ARCHIVES DtS MISSIONS SCIENTIFIOUES ET LITTERAIRES. CHOIX DE RAPPORTS ET INSTRUCTIONS riBME SOtiS LtS \i;SI>ICES DU MINISTERE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE ET DES CULTES. TOME VII. PARIS IMPRIMERIE ADxMINISTRATIVE DE PAUL DUPOiNT, «IB DK CBBNELLE-SAIXI-HONORE, 43. M DCCC LVIII. ARCHIXES DBS MI8SI0:VS SCIENTIFIQUES ET LITTERAIRES. ARCHIVES DES MISSIONS SCIENTIFIOUES ET LITTERAIRES. CHOIX DE RAPPORTS ET INSTRUCTIONS ruBLiK sons les auspices DU MINISTfeRE DE LINSTRUCTION PUBLIQUE ET DES CULTES. TOME VII. PARI IMPRIMERIE ADMINISTRATIVE DE PAUL DUPONT BUF. DE GnENELLB-SAINT-HONORt, 45. M DGCC LVIII. ARCHIVES DES MISSIONS SCIENTIFIOUES ET LITTEBAIRES. RAPPORT presente d Son Excellence Monsieur le Minislre de l' in- struction publique et des cidtes, par M. Prioux, sur les dessins de la collection Gaignieres a Oxford. Monsieur le Minislre , Je viens vous rendre compte de la mission dont Voire Excellence a bien voulu m'honorer par son arrete du \h mars 1856. Charge par vous, Monsieur le Minislre, de consuller les documenls inedils relatifs a I'hisloire de France que contienl la bibliolheque bodleienne d'Oxford, le lilre de correspondant pour le deparlenient de I'Aisne, que je dois a voire bienveillance, ra'imposail plus specia- lement le devoir d'examiner avec soin les nonibreux documenls qui concernent le Soissonnais et qui fonl parlie des seize volumes in-folio de la colleclion Gaignieres. Dansle volume corjsacre aux tombes des princes du sang royal, j'ai l-ouve qualorze dessins des plus inleressanls pour I'histoire lo- Archiv. uf.s Miss. vn. 1 cale oil generale do la France, el dix-luuL non moins importants, dans le volume des tombeaux el epitaphes des eglises de I'lle de France ; les aiilres volumes no conliennent rien concernant le deparlement de I'Aisne. Ces dessins se repartissent de la maniere suivanle : 15 sonl I ires de I'ancienne abbaye royale de Sl-Yved de Braine ; 15 provienncnt de I'ancienne abbaye de Longponl ; 1 de la cathedrale de Soissons ; 1 de la calliedrale de Beauvais (tombe de Philippe de Dreux, eveque de Beauvais, ne a Braine) ; Ces trenlc-deux dessins donl j"ai pris les caiques que j'ai I'hon- neur de soumellre a Voire Excellence eclaircissent des poinls his- toriques reslus jusqu'ici peu connus ou mal apprecies. Grace a la leltre d'introduclion que vous avez eu la bonle de me faire oblenir de Son Exc. I'ambassadeur de France en Angle- terre , MM. H.-O. Coxe et A. Hackman , conservateurs de la Bod- leienne, avec one parfaite et gracieuse obligeance, que je suis heu- reux de vous faire connailre, se sonl empresses de mettre a ma dis- posilion les seize volumes de celle precieuse coUeclion, conlenant environ quinze cents dessins de la plus haute importance , dont les monuments sont aujourd'hui perdus et qui manquenl a nos archives. Sentant vivement le prix el rutilit^ de ces monuments historiques, j'aicru, Monsieur le Minislre, enlrer dans I'esprit de ma mission en m'informant officieusenienl des moyens d'echanger ces documents franqaiscontre des documents anglais de mfime nature qui pourraient se trouver dans nos depots publics ; mais j'ai du renoncer presque aussilot a I'espoir de les voir rentrer en France, en apprenant qu'ils onl ele legues par un testament de Tantiquaire Gough , sous la con- dition Gxpresse de les conserver, et que I'L'niversile d'Oxford ne pourrail s'en dessaisir, quand bien meme elle en aurait la pensee, que sur un acte de la Chambre des communes sanctionne par la Chambre des lords et par le Gouvernement de la reine. Mais si ces originaux sont a jamais perdus pom- nous, on pourrail aisement, je. crois, en oblenir des copies qui viendraient prendre place dans les volumes de la meme collection que nous possedons a Paris, en rcmpliraient les lacunes, et par leur importance compen- seraient largement les frais assez minimes de I'exdciUion. Les trenle- deux caiques (jiii inleressent le deparlement de I'Aisne m'ont de- mande dix jours de travail ; d'apres cetle moyenne approximative, il nc faudrait pas beaucoup plus d'une annee pour calquer toute la — 3 — collection-, on bien si chaqiie departement que cela interesse dele- giiail line personne pour remplir celte patriolique mission , nous pouirions renlrer rapidemenl et a peu de frais en possession de ces richesses archeologiques. Je n'ai pas voulu quitter Oxford sans faire une courte visite au chateau de Middle-Hill , dans le comte de Worcester, oii j'ai trouve, grace au nom et a I'introduclion de M. le bibliothecaire 0. Goxe, I'accueil le plus affable et le plus cordial. Avec une obligeance vrai- ment empressee, sir Thomas Philipps a mis a ma disposition les tre- sors de sa precieuse et celebre collection , qui renferme soixante mills volumes et plus de qualorze mille manuscrits. N'ayant que quelques heures a y consacrer, j'ai dii porter mon attention sur les documents relatifs au departement de I'Aisne. Le premier que j'ai examine est un cartulaire de Tabbaye de Saint- Jean-de-Laon, manuscrit du xin^ siecle, tres-beau et tres-bien con- serve, contenant quatre-vingt-quinze chartes d'une tres-belle ecri- ture avec de nombreuses abreviations, occupant \2h pages in-^° de 2k lignes chacune, commengant par : Ego Engellrannus de patientia Ecdesiw et fmissant par ceux-ci : Datum anno Dmi M'^ XX" LA'» quinlo mense Julio. Le deuxieme est un obituaire de I'eglise cathedrale de Saint-Quen- tin, contenant 39 folios (numeroles de 1 a /j9, il y a une lacune de 20 a 30) in-Zi" velin sur deux colonnes, d'une petite mais belle ecri- ture du quatorzieme siecle. Le troisieme est une vie de saint Remi, par Hincmar, eveqiie de Reims (en 878), et transcrite a la suite d'une charte occupant deux folios grand in-i" velin d'une petite ecriture assez difficile a lire. Enlin, cinq volumes ih-k" d'une ecriture du dix-huitieme siecle, contenant les vies des hommes illuslres du Ponthieu, sous le titre de : Celebres Picards. II exists en outre dans cette belle et riche collection plusieurs au- tres documents historiques de la plus haute importance et relatifs au departement de I'Aisne ; mais leur recherche aurait exige plus de temps que je ne pouvais en donner. Je citerai done pour memoire seulement : un cartulaire de Laon, in-^i° velin du quatorzieme siecle; un autre de I'eveche de Laon, m-k° velin du treizieme siecle ; quatre cartulaires de I'ancienne abbaye de Premontre ; et une piece du dix- septieme siecle , relative a Razache pres Rraine. Mais I'examen de ces curieux monuments s'ecartait trop de I'objet dema mission pour que je ne dusse pas me borner a en signaler I'existence. J'ai cru repondre a vos voeux. Monsieur le Ministre, en faisant pour — /, - mon departemenl ce qu'il serait si important de (aire pour tous, et par la juslifier de mon mieux le litre et la mission dont vous avez daigne m'honorer. J'ai I'honneur d'etre, avec le plus profond respect, Monsieur le Ministre, De Votre Excellence , Le tres-humble et tres-obeissant serviteur. S. Prioux , Correspondant du ministere de rinstruction publique a Lime pres Braine (Aisne). Lim^, le 25 avril 1856. RAPPORT presenle d Son Excellence Monsieur le Ministre de I'in- struclion piiblique et des cultes, par M. Ch. de Unas, membre non residaut du Comile de la langue , de I'histoire et des arts, charge d'eludier en France les anciens velemenls sacerdotaux et les anciennes etoffes. Monsieur le Ministre, Charge par S. Exc. M. H, Fortoul, votre predecesseur, de proce- der en 1856 a de noiivelles recherches sur les vetements sacerdotaux et les tissus de fabrique ancienne, conserves, soil dans les eglises, soit dans les collections publiques ou particulieres de I'Empire fran- Qais, je me suis livre avec ardeur a des etudes que leur actualite, et surtout leur utilile pratique aujourd'hui fort appreciee du clerge et de I'industrie, me rendent de plus en pluscheres. Le desir de traiter a fond certaines questions conlroversees, m'a entraine depuis le retour de la mission qui m'a ete conflee par M. Fortoul, en Belgique et en Allemagne, et les notes prises dans cette derniere excursion, viendront plus d'une fois se meler aux docu- ments que j'ai recueillis en France. Chacune des villes oii je me suis arrete formera done I'objet d'un article separe, ou je mentionnerai, non-seulement les broderies et les etoffes liturgiques, mais encore tout ce qui pourra interesser I'ecclesiologie. Avant d'aborder ma narration, qu'il me soil permis d'exposer quel- ques considerations preliminaires. En France, l\ peu d'exceptions pres, les anciens vetements sacer- dotaux sont conserves comniereliques et les tissus comme enveloppes de reliques ; de plus, si les premiers out appartenu a quelque saint personnage en renom dans la contree, ils ne sont jamais isbles, et des qu'on en connait une piece, il y a cerlaines probabilites pour en trouver d'aatres aux environs : c'est ainsi que j'ai rencontre, a Chablis, divers fiagments du costume de Saint-Thomas de Cantor- bery ; au petit seniinaire d' Avignon, les sandales du bienheureux cardinal Pierre de Luxembourg, dont la dalmatique et le chapeau sont a la paroisse Saint-Pierre, a Briguoles, la tunicelle, la mitre et les gants de saint Louis d'Anjou, dont la chape est a Saint- Maximin et le portrait authentique a Aix (1). (1) On conservail autrefois, dans I'eglisc des cordeliers de Toulouse, \e% 'pontificalia (i jo I'ai examint^ tout ^ men aisc. — 39 — Bt5ii^diclins de Saint-Andre: ce mailre-autel, que beaucoup de ca- th^drales seraienl heureuses d'avoir, est orne, sur sa face ant^- rieure, d'un Christ etendu mort; le tabernacle, flanque de deux adorateurs, represente un groupe d'anges elevant la croix triom- phante, le tout en marbre blanc et d'un bon travail. Phisieurs ta- bleaux anciens, malheureusement ensevelis dans une obscurite pro- fonde, ont captive mon attention ; j'ai enlrevu, je ne puis dire 6tudid, ne pouvantvaincre robstacleinsurmontable du manque de jour, une vaslepeinture ilalienne du quinzieme siecle, ou la Vierge, saint Jean, la Magdelaine et le donataire, chanoine en rochet, personnages ires- bien dessines, se detachent sur le fond d'or avec une vigueur remar- quable. Chartreuse du val de benediction. — Dans la chapelle polygo- nale attenante au refectoire du convent fonde par Innocent VI, existe encore, une fresqufi due a un pinceau italien du quatorzieme siecle. L'artiste a retrace sur le mur la vie de saint Jean-Baptiste; des anges voltigent aulour de la coupole, et I'intrados des grands arcs est orne de caissons. II serait temps que I'Elat prit en commiseration, ces oeuvres d'art exposees aux intemperies de I'atmosphere, et, qui pis est, aux cgralignures des fagots, qu'un proprietaire ignorant ou necessiteux, place chaque annee, dans le lieu saint transforme en grange. APT. Ancienne CATHiiDr.Ai.E DE Notre-Dame : Voile de salute A7i7ie. — La petite ville d'Apt etait une des stations marquees a I'avance sur mon itineraire ; je devais y dessiner un voile attribue a sainte Anne, voile dont on m'avait montre la copie a la bibliotheque publique d'Avi- giion. Grace a la bienveillante autorisation de I\Igr De Belay, j'etais certain de rencontrer, ce qui advint en effet, un accueil favorable aupres de M. I'archipretre Arnaud, mais les deceptions surprennent toujours a I'heure ou I'on s'y attend le moins; malgre la bonne vo- lonte de M. le cure, malgre les efforts reiteres de MM. les marguil- Hers Seymard et Jean qui se joignirent a moi, il fut impossible d'extraire le precieux tissu du vase de vcrre a col etroit qui le ren- ferme (1). M. I'abbe Gay avait ete plus heureux quelque temps au- (1) Cotle houlcille est un fiasco en vcrre de Venise ^maill(i du sei- zi^me siecle. - .',0 — paravaiiL; eel ecclesiastique a caique et reproduit en eulier, sur line toile de colon, Tun des plus rares monumenls textrins qui soient connus; un defaul de precautions en le replacant a ete cause de nion desappoinlemenl : toulefois, j'ai cu le loisir d'examiner a nion aise un assez long morceau, que j'ai fail sorlir de la bouteille au moyen d'un baton pointu, et j'ai pu reconnaitre une mousseline arabe, brochee d'or el de soie , a la maniere des chefs de nos pieces de madapolam , imiles eux-memes des marques de fa- brique indoues. La copie execulee par M. Gay, copie que j'ai re- levee en parlie, m'aidera a compleLer un travail desorniais inexe- cutable; car Toriginal est si eraille, qu'on ne peut plus I'avoir en entier sans briser sa custode, parti violent toujours regrettable a prendre. Le voile de sainte Anne consiste en un rectangle de mousseline, genre de I'lnde, large de Irois metres environ, sur 1,65 de hauteur; il est traverse sur chacun de ses pelits cotes par Irois raies paral- leles, brochees en or et soie; les deux extremes, de 0,027, presen- tent une espfece d'enlrelacs blanc encadrant des oiseaux d'or et des Heurs de meme sur fond rose, ornementalion qui n'est pas sans analogie avec une etoffe conservee aux archives de Notre-Dame de Paris (1). La bande intermediaire, large de 0,082, aussi fond d'or, se subdivise elle-meme en cinq parties, 1° et 5° une bordure a <«s5?5i noirs, liseree de rouge, de blanc et de bleu; 2° et k° une ligne de caracteres arabes bleus; 3" au centre, enfm , un en- trelacs avec des chiens et des perroquets affrontes, separes par un rameau vert. Le milieu du voile est parlage verticalenient, dans le sens de sa hauteur, pur une bande de 0,065 figurant une chaine a gros anneaux, interrompue par Irois medaillons circulaires equi- distants, encadres d'une legende arabe en lettres rouges. Les sujets inscrits dans ces medaillons, donl le premier mesure 0,285 de dia- melre et les autres 0,155, sont idenliques; ils representenl deux sphynx couronnes, adosses, les queues entrelacees et les ailes amor- lies par une tele de cheval : le fond est d'or, les trails el ornements sont bleus, verts, rose fonce, blanc et noirs. D'apres ce que j'ai vu moi-meme sur le tissii, M. Gay a ete impuissanl a relever les carac- teres de la bordure ; il y avail la des diflicultes materielles qu'une connaissance profonde de la paleographie orientale aurail sur- montees avec peine; je crois qu'il a ete plus heureux vis-a-vis des (1) Willcmin, ^fonumcn^$ incdHs. pi. c\iv. - hi - inscriplions centrales. MM. Lehir et de Qualrenit;re out lu, sur le caique qii'il leur a Iransmis : L'irnan Aboul-Cassem-Muslali-Billah, prince des croyants, la benediction de Dieu soil sur lui et ses enfants (1). Si les deux orientalistes preciles n'ont pas commis d'erreur, le khalife fatimite Mostali etant monte sur le trone en 109/t, le voile d'Apt se trouve etre contemporain de la prise de Je- rusalem par les croises. L'histoire, du reste, ne vient en aucune maniere contredire la version de MM. Lehir et de Ouatremere : Rainibaud de Simiane, Guillauine de Sabran, chevaliers aptesiens, et Isoard, eveque d'Apt, faisaient partie de la premiere croisade: il est done vraiseniblable qu'un voile precieux, depouille opime arra- chee an harem de quelque riche musulman, ait ele offert par I'un de ces illustres personnages au sanctuaire de sainte Anne, venere dans leur patrie depuis les temps les plus recules; I'ignorance, les annees et I'habitude auront ensuite fait attribuer a la mere de la sainte Vierge un present depose sur son autel. La matiere premiere et I'usage rapprochent seuls le lissu d'Apt du voile de la Vierge autrefois conserve a Chartres; si j'en juge par le dessin de M. Wil- lemin (2), ce dernier, broche de croix grecques et de Uons, appar- tient a I'industrie byzantine (3). (1) Lc p'elerinage do sainte Anne, par M. l'abb(5 Gay, p. 87. Ces in- scriptions sont congues en caiacteres arrondis et allonges, n'ayant aucun rapport avec ceux cpje je trouve sur les etotfes de Toulouse et de Notre- Danie de Paris, mais d'unc forme analogue aux lettres qu'on voil sur les tibialia d'un abbd de Saint-Gerniain-des-Pres, publics par Willemin, Monuments inedits, pi. xv, el dans la Statistique monumentale de Paris, pi. XIX. MM. Roinaud et de Longpdricr, membres de I'lnsliUit, a qui j'ai souniis mes caiques, ont de suite reconnu le nom du kalife Mostali. Voir, Reinaud, Rapport sur la chape arabe de Chinon, p. 10, note 1. (2) Willemin, Monuments inedits, pi. xvi. (3) N'ayant pas vu, de mes propres yeux, la paitie centrale du voile d'Apt, 3'"avais cru quelle dtail tissue comme les bordures, et je ne pou- vais trop m'expliquer pourquoi une dtoffe I'abriqude rl Mossoul portail le uoni d'un kalii'e d'Egypte. Un examen sdrieux ni'a fait reconnaitre dans les lellres des inscriplions disposees aulour des mddaillons, une irregu- larild que n'offrenl pas les aulres caracleres, d'oii je conclus que les pre- mieres onl pu filre brodees apres coup ; mais alors la presence des sym- boles chald(5ens n'est plus suffisamment juslifide, puisque la reproduction des etres animds est formellemenl inlerdile aux vrais musulmans : une magnifique dcbarpe conservee dans la calht'drale d'Aulun rdsoul la diffi- cult^. Ce lissu, que M. Reinaud doit incessamment publicr, ct que je - k'2 — Objets divers. — Le trt^sor de la chapelle Sainte-Anne place au- dessus de rautel, sons la garantie d'line forte grille de fer, a dt^ depouille en 1792 ; mais il conserve encore quelques monuments precieux a plus d'un titre ; outre la fiasque et le voile, on m'y a montre : 1° une chasse en cuivre dore et emaille du douzieme siecle, avec figures a mi-corps, d'un beau style ; 2" un coffret du quinzieme siecle, en pate doree et coloriee, orne d'inscriptions, de fleurs et d'animaux; 3° la livre d'heures de sainte Delphine de Sabran, manuscrit sur velin, a miniatures, du quatorzieme siecle, dont I'authenticite me semble bien prouvee. Ancicn maUre-autel. — Get autel-tombeau date du treizieme sie- cle; il est en marbre blanc que les annees out forlement colore en jaune et orne de sculptures sur les quatre faces : sa table, munie d'une moulure creusee en gouttiere pour maintenir les saintes es- peces, remonte au neuvieme ou peut-etre au hiiitieme siecle. II est facbeux que la mode ait relegue dans un coin un monument vene- rable, bien digne de reprendre la place qu'il occupait jadis au mi- lieu du sanctuaire. Sarcophage fjaUo-romain. — On I'a trouve cacbe sous la boiserie d'un autel; il est en marbre blanc, appartient a la decadence de I'art YJens de dessiner en enlier, grftce a la complaisance do M. I'abbe De- voucoux, est convert do biodcries en or et sole represenlant des sphinx ail^s ou apteres, allernanl avec des lignes de cavaliers chassant a I'aide du faucon ou du guepard; on y lit en pelils caracteres arabes le nom d'Al Mufadar, mlnlslre d'un kalife ommiade de Cordoue, qui vivait au commencemenl du onzieme siecle, et cependanl le fait des personnages, leurs costumes, la chasse au guepard. divertissement propre aux habitants de I'Asie centrale, indiquenl des ouvriers soil guebres, soil de la secte d'Ali, mdlange, on le sait, des doctrines de Zoroastre et de Mahomet, et pai' consc^quent un lieu de fajiricatiou placd en Perse ou dans une cou- lv6e voisine. D'autre part, Vopus sarraccniim employe par I'artisan est presque idenlique aux broderies de la chape dite de Charlemagne, 4 Melz, vdnement donl I'origine asiatique n'est pas contestable. Or, si Ton groupe ensemble la nature du voile d'Apt, I'ornementalion qui le caracldrise et les proc^dds vraisemblablement mis en usage pour le terminer, il en res- sortira une attribution forcee aux ateliers ddpendanl du kalifat de Bagdad, c'est-a-dire de I'Al Djezireh, ancienne Mesopotamie. En admettant ce sysldme, I'adjonction des Idgendes arabes aux symboles chaldeens s'ex- plique nalurellement; une consequence peut encore s'cn dddiiire , c'est que les fabriques do Mossoul dtaient assoz renommdes, pour que des princes Strangers y fisscnt des commandes personnelies. — hi - antique el ne peul etre anlerieur an cinquieme siecle ; qiiatre apo- tres el des gerbes de ble symboliques, sculptes en bas-relief, deco- rent ses parois laterales. Etoffes. — Dans une petite salle au premier elage, MM. Seymard el Jean m'onl fait voir qiielqiies debris d'anciens vetements sacer- dolaiix; j'y ai remarque les etoffes siiivanles : Ouatorzienie siecle, 1" tissu ilalien, a tleurs brochant sur des raies alternatives vertes et blancJies; 2" tissu lisere en soieverte; 3° tissu blanc analogue; h° galon rouge lisere en argent de Chypre; le dessin consiste en cinq bandes verticales, trois chevronnees et perlees, deux chargees d'e- toiles a huit rayons separees par des fasces conlrevivrees. Quin- zieme siecle : 1° velours de Genes, fond bleu a raniages rouges ; 2° autre velours pareil a fond vert; 3° drap d'or vert espouline, avec des vases remplis de fleurs blanches et ro;;es ; si ces ornemenls sont en coton comme je le soupqonne, c'est la un singulier melange. Seizieme siecle : tissu de sole violette tramee d'or, semee de lis, pavots, rosages et autres fleurs brochees en or ou en couleurs, etoffe italienne d'une grande richesse. Livres de chosur. — La cathedrale d'Apt possede encore trois graduels manuscrits, grand in-/|", sur velin, a longues lignes ; les deux premiers notes en neumes m'onl paru anterieurs au onzieme siecle, les portees du troisieme me le font attribuer au onzieme ou douzieme siecle. J'ai ete assez heureux pour reveler a MM. les fa- briciens le prix qu'ils doivent attacher a leurs volumes. AIX. Certaines difficultes relatives a ma visile au tresor de la cathe- drale d' Aries me conduisirent a Aix ; regu a merveille par le bien- veillant el regrettable archeveque, Mgr d'Arcimoles, a qui j'etais sp^cialement recommande par Mgr Parisis (1), je fus bien vile ras- sur6 sur la nature de I'accueil qui m'attendait a Saint-Trophhne : ce digne prelat m'y garantit une reception cordiale et me prouva une fois de plus, que si la fable des batons flottanls n'esl pas nou- (1) La patcrnelle sollicitude de Mgr r(5veque d'Arras nc m'a pas ahan- doniif; un seal instant pendant le cours de mon voyage; rillustre pr61al a toujours duigiid porter le plus vif inltirOt a mes tiavaux cl m'en faci- liter l^cxdculion autant qu'il etait en son pouvoir. kk velle, on peu! ciu nioins I'appliquer joiirnelleinent. Aix fuumiille de monuments antiques et de souvenirs du roi Rene; ils ont ete decrits et graves si souvent, que m'en occuper ici paraitrait une outrecui- dance ridicule ; je menlionnerai cependant quelques objets, aussi curieuS peut-etre que les sarcophages gallo-romains, mais rejetes dans rombre par la reputation que ces derniers ont acquise en France et en Europe. Cathedrale de Sainl-Sauveur . — J'ai remarquc dans le saiicluaire les restes d'un siege episcopal du douzieme siecle en niarbre blanc, representant des enfants devores par des lions; Millin (1) se trompe en allribuant aux premiers siecles Chretiens cette oeuvre d'art du moyen age. Le choeur est entoure d'une suite de tapisseries fabri- quees a Arras au commencement du seizieme siecle, elles ont pour sujet la vie de N. S. Jesus-Christ; I'licusson royal d'Angleterre qui s'y rencontre en plusieurs endroits a fait presumer qu'olles avaient appartenu a I'eglise Saint-Paul de Londres. Un certain nombre de chapeaux verts, ainsi que le chapeau rouge de S. Em. le car- dinal Bernet, se voient suspendus a la voute au-dessus du caveau des archeveques; j'avais pense jusque-la qu'une semblable distinc- tion ne s'accordait qu'aux princes de I'Eglise, ne« I'ayant apercue dans aucune autre cathedrale. On a place, a I'entree de la nef gau- che, un autel du treizieme siecle avec retable sculpte en pierre, du quinzieme, provenant du convent des grands carmes. Ce retable est curieux en ce qu'il rappelle roriginc des chevaliers du Crois- sant, institues a Angers par le roi Rene, en l/|/i8 ; on voit au centre sainte Anne, la sainte Vierge et I'enfant Jesus; a droite, saint Mau- rice, protecleur du nouvel ordre, vetu d'une cotte d'armes a huit rais d'escarboacle fleurdelises ; a gauche, sainte Marguerite, issant les mains jolntes du milieu du dragon qui vient de I'avaler ; un pan de robe sort encore de la gueule du monstre. J'insiste fortement sur I'attribution de cet'ie derniere statue, parce que tout le monde a Aix la confond avec sainte Marthe. Dans la pensee symbolique qui a preside a la decoration de I'aulel, sainte Anne representail la Provence; saint Maurice, I'Anjou ; et sainte Marguerite, patronne de la femme de saint Louis, la maison de France a laquelle appartenait le roi Rene. Muse'e. — Le Musee, tres-riche en objets d'art, renferme, entre autres curiosites, des peintures byzantines a figures d'evcques, rapportees de {{) Voyajc en France, t. 11, p. 27t. - /,5 — Gr6ce par le colonel Bory de Saint- Vincent, iin petit portrait du pape Boniface VIII , coiffe d'une tiare blanche a une seule couronne, et le portrait en pied de saint Louis d'Anjou, eveque de Toulouse, mort a Brignoles en 1297. Le bienlieureux est represente en costume pon- tifical, chape bleue fleurdelisee, mitre precieuse soutenue par deux anges, crosse a volute d'une grande simplicite ; a droile et a gauche sont agenouilles deux personnages de moindre dimension que la figure principale : leurs noms inscrits au-dessous d'eux font recon- naitre Robert, roi de Naples, et Sance ou Sanc4ia d'Aragon, sa seconde femme, frere et belle-soeur de Louis d'Anjou. Millin, qui a vu ces tableaux chez M. Fauris de Saint- Vincens (1), attribue, non sans raison, le dernier a Giotto; en consequence cette peinture, executee vers 1322, offrirait des ressemblances authentiques ; quanta I'effigie de Boniface VIII, elle pourrait etre aussi attribuee au meme maitre, qui avait represente cepapesur une fresque du porche de la basilique de Latran (2). ARLES. Ancienne CATHEDRA1.E DE SAiNT-Tp,opmME. — Lc seul nom de la ville d' Aries reveille de grands souvenirs dans I'esprit des hommes qui sont inities a I'hisloire des origines du chrislianisme en France. G'est la que saint Gesaire a donne I'exemple de cette charite sublime qui realisa tant de miracles au milieu de la barbarie a dcmi-paienne encore des populations confiees a la vigilance apostolique. Sa rae- moire est presente encore au milieu de ce clerge, qui a herite de ses vertus. M. I'abbe Montagard, archiprelre d' Aries, a bien voulu me pre- senter lui-meme les objets qui forment aujourd'hui le tresor archeo- logique de la cathedrale de Saint-Trophime. Chasnble du bienlieureux cardinal Alleman. — Louis Alleman , archeveque d'Arles, cree par le pape Martin V, cardinal, du titre de Sainte-Gecile , niourut a Salon en l/i50. Le vetement qu'on lui attri- bue, est en drap amaranthe, garni de satin de la meme couleur; au centre, une peinture sur toile a demi-pourrie, offre I'effigie d'un cardinal agenouille sur un prie-Dien devant un crucifix , ladite pein- (4) Voyage en France, t. II, p. 230. Le portrait de Saint-Louis doit venir du couvciil des frcres mincurs d'Aix. (2) fliacoiiius Vita pontificnm, I. I, col. 814. - /iG - lure encadree d'un galon d'or, sur leqiicl on a brodo avec dc la sole bleue, une inscription en leltres goUiiques disposee ainsi : m : « « • • ♦ • : 11 "^ ra : pa : k : a : t : p : In Un ecusson aux armes da prelat [d'aziir an lion d'nrgenl, couronne, nrme el lampasse de meme), cousu sur un des cotes (1), garantit siilTisamment I'authenticite de la relique, dont je n'ai pii toiitefois constater la forme exacte , empeche que j'etais par les sceaux et les cordons. Cependant, raalgre le texte de la reconnaissance du 13 jiiin 1839, ou M. le vicaire general Jacquemet emploie le mot casiiln, la couleur et Fa matiere du tissu, le simple orfroi de satin me font voir ici, non une chasuble veritable de Louis Alleman, mais une chasuble taillee dans sa cappa magna, lorsqu'il eut ete beatifie, en 1527, par le souverain pontife Clement VII ; cette assertion est pleinement justi- fiee par I'inscription que je crois pouvoir interpreter en ces termes : CApPA BEATi Patris LVdovici. Courtines du lit de Marie de Medicis. — Donnees par Louis XIV ft I'un des archeveques du nom deGrignan, ces precieuses tentures, que Ton pretendait en lambeaux , se trouvent aujourd'hui dans un etatde conservation assez satisfaisant, pour qu'il m'ait etc facile d'en calquer le dessin ; elles sont en velours facon de Genes, a grands fleurages rouges , sur champ de drap d'argent. L'industrie lyonnaise, auteur probable decette superbeetoffe, ne s'est pas contcntec des cou- ronnesroyales, des vases ct des fleurs de lis llorentines qui en diaprent (1) Ces armoiries sonl gravees sur hois dans les Vilcp poinificum, tie I'/iaconius, t. II, coi. 1107. - 67 — le fond, elle a arrete le contour de cliaque ornemenL avec line legere ganse d'or, el convert les intervalles blancs d'un semis de fleurs brodees en cannetille et paillettes d'or. Crosse et oUphant en ivoire sculpte. — La crosse, du douzieme siecle, a ete photographiee et publiee tout recemment (1); son ceil figure la reconnaissance du corps de saint Trophime aux Aliscamps, et sa volute, terminee en tete de serpent , est ornee de poissons et de reptiles fantastiques graves au trait, ce qui lui donne un air de ressemblance avec I'instrument de peche provengal nomme bour- digue. L'oliphant, aussi du douzieme siecle, est de forme polygo- nale; des oiseaux et des lions courentsur le pavilion et sur lenoeud. Reliquaires. — 1° Coffret de forme antique en cristal de roche et vermeil, contenant un morceau de la vraie croix; la monture est du dix-huitieme siecle; mais le coffret, assez grand et d'une seule piece, m'a paru plus ancien; 2° petit soleil en cristal de roche, supporte par un pedicule et orne de fdigranes de Venise, or et argent, d'un travail fort delicat ; il renferme, comme le precedent une parcelle de la vraie croix, et a ete donne, par le pape Clement VII, en echange de quel- ques reliques de saint Trophime. Cassette du qu'mzieme siecle. — Sur les faces laterales de cette cassette, dont le couvercle est en marqueterie d'ivoire et d'ebene, sont appliques plusieurs personnages des deux sexes, en os sculpte; les hommes nus avec un simple manteau, les femmes vetues de lon- gues robes , tous portanl a la main des phylacteres sur lesquels je n'ai rien pu dechiffrer. A chacun des quatre angles est placee une tour, deux servent de guerite a un chevalier arme ; par la fenelre des deux autres, on voit un homme et une femme dans une attitude lascive. Je ne suis pas encore en mesure d'expliquer le sujet de ce petit meuble evidemment profane , qui n'est pas sans analogie avec la cassette de Sens , et qui a des rapports plus grands encore avec un coffret de toilette qu'on m'a montre , il y a dix ans , au chateau de Mont-Evente, pres Bethune.. Livres de chceur. — M. I'archipretre m'a aussi montre, avec son inepuisable obligeance, quelques feuilles de parcherain qui provien- nent d'un antiphonaire execute au dix-huitieme siecle avec des let- tres decouples a jour sur une lame de metal. A en juger par ces fragments, I'antiphonaire, qui ne se trouve plus aujourd'hui a la cathedrale, ne merite aucun regret. Ce ne sont point, d'ailleurs, les (1) Melanges d'archcologic , par Ics RR. PP. Cahier et Martin, t. IV, p. 213. — /,8 — manuscrils du dix-huiliemesiecle qui nieritenl I'altenLiondes savants, et je ne ni'arrete pas plus longtemps a ces debris d'un in-folio sans valeur. Tableau. — Une magnifiqiie peinture dii qiiinzieme siecle, cachee dans la sacrislie, en a ele recemmenl Liree par M. Montagard et mise dans iin lieu apparent de la nef ; ce tableau represente, aa centre, la Sainte-Vierge assise avec TEnfant Jesus; a droite, saint Trophime, suivi de sept archeveques armes de la ferule metropolitaine ; a gauche, saint Etienne et sept eveques; tous ces ponlifes, excepte le president qui tientune baguette, anathematisent, I'Evangile en main, un de leurs collegues simoniaque, tres-reconnaissable a son humble posture et a la bourse qui lui sert d'attribut. Les details des costumes, chapes, chasubles, dalmatiques, tunicelles, mitres, crosses et ferules, sont d'une ricliesse extraordinaire , ruisselant de perles et d'escar- boucles. Les velements de dessous, toujours d'une autre couleur que les chapes ou chasubles , offrent comme celles-ci les plus beaux echantillons des velours de Genes , des brocatelles de Venise et des autres tissus de I'ltalie. Si Ton cherche le veritable sujet d'un ta- bleau destine a rappeler le souvenir d'une des assemblees ecclesias- tiques dont Aries fut le temoin , on trouvera dans la vie de saint Cesaire que cctarcheveque ayantcondamne un certain Contumeliosus, eveque de Riez, homme notoirement crimincl, le pape Agapet, adou- cissant la sentence portee par le metropolitain, rendit a Contumelio- sus la jouissance de ses biens personnels, tout en le maintenant dechu de I'administration de son diocese (1). L'eveque depose, mais non prive de son patrimoine, est reconnaissable dans le personnage qui a perdu les insignes de sa dignite et conserve sa bourse ; saint Cesaire, line baguette a la main , proclame la volonte du souverain pontife. Ancien maUre-autel. — On a employe a revetir la face posterieure du nouveau maltre-autel , sculpture pseudo-gothique d'un aspect mediocre, le frontaJe de I'ancien, qui devait etre aussi beau que son remplagant est laid. Trois panneaux encadres de rinceaux, deux pi- lastres canneles a chapiteaux defeuilles d'acanthc, le tout en marbre blanc veine de noir, donnent au monument du douzieme siecle un caractere elegant et simple a la fois, que le pretentieux autel moderne est loin d'avoir. La table primitive aussi en marbre a ete fort heu- (i) Baillct, Vir des Saint$, 27 aout. Trichaud, Vic de saint. Cesaire. Quoique le nom de Contumeliosus soit porld sur 1p catalogue des (-veques de Ricz dans le Gallia Christiana, jc ri^'pugne a y voir aulre chose q'l'une t'liitliete sianificalivc. — ;,9 - reusement laissee en place; elle esL bordee inlerieurement d'une goultiere, temoignage de sa haute antiquite. Statue d'evcque. — Cette figure du treizieine siecle, en marbre blanc, decora un cenotaphe ; les gants et la mitre sont ornes d'uii quatrefeuille inscrit, rehausse de cinq perles ; la chasuble n'a pas d'orfroi, mais I'amict est pare. Portail de Sa'mt-Trophime . — Dans sa longue el minutieuse des- cription de la gigantesque epopee qui se deroule sur la fagade occi- dentale de I'eglise metropolitaine d' Aries, Millin a commis une sin- guliere erreur qu'il m'importe de relever ici : (( Saint Eticnne , » dit-il (1), « a une epee de forme antique, uneespece deparazonium « dont le fourreau porte des caracteres indechiffrables. >) En redi- geant cette partie de son voyage, le celebre antiquaire avait evidem- ment sous lesyeux le dessin qu'il fit graver dans son atlas (2), dessin oil le premier Martyr est bien et dianent represente affuble d'une longue epee, suspendue a un baudrier passant de I'epaule droite sous le bras gauche. Or, rien de cela n'a jamais existe que dans I'imagi- nation de I'artiste ; saint Etienne est tout simplement revetu d'un large orariwn llottant sur I'epaule gauche et descendant au-dessous du genou. Du Cange (3) et le P. Lebrun [k) out publie des oraria analogues a celui d'Arles, mais plus etroits ; le dernier, en outre, est borde d'un ourlet et strie de coups de ciseau oi!i je n'ai pas vu la moindre trace d'inscriplion (5). Un veritable orarium conserve a Notre-Dame-la-Major me servira a completer una explication que je ne puis qu'ebaucher ici. Notre-Dame-la-Major. — L'eglise de Notre-Dame-la-Major pos- sede quelques reliques textrines d'une haute valeur, taut par leur antiquite que par le nom: du personnage auquel on les atlribue ; je veux parler des vetements de saint Cesaire, archeveque d'Arles (501-5/i2) : un juste sentiment de respect et de conservation les (1) Voijage en France, t. Ill, p. 594. (2) PI. 70. (3) Glossarium ad scriptores mediw et inpnimce latinitatis, 1681, t. 1, pi. 10. (4) Explication des ceremonies de la messe, t. I, pi. 2, fig. 1. On pent consulter aussi a ce sujel le docleiir Rock, The church of our fathers, t. I, p. 379, et d'Agincourt, Hist, de I'art par les monuments. (5) Je nc nie pas qu'une inscription ait e.\isl6 sur Vorarium de saint Etienne, puisqu'il y en a une sur le pallium de sainl Tropliime ; mais si je m'en rapporte aux monuments subsistants ou tigurds, le premier ne devait porter que des croix el les lettres A, n, ou bien un monogramme. AncHiv. DE3 Miss. yu. 4 — 50 — avaril fail renfermer dans des boites melalliques , scellees et recon- venes d'une lame de verre , il est en- ^<- — -.^ core possible de reconnaitre la nalure _,—^ / /'"> \ des lissus, mais non de determiner la forme des objets qu'ils ont servi a confectionner. Toutefois, en joignant a nies observations personnelles, I'elude des dessins envoyes an ministere, par M. Huard (1) et les renseignements que m'a fournis M. le cure Gaudion , dont la sollicilude eclairde a sauve d'une perte imniinente \es pontificalia de saint Cesaire, j'espere etre en me- sure de decrire ces restes precieux; ils se composent de : 1° une tuniquc , 2° une ceinture , 3° deux pallium , k° unepaire de sandales, 5° un orarium. Tunique. — La tunique est en tissu de laine a gros grains, fagon reps, de couleur brune; une elroite ligne blanche, clavus angustus , circule au- tour du con, sur la poitrine et sur les manches; ce vetement, m'a-t-on assure , ne porte aucune trace de cou- ture. Ceinture. — La ceinture large do 0,05 sur une longueur de 0,6/i, non compris la boucle qui a 0,10, est en cuir noir avec piqure de soie blanche figurant un monogramme du Christ tres-allcnge : elle s'altachait au moyen d'une agrafe (2) en ivoire, dont la boucle ovale est ovndc de raisins et de quatre feuilles , el la plaque carree represenle un tombeau a colonnes et coupole aigue, garde par deux satel- lites armes de lances ; le dessin incor- rect de cetle sculpture , le mouve- ment prononcp des personnages, la forme de I'edicule et sur- (1) Bulletin des comites hist. 1849, p. 197. (2) M. I'abbe Trichaud, Vie dc saint Cesaire, a publid une asscz bonne \ \ \ V 1 1 1 \\ \ \ \ \ \ 1 1 1 1 \ 1 / / ' I i 1 .- 1 1 1 i \ \ 1 1 \ \ / f -^ / / 1 / 1 / -.1 L.y / \ i =<- / l\ ^ i \ 1 \ \ i v\ 1 I ' 1 i \ '/ ! 1 \ '-' t 1 1 1 1 1 ' I ! 1 V'h ' 1 / 1 i i ^t:^-:^' 1 \ 1 1 1 1 1 1 i 1 1 '. / V / \ / \ — 51 — lout la bordiirc a demi-oves lanceoles accuieuL une epoque reculee. Pallium. — Les pallium sont au nonibre de deux ; le plus court long de 1,75, large de 0,09, est en laino el cache sous une etoffe de soie jaunaLre bordee de lignes noires et bleues : la nioins elroite de ces baiides est ornee de caissons alternativement jaunes et rouges, avec des lievres, bleus sur le fond jaune, jaunes sur le fond rouge. Le dessin de ce tissu evidemment o iental presenle une grande analogie avec les arabesques du voile d'Apt et du suaire conserve a NoLre-Dame de Paris. L'etoffe des trois croix en soie damassee ce- rise, que Ton apercoil cousues sur la laine, laisse aussi soap(;;onner une origine asialique. Le second pallium, de meme largeurque le premier, a 2,/iO de longueur; il est faitd'une laine tres-fme et porte le monogramnie du Chiistbrode en soie rouge a double point de chainelte, chain stitch; son enveloppe en soie blanche est striee de raies paralleles i =■•• couleur chamois, avec des disques, des per- Jiilk. i ^n] les, des carres, des roses et des hs, verts, '^ />!k, I M^^^i&id blancs, bleus et roses, lisses a plat : I'aspect ' ' ^^%^ et la force de l'etoffe rappellent le suaire de saint Victor ; le dessin et les couleurs se M rapprochent, le premier de la chasuble de ^F saint Thomas de Cantorbery, les secondes '^f du suaire des saints Innocents. Je crois en consequence que cette custode est de fabrique grecque et fort an- cicnne. Sandalc'S. — Les sandale? en cuir noir du Levant sont tres-poin- lues ; leur semelle longue et etioite parait, selon U. I'abbe Tri- chaud (1), collee el non cousue a I'empeigne el aux quartiers, qu'il m'a ete impossible d'apercevoir. Orarium. — L'orarivm, que j'ai tenuenlrelcs mains, est en lin et forme de deux bandes degale longueur, largos de 0,11 et 0,083; elles mesurent reunies bout a bout 2,58 et sont ourU'es de haut en bas comme Tetole sculptee au portail de Saint-Trophime. La partie etroite qui pendait sur le devant de la dalmalique est couverle de croix latines, de losanges inscrils dans un carre et de disques brodes lithographie de la ceiiiture, mais il s'est Irompci cii disaiit que le mono- gramme (5lait concu enliercmenl en caractercs grecs; I'R laliri osl Irfis- visible k la partie superieure de I'L (1) Hist, de saint Cesaire, p. 329, 52 — en fil blancou en sole plale bleue et jaiine; elle porte a son exlremile les restes d'un parcment, fimbria dc sole blanche, large de 0,095. Voici I'exacte representation des ornements qui se voienl sur ces precieux debris : La secondemoilie, ouTon voit encore des traces de broderie, se ter- mine par une poche de 0,1 15, destinee, suivant lesliturgistes, a con- tenir Teponge qui servait a ctancher la sueur decoulant dii front de I'eveque, pendant la celebration des saints mysteres. Un curieux monogramnie, travaille en sole jaunc , bleue et rouge sur la face Gxterne de cette poche qui s'ouvre en dedans, fournit d'utiles rensei- gnements sur le nom du proprietaire de I'orarium ; j'y vois dislinc- tement les letlrcs E. S. A. R. I. V. etmeme le C dans la boucle de VR accompagnee de deux points ; mais pour expliquer I'N formee par les jambages de I'l et de I'E et la queue de I'R, il fautadmettre avec M. I'abbe Gaudion que le carre de toile sur lequel est brode le mono- gramme n'a ete ajoute au vetement de saint Cesaire qu'apres la niorl — 53 — de ce dernier; dans cc cas, on pent lire Ires-bien C.E.S.A.R.I.V.N., Cesarius nostcr. Les pontificalia de saint Cesaire, qui ful nommc vicairc dii saint siege dans les Gaules et honore du pallium par le pape Symmaque, elaienl conserves avant la Revolution dans I'abbaye de Saint-Cesaire dite le grand monastier ; en 1791, les religieuses envoyerent niiitam- ment toutes leurs reliques aux archives de Notre-Dame-la-Majoi', transformee peu apres en magasin a foin : Tancien sacristain de cette eglise, M. Dieudonne, devenu pourvoyeur des chevaux repii- blicains, s'arrangea de telle sorte que I'entree qui conduisait au precieux depot demeura conslamnient obslruee, etquand on rouvril les temples, il put rendre a la veneration publiqne, les ohjets que bh son zule inlelligcnl avail si lieureuseaient preserves ; je nc dirai pas qu'on eut d'abord pour eiix tons les egards possibles, mais M. Tabba Gaudion leur a enfia donne un abri aussi solide que convenable. Collection particl'liere de M. l'abbe Gaudiox : Etoffes. — En dehors des reliques qui sont la propriete de son eglise. M. le cure de Notre-Dame-la-Major m'a communique une grande vitrine oii il a etale un certain nombre d'etoffes a lui appartenanl. La premiere est un reps fond rouge tisse lance -. le dcssin assez incorrect flgure un cavalier siu galop; le cheval esl blanc, criniere el queue bleues ; rhomme, velu d'une tunique jaune semee de pois blancs,laisse trai- ner jusqu'a terre un long manleau vert mouchete de blanc el de jaune, orne au milieu de Irois annelets rouges liseres de jaune, et raye vers le bas deligneshorizontales allernalivement rouges, bleues el jaunes. Une bordure blanche a perles bleues et jaunes encadre les niL-daillons de ce /><77/iM//i sciduJalurn. S\ une deuxieme etoffe a chaine jaune tramee de bleu, avec fleurs el feuillages blancs cries de rose, et un morceau de pallium triaconlnsimum mulLicolore, ont ete trouves, avec le premier tissu, dans la chasse de saint-Cesaire, lis ne peuvent etre moins anciens que le douzieme siecle, je pense neanmoins que ces produits de rinduslrie byzantine appartiennent a un temps plus rerule. J'ai examine egalement avec attention un manipule rectangulaire long d'environ 1 metre et large de 0,09, orne de trois croix de satin bleu et de quatre glands verts et rouges ; il est fait d'un damas vert tisse lisere couleur sur couleur, avec des dragons et des aigles affrontes a tete d'or, disposes au milieu de capricieuses de- coupures qui rappellent les arabesques de I'Alhambra. Par une de ces bizarreries qu'explique tres-bienla religion musulmane, les aigles ont des teles de dragon et les dragons des teles d'aigle. Le R. P, Martin, qui a publie cette eloffe (1), la croit du ireizieme siecle et rattribue aux aleliers mauresques de la Sicile on do I'Andalousie ; j'espere demontrer lout al'heure a Tarticle Brignolles que I'origine espagnole est plus probable que I'origine ilalienne. Je mentionnerai en dernier lieu un tissu de lin quadrille, traverse horizontalemenl par deux ligncs paralloles liserees en colon, de maniere a ce que le dessin se roproduise sur chaque face, bleu d'un cole, blanc de I'autre: on y voit des cavaliers, I'epee au flanc, le faucon sur le poing, affrontes devant une fontaine el separes par de> arbres, des (1) Melanges d'arcluiohgir, I. IV. pi. 2i cl 2.'j. — 55 — lions passant, des planles et des roses inscrites dans une double ac- colade : fontaines et arbres sent en outre charges d'oiseaux. Je ne crois pas que Ton puisse assigner une date anterieure au quinzierae siecle a ce panno encore usite aujourd'hui dans les Calabres (1). Orfrois. — M. I'abbe Gaudion a fait coudre, sur un voile de sole verte destine a servir d'a/dipoidiimi, quelques hautes lisses d' Arras emprunt^es a une chasuble du XV1'= siecle ; la sainte Vierge portant I'enfant Jesus, des bergers entoures de moutons et jouant de la cor- nemuse, saint Veran en habits pontificaux y figurent sous des niches de style Renaissance, ainsi que deux anges ceroferaires pla- ces sur les bras de la croix, dont le sujet principal representait cer- tainement la nativite du Sauveur. Ici, Monsieur le Ministre, se clot la liste des documents que j'ai recueiliis a Aries (2); j'ose espererque Votre Excellence ne la trou- vera pas trop longue, car j'ai dfi m'etendre un peu, afin d'eviter a I'avenir certaines reclamations empreintes d'une energie meridio- nale, que la bienveillance ne tempere pas toujours assez. SAINT-MAXIMIN. £glise paroissiale. — L'eglise de Saint-Ma xiniin et la chape da saint Louisd'Anjou, dejamentionnees dans mon premier rapport (3), ont ete I'objet d'interessanles monographies (/j). Par malheur, I'au- teur de ces estimables ecrits a manque de termes de comparaison, ce qui lerend quelquefoisincomplet ; moi-meme, en 1853, je n'avais a mon service qu'une experience tres-problematique et j'ai risque certaines assertions dont j'ai reconnu depuis Tinexactitude : il faut (1) Un de nies amis, M. Valfort, artiste drudit qui a visited les colonies grecques des Calabres, m'a assure que ce panno c'lait port(5 par les femnies, sur les bords de la nier lonienne et du lac de Sainte-Euphdmie ; un tissu analogue que possede un autre peintre, M. C. d'Averdoing, ctaie I'asscr- tion de M. Valfort. (2) M. I'abbe Gaudion m'a mouird un inventaire du mobilier de Notre- Damc-la-Major dcrit en langue provencale ; il serail a ddsirer que ce document, qui date de d478, et qui est renfermd dans les six premiers feuillels du Liure des comptes des ouvriers de Nostre-Dame-la-Majour, fiit copie et adresst5 au comitd par un de ses correspondants d'Arles. (3) Archives des missions, t. IV, p. 146. (,4) Notice sur l'eglise de Saint-Maximin. 1841. Notice svr la chape de saint Louis. 1855, el Bull, arch., t. IV. — 5G — done, tant pour supplier aux lt§geres omissions de men savanl ami M. L. Rostan, que pour rectifier mes propres erreurs, revenir sur une description deux fois imprimee, quitte an'appuyer que sur les points oublies ou contruverses. Chape de saint Louis d'Anjou. — II n'est plus permis aujourd'hui de revoquerendouterauthenticitede la chape de saint Louis, puisque ce jeune prince la legua aux freres precheurs de Saint-Ma'ximin et qu'elle n'est jamais sortie de leur eglise (1). Je n'ai done a m'occu- per ici que de la forme generale et de la disposition relative des su- jets; je tacherai de suppleer aux desiderata, helas! trop nombreux, qui s'y trouvent, en appelant a mon aide les rares documents pu- blies dans les anciens auteurs. Le pluvial, que I'eglise de Saint-Maximin range au nombre de ses plus precieux tresors, avait primitivemenL la fomie d'un demi- cercle, mesurant environ 1,62 de rayon; la mode et probablement aussi une piete mal entendue I'ont singulierement degrade ; la pre- miere en enlevant le capuce, le fermail et une bande centrale, large de 0,09 dans toute la hauteur ; la seconde, en dechiquetant, pour en faire des reliques, le bord inferieur que Ton avait replie en dedans, lorsqu'une main barbare s'acharna a moderniser la coupe du trei- zieme siecle. Trenle medallions h peu pres circulaires, brodesau passe ou opus plumarium, en or, argent et soie de couleur, sur fond de toile, eta- lent une double epopee sur la chape de saint Louis ; vingt-huit sont consacres a retracer la vie de la sainte Viergeet la Passion de Notre Seigneur Jesus-Christ, deux anges aux ailes eployees occupenl les derniers et marquent le commencement et la findu poeme. Les cais- sons, entoures d'une riche bordure de demi-quatrefeuilles verts, bleus ou rouges, sont disposes sur quatre lignes paralleles, 9, 9, Vet 5, de maniere a se presenter toujours dans le sens vertical, lorsqu'on fait usage du vetement ; des thuriferaires et des seraphins, alterna- tivement bleus et roses, occupent les intervalles menages entre les ai'cs de cercle. Pour lire couramment cette page, aussi belle et aussi complexe que les plus splendides verrieres de nos antiques cath(§- di-ales, il faut commencer par I'ange place au bas, a gauche du spec- (1) Saint Louis Idgua sa garderobc aux freres mincursd'Aix et de Mar- seille, conjoinlement avec les freres precheurs de Saint-Maximin et de Sainte-Claire d'Assise, a condition qu'ils feraicntconslruirc k leur grd une cliapelie en I'lionneur de saint Laurent martyr. Vic de saint Louis d'An- jou. par M. I'abbd Henry, p. I2S. — 57 — laleiir, puis faire le lour en remoiilaul en zig-zag, et enfin aboulir au tableau central, ou Marie, figure assise dans sa gloire aux cotes de son divin fits. Gette irregularite apparente s'explique par la ne- cessite de faire rayonner les evenements terrestres a I'entour du celeste triomphe, et surtout de grouper les sujetsde fagonace qu'ils presententtoujours un episode complet, aquelquepoinlde vuequ'on les examine. Voici, par ordre chronologique, le detail des medaillons, j'ai ajoute un commentaire aux articles qui ni'ont semble en avoir besoin. 1° Ange aux ailes eployees. II n'en reste que la tete et le haut des ailes. 2° Sainte Anne a genoux devant un ange qui lui annonce la nais- sance de la sainte Vierge ; I'ange tient en main un pbylactere: j'ai vivement regrelte que I'inscription en fut effacee, elle eut peut-etre apporte quelque nouvelle lumiere, sur les idees adniises au trei- zieme siecle, pour representer I'lnimaculee Conception. Manque la nioitie. 3° Apparition de I'ange a saint Joachim. Manquent les deux tiers. h° La sainte Vierge a I'entree du temple avec son pere et sa mere. Marie et sainte Anne tiennent chacune un cierge, qu'elles vont depo- ser sur I'autel, dont elles commencent a gravir les marches nom- breuses. 5°Le Travail de la Vierge dans le temple. Assise entre deux jeunes niles, elle brode avec elles un voile d'or double d'hyacinthe ; je ne connais rien de plus gracieux que cette composition. Marie a quitte un instant I'aiguille, pour adresser de pieuses exhortations a ses compagnes, qui I'ecoutent altentivement ; le jeu des physionomies est rendu avec une rare perfection et les gestes sont pleins de natu- rel. On ne trouve aucun renseignement sur les premieres annees de la sainte Vierge dans les livres saints proprement dits, aussi, ai-je ete curieux de savoir, a quelle epoque remontait la tradition du tra- vail dans le temple ; saint Epiphane (1) et saint Pierre Damien (2) y font certainement allusion ; la legende doree dit en propres termes, d terlid tisrpie ad nonam, textrino operi vacaret ; onfin, dans un ou- vrage du jesuite Binet (3), j'ai luau bas d'une gravure de Theodore (1) Citd sans preuvcs, par M. I'abbe Orsini, la Sainte Vierge, p. 82. (2) Sermo denativ. vii-fj. Mgr Emidio Gentilucci, Vic de la tres-sainte Vierge. (3) Meditations affeclueusea anr la vie dc In Iri'ii-saintc Virrgr. par Ic R. r. Fslionnc Binct, rlc la rompagnie r1o .Testis. Anvors, 1632. — 58 — Galle, represenlanl a peu de chose pres le sujel brode siir la chape de saint Louis, ces hgnes riniees, emprunt inconlestablement fait a une sequence du treizieme siecle : Virgo, tempU in asylo Ageus acu, agens lilo, Prajlucet sodalibus. De plus, j'ai eu le bonheur de rencontror a Saint-Maximin, au fond de la crypte ou repose le chef de sainle Marie Magdeleine, un temoignage authenlique, contemporain de I'elablissement du christia- nisme en Provence ; ce temoignage consisle en une pierre de liais gravee creux, representant une femme aux longs cheveux, ve- tue d'unc dalmatiqiie angusliclave, avec celte inscription en capilale rustique. MARIA VIRGO MIN ESTERDE TEMPVLO (1) GEROSALE Maria Virgo minester de tempulo Gerosale, la vierge Marie ser- vante du temple de Jerusalem. Le dessin de la ligure et les caracteres qui I'accompagnent sont tellement identiques aux monuments ana- logues trouves dans les catacombes de Rome, que je n'hesite plus a recnler aux temps apostoliques, une tradition, dont Torigine n'a jamais ete fort clairement etablie par ceux-la meme qui la men- tionnent. 6° L'Annonciation. Manque un quart. 7° La Visitation. 8° La Naissance de Jesus-Christ. La sainte Vierge (5tendue sur son lit souleve la draperie qui recouvre le divin enfant et le montre a saint Joseph assis en face d'elle. Ce sujet est figure d'une maniere semblable, 1° sur une chasuble du douzieme siecle publiee par Mar- tin Gerbert (2), 2° sur un camee en jaspe sanguin de la meme ej^o- que appartenant a M. 0. de Rocourt, de Rethune; on y remarque la stricte observation du rang assigne a chaque personnage, et la creche occupe Ic point Ic plus eleve du tableau. La disposition contraire (1) M. I'abbd Faillon, Monuments inedits de Vapostolat de sainte Mag- deleine, qui le premier a publi(5 cette inscription, avail lii TEMPVIO, mais on froltant avec mon crayon sur un papier vcgdtal applique conlre la pierre, j'ai parfaitcmcnt retrouve la traverse de I'L. (2) Vctus liturgia Alemannica, t. 1, pi. VI. — 50 — L'xiste suruneniiniaiure des premieres annees da Lreizienie siecle(l), le berceau y est relegue tout a fait au has. Lesid(§es symboliques qui out preside a ces arrangements sont tres-claires ; I'une expriine la grandeur de I'enfant qui vient de naitre, I'autre son humilile volon- Laire. 9° L'Ange annoncant la bonne nouvelle aux bergers. Ce sujet offre un curieux specimen du costume que portaient les bergers proven- qaux au treizieme siecle; ceux-ci sontcoiffes d'un capuchon et vetus d'une longue blouse serree autour du corps : i'un d'eux joue de la cornemuse : je recommande son instrument, dont I'outre s'emboite dans une tele humaine couronnee, a mon savant collegue et ami M. E. de Coussemaker. 10° L'Adoration des mages. Leplas age des rois, agenouille de- vant le trone de la Vierge reine, souleve sa propi-e couronne et pre- sente a I'enfant-dieu qui tend les mains, une boite cylindrique a cou- vercle pleine de besanls ; un autre mage montre du doigt letoile mysterieuse ; je n'ai pas reconnu dans le troisieme , le type habituel du negre. 11° Le massacz'e des Innocents. Cetle composition energique a a ete publiee a la suite de mon premier rapport (2) : j'ai seulement commis une erreur, en avangant que le roi Herode portait sur son visage les traces de la maladie dont il mourut. J'avais pris pour un signe de lepre, un orbicule rose commun a toules les figures el em- ploye par le brodeur, afin de rendre la saillie des joues. 12° La Purification. Simeon veut prendre dans ses bras I'enfant Jesus qui, par une naivete bien digue du moyen age, parait s'en soucier tres-peu. Le saint vieillard a les mains et les epaules cou- vertes d'un voile blanc , identique a celui dont on use dans le rit remain pourtenir le saint Sacreraent ; I'echarpe doit en consequence remonter a I'origine meme de la Fete-Dieu. 13° La Fuite en Egypte. Manquent les trois quarts. ill" Jesus au milieu des docteurs. II ne rests plus de ce medallion que la partie superieure, encore est-elle mutilee : on y voit les teles de onze docteurs etle sommet du nimbe rouge de la sainte Vierge, le centre ayant ete enleve, le Christ qui y flgurait a necessairement disparli. 15° Le Christ aujardin des Oliviers. II n'en subsisle plus que la (1) Bibl. dp Lille, Evangrliairc dc Cijsoing, Ms. n" i'6. (2) Archives des missions, l, IV, |il. 3. — GO — tele du Sauveiir et deux nimbesd'apotres; mais la lele est si expres- sive et le SLijct si bien indiqui^ par la position qu'il occupe, que Ton ne peut s'y tromper. 16° Le Baiser de Judas. Manque la moitie. La physionomie du Sauveur exprime la douleur jointe a la resignation, il abandonne une main aux soldals du grand-pretre, et de Tautrc touche I'oreille de Malchus etendu a ses pieds. 17° Jesus soufflete. Cette scene est rendue avec un sentiment re- marquable : I'immobilite de la viclime contraste avec la rage des bourreanx, qui, non contents de frapper, tiraillent avec violence le drap qu'ils ont jete sur la face auguste du Redempteur. 18° La flagellation. EUe ofTre deux types ignobles de question- naires, aux visages empreints d'une ferocite stupide. 19° Le Christ sur la croix entre la sainte Vierge et saint Jean. 20° La descente de croix. Joseph d'Arimathie, pour enlever le corps du Sauveur, se sert d'une echarpe semblable a celle que j'ai mentionn^e en decrivant l,a purification. L'artiste du treizierae siecle ne permet de toucher I'enveloppe mortelle de Jesus, qu'avec les formes liturgiques employees de son temps a I'egard de la sainte Eucharistie. 21° Jesus mis au tombeau. Nicodeme et Joseph d'Arimathie, re- vfitus chacun d'une echarpe blanche par-dessus leurs habits, enseve- lissent le Christ etendu sur une table de pierre, tandis qu'un troi- sieme personnage, coiffe d'une calotte et tenant en main une petite urne semblable aux poteries grossieres si communes dans les cirae- tieres remains, repand du baunie sur ses plaies saignantes. 22° La descente aux enfers. Le Christ marchant sur un hideux demon, qu'il frappe avec sa longue ferule surmontee d'une croix treflee, retire Adam et Eve de I'abime infernal, represente par un orque vomissant des flammes. 23° Les saintes femines au sepulcre. Les trois Maries sont reques par un ange, qui leur montre le suaire et le tombeau vide, sous lequel on apercoit les gardes endormis ; les amies d'Aragon sont peintes sur le bouclier de I'un de ces derniers (1). 2^4° Noli me tangere. La Magdeleine h genoux, etend les bras vers (1) Pal^ d'or cl de gueules; un autre bouclier est ornd dc six mis d'es- rarbouclo fleiirdclisL^s; faut-ii voir dans I'un, quciqu'allusion a Volantio d'Aragon, premiere femmc dc Roherl d'Anjou cl belle scour dc saini Louis, ou considerer le tout commc une fanlaisie? — Ol- son divin niailre enveloppe d'lin grand manleau el tenant en main la ferule crucifere. Manque un luiitieme. 25° Incredulite de saint Thomas. II n'en reste que la partie supe- rieure, M. Rostan y avait vu la mission des apoLres, mais en decou- santrourlet, j'aiparfaitement reconnule doigt dans la plaie du cote. 26° Mission des apotres. Letype de saint Pierre est ti'es-caracterise dans ce petit tableau disparu aux trois quarts : M. Rostan, trompe par le costume du Christ toujours represente nu depuis le crucifle- ment, y avait trouve un episode du jardin des Oliviers; cependant, un stigmate bien marque sur la seule main qui subsiste encore ne pent laisser de doute, a nioins que I'artiste n'ait voulu faire allusion a la sueur de sang qui inonda le Sauveur durant son agonie (1). 27" Ange aux ailes deployees. Entierement disparu. 28° Le Christ et sa mere, tous deux la couronne royale en tete, assis dans le Paradis. 29° Anges thuriferaires. 30° Anges tressant une vaste couronne^Vetoiles. Les numeros29, 28, 30et l/i, disposes lesuns au-dessus des aulres sur le rayon central de la chape, ont tous quatre subi une mutilation dans leur partie moyenne. La broderie a ete executee par deux ouvriers au moins ; le travail de I'aile droite accuse une habilete de main et une entente du dessin qu'on ne trouve pas aussi caracterisees sur I'aile gauche : les sera- phins, les thuriferaires et les encadrements peuvent etre I'oeuvre d'une autre personne, mais a coup sur I'auteur de la Passion n'y a pas louche. Si j'en juge par une chape du douzieme siecle gravee dans le Vetus liturgia aleman7iica de Martin Gerbert (2), tous les sujets figures sur le pluvial de Saint-Maximin n'etaient pas inscrits dans un medaillon complet; les caissons extremes des troisieme et quatrieme rangs devaient etre alezes par la courbe marginale du canevas : quant aux segments menages autour du grand cercle, pour conserver la regularite de la disposition generale, je crois qu'on y avait place des thuriferaires analogues a ceuxqui longent le diametre horizontal. La vaste lacuna qui regne sur le dos, m'avait d'abord fait admettre la possibilite d'une bande brodee descendant de la nuque aux talons; (1) Et facliis est sudor ejus sicut gultae sanguinis decurrentis in tcrram. Luc, c. 22, V. 44. Si telle eut dtd la pensde dc Tartiste, pourquoi indi- quer un siigmale au lien de faire ddgoultcr le sang sur le visage? (2) T. I, pi. 8. — 02 — un semblable onioineiit e\isle siir le pluvial de Gerbert, mais il ne parta^^e pas les caissons, inconvenient impossible a eviter ici ; de plus, la chape de saint BerlranddeConiminges, qui date des premieres annees du quatorzieme siecle, n'a jamais eu d'orfroi central : il faut; done se resigner a croire que le mefait a ete commis, lorsqu'on a supprime une frange trop couteuse a entretenir et remplace I'etroit galon qui bordait les devants par un lambeau emprunte a la robe de quelqae douairiere. L'agrafe, ferraail ou monile , cLaiL soil en metal cisele, soit en etofl'e brodee d'armoiries. Le capuce, chaperon ou lassc'Jlus, dont j'avais nie I'existence a mon premier voyage, a laisse des traces parfaitement appreciables sous I'orfroi moderne que j'ai enleve avec I'autorisation de M. le cure Vian; ildevait avoir la forme d'un triangle isocele hauL de 0,11, sur une base large de 0,25, dimensions exigues, qui ne laissaient de place, que pour un ange aux ailes deployees, ou une colombe; toutefois, I'absence evidente de la premiere personne de 1^ Sainte-Trinite exciut necessairement la representation du Saint-Esprit. Pour repondre au voeu emis en 185!i, par la section d'archeoiogic du comite, j'ai execute des dessins colories, demi-grandeur, de tons les medallions de (a chape de Saint-Maximin ; ce travail, herisse des difficultes que Ton rencontre chaque fois qu'il faut copier fidelement un objet use, m'a retenu vingt-cinq jours. Sandalc. — II ne reste plus qu'une scule des sandales de saint Louis d'Anjou (1), encore est-elle si delerioree qu'on a peine a recon- naitre sa forme et sa matiere : je dirai toutefois que la semelle, longue de 0,26 et legerement arrondie a son extrcmite, se compose d'une tranche de liege epaisse de 0,008, garnie au dedans de cha- mois rouge et au dehors de basane blanche. L'empeigne, dont on n'a laisse que le renfort en toile grise et la doublure en taffetas jaune, etaitjadis recouverte d'une eloffe byzantine cotelee, a raies alterna- tivement or et argent, semees de croix ou de losanges en soie bleue, jaune et verte (2); ce riche tis-u a disparu, ainsi que le quartier qui a certainement existe, car j'en ai vu sur les chaussures episcopales trouvees a Halberstadt par M. Tabbe Bock (3). (1) Elles faisaient, avec la chapo, panic du lot echu aux dominicains. (2) II en reste quelques traces sur la-trepointe. (3) Je suis hcureux d'offrir ici a M. I'abbt^ Bock, conscrvateiir du musde archiepiscopal de Cologne, un temoignage de reconnaissance. (juoiqucavv)cpayot. Au patriarche succedent le pretre et le fondateur de la religion nou- velle (1). Lycaon, fils de Pelasgus et de la nymphe Cyllene, batit la premiere ville; Lycosure, consacre une enceinte a Jupiter sur le mont Lycee etetablit des fetes en son honneur. Son nom, celui de la cite oil il s'etablit, ses differentes legendes, le culte encore gros- sier et barbare qu'il institua, sa pretendue metamorphose apres le sacrifice humain qu'il offrit a la divinite, tout en lui nous raraene au Jupiter Lycorus, au dieu de lumiere dont le loup etait le mysterieux symbole. C'est ainsi qu'en Phocide les noms de Lycorus et de I'an- tique Lycoree, dont il passait pour le fondateur, se rattachentpar les liens les plus etroits au culte de TApollon Lyceen. Hesiode ne donne a Lycaon que six fils. Apollodore en mentionne cinquante, et, dans les noms qu'il cite, on reconnait ceux de quel- ques-uns des principaux peuples du Peloponese. Evidemment, cette liste faite apres coup avait pour but de prouver que I'Arcadie etait le berceau des Pelasges et, par consequent, de la nation grecque tout entiere. Pausanias est moins ambitieux : il ne sort pas des li- raites de la contree meme (2). Autant de fils de Lycaon, autant de (1) Aoxu Sk e-j'i) Ke'jcpoTTt TiXixiav tw PasiXeuovn A6r/vaia)v xa't A'jxaovi etvat Tviv. auTviv. (ApoUod., Ill, 8.) (2) Void la liste donnde par Pausanias, VIII, 3 : Pallas , Menalus, Oresttius, T(5g(5ates, Phigalus, Mantin^us. Trap^zus, Cromis, Eleatas, Charisius, Macar^us, Tricolonus H(5lisson, Perajlhus, Acacius, Asaeatus, Thocnus, Lycdus, Orchomenus, Sumatdus, Hypsus, Ilalipiiirus, Mel'cenus, Hdroeus, ThyryRtas, OEnotrius, Hiemon, Pcucelius. .— 88 - villes fondles dans les diverses parties de I'Arcadie. Cette genealo- gie toiUe fabulease a pourtant son importance etsa signification. Elle prouve lout au moins que I'opinion generale rattaciiail a une ori- gine commune des peuples que Thistoire nous niontre isoles et di- vises. Le propre de la legende est de simplifier beaucoup, parce qu'elle voit pen de chose. Des noms d'individus substitues aux nonis des tribus et des peuplades, un lien de parente etabli entre divers lieros, font disparaitre toule difficulte, et Ton peut dire qu'elle ne semble jamais plus claire que la ou les faits sont plus embrouilles et plus obscurs. Nyctimos, I'ainedes fils de Lycaon, reunitentre ses mains (1) toute I'autorite apres la mort de son pere. Mais Lycaon avail aussi une fille, Callisto, qui donna le jour a Areas. Ce fut ce dernier qui succedaa Nyctimcs. Voila ce que disenl les traditions primitives (2), Elles s'accordent a rattacher directement Callisto et Areas a la fa-' mille de Pelasgus : et cependant tout semble indiquer ici une periode distincte et independante de la precedente. A Pausanias et a Eumelus on peut opposer des auteurs tout aussi dignes de foi. Asius dit que Callisto etait fdle de-Nyctee; Pherecyde, de Cetee; Duris de Samos, d'Orchomenus (3) ; le Scoliaste d'Euripide, de Ceteus et de Stilbe. Si Ton peut h la rigueur etablir un lien de parente entre tons ces heros et la familledes rois pelasges, il nous reste encore le temoi- gnage d'Hesiode qui, suivant Apollodore, regardait Callisto comme une des nymphes ; il nous reste ces legendes locales qui, comme I'a remarque 0. Muller, identifient completement Callisto et Diane. Quant a Areas, il a tous les caracteres d'un chef de race, d'un de ces personnages symboliques qui representent une nation tout en- tiere. A ce titre, on entoure sa naissance et sa vie de traditions mer- veilleuses. Pelasgus etait une production spontanee de la terre. Areas est fils de Jupiter; il epouse une dryade: ilest egalaux dieux. Pelasgus avail donne son nom a la conlree qu'il habitait. Apres Areas (k), le pays s'appelle I'Arcadie. il n'est pas jusqu'aux decouvertes qu'on lui prete qui ne nous confirment encore dans la pensee que son nom (1) NuxTiu.0; fAEv -^ap irpsoSuTaTo; re r,'> x«'' si'/,£ to irav ;cpaTo;. (Paus., vm, 3.) (2) MsTa Sk NuxTtaov dro6avo'vTa, 'ApxJc? i^iSil%-:t) i KaXXiaroO; ttiv apxrlv. (Paus., VIII, 4.) (3) Tous ces auteurs sonl cilds par Apollod. Voy. Ill, 8, 2. (4) Atto tcuto'j Sk PauiXsuovTo; Apxa^ia T£ avrt llO.air^ia.; vi yw^oi, na! avrt IliXaofwv Apzx'^e; iyO.-r\H.c>.yrYiTa.l, Oi Oe'vEo'v t' eve'|xovto x.a.i Op)^0[ASvbv iroXujxnXov, Ptirnv TE, 2TpaTivivr£, xal inv£[j.o'e(ioav Evtmniiv, Kai Te-ye'viv £iy_ov xai MavTivsviv epareivriv, 2TUjJi.9nXiv t' Eixov xal Ilappaairiv evejaovto- Tmv rpx,' A-jJcaioio ivat;, xpEiuv A-yotTTifivup, E^WOVTa vEwv ttoXe'e; S' ev vw exaaTTi Apjca^E; av^pE? eSaivov, ETridTajAEVot TvoXE|jiiijEtv AiiTo; fap otpiv ^uxev ava^ av^puv A-ya|j.E'iAvuv N^a; euooE'X(AOu{. (Hom., //., 11, G14.) — 95 — vagues et ne confirmeiU gikre les paroles de Pausanias. D'autres traditions parlent bien de troupes arcadiennes venues des plateaux les plus eleves de I'interieur et commandees par un certain Teuthys; mais elles ajoutent qu'il les ramena en arriere, apres une querelle avec Agamemnon a Aulis. Nous savonspositivementque Psophis, situ^e dans I'Erymanthe, sur les frontieres de I'Arcadie, ne prit pas part a I'expedition des Atrides : « Ses rois etaient brouilles avec les chefs (( des Argiens dont la plupart dtaient parents d'Alcmseon, et avaient ptEuaiv ETtsxXe'jcovTO (xaOxTTsp ouvi'Sr, xai toI; Apxaot K« ToT; HXsici;, toI? (aev opEivoi? tsXeu; oOot xal oux iy.-Km-tiix.oai ei; Tov xXvipov, ToT; Si y.. t. X.) oyroi AtoXtaVi Siili-/()r,ooLw. (Slrab., VIII, i, 2.) Archiv. des Miss. vn. 7 — ys — A I'alliance de Cypselus avec les'Doriens, a ses montagnes si es- carpees et si faciles a defendre, a sa position an cenlre de la pres- qa'ile eloignee de tons cotes de la mer? Non : ce qui la prolegea surtout, ce fut ce qui Ta defendue dans les temps anciens conime dans les temps modernes, sous les Doriens comme sous les Turcs. Thucydide I'a dit (1), ce fut sa pauvrete. Elle n'avait pas les belles plaines de la Messenie et de I'Argolide, les riantes vallees de la Laconie, la vegetation si forte et si riche des bords de I'Alphee. Mais plus heureuse en un sens que toutes ces provinces, elle vit pas- ser les nouvelles tribus conquerantes sans en subir le joug. Seule au milieu du bouleversement general, elle put (2) jouir encore d'une sorte de tranquillite relative. Elle conserva ses habitants, ses moeurs, ses coutumes, les idees religieuses qui lui etaient communes avec les Acheens d'Argos et de Mycenes, et dont elle resta quelque temps seule depositaire. Elle devint par excellence le sanctuaire des plus anciennes traditions et des plus vieilles croyances, le berceau des dieux, la patrie des races autochtones, et nul peuple ne putre- vendiquer avec plus de raison ce titre d'honneur dont les Grecs etaient si jaloux et si fiers. « Les Arcadiens, dit Pausanias, ont « occupe des I'origine et occupent aujourd'hui encore le meuie « pays.)) C'est un fait important qu'il fallait avant tout etablir avant de suivre, a I'aide des traditions posterieures, les traces des vieilles civilisations pelasgique et helleniqiie en Arcadie. L'histoire legendaire dont nous avons marque les traits princi- paux contient, en effet, une double periods : periode pelasgique, periode hellenique. Mais oii commence I'une, oi!i finit I'autre? C'est ce qu'on ne saurait determiner d'une maniere precise. Car ni I'une ni I'autre n'ont un caratere uniforme et stationnaire. La popu- lation marcha de progres en progres dans 1' Arcadie comme dans le reste de la Grece. Qn^nd de nouvelles tribus vinrent se meler aux premiers habitants, elles heriterent de leurs efforts, de leurs tra- vaux, de la civilisation a laquelle ils etaient parvenus, en leur com- muniquant elles-memes leurs vertus propres et leurs qualites predo- (1) Mxliara Sk rri; yfi; r, apiar/i aal ra; [j-EraSoXa; tuv canTopoiv et^^ev, if\ re v'jv ©tcaxXia jcal BciuTia, nsXoTrovvridou re -ra ToX/.a TuXtjV Apxa^ia;. (ThllC., I, 2.) (2) niXoTroMvr,(Jo; i-a.^oi-/&n Tiaoa itXYiv Apxa^Mv. (PailS., II, 18.) — Ta -yap iravra ayjiSo^ I'Ovvi ttXtiV Ap/caf^'oiv avaoraia a'jv-'gvi -^EVc'(j8at. (Diod., fragm., Vll, 9.) — Mc-a Sk s^avauraa-fi; 7:a(iri; IIsXoTvovyyiao'j utto Awpiswv s^aTroiXETO r, teXe'tii, 01 Sk UTCoXs'.tpOivTe; IlEXo-ovvy/aiMV xal oux E^avaaravTs; Apxai^E; fJ'u'ouC&v auTTiV p.cOvo'.. (Herod., 471, 128.) — 99 — minantes. On saisit dans toutes- les traditions, surtout dans celles qui ont rapport a Areas, les preuves d'une alliance entre les populations primilives el les tribus plus recentes : on constate partout leur fusion : nulle part on ne voit de substitution violente d'une race a une autre. L'element hellene domine sans le detruire I'element pelasge. On a conjecture, avec quelque raison, que ce nom de Pelasges, dans son acception primitive , signifiait les habitants ou les culti- vateurs de la plaine. Faut-il en conclure que les pays ouverts furent preferes dans I'origine aux pays de montagnes, et que I'Arcadie dut etre peuplee de moins bonne heure que I'Argolide? Nous ne le croyons pas. Si la fertilite des grandes plaines attira tout d'abord quelques-unes des tribus pela?giques, d'autres purent preferer la securite des vallees montagneuses, et le nom donne aux premieres, plus riches d'ailleurs et plus industrieuses, put etre applique ensuite aux peuplades voisines, quoique le pays qu'elles habitaient ne le leur eut pas meritJ. Pirates et agriculteurs dans I'Argolide, les Pelasges furent agriculteurs et bergers dans I'Arcadie. lis nous appa- raissent tout d'abord concentres autour du Lycee, et peut-etre faut- il admettre que c'est de la que la tribu dominante partit pour se repandre dans le reste de la contree. La civilisation se developpa moins vite chez eux que chez les Pelasges argiens. Dissemines dans un grand nombre de bourgs et separes par des vallees profondes et de hautes montagnes, ils vivaient plus isoles. Leur climat elait plus rude, la nature qu'ils avaient a soumettre plus sauvage. La vie pastorale, d'ailleurs, est peu favorable aux developpemenls du com- merce et de I'hidustrie. Ajoutez a cela que les peuples voisins des cotes, habitues a la mer et etendant chaque jour plus loin leurs excursions, agrandissent sans cesse le cercle de leurs besoins et de leurs connaissances. D'un autre cote, les etrangers, que les vents favorables amenent sur leurs bords, yapportent avec eux leurs moeurs, leurs arts, leurs richesses. Celte action feconde des colonies venues du deliors, dont les anciens exagererent peut-etre I'lmportance, les Arcadicns ne pouvaient y demeurer completement etrangers. Je n'en veux d'autres preuves que leur extension du cole de I'Elide, leurs rapports avec les Argiens, le passage d'Herodote ou il dit que les mysteres de Ceres, apportes par Danaiis en Argolide, passe- rent de la en Arcadie. Mais il n'en resle pas moins vrai que la civilisation primitive de ce pays fut plus rude et plus grossiere que dans les autres parties du Peloponese. 11 y a loin, toutefois, de la au tableau que nous iracent les legendes locales. Nous I'avons deja — 100 - dil, il est impossible que les Pelasgcs soient restes longleinps dans iin etat semblable a celui des tribiis sauvages, rediiitos a se nourrir de glands et de feuilles verles. Tout se tient dans I'liomme. Ses conquetes materielles marchent de front avec ses co:;que[es mo- rales. Un peuple qui salt honorer la divinite par des fetes el des sacrifices, sail aussi labouier, faire le pain, planter ot cultiver la vigne. On connaissait done au temps de Lycaon le ble etles diverses productions de la terre, et, lorsque la secheresse etait trop grande, le pretre de Jupiter invoquait deja sur le Lycee le dieu qui fait tom- ber les pluies et qui feconde les moissons. II est d'ailleurs une chose qui peut jeter quelque jour sur I'etat de ces populations dans ces temps si recules et si obscurs, c'est le nom de ■K^oGi'kr\voi que se don- naient les Arcadiens. Comment expliquer cette pretention, de leur (1) ■art, d'etre plus vieux que la lune? Quelques auteurs disaient qu'Endymion avait ete le premier a observer ses phases et ses di- verses periodes. M. Creuzer adopte cette opinion ; il pense que les Arcadiens acquirent de toute antiquite une cerlaine connaissance des revolutions de la lune et de ses rapports avec celles du soleil. C'est sur elle que se fondail leur division de I'annee en trois parties, suivant Macrobe; en quatre, suivant Pline. Si imparfaile qu'elle put etre, elle supposait cependant un etat de civilisation assez avance. En Arcadie, du resle, comme en Argolide, c'est au sol lui-meme qu'il faut demander les renseignements les plus positifs sur ses premiers habitants. En s'engageant au milieu des montagnes, on apeiQoit quelquefois des restes de constructions sur des collines abruptes, escarpees, entourees de tons cotes de ravins et de preci- pices. Aprcs une ascension penible, on se , trouve en face d'une acropole etroite, irreguliere, pouvant tout au plus servir de refuge a cent ou deux cents personnes. Ce qu'on y reraarque, c'est une construction polygonale tres-grossiere, ce sont d'immenses blocs de pierres mal degrossies, quelquefois des masses de rochers qu'on a laisses a leurs places sans les tailler. II y a loin sans doute des for- teresses grossieres de Melanea?, de I'ancienne Gortys aux murs de Mycenes et de Tyrinthe. Cependant ellcs datent de -la meme epoque et attestent une organisation sociale analogue. En se melant aux Pelasges, les Hellenes apporterent en Arcadie un nouvel esprit, un nouvel ordre de choses. Le pouvoir de Pelagus et de Lycaon est lout a la fois palri.ucai el sacerdotal, lis fondenl le (1) A.py,7'5c; o'i /.».'; TrpooSt SeXrivaiY); u^s'ovTa'. lv.i. (Apollon. Kliod., IV. 263.) — 101 — culte, consacrent les premiers aiitels. En rapport permanenl avec la divinite, c'est par le respect ou pliitot par la terreur religieuse qu'ils adoucissent les moeurs farouches et grossieres de leiirs sujets. A cote des traditions sur la metamorphose de Lycaon en loup, nous en trouvons d'autres qui conviennent bien a ces temps recules. Suivant elles, il voulait marcher sur les traces de Pelasgus (1), il cherchait a inspirer a ses sujets I'amour de la justice : il leur per- suadait que Jupiter venait quelquefois dans sa maison sous la forme d'un voyageur, pour examiner la maniere dont ils se conduisaienl. Ce sont bien la les trails d'un chef de race, du fondateur d'une so- cietc. Avec les Hellenes, avec Areas, le pretre fait place au guer- rier : les castes militaires se substituent aux castes sacerdotales. Le progres que Ton remarque partout a cette epoque se fait aussi sentir dans la plus pauvre des contrees du Peloponese. L'homme n'est plus aussi fortement absorbe dans sa lutte avec la nature. Des lors s'eveille en lui a un plus haut degre I'amour des con- quetes, des decouvcrtes et des aventures. Les nouveaux chefs prennent le nom de rois. Trois d'entre eux paraissent avoir une autorite plus etendue. Ge sont les descen- dants des fils d' Areas, ceux qui representent direclement le heios fondateur de la race. Quelquefois meme, grace a I'extinction de plusieurs membres de la famille, I'Arcadie nous est presentee comme reunie sous les lois d'un seul, sous Aleus, par exemple, el sous Hippothoiis. Dans tous les cas, I'heritier d'Azan exerce une sorte de suprematie sur les autres rois : en temps de guerre, par exemple, et dans les expeditions communes ou il a le commande- ment supreme. Lycurgue conduit les forces reunies des Arcadiens contre Areithus : mais ce sont les differents rois qui elevent le mo- nument en I'honneur d'Ereuthalion. En temps de paix, son autorite n'a d'action directe que dans la ville ou il est etabli : toutes les au- tres ont leur souverain et leur gouvernement particulier. C'est ainsi qu'Ulysse est roi d'lthaque et qu'Homere donne aux pretendants le nom de rois des villes. C'est ainsi qu'Alcinoiis regne dans I'ile des Pheaciens, et que les heros reunis dans son palais sont appeles rois porte-sceptres cxyi7iTou-/ot pa.Xvuxatoi; exprime les rapports existant entre le loup et la lumiere (1) : « Ce qui le prouve, dit-il, c'est que les habitants de Lycopolis dans la Thebaide confondent dans le meme culte Apollon et le loup, conirae representant I'un et I'autre le soleil. n De nos jours aussi on a fait observer que cet animal etait consacre a Horus et a Osiris, et que ce dernier se metamor- phose en loup dans la guerre contre Tryphon pour proteger Horus. (1) « Nee Varro propter aliud arbitralur in Arcadia tale noinen affictum 1 Pani Lycseo et Jovi Lycteo nisi propter banc in lupos hominum muta- « tionem , quod earn nisi vi divina fieri non putarent. Lupus enim Greece « Xuxo; dicitur, undo yunaliv nomen apparel intlexum. » August, de Civ Dei. XVIII, 17. — 105 — L'^crivain latin, cherchant I'lStymologie de Xuxo;, le rapproche de Isuxb?, blanc, clair, brillant; de luxri, qui, dans la langue desanciens Grecs, signifiait cette himiere qui precede les rayons du soleil. C'est pour cela qu'on donnait a Apollon le siirnom de XuxYiyev/i?, celui de afxcpcXuxvi a la nuit deja eclaircie par les premieres lueurs du jour. Pour faire coniprendre ensuite comment on a choisi le loup comme un symbole approprie au feu, a la lumiere eclatante du soleil, il ajoute que ses habitudes carnassieres conviennent a un element devorant et qui consume tout, et que sa vue penetrante triomphe des tenebres comme le soleil les dissipe. Cette derniere observation conviendrait encore mieux au lynx qu'au loup, et confirme jusqu'a un certain point les rapports que M, de Stackelberg etablit entre ces deux animaux comme exprimant la meme idee religieuse. De tout ceci il resulte que le nom de Lycaeus ne s'applique qu'a des dieux de lumiere et que c'est la la notion fondamentale du culte rendu au Jupiter arcadien. Le loup a sa place dans toutes les legendes propres au Lycee. Les pretres de Jupiter sont appeles Luperci. Lycaon, fondateur du culte, est change en loup, pour avoir offert au dieu des sacrifices humains (1). Longtemps apres lui, la tradition parlait encore de metamorphoses semblables, attribuees aux memes causes. Le superstitieux Pausanias les rapporte, et il ajoute que, salon la croyance generale, on ne voyait pas d'ombre sur le Lycee. Ce qui nous ramene encore a la meme idee, ce qui semble signilier (( que le dieu brillait sur le sommet de la montagne, au milieu des <( eclairs et de la foudre. d Quant aux emblemes dont nous parle Pausanias, a ces aigles dores, a ces colonnes placees de chaque cote de I'autel, et tournees du cote du levant, il est evident qu'ils se re- lient au culte du soleil. N'oublions pas, d'ailleurs, que les anciens semblent avoir eu le sentiment de cetle analogie, en etablissant sur le Lycee, non loin du sommet oii naquit Jupiter, un temple d' Apollon. Le Jupiter Lycaeus n'est pas seulement la divinisation de I'astre du jour, de la lumiere exterieure. C'est encore le dieu des demeures souterraines, le dieu infernal qui reclame imperieusement des vic- times humaines. II represente le feu central, qui agit des profon- deurs de la terre, et comme tel il s'identifle (2) pleinement avec (1) Pausanias cite uncertain Damarchus, athlete de Parrliasie, en Ar- cadie (VI, 8). Piine nomme cet athlete Demoenetus [Hist, nat., VIU, 24, 4). (2) Nous insislerons tout a I'heure sur cetle identity de Jupiter ct dr Pan Lycaeus. — 106 — Pan. Mais ce n'esl qu'en prenant le nom de Fliiliiis qu'il se presenlc* a nous dans toule la varieLe de ses aspects. Suivant Pausanias, il y avail a Megalopolis un temple oii Jupiter elail adore sous ce nom. La statue ^tait I'ouvrage de Polyclete d'Argos : le dieu etait repre- sente avec des cothurnes pr;ur chaussures, tenant nne coupe d'une main, un thyrse de I'autie; sculement il y avail un aigle sui' le thyrse. Ces attributs le rapprochent singulierement de Bacchus : iis nous rappellent le Jupiter de Dodone, qui se confondait avec Dio- nysius, et dans le culte duquel I'Acheloiis, le tleuve fecondant, jouail un si grand role. Quoique honore specialenient comme le dieu du vin, Bacchus ne perd cependant pas son caractere de principe nour- ricier et generaleur, de personnification du principe humide. C'est a ce titre qu'il communique ici ses aftrihuts au Jupiter arcadien. On voit maintenant toule la profondeur de la conception primi- tive qui se revele dans les traditions du Lycee : le dieu qu'on y adore est le principe de vie par excellence, le dieu de la lumiere, de la foudre et des eclairs, des hauteurs des cieux et des profondeurs de la terre, en qui reside la force universelle, duquel dependent les animaux et les plantes, qui feconde le sein des campagnes : u Lors- « que la secheresse a dure trop longtemps, le pretre de Jupiter <( Lycseus adresse des prieres a la fontaine Hagno, et apres lui <( avoir sacrifie selon les rites etablis, touche avec une branche de (( chene la surface des eaux, mais sans I'y enfoncer. L'onde ainsi (( agitee pioduit sur-le-champ un brouillard semblable a une vapeur, (( qui attire a elle tons les nuages et procure de I'eau a I'Arcadie. » (Pans., Vlll.) Ce n'est pas tout, comme tous les dieux primitifs, comme Pan, qui porte le meme surnom que lui, le Jupiter Lycanis est un dieu pasteur et protecteur des troupeaux (1). Plus tard, el a mesure qu'il descend dans les villes, il est le dieu amical, le dieu sauveur, le dieu qui accomplit toutes choses, qui distribue ses pre- sents aux mortels, et, pour tout resumer, le dieu bon, ayy-Obi; Sso'g. « A gauche du chemin qui conduit de I'Helisson a Mcenale, on voit (1) Principaux temples de Jupiter en Arcadie : Temple de Jupiter Ctiar- mon, sur la t'ronlierc du pays des MantiiiecMis el des Tegeatcs (z,a?f.a, joie, sujet de joie) ; — de Jupiter Clarius, t Tes,6e (xX^po;, partage [au sort ciilrc les enfants d'ArrasJ); — de Jupiler Epidotes, ;i Manlinde; — de Jupiter Lechcates, k Aliphera (>.£'-/,o;, lit; h. I'endroil ou le dieu mit au jour Mi- nerve) ; — de Jupiter Philius, a Megalopolis; — autel el statue de Juyjiter Teleitis sur la place publique de T(''gee. — Nous ne parlous pas des en- ceintes de Jupiler f.ycanis menlionn(:^es aillcurs. (Pans., VIII, passim.) — 107 — « un temple dedie an dieu bon. Si c'est aiix dieux que les homnies <( doivent tons les biens dont ils jouissent, et si Jupiter est le sou- « verain des dieux, il parait naturel de conjecturer que c'est a lui « qu'on a donne ce surnom. » (Paus., VIII, 36.) Le culte de Jupiter Lycaeus a un caractere tout pelasgique. 11 nous reporte vers cette epoque oil les honimes avaient une religion aussi simple que I'etaient leur intelligence et I'etat de leur saciete. Un autel en terre, un terrain consacre , une enceinte en pierres grossieres, voila tout ce que nous trouvons sur le Lycee. Seulement, les anti- ques Arcadiens avaient obei a cet instinct primitif qui porte I'honime k choisir les lieux les plus eleves pour adresser leurs hommages a la divinite. C'est sur les hauteurs, la Bible nous I'apprend, que les peuples voisins des Juifs livres a la superstition avaient etabli leurs temples et leurs sacrifices. C'est au point culminant du Lycee, a un endroit « d'oia Ton aper^oit la plus grande partie du Peloponese, » qu'etait place I'autel dedie a Jupiter. Suivant M. de Stackelberg, ce n'etait autre chose qu'un cone forme de la cendre des victimes. La on lui sacrifia des le principe en plein air, les yeux tournes vers le soleil levant : et comme rien n'est plus durable que les usages reli- gieux , la superstition conserva partout le meme caractere a son culte. Ce fut essentiellement un culte en plein air. A Megalopolis, on ne batit pas un temple a Jupiter Lycaeus, on lui consacra des autels et une enceinte. A Tegee, sur la route de Laconie, on ne voyait que deux autels dedies I'un a Pan, I'autre a Jupiter Lycaeus, et non loin de la les fondations de I'Hieron. Euripide se sert d'un mot tres-jUSte, lorsqu'il dit Xuxat'ou TrXvifftov ayixt-ijAaTOi;. Car (nixwjAa, ff-/)xo'; ne signifient rien autre chose que lieu ferme. II parait cepen- dant que plus tard on construisit sur le Lycee meme des batiments attenant aux terrains consacres. C'est Thucydide qui mentionne le fait et qui nous apprend que le roi de Sparte Plistonax y resta dix-neuf ans apres son exil. Mais les expressions dont il se sert, -^ otxi'a Tou lEpou, montrent bien qu'il ne s'agit pas ici d'un temple, mais d'edifices reserves aux pretres ou destines a contenir les offrandes. La moitie de ces edifices servait de refuge : I'autre etait inacces- sible. 11 en etait de meme de I'enceinte consacree au dieu. <( L'entree « en etait interdite aux hommes. Celui qui y penetrait au mepris de « cetle defense mourait infailliblement dans I'annee, » a moins toutefois que les habitants indignes ne lapidassent sur-le-champ le profanateur. Aussi le malheureux qu'un accident iraprevu poussait a mettre le pied sur le sol sacre ne songeait-il qu'a s'enfuir !e plus - 108 - vite possible. C'est ainsi du nioins qu'O. Miiller explique le surnom de cerf qii'on lui donnait, sulvanf Pliitarque (1). Les Pelasges offraient a leur dieu des victiiues huinaines. Celte coutume, nous la retrouvons dans toutes les colonies sorties de I'Ar- golide avant Danaiis. 11 est certain qu'elle exista aussi snr le Lycee. Lycaon, le fondateur du culte, pas;^ait pour avoir le premier immole un enfant, et pour en avoir repandu le sang auLour de I'au lei. Des traditions posterieures, raentionnees par Pline, parlent de sacrifices semblables attribues a I'athlete Damarchus. Malgre le texte (2) de Theophrasle, cite par Porphyre, malgre I'extreme reserve avec la- quelle Pausanias parle des ceremonies mysterieuses du Lycee, et bien qu'on (3) ait voulu en conclure que Ton continua meme apres les lemps barbares a offrir des victimes humaines, nous nous fondons sur Tautorite de Platon pour croire que ce n'etait la un fait ni recent ni habituel. 11 y avail cerles une grande difference enlre le palre de I'Arcadie et I'elegant citoyen d'Athenes, mais tous deux durent se ressembler du moins par la meme horreur pour des coutumes contraires a la nature. S'ils repoussaient tous deux les mutilations, la polygamic, la vente des enfants par le pere, pouvaient-ils ne pas detester tous deux les sacrifices humaiiis ? Pouvait-il ne pas y avoir enlre eux sur ce point comme sur tant d'autres une sorle de com- munaute morale ? 11 est d'ailleurs un fail constant, c'est que des les temps les plus recules meme on rendil a la grande divinite pelas- gique un culte plus pur. Pausanias rapporte qu'a Pallantium il y avait un temple des dieux Purs : » Les habitants n'en connaissaient « pas le veritable nom, ou du moins ils ne voulaient pas le divul- (( guer. II est possible qu'on les ait appeles ainsi parce que Pallas ne « leur sacrifia pas de la meme maniere que Lycaon, son pere, avait « sacrifie a Jupiter, d Ces divinites qu'on honore sur des lieux ele- ves, que Ton rapproche de Lycaon, ne sont uvideniment que Pan et Jupiter Lycaeus, si souvent identifies, si souvent confondus dans les memes honneurs. Ailleurs, il semble qu'il y ail eudes initiations, des mysteres a cole du culte grossier des tribus pastorales. C'est du moins ce que M. Creuzer conjecture d'apres le bas-relief de Megalo- (1) iiXatpo; 6 E[j.Sa; xaXal-rai. (Plut., Quwst. Or., 370.) (2) Msy^pi Tou vOv ou)c ev ApxaJia [ao'vov toT; A'jxait'.;, xctvvi Travre; avOpMTrofluTou- (Porph de AbsUn. ab csu Animal., II, 27.) (.'i) F,-i Td'jro'j TOU Pwij.c'j tw A'jy.afo Aii fi'Joua'.v jv a-oppr'rw- r-.O.'j-^a.'^ij.i-if.ay.: ^a eu p.oi TOT. il; Trri ^joJa-/ r.^b r.'r iy.JTM rY;, m; f/y., y.v. w; J'i veux parler du Ladon et du Stymphale. » Ainsi , le pouvoir de Neptune ne se faisait pas moins sentir en Arcadie rpie partout ailleurs. Seulement, il semblait plus occulte. Ce — no — n'elait pas a la surface , c'etait dans les profondeurs dii sol que s'exerqait la foice destructrice des eaux , (jue se livrait la Uute entre les deux elements ennemis. Les plus anciennes traditions par- laient de tremblements de terre qui avaient ebranle les voiites des catavolhra , d'inondations qui avaient force les habitants a s'exiler, qui avaient transforme en vastes lacs des plaines riches et fertiles. Le dieu tout-puissant de la mer, qui agite et qui renverse, se mani- festait aux Arcadiens par ces terribles catastrophes ; et ce qui prouve qu'ils voyaient la des effets de sa puissance, c'est la vieille tradition qui faisait apparaitre un tlot de la mer a Manlinee. Ce qui le prouve encore, c'est que presque tons les temples de Neptune mentionnes par Pausanias se trouvent dans la partie orientale de I'Arcadie, plus exposee par la configuration meme du sol a ces sortes d'accidents. Phenee avait une statue en bronze de Neptune, consacree, disait-on, • par Ulysse. Caphyes et Orchomene avaient des temples. Stymphale avait eleve le sien sur le prolongement des montagnes qui dominent Fe lac et oii Ton voit sur le rocher la trace laissee par les eaux. iNIais le plus ancien et le plus celebre de tous se trouvait dans la plaine de Mantinee, oil le "cours des eaux avait tant d'importance et pou- vait causer tant de dommages. On le faisait remonter jusqu'au temps d'Agamede et de Trophonius : il avait ete construit par eux, disait- on, avec des pieces de chene fagonnees et jointes les unes aux au- tres. (( lis ne mirent aucune barriere devant la porte pour empe- (( cher les hommes d'y entrer ; ils y tendirent seulement un cordon (( de laine, parce que le respect qu'on avait alors pour les dieux (1 leur semblait suffisant pour arreter les indiscrets. » Neptune etait le dieu principal des Mantineens : plus d'une fois on I'avait vu dans les combats venir a leur secours. Au-dessus meme de son temple, on montrait sur I'Alesius le lieu oil s'etait arretee Rhea errante, la fontaine Arne, pres de laquelle son fils avait ete eleve an miheu des troupeaux etdes bergers. Mais le dieu de la mer, le dieu des tremblements de terre et des inondations, comme I'appelaient les Acheens, est en meme temps le dieu des sources et dos fleuves, des eaux qui vivifient et qui fer- tilisent. Ce second aspect etait plus frappant encore en Arcadie que le premier. 11 le domina sans I'olTacer et sans le detruire. Mal- gre les desastres dont parle Diodore, ce qu'on envisagea surtout en lui,cefut le Neptune Hippius, pere du cheval (1), s'unissant vio- (1) Les Arcadiens pr(5tendaient avoir donnd les premiers le surnom d'Hippius aNeplune. (Paus., VIII, 2o.l— Pausanias ne menlionnc qu'iin temple ou il soil honor(5 sous un autre nom, celui d' imT^T-r,; ; il etail sur les bords dc rH(''lissan, lout pres de Megalopolis (VIII, 30). — 117 -^ lemment avec Ceres pour feconder la terre. Le culte qu'on lui ren- dit se fonda principalement sur ses rapports avec Demeter, sur la Idgende de la naissance du tenebreux Arion et, de la deesse Des- paena. Les habitants de Thelpiisa racontaient que Ceres, apres la perte de sa fille, errait de tous cotes, poursuivie par Neptune qui desirait obtenir ses faveurs. Arrivee sur les bords du Ladon, elle se changea en jument et se mela a celles qui paissaienl pres d'Oncium. Le dieu s'^tanl apergu de la ruse se metamorphosa lui-meme en cheval, et eut commerce avec elle sous cette forme. Dans le premier moment, la deesse en fut irritee. Elle s'apaisa cependant dans la suite, et alia de sa propre volonte se laver dans les eaux du fleuve. Le sens de cette tradition est evident. Elle symbolise I'union de la terre mere et de cette vertu fecondanle que possedent les eaux. Lorsque Neptune ot ses deux freres s'emparerent du trone de Sa- turne, Hestia, Hera et Demeter occupferent la place de Rhea. Hes- tia demeura viergc. Hera epousa Jupiter. Demeter ne devint la femme d'aucuii dieu. Deesse des productions de la terre, elle ne pouvait cependant rien concevoir par elle-meme et de sa propre vertu. II fallait qu'elle s'alliat au principe igne et au principe hu- mide. De la les traditions sur son union avec Jupiter, dont elle eut Core ou Proserpine; sur ses rapports avec Neptune, dont elle en- fanta Arion et Despoena. Le caractere de violence que Ton prete aux desirs du dieu, la colere de Ceres qui s'apaise apres qu'elle a lave son corps dans les eaux du Ladon, se rapportent sans doute a quel- que inondation du fleuve , qui parut d'abord ravager et contrister ses rives, mais qui, en realite, les rendit plus fertiles et plus riantes. Quant au cheval qui figure ici comme le produit mysterieux de cette union, pourquoi la legende I'a-t-elle choisi parrai tous les autres animaux? Dans les fables populaires de I'Arcadie, il n'est question de Neptune ni comme createur du coursier, ni comme inventeur de I'art de le dompter. Est-ce done parce que, depuis I'origine de son culte, le cheval etait avec le dauphin son principal attribut? Est-ce parce qu'il se plait au bord des fleuves et des fontaines, oii il trouve sa nourriture, et donna-t-on a Neptune le nom d'Hippius, comme on donna a Minerve et a Diane, deesses de Fhumidite fecondante, ceux d'Hippia et d'Heurippa. A Phigalie, oli Pausanias retrouva les memes traditions qu'a Thelpusa, il y avait, dans les temps les plus recules, une statue de Demeter avec une tete de cheval, de laquelle sem- blaient sortir des serpents et toutesorte d'autres animaux. Cette an- tique representation de Ceres pent eclaircir jusqu'a un certain point — 118 — le sens symbolique de la legende arcadienne. Ce n'est pas seulemenl le cheval que la deesse mere enfante, mais encore lout ce qui vit dans le voisinage des rivieres et des sources. Arion n'est done ici que le symbole de I'eau, du principe humide et vivifiant. II figure tous les animaux avec lesquels Neptune, par la nature meme de ses attributs, se trouve, comme Minerve et comme Diane, le plus natu- rellement en relation. 5° — Ceres et Despoena. — Ceres Eleusinienne. Nous avons vu plus haut Ceres en rapport avec Pan, qui revele au resle des dieux sa i-etraite sur le niont Elneum. Nous venous de la voir poursuivie par Neptune, qui la rend mere pour la seconde fois. Ces deux traditions repondent a la double nature de la deesse, a la fois siderique et tellurique. Ceres, en effet, habite les regions celestes aussi bien que les profondeurs de la terre. Du haut des cieux, elle exerce sur les phenomenes de la vegetation une inlluence salutaire. Sur la terre, elle fait croitre les moissons et les germes de toutes les plantes. La, c'est la deesse lune, identique avec Diane, mere de Proserpine Leucippos, dont elle a aussi les cheveux etin- celants de lumiere, se liant par ses attributs a la connaissance que les Arcadiens avaient acquise des diverses p^riodes de I'annee. Ici , c'est la mfere da tendbreux Arion et de la mysterieuse Despoena, dont « on tremble de reveler le nom aux profanes ; » c'est la Ceres noire, qui revet des habits de deuil apres la perte de sa fille Proser- pine etl'outrage qu'elle regoit de Neptune, quis'irrite etqui s'apaise, prenant a la fois le surnoni d'Erinnys a cause de son ressentiment, celui de Lusia a cause des eaux du Ladon, dans lesquelles elle se baigne : deesse domptee elle-meme et qui dompte les hommes par I'agriculture et par la civilisation, qui fonde les demeures fixes, les moeurs et les lois (Os'iraot, Osujxia). Cette derniere Ceres, inseparable de sa fille Despoena, appartient plus specialement a I'Arcadie. Pausanias ne mentionne, dans tout le reste du P^loponese, qu'un seul temple de Despoena : il se trouvait en Elide, dans I'Altis d'Olympie. Tout atteste d'ailleurs que leur culte, (( entoure de tant de veneration et de respect, » remontait a la plus haute antiquite, Les Pheneates reconnaissaient bien qu'ils avaient regu de I'Attique les mystferes de la Ceres Eleusini&nne. Mais lis disaient aussi qu'avant cette epoque, Demeter etait venue chez eux dans le cours de ses voyages, et qu'elle avait donne a ceux qui I'avaient regue dans leurs maisons toutes ■ les especes de legumes, excepte la feve. Aussi lui avaient-ils bad un temple au pied du Cyllene, et avaient-ils institue en grande pnuipo Ip rulte de Ceres — 119 — Thesmia. Le It^inoigiiage d'Herodote s'accorde avec ces traditions. Suivant lui, les mysteres de C6res passerent en Arcadie des les siecles les plus recules, et lors de I'invasion des Dorien^, ce fut dans cette contree seule qu'ils se conserverent. C'est done a iix' antiques coulumes des villes arcadiennes qu'il faut redemander les premieres thesmophories, plus simples, plus grossieres, plus pastorales peut- ctre qu'en Attique, mais dont le sens et la portee mystiques etaient les memes. Phigalie et Acacesium, Lycosure et Thelpusa (1), ces vieilles cites pelasgiques oules rites de la religion primitive ^e conserverent dans toute leur purete, etaient les sieges principaux du culte de la Ceres Erinnys et de sa fille Despoena. C'est a Phigalie, dans un antre du mont Eloeum, que se trouvait cette idole de bois si bizarrement composee, et qui etait devenue si celebre. Ceres etait representee assise sur une pierre. Femme pour tout le reste du corps, elle avait la tete et la criniere d'un cheval. Des serpents et des betes fauves Etaient attaches a sa tete et semblaient en sortir. Elle avait un dauphin sur la main droite, unecolombe sur la gauche. Une tunique noire, qui la couvrait jusqu'aux pieds, rappelait la deesse affligee et ter- rible que la douleur avait changee en furie. Le feu, ayant delruit cette statue, les Phigaliens ne la remplacerent pas et negligerent les fetes en I'honneur de la deesse. Aussitot leur territoire fut frappe de sterilite. SurTordre de I'oracle de Delphes, ils relablirent avec plus de solennite que jamais le culte longtemps abandonne. Onatas, fds de Micon d'Egine (2), charge d'executer une statue en bronze de Demeter, la fit d'apres une copie peinte ou sculptee de I'ancienne (1) Thelpusa, sur los bords du Ladon, avait un temple cdldbre de Diane Erinnys — Lycosure avait un temple de Ceres et de Despcena tres- vendrd ; les Lycosur^ens s'y rc^fugierent au moment de la fondation de Megalopolis, et Ton n'osa pas les en arracher. (V. Paus., VIII, passim.) (2) « La statue faite par Onatas ne subsistait plus de mon temps, et les « Phygaliens ignoraient pour la pluparl qu'elle eut jamais exists. Mais le « plus ag^ de ceux que j'y trouvai medit que, trois gdndrations avanl lui, ■( des pierres, qui s'dtaient ddtachdes de la voute, etaient tombdes sur la « statue et I'avaient brisde. » (Paus., VIII, 42.)— Aujourd'hui encore, los habitants dePaulltza (surl'emplacement de Tancienne Phigalie) vous pro- posent de vous conduire a une grotte ce!el)re dans le pays, et qu'ils noni- ment aoTrpo-vifo, parce qu'unc source abondanle et limpide en jaillit. De grosses pierres giscnt a I'entree, comme si elles s'dlaicnt detacliees du sommet. Peul-elre est-cc I'ancienne grotte de Ccrds Melocna ; elle csl a une heure et demie du village. — 120 — idole, mais surtoul « d'apres rinspiration qii'il I'eyut eii songe. » (Paus., VIII, k2.) L'anlique Acacesium reunissait dans un memo lieu le (-ulte de Ceres Despoena et celui de loutes les divinit^s qui se raltachent a elle par leur action sur la lerre noiirriciero et produclrice. Elle avail an autel de INeptunc Hippius, un temple de Pan, donl nous avons parle plus haul, un sanctuaire de Diane Hegemone, qui tous trois elaient rapproches de I'enceinle consacree aux grandes deesses. Le temple de Ceres et de sa fdle etait I'ediQce le plus important et le plus con- siderable. Rebati ou erabelli, suivanl loule viaisemblance, a diverses epoques, il etait precede d'un portique avec des bas-reliefs de marbre blanc, dont le premier representait Jupiter Moeragetes et les Parques, ses inlermediaires aupres de la deesse irritee; le second, Hercule emportant le trepied d'ApoUon ; le dernier, Pan entoure d'un cortege de Nyniphes. Devant I'entree du sanctuaire, on voyait trois autels dedies, I'un a Ceres, I'autre a Despoena, le troisieme a la mere des dieux. L'interieur de la Cella etait occupe par le groupe colossal des deux deesses assises sur un trone. Un Ilambeau etait place dans la main droite de Demeter Erinnys. Quant a sa fille, elle avait sur ses genoux un ciste, et de la main gauche, elle tenait un sceptre, symbole de sa puissance. D'un cote du tronc, pres de Ceres, se tenait Diane, ceinte d'unepeau de cerf, le carquois sur les epaules, une torche dans une main, et deux serpents dans I'autre. De I'autre cote se tenait egalement debout le titan Anylus, qui avait eleve Despoena. En sortant du temple, et en remontant a droite, on trouvait d'abord le Megaron, ou se celebraient les mysteres, puis un peu au-dessus, un bois consacre a Despoena et entoure d'un mur de pierre a hauteur d'appui. (Paus., VIII, 37.) La premiere chose qui frappe dans les details que Pausanias ajoule sur le culte de Demeter et de sa fdle, c'est I'esprit de mystere et de sainte terieur qui preside a ces fetes. II y a des ceremonies pour la foule, des ceremonies pour les inities qui savent seuls le veritable nom de Despoena. Les deesses sont exigeantes et severes ; elles ne souffrent pas qu'on neglige de leur rendre honneur, comme I'avaient eprouve les Phigaliens. Leur colere est redoutable ; leur action sur les hommes est incessante. Ce sont elles qui inspirent en songe a Onatas d'Egine la forme sous laquelle il doit les represen- ter ; ce sont elles qui indiquent de la meme maniere la place ou se trouvait le bloc de marbre dans lequel Damophon tailla leur trone. Les Thermophories arcadiennes avaient de grands rapports avec celles d'Athenes. Elles etaient annuellesetsc celebraient a I'aiitomne ; — 121 — la nature meme des offrandes le prouve. Les femmes y jouaient le principal role. A Phigalie, c'est une pretresse qui fait les ceremonies d'usage ; seulement, elle etait aidee dans ses fonctions par le plus jeune des Hierothytes. La chastete, pendant la celebration des mys- teres, en etait une des conditions essentielles ; car, a Acacesium, il etait defendii d'offrir des grenades a Despcena. Les deesses repous- saient ce symbole d'amour et de fecondite, dont on faisait un des attributs de Junon, et Ton salt qu'a Alhenes, il etait defendu aux feinmes de manger du fruit de la grenade pendant neuf jours etneuf nuits. Les symboles etaient les memes dans les deux pays. En Ar- cadie aiissi, tout ce qui avait rapport aux mysteres etait ecrit sur des tables de marbre. Sur une peinture de vase athenien, relative a la celebration des Thesmophories, on voyait aux pieds de Ceres un tte- pied, un bassin, un miroir. En sortant du temple d'Acacesium, les regards s'arretaient sur un miroir encadre dans le mur. On ne s'y voyait d'abord que d'une maniere fort obscure, ou meme on ne s'y voyait pas du tout. Mais on distinguait parfaitement les statues des deesses assises sur le trone. Ajoutons encore que le but et le carac- tere des Thesmophories se revelaient dans la nature des dons offerts k Demeter et a Despoena. 11 sembJait qu'on ne voulut pas souiller de sang I'autel des deesses pures. A Phigalie, on ne lui immolait aucune victime. A Acacesium, on portait dans le temple meme des fruits de tons les arbres cultives ; ce n'etait que dans le Megaron qu'on sa- crifiait des animaux de toutc espece. Mais partout on lui offrait les productions de I'annee, des epis, des raisins, des rayons de miel, des tcisons de brebis avec leur suint, sur lesquelles on repandait de I'huile. G'etait done en Arcadie, comme dans I'Attique, la grande fete des moissons et des semailles, de Fagriculture et de la civilisa- tion; car I'etablissement des lois et la d^couverte de I'art d'ense- mencer, de labourer la terre, etaient deux faits connexes qui se con- fondaient dans la meme pensee et dans les memes souvenirs. Bien qu'on lui assignat une origine etrangere, et qu'il ne fut pas fonde sur des traditions locales, le culte de la Ceres Eleusinienne n'etait pas moins repandu en Arcadie que celui de Ceres Despoena. On le retrouve a Thelpusa, a Tegee, sur les frontieres du pays des Megalopolitains et des Pallanlins. A Megalopolis meme, il y avait deux grands temples oi!i Ton celebrait les mysteres, a I'imitation de ceux d'Eleusis. Dans I'un, on voyait une statue en marbre de Core Sotira, de huit pieds de haut, et dont le piedestal etait entieremenl convert de bandelettes. Dans I'autre, on remarquait un groupe co- lossal de Ceres et de sa fille, et a cote d'elles, Minerve et Diane 122 cueillant des flcurs avec Proserpine. Les leinples les plus anciens ^taient cekii de Basilis, fonde par Cypsekis, el celui de Phenee, qu'on attribuait a Naiis, venu de I'Altique en Arcadie sur I'ordre de I'oracle de Delphes. Dans les Eleiisiniennes de Basilis, les fenimes se disputaient le prix de la beanie. A Phenee, on celebrait los grands el les pelils mysleres. Pausanias signale loul parliculierenienl le Pelroma ; c'dlaienl denx grandes pierres ajuslees Tune conlre I'aulre ; lorsqu'on celebrail les grands mysleres, on separait ces pierres, on en tirait des ecrils reserves aux inities, el dont on faisail leclure, et la nieme null, on les renfermait de nouveau. Une autre coutume, dont on ne retrouve pas de trace a Alhenes, el qui parail lenir aux plus vieilles traditions da culte, c'etait ce qui se passait a propos du masque de Ceres Cidaria. Ce masque se trouvail sur le Pelroma, dans une espece de couvercle rond. Le prelre le prenail, se le met- tait sur le visage, et frappait de verges, dit Pausanias, ceux (1) qui vivent sur la terre xou? tTciyOovt'ou;. Creuzer restilue avec raison celte legon dans le texte de Pausanias, et celle scene symbolique lui parail destinee a flgurer la querelle de Ceres avec les enfants des hommes. On voit aussi ce que signifierait le mot bTioyeovtou? adopte par Clavier. Ceres, irrilee conlre ceux qui lui out ravi sa fille, serait representee frappant les dieux infernaux. (Paus., Vlli, passim. — Athen., XllI, 610.) 6° — Minerve. La Minerve hellenique se presente sous Irois faces principales. La premiere, la Minerve Tritonis ou Tritogenie (nee des eaux) n'est qu'une personnificalion de I'element humide, agissant sur les se- mences et les plantes, et devient ainsi une deesse de Tagriculture dans une affinite evidenle avec Ceres el Proserpine. D'antiques tra- ditions la font lille de JNeptune et de la nymphe du lac Tritonis, et nous savons d'ailleurs qu'on I'honorait d'une maniere toute speciale, pres du lac Copais el a la source du fleuve Triton, ou Ton disait meme qu'elle avail ete elevee. La seconde a I'aspccl d"une divinile guerriere et protectrice. On lui donne les noms de Pylailis, Poliatis, Polias, Agelcia, Pallas la bondissante. (2) La troisieme, qui n'est autre chose que la premiere et la se- (1) Les dpiUietes qu'IIomcre domic a la deesse marquent ce triple ca- raclere ; TpiTo-^-'veia, •fAoi.'jyM-i.;, aXaXx'Ji/.Evr.l;, a-^ilur,, -o/uoojXo;, Xaiusco;, eyu- otTTTo/.t;, tpSidtij-SpoTo;, IlaXXa;. (2) Hesycllius : MopcTTOv, Ik (pXoicu 7rXs-)'[j.a n, m e'tu-tcv iXKTi'/.Vj; tciT- \-f.iJ.n- rpici;. Cettc coiUumc des Alii(?nicnsn't5tait pas sans analogic avec celle que mehlionne ici Pausanias. — 123 — conde conibin^es, a pour caractere distinctif la chastete et la virgi- nite. Ce n'est plus la fille de Neptune, la deesse nee des eaux ; c'est la deesse s'^langant de la tete de Jupiter, personnifiant en elle la sagesse, I'esprit d'invention, la prudence, la raison unie a on ca- ractere male et severe. La Minerve d'Arcadie reunit en elle ces trois aspects. A Megalo- polis, sur la route d'Helos, on lui sacrifie comnie a la deesse des travaux et des inventions humaines Ma/avt'Tt?. A Tegee, on lui donne le nom de Poliatis, comme a Athenes celui de Polias; on la regarde comme la protectrice de la ville ; son temple est appele le temple du Rempart, a cause d'une ancienne tradition, qui declarait Tegee imprenable. (Paus., VIII, 36, /i7.) Cependant, malgre la confusion des mythes qui se rattachent a cette deesse, malgre les diverses modifications que la conception premiere subit en se developpant, ce que Ton retrouve surtout dans les antiques cites de I'Arcadie, c'est la Minerve primitive, la Minerve pelasgique, la Tritonide, fille de Neptune, ou, suivant Ciceron, de I'une des nymphes de I'Ocean, deesse des eaux et des champs, dont leculte dut passer, des la plus haute antiquite, de la Thessalie, de la Beotie et de I'Attique, dans la region centrale du Peloponese. Alors meme que Ton y accepte des traditions poslerieures, il reste tou- jours quelque chose qui rappelle le caractere primitif du culte. A Aliphera, par example, oii I'on avait pour Minerve une veneration toute particuliere, et oii on lui avait eleve une statue colossale en bronze, on admettait, sur la foi de la'legende hellenique, qu'elle etait sortie du cerveau de Jupiter, et Ton avait consacre un autel a Jupiter Lecheates. Mais en meme temps, et comme pour marquer la persistance de la vieille religion des Pelasges, on appelait Tri- tonide une fontaine a laquelle les habitants attribuaient tout ce qu'on (1) raconte sur le fleuve Triton. (Paus., VIII, 26. — Cic, de Nat. deor.) Au surnom de Tritogenie, le plus ancien peut-6tre et ^ coup sdr le plus caracteristique , la Minerve arcadienne en joint habituelle- ment trois autres, qui ramenent egalement a la notion de I'humidit^ fecondante, de la civilisation et du travail. (1) On avait fait de meme en Beotie : les Bdotiens, comme les habitants d'Aliphdra, pr(5tendaient que Minerve (?tait n(5e dans leur pays, et ils donnaient le nom de Triton a un torrent pea considerable, a cause de la tradition qui voulait que Minerve cut (5t(5 elevde pres du fleuve Triton (Paus., Bffiot., 33.) — 12Z| — Comme deesse nee des eaux, on I'honore sur le bord des fon- taines, des naarais, des lacs, a Phenee par exemple, ou Pausanias ne vit plus que les ruines de son temple, et dans lous les lieux ou I'hu- ♦ midite agit le plus sur les semences. (Pans., Vlll,' 1Z|.) Le nom d'Hippia, sous lequel on la connaissait a Manlhyrium, marque ses rapports avec Neptune Hippius, avec le cheval Arion, symbole de I'eau , principe vi\ ifiant. Les Arcadiens ajoutaient pour le justifier que la deesse avail invente les quadriges. Celui de Coria (1), qui semble lui avoir ete donne sperialement dans le pays, marque en elle le caracterc' virginal, altrihul d'un grand nombre de divinites pelasgiques. Les Ciiloriens avaient erige un temple a Minerve Coria sur le sommet d'une montagne a 30 stades de leur ville : ils celebraient en son honneur des jeux renommes dans toute I'Arcadie. (Paus., Vlll, 21, 47. — Cic, de Nat. deor., Sousle nomd'Alea (deesse nourriciere : aXw, je nourris), on Tho- norait dans les plaines fertiles ou devait surlout fleurir le culte des deesses de I'agriculture et du travail. A Alantinee, elle avait un temple et ime statue de bronze. A I'autre bout de laplaine, a Tegee, on la considerait comme la divinitenationale etprotectrice de la cite. On avait institue en son honneur des jeux connus du Peloponese • enlier, les jeux Aleens, en memoire des bienfaits de la deesse nour- riciere, les jeux Halotiens a cause des succes remportes a la guerre, et que Ton attribuait a la protection de Minerve. Deux fois rebati, son temple, qui reunissait les trois ordres d'architecture, passait pour le plus beau du Peloponese. On y voyait les trophees les plus glo- rieux de I'histoire des Tegeates, les defenses du sanglier de Caly- don, I'armure de Marpcsse, surnommee la veuve, I'auge d'airain des chevaux de Mardonius. Le droit dasile y etait inviolable : Leoty- chides, Pausanias, la pretresse Chryses d'Argos s'y lefugierent, Deesse vierge comme a Clitor, Minerve Alea avait pour pretresse une jeune fille qui cessait ses fonctions avant I'age do puberte. Au- tourde son aulel on avait represents les nymphes des fontaines qui nourrirent Jupiter, Glauce, Neda, Theisoa, Hagno, Anthracia, comme pour rapppeler encore son caractere de Tritonide. (Pans., Vlll, 9, kl.) 1° — Diane. Diane est en Arcadie une deesse essentiellement nationale. Ce ca- ractere si frappant en elle s'explique peut-etre par ses rapports avec (1) Koiia; ovojax^stx'. w; ^t, xjpiiv.v aaO.TCv ■^iTzn.fj.vrn . (LvCOphr.; — 125 — la nyinphe Callisto, mere d'Arcas et par consequent du peuple ar- cadian Loiil enlier. CalUslo est fille de Lycaon, on plutot de Jupiter Lycoeus : elle est changee en ours, symbole de la Diane arcadienne. Son lombeau se trouve sur la meme eminence qu'un temple consa- cr^ a la d(^esse, et il semble que son nom ne soit qu'une des formes de celui d'Artemis : car nous trouvons non loin de Tricolonoi une statue d'Artemis Calliste (1). On peut done croire qu'il y eut dans I'origine identite complete entre Callisto et Diane, et que ce fut la deesse elle-meme qu'on introduisit sous un autre nom dans les an- tiques genealogies arcadiennes. Plus tard, il est vrai, lalegende s'al- tera d'une maniere sensible : elle etablit d'autres rapports entre Ju- piter et Callisto : elle separa completement lanymphe de la divinite. Ce fut celle-ci qui fit perir Callisto a I'instigation de Junon, ou par depit de voir qu'elle n'avait pas conserve sa virginite. L'enfant fut sauve par Mercure, et Jupiter plaga la mere parmi les astres, oia elle est la grande ourse. Mais, tout en transformant les idees primitives, ces fables conserverent du moins d'etroites relations entre Callisto et Diane. « Elles chassaient sur les memes montagnes et portaient les (c memes vetements : elles avaient jure derester vierges, et Jupiter, (( pour s'unir avec Callisto prit la figure d'Artemis. » (ApoUod., Ill, 2.) Ouoi qu'il en soit, nulle divinite enArcadie n'avait plus de temples que Diane. Nulle n'y jouissait d'un culte plus ancien et plus solennel. La vengeance qu'elle exerce contre les cites qui la negligent, le sup- plice inflige a ceux qui I'insultent et rappele par le surnom d'Apan- chomenee (I'etranglee), les sacrifices humains qu'on lui offrit pendant longlemps pres de I'Helisson, comme a Patras sur lesbords dufleuve Amilichus , les prescriptions severes concernant les pretres et les pretresses de ses temples ; lout nous montre qu'on se faisait une grande idee de sa puissance, et qu'on avait pour elle, comme pour Ceres et pour Despcena, une veneration melee de terreur. D'un autre cote, le grand nombre de ses surnoms empruntes aux montagnes, aux fontaines, aux fleuves el aux cites de I'Arcadie, doivent faire croire que son culte etait intimement lie a la contree meme et a ses plus anciennes croyances. Les Tegeates envoyaient des processions sacrees a son temple de Phenee. C'etaitchez les Argiens une antique coutume que de prendre du feu pour les fetes Lerneennes dans son sanctuaire du mont Crathis. Sur le mont Cnacalus, pres de Caphyes, (1) « Je pense que Pamphus, qui a donne le premier dans ses vers ce « surnom a Diane, I'avait appris des Arcadians. » (Paus., VIIL 35.) — 126 — de cette ville oil Ton avail fait perir des enfants coupables de I'avoir insullee dans leurs jeux, on celebrait tons ies aiis une fete en son honneur. Pli'ygalie, cette antique cite des mythes et des symboles pelasgiques, avail un temple de Diane Eurynome, Ires-venere dans tout le pays. Bali dans un endroit escarpe, d'un acces difficile, en- toure de cypres nombreux et tres-serres, il n'eLait ouvert qu'une fois I'an, lejour ou I'onfaisail des sacrifices au nom des particuliers etau nom de la ville. Mais le plus celebre de ces temples etaitcelui qui se trouvait aux pieds de I'Anchisia, pres du catavothron ou se dechar- gent Ies eaux des montagnes , entre Ies belles et riches plaines de Mantinee et d'Orchomene. II appartenait egalement aux deux peu- ples. Dans I'origine il elait desservi, comme a Patras, par une jeune fille vierge. On lui substitua bientot une femme (i qui avail connu le <( commerce des hommes ; » enlin on lui donna un pretre et une pretresse. Les prescriptions Ies plus severes rendaient leur vie en tout differente de celle des autres citoyens. L'usage des bains leur ^tait interdit. Assujettis a une chastete rigoureuse, ils ne pouvaient nieme pas entrer dans la maison des particuliers. Les fetes de Diane Hymnia, etablies.des les siecles les plus recules, comptaient parmi les plus populaires de I'Arcadie. On y venait une fois I'an de tous les points de la contree chanter des hymnes en I'honneur de la deesse et celebrer les jeux Hymniens. II y avail sans doute en Arcadie comme a Patras une procession solennelle, et Ton devait offrir a Diane les memes sacrifices, des oiseaux pris dans toutes les especes qu'on mange, des sangliers, des cerfs, des chevreuils et meme des loups et des ours. (Paus., VIIl, 13, Zjl. — Polyen, Chelonis. — Ta- tien, adv. Gr., I, 165.) La Diane (1) arcadienne, comme la Diane d'Ephese, I'Artemis Or- thia, la Diane Tauropolos, a ceci de remarquable, qu'elle n'est jamais en rapport avec Apollon , et qu'elle n'a evidemment ni la meme origine ni la meme nature. Ce n'est pas la fille de Latone, c'est la fille de Ceres, la soeur de Proserpine, suivant la tradition locale repetee par Eschyle, Herodote et Calliraaque. Nous i'avons (1) La Diane hellfjnique, socur d' Apollon, regardc^e avec lui comme la divinil(5 ennemie ou prolectrice par excellence, eul son culle en Arcadie a c6l(5 de TArt/'mis P(51asgiqne. C'est elle que Ton rolrouve sons les noms d'H^mdrdsiaa Clitor, de Sotrira a Phigalie. Pour cette derniere ville, en et'fel, remarquons que ce n'est qu'apres avoir consultd I'oracle de Del- phes que les Phigaliens, adorateurs de Diane Eurynome, consacrent uir culle ^ Diane Sotiras. — 127 — deja vue a Acacesiura en rapporl avec Demeter et la severe Des- poena. Remarquons encore que les fetes Lern6ennes, pour lesqnelles les Argiens allaient prendre dii feu dans le temple de Diane, etaienl des fetes consacrees a Ceres. Cette identification d'Arlemis avec la divinite mere et nourriciere, son caractere de deesse chasseresse qui la rapproche de Pan et d'Hermes , de puissance infernale, avide de victimes humaines comme le Jupiter Lycceus, nous ra- menent encore une fois a la conception d'un principe generateur et d'une force elementaire. On ne peut guere douter qu'elle n'ait em- pruntd quelques-uns de ses traits a la personnification de la lune, car son surnom de Pyronia remontait aux origines memes de la reli- gion pelasgique. Mais son pou voir parait avoir dte surtoutde la meme nature, quoique beaucoup pins general et plus efficace que celuides nymphes. 11 residait surtout dans le principe liumide, dans Faction des eaux fecondantes : de la ses surnoms de Limnatis et d'Helia (1) : de la le culte qu'on lui rend sur le bord des lacs, comme a Stym- phale ; aupres des fontaines, comme a Clitor ; aupres des fleuves, de FAlphee, par exemple, ou Strabon nous dit qu'on lui avait e\ev6 .de nonibreux temples dans des « bosquets fleuris a cause de Fabon- dance des eaux. » De la encore ses rapports avec certains animaux qui se plaisent cw"Au(ru5iv. Efu Si toi cuti [/.s-^aipw. Atiotij roi Te-jsw ^ToaoixpoT&v opy_Yicj*'j6ai xat xaXov iTs5tov o/_oivoj ^lai^.e-pviuaaOai. (Ildrod., 1, 66.) — Ul — temps avec les liabilants de celte ville, el accepterent son nouveau systeme de poids et mesures. Dans la liuitieine olympiade, Phidon Iraversa leur pays pour soutenir les habitants de Pise centre les Eleens. Les Arcadiens durent prendre part a cette expedition, d'au- tant plus facilement que Sparte etait alors occupee de ses premiers demeles avec la Messenie. Nous savons en outre qu'ils etaient enne- mis des Eleens et qu'ils reclamaient la presidence des jeux pour les Pisates. Aussi est-ce peut-etre vers cette epoque, alors que les Eleens se furent releves, grace a I'alliance de Lacedemone, qu'il fauL placer le combat mentionne par Pausanias, et dans lequel les Arca- diens, effrayespar un prodige, prirent la fuite. (Paus.,V, i; VI, 20.) Cependant les guerres de Messenie avaient commence des 7/|3. Les dispositions des Arcadiens n'etaient pas douteuses. Leurs longues relations d'amitie avec les Messeniens, les liens d'hospitalite qui les unissaient a eux, leurs luttes recentes avec Sparte, I'ombrage que leur donnait son ambition active et remuante, devaient les porter a soutenir vigoureusement le roi Euphaes. Ce n'est pourtant que 13 ans apres le commencement de la guerre, lorsque les Messeniens s'etaient deja retranches sur I'lthome, qu'on les voit prendre une part directe aux evenements (730). Tandis que les Argiens envoient des secours particuliers et sans deliberation publique, ils rassemblent ouvertement une armee. Apres la mort d'Euphaes, Aristodeme en- tretint avec soin ces dispositions favorables. II envoya des presents aux citoyens les plus puissants de chaque Etat pour les exciter a lever des troupes, et comme on se bornait alors de part et d'autre a une guerre de brigandage, quelques peuples de I'Arcadie se reu- nirent aux Messeniens pour faire des courses dans la Laconie. (Paus., Mess., 10. Dans la cinquieme annee du regne d' Aristodeme, on en vint enfm a une grande bataille. Argos, et Sicyone ne fournirent que quelques troupes d'elite : les Arcadiens reunirent toutes leurs forces pour com- battre du cote des Messeniens. Au centre de I'armee et sur les ailes, comme hoplites et comme troupes legeres, ils exercerent I'influence la plus decisive sur Tissue du combat. Ici les soldats de Tegee, de Mantinee et d'Orchomene, mal amies pour la plupart, mais joignant I'audace a une grande force corporelle, et capables de supporter le choc des ennemis sans que leur rangs eussent beaucoup de profon- deur : la les montagnards du Lycee et du Moenale converts de peaux de betes feroces, de loup ou d'ours, amies de traits et de lances, in- trepides et agiles, aussi prompts a s'elancer sur les rangs oppose^ qu'a executer leur retraite. Tel fut I'effet de ce combat, et la part - l/i2 - que les Arcadiens y prirent, que les vaiiicus decourages cherchereiit aussitot a les detacher du parti des Messeniens. On ne repondit a ces avances qu'en conliniiant a fairc des excursions sur le territoire de Lacedemone. (Pans., Mess., 11, 12.) Un oracle releva le courage des Spartiates. Ni I'lieroisme des Mes- seniens, ni le courage de leurs allies ne purent les empOcher d'etre assieges dans Ithome. II fallutse rendre apres la mort d'Aristodeme. Pendant que le bas-peuple se dispersait dans les villes pour hitter encore, I'Arcadie donna asile aux families les plus riches (723.) Tout ce que nous savons du regne d'CEchniis, c'est que sous lui commenga la premiere guerre de Messenie. Son fds, Aristocratus I^'', se rendit odieux par ses exces et par ses violences. Aux fetes de Diane Hymnia, il osa violer la prt^tresso dans le sanctuaire meme. Les Ar- cadiens indignes le lapiderent. 11 semble d'ailleurs qu'en Arcadie, comme en Argolide, comme bientot a Sparte, la royaute eCit perdu le credit et I'influence que les qualit^s personnelles des souverains lui avaient acquis aux temps heroiques. De ces derniers rois on n'a retenu que les crimes qui haterent leur chute. On ne les cite pas dans la pre- miere guerre de Messenie. Dans la seconde, Aristocrates II n'apparait que comme I'auteur de la mine de ses allies. L'autorite passe de plus en plus entre les mains des families riches et des aristocratics in- fluentes. Nous venous de le voir, lorsqu'Aristodeme voulut se conci- lier les Arcadiens, c'est aux nobles, aux citoyens les plus puissants de chaque Etat qu'il envoya des presents. (Pans., VIII, 5, 6.) 685-668. — La haine (1) des Arcadiens centre Sparte augmentait en raison de sa puissance, de ses premieres conquetes en Messenie des succes qu'elle avait remportes sur les successeurs de Phidon. II s'agissait de savoir si elle serait la puissance preponderante dans le Peloponese : ilfallait I'abattre ou subir sa suprematie dans un ave- nir prochain. Aussi lorsqu'Arislomene et ses compagnons, repre- sentants d'une generation nouvelle, pleine d'ardeur pour la guerre, d'amour pour la liberty, sonderent secretement les dispositions des (1) Voir Pans, pour la clironologie de ces guerrcs. — II dit d'une pari qu'il s'ecoula Ireatc-ucuf ans outre la ])remiere et la deuxieme guerre; de I'aulre que la deuxieme guerre finit dans la premiere aniKjC de la vingt- huiliemc olymplade. — La premiere annee de la vingt-huitieme olym- piade nous rcporte a Ian 668 : d s'dcouia trcntc-neuf ans entre la pre- miere el la deuxi6me guerre ; elle commenca done en 685, puisque la premiere finit en 72.'^. Seulemenl Pausanias se trompe lorsqu'il dit (]ue la seconde guerre dura quatorz.e ans : elle di'.ra dix-sept annexes. — l/i3 — anciens allies de leur patrie, les Arcadiens se IrouverenL-ilstousprets a de nouveaux sacrifices pour la cause commune. En 683 ils prirent part ail combat qui se livra pres du monument du Sanglier : dans la troisiemeannee de la guerre ils firentun effort plus vigoureux encore. Toutes leurs villes sans exception fournirenl des troupes. En I'ab- sence des Eleens, des Argiens, des Sicyoniens, jusqu'alors les allies de la Messenie, ils formerenta eux seuls le centre et I'aile gauche de Tarniee d'Aristomene. Mais les Spartiates avaient pris leurs precau- tions. Aristocralcs etait vendu a leur cause. Heritier d'Aleus et d'E- chemus, il avait comme eux le commandement general des forces des divers Etats. Les deux armees se rencontrerent pres du lierf appele la Grande-Fosse. A peine les premiers rangs etaient-ils enga- ges que le roi des Arcadiens donna a ses soldats le signal de la fuite. Les Messeniens se trouverent ainsi en pleine deroute des le com- mencement du combat. Aristomtne se retira sur le mont Ira : il s'y maintint pendant Uannees, et pendant 11 annees Aristocrates pa- ralysa toutes les bonnes intentions de ses concitoyens a I'egard de leurs allies. En apprenant la prise d'Ira (668), les Arcadiens le presserent de les conduire au secours des Messeniens, mais il les retint sous prelexte qu'il ne restait plus de Messeniens a defendre. Bientotpourtanton apprit qu'Aristomene etses compagnons n'avaient pas tous peri, etqu'ils approchaient des f rontieres avec leurs femmes et leurs' enfants. Aussitot on se rassemble sur le Lycee pour les recevoir : les principaux citoyens se portent en avant avec des habits et des vivres. On console , on guide les fugitifs : on leur donne I'hospitalite dans les differentes villes du voisinage. (Paus. , Mess., 15, 17, 22.) Quelques jours apres, Aristomene', infatigable dans sa haine centre Sparte, s'etait deja adjoint 500 Messeniens et 300 Arcadiens pour tenter un coup de main sur le terriloire ennemi. Aussitot Aristocrates envoya un esclave vers le roi de Lacedemone, Anaxandre. Mais quelques Arcadiens, ennemis du roi, avait concudes soupcons centre lui : ils guetterent le retour de I'esclave, s'emparerent de lui et pro- duisirent devant I'assemblee la reponse C|u'il apportait de Sparte. Ri_en de plus saisissant et de plus beau que la scene qui suivit la decouverte de cette longue trahison : « Les Arcadiens accablent « Aristocratesdepierres,etpressent les Messeniens d'en faireautant. (( Ceux-ci regardent Aristomene qui baisse les yeux et se prend a (( pleurer. Cependant on lapide le traitre, on jette son corps hors (I des limites du territoire, et on le laisse sans sepulture. Puis on (( erige dans I'enceinte de Jupiter Lyceen un cippe portant I'inscrip- - u/, - • <( lion suivanle : Le lemps a fail enlin jiislice il'iiii roi coupable : il « a devoile, grace a Jupiler la perfidie d'un iraitre envers la Mes- (i senie. Le parjure peut difficilemenl cacher son crime aux dieux. (( Graces le soienl rendues, souvcrain Jupiter, ct sauve I'Arcadie (1).)) Moble el toiichanle prier.e, et qui lionore le peiiple arcadien niieiix que bien des succes et bien des triomphes ! L'lliade d'Homere, les traditions sur les heros des lemps primilifs nous ont laisse voir quelquc chose des qualites guerrieres de celle nation. L'oeuvre de Rhiantis de Bene, qui elait aussi le poeme epique de I'Arcadie, nous perniet surlout d'apprecier son caractere et sesqualites morales. Aux derniers jours de la Grece, un historien judicieux, un horame de bien rendait a ses compalriotes le lemoignage qu'ils s'etaient fait estimer par leur bienfaisance, leur respect pour les liens de I'hospitalile, leur probite, leur piete envers les dieux. En remontant au commencement de I'histoire, nous retrouvons les Arcadiens tels que nous les depeint Polybe. C'est un grand spectacle a coup sur que celui de ce peuple exile, de ces femmes, de ces enfanls accueillis par des allies compa- tissanls et genereux sur les montagnes qui sont le rempart de leur independance et de leur liberie. D'un cole I'heroisme, d'une nation qui perd sa patrie apres avoir tout fait pour elle : de I'aulre, lapitie, le respect du mallieur, la fidelite inebranlable aux sermenls, aux alliances jurees rendues plus eclatantes encore par la punition du Iraitre, par rinscription qui perpetue le souvenir de son crime. La poesie n'a pas embelli celle scene. Carici I'histoire est la plus ton- chante et la plus admirable des poesies. (Paus., Mess., 22. — Pol. IV, 33,6.) La mort d'Aristocratesll semble au premier abord entrainer I'abo- lition de la royaute en Arcadie. Des temoignages de Polybe el de Pausanias il resulterait que la race de Cypselus cessa de regner en 668, ou memo que Ton fit perir tons ses descendants, afin d'empe- cher toute usurpation a venir. Des auloriles contraires s'elevent contre celle conclusion. Plutarque, dans un recil d'une fiction toute palpable, il est vrai, mais qui peutpourlanl conlenir un fait historique reel, nous dit que jusqu'a la guerre du Peloponese il y eut des rois a Orchomene. Suivant Diogene de Laerce, lefilsd' Aristocrat's meme »(11 IlavTOj; i '/.po'vo; aufs Si/.vi a.Six.a paciX^i; 6'jps Si Mcoorivr,; ouv Ail rbv irpo^oV/iv pYiiJtu;- yr/Xim'i S'l XaOsIv Osdv dvS'p' E-irioixov. (Callislh. ap. Paus.) — U5 — aurait r6gn6 sur cette villc et sur uae partie de I'Arcadie. II paraitrait de plus que ce fils se nommait Aristodeme, qu'il entretint des rela- tions avec Procles, tyran d'Epidaure, et qu'il lui donna la main de sa soeur Erislhenia : c'est de Procles et d'Eristhenia que naquit Melissa, femme de Periandre et mere du Cypselus de Corintne. Peut-etre y a-t-il moyen d'accorder ces temoignages contradictoires ? Peut-etre faut-il croire que Ton ola en eflet toute aulorite a la race de Cypselus, mais que plus tard le lils d'Aristocrates put, grace aux partisans qu'il avait conserves (ians Orchomene, y usurper le trone ei y maintenir son pouvoir. Quoi qu'il en soit, ce ne fut la qu'une tyrannic toute locale, sans inlluence sur les autres Etats de I'Arcadie,' sans action preponderante dans les entreprises les plus importantes, dans les guerres contre Sparte, par exemple. La mort d'Aristocrates marque le triomphe d'un fait depuis-longtemps existant : la predominance des nobles, la substitution desgouvernements aristocratiques a la royaute. Ces Arcadiensdont nous parlePausaniaset qui avaienleu des differends avec Aristocrates appartenaient sans doulc aux families les plus riches et les plus puissantes, celles , par exemple, qui entretenaient des relations avec les principaux citoyens de la Messenie, et aux- quelles le roi Aristoraene envoya des presents. Ce sont eux qui sus- pectent les premiers la trahison, qui la font connaitre a I'asserablee generale des Arcadiens. La chute de la vieille royaute heroique eta- blit plus fortement leur pouvoir. Tegee, Mantinee etaient des cette epoque entre les mains d'une aristocratie. 11 en etait de meme de Lepreon, de Phigalie , d'Heroea : les citoyens de ces trois villes, qui epouserent chacun une fille d'Aristomene, Damathoidas, Tharyx et Theopompe etaient dans leur patrie les representants du gouver- nement oligarchique. (Paus., VIII, G. — Pol., IV, 33. — Plut., Paral., 32. — Diog. Laer., 1, 7, 9/i. — Paus., Mess., Ih-) Cependant Sparte avait triomphe de la Messemc : pour acqu^rir la suprematie dans le Peloponese, il lui restaita terminer ses vieilles luttes contre I'Arcadie et I'Argolide. Pendant la longue resistance des Messeniens dans Ira, les Phi- galiens leur avaient fait passer dessecourset des vivres : ils s'etaient meme unis a eux pour faire des incursions sur le territoire conquis par les ennemis. Leur position les rendait admirablement propres a la guerre de brigandage. En quelques heures ils descendaient des hauteurs de I'Eloeum dans la plainede Stenyclaros : quelques heures leur sufiisaient pour se retrancher ensuite derriere leurs montagnes dans une situation presque inaccessible. Phigalie etait une des villes les plus fortes du Peloponese. Placee dans un endroit tres-eleve et Aucmv. DES Miss. vii. 10 — l/(6 — tr^s-escarp6, bilie en grande partic sur des rochcrs, ellc (§tait d^- fendue a I'Est i)ar des remparls naturels, a I'Ouest et au Nord par des torrenis profondeiiient encaisses, an Slid par la Neda, avec ses cascades, scs escarpemenls gigantesques, presque a pic, d'une lar- geur de 10 a 12 metres, entre lesquels boiiillonnent les eaiix. Les Etoliens ne setromperent pas plus lard lofsqu'ils en firent un repairs de pirates, et il semble que dans tous les temps ses liabitants aient vecu volonliers de rapines et de bulin. La facilite de la defense y etait extreme : de nos jours on montre Tendroit ou quelques habi- tants du haraeau de Smarlina tinrent en echec les troupes d'Ibrahim. Disons encore que Phigalie commando tous les passages qui con- duisent de la Messenie au coeur de TArcadie, dans la vallee de I'Al- phee, et qu'a ce titre sa possession etait importante pour tout pou- voir aspirant a dominer dans le Peloponese. (Pans,, Vlll, 39.) Des que les Spartiates « songeient a attaquer I'Arcadie, » ils con- duisirent une armee contre les Phigaliens (G59). Vainqueurs dans un premier combat, ils entourerent la ville et en firent le siege. Les habi- tants, pris par la famine, furent obliges de capiLuler et de quitter le pays. lis consulterent I'oracle de Delphes qui leur promit la victoire a la condition qu'ils s'adjoindraient 100 hommes d'elite d'Orestha- sium. Telle etait la popularite de ces guerres contre Sparte que les Oreslhasiens se dispulerent a I'envi I'honneur de combaltre dans les rangs des Phigaliens. Ils succomberent tous ; mais la prediction du dieu s'accomplit; Les Spartiates furent chasses et la population exilee recouvia sa patrie. Pausanias vit sur la place publique de Phigalie le tombeau commun des Oresthasicns : on leur sacrifiait tousles ans comme h. des heros (655). (Paus., VIII, 39.) A I'autre bout de ses frontieres, Sparte voyait avec plus de haine et de jalousie encore une ville dont la puissance n'avait cesse de s'accrojtre, et avec laquclle elle etait dcpuis longtemps en lutte. Tegee n'etait plus le premier des neufs bourgs de la Tegeatide : elle se les etait incorpores, apres les avoir domines. Elle etait devenue une grande cite. Cette fusion des bourgs etait une chose accomplie des la seconde guerre de Messenie. Ce qui le prouve , c'est que les habitants de Caryes sont coinptes parmi ceux qui furent reunis a la population de la primitive Tegee ; d'oii il resulte qu'au moment ou I'incorporation eul lieu, les Tegeates possedaient encore ce bourg. Or, nous savons que, des le temps d'Aristoracne, il etait tombe au pouvoir des Spartiates. Rien d'ailleurs qui s'explique mieux que le fait en lui-meme. La position particuliere de Tegee, ses guerres avec Sparte lui firent senlir de bonne heure le besoin de concentrer ses - l/j7 — forces, pour les rendre plus actives et plus efficaces. Voila pourquoi elle accomplit plus tot que les autres viiies de I'Arcadie cette revolu- tion si importante pour elle. Une nouveile legislation consacra le nouvel etat decho&es. C'est sans doute a cette epoque qu'il faut pla- cer ses quatre legislateurs, Antiphanes, Crcesus, Tyronidas et Pyr- rhias. Mieux gouvernee et mieux peuplee, Tegee devint plus pros- pere. Ses habitants, illustres dans les anciennes guerres, etaient aussi habiles a defendre les defiles des montagnes qu'a combattre en plaine. Des les premiers temps, ils avaient eleve entre Symbola et Phylake un mur destine a les proteger contre les invasions des Spar- tiates. Places pres de I'un des principaux passages de I'Arcadie dans la vallee de I'Eurotas, ils donnaient a leur cite le nom d'imprenable, et se glorifiaient de la defaite qu'ils avaient infligee a Charyllus. (Strab., VllI, 3, 2.~Paus., VIll.) Les guerres entre les deux peuples avaient continue pendant plu- sieurs generations sans que les Tegeates perdissent leurs premiers avantages. Polyen parle meme de la captivite d'un certain Theo- pompe, et il ne semble pas impossible qu'il soit ici question du roi lacedemonien successeur de Nicander. Mais les affaires de Messenie forcerent Sparte a interrompre la lutte : elle la reprit avec plus de force, grace a ses succes, et la prolongea cette fois pendant soixante a soixante-dix ans (630). (Polyen, Qielonis.) Vainqueurs des Lacedemoniens sous Anaxandre, les Tegeates en triompherent encore sous les regnes d'EurycratesetdeLeon, sesfds. Herodote, Pausanias, Dion Chrysostome, Polyen, quoiqu'ils ne nous donnent pas de details, ne nous laissent aucun doute sur le resultat de ces expeditions. C'est a leurs succes pendant toute cette periode que les Tegeates font allusion, dans leurs discours avant la bataille de Platee : (( N'avons-nous pas plusieurs fois combattu avec avantage « contre vous-memes, citoyens de Sparte?)) (Paus., III. — Herod., IX, 26. — Dion., Ch. Or, 17. —Pol., I, 11.) Vers 560, sous le regne d'Anaxandride, la fortune changea. Ici se place une de ces histoires qu'Herodote raconte si bien. L'oracle avait ordonne aux Spartiates, s'ils voulaient vaincre leurs ennemis, de rapporter dans leur pays les ossements d'Oreste. Lichas I'Agathoerge se rend a Tegee dans un moment de Ireve entre les deux peuples , et decouvre le tombeau du heros dans la cour d'un forgeron. Privee de ces cendresprotecirices, Tegee n'eprouva plusquedes revers. Les details nous manquent sur les derniers evenements de cette longiie lutte. Nous ne pouvons en apprecier que les resultats. Tegee perdit . defmitivement les districts limitrophes de Garyee, GarystosetSkyros. — us — Trop redoulable et trop forte encore, qiioique vaincue , pour 6tre traUee comme les villes de la Messenie, elle conserva son territoire et seslois, niais elle devint I'alliec dependant de Sparte. Elle lui livra Tune des principales routes de la Laconie dans le centre dii Peloponese : elle couvrit centre toute attaque du dehors une partie des defiles qui conduisaient dans la vallec de I'Eurotas. Sans Tegee les femmos spartiates n'auraient pas pu se vanler de n'avoir jamais vu le feu de I'ennemi. En recompense de ce service, elle n'eut que le sterile honneur d'occuper dans les expeditions communes une des ailes de rarmiic lacedemonicime. Des ce moment , et malgre tous les differcnds qui purent survenir, ells resta dans I'esprit du gouverne- ment sparliate. Les moenrs, les coutumes, les institutions religieuses des vainqueurs occuperent une grande place dans la cite vaincue. C'est a Tegee que se refugierent tous les rois exiles. C'est la que les principaux citoyens deposerent les (1) richesses que la constitution de Lycurgue leur defendait d'introduire dans leur patrie. C'est de la que partirent toutes les armees lacedemoniennes dans les guerres qui suivirent. La soumission de I'Etat le plus puissant de I'Arcadie assura a Sparte sur tout le reste de la contree une preponderance rdelle : aussi Herodote termine-t-il son recit de la longue rivalite des deuxEtats par ces mots : « Deja la plus grande partie du Pelo- (1 ponese etait soumise. » (Herod., I, 67, G8,1X,26. — Paus.,\'Ill, 3.) Quelle part les autres peuple de I'Arcadie prirent-ils aces debats? II est bien difficile de le dire. Les Etats de la frontiere meridionale durent venir au secours de Tegee , car eux aussi perdirent quelques- imes des bourgades voisines de la Laconie, Belemina, par exemple. Quant aux autres, ils etaient occupes eux-memes par des luttes inte- rieures ou des querelles avec leurs voisins. Les guerres de Messenie reunirent pour un moment toutes les cites arcadiennes dans un effort commun. Cette union cesse apres la victoire definitive de Sparte. La mort d'Arislocrates entrainc la decheance des royautes locales. Les gouverneraents aristocratiques se constituent, les divers Etats se fer- ment, les villes etablissent leur predominance sur les bourgs. Ces changements ne pouvaient avoir lieu sans bien des rivalites et des (1) Allidnde (VIII, 610) rapporte le fait d'aprfts Posidonius. II ajoule que la guerre dclatanl entre les Togdales et les Spartiates, ceux-ci perdirent plus d'une fois leur argent. Une inscription trouvc'e ti Tegde (PaIa?o-Episcopi) semble contenir le recensement des sommes d(''pensees dans la ville par les Lacdddmoniens. La loi de Lj'curgue fut abolie sous rinfluence de Lvsandre el de ses amis. i^Plal., Lys., 17.) — U9 — dissensions. Mais c'est, a peine si I'on saisit qii et la quelque indi- cation vague sur I'elat de I'Arcadie a cette epoqiie. Pausanias vit a Olympie une statue de Jupiter offerte par les Psophidiens. Cette statue etait placee entre un present des Thessaliens antt§rieur aux guerres mediques et une offrande des Spartiates qui datait de la seconde guerre de Messenie. Peut-on conjecturer de ce rapproche- ment que Psophis fit eriger son Jupiter dans I'intervalle qui s'ecoule entre ces deux epoques ? Et dans ce cas etait-ce a la suite d'une guerre heureuse ? Pausanias nous apprend (1) encore que les Clito- riens erigerent a Olympie une statue en bronze de 18 pieds : il nous donne le nom des deux artistes qui y travaillerent, Ariston et Te- .lestas, et par ce moyen nous pouvons a peu pres fixer la date de cette offrande. Dans son travail sur les arts a Sparte, M. Beule place les deux statuaires en question entre Clearchus et Gitiadas : ce qui nous reporte aussi a la periode qui separe la conquete de la Mes- senie des guerres mediques. Quelles purent etre alors les guerres soutenues par les Clitoriens ? Quelles sont ces villes nombreuses dont ils avaient triomphe, comme I'inscription efl fait foi ? L'histoire en aural t sans doute garde quelque souvenir, si ces luttes avaient eu une portee generale. Ne s'agit-il done ici que des combats qui assu- rerent a Clitor la preeminence sur les bourgs du voisinage comme Paos et Lusoi, et qui reculerent les frontieres de ses Etats jusqu'au pays des Cynoetheens ? Un dernier fait nous est atteste par Thucy- dide, c'est que, vers la meme epoque, les Lepreates eurent de longs demeles avec quelques peuples de I'Arcadie : ils furent vaincus et contraints d'appeler les Eleens a leur secours. Depuis lors ils leur demeurerent soumis et leur payerent un tribut. Ce qui envenima encore les motifs de querelle sans cesse renaissants entre I'Elide et I'Arcadie. (I'aus., V, 2/|. — Thuc, V, 31. — Beule, Arts a Sparte.) L ARCADIE sous L INFLUENCE PREPONDERANTE DE SPARTE. — GUERRES MEDIQUES. — CONFEDERATION DES PEUPLES DU PELOPONESE. Les guerres d'Argos, I'intervention des Spartiates dans les affaires d'Epidaure, de Megare et d'Athenes consacrerent leur suprematie sur (1) KXeiTopic. To'S' a-j'aXfia 6ew ^'sxaririv avc'fiwav K«l (jLETpa (?) ■jtcieiTJiv 'Apiaruv -ftS't TeXEdTriC AuTC'A«ai-^'vviTct jcai Aax-eiJatu-ovici. (Paus. V. 23.) — 150 — \e reste de la Grece. En Arcadie, les peoples de la frontiere meri- dionale comme les Moenaliens et les Parrhasiens, phis rapproches de Lacedemone et par consequent plus directement rattaches a ses in- terets, durent subir des lors sa protection intercssee. lis etaient fai- bles, isoles : Sparte se porta garante de leur liberie et de leur inde- pendance, atin de les maintenir toujours dans leur isolement et dans leur faiblesse. Son influence parait s'etre etendue jusqu'a Horoea, dont elle devait plus tard faire une grande ville en lui incorporant ses bourgs. Les Etats de I'Ouest et du Nord, des Thelpusiens, des Psophidiens, des Cynoetheens, moins meles aux affaires generales, (5chappaient aussi a Taction de la puissance doniinatrice. Dans les villes de I'Est, les haines centre Lacedemone etaient faciles a roveiller, etce n'etait qu'avec peine qu'on se resignait a lui obeir. Un fait est significatif. Lorsque Cleomene, fils d'Anaxandride, eut ele exile desa patrie (^89), il passa en Arcadie ou il chercha a exciter un souleve- nient conLre Spaite. II y reussit : les ciloyens les plus riches et les plus puissants s'associerent a ses projets. Telle fut la crainte que ses menees inspirerent auxT^acedemoniens qu'ils so haterent de le rap- peler. Tegee elle-meme, soumise par les armes dans la guerre precd- dente, n'etait pas (1) toujours en bonne intelligence avec son alliee, si Ton en croit Herodote. Et pourtant les Lacedemonians avaient deux grands moyens d'action sur elle, sa haine contre Mantinee, son gou- vernementaristocratique qui leur etait tout devoue et qu'elle main- tenait contre le parti populaire. (Herod., loc. cit.) Mais deja les guerres inediques etaient commencees. Le peril com- mun fit cesser les rivalites, et Sparte, en organisant la confederation des peuples du Peloponese , ne fit que regulariser une suprematie qui n'etait plus contestee. L' Arcadie, en raison de son etendue et des troupes qu'elle pouvait fournir, en raison meme de I'importance de quelques-unes de ses cites, occupa dans la confederation une place considerable. Dans la liste des peuples inscrits sur le piedestal de la statue de Jupiter a Olympic, elle ne parait avoir figure qu'au cinquienie rang parmi les Etats du Peloponese. Mais Herodote, enumcrant les peuples qui prirent part a la defense de I'isthme, les place au second rang, et corame sa liste s'accorde sur bien des points avec celle de Pausa- (1) Ildgesistrato d'Elis, qui scrvait de devin ^ Mardonius, avail did d'a- boi'd tail prisonnier j)ar les Spartiales. 11 dtait parvenu a s't^cliappcr, el s'e- tail rdl'ugi{5 ci Teucc, qui n'etait pas alors d'accord avec Sparte. (Hdrod., IX, 37.) — 151 — nias, on esl fonde a rroire qu'il suivait aussi an certain ordre de preseance. (Herod., VIll, 72.) 11 y avail sans aucun doutedesArcadiens parmi ces 10,000 hommes qui marcherent vers la vallee deTempe sous les ordres d'Evenetede Sparte et de Themistocle. Aux Thermopyles (/j80) ilsetaient les plus nombreux d"entre les peuples du Peloponese. On y complail 500 Mantineens, 500 Tegeates, 120 hommes d'Orchomene el 1,000 du reste de la contree. Apres la morl de Leonidas el des Sparliates, lorsque I'armee de Xerxes se mil en marche vers le Peloponese, toules les villes de I'Arcadie envoyerenl des troupes pour fortifier rislhme. Quelques-unes d'entre elles ne se bornerenl pas a ces sa- crifices. Elles pratiquerent et firenl prevaloir par tons les moyens possibles la politique d'union, d'oubli des griefs passes. C'est la gloire d'un des principaux ciloyens de I'Arcadie, de ChileosdeTeg(§e, d'avoir merile d'etre rapproche de Themistocle : « Le plus grand « bienfail de Themistocle, dit Plutarque, ce fut d'avoir eteint les « guerres intestines dans la Grece, d'avoir reconcilie les villes enlre « elles, de leur avoir persuade d'abjurer leurs inimities particulieres (( en presence de I'ennemi commun. Chileos I'Arcadien I'aida de tous « ses efforts dans cette entreprise. » On regretle de n'avoir pas plus de details sur ce personnage dont le caracteresemblesi honorable. II figura sans doute desle debut des guerres mediques parmi les deputes envoyes en Crete, a Corcyre, en Sicile. Apres la bataillede Salamine, nousle relrouvons parmi les membresducongresreuni tantota I'isth- me, tantot a Sparte. 11 jouissait d'un certain credildans cette ville: re- presentant de Taristocralie a Tegee, 11 elail depuis longtemps admis aux droits de I'hospitalite parmi les Lacedemoniens. Ce futlui qui les excita le plus vivement asortir de leur inertie, a marcherau secours de TAttique, une secondefois envahie par Mardonius: « Quoi ! vous « en etes encore la, leur dit-il ! En verite si les Atheniens ne vous « eussent point ete fideles, s'ils eussent fait leur accommodcment « particuliers avec les barbares, malgre le mur imposant que vous » avez eleve a travers I'isthme, les Perses auraientbien su s'ouvrir « des portes assez grandes pour entrer dans le Peloponese. Rendez- « vous done sans hesiler a la demande des Atheniens, avant qu'ils <( ne changent d'avis, el detournez le fleau qui menace la Grece. » Tegee fut digne du citoyen qui avail prononce ces nobles paroles. Elle leva 1,500 hoplites, 1,500 hommes de troupes legeres, qui s'uni- vent aux 600 Arcadiens d'Orchomene et aux troupes lacedemo- niennes. Sur le champ de bataille de Piatee, les Tegeates reclamerent le privilege d'occuper I'une des deux ailes. ils ne I'obtinrent pas, — 152 — mais du moins on les placa imm(5diatement apres les Spartiales. Au inoment da combat, ils se leverent les premiei's pour marcher aux barbares, pendant que Pausanias attendait encore des presages favo- rables. Les premiers aussi ils forcerent le camp des Perses, fran- chirent le mur d'enceinle, et pillerenl les lenles des ennemis. Apres la victoire ils eurent un tumulus a part pour ceux des leurs qui avaient peci ; ct lorsqu'ils retournerent dans leur patrie, ils einpor- terent comme un monument de leur courage les auges des chevaux de Mardonius. Trois peuples, suivant Herodote, eurent egalement I'honneur de vaincre les ennemis qu"ils avaient en tete. Ce furent les Spartiates, les Tegeates, les Atheniens. Les Spartiates surpasserent tons les autres parce qu'ils etaient opposes aux meilleures troupes. Quant aux Atheniens et aux Tegeates, ils meriterent d'etre places sur le second rang. (479.) (Herod., VII, 102,104; IX, 9, 62, 77. — Plut., Them., 6.) La belliqueuse Mantinee fut moins heureuse. Elle avait oublie ses querelles hereditaires avec les Tegeates pour combattre a leurs cotes aux Thermopyles. Ses troupes arriverent trop tard a Platee. Elles devaient etre nombreuses, puisqu'elles purent se lancer, seules avec celles des Eleens, a la poursuite d'Artabaze et s'avancer jusqu'en Thessalie. Mantinee deplora avec amertume un retard qui I'excluait de la gloire commune, et bannit le general qui, suivant elle, en avait ^te I'unique cause. (Herod., IX, 77.) L'Arcadie, on le voit, nemanqua pas a la cause hellenique. Si quel- ques-unes de ses cites se dislinguerent d'une maniere plus particu- liere, Pausanias n'en a pas moins raison de rapporter a la nation tout entiere une part de la gloire acquise par les Grecs. Moins menacee peut-etre que les autres, elle fit d'aussi grands efforts. Trop obscure pour etreenvieusc, elle donna une legon de palriotisme aux Lacede- moniens, jaloux de la reputation naissante d'Athenes. Exclue de la mer par sa position meme, elle tint son rang dans les combats sur terre. L'audace impatiente de ses soldats se deploya a cot6 du cou- rage th^atral des Spartiates, de la valeur habile et sure des Athe- nians, lis avaient les memes dieux, la meme patrie, la meme langue que leurs allies : ils montrerent aussi qu'ils avaient le meme amour de la liberte, la meme horreur pour la servile abjection de I'Asie. Lorsqu'Herodote kit son ouvrage a Olympic devant les Grecs assem- bles, les Arcadiens eux aussi eurent le droit d'applaudir , car ils avaient combattu. (Paus., VIII, 45.) — 153 — V. {Suite.) l'aRCADIE sous l'iNFLUENCE PR^PONDiRANTE DE SPARTE. — NOUVELLE GUERRE DE TEGEE CONTRE SPARTE. — TROISl^ME GUERRE DE MESS^NIE, — MANTINEE ET ARGOS. Les guerres mediques finissaient a peine que la bonne intelligence cessait de regner entre Tegee et Sparta. Les dissentiments s'en- venimerent et.engendrerent enfm ime liitte ouverte qui preceda la Iroisieme guerre de Messenie, et qui se prolongea meme apres la soumission des hilotes. (i79-/|65, sq.) Quels en furent les motifs ? 11 est probable que les deux peuples avaient des griefs reciproques. Les derniers evenements avaient augmente la gloire de Tegee. Son influence sur les divers Etats de I'Arcadie s'en etait accrue. Peut-etre aspirait-elle a dominer dans la Moenalie, la Parrhasie et les autres Etats du voisinage? Ce qui per- met.de le supposer, c'est la conduite de Manlinee, cette rivale con- stante de Tegee, qui seule resta en dehors des efforts communs; c'est son alliance avec les Lacedemoniens,dont nous trouvons unepreuve dans la troisieme guerre de IMesseaie. La politique de Sparte lui com- mandaitde combattre les Tegeates : pour dominer en Arcadie, il fal- lait y mainlenir la division, il fallait proteger I'autonomie despetites cites et empecher la formation d'un grand Etat. D'un autre cote, Tegee supportait le joug avec peine. Son alliance avec les Argiens, ennemis acharnes de Sparte, dont les griefs s'augmentaient encore de la pro- tection accordee par elle a Mycenes et a Triynthe, indique qu'il s'a- gissait de combattre un pouvoir trop imperieux. L'une des conditions de la paix conclue plus tard fut que personne k Tegee ne pourrait etre mis a raortpour avoir favorise le parti des Spartiates. II en re- sulterait qu'au debut de la guerre, l'une des causes ou l'une des con- sequences des hostilites avait ete le massacre des partisans de Lace- demone et le triomphe du parti populaire. Ce parti existait depuis longtemps : ici comme partout il etait ne le jour meme de i'incor- poration des bourgs : il avait puise de nouvelles forces dans la pro- tection que les Spartiates avaient accordee au gouvernement aristo- cratique. Toujours en lutte avec lui, il devait survivre a ses propres defaites et reparaltre a I'epoque de la fondation de Megalopolis. Tout d'abord une grande bataille se livra pres de Tegee. Le devin Tisamene avait donne aux Spartiates les augures les plus favorables : ils se croyaient surs de vaincre, ils vainquirent. Cleandridas s'avisa alors d'un stratagemequi conRrme ce que nous disions toutal'heure. — \5h — Les principaux citoyens de la ville ^taient suspects d'utlachemeiil aux Spartiates; pour les rendre plus suspects encore, il epargna leurs champs, tandis qu'il ravageait ceux des aulres habitants. Les Tegeates furieux les accusaient hautement de irahison. Ceux-ci previnrent leur condamnation en livrant leur cite a Cleandridas. (Pol yen, Cle'and.) II ne parait pas toutefois qu'elle soit restee longtemps entre les mains des ennemis. Tegee Vimprenable fut reconquise par la valeur de ses enfants, et sa reconnaissance eleva un tombeau a ceux qui pe- rirent pour elle dans cette occasion (1) . En menie temps elle redoubla d'efforts, elle appela a elle tons ses allies : I'Arcadie entifere, except^ les Mantineens, entra dans sa cause. Les troupes reunies des divers Etats rencontrerent les Spartiates aDiprea, petite ville de la Mnenalie. Cesderniers, commandes par Archidamus, furent encore vainqueurs. Le temoignage d'Herodote et de Pausanias nenous laissepas de doute a ce sujet. Isocrate cite ce combat parmi les plus beaux litres de gloire de Sparte, et le met a cote dii combat des Thermopyles, et de celui des trois cents Lacedemoniens a Thyrea (2).Suivant lui, Archi- damus ne donna qu'un rang d'epaisseur a la phalange, etendant son front de bataille, afin de ne pas etre enveloppe. La solidite des hoplites compensa ce desavantage, et lui assura la victoire malgre I'inferiorite dunombre. Jamais d'ailleurs Sparte n'avait euplus besoin de vaincre. Les Arcadiens s'etaient unis dans un effort commun pour secouer sa preponderance. C'etait une lutte serieuse qui, coincidant avec le tremblement de terre de /j6/jet la revoke deshiloles, I'aurait mise a deux doigts de sa perte, si elle avait ^te defavorable. (Herod., VIII, 8, 35. — Isocr., Arch., 136.) La defaite de Dipoea affaiblit les Tegeates. Mais la troisieme guerre (1) Eu6uu.a'-/_ti)v av5iwv [j.vr,(ioJu,i6a, tojv oSe tuiaCo;, 01 Oxvov £'Ji/.r,>,ov p'js'iAcvci Te-]^3'av, aX-/jj.ri':oX ixpo iroXno;, tvo. ctcjicI |j.v) xaS-'XiriTai EXXa; aTtocp6i[Ac'vou xparb; EXE'jSspiav. (Simon., Anthol, VII, 442.) (2) Pausanias parle d'une bataille de Dipdc, dans laquelleles Tegdates furent dcfails (111, -11); puis, dans un autre livre (VIII, 45), parlanl de la gloire acquise en commun par les peuples do I'Arcadie, et dont les Te- gdates peuvenl revcudiquer une bonne part, il cite encore un combat dc Dipde livrd contre les Spartiates. Est-ce celui auquci Polyen fait allusion, sans nommcr le lieu oil il fut livre, el qui se place apres ]A rdvoltc des tiiiotes? Y eul-il done alors deux combats de Dipde ! — 155 — de Mess^nie enipecha Sparte de poursuivre sa victoire et leur rendit contiance {k^k)- Nous ne voyons pas qu'ils y aient pris une part directe et active. Us durent toiitefois encourager les efforts des hilotes et des Messeniens, pendant qu'eux-memes sur un autre point attaquaient I'ennemi commun dans ses sympathies et dans ses alliances. Je veux parler de la destruction de Mycenes, I'alliee de Sparte, I'ennemie d'Argos, qui, au rapport de Strabon, fut ruinee par les Argiens reunis aux Tegeates et aux Gleonoeens [h^k)- (Diod. S., VI, 65. — Strab., VIII, 6.) Cependant Lacedemone luttait centre I'un des plus grands dangers qui put jamais la menacer. Les Mantineens qui, en haine de Tegee sans doute, avaient seuls refuse de s'unir au reste de I'Arcadie, furent les premiers a accourir a son secours : service signale dont Agesilas devait se souvenir plus tard lorsqu'on voulut le charger du siege de Mantinee. (Xen., Hist. Gr., V., 2, 3.) Les hilotes comprimes,la lutle contre Tegee recomment^a. Vaincu dans un combat, Archidamus n'echappa a une ruine complete qu'en redemandant ses morts. L'avantage finit cependant par rester aux Sparliates, comme le prouve la paix qui suivit. Plutarque nous parle, sans indiquer I'epoque, d'un traite conclu entre les Lac^demoniens et les Tegeates, et d'une colonne elevee en meraoirede cet evenement sur les bordsde I'Alphee. 11 citememe quelques-unes des conditions : I'une portait, comme nous I'avons dit tout a I'heure, que personne a Tegee ne pourrait etre puni de niort pour avoir favorise le parti des Lacedemoniens; I'autre, que les Spartiates pourraient chasser les Messeniens de leur patrie, mais qu'ils ne feraient perir personne. Evidemment ce traite se rattache a I'epoque ou nous sommes par- venus. Nous Savons en effet que les Messeniens, apres le siege d'lthome, purent quitter librement le Peloponese avec leurs i'emmes et leurs enfants. D'un autre cote, il est tout simple que les Tegeates soient intervenus en leur faveur. Un autre temoignage que celui de Plutarque concourt egalement a le faire penser. (Zenob., Prov., I, 59. — Plut., Q. G.,5. — Pol., Archid., 11, h.) La paix entre Lacedemone, Tegee et le reste de I'Arcadie se reta- blitdonc vers I'an 455.Ellereleva le parti arisLocralique etrinlluence spartiate a Tegee : elle rendit aux Lacedemoniens toute leur liberte d'action. Telle avait ete la gravite de celte guerre que, pendant tout ce temps, ils n'avaient pu s'opposer aux succes d'Athenes. « Sparte, biade. Mais les Mantine^ens furent les premiers a I'embrasser avec ardeur. Leur defection et celle de leurs allies ebranlerent les Corinthiens et les Eleens. II ne restait plus qu'a decider les Tegeates. L'exeraple d'un Etat aussi puissant aurait entraine I'accession de toutes les autres villes. lis resterent fideles aux Lacedemoniens , et I'Arcadie , comme le reste du Peloponese, demeura diviseeen deux camps. (Thuc, V, 29, 32.) Le peril devenait grand pour Sparte. II fallait agir sans retard. Elle le fit avec decision et vigueur. Les partisans de I'aristocratie I'appe- laient dans la Parrhasie. C'etait de ce cote qu'elle etait le plus menacee : c'etait la qu'elle Irouvait sur ses frontieres memes des garnisons mantineennes placees dans des forteresses nouvellement construites. Elle y porta toutes ses forces. Les Argiens n'oserent pas encore faire acte d'hostilite direcle. lis se contenterent de mettre une garnison dans Mantinee , pendant que les citoyens de cette ville gardaient le pays menace. Plistoanax, qui commandait les Lacedemoniens, s'empara successivement de Cypsela el des autres villes de la Parrhasie, el forca les Mantineens a se retirer. II rcndit la liberie aux Parrha- — 165 — siens, demolit la forteresse etramena ses troupes en Laconic. (420.) Mantinee vaincue, Argos et Athenes ne pouvaient plus rester en arrie- re.Alcibiade, qui enlretenait depuis longtemps des relations avec les Mantineens,leur envoya aussitot deseniissaires pour leur dire devenir avec lesArgiens etles Eleensdemanderrallianced' Athenes. Le traits futconclumalgre la presence desambassadeurs spartiates. Ildonnaita Mantinee une position tout autre que celle qu'avaitfaite aux villesde I'Arcadiela confederation peloponesienne, il y avaitegalile complete entre les parties contractantes. L'hegemonie n'etait le privilege d'au- cune cite. EUe appartenaittoura tour au peuple qui avait demande des secours et sur le territoire duquel se faisait la guerre. Si les allies jugeaient a propos de porter quelque part leurs forces reunies , ils devaient avoir chacun une part egale au commandement. De pareilles conditions etaient pour Mantinee la consi^ration de I'importance toute nouvelle qu'elle avait prise dans le P^loponese. La politique d' Athenes dirigeait tout ; niais Taction allait surtout lui appartenir, a elle et a Argos. C'est dans Mantinee que les deputes des villes essay e- rent une derniere fois , mais en vain, de s'entendre. C'est sous ses mursque Sparte, suivant I'expression d'Alcibiade, allait lutter pour son existence meme. (Thuc, V, 33, 43, 47; VI, 16.) Arretesdeux fois, I'une a Leuctra, I'autrea Caryaepar ces craintes superstitieuses que les (1) Arcadiens ne connaissaient pas, les Lacederaoniens entrerent enfin sur le territoire de Tegee avec toutes leurs forces et un grand nombre d'hilotes. lis s'y reunirent aux Tegeates et a leurs allies d'Arcadie, et marcherent vers Phlionte ou ils comptaient se reunir aux Beotiens. Arrives a Methydrium, petite ville des plateaux les plus eleves de I'Orchomenie , ils rencontrerent es Argiens et les Manlineens. Ces derniers se preparaient a livrer bataille. Mais Agis leva son camp pendant la nuit. II les trompa par une serie de manceuvres habiles , et parvint enfm a les amener dans la plaine d' Argos, dans une position telle qu'ils etaient coupes de la ville par les Lacedemoniens et menaces sur leurs derrieres par les troupes reunies de la Beotie, de Sicyone et de Megare. Les Argiens proposerent une treve de quatremoisquifutacceptee par Agis. (419.) Ce n'etait le compte ni des Eleens, ni des Mantineens. Leurs in- stances, reunies a celles des Atheniens, dont les troupes etaient arri- vees trop tard, deciderent les Argiens a reprendre les hostilites. La (1) « lis mdprisaient I'astrologie, et n'imitaient pas les Spartiates, qui « atlendaicnt la pleiiic tunc avant de se meltre en campagne. » (Lucien, XXX, 7, 20.) — 166 — treve n'avait pii 6tre faite Idgalement sans la participation des autres villes. lis hesiterent un moment, et rejoignirent enlin leurs allies. (Thuc, V, 57-58, 61.) On's'etait decide, sur la proposition des Mantineens , a marcher d'abord contre Orchomene. Le plandecesderniersetait de s'emparer d'abord de cette ville, de se diriger ensiiite sur Tegee, puis, en cas de succes, d'envahir la Laconie et de menacer Sparte elle-meme. Orchomene 6tait une cite riche et puissante. Des deux plaines qui composaient son territoire, celle du nord etait convertie en lac pen- dant une partie de I'annee ; celle du sud, si majestueusement enca- dree par I'Ostracina et par 1' Armeniades, etait alors ce qu'elle est en- core aujourd'hui, une des plaines les plus fertiles, les mieux culti- vees et les mieux arrosees de la Grece. On voit encore la trace des canaux creuses aulref^jP'pour la direction et la decharge des eaux : c'est la meme terre forte et grasse, le meme pays riche en ble, riche en troupeaux. Les relations de cette ville avec Epidaure et Corinthe dataient de loin ; son commerce avec ces deux ports devait etre relativement considerable; c'est par eux qu'elle dchangeait ses recol- tes contre les produits etrangers. Orchomene avait ete longtemps gouvernee par des tyrans. lis dominaient, disait-on, sur une partie de I'Arcadie. Nous voyons, en effet, que I'Orchomenie s'etendit jus- qu'au pays des Methydriens et des Theisoens, jusqu'aux trois villes de Calliae, Nonacris et Dipoena. Pausanias parle d'un Aristomeli- das, tyran d'Orchomene, assassine par Chronius pour avoir enleve une jeune fille de Tegee. A I'epoque oi!i nous sommes parvenus (/i21), I'oligarchie avait succede a la tyrannie. Orchomene etait I'alliee fi- dele de Sparte. C'est a cause d'elle que les Argiens avaienl occupe Manlinee, pendant que les troupes de cette ville combattaient dans la Parrhasie. C'est dans ses murs que le roi spartiate avail depose les otages exiges apres la victoire. C'est a travers son territoire qu'Agis avait fait passer tout recemment son armee pour aller a Phlionte. 11 importait aux Mantineens et a leurs allies de ne pas laisser derriere eux un ennemi si redoutable. Les Orchomeniens pouvaient envahir tout d'un coup le pays voisin, s'emparer de la ville et tomber en- suite sur les derriferes des armees confederees. De plus, Orchomene, une fois conquise, couvrait au nord les operations des allies et les protegeait contre une attaque des peuples venant de I'isthme. On s'en aper^ut plus tard lorsque les Lacedemoniens, voyant Tegee me- nacee, appelerent les Beotiens, les Phocidiens et les Locriens. (Paus., Vlll. — PluL, Par., 32.) Ce plan servait en meme temps les haines parliculicres de ManLi- — 167 — nee. Les habitants d'Orchomene passaient pour n'etre pas de race pelasgique : on disait qu'une colonic troyenne etait venue autrefois s'y etablir. C'est en s'appuyant sur cette difference d'origine que les Romains la separerent plus lard de la ligue acheenne et arcadienne. Ce fut la, des le principe , une cause de mesintelligence entre les deux Etats ; le voisinage, la possession en commun du temple de Diane Hymnia accrurent encore les rivalites. Mantinee saisissait cette occa- sion d'assurer sa suprematie sur Orchomene. (Thuc, V, 61.) Pendant que Sparte se fiait a la treve conclue avec Argos, les al- lies se trouverent en deux jours devant Orchomene. lis etaient trop nombreux et I'enceinte des murs etait trop faible pour que la resis- tance put etre longue. Apres plusieurs assauts donnes a la place, les assieges, craignant de perir avant d'etre secourus, convinrent avec les assiegeants d'entrer dans leur alliance, « de leur donner des ota- « ges pris parmi eux-memes et de reinettre aux Mantineens ceux « que les Spartiates leur avait confies. » (Thuc, id.) C'etait la un coup de main heureux. Les Mantineens proposerent aussitot dans le conseil des allies de marcher sur Tegee. Les £leens voulaient qu'on attaquat Lepreon; mais les allies se rangerent a I'avis des premiers. Tegee en effet etait le boulevard de Sparle. L'occasion n'avait jamais ete plus belle. Les Tegeates comme les Orchomeniens etaient reduits a leurs seules ressources, et Ton avait d'ailleurs des inteUigences avec le parti democratique. Peu s'en fallut qu'en I'ab- sence des Spartiates la ville ne se detachat d'eux pour s'unir aux Argiens. Les partisans de Lacedemone purent encore I'averiir h temps. 11 fallait se hater. Le parti populaire parlait deja d'ouvrir les portes aux ennemis. (Thuc, V, 62.) Sparte comprit la gravite de la situation. Elle oublia pour un mo- ment sa lenteur habituelle. Elle montra, nousdit Thucydide, une ar- deur jusque-la sans exemple. Lacedemoniens et hilotes accoururent en masse dans la Mcenalie, a Orestium. Les vieillards, les adolescents encore peu aguerris faisaient parlie de I'expedition. On les renvoya lorsqu'on fut en Arcadie. En meme temps, on fit appel a ceux des Etats arcadiens qui etait restes dans I'alliance de Sparte, et Ton pr^- vint les peuples d'au dela de I'isthme de se porter en toute hate sur Mantinee. Mais le passage ne leur etait pas facile. Stymphale s'etait prononcee pour Argos. Orchomene venait d'etre prise. Les alliei n'avaient plus a craindre d'etre entoures comme lors de I'expddition d'Agis dans I'Argolide. (Thuc, V, &h.) Tegee garantie et les allies de I'Arcadie arrives, Agis se jette avec ses troupes sur le territoire des Mantineens, campe pres du temple — 168 — d'HerAile et de la ravage tout le pays. Ce temple d'Hercule n'est mentionn^ par auciin autre ecrivain que Thucydide : selon toule ap- parence, il n'elait pas loin de la ville. Pendant ce temps, les allies (I s'etaient empares d'une position forte et difficile a gravir, et ils s'y « etaient ranges en bataille. » Ces paroles de I'historien designent certaineraent I'Alesius situe a Test de la ville et dominant toute la plaine. Cette colline etait destinee a jouer un grand role dans tons les combats qui se livrerent pres de Mantinee. D'apres Pausanias, Philippe lui-menie s'y etablit plus tard. C'etait, en effet, le premier point a occuper pour une armee alliee ou ennemie, (Paus., VIII, 7. — Thuc, V, 69, sq.) Malgre I'avanlage que cette position donnait aux allies, Agis etait sur le point de livrer bataille. Mais tout a coup il ramene ses troupes en arriere, depasse le Pelagus et le temple de Jupiter Charmon et rentre dans la Tegeatide, ou les ramifications du Parthenius le dero- bent a la vue des ennemis. II s'agissait pour lui de les attirer dans la plaine, afin de com- baltre dans des conditions moins defavorables. Des Tegeates lui en suggererent le moyen. C'etait, comme ils I'avaient fait bien souvent eux-memes, de detourner les eaux que les Mantineens dirigeaient de leur territoire vers le catavothron des Corytheens. Les soldats s'era- ployerent aussilot a ce travail et Agis resta toute une journee au meme endroit, c'est-a-dire a quelques stades du Pelagus, la droile rapprochee des montagnes. Le meme jour, les Mantineens et leurs allies descendaient de I'Alesius. Etoimes de ne plus voir les Spartia- tes, ils avaient d'abord attendu dans leur position, mais les plaintes des soldats avaient bientot decide les generaux a I'abandonner. Ils se porterent done en avant, et, la nuit venue, camperent dans la plaine. Le lendemain, ils se rangerent en bataille, parce qu'ils de- vaient combaltre s'ils rencontraient I'ennemi. Cependant les Lacedemoniens s'etaient mis en marche pour ren- trer dans leur camp, pres du temple d'Hercule. Ils s'avanc^aient en desordre, lorsque tout a coup, en tournant les ramifications les plus avancees du Parthenius, ils apeiQurent les Mantineens ranges en avant de I'Alesius, a travers la plaine et parallelement a la ville. Pendant un moment la terreur fut a son comble. Agis donne ses or- dresa la hale. Les Spartiales et les Scirites se placent a I'aile gauche; les Lacedemoniens, les Arcadiens-Herceens et les Moenaliens au centre, les Tegeates a I'aile droile. Leur front de bataille s'etendait ainsi en face de celui des ennemis, cntre Scope et les derniersver- fanls de la monlagne, non loin des frontieres des deux Etals. Du — 169 — cot^ des allies, les Atheniens occiipaient I'aile gauche, les Argiens etaient au centre : les Mantineens a I'aile droite avec leurs allies arcadiens , c'est-a-dire les Stymphaliens, les Orchomeniens et peut- etre une partie des Mcenaliens. Les Mantineens avaient la place d'honneur, parce que le combat se livrait sur leur territoire. G'e- taient eux d'ailleurs qui engageaient dans cette lutte les interets les plus pressants. « II s'agissait pour eux de la patrie, de la domination « et de I'esclavage ; de n'etre pas prives de I'une apres I'avoir con- « nue, et de ne pas retomber dans I'autre. » lis le sentaient sans djute; aussi se montrerent-ils dignes de leur vieille reputation, tels qirils avaient ete aOlpse, alors qu'ils etaient les allies des Spar- liates. (Voir la carte de la plaine de Mantinee et de Tegee dans Leake. Voy. en Mor., III.) Des le commencement de Taction, I'aile des Mantineens deborda les Scirites ; I'aile des Tegeates et des Lacedemoniens deborda les Atheniens. Comme a Laodicium, elles triompherent chacune des corps qui leur etaient opposes. La fuite des Atheniens fit pencher la victoire du cote des ennemis. Les deux ailes de I'armee d'Agis se reunirent pour envelopper les Mantineens. La plupart perirent. On compta parmi les morts 200 Mantineens, 700 Argiens, Orneates et Cleoneens, 200 Atheniens etEginetes. Telles etaient pourSparte I'im- poiiance de cette bataille et sa crainte d'une defaite, que les ephores avaient renvoye les vieillards et la jeunesse au secours des troupes deja en campagne. Plistoanax apprit a Tegee le succes d'Agis et s'en retourna (Zil8). ( Thuc, V, 75.) Argos traita aussitot de la paix (/il7). Les Lacedemoniens rede- mandaient d'abord les prisonniers moenaliens, les Stages livres par les habitants d'Orchomene, les otages de la Parrhasie que Plistoanax avait laisses dans cette ville et que les allies avaient repris. lis stipulaient , en outre , et c'etait la le point important pour eux , c'etait la ce qui ruinait toutes les tenlalives de Manti- nee , que tous les Etats grands ou petits seraient libres, indepen- dants et conserveraient leurs lois nationales. Les Mantineens vou- lurent resister d'abord; mais ils etaient trop faibles sans les Argiens. lis durent faire aussi leur accommodement, renoncer a I'empire des villes et subir le joug du plus forL Le jour n'etait pas loin ou Sparte, debarrassee d'Alhenes, se montrerait plus exigeante a leur egard et nese contenterait pas de leur enlever leur influence au dehors (1). (1) D'apres Xdnophon , le lrait(5 qu'ils conclurent alors dtail pour 30 ans. — 170 — lis n'dtaient pas du reste abattus par ce revers. Quoique redescen- dusau rang d'allie de Sparte, ils n'abdiquaient ni leurs sympathies, ni leurs haines. Lorsqu'une revolution democratique renversa I'oli- garchie a Argos, ils la favoriserent et aiderent a la construction des nouvelles murailles. Lorsque la guerre de Sicile fut decidee par les Atheniens, ils fournirenta Alcibiade 500 hommes, suivant Plutarque, 250 suivant Thucydide. « Ge fut par amitie poiir les Atheniens, dit a Pausanias, qu'ils s'associerent a cette expedition. » (Paus., Vlll, 8. — Thuc, V, 82.) Quoi qu'il en soit, le role de I'Arcadie etait fini dans la guerre A^ Peloponese. De I'effort qu'elle venait de faire, il ne restait que des rancunes plus vives, que des inimilies plus profondes entre les di- vers Etats qui s'etaient prononces, les uns pour Tegee, les autres pour Mantinee. Sparte avait repris tout son empire sur les peuples de la presqu'ile. Athenes rentrait directement et avec toutes ses forces dans la lutte ou elle devait succomber. La Sicile, les iles de la mer Egee, I'Hellesponl, la Propontide, I'Attique devaient voir tour a tour ses succes et ses revers. Que pouvait faire I'Arcadie? Elle donna hommes et argent sur les ordres de Lacedemone. Elle fournit des mercenaires aux deux partis. Ces soldats, attires par I'appat du gain et habitues a combattre tons ceux contre lesquels on les conduisait, portaient cependant sur un sol etranger les haines qui les divisaient dans leur patrie : « Les Mantineens et d'autres Arca- « diens stipendies, nous dit Thucydide, marchaient avec plaisir, « parce qu'ils regardaient comme des ennerais les Arcadiens venus « avec les Corinthiens. >» (Thuc, VII, 57.) Dans la derniere periode de la guerre, ou les Spartiates firent un effort plus vigoureux que jamais, les Arcadiens furent obliges de con- tribuer avec les Pelleniens et les Sicyoniens pour dix vaisseaux. Ils formerent jusqu'a la fm une partie considerable des armees de La- cedemone. Nous en trouvons une preuve dans les paroles du Manti- neen Lycomede a ses concitoyens, apres la fondation de Megalopo- lis : (( Les Lacedemoniens ont-ils jamais fait sans nous une incursion « dans I'Attique ? Sans nous auraient-ils jamais pris Athenes? » (40/j.) VII. l'ARCADIE sous L\ DOMINATION DE SPARTE, DEPUIS LA FIN DE LA GUERRE DU PELOPONfeSE JUSQU'a LA BATAILLE DE LENCTDS (/jO/i- 371). — MANTINEE. L'Arcadie, en effet, etait depuis longlemps pour Sparte une pepi- — 171 — niere d'hoplites vigourenx, de soldats robustes et endurcis. Plus la cite de Lycurgue voyait diminuer le nombre de ses citoyens, plus elle sentait combien il lui etait utile de tenir sous sa domination un pays pauvre, mais belliqueuxet bienpeuple,ouelle trouvait toujours de quoi recruter ses arniees. Desormais, c'est a Tegee que toutes les expeditions s'organisent. C'est la que s'arretent successivement les rois Pausanias, Agesilas, Agesipolis : c'est de la qu'ils envoient dans les differentes parties de I'Arcadie les chefs (^svayoi) charges de le- ver les troupes etrangeres. Sparte connaissait bien d'ailleurs le peu- ple dont elle se servait : elle lui laissait son territoire et lui per- mettait de ravager celui des autres. Elle attirait a elle une foule de volontaires par I'espoir seul du butin. Dans I'expedition d'Agis en Elide (/(02), un grand nombre d'Arcadiens vinrent de leur plein gre se ranger sous ses ordres, afm de prendre part au pillage de cette riche contree. Ce n'etait pas acheter trop cher le concours des sol- dats les plus forts; les mieux fails pour supporter les fatigues apres les Spartiates eux-memes. (Xen., H. G., V, 2, 19.) Ces qualites se deployerent d'une maniere admirable dans la re- traite des 10,000 (/(01-/tOO). Mantinee, Orchomene, Stymphale, Methydrium, Lusoi, les villes de la Parrhasie avaient fourni des mer- cenaires a Cyrus. Les Arcadiens reunis aux Acheens formaient un corps de plusde 5,^00 hopliles. C'etait la moitie de I'armee grecque. Si le salut commun fut surtout I'oeuvre de Xenophon, le courage ine- branlable, quoiqae defiant et grondeur des chefs arcadiens, ne le se- conds pas pen dans sa tache. Apres la bataille du Cunaxa, Cleanor d'Orchoniene repondait qu'ils mourraient tous plutot que d'abaii- donner leurs armes. Dans le pays des Toaques, Aristonyme de Me- thydrium, Agasias de Stymphale, Callimaque, de Parrhasie, se dispu- taient I'honneur de frayer les premiers, au risque de leur vie, un passage a I'armee , et cette noble emulation ranimait les Grecs apres tant de souffrancesetde fatigues. Dans I'assaut donne a la ville des Driles, le meme Agasias deposait ses armes et escaladait les murs revetu d'une simple tunique. (Xen., Anab., pass.) filoignes depuis longtemps de leur patrie et vendant partout leur insouciant courage, les mercenaires arcadiens conservaient une grande independance de sentiments. L'un d'eux raillait ouvertement la pretention des Spartiates a commander partout ou ils se trou- vaient : « C'est une chose ridicule que Xenophon ne puisse etre (( nomme general issime. Les Lacedemoniens se facheront bientot, si « Ton ne choisit pas un des leurs pour roi du festin. A ce compte, il (( ne nous sera meme pas possible, a nous qui sommes Arcadiens, — 172 — « d'etre commandants de cohorte. » On n'osait pas parler aussi li- brement siir le sol de la patrie. Les peuples qui etaient rest(5s fideles a Sparte ne sentaient pas au meme degre que les autres tout ce que sa domination avait de tyrannique. Les Parrhasiens et les Moena- liens, rentres dans leurs bourgs, y avaient retrouv^ le gouvernement auquel ils etaient habitues. Tegee, que sa haine contre Mantinee avait rendu inebranlable dans son attachement a ses vainqueurs , 6tait alors une des villes les plus riches et les plus florissantes du Peloponese. C'est en 395, la derniere annee de la quatre-vingt-sei- zieme olympiade, que I'ancien temple de Minerve Alea fut detruit par les ilammes, et que Scopas de Paros en reconslruisit un autre qui reunissait les trois ordres d'architecture et qui passait pour le plus beau et le plus grand de tous les temples de la presqu'ile. Les Herdens, qui avaient combattu a Mantinee sous les ordn^s d'Agis, avaient profite de son expedition en Elide pour renou/zeler leur pretentions au sujet des pays voisins. Les frontieres en[/e les deux Etats n'etaient pas nettement tracees. Les Eleens pretendaient que leur territoire allait jusqu'au tombeau de Chorcebus, les Hereens que I'Arcadie s'etendait jusqu'a I'Erymanthe, et par consequent que les villes de Lasion et d'Acrorium en faisaient partie. C'etait la un sujet de querelles incessantes. « La Triphylie appartenail tour a tour, nous dit Diodore, au parti le plus fort. » Les Lacedemoniens firent droit a une partie des reclamations de leurs alhes. II est certain qu'a partir de ce moment les Hereens eurent Lasion en leur pos- session. Ce que nous voyons encore, ce sont leurs relations constan- tes avec les Spartiates. Agis s'arreta dans la ville en revenant de I'Elide : il y mourut, et les Hereens vinrent dans sa patrie temoigner de ses dernieres paroles au sujet de son fils Leotychides. (Pans., VllI, 26, hb; in. — Diod. S., XV, 77, 2. — Xen., H. G., Ill, 2, 32.) Tous ces peuples profitaient jusqu'a un certain point du triomphe de Sparte. Cependant I'orgueil de cette cite, sa domination impe- rieuse et defiante qu'elle ne cherchait plus a deguiser sous le nom d'hegemonie, le tribut annuel de mille talents qu'elle demandait aux allies, les persecutions organisees partout contre le parti populaire, la pression exercee sur les affaires interieures des cites par les har- mostes lacedemoniens ou par les magistrats nommes sous leur in- fluence, tout cela devait aigrir profondement les esprits. Dans I'ex- pedition d'Agesilas (396), il y avait 200 neodaraodes et 6,000 allies. L'Arcadie, suivant son habitude, avait largement fourni son contin- gent ; mais (( ce fut par necessite plutot que par bienveillance. d (Wallon, Hist, de VEsc, I, 3.) — ISO — Ell fut-ilde infime des pcuples de Tantique Arcadie?Tould'abord nous saisissons entre eux et les aiitres nations du Peloponcse cetle difTercnce essentiello, qu'ils neconqiiirent paslcur territoire et qu'ils ne farerit pas eiix-memes conquis. II y eul fusion enlreles Pelasges et les Hellenes, et non pas substitution violente d'une race a I'autre. En supposant meme que les nouvcUes tribus giierritres aicnt exerce une sorte de domination siir les premiers habitants, cette domination n'etablit pas une distinction radicale enlre les deux classes de la population. Quant a Tinvasion dorienne qui enfanta partout ou elle s'etablit un etat de choses comparable au servagc des nations ger- maniqucs, c'est un fait constant que I'Arcadie seule n'en connut pas les maux. II y aurait done lieu de s'etonner, si Ton y trouvait une caste asservie,sirelat social de ses peuples ne differait pas de celui de leurs voisins. Sur ce point Arislote est positif : « Les hilotes, (( dit-il , ont souvent cause des troubles a Lacedemone. II n'en est (( pas ainsi en Crete. Peut-etre les Cretois doivent-ils cet avantage « a des circonstances locales. Lorsque les petits Etats de cette ile (( se font la guerre, ils ne favorisent jamais la revoltedes esclaves, (( attendu cpi'ds en ont aussi dont la condition est la meme. Mais les « Lacedemoniens ont pour voisins et souvent pour ennemis les « peuples de I'Argolide et de I'Arcadie, qui n'ont point d'bilotes. » (Arist., Pol., II, 7.) Si Ton peut contester I'exactitude de cette derniere assertion au sujet d'Argos, elle reste avec toute sa valeur pour ce qui concerne les Arcadiens. La grande distinction qui est la base de tous les gou- vernenients doriens, I'oisivete privilegiee des citoyens, le travail laisse entre les mains des classes inferieures, n'existe pas chez eux. (( Du temps de I'Arcadien Actaeon , dit la fable , tous les hommes « travaillaient de leurs mains; ils n'avaient pas de servileurs : ils (( labouraient eux-memes, et celui-laelait le plus riche qui montrait (( le plus d'activite. » Meme apres que Ton cut des esclaves, il en fut toujours ainsi dans cette conlree, et c'est sans doute a cette communaute d'occupation et de travaux, qu'il faut attribuer les rapports de famiiiarite qui existaient entre les maitres et les servi- teurs. « En Arcadie , on les admettait tous egalcment dans les (( festins solennels : tous mangeaient a la meme table, avaient les (( memes mets, et buvaient dans la meme coupe. » A Phigalie par- ticulioremcnt (( dans les sacrifices en I'honneur des heros, ou Ton (( immolait un grand nombre de boeufs, les citoyens dinaient avec « leurs esclaves.)) Nul doute que I'esclavagc n'ait pris dans cette conlree comme ailleurs des proportions considerables. La guerre, — 181 — la piraterie qui amenait ses prises jusque dans rinterieur de la presqu'ile , le mariage des esclaves entre eux en etaient Ics sources ordinaires. Les Tegeatcs chargenl de chaines les Lacedemonians de Cliaryllus, et les forcent a labourer la terre. Les Hei'eens ramenent de leur expedition dans I'Elide un grand nombre de betes de som- nies et de prisonniers Mais quelque nombreux qii'aient pix etre les esclaves, Polybe et Tliucydide nous le disent, les Arcadiens n'en resterent pas moins des manouvriers , des gens habitues a une vie dure et penible. Lorsque Epaminondas envahit le territoire de Mantinee en 362 , les hommes faits et les jeunes gens avaient pris les armes; les esclaves et les vieillards etaient occupes a.ix travaux des champs en dehors de la ville. Philopoemen possedait uu beau domaine a 20 stades de la ville. 11 y allait tous les jours apres diner ou apres souper , et se jetait pour se reposer sur le premier grabat venu commcle moindre deses ouvriers.Le matin, ilselevait, mettait la main a I'oeuvre avec ses vignerons et ses laboureurs , puis il retournait a la ville et vaquait aux affaires publiques avec ses amis. Parlout nous retrouvons I'existence d'une classe moyenne libre , adonnee au travail. Lycurgueproscrivait les occupations laborieuses ; Solon en faisaitune loi, et voulait que chaque citoyen eut un metier. En Arcadie, c'etait la pauvrete meme du sol et le peu de ressources qu'il pr(jsentait qui imposaient aux habitants lanecessitedetravailler. Grace a cette necessite imperieuse , grace a ces habitudes fortes el dures, le pays put suffire a toutes ses guerres sans jamais s'epuiser. II vit sa population s'accroitre sans cesse et put laisser impunement pour lui ses enfants aller vendre partout leur force et leur courage. (Thuc, I, Ul. — Plut., Phil.) S'il n'y eut pas de caste asservie chez les Arcadiens , il y eut du moins une aristocratie assez persistante etassez vivace. Le fait s'ex- plique tout naturellement par I'ancienne predominance des H'ellenes sur les Pelasges, par Tinfluence des families princieres, sacerdotales ou railitaires, etablies des la plus haute antiquite dans des places forlifiees, par la preponderance des cites sur les bourgs voisins etsur les populations dispersees, enfinpar les richessesde certains citoyens et par leurs relations avec les personnages les plus influents des peuples voisins. Mais cette aristocratie n'eut jamais de bien grands privileges. Cette race sobre et paliente de pasteurs et de laboureurs, si jalouse de sa liberte exterieure, dut conserver toujours une sorte d'egalite sociale. Aussi la democratie n'eut-elle pas de peine a y pre- valoir. Aristote semble constater le f:;it, et indiquer la predominance des constitutions democratiqnes en Afcadie, lorsqu'il parle des gou- - 182 — vernemenls qui reussissenL le mieux aux populations agricoles el pastorales. C'est I'Etal de 1' Arcadia qu'il nous trace : II suffirait de preciser les traits. « Le nieilleur de tous les peuples est le peuple u agriculteur, et apres lui tous ceux qui vivent de I'education des « troupeaux. Lesouvriers etlesboutiqiiiers exercentdes professions (I qui ne portent pas a la vertu. D'ailleurs les coureurs de ville et <( do marches s'organisent trop aisement en asscniblee. Mais on pent (( etablir la democratie sans inconvenient , lorsque la multitude <( s'occupe de Tagriculture et du betail. Sa mince fortune ne permet (( pas au laboureur de demeurer oisif, et ne lui laisse guere le temps « de frequenter les assemblees. Force de se procurer le necessaire, ,c7to-;vT,oto Afxai^'s; kciI ApfE'^oi (Vll, 2, 2.) — 218 — terSls v^ritables de I'Arcadie le lui conseillaienl aussi. li ne fallait plus qu'une occasion favorable, car les Athenieiis, en haine de Thebes, avaientdepuis longtemps traits avec Spaile, I'ennemie principale de la ligue. Mais a cette 6poque ils commenQaient a se lasser d'une alliance qui leur imposait beaucoup de charges sans profit. LycomMe lira habilement parti de celte circonstance. II proposa a ses conci- toyens de trailer avec Athenes : son eloquence persuada le conseil desDix-niille. Elle triompha aussi des difficultesquelui faisaient les Atheniens. Ceux-ci hcsitaient a devenir les allies des Arcadiens , a cause de leurs engagements vis-a-vis de Lacedemone. Mais, reflechis- sant ensuite qu'il etail de I'interSt des Spartiates, ainsi que du leur que la ligue piil se passer des Thebains, ils conclurent le traite. lis s'engageaient a fournir de la cavalerie aux Arcadiens, dans le cas oil ils seraient attaques, sans pourtant envahir jamais la Laconic. (Xen. , VII, li, 6.) La politique de Lycomede triomphait. II revenait porteur de ce traite, qui pouvait avoir tant d'influence sur I'avenir du Peloponese. Mais un hasard fatal le fit tomber entre les mains d'un parti d' Arca- diens exiles de la faction lacedenionienne, qui I'ugorgerent sans pitie. Apres lui, il ne se trouva personne pour reprendre ses projels (366) avec la meme autorite, pour dominer, parson influence personnelle, leselements de rivalile et de haine qui existaienttoujoursen Arcadie. L'influence de Tegee prevalut dans le conseil des Dix-Mille et surtout dans celui des archontes. La division s'introduisit dans la confedera- tion. Le but etait manque : la ligue acheenne n'elait plus qu'une tentative genereuse dont la ligue arcadienne devait s'inspirer plus lard. XI. LA CONFEDERATION ARCADIENNE (suite) DEPUIS LA FONDATION DE MEGA- LOPOLIS JUSQU'a la BATAILLE de MANTINEE. — 2° DEPUIS LA JfORT DE LYCOmEdE JUSQU'a la BATAILLE DE MANTINEE 366-362. Ce fut a I'occasion des guerres contre I'Elide que I'Arcadie se partagea de nouveau en deux camps. Vers I'an 366 , des exiles arcadiens , secretement encourages par les Eleens, s'emparerent de Lasion. Apres des reclamations restees sansreponse, les Arcadiens entrerent dans le pays, livrerent un com- bat pres de la villc contest^e et mirent en fuite un corps de /jOO Eleens. Ce fut la Toriginc de la guerre. La vraie cause etait le vif ressenliment que les Eleens avaient con(;u contre la ligue, depuis — 219 — qu'elle avait refuse de lui rendre la Triphylie. (Diod., XV, 77, 19. — X6n., VII, k, U.) Maitres de Lasion, les Arcadiens entrerenl dans le pays des Acro- riens, s'emparerent successivement de Cyparissia, de Coryphasion et de Margana, et de la marcherent surOlympie. Apres avoir fortifi^ le mont Cronius et y avoir etabli une gamison, ils resolurent de faire une tentative sur Elis : peu s'en fallut qu'elle ne reussit, car ils pene- trerent jusque dans I'agora. Les cavaliers eleens arriverent a temps et les repousserent. Apres cecoup de main, le premier acte de I'aris- tocratie fut de chasser les chefs du parti populaire, qui avaient sans doule appele les ennemis. Les exiles s'adjoignirent un petit corps d' Arcadiens et s'emparerent de Pylos. Enhardis par leurs succes et par le nombre de leurs partisans qui grossissait chaque jour, ils appelerent uneseconde fois les Arcadiens, leur promettantla reddition d'Elis. Cependant les habitants de cette villa avaient demande des secours aux Acheens. A I'approche de ces nouveaux ennemis, les Arcadiens se retirerent, non par peur, mais pour tenter un coup de main hardi sur Pellene , pendant que les Pelleniens etaient a I'autre bout de la presqu'ile. lis s'emparerent en effet du fort d'Oloros ; mais les Pelle- niens firent diligence, et le reprirent presque aussitot. Une troisieme invasion en Elide fut plus decisive. Les Eleens, battus d'abord entre Cyllene et Elis, se virent bientot assieges dans leur propre ville. lis etaient perclus sans une diversion puissante que les Spartiates firent sur les frontieres de I'Arcadie. La lutteprenait des proportions considerables : d'un cote, les Eleens, les Acheens el les Spartiates ; de I'autre, la ligue arcadienne soutenue par les Argiens, les Messeniens et les Thebains eux-memes, qui n'etaient pas mecontents de voir les peuplesduPeloponesesedechirer de leurs propres mains. Archidamus s'etait empare de Cromnos(l), sur le territoire de Megalopolis, h h^ stades de la Messenie, et y avail laisse trois cohortes. Les Arcadiens marchent sur cetle ville , I'entourent d'un double retranchement, I'un contre les assieges, I'autre con ire les secours du dehors, et la soumettent a un blocus rigoureux. Lesassie- (1) Kp5)f;.vo;, itoXt^vtov 8' eaxiv t^pupisvov TtXyioiov Ms-faXio; iroXed);. (Callist., Fragm. 13, p. 13. Didot.) Pausanias rappclle KpujAot : 11 Ic cite parmi les bourgs qui conlnbucrent a fonner Mdgalopolis { VIII, 27). II donnail son nom a la Cromitide el ^tait h 40 stiides des frontieres de la Moss(?nie. — Sleph. Byz. donne Kp'ou.va. — 220 — g(5s u'avaient deja plus que pour dix jours de vivres, lorsqu'Arcbi- damiis rentre dans I'Arcadie , ravage la Sciritide et les provinces voisines, afind'altirerrennemi de son cote el de lui faire ahandonner le siege. Voyanl Tinulilite de ses efforts , il sempare d'une colline qui dominait les retranchements des Arcadiens. 11 s'ensuivilun enga- gement entre les deux partis. Les epariles firent bonne contenance, seserrerent les uns conlre les autres en rapprochant leursboucliers, et quoique moins nombreux, soutinrent sans etre entames tons les efforts des Spartiates. Archidanius fut blesse: ses principaux compa- gnons tues. On conclut une treve , et les Arcadiens ^leverent un trophee. (Callist. fr. — Xen. — Diod.) Le combat recommenga bientot autour de la place. Cette fois les Lacedemoniens s'emparerent des retranchements, et avertirent les assieges de tacher de sortirde laville. Quelques-uns s'echapperent ; les autres tomberent entre les mains des Arcadiens et de leurs allit's placL% a toute&les issues. Debarrasses da siege de Gromnos, ceux-ci se toumerent encore une fois centre les Eleens , qui avaient profit(5 de leurs embarras pour reprendre Margana etPylos. Ilsserapprocherent des Pisates, reven- diquerent leurs anciens droits a la presidence des jeax, et comme on etait au commencement de la 104* olympiade (1), ils les firent celebrer par leurs nouveaux allies (364). An milieu de la solennite, les Eleens se presenterent en armes. Les assistants, accourus de tous les points de la Grece , se rangerent sur les collines voisines, afm d'etre spectateurs du combat, comme ils I'etaient tout a I'heure des jeux. On en vint aux mains pres du Gladeus. Les Arcadiens, quoique soutenus par 1,000 hoplites argiens et par 400 cavaliers d'Athenes, furent defaits et poursuivis jusqu'au theatre el au temple de Vesta. Cependant ils resterent maitres d'Olympie et des tresors amassds dans le temple. (Died., XV, 82.) La guerre durait trop longtemps pour ne pascommencer a fatigue)- les deux partis. En Arcadie , les ciloyens, sincorement allaclies a leur patrie , cherchaient en vain a quoi elle pouvait aboutir. Heu- reuse ou malheureuse, n'aurail-elle pas pour r&ullat certain d'affai- blir la ligue et le Peloponese tout entier? Thebes poussaita la guerre : n'elail-ce pas pour que les deux partis epuises reclamassent son secours, el lui facililassent les moyens d'elablir sa domination? D^ja- elle s'etail cree un parti dans Megalopolis el dans Tegee qui avail (I) Les Eldcns nc la poitt'rciit pas sur k'lir rcgislic : ils rappclcrcnt anolympiade avoXuu.ma;. (Pans., Vll, 22 ) — 221 ~ regu un corps de 300 B^otiens. Tout-puissants dans le conseil des archontes, depuis la raort de Lycomede , les citoyens de ces deux villes se faisaient du corps des eparites un instrument d'oppression. Une crise etait imrainente, Ce furenl les Mantineens qui la precipi- terent. (Xen., Vll, k, 3Z(, sq.) Depuis qu'Olympie etait au pouvoir des Arcadiens , les archontes employaient une partie des tresors du temple a la solde des eparites. C'etait un moyen de cacher toutes les dilapidations, et de s'attacher en meme temps par des liens directs ces mercenaires devenus sus- pects aux bons citoyens, Les Mantineens reclami'rent contre ce qu'ils appelaient une impiete, et envoyerent en meme temps la part de contributions qu'ils devaient pour I'entretiende I'armee permanente. Aussitot les archontes les accusent de vouloir detruire la confedera- tion, et les citent devant lo conseil des Dix-Mille. Sur leur refus de comparaitre, ils envoient contre eux des eparites, mais les Mantineens ferment leurs portes et s'appretent a resister. lis n'etaient pas les seuls a desirer la paix avec les Eleens, a mur- murer contre I'emploi sacrilege des fonds du temple. Le conseil des Dix-Mille leur donna raison. 11 interdit de detourner les deniers sa- cres pour des usages profanes. C'etail par la meme prononcer la dissolution des Eparites. Prevoyant qu'apres une guerre aussi longue on ne voudrait plus ou Ton ne pourrait plus les payer, une partie des mercenaires quitterent le corps, lis furent aussitot remplaces par des citoyens qui faisaient volontairement ce sacrifice, afin de mettre un terme a la pression qu'ils exergaient sur la ligue. Mantinee I'emportait; mais le peril devenait grand pour ceux des magistrals qui se sentaient coupables d'avoir dilapide les fonds sa- cres. Aussi se haterent-ils d'appeler Epaminondas, en apparence pour continuer la guerre contre I'Elide, en realitd, disaient-ils aux Thebains, pour empecher que I'Arcadie ne passat encore du cote de Sparte. Le parti national, de son cote, n'en pressa que plus vivement la conclusion de la paix. Apres tout, pourquoi garder le temple et la presidence des jeux? Leur conduite ne serait-elle pas plus juste et plus agreable aux dieux s'ils rendaient Olympie aux Eleens ? D'ail- leurs, la guerre une fois terminee, quel pretexte resterait a Thebes pour continuer ses armements ? Ces raisons deciderent le conseil des Dix-Mille. On conclut un traite definitif avec les Eleens, et Ton en- voya des deputes aux Thebains, pour leur dire de ne pas entrer dans I'Arcadie, a moins d'y etre invites. Cette paix etait la ruine de I'influence etrangere en Arcadie. Elle etait odieuse aux Thebains eta tous leurs partisans, tels que les Kpa- — 222 - riles dissous el les magistrats qui craignaienl d'avoir ci reiulre leurs conipfes. lis ossayt'reul de s'en vengor par an coup de main desplus audacieux dirigtj siirtoiit centre les Mantint^ens. Les deputes des villas el un grand nonibre d'Arcadiens, s'(5taient rdunis a Tegee pour la prestation des serments. Les archontes et riiarmoste thebain qui se trouvaienl dans la ville avaient jur^ h leur tour, Partout la socurite la plus profonde, partout des festins el des chants d'allegresse. Tout a coup on ferme les portes de la ville, et Ton se saisit des principaux citoyens. Malheureusemenl pour les au- teurs du complot, il restait pen de Mantineens, parce que leur ville dtait proche, et que la pluparl etaient deja retournes chez eux. Que\- ques fuyards vinrent bientot leur annoncer cette nouvelle. L'emotion fut grande : Mantinee envoya aussitot redemander ses citoyens et tous ccux quo Ton avail fait prisonniers, s'engageanl a les presenter devant le conseil dos Dix-.Mille, s'ils etaient accuses de quelque crime. Vaincu par I'indignation generale, I'harmosle thebain delivre les captifs, convoque une asseniblee, et essaye de se justilier, pr^- tendanl qu"il avail requ avis d'un complot organise pour livrer Tegee aux Spartiates. II ne pouvait plus desorniais rester en Arcadie ; mais son depart n'etait pas une satisfaction sufllsante. Des deputes all6- rent en Beolie demander sa mort, au noni du conseil des Dix-Mille. Mais Epaminondas le justilia en alleguant que le dernier traite etait une \iolation de I'alliance faite avec Thebes, qu'il avail eu lieu sans son assentiment, quoiqu'elle eiit pris part a la guerre. Thebes avail besoin de vaincre encore une fois pour relever son influence dans le Peloponese. D'un autre cote, il etait evident pour tons les patriotes qu'ils n'auraient plus qu'a subir le joug, s'ils n'ac- ceptaienl pas la lulle. Les Mantineens soUiciterent a la fois les se- cours d'Alhenos el I'alliance de Sparte. Depuis quelque temps deja, ils songeaienl a se rapprocher de cette derniere ville, et c'est sans doule la ce qui motive le reproche que leur adresse Pausanias. En Arcadie , ils avaient pour eux tons ceux qui avaient forme la majo- rite dans Tassemhlee federale et qui s'etaient montres les partisans de la paix avec I'Elide. LesT^geates, les Megalopolitains, les Pallan- tins, les As^ates et toutes les petiles villes du voisinage soumises a rintluence de Megalopolis s'etaient rangees du col^ des Thebains. Ainsi, la scission etait complete : les vieilles haines entre Tegee et Mantinee avaient repris toute leur force, et I'Arcadie jouait encore une fois le role auquel elle etait habituee depuis longlemps. Impuis- sanle a former une confedt^ration, assez forte pour lutter contre ceux den EtatP de la Grece dont I'ambition lui semblait redoulable, elle ne — 223 — s'linissait (jiie pour secouor le joug d'une puissance pr(^pond(5ranle. C'esL ainsi qii'elle avail coinballu Sparle : c'esl ainsi que, vaincue, elle s'(^tait alliec h Thebes. Aujoiu'd'hui eile se parlageaiL enlre les deux cites, el Ion retrouve toujours au fond des ^venements les plus d^cisifs pour son avenir le germe des haines et des rivalilds qui I'empecherenl de devenir une nalion. (Paus., VIII, 8. — Diod. , XV, 82. — Xen., Vil, 5, 26.) fipaminondas deploya toul d'abord une grande activity. Mantinde n'avail regu encore aucun renforl d'j ses aliicis, que deja ii etail en- tre dans la Tegeatide par le Farlbenius, et avail Otabli son camp dans Tdgde meme. Les troupes nianlineennes se retrancherent der- rifere leurs murs, attendant les Sparliales. On savait qu'Agesilas dtait a Pellene, et qu'il deboucherait par la plaine de Megalopolis. Aussi- tot le general lliebain conroii un projel hardi : il s'engage dans les d^Qlf^s de la Tegt;atide et se dirige vers Sparte a marches forcdes. Sans un Cretois qui previnl Agdsilas, la ville ^tail prise comme un nid d'oiseau. Epaminondas voulait faire un coup de surprise et non un si(5ge. II revint a Tegee avec la meme rapidile de rnouvemenls. La, apprenant que les Mantineens avaient marche vers la Laconie avec toutes leurs forces el que ieur ville ^tail absolumenl vide de d(5fenseurs, il se decide a renouveler conlre olle la tentative qui ve- nait d'echouer conlre Sparte. II envoie sa cavalerie en avanl, et se dispose a la suivre lui-nieme avec le reste de ses troupes. C'dtait le temps de la moisson. Les esclaves el les vieillards etaienl occ.up6s au dehors aux travaux des champs. II ne restail dans la ville qu'un petit nombre de personnes. Tout a coup on apergut les Th^bains. Apres un premier moment de terreur, on monla sur les murs, et on resolut de tenter une defense impossible. Deja les ennemis dlaienl arrives au temple de Neptime, a 7 stades de Mantinee. Mais voici qu'a Ieur tour des cavaliers apparaissent sur la monlagne qui domine la ville, sur I'Al^sius. C'etaienl les Atheniens. Cetle vue rend I'es- poir aux habitants : a mesure que les Atheniens arrivent, ils les sup- plienl d'engager lout de suite le combat, et de sauver ainsi leurs es- claves, leurs vieillards, leurs biens et tous ceux de leurs concitoyens. Hegelochus cede a leurs instances el marche droit a I'ennemi. L'en- gagement eut lieu pres du bois Pelagus : la cavalerie Ihebaine dut ceder el se replier en arriere. Elle s'arreta dans la Tegeatide au pied du Moenale, au sud de Scop^. Mantinee «itait sauv^e. Le moment etail venu de concentrer ses forces el de livrer une grande bataille. Les Lacedemoniens el les Mantineens, revenus sur leurs pas, rentrerent a Mantinee et s'y reunirent aux Atheniens. - 22h - Leiirs forces totales, y compris celles des Acli^ens et des ^l^ens leur* allies, se nionlaienl a 20,000 t'antassins et a 2,000 chevaux. Les enneinis etaient plus nombreux : ils avaient 30,000 hopliles et 3,000 cavaliers. Epaminondas pril position, non plus en travers de la plaine, comme Agis en Ztl8, niais le long des montagnes h I'Ouest, depuis Scope jusqu'a la plaine d'Alcimedon. 11 semblait vouloir etabiir son canap plutot que livrer balaille. Les Manlineens s'y iromperent : an moment oil ils s'y attendaient le moins, ils le virent marcher sur eux avec toutes ses troupes. Les Thebains Etaient a I'aile gauche, ayant pros d'eux les Arca- diens. Les Argiens occupaient I'aile droite. Au centre etaient les Euboeens, les Locriens, les Sicyoniens et les Messeniens. La cavale- rie etait repandue sur les ailes. Dans I'armee opposee, I'aile gauche etait occupee par les Athe- niens ; apres eux venaient les Eleens, les Ach^ens, les Lacddemo- niens; les Manlineens etaient a I'aile droite avec tons leurs allies d'Arcadie. C'elait la seconde fois qu'ils jouissaient de cet honneur. C'etait la seconde grande bataille qui se livrait sur leur territoire. EUe devait etre la plus celebre, « car jamais Grecs contre Grecs n'a- « vaient mis en ligne un si grand nombre d'hommes. » Apres un engagement de cavalerie dans lequel I'avantage resta aux Thebains, les deux corps d'armee en vinrent aux mains. Epaminon- das avait suivi sa tactique ordinaire. II avait dispose ses troupes en ligne oblique, n'engageant que ses meilleurs soldats, portant tout le fort de Taction sur sa gauche, oii les hommes etaient sur un grand nombre de rangs. Ce furent les Mantin^ens et les Lacedemoniens qui eurent a combattre ce coin terrible. On se servit d'abord de la lance, puis de I'epee. L'acharnement 6tait egal des deux cotes. Le Manti- neen Podares tomba, apres avoir fait des prodiges. Les Thebains Daiphantus et lollidas furent tues. Epaminondas, bless6, fut porte a Scope. Mais deja on pouvait prevoir Tissue du combat. De part et d'autre Taile gauche resta maitresse du terrain (362). (Xen., VII, 5, 27.) On eleva un double troph^e. Les Mantineens, comrae c'etait Tha- bitude apres une victoirc, decernerent les prix de la valeur : le pre- mier a Grylhis, fds de Xenophon, mort sur le champ do bataille, et dont les funerailles furent celebrees aux frais de I'fitat ; le second a Cephisodore de Marathon, qui commandait la cavalerie ath(^nienne; le troisifeme a Podares, dont ils honorerent la m^moire comme celle d'un heros. (Paus., VllI, 8.) — 225 — Les deux partis, egalemenl affaiblis, se montr^-rent ^galement d^- sireux de la paix. Une seule difficulte se pr^senta. Sparte ne voulait pasqueMessene fut comprise dans le trait^, car c'eut ete par lameme reconnaitre son independance. Les Megalopolitains, au contraire, et leurs allies d'Arcadie, s'y employerent de tous leurs efforts. lis I'em- porterent. Tous les Grecs preterent serment. Sparte, dont on avait repouss§ les pretentions, resta seule en dehors de I'alliance com- mune (361). XII. l'aRCADIE sous PHILIPPE ET SOUS ALEXANDRE (360-323). — POLITIQUE ET INFLUENCE CROISSANTE DE MEGALOPOLIS. Peu decisive pour le reste de la Grece « dans laquelle elle laissa <( plus de confusion que par le passe, » la guerre avait eu pour I'Ar- cadie un resultat certain. Elle avait desorganise la confederation a peine naissante. La paix faillit etre non moins fatale a Megalopolis. En 360, la cite nouvelle fut menacee comme d'une sorte de disso- lution. (Xen., VII, 5, 27.) •Parmi les habitants des bourgs reunis dans la grande ville, un certain nombre, nous I'avons vu, n'avaient quitte qu'a regret leur ancienne patrie. Quelques-uns meme n'avaient cede qu'a la violence. Ces repugnances qui existaient deja a I'epoque oii I'Arcadie tout entiere travaillait avec tant d'ardeur a la fondation de Megalopolis, durent s'accroitre et se propager, a mesure que le temps amena ses deceptions habituelles. II y avait d'ailleurs, il faut le reconnaitre, quelque chose de violent et de factice dans cette incorporation sou- daine de quarante bourgs, au sein des memes murs. Bien des inte- r6ts durent souffrir, bien des fortunes durent etre lesees. En attirant a elle tous les habitants des campagnes, Megalopolis les forgait a ne- gliger leurs biens, a laisser deperir I'agriculture (1), a faire de leurs champs des paturages. On ne cree pas d'un jour a I'autre une cite puissante. C'est I'affaire du temps et de la civilisation. Pour que les hommes s'attachent a une patrie nouvelle, il faut que des interets communs, des besoins reciproques les y retiennent. Toutes ces popu- lations differentes, jetees dans les memes murs, suivant I'expression (i) Triv T6 ywpav ot •j'swp-^TiaavTE;, ExXiXciTraCTiv e? Exeivoiv eti tmv x,P'^"v, i^ «v II? TYiv irpoua-yopiuSeioav Mi-joeXw irdXi^' at •kXhstm ouvuxioflridav. (Slrab., VIII, 9.) Archiv. des Miss. vu. 15 — 226 — de Diodore, avaient eii bien des dissensions et des querelles intesti- nes. Le nouvel filat dut fitre bien agilt^ d^s sa naissance, et les sol- dais ih^bains ne servircnt pas moins a le d^fendre de ses propres divisions qu'^ le prot^ger contre les tentatives de Sparte. D6s rori- gine, il dut y avoir deux partis : celui des bourgs voisins, des popula- tions de la Parrhasie, par exemple, ou de I'Orestide, qui souffraient moins de leur transplantation, et qui s'etaient fait de Megalopolis une seconde patrie ; celui des peuplades plus eloignees qui n'attendaient qu'une occasion favorable pour retourner dans leurs anciens bourgs. Tant que la confederation fut unie et que les soldats d'Epaminondas resterenl dans la ville, le premier de ces partis dut s'appuyer sur cette double autorite pour maintenir et peut-etre pour opprimer I'au- ire. Les choses changerent lors de la conclusion de la paix. L'har- moste Ihebain avait quitte Tdgee. Pammenes etait parti de Megalo- polis avec ses hoplites. D'un autre cote, Mantinee, ennemie de Megalopolis, depuis qu'elle s'^tait unie contre elle a Epaminondas, devait favoriser les projets des dissidents. Un article du traite disait que chacun, apres la guerre, retourne- rait dans sa patrie. Ce fut le pretexte dont s'autoriserent une partie des habitants pour revenir dans leurs anciens bourgs. Les Megalo- politains voulurent encore une fois les forcer de les abandonner. Des deux coles on en appela aux peuples qui venaienl de combattre les uns contre les autres. Mantinee et ses allies de I'Arcadie et de I'Elide soutinrent les dissidents. Thebes envoya aux Megalopolitains Pammenes avec 3,000 hoplites et 300 cavaliers. On assiegea quelques bourgs, on soumit les autres, et les habitants furent ramenes dans Megalopolis. (Diod. Sic, XV, 96.) « Ainsi s'apaiserent les troubles causes par cette incorporation « des bourgs. » On le congoit cependant, il y avait une menace per- p6tuelle et un danger incessant dans ce melange d'elements divers, dans cette assocalion tout a la fois volontaire et forcee de popula- tions differentes, residant sur un sol auquel ne les rattachaient ni les traditions de la religion, ni le culte des heros, ni la memoire des ancetres. Dfes lors, on ne saurait s'elonner de cette decadence si ra- pide dont parlent Strabon et Pausanias. Si « la grande ville devint V un grand desert, » il n'est pas besoin de remonter, comme I'a fail ce dernier, jusqu'a la volonte des clieux qui se plaisent a renouveler la face des choses. (Pans., Vlll. — Strab.) Toutefois, avant d'en arriver la, Megalopolis devait avoir de beaux jours. Tegt^e et Mantinee, epuisees par tant de luttes et d'efforts, restenl dfoormais sur le second plan. La cite nouvelle se place sur le — 227 — premier. C'esl la que se r^fugie toute la vie morale et intellectuelle de I'Arcadie. C'est do la que sortent la plupart des historiens, des philosophes que nous avons deja cites. C'est la que naissent Philo- poemen, Lycortas et Polybe. 11 semble meme qu'elle soil sortie de cette crise plus unie et plus forte, et qu'elle y ait puise les moyens de resister a d'autres epreuves. Est-ce a cetle epoque que Cercidas promulgua ses lois ; et doit-on pen- ser, d'apres I'eloge qu'en font les anciens(l), qu'elles contribuerent a donner plus d'unile a la ville? Le fait est possible ; mais ce n'est la qu'une conjecture. Cercidas, tout en (2) raodifiant le gouvernement, conserva la democralie. Polybe nous le dit implicitement, lorsque jiistifiant plus tard la conduite du legislateur, il ajoute : « Si dans des Les Etoliens profltaient de tant de faiblesse pour etendre leurs bric;;indages et attirer de nou- velles cites dans leur confederation. (Plut., Aral.) Peu de temps avant ces evenements, les exiles Cynoetheens avaient demande a leurs concitoyens I'oubli du passe et le retour dans leur patrie. Geux-ci y consentent, apres avoir consulte les Acheens. On renvoie la garnison : on se rdconcilie; on jure sur les entrailles des victimes et en attestant les dieux d'abjurer toute haine et tout sentiment de vengeance. Plusieurs des exiles sont revetus de charges importantes. Qiielques-uns meme sont nommes polemar- ques. C'etait leur rendre la trahison bien facile, lis le prouvereni bientot. L'un des devoirs de leurs fonctions etaient de former les portes, d'en garder les clefs pendant la nuit, et meme de rester toute la journee pres de Tentree. Hs s'entendent avec les Etoliens, et le jour dit ouvrent la porte principale, apres avoir egorge ceux de leurs collegues qui se trouvaient aupres. Places dans le voisinage, et munis d'echelles a I'avance, les ennemis accourent. Les uns s'e- lancent par la voie qui leur est ouverte, les autres s'occupent d'es- calader les murs. Les habitants, surpris par un coup de main aussi inattendu, ne savaient de quel cote se tourner. La resistance etait impossible. Les Etoliens commenccnt par massacrer les traitres qui venaient de leur livrer la ville, et par piller leurs biens ; ils pene- trant ensuite dans les maisons, s'eraparent de I'argent et de tous les objets precieux, mettent les habitants a la torture pour les forcer a livrer leurs richesses. Quand ils furent rassasies de butin el de meurtres, ils laisserent une garnison dans la ville et se dirigerenl vers le pays des Clitoriens. (Pol., IV, 17.) lis furent bientot a Lusoi : les Lusiales composerent avec eux, et elait silloniide par une riviere (celle de Caudili) et par des canaux destines i porter les eaux dans les Catavothra. Aujourd'liui, I'aspect des lieux a completement change : Caphyes est sur les bords du lac. U faul done sup- poser que, du temps des anciens, il y avail de I'Est a I'Ouest une digue qui rejetait le lac du c6l6 d'Orchomene, el laissail un assez grand espace librc entre les eaux et la ville. C'esl ce que dit du reste Pausanias : « On « a fait dans la plainedes Caphyens une levee de terre pourempecher lep » eaux d'Orchomene d'endommager les champs cultivds. » VIII, 23. — 252 - leur abandonii^rent une partie des offrandes (Plut., Phil.) — 256 — L' occasion vinl bientol pour eux de recompeiiser les el'furls de leur chef. Les Eloliens, les Eleens et les Spartiates avaient fait alliance avec Rome (211), et la guerre avail recommence enlre Philippe el la ligue acheenne. Un combat se livra en Elide surles bords du fleuve Larissus. La nouvelle cavalerie y prit la part la plus brillante. Da- mophantes, hipparque des Eleens, peril de la main meme de Philo- pcemen (208). A la nouvelle de cetle defaile, Machanidas vinl au secours de ses allies, et les Acheens, trop faibles pour resister a deux ennemis a la fois, appelerent encore Philippe. En 206, Philopoemen fut notnme slralege ; il poursuivit ses re- formes et les appliqua cetle fois a I'armee loul entiere. 11 changea les armes, subslitua les boucliers rends et les sarisses aux bou- cliers longs et aux javelines courtes, forma une phalange acheenne - a I'inslar de la phalange macedonienne, lui apprit a former des ba- taillons, a lier les boucliers, a comballre de pied ferme. La der- niere etincelle de palriotisme s'etail refugiee au cceur de Philopoe- men; elle rechauffa encore les anies amollies el corrompues. Les jeunes gens, qui elaient tout entiers a I'amour des festins et du luxe, ne reverent plus que combats et belles armes. Huit mois avaient sufii a Philopoemen pour operer tons ces chan- gements. Lorsque Machanidas, mailre de Tegee, s'avanqa hors de cetle ville dans un appareil formidable, il enlra lui-meme a Man- tinee avec sa nouvelle armee. (Pol., IX, 10.) Le jour de la balaille (206), Philopoemen divise son armee en trois corps. L'aile droite, composee des troupes legeres, des llly- riens, de la cavalerie des Tarenlins, prend la route du temple de Neptune, a 7 stades de la ville. Les troupes legeres devaient occu- per I'Alesius, et avoir au-dessous d'elles les Tarenlins el les Thora- cites. La phalange, destinee a former le centre, sort par la porle voisine, tournee vers I'Orient. La cavalerie acheenne (aile gauche) sort par la porte attenante dans la meme direction. Ces trois corps, occupant les positions qui leur avaient etc indiquees, se trouvaient rangees sur une ligne droite parallele a la ville, devant un fosse qui s'^tendail depuis le temple jusqu'aux monlagnes du district des Elisphasiens. (Pol., XI, 8, /i; 9, 2, 8. — PluL, Phil.) Le fort de Faction porta d'abord sur les troupes legeres et la ca- valerie des Tarenlins. Malgre la presence do Philopoemen, ils la- cherenl pied, el Machanidas s'elanga a leur poursuite. Grace a celte imprudenle ardeur, rien n'elait perdu pour les Acheens. Le slralege se replie sur sa phalange, comble les vides laisses par les fuyards en faisant executer un mouvemenl a droile, et coupe le tyrnn du I — 257 — reste de son arm^e. Les Sparliales senlent le p6ril que coiirent une ffertie des leurs, et engagent avec la phalange iin violent combat le long du fosse. C'etait la que devait so decider la victoire. Philo- pcEraen charge Polybe de contenir Machanidas, lorsqu'il reviendra de la poursuite des troupes legeres. Siir du succes a son tour, 11 se met a la tete des siens, et passe le fosse sur les corps d'un grand nombre d'ennemis. A son retour sur ses pas, le tyran trouve tout change ; les Spartiales en deroute, les Acheens du cote du fosse que les siens occupaient d'abord ; lui-meme, cerne par les troupes qu'il croyait vaincues. II ne lui restait plus qu'a fuir. PhilopcEinen le frappa de sa propre main au moment oii son cheval se dressait pour franchir d'un seul bond le fosse. ^,000 Lacedemoniens avaient peri. Le grand resultat de cette bataille, ce ne fut ni la reprise de Tegee ni la reconnaissance poussee par Philopoeraen jusque sur les bords de I'Eurotas, mais la coilfiance que les Acheens commen- cerent a reprendre dans leurs propres forces , et I'influence de plus en plus grande que prit sur eux Phiiopoemen. Simple parti- culier, 11 avait plus de pouvoir qu'un stratege ; lorsque Nabis assie- gea Messene, 11 se mit a la tete des Megalopolitains,malgre le stratege Lysippe, etdelivra la ville. Son nom etait la terreur des ennemis. Au seul bruit de son approche, les Thebains qui assiegeaient Megare prirent la fuite. Philippe, qui avait fait empoisonner Aratus, voulul aussi le faire perir. C'eiit ete en effet porter le dernier coup a la ligue, et la forcer de nouveau a trembler devant lui. Ce retour de fortune, cette force et cette dignite qu'elle semblait reprendre n'etaient du qu'aux talents et aux vertus d'un seul homme. On le vit bien, lorsqu'apres la paix de 205 entre Philippe et Rome, le heros fut alle de nouveau com- battre en Crete ; Nabis ne trouva plus devant lui aucun obstacle ; I'armee se desorganisa ; le stratege Cycliades essaya en vain de re- tenir les soldats sous les armes. Megalopolis fut si vivement pressee que les habitants ensemencerent les rues de la ville. De toutes parts on accusait Phiiopoemen de « s'en aller, tandis que sa patrie luttait « en armes centre Nabis, et de fuir les combats ou de chercher des « ennemis lointains, » Le mecontentement allait jusqu'a I'ingrati- tude; il ne prouvait qu'une chose, I'incurable faiblesse de la confe- deration mourante, la verite de ce jugement porte plus tard : Philo- pcemen futle dernier des Grecs. (Pint., Phil. — T.-Liv., XXXI, 25.) Cependant la seconde guerre de Philippe contre les Remains avait commence (200-197). Les deux partis rechercherent I'alliance de la ligue. Depuis longtemps Rome cherchait a se cr^er des parti- Archiv. des Miss. vu. ^ 17 — 258 — sans en Achaie et en Arcadie. La venalil^ servait le s^nat comme elle avait servi Philippe. A Megalopolis, si influente par elle-meme et par I'ascendant que lui donnaitPhilopoemen, dans les autres cites, dans le conseil des demiurges, dans I'assemblee generate, 11 se trouvait des gens pour conseiller hautement de trailer avec les Ro- mains. Leur parti etait surtout represente par le Megalopolitain Aristaenus et I'Acheen Xenophon. On les accusait d'etre vendus, eux et cinq autres magistrats leurs coUegues. Quoi qu'il en s(jit, Philippe vit que, pour rattacher a lui les esprits hesitants, il fallait faire des concessions. Aux Acheens, il rendit Orchomene, Heraea et la Tri- phylie, dont I'occupation par les Macedoniens avait suscite tant de plainles. Aux Megalopolitains, qu'il sentait le besoin de se concilier d'une maniere toute particuliere, il rendit Aliphera, I'un des bourgs incorpores autrefois dans la grande ville. 11 avait d'ailleurs pour lui le slratege Cycliades. Grace a son inlluence, I'alliance de la Mace- doine prevalut encore dans I'assemblee generale. (Pol., XVI, 12, 1Z|. — T.-Liv., XXXII, 5, 19.) Les choses changerent lorsque T. Quintius se fut rendu maitre d'Elatee, lorsqu'une flotte roinaine se prepara a assieger Corinthe. Cycliades fut exile (198) ; Aristoenus fut nomme slratege. II se hata de convoquer les membres de la ligue a Sicyone. On y enlendit tour a tour les deputes de Rome et de la Macedoine. L'assemblee etait in- decise, quoique les esprits inclinassent pour I'alliance avec les vain- queurs. Ce fut Aristoenus qui, suivant son habitude, se prononga le premier avec nettete. Cinq demiurges etaient d'un cote, cinq de de I'autre. A la fin, les partisans des Romains I'emporterent, parce que le demiurge Memnon finit par se ranger a leur avis. Le resultat n'etait plus douteux. Les Dymasens, les Argiens et les Megalopolitains quitterent I'assemblee avant le vote. Personne ne s'en etonna et ne songea a les desapprouver. De la part des Megalopolitains, c'etait de la reconnaissance ; ils so rappelaient que c'etait Antigone qui les avait retablis dans leur patrie. (T.-Liv., XXXII, 19, 20.) L'alliance des Acheens avec les Romains fut done proclamee (198). Un decret ordonna en memo temps de diriger toute i'armee acheenne vers Corinthe, que les Macedoniens occupaient. Nabis n'etait plus a craindre pour le moment -, il venait, grace a I'influence romaine, de conclure une treve avec le stratege Nicostrate. Celui-ci remporta un succes assez grand sur le chef de la garnison de Corinthe, mais la victoire de Cynoscephale (197) mit fin a toute resistance de la part de Philippe. 11 dut faire la paix, et la Grece fut des ce mo- ment entre les mains de Rome. Mais le senat se sentait assez fort — 259 — pour attendre. Dans le decret qui proclamait solennelleraent la li- berty grecque, le nom des Arcadiens n'est pas prononce, parce qu'ils se confondaientavecl'Achaie. Cependantles concitoyens d'Aristoenus etde Philopoemen n'etaient pas oublies. Megalopolis garda Aliphera. Malgre les reclamations des Eleens et des Etoliens, la ligue rentra en possession de Heraea et de la Triphylie. C'etait la cet accroisse- ment de puissance dont parle Polybe lorsqu'il veut justifier la poli- tique d'Aristoenus. Quant a la securite qu'il regarde aussi comme un des bienfaits de la nouvelle alliance, les Romains ne la donnerent aux Acheens que dans une cerlaine mesure et de maniere a trahir leur veritable pensee a cet egard. On combattit Nabis, mais on le laissa subsister. La ligue, qui s'etait jetee dans cette guerre avec ardeur et qui avait envoye 10,000 hoplites et 1,000 cavaliers sous le commandement d'Aristoenus, fut tout etonnee de voir le general romain s'arreler au milieu de ses succes et trailer avec le tyran. II ne fallait pas que le Peloponese fut trop calme ; ses agitations fai- saient sa faiblesse. (Pol., XVII, 13. — XVIII, 30. — T.-Liv., XXXllI, 3/».) Desormais les Acheens 6iaient avertis. Au milieu de la decadence de la Grece, I'alliance romaine etait devenue un mal necessaire ; il fallait la subir, mais non I'accepter avec complaisance et comme une servitude. La vraie politique n'etait pas celle qu'Aristcenus exposait avec son Eloquence ordinaire : <( Vous ne pouvez rester les amis des <( Romains en leur montrant tout a la fois le caducee et la lance. Si (I nous sommes assez forts, marchons contre eux ; sinon, obeissons, « et que ce soit de bonne grace. » De telles paroles ne s'accordaient que trop avec le langage que tenaient les serviles adulateurs du senat, les traitres vendus a I'etranger, comme I'Acheen Callicrates. II y avait un autre parti a prendre ; c'etait de se passer le plus pos- sible d'un allie trop puissant, de lui imposer la moderation en ta- chant de s'en faire respecter , de ne se rendre a ses pretentions in- justes que lorsqu'il serait impossible de faire autrement. Le destin voulait que la Grece obeit tot ou tard ; mais fallait-il aller au-de- vant du destin ou se roidir contre lui de toutes ses forces ? Fallait- il etre « si presse de voir le dernier jour de la patrie? » (Pol., XXV, 9.) Telle etait la pensee, le but de Philopoemen. Le heros etait revenu dans sa patrie apres la bataille de Gynoscephale (195). Les Mega- lopolitains, irrites de son absence, voulaient d'abord I'exiler, et c'est dans cette circonstance que Plutarque accuse Philopoemen d'avoir souleve les bourgades voisines toujours en lutte contre la cit^, Ces — 260 — troubles s'apaiserent, grace a I'inlervention d'AristcEiiiis el des Acheens. Suivant loiUe apparence, Philoiioenieii prit part a la guerre contre Nabis, car le meme historien nous dil que Titus etait jaloux de sa gloire, et que ce fut un des motifs pour lesquels il accorda la paix au tyran. (Plut., Phil.) Ce dernier avail bientol recouinience la guerre. Deja il s'elait em- pare de Gylhiuni el avail ravage les fronlieres de I'Arcadie. Philo- poemen fut elu stralege pour la iroisieme fois (192). Des deputes etaienl partis pour Rome afin de demander au senat quelle etait la conduite a tenir. II n'en convoqua pas moins une assemblee ge- nerale a Sicyone. T. Quintius conseillail d'attendre Tarmee et la tlotte roraaines. Parmi les Acheens, les uus pensaient qu'il fallait suivre cet avis, les autres qu'il fallait agir sur-le-champ. La multi- tude attendail que le stralege parlal. La pensee de celui-ci n'etait pas douleuse ; niais, pour mieux decider ses conciloyens, il refusa de se prononcer : (^ Decretez ce que vous voudrez, leur dil-il ; je (( ferai en sorte que vous n'ayez a vous repentir ni de la paix ni de 11 la guerre. » On resolul, el c'etait ce que voulait Philopcemen, d'agir seuls et sans I'agrement des Remains. (T.-Liv., XXXV, 25.) Philopcemen avail deja cree une armee. Comme Epaminondas, il voulut creer encore une marine, afin de combaltre Nabis a la fois sur lerre el sur mer. CeLle tentative ne lui reussit pas; il eprouva un echec a la hauteur de Gylhiiun : son vaisseau amiral qui, depuis qualre-vingls ans, pourrissait dans le port d'iigium, faillit sombrer sous lui. (Plot., Phil. — T.-Liv., XXXV, 26.) II prit sa revanche sur terre. hnmediatement apres sa defaite, il debarque ses troupes non loin de Gythium, marche sur le camp de Nabis qui faisait le siege de celle ville el massacre un bon nombre de ses soldals. II remonte ensuite la vallee de I'Eurotas, en devas- tant lout sur son passage, et s'arrele a Tegee, lout pres de la fron- tiere. Dans I'assemblee generale qu'il y convoqua, il proposa de marcher sans retard sur Lacedemone ; le succes enhardissait et la confiance renaissait dans les coeurs, comme apres la defaite de Machanidas a Mantinee. Philopcemen agit avec sa rapidite ordinaire. Surpris par Nabis dans un passage dangereux, il s'en lira, grace a son habilete con- sommee et au secours que lui preta Lycorlas, le commandant de la cavalerie. Le tyran, altaque dans son camp, fut vaincu el rejete vers Sparte apres des pertes considerables. A bout de ressources, il appelle les Eloliens a son secours. Ceux-ci I'egorgent el se partagent ses tresors. Les habitants, indignes, s'arment contre les pillards. Au — 261 — milieu de ce desordre, Philopoemen arrive sous les murs de la ville et decide sans peine les habitants a entrer dans la ligue. Dans leur reconnaissance, ceux-ci voulaient kii offrir une partie des biens de Nabis. II refusa et Ton dut se contenter de lui decerner une cou- ronne (192). (T.-Liv., XXXV, 27.) Deux villes seules, Elis et Messene, restaient en dehors de la con- federation. Diophane, de Megalopolis, nomm^ stratege, s'occupa de les reduire. 11 triompha sans peine d'Elis ; Messene opposa plus de resistance ; mais I'intervention de Flamininus et I'Drdre qu'il donna aux habitants de se soumettre triompherent de son mauvais vouloir. Ce fiit sans doute apres ces evenements qu'on eleva a Diophane cette statue dont parle Pausanias. Elle se voyait a Me- galopolis devant le temple de la mere des dieux. L'inscription disait qu'il avait merite cet honneur en reunissant le premier tous les peu- ples du Peloponese dans la ligue acheenne. (Paus., VllI, 30.) Les Arcadiens se trompaienl ; Diophane, apres tout, n'etait qu'un soldat hardi, habile a manier les armes, d'une haute stature et dont tout Texterieur avait quelque chose de formidable. Ce n'etait pas a lui, mais a Philopcemen, que revenait la gloire de tous ces succes. Le heros poursuivait sa politique avec une surete et une energie rares. Au moment de faire la guerre avec les Romains, Antiochus avait envoye une ambassade a la ligue ; il comptait, pour I'attirer dans son parti, sur les sentiments de malveillance qui existaient entre Titus et Philopoemen ; mais celui-ci parla dans un sens oppose a celui des deputes (191-190). (T.-Liv.. XXXV, kl.) II etait de I'interet des Acheens de rester les allies de Rome ; mais il fallait, autant que possible, la tenir a I'ecart et ne pas re- clamer son intervention dans les affaires du Peloponese. Lorsque Sparte, inquiete de ses exiles et mal disposee, d'ailleurs, pour la confederation, essaya, pour la premiere fois, de s'en detacher, Dio- phane, avant de marcher centre elle, demanda le secours de Flami- ninus : (I Malheureux, lui dit Philopoemen, garde-toi d'appeler les <( Romains parmi nous! » Voyant que Diophane ne tenaitpas compte de *s paroles, il s'enl'erma dans Sparte, menaga de la defendre contre le stratege et le consul, et la rendit soumise a la Hgue. (Plut., Phil.) Une autre fois, le senat pria les Acheens de faire rentrer les bannis dans Sparte ; Philopoemen s'y opposa pour que les exiles n'eussent pas cette obligation aux Romains (191). Les Lacedemoniens, qui se sentaient soutenus par Rome, firent bientot une secoude tentative et commencerent par attaquer les — 262 — villes maritinies laiss^es aux exiles. Le consul, M. Fulvius, d^fendil aux Acheens de prendre les armes, sous pretexts qu'on devait d'a- bord en referer au senat. Parmi les deputes envoyes a ce sujet se trouvaient les Megalopolitains Diophane et Lycortas, I'un partisan de la politique d'Aristoenus, I'autre ami et confident de Philopoemen. Tous deux parlerent devant le senat. On ne leur donna qu'une r6- ponse ambigue. Philopoemen, qui venait d'etre nomme encore une fois stratege, en profita pour deployer la plus grande vigueur. En quelques heures, il arrive devant Sparte, y retablit les exiles, fait mettre a mort quatre-vingts des citoyens qui avaient demande aux Romains de les soustraire a I'alliance acheenne. Ce n'etait pas assez encore : il ordonne de d^truire les murailles, abolit les institutions de Lycurgue, rend aux habitants de Megalopolis le territoire de Bel- mina qu'un decret de Philippe, fils d'Amyntas, leur avail attribue, fait transporter une partie des citoyens en Achaie, tandis que trois mille autres sont vendus a I'encan. La revanche etait complete. Philopoemen avait fait oublier a sa patrie Cleomene ; Megalopolis profitait surtout de cet affaiblissement de Lacedemone ; elle y ga- gnait un agrandissement de territoire, et I'argent des vaincus lui servait a rebatir ses portiques et ses murs. Mais etaient-ce la les seules considerations qui avaient pousse Philopoemen? Ne faut-il voir dans sa conduite qu'un effet de la haine du Megalopolitain contre Sparte ? II y aurait injustice a rabaisser a ce point la hauteur de ses sentiments. L'interet general de la ligue ne se separait pas dans sa politique de l'interet particulier de son pays. II fallait briser toutes les resistances et unir dans la meme confederation toutes les forces du Peloponese; il fallait abattre sans retour cette ville re- fractaire qui n'avait conserve de son ancienne grandeur qu'un vif sentiment de nationalite fatal au reste de la Grece (189). (Pol., XXI, 17.) Tous ses efforts tendaient a resserrer les liens de la confederation. C'est dans le meme but qu'il fit declarer par une loi que I'assemblee, au lieu de se tenir exclusivement a jEgium , serait convoquee suc- cessivement, et a tour de role, dans toutes les villes ach^enies ; mesure excellente, rdclamee depuis longtemps par ces cites, qui ne pouvaient reconnaitre pour leur centre une petite ville sans passe et sans gloire ! Peut-etre aussi etait-ce par un legitime orgueil pour sa patrie, pour Megalopolis, dont la preponderance est incontestable dans toute cette periode. Cette preponderance ne tenait pas seule- ment a Philopoemen. Aristcenus, Diophane, Lycortas, Poly be, tous les hommes influents de cette ^poque, etaient M^galopolitains. C'^- — 263 — tait encore Megalopolis qui fournissait les soldats les plus intr^pides et les plus endiircis. Ses chalcaspides et ses cavaliers etaient re- nommes chez les Acheens. Pendant que les anciennes cites languis- saient, toute la vie de la Grece semblait se concentrer dans « la plus r6cente de ses villes. » (T.-Liv., XXXVIII, 30.) Grace a Megalopolis, grace a Philopoemen, la ligue reprit alors un eclat passager ; ce qui le prouve, ce sont les ambassades et les pre- sents envoyes par les rois d'Orient. Ptolemee fit don aux Acheens de 200 talents et de 6,000 armes d'airain. Seleucus p'romit 10 vais- seaux longs, Eumene 120 talents, destines a nourrir tous ceux qui serendaient a I'assemblee generale. On refusa cesoffres interessees; mais Lycortas fut depute aupres du roi d'Egypte pour renouveler I'ancienne alliance, et Diophane partit a la tete d'un corps d'Arca- diens pour secourir Attale. Cette independance et cette activite blessaient profondement le senat. II avait regu de Lacedemone et de rAchaie deux ambassades chargees I'une d'accuser, I'autre de justifier la conduite de Philo- poemen. 11 envoya a son tour Q. CoeciHus dans le Peloponese. A peine fut-il arrive qu'Aristoenus, alors stratege, convoqua le conseil permanent a Argos, Q. Coecilius exposa les plaintes du senat, sur- tout au sujet du traitement inflige aux Lacedemoniens. Le stratege garda le silence ; Diophane, plus explicite, reconnut qu'on avait ma! agi non-seulement a I'egard de Sparte, mais meme a I'egard de Mes- sene. Apres les reponses de Lycortas et de Philopoemen, Coecilius demanda la convocation de I'assemblee generale de la ligue ; mais deja on commencait a suspecter la politique des partisans de Rome. On attribuait la presence de M. Fulvius et I'ambassade de Quintus a I'opposition qu'ils faisaient aux projets de Philopoemen; c'etait grace a eux que les Remains trouvaient en Achaie un point d'appui. Ces pensees etaient celles de la majorite des demiurges. Aussi refu- serent-ils de se rendre aux desirs de Coecilius, s'appuyant d'ailleurs sur la loi qui ne perraettait de convoquer I'assemblee generale que pour decider de la paix et de la guerre ou pour entendre la lecture deslettres du senat. (Pol., XXIII, 10.) Philopoemen conseillait de resistor aux Remains, mais non de les provoquer. Une ambassade partit aussitot afin d'expliquer la con- duite du conseil. Le senat choisit cette fois, pour obtenir satisfac- tion, un homme plus energique : Appius Claudius, comme pour mieux manifester ses intentions, se fit accompagner en Achaie de deux exiles lacedemoniens, que Philopoemen avait autrefois ramenes dans leur pays (185). — 264 — Lycorlas convoqua les Acheens a Clitor. Le premier acle de I'as- semblee ful de condamiier a inort les deux exiles. Bienlot Appius Claudius aniva. Le slralege prit la parole ; il conimeiiQa par rap- peler la liberie proclamee aux jeux isthmiques par Flamininus el ter- niina en disant que si Rome, eu Italie, frappait de la hache les se- naleurs cainpaniens, la ligue aclieemie pouvait, dans le Peloponese, revendiquer un droit semblable contre les Iraitres. G'etaient la de nobles paroles; mais la force etait du cote des Romains. Lycortas I'avouait lui-meme : » Nous vous respectons, avait-il dit dans son discours, ot si vous le voulez merae, nous vous craignons. » L'as- semblee intimidee ceda. Le but que se proposail Philopoemen elait bien difficile a atteindre. 11 ne se le dissiniula pas, et c'est peut-etre un des plus nobles traits de son caractcre que d'avoir entrepris, avec tant de dt§vouement, ce qu'il savait devoir echouer. « Conime 231, et Archives de Turin, id., f° 230, \o. (2) Bibliolh. de rUniversit^, roy. de Genes, Liber Jurium, 1. 1, f» 75. (3) Archives de Turin, Lib. Jur. , f" 234. Geneva, Materie polili- che, etc., Mazzo, 5. — Notices et extr. des manuscrits. T.XI, p. 97 et suiv. (4) Caffaro, Ann. g^noises, liv. X, col. 596 du t. VI des Rer. ital. scr. de Muratori. — 271 — Sous le regne de ce prince, qui ne fut qu'une longue suite de guerres intestines el etrangeres, le commerce de Genes avec I'Ar- menie se fit avec moins d'activite; et cependant, les Genois qui, a cette epoque, etaient tout puissants sur mer, pouvaient facilement avoir le monopole du commerce. Nous savons, par le temoignage d'un historien arraenien, le prince Hethum de Gorighos, plus connu sous le nom de moine Aython (1), qu'en 1293, douze galeres ge- noises combattirent, devant Lajazzo (Aias), contre trente-deux ga- leres et tarich venitiennes, et leur prirent vingt-quatre navires. Vers le commencement du quatorzieme siecle, le commerce des Venitiens et des Pisans prit un tres-grand developpement en Ar- menie ; et c'est aussi, a dater de cette epoque, que les documents se taisent sur les rapports de la republique de Genes avec le royaume d'Armenie. Cependant, B. Pegolotti, auteur d'un traite du commerce de rOrient avec I'Occident au moyen age, affirme, dans son livre intitule : Pratica della mercatura, que de son temps, c'est-a-dire vers le milieu du quatorzieme siecle, les Genois, de meme que les autres peuples navigateurs de I'Occident, etaient exempts de droits d'entree et de sortie, en vertu des privileges qu'ils avaient obtenus des rois d'Armenie. Les Genois ayant ete le premier peuple marchand qui ait obtenu des privileges en Armenie, le nom de Genois etait donne, en ge- neral, a tous les marchands occidentaux qui venaient trafiquer avec rOrient. De nos jours encore, les habitants de I'Asie Mineure, de la Syrie, et en general, de toutes les contrees oii des vaisseaux genois portaient les trafiquants pour acheter et vendre les produits du commerce de I'Orient et de I'Occident, qualifient de djenevis-halessi (chateaux genois), toutes les constructions militaires elevees pen- dant la periode des Croisades, et les temps qui suivirent I'entier aneantissement des possessions chretiennes en Orient. Ces renseignements, bien que fort abreges, etaient n^cessaires pour faire juger de I'importance des materiaux que j'ai recueillis a Turin, et dont je vais m'occuper. Et d'abord, j'aurai I'honneur d'entretenir Votre Excellence du Liber Jurium reipublicoe januensis. Ce recueil est une copie notariee executee en 1301, a Genes, sur I'original latin qui est conserv* aux archives de TUniversite royale de cette ville. II contient tous les actes de donations, privileges, concessions, renouvellements , etc., (t) Tables chronol. d'H^lhum ; ddit. du pere Aucher (en arm^nien) , pag. 77-86. — 272 — passes entre les G^nois et les puissances, tant occidenlales qu'orien- lales ; c'est, en un mot, le cartulaire de la repiiblique genoise. L'Jm- portance de ce recueil est telle, que le gouvernement sarde en a ordonne la publication: et lors de nion passage a Turin, rimpression touchait a sa fin. Le Liber Jurium fait partie de la magnifique col- lection intitulee : Historice patriw mominienta, qui sent, a I'histoire de la Sardaigne, ce que le Recueil des hisloriens de France, des Be- nedictins, est a notre pays. J'ai parcouru, avec beaucoup de soin, tons les documents arm^- niens contenus dans le Liber Juri^im, et j'ai recueilli , soil dans les raanuscrits de ce recueil, soit dans les deux volumes deja imprimes, d'assez nombreuses variantes. Voici la serie des diplomes et privileges accordes par les rois d'Armenie aux Genois. Annees 1201. — mars. — Privilege accorde par Leon 11 a la repu- blique de Genes. 1215, — 15 mars. — Confirmation, par Leon 11, du privilege de 1201, avec addition de plusieurs articles. 1216. — fevrier. — Privilege de Raimond Rupin , accorde aux Genois en presence et sous la garantie de Leon II. 1288.— 24 decembre. — Privilegede Leon III aux Genois(texte latin). La collection sur laquelle devaient principalement porter mes re- cherches est celle que Ton conserve aux archives de Turin, et qui est connue sous le nom de Genova : Malerie poUtiche, traltati, con- cessioni, privilegi, etc. Elle forme 14 liasses ou mazzi qui n'etaient point encore classees , 11 y a quelques annees , lors du voyage de M. de Mas-Latrie, qui les a intitulees : Carte sparse. J'ai trouve dans ces liasses plusieurs documents d'une grande importance pour mes etudes. Ce sont : 1° Les copies notariees qui se trouvent dans le Liber Jurium; 2° Les documents relatifsaux contestations elevces entre des mar- chands armeniens et la republique genoise , au sujel du commerce ; 3° La charte originale de 1288, par laquelle Leon III accorde aux Genois des privileges, et arrete le tarif des droits de douane (origi- nal armenien). Je vais entrer maintenant dans le detail de quelques-unes de ces pifeces, en faisant preceder cette etude d'eclaircissements sur les causes qui faillirent araener une rupture entre les deux gouverne- ments de Genes et d'Armenie, a la fin du treizi6me si^cle. — 273 — Dans le couraiit de I'annee 1268, surgit une complicalion qui fail- lit Iroubler I'lmion el Fainilie qui regnaient entre les Armeniens eL les Genois. Voici a que! sujet : Luchelto de Grimaldi, navigateur ge- nois, ayant eu, a Goriglios, une difficulte avec le capitaine d'une galere chargee de marchandises appartenant a des trafiquants arme- niens, syriens et autres, s'empara par la force, et contrairement au droit des gens, de la galere et des marchandises qu'elle renfermait. Les marchands, ainsi depouilles, porterent plainte contre Luchelto de Grimaldi devant le tribunal du roi, qui, en raison de I'acLe d'hos- lilile qui lui etait denonce, abrogea tous les traites existanls entre I'Armenie et la republique de Genes, jusqu'a ce qu'une entiere satis- faction ait ete donnee aux marchands elablis a Gorighos. Le gouvernement genois, informe de cet evenement et ne voulant pas rouipre des relations d'une aussi grande importance pour le commerce de la republique ; sachant d'ailleurs que Venise et Pise profiteraient des avantages que cette rupture leur offrirait, s'empressa de deputer un commissaire, qui debarqua a Lajazzo muni de pleins pouvoirs pour arranger le differend et donner satisfaction aux plai- gnants. Jacques Palavicino, c'elait le nom du commissaire genois, se mil directement en rapport avec les offlciers du roi et les marchands depouilles; et, apres les avoir indemnises largement, il obtint une quittance notariee, et retablit les rapports d'amilie el de commerce qui unissaient precedemment Genes et I'Armenie. Les pieces relatives a ce proces existent, ainsi que j'ai eu I'hon- neur de le dire a Voire Excellence, dans la collection intilulee : Genova, Materie politiche, eic; on y trouve, par ordre chronolo- gique, les documents suivants, que j'y ai copies : Anndes. 1268. — 22 oclobre. — Transaction entre differents marchands, sujets du roi d'Armenie el des princes Chretiens et musulmans d'Orienl, qui renoncent, par leursman- dataires, a exercer tout recours ulterieur, en raison de la prise d'une galere a Gorighos, d'une part; et, d'aulre part, la republique de Genes, qui s'engage a payer aux reclamants 1Z|,900 livres genoises, des que les souverains respeclifs des marchands leses, auront rati fie la transaction. 1270. ■ — ?> oclobre. — Procuralion du podestat de Genes, a Jac-. ques Palavicino, pour trailer avec le roi d'Armenie, au nom de la republique, I'affaire du pillage de h galere precitee. Archiv. df.s Miss. vn. 18 - 27/, - 1271. — 6 oclobre.— Ouittance des niarchands l^s6s a Gorighos, lesquels reconnaissent avoir requ entiere satisfac- tion de Jacques Palavicino, agissant au nom dela republique de Genes. 1 271 . — 7 octobre. — Declaration de Jacques Palavicino, certi- fiant avoir entierement satisfait les marchands des pertes qu'ils avaient eprouvees. Un autre document, d'une grande importance, que j'ai vu parmi les pieces des liasses intitulees : Genova, Blalerie politiche, etc., est le diplome original par lequel Leon 111, roi d'Armenie, accorde, en 1288, un privilege aux Genois, et arrete les droits de douane pour 1 'entree et la sortie des marchandises. Cette piece, qui a ete publiee par Saint-Martin dans le tome XI des Notices et exlraits des Mss. , est redigee dans le dialecte arme- nien, en usage en Cilicie au moyen age. Elle estecrite en caracleres minuscules, sur parchemin, et se compose de Zt6 lignes ; elle est si- gnee de la main meme du roi Leon, qui, comme ses predecesseurs, souscrivait en cinabre les actes importants cmanes de sa chancel- lerie, a I'exemple des empereurs de Constantinople. J'ai decalque cette piece, qui est fort curieuse, non-seulement au point de vue philologique et historique, mais encore sous le rapport paleogra- phique, attendu que c'est le seul diplome original qui nous soit par- venu de cette epoque. Tels sont. Monsieur le Ministre, les principaux documents, inedits en grande partie, que m'ont fournis les archives de Turin. J'aurais voulu visiter aussi celles de Genes, mais j'en ai el6 dissuade par le « savant directeur de VArchivio reale, qui m'a assure que les Archives de la Banque de Saint-Georges, a Genes, si precieuses pour I'hisloire des relations commerciales et politiques de la republique avec les Etats d'Orient et d'Occident, au moyen age, c'taient dans un com- plet desordre, et que prochainement on s'occuperait de leur clas- sement. Outre les archives de la cour, a Turin, ou se sont surtout portees mes investigations, j'ai recherche dans labibliotheque du roi s'il n'y aurait point quelqiies manuscrits, chartes ou pieces detachees qui pussent offrir quelqu'interet quant a I'objet de ma mission. La Bibliotht'que du roi se (rouve, comme VArdiivio, dans les depen- dances du palais, sur la piazza Castello ; elle se compose de 65,000 volumes tant iniprimes que manuscrits ; le cabinet des medailles en fait partie. — 275 — La Bibliolheque du roi est rangee et classee avec un soin parfait. Son illustre fondateur, le roi Charles-Albert, en a donne la direction a un savant donl le Pieinont est lier a juste titre, le chevalier Dome- nico Promis, membre de I'Academie royale des sciences, collabora- teur et ami de M. le conimandeur Cibrario, dont la reputation, comme savant et comme homme d'Etat, est europeenne. MM. Cibra- rio et Promis sont les "auleurs de la Nuniismatique de la maison de Savoie, et du niagnifique ouvrage qui a pour titre : Sccaiix des prin- ces et princesses de la maison de Savoie-Carignan. Le cabinet des medailles du roi est surlout riche en monuments numismatiques, appartenant a I'histoire de la Savoie et du Piemont. Les pieces itahennes y abondent, ainsi que les monnaies des Groi- sades, parmi lesquelles on remarque plusieurs pieces rares et ine- dites que M. Promis se propose de publicr prochainemenl. Parmi les manuscrits de la Bibliolheque royale, j'ai remarque beaucoup d'ouvrages turcs, arabes et persaus, provenant de la col- lection formee a Constantinople par M. le baron Tecco, aujourd'hui ministre de Sardaigne en Espagne, et qui a sejourne longtemps en Turquie avec le titre d'envoye extraordinaire. Mais le manuscrit qui a le plus particulierement fixe mon attention, est un ouvrage moderne, in-folio, sur papier, compose a la fin du dernier siecle par un religieux, le Pere Semino Nicolita. 11 a pour titre : Memorie sopra il commercio de Genovesi negli scalie maritlimi e terre del Levante^ dal secolo X fra al secolo XV ; compilale per ordine del direttorio eseculivo della Ligure republica nel scptembre 1798 , 2° della Ligure republica. Ce manuscrit, comme Votre Excellence peut s'en faire une idee par la lecture du titre, est du plus haut interet pour I'his- toire du commerce des Genois avec I'Orient, pendant les cinq siecles qui precedent, comprennent et suivent les expeditions des Groises en Orient ; aussi tous les auteurs modernes qui ont ecrit sur le com- merce de ritalie avec les Etats de I'Asie se sont-ils inspires des re- cherches du Pere Semino Nicolita, qui avait entre les mains les documents conserves dans les archives de Genes, et dont beaucoup sont aujourd'hui, sinon perdus, du inoins egares pour longtemps peut-elre. Le manuscrit donl il s'agit m'a ete tres-utile pour mes etudes, et j'en ai fait de nombreux exlraits qui entreront dans I'in- troduction du Carlulaire d'Armenie. L'exploration des principaux depots litteraires de Turin terniinee, la tache qu'a bien voulu me confier Votre Excellence se trouvait reraplie ; mais la curiosite, qui toujours excite I'explorateur a courir apres I'incoHnu, m'a fait decouvrir, dans une visile a VAnneria reale — 276 — lie Turin, 1 iin des nioniiments les plus curieux el les plus inipor- tants conserves dans eel elablisseinenl. \otre FAcellence sail deja que VArmeria reale est nn des musoes d'arliilerie les plus riches qui existent en Europe, tant a cause da gofiL qui a preside au classenienl des arnies rares qui s'y trouvenl, qu'en raison de la niagnilique galerie qui les renferme. Ce musee est silue, comrae les archives et la bibliotheque, dans les dependances du palais du roi ; il a ele lout recemnient remanie par les soins et sous la direction d'un des hounnes de guerre les plus c^lebres comme les plus honores du Piemont, le major general Actis, aide de camp de S. M. le roi Victor-Emmanuel. Parmi les objets digues d'un veritable interelqui y sonl conserves, je citerai a Voire Excellence une selle qui a servi a Charles-Quint ; les amies des princes de la maison de Savoie-Carignan , au milieu desquelles on ne peut voir sans emotion I'epee que Charles-Albert porlait dans ses campagnes d'llalie ; ceile que Napoleon avail a la main a la balaille de Marengo ; des armes ayant appartenu a Tippo- Saib ; une aigle romaine ; un bouclier el un poignard altribues a Ben- venulo Cellini; enfin les drapcaux que les villes d'ltalie offrirenl a Charles-Albert en 18Zi9, etc. Mais c'est surtoul la collection d'armes orientales, indiennes, tur- ques, arabes et persanes, qui merite un examen approfondi ; et c'est dans cette riche et belle collection que j'ai remarciue une lame qui me parait devoir fixer raltention de Voire Excellence. L'arme dont il s'agit est un sabre arabe du genre de ceux connus en Europe sous le nom de damas , et que Ton voil figurer communement dans les trophees d'armes orientales. La poignee el le fourreau onl disparu, sans douie en raison de la richesse de leurornementation. 11 ne reste plus de cette arme que la lame, qui fut apportee de Constantinople par le baron Tecco qui I'acquit, avec I'elendard de Mahomet II, d'un marchand qui etait parvenuh se faire ceder, par un gardien du tur- beh du conquerant de Byzance, et moyennant un batschich, quel- ques-uns des objets conserves dans cette chapelle funebre (1). Ce sabre porte, sur I'un des coles, une ornementalion entiere- ment byzanline , deux cierges surmonlds d'un medallion represen- tent la Vierge et I'enfanl Jesus nimbes, vus de face et a mi-corps, exactement dans le meme style que sur les monuments religieux byzantins ol sur les medailles des derniers empereurs grecs de Constantinople. Un peu au-dessous, on remarque deux anges soule- (1) Cf. nevue .4rc/ifo/ogtq'ue,XIV«ann(5e, page 292; 1857. Tlanclie 312. — 277 — naiil une coiironne, et trois riibis, enchasses avec art, dans I'acier (ie Tarnie. Sur le cot^ oppose de la lame, on lit une inscription grecque monostiqiie, precedee d'une croix, dont voici le texte avec la traduction : +crBACIAEYAHTTHTE'AOrE0EOVnANTANA2 — TilHrEMONI K AiniSTiiAYeENTIKiiNnANTINii. 2u PaaiXeu dvixTyixE Xoye Seou TtavTotva;, [jioviSei] xw -/jYEfjiovi xal ziffxw auOevxT) Kwvaxavxi'vto. (( 0 toi, roi invincible et Verbe de Dieu, niaitre de tonte chose, 11 [sois secourable] au chef et fidele autocrate Constantin. » Bien que cette arme portat une legende grecque et fut ornee d'emblemes Chretiens, elle n'avait point encore recu sa veritable attribution. Le nom de Constantin qui termine I'inscription, la figure de la Vierge, la couronne portee par deux anges, et la provenance meme de I'arme qui, ainsi que j'ai eu I'honneur de le dire a Voire Excellence, etait conservee dans le tombeau de Mahomet II, ne m'ont pas permis un seul instant de douter que le sabre que je viens de decrire, n'ait appartenu au dernier empereur de Constanti- nople, Constantin XIV, Dracoses, qui tomba mort sur la breche, en defendant sa capitale assiegee et prise par les Turks Ottomans, en U53. La legende grecque n'offre pas de difficultes a la lecture : c'est une invocation au Christ, dont le nom est sons-entendu, ainsi que le mot poTi'Ost qu'il faut restituer et qui sert a completer la pensee de I'auteur. Quelques personnes ont objecte que le mot auOsvTV); n'a- vait point ete pris ici avec le sens qui lui convient, et que auOevxr) n'etait point nn dalif, mais bien I'imperatif d'aiiOsvxe'o) qui voudrait dire ici prote'ger, garanlir, etc. 11 suffit de repondre a cette objec- tion que le mot au6e'vxy)?, avec le sens que nous lui avons donne, est justement le titre que Constantin XIV portait pendant son regno, et Chalcondyle et Michel Ducas, qui n'en emploienl jamais d'autre en parlant de ce prince, disent que Constantin ne fiit jamais sacre em- pereur, et qu'il n'avait d'autre titre ([ue celui d'aCiOlvxy);, mot qui est passe dans la langue turque sous la forme Efendy, avec la significa- tion de Seigneur. Tel est. Monsieur le Ministre, le resultat succinct des recherches quo j'ai faites tant aux archives g«3nerales de Turin qu'a la biblio- — 278 — Uieque (111 roi et a I'Armeria. Si j'ai pu romplir nia mission avec qiiel- que siicces, il est juste de dire que I'honneur n'en revient poiiiL amoi seul, el que j'ai du aux puissantes recominandalions de Votre Excellence el de M. le comte Walewski, d'etre parfailement accueilli et seconde par les personnes avec lesquelles j'ai ele mis en relation durant mon sejour a Turin, Rappeler lesnoms de MM. Cibrario, Castelli, D. Promis, Barucchi, I'abbe Baruffi, le major general Aclis, c'est assez dire a Voire Ex- cellence de combien de lumieres j'etais enloure. Qu'il me soil per- mis. Monsieur le Ministre, de remercier ici ces savants pour le con- cours empresse qu'ils m'ont prele, et de temoigner toute ma recon- naissance a M. le due de Gramonl, alors niinisire a Turin, a M. le comte de Soiiza, charge d'affaires d'Espagiie, etaux autres membres du corps diplomatique, pour les temoignages de bienveillance qu'ils ont l)ien voulu me donner. Je termine en priant Votre Excellence de vouloir bien faire inse- rer le Rapport que je viens d'avoir I'honneur de Lui soumettre dans la Ikimc (les Societes savanles publiee par son departement ; je La prie aussi d'agreer tons mes remerciments pour I'honneur qu'Elle m'a fait en me contiant unc mission scienlifique en Sardaigne. Je suis, avec respect, De Voire Excellence, Monsieur le Ministre, Le tres-hunible et tres-devoue servileur, VicTon Langlois. Paris, 20 juillel I8"i7, — 279 — flAPPORT lu d V Acadeinte des inscriplions el belles-lettres, dans hi seance jmblique dti 7 aont 1857, «« /lotn de la coiii/nission chargec- d'examiner les travaux enuoyes par les membres de VEcole fran- ^ttise d'Athenes, par M. GiiigniauL (1). Messieurs, Le rapport que je viens lire ici publiquement devant vous, et qui, depuis sept annees deja, suffit a remulation comme a la recompense des travaux des membres del'Ecole frangaise d'Athenes, ne sera que Je complement et en parlie la justification de celui que j'eus I'hon- neur de vousfaire I'an dernier. La commission, en vous rendant par inon organe un compte delaille des savarites recherches de M. Lebar- bier dans les bibliolheques de I'Orient, n'avait pu vous entretenir que d'une maniere tout a fait sommaire des Memoires de MM. Bou- lan, Delacoulonche et Heuzey, remis alors, depuis quelques jours seulement, dans nos mains. Elle s'en etait forme toutefois, sur une premiere impression, une opinion diversement favorable, qu'elle se hasarda a vous comniuniquer, mais en se reservant de la verifier plus tard et de I'etablir par un examen plus approfondi. Ce sent les resultats de cet examen, ce sont les motifs reflechis et developpes de cette opinion que je dois vous presenter aujourd'hui, comme la base necessairedu jugement que leGouvernement attend de vous, chaque annee, sur les travaux, sur les progres de ces jeunes adeptes des hautes etudes classiques qu'il envoie se perfectionner et murir sous I'intluence toujours feconde du sol de la Grece, sous son ciel eternel- lement privilegie et dans la familiarite intime et presente de ses grands souvenirs. C'est dans les derniers mois de 1855 et dans le cours de 1856 que MM. Boutan, Delacoulonche et Heuzey, les deux premiers dans leur troisieme annee d'etudes, I'autre dans sa seconde annee, ont execute les explorations et redige les Memoires soumis a notre appreciation. L'Academie sait deja par quelles raisons, dues aux circonstances de la guerre d'Orient, M. Boutan, qui, en 1855, nous avail envoye une bonne description de I'ile de Lesbos, qui s'etaii propose depuis de visiter en Asie Mineure la region de I'Olympe de Bithynie, question digne d'un travail de troisieme annee, s'est vu, jusqu'a'un certain (\) La commission etait composdc de MM. Ilase, prusidenl; Guigniaut, secretaire; U. Wallon, Brunei de Preslo. E. Egger, uvcc la cooperation rincipaux, les theatres, les temples, les plus beaux edifices publics et prives sonl encore sous la lerre. Voici sur quelles raisons je fonde cette opi- nion : 1° La fameuse inscription trajane, trouv^e sur I'emplacement de la basilique de Veleia, est ddja un temoignage en faveur de I'impor- lance de cette cite : 51 proprietaires hypolhequent leurs terres a I'empereur ; un grand nombre de ces fonds sont situes dans le terri- toire dePlaisance, et cependant c'est a Velt§ia qiie le contrat a el6 passe, et que le tilre est reste expose. II nous apprend que 300 en- fants pauvres etaient nourris avec I'interet de la somme pretee \ ar Trajan; or, ce nombre de 300 est tres-considerable, si nous nous rappelonsque I'Etat n'avait pas a secourir les esclaves qui etaient entretenus par leurs maitres et etaient hors de la cite. II s'agit done seulement ici des enfants pauvres de condition libre. Nous ferions un faux rapprochement si nous mettions en comparaison de ce chiffre celui des necessiteux de nos cites modernes pour etablir une proportion entre le nombre des pauvres et I'importance d'une ville aux deux epoques. II faut ajouter qu'il n'est pas probable qu'il n'y eut a Veleia d'autres pauvres que ces 300 enfants secourus par la munificence imperiale ; nous voyons, par les inscriptions, que, dans ia pliipart des cites de I'ltalie, les riches particuliers faisaient des largesses et meme des fondations perpetuelles en faveur des pau- vres de leur municipe. II en etait, sans aucun doute, de meme a Veleia. Nous ne voyons done figurer dans le contrat imperial qu'une partie plus ou moins considerable des pauvres du numicipe. Or, une ville romaine qui a plus de 300 enfants pauvres, c'est-a-dire plus de 150 families pauvres de condition libre, ne pent avoir et^ d'une importance secondaire. 2" L'inscriplion trajane n'est pas la seule qui rappelle des enga- gements hypothecaires parmi celles qui out ete trouvees a Veleia — 316 — II exible plus du 1 j frogmeiils de tables de bronze, tons d'epaisseurs differentes, appaitenaiiL, par consequent, a des monuments divers. La plupart de ces fragments paraissent, d'apres la forme des carac- leres, etre a peu pres du meme temps. Les formules qu'on y re- uiarque, analogues a celles de la Table alimentaire, - pennetteni d'affirmer qu'il y avait a Veleia un grand nombre d'obligations hy- pothecaires. Peut-etre netait-cc, il est vrai, que des engagements prives et n'ayant aucun lapport avec I'assislance publique ; mais ils ne temoignent pas moins, par le developpement considerable de I'usage des hypotheques, du nombre des proprietaires de celte cite. 3" Le torrent Hiolo, qui est a Touesl, est evidemment d'une for-- mation posterieure ii la catastrophe qui a enseveli Veleia. La sur- face du sol ayant change, I'eau torrentielle s'est creuse une pente nouvelle. Ce qui prouve dailleurs que ce torrent n'indique point la limite de Veleia de ce cote, c'est que I'ancien plan de Costa atleste que les fouilles faites au dela du Riolo, a I'ouesl, ont mis au jour plusieurs monuments, reconverts aujourd'luii, parce que ces terres ont ete rendues a la culture et ne se trouvent pas dans le domaine acquis par I'Elat, AnLolini avait deja fait cettc remarque sur le Hiolo, et M. Lopez I'admet comme tres-lbndee. [x° Le foru7n n'atteindrait pas, j'en conviens, des dimensions pro- portionnees a I'extension que je suppose a la villc de Veleia ; mais ce n'etait probablcmeiit pas le grand forimt central, el il pourrait elre assimile, comme importance, au foium trianguiaire de Pompei. Pourquoi vouloir que, dans une ville romaine, il n'y ait pas eu, comme dans nos villes modernes, plusieurs places publiquesV L'exemple de Pompei n'esl-il pas concluant? Mais a quel signe dis- linguera-t-on le fonun principal des places secondaii'es ? — Je re- pondrai : a un signe certain ; au caractere rehgieux des edifices qui I'entourent. II est sans cxemple que le forum central d'une ville ro- maine n'ait pas de temples on n"en ail qu'un seul ; or, de tous les monuments qui entourent le forum de Veleia, il n'y en a qu'un qui ait pu servir de temple, et encore ses dimensions sont-elles tres- restreintes (10'", 50 de profondeur, sur 8"',/i5 de facade). 11 est re- marquable que sur le forum trianguiaire de Pompei il n'existe ega- lement qu'un seul temple : celui de Neptune. Mais sm" le forum central, il y en a quatre : ceux de Venus, de Jupiter, de Mercure et d'Auguste. Deux d'entre eux avaient des proportions considerables. On y voit, de plus, la curie, redifice d'Eumachia, etc. llien de sem- blable sur Ic petit /ovhw de Veleia : d'un cote, des boutiques, et dts trois autres, de petits monuments qui out du servir au\ offices pu- Ml — blics. L'lin d'eiix d(jit. nous frapper par ses pioporlioiis : c'cst lu hasiliqiie qui depasse de beaucoup en elendiie Vaera du funim hii- nieme ; car, en comprenant seuleinent le vestibule de Test on ilwlcidique, elle mesnre /il™ siir 12™, 70. Les slaUies des decurions el celles de la famille des premiers Cesars ont ete trouvees dans cetle basiliqiie. C'est la qn'etait exposee la Table aliinenlairc, el, tres-probablemenl, la Lex Rubria qni a ele troavee, a Ires-pen de distance, snr Xavfci du forum. Comment se fait-il que cette basi- liqiie soil plus grande que celle de Pompei, et se trouve si peu en harmonie avec les proportions restreintes de la place pnblique? — (}u'etait-ce ensuite que ces deux grandes tables de marbre avec ez-la dans tous les creux, puis avec les doigts petrissez forlement vos contours. Quand ce travail preparatoire est fini , faites sur toute la surface de votre bas-relief une vigoureuse aspersion d'eau, evitant toutefois d'en inlroduire par le baut entre le marbre et la pate, ce qui !a ferait se detacher, puis prenez de la colle de farine tres-cuite delayee avec de I'eau saturee d'alun, melez-y un peu deblanc d'E^agne, el, avec une large queue de morue enduisez tout votre bas-relief de ce mas- tic, appliquez ensuite par-dessus une couche generale d'une feuille de papier bulle, et avec la brosse dure tamponnez fortement le bas- relief. Celte seconde operation terminee, couvrez votre bas-relief d'un enduit de gelatine de pieds de mouton, de gazelle, de cbevreau ou de celle de Givel commune tres-cbaude. Cette gelatine est facile a faire, meme dans les deserts, puisque ces animaux sont la seule nourriture des voyageurs. Puis vous appliquez une nouvelle couche de papier bulle, vous tamponnez en ayant bien soin de ne laisser a^icune parlie du bas-relief a nu, vous collez ensuite les bords de votre enduit sui" la pierre ou le marbre avec de la colle de pate, afin que si une partie sechaitavant I'autre, le vent ne detachat pas le bon creux, et I'operalion sera terminee. — 337 - 2* OPERATION. Travail pour mettrc les creux a Vabri de Vhumiditd. Lorsque les monies sont bien sees, on les ddtache avec precaution ; s'il y a encore de riiumidite dans les epaisseurs, on les met secher a I'ombre, puis on fait fondre du suif de moulon ou de chameau, ou, a defaut, on prend de riiuile de sesame (kongit, raau kongit, iack, iack-kongit, zeitoun-kongit) , que j'ai trouvee dans toute la Perse, la Russie asiatique, les Indes, rArabie,la Turquie et I'Egypte; on enduit legerement les nioules avec ces matieres et on les expose ensuite a un soleil ardent, qui fait penetrer les corps gras dans les bons creux et les met ensuite a I'abri de la pluie, de la neige et de Thumidite. 3* OPh^RATION. Ponr rendre les plus grands bas-reliefs transportables. II est bon de n'avoir en voyage que des caisses qui n'excedent pas 5 pieds de longueur sur une largeur de 60 a 66 centimetres, et une epaisseur de 60. L'unique qui m'a servi a transporter tant de bas- reliefs du fond de I'Asie n'avait pas meme cette dimension. Pour les grandes inscriptions de Persepolis, je les scindai par bandes de la largeur de ma caisse,ayant soin de couper avec de forts ciseaux dans une des raies interlineaires , toutefois apres les avoir numerotees et mis des points de repere. Quand on veut couler en platre, on les rapproche et cela forme une couture, a peine sensible, qu'il est tres-aise de faire disparaitre en passant le doigt dessus apres le moulage. Pour les grands bas-reliefs ou les figures colossales, on precede de meme, en agissantavec intelligence ; il est touj ours facile ou de pla- cer la couture dans les plis ou sur le fond, les parties diverses du bon creux se rapprochant au moulage avec la plus grande facilite. h" OPERATION. Cnissoti du bon creux. Une operation de la plus haute importance est celie de ia cuisson du moule, en ce qu'elle pent entrainer la perle de bons creux fort Archiv. des Miss. vii. 22 — 338 - pr^cieux. Les voyageurs n'auronl pas besoin de I'essayer en route, puisque c'esl seulement a Paris qu'on devra couler en platre. Quoi qu'il en soil, voici la description de I'operation qui donne aux bons creux si legers une grande force, et qui m'a perniis de lirer de nom- breuses epreuves dans mes moules, ce qui semblait inexplicable meme aux plus habiles praticiens. Je place mes bons creux en face d'une chemince dans laquelle brule un feu tres-vif ; puis, quand le moule est brCilant, je I'enduis a I'interieur d'une mixtion composee d'huile de lin cuite avec de la litharge, de la cire jaune et de I'essence de terebenthine,apres quoi je place les creux dans un four chauffe a 80 ou 100 degres oi!i ils reslent une demi-heure; apres cette operation, quand on veut mou- ler, on n'a plus qu'a les enduire legerement d'huile de lin et a jeter son platre dedans. Tel est, Monsieur le Ministre, le precede si complet et si simple qui m'a permis de rapporter le premier en Europe des monuments si precieux; avec ce precede, on pourra rendre aux arts et aux sciences des services incalculables. Grace a lui, plus n'est besoin de porter du platre dans le fond des deserts ou d'envoyer des bailments de I'Etat dans des stations lointaines ; les choses reputees impossi- bles a fairc jusqu'alors deviennent I'A B C des moins intelligents, et Persepolis tout entier, qui aurait seul coute a mouler des millions et des difficuUes a peu pres insurmontables , n'occasionnera desormais qu'une depense assez minime. J'ai I'honneur d'etre, Monsieur le Ministre, avec un profond res- pect, voire tres-humble et tres-obeissant serviteur. Signe Lottin de Laval. A Mo)weur de Parieu , Ministre dc Vinstrnclion pitbJique et den cuUes. Paris, 21 novembrc 1849. Monsieur le Ministre, Depuis que j'ai c^de a I'Etat mes collections et mon precede, ces- sion que j'ai faite entre les mains de votre predecesseur, j'ai invente un nouveau perfectionnemenl de la plus haute importance; je croi- - 339 — rais agir avec deloyaut^ en le gardant pour iiioi seul, el je m'em- presse dele porter a voire connaissance, Vendredi, 16 novembre, j'ai fail un bon creux sur un bas-relief golhique de pelite dimension, il est vrai, et d'un centimetre de relief; je I'ai fait avec de la courenue bulle toute seule, simplifiant le moulage de plus en plus; j'ai confec- lionne ce moule avec quatre epaisseurs de pate, au lieu de six ou de huit, puis je I'ai soumis a la cuisson ordinaire. Celle operation ter- minee, j'ai enduit le dessous du moule avec la mixtion composee de cire jaune, d'huile de lin, etc., etc., et j'ai soumis ce dessous a la cuisson, comme je I'avais fait precedemmenl pour I'intericur; et, apres la dessiccation, je I'ai plonge dans I'eau, ou il a sejourne vingt heures. L'epreuve a ete decisive; apres I'avoir fait secher au soleil, j'ai pu en livrer une epreuve en platre aussi parfaite que si le moule n'eut pas subi celle longue el dangereuse submersion. Je cherchais cetle chose depuis longtemps, et je suis bien heureux de I'avoir trouvee, car, desormais, on n'aura plus a redouter les coups de mer pour nos monies si legers el I'humidile, el meme souvent I'eau qui se trouve dans la cale du navire, el qui aurait pu exercer une action falale sur le papier bulle avec I'adjonction de la pate de papier. J'ai I'honneur d'etre, avec le respect leplus profond. Monsieur le Ministre, votre tr^s-humble et tres-obeissant serviteur, Signe Lottin de Laval. Remeigncmenls siipplementaires. Pour la colle de p^te : Par litre de farine, alun de roche, 1/2 hectogramme; Pour I'huile composee, deslin^e a preparer la cuisson des monies et leur imperm^abilite : Par kilogramme, huile grasse de bonne qualite ; 3 onces, cire jaune; 2 onces, essence de terebenthine. Faire fondre la cire jaune dans une petite quantite d'huile grasse, el y ajouler I'essence de terebenthine pour clarifier le liniment, puis verser dessus le resle du kilogramme d'huile grasse qu'on emploiera de preference a chaud. — 3/(0 — Moulage (Tune inscription de l/7i de centimetre de creux d 1 centimetre Ijlx. Proeedes jterfectionnes. Etendez sur la surface de la pierre du papier mouille, colle lege- rement, counu sous le nom de carre bulle, couronne bulle ou gris bulle. Frappez forlement avec une brosse de saiiglier les trois pre- mieres couches, puis etendez de la colle de farine, recouvrez le tout d'une nouvelle couche de papier, et laissez secher. Pour la caisson et rimpermeabilite , voir la description du pro- cede. Moulage des figures d'un relief de 1 centimHre ES MISSfONS/ Missions accordees pendant le secnnd semestre de 1857. MM. Delatre (Louis). — Mission en Egypte pour y coatinuer ses ^tudea, d'archeologie et de philologie compar<5e. (Arrets du 29 juillet 1857.) GiRAUD (Charles). — Mission pour recherches litt^raires en Espagne? I,.iJ:so ssl; :■: (Arret(5 du 29 juillet 1857.) ijARDET (Edouard). — Mission en Russie pour rechercher dans les bibliotheques de Saint-Petersbourg les documents inedits, corres- pondances, depeches, etc., qui peiivent se rattacher a I'histoire.de France. (Arrete da 5 aout 1857.) GouMY (Edouard). — Eleve de la division superieure de I'Ecole normale. PiGEONNEAU (Henri). — Eleve de la division superieure de I'Ecole normale. . _ ^ Mission en Italie pour rechercher, dans les bibliotheques de Rome et de Naples, les documents inedits qui peuvent se rattacher a notre histoire. (Arrets du 6 aout Ifi^TT) SiLVY (Camille). — Mission en Afrique pour recueillir, au moyen de la photographie, I'image des plus importants debris interessant I'an- tiquite et en meme temps les types les plus remarquables que puis- sent offrir actuellement la nature humaine et les productions ve-' getales particulieres au pays. (Arret($ du 13 aoilt 1857.) - :Mr2 - MM. Lecot (I'abbe), directeur dii seminaire de Noyon. — Mission en Allemagne et en Belgique pour rechercher, dans les bibliothcques de CCS deux pays, les documents relatifs a I'histoire de France el en particulier ceux qui se rapprtent a I'hisloire de la Picardie. (Arr6t6 du 19 aouU857.i De La Gn\ONiERE. De Montblanc (le vicomte Charles). Mission dans I'Archipel des Philippines afin de recueillir de nouveaux renseignements sur les sciences naturelles de ce pays. (Arr6tds des 19 aoiit ct 23 aoi'U 1857.) Per-\ot, correspondant a Vassy (Haute-Marne). — Mission ayant pour objet de dessiner, dans les tresors des cathedrales de France, les objets curieux au point de vue de I'art et de I'archeologie. (Arrets du 19 aout 1857.) GouiN (Edouard) , membre de diverses Societes savantes. — Mission pour recherches scientifuiues et litteraires en Orient. (Arrel(5 du 1" septembre 1857.) Daf.emberg , bibliothecaire a la Bibliotheque Mazarine. — Continua- tion de ses recherches en Allemagne et en Belgique sur les ma- nuscrits relatifs a I'histoire de la niedecine et a la lilterature du moyen age. (Arreld du ler septembre 1857.) TouRNAL, correspondant a Narbonne. — Mission en Espagne pour recueillir les estanipages des inscriptions romaines. (Arrele du 4 septembre 1857.) De Linas, membre non residant k Arras. — Hecherches et reproduc- tion de vetemenls sacerdotaux dans les egiises d'ltalie. (Arreld du 17 scplcmbrc 1857.) — 3/|3 — MM. Blancard (de Marseille). — Mission a Londres et a Vienne, 1° pour rechercher an Bristish -Museum des documents relatifs aux Tern- pliers; 1° transcrire a Vienne le texte de la table d'Amalphi, non encore publiee en France. (Arrelt^ du 7 oclobre 1857.) Makiette (Aug.), conservateur adjoint au musde du Louvre. — Mis- sion en Egypte pour continuer ses recherches et travaux sur les monuments egyptiens. (Arr6t(5 du 9 oclobre 1837.) GufniN (Victor). — Nouvelle mission en Egypte, Syrie et Palestine, pour continuer ses recherches archeologiques et litteraires, en collaboration de M. de Maupas. (Arr6td du 26 octobre 1857.) Janssen, Ucencie es sciences mathematiques. — Mission dans I'Amd- rique meridionale en collaboration de MM. Ernest et Alfred Gran- didier, a I'effet de resoudre certaines questions de physique du globe. (Arr6l<5 du 24 octobre 1857.) Gehmond de Lavigne. — Mission en Espagne pour recueillir des do- cuments relatifs au regne de Philippe IV. (Arr6l^ du 4 novembre 1857.) 3I|5 TABLE DES MATltlRES SCIVANT LORDRE DANS LEQVEL ELLES SONT PLAGEES DANS LE VOLUME. Pages . Rapport de M. Prioux, correspondant du minist^re, sur les dessins de la collection Gaignifires, k Oxford 1 Rapport de M. de Linas, membre non r^sidant du Comile de la langue, de I'histoire et des arts de la France, sur les anciens vetenients sacerdotaux et les anciennes ^toffes conservdes en France 5 Rapport de M. Delacoulonche, ancien membre de I'ficole fran?aise d'Athenes, sur I'histoire, les moeurs et les coutumes des peuples de I'ancienne Arcadie : 1 . Physionomie gdndrale de I'Arcadie 83 2. Temps primitifs et Idgendaires. — Invasion des Doriens. . . 85 3. Religion des Arcadiens. 103 4. Lutte de I'Arcadie contre Sparte 136 5. Guerres mddiques 149 6. L'Arcadie sous I'intluence de Sparte (432-404) 160 7. Idem (404-371) 170 8. Etal social et politique de I'Arcadie 179 9. Rdsultals de la bataille de Leucires pour I'Arcadie 201 10. Confederation arcadienne depuis la fondation de Megalo- polis jusqu'4 la bataille de Mantinde (371-362) 211 1 1 . Suite de la confederation arcadienne 218 12. L'Arcadie sous Philippe et sous Alexandre (360-323) 225 L'Arcadie sous les successeurs d' Alexandre (323-272) 233 13. L'Arcadie et la ligue acheenne (272-213) 238 Suite de la periode acheenne 248 14. Suite (213-183). Reduction de la Greco en provmce romaine (146) 2bS — 3/i6 — Page< Rapport de M. Victor Langlois, charg(5 d'une mission scienlifique en Sardaigne ^ 269 Rapport lu a I'Acad^mie des inscriptions et belles-lettres, dans sa Sf5ance du 7 aout 1857, au nom de la commission chargiie d'exa- mincr les travaux envoyds par les membres de I'ficole fran^aise d'Ath^nes, par M. Guigniaut 279 Rapport de M, Ernest Desjardins, professeur au lycde Bonaparte, charg(5 d'une mission scienlifique en Italic : 1" Partie. Etude sur la table alimentaire de Parme 296 Procddd de moulage de M. Lottin de Laval 334 Missions donndes pendant le 2* semcslre de 1837 341 347 TABLE ANALYTIQUE \m MATIERES. B Blancahd (de Marseille). Mission en Anglelerre el en AiUriche, 343. D Daremberg. Mission en Allemagne DELATRE(Louis). Mission en %ypte, ct en Belgique, 342. ' 341. Delacoulonche, ancien menibre de Desjardins, professeur au iycde Bo- de rficoie d'Athenes. Rapport siir naparte. Rapport sur la table ali- I'histoire de I'ancienne Arcadie, menlaire de Parme, 296. 83. E £r:oLE FRANQAiSE d'Athenes. Rap- vaux envoyes par les membres de port de M. Giiigniaut sur les tra- I'ficole en" 1857, 279. Gardet (Edouard). Mission en Rus- sie, 341. Germond de Lavigne. Mission en Espagne, 343. Giraud (Charles). Mission en Espa- gne, 341. GouiN (Edouard). Mission en Orient, 342. GouMY (Edouard) , 616vc k I'Ecole normale. Mission en Italic, 341. Grandidier (Ernest). Mission dans I'Amerique meridionale, 343. Grandidier (Alfred). Mission dans I'Amdrique meridionale, 343. GuERiN (Victor). Mission en figypte, Syrie, Palestine, 343. GuiGNiAUT. Rapport fait i FAcad^- mie dcs inscriptions et belles-let- tres, sur les travaux dc I'Ecole francaise d'Athenes en 1857, 279. 3/i8 — L La GiiioMERE (De). Mission aux Philippines, 342. Langlois (Victor). Rapport sur une mission en Sardaigne, 269. Lecot (L'abb6), directeur du s6n\i- naire de Noyon. Mission en Alle- magnc et en Belgique, 342. Linas(De), niembre non ri^sidant du Coniil(5. Rapport sur les anciens vetements sacerdolaux et les an- ciennes ^toffes conserves en Fran- ce, 5. Linas (De). Mission en Italic, 342. LoTTiN RE Laval. Proc(5d(5de mou- lage, 334. M Mariette, conservateur au Mus^e Mo^'TBLA^c (Charles De). Mission du Louvre. Mission en figypto, aux Philippines, 342. ^*^' Missions donndes pendant le 2* se- niestrcde 1857, 341. Pernot, correspondant du niinis- tere. Mission en France, 342 Pigeonneau (Henri), 61eve de I'ficole normale. Mission en Italic, 341. Pniorx, corrcspondanl du minis- tere. Happort sur les dessins de la collection Gaignidres, a Oxford, 1. Sii.vv (Camillc). Mission en Alg^rie, 341. TouRNAL, correspondant a Narbonne. Mission en Espagne, 342. i:.':^:-:^ iiiSI- , ::^(.f,,^.,f,::ry ■■.,.,. • ; l.>^■Av^/■.;■:.-.v>c>^-^.:^^.o,-^