, abaissement qui suit une courbe à con-
vexité supérieure; et qui ne s'explique qu'en admettant,
qu'après la suppression de l'irrigation sanguine, la production de
chaleur se continue encore un certain temps dans les organes
anémiés, et diminue ensuite de plus en plus fortement, avec la
durée de plus en plus longue de l'arrêt de la circulation.
Les Âiittiozoaires nélaiidiies recueillis par M. le profeiiseiir Heiiseu
(laiis son expédition 1ë Plankton.
COMMUNICATION PRÉLIMINAIRE
I. — Une Larve voisine de la Larve de Semper
Edouard VAN BENEDEN
(Planche XV.)
Mon collègue et ami, M. le professeur Hensen, de l'Univer-
sité de Kiel, m'a envoyé à l'étude, il y a peu de temps, les
Antliozoaires pélagiques qu'il a recueillis, l'an dernier, pendant
son expédition du Plankton. J'ai fait rapidement le triage du
matériel; quelques exemplaires de la plupart des formes ont
été colorés et débités en coupes sériées, puis soumis à un
premier examen.
Tous les Antliozoaires qui m'ont été envoyés sont des formes
larvaires et, chose bien remarquable, la plupart se rattachent
à l'évolution de Cérianthides.
On ne connaît que quatre genres appartenant à cette tribu :
les genres Cerianthus, Arachnactis, Bathyanthus et Saccan-
thus. Encore l'existence de ce dernier genre est-elle fort pro-
blématique : suivant Andres, le genre aurait été fondé sur des
486 EDOUARD VAN BENEDEN.
exemplaires mutilés de vrais Cérianthes. Le genre Bathyan-
thus ne comprend que l'espèce Bathyantlius lathymetricus de
Moseley; un seul exemplaire a servi à l'établissement du genre
et de l'espèce, et cet unique exemplaire se trouvait dans un état
de conservation fort défectueux.
Par contre, le genre Cerianthus est relativement bien connu.
Il n'est représenté que par un petit nombre d'espèces; mais
l'organisation de quelques-unes de ces espèces a été fort bien
élucidée, grâce aux recherches de J. Haime, de von Heider,
des frères Hertv^^ig, de C. Yogt et de Danielssen; les larves de
C. membranaceus ont été étudiées et décrites par J. Haime, par
Kowalewsky et par Jourdan.
Quant au genre Arachnactis, créé par Sars, il n'est connu
jusqu'ici que par des formes larvaires recueillies à la surface
de l'océan et étudiées par A. Agassiz, C. Vogt et récemment
par Boveri. On a pensé que les Arachnactis pourraient bien
être de jeunes exemplaires de vrais Cérianthes; mais Boveri
annonce dans son mémoire la découverte ([^Arachnactis adultes
obtenus par dragage, pendant l'expédition du Triton ; ils seront
prochainement décrits par E. Hertwig.
Dans le matériel qui m'a été contié par M. Hensen se
trouvent, indépendamment du genre Arachnactis, représenté
par un certain nombre d'individus d'âges divers, neuf autres
formes de Cérianthides, très différentes les unes des autres et
faciles à caractériser. Je crois pouvoir affirmer qu'aucune
d'elles ne se rapporte ni au genre Cerianthus, ni au genre
Arachnactis. Elles indiquent l'existence de nombreux Cérian-
thides, dont les formes adultes sont restées inconnues jusqu'ici.
Les larves, qui vivent à la surface de l'océan, en plein Atlan-
tique, tant au nord qu'au sud de l'équateur, gagnent très pro-
bablement les fonds pour y continuer leur développement et y
devenir sexuées. S'il eu était autrement, on ne s'expliquerait
pas comment aucun exemplaire sexué n'a été capturé, et il n'est
pas possible d'admettre que les larves d'animaux appartenant
à des faunes littorales se trouvent en abondance en plein océan.
Quoique les dragages exécutés dans le cours des expéditions
TTOT: LAR^T. VOISINE DE LA LARVE DE SEMPER. 487
océaniques récentes n'aient révélé l'existence clans les abysses
que d'un seul Cériantliicle. le Batht/anthus Batiti/metriais de
Moselej', il est donc éminemment probable, à en juger par
l'abondance et la variété des larves pélagiques, que cette tribu
est représentée dans les grands fonds par des formes très
diverses. Ce fait est intéressant en ce que les Cériantliides sont
fort probablement apparentées aux Rugosa ou Tétracoralliaires
paléozoïques, dont (piarante-six genres sont connus de la période
silurienne, vingt-neuf du dévonien, vingt-quatre du carbonifère,
un seul du permien (Zittel). Suivant Zittel, le groupe a atteint
son plus grand développement spécifique et numérique dans le
silurien supérieur.
Il en serait donc des Cériantliides comme des Crinoïdes ; les
uns et les autres peupleraient principalement, à l'époque
actuelle, les grandes profondeurs des océans.
J'ai tenu à annoncer dès à présent ce premier résultat de
l'étude que j'ai entreprise des Anthozoaires du Plankton, en
attendant la publication spéciale dans laquelle les différentes
formes larvaires sont décrites et figurées.
Le but principal de la présente note est de faire connaître
l'organisation d'une larve connue depuis longtemps quant à ses
caractères extérieurs, et (pii a beaucoup intrigué les natu-
ralistes.
En 1867 Semper décrivit une forme larvaire des tropiques,
sur laquelle, à ce qu'il raconte, son attention avait été appelée,
avant son départ pour les Philippines, par M. le professeur
Behn, de l'Université de Kiel. Pendant son voyage autour du
monde, Behn avait observé, dans les régions les plus diverses
des mers tropicales, un organisme pélagique de 6 millimètres
de longueur, dont le corps cylindrique était pourvu d'une frange
courant parallèlement à l'axe du cylindre et donnait lieu à des
phénomènes d'irisation d'un admirable effet. Semper ne tarda
pas à retrouver cet organisme. Il le rencontra une première
fois au voisinage du cap de Bonne-Espérance, par 42° de lati-
tude méridionale, dans le courant de Mozambique, et plus tard
dans le courant de la Sonde, sur la côte de Java.
488 EDOUARD VAN BENEDEN.
Il en a donné une description, accompagnée d'une belle figure,
dans le Zeitschrift fur wissenschaftUche Zoologie, et a rendu
compte, en quelques lignes, des faits qui le déterminèrent à
considérer l'organisme comme une larve d'Actiniaire.
Cette forme larvaire est connue sous le nom de larve de
Semper. Autant que je sache, elle n'a pas été retrouvée depuis,
de telle sorte que nous ne possédons d'autres renseignements à
son suj et que ceux que nous devons à la publication faite, en 1 8 6 7 ,
par r eminent naturaliste de Wtirzburg. Semper n'a pu faire
qu'un examen macroscopique de la larve. Voici les principaux
faits qu'il a relevés : le corps, cylindrique, présente à chacun
de ses pôles un orifice circulaire; l'un d'eux est la bouche; il
conduit dans un tube pharyngien qui, après un court trajet,
débouche dans une cavité cœlentérique, subdivisée à sa péri-
phérie en six loges parallèles par un nombre égal de mésenté-
roïdes.
L'orifice aboral. Semper l'appelle anus. Dans la peau se
trouvent des nématocystes de deux types difierents. La frange
irisée règne dans toute la longueur du corps, d'un pôle à l'autre
suivant une génératrice du cylindre. Elle est formée de filaments
auxquels l'auteur donne le nom de cirrhes; elle s'incline alter-
nativement à di^oite et à gauche, et les irisations qu'elle présente
sont dues à des phénomènes d'interférence. Elle constitue l'or-
gane de locomotion et indique, par sa situation médiane, la
symétrie bilatérale de la larve.
Il est vraiment étrange que ni les traités récents d'embryo-
logie comparée, ni les mémoires spéciaux relatifs au développe-
ment des Anthozoaires ne font mention de la larve de Semper.
Cet oubli tient certainement en partie au caractère aberrant de
l'organisme et à l'impossibilité de le rattacher à l'évolution
d'un groupe déterminé d' Anthozoaires ; peut-être aussi a-t-on
conservé quelque doute sur l'exactitude des renseignements
fournis à son sujet. D'après Semper, la larve aurait six cloisons
mésentériques seulement, dont deux notablement plus courtes
que les tpiatre autres. Or, toutes les recherches faites sur le
développement des Anthozoaires, depuis les travaux classiques
UNE LARVE VOISINE DE LA LARVE DE SEMPER. 489
de M. de Lacaze-Duthiers, ont conduit à ce résultat que, pas
plus chez les Actiniaires que chez les Hexacoralliaires, dont le
développement est connu, il n'existe, dans le cours de l'évolu-
tion, de stade quelque peu persistant, durant lequel la larve
serait pourvue de trois paires de mésentéroïdes. Dans un travail
récent, Boveri a cherché à établir que tous les Actiniaires
passent, au contraire, par un stade caractérisé par la présence
de quatre paires de cloisons mésentériques, constituées comme
celles qui persistent pendant toute la durée de la vie chez les
Edv^arsies; elles sont homologues à ces dernières. Tandis que
le nombre des sarcoseptes ne s'élève jamais au-dessus de huit
chez les Edwarsies, leur nombre s'accroît chez les Actiniaires
suivant une loi, variable de tribu à tribu, mais constante dans
les limites d'un même groupe naturel.
Les frères Hertwig avaient démontré antérieurement l'im-
portance que présente, au point de vue de la classification,
le nombre des sarcoseptes et la loi suivant laquelle s'accroît
ce nombre; à la suite de ses recherches sur les Actiniaires du
Challenger, E. Hertwig en était arrivé à distinguer six tribus
parmi les Actiniaires : les Edv^^ardsides, les Hexactinides ou
Actinies hexamères, auxquelles il faut adjoindre une partie
tout au moins des Madréporaires ; les Monaulées, les Paracti-
nides, les Cérianthides et les Zoantines. Blochmann et Hilger
ont créé depuis une septième tribu qui comprend les Gonacti-
nides. D'après Boveri, tous ces animaux passeraient dans le
cours de leur évolution, par le stade Edivardsia, et ce stade
succéderait rapidement, dans l'ordre évolutif, au stade à quatre
sarcoseptes, réalisé d'une façon permanente chez les Scypho-
zoaires (S. St.). Mais aucun Actinozoaire actuellement connu
ne présente, dans le cours de son développement, de stade
quelque peu persistant caractérisé par la présence des six
mésentéroïdes.
Or, à en croire Semper, sa larve, qu'il considère comme se
rattachant au développement d'un Actiniaire, n'aurait que six
sarcoseptes.
Parmi les matériaux qui m'ont été communiqués, j'ai trouvé
490 EDOUARD VAN BENEDEN.
un exemplaire fort bien conservé d'un organisme que Hensen
m'avait signalé comme étant probablement identique à la larve
de Semper. L'étude que j'ai faite de cette larve a confirmé la
détermination de Hensen, en ce sens que la larve dont il s'agit
est voisine de celle que Semper a fait connaître. J'ai l'honneur
de communiquer à la Classe la description de cet organisme.
La larve, après avoir été colorée par le carmin boracique, a
été coupée perpendiculairement à son grand axe. Le nombre
des coupes obtenues a été de 220. L'épaisseur moyenne des
coupes est de 0,03 mm., ce qui donne, pour l'organisme entier,
une longueur totale de 6,6 millimètres environ.
La larve a été fixée par le sublimé et conservée dans l'alcool.
Les tissus admirablement conservés, se prêtent à un examen
liistologique minutieux.
Dans le même travail dans lequel il décrit la larve qui porte
son nom. Semper signale une autre forme larvaire rappelant
certaines larves d'Annélides, en ce qu'elle présente, à quelque
distance en arrière de l'orifice buccal, ime couronne ciliaire
transversale. Semper est d'avis que cette seconde forme doit se
rapporter, elle aussi, au développement d'un Antliozoaire ; son
ectoderme est bourré de nématocystes de deux formes, rappelant
celles qu'il avait observées cbez sa première larve. Il exprime
l'opinion que cette seconde forme pourrait bien être un stade de
développement plus avancé du même Actiniaire auquel se
rapporte sa première larve.
J'ai trouvé également dans le matériel recueilli par Hensen
un exemplaire de la seconde larve de Semper. Elle est extrême-
ment remarquable à divers points de vue ; elle ne se rattache
certainement pas au même développement que la larve à frange
vibratile longitudinale, mais bien à l'évolution d'un Antliozoaire
du même groupe. Dans son corps globuleux, qui ne mesure
guère plus de 2 millimètres de diamètre, se trouvent logées
trois autres larves du même type, mais d'âges différents ; ce qui
fait que la même série de coupes permet d'étudier quatre stades
différents du développement du même organisme. Ce fait extra-
UNE LARVE VOISINE DE LA LARVE DE SEMPER. 491
ordinaire à première vue. trouve probablement son explication
dans la propriété commune à un grand nombre d'Actiniaires
d'être vivipares. Les larves en voie de développement dans la
cavité cœlentérique de l'organisme maternel cheminent dans
toutes les parties de cette cavité. C'est un fait bien connu
qu'elles pénètrent même dans les tentacules. On conçoit que des
larves plus jeunes puissent pénétrer par la bouche dans la cavité
cœlentéiique de larves plus âgées et y demeurer après la
naissance de ces dernières.
Je ferai connaître cette seconde larve dans une note ulté-
rieure. La présente communication a pour objet la description
de la larve n» 1.
Caractères extérieurs.
La forme générale de la larve rappelle celle d'une poire : elle
est renflée à une de ses extrémités et s'atténue progressivement
à l'autre, où siège l'orifice oral. Celui-ci est terminal et se voit
distinctement à la loupe. L'axe de la larve n'est pas rectiligne,
mais bien incurvé en C. Il est probable que l'incurvation
n'existait pas pendant la vie, qu'elle s'est produite au moment
où l'organisme a été fixé par le réactif employé pour le durcir.
La concavité de la courbe répond à la face que nous appelons
ventrale.
La surface du corps est ridée et inégale dans sa région
moyenne et au niveau du renflement aboral. Elle montre des
crêtes arrondies et des bosselures qui n'ont rien de régulier.
L'étude des coupes démontre que ces rides sont dues à l'action
des réactifs. En certains points, l'ectoderme s'est détaché de la
lamelle mésenchymatique et a été soulevé de manière à former
les crêtes et les bosselures que l'on observe à la surface.
La portion orale du corps n'a pas subi ces altérations : elle est
lisse et unie.
Toute la surface de la larve est fortement pigmentée, à
l'exception d'une bande médiane qui règne le long de la face
ventrale, sans atteindre cependant l'extrémité aborale : elle
492 EDOUARD VAN BENEDEN.
n'intéresse que les deux tiers antérieurs du corps et se prolonge
en avant jusqu'à la bouche. Cette bande médiane occupe la
concavité de la courbe larvaire. Au milieu de la bande se voit
un sillon peu accusé ; sa coloration est jaunâtre et d'une teinte
uniforme, contrastant avec le reste de la surface du corps, qui
est très foncée.
La pigmentation n'est pas uniforme : on distingue à la loupe
des traînées pigmentaires formant un réseau irrégulier très serré.
Quand on examine la larve de profil, au moyen d'une bonne
loupe, on distingue dans sa concavité une sorte de grumeau
translucide, qui remplit l'excavation ventrale ; il n'intéresse pas
le renflement aboral. Comme l'ont appris les coupes, cette
formation est due à la présence d'une frange vibratile aflalogue
à celle que Semper a figurée chez sa larve. C'est elle qui donne
lieu, sur le vivant, à ces phénomènes d'interférence et produit
ces merveilleuses irisations que Semper a si bien décrites.
Examiné à la loupe, l'orifice buccal m'a paru être de forme
quadrilatère ; sur son pourtour on ne distingue aucune trace de
tentacules. Je n'ai pas observé d'orifice à l'extrémité aborale,
et l'étude des coupes m'autorise à affirmer qu'il n'existe pas
d'autre orifice que la bouche.
Semper a signalé l'existence d'un orifice circulaire à chacune
des deux extrémités de sa larve cylindiique. Je ne songe pas
à contester l'exactitude du fait affirmé par l'éminent naturaliste
de Wiirzburg. Il n'est pas possible, vu le soin avec lequel il a
observé sa larve et l'exactitude parfaite des renseignements qu'il
a fournis à son sujet, qu'il ait affirmé la présence d'un orifice
qui n'existerait point. J'indiquerai plus loin les raisons qui me
portent à croire que la larve recueillie par M. Hensen, si voisine
qu'elle soit de celle que Semper a décrite, est non seulement
spécifiquement, mais génériquement différente de cette dernière.
Organisation.
Pour se rendre compte de l'organisation de la larve, il convient
d'examiner tout d'abord une coupe transversale pratiquée vers
le milieu de la longueur du corps.
UNE LARVE VOISINE DE LA LARVE DE SEMPER. 493
Une semblable coupe a la forme d'un ovale irrégulier à grand
axe, dirigé transversalement. La symétrie bilatérale est mani-
feste (fig. 1).
Edoderme. — L'ectoderme n'est pas partout adhérent à la
lamelle mésencliymatique. Çà et là se voient, entre les deux
formations, des espaces assez étendus. Il en 'résulte que l'ecto-
derme forme des plis irréguliers qui déterminent l'apparence
ridée de la surface. Ces rides, aussi bien que les fentes que l'on
observe entre l'ectoderme et le mesenchyme, sont manifestement
les produits artificiels de l'action des réactifs employés pour
fix;er et durcir l'organisme.
Tandis que, dans toutes les larves d'Anthozoaires décrites
jusqu'ici, l'ectoderme présente le même caractère sur tout le
pourtour du corps, il existe chez notre organisme, du côté de la
face ventrale, une portion nettement différenciée, bien délimitée
à droite et à gauche, dont la structure et l'aspect contrastent à
première vue avec celle du reste de la couche cellulaire ecto-
dermique. Cette formation, que j'appellerai IdiplaqueftageUifère,
est médiane et symétrique. Sa largeur représente la moitié
environ du diamètre transversal de la coupe. Dans les prépa-
rations colorées par le carmin boracique, la plaque flagellifère
se montre colorée en rouge vif. Cette coloration n'affecte pas
cependant toute l'épaisseur de la plaque, mais seulement sa
partie profonde, la zone superficielle qui porte les fouets vibra-
tiles étant d'une teinte rosée uniforme. La coloration de la zone
profonde est due à la présence d'innombrables noyaux sphé-
riques ou légèrement allongés en bâtonnets courts, qui fixent
énergiquement le carmin. La zone superficielle est totalement
dépourvue de noyaux et se constitue des portions distales,
exclusivement protoplasmiques, des cellules flagellées.
La plaque flagellifère est formée d'une seule et même espèce
de cellules; ces cellules, excessivement étroites et filiformes,
ont leur noyau placé à des distances variables de la lamelle
mésencliymatique, mais toujours dans la profondeur de 1' epi-
thelium. On ne trouve dans la plaque fiagelUfère ni cellules
494 ÉDOUAED VAN BENEDEN.
glandulaires, ni nêmatocystes, mais seulement des cellules
flagellées. Chacune d'elles présente à son extrémité libre un
petit plateau brillant, punctiforme, qui porte le flagellum. Ces
petits plateaux contigus donnent lieu à un contour très apparent
qui, à un fort grossissement, se montre constitué de points
brillants juxtaposés et régulièrement alignés.
Dans la portion moyenne de la plaque, la striation de 1' epi-
thelium, due à sa composition cellulaire, est normale à la
surface ; mais suivant ses bords, les cellules filiformes sont
inclinées obliquement de dehors et dedans. Il en résulte qu'aux
points où elle se continue avec le reste de l'ectoderme, à droite
et à gauche, la plaque semble former deux bourrelets que l'on
pourrait assez bien comparer aux bourrelets dorsaux de la
plaque médullaire de certains Vertébrés.
Dans la plus grande partie de sa longueur, la plaque flagel-
lifère, déprimée à son milieu, saillante suivant ses bords et
constituée de deux moitiés semblables, l'une droite, l'autre
gauche, inclinées l'une vers l'autre, forme une gouttière large-
ment ouverte. On peut se faire une idée très exacte de cette
gouttière en la comparant à la gouttière médullaire d'un
Sauropside ou d'un Mammifère, au début de la formation du
myelencéphale. Inutile défaire observer que je n'entends nulle-
ment, en faisant ces comparaisons, établir entre ces formations
le moindre rapprochement morphologique ; je n'ai en vue que
de faire mieux comprendre la forme de la plaque flagellifère.
Nous verrons plus loin qu'à ses deux extrémités la gouttière
devient moins profonde et que la plaque finit par devenir plane.
La plaque porte, dans toute sa largeur, d'innombrables fouets
vibratiles admirablement conservés. Ces fouets, dont j'estime la
longueur moye-nne au tiers environ du diamètre transversal
moyen de la larve, ont un trajet ondulé. On ne peut les suivre
dans toute leur longueur sur une coupe ; ils forment ensemble
une touffe, striée en certains points, finement ponctuée en
d'autres, suivant que le rasoir a passé parallèlement ou perpen-
diculairement aux filaments. Il est à remarquer que la frange
vibratile formée par l'ensemble des fouets n'est pas ici une
UNE LARVE VOISINE DE LA LARVE DE SEMPER. 495
lame insérée suivant une ligue, comme dans la larve de 8emper,
mais bien une couche épaisse dont la largeur répond à celle de
la bande flagellifère elle-même.
Pour terminer la description de la bande, il me reste à
signaler la présence, dans l'épitliélium, de traînées pigmentaires,
radiaires ou étoilées, semblables à celles que l'on observe en
très grande abondance dans toute l'étendue de l'ectoderme.
Dans la plaque flagellifère, ces éléments pigmentaires sont
relativement rares. Il est des coupes dans lesquelles on n'en
observe aucune trace.
Le reste de l'ectoderme a un tout autre aspect. Dans les
préparations colorées au carmin boracique, on constate tou-
jours l'existence, dans l'épaisseur de la couche, de trois zones
différemment colorées. La zone superficielle est d'un jaime
brun ; la moyenne est rose ; la profonde est à peu près incolore.
Dans la zone moyenne, il existe de très nombreux noyaux, fort
rapprochés les uns des autres ; on en trouve également dans la
zone profonde, mais ils y sont clairsemés ; dans la zone super-
ficielle ne se rencontrent pas de noyaux; la coloration jaune
brun de cette zone est due à la présence d'innombrables néma-
tocystes et de glandes monocellulaires dont le contenu, composé
de grains, offre une teinte brunâtre. De plus, l'ectoderme est
fortement pigmenté. Il semble que le pigment siège dans des
cellules spéciales, soit filiformes, et alors radiairement dirigées,
soit étoilées.
Ce qui distingue essentiellement l'ectoderme proprement dit,
c'est qu'il se constitue de diverses catégories d'éléments cellu-
laires : il se compose, en effet, indépendamment des cellules
épithéliales ordinaires, d'une énorme quantité de nématoblastes
et d'innombrables cellules glandulaires. Je ne signale pas
d'éléments sensoriels, parce qu'il n'est pas possible de les
distinguer dans les coupes ; mais il n'est pas douteux qu'il
n'existe ici, comme chez les autres Cnidaires, des éléments
nerveux en partie mêlés aux autres cellules de l'ectoderme, en
partie sous-jacents à ces dernières.
Les noyaux de toutes les cellules, quelle que soit la caté-
496 EDOUARD VAN BENEDEN.
gorie à laquelle ils appartiennent, sont plus volumineux que
ceux des cellules flagellifères : ils se teintent en rose et non en
rouge vif; ils sont généralement ovalaires et montrent à peu
près constamment des ponctuations foncées, dont une, particu-
lièrement apparente, est peut-être un nucléole. Les noyaux des
cellules flagellées ont, au contraire, une apparence homogène.
Les nématocystes se rattachent à deux formes bien dis-
tinctes : les uns, de faibles dimensions, ont la forme de petits
cylindres à bouts arrondis ou de boudins droits ; ils renferment
un ill décrivant une spirale extrêmement régulière à la péri-
phérie du cylindre. Ds sont de dimensions un peu variables ;
mais les différences que l'on remarque entre eux ne dépassent
pas des limites assez étroites. Ils siègent exclusivement dans la
zone superficielle de l'ectoderme. Les autres, très volumineux,
de forme ovoïde, renferment un fil enroulé en une spirale très
apparente, mais toujours assez irrégulière, les tours de spire
étant tantôt plus, tantôt moins rapprochés les uns des autres,
et le diamètre de la spire étant sujet à variation dans un même
nématocyste. Ils sont relativement rares. On en trouve à peine
une dizaine dans une même coupe transversale; ils siègent
principalement dans la zone profonde de l'ectoderme.
Il existe aussi deux formes de cellules glandulaires : les unes
ont un contenu grossièrement, mais uniformément granuleux,
les autres un contenu clair et d'apparence homogène ou réti-
culée. Les premières sont de loin les plus nombreuses. Très
étroites dans la zone moyenne et dans la zone profonde de
l'épiderme, au point d'y être filiformes, elles s'élargissent consi-
dérablement et s'évasent dans la zone superficielle. Les grains
brillants, tous de mêmes dimensions, ont une teinte brunâtre.
Les glandes claires, plus rares, se voient surtout dans la partie
orale du corps.
Lamelle mfsenchymatique. — Elle est remarquablement
épaisse et se fait remarquer en outre en ce qu'elle renferme de
très nombreux éléments cellulaires.
Les cellules, disséminées dans une substance fondamentale
UNE LARVE VOISINE DE LA LARVE DE SEMPER. 497
abondante, faiblement colorée en rose, peuvent être groupées
en deux catég-ories : les unes sont volumineuses ; leur proto-
plasme fixe énergiquement la matière colorante; elles sont
tantôt arrondies, ovoïdes ou spliéroïdales, tantôt pourvues de
prolongements, et, dans ce cas, fusiformes ou étoilées. Les
autres sont de dimensions beaucoup moindres et toujours pour-
vues de prolongements très fins et incolores. Les cellules du
mesenchyme ne sont pas uniformément réparties dans la sub-
stance fondamentale : très abondantes et voisines les unes des
autres en certains points, elles sont relativement rares dans
d'autres.
On trouve, dans la profondeur de l'endoderme, au voisinage
de la couche mésenchymatique, de nombreuses cellules présen-
tant des caractères identiques à ceux des grosses cellules du
mesenchyme. Elles contrastent par tous leurs caractères avec
les cellules épithéliales du feuillet interne ; elles sont arrondies
ou fusiformes et, dans ce dernier cas, allongées, non pas per-
pendiculairement, mais parallèlement à la lamelle fondamentale.
On en voit çà et là qui sont partiellement engagées dans la
substance fondamentale du mesenchyme, en partie encore dans
l'endoderme. Il n'est pas douteux que les cellules mésenchyma-
tiques ne soient, en partie du moins, d'origine endodermique.
En est-il ainsi de toutes les cellules du mesenchyme? Je ne
le pense pas. On trouve, en effet, dans la profondeur de l'ecto-
derme, au voisinage immédiat du mesenchyme, voire même
accolées à la surface ectodermique de la lamelle, de petites
cellules fusiformes qui, au lieu d'être allongées dans une direc-
tion radiaire, sont, au contraire, tangentielles par rapport au
mesenchyme. Dans les points où l'ectoderme s'est décollé de la
lamelle fondamentale, il n'est pas rare de voir de ces petites
cellules ecto dermiques, affectant l'apparence de cellules endo-
théliales vues en coupe, accolées à la face externe du mesen-
chyme. Ces cellules diffèrent des cellules d'origine endodermique
par leurs dimensions minuscules. Il me paraît probable que les
deux couches épithéliales du corps fournissent l'une et l'autre
des éléments cellulaires au tissu mésenchymatique.
■Ì98 EDOUARD VAN BENEDEN.
Ce qui confirme cette manière de voir, c'est que, même dans
la plaque flagellifère, on trouve dans la profondeur de la bande,
au contact immédiat de la lamelle mésenchymatique, une mince
assise cellulaire dont les éléments contrastent avec les cellules
flagellifères. Leurs noyaux sont plus volumineux, plus clairs et
pourvus d'un point nucléoliforme. Ces noyaux sont identiques à
ceux que l'on rencontre régulièrement dans les petites cellules
du mesenchyme.
A en juger par l'importance qu'a déjà atteinte, dans le stade
larvaire que nous décrivons, la lamelle mésenchymatique, et par
le nombre des cellules tant endodermi ques qu'ectodermiques, qui
paraissent destinées à participer, dans le cours de l'évolution,
à l'accroissement du mesenchyme, il semble que cette formation
doit être très développée dans les organismes dont notre larve
nous représente le début. Dans les larves d'Hexactinies, d'Ed-
wardsies et de Cérianthides que j'ai eues sous les yeux, la
lamelle fondamentale est le plus souvent totalement dépourvue
de cellules ; tout au plus y trouve-t-on çà et là quelques rares
noyaux peu apparents. Dans notre larve, au contraire, la lamelle
fondamentale est un tissu cellulaire bien caractérisé et les
assises cellulaires différenciées de l'endoderme et de l'ectoderme,
au contact immédiat de la lamelle fondamentale, ont à peu près
l'apparence de la couche des ostéoblastes du tissu osseux, des
odontoblastes de l'ivoire dentaire.
Cœlentéron, sarcoseptes et endod&>'me. — La cavité cœlen-
térique présente, vers le milieu de la longueur du corps, l'appa-
rence d'une fente transversale, en forme de croissant, la
convexité du croissant étant dorsale, sa concavité ventrale
(%• 1).
Elle est subdivisée à sa périphérie par trois paires de macro-
septes pourvus, suivant leur bord libre, d'un bourrelet mésenté-
rique, en six loges, dont deux sont médianes, quatre latérales ;
celles-ci sont symétriques deux à deux. De ces loges, la plus
étendue dans le sens transversal est la loge directrice ou médio-
ventrale. Les sarcoseptes qui la délimitent latéralement ont
UNE LARVE VOISINE DE LA LARVE DE SEMPER. 499
leurs insertions situées en dehors des lignes qui répondent aux
bords de la plaque flagellifère. La loge dorsale vient immédia-
tement après la loge directrice, en ce qui concerne l'écartement
des cloisons mésentériques qui la délimitent. Les loges latéro-
ventrales sont plus étendues que les loges latéro-dorsales.
Les sarcoseptes directeurs proéminent moins dans la cavité
que les deux autres paires; mais les trois paires d'organes
mésentéroïdes présentent la même structure, à part la position
des fibrilles musculaires, dont il sera question plus loin.
Lidépendamment des trois paires de macroseptes, dont il
vient d'être question, il existe six microseptes : quatre divisent
en deux moitiés semblables les loges latérales ; la troisième paire
siège dans la loge dorsale, qu'elle tend à diviser en trois parties,
dont une médiane et deux latérales. Il existe donc en tout douze
mésentéroïdes, six di-oits et six gauches, six macroseptes et six
microseptes alternant entre eux. La loge directrice ventrale
seule est dépourvue de microseptes, la loge médio-dorsale est
délimitée par deux microseptes.
Les trois paires de microseptes sont inégalement développées.
La plus saillante siège dans les loges latéro-dorsales; si l'on
peut conclure du degré de développement à l'ordre évolutif, il
y a lieu de croire que les microseptes interposés entre les ma-
croseptes latéraux se forment immédiatement après les six
macroseptes.
La couche endu dermique qui tapisse les deux faces de la
lamelle mésenchymatique des mésentéroïdes est mince et
formée de cellules cuboïdes. Cependant, au contact immédiat
de la lamelle se voient çà et là des cellules fusiformes, adja-
centes à la lamelle et qui fixent énergiquement les matières
colorantes. Elles sont identiques aux éléments cellulaires que
l'on observe dans l'épaisseur de cette lamelle.
Les bourrelets mésentériques n'ont aucune tendance à décrire
des circonvolutions. Dans toutes les coupes, ils affectent une
forme arrondie, et l'on distingue de nombreuses cellules glan-
dulaires, les unes à contenu granuleux, les autres à contenu
clair et d'apparence homogène. Toutes les cellules qui consti-
500 EDOUARD VAN BENEDEN.
tuent ensemble le bourrelet sont conoïdes et rayonnent dans
tous les sens autour de l'extrémité légèrement renflée en massue
de la lamelle mésencliymatique.
On distingue, sous la forme d'une rangée de grains brillants,
une couche de fibrilles musculaires longitudinales dans chacun
des macroseptes. Dans les sarcoseptes directeurs, la couche
musculaire siège sur la face opposée à celle qui délimite la
loge médio-ventrale. Dans les deux autres paires, la couche
musculaire est adjacente, au contraire, à la face qui regarde la
loge directrice.
La surface de la lamelle mésencliymatique, qui porte les
fibrilles, est irrégulière; mais il n'existe pas d'étendards mus-
culaires proprement dits, à moins que l'on ne considère comme
rudiments de formations semblables les petites dentelures qui
supportent les fibrilles.
Les microseptes diffèrent des macroseptes ; l^ en ce que leur
lamelle mésencliymatique, très courte, est à peu près réduite à
la massue terminale des macroseptes ; 2° en ce que la couche
endodermique qui les recouvre est très mince ; S» en ce qu'ils
ne présentent pas de bourrelet mésentérique.
Dans la région du corps où les microseptes présentent leur
plus grand développement, c'est-à-dire dans la moitié aborale
de la larve, ces formations portent déjà quelques fibrilles mus-
culaires longitudinales. Dans les microseptes qui délimitent
la loge médio-dorsale, les fibrilles siègent sur la face opposée à
celle qui regarde la loge.
Dans les deux autres paires la couche musculaire est au
contraire dirigée dorsalement; il en résulte que, des douze loges
futures, six seront intraseptales, six autres interseptales. Les
loges médianes sont interseptales, les latéi-ales sont alternati-
vement interseptales et intraseptales, l'alternance se produisant
aussi avec les loges médianes.
L'endoderme de la paroi du corps contraste, par son énorme
épaisseur, avec la partie de ce feuillet qui revêt les sarcoseptes.
Il forme des bourrelets saillants dans la cavité cœlentérique.
Le nombre de ces bourrelets répond exactement au nombre des
UNE LARVE VOISINE DE LA LARVE DE SEMPER. 501
loges, que celles-ci soient délimitées exclusivement par des
macroseptes, par un macrosepte et un microsepte, ou par des
microseptes. La largeur du bourrelet répond à celui de la loge.
Cependant, d'une manière générale, l'épaisseur de l'endoderme
pariétal diminue de la face ventrale où elle est au maximum,
à la face dorsale où elle est au minimum. Les cellules constitu-
tives de ces bourrelets ont pour hauteur l'épaisseur totale de
l'endoderme; leur structure est manifestement réticulée et
vacuoleuse. Il paraît exister une couche de fibrilles musculaires
transversale, à la face interne de la lamelle mésenchymatique
de la paroi du corps, et aussi sur celle des faces de la lamelle
fondamentale des sarcoseptes qui ne porte pas de fibrilles mus-
culaires longitudinales.
Nous allons, maintenant que nous connaissons la constitution
d'une coupe transversale faite vers le milieu de la longueur du
corps, passer en revue les différents organes et indiquer les
résultats que l'étude de la série des coupes successives nous
autorise à formuler.
I. — Plagile flag ellif ère.
Cette formation ne règne pas, comme chez la larve de
Semper, dans toute la longueur du corps. Elle s'arrête brus-
quement, sans se rétrécir au préalable, au point d'union des
deux tiers antérieurs avec le tiers postérieur du corps de la
larve. Son bord aboral est délimité par un bourrelet légèrement
saillant, de forme semi-circulaire. Ce bourrelet, au niveau
duquel la plaque se continue avec le reste de l'ectoderme,
présente la même constitution que les bourrelets latéraux que
nous avons décrits plus haut.
La plaque s'étend, au contraire, jusqu'à l'extrémité orale
de l'organisme larvaire ; elle se rétrécit progressivement
d'arrière en avant et se termine en pointe dans la lèvre ventrale
de l'ouverture buccale (fig. 2). La structure de la plaque
reste la même dans toute sa longueur.
La frange vibratile présente sa hauteur maximum dans la
502 EDOUARD VAN BRNEDEN.
partie la plus large de la plaque. Sa hauteur diminue lentement
d'arrière en avant.
J'ai déjà dit que la plaque foi'me gouttière dans la plus
grande partie de sa longueur (fig. G). La gouttière devient
moins profonde aux extrémités orale et aborale de la plaque ;
elle finit par s'elï'acer complètement.
Les caractères de l'épiderme se maintiennent identiques
dans toute l'étendue de la surface du corps. Tout au plus
constate-t-on de légères différences dans l'épaisseur de la
concile. Elle est un peu plus mince à l'extrémité orale.
IL — Uorifice buccal.
Il n'existe encore aucune trace de tentacules autour de la
bouche. Celle-ci présente la forme d'un hexagone symétrique,
mais irrégulier. Elle est surmontée par deux lèvres saillantes
inégalement développées : l'une, ventrale, plus petite, répond
à la loge de direction qui vient s'y terminer en cul-de-sac ;
l'autre, dorsale, semilunaire, beaucoup plus étendue que la
lèvre ventrale, répond à la loge dorsale et aux deux paires
latérales qui lui sont adjacentes (fig. 2 et 3).
La loge dorsale est, des trois, celle qui s'avance le plus loin
dans la lèvre supérieure.
Une coupe faite transversalement, au niveau de l'orifice
buccal, montre avec une netteté remarquable, la symétrie
bilatérale de l'organisme.
La plaque flagellifère se termine sur la face externe de
la lèvre ventrale. Elle s'y rétrécit progressivement pour se
terminer en pointe.
III. — Pharynx.
Le pharynx présente des caractères bien particuliers (fig. 4,
5 et G). Il montre une symétrie bilatérale parfaite. Il pourrait
paraître, à première vue, que les gouttières pharyngiennes
{Sulcus et Sulculus de Haddon) font ici défaut. En effet, tant
UNE LARVE VOISINE DE LA LARVE DE SEMPER. 503
du côté de la face ventrale que du côté de la face dorsale,
r epithelium pharyngien forme une saillie vers la cavité pharyn-
gienne. Du côté ventral, la lamelle mésenchymatique de la
paroi pharyngienne est ployée de façon à former un angle
saillant vers l'axe de l'organisme. Mais il me paraît évident
qu'en se plaçant au point de vue morphologique, il faut consi-
dérer comme homologue au Sulcus des autres Anthozoaires la
portion ventrale élargie de la cavité pharyngienne ; la plaque
épithéliale très large et peu élevée , qui répond à la loge
directrice, est homologue à cette partie de F epithelium pharyn-
gien qui, chez les autres Anthozoaires, constitue le plancher
de la gouttière pharyngienne ventrale (Siphonoglyphe de
Hickson). Il n'est pas possible de résoudre la question de savoir
si la partie dorsale de la fente pharyngienne, celle qui répond
à la loge médio-dorsale, doit être considérée comme un Sulculus.
La cavité proprement dite a la forme d'une fente ventro-
dorsale répondant au plan médian (fig. 4).
Le revêtement ectodermique du pharynx présente latérale-
ment trois paires de bouiTelets longitudinaux, symétriques
deux à deux, séparés les uns des autres par des sillons bien
marqués. Ces trois paires de bourrelets répondent aux trois
paires de sarcoseptes primaires. De ces bourrelets, ceux qui
correspondent aux septa directeurs, sont les moins volumineux;
les moyens sont les plus considérables.
Dans sa partie initiale, celle qui succède immédiatement à
l'orifice buccal, le pharynx a une forme à peu près quadrilatère,
l'un des côtés répondant à la loge médio-ventrale, le côté opposé
à la loge dorsale, les côtés latéraux aux deux paires de loges
latérales (flg. 4). Mais, après un court trajet, le pharynx
change de forme : il se développe dans le sens transversal et
montre à la coupe la forme d'un croissant (fig. 6). Le bour-
relet epithelial répondant au fond du Sulcus s'élargit, et en
même temps la portion médiane du plancher du pharynx,
soulevée en dos d'âne, fait fortement saillie dans la cavité
pharyngienne. Ce bourrelet de Sulcus répond à lui seul à la
concavité du croissant. Les bourrelets qui surmontent les septa
55
504 EDOUARD VAN BENEDEN,
directeurs siègent aux extrémités du croissant. Le bourrelet
qui, par sa position dorsale, répond au Sulculus, se rétrécit au
fur à mesure que l'on s'éloigne de l'extrémité orale, et bientôt
disparaît. Les bourrelets épithéliaux qui surmontent les quatre
autres mésentéroïdes régnent le long de la convexité du crois-
sant pharyngien : ils en forment la voûte, tandis que la plaque
de Sulcus en forme à eUe seule le plancher.
Après un court trajet, ce plancher se fend sur la ligne
médiane et le pharynx est mis en communication avec la loge
directrice. La fente s'élargit rapidement; elle gagne bientôt
toute la largeur de la cavité pharyngienne, qui se confond alors
avec la loge médio-ventrale. L'endoderme pariétal de la loge
directrice constitue alors le plancher de la cavité du pharynx ;
il est très proéminent et envahit en partie la cavité pharyn-
gienne confondue avec la loge directrice. A ce niveau, les loges
latérales et la dorsale sont encore séparées de la cavité
pharyngienne, dont la voûte est encore complète. Mais bientôt
les fentes interposées entre les bourrelets ectodermiques qui
répondent aux sarcoseptes s'approfondissent, et l'on voit toutes
les loges communiquer avec la cavité axiale. Nous nous trouvons
maintenant dans la région gastrique ou cœlentérique ; les
bourrelets qui garnissent le bord libre des sarcoseptes primaires
doivent être appelés " bourrelets mésentériques „ ; nous avons
dépassé le bord inférieur du pharynx.
Il est de toute évidence qu'ici comme chez les Cérianthes
et chez d'autres Anthozoaires, les bourrelets mésentériques
sont la continuation des bourrelets ectodermiques du pharynx,
comme l'a soutenu Heider et comme l'ont démontré "Wilson et
Boveri. La structure est identique de part et d'autre, et il
n'existe aucune ligne de démarcation, au bord inférieur du
pharynx, entre les deux genres de formations qui, en fait, n'en
font qu'une.
Il ressort de ce qui précède que, contrairement à ce qui
existe chez d'autres Anthozoaires et à l'opposé de ce que l'on
connaît chez les Cérianthides, depuis les recherches classiques
de J. Haime, chez notre larve le pharynx est plus court du côté
UNE LARVE VOISINE DE LA LARVE DE SEMPER. 505
ventral que du côté dorsal. Le Sulcus est plus court que le
Sulculus.
Indépendamment de sa couche épithéliale interne, ectoder-
mique, la paroi du pharynx comprend une lamelle mésen-
chymatique et un revêtement externe endodermique. Celui-ci
est fort mince ; c'est un epithelium pavimenteux ou cuboïde
qui se continue sur les faces des sarcoseptes.
IV. — Mésentéroïdes (sarcoseptes) et loges mésentériques.
La larve présente trois paires de macroseptes qui se fixent
à la paroi du pharynx et sont garnis dans toute leur longueur,
à partir du bord inférieur de cet organe, de bourrelets mésen-
tériques. De ces trois paires de macroseptes, l'une délimite la
loge directrice et répond à la paire directrice ventrale des
autres Anthozoaires ; les deux autres sont latérales.
La paire directrice, notablement plus courte que les deux
autres, n'atteint pas l'extrémité aborale. Elle ne se trouve plus
sur les coupes de l'extrémité renflée du corps de la larve. Les
deux autres sont à peu près de même longueur ; elles atteignent,
ou peu s'en faut, le pôle aboral ; néanmoins la paire intermé-
diaire dépasse un peu, vers cette extrémité, la paire dorsale ;
elle proemine un peu plus aussi que les deux autres dans la
cavité cœlentérique, et les bourrelets ectodermiques du pharynx,
qui ne sont que les extrémités orales des bourrelets mésenté-
riques (entéroïdes de Lacaze-Duthiers), sont plus volumineux,
en ce qui concerne la paire intermédiaire, que les deux autres.
Il existe en outre trois paires de microseptes, dont nous avons
indiqué plus haut les positions. La paire dorsale délimite la
loge médio-dorsale, les deux autres alternent avec les macro-
septes latéraux. Ces microseptes n'atteignent pas la paroi du
pharynx, mais sont cependant indiqués dans la partie orale du
corps, même immédiatement en deçà de la bouche. Ils s'étendent
en arrière jusque près de l'extrémité aborale. La paire adja-
cente à la paire directrice est plus courte que les autres : elle
ne dépasse guère les septa directeurs ; la plus longue est inter-
506 EDOUARD VAN^BENEDEN.
posée entre les macroseptes latéraux. A ces différences de
longueur correspond une légère différence de leur développe-
ment en saillie. Les microseptes latéraux sont les plus proémi-
nents dans la cavité cœlentérique ; puis viennent les dorsaux ;
en dernier lieu, les ventraux.
Nul doute que les microseptes ne soient de formation plus
récente que les macroseptes, et qu'il existe dans le cours de
l'évolution de notre larve un stade longtemps prolongé pendant
lequel l'organisme se caractérise par la présence de six sarco-
septes primaires. Si l'on peut conclure, d'ailleurs, de la longueur
relative des septa et de leur degré de développement à l'ordre
de leur apparition, les latéraux apparaîtraient en premier lieu,
les dorsaux ensuite, les septa directeurs en troisième rang.
Viendraient ensuite, après une période de repos, les microseptes
moyens, puis les dorsaux, enfin les ventraux. A en juger par le
développement notablement plus avancé des microseptes moyens,
il doit se présenter dans le cours de l'évolution un stade, de
courte durée, caractérisé par la présence de huit cloisons, dont
six macroseptes et deux microseptes. J'ai représenté, dans le
schéma ci-dessous, une figure destinée à représenter synthéti-
quement les conclusions que je viens de formuler. Les chiffres
1 à 6 indiquent l'ordre probable de succession des mésentéroïdes.
FiG. 1.
UNE LARVE VOISINE DE LA LARVE DE SEMPER. 507
Une particularité bien caractéristique de notre larve, c'est
l'extension considérable, dans le sens transversal, de la loge
directrice dans la région pharyngienne du corps. Néanmoins, la
cavité de la loge, et il en est de même de toutes les autres, se
trouve réduite à n'être qu'une fente étroite par suite de la
grande épaisseur de l'endoderme pariétal, qui proemine forte-
ment dans les cavités mésentériques (fig. 4 et 6).
Dans les loges latérales, le bourrelet endodermique pariétal
se trouve subdivisé par les microseptes naissants; dans la loge
dorsale, le bourrelet est subdivisé par la même cause en trois
parties, une médiane et deux latérales (fig. -i et 6).
Nous devons maintenant nous poser la question de savoir si
notre larve est identique à la larve de Semper.
La forme générale du corps, caractérisée par son allongement
considérable, l'existence de six sarcoseptes bien développés,
l'absence totale de toute trace de tentacules autour de la bouche,
et surtout la présence de la frange vibratile médiane, ne laissent
aucun doute sur l'affinité qui existe entre les deux larves.
Cependant, une série de caractères les différencient nettement
et nous obligent à les rattacher à l'évolution d'espèces, proba-
blement même de genres différents. Ces caractères différentiels
sont relatifs :
fo A la forme de la larve, cylindrique d'une part, pyriforme
de l'autre ;
20 A la longueur de la frange vibratile, qui règne dans toute
la longueur du corps chez la larve de Semper, qui n'intéresse
que les deux tiers antérieurs de la face ventrale de l'organisme
recueilli par Hensen ;
3» A la présence d'un orifice aboral chez la larve de Semper,
orifice qui fait totalement défaut chez notre exemplaire ;
4° Aux organes urticants (nématocystes) qui, à en juger par
les figures produites par Semper, sont très différents dans les
deux larves.
Semper a conclu de la présence de la bordure vibratile à la
symétrie bilatérale de sa larve. Une coupe transversale du corps,
faite en n'importe quel point de sa longueur, démontre avec la
508 EDOUARD VAN BENEDEN.
dernière évidence l'ordonnance parfaitement bilatérale de toutes
les parties de l'organisme.
Semper décrit six septa chez sa larve ; il a vu que l'une des
paires était notablement plus courte que les deux autres, exac-
tement comme je l'ai décrit pour l'exemplaire dont j'ai fait
l'étude. Si Semper n'a pas signalé l'existence de trois paires de
microseptes, on ne peut en conclure que ces cloisons naissantes
feraient défaut chez sa larve, l'examen macroscopique ne
permettant pas de reconnaître la présence de mésentéroïdes
rudimentaires qui ne font pas encore saillie dans la cavité
cœlentérique. On ne peut donc attacher aucune importance à
cette différence dans les descriptions.
D'après la description que Semper a donnée de sa larve, la
frange vibratile serait insérée dans un sillon médian régnant
dans une bande claire. Il me paraît éminemment probable que
la bande claire de Semper répond à ce que j'ai appelé la plaque
flagellifère et que les fouets vibratiles, formant ensemble la
frange, émanent, dans les deux cas, de toute la surface de la
plaque.
On peut se demander si la différence que j'ai signalée dans
la forme des deux organismes n'est pas le résultat d'un change-
ment qui se serait produit au moment où l'on a fixé la larve.
L'étude des coupes démontre clairement qu'il ne peut en être
ainsi : le diamètre de l'extrémité aborale est cinq ou six fois
plus considérable que celui de l'extrémité orale, sans qu'il y ait
aucun indice d'altération ; les diverses couches présentent
approximativement la même épaisseur dans toute la longueur
du corps. Le peu de développement du système musculaire ne
permet pas d'ailleurs d'admettre des contractions énergiques et
différentes dans les diverses régions du corps.
A quel groupe d'Anthozoaires se rapportent les larves de
Semper et celle que j'ai fait connaître?
Les recherches dont l'organisation et le développement des
Anthozoaires ont été l'objet dans le cours de ces dernières
années ont démontré l'existence dans ce groupe de plusieurs
types évolutifs distincts. L'insuffisance des données acquises
UNE LARVE VOISINE DE LA LARVE DE SEMPER. 509
jusqu'ici ne permet pas encore une réforme définitive de la clas-
sification des Anthozoaires ; mais la nécessité de cette réforme
est dès à présent établie.
On a confondu à tort, dans le groupe des Actiniaires, des
organismes qui n'ont de commun que le caractère d'ordre très
secondaire d'être dépourvus de formations squelettiques ; les
Actinies évoluent de manières diverses, suivant des lois diffé-
rentes, tandis que, d'autre part, les affinités qui relient les
Hexactiniaires aux Sclérodermés ne sont plus l'objet d'un doute.
A côté des Octactiniens et des Antipataires, qui constituent
deux groupes naturels bien définis, on peut distinguer avec
R. Hertwig, dans le groupe peu naturel des Actiniaires, sept
tribus bien caractérisées :
Les Edwardsies.
Les Hexactinies.
Les Cérianthides.
Les Zoanthines.
Les Monaulées.
Les Paractinies.
Les Gonactinies.
Edwardsies. — Les Edwardsies possèdent huit sarcoseptes
et une symétrie bilatérale bien accusée. Andres et les frères
Hertw^ig ont fait connaître l'ordonnance des muscles chez ces
organismes. Le pharynx est pourvu de deux gouttières pharyn-
giennes, l'une ventrale, l'autre dorsale; disons, avec Haddon,
d'un sulcus et d'un sulculus. La loge directrice ventrale est
délimitée par des mésentéroïdes directeurs qui portent des
muscles longitudinaux opposés. Il en est de même de la loge
dorsale. Les deux paires latérales ont leurs muscles dirigés ven-
tralement, comme la paire dorsale. La paire ventrale est donc
toujours reconnaissable en ce qu'elle porte ses muscles en sens
opposé de ce que l'on observe sur les trois autres paires. On
connaît suffisamment les larves des Edw^ardsies pour pouvoir
affirmer qu'elles n'ont aucune analogie avec la larve de Semper;
l'existence de douze cloisons dans celle que nous avons décrite
suffit pour écarter toute idée de rapprochement entre ces larves
et les Edwardsies, dont le nombre des sarcoseptes ne dépasse
jamais huit.
510 EDOUARD VAN BENEDEN.
Hexadinies. — M. de Lacaze-Duthiers, dans ses mémorables
recherches sur le développement des Hexactinies, a établi qu'il
y a lieu de distinguer deux périodes dans l'histoire évolutive de
ces animaux.
Première période : La première comprend la formation des
douzes sarcoseptes primaires, la seconde celle des septa secon-
daires. Tandis que l'on admettait, avec Milne-Edwards et
J. Haime, qu'il se forme simultanément six cloisons primaires,
puis, à mi-distance entre celles-ci, six cloisons de second ordre,
puis successivement, entre les cloisons antérieurement formées,
douze cloisons de troisième ordre, vingt-quatre de quatrième
ordre et ainsi de suite, M. de Lacaze-Duthiers a établi que les
douze premières cloisons se forment successivement et symé-
triquement deux par deux, suivant un ordre bien déterminé. La
jeune Actinie passe, dans le cours de son développement, par
une série de stades, respectivement caractérisés par 2, 4, 6, 8,
10 et 12 sarcoseptes. Tandis que l'on constate à une période de
repos plus ou moins prolongée après les stades à 2, à 4 et à 8
cloisons, les stades à 6 et à 10 cloisons sont de très courte durée.
Si nous désignons par I les sarcoseptes directeurs, par II, III,
IV, V et VI les autres paires, ces numéros d'ordre indiquant
leur degré d'écartement de la paire directrice, l'ordre de
formation serait le suivant : III, VI, I, V, IV et IL Les cloisons
TTT formées en premier lieu, dirigées transversalement par
rapport à la fente buccale, divisent la cavité cœlentérique en
deux chambres, l'une dorsale, plus étendue, l'autre ventrale, plus
réduite, qui, dans le cours du développement, se subdivisent la
première en sept, la seconde en cinq loges.
Quelques doutes ont été émis par les frères Hertwig au sujet
de la loi de formation indiquée par M. de Lacaze-Duthiers, en
ce qui concerne l'âge relatif des cloisons V et VI, et ces doutes
ont été confirmés par les recherches de Wilson sur le
développement d'une espèce du genre Manicina.
D'après Wilson, l'ordre de formation serait le suivant :
III, V, I, VI, IV et IL Comme on le voit, la différence entre la
manière de voir de M. de Lacaze-Duthiers et celle de Wilson
UNE LARVE VOISINE DE LA LARVE DE SEMPER. 511
porte seulement sur l'âge relatif des cloisons V et VI. D'après
Lacaze, VI se formerait avant V; d'après Wilson, V pré-
céderait VI.
Mais AVilson et Haddon sont d'accord avec M. de Lacaze-
Dutliiers pour faire naître les cloisons IV et II en dernier lieu,
l'une dorsalement, l'autre ventralement, par rapport à la
cloison III. Les frères Hertwig, dont les observations ont
été récemment confirmées par Boveri, ont vu chez Admnsia
diaiiliana les quatre derniers sarcoseptes naître par couples dans
les deux loges latérales situées à égale distance de la ventrale
et de la dorsale. Ce cas est certainement exceptionnel dans le
groupe des Hexactinies. Mais il suffit à établir l'existence de
variations quant à l'ordre de succession des sarcoseptes pri-
maires, dans ce groupe.
Toutes les observations s'accordent néanmoins pour établir la
présence, chez toutes les Hexactinies, d'un stade assez prolongé
pendant lequel il n'existe que huit cloisons complètes, répondant,
non seulement au point de vue du nombre et de l'ordre d'ap-
parition des cloisons, mais aussi au point de vue de l'ordonnance
des muscles longitudinaux des mésentéroïdes, aux dispositions
réalisées d'une manière permanente chez les Edwardsies.
C'est ce qui résulte des observations concordantes de Haddon
sur Halcampa et Peachia, de J. Playfair M. Murrich sur
Auladinia, et de Boveri sur diverses Hexactinies de la Médi-
terranée.
De là l'idée formulée par Haddon, Playfair M. Murrich et
Boveri, que les Edwardsies représentent un stade ancestral de
l'évolution des Hexactinies; les Hexactinies passent, dans le
cours de leur évolution, par le stade Edwardsia et sont
probablement issus d'Anthozoaires organisés à la manière des
Edwardsies actuelles.
Seconde période : Des douze loges mésentériques qui caracté-
risent la fin de la première période de l'évolution des Hexactinies,
deux sont médianes et interseptales, dix latérales, cinq droites,
cinq gauches. De ces cinq paires de loges, trois sont inter-
septales, deux intraseptales. D'après la loi formulée par de
512 EDOUARD VAN BENEDEN
Lacaze-Duthiers et confirmée par tous les observateurs
subséquents, la multiplication du nombre des septa résulte de
l'apparition simultanée de couples de mésentéroïdes dans toutes
les loges interseptales latérales, à l'exclusion de toute inter-
vention des loges directrices et des loges intraseptales,
conformément au schéma ci-dessous.
Les lois indiquées ci-dessus paraissent présider au développe-
ment, non seulement des Hexactiniaires, mais aussi des
Hexacoralliaires.
Plusieurs auteurs récents définissent la sjTuétrie de ce type
par le mot biradiaire. Certes la structure, telle qu'elle se révèle
à partir du début de la seconde période du développement, est
manifestement biradiaire et non bilatérale : la face dorsale ne
se distingue en rien de la face ventrale dans le schéma ci-dessus.
Mais il ne faut pas oublier que l'étude du développement a établi
que la symétrie primitive est bien nettement bilatérale et qu'elle
ne devient biradiaire que dans le cours de l'évolution. Les
sarcoseptes ventraux et dorsaux qui paraissent équivalents dans
l'organisme développé, ne sont pas équivalents, si l'on tient
compte de leur origine.
Le fait que chez tous les Hexactiniaires et chez les Hexa-
UNE LARVE VOISINE DE LA LARVE DE SEMPER. 513
coralliaires dont le développement a été étudié, le stade
caractérisé par la présence de six sarcoseptes est extrêmement
passager et raccourci, nous autorise à penser que la larve de
Semper et celle que j'ai décrite ne se rattachent pas à l'évolution
d'Hexactiniens. Cette conclusion est confirmée par le fait que
les organismes qui se développent aux dépens de ces larves
passent rapidement du stade à six au stade à douze cloisons.
Enfin, parmi les nombreuses larves d'Hexactiniens qui ont été
décrites, aucune ne présente rien qui ressemble à la plaque
flagellifère.
Cérianthides. — Il résulte des recherches de J. Haime, de
von Heider, des frères Hertwig, d'A. Agassiz, de von Kocli,
de Vogt, de Boveri et de mes propres observations sur un
Cérianthe de nos côtes, que l'ordonnance des sarcoseptes
diffère essentiellement, chez les Cérianthes et les Arachnactis,
de ce qui se trouve réalisé chez tous les autres Anthozoaires.
Une symétrie bilatérale manifeste se maintient à tous les stades
de l'évolution. Il n'existe plus chez les Cérianthides deux
gouttières pharyngiennes, mais seulement un sulcus, et la face
à laquelle répond le sulcus est appelée face ventrale.
Toutes les observations récentes tendent à établir que la
multiplication des sarcoseptes se fait exclusivement dans la loge
médio-dorsale, par apparition à peu près simultanée, dans cette
loge, de paires successives de nouvelles cloisons en dedans des
paires précédemment formées. Il en résulte que les numéros
d'ordre des sarcoseptes, comptés à partir de la loge directrice,
marquent aussi l'ordre de leur apparition successive.
Cette loi se vérifie-t-elle aussi pour les toutes premières
cloisons ? Les observations que l'on possède sur les premiers
stades du développement sont insuffisantes pour résoudre la
question.
Les recherches récentes de Boveri sur des larves qu'il
attribue au genre Arachnactis semblent établir que, tout au
moins chez ces derniers, les quatre premières paires de sarco-
septes répondent aux cloisons des Edwardsies, ce qui permet
514 EDOUARD VAN BENEDEN.
de supposer que l'ordre de formation des huit premiers sarco-
septes des Cériantliides est le même que chez les Edwardsies
et les Hexactinies : les Cériantliides passeraient, comme les
Hexactinies, par le stade Edwardsia. D'après Boveri, les
quatre premières paires formées seraient les sarcoseptes direc-
teurs et les trois paires voisines des Cériantliides adultes.
On connaît les premières formes larvaires des Cérianthes,
grâce à J. Haime, à Kowalewsky, à Jourdan; celles des
Arachnadis par les recherches de M. Sars, de A. Agassiz, de
C. Vogi et de Boveri. On peut affirmer que la larve de Semper
ne se rattache pas à l'évolution d'Anthozoaires de la tribu des
Cérianthes.
Monaidées. — La tribu des Monaulées, créée par R. Hert-
wig, ne comprend que le seul genre Scytophonis, une Actinie
pourvue de sept paires de sarcoseptes primaires, dont une,
délimitant la loge directrice ventrale, porte des muscles opposés,
les six autres portant alternativement leurs muscles dorsalement
et ventralement, les muscles étant portés par la face dorsale
dans les sarcoseptes adjacents aux sarcoseptes directeurs.
Boveri a montré comment ce type peut être déduit de celui des
Edwardsies, par intercalation, dans chacune des loges latérales
des jeunes Edwardsies, d'un sarcosepte portant ses muscles sur
sa face dorsale.
Rien ne justifie la supposition qu'un stade à six cloisons
serait caractéristique de l'évolution de ces Monaulées ; il est
fort probable, au contraire, comme le fait remarquer Boveri,
que ces Anthozoaires dérivent directement des Edwardsies.
Elles se rapprochent de ces dernières par la forme très
allongée du corps, par la présence d'une cuticule (périderme),
enfin, et c'est là la raison qui a déterminé Boveri à rattacher
directement les Monaulées aux Edwardsies, plutôt que de les
faire dériver des Hexactinies, leur pharynx est pourvu inté-
rieurement de trois paires de bourrelets ectodermiques, qui ne
peuvent se rapporter aux quatorze sarcoseptes, et dont la pré-
sence ne peut s'expliquer que si les Monaulées dérivent d'une
forme pourvue de huit cloisons.
UNE LARVE VOISINE DE LA LARVE DE SEMPER. 515
Oonadinies. — Ce groupe ne comprend que le genre
Gonadinia, es\)èœ j^rolifera, récemment créé par Blochmann
et Hilger. Il se caractérise par la présence de huit macroseptes
oifrant l'ordonnance musculaire caractéristique de ceux des
Edwardsies, de deux loges directrices et de deux gouttières
pharyngiennes. On compte, en outre, huit microseptes. Boveri
pense que les Gonactinies dérivent directement des Edwardsies
par intercalation des microseptes dans les latérales de ces
dernières.
En tout cas, l'existence des huit macroseptes homologues à
ceux des Edwaidsies rend éminemment improbable l'existence
de liens de parenté entre les Actinies et les larves pourvues
d'une plaque flagellifère et de six macroseptes.
Paradinies. — Cette tribu, établie par R. Hertwig, à
laquelle on peut rattacher les Téalides, se caractérise en ce que
toute l'organisation est semblable à celle des Hexactinies, avec
cette seule différence que la symétrie n'est pas dominée par le
chiffre 6, ce qui, en ce qui concerne les Téalides, a été démontré
par Gosse et par Dixon, D'après Boveri, ce type peut être
facilement déduit de celui des Hexactiniens, et il est fort pro-
bable que les premiers stades du développement, ceux qui
s'accomplissent pendant la première période, ne diffèrent en
rien de ce que l'on observe chez les Hexactiniaires et les
Hexacoralliaires. Rien n'indique que la larve de Semper ait
rien de commun avec les Anthozoaires de cette tribu.
Zoanthines. — C'est à G. von Koch, au labeur duquel la
science est redevable de tant de beaux travaux sur l'organi-
sation et le développement des Anthozoaires, que remontent
les premières recherches exactes sur l'anatomie des Zoanthines
{Polythoa axinellce). Les résultats auxquels il est arrivé ont été
confirmés et étendus par les belles publications de G. Miiller,
de Erdmann et de R. Hertwig ; ces derniers ont fait connaître,
en partie du moins, la loi qui règle la multiplication des cloisons.
Tandis que, chez toutes les Actinies hexamènes, les septa
d'un même couple ont même grandeur, même structure et
516 EDOUARD VAN BENEDEN.
mêmes fonctions, chez les Zoantliines, les couples sont con-
stitués de deux cloisons différentes : l'une complète, fertile et
garnie d'un iilament mésentérique, est un macrosepte ; l'autre
incomplète, stérile, dépourvue de filament mésentérique, est mi
microsepte.
Un macrosepte et un microsepte forment ensemble un couple :
ils se regardent par celle de leurs faces qui porte le muscle lon-
gitudinal. Au point de vue de l'ordonnance des muscles, deux
paires font seules exception : elles siègent aux extrémités oppo-
sées du diamètre par lequel passe le plan de symétrie de l'orga-
nisme. Cette symétrie est nettement bilatérale. Des deux loges
médianes, l'une, ventrale, est délimitée par deux macroseptes;
l'autre, dorsale, par deux microseptes. Dans ces loges les muscles
sont opposés, les cloisons directrices se regardant par leur face
dépourvue de muscles.
Le phar3aix ne possède qu'une gouttière pharyngienne; elle
répond au sulcus de Haddon.
Les paires latérales sont ordonnées de telle manière que
toutes celles qui se trouvent à droite et à gauche de la loge
directrice ventrale ont leur macrosepte plus voisin de la cloison
directrice ventrale, le microsepte correspondant étant plus
éloigné de cette cloison. D'autre part, celles qui sont voisines
de la loge directrice dorsale ont leur macrosepte plus rapproché
des microseptes directeurs dorsaux. Il n'existe jamais que deux
paires droites et deux paires gauches qui suivent la règle énoncée
en dernier lieu. Toutes les autres paires, quel que soit leur
nombre, ont leur macrosepte ventralement dirigé. On peut donc
distinguer, dans une Zoanthine, une zone dorsale comprenant
la paire médio-dorsale et les quatre paires avoisinantes, et une
zone ventrale comprenant toutes les autres paires, quel que soit
du reste leur nombre. Ce nombre augmente avec l'âge du polype.
L'arrangement que nous venons de caractériser souffre une
légère modification, utilisée pour la classification. Dans quelques
genres, la paire externe de la zone dorsale est formée non pas
d'un macrosepte et d'un microsepte, mais bien de deux macro-
septes. De là, la distinction établie par Erdmami entre ce qu'il
UNE LARVE VOISINE DE LA LARVE DE SEMPER. 517
appelle le " microtype „ réalisé dans les genres Zoanthus,
Mammillifera et Corticifera, et le " macrotype „ qui se ren-
contre dans les genres Epizoanthus et PolytJwa.
Tandis que chez les Actinies liexamènes et les Hexacoral-
liaires toute loge interseptale, abstraction faite des loges direc-
trices, est capable d'engendrer un nouveau couple de cloisons,
chez les Zoanthines il ne se forme de nouveaux couples que
dans la cavité interseptale immédiatement adjacente à la loge
directrice ventrale. Ce fait important a été mis en lumière par
les belles recherches de Erdmann.
Chez tous les individus examinés par Erdmann, la zone dor-
sale était complète : elle se constituait invariablement de cinq
paires de septa. Il en était tout autrement de la zone ventrale,
qui comprenait d'autant moins de couples que l'individu analysé
était plus jeune. En poussant à l'extrême la réduction du nombre
de ces couples ventraux, qui prennent successivement naissance
dans la loge adjacente à la loge medio- ventrale, en ramenant le
nombre de ces couples à zéro, on arrive à un stade caractérisé
par la présence des cinq paires dorsales et de la paire directrice
ventrale, soit en tout de six paires ou de douze cloisons. Ce
stade, qui n'a pas encore été observé, pourrait être représenté
comme ci-dessous, figure 3 pour le microtype {Zoanthus, Mam-
millifera, Corticifera), figure 4 pour le macrotype (^ï^oan^/iMs,
Polythoa) (Erdmann).
On est forcément conduit, en se fondant sur la loi d'accrois-
sement découverte par Erdmann, à admettre l'existence d'un
semblable stade évolutif chez les Zoanthines. (Voir les figures
ci-dessous : fig. 3, Microtype; fig. 4, Macrotype.)
518 EDOUARD VAN BENEDEN.
Or, c'est précisément ce stade microtype qui se trouve réalisé
dans la larve que j'ai décrite, et probablement aussi dans la
larve de Semper,
Ce stade suppose, en ce qui concerne le microtype, c'est-à-dire
l'évolution d'un Zoanthus, d'un Mammillifera ou d'un Cortici-
fera, douze septes, dont trois paires de macroseptes et trois
paires de microseptes, une loge directrice ventrale délimitée par
deux macroseptes ; une loge médio-dorsale, délimitée par deux
microseptes, deux paires de couples latéraux, formés chacun
d'un macrosepte dorsal et d'un microsepte ventral; tout cela se
trouve chez notre larve.
Ce qui confirme encore notre opinion, d'après laquelle notre
larve et celle de Semper peuvent se rattacher à l'évolution des
Zoanthines, c'est la constitution de la lamelle mésenchymatique,
particulièrement développée et pourvue de nombreux éléments
cellulaires, dont les uns sont d'origine endodermique, les autres
des dérivés de l'ectoderme.
Erdmann a recoimu, en effet, la structure relativement très
compliquée du mesenchyme et sa richesse en éléments cellu-
laires chez les Zoanthines. Il y décrit : 1° des amas cellulaires,
tantôt arrondis, tantôt ramifiés, confluents et anastomosés entre
eux en un réseau ; des canaux peuvent apparaître dans ces
traînées cellulaires ; 2° de nombreuses cellules, disséminées dans
la substance fondamentale ; elles sont filiformes ou fusiformes,
étoilées ou arrondies. Je ne connais aucune larve d'Anthozoaire
chez laquelle la lamelle fondamentale soit aussi chargée de
cellules que chez notre larve, aucune autre chez laquelle on
distingue, dans la profondeur des epitheliums adjacents, une
véritable assise cellulaire, composée de cellules identiques à
celles que l'on observe dans le mesenchyme et qui sont manifes-
tement prédestinées à l'accroissement du mesenchyme.
A supposer que la larve de Semper et celle qui a été décrite
dans les pages qui précèdent se rattachent réellement, comme
je le crois, à l'évolution des Zoanthines, on doit se poser la
question de savoir quelle position il convient d'assigner à ce
groupe dans la classification des Anthozoaires.
UNE LARVE VOISINE DE LA LARVE DE SEMPER. 519
Boveri, dans un récent travail, a cherché à établir que les
Zoanthines, aussi bien que les Hexactinies, les Cérianthides, les
Monaulées, les Paractinies et les Gonactinies peuvent être
déduites du stade Edwardsie, soit directement, ce qui serait le
cas pour les Cérianthides, les Hexactinies, les Monaulées et les
Gonactinies, soit indirectement par l'intermédiaire des Hexac-
tinies, ce qu'il suppose être le cas pour les Zoanthines et les
Paractinies.
Ces conclusions sont basées sur l'étude du développement, en
ce qui concerne les Actinies hexamères et les Cérianthides ; sur
l'étude de l'organisation, en ce qui concerne les Monaulées, les
Gonactinies, les Zoanthines et les Paractinies.
La constitution de notre larve semble à première vue pouvoir
être interprétée en faveur de l'hypothèse de Boveri. En effet,
elle est caractérisée par la présence de douze sarcoseptes,
comme c'est le cas pour les larves des Hexactinies à la fin de
la première période de leur développement. Mais cependant,
comme la suite du développement suit une tout autre direction
chez les Zoanthines que celle des Hexactinies, il est clair qu'il
ne pourrait être question de faire dériver les Zoanthines que
d'Hexactinies primitives, pourvues de douze cloisons primaires,
comme chez Halcampa clavus (R. Hertwig).
Il est à remarquer cependant que notre larve diffère du stade
à douze cloisons primaires des Hexactinies : 1° en ce qu'elle
présente trois paires de microseptes; chez les Hexactinies, à
douze cloisons, toutes ces cloisons deviennent complètes; 2» en
ce que le stade Edwardsie, qui est de longue durée chez les
Hexactinies, fait défaut chez les Zoanthines. Au lieu d'un stade
à huit cloisons, les Zoanthines présentent, dans le cours de leur
évolution, un stade à six macroseptes. Or, c'est sur la durée
prolongée du stade, caractérisé par la présence de huit sarco-
septes homologues à ceux des Edwardsies, que Boveri s'est
fondé pour établir les affinités des Hexactinies avec les Edward-
sies. Je crois qu'en raisonnant comme le fait Boveri, nous
devons logiquement conclure à l'absence d'affinités entre les
Zoanthines et les Edwardsies, d'une part, des Hexactiniens de
520 EDOUARD VAN BENEDEN.
l'autre. Nous devons admettre pour les Zoanthines un tronc
d'origine distinct de celui des Edwardsies, à moins que l'on ne
soit en droit de considérer les microseptes dorsaux comme
homologues des septa directeurs dorsaux des Edwardsia.
Il me paraît que les faits n'autorisent pas cette assimilation.
En effet, des trois paires de microseptes qui se forment à peu
près simultanément, il en est une qui est en avance assez notable
sur les deux autres, et cette paire n'est pas la paire médio-
dorsale, mais bien celle qui est interposée entre les macroseptes
latéraux. Pour admettre que les Zoantliines sont issues des
Hexactinies primitives et par conséquent des Edwardsies, il
faudrait donc supposer : l» (jue les septa directeurs dorsaux
sont devenus des cloisons incomplètes de complètes qu'elles
étaient d'abord; 2» qu'il s'est produit dans le cours du déve-
loppement, un changement dans l'ordre de formation des septa :
la quatrième paire de cloisons des Edwardsies ancestrales
aurait apparu chez les Zoanthines postérieurement à la paire
médio-latérale. Il me paraît que rien ne justifie cette double
hypothèse, et l'on ne voit pas pourquoi le stade Edwardsia, si
nettement conservé dans le cours de l'évolution des Actinies
hexamènes et chez les Hexacoralliaires, se serait effacé dans le
cours du développement des Zoanthines. A s'en tenir aux faits,
il me paraît nécessaire de conclure à l'indépendance du rameau
des Zoantliines. Je pense donc que les rapports entre les
divers groupes, dont il a été question ci-dessus, doivent être
exprimés comme suit :
Zoanthines Edwardsies
Cérianthides Hexactinies Monaulées Gonactinies
I ,.
Paractinies.
UNE LARVE VOISINE DE LA LARVE DE SEMPER. 521
EXPLICATION DE LA PLANCHE XV.
Toutes les figures ont été dessinées à la chambre claire. Les figures
2, 3, 4 et 6 donnent le même grossissement. Idem pour les figures 1,
5 et 7.
Fig. 1. Coupe transversale vers le milieu de la longueur du corps.
Fig. 2. Idem à l'extrémité orale.
Fig. 3. Idem un peu en deçà de cette extrémité.
Fig. 4. Idem vers le milieu de la longueur du pharynx.
Fig. 5. Idem voisine de la précédente, dessinée au même grossisse-
ment que 1 et 7 afin de permettre de juger de la forme de
la larve.
Fig. 6. Idem près de l'extrémité aborale du pharynx.
Fig. 7. Idem près de l'extrémité aborale du corps.
Contribution à l'étude des yeux de quelques Crustacés
et Recherches expérimentales
sur les iiioiïïenieiits ë Dipeiit irauuleiix et des cellules pi^uieiitaires
sons FMneiice de la lumière et de Folisciirité
daus les yeux des Crustacés et des AracMldes,
PAR
Wanda SZCZAWINSKA.
Planches XVI et XVII.
LISTE DES OUVRAGES CITES.
1 FÉLIX Plateau. Recherches expérimentales sur la vision chez les
Arthropodes. 1887-1888, Bruxelles.
2 Dr H. GrenACHER. Unlersuchungen ilber dus Sehorgan der
Arthropoden. 1879, Gôttingen.
3 C. Claus. Der Organismus der Phronimiden. Arbeiten aus dem
zoologisclien Institute der Universitàt Wien und der zoolog.
Station in Triest. Tom. II, Heft 1. 1879. Wien.
4 Leydig. Zum feinereìi Bau der Arthropoden. Archiv fiir Anatomie
und Physiologie von Johannes Miiller 1856. Berlin.
5 Leydig. Lehrbuch der Histologie. 1857.
6 William Patten. Eyes of Molluscs and Arthropods. Mittheilun-
gen aus der zoologischen Station zu Neapel. Sechster Band.
1886. Berlin.
7 J.-S. Kinsley. The development of the Coumpound Eye of Crangon.
Zoologischer Anzeiger. No 234, page 597. 1886. Leipzig.
8 J. NUSBAUM. L'embryologie de Mysis Chameleo, page 171 dans
Archives de zoologie expérimentale et générale. Deuxième
série. Tome I. 1887. Paris.
54
524 WANDA SZCZAWINSKA.
9 Micheline StefANOWSKA. La disjyosition histologique dupigment
dans les yeux des Arthropodes sous Vinfluence de la lumière
directe et de l'obscurité complète. 1889. Genève.
10 RANVIER. Traité technique d'' histologie,. 1889. Paris.
11 BOLLES Lee et HennegUY. Traité des méthodes techniques. 1887.
Paris.
12 Sars. Histoire naturelle des crustacés d'eau douce de Norvège.
Ire livr. Malacostracés. 1867. Christiania.
13 M. SCHULTZE. Untersuchungen ilhcr die zusammengesetzten Augen
der Krebse und Insecten. Bonn. 1868.
14 GOTTSCHE. Beitrag zur Anatomie und Physiologie des Auges der
Krebse und Fliegen. Miillers Archiv. 1852.
15 LemoinE. Recherches pour servir à l'histoire des systèmes nervetix,
musculaire et glandulaire de VEcrevisse. Annales des sciences
naturelles. 1868.
16 Clads. Untersuchungen iiber die Organisation und Entwickelung
von Brunchipus und Artemia. Arbeiten aus dem zoologischen
Institute der Universitàt Wien und der zool. Station in Tri est.
Band p. 1886. Wien.
17 Otto Hermann. XJngams Spinnen. Fauna 1878. Budapest.
18 BrONN'S Klassen und Ordungen der Thier-Beichs. Leipsig und
Heidelberg.
19 Edouard ClaparÈDE. Zur Morphologie der susammengesetzten
Augen bei den Arthropoden. Zeitsch. fur w. Zool. Bd. 10. 1859.
20 MiLNE Edwards. Histoire naturelle des Crustacés.
21 E. JOTJRDAN. Les sens chez les animaux inférieurs. 1889. Paris.
22 VOGT et YUNG. Traité d'Anatomie comparée pratique. En publica-
tion.
23 E. E. Ray LankESTER et A. G. Bourne. The minute structure of
the lateral an the central Eyes of Scorpio and Limulus. Quarterly
Journal of Microscopical Science, New series, n" 89. Janv. 1883-
24 ReichenBACH. Studien zur Entwickelungsgeschichte des Fliisskrebses.
Abbandlung d. Senckenbergischen naturforschenden Gesell-
schaft in Frankfort a M. Bd. XIV. 1886.
25 EngelmANN. Sur les mouvements des cônes et des cellules pigmen-
taires de la rétine sous Vinfluence de la lumière et du système
nerveux. 1884.
CONTRIB. A l'étude DES YEUX DE l^UELQUES CRUSTACÉS. 525
INTRODUCTION.
Des nombreux travaux publiés jusqu'ici sur la structure des
yeux des Arthropodes se dégagent deux théories contradictoires.
La première, la théorie classique, les considère comme un en-
semble d'ocelles et les appelle des yeux composés. Elle est,
comme on le sait, professée par la majorité des autorités scienti-
fiques, dont je ne puis citer ici les noms, tant leur nombre est
considérable; deux ans se sont à peine écoulés depuis que
Plateau (1) a publié un historique complet des ouvrages trai-
tant de ce sujet. Nous nous bornerons donc à citer Grenacher (2),
dont le travail présente une étude très complète sur les yeux
des Arthropodes et auquel la science est redevable de la nomen-
clature relative à cette branche de l'anatomie comparée.
L'argument principal des adhérents de cette théorie se base
sur la présence, dans les yeux soi-disant composés, d'autant d'élé-
ments transmetteurs de la lumière qu'il y a d'éléments récepteurs
de la sensation lumineuse. Comme éléments transmetteurs de la
lumière sont considérés les cônes cristallins et comme récepteurs :
les bâtonnets nerveux. Toutefois, suivant Grenacher, ces der-
niers sont composés de deux parties : 1» de cellules rétiniennes;
2o du rhabdôme formé aux dépens de ces cellules. Claus (3),
dans son travail sur l'organisme des Phronimidés, émet les
suppositions suivantes sur le fonctionnement des deux parties
en question : ou bien, dit-il, les cinq cellules des bâtonnets
représentant les éléments sensibles sont en rapport avec les
fibres nerveuses, et, dans ce cas, le rhabdôme et le cristallin
ne sont que des agents de transmission des rayons lumineux à
la rétinule qui les transforme en sensation nerveuse ; ou bien
c'est le rhabdôme qui est le siège des terminaisons ner-
veuses réceptrices. Claus conclut, conformément aux résultats
obtenus par Grenacher, que la seconde hypothèse est la seule
admissible.
526 WANDA SZCZAWINSKA.
La seconde théorie considère les yeux des Arthropodes
comme des yeux simples, mais modifiés. Elle ne possède pas
autant de défenseurs que la première et quoique Ley dig (4) l'ait
énoncée dès 1855, elle peut être qualifiée de récente : ce sont,
en effet, des travaux de fraîche date qui l'ont assise sur une
base solide. Parmi ceux-ci, je dois citer en première ligne
celui de Eay Lankester et Bourne (23) qui, par l'étude com-
parative des yeux des Scorpions et des Limules, sont arrivés à
la conclusion que la différence, entre les yeux simples et les
yeux soi-disant composés, ne consiste que dans une distribution
plus régulière des éléments rétiniens et dans la subdivision
de la cornée en facettes.
Puis ce fut Patten (6) qui présenta une étude importante
ayant trait au sujet qui nous occupe aujourd'hui. Cet auteur
détermina pour la première fois, d'une manière absolument pré-
cise, le rôle des différentes parties constitutives de l'œil. Ayant
trouvé un nerf axial dans le rhabdôme et le cristallin, il confirma
l'hypothèse émise par Clans et Grenacher. Il existe néanmoins
une différence capitale entre la manière de voir de Patten et celle
de ses prédécesseurs ; en effet, ces derniers considèrent les cris-
tallins comme de simples conducteurs des rayons lumineux, alors
que le premier les envisage comme une continuation directe
du rhabdôme où se trouve la terminaison nerveuse. Grenacher
fait dériver le rhabdôme des cellules rétiniennes. Patten, lui,
soutient qu'elles sont indépendantes du premier et ne leur
attribue d'autres fonctions que celles qui sont inhérentes à
leur nature pigmentaire.
Par de nombreux diagrammes d'yeux simples de Mollusques
et d'Araignées, ainsi que d'yeux composés de Crustacés et
d'Insectes, Patten démontre l'identité essentielle de structure
des deux sortes d'yeux.
Cependant les recherches récentes de Kingsley (7) sur l'em-
bryologie des yeux de Crangon, de Reichenbach (24) sur
l'embryologie d'Astacus fluvlatilis, de Nusbaum (8) sur Mysis
Chameleo, enfin celles de Patten ont assuré le triomphe défi-
nitif de la théorie nouvelle.
CONTRIB. A l'étude DES YEUX DE QUELQUES CRUSTACÉS. 527
Tous ces auteurs sont d'accord quant à la première ébauche
des yeux composés : c'est toujours une invagination épi-
blastique qui se sépare, peu à peu, de la couche qui lui a
donné naissance. (Nusbaum décrit les premières ébauches
des yeux des Mysis comme deux épaississements ectoder-
miques.) A raison de ces faits embryologiques, il est impossible
de considérer les yeux des Arthropodes comme une agglomé-
ration d'ocelles.
Il résulte de ces théories contradictoires de graves inconvé-
nients pour celui qui désire entreprendre une recherche physio-
logique à ce sujet et notamment lorsque, pour l'interprétation
des expériences, il veut se servir des données morphologiques
jusqu'ici acquises.
M. le professeur Cari Vogt m'a proposé de faire l'étude des
changements dans la disposition histologiqne du pigment sous
l'iniiuence de la lumière et de l'obscurité dans les yeux des
Invertébrés.
A cette occasion, je suis heureuse de pouvoir exprimer ma
profonde gratitude à mon eminent professeur M. Cari Vogt,
pour les conseils et les bonnes paroles qu'il a bien voulu
m'adresser pendant toute la durée de mon travail.
Des recherches analogues ont été faites, il y a deux ans, par
Mlle Micheline Stefanowska (9) sur les Arthropodes et en
particulier sur les Insectes. Les résultats de ses recherches l'ont
conduite aux conclusions suivantes : dans l'obscurité, le pigment
se ramasse en amas compacts, surtout à la base des cônes ;
les cellules pigmentaires contractées, recouvrent une partie
moindre des éléments de l'œil. A la lumière, le pigment est
réparti beaucoup plus uniformément, les cellules pigmentaires
s'allongent dans les deux directions : vers la cornée et vers la
rétinule.
Les résultats de recherches analogues, ayant pour objet les
Vertébrés, ont été communiqués en 1884, par Engelmann (25)
et Van Genderen Stort. Les voici sommairement : Dans les
yeux de Rana, placés dans l'obscurité, les franges des cellules
pigmentaires sont contractées et n'entourent que la partie
528 WANDA SZCZAWINSKA.
distale des bâtonnets et des cônes rétiniens ; à la lumière, par
contre, elles s'étendent considérablement et parviennent jusqu'à
la membrane limitante externe, enveloppant complètement ces
derniers. Ces auteurs ont également observé des mouvements
dans les cônes eux-mêmes et constatèrent qu'ils suivent dans
leurs mouvements, la direction du mouvement des cellules
pigmentaires.
On voit donc que les mouvements du pigment dans les yeux
des Antliropodes et des Vertébrés tendent vers un même but :
la protection des parties qu'il entoure; ce qu'exprime M'ie Stefa-
no wska en disant : " Nous savons que l'œil des Vertébrés
possède la faculté d'adapter la disposition de son pigment à la
quantité de lumière qui le frappe, et nous venons d'établir que
cette adaptation se trouve dans un œil construit sur un type
complètement différent du premier, celui des Arthropodes. „
J'ai commencé mes études expérimentales sur une classe
d'Arthropodes que M^ie Stefanowska n'a pas étudiée dans son
travail, c'est-à-dire les Crustacés. J'y ai presque limité mes
recherches. C'est d'une part, la constatation des lacunes exis-
tantes dans la connaissances que l'on a sur la structure histolo-
gique des yeux des Crustacés, constatation amenée par l'examen
de mes coupes et la consultation de travaux spéciaux, et de
l'autre les opinions contradictoires quant à la signification
morphologique et physiologique de différents éléments de ces
yeux, qui m'ont conduite à faire des recherches morphologiques
sur les yeux en général.
Dans ces recherches, j'ai concentré spécialement mon
attention sur les yeux de Gammarus et d'Astacus fluviatilis,
ces animaux étant le plus facilement à ma portée. Dans le choix
du matériel nécessaire à mes études physiologiques, le travail de
Grenacher m'a servi de guide. Cet auteur, sans établir une
classification spéciale des yeux des Crustacés, les décrit dans
l'ordre qui résulte de la supériorité relative de l'organisation
entière de l'animal.
J'ai fait aussi des expériences sur beaucoup d'espèces
d'Araignées, malheureusement la difficulté des coupes, causée
CONTRIB. A l'étude DES YEUX DE QUELQUES CRUSTACÉS. 529
par le dimorpliisme qui existe chez cette classe d'Arthropodes,
ne me permet pas d'en communiquer tous les résultats ; seules
Lycosa hortensis, Epeira diadema et Linyphia triangularis
ont pu me servir avantageusement.
En ce qui concerne l'étude de l'influence de la lumière et de
l'obscurité sur le mouvement du pigment et des cellules pigmen-
taires dans les yeux d'Arthropodes, nous nous sommes posé les
quatre problèmes suivants :
1° Déterminer dans la position du pigment et des cellules
pigmentaires les changements maxima occasionnés par leur
mouvement à la lumière et dans l'obscurité.
2° Apprécier le temps nécessaire pour obtenir ces deux
positions maxima.
30 Etant donnée la position maximum du pigment dans l'obs-
curité, déterminer l'unité de temps nécessaire pour provoquer
le moincke changement de la position du pigment et des cellules
pigmentaires dans les yeux exposés à une lumière dont l'inten-
sité est connue.
40 Indiquer l'influence de deux lumières, à intensités diffé-
rentes, sur la rapidité des changements de la position du pigment
et des cellules pigmentaires.
Ce n'est du reste que grâce à Astacus fluviatilis que je suis
parvenue à répondre avec plus ou moins de précision aux
questions ci-dessus mentionnées, n'ayant jamais éprouvé de bien
grandes difficultés à me procurer cette espèce.
TECHNIQUE.
Après m' être assurée du bon état de santé des animaux que
je désirais étudier, je plaçais une série de la même espèce
d'animaux dans une obscurité complète, alors qu'une seconde
série restait directement exposée à la lumière solaire (entre onze
heures du matin et quatre heures de l'après-midi). Presque
toutes les expériences se firent en été. Toutes les heures, je
fixais une partie de ces animaux, afin de déterminer l'influence
du nombre d'heures sur la progression du pigment dans les cel-
lules pigmentaires et sur la configuration des cellules mêmes.
530 WANDA SZCZAWINSKA.
Ainsi je laissais les animaux à robscurité de 1-8 heures. J'usais
du même procédé pour les animaux exposés à l'action des rayons
solaires.
Tandis qu'il était facile de conserver les premiers vivants
jusqu'à la fin de l'expérience, la chaleur des rayons solaires
directs tuait ordinairement les autres après deux ou trois
heures; d'autres Crustacés plus délicats périssaient déjà après
un quart d'heure, par exemple Bythotrephes. Si je réussissais
à conserver les animaux plus longtemps à la lumière, ils per-
daient leur vivacité. En face de ces inconvénients multiples,
je me décidai à tenter mes expériences à la lumière électrique.
On mit à ma disposition une lampe électrique dont l'intensité
égalait 80 becs de gaz. Malgré le peu de chaleur se dégageant
de la lampe, les Ecrevisses, mes sujets d'alors, perdirent de
leur force et déclinèrent.
Les procédés décrits ci-dessus m'ont donné les réponses à
trois des quatre problèmes, que je m'étais promis de résoudre.
Ils ont déterminé : 1^ les changements maximum dans la posi-
tion du pigment et des cellules pigmentaires à l'obscurité et à la
lumière, 2° le temps nécessaire pour obtenir ces deux positions
et 3» l'influence de l'intensité lumineuse sur la rapidité de ces
changements.
Pour résoudre la quatrième question, celle de l'unité de temps
pour produire le minimum de changement dans la position du
pigment et des cellules pigmentaires à la lumière, j'ai procédé
comme suit : les animaux soumis à l'épreuve furent fixés, une
première série, immédiatement après avoir été retirée de l'obscu-
rité, puis d'autres séries, toutes les cinq minutes pendant la
durée de deux heures.
Une des conditions importantes pour la bonne réussite des
expériences réside dans la valeur du fixatif. Cette valeur doit se
dévoiler notamment dans la rapidité de l'action, car, avant
toutes choses, il s'agit dans ces sortes d'expériences de saisir la
nature sur le vif. An commencement de mes études j'avais suivi
la méthode indiquée par M^ie Stefanowska (9), je fixais les yeux
par l'acide osmique. Mais me trouvant à ViUefranche et faute
GONTRIB. A l'étude DES YEUX DE QUELQUES CRUSTACÉS. 531
de ce dernier réactif, j'ai été forcée d'employer la liqueur de
Kleinenberg, fixatif renommé pour les Arthropodes; l'emploi de
cette liqueur m'a permis d'obtenir les résultats les plus surpre-
nants sur Palaemon squilla et Galathea squamifera. Dernière-
ment même, pour fixer les yeux, je me suis servie de la solution
du sublimé corrosif dans l'eau distillée chauffée jusqu'au point
d' ebullition. La concentration de ce réactif rend son action si
rapide que les petits Crustacés y meurent dans une durée de
temps difficile à apprécier; quant aux grands Crustacés, un quart
d'heure suffit amplement à produire la fixation des tissus.
Grâce à cette propriété du sublimé chauffé, je n'ai pas eu
besoin de couper la tête aux animaux de petite taille, ni de la
partager en deux, pour préserver les cellules pigmentaires de
l'action des centres nerveux, comme le faisait M^ie Stefanowska,
le cerveau ainsi que les cellules étant fixés également vite. Pour
la fixation des yeux d'Astacus et de Palaemon, je les séparais
ordinairement du reste du corps pour facUiter la pénétration du
réactif, la couche de chitine s'y trouvant fort épaisse. Je
puis donc affirmer, en ce qui concerne du moins la fixation des
éléments de l'œil des Arthropodes, qu'entre ces trois réactifs,
dont j'ai essayé l'action sur Gammarus et Astacus (et qui, dans
les mêmes conditions, me donnaient les mêmes résultats), je dois
donner la préférence au sublimé chaud et cela pour la cause que
je viens de signaler plus haut. J'ajoute même que ce n'est pas là
son unique avantage.
L'acide osmique présente un inconvénient, celui de noircir les
tissus, difficulté que ]Vri Stefanowska surmontait en traitant les
yeux, ainsi fixés, par l'acide oxalique; quant à moi, j'avoue que
malgré l'emploi de l'acide oxalique, je ne réussissais jamais à
éclaircir complètement mes préparations. Ici toutefois se pré-
sente un fait plus important; les tissus traités par l'acide osmique
sont difficilement colorés par les deux meilleurs colorants :1e car-
min picrique et le carmin boracique. J'ai été obligée d'attendre
une semaine pour les yeux d'Astacus, avant que la matière
colorante ait pénétré dans la préparation et c'était encore une
bonne chance lorsque cette pénétration se trouvait être complète
532 WANDA SZCZAWINSKA.
— la chitine y étant pour quelque chose. Au contraire, après la
fixation par le sublimé, le carmin picrique et le carmin boracique
donnaient des colorations de toute beauté dans un temps relati-
vement court (ceci n'est pas sans influence sur la fraîcheur des
tissus). Ceux qui s'occupent d'études histologiques savent bien
l'importance des colorations dans ces sortes de recherches.
La coloration achevée, les yeux étaient lavés dans une série
d'alcools commençant par 70 "/» et montant jusqu'à 100 «/o-
Après ce moment commençait un long procédé de paraffinale et
d'éclaircissement des yeux. Pour arriver à ce dernier résultat,
j'employais le chloroforme; toutefois, pour prévenir le ratatine-
ment des tissus par le passage brusque d'un liquide moins dense
dans un autre plus dense (de l'alcool au chloroforme), je mettais
d'abord les yeux dans un mélange d'alcool absolu et de chloro-
forme; lorsque les préparations tombaient au fond du bocal,
c'était un signe que le chloroforme avait complètement pénétré
dans les yeux. Je les mettais alors dans la paraffine dissoute
par le chloroforme et je chauffais lentement la solution au bain-
marie à une température de 30 — 35» pour faciliter le rempla-
cement du chloroforme par la paraffine. Après une heure je
changeais la paraffine qui, cette fois, servant à l'inclusion défi-
nitive, devait avoir une consistance déterminée par la consis-
tance de l'œil destiné à être coupé. Pour que l'inclusion fût
complète, je laissais les préparations dans la paraffine six
heures de suite. Naturellement Bythotrephes n'exigeait pas ce
temps-là, une demi-heure était suffisante, car un séjour plus
long eût été nuisible à la fraîcheur des tissus. C'est grâce à ce
procédé que je suis arrivée à faire des coupes d'yeux de Crus-
tacés, dont le test est fortement chitinisé, sans avoir eu besoin de
recourir à l'emploi de la machine pneumatique, comme le faisait
Mlle Stefanowska. Ces coupes faites à l'aide du microtome de
Schanze avaient une épaisseur de Vioo — V200 de milimètre.
Pour traiter les yeux d'Astacus, dont le pédoncule oculaire
est incrusté de calcaire, j'ai dû employer des procédés spéciaux.
Ne pouvant enlever l'enveloppe chitineuse du pédoncule sur les
yeux frais ou dui^cis, sans endommager les parties molles, j'ai
CONTRIB. A l'étude DES YEUX DE QUELQUES CRUSTACÉS. 533
dû recourir au collodionage des coupes. J'ai essayé, pour
éviter ce procédé lent et ennuyeux, d'enlever l'enveloppe dure
du pédoncule sur l'œil paraffiné; l'inclusion de l'œil par la
paraffine retenait sur place la cornée avec les parties molles
sous-jacentes. Dès ce moment, les coupes de l'œil d'Astacus
fluviatilis, qui semblaient au commencement devoir être héris-
sées de difficultés insurmontables, sont devenues toutes simples
et faciles.
Comme je ne me suis pas bornée exclusivement à l'étude des
changements du pigment sous l'influence de l'obscurité et de la
lumière dans les yeux des Arthropodes et que je désirais aussi
examiner les yeux mêmes, j'ai été obligée de les dépigmenter
pom- voir les détails de leur structure, masqués qu'ils sont par
l'abondance du pigment. Dans ce but, j'essayai la méthode de
Mayer (10), qui repose sur l'action du chlore qui se dégage
sur le pigment ; avec ce procédé qui toutefois est nuisible aux
tissus, l'on fait agir l'acide chlorhydrique sur le chlorate de
potasse. J'ai préféré de beaucoup employer le mélange de
Grenacher (2) ; mais avant d'y mettre les yeux, je les colorais
au carmin boracique ou picrique, obtenant ainsi une coloration
rouge foncée qui rendait les noyaux très distincts ; les tissus
pourtant se ratatinaient sensiblement.
Pour la même cause, je ne me contentais pas de coupes
longitudinales et transversales, mais je soumis les yeux à la ma-
cération afin de dissocier les différentes parties de l'œil. Dans
ce but, j'ai eu recours à la méthode indiquée par Patten (6). C'est
surtout la liqueur de Millier qui m'a rendu de grands services
dans l'étude histologique des yeux; malheureusement son action
est très lente. Ainsi la macération complète des éléments ocu-
laires d'Astacus fluviatilis réclamait au moins un mois. Cette
liqueur est surtout favorable pour les cellules pigmentaires et
leurs prolongements hyalins. La macération des cônes cristallins
des auteurs s'effectue avec plus de succès et plus de rapidité
dans l'acide acétique concentré ou dans un mélange de cinq
gouttes d'acide sulfurique avec 30 grammes d'eau distillée. Un
séjour de 48 heures suffisait pour mener la macération à bonne fin.
534 WANDA SZCZAWINSKA.
Enfin, pour voir dans les cristallins les terminaisons nerveuses
décrites par Patten, j'ai eu recours à un réactif renommé pour
ce genre de recherches, le chlorure d'or. Dans ce but, je suivis la
méthode conseillée par Lœwit, qui, avant de plonger un fragment
du tissu dans le chlorure d'or, le mettait durant 10 minutes dans
l'acide formique au tiers ; en sortant du chlorui'e d'or, la
préparation est placée de nouveau dans l'acide formique de
même concentration pendant 24 heures; on substitue ensuite à
ce dernier de l'acide formique pur. Les deux dernières réactions
se font dans l'obscurité. Ce procédé a le désavantage de gâter
complètement les tissus de l'œil, à raison de l'action trop éner-
gique de l'acide formique pur. En supprimant le dernier traite-
ment, j'ai réussi à obtenir un bon résultat. J'ai essayé l'action
du chlorure d'or sur les terminaisons nerveuses par la seconde
méthode de Eanvier ; elle ne m'a donné aucun résultat.
Je saisis l'occasion d'adresser ici l'expression de ma recon-
naissance à M. le docteur Maurice Jaquet pour les conseils qu'il
n'a cessé de me prodiguer.
EECHEECHES MORPHOLOGIQUES.
Gammarus Roeselh.
Planche XVI, fig. -1 à 5.
L'œil de Gammarus a été l'objet des études de Sars (12) et de
Grenacher (2). Sars distingue parmi les éléments de l'œil, outre
le cône cristallin qui se continue en un cordon, une enveloppe
pourvue de pigment qui protège les deux parties du cône.
Il signale encore la présence de petits points fortement
réfringents, placés du côté du nerf optique ; il les assimile avec la
partie prismatique interne de l'œil de My sis. La description de
l'œil de Gammarus locusta et de Talitrus saltator donnée par
Grenacher n'est pas plus complète. L'auteur constate lui-même
que, faute de bonnes coupes transversales, il n'a pas pu déter-
miner la quantité des cellules, qui constituent la rétinule ; il
CONTRIB. A l'étude DES YEUX DE QUELQUES CRUSTACÉS. 535
a également échoué lorsqu'il a voulu préciser la forme du
rhabdôme.
La limite postérieure de l'œil de Gammarus doit être portée
plus loin que ne l'ont fait les deux auteurs mentionnés ci-dessus :
nous avons constaté dans nos observations la présence de cel-
lules pigmentées placées au delà des parties de l'œil, décrites
par Grenadier et Sars et qui se trouvent en relation avec elles
(fig. 1 et 2 comparer avec n» 2, pi. IX, fig. 99).
Sous la cornée lisse (fig. 1 et 2, cr.) se trouve une couche de
cellules aplaties à grands noyaux, désignée sous le nom d'hypo-
derme (flg. 1 et 2, hy. c); elle n'est que la continuation de la
couche chitinogène qui recouvre le corps entier de l'animal.
La seule différence qui existe entre celle-ci et l'hypoderme
cornéen consiste en ce que les cellules de la première sont
cylindriques, tandis que le grand axe des cellules de l'hypoderme
devient transversal.
Sur une coupe longitudinale de l'œil, on aperçoit, sous l'hypo-
derme, une rangée d'éléments hyalins, entourés des cellules
pigmentaires, dont les noyaux se groupent suivant trois lignes
parallèles perpendiculaires à l'axe de l'œil (fig. 1, c. c, st., pg'^,
Pffi ï>y^)- Pour avoir une idée nette de la structure des éléments
constitutifs de l'œil ainsi que du rapport qui existe entre ces élé-
ments, il faut avoir recours au procédé de macération. J'ai obtenu
les meilleurs résultats, pour les éléments hyalins, par la macéra-
tion dans le mélange d'acide sulfurique et d'eau de mer.
Si l'on examine les éléments hyalins in toto (fig. 1, c. c, st.),
on pourrait croire, à première vue, qu'ils sont composés de
deux formations différentes, dont l'une est placée à la suite
de l'autre. Eu effet, chacun de ces éléments peut être divisé en
deux parties : l'une, la partie distale, est assez volumineuse
et revêt la forme d'un cône tronqué dont la base regarde la
cornée, l'autre, la partie proximale, est beaucoup plus mince. Ce
passage brusque de la partie distale élargie de l'élément hyalin à
la partie proximale mince, masque la véritable relation qui existe
entre elles. Ce n'est qu'en opérant une coupe longitudinale par
les parties de l'élément hyalin, qu'on voit que la partie distale
536 WANDA SZCZAWINSKA.
passe à la partie proximale sans présenter aucune ligne de dé-
marcation (flg. 3, c, st.).
Le dernier résultat de nos recherches nous met en contra-
diction avec Grenacher, qui considère les deux parties en ques-
tion comme deux éléments différents. Grenacher appelle cris-
tallin la partie distale de l'élément hyalin et rhabdOme la partie
proximale du même élément. Au contraire, la relation que nous
venons d'établir entre les deux parties de l'élément hyalin de
l'œil deGammarus serait conforme aux résultats des recherches
de Patten sur les yeux des Crustacés supérieurs; c'est pourquoi
nous préférons appeler avec Patten l'élément entier — le réti-
nophore, sa partie distale élargie ou cristallin des auteurs —
le calice (fig. 3, c), et sa partie proximale ou rhabdôme de
Grenacher — le style (fig. 3 st.).
Le calice est composé de deux parties, dont l'une est super-
ficielle, et de substance granuleuse (fig. 3, en. p.), et l'autre
d'un contenu hyalin, qui a nom cône cristallin. La substance
granuleuse du calice n'est visible que dans les deux tiers anté-
rieurs de sa longueur totale. Elle forme une enveloppe proto-
plasmique du calice qui renferme deux noyaux réniformes appelés
noyaux de Semper (fig. 3, n. rph.) ; ces derniers correspondent
aux noyaux du rétinophore de Patten. On voit sur une coupe
transversale du calice qu'il est composé de deux parties soudées
dans leur longueur (fig. 5, a.). J'ai souvent observé dans l'in-
térieur du cône, un corps très réfringent, dont la grosseur
n'était pas constante et dont les contours étaient parallèles
aux ^contours du calice. Je ne saurais rien dire quant à la
signification de cette conformation.
Une série de coupes transversales, - passant par le style,
montrent à son pourtour la présence de quatre ailes longitudi-
nales qui furent mentionnées par Grenacher (fig. 5, t.). Ces
ailes s'accentuent de moins en moins, à mesure que le style
diminue de diamètre, pour disparaître complètement; alors il
revêt la forme d'un filament grêle (fig. 5, c). Je n'ai jamais pu
suivre le prolongement filamenteux du style jusqu'à la mem-
brane basale, de même qu'il m'a été impossible de déterminer le
CONTRIB. A l'étude DES YEUX DE QUELQUES CRUSTACÉS. 537
nombre de parties diverses qui entrent dans la constitution du
style. La forme en croix, qui distingue la coupe transversale
du style, ne saurait être invoquée en faveur de la supposition
d'un style composé de quatre cellules. Au contraire, nous
avons obtenu des coupes qui montraient un dédoublement du
calice, concurremment avec un dédoublement du style.
Nous avons constaté plus haut, dans chaque groupe des cel-
lules pigmentaires entourant le rétinophore, la présence de
trois séries de noyaux {ûg. 4, n\ pg, n^. pg, n^. pg.). Ces trois
sortes de noyaux appartiennent aux trois verticilles des
cellules pigmentaires, qui se groupent l'un à la suite de l'autre,
formant ainsi une enveloppe presque complète du rétinophore
(fig. 4 pg, pg'^, pg^-)' Oil acquiert une idée nette de la forme des
cellules des trois verticilles, et du rapport qui existe entre
elles, si l'on dissocie les éléments de l'œil par la macération des
yeux dans la liqueur de Millier : six à huit jours sont suffisants
pour rendre possible la dissociation de l'œil. Les cellules sont
disposées par cinq dans chaque verticille. Celles du verticille
externe recouvrent la plus grande partie du calice et se pro-
longent en arrière pour couvrir aussi le style (fig. 4, 2>9^-)'
Ces cellules, larges et lamelleuses dans la partie externe qui
recouvre le calice, possèdent des bords latéraux également
libres. A la limite du calice et du style, elles perdent leur indivi-
dualité, se soudent ensemble et en même temps deviennent plus
épaisses mais moins larges. Ces cellules portent des noyaux
(fig. 4, n^. pg.) dans leur partie distale un peu épaissie en cet
endroit. Leur pigment paraît noir et abondant.
Les cellules du verticille interne s'aperçoivent facilement :
elles occupent le tiers postérieur de l'œil (fig. 4:,pg^). Elles sont
aplaties comme les premières, et comme elles sont pourvues
d'un énorme noyau (fig. 4, n^ pg.) ; elles semblent porter une
bosse à l'endroit où se trouve ce dernier. C'est ainsi que vues
de face elles offrent l'aspect d'un corps lamelleux avec une
faible pigmentation, tandis que, vues de profil, elles sont filamen-
teuses et ce n'est qu'à l'endroit où surgit le noyau qu'on observe
un épaississement. Dans le même verticille, les noyaux des
538 WANDA SZCZAWINSKA.
cellules ne sont pas placés à la même hauteur, on peut compter
ordinairement trois cellules dont les noyaux sont placés à leur
extrémité proximale et deux cellules les ayant à l'extrémité
distale. Vers l'intérieur de l'œil, près de la membrane basale,
l'extrémité proximale des cellules devient pointue et porte un
prolongement hyalin qui, réuni aux prolongements des autres
cellules du même verticille, forme un seul et unique lilament,
servant à retenir les cellules à la membrane basale.
Les cellules du verticille moyen, faiblement pigmentées, sont
pourvues d'un noyau ovalaire (fig. 4, n^, pg.). Leurs prolonge-
ments antérieurs recouvrent les prolongements postérieurs ou
internes des cellules du premier verticille ; en arrière, ils se
continuent sur les cellules du verticille interne. Il nous serait
difficile de tracer exactement les limites des cellules de ces
trois verticilles, car malgré l'emploi de la méthode de macé-
ration nous ne pûmes le plus souvent arriver à les séparer
complètement; quand elles étaient disjointes, elles ne parais-
saient pas être complètes.
Les cellules du verticille externe et moyen correspondent à
la rétinule de Grenacher. Celles du verticille interne n'ont pas
été décrites par cet auteur.
De cet aperçu de la structure des cellules pigmentées qui
enveloppent les éléments hyalins de l'œil, nous devons conclure
que les cellules pigmentées chez Gammarus se groupent en
trois verticilles, qui se suivent d'avant en arrière, formant une
enveloppe complète autour d'un axe hyalin ; ces cellules sont
indépendantes de cet axe, car elles s'attachent à la membrane
basale par des filaments propres.
Souvent nous avons observé sur le calice des lignes très fines
avec de nombreuses ramifications ; dans certains cas nous avons
pu voir, d'une manière tout à fait nette, grâce à l'action du
chlorure d'or qui les avait colorés en noir (fig. 3, n. ex.) deux
rameaux nerveux s'épanouir à la surface du calice. Leurs rami-
fications étaient surtout abondantes près de la face distale du
calice. Nous avons pu suivre les deux filaments nerveux sur le
style et distinguer des réseaux délicats à la surface des cellules
pigmentaires postérieures.
CONTRIB. A l'étude DES YEUX DE QUELQUES CRUSTACÉS. 539
Le nerf axial, que Patten a trouvé dans le rétinophore, ne
s'est pas montré clairement à nous chez Gammarus ; il est vrai
que sur les coupes transversales du style nous aperçûmes
constamment, au centre de la croix, un point fortement réfrin-
gent {ûg. 5, t.), mais comme nous ne l'avons jamais traité par
un réactif qui aurait pu nous indiquer sa nature nerveuse, il
nous est impossible d'exprimer notre opinion à ce sujet.
BRANCfflPUS.
Planche XVI, fig. 10 et il.
Grenadier (2), Clans (16) et Patten (6) ayant décrit d'une
manière détaillée les yeux de Brancliipus, nous nous sommes
bornée, en ce qui concerne la structure oculaire de ce crustacé,
aux faits dont la constatation dans les yeux de Gammarus,
nous ont placée en contradiction avec les recherches de Gre-
nacher, c'est-à-dire : l» au passage du cristallin en rhabdôme
et 2» aux relations entre les cellules rétiniennes et le rhabdôme.
L'examen attentif des coupes longitudinales des yeux pairs
de ce crustacé (flg. 11, comparer avec n» 2, pl.X, ûg. 107), ainsi
que celui d'yeux soumis à la macération dans l'eau de mer et
dans l'acide sulfurique, nous a convaincue que le cône cristallin
passe en rhabdôme ou style sans solution de continuité, formant
un axe hyalin, qu'il faudrait, par analogie avec le cas précédent,
appeler rétinophore. Nous avons aussi pu nous convaincre de
l'indépendance complète de cet axe d'avec les cellules rétiniennes.
Si l'on examine la terminaison interne des yeux près de la mem-
brane basale, là où s'épanouissent les filaments du nerf optique,
sur des coupes de Vioo — V200 ^'^- d'épaisseur, on voit, à un
faible grossissement, un espace qui sépare l'œil des terminaisons
du nerf optique, comme le prouve le dessin de Claus (n» 16,
pi. VII, flg. 7). Mais un fort grossissement démontre que cet
espace est rempli de fllaments, dont les uns sont complètement
hyalins et dépourvus de pigment, tandis que les autres portent
les grains pigmentaires qui viennent depuis la zone des filaments
nerveux (Nervenbiindelschicht) (fig. 10 et ll,2Jr. rjih, pr.pg.).
Les filaments pigmentés se groupent par cinq et se continuent
55
540 WANDA SZCZAWINSKA.
avec les cellules de la rétinule ou les cellules pigmentées de
chaque rétinopliore. Au milieu de chaque groupe formé par les
cinq filaments pigmentés se trouve un filament hyalin qui, avant
de s'attacher à la membrane basale, se divise en deux branches
qui, elles aussi, se subdivisent encore. Ce filament n'est autre
chose que la terminaison grêle du rétinophore reliant ce dernier
à la membrane basale. Par conséquent, le rétinophore est
indépendant des cellules rétiniennes.
ASTACUS FLUVIATILIS.
Planche XVII, lig. 1 à 9.
Presque tous les naturalistes qui se sont occupés de la
structure oculaire des Arthropodes, se sont adonnés à l'étude
des yeux de cette espèce, quelques auteurs se limitant à telle ou
telle partie de l'œil, les autres décrivant l'oi-gane en entier. Parmi
les premiers je dois citer l'éminent naturaliste Schultze (13),
parmi les seconds : Gotsche (14), Leydig (4) et Lemoine (15).
Les yeux d'Astacus fluviatilis appartiennent à la catégorie
des yeux à facettes. En elfet, l'examen des coupes transversales,
passant par la cornée, montre que cette dernière est divisée
en facettes quadrangulaires [ûg. 5), qui peuvent pourtant
revêtir une forme pentagonale ou hexagonale. Au milieu de
chaque facette il y a un enfoncement qui prend tantôt la forme
d'une croix, tantôt un aspect circulaire ; cet enfoncement semble
correspondre aux ouvertures trouvées dans chaque cornéule par
Dugès. Sur une coupe longitudinale del'œil on peut observer trois
couches de la cornée qui diffèrent par l'intensité de la coloration
que leur donne le carmin : l'une d'elles, externe, très réfrin-
gente, paraît être continue; elle est suivie d'une série de len-
tilles biconvexes se colorant fortement par le carmin boracique.
Ces lentilles sont séparées les unes des autres par des espaces
plus clairs dont l'intensité de coloration est la même que celle de
la couche interne et dernière de la cornée (flg. 1 et 2, cr.).
Sous la cornée se groupent les éléments que nous appellerons,
comme dans l'œil de Gammarus, les rétinophores (fig. 1 et 2,
c. c, st., pi.) ; leur nombre correspond à celui des facettes de la
CONTRIB. A l'étude DES YEUX DE QUELQUES CRUSTACÉS. 541
cornée ; chacun d'eux est entouré de cellules pigmentaires
(fig. 1 et 2, yg^, x>(/, iHj^), qui, à première vue, dans les yeux
ayant séjourné longtemps dans l'obscurité, forment deux zones
noires : l'une externe ou distale, l'autre interne ou proximale
(% 1).
Entre la cornée et les rétinopliores on trouve l'hypoderme
dont les cellules sont différenciées (fig. 1 et 2, hy. c). Deux
cellules hypodermiques se rapprochent et forment des tablettes
quadrilatérales qui recouvrent la face externe de chaque rétino-
phore. La face distale des tablettes est légèrement concave afin
de recevoir la convexité de la cornéule, tandis que la face proxi-
male est fortement concave, car elle s'applique contre la surface
distale du rétinophore dont la convexité est bien prononcée.
Chacune de ces tablettes quadrilatérales porte deux noyaux dans
les deux angles opposés des tablettes (fig. 2, n. hy. c. et fig. 6).
La macération des yeux d'Astacus dans la liqueur de Millier
permet d'observer les rétinophores séparés de leurs enveloppes
pigmentaires. Les coupes longitudinales des yeux qui ont
séjourné à l'obscurité se prêtent également à cette sorte d'études.
Sur de telles préparations on voit que le rétinophore change
de forme : ainsi, dans sa partie antérieure, il offre la forme d'un
parallélipipède (fig. 1, c. c); plus loin il s'amincit (fig. 1, st.)
pour s'élargir de nouveau dans son quart postérieur, où il prend
l'aspect d'un corps fusiforme (fig. 1 et 2, pi.).
La partie antérieure du rétinophore, correspondant au calice
de l'axe hyalin de l'œil de Gammarus, se trouve composée de
deux parties qui, sous l'influence de l'acide acétique, prennent un
aspect diiférent. Une de ces parties que nous appellerons la sub-
stance fondamentale du calice, revêt un aspect granuleux avec
des grains assez volumineux; l'autre présente des granules
très fins de sorte qu'elle apparaît presque homogène. La partie
hyaline du calice est la plus étendue : la- substance granuleuse
ne se trouve que dans la partie antérieure et dans la partie
postérieure du calice ; dans la partie moyenne, presque exclu-
sivement formée par le contenu hyalin, elle est réduite à une
simple membrane. La partie antérieure contient quatre grands
542 WANDA SZCZAWINSKA.
noyaux qui se placent dans les quatre angles du calice (fig. 1 et
2, n. rph.). Ces noyaux correspondent aux noyaux de Semper des
auteurs, ou bien encore aux noyaux du rétinopliore de Patten.
Le calice est composé de quatre segments ; on constate ceci en
consultant les coupes transversales de l'œil d'Astacus (fig. 7 et
8, c). On peut voir déjà sa composition en examinant les rétino-
phores soumis à la macération. Pour examiner la forme du con-
tenu hyalin du calice ou du cône cristallin, il faut se servir de
l'acide acétique concentré. On voit alors qu'il est composé de
quatre segments longitudinaux qui donnent des prolongements
en avant et en arrière. Les quatre prolongements antérieurs du
cône sont courts, les postérieurs longs ; ces derniers plongent dans
la substance granuleuse du calice (fig. 1 et 2, c. c). Schultze
compare les prolongements postérieurs à des doigts de gants.
Comme nous avons eu l'occasion de le mentionner plus haut,
le rétinophore s'amincit dans sa partie postérieure. Cet amin-
cissement, que nous appellerons le style, correspond à la partie
postérieure amincie du rétinophore de l'œil de Gammarus. Le
style avant de se transformer en un corps fusiforme qui constitue
en somme la partie proximale du rétinophore d'Astacus, s'élargit
un peu, parce que les quatre segments dont il est composé, en
s' aplatissant considérablement sur les côtés, deviennent plus
larges et plus indépendants (fig. 4).
Nous ne sommes pas d'accord avec Schultze quant au passage
de la partie mince du cristallin dans le corps fusiforme qui le
suit, corps auquel cet auteur donne le nom de bâtonnet. D'après
Schultze, la partie postérieure du cristallin (le style d'après notre
nomenclature) se termine par quatre filaments ténus qui embras-
seraient l'extrémité distale du bâtonnet nerveux. Nous aussi,
nous avons observé ces filaments, mais nous les avons poursuivis
au delà de la limite que leur a tracée Schultze. Sur les yeux dis-
sociés après la macération dans la liqueur de Mliller, nous avons
vu les filaments hyalins au nombre de quatre (fig. 4) s'épanouir
à la surface du bâtonnet ou corps fusiforme du rétinophore ; ces
filaments se continuent au delà de la terminaison proximale du
corps fusiforme d'un côté, ainsi que sur le style de l'autre.
CONTRIB. A l'étude DES YEUX DE QUELQUES CRUSTACÉS. 543
La partie postérieure du rétinophore qui présente un épais-
sissement fusiforme, correspond au rhabdôme de Grenadier ou
pédicelle de Patten (fig. 1 et 2, pi. XVII). Nous nous appro-
prions la dernière nomenclature vu la divergence qui existe
entre les résultats de nos recherches et ceux de Grenacher
quant à la signification morphologique de la partie en question.
Le pédicelle nous montre sur une coupe transversale la
forme d'un rectangle dont les deux axes auraient une longueur
différente (fig. 9, pi. XVII). Je n'ai jamais pu voir la division
en quatre de la coupe transversale du pédicelle, d'où l'on pour-
rait conclure à l'existence de quatre segments longitudinaux.
L'extrémité antérieure du pédicelle se continue en style, l'ex-
trémité postérieure, avant d'atteindre la membrane basale, se
transforme en un filament hyalin très grêle. La surface du pédi-
celle offre des dessins singuliers (fig. 1, pi. XVII). Sur des coupes
longitudinales d'yeux d'Astacus, fixés par le sublimé corrosif
et dépigmentés par la liqueur de Grenacher, l'on voit tantôt
des espaces enfoncés alternant avec des espaces saillants, les
premiers étant limités par des lignes courbes dont la concavité
était tournée au dehors, les seconds, au contraire, par des lignes
courbes avec concavité à l'extérieur ; tantôt une ligne brisée
traversant le milieu du pédicelle depuis son sommet jusqu'à la
base ; de cette ligne en partaient d'autres transversales qui
divisaient la surface du pédicelle en deux rangées de polygones.
Dans le premier cas les espaces enfoncés sont complètement
clairs et portent au milieu des points sombres ; dans le second
cas, les côtés des polygones sont sombres et saillants, tandis
que les espaces qu'ils limitent sont clairs et enfoncés et toujours
pourvus de lignes plus sombres au milieu.
Nous ne saurions expliquer la structure du pédicelle d'après
les aspects singuliers que présente sa surface. Patten, pour se
rendre compte de sa structure, chez Penaeus, avait fait des
modèles en cire. Voici les résultats auxquels il est arrivé :
il admet une structure lamelleuse du pédicelle. Les lames
formant le pédicelle sont construites suivant deux types,
celles d'un des types alternent avec celles de l'autre. Leur
544 WANDA SZCZAWINSKA.
épaisseur varie suivant qu'on les considère aux bords ou
à l'intérieur. Pour l'intelligence de la structure des lames,
Patten suppose deux axes dans une coupe transversale du
pédicelle : un grand axe et un petit axe. Cet auteur désigne
sous le nom de lames de premier ordre, celles qui atteignent la
plus grande épaisseur suivant la direction du premier axe, et de
lames de second ordre celles qui s'épanouissent le long du
second axe. Les lames de premier ordre deviennent excessive-
ment minces, presque membraneuses dans la direction de l'axe
secondaire, tandis que leurs deux extrémités qui correspon-
draient aux deux pôles de l'axe primaire, revêtent la forme de
boules et gardent l'épaisseur primitive. Les secondes lames
sont creusées à l'endroit qui correspond aux épaississements en
forme de boules dans les lames primaires. Les boules des lames
primaires ont les surfaces externes enfoncées.
Scliultze décrit autrement la structure du bâtonnet nerveux
qu'il considère comme un organe nerveux terminal (Nervenend-
Apparat). Suivant ce naturaliste, le bâtonnet est composé de
quatre segments longitudinaux à structure lamelleuse : ils
sont formés de couches, alternativement rouges et incolores ;
toutefois les segments sont disposés de telle sorte que la
couche colorée de l'un d'eux correspond à la couche incolore
des deux segments suivants. Les couches colorées semblent être
plus épaisses que les incolores; les dernières sont recouvertes
de pigment.
En examinant les coupes longitudinales de l'œil d'Astacus,
on voit que les espaces entre les deux rétinophores sont occupés
par des formations membraneuses qui s'élargissent à mesure
que le diamètre du rétinophore diminue (fig. 1 et 2, m. rph.).
Ces formations atteignent la plus grande largeur avant la
zone des noyaux des cellules pigmentaires internes (fig. 1 et 2,
n^. pg.) et semblent disparaître à cet endroit ; en revanche, on
peut observer une membrane à la surface des styles qui paraît
être en rapport avec les formations décrites auparavant. Ces
formations se sont produites par la fusion des membranes
des rétinophores à l'endroit où ces membranes se touchent. Les
CONTRIB, A l'étude DES YEUX DE QUELQUES CRUSTACÉS. 545
coupes transversales viennent à l'appui de cette interprétation ;
dans la partie antérieure du rétinopliore, à la hauteur de la
zone pigmentaire externe, la membrane du rétinopliore reste
invisible; elle est soudée avec les parois du calice; plus loin on
l'aperçoit sous la forme de carrés membraneux entre les arêtes
des calices qui prennent ici une forme hexagonale (fig. 7, m. riih.).
Derrière les prolongements postérieurs du cône cristallin du
rétinophore, la membrane acquiert de l'importance ; en effet, une
coupe transversale faite à cette hauteur, montre que la mem-
brane crée ici une zone hyaline avec des ouvertures circulaires,
dans lesquelles se trouvent les quatre segments du rétinophore
(fig. 8, m. rph.). Autour du style, la membrane devient de nou-
veau mince. Schultze nie l'existence de cette membrane dans
les yeux des animaux adultes, quoiqu'il affirme son existence à
l'état larvaire. Leydig, au contraire, dans la description des yeux
d'Astacus, parle d'une membrane qui entoure chaque élément de
l'œil et dans cette membrane il place les noyaux disposés à des
hauteurs différentes.
Nous arrivons maintenant aux enveloppes pigmentaires que
nous qualifions du nom d'externe et d'interne. L'enveloppe
externe (dans les yeux qui ont séjourné longtemps dans l'obscu-
rité) recouvre la partie distale du calice (fig. 1, pg^). Elle
est constituée par quatre cellules disposées à chaque angle
dièdre du calice. Ces cellules placées sur un angle prennent
une forme spéciale. Pour se représenter la forme de ces cellules,
on pourrait les comparer à un livre ouvert dont les deux parties
forment un angle droit (fig. 3). Chaque cellule s'étend ainsi sur
la moitié de deux faces du calice, ce qui fait que la réunion des
quatre cellules donne une enveloppe ininterrompue. Dans les
angles, les cellules sont plus épaisses, c'est ainsi qu'à cet endroit
elles semblent plus noires; c'est aussi depuis là qu'elles se con-
tinuent en arrière en un filament qui se place sur l'arête du calice
et se confond avec la membrane enveloppante. Le long du style
on ne les voit pas ; en revanclie, près du pédicelle, apparaissent les
quatre filaments qui se continuent à la surface du pédicelle ; ce
sont les mêmes filaments dont nous avons parlé plus haut et que
546 WANDA SZCZAWINSKA.
Scliultze considérait comme prolongements du cône cristallin.
Ils paraissent être la continuation des filaments hyalins des
cellules pigmentaires externes. Les cellules répandent aussi des
prolongements hyalins du côté de la cornée à laquelle ces pro-
longements s'attachent (fig. 1 et 2, |jr.i pg'^, pr.^ pg.^). Le
pigment des cellules est noir.
La seconde enveloppe pigmentaire du rétinophore recouvre
le pédicelle et le style (fig. 2, pg^). Elle est composée de sept
cellules qui vont depuis le plus grand épaississement de la
membrane du rétinophore jusqu'à la membrane basale. Dans
sa partie externe épaissie, ces cellules renferment de grands
noyaux (fig. 1 et 2, n^ pg.). Trois cellules sont ordinaire-
ment plus longues que les quatre autres, et des trois précé-
dentes l'une domine les deux autres. Vu les différences de
longueur de ces cellules, on observe sur une coupe longitu-
dinale de l'œil d'Astacus, d'un côté du style, trois cellules
qui se suivent de l'extérieur vers l'intérieur (flg. 1). Sur une
coupe transversale on voit la disposition de ces cellules autour
du pédicelle; vers leur partie antérieure qui correspond à la
même extrémité du pédicelle, les cellules sont plus larges et plus
intimement liées les unes aux autres dans les yeux qui ont été
exposés à la lumière ; dans la partie postérieure, elles deviennent
de plus en plus minces et plus indépendantes; c'est sous forme
de filaments grêles qu'elles aboutissent à la membrane basale
(fig. 9, pg.^). Les cellules en avant émettent des prolongements
qui, suivant Patten, arrivent jusqu'à la cornée ; nous ne les
avons vues que près du pédicelle ; Patten appelle ces prolon-
gements, ainsi que ceux des cellules externes, des bacilles. Le
pigment de ces cellules est également noir.
Leydig et Schultze mentionnent chez Astacus la présence de
deux enveloppes pigmentaires décrites plus haut. Leydig parle
même de noyaux des cellules postérieures, mais il les place dans
la membrane entourant les rétinophores, ignorant qu'ils appar-
tiennent aux cellules de l'enveloppe pigmentaire postérieure.
Il y a encore une catégorie de cellules pigmentaires qui
contiennent le pigment jaune en forme de cristaux (fig. 2, pg^) ;
CONTRIB. A l'étude DES YEUX DE QUELQUES CRUSTACÉS. 547
les noyaux de ces cellules se trouvent près de la membrane
basale (fig. 1 et 2, n^ i)g.) ; les cellules mêmes ne sont pas
grandes, elles atteignent la moitié postérieure du pédicelle ;
leur quantité semble correspondre à la quantité des cellules
précédentes ; on les distingue tout au moins sur une coupe trans-
versale de l'œil entre deux cellules précédentes (fig. 9, pg^).
Nous n'avons pu, malgré l'emploi du chlorure d'or, constater
chez Astacus l'existence de fibres nerveuses ni à la surface du
rétinophore, ni sur les cellules pigmentaires. Il eût probable-
ment fallu, pour rendre les terminaisons visibles, laisser agir
le réactif plus longtemps.
Faute du matériel nécessaire pour nous livrer à des études
morphologiques originales, concernant les autres crustacés sou-
mis à nos expériences, nous avons dû recourir, pour la partie
expérimentale de notre travail, aux descriptions données par
divers savants.
Les yeux de Phronima ont été les sujets d'étude de
Claus (3); cet auteui' affirme l'insuffisance des recherches de
Grenacher au sujet du fonctionnement de différents éléments
de l'œil des Arthropodes; quant aux points qui mettent nos
recherches en contradiction avec celles de Grenacher, Claus
semble être d'accord avec ce dernier.
Pour la description des yeux des Arachnides, nous utili-
sâmes le travail de Grenacher (2). Les yeux de Galathea
et Palaemon ont été décrits par Patten (6).
En vue de conserver la même nomenclature dans notre tra-
vail, nous nous permettrons d'employer le nom de rétinophore
pour désigner l'ensemble du cristallin et du rhabdôme dans
les yeux de Phronima, ainsi que pour les éléments hyalins de la
rétine dans les yeux simples des Arachnides.
548 WANDA SZCZAWINSKA.
RECHERCHES EXPÉRIMF:NTALES
sur les mouvements du pigment gramdeux et des cellules
pigmentaires dans les yeux des Arthropodes sous
l'influence de la lumière et de V obscurité.
CRUSTACES
Gammarus Roeselïï.
IM. XVI, fig. 1 et ï>. - -î M
Position du pigment et des cellules ingmentaires dans l'obscu-
rité (fig. 1). — En examinant une coupe longitudinale de l'œil
qui a séjourné pendant six heures dans l'obscurité complète, on
voit deux bandes noires de pigment dont l'une correspond à la
partie lamelleuse des cellules pigmentaires du verticille externe
et recouvi'e le calice, et dont l'autre s'étend dans la zone des
cellules pigmentaires du verticille interne ainsi qu'en avant de
cette zone. La partie antérieure de la bande pigmentaire interne
est plus noire que la partie tournée vers le ganglion optique.
Le milieu de l'œil est complètement dépourvu de pigment. Les
bords latéraux des parties aplaties des cellules extérieures
sont écartés et permettent d'observer le calice.
Position du pigment et des cellules pigmentaires à la lumière
(fig. 2). — Dans les yeux de Gammarus, exposés pendant deux
heures à la lumière solaire directe, le pigment est réparti uni-
formément dans les trois sortes de cellules pigmentaires ; sur une
coupe longitudinale de l'œil il forme une bande noire continue.
Les parties lamelleuses des cellules externes s'étalent considé-
rablement et leurs bords latéraux se touchant, elles couvrent
presque entièrement les calices dans les deux tiers postérieurs.
CONTRIB. A l'étude DES YEUX DE QUELQUES CRUSTACÉS. 549
Mouvement du pigment et des cellules pigmentaires. —
Le pigment qui, à l'obscurité, forme deux zones noires ré-
pondant aux extrémités de l'œil, effectue à la lumière un
mouvement qui prend une direction différente dans les trois
sortes de cellules pigmentaires : dans les cellules externes et
internes, le pigment se rapproche de l'intérieur de l'œil; dans
les cellules moyennes il se porte vers l'extérieur. Les parties
lamelleuses des cellules extérieures s'étalent à la lumière sui-
vant l'axe transversal.
Phronima sedentaria..
Planche XVI, fig. 4 à 9.
Dans les deux sortes d'yeux dont ces animaux sont pourvus
par le dédoublement du nerf optique, l'observation des chan-
gements que produit la lumière et l'obscurité dans la position du
pigment et des cellules pigmentaires, est très difficile à saisir :
d'abord à cause de la longueur excessive des cristallins dans
les yeux frontaux et ensuite de la coloration dorée du pigment.
La première cause ne nous a pas permis de constater les chan-
gements dans la configuration des cellules rétiniennes ou
pigmentaires dans l'obscurité et à la lumière, cette observation
se basant sur la longueur relative des éléments constituant l'œil.
C'est pourquoi nous nous sommes bornée à constater la répar-
tition des grains pigmentaires dans le protoplasme des cellules
rétiniennes.
Position du ingment dans l'obscurité.
Yeux frontaux (fig. 6). Quand on observe les coupes longitudi-
nales des yeux frontaux ayant séjourné pendant quelques heures
dans l'obscurité, on est frappé par la beauté d'une bordure
jaune assez intense qui pare la partie distale des cellules réti-
niennes. Cette bordure se sépare brusquement des autres parties
incolores par une ligne de démarcation très nette. Il est pro-
bable que la partie postérieure des cellules n'est pas complète-
ment dépourvue de pigment, mais les grains étant très fins et
550 WANDA SZCZAWINSKA.
leur quantité très minime, ils se confondent avec le contenu
protoplasmique des cellules rétiniennes.
Yeux latéraux (flg. 8). —La même accumulation du pigment,
que nous venons de constater dans les yeux frontaux, se laisse
observer dans les yeux latéraux, avec cette différence pourtant,
que le passage de la coloration jaune sombre de la partie anté-
rieure des cellules pigmentaires à l'absence de coloration de
leur partie postérieure, s'effectue graduellement.
Position du 2)ig'>nent à la lumière.
Yeux frontaux (fig. 7). — Rien de particulier dans les coupes
longitudinales des yeux exposés à la lumière. La coloration
jaime paille est uniforme pour les cellules rétiniennes entières,
à l'exception de la partie antérieure qui est plus foncée, ce
qu'on explique facilement par la plus grande quantité de
pigment dans cette partie un peu élargie des cellules.
Yeux latéraux (fig. 9). — Mêmes observations pour les yeux
latéraux.
Mouvement du pigment.
Les grains pigmentaires accumulés, à l'obscurité, dans la
partie antérieure des cellules rétiniennes, subissent à la lumière
un transfert vers la partie proximale de l'œil.
Branchipus.
Planche XVI, fig. 10 et \\.
Position du pigment et des cellules pigmentaires dans l' obscu-
rité (fig. 10). — Dans les yeux qui ont séjourné six heures à
l'obscurité, le pigment forme une zone noire compacte qui se con-
centre, dans la partie distale de l'œil, derrière le cône cristallin
du rétinophore ; il est donc accumulé dans la partie distale des
cellules pigmentaires. La partie proximale de ces cellules jusqu'à
la membrane basale est très faiblement pigmentée, à l'exception
CONTRIB. A l'étude DES YEUX DE QUELQUES CRUSTACÉS. 551
des traînées noires qui se placent le long des parois latérales du
rétinopliore. Chaque groupe des rétinules oflfre la forme d'un
long tube à diamètre presque égal; ce n'est que vers l'extrémité
distale que ce tube s'élargit par l'écartement des extrémités
des cellules.
Position du pigment et des cellules pigmentaires à la lumière
(fig. 11). —Le pigment est réparti presque uniformément le
long des cellules, mais il est moins abondant dans la couche pé-
riphérique des rétinules que dans celle qui recouvre les parois du
rétinophore. Le rétinophore est visible cette fois dans son tiers
antérieur ; les cellules pigmentaires sont beaucoup plus épaisses
et serrées dans leur extrémité antérieure que dans l'extrémité
postérieure.
Mouvement du pigment et des cellules pigmentaires. —
Amassé à l'obscurité, le pigment effectue à la lumière un mou-
vement vers la partie proximale de l'œil. Les cellules pigmen-
taires s' étalant à la lumière, suivent en quelque sorte dans leur
mouvement la direction du mouvement du pigment.
Nous avons également fait des expériences sui^ un autre Phyl-
lopode, Bythotrephes longimanus, mais sans pouv^oir observer
les changements de position du pigment dans son œil médian
exposé à la lumière ou mis dans l'obscurité. Nous attribuons la
mauvaise réussite de nos expériences sur cette espèce de
Crustacés à l'extrême sensibilité de l'animal à l'égard de la cha-
leur des rayons lumineux ; ceci est en rapport avec sa manière
de vivre à vingt mètres de profondeur.
ASTACUS FLUVIATILIS.
l'I. XVII, ng. I et 2.
Position du pigment et des cellules pigmentaires dans V obscu-
rité (flg. 1). — Les cellules pigmentaires externes recouvrent
la moitié distale du cône cristallin du calice ; les noyaux du
rétinophore sont visibles; l'anneau pigmentaire est complet et
552 WANDA ,SZCZA\\1NSKA.
n'émet pas de prolongements postérieurs. Dans les cellules
postérieures ou internes qui atteignent la partie large de la
membrane du calice, les noyaux sont nettement visibles, le
pigment s'est complètement retiré en arrière près de la mem-
brane basale, où il forme une zone noire continue ; ceci influe
sur la forme des cellules mêmes ; derrière l'élargissement qui
contient les noyaux, chaque cellule devient grêle, s' épaississant
au contraire près de la membrane basale. Les cellules avec du
pigment jaune débordent sur la raie noire postérieure. Dans le
style, la moitié externe du pédicelle et la moitié interne du
calice sont à nu.
Position du pigment et des cellules pigmentaires à la lumière
(fig. 2). — Les cellules externes s'allongent vers la partie proxi-
male de l'œil, l'anneau pigmentaire n'est plus complet, il est
moins riche en pigment ; de chaque cellule part, en se dirigeant en
arrière, une traînée noire qui atteint la partie la plus large de la
membrane du rétinophore, et dont l'extrémité proximale touche
presque les têtes des cellules pigmentaires postérieures. Dans
les cellules internes tout le pigment s'est placé dans les parties
élargies des cellules qui contiennent les noyaux ainsi que dans
celles qui recouvrent l'extrémité distale du pédicelle ; sur la
partie proximale du pédicelle on peut observer les prolonge-
ments amincis des cellules pigmentaires internes ; le pédicelle
serait ici complètement à nu, n'étaient les cellules à pigment
jaune ; ces cellules se sont raccourcies et gonflées.
Mouvement du ])igment et des cellules pigmentciires. — Le
pigment des yeux mis dans l'obscurité, occupant les deux ex-
trémités de l'œil à la lumière, est animé d'un double mouve-
ment : celui qui occupe l'extrémité antérieure de l'œil avance
en arrière, l'autre, placé près de la membrane basale, va à la
rencontre du pigment précédent. Ces deux mouvements ont
pour résultat une répartition plus uniforme du pigment le long
des éléments hyalins de l'œil. Les cellules suivent la direction
du mouvement du pigment.
Nous avons obtenu chez Astacus ces deux positions du pig-
CONTRIB. A l'étude DES YEUX DE QUELQUES CRUSTACÉS. 553
ment et des cellules pigmentaires : dans l'obscurité, après six
heures; à la lumière, après deux heures. Malgré l'augmenta-
tion de la quantité d'heures pendant lesquelles les animaux
étaient soumis à l'épreuve, nous n'avons jamais pu obtenir une
position du pigment plus extrême que celle que nous venons
de décrire. Donc, en envisageant les conditions dans lesquelles
nous avons opéré, nous pouvons dire que les deux positions du
pigment et des cellules pigmentaires, indiquées ci-dessus, sont les
positions extrêmes que peuvent prendre le pigment et les cellules
pigmentaires dans l'œil d'Astacus, par suite du mouvement de
ces deux éléments occasionné par l'influence de la lumière et
de l'obscurité. Le temps nécessaire pour obtenir ces deux
positions maxima est le suivant : pour l'obscurité, il est égal à
six heures, pour la lumière, à deux heures.
Pour déterminer l'unité de temps nécessaire pour produire
le moindre changment dans la position du pigment et des
cellules pigmentaires à la lumière, partant de la position maxi-
mum à l'obscurité, nous avons eu recours àia lumière électrique
dont l'intensité égalait 80 becs de gaz. Nous avons observé que
le temps suffisant pour que le changement dans la position du
pigment puisse se produire égalait le temps nécessaire pour
retirer l'animal de l'obscurité et lui enlever les yeux. Les
cellules postérieures sont influencées les premières : leur pig-
ment avance vers les extrémités externes des cellules, mais
seulement en partie, de sorte que sur une coupe longitudinale
d'un tel œil, on observe trois zones pigmentaires : une à l'extré-
mité antérieure du rétinophore, la seconde autour du style,
dans la zone des noyaux des cellules internes, et enfin la troi-
sième près de la membrane basale. Les cellules externes ne se
sont pas laissé influencer.
L'intensité lumineuse a une grande influence sur la rapidité
du changement de la position du pigment et des cellules pig-
mentaires. Les yeux exposés à la lumière solaire depuis midi
jusqu'à deux heures (donc pendant deux heures) comparés avec
ceux qui étaient exposés à la lumière électrique durant le même
temps (cette lumière égalait 80 becs de gaz), présentaient
554 WANDA SZCZAWINSKA.
des différences dans l'éloignement du pigment de la position
extrême à l'obscurité ; nous avons trouvé surtout une grande
différence dans les cellules extérieures : dans le premier cas (à
la lumière solaire), leurs prolongements arrivaient presque à
toucher les têtes des cellules intérieures, tandis que dans le
second (à la lumière électrique), ils atteignaient la moitié du
trajet.
Palaemon Squilla.
Planche XVII, lig. 40 et H.
Position du pigment et des cellules pigmentaires dans Vohscu-
rité (fig. 10). — Les cellules pigmentaires externes ou, comme
les appelle Patten, le collier pigmentaire, occupe la partie anté-
rieure du rétinopliore ; le pigment est ramassé ici surtout dans
les angles des cellules formant des bâtons noirs ; la surface du
calice est faiblement pigmentée. Les prolongements antérieurs et
postérieurs des cellules sont pourvus de pigment à une certaine
distance en avant et en arrière du collier. Dans la rétinule,
tout le pigment est accumulé dans des prolongements postérieurs
des cellules tout près de la membrane basale ; en avant il arrive
jusqu'au premier tiers du pédicelle; les têtes des cellules étant
complètement dépourvues de pigment, on peut observer la
structure du pédicelle.
Position du pigment et des cellules pigmentaires à la lumière
(fig. 11). — Nous devons mentionner ici un fait qui n'est pas
sans importance. Les expériences ont été faites à Villefranche,
où, vu l'intensité lumineuse considérable des rayons solaires, les
changements de la position du pigment et des cellules pigmen-
taii'es ont été beaucoup plus accusés.
Les cellules qui recouvraient presque entièrement le cône
cristallin du calice se sont transportées en arrière, entourant le
style jusqu'à la cellule la plus longue de la rétinule, les cellules
sont contractées et le pigment est fortement accumulé. Dans les
cellules postérieures, le pigment n'arrive pas àia tête des cellules,
mais il recouvre la partie antérieure du pédicelle ; les prolonge-
ments des cellules sont gonflés dans cet endroit, tandis qu'en
CONTRIB. A l'étude DES YEUX DE QUELQUES CRUSTACÉS. 555
arrière ils ne présentent que des filaments ténus. Ce qui permet
de voir le pigment jaune à la base du pédicelle.
Mouvement du pigment et des cellules pigmentaires. — Le
pigment occupant dans l'obscurité les extrémités opposées du
rétinophore, etfectua à la lumière des mouvements diamétrale-
ment opposés dans les deux sortes de cellules pigmentaires.
Le pigment placé à l'extrémité antérieure du rétinopliore se
déplace avec les cellules pigmentaires, qui le contiennent, vers
la partie proximale de l'œil, celui de l'extrémité postérieui'e
tend vers la distale.
Quant à la rapidité du changement, nous devons constater que
les cellules postérieures sont influencées les premières.
Galathea Squamifera.
Position du pigment et des cellules pigmentaires dans V obscu-
rité.— Le collier pigmentaire antérieur recouvre la partie posté-
rieure du cône cristallin du calice. Les cellules qui constituent
le collier se touchent dans leur partie postérieure en formant
un anneau complet ; en avant ou mieux, à l'extérieur, elles
s'amincissent de plus en plus et avant d'atteindre les noyaux
du rétinophore elles perdent leur pigment et deviennent fila-
menteuses. En arrière, les prolongements des cellules en
question sont des bâtons jaunes dépourvus de pigment. La
seconde zone pigmentaire est formée par le pigment des cellules
postérieures, qui entourent le pédicelle. Le pigment est accu-
mulé ici dans les prolongements postérieurs des cellules formant
une zone noire près de la membrane basale.
Position du pigment et des cellules jjigmentaires à la lumière.
— Les calices sont complètement dépourvus de pigment, qui
n'entoure que le style. Les prolongements antérieurs des cellules
du collier ont subi un raccourcissement considérable et forment
des festons spyrales autour du calice; on ne voit plus de trace
de pigment dans la région du cône cristallin. Dans les cellules
postérieures, le pigment se trouve dans les parties des cellules
qui recouvrent l'extrémité antérieure du pédicelle.
56
556 WANDA SZCZAWINSKA.
Mouvement du pigment et des cellules pigmentaires. — Sous
l'influence de la lumière, le pigment effectue un mouvement de
direction contraire dans les deux sortes de cellules : dans les
cellules antérieures, par le déplacement des cellules mêmes, il
tend vers la partie proximale de l'œil, dans les cellules posté-
rieures — vers la partie distale.
ARACHNIDES.
Lycosa hortensis.
Planche XVII, fig. 42 el 43.
Position du pigment dans l'obscurité (fig. 12).
Œil antérieur. — Le pigment est disposé en deux zones :
distale et proximale. Immédiatement derrière l'hypoderme com-
mence la zone pigmentaire distale. Elle est composée de petits
cônes noirs très rapprochés les uns des autres qui vont jusqu'à
se fusionner dans leur partie postérieure. Cette zone occupe la
moitié de l'épaisseur de l'œil. L'autre moitié jusqu'au nerf op-
tique est remplie par la zone proximale dont le pigment se
dispose en petits triangles à base tournée vers le nerf optique et
à sommets touchant le bord proximal de la première zone. Les
triangles ne sont pas très serrés, les espaces qui les séparent
sont remplis de pigment disposé en réseau délicat.
Œil postérieur. — Le pigment forme ici trois zones. Derrière
l'hypoderme et la zone des noyaux des rétinophores s'étend le
pigment disposé en cônes réguliers très serrés de manière à
former presque une couche pigmentaire continue très compacte.
Cette zone est très large, elle occupe le tiers de l'épaisseur de
l'œil. Puis vient une couche mince avec le pigment qui y est
dispersé uniformément — c'est la seconde zone. Elle est suivie
de franges pigmentaires de la zone interne ou dernière.
Position du pigment à la lumière (fig. 13).
Œil antérieur. — Au-dessous de l'hypoderme on voit une
zone dépourvue de pigment. Elle est suivie de deux zones
CONTRIB. A l'étude DES YEUX DE QUELQUES CRUSTACÉS. 557
pigmentaires : l'une d'elles, la zone distale se compose d'une
rangée de petits triangles très noirs disposés régulièrement et
séparés les uns des autres par des espaces incolores. La zone
pigmentaire proximale offre une disposition de raies régulières ;
elle est moins noire, mais plus large que la précédente. Du
côté du nerf optique, elle se termine brusquement. Les espaces
entre les raies pigmentaires sont remplis de grains pigmentaires.
A l'endroit où les deux zones pigmentaires se touchent, le
pigment forme une raie noire continue.
Œil postérieur. — On distingue ici trois zones pigmentaires.
Au-dessous de l'hypoderme s'épanouit une zone hyaline ; elle
est suivie d'une rangée de baguettes noires presque quadrilaté-
rales, cette zone n'est pas large. Elle est suivie d'une seconde
zone encore plus mince et plus claire que la précédente, ses
raies pigmentaires sont rares. La troisième est composée des
fils noirs parallèles légèrement ramifiés.
Mouvement du pigment
Œil antérieur. — Le pigment de la zone distale s' étalant
dans l'obscurité jusqu'à l'hypoderme, se retire à la lumière vers
le nerf optique. En ce qui concerne la zone proximale, le pig-
ment amassé dans l'obscurité dans la partie postérieure de la
zone, effectue à la lumière un mouvement vers l'hypoderme pour
se disposer en raies noires d'épaisseur égale.
Œil postérieur. — C'est surtout le pigment de la rangée
distale qui subit un mouvement : atteignant dans l'obscurité la
région des noyaux des rétinophores, il se retire vers le nerf
optique à la lumière. Le pigment de la seconde zone uniformé-
ment réparti dans l'obscurité, se range à la lumière en bande-
lettes longitudinales régulières.
Epeira diadema.
Planche XVI, fig. 12 et 13.
Position du pigment dans V obscurité (fig. 12).
Œil antérieur. — On y voit une masse compacte de pigment,
dans laquelle on peut distinguer im arrangement de bâtons
558 WANDA SZCZAWINSKA.
réguliers, qui ne se trouve que dans la partie antérieure de cette
masse, le pigment parvenant presque jusqu'à l'hypoderme en
avant et jusqu'à la moitié de l'épaisseur de l'œil en arrière. Au-
dessous de cette zone il s'étale moins abondamment en eifectuant
les contours de festons réguliers. Il n'y a pas de séparation
nette entre la première zone et la seconde.
Œil 2)ostérieiir. — Le pigment disposé en bandes noires régu-
lières commence seulement à une certaine distance de l'hypo-
derme, laissant entre cette dernière et le bord externe de la zone
pigmentaire une raie hyaline dépourvue de pigment. Dans le
second tiers de l'épaisseur de l'œil, ces bandes s'en montrent ri-
chement pourvues, de sorte qu'il y forme une raie noire continue
de laquelle, en avant et en arrière, partent des prolongements
qui, dans le premier cas, sont courts et triangulaires, dans le
second beaucoup plus longs.
Position du pigment à la lumière (fig. 13).
Œil antérieur. — Le pigment commence à une certaine
distance de l'hypoderme, derrière celle-ci on voit une zone
dépourvue de pigment. Ce pigment se divise en bandelettes
noires régulières très rapprochées les unes des autres. Derrière
cette zone fortement noire on trouve une seconde couche de
pigment dans laquelle les grains pigmentaires sont uniformé-
ment dispersés.
Œil postérieur. — Le pigment disposé en bandes noires entre
chacun des éléments doubles de l'œil, s'étend depuis l'hypoderme
jusqu'au nerf optique. Les deux extrémités de ces bandes,
sont effilées et sont séparées par des espaces dépourvus de
pigment, ce qui laisse les éléments hyalins de l'œil à découvert.
(]e n'est que dans la moitié postérieure de l'œil qu'elles
s'épaississent et qu'en même temps elles s'étalent de manière
à se toucher par leurs bords latéraux en formant une couche
mince continue de pigment.
Mouvement du pigment.
m
Œil antérieur. — Dans l'obscurité le pigment, étant placé dans
la partie distale de l'œil où il forme un amas compact, se retire
CONTRIB. A l'étude DES YEUX DE QUELQUES CRUSTACÉS. 559
à la lumière vers le nerf optique et se divise en même temps
en bandes noires longitudinales et parallèles. Le pigment qui
recouvre les parties postérieures des éléments hyalins de l'œil
en formant des festons réguliers dans l'obscurité, se disperse
uniformément à la lumière.
Œil postérieur. — Le pigment formant dans l'obscurité un amas
compact dans la partie distale de l'œil, retire à la lumière sa
plus grande masse à l'intérieur de l'œil, mais de l'autre côté
les prolongements antérieurs de la bande pigmentaire avancent
sans interruption vers l'iiypoderme.
Dans les yeux de la troisième espèce d'Arachnides, Linyphia
triangularis sur laquelle nous avons fait les expériences et dont
les coupes ont bien réussi, nous n'avons pas observé de chan-
gements dans la position du pigment dans l'obscurité et à la
lumière.
RÉSULTATS DES EECHERCHES MORPHOLOGIQUES.
L'œil de Gammarus est pourvu d'un hypoderme, constitué
par une seule couche des cellules aplaties non différenciées pour
chaque rétinophore. Chez Astacus, les cellules de l' hypoderme
se groupent par deux, recouvrant ensemble la face externe d'un
rétinophore.
Le calice et le style chez Gammarus et Branchipus, le calice,
le style et le pédicelle chez Astacus , forment ensemble un axe
hyalin continu, qui s'étend depuis la cornée jusqu'à la membrane
basale, à laquelle il s'attache au moyen de filaments hyalins
et ténus, indépendants des cellules rétiniennes. Le pédicelle
d' Astacus n'a pas d'homologue dans les yeux de Gammarus et
Branchipus.
Chez Gammarus, autour de chaque élément hyalin de l'œil, se
groupent trois sortes de cellules pigmentaires, disposées en
verticilles de cinq chacun ; ces cellules sont pourvues de noyaux
très distincts qui sont disposés en trois rangées occupant des
niveaux différents.
Chez Astacus, les trois sortes d'enveloppes pigmentaires
560 WANDA SZCZAWINSKA.
mentionnées par les auteurs sont formées de la manière sui-
vante : la première recouvre la partie antérieure du rétinophore ;
elle est constituée par quatre cellules placées sur les quatre
arêtes du calice; les noyaux de ces cellules sont placés dans
l'angle dièdre que forment les deux parties des cellules. Elles
émettent des filaments, un en avant, l'autre en arrière, qui
servent à les attacher à la cornée et à la membrane basale. La
seconde enveloppe ou rétinule de Grenadier constitue un verti-
cille de sept cellules munies de grands noyaux placés dans leur
extrémité antérieure et élargie. Quatre de ces cellules sont plus
courtes que les trois autres ; des trois dernières une domine les
deux autres. Les cellules de la troisième sorte sont placées près
de la membrane basale ; elles se distinguent des premières par
leur contenu cristallin jaune. Elles paraissent être au nombre
de sept.
RÉSULTATS DES RECHERCHES PHYSIOLOGIQUES.
Chez Gammarus, le pigment se dispose dans les yeux mis
à l'obscurité en deux zones dont l'externe occupe la partie
antérieure de l'œil, l'interne la partie postérieure; le pigment de
la première est accumulé dans la partie antérieure des cellules
pigmentaires externes, tandis que le pigment de la seconde
s'accumule dans la partie antérieure des cellules internes et
postérieure des cellules moyennes. A la lumière, ce pigment
se déplace et ce déplacement a pour résultat une distribution
égale du pigment dans les trois sortes de cellules. Outre le
mouvement du pigment dans les yeux soumis à l'action de la
lumière, on peut observer des changements dans la configuration
des cellules externes : leur partie antérieure s'étale, à la lumière,
dans la direction transversale.
Chez Branchipus et Phronima, le pigment s'accumule dans
la partie antérieure des cellules rétiniennes, lorsque les yeux
ont séjourné à l'obscurité, de façon à former une zone antérieure
noire : à la lumière, le pigment effectue un mouvement analogue
à celui que nous avons décrit dans les cellules homotypes du
Gammarus : il avance vers l'intérieui^ de l'œil. Les cellules se
CONTRIB. A l'étude DES YEUX DE QUELQUES CRUSTACÉS. 561
conti-acteiit à la lumière chez Brancliipus, et dans leur mouve-
ment elles suivent la direction du pigment.
Chez Astacus, Palaemon et Gralathea, le pigment se groupe
en deux zones noires qui recouvrent les deux extrémités des
rétinophores. A la lumière, ce pigment subit deux mouvements
dans des directions opposées. Celui de la partie antérieure
de l'œil tend vers le nerf optique comme le pigment dans les
yeux de Gammarus, Brancliipus et Phronima. Le pigment des
cellules internes avance vers la cornée pour occuper un plus
grand espace. Ce mouvement du pigment n'est propre qu'aux
yeux des Crustacés supérieurs. Les cellules suivent la dii-ection
du pigment : les extrémités étant placées à l'obscurité dans la
partie antérieure de l'œil, poussent à la lumière des prolonge-
ments en arrière ; ce déplacement s'accentuait d'autant plus
que l'action de la lumière était plus prolongée ou que l'intensité
lumineuse était plus considérable, de sorte qu'elles peuvent
complètement changer leur position comme c'est le cas pour
Palaemon et Galathea. Vers la cornée, on peut observer aussi
un mouvement des cellules internes.
Les résultats des expériences sur les Araignées ne sont pas
aussi concluants que ceux obtenus sur les Crustacés. On peut
pourtant les généraliser : des deux ou trois zones noires que
forme le pigment dans les yeux antérieurs et postérieurs de
Lycosa et Epeira, c'est toujours la zone distale qui subit le
plus grand changement ; elle s'étale davantage dans l'obscurité
qu'à la lumière; elle va même, dans le premier cas, jusqu'à
atteindre l'hypoderme ; dans le second on observe, contre l'hypo-
derme et cette zone pigmentaire, un espace plus ou moins
grand, complètement dépourvu de pigment.
CONCLUSION.
En comparant les résultats de la position du pigment dans
l'obscurité et à la lumière, ainsi que la direction du mouvement
de celui-ci et des cellules pigmentaires, on arrive à la conclusion
suivante: Dans les cellules pigmentaires qui entourent le calice
562 WANDA SZCZAWINSKA.
et le style, le pigment dans l'obscurité se place dans la partie
dictale de l'œil, les cellules mêmes avançant vers cette
partie de l'œil ; dans les cellules qui entourent le pédicelle, le
pigment est disposé dans l'extrémité proximale de l'œil, près de
la membrane basale. A la lumière, le pigment des cellules
qui entourent le calice et le style, subit un mouvement vers
le nerf optique pour prendre une plus grande extension, les
cellules mêmes effectuent im mouvement dont la direction
est la même que la direction du mouvement du pigment ; le
pigment des cellules, qui entourent le pédicelle, avance vers
la cornée, jusqu'à atteindre la zone pigmentaire externe pour
former une zone continue de pigment qui s'étend depuis l'ex-
trémité distale du rétinopliore jusqu'à la membrane basale.
On ne remarque chez Plironima et Branchipus qu'un seul
des mouvements du pigment que nous venons de décrire; par
contre, chez les Décapodes, on observe les deux à la fois, d'où
découle la conclusion suivante : les cellules de la rétinule de
Grenacher, chez Phronima et Branchipus, sont analogues aux
cellules externes des Décapodes et pour la même raison, les
cellules pigmentaires internes des derniers n'ont pas de forma-
tions correspondantes dans les yeux des premiers. C'est ainsi
que les recherches physiologiques concordent avec les résultats
des études morphologiques, suivant lesquelles le pédicelle
d'Astacus n'a pas d'homologue chez Gammarus.
De ce qui précède, ainsi que du fait que le calice forme avec
le style et le pédicelle un seul axe hyalin, suivant nos recherches
sur Gammarus, Branchipus et Astacus et qui corroborent celles
de Patten sur Penaeus, Palaeman et Galathea,il résulterait qu'il
n'y a aucun motif concluant qui puisse faire considérer les yeux
de ces animaux comme des yeux composés. Ce sont, au contraire,
des yeux simples, dont la cornée s'est différenciée d'une manière
spéciale et dont les cellules pigmentaires se sont groupées plus
régulièrement que chez les vertébrés, où l'adaptation de l'organe
visuel aux changements qui se produisent dans les milieux am-
biants, s'effectue au moyen d'organes spéciaux qui manquent
aux crustacés.
CONTRIB. A l'étude DES YEUX DE QUELQUES CRUSTACÉS. 563
Chez les Crustacés cette adaptation s'effectue par le mouve-
ment du pigment granuleux et des cellules pigmentaires.
L'œil de Gammarus, à raison d'une cornée lisse et d'un
hypoderme non différencié, caractères qui distinguent les yeux
simples des animaux articulés, vu aussi la structure du calice et
du style qui rapproche cet œil des yeux des autres crustacés
inférieurs, et enfin, à cause de la présence des cellules pigmen-
taires que ne possèdent pas les derniers, offre un état de passage
entre les ocelles des Arachnides et les formes larvaires des
Arthropodes d'un côté et les yeux dits composés des Crustacés
de l'autre.
Enfin nos recherches sur les changements de position du
pigment dans les yeux des Crustacés, comparées avec celles de
M'^e Stefanowska sur les Insectes et celles d'Engelmann sur les
Vertébrés, malgré des différences de détails qui découlent de la
différence de structure dans ces trois sortes d'yeux, sont par-
faitement d'accord quant aux traits généraux et permettent de
généraliser les résultats de la manière suivante: dans les yeux
exposés dans l'obscurité, le pigment tend à occuper la plus petite
surface, tandis qiCà la lumière il s'étale considérablement afin
de protéger les éléments récepteurs contre l'influence de la
lumière.
564 WANDA SZCZAWINSKA.
EXPLICATION DES PLANCHES (^).
PLANCHE XVI.
Fig. 1. Schick, oc. 0. obj. 5. Grammarus Roeselii. Coupe longitudinale
d'un œil qui a séjourné pendant six heures dans l'obscurité.
cr. — cornée, hy. c. — hypoderme cornéenne. ce. — cône
cristallin, st. — style, m. b. — membrane basale, — jyg^ —
cellules pigmentaires du verticille externe, j}g-. — cellules
pigmentaires du verticille moyen, pg'\ — cellules pigmen-
taires du verticille interne, n^. pg. — noyaux des cellules
pigmentaires du verticille moyen, n'. pg. — noyaux des
cellules pigmentaires du verticille interne.
Fig. 2. Schick, oc. 0. obj. 5. Gammarus Roeselii. Coupe longitudinale
de l'œil qui a séjourné pendant deux heures à la lumière.
Mêmes lettres que dans la figure précédente.
Fig. 3. Thury, Immersion. Gammarus Roeselii. Rétinophore isolé par
macération, en. p. — enveloppe externe du calice, c. —
calice, st. — style, n. rph. — noyau du rétinophore, n, ex-
— rameau nerveux externe.
Fig. 4. Schick, oc. 0. obj. 8. Gammarus Roeselii. 3 verticilles des
cellules pigmentaires isolées par macération, pg^, pg'^,
pg^. — cellules pigmentaires des trois verticilles externe,
moyen et interne, w*. pg, n^ pg, n' pg. — leurs noyaux.
Fig. 5. Schick, oc. 2. obj. 8. Gammarus Roeselii. Coupes transversales
du rétinophore et des cellules pigmentaires. n. — coupe
transversale passant par le calice, b. — par le style quioffre
ici la forme en croix, — c. — par le style un peu plus bas.
Fig. 6. Schick, oc. 0. obj. 5. Phronima sedentaria. Coupe longitu-
dinale d'un œil frontal qui a séjourné à l'obscurité. Les
cônes cristallins manquent, pg. — pigment des cellules des
rétinules, st. style, li. — ligament, c. g. — cellules glan-
glionnaires.
Fig. 7. Schick, oc. 0. obj. 5. Phronima sedentaria. Coupe longitudi-
nale d'un œil frontal qui a séjourné à la lumière solaire
directe. Mêmes lettres que dans la figure précédente.
(') N.B. — Toutes les ligures ont été faites à la chambre claire.
CONTRIB. A l'étude DES YEUX DE QUELQUES CRUSTACÉS. 565
Fig. 8. Schick, oc. 0. obj. 5. Phronima sedentaria. Coupe longitudi-
nale d'un œil latéral qui a séjourné dans l'obscurité. Les
cônes cristallins manquent, pg. — pigment des cellules
rétiniennes, npt. — fibres du nerf optique, gr. — partie
ganglionnaire de la rétine, st. — style.
Fig. 9. Schick, oc. 0. obj. 5. Phronima sedentaria. Coupe longitudi-
nale d'un œil latéral qui a séjourné à la lumière solaire
directe. Mêmes lettres que dans la figure précédente.
Fig. 10. Schick, oc. 0. obj. 5. Branchipus. Deux ommatidies d'un œil
exposé à l'obscurité, cr. — cornée, c. — calice, c. c. cône
cristallin, ^;r. rph. — prolongements hyalin du rétinophore,
pg. — cellules pigmentaires ou rétinules, m. h. —membrane
basale, n. rph. — noyau du rétinophore, opt. — fibres du nerf
optique, pr. pg. — prolongement des cellules pigmentaires.
Fig. 11. Schick, oc. 0. obj. 8. Branchipus. Deux ommatidies d'un œil
exposé à la lumière solaire directe. Mêmes lettres que
dans la figure précédente
Fig. 12. Schrick. oc. 0. obj. 8. Epeira diademata. Coupe longitudi-
nale de deux yeux exposés à l'obscurité. A. — œil anté-
rieur, B. œil postérieur, pg. — pigment.
Fig. 13. Schick, oc. 0. obj. 5. Epeira diademata. Mêmes lettres que
dans la figure précédente.
PLANCHE XVII.
Fig. 1. Schick, oc. 0. obj. 8. Astacus fluviatilis. Deux ommatidies d'un^
œil exposé pendant six heures dans l'obscurité, cr. — cornée,
liy. c. — hypoderme cornéen, n. rph. — noyau du réti-
nophore, c. c. — cône cristallin, st. — style, pi. — pédicelle,
m. rph. — membrane du rétinophore, pg^. — cellules
pigmentaires externes, ^)r*. pg^. — pi'olongements posté-
rieurs des cellules pigmentaires externes, pg^. — cellules
pigmentaires du pédicelle, pg''. — pigment jaune, n* pg. —
noyaux des cellules pigmentaires, pg^, n'. pg. — noyaux
des cellules pigmentaires pg^ .
Fig. 2. Schick, oc. 0. obj. 8. Astacus fluviatilis. Deux ommatidies
d'un œil exposé pendant deux heures à la lumière solaire
directe. Mêmes lettres que dans la figure précédente.
pr*. pg^. — prolongements antérieurs des cellules pigmen-
taires externes.
566 WANDA SZCZAWINSKA.
Fig. 3. Schick, oc. 2. obj. 8. Astacns fluviatilis. Une celiale pigmen-
taire interne isolée par macération. Dessin demi-schéma-
tique, n'. pg. — noyau.
Fig. 4. Thury. Immersion. Astacas fluviatilis. Extrémité postérieure
du style avec 3 prolongements hyalins (le quatrième est
supprimé dans le dessin).
Fig. 5. Schick, oc. 0. obj. 8. Astacus fluviatilis. Coupe transversale
des cornéules avec leur ouverture centrale.
Fig. 6. Schick, oc. 0. obj. 8. Astacus fluviatilis. Coupe transversale
des cellules hypodermiques avec leurs noyaux.
Fig. 7. Schick, oc. 0. obj. 8. Astacus fluviatilis. Coupe transversale
du calice faite au-dessous des cellules pigmentaires externes
sur un œil exposé à l'obscurité, m. rph — membrane du
rétinophore, c. c. — cône cristallin, c. — calice.
Fig. 8. Schick, oc. 0. obj. 8. Astacus fluviatilis. Coupe transversale
du calice au niveau de l'épaississement de la membrane
du rétinophore. Mêmes lettres que dans la figure précé-
dente.
Fig. 9. Schick, oc. 0. obj. 8. Astacus fluviatilis. Coupes transversales
passant par les trois régions différentes du pédicelle. pi. —
pédicelle. pg'^. cellules pigmentaires postérieures 2)^'. —
pigment jaune.
Fig. 10. Schick, oc. 0. obj. 8. Palaemon squilla. Deux ommatidies d'un
œil qui aséjourné dansl'obscurité.n.r^j/t. — noyaux du réti-
nophore. c. — calice, pg^. cellules pigmentaires externes,
pr^. pg*. — prolongements postérieurs des cellules pigmen-
taires externes, >i*. pg. — noyaux des cellules pigmentaires
postérieures, pg"^. — cellules pigmentaires postérieures.
Fig. 11. Schick, oc. 0. obj. 8. Palaemon squilla. Deux ommatidies d'un
œil qui séjournait à la lumière solaire directe. Mêmes
lettres que dans la figure précédente.
Fig. 12. Schick, oc. 0. obj. 5. Lycosa hortensis. Coupe longitudinale
de deux yeux exposés à l'obscurité. A. — œil antérieur,
B. — œil postérieur.
Fig. 13. Schick, oc. 0. obj. 5. Lycosa hortensis. Coupe longitudinale
de deux yeux exposés à la lumière solaire directe. Mêmes
lettres que dans la figure précédente.
Recherches sur la marche des Insectes
et des Arachnides,
ÉTUDE EXPÉRIMENTALE d'aNATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE COMPARÉES,
PAR
Jean DEMOOR
Docteur en sciences naturelles.
{Truruil fiiit un Laboratoire de zooloijie de L'UniversUé de Bruxelles.)
[Planches XVIII à XX.
HISTORIQUE.
La locomotion terrestre des Arthropodes est actuellement
encore peu connue. Les travaux concernant cette partie de la
physiologie sont cependant assez nombreux ; mais peu, en
réalité, étudient le vrai mécanisme de la marche de ces ani-
maux.
Borelli (^) ne donne que peu de renseignements sur la ques-
tion. Son étude de la marche des Hexapodes, comme celle de la
station des Hexapodes et des animaux à un plus grand nombre
de pattes, outre qu'elle est très incomplète, est aussi erronée
en plusieurs points. 11 indique que la condition de repos est la
même pour les insectes que pour les quadrupèdes : la ligne de
propension abaissée du centre de gravité perpendiculairement
à l'horizon doit tomber dans l'espace formé par les pattes qui
sont sur le sol. Le corps une fois soutenu et donc en repos,
(') Borelli. De mota aniìualium.
568 JEAN DEMOOR.
deux ou trois pattes agissent pour déterminer le pas. Les
pattes postérieures doivent toujours agir en premier lieu, dit-il,
pour faire progresser le centre de gravité : ".... /S'i e^iim ante-
rior es pedes primo loco extender entur, retroì'sum animal f erre-
tur; et ideo initium incessus a posteriorihus pedïbus fieri debet. „
Borelli ne détermine pas quelles sont les pattes agissant
simultanément ; il ne nous dit pas comment se fait la marche.
Il est vrai qu'il ajoute : " At commodissime fieret, si très pedes
unius lateris, unus post alterum liromoveretur, dummodo
initium motus fieret a posteriori, cui succederei médius, et ultimo
anticus ; sic enim très pedum plantœ parallélogrammum obli-
quangulum constituèrent, commodum sustentationi et incessili
animalis. „ Ce mécanisme, cependant, n'est pas conforme à la
réalité. Borelli semble ne pas avoir vu et ne pas avoir compris
les diiférents rôles de chacun des membres, chose pourtant aisée
en ce qui concerne les pattes antérieures et postérieures. Le
système qu'il expose, d'ailleurs un peu vaguement, fait de la
progression de l'hexapode une sorte de reptation.
Borelli montre encore dans son travail que la station de
l'insecte est plus fatigante que celle du quadrupède, que sa
marche est plus laborieuse que celle de ce dernier. Les articles
des pattes sont toujours fléchis faisant les uns avec les autres
des angles aigus. Jamais le corps n'est soutenu par la rigidité
des supports, la force musculaire intervient constamment pour
tenir cette masse suspendue. Le fait est exact. Mais les mêmes
conditions se retrouvent chez le quadrupède. " Les quatre
soutiens du quadrupède sont formés d'éléments fléchis à angles
les uns sur les autres. Borelli avait fait exception p)our les
membres antérieurs qu'il regarde comme représentant à yeu
près des colonnes osseuses.... Mais sa restriction n'est pas
justifiée (^). „ Et, loin de nous rallier aux dernières considéra-
tions de Borelli, nous pensons, au contaire, que la marche
hexapode est d'une haute perfection physiologique.
(') GlRAUD TeuLON. Principes de mécanique animnlc.
RECHERCHES SUR LA MARCHE DES INSECTES. 569
L'observation devait venir ruiner rapidement les idées de
Borelli. Aussi en trouvons-nous déjà la critique dans les travaux
de Weiss et de Mtiller.
Weiss (^) fait remarquer, en effet, que dans la marche de
l'insecte, la patte de devant et la patte de derrière d'un côté
et la patte moyenne du côté opposé agissent simultanément
et alternent régulièrement avec les membres du deuxième
système de mouvement. Il établit aussi que la progression de
l'insecte est une marche et non une reptation et distingue
nettement, à cette occasion, ces deux modes de transport. Car
voici ce qu'il dit : " De toutes les façons de se mouvoir des
insectes,... celle de courir ou inarcher, que l'on pourrait attri-
buer aux hexapodes ou, insectes à six pieds {nombre ordinaire à
la plus fp-ande p)artie de ces aiiimaux) ou à tel nombre de pieds
qu'on voudra, pourvu que le corps ne contribue pas immédiate-
ment A LA PROGRESSION.... „
Muller (2) cite les mêmes faits et donne des conclusions
analogues.
Burmeister (^) expose la même mécanique. Il nous apprend
en outre que la part prépondérante dans l'acte du transport
appartient aux pattes extrêmes ; les moyennes ne viennent
qu'assister les autres. Aux mouvements de la patte dans son
ensemble correspondent des déplacements de chacun des
articles : la hanche tourne autour de son axe longitudinal ; la
jambe se rapproche de la cuisse par diminution de l'angle
articulaire lors de la flexion ; les différents segments se mettent
dans le prolongement l'un de l'autre lors de l'exteiïsion.
Ces différentes données ont aussi été résumées et confirmées
par Newport (*) et Kirby et Spence (^),
(') E. Weiss. Mémoire sur le mouvement progressif de quelques reptiles. Aca
Helvetica^ Pliy.i. med., T. III, p. 378.
(-) Miller. Eléments de l'Iujaiologie.
(*) Burmeister. Ilandbucli der Eiiiomologic.
(*) Newport. însecta (Tlw Cydopoedia of anatomy and Pliysiolo(jy, Robert
B. Todd.
C*) Kirby et Spenge. An iniroductiou ta Entomology.
570 JEAN DEMOOR.
Tous les observateurs sont ainsi d'accord jusqu'ici sur le
moment du dépôt des pattes. Nous devons cependant en excepter
De Geer (^). D'après lui, les pattes de même ordre sont pro-
jetées simultanément en avant, et la locomotion de l'insecte est
un véritable galop.
Paul Bert (^), plus tard, analyse la marche du Carabus
auratus, et arrive à des conclusions différentes de celles que
nous avons citées jusqu'ici. Eeprésentant les pattes d'un côté
par les chiffres 1, 2,. 3, celles du côté opposé par les chiffres
primés T, 2', 3', il montre que deux pattes du même côté ni de
même ordre ne se lèvent jamais ensemble. Les membres se
lèvent en quatre temps qu'il indique comme suit : 3 et 2' ; 1';
2 et 3' ; 1. Paul Bert, en se basant sur ses observations, conclut
que la base d'appui, pour les insectes, est constamment un
quadrilatère et que le centre de gravité reste toujours dans
la base de sustentation. " La marche n'est donc ims ici, dit-il,
comme dans les hifpèdes et les quadrupèdes une série de chutes
arrêtées.... H y a ici simple traction et propulsion. „ D'un autre
côté, il fait voir que, les articulations des insectes se mouvant
d'après lui, dans le sens horizontal, le centre de gravité ne subit
pas d'oscillations et sa trajectoire est sensiblement rectiligne
et parallèle au sol. Il obtint des résultats un peu différents chez
les agrions et chez la mouche. De ses observations sur la marche
normale et sur la marche d'insectes dont il avait fait l'ablation
de dilférentes pattes, il conclut : " Tirer le corps en avant, soit
dans un plan vertical, soit sur un p lan horizontal, est le fait
des pattes antérieures ; les médianes servent surtout à sauter,
les postérieures soutiennent un peu V abdomen. „
Graber, en 1877, étudie les différents temps de la marche
des insectes et décrit, d'une façon détaillée, les mouvements
variés que comporte la translation (^). Nous résumons rapide-
(') De Geer. Mémoii-ea. T. III.
(*) Paul Bert. Sur la locomotion chez plusieurs espèces animales. {Mém. de la
Soc. (kl Sciences phijs. et nal. de Dordeuttx.) T. 1\ (i<"' cahier).
(') Gkabkr. Die [nseckteu. Miinchen 4877.
RECHERCHES SUR LA MARCHE DES INSECTES. 571
ment les résultats auxquels est arrivé le professeur de
Czernovitz.
Comme organes de support, les pattes des insectes sont par-
faitement organisées. Le poids du corps, au niveau de chaque
articulation, agit suivant deux composantes. L'une de celles-ci
est parallèle au grand axe de l'article supérieur de cette arti-
culation ; la force ainsi dirigée est donc détruite au point de vue
de la pression. La seconde partie de l'énergie se transmet au
segment suivant et y subit une décomposition analogue à la
précédente. La pression réelle s'affaiblit ainsi à chaque arti-
culation. Le tarse supporte donc une pression relativement
faible et peut employer toute sa force à la progression.
Dans la marche, la patte antérieure se fixe par l'extrémité du
tarse et l'épine terminale de la jambe. Lors de la contraction
du fléchisseur du tibia, le corps est attiré vers le point de
fixation : l'angle que fait la cuisse avec la jambe diminue de
valeur. La patte postérieure agit en sens opposé, elle refoule le
corps en augmentant son angle genual. Mais la fixation des
pattes sur le sol n'est jamais parfaite. Aussi, lors de l'action
musculaire, les extrémités des pattes décrivent des courbes
exprimant la résultante de la flexion de la jambe sur la cuisse
et de la rotation de la hanche dans sa cavité articulaire. Ces
courbes, dont la direction générale varie avec les pattes exa-
minées, sont donc décrites pendant que le corps est projeté en
avant, pendant que les pattes sont actives pour la progression.
Elles représentent ainsi ce que l'auteur nomme 1' " Adiven
BaJin „. Dès que la patte a terminé sa période de travail actif,
qu'elle a parcouru, en conséquence, l'activen Bahn, il se produit
un mouvement contraire devant amener le dépôt de la patte.
Pendant ce deuxième mouvement, l'extrémité tarsienne décrit
une courbe différente de celle tracée par le membre à l'appui.
Graber, après avoir analysé les mouvements d'une patte,
étudie la combinaison de ces différentes actions. Pour le dépôt
des pattes, il dit : " Mann kann die Kerfe, nach der Art, ivie
sie ihre Beine filr einander setzen, doppelte Dreifusse nennen.
Es werden nàhmlich immer je drei Beine gleichzeitig oder dodi
37
572 JEAN DEMOOR.
fast gleichzeitig in Bewegung gesetzt tvàhrend die iibrigen
imwischen den Korper stutzen, worauf sie ihre Molle ver-
tauscìien. „ Les trois pattes qui agissent ensemble sont l'anté-
rieure et la postérieure d'un côté, la moyenne du côté opposé.
Pendant la marche, le corps se penche successivement à droite
et à gauche, de sorte que le chemin parcouru par un point
déterminé du corps n'est pas une ligne droite.
Nous ne faisons pas ici la critique du travail de Graber, cet
examen étant fait dans le courant de notre étude ; mais nous
devons relever, dès à présent, la première partie de ce travail.
Nous ne saurions, en effet, nous rallier à la théorie de la
décomposition de la force de la pesanteur au niveau des arti-
culations avec transmission finale du poids du corps fortement
amoindri aux derniers segments de la patte. Dahl (^) attaque
aussi Graber sur ce point.
Certes, il serait difficile, pour ne pas dire impossible, de
donner la justification mathématique de l'une ou de l'autre
théorie. Les travaux de Weber, Marey, Giraud Teulon, Carlet,
ne permettent pas encore de donner la mécanique exacte des
mouvements de l'homme. Pourtant l'anatomie humaine est bien
connue ; les organes du mouvement : os et muscles sont d'une
étude facile; les surfaces articulaires sont rigoureusement dé-
terminables. Mais précisément, les surfaces articulaires n'appar-
tiennent jamais à des courbures parfaitement déterminées et
mathématiquemeiit calculables; elles ne sont gii' approxijmative-
ment sphériques, cylindriques, hélicoïdes, etc., et il est par
conséquent à peu pires impossible de les faire rentrer dans une
formule générale (^). Combien sont grandes les difficultés d'une
étude analogue chez l'insecte ! La petitesse des organes, prin-
cipalement des surfaces articulaires, sera un obstacle constant
à leur analyse complète. Dans ces conditions, que valent les
raisonnements mathématiques ? Cependant, en examinant l'ar-
(•j Dahl. Beilrâge ziir Kenntniss des Baues iiiid (1er Foiictionen der Inseklen-
beine. (/Icc/ut'/. naiùrgesch. iiOJahrg. 1884.)
(*) Beaunis. Éléments de Physiologie humaine.
RECHERCHES SUR LA MARCHE DES INSECTES. 573
ticulation la plus facile à étudier, celle du fémur avec le tibia
(nous en donnons plus loin la description faite d'après Oiyctes
nasicornis), on trouve qu'à l'obliquité, variable suivant la patte
étudiée, des cavités articulaires de l'extrémité fémorale infé-
rieure correspondent des obliquités variables de la partie ter-
minale du fémur. Les normales de ces cavités articulaires sont,
du moins en apparence, toujours parallèles à l'axe de la
portion fémorale qui les porte. Pour le tibia, les normales des
deux condyles articulaires sont parallèles à l'axe du tibia. Or
cette articulation est certainement celle dans laquelle on doit
obtenir, d'après la théorie de Graber, la valeur la plus grande
pour la composante devenant négligeable dans le calcul du
poids transmis par le corps aux extrémités des membres.
Or, les conditions anatomiques que nous avons énoncées plus
haut ont pour conséquence d'entraîner une décomposition des
forces telle que, en dernière analyse, le poids exercé sur im point
quelconque du segment supérieur est transmis intégralement
au segment inférieur, et ainsi d'articulation en articulation,
jusqu'au dernier article.
En est-il ainsi rigoureusement chez l'insecte ? Nous ne pré-
tendons nullement l'affirmer. Mais nous tenons à faire remar-
quer que la démonstration toute superficielle de Graber ne
justifie pas sa déduction, et que certainement, s'il y a diminu-
tion du poids transmis au niveau de chaque articulation, cette
réduction doit être très minime et négligeable dans notre étude.
Carlet, après Graber, observe la marche des insectes et des
arachnides. Il ne nous fournit d'ailleurs aucun renseignement
nouveau en ce qui concerne les premiers. " La seule règle posée
à ce sujet {mode de locomotion) par les auteurs est que les pattes
d'une même imire ne se meuvent jamais simultanément, „ dit-il
au commencement de sa première note (^). Carlet ignorait donc
les travaux de Weiss, Burmeister, Graber, pour ne citer que
les principaux. " Fendant que les pattes 1, 2, 3 se soulèvent
(') Carlet. Sur la locomotion des insectes et des arachnides. Coiupies remliis Acad.
se. de Paris, T. 89, 29 déc, p. i 124.
574 JEAN DEMOOR.
presque simultanément, les pattes 4, ô, 6 restent à V appui. En
d'autres termes, l'insecte se repose sur un triangle de sustenta-
tion formé par les deux pattes extrêmes d'un même côté et la
patte moyenne de l'autre côté, pendant qu'il porte en avant les
trois autres pattes (^). „ C'est ce qu'on avait observé et décrit
déjà depuis longtemps. Carlet représente l'allure de l'animal par
le tableau :
1 4
6)2
3^ 6
dans lequel les nombres indiquent l'ordre de levée.
Dans sa note sur l'insecte rendu tétrapode (^), il résume des
observations curieuses que nous avons pu vérifier rapidement.
L'insecte tétrapode marchant lentement tient toujours trois
pattes sur le sol. Les quatre pattes se lèvent successivement et
l'allure de l'animal peut être représentée par les quatre dia-
grammes que nous empruntons au savant français, et dans
lesquels les points indiquent les membres à l'appui, les signes
X les membres au soutien.
X . . X . . .
X . . . .X
L'insecte tétrapode marchant rapidement a une allure pouvant
être " représentée exactemeyit par celle de deux hommes mar-
chant l'un derrière Vautre d'un pas contraire „ (^). C'est une
locomotion par bipèdes diagonaux, analogue à celle des reptiles
et des batraciens. " Mais le corps de V insecte est rigide et ne
peut s'incurver latéralement comme chez la salamandre, il n'est
pas non pilus si bien soutenu que chez le crapaud car les
membres postérieurs ne peuvent se replier assez en avant pour
(') Carlet, l. c
(-) Carlet . De la marche d'un insecte rendu tétrapode par la suppression d'une
paire de pattes. Comptes rendus Acad. se. de Paris. T. 4 17, 4888, I*^'' octobre,
p. 5GO-5G6.
(^) Carlet. Sur la locomotion terrestre des reptiles et des batraciens. Comptes
rendus Acad. se de Paris. T. 417, 1888, i<"^ octobre, p. bC2-ó64.
RECHERCHES SUR LA MARCHE DES INSECTES. 575
servir d'appui au milieu du coì'iìs. Il en résulte pour l'insecte
mutilé une accentuation du mouvement de bascule qui se pro-
duit à chaque pas, autour du bipède diagonal à l'appui (^). „
Carlet, en terminant, dit que les résultats sont, à peu de chose
près, les mêmes si on supprime la !•■« ou la 3® paire de pattes
au lieu de la 2^. Nous sommes d'un avis absolument contraire.
Des expériences nombreuses nous ont montré que les chutes
sont les plus fréquentes lors de l'ablation des pattes moyennes.
Au point de vue de la stabilité, le résultat est sensiblement le
même pour l'enlèvement de la première ou de la troisième paire
de pattes. Mais pour la rapidité, il y a encore une différence :
l'insecte pourvu des pattes antérieures et moyennes a une
marche beaucoup plus rapide que celui qui possède encore les
pattes moyennes et postérieures. L'observation nous a donné
ces résultats, nous verrons que la mécanique de la marche
normale permettait de les prévoir.
Pour finir cet historique, nous devons citer le travail de
Wilkins sur la marche proprement dite et ceux de quelques
autres auteurs sur des questions se rattachant d'une façon plus
ou moins directe à celle que nous allons étudier.
Wilkins (^) considère la marche des insectes, des arachnides
et des myriapodes comme ne différant pas essentiellement de
celle des vertébrés. En tenant compte du premier anneau
porteur de membres, on voit que la marche se fait comme chez
le bipède: une patte alterne avec l'autre. A considérer deux
segments pourvus de pattes et consécutifs, la locomotion se fait
comme chez le quadrupède ne marchant pas à l'amble. Les
pattes du troisième segment doivent se mouvoir avec les
membres antérieurs, celles du quatrième avec les membres de
la deuxième paire. L'observation de Wilkins est exacte pour ce
qui concerne les insectes. Pour les arachnides et les myriapodes,
nous ne pouvons pas l'admettre. Mais à la comparer aux
(') Carlet. De la marche d'un insecte rendu tétrapode par la suppression d'une
paire de patles. /. c.
(-) Wilkins. The Beetle in Motion, Nature aitijlaise. T. XXXV, 1887, p. 414.
576 JEAN DEMOOR.
observations que nous avons résumées dans cet historique, elle
est, de par sa simplicité et de par ses lacunes, d'une importance
nulle. Et si nous adoptons, pour les insectes, l'exposé de
l'auteur anglais, nous sommes loin d'admettre que cette
périodicité dans le travail des pattes puisse justifier les mots:
" 1 general, I found, that the mode of projection in articulates
does not differ essentially from what we see in vertebrates. „ A
dire vrai, nous ne saisissons pas bien le genre d'homologie
qu'il veut établir.
Dans le travail déjà cité plus haut, Dahl (^) insiste sur la
direction oblique des pattes. Cette disposition assure une grande
stabilité. Elle est en relation, d'après lui, avec la fonction
principale de l'insecte (par rapport au transport terrestre,
bien entendu), l'acte de grimper. D'un autre côté, Dahl voit
une relation très étroite entre la fonction de grimper, celle de
courir le long de parois verticales et le nombre de trois paires
de membres. Des animaux grimpeurs de ce genre ne sauraient
pas avoir moins de six pattes. — Six est bien le minimum.
Nous ne discutons pas ici ces conclusions. Qu'il nous soit
simplement permis de dire, dès à présent et relativement à
cette question, que la marche hexapode est d'une perfection
très grande. Vis à vis de la marche octopode, qui est la
même en définitive, elle réalise une économie considérable de
travail.
La question de l'adhérence des pattes aux corps sur lesquels
l'animal court, a été étudiée par un grand nombre d'auteurs. La
progression de certains insectes sur des parois polies verticales
est surtout celle qui a été examinée. Cependant il est à constater
que, malgré le grand nombre de travaux faits dans cette voie,
la question est encore loin d'avoir une solution définitive. La
mécanique de la locomotion est absolument délaissée dans ces
recherches, et comme le sujet ne se rapporte pas directement
à notre étude, nous citons, sans résumer les opinions des
auteurs, les articles parus sur la question.
(') Dahl, /. c.
RECHERCHES SUR LA MARCHE DES INSECTES. 577
TrUFFEN West. The foot of the Fly. Trails, of the Lin. Soc. of Lon-
doii. T. XXIII, 1862.
J. Blackwall. Tach relative of the movement of Insects. The journ,
of the Lin. Soc.-Zoology. T. VIII, 1865.
„ Ann. and mag. of. nat. Hist. T. XV, 1884.
H. DewITZ. Untersuchung liber den Histologischen Bau der Haften
der Theil. Sitzungsbericht d. Gesellsch. nat. Frcunde zìi Ber-
lin, 1882.
„ Ueber die Fortbewogung der Thiere an senkrechten glatten
Flachen vermittels eines Secretes. Pfliiger's Archiv f. d.ges.
Physiol. XXXIII, p. 440-480.
„ Ueber die Fortbewegung der Thiere an senkrechten glatten
Flachen vermittels eines Secretes. Zool. Anzeiger. VII
.lahrg. nos 1< 2-173, p. 400.
,, Weitere Mittheilungen iiber das Klettern der Insekten an
glatten senkrechten Flachen. Zool. Anzeiger. VIII Jahrg.
no 190, p. 157-159.
Dahl. Ueber den Bau und die Fonctionen des Insectenbeines. Zool.
Anzeiger, VII Jnhrg. no 158, p. 38-41.
„ Màme travail plus détaillé. Archiv f. Natargesch. -50 Jahrg.
2 Hft., p. 146-193.
ROMBOUTS. De la faculté qu'ont les mouches de se mouvoir sur le
verre et sur les autres corps polis. Arclùves dit musée Tey-
ler, série II, 4© partie. 1883.
„ Même travail. Nature française, 12e année, no 550. p. 34,
1883.
„ Ueber die Fortbewegung der Fliegen an glatten Flachen
Zool. Anzeiger. V H Jahrg., no 181, 17 nov. 1884.
SiMMERMACHER. Untersuchungen ueber Haftapparate an Tarsalglie-
dern von Insecten. Zeiischr. f. iviss. Zool. 40 Bd. 1884, p. 481.
„ Même travail résumé. Zool. Anzeiger. VII Jahrg., no 165,
p. 225-228.
Emery. Fortbew^egung von Thieren an senkrechten und uberhangende
glàtte Flachen. Biol. Centralbl. 1884, 4 Bd. no 14.
Graber. Ueber das Mechanik des Insektenkôrpers. Biol. Centralbl.
1884, 4 Bd. no 18.
Pero Paolo. Nota sui Peli ventosa de Tarsi de Colleotteri. Boll.
Mus. zool. di Torino, voi. I, no 13, 1886.
578
JEAN DEMOOR.
De l'exposé des idées de Weiss, Miiller, Burmeister, P. Bert,
Graber et Carlet, il résulte que ces deux derniers auteurs con-
iirment les observations de Weiss, Miiller et Burmeister et qu'ils
contredisent en conséquence les faits avancés par P. Bert et les
conclusions qui en découlent. Il semble d'ailleurs que Graber
n'ait pas connu l'étude de P. Bert et qu'il n'ait pas eu connais-
sance des travaux plus anciens faits sur la question; il ne cite
aucun auteur et ne fait aucun exposé critique. — Mais, tandis
que P, Bert était arrivé à un système mécanique expliquant la
progression de l'insecte, Graber et Carlet ne sont arrivés à
aucune théorie complète. On ne voit pas dans le travail si précis
de Graber, par exemple, comment se fait le passage d'un pas à
un autre, comment s'exécute le transport du poids du corps
d'un triangle d'appui au triangle d'appui du pas suivant. Graber
explique les forces intervenant dans la projection du corps en
avant pendant le pas simple, il n'explique pas le passage d'un
pas à un autre et la formation du double pas. Il ne nous rend
pas compte de la continuité dans la marche de l'insecte.
L'étude de la marche des arachnides a été totalement négli-
gée. Nous ne possédons, en eflfet, que quelques observations peu
certaines de Eedi (^), la remarque de Wilkins (-), dont nous
avons parlé plus haut, et une courte analyse de la marche de
l'Epeira diadema (^ ) faite par Carlet (^).
Carlet représente l'allure de l'araignée par le tableau sui-
vant :
Dans lequel les pattes sont représentées par les chiifres indi-
quant leur ordre de soulèvement. Les pattes 1, 2, 3, 4 se lèvent
(') Redi : OpuxcuU di Sioria nnlinalc. Firenze, 1858, p. {"l'i.
(*j WlI.KINS, l c.
('} Carlet. Sur la locoiiiolion des insectes et des arachnides. Compc. rend Acnd.
se. de Paris. T. 89, 1879, 29 déc. p. 1124.
RECHERCHES SUR LA MARCHE DES INSECTES. 579
presque simultanément. " Le imlijgone de sustentation est formé
d'un côté par les imttes de rang ixiir et de Vautre côté par les
pattes de rang impair. La marche des arachnides peut être
figurée par quatre bipèdes se suivant et allant, ceux de rang
pair d'un même pas et ceux de rang impair dupas contraire. „
Nous examinerons cette question à la fin de notre mémoire.
Structure et action de la patte antérieure
{Etudiées spécialement sur Voryctes nasicornis) (^).
La patte antérieure de l'insecte, quel que soit le moment
choisi pour l'observer, forme par les différents articles qui la
composent, une courbure à concavité interne (PL XIX, f. 1).
Cette patte a pour fonction de constituer un point d'appui à l'aide
des griffes ({ui terminent le tarse, point d'appui vers lequel
sera attiré le corps. Cette traction du corps en avant se fait
par augmentation de la courbure générale du membre en
question. Pendant le soutien et la projection en avant, la patte
prend sa plus grande longueur par réduction au minimum de
sa courbure. La fixation de la patte étant faite, l'action des
fiéchisseurs détermine la flexion des différents segments les uns
sur les autres et l'augmentation de la courbure générale. Il en
résulte une diminution de la longueur de la patte et une traction
conséquente du corps vers le point fixe. Dans la projection de
la patte en avant la courbure n'est jamais égale à 0, les
(') Remarque. = Dans toute l'étude qui suit, nous n'examinons que la progres-
sion de l'insecte courant sur une surface plane et horizontale. Nous avons employé
quelquefois des plans inclinés ou des jiistes sinueuses pour compléter l'analyse de
la fonction d'une patte, du rôle d'un segment de membre, de la valeur d'un mou-
vement articulaire. Mais ces expériences ne sont jamais citées dans ce travail et les
résultats qu'elles ont donnés n'entrent pour rien dans nos déductions. Il eût été
dangereux d'agir autrement. L'animal courant sur une surface bosselée présente des
mouvements irréguliers: La vitesse de sa marche diminue dès qu'il arrive sur un
plan incliné soit ascendant, soit descendant. Arrive-t-il sur une partie horizontale,
immédiatement la réiiularité réapparaît dans sa progression en môme temps que la
vitesse augmente et devient normale.
580 JEAN DEMOOR.
segments ne sont jamais dans le prolongement l'un de l'autre.
L'observation directe montre parfaitement la chose ; l'étude des
articulations et l'examen des tracés du mouvement de cette
patte le prouvent également.
Considérons l'oryctes nasicornis (^).
La hanche de forme générale cylindrique, dilatée en son milieu
et aplanie sur la face ventrale, s'articule dans une cavité du
thorax directement dirigée de dedans en dehors (PI. XIX, f. 2).
Ce segment ne peut exécuter que des mouvements de rotation
suivant son grand axe. La cuisse et le trochanter forment avec
la hanche une articulation importante. L'angle que forment
ces pièces est ouvert en dehors. Le mouvement n'est possible
que d'avant en arrière suivant un plan trans verse dirigé obli-
quement d'avant en arrière, un peu de bas en haut. Dans le
mouvement en arrière, la cuisse peut arriver jusqu'à la position
perpendiculaire à l'axe ; dans le mouvement en avant, elle
n'atteint jamais la position normale à la hanche. L'ouverture
maximum de l'angle est d'environ 60» (PL XIX, f. 3). Dans
le cas qui nous occupe, c'est le trochanter qui empêche, par son
articulation avec la hanche, l'exagération du mouvement de la
cuisse. L'articulation de la cuisse avec la jambe empêche égale-
ment les deux segments de se mettre dans le prolongement
l'un de l'autre. Un seul mouvement y est possible : la flexion.
L'extrémité inférieure du fémur (PI. XIX, f. 4) a la forme d'un
parallélipipède rectangle creux. Sur la face interne de la paroi
inférieure et de la paroi supérieure de cette extrémité
se trouve creusée, dans l'épaisseur de la couche chitineuse,
une petite excavation en forme de croissant. Ces fossettes sont
situées plus du côté de la flexion que du côté de l'extension.
Les parois externe et interne de cette extrémité sont dirigées
d'avant en arrière, de dedans en dehors, de sorte que l'axe de la
partie terminale du fémur est parallèle à la normale des sur-
(0 Notre but n'est pas de faire ranalomie complète de la patte. Ce travail a déjà
été fait à différentes reprises. Nous ne décrivons que les organes et les articulations
donila connaissance est absolument nécessaire pour la compréhension et la justi-
fication de notre exposé.
RECHERCHES SUR LA MARCHE DES INSECTES. 581
faces articulaires du croissant. L'extrémité supérieure de la
jambe (PL XIX, f. 5) est aplatie de dehors en dedans. Elle
porte sur ses faces supérieure et inférieure un petit condyle qui
s'emboîte dans les cavités articulaires signalées au fémur. La
face externe présente une courbure concave dans laquelle vient
s'arrêter, lors de l'extension atteignant approximativement
100", la paroi externe de la cuisse qui est infléchie en dedans.
Les points d'articulations situés fortement du côté delà flexion,
l'obliquité externe de la paroi interne de la cuisse, font que,
lors de l'extension, le mouvement est rapidement arrêté par la
rencontre de l'extrémité intra-fémorale de la jambe contre la
face interne de la paroi interne de la cuisse. En résumé, le
mouvement dans cette articulation est un mouvement de flexion,
depuis la flexion totale jusqu'à l'extension de 100° (^). Le tarse
peut se mouvoir dans tous les sens. Les mouvements se loca-
lisent surtout dans les articulations des premiers articles. Les
derniers segments forment un système quasi fixe et courbe.
Dans les pattes moyennes et postérieures, les extrémités des
tarses sont aussi souvent courbées, mais la courbure est à
concavité inférieure, tandis que dans les pattes antérieures elle
est à concavité interne (^).
Nous n'attachons pas l'importance que Graber accorde à
l'analyse de ce qu'il nomme l'Activen Balm. Graber constate
que le point d'appui déterminé par les griffes ou l'appareil
terminal de la patte, n'étant jamais bien fixe, il se fait un
mouvement de recul dans la patte antérieure lors de la traction
du corps en avant. Pendant ce mouvement du corps, il y a, d'un
côté, flexion de la cuisse sur la hanche, d'un autre côté rotation
de la hanche autour de son axe. Le mouvement de recul de la
patte se fait suivant la résultante de cette double action muscu-
(*) Nous avons montré plus haut (p. 573) quelle est l'importance de la disposition
des surfaces articulaires vis-à-vis de l'axe des segments qui les portent.
(') Cette différence entre les tarses persiste après la mort; les insectes nombreux,
non étalés, que nous avons examinés sous ce rapport nous ont fourni presque tou-
jours des courbures horizontales pour les pattes antérieures, des courbures
verticales pour les deux membres postérieurs.
582 JEAN DEMOOR.
laire. Graber analyse ces phénomènes très en détail. Pour
nous, ce recul est absolument accessoire. Tandis qu'il se mani-
feste très fort quand on fait marcher l'animal sur une surface
lisse, il diminue au fur et à mesure que l'on procure un chemin
plus rugueux à l'insecte. Les résultats que nous avons obtenus
en faisant courir les insectes sur des plaques de verre enduites
de noir de fumée, sur des feuilles de papier plus ou moins
rugueux, sont démonstratifs. Et il est probable, pour ne pas
dire certain, que dans la marche normale il n'y a pas de recul
de l'extrémité tarsienne. Le tracé de ce recul montre pour la
patte antérieure, une ligne courbe antéro-postérieure à concavité
dirigée vers l'axe du corps. La courbure se manifeste dès le
commencement de la trace. Celle-ci représente la direction de
la résultante des énergies musculaires déterminant le mouve-
ment; et elle prouve, à l'évidence, que dès le commencement de
la traction, il y avait une courbure générale dans la patte
considérée en longueur. La patte antérieure est donc tractive.
Son jeu le prouve, sa structure le démontre. En effet, supposons
que les segments puissent se placer suivant une ligne droite,
du moins dans une partie de la longueur de la patte. Le muscle
fléchisseur de deux segments consécutifs ainsi placés, agira
parallèlement (ou à peu près) à l'axe de ces segments. S'il
agit parallèlement, son effort aura pour effet d'appuyer le
premier article sur le second, et ne déterminera aucun mouve-
ment. Plus ce parallélisme sera complet, plus, lors de la décom-
position de la force au niveau de l'articulation, la composante
perdue sera énorme et la composante efficace pour la marche
sera réduite.
Dans la flexion et dans l'extension de la patte antérieure,
les mouvements des articulations de la hanche avec la cuisse et
de la cuisse avec la jambe se font d'avant en arrière, de bas en
haut, et réciproquement. Les mouvements de cette patte dans
le sens vertical se localisent dans les articulations de la hanche
avec le corps et du tarse avec la jambe. Les déplacements dans
le sens vertical sont nécessaires pour permettre la projection de
la patte en avant, sans qu'elle touche le sol. Il est à remarquer
RECHERCHES SUR LA MARCHE DES INSECTES. 583
cependant que la flexion antéro-postérieure ne se faisant pas
dans un plan horizontal, mais bien dans un plan oblique, les
oscillations verticales nïnterviennent que très peu. Certains
mouvements du corps, que nous analyserons plus loin, diminuent
encore leur importance.
Dans les graphiques, on obtient quelquefois (plus souvent
pour les pattes moyennes et postérieures que pour les anté-
rieures) le tracé du mouvement de retour de la patte. Plus le
chemin est glissant, plus cette trace est nette. Nous étudierons
ces graphiques du retour en même temps que l'action de la
patte moyenne et celle de la patte postérieure, en même temps
aussi que les mouvements variés du corps. Le stade de soutien
des membres aura donc son explication détaillée plus loin. Si
nous en ptirlons dès maintenant, c'est afin que les figures que
nous présentons, ne paraissent pas contradictoires à nos affir-
mations et opposées à nos déductions.
Structure et fonctions de la patte moyenne.
La patte moyenne (PI. XIX, f. 6) est une patte d'appui. Le
professeur Plateau (^) a démontré que chez les insectes obligés
de tirer des poids, les membres moyens interviennent peu dans
la production de l'eâort. Il en est de même dans la marche
normale pendant laquelle ces pattes n'agissent que très secon-
dairement pour la traction et la poussée du corps. Le rôle de
ces membres dans la combinaison des mouvements est, au
contraire, absolument principal. Leur travail, en efîet, détermine
l'affaissement latéral du corps, phénomène que nous analyserons
plus loin. C'est de leur jeu aussi que dérivent, comme nous le
verrons, -les variations dans la position du centre de gravité
et dans l'équilibre de l'animal. L'insecte dont on ampute les
pattes moyennes peut encore marcher, mais cette progression
est très irrégulière : L'animal s'arrête souvent et quand il
(') PLATKAii. Sur la force musculiire des insectes (Ih' noie). Bull, de l'.Acad.
lioijale de Bclgi'iiie, 2^ série, t. XXII, n" 11.
584 JEAN DEMOOR.
s'avance, culbute fréquemment. L'enlèvement des pattes anté-
rieures et postérieures est beaucoup moins gênant ; la marche,
après cette opération, devient certainement moins uniforme,
mais l'équilibre persiste relativement bien.
La cavité articulaire (PI. XIX, f. 7) qui reçoit la hanche est
dirigée en avant, en dehors et en bas. La hanche y subit des
rotations autour de son axe longitudinal. L'articulation de la
cuisse avec la hanche et le trochanter (PL XIX, f. 8Aet B) se
trouve près de la ligne axiale. Le mouvement ne peut s'y faire
que dans un seul plan obliquement dirigé d'arrière en avant, de
bas en haut. L'angle articulaire qui regarde en dehors ne peut
atteindre et n'atteint pendant la locomotion que tout au plus 90°
(fig. 8 A). Et comme la hanche est obliquement dirigée, for-
mant un angle antérieur de 15° avec l'axe du corps, le mouve-
ment de la cuisse se fait approximativement d'une égale valeur
en avant et en arrière de la ligne perpendiculaire à l'axe du
corps passant par l'articulation. Dans la marche, comme dans
la traction, l'angle moyen formé par la deuxième patte et l'axe
du corps est un angle de 90». L'articulation de la cuisse avec le
tibia est semblable anatomiquement à celle décrite pour la
première patte. Le seul mouvement qui y soit possible est la
flexion du tibia sur le fémur, flexion se faisant précisément dans
le plan du mouvement de la cuisse sur la hanche. Ce mouve-
ment dépasse l'angle droit, les deux articles peuvent cependant
se mettre moins dans le prolongement l'un de l'autre que les
segments analogues le font dans la première patte.
Ces articulations avec la direction qu'elles impriment aux
mouvements sont des plus importantes. Leur examen approfondi
est nécessaire ; car, à première vue, les mouvements qui s'y
accomplissent et qu'on analyse sur l'insecte ramolli 'dans la
chambre humide ou sur l'animal traité par la solution de
potasse, sont différents de ceux qu'on constate chez les sujets
vivants observés suivant les méthodes indiquées plus loin.
Le mouvement de la cuisse sur la jambe se faisant, pendant
le pas, d'avant en arrière, de haut en bas, semble devoir produire
une élévation progressive du corps. La levée du corps, dans
RECHERCHES SDR LA MARCHE DES INSECTES. 585
ces conditions, devrait atteindre sa hauteur maximum à la fin
du pas. Or on constate, au contraire, en ce moment, un
affaissement du corps sur la patte médiane, effet dû au
mécanisme des articulations du tarse. Comment les effets de
ces deux groupes d'articulations ne se détruisent-ils pas
mutuellement ? L'unité de plan pour les mouvements des
articulations de la hanche avec la cuisse et de la cuisse avec la
jambe, plan toujours oblique d'avant en arrière, de haut en bas,
fait que, au fur et à mesure que les angles de ces deux articu-
lations s'ouvrent, l'inclinaison du plan de mouvement diminue ;
celui-ci tend vers l'horizontalité. Au commencement du pas, la
jambe, à peu près verticale, lève le corps de toute sa hauteur;
à la fin du pas, la jambe, très obliquement dirigée, n'a plus
qu'une hauteur de levée très minime. L'abaissement de
l'extrémité supérieure de la jambe à la fin du pas est donc
compensée par l'inclinaison de cet article. Les mouvements de
ces articles ne déterminent donc en aucune façon les oscillations
du corps, ils permettent un simple mouvement du corps
d'arrière en avant dans un seul plan horizontal, l'appui de la
patte sur le sol restant fixe.
Le jeu des articles tarsiens donne à la patte moyenne une
nouvelle fonction : la bascule du corps dans le plan transversal.
Si nous examinons l'oryctes nasicornis, nous voyons que lors du
dépôt de la patte à 45» en avant de la ligne normale, l'appui se
fait sur les griffes terminales et les deux ou trois derniers
articles. Pendant tout le temps de repos de la patte sur le sol,
jusqu'au moment où la cuisse forme un angle de 45» en arrière
de la normale, la patte s'affaisse pour se trouver appuyée
finalement par tout le tarse et par l'épine inférieure de la
jambe. A cet affaissement correspond une descente du corps;
cette descente est unilatérale, car, nous devons le dire dès
maintenant, les deux pattes alternent dans leurs manifestations,
l'une est appuyée pendant que l'autre est soutenue. Le corps
abaissé du côté gauche est relevé du côté droit et réciproque-
ment. — (Les mouvements du corps sont étudiés plus loin^
nous donnons également là les méthodes employées pour les
586 JEAN DEMOOR.
observer et les analyser.) Le dépôt de la patte moyenne par
segments successifs s'observe très bien directement, mais il
apparaît manifeste dans les tracés de la marche. Pour ce genre
d'étude on a soin de faire courir l'insecte sur un chemin assez
lisse, afin que les différentes traces soient plus espacées. Nous
donnons (PI. XIX, f. 14) le dessin des traces fournies par le
Meloe proscarabeus ; le système de mouvement de cet animal
est identique à celui de l'oryctes. On voit sur ce graphique,
successivement en allant d'avant en arrière, la trace double des
griffes, les traces des deux premiers articles, la trace d'un
troisième, puis celle d'un quatrième article, enfin la trace de la
pointe de la jambe.
Le mouvement de bascule du corps dans le sens transversal
est dû toujours aux mouvements de la patte moyenne. Ces mou-
vements sont d'ailleurs assez variés. Nous décrivons encore le
fonctionnement de la deuxième patte de la Geotrupes vernalis.
A ce système se ramène le travail de la patte moyenne d'un
très grand nombre d'insectes. Lors du dépôt de la patte, l'appui
se fait sur l'extrémité du dernier article du tarse (griffes ter-
minales) et sur la pointe de l'extrémité inférieure de la jambe
(PI. XIX, f. 9). Ces deux points sont situés sur une ligne oblique
d'avant en arrière, de dehors en dedans. L'épine jambière est
verticale, et le segment terminal du tarse très long, par
adaptation, a une direction analogue. Pendant l'appui, l'article
tarsien se rabat de façon à se mettre parallèlement à la surface
d'appui; la jambe se meut d'arrière en avant autour de l'extré-
mité de l'épine, fixée sur le sol, pour devenir ainsi à peu près
parallèle au sol (PI. XIX, f. 10). Tout le tarse est finalement
appuyé. Et, comme on le comprend aisément, le corps s'est
affaissé du côté de la patte qui a subi ces différents dépla-
cements.
Structure et fonctions de la ])atte postérieure.
La patte postérieure (PI. XIX, f. 11) est une patte de
poussée. C'est elle aussi qui détermine le mouvement du corps
dans le sens horizontal.
RECHERCHES SUR LA MARCHE DES INSECTES. 587
La cavité articulaire (PI. XIX, f. 12) que porte le corps pern-
ia hanche est dirigée de dedans en dehors, d'arrière en avant. La
cuisse, lors de sa flexion maximum, aura donc cette direction.
L'articulation de la cuisse avec la jambe permet un mouvement
relativement étendu (deux tiers de circonférence). Ce qui la
caractérise, c'est qu'elle laisse les deux segments se mettre dans
le prolongement l'un de l'autre. Cette extension étendue dérive
de ce que, dans cette articulation, homologue de celle de la
cuisse avec la jambe décrite plus haut, la hanche est échancrée
en cœur (PI. XLX, f. 13) du côté de l'extension, disposition que
nous ne trouvons qu'à la troisième patte. La jambe, les segments
du tarse peuvent également se placer en ligne droite et il existe
un temps physiologique où ils occupent cette position. Les
différents articles du tarse sont peu articulés entre eux, sauf
cependant le dernier qui fait avec le reste du tarse un angle
ouvert en dehors et est donc dirigé de dedans en dehors,
d'avant en arrière.
La fonction de cette patte est de refouler le corps en avant et
de déterminer la jetée du corps dans le sens horizontal du côté
opposé à la patte agissante.
L'angle que fait la cuisse avec la jambe n'est jamais inférieur
à 90°. L'angle droit est en effet l'angle minimum pour lequel
l'action ultérieure des muscles se fait, dans le sens de la
poussée, sans perte de force. L'angle articulaire atteint, disons-
nous, 90o. Si la hanche était perpendiculaire à l'axe du corps,
l'action musculaire tendant à l'ouverture de l'angle de la cuisse
avec la hanche amènerait, au premier temps, un mouvement
du corps directement en avant. Au contraire, la position oblique
prise par la cuisse dès le premier déploiement de force (grâce
à la direction de la hanche) fait que la jambe n'est jamais
parallèle à l'axe du corps et que la poussée en avant est toujours
accompagnée de la foulée latérale du corps. D'un autre côté, la
direction oblique en dehors et en arrière du dernier article
tarsien amène une direction plus oblique de l'effort appliqué à
l'extrémité de la patte et facilite encore l'oscillation horizontale.
La fonction de poussée apparaît manifeste dans la structui'e
58
588 JEAN DEMOOR.
générale de cette patte aux segments directement dans le
prolongement les uns des autres. Celle de foulée latérale apparaît
évidente quand on examine les traces que laisse ce membre sur
le sol. Ces traces sont, en effet, dirigées obliquement d'avant en
arrière, de dedans en dehors.
Combinaison des mouvements des pattes.
Dans la marche régulière, les pattes antérieure et postérieure
d'un côté et la patte moyenne du côté opposé agissent ensemble.
Les mouvements simultanés de ces trois pattes constituent
un pas.
Pendant qu'un système de trois pattes se trouve sur le sol, et
que ces trois membres accomplissent respectivement les
différents mouvements analysés dans les chapitres précédents,
les trois autres membres, formant le deuxième système, sont au
soutien et se projettent en avant.
Le jeu des membres se voit très bien directement. Lors des
premières observations faites sur la corrélation de ces mouve-
ments nombreux, il est nécessaire de les analyser deux par
deux ; d'étudier, par exemple, le mouvement de la première
patte droite par rapport au déplacement des cinq autres
membres, et de faire le même travail pour chacune des pattes.
Avec un peu d'habitude, on saisit très rapidement les diffé-
rentes manifestations et leurs combinaisons, on observe très
bien des progressions relativement rapides. Et on trouve alors
que quelle que soit la vitesse avec laquelle se meut Vhexapode,
les mouvements restent coiistants. L'insecte ni! a qu'une forme
de progression terrestre : la marche (^). Nous avons fait à ce
sujet des observations nombreuses sur cicindela campestris,
carabus auratus, amara ovata, harpalus griseus, oryctes
nasicornis, geotrupes vernalis, ateuchus puncticollis, aphoduis
(') Nous exceptons naturellement les animaux sauteurs. En n'attribuant à l'insecte
qu'une forme de translation terrestre, nous ne faisons donc qu'exclure les modes de
locomotion tels que le trot, la course, le galop, etc.
RECHERCHES SUR LA MARCHE DES INSECTES. 589
merdarius, meloe proscarabeus et toujours nous avons obtenu
les mêmes résultats.
La marche par le système que nous nommerons : double
trépied, l'orientation et la constitution de chacun de ces tré-
pieds, se mettent facilement en évidence par l'expérience
suivante :
On force l'insecte à se mouvoir dans un sens bien déterminé.
Comme, très souvent, l'animal effrayé par la capture, reste
longtemps immobile, et que, d'un autre côté, sa marche sur le
sol se fait avec beaucoup de circonvolutions, il est nécessaire
pour l'expérimentation d'user de certains artifices.
Voici la description des appareils dont nous nous sommes
servi.
Piste à obscurité croissante, ou à obscurité décroissante.
(PI. XX, fig. 1.) — Deux lames de verre sont placées verti-
calement l'une à côté de l'autre. Une de ces lames est mobile
sur le plancher de l'appareil ; il est aisé, ainsi, de faire varier
la largeur de la piste comprise entre les deux plans verticaux.
A une des extrémités du chemin, les deux lames sont libres :
la piste est ouverte; à l'autre extrémité les lames viennent
s'appuyer contre un fond perpendiculaire au plancher et aux
lames de verre : la piste est fermée. Des cadres légers, triangu-
laires, recouverts de papiers noirs, sont placés obliquement le
long des lames de verre, de façon que les sommets de ces
triangles soient au sommet supérieur du petit côté libre de
ces lames, et que les bases correspondent à la ligne d'inter-
section du fond de la piste avec le plancher de l'appareil. Entre
les deux lames, et suivant leurs diagonales, est tendu un
diaphragme percé de fenêtres rectangulaires ayant la largeur
de la piste. Ces fenêtres, qui ont des grandeurs décroissantes,
sont d'autant plus espacées l'une de l'autre qu'elles sont plus
rapprochées du fond de la piste.
L'appareil ainsi construit est placé le fond dirigé vers la
lumière (fenêtre, lumière artificielle). H est facile de com-
prendre que la lumière est distribuée en quantité décroissante
depuis l'une des extrémités jusqu'à l'autre du chemin ainsi
590 JEAN DEMOOR.
préparé, cela grâce aux différents cadres obscurs employés. La
route formée passe insensiblement d'une clarté, variant avec
la source lumineuse, à une obscurité pour ainsi dire totale.
Les deux lames de verre sont montées de telle sorte qu'on
peut fixer sous elles des feuilles de papier (ou graduées, ou
recouvertes de noir de fumée, ou collées), des plaques de
verre, etc. Le fond qui limite la piste est pourvu d'une fenêtre
pouvant se fermer au moyen d'une planchette glissant dans
deux coulisses. L'insecte parvenu à l'extrémité du chemin peut
y être facilement capturé. De plus, cette fenêtre permet aussi
de prendre l'extrémité obscure de la route comme tête de ligne.
Bien des insectes fuient la lumière. Placés au commencement
éclairé du chemin, ils se dirigent directement vers le fond
obscur de la route. D'autres insectes recherchent la lumière,
ceux-là placés à l'extrémité opposée de la piste, dans l'appareil
identiquement disposé, se dirigent vers la partie éclairée et
ouverte du chemin.
Pour cette deuxième catégorie d'insectes, l'usage de l'appa-
reil suivant est recommandable.
Chambre noire à fenêtres lumineuses variables. (PI. XX,
fig. 2.) — Une caisse rectangulaire mesurant 0^,50 de long,
0^,08 de haut, 0^,10 de large est pourvue d'une paroi supé-
rieure glissant dans des rainures des deux faces latérales, et de
parois antérieure et postérieure également mobiles par glisse-
ment. La paroi postérieure est pleine, la paroi antérieure est
formée par une planchette dans laquelle est pratiquée une
ouverture. Suivant la planchette employée, la fenêtre est plus
ou moins grande. L'intérieur de la caisse est noirci. La paroi
supérieure, entièrement mobile, permet de déposer dans la
chambre tel fond qu'on désire. Au moyen de deux lattes noires
fixées dans une échelle de fer, on règle à l'intérieur de la
chambre noire un chemin dont la largeur varie avec l'animal
soumis à l'expérience. La voie préparée, on glisse la paroi
supérieure, on place l'insecte à l'extrémité postérieure de la
piste, on ferme le fond de la caisse. L'animal se trouve dans
une obscurité complète. On ouvi^e la fenêtre antérieure, l'ani-
mal se dirige rapidement vers la lumière.
RECHERCHES SUR LA MARCHE DES INSECTES. 591
Avant de nous servir des expériences faites à l'aide de ces
appareils, nous avons vérifié avec soin si l'allure ne se modifie
pas chez l'insecte sollicité à la marche par sa sensibilité à la
lumière. Dans aucune de nos observations nous n'avons trouvé
un changement quelconque dans les mouvements.
Nous avons dit plus haut qu'une expérience très simple
pouvait mettre en évidence le mouvement par double trépied.
La voici :
Quand l'animal, sollicité à la marche, se dirige régulièrement
vers le but de la route, il suffit très souvent de produire une
modification subite et intense dans l'éclairage du chemin pour
amener un arrêt, une interruption immédiate dans la marche.
Cet arrêt n'a pas la valeur d'un arrêt de repos. Avant de le
prouver, disons que ces stades d'immobilité, si intéressants,
s'observent aussi, de temps en temps, chez les insectes allant à
l'aventure, nullement soumis à l'expérimentation.
Dans le repos, le corps est affaissé sur les pattes. Les
membres identiques se trouvent dans les mêmes positions.
L'animal peut être schématisé comme suit:
Lors de l'arrêt déterminé par l'excitation, le corps reste
éloigné du sol comme dans la marche. Trois pattes : l'antérieure
et la postérieure d'un côté, la moyenne du côté opposé sont sur
le sol et y forment le triangle d'appui; les trois autres membres,
au soutien lors de l'impression, se déposent bientôt, lentement
et simultanément, et cela en conservant tous les rapports qu'ils
avaient au soutien dans la progression. On constate, en effet,
les pattes une fois toutes appuyées, que les positions des
membres semblables ne sont pas homologues. Les positions sont
celles du schéma suivant :
X] a
592 JEAN DEMOOR.
dans lequel le triangle 1, 2, 3 est à l'appui, le triangle A, B, C
au soutien.
L'insecte fournit à l'observateur, pendant la durée du dépôt
des membres, la décomposition de son double pas. Pendant tout
le temps de l'arrêt, il lui donne la preuve de l'alternance des
triangles d'appui à bases dirigées successivement à droite et à
gauche.
Cette position ne persiste pas longtemps. Ou bien l'animal
passe au repos en laissant aifaisser le corps et en ramenant les
pattes dans des positions homologues pour les membres de
même ordre ; ou bien il reprend sa marche et dans ce cas le
triangle à l'appui lors de l'arrêt, est projeté le premier
en avant.
L'appui par trois pattes est ainsi un fait acquis. La succession
des appuis se détermine facilement. On enduit les trois espèces
de membres de couleurs diiférentes. Dans les tracés donnés alors
par les insectes, il est facile de réunir par des lignes droites les
traces des pattes déposées simultanément sur le sol. On obtient
ainsi une série régulière de triangles orientés différemment
d'une figure à l'autre. (PI. XYin, fig. 1 et 2.)
Avant d'analyser quel est le mécanisme du changement de la
base de sustentation, d'étudier en conséquence, la cause de la
continuité dans le mouvement, nous devons donner quelques
détails sur l'isochronisme du travail des trois éléments consti-
tutifs du trépied.
La patte antérieure agit par traction, la patte postérieure
par poussée. Le membre moyen forme un instrument essentielle-
ment d'appui. Pour que la marche en ligne droite soit possible,
il faut que les quatre leviers vraiment agissants dans le travail
du transport : pattes antérieures et postérieures, soient intacts.
Si l'un de ces leviers n'accomplit pas sa besogne, ou ne la fait
qu'avec paresse, la progression cesse d'être rectiligne. Nous
avons eu l'occasion d'observer un carabus monilis, var. consitus,
chez lequel la patte antérieure droite présentait une disposition
anormale telle que le pouvoir tracteur de cet organe devait être
réduit. D'ailleurs, l'animal ne déposait pas cette patte à chaque
RECHEECHES SUR LA MARCHE DES INSECTES. 593
pas ; ce dépôt semblait douloureux. Les autres leviers, absolu-
ment normaux, effectuaient leurs fonctions d'une façon régulière.
L'action de la patte antérieure gauche l'emportait de beaucoup
sur celle de l'homologue droite; il en résultait une marche
suivant une courbe appartenant à une circonférence d'un rayon
très petit, variant de 0»i,10 à 0»»,25.
Lors du dépôt du trépied, les mouvements de chacune des
pattes sont simultanés. Lors de la levée, la patte postérieure
est toujours un peu en retard sur les deux autres. L'action du
membre postérieur est donc plus longue que celle des deux
antérieurs ; le dernier temps de sa poussée est très important.
On peut dire que ce dernier effort détermine et règle, dans une
grande mesure, les mouvements réactionnels du corps. Le pre-
mier temps de poussée est efficace pour la progression du corps
pendant le pas simple; le deuxième temps est favorable à la
formation du pas double : élément fondamental de la progression
continuée.
La valeur de la progression dans chaque pas simple a pour
mesure la longueur de projection de l'extrémité abdominale.
La longueur de la jetée des pattes, la quantité dont progresse
la partie antérieure du corps ne représentent pas, en effet, la
valeur du pas. Les courbures des membres antérieurs rendent
fautifs les résultats déduits de leurs mouvements. Les oscillations
de la tête sur le corselet et du corselet sur l'abdomen rendent
impossible l'estimation de la longueur du pas d'après la
progression de l'extrémité antérieure de la tête.
Les valeurs numériques du déplacement réel du corps n'ont
qu'une importance tout accessoire pour la compréhension de la
mécanique de la progression.
Mouvements généraux du corps.
La marche est caractérisée par la continuité dans le transport.
Elle est formée de la somme des déplacements peu importants
qui se font pendant les pas simples. Au premier pas succède un
second, à la première projection rectiligne postéro-antérieure
succède une deuxième.
594 JEAN DEMOOR.
Comment se font ces transmissions? Comment le corps
quitte-t-il momentanément l'instrument qu'il vient d'employer,
c'est-à-dire le trépied actif, pour se servir de l'outil homologue
qu'il trouve dans le trépied au soutien ?
Pour le comprendre, l'étude des mouvements généraux du
corps est nécessaire.
Ces mouvements sont de trois catégories :
1» Mouvements dans le sens liorizonal,
2° Mouvements de balancier dans le sens vertical,
3° Mouvements de balancier dans le sens transverse.
I. — Mouvement du corps dans le sens horizontal.
On constate facilement que dans la marche, le corps subit
des oscillations dans le sens horizontal. L'extrémité postérieure
du corps est portée successivement à droite et à gauche de la
ligne suivant laquelle se fait le mouvement, pendant que
l'extrémité antérieure est portée à gauche et à droite.
Si on fait marcher l'insecte sur un fond enduit de noir de
fumée, très souvent, l'abdomen touchant le sol à certains
moments de la progression fournit le tracé de ce mouvement.
En fixant à l'extrémité de l'abdomen un stylet léger dirigé en
bas et en arrière, on obtient des tracés parfaits de cette
oscillation. Sur de tels grapliiques (l'observation directe d'indi-
vidus armés ou non de stylet inscripteur suffit déjà) on constate
facilement que le corps est oblique d'avant en arrière, de gauche
à droite, pendant presque tout le temps d'appui du triangle à base
dirigée à gauche ; que, au contraire, il est oblique de droite à
gauche et d'avant en arrière pendant la plus grande durée de
l'appui du triangle à base droite. Au moment du dépôt d'un
triangle d'appui, l'obliquité de l'axe du corps est inverse de son
obliquité au moment de la levée de la patte postérieure de ce
système. A la levée de la patte postérieure, l'éloignement de
l'abdomen de la ligne de direction est maximum.
L'extrémité abdominale décrit, en conséquence, une serpen-
tine dont les positions extrêmes en dehors de la normale
correspondent aux levées des pattes postérieures.
RECHERCHES SUR LA MARCHE DES INSECTES. 595
Nous avons parlé antérieurement (p. 587) de l'action de la
patte postérieure par rapport à cette oscillation horizontale du
corps.
II. — Mouvements du corps dans le sens vertical.
Au moment où un système de trois pattes prend position sur
le sol, le corps est incliné de haut en bas, d'avant en arrière.
Pendant l'appui, cette inclinaison diminue petit à petit grâce:
10 à l'abaissement de la partie antérieure du corps due à
l'obliquité du plan dans lequel se meut la première patte, et
2° au relèvement de la partie postérieure du corps déterminé
par la foulée de la troisième patte. Quand un système de trois
pattes va se lever, le corps est horizontal, quelquefois même,
oblique d'arrière en avant, de haut en bas. H revient d'ailleurs
rapidement à l'obliquité inverse lors du premier temps d'appui
du trépied suivant.
11 est à noter que ce mouvement est un mouvement de
bascule, dans lequel le corps agit " in toto „ autour d'un axe
situé beaucoup plus en avant du corps qu'en arrière.
Les tracés donnés par les insectes courant sur du noir de
fumée présentent une alternance régulière dans l'intensité de
la courbe de l'abdomen, souvent même cette courbe est régu-
lièrement interrompue de place en place (pi. XVIII, fig. 2).
Ces faits résultent du mouvement vertical. Il est cependant
dangereux de se baser sur ces tracés pour étudier le phénomène.
L'insecte en marche présente ordinairement des mouvements
abdominaux nullement en rapport avec la locomotion. Ces
oscillations s'inscrivent et modifient les rapports entre les tracés
du mouvement vertical et ceux des pattes.
Ce mouvement est directement observable et voici une bonne
méthode pour l'étudier :
On fait marcher l'animal dans la chambre noire décrite plus
haut. En se couvrant la tête d'un voile noir analogue à celui
dont se servent les photographes, l'observateur examine, par la
paroi postérieure ouverte de la chambre, l'insecte sur le fond
596 JEAN DEMOOR.
lumineux de la fenêtre antérieure de la caisse. La silhouette
mobile de l'animai en marche est des plus intéressantes. Au
point de vue du mouvement vertical surtout, elle est instructive.
En tenant l'œil fixé à un niveau favorable, on voit, dès que la
patte postérieure est déposée, toute la surface tergale de
l'insecte. Insensiblement cette face tergale devient de moins en
moins visible, le corps se rapproche de la direction horizontale ;
bientôt on ne voit plus que la partie postérieure du corps, et
même quelquefois, au moment du dernier temps de la foulée, on
aperçoit la face sternale du corps depuis l'extrémité de l'abdo-
men jusqu'au niveau de la tête. La bascule du corps apparaît
ainsi dans toute son évidence.
m. — Balancement du corps dans le sens transversal.
Nous avons analysé ce mouvement en parlant des fonctions
de la patte moyeime. Le corps s'affaisse successivement à droite
et à gauche, du côté où la patte d'appui est sur le sol. Nous
avons montré que cet affaissement est nul, négatif même, au
moment où la patte moyenne se dépose ; qu'il se manifeste pen-
dant toute la période d'appui de cette patte, qu'il est maximum
approximativement au moment de la levée de cette patte.
Si on considère les trois fonctions que nous venons d'étudier,
au point de vue de leur continuité et de leur succession, de
leurs rapports avec le mouvement des pattes, il est à noter :
1° Que les deux premiers mouvements se font autour d'un
axe horizontal et d'un axe vertical situés très en avant du corps.
2" Que le troisième mouvement ne se fait pas autour de l'axe
longitudinal du corps.
Il en résulte que le centre de gravité de l'insecte qui, d'après
les curieuses et patientes recherches de Plateau (^), se trouve
dans le plan médian du corps, à la base de l'abdomen ou dans
la partie postérieure du thorax, ordinairement vers le milieu de
(') Plateau. Recherches expérimentales sur la position liu centre de gravitd chez
les insectes. Archives des sciences delà bibliothèque universelle. Janvier 1872.
RECHERCHES SUR LA MARCHE DES INSECTES. 507
la longueur du corps, que ce centre de gravité, disons-nous,
subit des déplacements provenant des trois mouvements du
corps.
Nous admettons parfaitement, avec le professeur Plateau,
que pendant la marche les déplacements du centre de gravité
autour de sa position moyenne doivent être très minimes, si on
considère les oscillations de ce point dans l'organisme même,
déterminées par les variations dans les divers organes. Mais si
on examine la position du centre de gravité par rapport au
triangle d'appui de la marche, les déplacements déterminés par
les mouvements du corps, sont relativement considérables et
absolument fondamentaux dans la mécanique de l'insecte.
Or, les trois oscillations corporelles atteignent leur maximum
au moment de la levée de la patte médiane d'appui, c'est-à-dire
au moment où un pas vient d'être terminé par le trépied d'appui.
Quelles sont les conséquences de chacun de ces mouvements?
L'oscillation verticale porte la région abdominale en haut, donc
élève le centre de gravité. Plus le centre de gravité du système
général de l'insecte sera élevé, moins la stabilité sera assurée.
L'oscillation horizontale portant la région abdominale et, en
conséquence, le centre de gravité vers la patte médiane, sommet
du triangle d'appui; le balancement transversal du corps déter-
minant l'affaissement du corps vers la même patte d'appui,
amènent la sortie du centre de gravité hors de la base d'appui
et la chute du corps de ce côté. Le corps oscille autour de la
ligne qui joint les extrémités des pattes antérieure et moyenne
de son trépied d'appui (PL XVIII, fig. 1 et 2). Et si on veut
y réfléchir quelque peu, tous les mouvements simples que nous
avons analysés contribuent à rendre ces chutes successives
faciles, et à rendre leur succession régulière.
Nous reviendrons sur ce sujet dans nos conclusions générales.
La marche chez les arachnides.
Nos recherches sur la locomotion des octopodes ne sont pas
suffisantes pour permettre l'énoncé d'une théorie générale.
598 JEAN DEMOOR.
Ces observations ont porté principalement sur le Buthus
australis (L.). Nos conclusions ne se rapportent donc, d'une
façon formelle, qu'au sous-groupe des scorpions. Nous n'infir-
mons en aucune façon l'exactitude des remarques faites par
Carlet (^) à propos de l'Epeira diadema ^, et dont nous avons
parlé plus haut ; mais, d'après des observations encore insuf-
fisantes sur Epeira (species?) dans lesquelles nous sommes
arrivés à des résultats différents, nous sommes obligés de serrer
de près les remarques de l'auteur français et de poser les
questions suivantes :
1» Quel était le volume de l'abdomen anormal de l'Epeira ?
2° Quelle était la nature de la piste fournie à l'animal ?
3" Quel degré de pente avait ce chemin ?
Il se pourrait bien, en effet, que la locomotion observée par
Carlet fût une locomotion anormale. Nous exposerons plus loin
les données qui nous permettent de faire cette hypothèse.
Marche du Buthus australis (L.).
Si on examine les quatre pattes d'un même côté, on observe
que la première et la quatrième se déposent en même temps sur
le sol. La première patte, lors du dépôt, place ses articles pour
ainsi dire dans le prolongement les uns des autres. Son action
consécutive se fait par augmentation de la courbure générale,
l'extrémité de la patte restant fixée sur le sol et le corps étant
attiré vers ce point stable. La patte postérieure est plus longue
que l'antérieure, la foulée qu'elle fait faire est d'une valeur de
projection plus grande que la traction dont est capable le
membre antérieur. Aussi voit-on que la quatrième patte reste
plus longtemps fixée sur le sol que l'antérieure. Elle a une
valeur agissante plus grande que cette dernière.
Le mouvement des deux pattes moyennes (2^ et 3^) est alter-
natif : l'une se dépose, l'autre se lève. Dans ces déplacements,
il y a un temps pendant lequel les deux pattes sont appuyées
(*) Carlet, /. c.
RECHERCHES SUR LA MARCHE DES INSECTES. 599
simultanément. De sorte que la succession des temps est la
suivante : 1°, la 3^ se rapproche de la 2^ ; 2», les deux pattes
rapprocliées restent un moment appuyées toutes les deux ; 3", la
2e patte se projette en avant; 4°, la 3^ se lève au moment où
la 2e touche terre.
La première et la deuxième pattes ont des mouvements
régulièrement alternatifs. Au dépôt de l'une correspond la levée
de l'autre. Mais point important à noter, ces deux membres
sont des leviers de traction. L'extrémité de chacune de ces
pattes ne dépasse jamais en arrière, le plan transversal mené
par leur insertion au corps ; leurs directions sont sensiblement
parallèles.
Les pattes 3 et 4 alternent aussi dans leurs mouvements,
un temps d'appui commun interrompant leurs oscillations.
Pendant la période de double appui, les extrémités de ces deux
pattes se trouvent sur une même ligne transversale, la troisième
interne vis-à-vis de la quatrième. De même que les deux pattes
antérieures (1^ et 2^) sont tractives, de même les pattes posté-
rieures (3e et 4e) forment des instruments de pulsion, leur
point de fixation se trouve toujours en arrière du plan trans-
versal mené par la région du corps où s'articulent ces membres.
La pe et la 3e pattes alternent régulièrement dans leurs
actions, la levée de l'une et le dépôt de l'autre sont isochrones.
La 2e et la 4e pattes se lèvent et se déposent simultanément.
Pour les deux séries de pattes : droite et gauche, il ne suffit
pas de dire que les pattes de même ordre ne se meuvent pas en
même temps. Il est nécessaire d'examiner de près la corrélation
des différents stades.
Les 2 pattes antérieures alternent régulièrement entre elles,
de même que les quatrièmes. Nous avons décrit plus haut des
temps de double appui pour les pattes d'un même côté du corps.
Les valeurs de ces repos communs varient avec la vitesse de
progression. Il en résulte que, suivant la rapidité de la marche,
les pattes de même ordre pourront se trouver, pendant un
temps variable, ensemble sur le sol. Le tableau des rapports
entre les mouvements des pattes moyennes (2e et 3e) droites et
600 JEAN DEMOOR.
gauches dépend aussi entièrement du rapport existant entre le
balancement de la patte antérieure d'un côté et le déplacement
de la patte postérieure du côté opposé, la levée de l'une
pouvant coïncider avec l'appui de l'autre, ou en être séparée
par un temps d'appui commun.
Le scorpion en marchant tient ses pinces écartées; les
branches de chacune de ces pinces sont également distantes.
Aucun mouvement régulier de ces organes volumineux et
pesants n'est en relation avec les différents temps de la marche.
Le corps, pendant la progression, est successivement déjeté
à droite et à gauche. Il est fortement relevé sur les pattes, sa
distance du sol est de 1/2 à 3/-1 centim.
Lors de la station, le corps s'affaisse sur les membres et vient
toucher terre par toute sa longueur. Les pinces antérieures se
déposent sans se fermer. — Cette position est passagère. —
L'animal entre au repos : Le corps se ramasse fortement dans
le sens antéro-postérieur, les membres se replient; les pinces se
ferment et se retirent sous le corps.
Le scorpion présente comme les insectes, mais d'une façon
beaucoup plus nette, certains arrêts qui sont des plus intéres-
sants à étudier. Ces interruptions correspondent à une sorte
d'étonnement de l'animal. Elles se produisent très souvent quand
des modifications, grandes et subites, sont déterminées dans les
conditions externes. La projection d'un faisceau lumineux
intense sur la piste, la production d'un bruit subit, la chute
d'un corps solide devant l'animal, l'insuiflation d'air chaud et
humide surtout, sont des moyens pour les provoquer.
L'animal arrête donc brusquement sa marche. Les membres
à l'appui y persistent. Les membres au soutien s'abaissent
lentement, en conservant les rapports qu'ils avaient entre eux
et avec les autres membres. Or les scorpions lèvent fortement
les pattes pendant la progression; si le moment de l'excitation
est favorable, il est on ne peut plus aisé d'étudier le dépôt
des pattes qui étaient au soutien ; leur descente dans une de nos
expériences a duré approximativement trois secondes.
Bientôt l'animal, ou reprend sa course ce qui est le cas
RECHERCHES SUR LA MARCHE DES INSECTES. 601
général après une excitation lumineuse ou auditive, ou prend
la position de repos ce qui est habituel dans le cas de l'emploi
de l'air chaud et humide.
La durée de la période transitoire est assez longue; elle nous
a suffi dans tous les cas pour prendre le croquis des organes de
la locomotion (PI. XIX, fig. 15).
En considérant les mouvements des pattes et leurs positions
dans les stades de repos, nous pouvons comprendre le système
mécanique en présence duquel nous nous trouvons. Pour toute
l'analyse des mouvements combinés qui suit, voir la figure (PI.
XIX, fig. 15) qui représente la position des pattes pendant
un des arrêts observés par nous.
Les quatre pattes moyennes forment sans cesse un triangle.
Le sommet en est formé par les deux pattes en appui commun
pendant un certain temps, les angles à la base sont constitués
par les pattes moyennes du côté opposé, précisément distantes
l'une de l'autre au moment où celles du côté opposé ont leurs
extrémités réunies. Par le jeu des pattes de la deuxième et de la
troisième paire, le triangle se déplace de façon à avoir son
sommet successivement à droite et à gauche. Pendant que le
triangle formé par les pattes médianes a son sommet dirigé à
droite, par exemple (PI. XIX, fig. 15) les pattes antérieure
et postérieure du même côté agissent, la première par traction,
la seconde par pulsion. La deuxième patte droite se lève bientôt
et se projette en avant. Le sommet du triangle de droite devient
gauche, car la troisième patte gauche se rapproche de la se-
conde d'un mouvement à peu près isochrone à celui de la
deuxième patte. La première patte droite termine sa traction,
la première gauche a commencé son eifort efficace pour le
transport. La quatrième droite finit sa pulsion un peu après que
la première patte du même côté a terminé son travail. Au
moment où la quatrième droite finit la poussée, la quatrième
gauche se met à l'œuvre par augmentation de l'angle genual
qui mesure à ce moment 90».
En somme, l'animal se sert des quatre pattes moyennes pour
former la base de sustentation. La forme triangulaire de cette
602 JEAN DEMOOR.
figure est analogue à la surface d'appui des insectes. Cette
figure se déplace à chaque pas : la base est droite, puis gauche
(PI. XVIII, fig. 3). Mais il est évident que, pendant ce change-
ment, au moment par exemple où le sommet est à droite, la
deuxième patte de ce côté et la troisième gauche se levant
simultanément, il y a im temps durant lequel la base d'appui
est exclusivement formée par la droite joignant les extrémités
des pattes deuxième de gauche, troisième de droite. Le corps
en équilibre instable sur cette ligne, poussé par la patte posté-
rieure droite et attiré par la première patte du même côté,
basculera au-dessus de cette ligne, tombera jusqu'au moment où
la deuxième patte droite, s' étant de nouveau appuyée, aura fermé
le triangle qui dès lors est à base droite. En ce moment le centre
de gravité est de nouveau compris dans la base de sustentation.
Le pas vient d'être terminé.
Les pattes antérieures et postérieures sont les véritables
organes actifs de la marche; les pattes moyennes sont les
membres d'appui.
Nous avons insisté sur le fait que la poussée de la quatrième
patte est plus longue que la traction de la patte antérieure;
nous avons dit aussi que la deuxième patte droite, par exemple, se
lève un peu avant la troisième gauche.
Nous comprenons maintenant l'importance de ces retards.
Les deux efforts continués font, en effet, que le centre de gra-
vité est déjà propulsé avant que le triangle d'appui ne s'ouvre.
Il en résulte que la bascule du corps autour de la Ligne de
support doit se faire inévitablement en avant. Il doit se faire
inévitablement de par la loi de la chute des corps. L'intervention
de l'action musculaire n'est pas nécessaire en ce moment pour
assurer la progression. — La chute en arrière amènerait le
renversement de l'animal, l'interruption de la marche ; la tombée
en avant amène la formation du pas.
Dans ce que nous venons de dire sur le rôle des pattes de la
deuxième et de la troisième paire, nous avons été trop exclusifs.
Leur rôle principal est le soutien du corps, sans doute. Mais
ces membres interviennent aussi, les deuxièmes dans la traction,
EECHERCHES SUR LA MARCHE DES INSECTES. 603
les troisièmes dans la pulsion. Leur orientation que nous avons
fait connaître plus haut, leur permet d'accomplir cette fonction
accessoire.
La hauteur de suspension du corps, l'oscillation horizontale de
celui-ci, rendent, comme on le comprend aisément, la bascule
de la massepesante au-dessus de la ligne d'appui beaucoup plus
commode.
Il est utile de rebrousser un peu chemin et de voir ce que
devient cette étude de la marche du scorpion en présence des
observations de Oarlet (^) et de Wilkins (-). La locomotion
de l'Epeira diadema S. est-elle donc essentiellement dilférente
de celle de cet autre octopode : le Buthus australis ?
En premier lieu, la petitesse relative de l'Epeira en rend
l'observation beaucoup plus difficile que celle du scorpion.
Chez Epeira (species ?), nous sommes parvenus à suivre le
mouvement des pattes. Mais étudier les temps de double appui
des différents membres était impossible. La vitesse s'opposait
à cet examen.
En second lieu, comme Carlet le dit lui-même, chez la femelle
l'abdomen volumineux constitue un fardeau qui retarde l'allure ;
et l'allure n'est-elle pas aussi changée ? Il est évident, toute
la série des insectes le prouve, que l'action de la patte
postérieure augmente à mesure que le poids de la portion
abdominale s'accroît. Cette patte est toujours en retard sur la
patte antérieurs lors de la levée, nous en avons donné la raison
théorique plus haut. Plus l'abdomen est lourd, plus, on le
conçoit, ce retard est grand ; à tel point même que la surcharge
expérimentale de l'abdomen détruit absolument la simultanéité
d'action des pattes antérieure et postérieure de l'insecte.
L'araignée que nous avons observée ne nous a pas donné l'allure
décrite par Carlet, elle nous a présenté le système de mouvement
du scorpion. Malheureusement, comme nous le disions plus haut,
la petitesse de cette espèce et sa marche assez précipitée ne
Carlet, l. c.
Wilkins, /. c.
39
604 JEAN DEMOOR.
nous ont point permis de faire l'analyse complète de sa progres-
sion. Mais en faisant marcher cette araignée sur une surface
lisse et quasi verticale nous avons vusemodifier l'allure de l'ani-
mal ; nous avons pu tracer alors le tableau que Carlet nous a
fourni pour l'Epeira diadema.
Les conclusions de Carlet sont-elles donc applicables au
transport normal ? Nous en doutons ; nous nous croyons en
droit de les éliminer provisoirement.
Demandons de nouvelles recherches sur la marche des
araignées.
Nous ne doutons guère du résultat de ces études; nous osons
penser, d'après des observations trop incomplètes certainement,
que la marche de l'araignée présente une grande analogie avec
selle du scorpion. Si nos prévisions sont vérifiées, nous pourrons
généraliser nos conclusions et les étendre, à tout le groupe des
octopodes. Peut-être même, un seul système mécanique régit-il
les transports hexapode, octopode, décapode (*).
Conclusions générales.
Les hexapodes, dont on a exactement défini le système de
progression par la désignation : système du double trépied, ont
une base d'appui triangulaire. Le corps en équilibre sur les
pattes, bascule bientôt autour de la ligne représentée par le
côté antérieur de ce triangle, grâce aux mouvements combinés
des trois pattes, les pattes antérieure et postérieure d'un même
côté (celui de la base du triangle) agissant d'une façon réellement
active pour déterminer la chute. Dans les éléments constitutifs
(*) D'après des expériences personnelles faites pendant un temps malheureusement
trop court sur ditterent décapodes.
Depuis la présentation de ce travail, nous avons eu l'occasion d'étudier en détail un
grand nombre de crustacés. Nous avons pu voir que notre hypothèse sur leur méca-
nique était justifiée. Le détail de ces observations paraîtra ultérieurement. Mais nous
tenons dès maintenant, à remercier publiquement Monsieur le professeur de Lacaze
Duthiers qui a bien voulu nous recevoir dans ses laboratoires de Roscoff et de
Eanyuls-s-m.
EECHERCHES SUR LA MARCHE DES INSECTES. 605
du trépied d'appui sont donc compris les leviers nécessaires à
la progression.
Les scorpions (peut-être tous les octopodes) ont aussi une base
de sustentation triangulaire. Le pas est également déterminé par
la bascule du corps autour du côté antérieur du triangle. Mais
chez eux, ce mouvement est obtenu par des pattes actives qui
sont indépendantes du triangle soutenant le corps.-— Les mêmes
eftéts sont donc obtenus, d'une façon homologue, chez les deux
types. Le système du scorpion doit être nommé : système du
trépied unique et variable avec organes actifs externes.
Les deux mécanismes sont semblables. L'infériorité du
système octopode peut être résumée dans ces mots : multi-
plicité inutile d'organes.
La loi qui régit les marches bipède et quadrupède est aussi
celle qui domine les marches hexapode, octopode, décapode ('?).
La marche est déterminée par la sortie du centre de gravité
des bases de sustentation que l'organisme se procure succes-
sivement.
Et, à l'opposé de P. Bert, nous appliquons au transport
terrestre des insectes et des scorpions, des araignées et des
crustacés probablement aussi, comme à la marche de l'homme et
des quadrupèdes, la définition générale :
La marche EST une série de chutes SUCCESSIVEMENT ARRÊTÉES.
En terminant ce travail, qu'il nous soit permis d'adresser
nos plus vifs remercîments à MM. les professeurs Yseux et
Plateau qui ont bien voulu nous guider de leurs conseils.
606 JEAN DEMOOa.
EXPLICATION DES PLANCHES.
Planche XVIII.
Fig. 1. Traces laissées sur papier par Meloe proscarabeus dont les
jjattes étaient enduites de couleurs.
Vert : Patte antérieure ; rouge brun : Patte moyenne ; violet :
Patte postérieure.
Fig. 2. Traces laissées par Ateu chus puncticollis. — Mêmes couleurs.
La trace noire sinueuse et médiane est celle de l'abdomen qui
était armé d'un stylet inscripteur.
Dans les fig. 1 et 2, les trépieds d'appui sont représentés par
les triangles pointillés. Les triangles à base droite sont
dessinés à l'encre verte, ceux à base gauche à l'encre rouge.
Fig. 3. Traces de la marche du BUTHUS AUSTRALIS.
Vert : Traces des deux premières pattes.
Violet : Id. dernières pattes.
Les trépieds d'appui sont représentés par les triangles poin-
tillés. Les triangles à base droite sont dessinés à l'encre
rouge; ceux à base gauche à l'encre verte.
Planche XIX.
Fig. 1. Patte antérieure droite, vue par la face sternale. — (Stade
moyen de traction.)
Fig. 2. Patte antérieure droite. — Cavité articulaire pour la hanche;
(ax) axe du corps.
Fig. 3. Patte antérieure droite. — Hanche (h); trochanter (tr.);
fémur (/■) ; vus par la face sternale ; (ax) axe du corps.
Fig. 4. Patte antérieure droite. Extrémité inférieure du fémur. —
(Cavité articulaire de sa paroi inférieure, (c) ; cavité articu-
laire de sa paroi supérieure, (c'); paroi externe, (pe); paroi
interne, (pi)-)
RECHERCHES SUR LA MARCHE DES INSECTES. 607
Fig. 5. Patte antérieure droite. Extrémité supérieure de la jambe. —
Condyle de la face inférieure, (a).
Fig. 6. Patte moyenne droite, vue par la face sternale.
Fig. 7. Patte moyenne droite. Cavité articulaire pour la hanche ;
(rtx) axe du corps.
Fig. 8. Patte moyenne droite. Hanche, (h) ; trochanter, (f,r) ; fémur,
(/") ; vus par la face ventrale.
A. Les segments sont représentés sur un seul plan. L'exten-
sion est totale.
B. Les segments sont dessinés en perspective. Demi-extension;
(ax) axe du corps.
Fig. 9. Patte moj'enne gauche. Extrémité de la jambe et tarse au
moment du dépôt du membre.
Fig. 10. Patte moyenne gauche. Extrémité de la jambe et tarse à la
fin du stade d'appui.
Fig. 11. Patte postérieure droite, vue jîar sa face ventrale.
Fig. 12. Patte postérieui-e droite. Cavité articulaire pour la hanche.
{ax) axe du corps.
Fig. IB. Patte postérieure droite. Extrémité inférieure du fémur.
Cavité articulaire de la paroi inférieure, (c) ; cavité articu-
laii-e de la paroi supérieure, (c') ; échancrure de la paroi
externe, (e).
N. B. — Les figures 1-8 et 11-13 sont faites (Vaprès Oryctes
NASICORNIS. Les figures 9 et 10 d'apr<'s GeotruPES VERNALIS.
Fig. 14. Traces laissées par Melœ PROSOARABEUS marchant sur une
lame de verre enduite de noir de fumée.
\ x) Traces des griffes terminales du tarse.
Patte antérieure', ,_ -, . n -p.- -, • ^
1 ,3) Traces de la race mierieure des articles.
' c) Traces des griffes terminales du tarse.
Patte moyenne -> d) là. successives des différents articles tarsiens.
' e) Trace de l'épine de l'extrémité supérieure du tarse.
Patte postérieure (/") Traces.
Fig. 15. Croquis des organes de la locomotion du BUTHUS AUSTRALIS,
pris pendant un stade d'arrêt.
1, 2, 3, 4 : Pattes droites.
a, b,c, d : Id. gauches.
b, c, 2, 3 : 4 pattes moyennes formant le triangle d'appui.
608 JEAN DEMOOR.
1, 4. Première et quatrième pattes droites, en appui et agis-
santes au moment de l'obsei-vation.
a, cl. Première et quatrième pattes gauches; au soutien lors
de l'observation, mais s'étant déposées pendant la durée
de l'arrêt.
Planche XX.
Fig. 1. Piste à obscurité croissante.
P : plancher, L : lame fixe, L' : lame mobile, 0 : Extrémité
ouverte de la piste, F : fond, ce' : cadres triangulaires, D :
diaphragme, Fe : fenêtre mobile.
Fig. 2. Chambre noire.
Pp : paroi postéiùeure, Ps : paroi supérieure mobile, Pa :
pai'oi antérieure pourvue d'une fenêtre, LL' : lattes
internes, EE : échelle.
Laljoratoire de Patliologie piiérale de Bolope.
Sur la kératinisation du poil et les altérations des
follicules causées par l'épilation (i),
LE Dr Sébastien GIOVANNINI,
Professeur de Dermatologie el de Syiiliilngra|)liic à rUniversilé de Turin.
(Planches XXI k XXIV
Dans la présente publication , je me propose de faire
connaître les résultats d'une série de recherches microscopiques,
faites directement sur le cuir chevelu, enlevé sur des vivants,
pour déterminer :
1» les altérations qui se produisent dans les follicules au
moment de l'arrachement du poil ;
2" les modifications régressives qui ont lieu dans le follicule
après l'arrachement du poil.
Ce qui m'a déterminé à entreprendre cette étude d'alopécie
produite artificiellement sur l'homme, a été, non seulement la
considération qu'elle pourrait contribuer à accroître nos
connaissances sur la physiologie et sur la pathologie du poil,
mais aussi l'espoir que les faits établis dans ces recherches
pourraient rendre plus facile et moins incertaine, que par le
passé, l'interprétation de ce que l'on peut observer dans les
follicules de l'homme à l'occasion de la perte des poils, dans des
conditions soit normales, soit pathologiques.
(') Dans le travail intitulé Un la réiji'néraïkm des poils après l'épilation et publié
dans les « Archiv fur inikroskop. Anatomie (Bd. XXXVI, S. 528) » on a renvoyé le
lecteur à la planche III, (ig. 17, 13, 12, lo du travail que nous publions dans ces
Archives. Nous devons prévenir que, par suite de modifications apportées dans la
numération des planches et des figures annexées au présent mémoire, la pi. III sus-
indiquée est devenue la pi. XXIV et les fig. 17, 13, 12, 15 les fig. 12, 8, 7, 10.
610 SÉBASTIEN GIOVANNINI.
Quelques-uns des résultats de mes recherches ont déjà été
publiés, partie dans une note préliminaire (^), partie dans une
publication particulière de circonstance, dont il a été tiré cinq
exemplaires seulement {^), et partie dans une communication
faite à l'Académie royale des sciences de Turin, dans la séance
du 18 avril 1890 (^). Mais ce n'est qu'aujourd'hui que ce
travail paraît avec le caractère d'une publication définitive.
Pour les observations qui forment le sujet du présent mé-
moire, la peau fut fournie volontairement par des personnes
jeunes , saines et pourvues d'une riche chevelure. Le plus
souvent cette peau fut prise dans la région occipitale, dont une
partie avait été très soigneusement épilée auparavant. On
l'exportait dans toute son épaisseur, par portions longues d'un
centimètre et larges de cinq millimètres environ. Le plus sou-
vent, chacun de ces lambeaux de cuir chevelu fut fourni par des
sujets différents ; mais quelquefois le même sujet fournit deux
ou même trois de ces lambeaux.
Immédiatement après l'excision, la peau fut fixée, selon les
indications de Flemming, dans une solution composée des acides
osmique, chromique et acétique, et, après une préparation oppor-
tune, elle fut convenablement sectionnée avec le microtome. Je
pratiquai toujours les coupes de manière que les follicules
fussent sectionnés transversalement ; quelques rares fois aussi,
dans des fragments de la peau excisée, je les pratiquai dans la
direction de l'axe du folHcule. Les coupes, disposées en séries
sur le porte-objets, de la manière déjà décrite dans un autre
travail (*), furent colorées exclusivement avec le violet de mé-
(') GiovANNiNl. — liilonio aile uUcru-Jnni dei follicoli lìdia dcpiluziouc ed al inailo
di generarsi dei peli nuovi. Bologna, -1888. Hugia tip.
(^) Idem. — Tavole i.stolor/iche rappresentanti le alterazioni dei follicoli nella depi-
lazione ed il modo di i;eneraisi dei peli nuovi. Bologna, 1881). lîegia lip.
(') Idem. — Delle alteraz.oni dei follicoli nella depilazione e del modo di (jcne arsi
deipeli nuovi. [Giornale della R". Accademia di Medecina di Torino, I89i, page 338.)
(*j GlOVANNiNl. — Sullo sviluppo normale e sopra alcune alterazioni dei peli
umani {Atti della R. Accademia medica di Roma. Anno XIII, 1886-87, serie II,
voi. III. Vierteljahressclirift f. Dermatologie u.Sìjphilis, 1887, p. 1049).
SUR LA KÉRATINISATION DU POIL. 611
thyle ; ensuite, avant de procéder à leur décoloration, au
moj^en de l'alcool absolu et de l'essence de girofle, elles furent
mises en contact avec une solution composée, suivant les indi-
cations de Bizzozero (^), d'une partie d'acide cliromique sur
mille parties d'eau.
Je préférai sectionner les follicules en sens transversal,
parce que, leur direction, dans le cuir, étant variée, les coupes
longitudinales qu'on essaye de pratiquer deviennent presque
toujours obliques, et parce que, avec les coupes transversales
disposées en séries, on arrive toujours à composer graphique-
ment les coupes longitudinales des follicules.
La méthode que j'ai toujours suivie dans la composition de
ces coupes longitudinales, est la suivante :
Au moyen de la chambre claire, au grossissement constant
de 200 diamètres, avec lequel ont été faits tous les dessins des
planches jointes au présent travail, j'obtenais d'abord les
contours des diverses parties contenues dans chaque coupe
transvei^sale du follicule que je voulais représenter graphique-
ment en coupe longitudinale; ensuite, d'après ces dessins, je
reportais les diamètres de ces diverses parties sur des lignes
parallèles distantes de deux millimètres l'une de l'autre, dis-
tance qui représentait conventionnel! ement l'épaisseur de chaque
coupe transversale. Les règles que j'ai observées dans cette
représentation graphique, sont les suivantes :
Pour la partie de la racine du poil qui s'étend depuis la matrice
jusqu'à l'extrémité du collet, je reportai, tel quel, le diamètre de
chaque coupe transversale, quand celle-ci se présentait de forme
ronde, et le diamètre moyen, quand la coupe présentait une forme
plus ou moins ovale. Des coupes transversales de la partie radi-
culaire de la tige du poil, je reportai le diamètre le plus court.
Des diverses couches de la gaine radiculaire interne, je re-
portai leur épaisseur normale .
De la papille, je reportai le diamètre moyen de la coupe
transversale.
(') Bizzozero. — Sullu pioduzinne c sulla rigeneiazione fisiologica degli elementi
glandìdari. [Archivio per le scienze mediche^ voi. XI, 1887, p. 200.)
612 SÉBASTIEN GIO VANNINI.
Quant à la cavité du follicule, je reportai le diamètre le plus
grand de la portion que j 'indiquerai plus loin comme étant la plus
lente à s'atrophier, et le diamètre moyen du reste du follicule.
Les diverses zones de kératinisation des poils et de la gaine
interne de la racine, le pigment, les fragments de la substance
kératinisée, la kératoliyaline, etc., furent aussi marqués dans
les dessins longitudinaux, conformément à la position de ces
parties, dans les coupes transversales correspondantes.
Quant aux cellules en karyokinèse, tant de la matrice des poils
et de celle de la gaine interne de la racine que de la papille et
des parois folliculaires, je ne représentai pas seulement celles
qu'on rencontrait sur le diamètre de section transversale, mais
toutes celles qu'on observait dans ces parties, dans les diffé-
rentes coupes transversales d'un même follicule, et je les projetai
à la place voulue dans la coupe longitudinale correspondante.
Pour donner une empreinte plus grande de vérité aux dessins
des coupes longitudinales des follicules obtenus de la manière
décrite ci-dessus, j'ai reproduit divers détails des meilleures
coupes longitudinales réelles que j'avais à ma disposition.
Quant à la littérature relative aux altérations des follicules
dans l'épilation, elle est encore très pauvre. Les connaissances
que nous avons sur ce sujet, relativement aux animaux, nous
ont été procurées indirectement par des auteurs qui se pro-
posaient d'étudier la régénération du poil.
Parmi eux il faut mentionner, tout d'abord, Heusinger (i)
qui, à l'examen des follicules des poils de la moustache d'un
chien, après l'arrachement , découvrit les particularités
suivantes :
" Aussitôt après l'arrachement du poil, une goutte de sang
" paraît à l'orifice supérieur de la bourse. Si on ouvre celle-ci,
" de deux à vingt heures après l'avulsion, on trouve la substance
" charnue gonflée et remplie de vaisseaux.
" Trois jours après l'arrachement, j'ai retrouvé cette sub-
(') Heusinger. — Sur la régénération dea poilu [Journal complémentaire du Diction-
naire des Sciences médicales^ t. XIV, 1822, p. 339).
SUR LA KÉRATINISATION DU POIL. 613
" stance, à peu de chose près, dans son état ordinaire. On
" aperçoit, dans son milieu, une masse noirâtre et friable qui
" s'étend depuis le fond de la bourse jusqu'au milieu de la
" hauteur de la substance charnue. „
De longues années après, Vaillant, faisant des expériences
sur le cochon d'Inde, nous fit aussi connaître quelques parti-
cularités sur les parties qui suivent le poil et sur l'état du folli-
cule dans r epilation. Quant au premier de ces points, il dis-
tingue plusieurs cas:
Lorsque le poil est encore très jeune, " il ne paraît alors,
" écrit Vaillant (^), avoir contracté que de faibles adhérences
" avec la tunique vaginale interne, car, arraché, il n'en entraîne
" aucune portion. Quant à la papille, tantôt elle suit en partie
" le bouton, tantôt, et c'est le cas le plus ordinaire, elle reste
" adhérente au fond du follicule.
" Un peu plus tard, la forme restant la même, une adhérence
" intime s'établit entre le poil, la tunique vaginale interne et
" la papille, si bien que les trois parties sont arrachées en
" même temps.
" Enfin, lorsque le poil atteint les dernières limites de son
" existence, le bouton disparaît, la papille se flétrit, et la tige
" descend, en restant cylindrique, jusqu'au fond du follicule,
" auquel il adhère si fortement, que, en l'arrachant, on enlève,
" outre la gaine vaginale interne, une portion de la membrane
" propre qui coiife comme d'un capuchon l'extrémité de la
" racine. ,,
Touchant l'état du follicule après l'épilation. Vaillant (^),
faisant des expériences sur le cochon d'Inde, ne vit point
apparaître une goutte de sang à l'orifice du follicule aussitôt
après l'arrachement du poil, comme l'avait observé Heusinger
sur le chien. Toutefois " pendant les premières vingt-quatre
" heures, ajoute-t-il, le follicule nous a paru rempli de sang, mais
(*) Vaillant. — Essai sur le système pileux dans l'espèce humaine. {Thèse du
doctoral, Paris, 1861, p. T 4.)
(-) Vaillant. — Loc. cit., p. 7!2 et 7;i.
614 SÉBASTIEN GIOVANNINI.
" par repletion du sinus de la membrane propre, sans que ce
" fluide nous ait jamais paru pénétrer au lieu et place du poil.
" Dès le second jour, l'épancliement sanguin diminue; la
" gaine externe de la racine, qui ne suit pas le poil arraché,
" forme alors une espèce de cylindre renfermé au centre du
" follicule, terminé en cul-de-sac inférieurement, plein et
" continu à l'épiderme supérieurement. On n'y distingue rien
•' qui paraisse représenter la tunique vaginale interne. Les
" glandes sébacées restent d'ordinaire en place. En écrasant le
" follicule, il est facile d'extraire tout, ou portion, du cylindre
" intérieur; on voit qu'il est composé d'éléments nucléaires
" granuleux de O^m^oos à O^ni^oiO avec des nucléoles brillants.
" C'est bien là l'aspect des cellules de la gaine externe de la
" racine chez le cochon d'Inde. „
Enfin, Stroganow (^), ayant examiné la peau du dos sur le
chien, quelque temps après l'épilation, s'exprime de la manière
suivante sur le détachement du poil et sur l'état des follicules :
" Bei der untersuchung habe ich gefunden, dass kiinstlich
" nicht aile Haare vollkommen herausgezogen werden, sondern
" die meisten brechen im obersten Theile des Haarsackes ab,
" seltner am Haarbulbus und noch seltener unterhalb desselben,
" so dass das Haar von der papille vollkommen getrennt wird.
" Wenn der Bulbus herausgezogen wird, so bilden sich gewohn-
" lich amm 3 bis 5 Tage nach der Operation an der Oberflàche
" der papille junge pigmentirte zellen, welche lângst des
" Haarsackes allmâhlich fortkriechen und endlich den ganzen
" Sack erfiillen, was man nach Verlaufe von 3-5 Wochen
" deutlich sehen kann. Die Lage dieser zellen bleibt sehr
" lange Zeit unregelmâssig. „
Évidemment, ces recherches, faites dans un temps où la
science avait à sa disposition des moyens beaucoup moins
parfaits qu'aujourd'hui, nous disent bien peu de chose sur les
altérations immédiates et successives que l'on rencontre dans
(') Stroganow. — Ueher die Regeneration der Haare [Cenlralblali fur die medici-
nischen Wissenschafien, 18ti9, p. 315).
SUE, LA KÉRATINISATION DU POIL. 615
les follicules après 1' epilation. On peut même dire que ces
questions, que je me suis proposé de résoudre en vue de
l'homme, dans le présent travail, n'avaient pas encore trouvé
une solution exacte dans les recherches faites sur les animaux.
Du reste, personne, que je sache, n'avait encore excisé, sur
l'homme vivant, la peau du cuir chevelu, dans l'intention d'y
observer les modifications des follicules, après 1' epilation.
L'examen du poil arraché a été, jusqu'à présent, l'unique crité-
rium qui pouvait servir, en quelque manière, à faire connaître
indirectement les altérations produites dans les follicules de
l'homme, à la suite de l'épilation. Quant aux résultats de cet
examen, il en est fait mention dans divers auteurs : Par
exemple, Kôlliker (^) écrit, sur cette question : " En arrachant
" un poil, souvent on enlève en même temps la partie supérieure
" de la gaine externe de la racine, quelquefois cette gaine tout
" entière La gaine interne existe quelquefois tout entière
" sur des poils qu'on vient d'arracher. „ Wertheim (^), en par-
lant de la structure des poils, touche aussi, en passant, la ques-
tion de l'épilation : " Ein friche ausgerissenenes Haar, dit-il,
" besitzt jederzeit ein en vom pigment entblossten und papil-
" lenlosen kolben. Augenscheinlich wird ersteres auf dem
" Wege an den Wànden des Balges abgestreift, und letztere
" bleibt bekanntlich jedesmal im Balge zuriick. „ Enfin Wal-
deyer (^) s'exprime ainsi, relativement aux parties qui suivent
le poil arraché : " Wird ein noch vollstàndig lebensfrisches
" Haar ausgerissen so folgen gewôhnlich beide Wurzels
" scheiden dem Zuge ; die Glashaut und die papille bleiben
" aber am Haarbalge zuriick, ebenso immer einzelne Eeste der
" àusseren Wurzelscheide, „
(') KoLUKKR — Eléments d'lnx(olo(jie humaine. Traduction de MM. Ddclard et
Sée. Paris 1851!, p. 170.
(-) G. Wf.rthf.im. — Ueber dcn Bau dea IlimrbuUjex behn Menxchcn ; ferner iiber
einiye den Haarnachwiichs betrejjende punkle. {Sitzitngsberichie der Sialhematisch-
Naturwixsenschaftlichen. Classe der kaiserlichen Akademie der Winsenscbaften. L.
Bd. Abl. -1804, p. 302.)
(5) Waldeter !(. Grimm. — Allas der menscidichen und thierischen Haare. Lahr,
1884, p. 29.
616 SÉBASTIEN GIOVANNINI.
Comme on peut voir, les opinions du premier et du dernier
de ces auteurs ne sont pas tout à fait d'accord surla portion de
la gaine externe de la racine qui suivrait', le plus souvent, le
le poil arraché, et sur la fréquence avec laquelle la gaine
interne de la racine suivrait le poil. En outre, il est presque
superflu d'ajouter que ce que l'on sait sur le poil arraclié est
bien loin de donner un critérium suffisant pour en déduire le
véritable état du follicule après 1' epilation.
Mais si, jusqu'à présent, on savait peu de chose relativement
aux altérations des follicules, chez l'homme, au moment de
r epilation, on n'avait absolument aucune connaissance positive
sur les modifications successives auxquelles les follicules sont
sujets.
Avant de parler des altérations des follicules produites par
l'épilation, je crois utile de faire connaître quelques observa-
tions SUR LA KÉRATINISATION DU POIL ET DE LA GAINE INTERNE DE LA
RACINE, observations que j'ai eu l'occasion de faire pendant que
je me livrais à l'étiide des altérations susdites (^). Les faits que
je vais exposer à ce sujet, n'ont pas seulement une importance
en eux-mêmes, mais ils sont, en grande partie, indispensables
pour comprendre ce que je dirai plus loin.
Il faut d'abord remarquer que, avec la méthode de fixation et
de coloration employée dans ces recherches, la kératohyaline ne
prend une coloration très noire qu'à la périphérie des lambeaux
de peau qui sont soumis à l'examen, c'est-à-dire, seulement là
où le mélange chromo-osmio-acétique de Flemming a agi avec
plus d'intensité. La kératohyaline se présente alors sous l'aspect
de granulations qui sont très variables en grandeur et qui ont
leur siège dans le protoplasma cellulaire. Dans la gaine radi-
culaire interne, ces granulations ont une forme irrégulière ;
dans la moelle du poil, au contraire, elles ont, pour la plupart,
(') On trouvera une démonstration à l'appui dans les planches jointes au présent
travail, et, mieux encore, dans celles d'un autre de mes travaux, qui peut être consi-
déré comme la continuation de cette élude et qui a pour litre : De la régénération
des poils [Archiv Jur mikroskopische Anatomie Bd. LXXXVI).
SUR LA KÉRATINISATION DU POIL. 617
une forme ronde ou ovale, La propriété qu'a la kératoliy aline,
de se colorer dans la zone la plus externe des lambeaux de
peau fixés de la manière indiquée plus haut, n'a encore été con-
statée, que je sache, par aucun auteur ; c'est pourquoi il m'a
semblé utile de la signaler ici. En ce qui regarde les présentes
recherches, cette circonstance a été particulièrement avanta-
geuse. D'abord, elle a permis de déterminer exactement, à la
périphérie des lambeaux de cuir, là où la kératohyaline se colore,
l'extension de celle-ci dans les diverses couches de la gaine
interne de la racine et dans la moelle des poils. Ensuite, elle a
permis d'observer d'une manière parfaite, dans la partie interne
de la peau, où la kératohyaline ne se colore pas, la structure
des cellules occupées par elle ; ce qui naturellement n'est pas
possible, lorsque cette substance masque en grande partie les
cellules par sa coloration.
J'ai profité de cette circonstance pour reproduire, dans les
planches jointes au présent travail, des coupes transversales
de poils, où la kératohyaline n'apparaît pas. M'appuyant sur
l'observation des parties qui la montraient distinctement, j'en
ai indiqué le siège, de la manière la plus exacte possible, dans
les seules coupes schématiques longitudinales.
Dans ces dernières coupes représentant des poils déjà suffisam-
ment développés, on peut observer que la kératohyaline se trouve
dans chacune des trois couches de la gaine interne de la racine,
où elle occupe constamment des parties déterminées. Dans les
cellules des couches de la gaine interne de la racine, dans
lesquelles la kératohyaline n'apparaît pas, et qui correspondent
à ces parties, on observe constamment des modifications particu-
lières qui leur donnent un aspect caractéristique, et qui peuvent
être considérées comme appartenant exclusivement aux cellules
qui commencent à se kératiniser. Ces modifications consistent
essentiellement en ce que les noyaux des cellules se ratatinent
de plus en plus à mesure qu'on procède du bas vers le haut, tandis
qu'ils prennent, en général, avec le progrès de cette altération,
une couleur un peu obscure et qu'ils s'entourent d'un halo clair
qui devient graduellement plus distinct. La partie des différentes
618 SÉBASTIEN GIO VANNINI.
couches de la gaine radiculaire interne, occupée par la kéra-
tohyaline, et sur l'extension de laquelle ont lieu les modifications
cellulaires mentionnées plus haut, je la nomme zona granulosa.
Immédiatement au-dessus de la zona granulosa de chacune
des couches de la gaine radiculaire interne, les cellules, tout en
montrant assez distinctement leurs noyaux déjà notablement
atrophiés et d'une couleur obscure, se présentent avec un contour
bien marqué et avec le protoplasma d'une clarté uniforme et
toute particulière. Cet aspect des cellules, qui indique évidem-
ment un degré de kératinisation plus avancé que celui qu'on
observe dans la zona granulosa, se maintient, dans les couches
sus-mentionnées, sur une extension déterminée, presque toujours
égale dans les poils déjà développés. Quant à la signification de
cette partie que l'on observe constamment dans les diverses
couches de la gaine radiculaire interne, il me semble qu'elle
doit être considérée comme correspondant entièrement au
stratum lucidum de l'épiderme. J'ai été amené à cette conclu-
sion, d'abord, parce que, au commencement de cette partie,
aussi bien qu'au commencement du stratum lucidum, la kéra-
tohyaline cesse tout à coup d'être évidente, et, ensuite, parce
que l'aspect des cellules est très ressemblant dans les deux
cas. Pour ce motif, la partie en question est désignée, dans le
présent travail, sous la dénomination de zona lucida des diverses
COUCHES de la gaine RADICULAIRE INTERNE.
Dans chacune des couches de la gaine radiculaire interne, les
cellules qui se trouvent immédiatement au-dessus de celles de
la zona lucida, sont constamment sujettes à des modifications
spéciales de coloration. D'abord le protoplasma cellulaire prend,
de dehors en dedans, une couleur vert clair, presque toujours
égale dans tous les cas, tandis que le noyau, obscur au commen-
cement, devient clair, de manière à rappeler l'aspect du proto-
plasma des cellules de la zona lucida. A cette couleur verte
des cellules, laquelle se maintient ordinairement sur une
étendue beaucoup plus courte que celle qui est occupée par la
zona lucida, succède, en général, assez vite, une coloration très
noire qui, procédant, elle aussi, peu à peu de dehors en dedans,
SUR LA KÉRATINISATION DU POIL. 619
finit par envahir les cellules dans leur totalité. Cette coloration
noire, qui est identique dans les cellules de la couche cornée de
l'épiderme, lorsque celui-ci est traité de la manière décrite dans
ce travail, indique, selon toute probabilité, la kératinisation
complète, tandis que la coloration verte, dont nous avons parlé
plus haut, ne représente évidemment qu'une phase intermédiaire
entre la kératinisation arrivée à son dernier stade et celle que
l'on observe dans les cellules de la zona lucida. C'est pourquoi
ces deux parties diversement colorées de chaque couche de la
gaine radiculaire interne, ont été nommées, par moi, zona
VIRIDIS et ZONA NIGRA DE LA KÉRATINISATION.
Dans toute l'étendue de la gaine radiculaire interne qui
entoure immédiatement la portion radiculaire de la tige du poil,
les zones de la kératinisation noire des diverses couches se
confondent pour former une couche unique. J'ai désigné cette
couche sous le nom de portion kératinisée de la gaine radicu-
laire INTERNE.
De ce que je viens d'exposer, il résulte qu'il y a une grande
analogie entre la manière dont se comporte la kératinisation
dans l'épiderme et la manière dont elle se comporte dans les
couches de la gaine radiculaire interne. Le seul fait qui s'oppose
à la ressemblance complète dans le mode dont ces deux parties
se kératinisent, consiste en ce que, jusqu'à présent, il ne m'a
pas été donné d'observer, dans l'épiderme, la zona viridis qu'on
trouve dans la gaine radiculaire interne. Mais le stratum luci-
dum de l'épiderme étant beaucoup moins haut que la zona lucida
des couches de la gaine radiculaire interne, il serait possible que
la zona viridis, dans la première de ces parties, fût aussi, pro-
portionnellement, beaucoup plus mince que dans la seconde, et
que, justement pour cela, elle échappât aux moyens ordinaires
d'observation.
Maintenant, passant au poil, j'ai remarqué qu'il se comporte,
en plusieurs points, comme la gaine radiculaire interne relative-
ment à la kératinisation. Dans le poil, abstraction faite de la
moelle, on n'observe de kératohyaline en aucun point, comme
cela a déjà été remarqué par d'autres auteurs. Mais malgré
40
620 SÉBASTIEN GIOVANNINI.
cela, dans une partie déterminée de son collet, correspondant
à peu près au point où la portion la plus large de celui-ci perd,
en se resserrant notablement, sa forme évidemment conique,
pour en prendre une qui se rapproche de la cylindrique, ses
ceUules se présentent sous un aspect qui rappelle grandement
celui qu'on observe dans les cellules de la zona lucida des diffé-
rentes conciles de la gaine radiculaire interne. Ici, en effet, les
cellules les plus externes du poil, aussi bien que celles de la
zona lucida, se présentent, sur l'épaisseur de plusieurs couches,
avec un contour très nettement marqué et un aspect bien clair.
Cette dernière particularité ressort d'autant plus que, dans le
point en question, les cellules, à l'intérieur du poil, dans une
zone régulièrement et plutôt brusquement délimitée, présentent
une coloration un peu obscure. Vers le haut, l'apparence claire
des cellules les plus externes du poil cesse presque tout à
coup, et, par conséquent, il y a une limite bien définie. Vers le
bas, au contraire, cette limite ne peut être bien déterminée,
l'apparence en question se perdant seulement peu à peu. De
même, la distinction entre les cellules externes claires et
les cellules internes semi-obscures du poil, disparaît insensi-
blement de haut en bas. Une apparence claire, égale à celle
que nous avons décrite plus haut dans les cellules les plus
externes du poil, peut aussi se rencontrer dans la cuticule du
poil; mais, là, elle a son siège un peu plus en haut. Il m'a
semblé convenable de désigner la partie, sur l'étendue de
laquelle on observe ledit aspect clair des cellules, sous les
noms de zona lucida du poil et de zona lucida de la cuticule
DU poil.
La coloration obscure observée dans les cellules, à l'intérieur
du poil, en correspondance de la limite supérieure de la zona
lucida, s'étend, au-dessus de celle-ci, à toutes les cellules de la
portion restante du collet du poil, tant à celles qui appartiennent
exclusivement au poil lui-même, qu'à celles qui appartiennent à
sa cuticule. En outre, dans cette partie, spécialement à l'inté-
rieur du poil, on ne distingue plus, çà et là, que le seul noyau des
cellules, déjà notablement atrophié. Toute la partie du collet du
SUR LA KÊRATINISATION DU POIL. 621
poil, qui présente cet aspect, je l'ai désignée sous le nom de zona
FUSCA DU POIL et ZONA FUSCA DE LA CUTICULE DU POIL.
A l'extrémité du collet du poil, c'est-à-dire un peu avant
que le collet subisse son plus grand rétrécissement, les cellules
propres du poil Un-même, surtout les plus externes, prennent,
ici encore, sur une courte étendue, une coloration identique à
celle que l'on observe dans les cellules de la zona viridis des
couches de la gaine radiculaire interne; et ainsi se trouve
constituée la zona viridis de la kératinisation du poil. Quant
aux cellules de la cuticule du poil, je n'y ai pas observé la
coloration caractéristique de cette zone.
A la couleur verte indiquée, succède ensuite, vers le haut,
une coloration très noire et uniforme des cellules propres du
poil ; ce qui démontre que celles-ci, aussi bien que les cellules
de la gaine radiculaire interne sont sujettes à la kératinisation
(zona nigra du poil).
Par rapport à cette dernière zone, il faut remarquer un fait
assez important. A l'aide d'observations répétées, faites non
seulement sur les poils du cuir chevelu, mais aussi sur ceux
d'autres parties du corps, j'ai pu m'assurer que le collet pileux,
qui, en coupes transversales, présente une forme plus ou moins
régulièrement ronde, perd cette forme au niveau de la zone de la
kératinisation noire, pour prendre la forme ovale, triangulaire,
ou autrement irrégulière, particulière à la tige. Pour ce motif
il ne m'a pas semblé hors de propos de désigner cette partie
simplement kératinisée, sous le nom de zona plasmatrix de la
TIGE PILAIRE.
Ce que je viens d'exposer, démontre clairement l'analogie
entre le mode de kératinisation du poil et celui de la gaine
radiculaire interne. En substance, la seule différence consisterait
dans les deux circonstances suivantes : d'abord, la zona lucida.
dans le poil, n'est pas précédée de la zona granulosa, comme
dans la gaine radiculaire interne; ensuite, dans le poil, entre la
zona lucida et la zona viridis, il y a une zone intermédiaire de
kératinisation {zona fusca) dont il n'existe pas de trace dans
la gaine radiculaire interne.
622 SÉBASTIEN GIOVANNINI.
Toutefois, s'il est permis de croire que les ceîlules de la
gaine radiculaire interne, aussi bien que celles du poil, au niveau
des zones noires correspondantes, soient arrivées à un degré de
kératinisation identique, cependant les cellules du poil, dans la
tige, sont destinées à subir des modifications ultérieures. En
effet, à la partie inférieure de la tige pileuse, immédiatement
au-dessus de la zoìia nigra, le protoplasma des cellules du poil
devient peu à peu plus clair et prend, en même temps, une
coloration nette d'un rouge violet. On observe aussi, dans la
cuticule du poil, une coloration analogue. En outre, dans le
poil, ainsi que dans sa cuticule, le protoplasma perd peu à peu,
vers le haut, cette coloration et prend celle d'un jaune clair,
uniforme, caractéristique de la substance corticale complète-
ment formée. J'ai donné le nom de zona praecorticalis à cette
partie du poil et de la cuticule respective, sur l'extension de
laquelle a lieu la dite coloration rouge violet. D'après les résul-
tats de l'observation, la corticalisation se fait plus vite dans le
protoplasma cellulaire que dans le noyau. En effet, le protoplasma
des cellules du poil commence à se colorer en rouge violet,
tandis que le noyau apparaît encore complètement obscur ; et
plus tard, quand la première de ces colorations s'est étendue au
noyau, le protoplasma se présente déjà avec un aspect jaune
clair.
Les diverses zones de kératinisation décrites jusqu'à présent,
indiquant, selon toute probabilité, autant d'états spéciaux des
cellules dans lesquelles elles se présentent, peuvent être consi-
dérées comme divers stades ou degrés de la kératinisation. On
peut dire la même cliose de la zona praecorticalis qui, très
probablement, ne représente qu'un état de corticalisation
incomplète.
Tout ce que j'ai exposé jusqu'ici, relativement à la kératini-
sation du poil et de la gaine radiculaire interne, n'a pas encore
été décrit ou ne l'a été que d'une manière incomplète. C'est
ainsi que l'existence d'une zona lucida, dans chacune des
couches de la gaine radiculaire interne, trouve, pour la première
SUR LA KÉRATINISATION DU POIL. 623
fois, dans ces reclierclies, la délimitation qui lui convient. Elle
avait déjà été entrevue par M. AValdeyer (^j, mais d'une manière
vague, et elle avait été réunie par lui avec tout ce qui se trouve
au-dessus de la partie de la gaine occupée par la kératoliyaline.
Quant à la zona lucida du poil et de sa cuticule, je n'ai trouvé
aucun auteur qui en parle.
De même, la description des diverses zones différemment
colorées, qui existent, tant dans le poil que dans la gaine radi-
culaire interne, au-dessus de la zona lucida, n'avait pas encore
été faite, quoique des recherches sur la coloration de ces parties
eussent été entreprises par plusieurs auteurs.
Parmi ceux-ci, il faut nommer tout d'abord M. Unna qui,
comme on le sait, réussit à colorer la portion kératinisée de la
gaine radiculaire interne avec l'iode-méthyle-aniline et avec
l'iode violet.
Puis Flemming, après avoir réussi, avec les méthodes qui lui
ont servi pour l'étude de la karyokinèse, à colorer, en rouge
clair, la partie kératinisée de la gaine radiculaire interne,
trouva que, avec le vert d'iode, les noyaux cellulaires se pré-
sentent colorés en violet, tandis que le poil se colore en jaune,
sa cuticule, en jaune clair, et la couche de Henle ainsi que la
portion kératinisée de la gaine radiculaire interne, en beau
vert. Dans des préparations fixées au moyen du bichromate de
potasse, sur lesquelles avait été pratiquée la double coloration
avec le carmin picrique et avec l'hématoxyline, le même auteur
parvient aussi à colorer en un brillant bleu clair la gaine radi-
culaire interne.
Enfin Reinke {^), qui a continué ces recherches en employant,
dans la méthode de Flemming, la coloration avec la safranine
et le violet de méthyle, constata : Que la matrice du poil reste
décolorée, tandis que les cellules de la substance corticale du
(') Waldeyer. — Linlcrmchnngcn ûber diellislogeneae derlIoriKiebikh, imbesondere
der Haare und Fedcrii (Ileiile's rcxiijabe, -1882, p. lo'J).
(-) HiilNCKE. — Unterxiichimijeii uber die lloni;«.< qui se présentent dans cette région du folli-
cule en voie d'atrophie, sont évidemment privés de l'importance que d'autres auteurs
leur avaient attribuée. En effet, on ne pourra plus penser que ces niniis indiquent une
plus grande productivité des cellules épithéliales correspondantes (Unna), et encore
moins qu'ils doivent être considérés comme des glandes sébacées embryonnaires
(Diesing).
En outre, la démonstration qu'on a donnée du mode de formation de ces sinus
concilie, entre elles, et reconnaît pour vraies, des opinions en apparence contradic-
toires; telles sont, celle d'Ebner et de Schulin qui virent, dans leur formation,
l'influence des muscles érecteurs, et celle d'Unna qui démontra qu'ils pouvaient se
produire indépendamment de ces mêmes muscles.
SDR LA KÉRATINISATION DU POIL. 647
poils, ressemblent beaucoup à celles qui ont été décrites ici
comme consécutives à l'épilation. Cette ressemblance olïre,
selon moi, un double avantage. En premier lieu, tout ce qui a
été exposé dans le cours du présent travail, pourra dorénavant
servir de guide dans l'interprétation de ce que l'on aura occasion
d'observer dans les follicules après la chute naturelle des poils.
En second lieu, dans ce dernier cas, on aura une règle siire
pour déterminer approximativement, par des comparaisons
opportunes, l'époque à laquelle remonte, dans chacun des folli-
cules en examen, le détachement du poil ; ce qui, jusqu'à
présent, n'avait pas été possible.
648 SÉBASTIEN GIO VANNINI.
EXPLICATION DES FIGURES.
Dans les planches, les différentes coupes transversales des follicules
sont accompagnées des numéros reproduits, à la hauteur voulue, sur
un côté des coupes longitudinales auxquelles elles se rapportent.
Dans les coupes longitudinales, la place des cellules en karyokinèse
est indiquée par de gros points ; celle des zones granuleuses par un
pointillage fin et serré. Les zones de kératinisation verte, noire et
rouge violet sont indiquées par une coloration analogue.
De même, la substance corticale et le pigment ont été reproduits
avec une coloration qui rappelle celle qui leur est propre. Toutes les
figures correspondent à un grossissement de 200 diamètres.
PLANCHE XXI.
Fig. 1^, partie inférieure, et fig. 1b, partie supérieure, de la coupe
longitudinale d'un follicule. Cuir chevelu excisé immédia-
tement RTprès l'épilation.
Fig. 2, 3, 4, 5. Coupes transversales du follicule représenté dans
la fig lA et IB .
Fig. G. Coupe transversale d'un follicule, prise à la hauteur, environ,
du sommet de la papille. Cuir chevelu excisé immédiate-
ment après l'épilation.
Fig. 7. Coupe transversale d'un follicule, prise au niveau de la
zona lucida de la couche de Huxley. Cuir chevelu excisé
9 heures après l'épilation.
Fig. 8. Coupe transversale d'un follicule, prise vers le milieu de la
hauteur de la papille. Cuir chevelu excisé 16 heiires après
l'épilation.
PLANCHE XXII.
Fig. 1. Le même follicule de la figure 8, pi. XXI. Coupe transversale
prise un peu au-dessus du sommet de la papille.
SUR LA KÉRATINISATION DU POIL. 649
Fig. 2. Coupe transversale d'un Ibllicule, prise à la partie inférieure
de la portion kératinisée de la gaine radiculaire interne.
Cuir chevelu excisé 16 heures après l'épilation.
Fig. 3. Coupe transversale d'un follicule, prise au niveau du sinus
musculaire. Cuir chevelu, excisé 16 heures après l'épilation.
Fig. 4. Coupe transversale d'un follicule, prise au niveau de la zona
lucida de la couche de Huxley. Cuir chevelu excisé un jour
après l'épilation.
Fig. 5. Coupe transversale d'un follicule, prise au niveau de la zona
lucida de la couche de Huxley. Cuir chevelu excisé 2 jours
après l'épilation.
Fig. 6. Coupe transversale d'un follicule, prise en correspondance
de la, zona viridisde kératinisation de la couche de Huxley.
Cuir chevelu excisé 2 jours après l'épilation.
Fig. 7. Coupe longitudinale d'un follicule, appartenant à du cuir
chevelu excisé 3 jours après l'épilation.
Fig. 8, 9, 10. Coupes transversales du follicule représenté dans la
figure 7.
Fig. 11. Coupe transversale d'un follicule, prise immédiatement au-
dessus du sommet de la papille. Cuir chevelu excisé 4 jours
après l'épilation.
PLANCHE XXIII.
Fig. 1. Coupe longitudinale d'un follicule appartenant à du cuir
chevelu excisé 8 jours après l'épilation.
Fig. 2, 3, 4, 5. Coupes transversales du follicule représenté dans
la fig. 1.
Fig. 6, 7, 8, 9. Coupes transversales d'un même follicule, apparte-
nant à du cuir chevelu excisé 24 jours après l'épilation.
Fig. 10. Coupe longitudinale du follicule auquel appartiennent les
coupes transversales 6-9.
PLANCHE XXIV.
Fig. 1, 2, 3, 4, 5. Coupes transversales d'un même follicule. Cuir
chevelu excisé 32 jours après l'épilation.
Fig. 6. Coupe longitudinale du follicule, auquel appartiennent les
coupes transversales représentées dans les fig. 1-5.
650 SÉBASTIEN GIO VANNINI.
Fig. 7, 8. Coupes transversales d'un même follicule, appartenant à
du cuir chevelu excisé 48 jours après l'épilation. Dans la
partie de ce follicule qui s'étend du sommet de la papille à
la portion la plus lente à s'atrophier, la première de ces
coupes correspond, à peu près, à la hauteur de la limite
entre le tiers inférieur et le tiers moyen, et la seconde, à la
hauteur de la limite entre le tiers moyen et le tiers
supérieur.
Fig. 9, 10, 11. Coupes transversales d'un même follicule, appartenant
à du cuir chevelu excisé 58 jours après l'épilation.
Fig. 12. Coupe longitudinale, à laquelle appartiennent les coupes
transversales représentées dans les fig, 9-11.
Contribution à l'étude des Rotateurs
PAR
Jean MASIUS
Tnii'iiil du Idhoniidire de t'iiistittii ztHiloijKiue de t' Université ulleiiuinde de Pr(t(jue\
(Planches XXV lt XXVI )
INTRODUCTION.
Il y a de nombreuses années déjà, Balfour faisait remarquer
l'importance qu'il y aurait à posséder une connaissance com-
plète de l'ontogénie des vers rotateurs ; cette ontogénie bien
connue, il serait plus aisé de déterminer la signification mor-
phologique des rotateurs, leurs affinités, leurs rapports entre
eux et avec d'autres groupes, notamment les annélides et les
nematodes.
Tels sont les points principaux que je voulais éclaircir en
commençant la présente étude à Prague, dès le printemps 1889,
sous la savante direction de M. le professeur Hatschek.
Avant d'entreprendre l'examen du développement de l'une ou
l'autre espèce, j'ai voulu étudier scrupuleusement l'organisation
de quelques types rotateurs appartenant aux diverses familles.
Malheureusement, des circonstances inattendues ont inter-
rompu mes études zoologiques et ne me permettent pas encore
de prévoir l'époque où je pourrai les poursuivre à nouveau.
Pour ce motif, je me suis décidé à publier dès maintenant les
résultats qui me semblent présenter quelque intérêt sur l'ana-
42
652 JEAN MASIUS.
tomie des deux formes que j'ai plus spécialement eues sous les
yeux : Asplanclina helvetica (Perty-Tessin), et Lacinularia
socialis (Leydig). L'étude du développement de ces formes ne
m'a donné que des résultats encore trop incomplets pour être
utilisés avec certitude.
Je remplis un devoir des plus agréables en remerciant ici
publiquement M. le professeur Hatschek de ses précieux
conseils qui m'ont été d'un grand secours et qu'il m'a du reste
prodigués avec son amabilité et sa bonne grâce habituelles.
La première difficulté que l'on rencontre dans l'étude micro-
scopique des rotateurs vivants, provient du mouvement ininter-
rompu de l'animal ; cette difficulté est complètement supprimée
par l'emploi d'un réactif dont je dois la formule à M. le Dr
Cori. C'est un mélange d'alcool méthylique, eau et cocaïne en
solution étendue. Les rotateurs primitivement anesthésiés par
l'emploi de ce liquide, se laissent ensuite très bien fixer sans
aucune rétraction par les réactifs habituels (liquide de Flem-
ming étendu, par exemple).
Comme l'ont déjà fait remarquer bien des auteurs, les prépa-
rations permanentes des rotateurs entiers sont extrêmement
difficiles à obtenir et, pour ma part, je n'en ai pas obtenu de
réellement durables. Elles seraient, du reste, peu utiles en ce
sens que le baume de Canada et même la glycérine, éclaircissent
les préparations au point d'empêcher l'observation de détails
souvent importants.
Outre l'étude des animaux complets (vivants ou fixés par
les réactifs ordinaires), j'ai eu recours aux coupes microsco-
piques et aux dissociations étudiées dans l'eau, l'alcool faible
et la glycérine très étendue.
Pour l'étude de l'organisation de la tête, j'ai procédé d'une
façon spéciale, que je crois utile d'exposer un peu plus longue-
ment. Un individu, fixé dans de bonnes conditions, est placé
sur un porte-objets; sous le microscope simple, on sectionne la
tête suivant un plan transversal rapproché le plus possible
de l'extrémité antérieure. On obtient ainsi une coupe très
mince que l'on pourra déposer dans l'eau ou l'alcool faible
CONTRIBUTION A l' ÉTUDE DES ROTATEURS. 653
entre deux couvre-objets, de façon à pouvoir examiner à volonté
l'une ou l'autre face de la préparation.
Les recherches bibliographiques concernant les rotateurs
sont singulièrement facilitées par la liste bibliographique
publiée par Eckstein (^) et complétée depuis par divers auteurs
notamment Plate (^) et Zelinka (^). Je crois inutile de la repro-
duire ici ; je me contenterai de compléter la liste qui accom-
pagne le travail de Plate paru en 1886 (^).
183. Plate. Beitràge zur Naturgesch. der Rotatorien. Jenaïsch.
Zeitsch. 188G. V. 19.
184. Billet. Sur les mœurs et pi'emiers phénomènes du develop, de
l'œuf de Plùlodhia roseola. Bull. Scient, départ, du Nord,
Ge année.
18'). Bourne. On the modificat. of the trochal. Disc, of the Rotifera.
Rep. Brit. ass. Adv. Se, 1885.
180 BrAUN. Naturgesch. der Rotatorien. Arch, fiir Naturgesch.
48 Jahrg.
187. COSMOVICI. Vésicule contractile des Rotifères. Bull. Soc. Zool. de
France. T. 13.
188. DADAY. Neae Beitrage z. Kenntn. der Ràderthiere. Mathem.
u. Nat. wis. Ber. Ungarn. Vol. 1 et aussi dans Jour. R. Micr.
Soc. Lond. Vol. 4.
189. Debray. Notommata Werneckii. Bull, scient, de France. T. 22.
190. Dewitz. Rotatorien litteratur, 1882-1886. Arch. f. Naturg. 52.
Jahrg. 1886. Vol. 2.
191. Eckstein. Zur geograph. Verbreitung von Callidina Symbio-
tica. Zool. Anz. 1888.
(') Zeilsrh. f. Wissensch. zoolo. Bd 39. — 1S83.
(*) Pi-ATK. BeilrJige zur Naturgesch. der Rotatorien. Jenai.s.Zeitschr. Hd 19.-1880.
("') Zelinka. Stud. ub. Râderth. Zeit. f. w. Vool. Bd. U.
Id. Id. Bd. 47.
(*) Pour les 182 premiers numéros, consulter les travaux de Eckstein et Plate
précités.
Il ne m'a pas été possible de me procurer tous les ouvrages formant la biblio-
graphie des vers Rotateurs, notamment des ouvrages anglais ou américains. J'es|)ère
cependant avoir eu entre les mains les mémoires les plus importants sur ce sujet.
654 JEAN MASIUS.
192. FOULKE. Oli a new species of Rotifer. Proc. Acad. Nat. so.
Philad. 1884.
193. GOSSE. Twenty four new spec, of Rotif J. R. Mie. Soc. L., 1887.
194. GUERNE. Monograph. Note on the Rotifera of the fami. Asplanchn.
Ann. of Nat. Hist. Vol. 2. Jour. R. Micr. Soc. L., 1888.
195. Hartmann. Ueber einige Ràderthiere. Sitzheri. Ges. Nat. Fr.
1885.
196. Hudson. New Floscularia. Jour. R. Micr. Soc. L. Vol. 2.
197. Id. Five new Floscules. Id. Vol. 3.
198. Id. New. Floscul. Id. Vol. 5.
199. Id. On four new sp. of Flos. Id. Vol. 5.
200. Id. Dessication of Rotifers. Id. Vol. 6.
201. Hudson et Gosse. The Rotifera, or Wheelanimalcules. Londres
1886. Supplément en 1889.
202. HerRICK. Rotifers of America. Bull, scientif. Laborat. Denison.
Univ. Vol. 1 .
203. Hood. Floscularia annulata. Science Gossip. 1888.
204. IMHOF. Die Rotatorien der pelagischen Fauna. Zool. Anz.
8e Jahrg.
205. Joliet. Monographie des Mélicertes. Arch. Zool. experiment, et
génér., 2û série. T. 1, n» 1 et n» 2.
206. KelliCOT. New Floscule. Proce. ameri. Soci. Micros., 1885.
207. Id. Ameri. Rotif. Proc. am. Soc. micr. Vol. 10.
208. KnipOWITSCH. (en russe) dans les Bull, de la Soc. des Natural,
de St-Pétersbourg. Vol. 16.
209. LEIDY. Rotifera without Rotato, organ. Proc. Ac Nat. Sc
Phila. 1882.
210. Id. Asplanchna Ebbesbornii. Id. 1887.
211. Lord. A new Rotifer. Naturalist's World 1885.
212. Id. Science Gossip. 1886.
213. Milne. New Rotifer. Proc. Philos. Soc. Glascow 1885. Vol. 16.
— J. R. Micr. Soci. Lond. Vol. 5.
214. Milne. Defectiveness of the Eye-Spot. Id. 1886. Vol. 17 et id.
Vol. 6.
215. Plate. Ueber einige ectoporasi. Rotatorien. Mit. d. Zool. Stat.
Neapel. Vol. 7.
216. RoCQUIGNY-AdANSON. Stephanoceros Eichhornii. Jour. d. mi-
crograph. T. 13, no 2.
217. ROUSSELET. New Rotifer. J. R. Micr. Soc. L. 1889.
CONTRffiUTION A l'ÉTUDE DES ROTATEURS. 655
218. Smithson. Tube of melicerta. Id. Vol. 6.
219. Stevens. A key to the Eotifera. J. E. Mi. Soc Lo. 1887 et
Ameri. Month. Microscop. Jour. Vol. 8.
220. Stokes. Rotifer within an acanthoceptis. J. R. Mi. Soc. L. 1884.
221. Tessin. Ueber Eibildung und Entwick. der Rotator. Zeitsch. f.
wissen. Zoologie. Vol. 44, 1888.
222. Id. Rotatorien der Umgegend von Rostock. Arch. d. Ver. d.
Fr. Naturgesch. Mecklemb. 43 Jahr.
22)3. Thorpe et GUNSON. Description of a n. sp. of megalotroch.
Jour. R. Micr. Soc. L. 1889.
224. Vallentin. Some Remarks on the anatomy of Stephanoceros
Eich. Ann. of. Nat. Histor}'. Vol. 5.
225. Weber. Notes sur quelques Rotateurs des environs de Genève.
Arch, de Biolog. T. 8.
22G. Zacharias. Ueber die Bedeutung des Palmforra in der Entwick,
von Rotat. Biol. Centralblt. Vol. 5.
227. Id. Konnen die Rotatorien und Tardigraden nach vollstand.
Austrochnung wieder aufleben. Id. Vol. 6.
228. ID. Ein neues Râderthier.
229. ZelinkA. Studien ûber Raderthieren. Zeitsch. fur wissensch.
Zoolog. Vol. 44 et vol. 47.
230. ID. Id. Zoolo. Anzeig. 1887.
231. Plate. Ueber die Rotatorienfauna des Bothnischen Meerbusens.
Zeitsch. tur wissensch. Zoolog. Vol. 47.
656 JEAN MASIUS.
I. — Asplanchìia helvetica,
(IM. XXV.)
La longueur ordinaire est de Imm à Imm y^, la forme est
celle d'un cône tronfine, à base arrondie qui répond à l'extrémité
postérieure de l'animal (fig. 1). Ije sommet tronqué ou extrémité
antérieure, est garni d'une couronne de cils. La surface du
corps est recouverte par une mince cuticule chitineuse finement
striée longitudinalement ; les cellules matrices de cette cuticule
forment une mince couche de protoplasme contenant, de dis-
tance en distance, des noyaux ovalaires aplatis (dont le nombre
total est de 40 à 50).
Appareil digestif. — Comme chez tous les asplanclmides, le
tube digestif se temiine en cul de sac; il est caractérisé par
l'absence d'intestin terminal et d'anus. On y distingue facile-
ment trois régions d'aspect très différent : le pharynx, l'œso-
phage et l'estomac. Aux deux premières parties de l'appareil
digestif se rattachent encore quelques organes qui sont, dans la
région pharyngienne : un groupe de cellules glandulaires et
deux paires de mandibules ; dans la région œsophagienne : une
paire de glandes volumineuses dites ; glandes salivaires.
L'ensemble de l'appareil digestif est normalement animé
d'un double mouvement rythmique. L'un intéresse le pharynx
s. s., l'autre l'estomac et l'œsophage.
Le premier mouvement est une simple contraction des parois
du pharynx, suivie d'une dilatation plus ou moins prononcée; ce
mouvement se fait grâce à deux cellules contractiles à prolon-
gements ramifiés qui s'étendent dans les parois du pharynx.
Le second mouvement, qui est le plus caractéristique, résulte
de la contraction de l'œsophage se plissant alors à la façon d'un
accordéon. La contraction de l'œsophage entraîne l'estomac
vers l'extrémité antérieure du corps.
CONTRIBUTION A l'ÉTUDE DES ROTATEURS. 657
Dans certaines circonstances, l'asplanchna peut évaginer
toute l'extrémité antérieure de son tube digestif (comme un
doigt de gant), jusques et y compris le pharynx.Pourtant, l'éva-
gination du pharynx n'est pas normale et n'a lieu que lorsque
l'animal est très vivement excité par une cause extrinsèque
(fig. 3 et 4).
L'ouverture buccale est située à l'extrémité antérieure de la
face ventrale (fig. 1, 0. h.).
L'extrémité antérieure, ou tête, est formée par trois emi-
nences arrondies : une médiane et deux latérales. Toutes trois
fonctionnent probablement comme organes de sens. La saillie
médiane, moins marquée que les deux autres, se continue dans
la lèvre antérieure (ou supérieure) de l'ouverture buccale.
L'asplanchna est munie de deux paires de mandibules situées
au plancher de la bouche, elles se rattachent à un volumineux
groupe de cellules matrices. Pour prendre la nourriture, les
mandibules sont projetées vers l'extérieur, puis rentrées, et
dans cette situation, leur mouvement ordinaire est latéral : alter-
nativement de dehors en dedans et inversement.
Gosse (63) a donné une bonne description de ces formations
dans son travail sur l'appareil mandibulaire des rotateurs.
Immédiatement en arrière des mandibules, se trouve un
groupe d'une dizaine de glandes monocellulaires. Ce sont de
grandes cellules allongées dont une des extrémités répond au
pharynx (à ce niveau, se trouve une dépression de la paroi
pharyngienne); elles sont pourvues d'un noyau arrondi peu
volumineux. La cellule même est chargée de gouttelettes réfrin-
gentes disposées en rangées, suivant le grand axe cellulaire.
Pharynx s. s. (fig. 1). Le pharynx est le siège de plis
nombreux, ce qui complique un peu l'étude de cet organe, mais
d'autre part, sa propriété de pouvoir s' évaginer complètement
sera avantageusement utilisée dans certains cas.
L'évagination du pharynx est provoquée facilement chez
l'animal vivant par une pression légère sur le couvre-objet.
Chez rindividu nageant librement, le pharynx a l'aspect d'un
sac membraneux, flaïupié de deux dilatations chitineuses.
658 . JEAN MASIUS.
La partie membraneuse forme un sac plissé plus ou moins
aplati d'avant en arrière. Outre de nombreux plis peu impor-
tants, mais constants, il faut signaler deux grands plis latéraux
antéro-postérieurs, en dehors desquels existe, dans la paroi
pharyngienne, une grande cellule ramiiiée.
De chaque côté de la partie supérieure du pharynx membra-
neux se trouvent deux grandes vésicules chitineuses avec une
fine striation quadrillée. Ces vésicules sont ovalaires, à grand
axe légèrement oblique en arrière et en haut; leur partie
antérieure et ventrale se continue dans le pharynx membraneux
et chacune de ces vésicules est rattachée aux mandibules par
un prolongement chitineux. On se trouve ici en présence d'un
appareil squelettique destiné à donner plus de résistance à
cette partie de l'animal.
L'évagination du pharynx permet de se rendre un compte
exact de la disposition des deux cellules qui président aux
mouvements de contraction et de dilatation du pharynx.
Sur un pharynx évaginé (fig. 3 et 4), on distingue, symétri-
quement placées sur la face ventrale, deux grandes cellules
contractiles à prolongements. On peut facilement observer, à
l'état normal, la contraction de ces prolongements distribués de
façon à entourer le pharynx d'une sorte de réseau contractile.
1j œsophage. Il a la foi-me d'un cône fort allongé à sommet
antérieur se continuant dans la partie ventrale du pharynx, et
à base postérieure aboutissant à l'estomac. Il est formé par un
petit nombre de grandes cellules plates ciliées. Sur toute
l'étendue de l'œsophage, les cils sont disposés en rangées
longitudinales, ce qui, vu la minceur de la paroi, le fait paraître
strié longitudinalement. En réalité, ces stries sont dues aux
séries des coupes optiques des cils.
Quatre filaments musculaires longitudinaux, disposés à égale
distance l'un de l'autre le long de l'œsophage, déterminent les
mouvements spéciaux indiqués précédemment.
Vers l'extrémité postérieure, de chaque côté de l'œsophage,
s'y trouvent rattachés deux organes connus sous le nom de :
glandes salivaires. Ce sont des masses protoplasmiques dans
CONTRIBUTION A l'ÉTUDE DES ROTATEURS. 659
lesquelles sont logés six ou sept noyaux cellulaires. Ces glandes
paraissent accolées à l'œsophage, et s'il existe un conduit
excréteur, il ne peut être que très courl:. Ces glandes renferment
parfois des granulations graisseuses. D'ordinaire les gi-anula-
tions les plus nombreuses sont brillantes, disposées en séries
convergeant vers le hile de la glande, et ne noircissent pas par
l'acide osmique.
Enfin, à l'une des extrémités de ces glandes, se trouve un
groupe de trois ou quatre petites cellules claires, dont je ne
saisis pas la signification.
Ij estomac (fig. 1). C'est un organe presque spliérique, formé
par une seule couche de grandes cellules dont la face interne,
plane, est garnie de cils nombreux et délicats.
La face externe de ces cellules est fortement convexe. On
trouve dans ces cellules un réseau protoplasmique net ; le noyau
peu volumineux est reporté à la périphérie ; enfin, des goutte-
lettes de graisse, des vacuoles à liquide clair et des granulations
alimentaires souvent verdâtres, sont fréquentes dans le corps
cellulaire.
Avant de passer à l'examen de l'appareil excréteur, je dirai
quelques mots d'une cellule du tissu conjonctif située entre
l'extrémité postérieure du corps et l'estomac.
C'est une cellule étoilée dont les prolongements dirigés en
sens opposés s'insèrent, les uns à la face externe du fond de
l'estomac, les autres à la cuticule de l'extrémité postérieure
du corps. Un troisième groupe de prolongements s'insère à
l'appareil sexuel.
Cette cellule est destinée à empêcher l'estomac de remonter
trop haut vers la tête de l'animal, lors de la contraction des
muscles de l'œsophage.
Il appareil excréteur (fig. 1 et 5). — Il est connu en allemand
sous le terme " Wassergefàssystem „ et se compose d'un proto-
néphridium double, avec canal excréteur aboutissant à une
vessie contractile unique en communication elle-même avec le
cloaque (par l'intermédiaire duquel sont également rejetés les
produits sexuels).
660 JEAN MASIUS.
Les deux reins primitifs sont situés symétriquement sur les
faces latéro ventrales du corps, à peu près à égale distance des
deux extrémités du corps. Chaque rein se compose d'un tube
sécréteur non ramifié, enroulé sur lui-même d'une façon com-
pliquée ; il se continue par l'une de ses extrémités dans un
canal excréteur légèrement sinueux. Dans la partie sécrétante,
la paroi du tube népliridien est épaisse, la lumière relativement
étroite. En outre, on observe dans l'épaisseur de cette paroi, de
nombreuses gouttelettes ou granulations brillantes. Les noyaux
cellulaires sont peu nombreux dans l'étendue de l'organe.
Le canal excréteur est simplement sinueux ; le diamètre
total de la partie excrétante est le même que celui de la partie
précédente, mais ici la lumière du conduit est large et la paroi
fort mince, avec quelques rares noyaux plats et allongés. Cet
appareil urinaire en entier renferme un liquide clair, hyalin qui
est cependant granuleux chez les individus fixés par les acides.
La partie opposée du tube néphridien se termine par quatre
organes appelés " organes terminaux „ répartis à peu près à
égale distance l'un de l'autre, le long de l'extrémité du tube
sécréteur.
Au nombre de quatre dans chaque moitié du corps, ils ne
représentent chacun, qu'un prolongement de cellule. Ils sont
creux, ils ont une forme de cône aplati à base libre dont le
sommet se continue dans un pédicule court en continuité avec
le reste de l'appareil. Il n'existe aucune espèce d'ouverture
établissant une communication directe entre le rein primitif et
la cavité du corps de l'asplanchna.
La cavité de l'organe terminal est occupée par une flamme
vibratile triangulaire insérée par sa base à la partie large de
l'organe terminal. Vue sur la tranche, la flamme vibratile fait
l'effet d'un gros cil. Cette flamme vibratile est couverte
de stries longitudinales qui commencent chacune par un petit
épaississement; il en résulte que la base de la flamme est limitée
par une rangée de points brillants. L'extrémité libre de l'organe
terminal est recouverte d'une couche de protoplasma finement
granulé lequel est traversé par trois ou quatre filaments insérés
CONTRIBUTION A l'éTUDE DES ROTATEURS. 661
d'autre part, à un point voisin de la paroi du corps. L'un de ces
filaments situé dans l'axe de l'organe, est plus épais que les
autres et souvent le seul visible à l'aide des grossissements
habituels.
Sur le vivant, la flamme vibratile et les filaments sont animés
d'un mouvement ondulatoire continu qui se propage de proche
en proche, dans une direction centripède par rapport à l'appareil
excréteur. Le mouvement de la flamme et des filaments est
synchrone, celui des filaments étant peut-être déterminé par
celui de la flamme vibratile. Cependant, à l'approche de la
mort de l'animal, les mouvements de la flamme vibratile se
ralentissent, puis s'arrêtent alors que les filaments sont encore
animés de leur mouvement régulier pendant quelques instants.
Il me semble donc probable que ces filaments servent simple-
ment à donner plus de fixité au rein et que l'un d'eux, plus
puissant que les autres, est le siège d'un mouvement analogue
à celui de la flamme vibratile, peut-être destiné à favoriser
le courant des liquides de la cavité générale du corps vers le
rein primitif.
Le conduit excréteur proprement dit s'ouvre dans la vessie
par un orifice sans valvule ; il est possible que les nombreux
replis du tube néphridien suffisent à empêcher le reflux des
liquides contenus dans la vessie,
La vessie (fig. 1). Elle est grande, sphérique, située ven-
tralement sur la ligne médiane.
La vessie se contracte régulièrement une dizaine de fois par
minute. Sa paroi est formée par de grandes cellules très plates,
formant une membrane mince avec quelques noyaux plats. En
outre, deux grandes cellules étoilées, à prolongements nom-
breux, couvrent toute la vessie d'un réseau contractile en relief.
Par leur contraction, ces deux cellules réduisent le volume
de la vessie à l'extrême, et les différentes parties de la paroi
chargée de mille petits plis sont ramenées l'une contre l'autre,
de façon à supprimer pour un instant toute trace de cavité
vésicale. Par ce mécanisme, la vessie est chaque fois débarrassée
de tout son contenu. Dans l'intervalle entre deux contractions,
la vessie se remplit et se distend de nouveau.
662 JEAN MASIUS.
Le cloaque. C'est un canal assez large, à parois minces ; il
s'ouvre à l'extérieur sur la ligne médioventrale. Le cloaque est
strié circulairement sur la plus grande partie de son étendue.
L'orifice cloacal externe est garni d'une grande valvule
formée par un repli antéro-postérieur de la paroi du corps. De
l'extrémité postérieure libre part un gi-os filament qui s'insère
plus en arrière à la face externe de la paroi du corps. C'est
une sorte de frein de la valvule cloacale.
L'appareil sexuel femelle (fig. 1) comprend un ovaire et un
oviducte.
L'ovaire. — Il se constitue de deux parties très diiférentes, l'une
volumineuse, c'est le vitellogène (dotterstock), l'autre beaucoup
plus réduite, c'est l'ovaire proprement dit (keimstock). C'est
Plate (183) et Tessin (221) qui, les premiers, ont établi cette
distinction dans l'appareil sexuel des rotateurs.
Le vitellogène est un organe ovoïde de la moitié moins volu-
mineux que l'estomac ; il est situé à l'extrémité postérieure du
corps dans une situation qui varie avec le degré de distension
de r oviducte.
Le vitellogène est formé d'un Plasmodium renfermant de
gros noyaux; le protoplasme est chargé de grosses granulations
deutoplasmiques. Les noyaux sont caractéristiques à cause de
leur énorme nucléole. Ce nucléole forme la plus grande partie
du noyau, il est réfringent et fixe très bien les matières colo-
rantes.
D'après certains auteurs, le nombre de ces noyaux serait
constant ; il m'a semblé variable, dans des limites assez étroites,
il est vrai : entre 8 et 12.
Jamais on ne voit ces noyaux en division mitosique.
L'ovaire proprement dit se trouve étroitement appliqué sur
l'un des pôles du vitellogène, c'est un groupe de petites cellules
réunies en forme de demi-croissant. A l'une des extrémité
de ce demi-croissant, les cellules sont un peu plus grandes,
arrondies, avec un noyau ordinaire à nucléole ; en se rappro-
chant de l'extrémité opposée, les cellules deviennent plus petites
et l'ovaire se termine par une couche protoplasmique poly-
CONTRIB'JTION A l'ÉTUDE DES ROTATEURS. 663
nucléée sans limites cellulaires. Il est à remarquer que, si les
divers territoires cellulaires de l'ovaire ont parfois des dimen-
sions très différentes, les noyaux cellulaires ont tous sensible-
ment le même volume (abstraction faite de la couche multi -
nucléée).
L'œuf se développe aux dépens d'une cellule de l'ovaire.
Pour devenir un œuf, chaque cellule augmente successivement
de volume, s'isole de plus en plus et acquiert un volume sensible-
ment égal à celui du vitellogène. Après s'être complètement
séparé de l'ovaire, l'œuf s'entoure d'une membrane mince,
son noyau se transforme et les phénomènes de segmentation
commencent (^).
Outre ces œufs, qui sont de beaucoup les plus fréquents, j'ai
pu observer quelques individus contenant à la fois un embryon
ordinaire et un œuf d'hiver (fig. 6 et 7) nettement caractérisé
comme tel, par ses dimensions et ses membranes.
Ce fait me paraît suffire à démontrer que les œufs d'été et les
œufs d'hiver peuvent être produits à la fois par un même
individu.
L'œuf d'hiver, le plus jeune que j'ai rencontré, était déjà
quelque peu plus volumineux qu'un œuf d'été au moment de la
segmentation. Ces œufs d'hiver sont sphériques, chargés de
granulations albuminoïdes et renferment, en outre, un nombre
variable de gouttelettes de graisse parfois très grosses. Leur
diamètre peut atteindre jusque 20 à 30 millièmes de m.m. de
longeur. Ils sont pourvus de membranes épaisses, au nombre de
trois pour l'œuf ayant atteint son maximum de développement
(flg. 6).
1» Une membrane interne mince, surtout bien visible lors-
qu'elle est plissée par suite d'une altération de l'œuf;
2° Une membrane plus périphérique, ti'ès épaisse, striée et
divisée en deux zones concentriques. Avec un grossissement
convenable, on voit que cette striation est due à une infinité
(') Auguste Lamerre. A propos de la maturile de l'œuf parlhénogénélique, 1890.
664 JEAN MASIUS.
de fins canalicules radiairement disposés à côté les uns des
autres. Ils sont élargis vers l'intérieur et c'est la suite de ces
élargissements qui provoque l'aspect d'une division de la mem-
brane en deux zones ;
3" Une membrane externe plus mince que la précédente, elle
est jaunâtre et homogène.
Souvent à la surface de ces œufs, on trouve un amas de pro-
toplasme granulé dans lequel on distingue plus ou moins clai-
rement quelques noyaux altérés. Sur les œufs très développés,
on ne trouve pas toujours ces éléments.
Un fait remarquable, c'est que toujours l'ovaire a complète-
ment disparu chez les individus portant des œufs d'hiver.
L'ovaire proprement dit ne se retrouve plus non plus, à moins
qu'il ne soit représenté par l'amas cellulaire que nous venons
de signaler à la périphérie des œufs d'hiver.
Cette disparition constante du vitellogène, rapprochée du
volume énorme des œufs d'hiver, de leur richesse en deuto-
plasme, me fait croire qu'il est au moins probable que le vitel-
logène de l'asplanchna est utilisé à la formation de ces œufs.
Appareil sexuel mâle (PI. XXVI, fig. 9). — • Comme je l'ai
déjà fait remarquer, les individus des deux sexes ont les
mêmes proportions et ne diffèrent les uns des autres que par la
constitution de l'appareil reproducteur, ce qui n'est pas le cas
ordinaire chez les diverses espèces de rotateurs.
L'appareil sexuel mâle comprend un volumineux testicule et
un conduit excréteur ou canal déférent qui s'ouvre dans le
cloaque.
Le testicule est reniforme entouré par une membrane mince
qui se continue avec les parois du canal déférent. La périphérie
du testicule est formé par une mince zone de protoplasme clair
avec quelques noyaux vésiculeux. Mais la masse principale de
cet organe est formée par des spermatozoïdes. A côté de ceux-ci,
on trouve, en assez grand nombre, des éléments ovalaires limités
par un contour net ; ils sont formés par un protoplasme clair,
dans lequel se trouvent logés deux corps allongés et réfringents.
Les spermatozoïdes ont une partie principale, de forme ova-
CONTRIBUTION A l' ÉTUDE DES ROTATEURS. 665
laire allongée, à contours bien distincts ; cette partie se continue
dans un prolongement épais assez court, animé d'un mouvement
lent. Les contours de ce prolongement sont vagues, indécis.
Le canal déférent est large et en temps ordinaire, sa surface
présente une suite de dilatation et de rétrécissements successifs.
Sur la paroi membraneuse de ce canal, on voit quelques cel-
lules à prolongement très ténus qui rayonnent en éventail à
partir du cor{)S cellulaire. Enfin, la paroi elle-même du canal
est formée de cellules assez plates, chargées d'un produit de
sécrétion granuleux et jaunâtre.
Tel est l'aspect ordinaire du canal déférent dont l'énorme
diamètre semble peu en rapport avec ses fonctions. La raison
du diamètre considérable de ce conduit s'explique par ce fait
que (dans certains cas du moins) les spermatozoïdes sont
rejetés à l'extérieur dans un volumineux spermatophore.
Ce mode d'expulsion des spermatozoïdes est-il une règle sans
exception ? Je ne puis l'affirmer, mais quoi qu'il en soit, j'ai
observé trois cas dans lesquels le canal déférent contenait un
spermatophore rempli de spermatozoïdes.
Voici la description de ce spermatophore (fig. 8) :
Il est sphérique ou légèrement allongé, jaune brunâtre et formé
par la réunion d'un grand nombre d'éléments chitineux, polyé-
driques, de dimensions variables. Les plus grands de ces éléments
sont réunis aux environs de l'un des pôles, les éléments plus
petits entourent le pôle opposé. La cavité du spermatophore est
circulaire, mais excentriquement placée, de sorte qu'au niveau des
éléments chitineux les plus petits, la paroi est aussi la plus mince.
Le canal contenant un spermatophore a perdu son aspect
glandulaire, le produit de sécrétion jaunâtre de ses cellules a
disparu, il est probablement utilisé à la formation du sperma-
tophore.
Système musculaire (fig. 1 et 2). — On peut diviser les
muscles de l'asplanchna en muscles longitudinaux auxquels se
rattachent les muscles de la tête, en muscles circulaires et en
muscles transversaux.
Les muscles les plus volumineux sont les muscles longitudi-
666 JEAN MAsros.
naux. Ils sont formés par une cellule unique dont le noyau est
encore très apparent. Certains muscles sont cependant si grêles
qu'il est parfois difficile de distinguer le noyau d'une façon
positive.
Les muscles longitudinaux sont disposés symétriquement au
nombre de sept de chaque côté du plan médian ; ils sont de lon-
gueur et d'épaisseur très variables. L'insertion supérieure se
fait souvent au voisinage de l'appareil rotateur.
Le muscle le plus volumineux du corps se trouve le long de la
partie médiane des deux faces latérales. Ce muscle est rubanné
et s'étend en arrière jusqu'à la hauteur du fond de l'estomac; à
ce niveau, il s'épanouit pour s'insérer à la paroi du corps. A son
extrémité antérieure, il se sépare en deux chefs d'insertion
inégaux, et vers le milieu de son étendue, se voit le corpuscule
cellulaire.
Les faisceaux musculaires de la tête sont nombreux, mais ne
sont, pour la plupart, que des prolongements des grands muscles
longitudinaux du corps.
Les muscles circulaires sont assez grêles et forment cinq ou six
anneaux situés immédiatement en arrière de l'appareil rotateur.
Ce qu'on appelle muscles transversaux répond à cinq iila-
ments contractiles, chacun transversalement étendu entre deux
points voisins de la face dorsale de l'asplanchna.
C'est à la fois sur l'aspect microscopique et sur l'étude des
phénomènes de contraction que je me suis surtout basé pour
affirmer la nature musculaire des divers éléments que je viens
de décrire comme muscles. Il n'est, en effet, pas toujours aisé
de discerner à première vue, sur le vivant, un muscle grêle
d'un faisceau conjonctif, par exemple.
Les éléments nettement distingués comme muscles ont la
texture de faisceaux formés par des fibrilles moniliformes très
fines. Les grains de ces fibrilles ne se correspondent pas dans
deux fibrilles voisines, c'est-à-dire ne forment pas des séries
moniliformes transversales. Il en résulte une fine striation
longitudinale jointe à un pointillé très délicat.
L'appareil vibratil (fig. 1 et 2). — L'appareil vibratil ou
CONTRIBUTION A l'ÉTUDE DES ROTATEURS 667
appareil rotateur forme, à l'extrémité antérieure du corps, un
cercle de cellules ciliées interrompu seulement en deux points
diamétralement opposés : au niveau de l'ouverture buccale, et
sur la ligne médiodorsale. (Cette dernière interruption s'accom-
pagne d'un renfoncement notable de la paroi du corps à ce
niveau.)
L'appareil rotateur est constitué symétriquement de chaque
côté du plan médian.
Sur la face ventrale, de chaque côté de l'ouverture buccale,
se trouve un groupe de grandes cellules au niveau desquelles
l'appareil vibratil est renforcé. En ce point sont réunies une
douzaine de grandes cellules ovoïdes dont la grosse extrémité
est tournée vers l'intérieur, un filet nerveux y aboutit. L'extré-
mité plus petite est libre et porte de forts cils vibratils.
Au centre de la cellule, se voit un noyau ordinaire. Le reste
de l'appareil rotateur est formé de chaque côté par sept
cellules modérément aplaties et munies de cils plus délicats.
Deux cellules dorsales, plus hautes et plus courtes que les
autres, se réunissent par leur extrémité externe, en formant un
prolongement cellulaire gros, court, et saillant à la surface du
corps. Ce prolongement est strié longitudinalement et recou-
vert d'une enveloppe chitineuse ; il présente encore cette
particularité d'être terminé par une série de soies courtes et
raides.
Une autre particularité de l'appareil rotateur se montre un
peu dorsalement de l'insertion du grand muscle latéral ; à ce
niveau, l'une des cellules s'élève au-dessus des autres et (en
arrière de la grande cellule ganglionnaire) se continue en un
prolongement qui porte une tache pigmentaire cupuliforme,
qui est d'ordinaire considérée comme servant à la perception
de sensations lumineuses.
Citons encore comme organe probable du tact, les deux
eminences latérales qui forment l'extrémité antérieure du corps
et sur lesquelles on arrive à distinguer quelques cils.
Aux environs de la partie moyenne de 1' eminence médiane, on
remarque un singulier organe très clairement visible, lorsque
43
668 JEAN MASIUS.
cette eminence est évaginée en même temps que le pharynx
(fig. 4). Au repos, cet organe est formé par un gros cil raide
logé au fond d'une petite dépression conique, de sorte que, après
évagination, c'est un cône tronqué saillant et surmonté d'un
gros cil.
Système nerveux et organes de sens (fig. 1 et 2). — L'organe
nerveux central est un ganglion situé à l'extrémité antérieure
du corps, au-dessus du pharynx (Gr. c). Ce ganglion a une
forme allongée transversalement, il est en majeure partie formé
par de grandes cellules nerveuses régulièrement disposées en
une sorte de croissant, autour d'une zone protoplasmique portant
une petite tache pigmentaire.
L'étude du reste du système nerveux de l'asplanchna présente
certaines difficultés ; en effet, les réactifs ordinaires du tissu
nerveux tels que le chlorure d'or, le bleu de méthylène, l'acide
osmique, etc., ne m'ont donné que des résultats tout à fait
insuffisants.
Le parti auquel j'ai cru le plus sage de me rendre, c'est de ne
considérer comme nerfs, que les filaments en continuité évidente
avec le ganglion nerveux central.
Au niveau de la région moyenne du corps, se trouvent dis-
posés, à peu près à égale distance les uns des autres, quatre
organes considérés comme organes du tact. Il faut distinguer
ces organes en ventraux et dorsaux, différents les uns des
autres par leur situation, leur mode d'innervation, leur structure
et leurs rapports mutuels. Ces organes de sens ont à peu près
une forme de massue à grosse extrémité libre terminée par
un petit renforcement chitineux, garni d'une touffe de cils de
longueur inégale. Chaque cil est terminé par un petit renflement
sphérique.
Les organes dorsaux sont formés de trois ou quatre cellules.
Les organes ventraux m'ont le plus souvent paru formés de
deux cellules seulement.
Les deux organes dorsaux sont réunis entre eux par une
commissure transversale. Cette commissure, avec deux cellules
qui s'y rattachent, est particulièrement bien visible sur les
individus jeunes.
CONTRIBUTION A l'ÉTUDE DES ROTATEURS. 669
Comme on l'a observé chez presque tous les rotifères, chaque
organe dorsal reçoit directement du ganglion cérébral un
gros filet nerveux sur le trajet duquel se trouve intercalée, à
une faible distance de l'organe terminal, une cellule allongée.
Le nerf allant ainsi du cerveau à l'organe dorsal est simple,
c'est-à-dire ne détache aucune branche latérale.
Le corps entier de l'asplanchna, l'appareil rotateur excepté,
est innervé par les seules ramifications de deux grands nerfs
ventraux, l'un à droite, l'autre à gauche.
De chaque côté de l'organe nerveux central, se détache un
nerf qui se porte transversalement en dehors et aboutit à une
énorme cellule ganglionnaire située immédiatement en dedans
de l'insertion du grand muscle latéral. Cette cellule ganglion-
naire est à peu près rectangulaire, et, de son extrémité externe
se détache un tronc nerveux. Celui-ci, après avoir longé l'inser-
tion du grand muscle latéral et du muscle plus immédiatement
ventral, se coude en arrière et suit ce dernier.
Bientôt le nerf se divise à diverses reprises dans son trajet
vers l'extrémité postérieure de l'asplanchna; outre les branches
qui aboutissent aux muscles (le plus souvent aux abords du
noyau), il faut remarquer : 1° une branche nerveuse pour l'or-
gane ventral ; 2° une grande branche nerveuse qui aboutit près
de l'ouverture cloacale et dont se détachent deux filets extrê-
mement grêles, l'un allant à la cellule contractile de la vessie,
l'autre aboutissant aux environs de l'ouverture de la vessie
dans le cloaque.
Le long de certains nerfs, et ayant quelquefois des trajets
partiellement analogues, se trouvent des filaments ramifiés du
tissu conjonctif. L'ensemble de ces formations conjonctives
paraît former tout un système de soutien pour certaines rami-
fications nerveuses.
L'innervation du pharynx est donnée (peut-être en partie
seulement) par deux petits filets nerveux partant du ganglion,
pour se distribuer à la face dorsale de l'appareil pharyngien.
Une petite cellule ganglionnaire est intercalée dans le cours de
ce nerf. Toute cette disposition se découvre facilement chez
un animal dont le pharynx est évaginé (fig. 4).
670 JEAN MASIUS.
Le mode d'innervation de l'appareil vibratil s'étudie très
commodément sur les préparations faites comme je l'ai indiqué
précédemment (fig. 2).
Des diverses cellules du ganglion cérébral, se détache un
nombre déterminé de filets nerveux, se rendant chacun à une
cellule de l'appareil rotateur. Les nerfs les plus nettement
visibles sont ceux qui fournissent au groupe antérieur droit et
gauche. Chaque nerf, immédiatement après s'être séparé du
cerveau, est pourvu d'une petite cellule ganglionnaire fusiforme.
Au delà de cette cellule, le nerf se rend le plus souvent
directement à la base d'une cellule vibratile.
Je n'ai pas réussi à distinguer un trajet du filament nerveux
dans l'intérieur même de la cellule.
Il peut aussi arriver qu'un nerf se divise pour fournir à deux
cellules voisines.
Il faut encore remarquer que le filet nerveux qui se rend à
la cellule portant la tache oculaire est particulièrement déve-
loppé et se termine près de l'organe visuel par deux très petites
cellules qui paraissent en rapport avec la grande cellule gan-
glionnaire du grand nerf ventral principal.
II. — Lacinularia socialis (Ehr.).
(PI. XXVI.)
Après les remarquables travaux d'EnRENBERG (49), Leydig
(110), Huxley (92), Plate (183) et autres, il semble que l'orga-
nisation de Lacinularia socialis soit parfaitement connue ; aussi
n'entrerai-je pas ici dans de gi-ands détails à propos de ce
rotateur tubicele ; je me contenterai d'insister sur quelques
points, à propos desquels mes observations m'ont conduit à
une opinion quelque peu différente de celle de mes savants
devanciers.
Chez Lacinularia le tube digestif est complet, comprenant
une partie pharyngienne avec appareil masticateur, une région
œsophagienne courte à laquelle se rattachent les glandes sali-
CONTRIBUTION A l'éTUDE DES ROTATEURS. 671
vaires, une région stomacale à cellules volumineuses, enfin
l'intestin terminal avec le cloaque dans lequel s'ouvrent l'ovi-
ducte et les canaux excréteurs des reins. L'ouverture du
cloaque est située dorsalement vers l'extrémité postérieure du
tronc.
De chaque côté du plan médian, et plus rapproché de la face
dorsale, se trouve un tube ondulé qui aboutit en arrière au
cloaque ; vers son extrémité antérieure, il se bifurque et se
comporte d'une fa(^on assez spéciale comme nous le verrons
bientôt. L'ensemble de ces deux canaux forme Vapparcil
excréteur ou rein primitif de l'animal.
La structure des parois du tube néphridien est la même que
chez l'asplanchna.
Outre ceux de l'extrémité antérieure, trois organes termi-
naux de l'appareil excréteur se trouvent dans chaque moitié du
corps ; ce sont de petits diverticules se détachant du tube
principal sous un angle foit aigu, leur extrémité postérieure est
libre et, à leur intérieur, se trouve un gros cil animé d'un
mouvement ondulatoire centripède. La situation de ces organes
terminaux est fixe.
L'un se trouve approximativement à la hauteur de l'anus, le
deuxième immédiatement derrière la glande salivaire, et le
troisième immédiatement au-devant d'elle. Pas plus ici que chez
Asplanchna, je ne puis admettre que ces organes établissent
une communication directe avec la cavité générale du corps,
comme Joliet (200) le décrit pour les Mélicertes.
Chacun des reins s'ouvre séparément dans le cloaque sans
présenter au préalable de dilatation permanente, contractile ou
non contractile.
L'extrémité antérieure du corps de Lacinularia soc. est étalée
en ombelle au-dessus du reste du corps. Arrivé près de la tête,
chaque rein primitif se bifurque en deux branches, l'une ventrale,
l'autre dorsale. La branche dorsale devient tout à fait super-
ficielle dans la tête et se renfle en un organe plus ou moins
sphérique extrêmement volumineux. Ces énormes appendices
céphaliques de l'appareil excréteur, sont situés de chaque côté
672 JEAN MASIUS.
du ganglion cérébral et ont une structure analogue au reste de
l'organe ; ils renferment un conduit sécréteur très contourné.
Chaque appendice céphalique est pourvu de deux organes
terminaux, l'un interne, l'autre externe, avec un noyau cellulaire
dans chacun d'entre eux.
L'organe terminal interne est fort long et s'étend jusqu'à
l'appendice céphalique du côté opposé. Sur la ligne médiane, au-
dessus du ganglion cérébral, les deux organes terminaux internes
symétriques s'entrecroisent donc l'un avec l'autre (iig. 11). C'est
cet entrecroisement qu'on a parfois considéré, à tort, comme une
anastomose.
(En rapport avec l'existence de l'entrecroisement, on peut observer
que le cil de l'organe terminal entrecroisé ondule dans un sens centri-
fuge par rappoi't à la moitié du corps où il se ti-ouve, mais centripède
par rapport à la partie de l'appareil excréteur dont il dépend réelle-
ment.)
De l'extrémité libre des organes terminaux de la tête, partent
de très fins filaments, les reliant plus ou moins directement aux
cellules voisines de l'appareil vibratil. Deux gros prolongements
cellulaires pleins réunissent encore chaque appendice céphalique
de l'appareil excréteur, à deux cellules voisines de la rangée
supérieure dans l'appareil vibratil.
Enfin, de la face inférieure ou ventrale du prolongement
céphalique, part un canal court aboutissant d'autre part à la
branche de bifurcation ventrale du rein primitif.
Cette branche ventrale, souvent repoussée jusqu'au contact
de l'appendice céphalique correspondant, a une forme de fuseau
creux ; trois noyaux cellulaires y sont visibles. L'extrémité
antérieure du fuseau est bifurquée et se continue, d'une part,
dans le canal court de l'appendice céphali(iue dont nous venons
de parler, et d'autre part dans un organe terminal ordinaire
avec quelques filaments conjonctifs pour le rattacher à des
éléments voisins.
Appareil sexuel femelle. — Lacinularia soc. est ovipare.
L'appareil sexuel femelle se compose d'un ovaire s. s., d'un
vitellogène et d'un conduit excréteur des produits sexuels. Le
vitellogèue est énormément développé, l'ovaire s. s. est très
CONTRIBUTION A l'ÉTUDE DES ROTJATEURS. 673
réduit et plus difficile à découvrir que chez l'Asplanclina. Sur
un individu portant un œuf, on ne le voit bien qu'en coupe
microscopique (ûg. 12).
Le vitellogène et l'ovaire réunis forment ensemble un organe
reniforme dont le grand axe est parallèle au grand axe du
corps de l'animal. Cet organe est tout à fait ventral, le liile est
tourné vers le dos, et c'est au liile que se trouve l'ovaire s. s.
Celui-ci tout à fait à la surface du vitellogène, forme une rangée
de petites cellules nettement séparées les unes des autres.
Plus profondément, on distingue encore des noyaux sans terri-
toire cellulaire indiqué. Le vitellogène renferme une dizaine de
grands noyaux avec nucléole énorme. Eemarquons, accessoire-
ment, que les limites cellulaires sont souvent visibles dans le
vitellogène de lacinularia.
L'œuf se forme et se développe suivant le processus décrit
pour l'asplanclma ; le volume du vitellogène ne diminue pas
pendant la durée du phénomène. Dans le corps maternel, l'œuf
se développe jusqu'à atteindre un volume égal à celui du
vitellogène contre lequel il est appliqué. On lui distingue alors
un grand noyau clair avec une charpente réticulée et quelques
petits nucléoles. L'anif est expulsé par l'oviducte, large canal
membraneux d'ordinaire complètement revenu sur lui-même et,
pour ce motif, peu visible.
Avant d'aborder l'étude des muscles de Lacinularia, je dirai
un mot de la glande muqueuse avec son conduit. Le produit
d'excrétion de cette glande forme la gaine gélatineuse de
chaque individu.
La glande est située un peu en arrière de l'intestin terminal,
elle est maintenue en place par l'extrémité antérieure bifurquée,
laquelle se continue dans de larges faisceaux de tissu conjonctif
formés de tines fibrilles enveloppant quelques noyaux allongés.
Ces faisceaux conjonctifs s'insèrent aux muscles voisins par
un épanouissement terminal considérable.
Chez l'adulte, cette glande ne fonctionne plus. Le conduit
excréteur de la glande s'étend directement jusqu'à l'extrémité
postérieure du pied où il s'ouvre à l'extérieur.
674 JEAN MASIUS.
Cette glande paraît être monocellulaire.
Système musculaire. — Il existe chez lacinularia, des
muscles longitudinaux et des muscles circulaires. Mais, au point
de vue de leur structure, nous devons distinguer les muscles
longitudinaux ordinaires des muscles longitudinaux à striation
oblique double.
Les muscles longitudinaux sont disposés d'une façon ^ymé-
trique de chaque côté du plan médian. Dans le tiers antérieur
du pied de Lacinularia, on remarque quatre grandes cellules
(deux de chaque côté de la médiane, disposées de telle façon que
deux soient plus ventrales et deux plus dorsales).
Les deux cellules ventrales sont très régulièrement piriformes,
un noyau arrondi avec un petit nucléole en occupe le centre.
Les deux cellules, plus dorsales, sont finement granulées et
régulièrement pourvues chacune de deux noyaux sphériques.
D'après Leydig (110), ces quatre cellules seraient des
cellules nerveuses ; je crois, au contraire, que ce sont là les
corps cellulaires de quatre muscles longitudinaux.
Deux autres muscles ont un corps cellulaire fusiforme situé
à une faible distance de l'extrémité postérieure du pied.
Les différents corps cellulaires dont nous venons de parler
(au nombre de six) se continuent respectivement en avant et en
arrière dans un prolongement assez fort, qui, accolé à la paroi
du corps, s'étend en arrière jusqu'à l'extrémité du pied, et peut
se prolonger en avant jusqu'à l'ombelle.
L'observation des phénomènes de contraction, l'absence de
connexion directe des prolongements avec le ganglion nerveux
central, leur aspect à l'examen avec des objectifs puissants, leur
disposition générale, tout, enfin, me porte à croire que les élé-
ments que je viens de décrire sont bien réellement des éléments
contractiles, ayant la valeur de fibres musculaires.
Quatre de ces muscles arrivent jusqu'à l'extrémité antérieure
de l'animal, et là, se divisent chacun en trois ou quatre branches
qui s'étalent dans l'ombelle, y prennent insertion.
Dans toute l'étendue du pied, on rencontre quelques anasto-
moses constantes entre les divers muscles.
CONTRIBUTION A l'ÉTUDE DES ROTATEURS. 675
De chaque côté du plan médian, et tout à fait dorsalement,
se trouve encore un muscle longitudinal d'un caractère bien
particulier. Le corps cellulaire de ce muscle se trouve en avant
des autres, immédiatement en arrière de l'intestin terminal. Vers
l'extrémité antérieure, le muscle se divise en trois branches
dont la plus importante peut encore se subdiviser à son tour.
En arrière, ce muscle arrive jusqu'à l'extrémité du pied.
Ces deux muscles dorsaux sont caractérisés par une striation
oblique double très analogue à celle qu'ENOELMAN a étudiée
dans le muscle postérieur de l'anodonte. Ici aussi, cette striation
n'est pas due à une structure comparable à celle des fibres
musculaires striées ordinaires; elle paraît plutôt provenir d'un
enroulement spiraloïde de tibres très ténues autour de la masse
principale du muscle. L'exactitude de cette supposition se
démontre par l'impossibilité de mettre au point simultanément
les deux striations et par l'aspect denticulé des bords de
l'élément musculaire. (Immers, homog. de Zeiss.)
La contraction des muscles longitudinaux amène le raccour-
cissement de tout l'individu avec formation d'une infinité de
petits plis transversaux particulièrement nombreux dans le
pied. La contraction des parties distribuées dans l'extrémité
antérieure et la tête, referme sur elle-même cette extrémité
antérieure étalée en ombelle.
Les muscles circulaires sont très fins et surtout nombreux
dans la partie antérieure du tronc. Dans le pied, il n'en existe
pas. Il y en a en tout une quinzaine environ.
Appareil vibratil ou aiipareil rotateur. — Situé à l'extrémité
antérieure de l'animal, il sert à la locomotion dans le jeune âge.
Plus tard ce même ap[)areil fort développé ne sert plus guère
qu'à attirer les particules alimentaires dont l'animal se nourrit.
L'extrémité antérieure de Lacinularia soc. est étalée en forme
de disque à peu près circulaire, présentant une échancrure au
niveau de la ligne médioventrale. La face supérieure de ce
disque ou ombelle, est plane, le bord est creusé d'une gouttière
circulaiie profonde limitée par une lèvre supérieure faisant
saillie sur la lèvre inférieure qu'elle recouvre.
676 JEAN MASIUS.
Chaque lèvre est gamie de cils vibratils nombreux, formant
ainsi deux bandes ciliées superposées ; la bande supérieure a
des cils plus nombreux et plus puissants, lesquels sont implantés
dans une zone chitineuse à striation oblique nette.
Cette disposition explique l'aspect de l'appareil vibratil vu
par au-dessus ou par en dessous. Dans l'un et l'autre cas, les
deux bandes de cils, rapprochées l'une contre l'autre, forment
une zone circulaire foncée. Cette zone paraît nettement séparée
des cellules (dont elle dépend), par une ligne sombre qui, en
réalité, répond au fond de la gouttière qui règne entre les
deux bandes ciliées. Correspondant à ces dernières on trouve
au fond de la gouttière, deux rangées superposées de grandes
cellules claires allongées, limitées du côté opposé par un bord
ondulé. Le protoplasme de ces cellules est réticulé, il renferme
un noyau avec un nucléole assez gros.
Le nombre dix est constant pour chaque rangée de grandes
cellules de l'appareil vibratil. Comme nous l'avons déjà vu
précédemment, deux cellules de chaque côté, dans la rangée
supérieure, se rattachent à l'appendice céphalique de l'appareil
excréteur, par un épais prolongement conique.
Les deux bandes ciliées sont continues, mais sur la face
ventrale, elles s'écartent fortement l'une de l'autre, de façon à
limiter entre elles les bords de l'ouverture buccale.
Système nerveux et organes de sens. — L'organe nerveux
central est un volumineux ganglion dorsalement situé dans
la partie tout à fait antérieure de la tête, immédiatement
au-dessus du pharynx, entre les deux appendices céphaliques
de l'appareil excréteur. Il est surtout visible quand on
examine la face supérieure de l'extrémité antérieure; il est
formé par un grand nombre de cellules. Il est allongé trans-
versalement et divisé en deux moitiés symétriques, par un sillon
dorsal longitudinal.
De ce ganglion partent plusieurs nerfs.
J'ai observé : 1" Un nerf dorsomédian, fournissant à l'organe
de sens dorsal ;
CONTRIBUTION A l'ÉTUDE DES ROTATEURS. 677
2° Deux nerfs dorsolatéranx pour les muscles ;
30 Deux nerfs latéraux pour l'appareil vibraiil.
Outre ceux-ci, un quatrième tronc nerveux volumineux se
détache du ganglion entre les nerfs 2» et 3° et se dirige vers la
partie postérieure du corps; je n'ai pas réussi à en observer
exactement la distribution.
Les organes de sens dorsaux sont au nombre de deux chez
l'Asplanchna, réunis directement par une commissure tranver-
sale. ChezLacinularia, au contraire, cet organe est unique, mais
semble conserver des traces d'une dualité primitive. Il est situé
sur la face dorsale, dans la partie antérieure du corps, là où elle
commence à s'élargir. Quatre cellules contribuent à la forma-
tion de cet organe ; les deux plus superficielles sont relativement
grandes, vacuolées et garnies d'une houpe de cils rigides.
Un filet nerveux unique part du ganglion central et aboutit
à l'organe de sens en se divisant en deux filets plus grêles, se
terminant chacun à l'une des cellules basilaires. Ce nerf se
trouve placé entre deux autres qui, dans chaque moitié de la
tête, partent du ganglion, et se dirigent vers le bord dorsal de
l'appareil rotateur. A mi-distance environ, entre le cerveau et
ce bord, ils se divisent en deux branches ; l'une latérale plus
grosse et plus courte aboutit au grand muscle dorsal. La
seconde branche est plus médiane et se termine en se divisant
en deux rameaux très courts, dont l'un innerve une cellule de la
rangée supérieure de l'organe rotateur, l'autre arrive à une
cellule médiane conique, très allongée, dont le sommet est en
rapport avec l'organe de sens dorsal. La base de cette cellule
allongée répond à l'organe rotateur.
De chaque côté du ganglion central, partent, plus ventrale-
ment deux gros nerfs qui se dirigent vers l'extrémité postérieure
en se rapprochant de la face dorsale ; ils atteignent bientôt
l'appareil excréteur et, dès ce moment, il devient presque im-
possible de les suivre dans leur trajet.
Plus ventralement encore que les précédents, se détachent
du cerveau deux nerfs à peu près transversaux ; chacun de ces
nerfs arrive, dans la moitié correspondante de la tête, à une
678 JEAN MASIUS.
petite cellule triangulaire, pourvue d'un noyau ordinaire, à côté
duquel, d'une façon constante, se trouve une petite vacuole.
Cette cellule directement reliée au cerveau, doit être une
cellule nerveuse ganglionnaire intercalée dans le trajet du nerf.
Les ramifications nerveuses sortent de la cellule pour se distri-
buer péripliériquement aux cellules vibratiles.
Nous avons vu précédemment le mode d'innervation des
deux cellules dorsales de la rangée supérieure; en outre,
quelques cellules rapprochées de l'orifice buccal sont innervées
par des rameaux nerveux spéciaux venant directement du
cerveau. Il semble donc que, chez Lacinularia, chaque cellule
de l'appareil vibratil soit en rapport avec un ramuscule nerveux
spécial. Sous ce rapport, l'analogie avec Asplanchna, serait
complète.
Pour terminer cette étude sur Lacinularia socialis, je citerai encore
quelques groupes de cellules formant, chez l'adulte, des organes dont
la signification ne m'est pas clairement apparue.
Sur les côtés de la partie dorsale des glandes salivaires, se trouvent
deux traînées cellulaires convergeant vers la ligne mèdio -dorsale.
Au niveau de l'extrémité postérieure du vitellogène, symétriquement
de chaque côté de la face ventrale et dans un plan très superficiel, ou
observe toujours la présence de deux petites traînées cellulaires, se
dirigeant en arrière, en se rapprochant de la ligne médio-ventrale.
Cette série de cellules unies les unes aux autres paraît n'avoir
aucun rapport avec les appareils voisins. Les cellules, au nombre de
quatre ou cinq de chaque côté, sont toujours peu volumineuses et de
plus en plus petites à mesure qu'elles sont postérieures.
Si on examine Lacinularia par la face ventrale, on remarque, sous
le bord inférieur de l'ouverture buccale, une gouttière large et peu
profonde qui s'étend dans le sens antéro-postérieur jusqu'au niveau
correspondant à celui des mandibules. En ce point, la gouttière
s'élargit et se termine bientôt par une sorte de petit cul-de-sac.
L'ensemble, gouttière et cul-de-sac. est couvert de cils vibratils
courts. L'élargissement postérieur de la goutière se fait de telle façon
que, de face, elle paraît venir s'ouvrir dans une petite fosse ovalaire à
grand axe transversal. Le fond du cul-de-sac répond à un organe tout
à fait superficiel ayant la forme d'un cube aplati, qui se continue
CONTRffiUTION A l'ÉTUDE DES ROTATEURS. 679
en ai'rière dans deux prolongements assez longs. Ces derniers se
réunissent à des éléments de la substance conjonctive.
Cet organe ventral est formé de protoplasme polynucléé, sans
limites cellulaires visibles; les noyaux y sont répartis symétriquement,
au nombre de cinq.
Comme on a pu le voir, les pages qui précèdent sont le
résultat d'une étude purement objective, et il serait au moins
prématuré de vouloir en tirer l'une ou l'autre conclusion
générale.
Il faut considérer ce mémoire comme le début d'un travail
qui, étendu aux diverses familles de Rotateurs et accompagné
de l'étude du développement de quelques formes, permettrait
seulement alors des conclusions importantes et sérieuses en ce
qui concerne l'ontogénie et la pliylogénie des diverses
formes de ce groupe.
680 JEAN MASIUS.
EXPLICATION DES FIGURES.
PLANCHE XXV. - Asjnanchna.
Fig. 1. Asplanchna ^ vue de profil. Le système nerveux est teinté
en jaune, le système musculaire en rose.
G. c. Ganglion cérébral.
0. s. d. Organe de sens dorsal.
Es. Estomac.
V. Vitellogène.
Ov. Ovaire proprement dit.
0. s. V. Organe de sens ventral.
0. b. Orifice buccal.
t. c. tissu conjonctif.
N. Nerf principal.
G. s. Glande salivaire.
Fig. 2. Tète d'Asplanchna vue par au-dessus, pour démontrer l'inner-
vation des cellules de l'appareil vibratil. Le système
nerveux en jaune. Le système musculaire en rose.
M. Mandibules aperçus dans la profondeur.
N. Le grand nerf principal qui contourne l'insertion du grand
muscle latéral, puis se dirige vers l'extrémité postérieure
du corps (voir fig. 1).
-X. Deux cellules nerveuses unies d'une part au ganglion
cérébral, d'autre à la grande cellule ganglionnaire de
laquelle part le nerf principal.
Fig. 3. Vue du pharynx évaginé, de face.
M. Cellules contractiles.
m. Petits filaments musculaires pour les mandibules.
A. Appendices latéraux du pharynx après l'évagination.
Fig. 4. Pharynx évaginé vu de profil, même grossissement, mais chez
un individu plus jeune que celui de la figure précédente.
Fig. 5. Un organe terminal de l'appareil excréteur, k un très fort
grossissement.
CONTRIBUTION A l'ÉTUDE DES ROTATEURS. 681
Fir. 6 et 7. Deux œufs d'hiver. Celui de la fig, 6 a atteint tout son
développement. Celui de la fig. 7 est beaucoup plus jeune
et provient d'une femelle qui portait, outre*cet œuf, un
embryon ayant atteint un degré avancé de son développe-
ment.
Fig. 8. Un spermatophore avec spermatozoïdes.
PLANCHE XXVI.
Fig. 9. Appareil sexuel mâle.
c. c. Cellule conjonctive qui n'est pas représentée dans la
fig. 1.
E. L'estomac esquissé.
T. Testicule.
Fig. 10. Lacinularia socialis. Vue générale de face.
0. h. Ouverture buccale.
A. c. Appen.àces céphaliques de l'appareil excréteur.
X. Point où se fait la bifurcation antérieure de l'appareil
excréteur.
0. V. Organe ventral.
G. s. Glande salivaire.
V. Vitellogène.
0. Œuf en voie de formation.
1. t. Intestin terminal.
A. e. Appareil excréteur.
M. Mandibules.
Z). P. Dilatation latérale du pharynx.
C. M. Cellules musculaires.
G.m. Glande muqueuse.
T. c. Traînées cellulaires superficielles, de signification incon-
nue.
C. m. c. Corps cellulaires des deux muscles à double striation
oblique.
Fig. 11. Tète de Lacinularia vue par au-dessus. Le système nerveux
est teinté en jaune et les muscles en rose.
G. c. Ganglion cérébral.
C. t. Cellules nerveuses triangulaires, d'une part unies direc-
tement au ganglion cérébral, et fournissant, d'autre
part, quelques ramifications nerveuses pour des cellules
de l'appareil vibratil.
682 ■ JEAN MAsros.
A. e. Appendice céphalique de l'appareil excréteur, réuni à
l'appareil vibratil par deux prolongements protoplas-
miques épais ]) et p'.
Fig. 12. Coupe frontale dans le tronc de Lacinulax'ia, montrant nette-
ment la situation et les rapports de l'ovaire propre-
ment dit.
Ov. Ovaire.
V. Vitellogène.
T. Tube digestif.
G. s. Glandes salivaires.
E. Appareil excréteur qui a été atteint d'un côté seulement.
0. Un œuf en voie de formation.
Fig. 13. Lacinularia socialis; exemplaire très jeune — (forme soi-
disant larvaire). Vue de profil.
0. b. Ouverture buccale.
60Ù1# DEC 1974
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Date Due
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