A M mm mm ■S' Æm %> V J \ 0/\ ■WÙ/.f ARCHIVES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE ARCHIVES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE EjT GENERALE HISTOIRE NATURELLE - MORPHOLOGIE — HISTOLOGIE ÉVOLUTION DES ANIMAUX FONDÉES PAR HENRI de LACAZE-DUTHIERS PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION DE G. PRUVOT et E.-G. RACOVITZA CHARGÉ DE COURS A LA SORBONNE DOCTEUR ÈS-SCIENCES DIRECTEUR DU LABORATOIRE ARAGO SOUS-DIRECTEUR DU LABORATOIRE ARAGO QUATRIÈME SÉRIE TOME SIXIÈME PARIS LIBRAIRIE C. REINWALD SCHLEICHER FRÈRES, ÉDITEURS 61, RUE DES SAINTS-PÈRES, 61 Tous droits réservés 1907 ♦ ■V| ?| i . fîK : : \ * i j Vf % . ' . ! TABLE DES MATIERES du tome sixième de la quatrième série (655 pages, IV planches, 109 figures) Notes et Revue (4 numéros, cii pages, 29 figures) Voir la Table spéciale des matières à la page ci Fascicule 1 (Paru le 3o Janvier 1907) P. de Beauchamp. — Morphologie et variations de l’appareil rotateur dans la série des Rotifères (avec 14 fig. d. 1. texte) 1 Fascicule 2 (Paru le 25 Février 1907) R. Anthony. — Etudes et recherches sur les Edentés tardigrades et gravigrades. — I. Les coupures génériques de la famille des Bradipodidœ. — II. Les attitudes et la locomotion des Paresseux (avec 13 fig. d. 1. texte et PI. I et II) 31 Fascicule 3 (Paru le 25 Février 1907) L. Cuénot. — L’origine des nématocystes des Eolidiens (avec 1 fig. d. L texte et PI. III) .... 73 Fascicule 4 (Paru le i5 Mars 1907) L. Germain. — Essai sur la malacographie de l’Afrique équa- toriale 103 TABLE DES MATIÈRES Fascicula 5 (Paru le 2 Mai 1907) F. Houssay. — Variations expérimentales. Etudes sur six générations de Poules carnivores (avec 47 ûg. d. 1. texte) i 37 Fascicule 6 (Paru le io Mai 1907) L. Faurot. — Nouvelles recherches sur le développement du pharynx et des cloisons chez les Hexactinies (avec 2 fig. d. 1. texte et PI. IV) 333 Fascicule 7 (Paru le i5 Mai 1907) E.-G. Racovitza. — Essai sur les problèmes biospéologiques. Biospéologica 1 371 Fascicule 8 (Paru le i5 Mai 1907) R. Jeannel et E.-G. Racovitza. — Enumération des grottes visitées, 1904-1906 (lre série). Biospéologica II 489 Fascicule 9 (Paru le 20 Mai 1907) E. Simon. — Araneae, Chernetes et Opiliones (lre série). Biospéologica III (avec 3 fig. d. 1. texte) 537 Index alphabétique des matières 555 Versailles. Société Anonyme des Imprimeries Gérardin. y XXXVIe An-née . Notes et Revue, N° 1 ARCHIVES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE > FONDEES PAR HENRI de LACAZE- DUTHIERS PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION DE G. PRUVOT CHARGE DE COURS A LA SORBONNE DIRECTEUR DU LABORATOIRE ARAGO ET E.-G. RACOVITZA DOCTEUR ÈS-SClENCES/- SOUS-DIRECTEUR DU LABORATOIRE ARAGO QUATRIÈME SÉRIE Tome VI NOTES ET REVUE PARIS LIBRAIRIE C. REINWALD SCHLEICHER FRÈRES, ÉDITEURS 61, RUE DES SAINTS - PÈRES, 61 1907 { MAY on»an ‘«fôî DA TL TOME VI. — NUMÉRO 1 Travaux originaux ï, — L. Cuénot. — L’hérédité de la pigmentation chez les Souris (5e note) . p. i IL — L. Roule. — Notes ichthyologiques. Les Scorpé- nidés de la Méditerranée. p. xiv Les travaux destinés aux Archives de Zoologie expérimentale et aux Notes et Revue doivent être envoyés à l’un de§ directeurs (M. G. Pruvot, laboratoire d’Anatomie comparée à la Sorbonne, Paris-v® ; M. E.-G. Racovitza, 2, boulevard 'Saint-André, Paris-vr) ou déposés à la librairie G. Reinwald, i5, rue des Saints-Pères, Paris-vie. Les articles originaux, les notes préliminaires pour prendre date ou les mises au point des questions d’histoire naturelle, publiés dans les Notes et Revue, peuvent être rédigés en français, en anglais, en allemand, ou en italien, et sont rémunérés à raison de io centimes la ligne. Les auteurs reçoivent gratuitement, brochés sous couverture spéciale,. 5o exemplaires du tirage à part de leurs travaux. Ils peuvent, en outre, s’en procurer un nombre plus considérable, d’après le tarif suivant : 1/4 de feuille 1/2 feuille la feuille Les 50 exemplaires 5 fr. 7 fr. 50 10 fr. Couverture avec titre, en sus : 5 — 5 — 5 — auquel il faut ajouter le prix des planches, quand il y a lieu. Celui-ci varie trop pour qu’on puisse fixer un tarif d’avance. Mais à titre d’indication, on peut prendre les chiffres approximatifs suivants comme moyenne pour 5o exemplaires d’une planche simple : Planche en phototypie ou lithographie, tirage en une seule teinte. 10 fr. Planche gravée sur cuivre ou lithographie, en plusieurs couleurs. 20 fr. Les auteurs s’engagent à ne pas mettre leurs tirés à part dans le commerce. ARCHIVES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE FONDEES PAR H. de LACAZE' DUT HIERS PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION DE G. PRUYOT Chargé de Cours à la Sorbonne Directeur du Laboratoire Arago ET E. G. RACOYITZA Docteur ès sciences Sous-Directeur du Laboratoire Arago 4 e Série T. l/l. NOTES ET REVUE Z 907. 717» 7. I L’HÉRÉDITÉ DE LA PIGMENTATION CHEZ LES SOURIS (5e Note) par L. Cuénot Professeur à la Faculté des Sciences de Nancy Dans des notes antérieures (lre, 2e et 4e notes, 1902-1905), j’ai publié les résultats d’expériences faites sur différentes races de Souris, notamment la grise (type sauvage), la noire, la jaune et les albinos; j’ai montré qu’on pouvait définir chacune de ces races, au point de vue de la coloration du pelage et des yeux, par une cer- taine constitution du plasma germinatif, et j’ai désigné par des lettres les déterminants spécifiques que renferme ce dernier. L’en- semble de ces lettres, pour une race donnée, constitue la formule héréditaire de celle-ci ; la connaissance de ces formules et de la dominance relative des diverses mutations d’un même déterminant ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 4e SÉRIE. — T. VI. A II NOTES ET REVUE permet de calculer, en appliquant les règles de l’hérédité mendé- lienne, le résultat des croisements les plus compliqués. J’ai continué ces recherches par l’étude de deux nouvelles races, moins simples que les précédentes: les Souris pigmentées à yeux rouges, et les Souris brunes. Souris pigmentées à yeux rouges Paradoxe de Darbishire Darbisiiire (1905), ayant croisé des Souris de pelage fauve mais à yeux rouges, par des albinos, également à yeux rouges, obtint uni- quement des Souris à yeux noirs, généralement de pelage gris (340 petits, tous à yeux noirs): ce résultat ne laisse pas que d’être assez surprenant et même paradoxal, les Souris fauves, de même que les albinos, ayant elles-mêmes des parents à yeux rouges, depuis aussi longtemps qu’on le voudra supposer. Et cependant, les pro- duits immédiats du croisement ont les yeux parfaitement noirs. Ces hybrides, croisés entre eux, ont une progéniture très com- pliquée, comprenant d’une part des albinos, d’autre part des formes pigmentées, les unes à yeux rouges (pelage tantôt fauve yfawn ou yellow], tantôt gris perle [Mac], les autres à yeux noirs (pelage gris, noir, jaune, etc.). La proportion relative de ces trois catégories est la suivante (‘sur 555 petits).: 137 albinos 134 pigmentées à yeux rouges I 284 pigmentées à yeux noirs 24,7 0/0 24,1 0/0 | 51,2 0/0 Expériences personnelles. — Je n’ai pas l’intention, dans cetté note, de critiquer en détail le travail de Darbishire ; je me conten- terai de dire qu’il a obtenu des résultats compliqués parce qu’il s’est servi d’albinos de valeur très différente au point de vue des carac- tères latents de coloration. Pour éviter cet écueil, je suis parti d’un couple unique, comprenant un mâle fauve à yeux rouges, acheté en Angleterre, et une femelle albinos, issue d’ancêtres noirs, et dont je connaissais la formule héréditaire de par son origine et des essais antérieurs (AN). Ce couple unique m’a donné 6 petits, tous à yeux noirs et ayant le même pelage : le dos est d’un gris un peu roux, le ventre est blanc bordé de roux, ce qui est exactement la livrée du Mulot des champs [Mas sylvaticus L.). NOTES ET REVUE iii Ces 6 hybrides ont été croisés entre eux, et ont eu la descendance suivante (92 petits) : 21 albinos . . (22 fauves 25 pigmentées a yeux rouges j 3 -s pe ie , ( 36 gris à ventre blanc 46 pigmentées a yeux noirs { . F & J (10 noirs Interprétation. — J’ai cherché longtemps une explication ration- nelle du paradoxe de Darbishire, en croisant dans tous les sens les hybrides de première génération et leur descendance ; les expé- riences sont rendues assez difficiles par la santé extrêmement déli- cate des fauves et des gris perle, qui meurent souvent en bas âge, ou ne donnent qu'un nombre insignifiant de petits. Néanmoins, j’ai fini par trouver une solution très simple du problème, tout à fait d’accord avec les doctrines mendéliennes. La formule de la Souris fauve à yeux rouges, le père originel, est GG' E..., c’est-à-dire que ses particularités sont en relation avec au moins trois déterminants du plasma germinatif : C est le déter- minant commun à toutes les races pigmentées ; G' et E réagis- sent l’un sur l’autre pour donner la teinte fauve du pelage, E étant en même temps un déterminant spécial de la non-pigmentation des yeux. La formule de l’albinos utilisée comme femelle originelle, est ANM... : A est le déterminant spécial de l’albinisme, commun à tous les albinos, qui empêche N et M de s’exprimer ; N est le déter- minant du noir, quand il est en compagnie de C et de M ; M est en même temps le déterminant spécial de la pigmentation des yeux, quand il est en présence de C ; mais je répète que N et M restent ici sans effet, puisque A empêche toute pigmentation. En somme, c’est un croisement entre deux races définies chacune par trois déterminants symétriques, C s’opposant à A, G' à N et M à E. Il suffît de savoir que G est dominant sur A, G' sur N, et M sur E, et l’on a tout ce qu’il faut pour résoudre le paradoxe de Darbishire. Les petits provenant du croisement entre les deux races à yeux rouges sont donc des trihybrides, ayant la formule C (A) G' (N)M(E), les déterminants dominés étant placés entre parenthèses ; ou, pour iv NOTES ET REVUE abréger, ils sont identiques au point de vue somatique, à une forme CG'M. Les yeux sont noirs, puisqu’il y a réunion des déterminants C et M ; l’animal est gris à ventre blanc, résultat de la réaction de G' et M en présence de C. La deuxième génération, provenant du croisement des trihybrides, doit se décomposer de la façon suivante *, en appliquant les règles bien connues de la disjonction et de la dominance mendéliennes : 16 albinos (A...), soit 25 0/0 Sur 64 petits 12 formes pigmentées à yeux rouges soit 18,75 0/0 36 formes pigmentées à yeux noirs soit 56,25 0/0 9 à pelage fauve . (CG'E.Ji 3 réalisant une com- binaison nouvelle 27 gris à ventre blanc (CG'M. IB 9 noirs (CNM...0 La combinaison nouvelle (CNE), prévue par la théorie, est évidem- ment celle qui donne naissance aux Souris gris perle à yeux rouges, race qui apparaît subitement dans la progéniture des trihybrides, et qui diffère à la fois de ceux-ci et de tous leurs ancêtres connus. Calculons maintenant, d’après ce qui précède, la prévision théorique sur 92, nombre de petits que j’ai obtenu : PRÉVISION THÉORIQUE : 23 albinos 13 fauves 4 gris perle 39 gris à ventre blanc 13 noirs 17 52 RÉSULTAT RÉEL : 36 gris 21 albinos 22 fauves 3 gris perle à ventre blanc 10 noirs 25 46 Les nombres prévus dans mon hypothèse et les réels sont vrai- 1 Dans le tableau, je donne seulement le résultat global du calcul, en indiquant uni- quement les déterminants qui s'expriment dans la coloration du pelage et des yeux. NOTES ET REVUE v ment très voisins Fun de l’autre ; il y a seulement un peu trop de fauves, particularité qui se retrouve du reste dans les croisements de Darbishire, et que nous tenterons plus tard d’expliquer. Naturellement, j’ai poursuivi la démonstration dans le détail, en vérifiant les formules héréditaires attribuées aux produits du croi- sement des trihybrides. Je me bornerai à citer quelques-uns des résultats, toujours bien d’accord avec mon hypothèse : 1° Si l’on croise un fauve à yeux rouges (CG'E) bien homozygote, par un gris perle (CNE), on doit obtenir uniquement des fauves, puisque G' est dominant sur N ; c’est ce qui arrive en effet, comme l’avait déjà vu Darbishire et comme je l’ai vérifié après lui. 2° Le gris perle à yeux rouges est la forme pigmentée qui ren- ferme le plus de déterminants dominés (N et E) : en conséquence, des gris perle croisés entre eux doivent donner uniquement des gris perle et rien d’autre. C’est ce que j’ai constaté : un couple de gris perle, actuellement en observation, a produit 17 petits, tous semblables aux parents. 3° La race noire (CNM) et la race gris perle (CNE) ne diffèrent que par un unique déterminant ; le résultat de leur croisement est donc un monohybride, qui doit être noir, puisque M est dominantsur E. Ces monohybrides noirs, croisés entre eux à leur tour, doivent produire des noirs à yeux noirs et des gris perle à yeux rouges, dans la pro- portion de 3 à 1. C’est exactement ce qui se passe au point de vue des couleurs, mais je n’ai pas encore assez de portées pour vérifier la proportion numérique*. 4° La théorie fait prévoir l’existence cl’albinos renfermant le déterminant E ; ceux-ci, croisés avec des fauves ou gris perle à yeux rouge, qui renferment le même déterminant, doivent donc produire des petits à yeux rouges, et non pas noirs comme dans le croise- ment paradoxal du début. J’ai rencontré effectivement de tels albinos. Une fois convaincu du bien-fondé de L’hypothèse explicative, j’ai commencé d’autres recherchés en croisant les fauves et gris perle à yeux rouges avec des Souris grises, jaunes et brunes. Elles ne sont pas suffisamment avancées pour que je puisse en rendre compte ; je mentionnerai cependant que le groupement CC/M (pelage analogue à celui du Mus sylvaticus) est dominant sur le groupement CGM (Souris grise ordinaire, Mus musculus), mais par contre, que le groupement CJM (Souris jaune), domine aussi bien CG'M que CGM. VI NOTES ET REVUE Souris brunes Les Souris brunes ( chocolaté , brown , des Anglais) consti- tuent une race facilement reconnaissable à son pelage d’un beau brun velouté, un peu plus clair sous le ventre ; les yeux sont noirs; la queue a une teinte mixte entre le rose et le brun; les poils ne renferment que du pigment brun, à l’exclusion du noir et du jaune. Quelques auteurs, Parsons (cité dans Bateson 1903), Allen (1904) et Davenport (1904), se sont servis pour certains croisements de cette race brune ou de l’albinos correspondant, mais leurs expé- riences manquent de précision et il est impossible d’en déduire la formule de constitution germinale. Aussi ai-je dû reprendre cette étude, en partant d’un couple de Souris brunes qui m’avait été obli- geamment envoyé par M. Darbishire. Expériences personnelles. — J’ai d’abord croisé les Souris brunes entre elles, puis avec les différentes races pures que je possède, la grise (CG), la grise à ventre blanc (GG7), la noire (CN) et la jaune (CJ...). Les brunes, croisées entre elles, donnent toujours et uniquement des brunes semblables aux parents (jusqu’ici 47 petits) ; à moins, bien entendu, que ces Souris ne renferment le déterminant spécial de l’albinisme, auquel cas on obtient des brunes et des albinos. Ce résultat, d’accord avec ceux de Parsons, Allen et Davenport, permet de prévoir que le brun est une race dominée par toutes les autres, et qu’une Souris brune quelconque est forcément de race pure. En effet, quand on croise la race brune par une autre, grise, noire ou jaune, les hybrides ne sont jamais bruns : 1) Brun X Gris — Gris 2) Brun x Gris à ventre blanc = Gris à ventre blanc 3) Brun x Noir = Noir 4) Brun x Jaune (forme constamment hétérozygote) = Jaune -f- Gris ou Noir. Etudions en particulier les hybrides du croisement n° 1. Si ce sont des monohybrides, en les croisant entre eux, on obtiendra, confor- mément aux règles de la disjonction et de la dominance mendé- liennes : Hybride Gris-Brun x Hybride Gris-Brun = 3 Gris -f- 1 brun 'NOTES ET REVUE VII Or, ce n'est pas du tout ce qui se passe; ie résultat réel est beau- coup plus compliqué. Les produits du croisement appartiennent à quatre types différents : 1° et 2° Des gris et des bruns, semblables aux grands parents; résultat qui était prévu. 3° Des noirs typiques, ce qui est tout à fait inattendu. 4° Une forme nouvelle, qui correspond au cinnamom-agouti des Anglais (< golden-agouti d’ÂLLEN) ; le pelage est mixte entre le gris et le brun; sa teinte est brun jaunâtre ou gris doré, et se distingue avec la plus grande facilité de celle des grands-parents ; les poils renferment du pigment brun et du jaune, mais pas de pigment noir. Les gris sont en grande majorité; les noirs et les golden-agouti sont moins nombreux ; enfin, les bruns apparaissent assez rarement. J’ai obtenu 76 petits qui se répartissent ainsi : 41 gris, 15 noirs, 15 golden-agouti, 5 bruns. Interprétation. — Après avoir croisé de toutes les façons possibles les produits du croisement des hybrides et contrôlé ainsi les résultats rapportés par les auteurs cités plus haut, je suis arrivé à une inter- prétation tout à fait satisfaisante. On a vu que le croisement précédent donne entre autres des Souris noires, qui n’existent absolument pas dans la lignée ances- trale des parents gris et bruns. L’apparition du noir est due à un apport des déterminants parti- culiers de cette race (CN), apport dont la souche brune est forcément responsable. Les Souris brunes, comme les noires, renferment donc le groupement CN, mais puisqu’elles ne sont pas semblables, il faut donc qu’il y ait entre ces deux races un ou plusieurs déterminants différentiels, inconnus jusqu’ici. En réalité, il n’y en a qu’un : j’appellerai F (première lettre du mot foncé ) le déterminant en question tel qu’il existe chez les Souris noires et D (première lettre du mot dilué) sa mutation chez les Souris brunes. La formule des noires devient donc CNF, et celle des brunes CND. D est dominé par F, ainsi qu’il ressort des croisements entre noirs et bruns. Si nous attribuons aussi aux Souris grises (CGJ ce déterminant nouveau F, tout s’explique alors très facilement : le croisement original donne naissance à des dihybrides, les parents différant par les déterminants G-N, d’une part, F-D, d’autre part. Voici le calcul de prévision basé sur les hypothèses précédentes ; VIII NOTES ET REVUE Parents : CGF (gris) CND (brun) . CGF (gris) CND lbrun) T° génération : (Dihybrides) CGF (CND) (gris) Décomposition des gamètes : CGF, CND, CGD, CNF 2,uc génération : CGFCGF \ CGFCGD CGFCNF CGFCND ) CGDCGD ) CGDCND | CNFCNF ) CNFCND ! 9 gris 3 Souris formant une combinaison nouvelle 3 noirs CNDCND | 1 brun La combinaison nouvelle CGD correspond évidemment à la forme nouvelle (brun doré = golden-agouti), qui a apparu subitement lors du croisement des dihybrides gris, et qui diffère à la fois de ceux-ci et de tous leurs ancêtres connus. Calculons maintenant, d’après ce qui précède, la prévision théo- rique sur 76, nombre de petits que j’ai obtenu : PRÉVISION THÉORIQUE | 43 gris | 14 noirs | 14 golden-agouti | S bruns RÉSULTAT RÉEL I 41 gris | 15 noirs | 15 golden-agouti | 5 bruns L’accord entre la prévision et la réalité est tellement frappant, qu’il n’y a pas lieu de douter de l'exactitude de l’hypothèse émise plus haut. J’ai du reste effectué toutes sortes de vérifications, qui ont toujours donné les résultats que l’on peut prévoir par le manie- ment des formules héréditaires. L’étude des Souris pigmentées à yeux rouges et celle des Souris brunes nous a donc révélé l’existence de deux nouveaux déterminants de la couleur du pelage : le déterminant M présentant la mutation E, et le déterminant F présentant la mutation D. La formule complète, jusqu’à présent, d’une Souris grise, devient CGFM; celle NOTES ET REVUE IX d’une Souris noire, CNFM; celle d’une Souris brune, CNDM; celle d’une Souris fauve à yeux rouges, CG'FE; celle d’une Souris gris perle à yeux rouges, CNFE, etc. On peut se proposer la vérification suivante, que je n’ai pas encore essayée, faute de matériel disponible, mais dont j’annonce d’avance le résultat : si on croise une Souris gris perle à yeux rouges, bien homozygote, avec une Souris brune, également homozygote, on devra obtenir des Souris noires , et rien que cela : CNFE X CNDM = CNFM (CNDE) Notion des caractères-unités L’expérience a prouvé que parmi les divers caractères transmis- sibles, il en est qui sont absolument indépendants des autres carac- tères, et qui sont, au moins provisoirement, indécomposables. Ainsi, chez les Souris, la propriété de valser et la panachure sont des caractères tout à fait indépendants de la couleur du pelage; par des croisements appropriés, on peut les transférer à toutes les Souris possibles, blanches, grises, noires, jaunes, etc. Chez les Souris blanches, la panachure n’est naturellement pas visible, puisque le fond même du pelage est blanc; mais elles sont capables de transmettre le caractère à leurs descendants, exactement comme les Souris à pelage pigmenté et panaché. Les particularités indé- composables qui s’héritent ainsi, d’une façon séparée et indépen- dante, sont les caractères élémentaires ou caractères-unités ; à chacun d’eux correspond dans le plasma germinatif une substance spéciale ou déterminant , susceptible de variation ou de mutation indé- pendante. Il est de la plus haute importance de ne pas confondre le carac- tère-unité avec le caractère descriptif , tel qu’on le comprend dans une définition d’animal ou de plante ; il suffit d’un mot pour dire qu’une Souris est noire, que les pétales d’un Pavot sont rouges, ou qu’une Giroflée est poilue ; or, ces caractères descriptifs simples peuvent très bien correspondre à plusieurs caractères-unités indé- pendants, que des croisements bien dirigés permettent seuls de mettre en évidence. J’ai été, je crois, le premier à montrer que la couleur du pelage des Souris comprenait plusieurs caractères-unités; j’en connais actuellement quatre, et il est probable qu’il y en a d’autres ; Bateson, Saunders et Punnett (1905) pensent que la pilosité A* x NOTES ET REVUE des Matthiola correspond à quatre caractères-unités qu’ils désignent par des lettres (I1KCR). Par contre, il est des caractères descriptifs compliqués, compre- nant de nombreux détails, qui paraissent correspondre à un seul caractère-unité, par exemple la panachure des Souris : remplacement et la forme .des zones blanches sont réglés par des facteurs qui prennent sans doute naissance au cours de l’ontogénèse, comme une distribution de nerfs, de vaisseaux ou depannicule adipeux, de sorte qu’il est impossible d’assurer la transmission héréditaire de tel ou tel détail; ce qui se transmet, c’est simplement une certaine valeur quantitative de panachure. Je citerai encore un autre exemple bien caractéristique : on sait que la coloration grise des Souris sauvages est due à la j uxtaposition de poils colorés par divers pigments; un noir, un brun et un jaune, sans compter le blanc ou absence de pigment; il serait tout naturel de penser que chacune de ces quatre teintes a son déterminant spécial; les races de couleur simple, noire, brune, jaune ou blanche, posséderaient seulement le déterminant ad hoc , et dans la race grise seule tous les déterminants coexisteraient. Les expériences ont prouvé surabondamment que les choses sont toutes autres; il y a bien plusieurs déterminants pour la couleur du pelage, mais il y en a le même nombre dans les races unicolores et dans la race grise ; ces races diffèrent, non pas par la quantité de leurs déterminants, mais par la qualité; une couleur simple n’est pas le résultat de la prédominance d’un déterminant spécial, mais bien la résultante de la réaction mutuelle de plusieurs déterminants. Lorsqu’à un caractère descriptif correspondent plusieurs déter- minants du plasma germinatif, on ne peut naturellement déceler ceux-ci qu’autant qu’ils ont éprouvé des mutations. Supposons, par exemple, une couleur de pelage qui comprend cinq caractères- unités, CGMFU ; s’il n’y en a qu’un, le déterminant G, qui ait pré- senté une mutation A au cours des temps, lorsqu’on croisera la race CGMFU avec la race AGMFU, tout se passera comme si la colora- tion avait un unique déterminant, C-A ; il sera tout à fait impossible, et du reste parfaitement inutile au point de vue pratique, de mettre en évidence les quatre autres déterminants communs aux deux races. On ne peut donc pas dénombrer d’une façon absolue fous les caractères-unités correspondant à un caractère descriptif, mais plus l’espèce étudiée présentera de variétés différentes, plus on aura de NOTES ET REVUE xi chances que les mutations aient affecté un grand nombre de carac- tères-unités, sans qu’on soit jamais certain de les connaître tous. C’est pour n’avoir pas connu la distinction profonde à établir entre caractère descriptif et caractère-unité, que toutes les recher- ches sur l’Hérédité basées sur l’interprétation de statistiques, de quelque appareil mathématique qu’elles soient entourées, ont donné des résultats seulement approchés ou même parfaitement inexacts ; c’est pour la même raison que les expériences un peu hâtives ou manquant de rigueur, comme celle des éleveurs, fournissent des résultats incompréhensibles ou capricieux, desquels on ne peut déduire aucune règle précise. Les expériences d’hybridation n’arri- vent à être parfaitement claires que lorsqu’on a pu, par une analyse délicate, définir les caractères-unités mis en jeu. Conclusions La couleur du pelage, chez les Souris, est représentée dans le plasma germinatif par un certain nombre de déterminants (carac- tères-unités), que l’expérience permet seule de mettre en évidence et de compter ; jusqu’ici, on en connaît au moins 5, et il est très probable qu’il y en a encore d’autres. Chacun de ces déterminants peut présenter des mutations indépendantes. Ces déterminants, désignés par des lettres, sont les suivants : 1. C est un déterminant de la couleur en général ; il existe chez toutes les Souris plus ou moins pigmentées. Il présente la mutation A qui correspond à la privation absolue de couleur (albinisme), quels que soient les déterminants qui l’accompagnent. 2. M, lorsqu’il accompagne C, est le déterminant de la couleur noire des yeux et influe sur la teinte générale en la rendant plus foncée ; il présente la mutation E, qui correspond à la coloration rouge des yeux et influe sur la teinte générale en l’éclaircissant. 3. G est un déterminant spécial de la teinte du pelage en pré- sence de C; il présente un grand nombre de mutations : G', N, et J. 4. F est un déterminant qui contribue avec les précédentes à donner la teinte du pelage ; il présente la mutation D, dont l’action se traduit par la disparition du pigment noir dans les poils. 5. U est le déterminant de la coloration uniforme du pelage, quelle que soit sa teinte; il présente la mutation P, avec une série de variantes, pl, f>2, p3.... pn , qui correspondent à des degrés variables de panachure. XII NOTES ET REVUE C’est à la coopération des déterminants C, M-E, G-G'-N-J, F-D et à leur réaction l’un sur l’autre, que sont dues les teintes spéciales des différentes races de Souris. La liste suivante indique les combinaisons connues, aussi bien que celles encore inconnues, mais possibles (il n’est pas tenu compte du 5e déterminant, pelage uniforme ou panachure, dont l’action se manifeste par l’absence ou la présence de zones blanches sur le fond coloré). CGFM — Coloration grise banale (Souris grise sauvage), plus ou moins foncée, due au mélange de trois pigments : noir, jaune et brun, et de poils blancs, non pigmentés. CG'FM = Coloration grise sur le dos, blanc roux sous le ventre (rassemble beaucoup à celle du Mulot [Mus sylvaticus L.] H CNFM = Noir, dû au mélange des pigments noir et brun. CJFM.... — ~ Jaune plus ou moins foncé, mais ne peut exister qu’à l’état combiné chez des hétérozygotes. CGDM = Disparition du pigment noir des poils, l’animal est d’un brun jaunâtre (gris doré). CG'DM = Comme le précédent, sauf que le ventre est blanc roux. CNDM = Brun. CJDM = ? CGFE = Pelage fauve (jaune sale) ; yeux d’un rouge foncé, à peu près de teinte grenat. CG'FE = Pelage fauve plus ou moins clair : yeux rouge clair. CNFE = Pelage gris perle ; yeux rouge clair. CJFE = Pelage jaune vif ; yeux rouge clair. AGDM \ etc... I Les règles de dominance des diverses mutations d’un même déterminant sont résumées dans le tableau suivant; une mutation NOTES ET REVUE XIII donnée domine celles qui sont placées au-dessous, en ligne verticale, et est dominée par celles qui sont au-dessus : G J F M U A G' D E px P 2 p 3 J F M G' D E G N La liste du résultat des combinaisons et le tableau de dominance permettent de prévoir et de calculer les résultats de tous les croise- ments possibles. Et inversement, étant donnés des résultats de croisements, ils permettent d’indiquer quels sont les parents probables. Tous les déterminants connus chez les Souris, c’est-à-dire ceux mentionnés plus haut, ceux de la panachure-robe uniforme (U-P) et ceux de la valse et de la locomotion rectiligne (R-W).r suivent strictement les règles de V hérédité mendélienne . On ne connaît chez les Souris que des caractères mendéliens. INDEX BIBLIOGRAPHIQUE 1904. Allen. The heredity of coat-color in Mice. (Proc. American Acad. o f Arts and Sciences, XL, p. 61). 1903. Bâte son. The présent State of knowledge of colour-heredity in Mice and Rats. (Proc. Zool. Soc. London , II, p. 71). 1905. Bateson; Saunders et Punnett. Further experiments on Inheritance in Sweet Peas and Stocks. (Proc. Royal Society, b, LXXVII, p. 236). 1902. Cuénot. La loi de Mendel et l’hérédité de la pigmentation chez les Souris. (Arch. Zool. exp. [3], X, Notes et Revue, p. xxvii). 1903. Cuénot. L’hérédité de la pigmentation chez les Souris, (2e note). (Arch. Zool. exp. [4], I, Notes et Revue, p. xxxm). 1904. Cuénot. L’hérédité de la pigmentation chez les Souris, (3e note). (Arch. Zool. exp. [4], II, Notes et Revue, p. xlv). 1905. Cuénot. Les races -pures et leurs combinaisons chez les Souris, (4e note). Arch. Zool. exp. [4], III, Notes et Revue, p. cxxm). 1905. Darbishire. On the resuit of Crossing Japanese waltzing with albino Mice ( Biometrika , III, p. 1). 1904. Davenport. Color inheritance in Mice ( Science , XIX, voir p. 112); XIV NOTES ET REVUE II NOTES ICHTHYOLOGIQUES LES SCORPÉNIDËS DE LA MÉDITERRANÉE par Louis Roule Professeur à la Faculté des Sciences Directeur de la station de Pisciculture et d’Hydrobiologie de F Université de Toulouse Les représentants de la famille des Scorpénidés jouent un rôle important dans la faune méditerranéenne. La grande place- qu'ils y occupent se doit plutôt à leur nombre qu’à leur diversité. Ils sont fort répandus dans les principaux fonds à pêches, et, souvent, comptent pour beaucoup, à cause de l’estime où leur chair est tenue, dans les revenus de l’industrie des pêcheurs. Ils donnent à la Méditerranée, en ce qui concerne l’ichthyologie, et par cette pul- lulation fréquente, un faciès particulier, que l’Océan ne possède point sous les mêmes latitudes, ou s’y trouve du moins fort atténué. Une étude taxonomique et biologique de ces êtres offre, pour cette raison, un réel intérêt. Les genres qui composent cette famille appartiennent, pour la plupart, aux mers de la région Indo-Pacifique. Partant de ce centre d’expansion, certains se dirigent vers le Sud, et, passant par l’Océanie, atteignent les zones antarctiques ; d’autres remontent vers la mer Rouge, et parviennent dans les eaux européennes Ces derniers, seulement au nombre de deux, Sebastes et Scorpœna , ne se distinguent l’un de l'autre, au sujet de plusieurs de leurs espèces, que par des détails de minime importance. • § 1er genre SEBASTES La majorité des espèces de ce genre habite l’Océan Indien, les mers de la Chine et du Japon, l’Océan Atlantique jusqu’au voisi- nage du Cercle arctique. Le centre paraît se trouver, comme celui des autres genres principaux de la famille entière, dans la province Indo-Pacifique. Trois espèces, appartenant à ce genre, ont été signalées comme se trouvant dans la Méditerranée : 8. dactylopterus Del.; 8. ma.de- rensis C. Y. ; 8. Bihroni Sauv. Une quatrième espèce, aisément recon- NOTES ET REVUE xv naissable, S. Kühli Bowd., vît dans l’Océan Atlantique, depuis la Côte du Soudan (Vaillant) jusqu’au Golfe de Gascogne (Collett) ; aucun auteur ne l’a recueillie dans la Méditerranée, et je n’ai jamais eu l’occasion de l’y voir, ni dans les collections, ni dans mes inves- tigations. Sebasles dactylopterus 1809. Scorpœna dactyloptera , Delaroche {Ann. Mus. Hist. Nat., vol. 13). 1828. Sebastes imperialis, Cuvier et Valenciennes (Hist. Nat. Poissons, vol. 4). 1855. Sebastes dactylopterus, Nilsson ( Skandin . Fauna ; Fisk). Cette espèce caractéristique est répandue dans toute la Méditer- ranée, où la plupart des ichthyologistes ont signalé sa présence. Il semblerait, d'après le pointage de ces habitats, qu’elle abonde davantage dans les zones méridionales que dans les autres. A en juger d’après les observations que j’ai faites à Banyuls, elle serait aussi fréquente sur les côtes du Roussillon que dans des eaux plus tièdes. Sa distribution bathymétrique fait seule sa rareté relative. Il faut que les pécheurs traînent leurs chaluts dans les fonds qu’elle fréquente, à l’exclusion des autres, et les circonstances ne le leur permettent pas souvent. S. dactylopterus , en dehors de la Méditerranée, a été rencontré dans les régions suivantes : Iles Açores, Madère, Canaries, du Cap vert, Banc d’Arguin ; Golfe de Gascogne (rare) ; Irlande et Côtes anglaises; Côtes norvégiennes (Bergen, Tromsô); Côtes atlantiques des Etats-Unis, au voisinage du Gulf-Stream. Cette espèce, dans la Méditerranée, habite les zones profondes du plateau côtier et les bords des rechs. Elle serait donc sub-abys- Sale, plutôt que littorale : telle est la raison de sa rareté apparente. Lorsque les chaluts traversent les régions où elle se tient, les indi- vidus se laissent souvent capturer en grand nombre. Il en est de même pour les eaux atlantiques européennes, au large du Maroc, de l’Espagne, et dans le Golfe de Gascogne. Par contre, il semble qu’elle devient franchement abyssale dans les parties septentrionales de l’Océan Atlantique. Sa capture assez aisée par les chaluts, diverses particularités de son organisation, donnent sur son ethologie quel- ques notions probables. Sans doute, S', dactylopterus et les autres espèces du genre vivent à la manière des Scorpœna , immobiles sur les fonds, et ne se déplaçant guère que pour se précipiter sur une proie. Les piquants dont ces poissons sont armés servent plus à faciliter une défense passive qu’à favoriser l’offensive. XVI NOTES ET REVUE Sebastes maderensis. 1833. Scorpœna madurensis, Cuvier et Valenciennes ( Hist . nat. Poissons, vol. 9). 1841. Sebasles maderensis, Lowe ( Trans . Linn . Soc. of London, vol. 2). 1860. Sebastes maderensis, Gunther ( Ccital . of Fishes, vol. 2). Ce Sebaste est rare partout. Son centre principal se trouve clans les parages de Madère et des îles Canaries. Il paraît ne point dépasser, vers le Nord de l’Océan Atlantique, les côtes lusitaniennes. En ce qui concerne la Méditerranée, il n’est signalé, par Stein- daciiner (1867), qu’à Malaga et à Beyrouth, c’est-à-dire dans les parties les plus méridionales et aux deux extrémités de cette mer. Aussi T individu mentionné ci-dessous offre-t-il une certaine impor- tance. Le Laboratoire Arago possède, dans ses collections, un Sebastes recueilli au large du Cap Creus, par 100 mètres de profondeur. Cette région est située au sud du Roussillon ; elle participe des conditions biologiques de la côte, espagnole. Ses eaux subissent pourtant un régime différent de celui de Malaga ou de Beyrouth. L’individu est de grande taille ; il mesure 180 m/m de longueur. Plusieurs particularités l’éloignent des S. dactylopterus ordinaires. Les principales d’entre elles sont les suivantes : Tète large et mas- sive; épines de la tête fortes ; bouche petite ; extrémité postérieure du maxillaire atteignant à peine l’aplomb du diamètre vertical de l’œil ; extrémité antérieure de la langue appliquée contre le plan- cher buccal. D’après les vestiges qui subsistent, la couleur était brun-rougeâtre. Je rapporte cet exemplaire, malgré ses grandes dimensions, à Sebastes maderensis. Les caractères, cités par les auteurs anciens et récents, s’accordent avec les siens. Cette espèce serait donc capable de pénétrer dans le nord de la Méditerranée, et de s’avancer jusqu’au voisinage du Roussillon. Son habitat, d’après le lieu de pêche, se confondrait avec celui de S. dactylopterus. A ce qu’il me semble d’après les échantillons que j’ai examinés, et d’après les indications fournies par les auteurs, la diagnose diffé- rentielle de S, dactylopterus et de S. maderensis n’a pas grande valeur taxonomique. Selon toutes les probabilités, la seconde de ces espèces équivaut à une mutante de la première, de beaucoup plus rare qu’elle, et disséminée dans les régions diverses que fréquente celle-ci. NOTES ET REVUE XVII Sebastes Bibroni. 1878. Sebastes Bibroni , Sauvage (. Noüv . Arch. du Muséum, vol. 1). Je ne cite cette espèce que pour mémoire, n’ayant pas eu 1 occa- sion d’étudier ses représentants. L’auteur l’a décrite d’après un exemplaire recueilli en Sicile. Elle semble faire double emploi avec S. maderensis. Si l’on écarte les caractères qui s’appliquent à d’autres Sebastes, retenant seules les particularités différentielles, on incline vers cette conclusion. Pourtant, la bouche serait plus petite que celle de S. maderensis , puisque l’extrémité postérieure des mâchoires n’atteint pas l’aplomb du diamètre vertical de l’œil. § 2. Genre SCORPŒNA Les nombreuses espèces de ce genre fréquentent surtout les mers tropicales Atlantiques et Indo-Pacifiques. Certaines remontent vers des zones plus tempérées ; mais, sauf dans la Méditerranée, elles y vivent en moindre quantité que dans les mers plus chaudes. Les auteurs ont décrit quatre espèces méditerranéennes du genre. Deux d’entre elles se rencontrent, sous la même latitude, dans la Méditerranée et l’Océan Atlantique : S. porc us Z., et S. scrofa L. Parmi les deux suivantes, l’une, S. lutea Risso, propre à la Méditer- ranée, n’a d’autre valeur que celle d'une légère mutation de S. scrofa ; l’autre, S. ustulata Lowe, se trouve à la fois dans la Méditerranée et dans l’Océan Atlantique, mais ne paraît assez fré- quente que dans les parties chaudes de ce dernier. Du reste, cette quatrième espèce, s’il est loisible de la conserver dans la systéma- tique, doit se prendre, à son tour, et comme on le verra plus loin, pour une mutation de 8. scrofa , caractérisée par la persistance des caractères du jeune âge. ' Scorpœna porcus. 1766. Scorpœna porcus, Linné (Syst. Nat., 12e édit). 1775. Cottus massiliensis, Forskal ( Descr . anim). 1833. Scorpœna massiliensis, Lacépède ( Hist . nat. Poissons). Cette espèce, commune partout dans la Méditerranée, se laisse facilement reconnaître. Les caractères distinctifs, dans une dia- gnose différentielle d’avec S. scrofa, portent sur un certain nombre de faits, qui méritent d’être relevés. XVIII NOTES ET REVUE Les opercules et les nageoires de S. porcus sont aussi bien armés que leurs similaires de 5. scrofa, mais non la tète elle-même. Les piquants y sont moins nombreux et moins saillants ; la peau qui les recouvre est plus épaisse. Le sous-orbitaire antérieur porte seu- lement trois épines, l’antérieure, la postérieure et l’intermédiaire ; ces appendices sont plus courts, plus grêles, que ceux de S. scrofa ; parfois, sur le vivant, dont les téguments n’ont encore subi aucune dessiccation, la peau les cache presque. L’épine postérieure descend presque verticalement. Les écailles sont, à dimensions égales des individus, plus petites que celles de 5. scrofa. La disproportion de leur longueur à leur largeur est plus grande. Leur spinulation appartient à un tout autre type ; le bord libre de l’écaille porte, directement implantées sur le bord lui-même et non en retrait, des spinules très courtes, coniques, relativement larges à leur base. La zone pigmentée est plus vaste, plus colorée ; la plupart des chromoblastes sont noirs et jaunes. La couleur générale de S. porcus diffère de celle de S. scrofa. Celle-ci tourne d’ordinaire au rouge, au rouge-brun, ou à Lorangé ; celle-là au gris plus ou moins foncé, ou au gris-brunâtre. Les varia- tions de couleur sont des plus fréquentes, et il est oiseux de suivre les auteurs dans les descriptions minutieuses qu’ils en font parfois ; ces dernières, considérées dans le sens taxonomique, n’ont ici aucune utilité. La seule disposition intéressante revient à cette dissem- blance générale de la teinte d’ensemble, malgré la diversité spéciale souvent constatée. Ce contraste s’accorde, sans doute, avec celui de l’œcologie. S. porcus habite les fonds rocheux, les prairies d’Algues et de Zos- tères des zones littorales. Sa couleur générale, et ses variations, paraissent résulter des circonstances environnantes et de leurs changements : le mimétisme est frappant. S. scrofa remonte par- fois vers les prairies sous-marines, mais son habitat ordinaire se trouve dans les fonds vaseux et sablo-vaseux du grand large, con- finant aux zones sub-abyssales. Une nouvelle et curieuse opposition entre S. porcus et S. scrofa tient à la constance des caractères de la première espèce et à la facilité de variation de la seconde. Les jeunes et les adultes de S. porcus diffèrent par quelques points, ainsi que les individus de même taille pris dans des localités aux conditions dissemblables; mais la capacité de variation se trouve faible, relativement à celle NOTES ET REVUE XIX de S. scrofa. Peut-être faut-il voir en cela le résultat de l’action d'espace : les régions fréquentées par S. porcus étant de beaucoup moins étendues, à la fois plus restreintes et plus uniformes, que celles où vit S. scrofa. D’autre part, les dimensions de S. porcus , même chez les indi- vidus les plus gros, ne parviennent jamais à égaler celles de S. scrofa. L’action de l’espace se laisse peut-être sentir en ce nanisme relatif. Scorpœna scrofa. 1866. Scorpœna scrofa , Linné [Syst. nat., 12e édit.). 1833. Scorpœna barbata, Lacépède (Hist. nat. Poissons). Cette espèce est plus répandue que la précédente. Elle habite les fonds vaseux du large, d'où elle remonte jusqu’au pourtour des prairies de Zostères, et parfois jusqu’aux environs des plages sablon- neuses. Son aire de répartition est plus vaste de beaucoup que celle de 8. porcus. Les deux formes s'accompagnent du reste, se retrou- vent dans la Méditerranée entière, et s’étendent, ou peu s’en faut, dans l’Océan Atlantique, sous les mêmes latitudes. Les auteurs ont décrit avec soin les caractères de S. scrofa. Il importe de noter que ces derniers ne s’appliquent qu’à des adultes, à des individus parvenus à d’assez fortes dimensions. Les particu- larités de la diagnose spécifique, qui distinguent cette espèce de ses voisines, s’atténuent singulièrement si l'on s’adresse à de jeunes exemplaires. J’ai pu obtenir, à Banyuls, grâce à l’abondance des matériaux, une série complète depuis des adultes aux caractères fort nels jusqu’à des jeunes mesurant seulement dix centimètres de longueur moyenne; et les résultats auxquels je suis parvenu se résument dans les indications qui suivent. Les jeunes 8. scrofa , mesurant 100 à 110 m/m de longueur, pourvus d’organes sexuels encor'e petits et à phase indifférente, ne portent aucun lambeau cutané sur la mâchoire inférieure, ni sur la ligne latérale. Les seuls lambeaux présents sont ceux des narines et du dessus de l’orbite. La bouche est moins oblique que celle des gros individus; la mandibule est plus courte que les ventrales. Le diamètre de l’œil dépasse de peu la longueur du museau. L’anus se rapproche plus de l’extrémité antérieure du corps que de l'extré- mité postérieure de la nageoire caudale. Les ventrales arrivent presque au début de l’anale. Les pectorales sont relativement courtes. Le sous-orbitaire antérieur ne porte que trois épines. XX NOTES ET REVUE Ces rapports changent à mesure que l’individu grossit. Les lam- beaux cutanés complémentaires font leur apparition. La tête, la bouche, la moitié antérieure du corps, prennent un accroissement plus fort que la moitié postérieure ; l’allure primitive est ainsi modi- fiée. Des trois épines du sous-orbitaire, l’antérieure demeure simple; mais les deux autres se dédoublent tout en grandissant, l’inter- médiaire d’abord, la postérieure ensuite; ce dédoublement s’ac- centue davantage sur l’intermédiaire que sur la postérieure, où il manque parfois. Il en résulte que le sous-orbitaire antérieur de S. scrofa adulte porte quatre ou cinq épines, alors que celui du jeune n’en a que trois. En conséquence, S. scrofa , s’éloigne moins de S. porcus que ne le laisserait admettre la diagnose différentielle des adultes. Ces deux espèces, à l’état jeune de l’individu, se ressemblent beaucoup ; la plupart de leurs caractères distinctifs ne se présentent pas encore. Scorpœna lutea. 1810. Scorpœna lutea , Risso ( Ichth . de Nice). 1826. Scorpœna lutea, Risso (Hist.nat. des princ. procl. de l'Europe mérid.). Les auteurs s’accordent à penser que cette espèce, décrite à deux reprises, par Risso, correspond à une variété ex colore de 8. scrofa. Telle est aussi, en partie, mon opinion, d’après l’étude d’un magnifique exemplaire, gardé vivant pendant plusieurs mois dans l’aquarium du Laboratoire de Banyuls. Cet individu avait été pris dans les fonds rocheux sub-littoraux, à une vingtaine de mètres de profondeur. Il mesurait 210 millimètres de longueur totale. Ses écailles, ses lam- beaux cutanés, son faciès général, le faisaient' ressembler d’assez près à 8. scrofa de même taille. Ses principales caractéristiques sont les suivantes : — Lambeaux cutanés abondants, relativement petits. Les plus nombreux occupent : le dessus de la tête, les joues, la lèvre supé- rieure, la lèvre inférieure (où ils sont plus gros qu’ailleurs), la ligne latérale. — Quatre épines sur le sous-orbitaire antérieur ; l’une des intermédiaires est relativement petite. — Anus plus rapproché de l’extrémité de la caudale que du bout du museau. — Diamètre de l’œil plus petit que l’espace préorbitaire. — Nageoires pectorales et ventrales relativement grandes. NOTES ET REVUE XXI Pourtant, les ventrales n’atteignent pas l’anale, tout en étant plus longues que la mandibule. — Couleurs. — Tète : dessus et joues de teinte orangée; pupille rouge, du même rouge que chez les albinos; tour de l’orbite tacheté de brun et de blanc ; lèvres et gorge tachées de brun, de violet et de blanc-bleuâtre. — Tronc : dos et flancs de teinte orangée ; abdomen jaune-clair; quelques taches rougeâtres au-dessus de la ligne laté- rale ; d’autres taches mieux marquées, noir-violacé et blanc-bleuâtre, forment, dans la moitié postérieure du corps, au-dessous de la ligne latérale, une bande longitudinale étendue jusqu’à la base de la cau- dale. — Nageoires: dorsale du même orangé que le dos, portant quelques taches noir-violacé et blanc-bleuâtre vers le sommet des rayons, surtout dans la moitié postérieure de la nageoire, et des macules fort petites sur l’emplacement de la tache noire habituelle à S. scrofa ; caudale marbrée dé noir-violacé, de blanc-bleuâtre et de rouge-feu, ces taches se groupant de manière assez indistincte par bandes verticales ; anale semblable à la caudale; pectorales de même, sauf que les marbrures affectent une disposition moins régu- lière; ventrales rouge-feu, tachetées de gris et de blanc. Cet individu appartient vraiment, selon une telle diagnose, au type décrit par Risso sous le nom de S. lutea. Or, il me paraît, d’après lui, que ce type ne fait pas exactement double emploi avec £. scrofa. Il en constitue une mutation, assez fréquente et répandue, puisque plusieurs auteurs l’ont signalée, et méritant une mention spéciale. Cette mutante diffère de l’espèce principale par ses teintes générales plus claires et tournant au jaune orangé, par sa bouche plus petite, par ses nageoires plus grandes, par ses épines un peu moins accentuées. Ces dissemblances s’établissent de manière à faire de cette forme une transition de S. scrofa vers S. ustulata. Scorpœna ustulata. 1840. Scorpœna ustulata,' Lowe (Proc. Zool. soc. of London). 1860. Scorpœna ustulata , Gunther ( Cat . of. Fishes, vol. 2). Cette espèce, trouvée à Madère par Lowe et nommée par lui, fut décrite en détail par Gunther. Depuis, on l’a rencontrée dans plu- sieurs autres localités, dont l’énumération suit : Océan Atlantique : Madère et régions voisines, Sénégambie, Golfe de Gascogne, Espagne et Portugal. XXII NOTES ET REVUE Méditerranée: Nice; Gènes; Corse: Côtes romaines; Naples; Sicile; Mer Adriatique. Cette Scorpène semble rare partout. Je ne l’ai jamais vue sur les côtes ronssillonnaises, mais j’ai eu l’occasion de l’examiner en Corse. Elle habite les zones rocheuses, ou coralligènes, qui se dressent, au large des prairies de Zostères et des roches littorales, parmi les Çpnds vaseux où fréquente S. scrofa ; elle descend jus- qu’aux régions sub-abyssales et même abyssales. Frappé de la rareté des lambeaux cutanés, notamment sur la tête, et du nombre, égal à trois, des épines du sous-orbi taire antérieur, j’inclinais autre- fois à la rapprocher de S. porcus. L’examen des jeunes N. scrofa , mentionné dans les pages qui précèdent, me conduit à exprimer aujourd’hui ce sentiment sous une autre forme ; S. ustulata se rapproche de N. porcus , parce qu’elle correspond à une mutante de S. scrofa , caractérisée par la persistance des caractères du jeune âge. Or, les jeunes S. scrofa diffèrent peu de S. porcus. Steindachner prenait, en 1867, N. ustulala pour la forme non encore adulte de N. scrofa. Plusieurs auteurs s’élevèrent, par la suite, contre cette opinion ; ils établirent, Bellotti notamment, que le type S. ustulala existe vraiment. Ces deux appréciations ne sont point, cependant, trop contradictoires : N. ustulala , en effet, con- serve les caractères juvéniles de S. scrofa , tout en parvenant à l’état sexué. Collett (1896) s’est livré à une longue et judicieuse discussion sur la diagnose différentielle de N. ustulata avec S. scrofa. Les couleurs, en ce cas, doivent se laisser de côté, à cause de leurs variations. Les autres caractères, notamment ceux des proportions du corps, méritent une plus grande attention. En résumé, S. ustulata diffère de S. scrofa pur : son museau moins oblique, ses yeux plus grands, sa bouche plus petite et plus horizontale, ses lambeaux cutanés moindres et parfois absents, ses épines sous-orbitaires au nombre de trois, ses nageoires plus larges. Or, ces particularités appartiennent également aux jeunes S. scrofa. Il est permis, en définitive, d’élever N. ustulata au rang d’espèce, mais à la condition de la prendre pour subordonnée à S. porcus et à S. scrofa. Elle tient des deux, et joue entre elles le rôle d'intermé- diaire. Si l’on considère la fixité des caractères de S. porcus , la variabilité facile de S. scrofa , la transition faite entre S. scrofa et ustulata par les individus du type *S. lutea , on en vient à penser NOTES ET REVUE XXIII que S. ustulala équivaut, à sou tour, à une mutation de 5. scrofa , nettement affirmée et bien distincte de l’espèce principale. La qua- lité essentielle de cette mutation porte sur la persistance des par- ticularités du jeune âge ; elle en établit la ressemblance, d’autre part, avec S. porcus. Conclusions. La famille des Scorpénidés est représentée dans la Méditer- ranée par plusieurs formes, d’inégale valeur systématique, ratta- chées aux deux genres Sebastes et Scorpœna. — Sebastes a pour type principal S. dactylopterus Del., et pour type secondaire -S. made- rensis C. V. ; tous deux vivent dans les zones profondes, sub-abys- sales, du plateau côtier. — Scorpœna possède deux formes princi- pales, S. scrofa L. et S. porcus L., et deux formes secondaires, S. lutea Risso, 8. ustulata Lowe. — S. scrofa paraît composer le type essen- tiel, auquel se raccordent à divers degrés les trois autres, -S. lulea se trouvant le plus proche et S. porcus le plus éloigné. Ces formes se localisent, d’ordinaire, en des habitats différents ; il est même permis d’estimer qu’une certaine corrélation s’établit en ce sens, et que l’action des milieux contribue à favoriser une telle diversifi- cation. INDEX BIBLIOGRAPHIQUE 1887-88. Bellotti. Atti délia Societa Italiana di Scienzi Naturali ; Milan. 1825. Bowdich. Excursions in Madeira and Porto Santo during the autumn of 1823 ; Londres. 1903. Carruccio. Bolletino délia Societa Zoologica italiana ; Rome. 1893. Carus. Prodomus Faunæ mediterranea ; vol. II, Pisces ; Stuttgart. 1893. Clarke. 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RACOVITZA ' DOCTEUR. ÈS-SCIENCES . SOUS-DIRECTEUR DU LABORATOIRE ARAGO QUATRIÈME SÉRIE Tome VI NOTES ET REVUE J\To 2 PARIS LIBRAIRIE G. REINWALD SCHLEICHER FRÈRES, ÉDITEURS 61, RUE DES SAINTS-PÈRES, 61 1907 •' . v'-.» onVan Instjfo MA? TOME VI. — NUMÉRO 2 Travaux originaux III. — L. Bruntz. — Sur l’existence d’éléments con- jonctifs phagocyto-excréteurs chez les Schizopodes p. xxv IV. — L. Bruntz. — Sur l’existence d’éléments con- jonctifs phagocyto-excréteurs chez la Nébalie p. x:xvm Vf'frt-Y. Delage. — Sur les conditions de la parthéno- génèse expérimentale et les adjuvants spécifiques de cette parthénogénèse . . p. xxix VI. — G. Loisel. — - Recherches sur les caractères différentiels des sexes chez la Tortue mauresque ( avec 2 Jig.) . p. xxxvm Les travaux destinés aux Archives de Zoologie expérimentale et aux Notes et Revue doivent être envoyés à l’un des directeurs (M. G. Pruvot, laboratoire d’ Anatomie comparée à la Sorbonne, Paris-ve ; M. E.-G. Racovitza, 2, boulevard Saint-André, Paris-vie) ou déposés à la librairie G. Reinwald, 1 5, rue des Saints-Pères, Paris-vie. Les articles originaux, les notes préliminaires pour prendre date ou les mises au point des questions d’histoire naturelle, publiés dans les Notes et Revue, peuvent être rédigés en français, en anglais, en allemand, ou en italien, et sont rémunérés à raison de 10 centimes la ligne. Les auteurs reçoivent gratuitement, brochés sous couverture spéciale, 5o exemplaires du tirage à part de leurs travaux. Ils peuvent, en outre, s’en procurer un nombre plus considérable, d’après le tarif suivant : 1/4 de feuille 1/2 feuille la feuille Les 50 exemplaires 5 fr. 7 fr. 50 10 fr. Couverture avec titre, en sus : 5 — 5 — 5 — auquel il faut ajouter le prix des planches, quand il y a lieu. Celui-ci varie trop pour qu’on puisse fixer un tarif d’avanceu Mais à titre, d’indication, on peut prendre les chiffres approximatifs suivants comme moyenne pour 5o exemplaires d’une planche simple: Planche en phototypie ou lithographie, tirage en une seule teinte. 10 fr. Planche gravée sur cuivre ou lithographie, en plusieurs couleurs. 20 fr. Les auteurs s’engagent à ne pas mettre leurs tirés à part dans le commerce. ARCHIVES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE FONDÉES PAR H. de LACAZE- LUTHIERS PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION DE G. PRUVOT et E. G. RAGOVITZA Chargé de Cours à la Sorbonne Docteur ès sciences Directeur du Laboratoire Arago Sous-Directeur du Laboratoire Arago 4e Série T. l/l. NOTES ET REVUE 1907. N° 2. III SUR L’EXISTENCE D’ÉLÉMENTS CONJONCTIFS PHAGOCYTO- EXCRÉTEURS CHEZ LES SCHIZOPODES par L. Bruntz. Récemment, j’ai eu l’occasion, à la station maritime de Roscoff, d’effectuer, chez les Schizopodes, quelques recherches concernant la fonction phagocytaire. J’ai pu me procurer facilement un assez grand nombre d’exem- plaires de Mysis vulgaris Thompson et Mysis chameleo Thompson, auxquels j’injectais, suivant la méthode bien connue, de l’encre de Chine dans la cavité générale. Dans un temps très court, les parti- cules solides de cette encre sont capturées par les cellules qui jouissent de la propriété phagocytaire . Chez les Schizopodes, j’ai pu ainsi constater l’absence d’organe phagocytaire proprement dit analogue à ceux que possèdent les Amphipodes (Bruntz 1904) et les Décapodes (Cuénot 1905). De plus, j’ai reconnu que la phagocytose s’exercait par l’intermédiaire des ARCH. DE ZOOL. EXP. ET ÜÉN. — 4e SÉRIE. — T. VI. B XXVI NOTES ET REVUE globules sanguins (globules adultes et globules en voie d’évolution) et de nombreuses cellules conjonctives fixes dont l’existence n’était pas connue. Cette courte note a pour but de signaler leur présence, d’indiquer leurs caractères et de décrire succintement leur répartition. Ces cellules conjonctives sont de grosses cellules plus ou moins régulièrement ovoïdes. Vivantes, elles mesurent, chez la Mysis vul- garis, jusqu’à 19 jj. de diamètre ; chez la Mysis chameleo , elles peu- vent atteindre une taille double. Chaque cellule possède une fine membrane et un cytoplasme granuleux bourré de grosses boules ou vacuoles. Il existe, dans chaque cellule, un ou deux gros noyaux vésiculeux. Après une injection de carminate d’ammoniaque dans la cavité générale d’une Mysis, ce réactif qui s’élimine par les reins et les néphrocytes, s’élimine aussi par ces cellules conjonctives, de ce fait les boules du cytoplasme se colorent en rose pâle. Après une injection d’encre de Chine, les particules de l’encre se retrouvent uniformément répandues autour de ces boules. Ces cellules con- jonctives sont donc des éléments jouissant d’une double propriété d’excrétion et de phagocytose, ce sont des cellules phagocyto-excré- trices (ou néphro-phagocytes) . La répartition de ces cellules est facile à étudier grâce à la trans- parence parfaite du corps de ces petits Crustacés. Leur disposition est sensiblement la même dans les deux espèces citées, mais elles sont cependant moins abondantes chez la Mysis vulgaris que chez la Mysis chameleo. Chez la première, on remarque, en examinant la face dorsale d’un individu injecté, que les cellules sont localisées dans les par- ties antérieure et postérieure du corps. Dans la région antérieure, les cellules se trouvent dans le cépha- lothorax, principalement disposées sur les fibrilles de soutien du cœur, elles dessinent de ce fait la région péricardique. Il en existe aussi au-dessus de l’estomac, mais c’est au-dessus de la masse cérébrale qu’elles sont le plus abondamment répandues, ainsi que contre le bord antérieur de la carapace, où elles forment un revê- tement très incomplet aux masses de tissu conjonctif fortement développées dans ces régions. Un amas important de cellules phagocyto-excrétrices se trouve à la face dorsale du septième anneau thoracique, plus ou moins NOTES ET REVUE XXVII recouvert parle bord postérieur de la carapace. Ces cellules sont directement accolées à face inférieure de l’épithélium du corps. Dans le céphalothorax, il existe encore de ces cellules, accompa- gnant toujours le tissu conjonctif, dans le labre, à la base de chacun des appendices particulièrement à la base des pattes autour des plages de néphrocytes à earminate. Sur des coupes, on voit ces éléments former en partie un revêtement aux canaux cruro-péri- cardiques ; quelques-uns sont encore accolés aux faisceaux muscu- laires avoisinants. Les articles basilaires des antennules renferment également quelques rares cellules excrétrices et phagocytaires. Dans la région abdominale, les cellules sont uniquement réparties dans le dernier anneau et le telson. Dans le dernier anneau, elles sont localisées à la partie inférieure de la face dorsale où elles for- ment deux amas latéraux qui se réunissent en envoyant deux bras qui contournent la face ventrale. Ces cellules accompagnent encore des bandes de tissu conjonctif à la face inférieure desquelles elles se trouvent accolées et qui les séparent ainsi de l’épithélium du corps. Dans le telson, les cellules phagocytaires sont tellement abon- dantes que toute cette partie du corps se montre très fortement colorée en noir sauf dans la région médiane et supérieure. Ces éléments bordent ici les deux faces d’une bande de tissu conjonctif qui remplit presque la totalité de l’espace existant entre les épithé- liums des faces dorsale et ventrale du telson. Chez la Mysis chameleo , les éléments étudiés présentent la même répartition, mais de plus, il en existe à la face ventrale de l’abdomen où elles sont réparties suivant une ligne médiane et en plages plus importantes à la base de chaque anneau. Elles bordent encore de petites masses de tissu conjonctif placées sous la chaîne nerveuse et s’étendent latéralement sous l’épithélium du corps, ou accom- pagnent les portions d’origine des nerfs. Enfin, les sixièmes pléo- podes, qui forment avec le telson la nageoire caudale, contiennent des cellules phagocyto-excrétrices dans les articles basilaires, les endopodites et les exopodites où elles sont supportées soit par des fibrilles spéciales de soutien, soit directement parles trabécules de ces appendices. (: Travail du Laboratoire d’Histoire naturelle de l’Ecole de Pharmacie de Nancy , le 15 Octobre 1906 .) Xxvui NOTÉS ET REVÜË 1Y SUR L’EXISTENCE D’ÉLÉMENTS CONJONCTIFS PHAGOCYTO- EXCRÉTEURS CHEZ LA NÉBALIE par L. Bruntz. A la station zoologique de Roscoff, j’ai également fait porter mes recherches concernant la phagocytose sur un type de Leptostracés : Nebalia Geoffroyi M. Edw., que l’on trouve assez facilement, à marée basse, sous de grosses pierres, dans des algues en décom- position. A l’aide de la méthode des injections physiologiques d’encre de Chine dans la cavité générale, j’ai pu reconnaître que la phago- cytose s’exerce : 1° par les globules sanguins (globules adultes et globules en voie d’évolution) ; 2° par des cellules conjonctives fixes dont Claus (1889) n’a pas signalé l’existence dans sa belle étude anatomique delà Nébalie. Il n’existe pas, chez l’espèce étudiée, d’organe phagocytaire proprement dit. Les cellules conjonctives que j’ai pu mettre en évidence par la méthode des injections, sont de petites cellules ovoïdes qui, vivantes, mesurent environ 15 à 25 jx. Après une injection de carminate d’ammoniaque, ces cellules se montrent bourrées de petites boules ou vacuoles colorées en rose par le réactif éliminé. Après injection d’encre de Chine, cette dernière se retrouve très finement et très uniformément répandue dans le cytoplasme, laissant apparaître sous forme d’une tache claire l’emplacement du noyau. Ces éléments sont donc physiologiquement comparables aux cellules phagocyto-excrétrices ( néphro-phagocyies ). Que j’ai découvertes chez les Schizopodes. La répartition des cellules phagocyto-excrétrices peut encore se faire en étudiant par transparence des animaux vivants injectés ou mieux à l’aide de coupes sériées. On constate ainsi que ces éléments existent, en petit nombre, au-dessus du rein antennaire, où ils sont accolés à l’épithélium des téguments, là où la carapace se réunit au corps. Ils sont plus nombreux au-dessus de la région d’insertion du muscle du test sur la cara- pace, où ils forment un revêtement aux deux faces de la portion NOTES ET REVUE XXIX d’insertion supérieure des muscles des maxilles. Il existe encore de ces cellules dans le sinus péricardique, elles sont accolées au septum péricardial et aux fibres qui relient le cœur à cette mem- brane. Invisibles par transparence, on retrouve encore quelques cellules autour des faisceaux musculaires destinés à faire mouvoir les pattes membraneuses. C’est dans le dernier anneau abdominal, que l’on rencontre les deux amas de cellules phagocyto-excrétrices les plus importants. Ils sont disposés symétriquement à la face dorsale, de chaque côté du tube digestif et des masses adipeuses qui l'entourent. Ici les cel- lules sont serrées les unes contre les autres et disposées en un lit compris entre l’épithélium du corps et les muscles dorsaux. (: Travail du Laboratoire d'Histoire naturelle de l'Ecole de Pharmacie de Nancy, le 15 Octobre 1906). v SUR LES CONDITIONS DE LA PARTHÉNOGENÈSE EXPÉRIMENTALE ET LES ADJUVANTS SPÉCIFIQUES DE CETTE PARTHÉNOGÉNÈSE par Yves Delage Professeur à la Faculté des Sciences de Paris. Les opinions sur la nature des causes qui font que les œufs vierges de certains animaux aquatiques se développent après un séjour de quelque durée dans certaines solutions électrolytiques ont beaucoup varié. On a attribué le développement dans ces condi- tions : à l’introduction dans l’œuf d’ions favorables, à la suppres- sion d’ions inhibiteurs, à l’intervention d’une action catalysante des substances employées, à des enzymes liquéfiants, enfin à l’augmen- tation de la pression osmotique, produisant une déshydratation. C’est cette dernière opinion qui tend à prévaloir. Que l’intervention de solutions hypertoniques par rapport à l’eau de mer soit le plus souvent nécessaire, la chose n’est pas douteuse, mais la conclusion qu’on tire de ce fait n’est point justifiée, car des solutions isotoniques d’électrolytes différents ont toujours des effi- cacités différentes, et j’ai montré en outre que les œufs d’ Astéries se développent parthénogénétiquement dans des solutions de CO 2, hypotoniques par rapport à l’eau de mer. XXX NOTES ET REVUE La question du mode d’action des facteurs de la parthénogenèse expérimentale reste donc non résolue. C’est par un examen impar- tial des divers facteurs qu’on pourra espérer de la trancher, et non, comme on l’a fait, en laissant de côté ce qui est en désaccord avec une opinion préconçue. Cette recherche est longue, car il y a de nombreuses variables indépendantes (état des œufs, température, composition des solutions, variée à l’infini, durée d’action des agents chimiques employés soit simultanément, soit successivement dans un ordre varié, etc., etc.), dont les combinaisons sont illimitées; il serait impossible de la conduire méthodiquement en réalisant toutes ces combinaisons. 11 faut choisir les directions que l’intuition suppose les meilleures, et se laisser guider par les résultats, en variant les conditions autour des optimades expériences précédentes. Mes expériences de cette année ont porté exclusivement sur l’Oursin Paracentrotus (Strongylocentrotus) lividus. Chez cet animal, le développement p.irthénogénétique est beau- coup plus difficile à déterminer que chez les Astéries. Au point de vue de la comparaison de l’efficacité des réactifs, cette condition est avantageuse, parce qu’elle permet, au moyen du pourcentage des réussites, de donner un coefficient d’efficacité à chaque réactif dans chaque expérience. Si le 100 pour 100 était obtenu aisément on ne pourrait comparer l’efficacité des réactifs qui le donneraient. Dans ce résumé de mes expériences j’examinerai : la composition des solutions, les conditions de leur emploi, l’état des œufs et les résultats obtenus. I. Composition des solutions. — J’ai fait usage des solutions électrolytiques hypertoniques réputées banales parce que leurs constituants se trouvent dans l’eau de mer et de substances adju- vantes, nocives à haute dose mais qui, à doses très faibles, se sont montrées très efficaces. 1° Solutions hypertoniques. — J’ai pris pour point de départ la solution qui m’avait donné les meilleurs résultats l’année précé- dente et qui a la composition suivante : Na Cl à 2 1/2 n. ........ 37,5 Concent. moléc. 0,937 Eau de mer naturelle (=0,52 n). 2,5 : — 0,013 H20 .......... . 60 — 0,000 Total 0,950 NOTES ET REVUE XXXI J’ai dû m’en tenir à elle, les modifications que j’ai tentées s’étant montrées sans avantage. La très petite quantité d’eau de mer qu’elle contient est tout à fait nécessaire. J’ai essayé aussi une eau de mer artificielle faite avec les princi- paux éléments de l'eau de mer, mais à concentration double et sans calcium : Na Cl 54 =0,923 K Cl 1,20 = 0,016 SO4 Mg 7H20. . . 6,80 = 0,027 MgCl2 6H20. . . 10,10 = 0,050 KBr 0,01 = 0,00008 H20 Q . Sp. 1 litre 1,016 Elle m’a donné parfois des résultats équivalents, mais moins fidèles, et je l’ai finalement abandonnée. Enfin, j’ai essayé diverses solutions où une certaine proportion des électrolytes avait été rem- placée par du saccharose. La meilleure a été : Na Cl à 2 1/2 n. 50 = 0,750 Sucre an 18 = 0,180 Eau de mer. . . . 36 = 0,187 H20 16 = 0,000 1,117 La nécessité d’une concentration moléculaire sensiblement plus forte que les précédentes s’explique par la diminution du coefficient total d’ionisation. Elle m’a donné des résultats parfois très bons, mais en somme, elle ne vaut pas la première solution. 2° Adjuvants. — Je les classerai d’après leur nature chimique. Alcalins. — L’alcalinisation de la liqueur, ainsi que je l ai, montré l’an dernier, augmente dans une proportion considérable l’efficacité du réactif. J’ai choisi le sulfite de soude. Il agit mieux que les autres alcalis essayés (soude, potasse, phosphates alcalins et surtout que AzH3, trèsnocif), ce quisemble indiquer une actionspéci- fique indépendante de l’alcalinité. Comme les autres alcalis, il gêne pour l’addition de beaucoup de sels à métaux lourds, avec lesquels il donne un précipité. Mais, avec les proportions employées, cela ne contrarie ni l’action du sulfite ni, généralement, celle du métal. XXXII NOTES ET REVUE Acides. — A la liste de ceux expérimentés l’an dernier, et qui se sont tous trouvés nuisibles, j’ai ajouté les acides sélénieux et sélénique : ils se sont montrés toxiques. Oxydants. — J’ai essayé l’eau oxygénée, le permanganate de potasse, le chlorate et le perchlorate de soude, sans aucun succès Ce résultat rend fort douteux que le manganèse, dont j’ai montré antérieurement l’efficacité, agisse, comme dans les oxydases, en qualité de véhicule de l’oxygène. On verra plus loin dans quelle direction il convient de chercher l’explication de son activité. Réducteurs. — J’ai essayé le pyrogallol, l’acide oxalique, qui agit en outre comme précipitant du calcium mais qui est très toxi- que, l’anhydride sulfureux, que sa ressemblance chimique avec CO2 signalait à l’attention. Tous se sont montrés nocifs. Métaux. — J’ai essayé à l’état de nitrate le lanthane, sur lequel je comptais me fondant sur ce que la division cellulaire, qui est le fait essentiel de l’évolution de l’œuf, comporte des phénomènes qui peuvent être interprétés comme des faits de coagulation par- tielle des colloïdes protoplasmiques. L’action coagulante des sels augmente très rapidèment avec leur valence. Le lanthane tri-valent pouvait donc être très actif, à la condition de n’être pas un poison. Contrairement à ce qui semblait vraisemblable, il n’est pas nocif, ne détériore pas les œufs; mais il ne favorise point la parthénogénèse. Cela s’expliquerait si les colloïdes protoplasmiques sur lesquels il devrait agir étaient de même signe électrique -h que l’ion lanthane. Dans ce cas il faudrait essayer des anions tri-valents. Mais le fait que les anions bivalents ne montrent aucune supériorité sur les monovalents laisse peu d’espoir de réussir par ce moyen. J’ai essayé aussi, sans résultats sensibles, les aluns d’alumine et de fer et l’antimoine à l’état d’émétique. Parmi les métaux bivalents, le calcium s’est montré plutôt nui- sible : réajouté à l’eau de mer artificielle sans calcium, il a légère- ment abaissé le pourcentage des réussites. L’étain, à l’état de chlorostannate de sodium, n’a rien donné; le zinc s’est montré toxique. Par contre, les métaux de la série du fer, sous la forme de chlorures au minimum, m’ont donné des résultats fort curieux. Le fer lui-même ne m’a donné aucune satisfaction, les solutions ferreuses sont presque impossibles à conserver sans altération et donnent dans la solution hypertonique un précipité abondant. Le NOTES ET REVUE XXXIII manganèse agit mieux : je rappelle mes anciennes expériences relatives à ce corps ; le cobalt mieux encore. Mais le plus remar- quable est le nickel. Ajouté à la dose de 1 à 1 l/2cm3 dans 100cmc de la solution hypertonique n° 1, préalablement additionnée de sulfite de soude, il augmente d’une manière très notable et très constante Fefficacité de la solution : le nickel est donc un adjuvant très efficace de la parthénogénèse. Quelle peut être la cause de cette supériorité du nickel sur les autres substances voisines ou éloignées? Ce n’est pas dire grand chose de précis que d’interpréter son action comme une catalyse. L’idée d’un mordançage serait peut-être un peu plus précise, mais contre elle plaide une expérience où j’ai constaté que l’action du nickel était nulle quand elle précédait celle de l’agent hypertonique, moyenne quand elle était simultanée à celle-ci, supérieure quand elle la suivait. Les solutions de chlorures au minimum des sels de la série du fer sont toujours légèrement acides, mais le fait, souvent constaté par moi, qu’une légère acidification de la liqueur est plutôt nuisible ne permet pas d’attribuer à cette acidité les résultats obtenus. D’autre part, ces solutions de chlorures de nickel, de cobalt et de manga- nèse, neutralisées aussi exactement que possible par la soude ne perdent pas leur activité. Catalyse, mordançage ou autre, l'action spécifique est ici indé- niable. Colloïdes. — La gélatine en solution à 1/2 0/0, ajoutée même en proportion forte, soit à l’eau de mer, soit à la solution hypertonique, ne détériore pas les œufs, mais elle ne les fait pas segmenter. Même observation pour l’albumine. Essayées concurremment au nickel dans l’espoir de protéger les œufs contre l’action trop immédiate du réactif, elles n’ont été d’aucun avantage. II. Conditions d’action des réactifs. — Ces conditions sont au nombre de deux: la température, la durée d’action. Température. — La température a une importance reconnue depuis longtemps, mais qui m’apparaît chaque année plus capitale. Les expériences ne réussissent qu'entre 17 et 20°. J’ai constaté qu’une différence de 2° pouvait faire varier le pour- centage, pour les mêmes œufs, toutes autres conditions semblables, d’une proportion infime à 50 0/0. Mais l’optimum me paraît com- B* XXXIV NOTES ET REVUE pris entre des limites beaucoup plus étroites ; mais il ne peut être fixé d’une manière générale, car il paraît dépendre de la nature des solutions, de celle des adjuvants ajoutés, sans doute aussi de la durée d’action et de la condition des œufs soumis à l’expérience. 11 est facile de régler une étuve à 40 ou 50°, mais il est beaucoup plus difficile de maintenir une enceinte à 18° quand la température ambiante varie, du matin au soir, de 15 à 20 par exemple. C’est là une des grosses difficultés de l’expérience. Quandles larves sontformées, elles sontbeaucoup moins exigeantes et s’accommodent bien de la température de l’eau des cuves avec ses variations habituelles, toujours lentes et faibles. Mais elles dépéri- raient si on les laissait exposées à l’air dans des vases de petites dimensions prenant rapidement la température de l’air ambiant. Lumière . — J’ai essayé sans résultats remarquables de faire agir, en même temps que les réactifs habituels, des lumières diversement colorées. Ces expériences, trop incomplètes ne sont pas décisives. Durée d’action . * — La sensibilité de ce facteur est beaucoup moindre que celle de la température. Entre un minimum d’environ 45m et un maximum de lh 1/2, les effets sont peu différents. Il m’a semblé cependant qu’il y avait avantage, pour la santé des larves à élever ultérieurement, à prolonger le moins possible la durée d’action au delà du minimum nécessaire. L’optimum varie suivant la nature du réactif. Quand on emploie l’eau de mer artificielle comme solution hypertonique, la durée optima semble être comprise entre 45 et 50 m ; quand on emploie la solution indiquée ci-dessus sous le n° 1, il semble compris entre lh et lh 10. Il varie, ainsi que je m’en suis assuré, avec la température, et probablement avec la nature et la concentration des adjuvants ajoutés. Tout cela se conçoit aisément si l’on se rappelle que les actions vitales de tout ordre sont influencées par la température et que celle-ci fait varier en outre l’ionisation des électrolytes et par con- séquent la pression osmotique et l’activité chimique des substances. Quantité d’oeufs. Il convient d’en mettre dans chaque vase une couche unique ou un très petit nombre de couches superposées. S’il y en a trop, le développement des œufs est entravé et rapide- ment arrêté. D’autre part, il y a avantage à ne pas mettre trop peu d’œufs ce qui rendrait le pourcentage illusoire. NOTES ET REVUE xxxv Conditions- inhérentes aux œufs. — Tous les œufs se ressemblent à peu de chose près et, dans une même ponte, ils sont, en appa- rence, identiques. Cependant, si 50 0/0 seulement se développent dans un réactif donné, agissant dans des conditions données, c’est donc que une moitié n’était pas identique à l’autre. Cette réluctance des œufs qui ne se sont pas développés est-elle due à une moindre aptitude générale à subir la parthénogenèse ou à ce que les conditions réclamées par eux étaient autres que celles réclamées par les 50 0/0 qui se sont développés? Rigoureusement, la question est insoluble, car ces œufs, touchés par un premier réactif ne sont plus dans la condition initiale. Il eut fallu les trier avant, ce qui est impossible. Entre les œufs de deux Oursins différents, les différences sont encore plus accentuées. • Soumis à l’action des mêmes réactifs, dans des conditions sem- blables, les œufs de deux Oursins donnent des pourcentages de réussite différents. La plupart des œufs qui ne se développent pas parthénogénétique- ment eussent été fécondables, ainsi que le montre la comparaison des pourcentages de la parthénogénèse et de la fécondation de deux lots d’œufs empruntés au même ovaire. Mais il y a cependant un certain parallélisme entre l’aptitude à la parthénogénèse et celle à la fécondation, car j’ai constaté quelques fois que les œufs très réluctants à la parthénogénèse donnaient un pourcentage relative- ment faible de fécondations normales. Cette observation semblerait trancher la question posée plus haut dans le sens d’une inaptitude générale à la parthénogénèse, chez les œufs qui, dans une expérience donnée, ne se sont pas segmentés comme leurs voisins. Mais voici une expérience très suggestive qui plaide en faveur de la thèse opposée. Je prépare une expérience avec les réactifs qui me donnent habi- tuellement les meilleurs résultats, par exemple : solution hyperto- nique n° 1 additionnée de sulfite, la même additionnée de nickel ou de cobalt, avec et sans sulfite. Puis, quand les solutions sont faites, je les distribue en 4 séries identiques. Puis dans la série n° 1 je place des œufs d’un Oursin A, dans la série 2, ceux d’un autre Our- sin B et ainsi des autres. Or, je constate, non seulement que les séries identiques 1, 2, 3, 4, ont donné pour les vases contenant un XXXVI NOTES ET REVUE même réactif des pourcentages différents, ce qui étaitàprévoir, mais que le réactif optimum n’a pas été le même dans les quatre séries , en sorte qu’il est peut-être légitime de parler d’œufs sensibles au cobalt, au nickel ou au sulfite. Voyant cela j’ai fait deux expériences où j’ai traité un même lot d’œufs d’une part avec les réactifs séparés, sulfite, nickel, colbalt, manganèse, d’autre part avec un mélange de ses réactifs, en ajou- tant à 1a, solution hypertonique, soit la somme des adjuvants, soit une fraction de dose de chacun, de manière à ce que la dose totale ne dépassât pas la mesure habituelle. Le résultat n’a pas répondu à mon espérance, mais l’expérience n’a pas été décisive ayant été faite une seule fois, en fin de saison. Elle devra être reprise. IV. Résultats. — Les résultats sont caractérisés avant tout par une extrême inconstance. Tel réactif qui a donné un jour un pour- centage remarquable, ne donne, pendant une semaine, que des résul- tats insignifiants, puis, sans cause apparente, les résultats devien- nent meilleurs. Cette incohérence est due, pour une part, aux variations de la température, que je n’ai pas réussi à régler conve- nablement. Mais elle tient surtout à la nature des œufs, sur lesquels l’expérimentateur n’a aucune action et qui ne montrent pas de différences significatives aux yeux de l’observateur. Le meilleur pourcentage obtenu cette année a été de 72 0/0, sans progrès sur l’année passée. Mais le pourcentage brut des œufs segmentés par rapport au nombre total des œufs mis en expérience, n’est ni le seul, ni le meilleur indice de succès. Souvent, les œufs segmentés très nombreux n’arrivent pas à éclore ou donnent des larves inertes, restant au fond des vases et incapables de longue survie. Dans d’autres cas, un pourcentage de 100 0/00 ou même moins donnera des larves parfaites, agiles, capa- bles d’évoluer en Pluteus. Ces conditions de vitalité sont appré- ciables à l’œil, je les ai notées avec soin, mais elles ne se prêtent pas à la mesure par un coefficient numérique comme le pourcentage des segmentations. Si je ne donne pas ce dernier pour les diverses expériences c’est parce qu’il ne reflète pas à lui seul la vraie physionomie du résultat. De ces larves agiles, un très grand nombre sont devenues des Pluteus. La plupart de ces Pluteus meurent sans arriver à la métamor- phose. Il ne faut pas cependant attribuer cet insuccès au fait de la NOTES ET REVUE XXXYTl parthénogenèse, car dans une expérience comparative , faite avec des œufs fécondés normalement , et élevés dans les mêmes conditions , tous les Pluteus sont morts sans montrer d'indices de métamorphose . De mes larves parthénogénétiques, cinq ont atteint le stade de métamorphose. Deux d’entre elles sont encore vivantes aujourd’hui, âgées de trois mois. Elles montrent fort bien le rudiment de l’Oursin à la place, habituelle, mais ce rudiment n’a pas suivi l’évolution normale, étant resté enfermé dans cette sorte de cavité amniotique où il se forme. Je ne compte pas qu’il arrive à se développer1. Une a disparu. Une autre est morte après avoir, selon toute appa- rence, atteint le stade de la dernière dont il me reste à parler. Mais, retenu à Paris par les nécessités professionnelles pendant le mois d’octobre, je n’ai pu, à mon grand regret, l’observer à temps. Ce que j’en sais m‘a été communiqué par le garçon du laboratoire chargé de soigner ces larves. La dernière a atteint au bout d’un mois le stade de métamorphose. On voyait aisément le corps du petit Oursin, devenu complètement extérieur, appendu au système brachial du Pluteus en voie de dégé- nérescence. Le petit Oursin montrait les tentacules terminaux et deux pédicellaires , un très nettement, énorme par rapport à la taille totale de l’animal, l'autre moins bien. J’ai montré cette pièce uni- que sous le microscope à diverses personnes dans le laboratoire, qui ont constaté comme moi l’existence des pédicellaires, en parti- culier à MM. les docteurs Guiart, de Beauchamp, Duboscq, etc... A la suite d’uu de ces examens, l’animal n'a pu être retrouvé dans le bocal où il avait été replacé. Est-il resté collé à la pipette, à la paroi du vase et s’est-il là desséché, ou est-ce quelque autre mésaven- ture qui a causé sa perte ? Je ne puis le savoir. Il ne semble pas illégitime, cependant, de conclure que les larves de Paracentrotus obtenues par parthénogénèse expérimentale peu- vent parcourir l’évolution totale jusqu’à l’imago et sans doute jus- qu’à l’adulte. Je tiens en terminant à remercier M. Beauchamp qui m’a apporté une aide précieuse dans toutes les expériences dont il est ici ques- tion, aide non pas seulement matérielle car j’ai souvent profité de son initiative et de ses avis. 1 Au moment où je corrige ces épreuves, je suis imformé que ces deux larves, selon ma prévision, sont mortes sans que le rudiment d’Oursin ait évolué. Ces larves ont vécu quatre mois et demie. B** SXXV'Ilï NOTES ET REVUE Y! RECHERCHES SUR LES CARACTÈRES DIFFÉRENTIELS DES SEXES CHEZ LA TORTUE MAURESQUE par Gustave Loisetl Directeur du Laboratoire d’Embryologie générale et expérimentale à l’École des Hautes Études. Chaque été, â Paris, nous voyons arriver de grandes quantités de Tortues mauresques ( Testudo mauritanica , Duméril et Bibron)t (T. ibera , Pallas) qui nous sont envoyées d’Algérie et de Tunisie. Ces envois sont utilisés constamment dans les laboratoires et ce- pendant, quand nous avons commencé ces recherches, en 1905, Ton ne savait généralement pas, à Paris du moins, distinguer, à l’extérieur, le sexe mâle du sexe femelle. Ce n’est pas que certains vendeurs ne vous montraient avec assurance à quoi l’on pouvait reconnaître les deux sexes l’un de l’autre, mais leurs affirmations étaient loin de concorder et se trouvaient, du reste, souvent fausses1. L’on n’était guère mieux renseigné au laboratoire d’Erpétologie du Muséum, où nous nous étions tout d’abord adressé, et nous avons trouvé, du reste, que les ouvrages scientifiques étaient eux-mêmes bien peu explicites sur la question. Lacépède, dans son Histoire naturelle des quadrupèdes ovipares ; G. -A. Boulenger, dans le Catalogue of the Chelonians Rhynchoce- phalians and Crocodiles in the British Muséum (London, 1889) ; C.-K. Hoffmann, dans le Bronns Thier Reich; A. Granger, dans le Manuel du naturaliste français , édité par Deyrolle, n’en parlent pas. Cuvier, dans le Règne animal ; E. Sauvage, dans l’édition fran- çaise de T Histoire naturelle , de Brehm ; Hans Gadow, dans Amphi- hia, and Reptiles (London, 1901), disent que le plastron, plat chez les femelles, est plus ou moins concave chez le mâle, spécialement dans les genres Testudo , Cistudo et Emys. C’est encore ce seul 1 Les premiers résultats de ces recherches ont été communiqués, en 1905, à la 34e ses- sion de l’Association pour l’avancement des Sciences, à Cherbourg. Nous les avions déjà fait connaitre, auparavant, à quelques marchands d’animaux, dont un des plus connus à Paris, de sorte que cette note pourra paraître décrire des faits connus de certains labo- ratoires. NOTES ET REVUE XXXIX caractère distinctif que signale Werner, auquel nous devons une étude spéciale des caractères sexuels secondaires chez les Reptiles i. Pourtant Duméril et Bibron, dans leur Erpétologie , suite à Bujfon , 1855, t. II, p. 10), avaient déjà remarqué qu’on peut trouver aussi des femelles à plastron concave et que ce caractère paraît être « une variété individuelle, indépendante de l’un et de l’autre sexe ». Ces auteurs disent, par contre : « Les femelles sont, en général, plus grosses que les mâles, et ceux-ci ont le plus sou- vent la queue épaisse à la base et, relativement à l’autre sexe, un peu plus longue » (Id. p. 23) 2. Ils font remarquer également que le cloaque est plus allongé et les lèvres comme tuméfiées, mais, à la lecture du passage, on ne sait trop à quel sexe ce caractère s’ap- plique plus spécialement. Enfin, vers le même temps que Duméril et Bibron publiaient en France leur Suite à Bujfon, J.-E. Gray, publiait, à Londres, le cata- logue des Chéloniens du Bristish Muséum 3. Ce naturaliste anglais parle de la Tortue mauritanique comme d’une variété de la Tortue grecque ( Testudo grœca L.). Or, il remarque que, dans quelques individus, la plaque sus-caudale de la carapace est plus grande et a la pointe plus fortement courbée en dedans; chez d’autres individus, au contraire, cette plaque est plus étroite, plate et même quelque- fois fortement courbée en dehors à la pointe. Toutes les femelles et les jeunes que j’ai examinés, ajoute Gray, avaient cette forme; je la considère donc comme un caractère sexuel 4. Cependant, Gray ne semble pas baser son affirmation sur des dissections suivies et il la présente avec des points d’interrogation en ce qui concerne la Tortue grecque. Nous retrouvons l’indication de ce dernier caractère différentiel dans une note de Lorenzo Camerano3. Cette note de quatre pages, ' Werner. F. Ueber sekundare Geselilechtsunterschiede bei Reptilien, (Biolog. Cen - tralbl. , 1895, xv, pp. 125-140). D’après cet auteur, le mâle de la Tortue grecque porterait seul un ongle corne à l’extrémité de la queue. D’un autre côté, on ne pourrait distinguer les sexes chez les Chelydrides, chez les Tryonichides, chez les Chelonides ni chez de nombreux genres d’autces familles. 2 C’est également ce que montre nettement la figure 75 de l’ouvrage de Hans Gadow (p. 343). 3 J.-E. Gray : Catalogue of shield Reptiles in the Collection of the British Muséum. Part, i, Testudinata (Tortoises), London, 1855, v. p. 10. 4 Cuvier, décrivant la Tortue grecque dans son Règne animal, dit également que le bord postérieur de la carapace de cette espèce présente en son milieu une proéminence un peu recourbée vers la queue. Mais il n’en fait pas un caractère spécial au mâle. 5 Camerano (L.). Dei caratteri sessuali secondari délia Testudo ibera, Pallas. Torino. Accad. Sc. Atti, 1877, 13, p. 97-101 avec 1 pl. XL NOTES ET REVUE divisée en 18 paragraphes est, malgré sa concision, le travail le plus complet qui ait été fait sur les différences sexuelles dans la Tortue mauresque. Pourtant Camerano se perd un peu dans le détail des plaques, détail qu'il serait facile de multiplier, même après lui, sans mettre en relief les caractères sexuels secondaires fixes et nettement reconnaissables. D’un autre côté, il ne dit rien des organes internes, ni des différences physiologiques entre les deux sexes; il ne donne aucune pesée, ni aucune mensuration ; il ne dit pas sur quel nombre d’individus il a opéré ; enfin il ne nous renseigne pas sur la provenance de ces individus et ce dernier point aurait été utile, car il nous semble, à la lecture de sa note, que les individus qu’il a examinés et les nôtres appartiennent à deux variétés différentes. Nous avons donc repris cette étude, à une époque où nous ne connaissions pas, du reste, le travail de Camerano. Nous l’avons poursuivie d’une façon méthodique en prenant, comme point de départ de nos recherches, la dissection des individus et, comme base, la présence des ovaires ou des testicules. Nous avons étudié ainsi comparativement, le 20 juillet 1905, un premier lot de vingt-quatre Tortues mauresques envoyées de Tunisie, des environs de Sfax, et paraissant toutes de même âge. Nous avons reconnu, par la dissection, onze femelles dont les ovaires étaient chargés d’ovules prêts à être pondus et treize mâles qui, en captivité dans notre laboratoire, présentaient spontanément des érections fréquentes et dont les épididymes étaient gorgés de sperme. Voici tout d’abord les tableaux d’ensemble où nous avons con- signé exactement les données recueillies sur chaque individu de ce premier lot. TABLEAU I. — FEMELLES. NOTES ET REVUE xli MOYENNES 1 8 8 8 È m 1^ S | 2 -S S | ”15 8 Très grande. Plane. S co S- o | 8 « % 1 Prise avec un mètre souple de l’écaille nucliale à la sus-caudale. Les dimensions en largeur sont également prises avec un mètre souple. 2 Ces deux dimensions indiquent : la première, la plus grande largeur; la seconde, la plus grande hauteur. 3 C’est la distance prise entre l'écaille sus-caudale et la partie postérieure et médiane du plastron. * Les chiffres mis entre parenthèses indiquent le nombre d’ovules qui étaient prêts à être pondus. 11 Centim. 19,6 . 12,5 16 Millim. 35 . 20 21 Très grande. Creuse. É s s - Sgi"* 10 Centim. 19 13 16 Millim. 35 20 20 Très grande. Plane. Gram. 820 P 5,50 56 (12) Ci Centim. 18.5 11.5 19 Millim. 35 19 20 Très grande. Plane. Gram. 695 27,50 3,20 50 (17) 00 1 s â g S S g | Sis s Très grande. Plane. o' $ s s ~ 5J8“8 l> Centim. 18 11.5 16.5 Millim. 34 18 15 Très grande. Plane. î n s. '■ 5 § a ” s CO Centim. 19 12,5 17 ' Millim. 35 20 . 20 Très grande Plane. é n ^ * * * ° 00 Centim. 18 12,5 16 Millim. 34 20 18 }i § s R * O -X) 1 s .1 g 2 2 5 g mli S Très grande. Plane. 3 a. « ^ O çr, 00 | s , I C os cra — ; oi | o a ^ ^ g « Très grande. Plane. g à 5 1 §3 « 8 c- C! I s | | 2 S 2 g 8 |8 8 Très grande. Plane. oT i .« s S § 8 ^ 2? ■H 1 Centim. 19 12,50 17 Millim. 40 20 25 Très grande. Plane. 00 i ® t h 2 5 « ® Ç5 ^ CM I Longueur 1 1 Largeur en avant du plas- 1 tron K | ^ 1 Largeur en arrière du plas- £ J tron | Écaille sus-caudale . \ Ouverture postérieure 3 . . § | Mobilité en arrière .... ^ ) Surface Poids total — du foie . — des reins — des ovaires * TABLEAU II. — MALES. XLII NOTES ET REVUE MOYENNE Centim. 18,23 11,92 16 42,38 25,30 26,84 Variable. Creuse. Gram. 612 21,83 3,66 1,60 1,85 Cî Centim. 19 12 16,50 42 29 25 Grande. Creuse. Gram. 720 29,20 4.50 2 1.50 CO (N Centim. 19 13 17 45 28 26 Nulle. Creuse. Gram. 740 31 5.50 1 1.50 (N Oï Centim. 18 12 16 40 25 25 Grande. Plane. Gram. 580 "H C3 Centim. 17 12 15,50 40 24 30 Grande. Creuse. Gram. 510 13,20 3 1,50 2 O 05 Centim . 17 13 16 40 22 25 Très grande Creuse . Gram. 545 20,70 2,90 1,25 1,50 O Centim. 18 12 16 42 26 25 Très grande Creuse. Gram. 665 » 00 tH Centim . 18 12 16 42 25 30 Grande. Très creuse Gram. 582 11,70 2,10 2 1,60 tH Centim. 19 12 17 40 25 25 Très grande Très creuse Gram. 680 29 5 1,90 1,10 CD tH Centim . 20 12 16 42 25 24 Très grande Très creuse Gram. 650 29,70 4.80 1.80 10 tH Centim . 17 11 15 43 25 30 Grande. Creuse. Gram. 600 20 4,40 1,60 3,80 . ^ ri Centim. 18 11 14,5 42. 25 30 Grande. Creuse. Gram. 524 10,5 2,35 1,05 ! co rH Centim . 18 12 16,50 45 25 29 Faible. Creuse. Gram. 560 19,20 2.30 1.30 (N tH Centim . 19 11 48 2*5 25 Très grande Creuse. Gram. 600 25,80 3,50 1,20 1 Longueur Largeur en avant du l plastron ! Largeur en arrière du plastron .... ' Écaille sus-caudale . 0 u ver ture p o stérieure | Mobilité en arrière . | Surface V ds total du foie des reins des testicules . . . Épidydimes. . . . aOVdVHVO NOMSVTd *o llli eu TABLEAUX III ET IV. NOTES ET REVUE XLIII En mai 1906, nous avons reçu un deuxième lot de Tortues mau- resques, comprenant cinq mâles et cinq femelles provenant égale- ment de Tunisie. Ces animaux, conservés pour l’étude de l’hiber- nation, n’ont pu nous fournir que les données suivantes : Moyenne Centim. 18,50 12,10 16,60 Variable. Gram. 581 10 Centim. 19,5 13 17 Creux. Gram. 590 en ! H © hJ J Centim- 18 12 16 Plat, Gram. 558 H S W 00 fs- Centim. 19 12 18 Creux. Gram. 599 i> Centim. 18 11,5 16 Plat. Gram. 543 CD Centim. 18 12 16 Bombé. Gram. 615 Moyenne Centim. 18,70 12,20 16,20 Creux. Gram. 561,40 kO Centim. 16,5 11 14 Creux. Gram. 414 i en ^ W i 1 Centim. 19.5 11.5 18 Creux. Gram. 631 < S CO Centim. 20 13,5 16 Creux. Gram. 668 (M Centim. 20 12,5 17 Creux. Gram. 597 Centim. 17.5 12.5 16 Creux. Gram. 497 / Longueur. . w l Largeur en % ] avant du 5 \ plastron . cd 1 ^ I Largeur en [ arrière du \ plastron . Plastron .... Poids total. . . XLIV NOTES ET REVUE Toutes ces données numériques, venant s’ajouter à l’observation suivie des Tortues que nous avons conservées vivantes, vont nous permettre maintenant d’établir une comparaison entre les carac- tères anatomiques et les caractères physiologiques des deux sexes de la Tortue mauresque. A. — Caractères anatomiques. 1° Aspect général et poids total. — Les individus mâles paraissent plus petits et sont moins lourds que les individus femelles. En mai, leur poids total est plus faible de 19 gr. 60 en moyenne, que celui des femelles : les poids extrêmes des femelles étant 615 et 543 gr. avec une moyenne de 581 gr., ceux des mâles étant 668 et 414 gr. avec une moyenne de 561 gr. 40. En juillet, le poids total des individus mâles est plus faible de 76 gr. en moyenne que celui des individus femelles; les poids extrêmes de celles-ci étant 820 et 584 gr. avec une moyenne de 688 gr. ; ceux des mâles étant 740 et 510 gr. avec une moyenne de 612 gr. 2° Carapace. — En mai, les dimensions de la carapace, mesurées avec un mètre souple, étaient de quelques millimètres plus grands chez les mâles de nos Tortues que chez les femelles, sauf toutefois en arrière du plastron. En juillet, au contraire, la carapace des femelles est plus grande dans toutes ses dimensions que celle des mâles; sa longueur moyenne prise de l’écaille nuchale à l’écaille sus-caudale est 18cra,50 pour les femelles et 18cm,23 pour les mâles et encore fau- drait-il déduire, de ce dernier nombre, la partie de l’écaille sus- caudale qui dépasse le bord marginal; sa largeur moyenne, prise au niveau des épaules, est de 12cm,40 pour les femelles et de llcm,92 pour les mâles; prise au niveau du bassin, cette largeur est respec- tivement 16cm,65 et 16 centimètres. Mais c’est surtout par la partie du bord marginal qui est située directement au-dessus de la queue (écaille sus-caudale ou caudale) que la carapace du mâle se distingue facilement de celle de la femelle (fîg. 1). Chez le mâle, cette partie est fortement bombée et forme en bas une pointe saillante qui se recourbe un peu vers la queue; sa plus grande largeur est en moyenne de 42mm,38; sa plus grande hauteur, de 25mm,30. Chez les femelles, la plaque sus-cau- NOTES ET REVUE XLV dale ne se distingue en rien des autres plaques du bord marginal, ou, comme le faisait remarquer justement Gray, son bord inférieur peut se recourber yers le dehors ; dans tous les cas, chez les femelles, son bord reste toujours au même niveau que le reste du bord mar- ginal; la plaque elle-même présente, dans sa plus grande longueur, des dimensions moyennes de 35 millimètres et, dans sa plus grande hauteur, 19mm,45; 3° Le Plastron ne présente pas des caractères sexuels secondaires aussi fixes que la carapace. Gomme l’indiquent les auteurs, sa sur- face est en général plane ou même bombée chez les femelles alors qu’elle est plutôt creusée chez les mâles ; mais, comme le montrent nos tableaux et comme Duméril et Bibron l’avaient vu du reste, nous avons trouvé des femelles à plastron creux et des mâles à Fig. 1. Fig. 1. — Tortues mauresques mâle (à gauche ) et femelle (à droite ), vues de l’extrémité postérieure. plastron plan; dans tous les cas, il fallait mettre deux individus, de sexes différents, l’un à côté de l’autre pour pouvoir nettement dis- tinguer ce caractère. Gray dit (loc.cit. p. 11) que la partie postérieure du plastron est plus mobile chez les femelles que chez les mâles. C’est là encore un caractère qui ne peut suffire pour distinguer les sexes, car nous avons vu des mâles qui présentaient, en certains endroits, une mobilité aussi grande que chez nos femelles. Par contre, le plastron des mâles nous a toujours paru un peu plus petit que celui des femelles et, caractère facile à reconnaître, son extrémité postérieure est toujours plus largement fendue que chez les femelles ; il en résulte que la partie mobile du plastron, chez les mâles, tend vers la forme rectangulaire alors qu’elle pré- XLYI NOTES ET REVUE sente une forme plus nettement triangulaire chez les femelles (fig.2). 4° Queue. — Cette plus grande largeur de la fourche sternale en arrière, chez les mâles, est en rapport avec les dimensions de la queue qui sont nettement, ici, plus grandes que chez les femelles. De même, l’espace qui est compris entre la fourche sternale et le bord de la carapace est plus grand chez le mâle que chez la postérieur femelle. Ce sont encore là des caractères qui nous ont paru cons- tants et qui permettent de distinguer facilement les deux sexes. B. — Caractères physiologiques. Cette partie de notre étude ne peut être considérée que comme une amorce pour des travaux faits dans des conditions meilleures Fig. 2. Fig. 2. — Tortues mauresques mâle (à gauche ) et femelle (à- droite) vues du côté du plastron . que celles où nous avons pu placer les Tortues, dans notre labo- ratoire. Nous avons conservé vivantes, pendant près d’une année, six Tortues, trois mâles et trois femelles, les soumettant à des obser- vations continuelles qui nous ont permis de constater, tout d’abord, que les femelles sont moins craintives et s’accoutument plus vite à la présence de l’homme que les mâles; de plus ceux-ci font tou- jours entendre un souffle violent quand on les saisit ou même quand on lance brusquement la main dans la direction de leur tête; en général les femelles se laissent enlever sans souffler ou, du moins, leur souffle est moins fort que celui des mâles. Nous avons noté ensuite (tabl. V) les variations de poids et de densité moyenne de nos Tortues conservées pendant onze mois. NOTES ET REVUE XLVII TABLEAU Y. Variations de poids et de densité de Juillet 1905 à Mai J 906. F. n° 4 F. n° 6 F. n° 25 M. n° 19 M. n° 22 M. n° 26 Juilet 1905. Poids total 625 gr. 813 gr. » 665 gr. 580 gr. » surnage surnage s’enfonce s’enfonce dans l’eau dans l’eau 25 Octobre 1905. Poids total 593 gr. 768 gr. 677 gr. 630 gr. 576 gr. 682 gr. Perte de poids.. 32 45 » 35 4 » surnage surnage surnage s’enfonce s’enfonce surnage dans l’eau dans l’eau 6 Janvier 1906. Poids total 572 gr. 761 gr. morte 624 gr. 571 gr. 673 gr. Perte de poids.. 21 7 6 5 9 surnage surnage s’enfonce s’enfonce surnage dans l’eau dans l’eau 22 Mars 1906. Poids total 553 gr. 746 gr. 607 gr. 560 gr. 626 gr. Perle de poids.. 19 15 » 17 11 47 surnage surnage s'enfonce s’enfonce surnage dans l'eau dans l’eau malade 8 mai 1906. Poids total 545 gr. 728 gr. 564 gr. 552 gr. morte Perte de poids. 8 18 » 43 8 surnage surnage surnage surnage sacrifiée malade malade malade morte le 16 mai sacrifiée sacrifiée Pertes totales.. . 80 gr. 85 gr. » 101 gr. 28 gr. » Ces dernières observations, que nous comptions multiplier, ne peuvent donner lieu à aucune conclusion. L’étude de notre tableau V montre, en efï’et, que des maladies venaient modifier les conditions physiologiques de certains individus; ces maladies se traduisaient extérieurement par la présence de sérosités purulentes s’écoulant des narines et tenant collées l’une à l’autre les paupières de chaque œil. Des conclusions plus fermes peuvent être tirées de l’étude com- parative du poids des mêmes organes internes chez les mâles et chez les femelles, étude dont nous avons fourni les détails dans les Tableaux I et IL Nous noterons d’abord que le poids total du foie est plus grand chez les femelles que chez les mâles et, cela, tant au point de vue relatif qu’au point de vue absolu ; la moyenne du poids absolu du XLVJII NOTES ET REVUE foie chez les femelles est de 25sr,17 alors qu’il est seulement de 21gr,83 chez les mâles ; les poids relatifs sont respectivement de 1/27 pour les femelles et de 1/28 pour les mâles. De même, le poids moyen des ovaires, chargés d’ovules, est de 43 grammes alors qu’il est seulement de 3sr,45 pour les testicules et les épididymes gorgés de sperme. Par contre, les reins paraissent un peu plus lourds chez les mâles ; leur poids moyen est ici de 3&r,66, ce qui représente la cent soixante-septième partie du poids total du corps; chez les femelles, le poids moyen des reins est 3ër,76 qui représentent seu- lement la cent quatre-vingt-deuxième partie du poids du corps. Ces différences correspondent sans doute à des différences dans la nutrition des mâles et des femelles. Et en effet, une simple dis- section nous a montré que les mâles fabriquent ou conservent plus de pigments jaunes (lipochromes) et de mélanine que les femelles. Chez celles-ci, nous n’avons trouvé que les capsules surrénales, les ovaires et les ovules qui soient colorés en jaune vermillon ou chrome foncé ; chez les mâles nous avons trouvé la même coloration dans les capsules surrénales, dans les testicules (mais non dans le sperme qui est blanc), dans la graisse du corps et dans la partie médul- laire de certains os, tels que les ceintures scapulaire et pelvienne, le fémur, etc. De plus, les tissus des épididymes et parfois aussi le péritoine environnant étaient colorés intensivement en noir. Une particularité des plus frappantes qui nous a permis de dis- tinguer les femelles des mâles de notre premier lot est la pro- priété que présentaient les premières de surnager quand on les jetait dans un baquet plein d’eau, alors que les seconds allaient immédiatement et restaient au fond. Nous avons répété cette expé- rience un très grand nombre de fois, non seulement au mois de Juillet dernier, mais encore pendant toute l’année, pour les tortues de notre premier lot que nous avons conservées vivantes (Nos 4, 6, 19, 22). Toujours nous avons obtenu les mêmes résultats : les femelles surnageaient, les mâles allaient au fond. Nous n’avons pas obtenu la même constance, dans ces résultats, avec les tortues de notre second lot (tabl. III et V); ici les mâles sur- nageaient autant que les femelles. D’un autre côté les mâles nos 19 et 22 de notre premier lot, étant devenus malades à la fin de leur séjour dans notre laboratoire, se mirent à surnager alors qu’ils allaient toujours au fond, auparavant. NOTES ET REVUE XLIX Quoiqu’il en soit, les résultats positifs que nous avons obtenus, avec les vingt-quatre Tortues de notre premier lot, sont tels qu’on doit considérer la différence de densité totale du corps comme un phénomène différentiel des sexes chez la Tortue mauresque, phéno- mène se produisant seulement à certains moments de la vie. Nous avions pensé d’abord que la cause qui faisait botter les femelles était due à la présence, dans leurs ovaires, d’un certain nombre d’ovules chargés de matières grasses. Une étude plus atten- tive nous a montré que ce n’était pas là la véritable cause ; il nous suffisait en effet, de crever les poumons de tout individu qui surna- geait pour le voir tomber immédiatement au fond de l’eau. Nous pouvons donc dire que les femelles de notre premier lot se distin- guaient des mâles par la présence d’une plus grande quantité d’air résiduel dans leurs poumons. Il serait évidemment des plus intéressants de tâcher de mettre en évidence les conditions d’âge, de santé ou de milieu qui président aux variations de ce caractère distinctif, variations que nous n’avons pu que constater ici. Nous laissons le soin de ce travail à ceux qui sont plus fortunés que nous, dans l’installation de leurs laboratoires. CONCLUSIONS En résumé, de nombreux caractères morphologiques et physio- logiques permettent de distinguer les sexes l’un de l’autre, dans la Tortue mauresque. Parmi les caractères sexuels secondaires ( caractères morpholo- giques) ceux qui permettent de distinguer immédiatement et sûrement la Tortue mauresque mâle de la Tortue femelle sont: 1° Une écaille sus-caudale plus grande, bombée et recourbée en crochet vers la queue ; 2° La queue plus grande et plus forte ; 3° Le plastron sternal plus largement échancré en arrière ; 4° Un plus grand espace entre la carapace etle plastron en arrière. La concavité du plastron, qui est donnée comme un caractère sexuel secondaire du mâle, par les auteurs, est un caractère très souvent difficile à apprécier et n’est pas, du reste, absolument par- ticulier aux mâles. Il en est de même pour la mobilité de la pointe du plastron ; cette L NOTES ET REVUE mobilité est toujours très grande chez les femelles, mais elle peut l’être également chez les mâles. Notre étude nous a montré que les caractères morphologiques qui permettent de distinguer les sexes des Tortues sont accompagné de différences aussi grandes que nous avons constatées dans les caractères physiologiques de ces animaux. Nous noterons ici, en par- ticulier : La plus grande quantité de pigments formés dans divers organes des mâles. La moindre quantité d’air résiduel contenue dans leurs poumons. Leurs reins un peu plus lourds. Leur foie et surtout leurs glandes génitales moins développés. Paru le 20 Février 1907. Les directeurs : G. Pruvot et E.-G. Racovitza. Eug. MORIEU, lmp. -Grav., 140, Boul. Raspail. Paris (6-) — Téléphone : 704 - 75 MUSÉUM NATIONAL D’HISTOIRE NATURELLE PARIS SOUSCRIPTION UNIVERSELLE POUR ÉLEVER UN MONUMENT A LAMARCK Les Professeurs du Muséum national d’Histoire naturelle de Paris, désireux de rendre un hommage solennel à leur illustre prédé- cesseur, le naturaliste philosophe LAMARCK, prennent l’initiative d’une souscription internationale afin de lui élever une statue dans le Jardin des Plantes. Ils vous demandent de prendre part à cette manifestation scientifique qui a pour but de rendre une tardive justice à l’im- mortel auteur de la Philosophie zoologique, au savant qui, en Zoologie, en Botanique, en Géologie, en Météorologie, fut un pré- curseur génial, au grand penseur dont les conceptions sont la base des idées modernes sur l’évolution du Monde organisé. Si vous consentez à participer à leur œuvre, veuillez adresser votre souscription soit à M. Joubin, professeur au Muséum d’Histoire naturelle, à Paris, soit à l’un des correspondants inscrits sur la liste ci-jointe. Die Professoren am National-Museum für Naturkunde in Paris, hegen den Wunsch, in ehrfurchts voiler Huldigung ihrem berühmten Vorganger, dem Philosophen und Naturforscher LAMARCK, diesem ein Denkmal im « Jardin des Plantes » zu errichten, und laden dafür zu einer internationalen Subscription ein. Wir bitten Sie hôflichst, unser Yorhaben zu unterstützen, durcli welches, wenn auch spàt, der Dank zum Ausdruck kommen soll, den die wissenschaftliche Welt dem unsterblichen Verfasser der « Philosophie zoologique » schuldet, dem grossen Gelehrten, der in der Zoologie, der Botanik, der Géologie und Météorologie, ein genialer Forscher war, dem tiefen Denker, dessen Ideen ein Grundpfeiler der modernen Lehre von der Entstehung der Leben- wesen geworden sind. Fàlls Sie geneigtsind, an unserem Werke Theilzu nehmen, bitten wir Sie hierdurch, Ihren Beitrag gütigst an Professor Joubin (Muséum d’Histoire naturelle, Paris) oder an einen der Herrn einsenden zu wollen, deren Namen Sie in beigefügter Liste ver- zeichnet fînden. The Professors of the National Muséum of Natural History of Paris wishing to pay a worthy tribute to the memory of their illus- trious predecessor, the philosopher and naturalist LAMARCK, take the initiative in opening an international subscription in order to erect his statue in the « Jardin des Plantes ». You are invited to take part in this scientific manifestation, the aim of which is to render tardy homage to the celebrated author of the « Philosophie zoologique », to the scholar who in Zoology, Botany, Geologyand Meteorology, was the learned precursor, to the great scientist whose conceptions hâve formed the base of modem thought on the évolution of ail animated nature. If you desire to participate in this work, be so kiud as to send your subscription either to Professor Joubin (Muséum d’Histoire naturelle, Paris) or to one of the subscribers mentionèd in the list enclosed. Les Professeurs du Muséum national d’Histoire naturelle : Ed. Perrier, directeur ; L. Vaillant, assesseur; A. Mangin, secrétaire ; Arnaud ; H. Becquerel ; Boule ; Bouvier ; Bureau, professeur honoraire ; Chauveau ; Costantin ; Gaudry, professeur honoraire ; Gréhant ; Hamy ; Joubin ; Lacroix; Lecomte ; Maquenne ; S. Meunier ; Van Tieghem ; Trouessart. XXXVIe Année ■ Notes et Reyue, ,N° 3 ARCHIVES ' r, DE , ■ . ■ ; J . ■ ■' . , ' ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE FONDÉES PAR HENRI de LACAZE-DUTHIERS PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION DE G. PRUVOT ^ E.-G. RACOVITZA CHARGÉ DE COURS A LA SORBONNE DOCTEUR G-SC1ENCES DIRECTEUR DU LABORATOIRE ARAGO SOUS-DIRECTEUR DU LABORATOIRE ARAGO ' ■ ■ ' ■ ■ ' ■ • -, • ' ' QUATRIÈME SÉRIE Tome VI NOTES ET REVUE IV0 3 PARIS LIBRAIRIE C. REINWALD SCHLEICHER FRÈRES, ÉDITEURS 61, RUE DES SAINTS - PÈRES, 61 1907 ' i . - ' •' • / , ■ ' : '( MA Y Al TOME VI. — NUMÉRO 3 Notice nécrologique VII. — Y. Delage. — Charles Marty (avec un por- tait hors texte) . . . . . p. li Travaux originaux VIII. — L. Bruntz. — Néphrocytes et néphro-pha- gocytes des Caprellides. : ..... p. lvi IX. — M. Oxner. — Sur quelques nouvelles especes de Némertes de Roscoff (avec 5 fig.) p. lix Les travaüx destinés aux Archives de Zoologie expérimentale et aux Notes et Revue doivent être envoyés à l’un des directeurs (M. G. Pruvot, laboratoire d’ Anatomie comparée à la Sorbonne, Paris-ve ; M. E.-G. Racovitza, 2, boulevard Saint-André, Paris-vie) ou déposés à la librairie G. Reinwald, i 5, rue des Saints-Pères, Paris-vie. Les articles originaux, les notes préliminaires pour prendre date ou les mises au point des questions d’histoire naturelle, publiés dans les Notes et Revue, peuvent être rédigés' en français, en anglais, en allemand, ou en italien, et sont rémunérés à raison de io centimes la ligne. Les auteurs reçoivent gratuitement, brochés' sous couverture spéciale, 5o exemplaires du tirage à part de leurs travaux. Ils peuvent, en outre, s’en procurer un nombre plus considérable, d’après le tarif suivant : 1/4 de feuille 1/2 feuille la feuille Les 50 exemplaires 5 fr. 7 fr. 50 10 fr. Couverture avec titre, en sus : 5 — 5 — 5 — auquel il faut ajouter le prix des planches, quand il y a lieu. Celui-ci varie trop pour qu’on puisse fixer un tarif d’avance. Mais à titre d’indication, on peut prendre les chiffres approximatifs suivants comme moyenne pour 5o exemplaires d’une planche simple : Planche en phototypie ou lithographie, tirage en une seule teinte. 10 fr. Planche gravée sur cuivre ou lithographie, en plusieurs couleurs. 20 fr. Les auteurs s’engagent à ne pas mettre leurs tirés à part dans le commerce. CHARLES MARTY ARCHIVES DE ZOOLOGIE EXPERIMENTALE ET GÉNÉRALE FONDÉES PAR H. de LACAZE-DUTHIERS PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION DE G. PRUVOT et E. G. RACOVITZA Chargé de Cours à la Sorbonne Docteur ès sciences Directeur du Laboratoire Arago Sous-Directeur du Laboratoire Arago 4e Série, T. l/l. NOTES ET REVUE 1907. V» 3 V II CHARLES MARTY par Yves Delage Membre de l’Institut, Professeur à la Sorbonne. Il pourra sembler étrange à quelques personnes que l’on consacre dans un journal scientifique un article nécrologique à un homme dont la condition sociale n’était pas très supérieure à celle d’un garçon de laboratoire. Ceux qui ont vu Ch. Marty à l’œuvre à la station de RoscofF, ne fût-ce que pendant quelques semaines, trouveront la chose naturelle; à ceux qui l’ont suivi pendant sa longue carrière elle apparaîtra comme une dette de reconnaissance qu’il eût été injuste de ne pas acquitter. Ch. Marty était né à Nantes en 1851, dans une humble famille de jardiniers. Il aimait les plantes, mais il préférait la mer et partit comme mousse à bord d’un navire au long cours. Il était simple matelot quand il fut pris pour le service. Là le hasard des circonstances le fit se rencontrer sur le Narval , ARCH, DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 4e SÉRIE. — T. VI. c LÎI NOTES ET REVUE commandé par l’amiral Mouchez et chargé d’un service hydrogra- phique sur les côtes d’Afrique, avec H. de Lacaze-Duthiers, en mis- sion d’exploration zoologique. Un jour, en 1873, une aussière pendant le long du bord s’entor- tilla autour de l’arbre de l’hélice dont elle contraria la rotation sans l’arrêter tout à fait. L’amiral fit appel aux hommes de bonne volonté. La mission était difficile et périlleuse : Marty s’offrit. Il plongea et dégagea l’aussière au risque de se faire broyer par l’hé- lice. Cet acte d’adresse et d’intrépidité attira sur lui l’attention de ses chefs et celle de Lacaze-Duthiers. Aussi, lorsque le navire fut arrivé à destination, celui-ci devant se servir, pour explorer la côte, de la chaloupe à vapeur du Narval , demanda et obtint de l’amiral la désignation de Marty comme patron de la chaloupe. Pendant toute la durée de la campagne d'exploration, Marty donna des preuves journalières de son dévouement et de son intelligence. Lacaze-Duthiers qui venait de fonder à Roscoff une station zoolo- gique comprit tout le parti qu’il pourrait tirer de ces qualités excep- tionnelles et résolut de l’attacher à la station : telle fût la cause de l’entrée de Ch. Marty dans sa nouvelle carrière. La station était à cette époque dans un état bien rudimentaire : une maison louée, aménagée comme une habitation bourgeoise, où pouvaient travailler 6 à 7 personnes, chacune dans sa chambre à coucher; pas de salle commune; comme réservoir d’eau de mer, deux cuves en ciment d’une contenance d’un mètre cube environ; comme aquariums trois ou quatre bacs en brique avec une paroi de verre; comme embarcation, un petit cotre à clins de 5 mètres de long « le Pentacrine » et un bateau plat pour l’accostage ; pour tout personnel, Marty auquel on adjoignit bientôt un matelot pour le service de la pompe à bras destinée à emplir les cuves et pour l’aider dans la conduite du bateau. Mais, au pied de cette installation médiocre, une grève si admirable au point de vue de la richesse et de la variété de la faune, qu’il n’en est guère dans aucun pays qui puisse lui être comparée. Là, Marty, s’éprit d’un bel amour pour ces bestioles étranges que son maître lui apprenait à chercher, dont il lui disait les noms et lui faisait observer les mœurs. Doué d’une intelligence peu commune, d’un esprit d’observation très fin, dévoué à sa tâche par tempérament et à son maître par reconnaissance, il devient l’auxi- NOTES ET REVUE liii liaire indispensable de ce dernier et bientôt celui de tous les travail- leurs de la station. Cette côte bretonne est une des plus périlleuses qui soit au monde, par ses récifs innombrables, dont la hauteur et la forme apparente varient à chaque instant avec le niveau de la marée, et par ses cou- rants dont la direction et la force changent à toutes les phases du jusant et du flot. On estime qu’il faut être né dans le pays et avoir fréquenté ces dangers dès l’enfance pour qu’ils vous soient entiè- rement familiers. Marty fit exception à cette règle et en peu d’années devient aussi expert que les pilotes du pays. En peu d’années, il arriva à connaître, mieux que son maître et que pas un de nous, les grottes sous-marines où l’on s’insinue avec peine aux basses mers des grandes marées, avec tous les détails de la faune étincelante qui tapisse leurs parois, les retraites des formes les plus diverses, dessous des pierres, touffes de goémons, tiges creuses de laminaires, plages de sable ou de vase, où parfois les gisements sont limités à des places précises que rien ne distingue en apparence ; et il connaissait non moins bien la faune des régions inaccessibles à l’œil et à la main, où la drague, le faubert et le chalut, recueillent au hasard ce qui se rencontre sur leur passage. Ce n’est pas seulement pour la recherche des animaux nécessaires aux études que Marty se montra l’homme utile sur qui l’on peut compter. Au fur et à mesure que la station se développait pour devenir ce qu’elle est aujourd’hui, les fonctions nouvelles néces- sitant des aptitudes nouvelles se multiplièrent : Marty se montra à la hauteur de toutes les tâches. Quand la pompe à bras fut rem- placée par une pompe à vapeur, puis à pétrole, Marty devint le mécanicien de chacune d’elles, quand le bateau à voile fut remplacé par un bateau automobile, Marty en devient le machiniste tout en restant le pilote. Dans les premières années, l’hiver, où le laboratoire est vide de travailleurs, était pour lui une saison de repos. Mais quand furent organisés les envois aux Universités pour les manipulations des étudiants et aux travailleurs pour leurs recherches originales, une nouvelle fonction vint s’ajouter aux autres. Chaque mois affluaient des listes d’animaux à expédier, tantôt communs, tantôt rares, tantôt vivants, tantôt préparés suivant une technique parfois fort compliquée, souvent dans telle ou telle condition requise, plus ou moins aisée à discerner, d’âge, d’état sexuel, de bourgeonne- LIV NOTES ET REVUE ment, etc., toujours désignés par leur nomenclature de genre et d’espèce; et, au jour dit, l’envoi arrivait, dépassant les espérances, tant étaient réalisées avec intelligence les conditions délicates que l’on avait réclamées. Sa haute intelligence, son cœur dévoué, lui avaient inspiré une noble ambition : il ne voulut pas être le serviteur des travailleurs du Laboratoire, mais leur collaborateur, et il y réussit. Durant plus de trente années qu’il y passa il ne se fit pas à la station un travail zoologique ou biologique de quelque importance auquel il ne mît la main. Pour trouver les formes rares, dépister les stades larvaires fugaces, deviner les conditions d’élevage, de fixation, de reproduc- tion, de bourgeonnement, sa perspicacité avait la sûreté d’un ins- tinct. I] avait ce quelque chose qui ne s’acquiert pas et que les naturalistes appellent le sens de l’espèce. Il triait sans hésitation les échantillons de formes semblables que nous ne distinguions souvent qu’après une laborieuse détermination de caractères, et s’il y avait discussion, son avis finalement se trouvait être le bon. Il se mêlait à nos travaux, il se tenait au courant du succès de nos recherches, aimait à voir les préparations microscopiques, et plus d’une fois nous avons tiré profit de ses observations judi- cieuses. Si les circonstances, au début, avaient fait de Marty, non un matelot mais un étudiant, il compterait aujourd’hui parmi les natu- ralistes qui font le plus honneur à la science et à leur pays. Cette participation continuelle aux travaux de tous a été reconnue par ceux qui en ont usé. Elle se trouve inscrite dans toutes les lan- gues, dans les périodiques où ces travaux ont été publiés ; elle a été sanctionnée par la dédicace de plusieurs espèces nouvelles ayant pour nom spécifique Martyi , et s’il n’existe qu’un genre Marty a c’est que les règles de la nomenclature s’opposent à ce qu’un nom géné- rique soit donné deux fois. J’extrais d’une lettre de condoléances d’un de nos plus distingués naturalistes, le professeur Francotte, de Bruxelles, les passages sui- vants : « A plusieurs reprises j’ai eu l’occasion d’entendre les « remarques qu’il faisait, lorsqu’il nous accompagnait à la grève, « sur l’habitat, les mœurs et parfois même la psychologie des orga- « nismes que nous cherchions ; je l’écoutais avec un plaisir extrême « tellement tout ce qu’il disait était juste, précis, original... Il y NOTES ET REVUE LV « aurait eu grand intérêt à ce qu’il eût écrit, à sa façon, toutes les a observations qu’il avait faites. Ce livre aurait eu certainement une « réelle valeur et eut été de la plus haute utilité pour ceux qui veu- « lent s’initier aux choses de la mer. » Sa complaisance, son adresse, la sûreté de ses avis étaient telles qu’à chaque minute on avait recours à lui. Qu’il fallut se procurer des animaux rares, réparer un instrument délicat, imaginer une installation nouvelle, faire face à une difficulté imprévue de quel- que nature qu’elle fût, toujours on concluait : demandons à Marty. On l’appelait de tout côtés et, malgré son activité incessante, il lui eût fallu se dédoubler bien des fois pour satisfaire à tous. Il avait une noble conception de ses devoirs. Mais il faut bien comprendre que s’il accomplissait toutes ces tâches ce n’était pas par devoir, mais par amour pour le travail, pour la recherche, pour la science. Ce qu’on fait par devoir finit par lasser; ce qu’on fait par amour ne lasse jamais : là était le secret de son activité inépuisable. Dire qu’il était la cheville ouvrière du Laboratoire serait trop peu: il en était l’âme. Nombreux sont les exemples de gens partis d’aussi bas et arrivés bien plus haut. Mais d’ordinaire d’heureuses fortunes ont eu une grande part à leur élévation. Marty, au contraire, ne doit rien qu’à lui-même et n’a jamais été récompensé à l’égal de son mérite. Il est mort Surveillant général du Laboratoire de Roscoff, aux appointements de 2.000 francs et Officier de l’Instruction Publique. C’est peu pour s’être montré pendant plus de trente années, partout et toujours supérieur à ce qu’on pouvait attendre de lui. Mais ce qui est beaucoup c’est, par sa haute valeur intellectuelle et morale, d’avoir conquis un rang bien supérieur à sa condition matérielle et d’emporter en mourant l’estime, la reconnaissance et le regret de tant de savants de tous les pays qui avaient recours à son aide et le traitaient comme un égal, mieux encore, comme un ami. LVI NOTES ET REVUE VIII NÉPHROCYTES ET NËPHRO-PHAGOCYTES DES CAPRELLIDES par L. Bruntz, Chargé du Cours de Zoologie à l’Ecole supérieure de Pharmacie de Nancy. Si on injecte du carminate d’ammoniaque dans la cavité générale des Amphipodes, par exemple des Talitres, Gammarus et autres Crevettines (Gammarides), on sait (Bruntz, 1903) que cette solution s’élimine, non seulement par les saccules des reins antennaires, mais aussi par des cellules conjonctives fixes et closes : néphrocytes. On constate le même fait chez Protella phasma S. Bâte, que je choisis, à cause de sa grande taille, comme type de Caprellides. Dans ces deux groupes d’ Amphipodes, les néphrocytes sont réunis en amas symétriquement disposés dans la tête et dans le corps. Dans un travail antérieur, j’ai cherché à homologuer les amas néphrocy- taires des deux groupes, mais sans documents suffisants ; de récentes expériences me permettent de compléter et de préciser nos connaissances à ce sujet. I. — Description. Chez les Crevettines, il existe des amas de néphrocytes céphali- ques, thoraciques et abdominaux ; chez la Protelle, on retrouve aussi des amas de néphrocytes céphaliques et thoraciques, mais l’abdomen très réduit ne renferme pas de semblables éléments excréteurs. Néphrocytes céphaliques. — Les Crevettines possèdent une paire d’amas de néphrocytes céphaliques entourant la base des muscles extenseurs des premières antennes. Chez la Protelle, il existe trois paires d’amas de néphrocytes céphaliques. La première paire se trouve disposée à la base des premières antennes, bordant les nerfs qui se rendent à ces appen- dices. La deuxième paire est placée à la région dorsale de la partie postérieure de la tête, sous l’épine qui orne, en cet endroit, la tête de la Protelle ; les cellules constitutives sont attachées aux faisceaux musculaires des maxilles, ainsi qu’à l’aorte. La troisième paire, située à la face ventrale de la tête, s’étend transversalement NOTES ET REVUE LVII de la base des deuxièmes antennes à la base des pattes-mâchoires. Ces amas de la dernière paire sont plus ou moins séparés, dans leur région médiane, par les muscles des maxilles. Au-dessus, les cellules sont accolées aux muscles antennaires, au-dessous, aux muscles des pattes-mâchoires. Les néphrocytes sont, de plus, en contact avec les masses nerveuses et l’estomac. Néphrocytes thoraciques. — Ces néphrocytes (appelés aussi bran- chiaux par raison d’analogie, car chez tous les Crustacés, ils se trouvent sur le trajet du sang revenant des branchies ou autres appendices respiratoires) sont disposés, chez les Crevettines à la base de chacun des anneaux ainsi que dans l’article basal des pattes. Il existe donc sept paires d’amas de ces néphrocytes, qui forment un revêtement interne et incomplet aux vaisseaux péricardiques. Chez les Caprellides, les néphrocytes branchiaux se trouvent dis- posés à la partie ventrale des anneaux, dans la région d’attache des appendices correspondants. Il n’existe que six paires d’amas de ces néphrocytes, lesquels sont accolés aux ganglions nerveux ou à des muscles avoisinants. Dans les troisième et quatrième anneaux, des néphrocytes sont encore portés sur des fibrilles, qui relient les par- ties latérales du septum péricardique à la face ventrale. Néphrocytes abdominaux . — Ces derniers n’existent que chez les Amphipodes normaux, lesquels possèdent un abdomen formé typi- quement de six anneaux. Les amas de néphrocytes plus réduits que ceux du thorax, forment, comme dans cette partie du corps, un revêtement aux canaux péricardiques, mais les amas postérieurs peuvent ne pas exister ou se trouver réunis de telle sorte qu’il n’en existe, par exemple, que cinq paires chez le Gammarus et quatre chez le Talitre. Néphro-phagocytes péricardiques. — J’ai montré que chez les Amphipodes normaux, il existe des cellules qui possèdent la double propriété d’éliminer les substances dissoutes et de phagocyter les particules solides injectées. En raison de cette double fonction, je propose d’appeler ces éléments : des néphro-phagocytes. Ces cellules sont placées dans le sinus péricardique, accolées aux faces externe et interne du cœur ainsi qu’aux fibrilles de soutien de cet organe. Récemment, à la station maritime de Roscoff, j’ai retrouvé chez Protella phasma S. Rate, les mêmes néphro-phagocytes, dont l’exis- tence était jusqu’alors inconnue. Ces éléments sont de petites cellules (d’environ 12 g de diamètre) difficiles à apercevoir quand LVIII NOTES ET REVUE on n’utilise pas la méthode des injections physiologiques. Ces cel- lules éliminent le carminate d’ammoniaque et* capturent les parti- cules d’encre de Chine. Grâce à la transparence des téguments on peut, comme sur des coupes, reconnaître que ces cellules s’étendent dans toute la longueur du thorax où elles forment un revêtement à la face externe du cœur. Il en existe aussi, dans le voisinage du cœur, sur le septum péricardique. Dans les troisième et quatrième anneaux, le péricarde descend latéralement pour s’attacher à la base des sacs branchiaux; dans cette région, la membrane péricardique supporte de nombreux néphro-phagocytes ; il en existe aussi sur les fibres de soutien, auxquelles sont déjà accolés devrais néphrocytes. Ces cellules et les globules sanguins sont les seuls éléments chargés de la phagocytose, les Caprellides ne possèdent pas d’organe phago- cytaire analogue à celui des Crevettines. II. — Homologie entre les néphrocytes et les néphro-phagocytes des Crevettines et des Caprellides. En raison de leur physiologie bien spéciale et de leur même dis- position, il est évident que les néphro-phagocytes péricardiques de ces deux groupes sont homologues. Il en est de même des néphro- cytes branchiaux qui, chez les Crevettines comme chez les Caprel- lides, se rencontrent dans chaque anneau, à la base des appendices correspondants, sur le trajet du sang retournant au cœur par l’in- termédiaire du péricarde. Mais comment homologuer l’unique paire d’amas de néphrocytes céphaliques des Crevettines avec les trois paires d’amas des Caprel- lides ? Bien que n’affectant pas exactement la même disposition, la situation analogue des amas néphrocytaires placés, dans les deux groupes, à la base des antennes de la première paire, indique clai- rement que ces amas sont homologues. Ils ne correspondent pas, comme je l’avais supposé, aux « Frontaldrüsen » de Mayer (1882). Les néphrocytes péribuccaux semblent, au premier abord, parti- culiers aux Caprellides, cependant si on remarque qu’il existe une paire d’anias dans chaque anneau thoracique, et que chez la Protelle, le premier anneau thoracique est soudé à la tête, on peut penser que les néphrocytes péribuccaux correspondent aux néphrocytes bran- chiaux du premier anneau des Crevettines. NOTES ET REVUE LIX Quant aux amas de néphrocytes disposés, chez la Protelle, sous l’épine dorsale céphalique, j’avais autrefois pensé qu’ils représen- taient l’amas des néphro-phagocytes péricardiques des Crêvettines, lequel se serait trouvé reporté dans la région antérieure du corps, concentré autour de l'aorte. Or, il n’en est rien, puisque dans les deux groupes d’Amphipodes étudiés, les néphro-phagocytes sont localisés dans le sinus péricardique. Il semble donc bien que ces derniers amas de néphrocytes soient spéciaux aux Caprellides, s’ils ne le sont pas seulement à l’espèce que j’ai étudiée. (Laboratoire d'Histoire naturelle de l'Ecole de Pharmacie le 8 novembre 1906). IX SUR QUELQUES NOUVELLES ESPÈCES DES NËMERTES DE ROSCOFF1. par Mieczyslaw Oxner. I. — Amphiporus Martyi n. spec. Au cours de mes recherches sur la régénération chez les Némertes que j’ai poursuivies au Laboratoire Lacaze-Duthiers, à Roscoff, j’eus l’occasion de trouver quelques espèces nouvelles de Métanémertes. Je voudrais d’abord signaler ici une espèce d’Amphiporus que j’ai nommée Amphiporus Martyi en hommage à la mémoire de Charles Marty, le regretté surveillant du Laboratoire, qui, pendant plus de trente années, a mis, sans compter, au service de tous les travailleurs son zèle infatigable, son savoir et son intelligence. A Roscoff on trouve Y Amphiporus Martyi seulement dans le voi- sinage du Laboratoire, en face de l'Hôtel des Bains de Mer sur une étendue très limitée. Dans cet endroit A. Martyi vit à côtède Lineus ruber (Muell.) sous les pierres entre les niveaux extrêmes du balan- cement des marées. A. Martyi se distingue de Lineus ruber au pre- mier coup d’œil par sa couleur blanche. L’organisation intérieure est très facile à étudier à cause de la grande transparence de l’animal. Nous constatons d’abord les carac- 1 Travail du Laboratoire de Zoologie de la Sorbonne. C* LX NOTES ET REVUE tères suivants de Métanémerte : une trompe armée, un cæcum, une bouche située devant le ganglion cérébral. La cavité de la trompe se prolonge jusqu’à l’anus ; cette particularité nous oblige à ranger l’animal dans la sous-famille des llolorynchocoelmes. Enfin l’attri- Fig. 1. — A ganglion dorsal; Z, nerf latéral ; V, ganglion ventral ; «, yeux antérieurs ; b , vaisseau céphalique ; b1, vaisseau latéral ; c , organe cérébral ; d , commissure dor- sale ; o, ouverture commune de la bouche et de la trompe ; p, yeux postérieurs ; s, sillon céphalique ventral ; l, sillon céphalique dorsal ; y, commissure ventrale ; oc, petits yeux. bution de notre espèce au genre Amphiporus est nécessitée par les caractères suivants : la présence d’un vaisseau sanguin dorsal ; le grand nombre des yeux ; la cavité de la trompe sans diverticules latéraux ; un seul stylet central. Comme espèce, A . Martyi se distingue par les traits suivants : la NOTES ET REVUE LXI tète très peu élargie, spatulée, arrondie en avant; elle n’a aucune ornementation ; elle est très peu séparée du corps : l’étranglement Gollaire est formé par les orifices des canaux cérébraux. La partie caudale du corps est un peu effilée. L’animal est coloré d’une façon très uniforme en blanc-crème, rarement d’une nuance rose-clair. Le ganglion cérébral apparaît déjà macroscopiquement comme une tache rouge-jaune ; sous le microscope, par transparence, la couleur est d’un jaune-clair ; cependant chez les individus adultes les parties postérieures des ganglions dorsaux sont ponctuées par de très fins grains d’un pigment rouge-brunâtre. Les ganglions dor- saux sont plus petits que les ventraux (fig. 1). La commissure cérébrale dorsale est longue, fine, la commissure ventrale est courte, large, et fournit de fibres nerveuses aux troncs latéraux. Les troncs nerveux latéraux sont très épais; ils courent très laté- ralement et sont dans tout leur parcours d’une couleur jaune-clair; leur commissure anale se trouve tout à fait près de l’anus. Les organes cérébraux sont grands, piriformes; ils se trouvent en avant du cerveau qu’ils touchent à leur partie postérieure ; ils débouchent des deux côtés dans une profonde dépression, juste à l’endroit où se rencontrent les sillons céphaliques ventraux et dor- saux. Les yeux (fig. 1) forment de chaque côté deux groupes : les groupes antérieurs s’étendent très latéralement, du sommet de la tête jusqu’à la proximité des sillons céphaliques ; les groupes posté- rieurs commencent en arrière de ces sillons et s’étendent au-dessus des organes cérébraux jusqu’au cerveau. Les yeux sont très grands, bien développés et pourvus d’un calice pigmentaire bien formé, dont la concavité est tournée en dehors parallèlement à l’axe longi- tudinal du corps, ou en dehors et en avant, vers le sommet de la tête (seulement les groupes antérieurs). En plus de ces grands yeux pourvus d’un calice pigmentaire bien formé on aperçoit encore en nombre réduit de très petits yeux dont le pigment ne forme pas un calice. J’ai eu l’occasion d’observer séparément pendant quelques semaines, plusieures échantillons de A. Martiji. J’ai constaté qu’avec le temps ces petits yeux se transforment en grands avec un calice pigmentaire bien développé, ou ils disparaissent tout à fait au bout d’un certain temps. Je reviendrai sur cette question à une autre occasion. LXII NOTES ET REVEE Les petits yeux se trouvent presque toujours en dehors des grands; rarement ils sont disséminés parmi ou derrière les grands. Les groupes antérieurs des yeux sont composés de 4 à 12 grands et 1 à 4 petits qui se rangent de chaque côté en une ligne longitudinale ; les groupes postérieurs comptent 2 à 8 grands et 1 à 6 petits yeux qui forment de chaque côté un amas sans forme bien définie. Le nombre total des yeux varie entre 8 et 24; le plus souvent on en trouve 14 à 18. Chez les individus adultes les yeux sont plus nom- breux que chez les jeunes. Fig. 2, Fig. 2. — A, poches des stylets accessoires ; 5, réservoir à venin; C, canal éjaculateur du venin ; R, stylets accessoires ; 1, 2, 3, lame collerette et socle du stylet central. Les sillons céphaliques (fîg. 1) dorsaux courent parallèlement à Taxe transversal du corps; du côté ventral les sillons se dirigent d’abord obliquement en avant vers la ligne médiane jusqu’à la hau- teur du groupe antérieur des yeux et reviennent de là en arrière. Ni les sillons dorsaux ni les ventraux ne se rencontrent sur la ligne médiane du corps. La glande céphalique n’est pas visible sur l’animal vivant. Néan- moins sur les coupes on peut constater qu’elle est bien développée. L’appareil circulatoire ne présente aucune particularité. L’anse NOTES ET REVUE LXIII anale ne dépasse pas la commissure des troncs nerveux latéraux. Le sang est incolore. Les culs-de-sac intestinaux sont médiocrement ramifiés. L’anus est terminal et légèrement dorsal. L’orifice de la trompe et celui de la bouche se confondent en un court vestibule (fig. i), dont l’ouverture est sensiblement terminale. La trompe est très large. La figure 2 nous reproduit la forme et les dimensions relatives des diverses parties de l’appareil stylifère. Les poches de stylets accessoires sont au nombre de 2 (très rarement 3) dont chacune contient 3 (très rarement 4 à 6) stylets de réserve. Le stylet central est un peu plus long que son socle. Le réservoir à venin est court et en forme d’oignon. La trompe est pourvue de 11 (rarement 10) nerfs. Les poches des glandes génitales n’alternent pas régulièrement avec les culs-de-sac intestinaux; dans le même pseudométamère se trouvent souvent plusieurs poches génitales. La maturité sexuelle se produit dans les mois de Septembre-Octobre. Les échantillons gonflés des œufs et vivants dans l’aquarium du Laboratoire de Zoologie de la Sorbonne, pondaient dans les mois de Janvier et Février. La ponte forme de longs cordons composés d’une mucosité opaque renfermant de nombreux œufs. Les œufs sont distribués dans ces cordons pêle-mêle, et non comme chez Linem ruber , par exemple, chez lequel ils sont disposés latéralement en deux lignes longitudinales. La coque de l’œuf est ronde sans appendice en entonnoir comme en a celui de Lineus ruber. La longueur des animaux adultes est 10-45mm, la largeur lmm. A. Martyi n’est pas abondant à Roscoff. IL — Prosorochmus Delagei n. spec. Aux trois espèces du fort intéressant genre Prosorochmus j’ajoute ici une quatrième, Prosorochmus Delagei. Cette espèce est assez rare à Roscoff ; j’en ai trouvé chaque année au maximum six échan- tillons, en face du Laboratoire, sous les pierres, à des époques des petites eaux mortes. J’ai cru d’abord avoir affaire à Prosorochmus Claparedii (Kef.), mais les descriptions de cette espèce donnés par Rürger (1895) et par Joubin (1890), m’ont obligé à abandonner cette idée. Ayant quelques caractères communs d’une part avec P. Cla- paredii, d’autre part avec P. Korotneffi (Bürg.) , P. Delagei diffère sur la plupart des points de ces deux espèces. D’abord sa forme : effilée, très peu aplatie : la tête arrondie non LXIV NOTES ET REVUE séparée du corps, un peu plus large que celui-ci, l’extrémité posté- rieure sensiblement effilée mais arrondie au bout. Les échantillons adultes atteignent à peine 20 à 25 millimètres sur une largeur de 3/4 à 1. La coloration de P. Delagei nous montre quelques particularités. Vu à l’œil nu l’animal apparaît d’un rose-chair très pâle. Sous le microscope on voit que l’animal est incolore dans le sens strict du mot et la coloration est due de nombreuses petites taches luisantes, d’une forme définie (fig. 3). Ces taches singulières d’une nuance ^4 jaune de chrome très brillant sont distribuées très régulièrement sur tout le corps (du côté ventral comme du côté dorsal, à la tête comme à l’extrémité postérieure) d’une façon uniforme ; elles sont tantôt isolées, tantôt réunies par égument Sr0llPes (%• 3, B); leur diamètre i. atteint 0,0036 millimètres ; on ne voit pas dans ces taches de grains r .B. Fig. 3. Fig. 3. — A, B, taches luisantes du tégument de Prosorochmus Delagei. de pigment auquel on pourrait attribuer la coloration si singulière de P. Delagei. Par coloration vitale au Neutralrot le jaune en devient rouge brillant. Après tout ce que je viens de dire il est évident que cette coloration luisante est due, non à des grains pigmentaires, mais aux cellules glandulaires excessivement nombreuses dans la peau des Prosorochmides. Chez P. Delagei il y a deux sortes de cellules glandulaires : les unes sont incolores et translucides, les autres ont un plasma homo- gène et d’une couleur jaune luisante. Bürger (1895) cite quelques espèces des Némertiens dont la coloration brillante est due aux cellules glandulaires colorées. Ce sont: Cerebratulus marginatus, Lineus geniculatus et gilvus , Micrura fasciolata et lactea, Amphiporus glandulosus. Mais c’est surtout Lineus gilvus qui nous intéresse le plus parce qu’il présente les même dispositions que P. Delagei . Au sommet de la tête se trouve du côté dorsal un petit repli médian du tégument (fig. 4) qui donne à l’animal un aspect tout à fait particulier semblable à celui de P. Claparedii , mais du côté ventral l’incisure médiane est loin d’être si profonde que chez celui-ci. NOTES ET REVUE LXV Les sillons céphaliques sont très peu marqués et invisibles sur l’animal vivant ; seule une fossette ciliée située de chaque côté entre les yeux antérieurs et postérieurs et dans laquelle s’ouvre l’orifice du canal cérébral décèle l’existence de sillons céphaliques (fig. 4). Les yeux reportés très en arrière vers le cerveau sont toujours au Fig. 4. — A, yeux antérieurs ; B, vaisseau céphalique ; B1, vaisseau latéral ; C, organe cérébral ; D, ganglion dorsal ; Z, nert latéral ; O, ouverture commune de la bouche et de la trompe ; P, yeux postérieurs ; Q, glande céphalique ; P, repli médian du tégu- ment ; t , ganglion ventral ; d , commissure dorsale ; g, gaine de la trompe ; r , rhyn- chocoelome ; t, trompe ; u, rhynchodaeum ; y, commissure ventrale. nombre de quatre. La distance entre les deux yeux antérieurs (ou postérieurs) est égale à trois fois la distance comprise entre les deux paires. Chez P. Claparedii les deux yeux postérieurs sont, d’après Joubin (1890), moins nets que les deux yeux postérieurs. Chez P. Delagei les quatre yeux sont également bien développés, néanmoins les postérieurs sont un peu plus petits que les anté- rieurs. LXVI NOTES ET REVUE Dans P. Korotneffi que j’ai eu occasion d’étudier à Villefranche- sur-Mer, chez plus de 35 pour 100 des individus adultes les yeux sont au nombre de 5 à 7. J’ajoute que ces yeux « supplémentaires » sont rarement bien développés ; ils sont presque toujours dépourvus d’un calice, comme les petits yeux de Amphiporus Martyi ; seuls les Fig. 5. Fig. 5. — A, poches des stylets accessoires ; C, canal éjaculateur du venin ; P, chambre postérieure de la trompe ; B, stylets accessoires ; V , réservoir à venin ; 1, 2, 3, lame collerette et socle du stylet central. jeunes inclus encore dans le corps maternel m’ont montré parfois 6 yeux. Les organes cérébraux sont assez grands, piriformes ; ils se trou- vent au niveau des yeux postérieurs en avant du cerveau qu’ils tou- chent presque. Le cerveau apparaît par transparence coloré en jaune-clair, tandis que les troncs latéraux sont blancs. Sa forme est caractéristique : il NOTES ET REVUE LXVU est très allongé, sa longueur étant du double de sa largeur (fig. 4). Le ganglion dorsal du cerveau est sensiblement plus petit que le ganglion ventral. De même la commissure ventrale trois fois plus large que la très longue commissure dorsale. Toutes les deux ne sont jamais recourbées comme chez P. Claparedii. La commissure anale des troncs latéraux est très près de l’anus. Quant à l’appareil vasculaire, il ne présente aucune particularité; je dirai seulement que le sang est complètement incolore. La bouche s’ouvre dans le rhynchodaeum, qui forme en avant d’elle un très court vestibule dont l’ouverture se présente comme une petite fente ovale, située presque à la pointe de la tête mais sensiblement ventrale. L’œsophage est assez long mais très étroit. L’intestin stomacal est relativement court. Les culs-de-sac de l’in- testin moyen sont courts et non ramifiés. Les culs-de-sac du cæcum se prolongent jusqu’au cerveau; chez P. Claparedii , ils sont au contraire très courts. La glande céphalique est énormément développée; elle descend jusqu’au niveau du pylore. Le rhynchocoele se prolonge jusqu’à l’anus. La poche postérieure (non dévaginable) de la trompe et le rétinacle sont relativement courts. On trouve deux poches de stylets accessoires ; chacune est pourvue de deux stylets de réserve (fig. 5). Le stylet central est plus court que son socle ; la collerette à la base du stylet est simple, comme la tête d’une épingle. Chez P. Claparedii cette collerette est divisée en cinq lobes par des sillons. La forme et les dimensions du socle peuvent subir de nombreuses variations. Cette variation est un trait caractéristique pour P. Delagei. La figure 6 et le tableau I, nous en montrent quelques types. LXVIII NOTES ET REVUE TABLEAU I DIMENSIONS I II III IV Stylet A 22 34 9 9 » B 30 40 10 15 » C 16 26 7 6 » D 12 19 6 8 » E 20 23 7 5 12 18 9 9 6 Les chiffres indiquent les dimensions relatives des différentes parties des stylets marquées sur la figure 6. L’unité est la division -B. du micromètre oculaire Zeiss 3, obj. DD, c’est-à-dire — 0,0036 millimètres. Néanmoins j’ai pu constater que la forme du socle chez P. Delagei est toujours différente de ce qui existe chez P. Claparedii et P. Korot - NOTES ET REVUE LXIX neffi. On n’a qu’à comparer la figure 6 avec les figures données par Bürger (1895, Taf. 9, fig. 9, 11). D’après lui le socle chez P. Cla- paredii est toujours conique non arrondi à la base ; chez P. Korot- neffî il se distingue par un étranglement constant à la moitié de sa hauteur; sa base est toujours plus large que la partie antérieure sur laquelle repose la collerette du stylet. Il nous reste à ajouter quelques mots sur l’appareil génital. P. Delagei est vivipare et hermaphrodite. J’ai rencontré à Roscoff en Août-Septembre les animaux en pleine reproduction. Dans le même animal j’ai toujours trouvé des jeunes sur le point de quitter le corps maternel et des œufs à peine fécondés. Les produits géni- taux n’alternent pas régulièrement avec les culs-de-sac intestinaux. Les animaux en reproduction n’ont pas de taches vertes (dues aux embryons qui apparaissent à travers le tégument) comme chez P. Claparedii. La coloration des jeunes est la même que celle des adultes. OUVRAGES CITÉS 1890. Joubin (L.). Recherches sur les Turbellariés des côtes de France (Némertes). Arch. de Zool. Exp. 2me série , tome VIII). 1895. Bürger. O. Die Nemertinen des Golfes von Neapel und der angrenzenden Meeres-Abschnitte. (F. u. Fl. Neap. 22 Mono- graphie.) Les directeurs : G. Pruvot et E.-G. Raçovitza. Paru le 25 Février 1907. Eug. Morieu, lmp. -Grav., 140, Boul. Raspail. Paris (6-) — Téléphone : 704 - 75 XXXVIe Année Notes et Revue, N° 4 ARCHIVES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE > FONDÉES PAR HENRI de LACAZE-DUTHIERS PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION DE G. PRUVOT ^ e.-G. RACOVITZA CHARGÉ DE COURS A LA SORBONNE DOCTEUR ÈS-SC1ENCES DIRECTEUR DU LABORATOIRE ARAGO SOUS-DIRECTEUR DU LABORATOIRE ARAGO QUATRIÈME SÉRIE Tome VI NOTES ET REVUE J\To 4 et dernier du Tome sixième PARIS LIBRAIRIE C., REINWALD SC II LE K '.Il ER FRÈRES, ÉDITEURS 61, RUE DES SAINTS -PÈRES,, fil; Atff, 1907 /W** ‘ . MAr - 1307 TOME VI. — NUMÉRO 4 et dernier du Tome sixième Travaux originaux X. L. Cuenot. — L’autotomie caudale chez quelques Rongeurs (avec 3 fig-)- . . p. lxxi XL — A. Billard. — Deux espèces nouvelles d’Hydroïdes de Madagascar (Note préliminaire.); (avec 3 fig.). ;. .... p. lxxix XII. — M. Oxner. — Quelques observations sur les Nemertes de Roscoff et Villefranche- sur-Mer ( avec 14 fig.) . . . . . . . p. lxxxii XIII. — F. Guitel. — Sur la création d’une station entomologique à la Faculté des Sciences de Rennes ........ p. xcm Table spéciale des Notes et Revue du Tome sixième de la quatrième série p. ci Les travaux destinés aux Archives de Zoologie expérimentale et aux Notes et Revue doivent être envoyés à l’un, des directeurs (M. G. Pruvot, laboratoire d’Anatomie comparée à la Sorbonne, Paris-ve ; M. E.-G. Racovitza, 2, boulevard Saint-André, Paris-vie) ou déposés à la librairie G. Reinwald, 1 5, rue des Saints-Pères, Paris-vie. Les articles originaux, les notes préliminaires pour prendre date ou les mises ' au point des questions d’histoire naturelle, publiés dans les Notes et Revue, peuvent être rédigés en français, en anglais, en allemand, ou en italien, et sont rémunérés à raison de 10 centimes la ligne. Les auteurs reçoivent gratuitement, brochés sous couverture spéciale, 5o exemplaires du tirage à part de leurs travaux. Ils peuvent, en outre, s’en procurer un nombre plus considérable, d’après le tarif suivant: r/4 de feuille 1/2 feuille la feuille Les 50 exemplaires ...... 5 fr. 7 fr. 50 10 fr. Couverture avec titre, en sus : 5 — 5 — 5 — auquel il faut ajouter le prix des planches, quand il y a lieu. Celui-ci varie trop pour qu’on puisse fixer un tarif d’avance. Mais à titre d’indication, on peut prendre les chiffres approximatifs suivants comme moyenne pour 5o exemplaires d’une planche simple : Planche en phototypie ou lithographie, tirage en une seule teinte. 10 fr. Planche gravée sur cuivre ou lithographie, en plusieurs couleurs. 20 fr. Les auteurs s’engagent à ne pas mettre leurs tirés à part dans le commerce. ARCHIVES ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE FONDÉES PAR H. de LACAZE DUTHIERS PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION DE G. PRUVOT et E. G. RAGOYITZA Chargé de Cours à la Sorbonne Docteur ès sciences Directeur du Laboratoire Arago Sous-Directeur du Laboratoire Arago 4S Série T. 1/1. NOTES ET REVUE 1907. N° 4. X L’AUTOTOMIE CAUDALE CHEZ QUELQUES RONGEURS par L. Cuénot Professeur à la Faculté des Sciences de Nancy. L’autotomie évasive, suivantl’heureuse expression deGiARD(1887), est assez rare chez les Vertébrés ; on ne cite d’ordinaire, dans ce groupe, que l’exemple classique de la queue des Sauriens. Cepen- dant il en existe un second cas, très peu connu *, chez quelques Mammifères de l’ordre des Rongeurs : là encore, l’organe autoto- misé est la queue, mais le processus d’évasion est tout autre que celui des Sauriens. Jusqu’ici le phénomène n’a été constaté avec certitude que chez trois espèces : une appartenant à la famille des Muridés, le Mulot (Mus sylvaticus L.), et deux à la famille des Myoxidés, le Lérot ( Eliomys quercinus L.) et le Muscardin (Muscar- dinus avellanarius L.)* 1 2. 1 Je n’ai relevé dans la bibliographie que des remarques très incomplètes de Lataste (1887, 1889) et une brève indication de Frenzel (1891) concernant le Muscardin. 2 Je dois de particuliers remerciements à mon excellent ami M. Hecht, chef de travaux à la Faculté des Sciences, qui a bien voulu me communiquer d’intéressantes observations sur les Myoxidés, relativement à l’autotomie caudale. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 4e SÉRIE. — T. VI. D LXXII NOTES ET REVUE I. — Mus syiuaticus Quand on saisit un Mulot par la queue, presque toujours la gaine cutanée de celle-ci se détache à un niveau variable (fig. 1) et reste dans la main tandis que l’animal délivré s’enfuit : la plaie ne saigne pour ainsi dire pas. La partie de queue mise à nu se dessèche et tombe deux ou trois jours après ; la queue ainsi raccourcie se cica- trise très rapidement à son extrémité terminale. Il est inutile de dire qu’il n’y a pas le moindre régénération de la partie éliminée. En examinant des coupes transversales de queues, les unes intactes (fig. 2), les autres après décollement du fourreau cutané, Fig. 1. — Queue de Mus sylvaticus , après autotomie de la gaine cutanée; x 5,2 : A, gaine cutanée détachée; on a représenté seulement les poils attachés à l’anneau intéressé par la rupture; B, axe vertébral mis à nu, montrant les faisceaux tendineux latéraux séparés par un sillon ; l’anneau cutané, qui limite la partie restée intacte, est dépourvu de poils. on se rend facilement compte du dispositif qui permet l’autotomie. L’axe de la queue est constitué par des vertèbres allongées, réduites à leur corps, revêtues de quatre faisceaux longitudinaux de muscles et de tendons ; les muscles sont au contact des vertèbres, les tendons plus en dehors. Du côté ventral, on voit une grosse artère caudale, accompagnée de la veine caudale, et entourée d’un espace lymphatique ; chacun des faisceaux renferme un nerf, très volumineux dans les faisceaux ventraux, plus petit dans les faisceaux dorsaux. Le fourreau comprend l’épiderme stratifié avec ses nombreux poils disposés par groupes, et une épaisse couche de conjonctif renfermant sur la ligne médio-dorsale et sur les côtés de petits nerfs et vaisseaux. Il n’y a presque NOTES ET REVUE Lxxnr pas d’adhérence entre le fourreau et l’axe, qui ne sont guère reliés l’un à l’autre que par des connexions vasculaires et nerveuses, sur les côtés notamment (en Æ, fig. 2) ; un tissu très lâche, formé de lamelles ou fibres conjonctives parallèles au contour axial, s’étend entre la couche dermique dense et les quatre faisceaux longitudi- naux ; cette zone est très facile à rompre, et sur beaucoup de coupes, Fig. 2. Fig. 2. — Coupe transversale d’une queue intacte de Mus sylvaticus (fixation au formol picrique alcoolique ; x 32) : a, épiderme ; c, poils disposés par groupes et surmontés d’un tissu lacunaire; d , coupe de la vertèbre; f, nerfs; g, artère caudale; h, fais- ceaux musculaires; i, faisceaux tendineux; k , vaisseau iatéral logé dans la gaine cutanée et donnant des rameaux à l’axe ; l , espace libre entre la gaine cutanée et l’axe. ayant peut-être éprouvé au cours des manipulations un retrait un peu plus marqué que d’ordinaire, c’est un véritable espace vide qui sépare le derme de la partie axiale. Le décollement, lors de l’autotomie, se produit naturellement à ce niveau ; l’axe, à surface parfaitement lisse, emporte avec lui l’artère et la veine caudales ; les côtés sont marqués (fig. 1), entre LXXIV NOTES ET REVUE les faisceaux dorsal et ventral, par un sillon qui correspond à l’adhérence latérale avec le fourreau ; c’est surtout en ce point qu’il y a rupture de petits vaisseaux et nerfs. Les vaisseaux et nerfs laté- raux restent naturellement inclus dans la gaine cutanée. D’autre part, la rupture de la gaine cutanée se fait toujours à la limite d’un des anneaux cornés qui revêtent la queue, mais d’une façon un peu spéciale : l’anneau intéressé se dédouble dans son épaisseur (fig. 1, A et B) ; la moitié profonde termine la partie de gaine autotomisée, c’est elle qui emporte les poils de l’anneau ; la moitié superficielle termine la partie de queue restée intacte. Ce dédoublement de l’anneau est lié à un détail de structure des poils, bien visible dans les coupes longitudinales (fig. 3) : la gaine épithé- Fig. 3. Fig. 3. — Coupe longitudinale du fourreau cutané, Mus sylvaticus, après autotomie (tixation au formol picrique alcoolique; x 63). La coupe entame quatre anneaux de la queue : a , epiderme; b, derme; c, poils entamés tangentiellement par la coupe; cU glande sébacée ; L lacune adjacente au poil, suivant laquelle s’opère le dédou- blement de l'anneau lors de l'autotomie. liale du poil est surmontée, du côté qui regarde l’extérieur, par un tissu conjonctif excessivement lâche, plus exactement par une lacune à peine cloisonnée, qui sépare le poil du derme adjacent; toutes les lacunes créent dans chaque segment annulaire une zone de moindre résistance suivant laquelle s’opère la rupture. On voit donc que l’autotomie du fourreau caudal est préparée par des solutions de continuité du conjonctif ; c’est un phénomène pure- ment mécanique, sans aucune intervention musculaire volontaire ou réflexe, contrairement à ce qui se produit dans la plupart des cas d’autotomie. Le fait est qu’on peut la provoquer aussi bien sur un Mulot fraîchement mort que sur le vivant; infailliblement, quand on soulève par le bout de la queue un Mulot mort, le fourreau NOTES ET REVUE LXXV caudal se décolle à un niveau variable ; par de très légères tractions exercées sur la partie encore intacte, on peut enlever ensuite un second cylindre de peau, puis un troisième, et dépouiller ainsi une bonne partie de la queue On peut même observer le décollement du fourreau sur des Mulots conservés dans du formol étendu, quoi- que avec plus de difficulté. Le décollement de la gaine cutanée ne se produit très facilement que sur les Mulots à queue tout à fait intacte ; quand ils ont subi une fois l’autotomie, surtout si la queue a été notablement rac- courcie, il est souvent impossible de provoquer à nouveau le phé- nomène ; il est probable que le tissu cicatriciel qui s’est formé au moignon amène une adhérence qui interdit une nouvelle autotomie ou du moins la rend plus difficile. J’ai mentionné plus haut que l’autotomie de la gaine cutanée est suivie à bref délai de la disparition de la partie axiale mise à nu ; je ne saurais dire si cet axe, insensible et desséché, est rongé par le Mulot, ou s’il tombe de lui-même ; je pencherais plutôt pour la seconde manière de voir ; en effet, l’axe dépouillé ne se raccourcit pas graduellement ; il reste intact pendant les deux ou trois pre- miers jours qui suivent le décollement du fourreau, puis disparaît brusquement. Il semble que c’est aussi l’opinion de Lataste (1887), si j’en juge par la note suivante, page 294 : « 9 de Mus sylvaticus , quand je fai reçue, avait le bout de la queue dépouillé. Au bout de 3 ou 4 jours, cette partie s'est desséchée et s’est d’elle même séparée. » Valeur défensive de l’autotomie du fourreau caudal. — L’abandon du fourreau caudal a très probablement une valeur défensive vis à vis des nombreux carnassiers, Mammifères, Oiseaux et Reptiles, qui pourchassent les Mulots. Plusieurs fois, il m’est arrivé de perdre ainsi des Mulots bien vivants et vigoureux, que je tenais par la queue, soit avec les doigts, soit avec une pince. A un certain moment, désirant me procurer du nouveau matériel d’études, je m’étais adressé, à Nancy, à un homme qui fait profes- sion de capturer des Vipères et autres animaux pour la prime ou pour les vendre aux laboratoires ; il m’a dit, spontanément, que les Mulots qu’il prenait de temps à autre, lui abandonnaient très souvent la peau de la queue et s’échappaient. Si l’on examine un certain nombre de Mulots pris au hasard, on constate que la proportion de ceux qui ont une queue plus ou D* LXXVI NOTES ET REVUE moins courte est très considérable 1 ; il y en a certainement plus que de Mulots à queue intacte. Les premiers ont donc échappé à leurs ennemis au moins une fois, grâce à la fragilité de l’enveloppe caudale. IL — Muscardin us auellanarius. Un second exemple d'autotomie, tout à fait identique à celui du Mulot, nous est offert par le Muscardin, appartenant au groupe des Myoxidés. Cette jolie espèce, qui n’est pas rare dans les forêts de Lorraine, a une queue assez longue, fortement poilue, constituée exactement comme celle du Mulot ; Frenzel (1891), a signalé briè- vement l’autotomie du fourreau caudal chez cette espèce : « En Italie, quand je saisissais un Muscardin par l’extrémité terminale de la queue, il m’est arrivé parfois que la peau de celle-ci me restait dans la main, tandis que l’animal, avec le bout de la queue dépouillé, s’échappait». Les deux Muscardins vivants que j’ai eus entre les mains m’ont présenté nettement l’autotomie du fourreau caudal; l’un d’eux notamment, dont la queue intacte mesurait 70 millimètres, a aban- donné une gaine cutanée longue de 36 millimètres, et il s’est d’ailleurs échappé de mes mains par ce procédé, que je ne soup- çonnais pas alors. L’axe caudal mis à nu s’est détaché spontané- ment quelques jours après et la blessure s’est alors cicatrisée. III. — Eliomys quercinus. Le Lérot, appartenant comme le Muscardin au groupe des Myoxidés, présente très probablement l’autotomie caudale, d’après l’observation suivante, unique mais très démonstrative, que je dois à l’obligeance de M. Hecht. Dans un bois de sapins de la vallée d’Andlau (Vosges alsaciennes), en septembre 1906, vers 10 heures du matin, M. Hecut trouva à terre un fourreau caudal fraîchement détaché, long de 40 millimètres, provenant sans aucun doute d’un Lérot; en cherchant aux alentours, il découvrit à 4 mètres de là, le propriétaire dudit fourreau, mais mort, tout frais, la région 1 Pour fixer les idées, je citerai les mensurations suivantes faites sur sept Mulots, capturés par moi, absolument au liasard : deux seulement avaient une queue intacte, longue de 87 millimètres chez le premier (adulte), de 72 millimètres chez le second, qui n'avait pas atteint sa taille définitive; le nombre des anneaux cornés de la queue oscillait, chez ces deux exemplaires, entre 150 et 160. Un troisième Mulot a perdu une partie du fourreau caudal au moment de la capture ; ce qui reste de la queue intacte mesure 46 millimètres (81 anneaux). Les quatre autres Mulots ont eu jadis la queue amputée d'une longueur variable : les moignons restants mesurent respectivement 80 millimétrés (121 anneaux) [adulte de grande taille], 70 millimètres (127 anneaux), 55 millimètres (96 anneaux), 42 millimètres (77 anneaux). NOTES ET REVUE LXXVII dépouillée de la queue encore sanguinolente. Il est probable que ce Lérot a dû être assailli par un carnassier quelconque, peut-être une Base, peut-être une Marte ou un Putois ; son moyen de défense habituel a- fonctionné, mais le Lérot a dû néanmoins être rejoint et tué par l’agresseur, qui Ta laissé sur place pour une raison quelconque. Autres Rongeurs Il est très probable qu’on retrouvera ce mode particulier d’auto- tomie évasive chez d’autres espèces de Rongeurs à longue queue ; le passage suivant emprunté à un travail de Lataste (1887), qui a beaucoup étudié ces petits Mammifères, permet de le penser : « Fré- quemment, quand un Rongeur est saisi par la queue, celle-ci se dépouille sur une certaine longueur, et l’animal se sauve, en lais- sant à l’ennemi le fragment de gaine cutanée ainsi détaché de son appendice. On prétend qid alors il procède lui-même, avec les dents, à l’amputation de la partie écorchée. Je n’ai pas observé directement le fait, mais celui-ci devient très vraisemblable quand on considère la facilité avec laquelle les Rongeurs dévorent leur queue dans certaines circonstances,... etc. » (p. 296). Evidemment Lataste a eu entre les mains des espèces présentant l’autotomie caudale ; malheureusement il ne dit pas lesquelles ; il signale simplement la chute de la queue chez une Gerbille d’Algérie, le Dipodillus Simoni Lataste, ayant eu la queue pincée dans la portière de sa cage, et la peau arrachée ; mais il est bien possible qu’il n’y ait pas là d’auto- tomie évasive. La seule espèce qui paraisse présenter ce phénomène, d’après les notes de Lataste, serait le Rat noir (Mus rat tus L.) ; voici ce qu’il en dit (1887, p. 363) : « Ce matin, comme je voulais prendre le çf rattus de la cage B , j’ai saisi sa queue de la main droite; il m’a mordu cruellement au pouce gauche, et il s’est enfui, me laissant à la main la peau d’un bout de queue. Ce soir, l’axe dépouillé de la queue est encore en place; le blessé ne l’a donc pas amputé avec ses dents. — 9 jours après: le petit bout de queue est tombé. » Dès que j’aurai pu me procurer des Mus rattus, je ne man- querai pas de contrôler l’exactitude de l’observation de Lataste. Un de mes collègues, qui a occasion de chasser des Loirs dans une propriété de campagne, m’a dit avoir observé fréquemment le décollement du fourreau caudal chez ces animaux; s’il s’agit bien LXXVIII NOTES ET REVUE du Myoxus glis L., l’autotomie existerait chez toutes les espèces françaises de la famille des Myoxidés. Par contre, la Souris domestique (Mus musculus L.), cependant si proche parente du Mulot, ne présente pas l’autotomie du fourreau caudal; au cours de mes recherches sur l’Hérédité, j’ai manié des milliers de Souris, en les tenant précisément par la queue, et jamais aucune d’elles n’a abandonné le fourreau caudal, bien qu’elles donnassent de violentes secousses pour se libérer. Lataste (1889) avait fait avant moi la même observation; il note (p. 62) « ses essais infructueux sur Mus musculus pour provoquer, en tirant sur le four- reau cutané, le dépouillement de la queue ; on n’enlève que des lambeaux ou on casse la queue ». D’ailleurs, la queue de la Souris diffère notablement de celle du Mulot, au point de vue histologique ; c’est bien, à peu de chose près, la même disposition générale de l’axe vertébral, des faisceaux musculo-tendineux, de la peau, des vaisseaux et des nerfs, mais il n’y a pas du tout chez la Souris d’es- pace vide entre la gaine cutanée et l’axe ; ils sont reliés solidement l’un à l’autre par un tissu conjonctif fibreux, réticulé, qui manque absolument chez le Mulot. Comme les Souris, les Surmulots (Mus decumanus Pallas) sont absolument incapables de se libérer quand on les tient par la queue ; cependant, si l’on exerce une traction brutale sur l’extrême bout de cet appendice, il arrive très souvent, presque constamment, que le fourreau caudal se détache sur une petite longueur, 4 ou 5 centimètres au plus, laissant à nu l’extrémité de l’axe vertébral. Mais tout le reste de la gaine cutanée adhère très fortement à l’axe, et il est impossible de l’en détacher. Le Surmulot présente donc le phénomène de l’autotomie caudale à un état tout à fait rudi- mentaire, d’abord parce que la partie de fourreau détachable est très courte, et ensuite parce qu’il faut exercer une tracjtion vraiment forte pour la séparer de l’axe ; il est possible toutefois qu’un Sur- mulot saisi par l’extrémité de la queue, soit dans un piège, soit par un ennemi, puisse se libérer par ce procédé, mais ce doit être assez rare. Sur 23 Mus decumanus capturés sans aucun choix, j’en ai compté 21 qui avaient la queue absolument intacte ; deux seule- ment présentaient une queue amputée de 2 ou 3 centimètres ; ce raccourcissement a pu être causé, du reste, par un traumatisme autre qu’une autotomie évasive. Nancy, 7 Février 1907. NOTES ET REVUE LXXIX INDEX BIBLIOGRAPHIQUE * 1907. Cuénot (L.). L’autotomie caudale chez quelques Mammifères du groupe des Rongeurs (Comptes-rendus Soc. Biologie Paris, vol. lxii, p. 174) [Note préliminaire], 1891. Frenzel. Ueber die Selbstverstümmelung (Autotomie) der Thiere (. Archiv fur die ges. Physiologie, Rd l, p. 191). 1887. Giard (A.). L’autotomie dans la série animale ( Revue Scienti- fique, 3e série, vol. xiii, p. 629). 1887. Lataste (F.). Documents pour l’éthologie des Mammifères. — Notes prises au jour le jour sur différentes espèces de l’ordre des Rongeurs observées en captivité ( Actes Soc . Linnéenne Bordeaux, vol. xli, p. 201). 1889. Même titre ( même recueil, vol. xliii, p. 61). * 1903. Riggenbach. Die Selbstverstümmelung der Tiere ( Ergehnisse der Anat. und Entw., Bd xiq p. 782) [Bibliographie complète du sujet jusqu’en 1902], XI DEUX ESPÈCES NOUVELLES D’HYDROIDES DE MADAGASCAR (Note préliminaire) par Armand Billard Agrégé de l’Université, Docteur ès sciences Je décris dans cette note deux espèces nouvelles 1 d’Hydroïdes appartenant à une collection rapportée de Madagascar par M. Ferlus et donné par lui au Muséum d’Histoire naturelle. L’étude complète de cette collection, en y ajoutant celle des Hydroïdes du canal de Moçambique et du sud de l’Afrique, récoltés par M. Heurtel, fera l’objet d’un mémoire ultérieur. Thecocarpus Giardi n, sp.2 Trophosome . — L’hydrocaule flexueuse est ramifiée et polysi- phonée ; les rameaux qui portent les bydroclades se détachent 4 Je rappellerai que j’ai déjà donné la description d’une espèce nouvelle d’Hydroïde de la même collection ( Halicornaria Ferlusi, in : Bull. Mus. Paris , 1901, Vol. VII, p. 120, fig. B, 4 ,. 2 Je dédie cette belle espèce à M. Giard, en reconnaissance des conseils éclairés que le savant professeur de la Sorbonne m’a toujours donnés dans mes recherches de systématique . D** LXXX NOTES ET REVUE suivant une ligne spirale ; certains rameaux prennent plus de développement que les autres, donnent naissance à des rameaux secondaires et forment ainsi une branche. Le tube hydrocladial se poursuit dans tous les rameaux et les branches : l’ensemble de sa ramification forme un sympode héliçoïde. Les tubes accessoires naissent de l’hydrorhize, mais de plus le tube hydrocladial détache, à l’origine de chaque rameau, un tube accessoire qui accompagne dorsalement ce rameau et lui est uni par de nombreuses anasto- moses. Les entre-nœuds de la tige, formés en quelque sorte par la base des rameaux, sont dépourvus d’hydroclades, mais chacun de Fig. 1. — Article hydrothécal du Thecocarpus Giardi. Fig. 2. — Partie proximale de la corbule du T. Giardi : c, crête basale de la lro côte ; d, lro rangée de dactylo- thèques; à, hydrothèque; o, orifice proximal; o', orifices pariétaux. Fig. 3. — Article hydrothécal du Plumularia conspecla. leurs articles possède une large daçtylothèque munie typiquement de trois ouvertures. Chaque article porteur d’un hydroclade présente trois dactylothèques semblables aux précédentes: une au-dessous de l’insertion et deux axillaires; il existe aussi sur l’apophyse un mamelon basal pourvu d’un orifice ovalaire. L’hydrothèque (fig. 1) possède trois dents de chaque côté et une médiane; les dents latérales sont larges, bifurquées (la dernière étant la plus large ) et placées obliquement de champ , comme on le voit bien sur une vue de face ; la dent médiane bifurquée présente deux denticules aiguës, l’interne pleine et l’externe NOTES ET REVUE LXXXI creuse. La clactylothèque médiane est largement ouverte en arrière dans sa partie libre qui est très courte ; les dactylo- thèques latérales sont largement fendues du côté interne. Il existe un court repli intrathécal au milieu de l’hydrothèque, auquel correspond un faible épaississement de l’hydroclade qui en montre aussi un autre peu étendu correspondant à la dactylothèque latérale. Gonosome. — - Les rameaux portent des corbules fermées, cepen- dant leur paroi offre quelques ouvertures à bord épaissi (fig. 2, or). Le pédoncule est muni le plus souvent de quatre articles, avec chacun une hydrothèque normale. En avant, la corbule forme une saillie qui s’avance au-dessus de la dernière hydrothèque du pédon- cule, elle est souvent percée d’un orifice (fig. 2, o). Le nombre des côtes varie de cinq à onze. La partie proximale de chaque côte montre une hydrothèque bien développée (fig. 2, /*), différente des hydrothèques ordinaires, mais flanquée de deux dactylothèques latérales. A la suite de cette hydrothèque se déploie la rangée habi- tuelle des dactylothèques (fig. 2, d). La base de chaque côte, munie d’une dactylothèque, forme une sorte de crête (fig. 2, c) qui se prolonge parfois entre les deux dactylothèques et présente une ouverture au sommet. J’attribue cette espèce au genre Thecocarpus , créé par Nutting1 pour quelques espèces de Plumulariidæ , caractérisées surtout par ce fait de posséder une hydrothèque à la base des côtes de la corbule. Mais jusqu’alors on ne connaissait que des espèces dont les corbules sont ouvertes, formées par des côtes libres, tandis que l’espèce en question possède, au contraire, des corbules fermées, à côtes soudées entre elles ; au point de vue des corbules, il existe donc un complet parallélisme entre les espèces du genre Aglao- phenia et celles du genre Thecocarpus. Localité. — Fort-Dauphin (M. Ferlus). Plumularia conspecta n. sp. Trophosome. — L’hydrocaule est monosiphonée, de faible taille: elle atteint, en effet, à peine un centimètre. Chaque colonie débute par une partie basale articulée, sans hydroclades, limitée supérieu- 1 Nutting (C. C.). — American Hydroids. I. The Plumularidæ (Smithson. Instit , U. S . Nat. Mus., Spécial Bulletin, 1900 in-4°, 285 p., 113 fig., 34 PI.) LXXXII NOTES ET REVUE rement par une ligne d’articulation fortement oblique. Au-dessus, les articles portent chacun une hydrothèque ; au niveau de chaque hydrothèque, alternativement à droite et à gauche, se détache un hydroclade débutant par un article basal pourvu d’une dactylo- thèque. Les articles suivants de l’hydroclade, séparés les uns des autres par une ligne d’articulation oblique, comme d’ailleurs aussi ceux de la tige, offrent chacun une hydrothèque semblable à celle de l’hydrocaule (fig. 3). Le bord de l’hydrothèque est oblique et présente une dent médiane excavée en gouttière, le reste affecte la forme d’un S étiré; la face ventrale est incurvée au-dessus de la dactylothèque médiane. Celle-ci est courte, largement ouverte en haut et en arrière ; de face elle se montre élargie à son extrémité. Les dactylothèques latérales très longues se terminent par une partie renflée ouverte au sommet et fendue du côté ventral. Derrière le bord postérieur de l’hydrothèque existe une forte dactylothèque médiane, ouverte en haut et en avant; au-dessus on voit en outre deux petites dactylo- thèques insérées au même niveau et s’ouvrant en arrière. Gonosome. — Inconnu. Cette espèce, étrange par la forme et la disposition de ses dacty- lothèques, doit occuper une place à part dans le genre Plumularia. Localité. — Fort Dauphin (M. Ferlus). Paris, le 24 Janvier 1907. XII QUELQUES OBSERVATIONS SUR LES NÉMERTES DE ROSCOFF ET DE VILLEFRÀNCHE-SUR-MER*. par Mieczyslaw Oxner. I. — Prostoma uittigerum (Bürg.). (2 var. novae). Avant d’aborder la description de deux nouvelles variétés de Prostoma vittigerum (Bürg.) qu’on trouve en parasites dans la cavité peribranchiale de Ciona intestinalis et de Ascidiella aspersa , 1 Travail du Laboratoire de Zoologie de la Sorbonne. NOTES ET REVUE LXXXIII souvent aussi libres dans la zone de Laminaires partout à RoscofF, — je crois être obligé de présenter quelques rectifications à la des- cription de Bürger (1895). La tête n’est pas élargie 1 ; le cou très peu marqué (fig. 1). La glande céphalique est bien développée, elle descend jusqu’au niveau de l’appareil excréteur et est très bien visible quand le pig- ment des bandes longitudinales n’est pas trop abondant. Fig. 1. Fig. 1. — Prostoma vittigerum. Schéma de la partie antérieure, a, bande arrondie; c, organe cérébral ; d , sillon dorsal ; m, bande médiane ; l , bande latérale ; v, sillon ventral ; G, cerveau. Les culs-de-sac du coecum n’atteignent pas le cerveau mais arrivent bien près de celui-ci. Les organes cérébraux sont situés en avant du cerveau au-dessous des yeux postérieurs de chaque côté. Ceux-ci sont plus de deux fois plus éloignés l’un de l’autre que les yeux antérieurs. Ils dessinent alors un trapèze (fig. 2). Il y a deux poches de stylets accessoires ; chacune contient 3 stylets accessoires, rarement, ils sont au nombre de 4 à 5. 1 Largeur : tête au niveau des yeux antérieurs — 0,42 millimètres. — — — postérieurs — 0,63 — — corps vers son milieu — — 1,155 — — — près de l’anus — — 0,315 — D*** LXXXIV NOTES ET REVUE y ~~Jï. Fie. 2. Fig. 2 . — Prostoma vittigerum. Schéma de la disposition des yeux. Les chiffres indiquent les dimensions relatives. Le stylet central (fig. 3) est un peu plus long que son socle. Sa forme (fig. 4) est tout à fait singulière ; elle rappelle un peu le stylet de Nemertopsis bivittata (Chiaje). Le socle (fig. 3) subit dans sa partie moyenne un étranglement, mais souvent cet étranglement est plus bas, ou peut manquer tout à fait. La base du socle est arrondie et toujours plus large que sa partie antérieure. Ces rectifications établies, je passe à la description de deux nouvelles variétés de P. vittigerum (Bürg.). Lapremière variété que j’appelle P. vitti- gerum granulatum (rnihi) se distingue par les caractères suivants : le côté dorsal comme le côté ventral sont uniformément blancs, seulement du côté dorsal ily a quatres bandes longitudinales de pigment brun très foncé. Les bandes latérales com- mencent immédiatement derrière les sillons céphaliques dorsaux et se fusionnent l’une avec l’autre ainsi qu’avec les bandes médianes près de l’anus ; celles-ci commencent à la pointe de la tête et se terminent à l’anus. A la pointe de la tête elles se fusionnent mais sans former une sorte de bande arrondie. Sur la ligne médiane le pigment manque pres- que totalement de sorte que les bandes sont très distinctes de ce côté. Distalement les bandes médianes ne sont pas si distinctes mais se fusionnent un petit peu avec les bandes laté- rales; néanmoins les bandes médianes sont plus distinctes que les latérales à cause d’une beau- coup plus forte agglomération du pigment. Quant à la qualité du pigment même il se pré- sente sous forme de granules petits et grands isolés (fig. 5). Dans les bandes médianes il y a deux couches des granules pigmentaires : une plus superficielle, l’autre plus profonde ; dans les bandes latérales c’est seulement la couche profonde qui est présente. Fig. 3. Fig. 3. — Prostoma vittigerum. Le sty- let central, son so- cle et sa tunique musculaire. NOTES ET REVUE LXXXV Fig. 4. Fig. 4. — Pros- toma vittige- rum. Le stylet central . Très fort gross. Chez les femelles de cette variété les œufs sont peu nombreux, petits, ronds et disséminés irrégulièrement sur toute la face dor- sale. Cette variété est très rare à Roscoff . Quant à la deuxième variété que j’appelle P. vitti- gerum filosum ( mihi ) et qui est extrêmement abon- dante à Roscoff, elle se distingue de la première d’abord par ses plus grandes dimensions ; ajoutons que les femelles sont toujours deux fois plus larges (1-2 mm) et beaucoup plus longues (20-25 mm) que les mâles (3/4-1 mm sur 10-20 mm). Dans les Ciona iniestinalis j’ai trouvé au mois de septembre en moyenne contre 9 mâles, 1 femelle ; dans les Ascidiella aspersa contre 2 mâles se trou- vaient 2 femelles et 1 jeune. Les femelles de cette variété sont toujours bourrées des œufs qui sont très grands et polygonaux; ils sont rangés de deux côtés le long de l’intestin moyen. Les femelles sont toujours plus pigmentées que les mâles. Le pigment se présente sous forme de quatre bandes dorsales longitudinales (fig. 1, Z, m). Les deux bandes latérales com- mencent déjà en arrière des yeux postérieurs ; mais jus- qu’aux sillons leur pigment est très diffus ; seulement en arrière de sillons la pigmen- tation devient accentuée. Ces deux bandes latérales se ter- minent près de l’anus en se fusionnant l’une avec l'autre et avec les bandes médianes. Dans les bandes latérales il y a une seule couche de pig- ment en forme de grains très fins disposés en réseaux. Dans les bandes médianes se trouve en outre de cette couche encore une autre plus superficielle. Le pigment de cette dernière se présente sous forme de grains très fins disposés en courts filaments 5, -- mM tel Fig. 5. Fig. 5. — Prosterna vittigerum granulosum ; A , œil antérieur ; S, sillon dorsal ; L, bande latérale ; M, bande médiane. LXXXVI NOTES ET REVUE longitudinaux (fig. 6). Les bandes médianes commencent à la pointe de la tête où elles se fusionnent en formant une sorte de mince bande arrondie (fig. 1, a), et se terminent près de l’anus de la même façon. Une dernière remarque : j’ai constaté parfois chez des échan- tillons de P. vittigerum filosum dans les bandes longitudinales la présence du pigment sous forme de grands grains isolés, c’est-à-dire sous la même forme que chez P. vittigerum granu- losum ; mais ces grains étaient très peu nombreux et dissé- minés ça et là. Au contraire chez P. vittegerum gramdosum j’ai jamais pu constater le pig- ment sous forme de réseaux et filaments. On pourrait peut-être penser que ces différences dans la pig- men tation dépendent de con- ditions biologiques, mais le fait que j’ai trouvé dans les mêmes Ascidies des femelles et des mâles adultes des deux variétés l’une à côté de l’autre, semble contredire cette supposition. Il serait plutôt plausible de penser aux causes intérieurss, aux changements dans l’état physiologique général de l’animal. En effet les observations que j’ai recueillies sur Lineus ruber (Müll.), m’ont montré que durant la régénération le pigment joue un grand rôle et que comme substance de réserve (même le pigment des yeux) il subit des nombreuses métamorphoses. Je laisse cependant la question ouverte. II. — Oerstedia rustica. (Joub.) Joubin (1890) décrit cette Némerte sous le nom de Tetrastemma rustica (n. spec.) et dit : « On trouve cette Némerte en grande abon- dance, à Roscoff, parmi les Cynthia rustica. Cette Ascidie est d’un beau rouge vermillon, et cette Némerte prend exactement la même teinte rouge. Dans le jeune âge, elle est jaune clair, puis plus tard, jaune foncé, avec quelques grains du pigment rouge vers le tiers Fig. 6. — Prostoma vittigerum filosum. I, bande latérale ; m, bande médiane ; y, œil antérieur ; S , sillon dorsal. NOTES ET REVUE LXXXV1I T. antérieur du corps ; ce pigment augmente peu à peu et finit par envahir tout le corps, sauf la tète. Au moment de la reproduction, les œufs, gros et blancs, arrivent à la surface de la peau et le pig- ment rouge disparaît au-dessus d’eux. On voit alors l’animal marbré comme le représentent les figures 11 et 12 de la planche XXV. » (p. 584). Et plus loin : « J’ai trouvé cette espèce à Saint-Malo, parmi les mêmes Cynthia, mais beaucoup plus brune; les Ascidies étaient, d’ailleurs, elles aussi, d’un rouge moins vif qu’à Roscoff. » (ibid.) Bürger (1895, p. 734) en s’appuyant sur ces indications de Joubin parle d’une adaptation de la couleur de O. rustica au milieu ambiant. Or, en réailté il n’y a rien de semblable. J’ai eu l’occasion d’examiner à Roscoff plusieurs échantillons de O. rustica. J’ai trouvé que la couleur rouge des individus adultes dépend uniquement du contenu de leur tube digestif et non d’un pigment du tégument , En voici les preuves : en com- primant l’animal sous la lamelle on voit que le tube digestif se vide peu à peu ; les fèces qui sortent à l’extérieur sont composés de petits grains très brillants et colorés d’un rouge ver- millon. A mesure que le tube digestif se vide, l’animal devient de plus en plus pâle. En forçant l’animal à vider complètement son tube digestif on voit à la fin qu’il est devenu tout à fait incolore. Puis chez les animaux adultes, et sur le point de pondre il est très facile par une légère pression sur la lamelle de faire sortir presque tous les œufs : on s’aperçoit alors que les marbrures ont disparu subitement. C’est aisé à comprendre, parce que les œufs qui sont blancs et tout à fait opaques , couvrent la coloration rouge du tube digestif. Enfin la tête dans laquelle le tube digestif ne se prolonge pas est tout à fait blanche. Ainsi s’expliquerait aussi la couleur blanche des jeunes qui n’ont pas encore rempli leurs tubes digestifs. Qu’il me soit permis de compléter la description de O. rustica par un détail non sans importance pour la systématique : le stylet cen- Fig. 7. Fig. 7. — Oerstedia rustica. Stylet central. F , tunique musculaire. LXXXVI11 NOTES ET REVUE P» tral (iîg. 7) est de la même longueur que son socle. Ce dernier a la forme d’une bouteille, dont la base est moins large que la partie £ moyenne ; la tunique musculaire de la base du stylet central possède une forme tout à fait particulière. La figure 7 nous la montre. La trompe se distingue par son dia- mètre peu important relativement au diamètre du corps. Il y a deux poches des stylets accessoires, chacune conte- nant 3 à 4 stylets de réserve. Je voudrais encore attirer l’attention sur la figure 8 qui représente la position des yeux dans la tête ; on voit qu’elle est différente de celle des yeux de Pros- toma vittigerum (Bürg.) (fig. 2), part le fait que les yeux postérieurs sont tour- nés vers l’arrière. D’autre par la disposition des yeux est la même, celle d’un trapèze. êb- — n, fa. Fig. 8. Fig. 8. — Oerstedia rustica. Schéma de la disposition des yeux. Les chiffres indiquent les dimensions relatives. III. — Tubulanus (Carinella) banyulensis (Joub.) Cette Némerte signalée par Joubin (1895) seulement pour Banyuls, je l’ai rencontrée cette année à Roscoft au Rocher Carrée ar Vas parmi les laminaires. L’unique échantillon que j’ai trouvé vivait dans mon bac et s’est secrété un tube transparent. Au bout de dix jours je l’ai fixé pour la collection du Laboratoire. Il en résulte que ce Fubulanus représente une espèce commune à la Méditerranée et à l’Océan. IY. — Lineus nigricans (Bürg.), n. var. Cette variété que j’ai nommée L. nigricans striatus ( mihi ) se trouve à Villefranche-sur-Mer dans le gravier du quai Cassé où elle vit à côté de Prosorochmus Korotneffî (Bürg.) et de Ototyphlonemertes brunnea (Bürg.) ; elle est très rare. De L. nigricans, qui jusqu’à présent n’avait été rencontré qu’à Naples où l’avait décrit Bürger (1895), notre variété se distingue seulement par sa coloration qui est d’un brun sale ; le côté ventral NOTES ET REVUE LXXXIX est plus clair. Les glandes de l’épithélium sont d’une couleur jau- nâtre, très brillante, comme des gouttes de l'huile. Enfin le corps de l’animal est orné de 9-20 bandes transversales qui sont d’une couleur blanchâtre et sont visibles déjà à la loupe. Cette variété possède 6-13 grands yeux noirs, rangés de deux côtés parallèlement aux feutes céphaliques; mais rarement le nom- bre des yeux est égal de deux côtés. Bürger (1895) dit : « Es ist diese Art L. gesserensis (L. ruber) sehr âhnlich. Vielleicht ergiebt eine genaue vergleichend anatomische Untersuchung beider Lineen ihre Zusamengehorigkeit » (p. 624). Or, je suis en état de contredire cette supposition. En voici les rai- sons : a), chez L. ruber le, bouche est située immédiatement derrière le cerveau, — chez L. nigricans elle est reculée un peu en arrière; à), chez L. ruber la bouche est plus grande que chez L. nigricans ; c), chez L. ruber le cerveau est situéassezenarrière ; chez Z. nigricans Fig. 9. — A droite : Lineus ruber , à gauche : Lineus nigricans Schéma. O F, organes frontaux il est très près de la pointe de la tête; d ), chez L. ruber les organes frontaux sont près de la ligne médiane (fîg. 9, à droite), — chez L. nigricans ils sont beaucoup plus éloignés d'elle (fîg. 9, à gauche); et enfin e), chez L. ruber les organes cérébraux sont très grands, — chez L. nigricans au contraire ils sont très petits. V. — Ototyphlonemertes hninnea (Bürg,), n. var. C’était Bürger (1895) qui d’après un seul échantillon trouvé dans le golfe de Naples a créé cette espèce ; depuis elle n’a été signalée par personne. Il paraît donc que O. brunnea est très rare à Naples. Or, àVillefranche-sur-Merelle est très abondante. On y trouve même deux variétés : une qui ressemble à l’échantillon décrit par Bürger et que j’appelle O. brunnea typica et l’autre qui se distingue de la première XG NOTES ET REVUE par quelques caractères constants et que je veux nommer O. brunnea Davidof/i ( mihi ) en l’honneur de M. M. Davidoff, le distingué direc- teur du Laboratoire russe de Zoologie à Yillefranche-sur-Mer. O. brunnea typica se trouve assez souvent dans le gravier de Passable ensemble avec Cerebratulus cestoides (Bürg.) (assez rare), Lineus lacleus (H. Rathke) (très abondant) et Prosorochmus Korot- neffi (Bürg.) (rare). O. brunnea Davidoffi est très abondante dans le gravier du Quai Cassé à 1/2-1 m. de distance du niveau de la mer, où elle vit à côté de Lineus nigricans striatus (mihi) (assez rare) et Prosorochmus Korotneffi (Bürg.) (très abondant). Je veux ajouter quelques détails et rectifications à la description de Bürger (1895). O. brunnea typica à 2cm de longueur sur 1 mm de largeur. Sa tête n’est guère moins large que le reste du corps. Il n’y a pas de cou bien marqué. La partie caudale du corps est légèrement effilée et pourvue près de l’anus d’une dou- zaine de long cils (fig. 11) qui exé- cutent un mouvement semblable à celui des cils vibratiles ordinaires couvrant tout le corps de l’animal, mais beau- coup plus lent. Les organes cérébraux sont assez grands et situés en avant du cerveau; leurs orifices s’ouvrent dans deux fos- settes ciliées latérales. Je n’ai pas pu constater de sillons cépha- liques. Les commissures du cerveau sont très courtes. L’intestin stomacal est assez long. L’orifîce commun de la trompe et de la bouche se trouve du côté ventral un peu en avant du cerveau, il est alors sub- terminal. L’appareil stylifère présente peu de particularités : relativement au diamètre du corps la trompe est très mince; le rhynchocoelome ne se prolonge pas dans le tiers postérieur du corps ; le stylet cen- tral est de la même longueur que son socle qui ne subit que très rarement un étranglement; généralement il y a deux poches des stylets accessoires chacune contenant 3 stylets de réserve, mais Fig. 11. Fig. 11. — Ototyphlonemertes brunnea. Partie caudale du corps ; c, grands cils. NOTES ET REVUE XGI souvent on en trouve jusqu’à 7. La collerette du stylet central (fig. 12), est à peine visible. Les statocystes sont au nombre de deux, ils sont sphériques et renferment chacun 2 statolithes (fig. 14, à gauche). La couleur de l’animal est rouge-brique pâle, seule la partie antérieure du corps apparaît d’un jaune- verdâtre. Sur la tête en avant du cerveau on voit bien deux grandes taches pigmentaires rouges. O. brunnea Davidoffi atteint rarement les dimen- sions de la première variété. La couleur estla même ; seulement elle ne possède pas sur la tète les deux taches pigmentaires rouges. L’appareil stylifère (fig. 13), est semblable à celui de O. brunnea typica , mais les poches des stylets accessoires contiennent généralement 2 stylets de réserve. La collerette du stylet central est bien marquée ; le socle est sans étranglement; le réservoir à venin est très court. Les deux statocystes sont sphériques et contiennent 2 à 4 statolithes (fig. 14, à droite). On voit donc qu’ici le nombre de statolithes n’est pas encore constant. Je me sens obligé d’ajouter encore quel- ques mots pour m’expliquer en principe. Gela me servira comme préface pour un mémoire sur les caractères morphologiques de Némertiens pouvant servir à la déter- mination des espèces et des variétés. Ce n’est pas le plaisir de créer de nouvelles espèces ou variétés qui m’a poussé à la publication présente, certes non ! J'étais inspiré par le fait que j'ai constaté : cette extraordinaire variabilité chez les mêmes formes dans les limites de l’espèce des plusieurs caractères morpho- logiques. C’est surtout la variabilité de la couleur qui a été observé jusqu'à présent. Qu'on se souvienne de nombreux synonymes de Lineus ruber (Müll.), qui représentaient des espèces différentes, avant que Bürger (1895) les eut réunies sous ce dernier nom, et qui n'étaient que des variétés de couleur. Fig. 13. Fig. 13. — O. brunnea Da- vidoffi. Le stylet central, son socle et sa tunique musculaire. Fig. 12. Fig. 12. — O. brunnea ty- pica. Le sty- let central. XGII NOTES ET REVUE D’autre part Bürger (1904) a créé récemment plusieurs sous- espèces qui sont basées simplement sur la variabilité de couleur : avec raison ou non, nous en reparlerons plus tard. Dans la description de Prosorochmus Bélagei1 j’ai montré quelle variabilité règne dans l’appareil stylifère de cet animal. Ainsi en est-il chez la plupart de Métanémertiens. Et pourtant Bürger (1895) Fig. 14. Fig. 14. — A gauche: O. bvunnea typica , adroite: O. brunnea Davidoffi. S , le statocyste -, s , les statolithes. indique toujours dans ses diagnoses la forme du stylet central et de son socle, leurs dimensions relatives, le nombre de poches des stylets accessoires, etc., comme caractères constants. Mais il n’en est pas ainsi. Je veux donc indiquer d’autres caractères morpho- logiques qui se distinguent par une très grande constance et par conséquent peuvent servir pour une plus sûre détermination des espèces. 1 M. Oxner. Sur quelques nouvelles espèces de Nemertes de Roscofï ( Arch . ZooL. Exp. et Gén. 1907. Vol. VI, Notes et Revue, N° 3, p. liv-lxix. OUVRAGES CITÉS 1890. Joubin (L.). Recherches sur les Turbellariés des côtes de France (Némertes). Arch. de Zoo/. Exp., 2me série , tome VIII. 1895. Bürger (0.). Die Nemertinen des Golfes von Neapel und der angrenzenden Meeres-Abschnitte. (F. u. Fl. Neap. 22. Mono- graphie). NOTES ET REVUE XCIII XIII SUR LA CRÉATION D’UNE STATION ENTOMOLOGIQUE A LA FACULTÉ DES SCIENCES DE RENNES par F. Guitel Professeur de Zoologie à cette Faculté. L’importation des plantes exotiques et de leurs parasites, les puissants moyens de destruction employés contre les animaux insectivores et notamment contre les Oiseaux, la multiplicité et l’énorme rapidité des moyens de transport, rendent de jour en jour plus nécessaire la lutte contre les Insectes nuisibles. Les Etats-Unis d’Amérique et le Canada ont été les premiers à comprendre le rôle immense que pouvait jouer une lutte ration- nelle engagée contre ces animaux et dans aucun pays l’étude de l’Entomologie appliquée ne tient une aussi large place dans l’ensei- gnement. Toutes les Universités américaines sont en effet dotées d’un service entomologique complet comprenant Laboratoires, Collections, Appareils, etc.1 Il existe en outre une organisation de l’Entomologie appliquée qui n’a d’égale dans aucun pays. La division d’Entomologie du Ministère de l’Agriculture dirigée par M. L. O. Howard et dont le siège est à Washington comprend tout un personnel composé de savants dont les travaux de science pure et de science appliquée sont con- signés dans des Recueils spéciaux. Certains Etats, comme ceux de Massachussets, New-York, Illinois et Missouri ont leurs entomologistes d’Etat et possèdent leurs Labo- ratoires et leurs assistants. Chacun des autres Etats possède une « Agricultural experiment Station ». Les progrès réalisés dans ces dernières années sous l’influence de cette organisation ont été considérables, en particulier en ce qui concerne l’application des Insecticides aux grandes cultures. En Europe, l’Italie a été la première à suivre l’exemple donné par l’Amérique. La «Station royale d’Entomologie agricole » de Florence 1 Les renseignements concernant les établissements étrangers sont extraits pour la majeure partie d’une note intitulée : « l’Entomologie appliquée en Europe », publiée par mon savant ami M. Paul Marchai dans le Bull, de la Soc. d’ Acclimatation de France (Paris 1896). xciv NOTES ET REVUE dont la Direction fut successivement confiée à des savants comme Targioni-Tozetti et Berlese, a été fondée en 1875. D'autres Stations du même genre existent actuellement à Portici, à Milan, à Turin. Le budget seul de la Station de Florence s'élevait en 1896 à 13.000 francs sans compter les traitements du personnel. En Suède et en Norvège chacun des deux royaumes possède un Entomologiste d’Etat dont le rôle est de fournir des expertises sur toutes les questions relatives aux ravages des Insectes et d’indiquer aux Agriculteurs les moyens à employer pour lutter contre les ennemis de leurs cultures. L’Allemagne ne possède pas de Station entomologique d’Etat; mais le Ministre de l’Agriculture se fait rendre compte chaque année des dégâts occasionnés par les Insectes. Les documents sont centra- lisés à Berlin par le docteur Sorauer. Il existe en Allemagne plusieurs chaires d’Entomologie appliquée. Enfin cet Etat possède une organisation d’Entomologie forestière qui n’a d’égale dans aucun pays. L’Entomologie appliquée n’a pas reçu d’organisation officielle en Autriche-Hongrie mais l’enseignement de l’Entomologie appliquée y est très florissant. En Hongrie il existe depuis 1881 une Station entomologique d’Etat fort bien organisée qui possède des Laboratoires, une Bibliothèque, des Collections entomologiques et toute une série d’appareils pour la destruction des Insectes. Cette Station réside à Budapest; elle est dirigée par M. Horwath. Son budget est de 8.000 florins. La Belgique possède depuis 1891 un Service officiel d’Entomo- logie appliquée. Il est annexé à l’Institut agronomique de Gembloux. Le Laboratoire fournit gratuitement aux particuliers, aux Sociétés, aux journaux, tous les renseignements se rattachant aux dégâts causés par les Insectes. L'Angleterre possède un service officiel d’Entomologie appliquée placé sous la direction de M. Whitehead. Ce service ne possède ni Laboratoire, ni Station entomologique ; le Directeur exerce ses fonctions à son domicile particulier en fournissant des renseigne- ments à toute personne qui lui en fait la demande. En 1894 a été créé à l’Université d’Amsterdam un Laboratoire de Phytopathologie et d’Entomologie appliquée dont le Professeur Ritzema-Bos est le Directeur. Par la fondation de ce Laboratoire, dont on doit la création à un généreux donateur, la Hollande se NOTES ET REVUE XGV trouve aujourd’hui être l’im des pays d’Europe où la lutte contre les parasites des végétaux est le mieux organisée. La Russie possède un Service complet d’Entomologie appliquée qui fonctionne depuis une dizaine d’années (Prof. A. Porchinski, Ministère de l’Agriculture à Saint-Pétersbourg). Ce bureau entomo- logique possède un budget d’environ 15.000 roubles. Il est ne rapport continuel avec les Agriculteurs et envoie des entomologistes sur les lieux où se produisent des dégâts soit pour y étudier des insectes peu connus soit pour y diriger les travaux de destruction. Comme on le voit presque tous les grands Etats européens ont imité de leur mieux les Etats-Unis ; mais la France, qui en sa qua- lité de grand pays agricole, aurait dû se tenir à la tète de ce mou- vement n’est malheureusement pas dotée comme elle devrait l’être. Jusqu’en 1904 notre pays ne possédait que trois Laboratoires ayant une existence officielle. Ce sont : 1° La Station entomologique de Paris, dépendant directement du Ministère de l’Agriculture et siégeant à l’Institut agronomique. Cette Station est dirigée par M. le docteur Paul Marchai ; elle a été fondée en 1894. 2° Le Laboratoire d’Entomologie de l’Ecole d’Agriculture de Montpellier dirigé par M. Valéry-Mayet. Ce Laboratoire étudie prin- cipalement les Insectes nuisibles à la Vigne et à l’Olivier. 3° Le Laboratoire régional d’Entomologie agricole de Rouen fondé et dirigé par M. Paul Noël. Cet établissement dispose d’un budget de 10.000 francs fourni par la Ville de Rouen (3.000 francs) et par le département de la Seine-Inférieure (7.000 francs) : il s’occupa surtout à l’origine des Insectes nuisibles aux arbres frui- tiers. Il est à peine besoin de dire que ces trois établissements rendent de très grands services ; mais ils présentent à mon sens plusieurs graves défauts. Ils sont tout d’abord en beaucoup trop petit nombre dans un grand pays comme le nôtre ; ils sont en outre ou bien trop spécia- lisés, ou bien insuffisamment connus du public intéressé. C’est pour remédier, dans la mesure de nos forces à ces incon- vénients qu’a été fondée la Station entomologique dont je voudrais maintenant dire quelques mots. But de la Station. — Notre Station est annexée au Laboratoire de Zoologie de la Faculté des Sciences de Rennes depuis le XG VI NOTES ET REVUE 22 avril 1904. Elle fournit gratuitement à toute personne qui lui en fait la demande tous les renseignements concernant les moyens à employer pour la destruction des Insectes nuisibles. La première condition pour qu’un service tel que le nôtre pro- duise tous les résultats qu’on est en droit d’en attendre c’est de le faire connaître dans la région où il se propose d’exercer son influence. Pour atteindre sûrement ce résultat nous publions pen- dant toute la saison d’été, dans un grand nombre de périodiques, une petite annonce insistant sur le caractère entièrement gratuit de nos consultations 1 * * 4. Personnel. — En l’absence de tout crédit affecté à cet usage le personnel de la Station est réduit à son minimum. J'ai pris à ma charge toute la partie administrative; mais la Station n’aurait jamais pu voir le jour sans le concours d’un natu- raliste connaissant parfaitement toute les questions aujourd’hui si complexes relatives à l’Entomologie appliquée. C’est mon dévoué collègue M. Constant Houlbert, Professeur à l’Ecole de Médecine de Rennes, qui a bien voulu assumer la lourde tâche d’assurer le service technique de notre Station. M. Houlbert est d’ailleurs le véritable fondateur de la Station car c’est lui qui en a eu le premier l’idée et l’Université de Rennes lui est profondément reconnaissante du dévouement dont il fait preuve en acceptant d’occuper, sans aucune rétribution, une situation qui, comme on le verra quelques lignes plus bas, est loin d’être une sinécure. Crédits. — Les Crédits dont dispose la Station sont malheu- reusement des plus minimes. La ville de Rennes sur les instances de M. Charles Oberthur, premier adjoint au maire de Rennes, a bien voulu lui voter une allocation de 200 francs. D’autre part M. le préfet Rault a obtenu pour nous du dépar- tement d’Ille-et-Vilaine, un petit crédit annuel de 300 francs. Pour le reste le Laboratoire de Zoologie doit mettre à contribution ses 1 La Station entomologique prend en outre une part active à la publication de la Faune entomologique armoricaine dont 7 fascicules sont déjà parus dans le Bulletin de la Société scientifique et médicale de l’Ouest: C. Houlbert et Monnot : Coléoptères, Cérambycides (1903) ; Introduction (1904) ; Carnivora (1905). C. Houlbert et Bétis : Coléoptères, Méloides (1904) ; Clérides (1904). Guérin et Peneau : Hémiptères, Pentatomides, Coréides et Bérytides (1903) ; Lygéides (1905). Charles Oberthur, Lépidoptères (en préparation). NOTES ET REVUE XGV1I ressources déjà bien insuffisantes. Quand on met en parallèle l’exi- guité des moyens dont dispose notre jeune création et les services qu’elle a déjà rendus on ne peut s’empêcher de songer à ce qu’elle pourrait réaliser si elle était convenablement dotée. Legs Oberthur — La Station a déjà largement rendu au Labo- ratoire de Zoologie l’aide pécuniaire qu’il lui a apportée. Elle a en effet reçu de M. Charles Oberthur, l’éminent lépidoptèrologiste, une collection de papillons, qui, lorsqu’elle sera complète, ne comptera pas moins de 25.000 individus. M. Charles Oberthur a en outre donné à notre Station un exem- plaire complet de ses magnifiques publications sur les Lépidoptères. Services rendus. — En 1904, année de sa fondation, notre Station n’a eu à fournir que 51 renseignements. Dès l’année suivante, mieux connue, elle a eu à répondre à 239 lettres et n’a pas donné moins de 632 recettes. En 1906 le nombre des demandes a été de 334 et celui des ren- seignements fournis s’est élevé à 492. Notre Station a encore eu l’occasion de rendre un autre service que ceux dont il vient d’être question. Elle a eu l’honneur de con- tribuer pour une large part à la réalisation d’une vaste expérience d’Entomologie appliquée entreprise par les entomologistes améri- cains. Les Zoologistes qui ne font pas leur spécialité de l’Entomo- logie appliquée liront peut-être avec intérêt les lignes suivantes qui se rapportent à cette expérience. Tout le monde connaît le Liparis (Euproctis) chrysorrhoea qui s’attaque à presque tous les arbres forestiers et dont les chenilles, à l’état jeune, hivernent dans des bourses soyeuses qu’elles tissent en commun à l’entrée de la mauvaise saison en emprisonnant quel- ques feuilles de l’arbre sur lequel elles sont nées. Le E . chrysorrhoea se multiplie quelquefois à tel point que ses chenilles périssent par myriades faute d’aliments après avoir ravagé des cantons tout entiers. C’est d’ailleurs spécialement contre cette espèce que fut édictée la loi du 15 Mars 1796 sur l’échenillage. Elle a heureusement pour ennemis des entomophages très féconds de sorte qu’elle devient parfois très rare pendant plusieurs années consécutives (Maurice Girard). Le E . chrysorrhoea a été importé aux Etats-Unis peu après 1890. Ses chenilles ont été attaquées par des parasites américains ; mais dans une si faible proportion que le fléau s’est constamment accru xcviii NOTES ET REVUE dans les régions où il n’a pas été enrayé par des mesures destruc- tives. Il est même remarquable que l’invasion du E . chrysorrhoea n’a jamais à aucune époque et dans aucune partie de l’Europe, pris les proportions d’un déchaînement comparable à celui qui s’observe annuellement dans la Nouvelle Angleterre. La conclusion qui découle de ces faits est double. Il faut renoncer à l’espérance de voir les parasites américains suffire à la tâche d’enrayer le fléau qui va s’accroissant d’année en année. En outre le procédé sur lequel il est permis de fonder les meilleures espé- rances consiste à importer en Amérique les parasites et les autres ennemis européens du E . chrysorrhoea. Il n’y a d’ailleurs aucun inconvénient à importer en Amérique des larves ou des nymphes non parasitées car les papillons issus de ces formes peuvent être facilement détruits dès leur éclosion. M. L. O. Howard, chef du bureau de l’Entomologie au Départe- ment de l’Agriculture à Washington, qui s’est fait une spécialité de l’étude du parasitisme chez les Insectes, a fait tout exprès le voyage d’Europe dans le but de se mettre en relation avec un grand nombre d’entomologistes. lia ainsi obtenu de nombreux envois de larves et de nymphes parasitées. M. le docteur Felippo Silvestri a même pu lui faire expédier de Sardaigne 200 Calosoma sycophanta vivants. Malheureusement ces différents envois ne sont pas toujours par- venus en -parfait état à destination et le moyen le plus pratique d’importer en Amérique les nombreux parasites du E. chrysorrhoea semble avoir été fourni par une intéressante découverte due au Professeur Jablonowski de Budapest. D’après cet entomologiste les bourses d’hiver du E. chrysorrhoea contiennent de très nombreux parasites. Se basant sur ce fait M. Howard a pris ses dispositions pour assurer l’expédition en Amérique d’environ 80.000 nids de Liparis provenant de différentes parties de l’Europe. La Station entomologique de Rennes, mise au courant des démarches américaines par M. René Oberthur, a eu le plaisir d’ap- porter son concours désintéressé à l’œuvre entreprise de l’autre côté de l’Atlantique. Renseignés par les demandes et par les envois de nos corres- pondants nous savions qu’en 1905-1906 des nids de Liparis étaient distribués en France sur une bande s’étendant du département de NOTES ET REVUE XCIX l’Ain à celui de la Charente et coïncidant à peu près avec la bordure Nord du Plateau central. M. Houlbert se transporta donc dans le département de l’Indre où il savait trouver les plus beaux nids et de là pendant douze jours (du 23 novembre au 4 décembre 1905), il a pu adresser en Amérique, par l’intermédiaire de M. René Oberthur, environ 15.000 nids soigneusement choisis parmi les plus beaux. Dans une lettre que M. L. O. Howard adressait à M. R. Oberthur, le 22 août 1906, il s’exprimait de la façon suivante : <( Vous serez bien aise de savoir que les envois français de Chry- « sorrhoea paraissent être parmi les meilleurs reçus d’aucune autre | partie de l’Europe. Nous élevons, provenant de ces nids, non « seulement un grand nombre de Pteromalus processioneae mais « aussi quelques specimens d’une forme intéressante connue sous « le nom de Hahrobracon brevicornis Westm. Ce dernier parasite « n’a été élevé que de votre matériel et de quelques nids reçus de (( Berlin. Les parasites issus de ces nids européens ont immédia- « te me ni déposé leurs œufs dans les larves américaines et se « sont indubitablement multipliés maintenant aux environs de « Boston... w1. Pour l’élevage des Chenilles et de leurs parasites une maison de la ville de Saugus (à quelques kilomètres de Boston) a été partiel- lement aménagée en Laboratoire. Un assistant compétent habite cette maison. D’autre part trois grands arbres infestés par le Chrysorrhoea ont été emprisonnés dans une vaste toile métallique formant une immense cage dans laquelle sont mis en liberté les parasites importés. Au moment de la sortie des parasites un entomologiste expéri- menté est chargé du soin de veiller à ce qu’aucun parasite secon- daire ne soit mis en liberté. On désigne sous ce nom les insectes qui vivent en parasites aux dépens des parasites des chenilles. Ainsi le Tachina larvarum (parasite primaire) large diptère tachi- nide qui s’attaque en Europe à un certain nombre de chenilles de grande taille, est parasité par le Chalcis flavipes (parasite secon- daire). La mise en liberté de ces Chalcis aurait pu compromettre le 1 Cette année (1906-1907) les nids de Chrysorrhoea ont complètement disparu des régions visitées l’année précédente par M. Houlbert. Cette disparition, due évidemment à l’action destructive des parasites, montre que les nids expédiés à Boston par notre Station étaient exactement à point pour l’importation en Amérique des ennemis du Chrysorrhoea. G NOTES ET REVUE succès de l’acclimatation du parasite primaire. Aussi tous les indi- vidus de cette espèce, et d’une manière plus générale, tous les parasites secondaires, étaient-ils mis à mort dès leur éclosion. Les parasites secondaires peuvent eux-mêmes être attaqués par d’autres parasites qui sont alors désignés sous le nom de parasites tertiaires. Il est clair que ces derniers, contribuant à détruire les parasites secondaires, agissent dans le même sens que les primaires par rapport à l’hôte primitif et doivent être acclimatés comme eux1. On voit que la vaste expérience actuellement réalisée en Amé- rique est conduite avec une science consommée et une connais- sance profonde de la biologie des animaux mis en présence. Sa réussite aboutira sans doute pour les Etats-Unis, à un état de choses analogue à celui qui s’est établi naturellement en Europe et qui consiste en un équilibre instable mais périodique entre les parasites et les parasités. Une autre expérience tout à fait analogue à celle qui est actuel- lement tentée contre le E . chrysorrhoea a été réalisée il y a près de vingt ans avec un plein succès par le grand entomologiste améri- cain Riley. Sa complète réussite permet de fonder les plus grandes espérances sur l’expérience actuelle. VJcerya purchasi , cochenille originaire d’Australie, a été intro- duite en Californie vers 1868. Elle fit dans ce pays les plus terribles ravages et menaça à un moment donné de ruiner la culture des orangers, Riley obtint qu’en 1888, à l'occasion de l’exposition de Melbourne, deux agents de la Division d’Entomologie fussent envoyés en Australie avec un crédit de 2.000 livres. L’un de ces agents, M. Koebele, reçut la mission spéciale de rechercher les parasites ou ennemis naturels de VJcerya. A son retour il rapporta toute une collection de parasites ou prédateurs vivant aux dépens de la Cochenille australienne. Parmi eux se trouvait le Novius car- dinalis (appelé d’abord Vedalia cardinalis) , espèce qui par les bien- faits quelle était appelée à rendre, devait éclipser toutes les autres. Une année et demie après son introduction elle avait débarassé la région des Jcerya et réduit leur nombre à une quantité négligeable. 1 Tous les renseignements se rapportant à 1 expérience américaine sont (sauf indi- cation contraire) empruntés aux travaux suivants : Public Document N° 73 : First animal Report of tlie superintendant for suppressing tbe Gypsy and Brovvn-tail Moths. Boston 1906. L. 0. Howard, Tbe Gypsy and Brown-tail Moths and their european parasites, Year- book of Department of Agriculture for 1905. L. 0. Howard, The Brown-tail Moth and how to control it, Farmer’s Bulletin N° 264. NOTES ET REVUE ci Le même succès a été obtenu plus récemment au Portugal aux environs de Lisbonne, où YJcerya avait aussi été introduite et était devenue un redoutable fléau. Dans ces dernières années une petite invasion d 'Jcerya s’est pro- duite près de Naples, mais a été immédiatement enrayée par la même méthode l. Ces beaux travaux font toucher du doigt les immenses services que peuvent rendre à l’Agriculture les Stations entomologiques richement dotées2 et dirigées par de savants biologistes. Il est à souhaiter qu’ils décident les Universités et les Pouvoirs publics français à sortir de leur inaction et à suivre l’exemple donné de tous côtés à l’étranger dans la lutte scientifique contre les Insectes nui- sibles. Il y a là pour un généreux donateur une superbe occasion de rendre un signalé service à notre pays. 1 Je dois ces lignes relatives à YJcerya purchasi à l'amabilité de mon excellent ami M. Paul Marchai Directeur de la Station enlomologique de Paris. 2 En vue de la réalisation de l’expérience dirigée actuellement contre le Liparis chrysorrhoea les Etats-Unis ont voté une somme de 62.500 francs et l’Etat de Massa- chussets, plus directement intéressé, une somme de 250.000 francs ; mais la totalité des crédits votés pour lutter contre YE. chrysorrhoea et le L. dispar est beaucoup plus considérable et s’élève en effet à la somme énorme de 300.000 livres soit 7.500.000 francs. TABLE SPÉCIALE DES NOTES ET REVUE 1907. [4]. Tome VI Articles originaux Billard (A.). — Deux espèces nouvelles d’Hydroïdes de Madagascar (note pré- liminaire) ( avec 3 fig.), p. lxxix. Bruntz (L.). — Sur l’existence d’éléments conjonctifs phagocyto-excréteurs chez les Schizopodes, p. xxiii. Bruntz (L.). — Sur l’existence d’éléments conjonctifs phagocyto-excréteurs chez la Nébalie, p. xxviii. Bruntz (L.). — Néphrocytes et néphrophagocytes des Caprellides, p. lvi. Cuénot(L.). — L’hérédité de la pigmentation chez les Souris (5e note), p. i. Guéklot (L.). — L’autotomie caudale chez quelques Rongeurs ( avec 3 fig.), p. LXXI. Delage (Y.). — Sur les conditions de la parthénogénèse expérimentale et les adjuvants spécifiques de cette parthénogénèse, p. xxix. Cil NOTES ET REVUE Guitel (F.). — Sur la création d’une Station entomologique à la Faculté des sciences de Rennes, p. xciii. Loisel (G.)- — Recherches sur les caractères différentiels des sexes chez la Tortue mauresque ( avec 2 fig.), p. xxxvm. Oxner (M.). — Sur quelques nouvelles espèces de Nemertes de Roscoff, ( avec 6 fig.), p. lix. Oxner (M.)., — Quelques observations sur les Nemertes de Roscoff et de Ville- franche-sur-Mer [avec 14 fig.), p. lxxxii. Roule (L.). — Notes ichthyologiques. Les Scorpénides de la Méditerranée, p. XIV. Notice Nécrologique Delage (Y.). — Charles Marty ( avec un portrait hors texte), p. li. Paru le 15 Mars 1907. Les Directeurs : G. Pruvot et E.-G. Racovitza. EUg. MORIEU, Imp.-Grav., 140, Boul. Raspail. Paris (6 )— Téléphone : 704 - 75 y v - : XXXVIe Année N0 1 Janvier 1907 J ARCHIVES ï FYPFRI\IF\TAÏ F ET GENERALE HISTOIRE NATURELLE — MORPHOLOGIE — HISTOLOGIE ÉVOLUTION DES ANIMAUX ■ FONDÉES PAR HENRI de LACAZE - DUTHIERS PUBLIEES SOUS LA DIRECTION DE G. PRUVOT CHARGE DE COURS A LA SORgONNE DIRECTEUR DU LABORATOIRE ARAGO E.-G. RACOVITZA DOCTEUR ÈS— SCIENCES SOUS-DIRECTEUR DU LABORATOIRE ARAGO QUATRIÈME SÉRIE Tome VI -*• Numéro 1 P. de BEAUCHAMP. — Morphologie et variations de l’appareil rotateur dans la série des Rotifères PARIS LIBRAIRIE C. REINWALD SCHLEICHER FRÈRES, ÉDITEURS 61, RUE DES SAINTS-PÈRES, 61 o v o MAY 7 1907 Prix : 2 fr. 50 Paru le 30 Janvier 1907 Les mémoires publiés dans les Archives paraissent désormais isolément ; le Volume sera donc composé d’un nombre variable de fascicules. ARCHIVES de ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE Les Archives de Zoologie expérimentale et générale, fondées en 1872 par Henri de Lacaze-Duthiers, comptent actuellement 37 volumes publiés qui sont en vente au prix de 50 francs le volume cartonné. Le prix de l’abonnement pour un volume est de 40 francs pour Paris — 42 francs pour les départements et l’étranger. Chaque volume comprend au moins 40 feuilles de texte illustrées de nom- breuses figures et accompagnées de planches hors texte en noir et en couleurs. 11 se compose d’un nombre variable de fascicules, plus une dizaine de feuilles de Notes et Revue. Les Archives de Zoologie expérimentale et générale forment, en réalité, deux recueils distincts dont les buts sont différents : I. — Les Archives proprement dites sont destinées à la publication des mémoires définitifs étendus et pourvus le plus souvent de planches hors texte. Les volumes paraissent par fascicules, chaque fascicule ne comprenant le plus souvent qu’un seul mémoire. II. — Les Notes et Revue publient de courts travaux zoologiques, des com- munications préliminaires et des mises au point de questions d’histoire natu- relle ou de sciences connexes pouvant intéresser les zoologistes. Cette partie de la publication ne comporte pas de planches mais toutes les sortes de figures pouvant être imprimées dans le texte. Elle paraît par feuilles isolées, sans périodicité fixe, ce qui permet l’impression immédiate des travaux qui lui sont destinés. U apparition rapide, tddjnission des figures et le fait que les notes peuvent avoir une longueur quelconque, font que cette partie des Archives comble une lacune certaine parmi les publications consacrées à la Zoologie. Les auteurs reçoivent gratuitement 50 tirages à part de leurs^ travaux (brochés sous couverture spéciale avec titre, s’il s’agit de mémoires parus dans les Archives proprement dites). Ils peuvent, en outre, s’en procurer un nombre plus considérable à leur frais, d’après le tarif suivant : 1/4 de feuille 1/2 feuille 1 feuille Les 50 exemplaires. 5 fr. 7 fr. 50 10 fr. Couverture avec titre, en sus.... 5 fr. 5 fr. 5 fr. A ce; prix il faut ajouter le prix des planches, quand il y a lieu. Ce prix varie trop pour qu’on puisse fixer un tarif d’avance. A titre d’indication, on peut prendre les chiffres approximatifs suivants comme moyenne pour 50 exem- plaires d’une planche simple : Planche en photocollographie ou lithographié, tirage en une seule teinte. 10 fr. Planche gravée sur cuivre ou lithographie en plusieurs teintes... 20 fr. Les travaux destinés à servir de thèses de doctorat sont reçus aux mêmes conditions que les- travaux ordinaires. Les auteurs s’engagent à ne pas mettre leurs tirés à part da?is le commerce , Les articles publiés dans les Notes et Revue peuvent être rédigés en français, en allemand, en anglais ou eh italien; ils sont rémunérés à raison de 10 centimes la ligne. Pour faciliter l’impression correcte des notes en langues étrangères, il est recommandé d’envoyer à la place du manuscrit une copie à la machine à écrire. Les travaux destinés aux Archives de Zoologie expérimentale et aux Notes et Revue doivent être envoyés à l’un des Directeurs : M. G. Pruvot, Laboratoire d’anatomie comparée, Sorbonne, Paris-v6 M. E. G. Racovitza, 2, boulevard Saint- André, Paris-vi0 ou déposés à la librairie Reinwald, 61, rue des Saints-Pères, Paris-vie. ARCHIVES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE IVe Série, Tome VI, p. 1 à 29. 30 Janvier 1907. MORPHOLOGIE ET VARIATIONS DE L’APPAREIL ROTATEUR DANS LA SÉRIE DES ROTIFÈRES PAR P. DE BEAUCHAMP Docteur en Médecine. SOMMAIRE Pages I. — Introduction 1 II. — Etude de quelques appareils rotateurs. 1 L’appareil rotateur de Notommata ( Copeus ) cerberus Gosse 4 2 L’appareil rotateur de Diglena forcipata (Muller) 7 3 L’appareil rotateur de Furcularia forficula Ehrbg 8 4 L’appareil rotateur de Proales pebromyzon (Ehrbg).. 9 5 L’appareil rotateur de Pedalion mirum Hudson 9 6 L’appareil rotateur de Cyrtonia tuba (Ehrbg) 12 7 L’appareil rotateur d 'Euchlanis dilatata Ehrbg. 14 8 L’appareil rotateur d'Hydatina senta (Muller) 16 III. — La conception générale de l’appareil rotateur et ses variations anté- rieurement DÉCRITES 18 IV . — Conclusions. 26 Ouvrages cités. 27 INTRODUCTION Dans tous les ouvrages où il est question de Rotifères, traités généraux de zoologie ou mémoires spéciaux, on rencontre d'abord l'affirmation que leur appareil ciliaire est composé de ArCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. IVe SERIE. T. VI. (i) I 2 P. DE BEAUCHAMP deux couronnes. Tune préorale ou trochus, Pautre postorale ou cingulum (1), lesquelles sont respectivement homologues des deux couronnes semblables existant chez beaucoup de larves trochophores d'Annélides ou de Mollusques, et sont un des meilleurs arguments en faveur du rapprochement de ces deux sortes d'organismes. On pourrait donc croire que cette structure de l'appareil rotateur est quelque chose de tout à fait général, ou du moins de primitif et d'établi comme tel par une étude approfondie de ses variations dans l'ensemble du groupe. Or si l'on prend la peine de regarder les Eotifères eux-mêmes, en sortant de la demi-douzaine de formes qui ont fixé surtout l'attention des monographes, l'on s'aperçoit que le type clas- sique n'est pas réalisé dans la vingtième partie des espèces ; il s'applique avec peu de variations à presque tous les Bdelloïdes, parmi les Ehizotes aux Mélicertiens (2) qui ont surtout contribué à sa constitution, aux Scirtopodes, à deux ou trois genres de Ploïmes et c'est tout. La très grande majorité de ces derniers qui forment la grande masse des Eotifères et le groupe, sinon le plus primitif, du moins le moins évolué dans des sens spéciaux, y échappent en entier, et nous verrons tout à l'heure que certains d'entr'eux qu'on avait cru pouvoir y rattacher n'y rentrent nullement. Si d'autre part on cherche dans la vaste bibliographie de l'ap- pareil rotateur une tentative de synthèse de ces formes variées, ou tout au moins de bonnes descriptions des plus caractéristiques d'entre elles, on ne les y trouve pas. Chose étrange à dire, jamais personne n'a pris la peine de figurer les principaux types de l'organe rotateur en dehors des quelques espèces, presque toutes Ehizotes ou Bdelloïdes qui ont fait l’objet de monographies (1) Les dénominations de trochus et de cingulum ont été créées par Cübitt en 1872 ; quant aux termes préorale et postorale, ils s’appliquent à un animal orienté horizontalement, la tête en avant, et il est singulier qù’on ne les ait pas modifiés dans les ouvrages, comme la Zoologie concrète de MM. Delage et HéROüard (1897), où l’orientation verticale, la tête en haut, est adoptée, comme nous le ferons ici. Les termes de supra-orale et d’infra-orale souvent seuls s’appliquer en ce cas. (2) J’adopte ici la subdivision des Ehizotes en Mélicertiens et Flosculariens proposée par Hartog (1901) et qui est beaucoup plus justifiée que celle des Ploïmes en Loriquéa et Ulo riqués. L’APPAREIL ROTATEUR DES ROTIFÈRES 3 étendues. On a généralisé la disposition de ces dernières au lieu de tirer une notion synthétique d'une étude comparative com- plète, on a fait ce qu'aurait fait Gosse si au lieu d'écrire son mémorable travail sur les mastax il s'était borné à décrire le type malléo-ramé par exemple et à affirmer que tout s'y rap- porte. Il faut néanmoins citer le très intéressant travail de Wesenberg-Liind (1899), le seul auteur qui ait eu l'idée d'étudier l'appareil rotateur dans la série des Ploïmes sans conception a priori et soupçonné son importance systématique ainsi que ses corrélations avec le reste de l'organisme (le mastax notamment) et le genre de vie de l'animal. Mais son étude anatomique, restée toute superficielle, ne lui a pas montré les véritables homologies et son mémoire, entièrement écrit en danois, n'a pas eu les lecteurs qu'il méritait. Cette étude ne demandait pourtant pas de moyens d'investigation bien per- fectionnés ; il n'y faut qu'un peu de patience, car elle doit être faite en majeure partie sur l'animal vivant et il n'est pas toujours commode d'obtenir de bonnes vues d'une extrémité céphalique bien étalée et bien orientée, même avec l'aide des anesthésiques. Le présent travail n'a pas pour objet l'étude détaillée de l'ap- pareil rotateur dans toutes les familles ; il consistera en descrip- tions aussi exactes que possible de quelques formes peu connues, en rappelant pour la comparaison seulement celles déjà bien décrites. L'on pourra, je crois, par la suite rapporter à ces exemples presque toutes les variations existantes. C'est dans les mono- graphies systématiques qu'il y aura lieu plus tard de poursuivre celles-ci dans chaque genre ou famille. Je chercherai ensuite à les relier dans une notion générale de l'appareil rotateur qui me conduira à élargir le schéma classique, mais je m'abstiendrai pour le moment d'entrer dans les conséquences importantes qu'on en peut tirer au point de vue des rapports des Rotifères avec les autres groupes voisins, et surtout de la conception et de la relation réciproque de leurs diverses coupes systématiques ; elles seront développées dans un travail ultérieur où pourront 4 P. DE BEAUGHAMP intervenir les arguments tirés du reste de Porganisation. Je ne citerai donc pas ici les interminables discussions interprétatives et phylogéniques auxquelles l'appareil rotateur a donné lieu et ne donnerai comme bibliographie que les descriptions anté- rieures de chaque espèce considérée. Seront également laissés de côté pour le moment les détails histologiques de la couronne, les dessins ci- joints, légèrement schématisés, ne donnant que la disposition des cils ; les contours du mastax, du cerveau et de l'organe rétro -cérébral ont seuls été figurés pour servir à fixer les rapports ; la considération de ce dernier (voir mes deux notes, 1905 c et 1906) est extrêmement importante et permet de retrouver les homologies dans beaucoup de cas où on les a méconnues jusqu'ici. De chaque extrémité céphalique sont figu- rées en général deux vues, l'une ventrale, l'autre latérale ou dorsale qui donnent une idée complète de l'appareil rotateur mieux que la vue frontale ou supérieure, qui fournit de très belles figures, mais présente la région buccale en un raccourci parfois inadmissible, et de plus est fort difficile à obtenir malgré les artifices préconisés par Masius (1890) et Rousselet (1902). IL ÉTUDE DE QUELQUES APPAREILS ROTATEURS 1° L’appareil rotateur de Notommata (Copeus) cerberus Gosse Cette espèce, intéressante en raison de sa grande taille qui la rend d'une étude facile et que j'ai pu me procurer en grande abondance, n'est point aisée à déterminer ; c'est M. Ch. F. Rous- selet, de Londres, qui, non sans hésitations, a fini par identifier avec certitude mes spécimens à l'espèce de Gosse bien qu'elle semble à première vue fort différente de la description et de la figure assez médiocres de cet auteur (1886) ; je lui exprime ici tous mes remerciements pour son obligeance. Ce rapprochement méritera d'être confirmé par une étude détaillée que je ferai en une autre occasion. Cela d'ailleurs n'a rien à voir avec l'étude de son appareil rotateur, choisi ici en raison de sa facilité d'étude, mais qui ne s'écarte en rien de celui des Notommata les plus L’APPAREIL ROTATEUR DES ROTIFÈRES 5 typiques, notamment de Pespèce commune N. aurita (le genre Copeus doit former à mon sens un simple sous-genre de Notom - mata, dont il ne diffère que par des caractères tout relatifs et non réunis dans toutes ses espèces, et la forme en question est celle qui s'écarte le moins des Notommata proprement dites). Figure 1. — Notommata (Copeus) cerberus Gosse; tête x 320 environ; I, vue ventrale; II, vue latérale ; c, ceinture circumapicale ; p, plaque buccale ; o, oreillettes ; g, cerveau ; s, sac rétro-cérébral; r, glande sub-cérébrale ; b, bouche ; m, mastax. Cet appareil rotateur (fig. 1) coqsiste en un vaste champ cilié couvrant les faces supérieures et ventrales de la région céphalique dont il occupe toute la longueur en haut tandis qu'il se rétrécit en bas pour se terminer en pointe obtuse, légèrement saillante à la surface du corps. La bouche étant au milieu du champ, cette dernière portion peut, bien que non individualisée comme dans d'autres cas dont il sera question tout à l'heure, être qualifiée dès à présent de lèvre inférieure. Elle est tapissée de cils très fins et très courts, à peine plus longs sur les bords, qui paraissent très régulièrement disposés en quinconces. Cette ciliation homogène se continue latéralement à la dépression buccale et plonge à son intérieur jusqu'au mastax. Au-dessus de la bouche les cils deviennent graduellement plus longs et l'on s'aperçoit qu'ils laissent à nu sur la ligne médiane une petite dépression que surplombe un pli cuticulaire nette^ 6 P. DE BEAUCHAMP ment marqué. Cette dépression est tout à fait terminale sur l’animal étendu (dans la fig. 1,1, il ne l’est pas complète- ment) et c’est à son intérieur, à la base du pli cuticu- laire, que viennent déboucher les deux conduits du sac rétro -cérébral (le cerveau est enfoncé beaucoup plus bas dans les tissus, comme on le voit sur la coupe fig. 2, re- production fidèle d’une pré- paration) ; elle est, comme nous l’allons voir , d’une importance capitale pour rapprocher des autres appa- reils rotateurs celui de No- tommata considéré jusqu’ici comme très aberrant, et elle n’a jusqu’ici été aperçue que par Bergendal (1892), le seul auteur d’ailleurs qui ait figuré avec précision la cilia- tion des ïfotammatidés ; il l’a décrite très nettement chez N. gronlandica. Dorsa- lement à elle, nous trouvons donc encore une large bande couverte de cils plus longs que ceux de la région ven- trale, limitée en arrière par un bourrelet cuticulaire transversal et se continuant latéralement avec celle-ci. A leur point de jonction existe une autre différenciation ; ce sont les oreillettes si fréquentes chez les Notommatidés. Elles sont représentées invaginées sur la vue de profil, semi-étalée à droite, étalée à gauche, sur la vue de face ; un coup d’œil sur ces figures suffit à montrer que ce sont simplement des Fig. 2. — Notommata (Copeus) cerberus Gosse ; coupe sagittale paramédiane x 350. Mêmes lettres que la précédente, et : cr, crochet cuti- culaire ; oe, œsophage ; i, intestin ; v, vitello- gène ; une pointe excessivement aiguë, un véritable trocart ; je pense que cette pointe est formée par les barbules internes accolées, à la façon des poils d’un pinceau qui « fait la pointe ». A mesure que le cône distal chemine dans l’intérieur du tube basilaire, celui-ci se détend derrière lui ; ce n’est que lorsque le cône apparaît au sommet du tube, que ce dernier acquiert sa longueur défi- nitive. Le filament terminal, qui se trouvait alors engagé dans le tube basilaire, se dévagine à son tour, mais sans que sa lon- gueur s’accroisse bien sensiblement. C’est pendant ce processus de dévagination que le contenu muqueux de la capsule disparaît ; il est probable qu’il passe dans le tube basilaire et le filament capillaire pour s’échapper par l’orifice terminal de ce dernier. L’explosion, que l’on peut provoquer avec certitude en ins- tillant de l’acide acétique sous une préparation de nématocystes frais, n’est pas rapide comme l’éclair; elle dure un temps appré- ciable, une seconde, peut-être un peu plus. La figure IV du texte, due à un hasard heureux, est extrême- mentjfintéressante par les renseignements qu’elle donne sur le fonctionnement du nématocyste ; des nématocystes de Berghia, groupés en paquets, ont explosé sous l’action du formol, et j’ai pu, parmi eux, trouver nombre d’images analogues à celle que j’ai représentée : a est une capsule de nématocyste complè- tement explosé, et vide par conséquent ; un nématocyste voisin a également explosé, et trouvant devant lui cette capsule, l’a perforée avec son trocart (en a?), et a continué à se dévaginer à 92 L. CUÉNOT l’intérieur, en vase clos. On peut en déduire : 1° qne le trocart a une puissance perforante précise et considérable, pour faire un trou comme à l’emporte-pièce dans une membrane aussi solide que celle d’une capsule ; 2° que le tube basilaire n’est pas très rigide, puisqu’il peut se courber à angle assez brusque ; 3° que les barbules latérales sont assez souples, car on les voit s’infléchir à l’entrée ; 4° que le filament terminal est également souple et incapable de perforer des tissus. Il est donc évident que lorsque des nématocystes explosent au contact d’un animal, proie ou ennemi, ce sont les trocarts qui perforent la peau de celui-ci, permettant ainsi à la dévagination de se continuer dans les tissus internes de l’étranger ; grâce à leur souplesse, le tube basilaire et le filament terminal peuvent se glisser entre les obstacles et se déployer dans toute leur lon- gueur. Les nématocystes jouent alors d’une façon parfaite leur rôle d’appareils inoculateurs du contenu capsulaire. Mais, pour que les nématocystes remplissent efficacement leur rôle, il faut que leur attaque soit dirigée à peu près perpen- diculairement au contact étranger, c’est-à-dire qu’il leur est nécessaire d’exploser sans quitter les cellules où ils sont ren- fermés ; c’est ce qui se produit effectivement pour les aconties et les tentacules d’ Actinies. La majorité^ des nématocystes explose en place, quitte à tomber plus tard. Au contraire, si les nématocystes sont rejetés librement au dehors, par paquets ou isolément, plus ou moins englués dans du mucus, il y a toutes sortes de chances pour que les dévaginations se produisent dans des directions quelconques, et soient parfaitement inefficaces, soit que les trocarts n’entrent pas en contact avec l’ennemi, soit qu’ils glissent à sa surface abordée obliquement. Or, c’est précisément le cas des Eolidiens ; quand, à la suite d’une irri- tation convenable, le sac cnidophore rejette nématocystes isolés ou nématophages entiers, la dévagination ne se produit qu’en dehors de l’Eolidien, dans tous les sens possibles, de sorte qu’un nombre considérable de nématocystes ne peuvent pas agir comme inoculateurs. Je ne dis pas qu’ils ne servent à rien, mais enfin L’ORIGINE DES NÉMATOCYSTES DES ÉOLIDIENS 93 il me paraît difficile de les présenter comme des armes offen- sives aussi efficaces que celles des Cœlentérés ; chez l’Eolidien, leur situation dans un sac interne est tout à fait défectueuse au point de vue de leur utilisation. Quant à la cause déterminant l’explosion des nématocystes, elle n’est pas connue avec certitude ; on sait qu’elle peut agir sur le nématocyste en place, enfermé dans une cellule, aussi bien que sur un nématocyste parfaitement libre. La théorie la plus en vogue, celle d’IWANZOFF, reprise par Grosvenor, y voit un phénomène d’osmose : la capsule renfermerait un corps très avide d’eau, mais qui ne peut en attirer normalement, parce que le nématocyste en place est entouré d’une solution hypertonique (cytoplasma) ; lorsque le nématocyste s’ouvre au sommet, ou est rejeté dans l’eau ambiante, il entre en contact avec une solution hypotonique ; l’eau pénètre à l’intérieur de la capsule, la pression interne devient considérable et l’explo- sion se produit. Si l’on admet que le contenu intestinal des Eolidiens est une solution hypertonique, au même titre que les liquides tissu- laires des Actinies, on comprend assez bien, dans cette théorie, que les nématocystes avalés par ceux-là ne se déchargent pas durant leur long trajet, puisqu’ils n’ont point de contact avec l’eau de mer hypotonique. Neanmoins la théorie osmotique sou- lève bien des difficultés, et je crois, avec von Lendenfeld (1904), qu’elle est au moins incomplète. Abric (1904) n’accepte pas non plus que la dévagination soit due à l’action de l’eau de mer sur la gelée interne de la capsule ; il pense, sans insister d’ail- leurs, que le cnidoblaste excité produit une sécrétion qui agit sur le contenu de la capsule et provoque l’explosion ; cela ne me paraît guère vraisemblable, puisqu’un nématocyste com- plètement isolé, chargé, peut très bien exploser sous l’influence d’un agent externe. La question est à reprendre ; des expériences précises, tenant compte des phénomènes d’ionisation, ne peuvent manquer de résoudre le problème. 94 L. CUÉNOT IL Ressemblance mimétique entre Eolidiens et Coelentérés Il y a parfois une ressemblance vraiment frappante entre des Eolidiens et les Coelentérés dont ils se nourrissent habituel- lement : Giard (1888) remarque qu'à Wimereux, YJEolis papil- losa L. ressemble à s'y méprendre à Sagartia troglodytes Johnst. à demi contractée, et se trouve fréquemment sous les roches où vit cette Actinie ; Garstang (1890), tout en émettant des doutes sur l'observation précédente, cite un cas analogue : à Plymouth, Y Aeolidiella Alderi Cocks (1), qui se nourrit vrai- semblablement d'une certaine espèce de Sagartia très commune, la mime à ce point qu'on prend fréquemment pour le hTudi- branche des exemplaires de cette Actinie à demi enterrés dans le sable. A Arcachon, Berghia coerulescens rappelle singulièrement YAiptasia lacerata à tentacules carminés dont il se nourrit presque exclusivement, et qui habite les mêmes stations que l'Eolidien : les papilles de Berghia présentent vers l'extrémité une ceinture d'un rouge vif brillant, et quand l'animal est immo- bile dans une petite anfractuosité du substratum, il simule tout à fait une Aiptasia à demi épanouie ; un marin qui recueillait des Berghia avec moi, à Arcachon, s'y trompait constamment, et je dois dire que moi-même, bien qu'averti, j'avais parfois une certaine hésitation qui ne cessait qu'en provoquant par un contact la rétraction de l'Actinie. Je serais très disposé à ne voir dans ces trois exemples que des coïncidences sans signification, qui n'ont en tous cas aucun effet utile pour les hTudibranch.es non plus que pour les Actinies. Il n'y a rien de bien étonnant à ce qu'un Bolis couvert de papilles rappelle une Actinie hérissée de tentacules et de dimensions analogues ; la ressemblance de couleur pourrait bien être due quelquefois au passage du pig- ment de la proie dans le foie et les tissus du Nudibr anche, c'est- à-dire être de Y homochromie nutriciale , comme dans le cas d 'Ar- chidoris tuherculata Cuv., Bostanga coccinea Forbes, Cycloporus (1) Synonyme JV Aeolidiella glauca Aid. et Hanc. L’ORIGINE DES NÉMATOCYSTES DES ÉOLIDIENS 95 papillosus Lang, Lamellaria perspicua L., qui empruntent leur couleur aux Eponges ou aux Synascidies dont ils se nourrissent (voir Cuénot, 1903). Iïï. Détermination des Actinies citées Les Actinies comptent parmi les animaux les plus difficiles à déterminer, tant en raison de leur très grande variabilité que de l’absence d’organes susceptibles de fournir des caractéris- tiques. Aussi, j’ai cru utile de donner quelques références au sujet des espèces citées au cours de ce travail, que j’ai recueillies à Arcachon (Bassin et large) ; je les ai déterminées surtout avec les ouvrages classiques de Gosse et d’ANDRES, qui seraient excellents s’ils renfermaient plus de figures de détail; j’ai con- sulté également les travaux de P. Fischer (1875, 1889), qui a justement étudié les Actinies d’Arcachon, mais ils m’ont rendu bien peu de services, vu l’absence de figures et l’imprécision excessive des diagnoses. J’ai trouvé à Arcachon les espèces suivantes d ’Actininœ : Actinides : Actinia equina L. ; Anemonia sulcata Pennant. Bunodidés : Bunodes Balli Cocks. Phellidés : Phellia elongata Delle Chia je. Sagartiadés : Eeliactis bellis Ellis ; Cy lista viduata O. F. Mill- ier ; Adamsia Bondeleti Delle Chiaje ; Adamsia palliata Bo- hadsch ; Aiptasia erythrochila P. Fischer ; Aiptasia lacerata Dalyell ; Sagartia troglodytes Johnston ; Sagartia sphyrodeta Gosse. Parmi ces espèces, il en est quelques-unes, tout à fait con- formes aux descriptions de Gosse et d’ANDRES, qui sont très faciles à déterminer. Mais d’autres sont vraiment difficiles à identifier, comme le témoigne leur synonymie embrouillée ; ce sera sur celles-là seulement que je donnerai quelques détails, permettant de les reconnaître. Phellia elongata Delle Chiaje. — Plusieurs exemplaires de petite taille fixés sur Avicula hirundo L. Cycles : 12, 12, 24... Le disque présente des lignes blanches opaques qui partent de 96 L. GUÉNOT la base des tentacules des deux premiers cycles ; les tentacules sont colorés en brun au sommet et présentent vers leur milieu une paire de taches brunes. C'est sûrement une Phellia, mais ce n'est pas sans quelque hésitation que je rapporte mes échan- tillons à l'espèce elongata, qui présente de si nombreuses variétés, de l'aveu même d'AKDRES, qu'il n'est pas possible de décrire une forme typique. C y lista viduata O. F. Müller. — Espèce très variable, trouvée assez souvent dans les parcs sur des coquilles, des collecteurs ; de petits exemplaires sont parfois fixés sur des Maia sguinado vivants. La colonne opaque est parcourue par des bandes lon- gitudinales, plus foncées que le fond, surtout nettes vers la base de la colonne et plus ou moins confuses vers le haut. Quand l'Actinie est contractée, on aperçoit vers le haut de la colonne de 10 à 14 points noirs, disposés assez régulièrement, qui sont des cinclides. Tentacules nombreux, translucides, se contournant comme des serpents ; les premiers cycles comprennent 12, 12, 24... tentacules ; ceux-ci ont le plus souvent une coloration inté- rieure noirâtre, qui dessine habituellement deux lignes longi- tudinales. Disque concave avec rayons gonidiaux jaunes ou bordés de blanc. La coloration générale est rose, rougeâtre, brune, verdâtre ou vert olive. Mes échantillons correspondent bien aux figures et descriptions de Gosse et d'ANDRES ; P. Fis- cher a dû trouver cette espèce à Arcachon ; je suppose que c'est sa Sagartia troglodytes, forme a (1889). Aiptasia erythrocMla P. Fischer. — Très abondante sur les algues, pierres, piliers de débarcadères. Espèce peu variable, d'un rouge saumon uniforme, avec tentacules d'un ton beau- coup plus clair ; la colonne est susceptible d'un grand allonge- ment et peut atteindre plusieurs centimètres de long ; elle devient alors à demi translucide. Les rayons gonidiaux ont parfois une teinte d'un rouge plus foncé que le reste du disque, mais ce n'est pas constant ; les lèvres buccales sont le plus sou- vent d'un rouge assez vif. Les cinclides forment des tubercules légèrement saillants, bien visibles sur les animaux épanouis ; L’ORIGINE DES NÉMATOCYSTES DES ÉOLIDIENS 97 ils sont alignés en séries longitudinales, mais sont épars sur tonte la hauteur de la colonne ; les aconties sont blancs ; ils sortent surtout par les cinclides, plus rarement par l’extrémité des tentacules. Chez de jeunes individus, j’ai compté avec certitude pour les premiers cycles : 6, 0, 12... tentacules ; mais chez les adultes, les cycles sont différents ; sur un grand exemplaire bien épanoui, j’ai compté 11, 11, 22 Les tentacules sont nombreux, et pas très rétractiles ; il faut irriter assez forte- ment l’animal pour que le corps se contracte à fond et que les tentacules disparaissent complètement. J’ai trouvé dans les tentacules seulement une forme spéciale de nématocystes (flg. 7), que je n’ai vue nulle part ailleurs, et qui est bien reconnaissable par les boucles décrites par le tube basilaire à l’intérieur de la capsule. C’est P'. Fischer (1875) qui a découvert cette espèce à Arca- chon, et qui l’a décrite, du reste très mal, sous le nom de Sagartia erythrochila ; par l’ensemble de ses caractères, elle doit rentrer dans le genre Aiptasia, du reste très voisin ; il est très probable que cette forme est celle qu’ANDRES a rencontrée à Naples et décrite sous le nom d ’Aiptasia saxicola (1884, p. 162) ; en tous cas, le nom de Fischer a la priorité. Aiptasia lacerata Dalyell. — Très abondante sous les pierres, les coquilles, les débris de vieilles caisses dans les parcs, etc., en compagnie d ’Aiptasia erythrochila. Espèce à coloration extrê- mement variable ; dans la forme que l’on peut regarder comme typique, la colonne est jaunâtre à l’état contracté, à peine colorée et transparente à l’état d’extension, permettant de voir facilement le tube œsophagien, les mésentéroïdes, les organes génitaux vivement colorés en rouge ; l’animal ne dépasse guère 15 à 20 millimètres de hauteur totale. Les tentacules sont sou- vent d’un rose vif, plus intense à l’extrémité distale ; il y a quatre cycles comprenant respectivement 6, 6, 12, 24 tentacules ; ceux-ci sont souvent entourés à leurjbase par un mince anneau brun. Les cinclides sont bordés de brun, légèrement saillants. 98 L. CUÉNOT et forment environ 12 séries verticales, qui comprennent cha- cune de 1 à 4 cinclides. Ce qui caractérise bien cette espèce, c'est la présence autour de la bouche d'un pigment blanchâtre, opaque, dessinant une étoile à six rayons, parmi lesquels deux sont des rayons gonidiaux ; ces six rayons aboutissent à la base des tentacules du premier cycle. Quand on a bien reconnu le type, on en rapproche facilement les variétés, qui se distinguent par des changements dans le dessin péristomien, la couleur des tentacules, la teinte du corps qui va de l'incolore au vert sombre, etc. Cette forme est certainement identique à celle de Naples qu'ANDRES appelle Aiptasia lacerata Dalyell, et surtout aux variétés a planifions et (3 crucifions (1884, p. 159). P. Fischer a dû la trouver à Arcachon ; c'est probablement celle qu'il rap- porte à Sagartia pellucida Hollard ; Andres, ne reconnaissant pas, et pour cause, l'identité de cette S. pellucida et de son A. lacerata, avait donné un nom nouveau (Adamsia Fisclneri, puis Sagartia Fischeri) à la forme décrite par Fischer ; c'est un nom qui doit disparaître. Sagartia troglodytes Johnston. — Nombreux exemplaires dans la coquille de Balanes mortes ; répond parfaitement à la descrip- tion typique de Gosse (1860, p. 88). Je ne sais pourquoi Andres, qui paraît ne l'avoir jamais vue à l'état vivant, a rangé cette espèce dans le genre Cy lista (sous le nom de G. undata Müll.) ; elle est aussi différente que possible de Cy lista viduata , par exemple ; je trouve qu'elle rappelle beaucoup plutôt un Heliactis Sagartia sphyrodeta Gosse. — Plusieurs exemplaires à Moul- leau, près d' Arcachon, fixés sur des Zostères morts. Variété entièrement blanc opaque ; sur un seul individu, j'ai vu nette- ment autour de la base des tentacules l'anneau pourpre dont parle Gosse ; sauf cette variation, cette forme répond parfaite- ment à la description de Gosse (variété a candida). L’ORIGINE DES NÉMATOCYSTES DES EÜLIDIENS 99 CONCLUSIONS Les nématocystes des sacs cnidophores des Eolidiens ne leur appartiennent pas en propre ; ils ne sont pas fabriqués par les cellules qui les renferment. Ils proviennent des Coelentérés, dont les Eolidiens font leur nourriture ; les nématocystes des pre- miers passent intacts dans le tube digestif de l’Eolidien, puis dans les diverticules hépatiques des papilles ; ils franchissent le canal de communication cilié, qui exerce probablement un choix au passage, et arrivent dans les sacs cnidophores. Là, ils entrent dans les cellules de revêtement (nématophages), de façon à être tous orientés dans le même sens, le bout par lequel se fait la décharge étant tourné vers la surface libre de la cellule. J’ai ajouté aux expériences et observations de Wright, Glaser et Grosvenor une nouvelle démonstration expérimentale : on supprime les sacs cnidophores à des Eolidiens, dont les uns sont nourris avec une espèce précise d’Actinie, tandis que les autres sont laissés à jeun ; dans les deux cas, les sacs se régé- nèrent rapidement par le même processus que dans l’ontogénie normale ; les Eolidiens bien nourris ont leurs nématophages bourrés des nématocystes de l’Actinie donnée comme aliment, tandis que les Eolidiens à jeun n’ont point de nématocystes. Les Eolidiens ne paraissent pas tirer grand parti de ces armes offensives d’emprunt, rendues peu efficaces par leur situation dans un sac intérieur ; beaucoup de Poissons, il est vrai, consi- dèrent les Eolidiens comme non comestibles, mais il ne semble pas que ce soit surtout à cause de leurs nématocystes. Nancy, le 15 Décembre 1906. 100 L. CUÉNOT INDEX BIBLIOGRAPHIQUE 1904. Abric. Sur le fonctionnement des nématocystes des Cœlen- térés. (C. B. Soc. Biol. Paris, LVI, p. 1008). 1904 a). — Sur les nématoblastes et les nématocystes des Eolidiens {G. B. Soc. Biol. Paris, LVII, p. 7) 1904 b). — Les cellules agglutinantes des Eolidiens. (G. B. Ac. Sc. Paris, CXXXIX, p. 611). 1884 Andres. Le Attinie ( Fauna und Flora des Golfes von Neapel, IX Monographie). 1896. Bedot. Note sur les cellules urticantes ( Bevue Suisse ZooL , III, p. 533). 1877. Bergh (R.). Beitrâge zur Kenntniss der Aeolidiaden. ( Verhandl . der K. K. zool. bot. Gesells. Wien, XXVI, p. 758). 1903. Cuénot. Contributions à la faune du bassin d’Arcachon. III. Doridiens. {Bull. Soc. scient, d’ Arcachon, 7e ann., p. 1). 1906. — Les Eolidiens empruntent leurs nématocystes aux Cœlen- térés dont ils se nourrissent. {G. B. Soc. Biol. Paris , LXI, p. 541). 1893. Davenport. Studies in Morphogenesis. I. On the development of the cerata in Aeolis. {Bull. Mus. compar. Zool. at Harvard Collège, XXIV, p. 141). 1875. Fischer (P.). 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Contribution à l'étude des Nudibranches. ( Mém . Soc. Zool. France , YIII, p. 539.) Herdman et Clubb. Third Report upon the Nudibranchiata of the L. M. B. C. District. (Proc, and Trans. Liverpool Biol. Soc., IY, p. 131.) Krembzow. Ueber den Bau und die Entwickelung der Rucken- anhânge der Aeolidier. ( Arch . fur mïkr. Anat., LIX, p. 181.) Lendenfeld (von). Die Nesselzellen der Cnidaria. (Biol. Gentr., XYII, p. 465 et 513.) — Die Nesseleinrichtungen der Aeoliden. (Biol. Centr., XXI Y, p. 413.) Poulton. The Colours of Animais. (Intern. Sc. Sériés, LXYIII, 2e édition, London.) Trinchese. Anatomia e fisiologia délia Spurilla neapolitana. (Mem. d. Acad. d. Sc. d. Instit. di Bologna, (3), IX, p. 405.) — Aeolididae e famiglie affini del porto di Genova. (Atti d. Beale Accad. dei Lincei, (3), X, p. 5.) Yayssière. Recherches zoologiques et anatomiques sur les Mollusques Opistobranches du golfe de Marseille, 2e partie. (Ann. Mus. Hist. nat. Marseille, III, mémoire n° 4.) Wright (T. Strethill). On the cnidæ or thread-cells of the Eolidæ (Proc. Boy. Phys. Soc. of Edinburgh ) — On the urticating filaments of the Eolidæ (Microscopical Journal (2), III). EXPLICATION DE LA PLANCHE III . Extrémité régénérée d'une papille de Spurilla neapolitana, 7 jours après ampu- tation de la partie terminale, la Spurille étant abondamment nourrie d' Actinies. Il s’est formé deux nouveaux sacs cnidophores (c), dont les cellules internes sont bourrées de nématocystes. La pression du couvre-objet a fait sortir de chacun des sacs un paquet de cellules nématophages et de nématocystes ; d, diverticule hépatique. Sur le frais ; x 45. . Coupe sagittale d'une papille de Spurilla neapolitana, 8 jours après amputation de l’extrémité ; la Spurille est abondamment munie d'Actinies ( Aiptasia ). Le sac cnidophore est en voie de régénération ; il est encore dépourvu d'orifice externe ; on voit des mitoses dans l'épithélium de la moitié inférieure : d, diverticule hépa- tique ; e, canal cilié de communication entre le diverticule et le sac cnidophore, entouré d’un sphincter ; m, revêtement mésenchymateux, qui donnera l’enve- loppe musculaire du sac cnidophore ; n, cellules nématophages, bourrées de nématocystes d ’ Aiptasia ; n’, coupe transverse d’une cellule nématophage, montrant la section des nématocystes qu’elle renferme. Fixation au sublimé ; x 285. loâ L. CUENOT Fig. 3. Partie d'une coupe transversale de sac cnidophore récemment régénéré, Berghia ccerulescens, 18 jours après amputation de l'extrémité de la papille. Depuis l’opé- ration, la Berghia est à jeun ; les cellules du sac sont absolument dépourvues de nématocystes : m, fibres musculaires en couche circulaire ; m’, fibres muscu- laires longitudinales ; n, cellules nématophages ; r, cellule intercalaire de rem- placement. Fixation au picro-formol alcoolique ; x 880. Fig. 4. Cellule nématophage isolée, provenant d’un sac cnidophore récemment régénéré. Berghia ccerulescens, 18 jours après amputation de l’extrémité des papilles, Depuis l’opération, la Berghia est à jeun ; la cellule renferme cependant un néma- tocyste adulte d ’Aiptasia lacerata, qui provient sans doute du dernier repas antérieur à l’amputation : n, noyau. Sur le frais ; x 935. Fig. 5. Cellule nématophage isolée, provenant d’un sac cnidophore normal de Berghia ccerulescens ; elle renferme une douzaine de nématocystes, dont huit seulement sont visibles sur la figure ; ils sont de taille variée et d’orientation constante : n, noyau. Fixation au formol ; x 650. Fig. 6. Nématocyste provenant d’un sac cnidophore normal de Berghia ccerulescens ; . forme dite barbelée, fixée par le formol dans un état de demi-dévagination : b’, tube basilaire en voie de dévagination ; c, pointe aiguë, agissant comme perfo- ratrice ; d, cône distal en train de cheminer dans le tube basilaire ; e, filament terminal, encore renfermé dans la capsule, x 880. Fig. 7. Nématocyste provenant d’un sac cnidophore normal de Spurilla neapolitana ; c’est une forme barbelée, à tube basilaire très long, formant des boucles dans la capsule. Elle provient de la couronne tentaculaire de 1 ’Aiptasia erythrochila. Sur le frais ; x 1080. Fig. 8. Nématocyste de l’Actinie Cylista viduata ; forme dite spiralée, dessinée dans un état de demi-dévagination : b’, tube basilaire complètement dévaginé portant une double spire saillante ; e, partie du filament terminal encore renfermée dans la capsule ; e’, portion dévaginée du filament terminal. Sur le frais. XXXVIe Année N° 4 Mars 1907 ARCHIVES DE n R ET GENERALE HISTOIRE NATURELLE — MORPHOLOGIE — HISTOLOGIE ÉVOLUTION DES ANIMAUX FONDÉES PAR HENRI de LACAZE- DUTHIERS PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION DE G. PRÜVOT CHARGE DE COURS A LA SORBONNE DIRECTEUR DU LABORATOIRE ARAGO «t E.-G. RACOVITZA DOCTEUR ES— SCIENCES SOUS-DIRECTEUR DU LABORATOIRE ARAGO QUATRIÈME SÉRIE Tome VI 4- Numéro 4 L. GERMAIN. — Essai sur la Malacographie de l’Afrique équatoriale PARIS LIBRAIRIE C. REINWALD SGHLEICHER FRÈRES, ÉDITEURS 61, RUE DES SAINTS-PÈRES, 61 m 4*^ •JL w L Prix : 2 francs Paru le 15 Mars 1907 J y t/’onf Les mémoires publiés dans les Archives paraissent isolément ; le volume sera donc composé d’un nombre variable de fascicules. ARCHIVES de ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE Les Archives de Zoologie expérimentale et générale, fondées en 1872 par Henri de Lacaze-Duthiers, comptent actuellement 37 volumes publiés qui sont en vente au prix de 50 francs le volume cartonné. Le prix de l'abonnement pour un volume est de : 40 francs pour Paris — 42 francs pour les départements et l’étranger. Chaque volume comprend au moins 40 feuilles de texte illustrées de nom- breuses figures et accompagnées de planches hors texte en noir et en couleurs. . 11 se compose d’un nombre variable de fascicules, plus une dizaine de feuilles de Notes et Revue. Les Archives de Zoologie expérimentale et générale forment, en réalité, deux recueils; distincts dont les buts sont différents : I. — Les Archives proprement dites sont destinées à la publication des mémoires définitifs étendus et pourvus le plus souvent de planches hors texte. Les volumes paraissent par fascicules, chaque fascicule ne comprenant le plus souvent qu’un seul mémoire. II. — Les Notes et Revue publient de courts travaux zoologiques, des com- munications préliminaires .et des mises au’ point de questions d’histoire natuC telle ou de sciences connexes pouvant intéresser les zoologistes. >Cette partie de la publication ne comporte pas de planches mais toutes les sortes de figures pouvant être imprimées dans le texte. Elle paraît par feuilles isolées, sans périodicité fixe, ce qui permet l’impression immédiate des travaux qui lui sont destinés. 1/ apparition rapide , V admission des figures et le fait que les notes peuvent * avoir une longueur . quelconque , font que cette partié dë;s Archives comble une lacune certaine parmi lés publications consacrées à la Zoologie. Les auteurs reçoivent gratuitement 50 tirages à part de leurs travaux (brochés sous couverture spéciale avec titre, s’il s’agit de mémoires parus dans les Archives proprement dites). Ils peuvent, en outre, s’en procurer un nombre plus considérable à leur frais,, d'après le tarif suivant : 1/4 de féuille’ 1/2 feuille 1 feuille Les 50 exemplaires..... 5 fr. 7 fr. 50 10 fr. Couverture avec titre, en sus 5 fr. 5 fr. 5 fr. A ce prix il faut ajouter Je prix des: planches, quand il y a lieu. Ce prix varié trop pour qu’on puisse fixer un tarif d’avance. A titre d’indication, on peut prendre les chiffres approximatifs suivants comme moyenne pour 50 exem- plaires d’une planche simple : > Planche en photocollographie ou lithographie, tirage en une seule teinte. 10 fr. Planche gravée sur cuivre ou lithographie en plusieurs teintes. ..... . 20 fr. Les travaux destinés à servir de thèses de doctorat sont reçus aux mêmes conditions que les travaux ordinaires. Lès auteurs s’engagent à ne pas mettre leurs tirés à part dans le commerce. Les articles publiés dans les Notes et Revue peuvent être rédigés en français, en allemand, en anglais ou en italien; ils sont rémunérés à raison de 10 centimes ja ligne. Pour faciliter l’impression correcte des notes en langues étrangères, il est recommandé d’ejivgypr à la place du manuscrit une copie à la machine à écrire. Les travaux destinés aux Archives de Zoologie expérimentale et aux Notes et Revue doivent être envoyés à l’un des Directeurs : ML G. Pruvot, Laboratoire d’anatomie comparée, Sôrbonne, Paris-ve M. E. G. Racovitza, 2, boulevard Saint-André, Paris-vi6 ou déposés à la librairie Reinwald, 61, rue des Saints-Pères,, Paris-vr, ARCHIVES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE IVe Série, Tome VI, p. 103 à 135. 15 Mars 1907. ESSAI SUR LA MALACOGRAPHIE DE L AFRIQUE ÉQUATORIALE PAR LOUIS GERMAIN Les régions visitées pendant ces dernières années par les expéditions françaises conduites par MM. Foureau-Lamy, A. Che- valier, Lenfant, etc., ont comblé les grosses lacunes qui subsis- taient encore dans la connaissance de la faune malacologique de l'Afrique équatoriale. Il devient dès lors possible d'indiquer les traits essentiels de cette faune et de montrer ses affinités avec celles des régions voisines. C'est ce que je vais essayer de faire dans les pages suivantes. I En 1861, le baron allemand Cari Clauss rentrait en Europe après une longue exploratiou au pays des Masaï. Il avait pu faire l'ascension du célèbre pic de Kilima-N'djaro et rapportait une petite collection de Mollusques qui furent étudiés par le Dr E. von Martens (1869). Peu après, les rares matériaux re- cueillis par Speke étaient décrits par l'Anglais Dohrn (1864). Au cours de sa traversée de l'Afrique, de Tripoli au golfe de ARCH. DE ZOOL. EXP, ET GEN. — 4e SÉRIE. — T. VI. — (iv). 8 104 LOUIS GERMAIN Bénin (1847-1867), le Dr Gerhard Rohlfs séjourna quelque temps à Kouka. Il y récolta les premiers Mollusques du lac Tchad parvenus en Europe. Le Dr E. von Martens (1877) nous les fit connaître dans une note trop brève. Nous devons au même auteur une étude sur les Mollusques rapportés du pays des Mam- Mam par le Dr Schweinfurth (1869-1874) (Martens, 1873), et ceux, plus nombreux en espèces, trouvés dans UOukambi et aux environs du mont Kénia par le Dr Hildebrandt (Martens, 1878). A la même époque, le Dr E. A. Smith (1877), du British Muséum, publiait un intéressant travail sur les Mollusques du centre afri- cain provenant des récoltes des voyageurs anglais et notamment de Stanley, sir Samuel Baker, lieutenant Yerney Howett Came- ron, Dr Kirk et F. A. Simons. Mais ces explorateurs ne s'étant guère attachés qu'à l'étude géographique des contrées traversées, les documents zoologiques concernant la faune équatoriale de l’Afrique restaient peu nom- breux. Il en est tout autrement à partir de 1878, date de la création des stations scientifiques établies dans la région des grands lacs sous les auspices des Etats européens. Tandis que les Belges Oambier, Dutrieux et Wauthier (1) fondent une station à Karéma, (2) les Anglais Thomson, Hore, Hutley et Mullens, envoyés par la « London Missionary Society », se fixent à Oudjiji le 23 août 1878. Ils sont bientôt suivis par les Allemands : en 1880, une mission, sous les ordres de la société africaine d'Allemagne, et composée du capitaine von Schôler, de Bôhm, Kayser et Reichard, s'établit à l'extrémité sud du lac Tanganika au moment même où Flegel explorait le cours de la Bénoué et les régions inconnues de l'Adamaoua. La France ne reste pas étrangère à ce grand mouvement d'exploration. Un séminaire des Missions d'Afrique s'était fondé à Alger, en 1876, dans le but de préparer rationnellement des (1) Plus tard, une troisième expédition belge, composée de Beudo, Roger, Blandain et Cadenhead se dirige également sur Karéma où elle arrive en avril 1880. (2) Les belges, sous la direction du Dr Van der Heuvel et du capitaine Popelin fondent une seconde station à Kouihara dans l’Ounyanyembé. La MALACOGRAPHIË DÉ L’AFRIQUE ÉQUATORIALE 105 missionnaires “explorateurs. Il en part bientôt deux missions : l'une, composée de cinq personnes, parvient à Kadjei, sur les rives du lac Kyassa, en janvier 1879 ; F autre, qui gagne le lac Tanganika, est rejointe, en 1881, par une troisième expédition comprenant, cette fois, quinze personnes. La plupart des récoltes malacologiques de ces voyageurs furent étudiées par J. R. Bour- guignat (1883). Il en fut de même des matériaux rapportés par le capitaine Bloyet qui, parti de Zanzibar le 11 juin 1880, comme chef de la station française d'Afrique orientale, parvient à Koudoa dans FOusagara, et fonde définitivement la station à Kwa- Mgoungou. Enfin Victor Giraud rapporte, de sa longue explo- ration à la région des grands lacs, la majeure partie des docu- ments qui serviront à Bourguignat pour écrire son Histoire malacologique du lac Tanganika. (Bourguignat, 1885, 1888, 1890.) Désormais Félan est donné. Chaque expédition revient en Europe avec un matériel zoologique plus ou moins considérable, mais toujours intéressant. La région des grands lacs semble surtout le point de mire des explorateurs. Les Anglais Thom- son (1883) ; O'îsTeill' (1885) ; Weiss, Jühlke et le Dr Hannigton (1883) ; le célèbre Stanley (1887-1888) ; J. T. Last (1885-1886) ; Sharpe (1890) ; H.-H. Johnston (1890, puis 1896-1897) ; etc. ; les Allemands Boehm, Reichard et Kaiser (1883-1884) ; Wiss- mann (1885) ; Dr Junker (1875-1886) ; le Dr Oscar Lenz (1884- 1886) ; le comte Teleki et von Hôhnel (1887-1888) ; Baumann (1890) ; le Dr Stuhlmann (1890-1892), etc. ; les Français F. de Meuse, Ed. Foa (Germain, 1907), parcourut en tous sens les vastes territoires de l'Afrique orientale compris entre le Congo et l'Océan Indien. Tandis qu'en Angleterre le Dr E. A. Smith fait connaître, dans une série de publications (1), les découvertes de ses compatriotes, le Dr E. von Martens (1898) résume, dans (1) Les travaux de Smith se trouvent disséminés dans les Proceedings of the zoological society of London (1880, pp. 344-852, pl. XXXI ; 1881, pp. 276-300, pl. XXXII-XXXIV ; 1888, pp. 52-56 ; 1800, pp. 478-485, pl. XL VIII ; 1890, pp. 146-168, pl. V-VI, etc...) et dans les Annale and magaz. of natural history (5e série, VI, 1880, pp. 425-430 ; 6e série, IV, 1889, pp. 173- 175 ; VI, 1890, pp. 93-96 ; VIII, 1891, pp. 317-324 ; X, 1892, pp. 121-128, pl. XII, etc.). 106 LOUIS GERMAIN un excellent ouvrage, la faune malacologique de cette partie de l'Afrique. A mesure qu'elle semblait mieux connue, la faune des grands lacs intéressait de plus en plus les zoologistes. Celle du Tanganika surtout, par son étrangeté, son faciès marin plus apparent que réel, fixait l'attention des naturalistes. Aussi le professeur Ray, Lancaster organise-t-il, avec le concours de la « Royal Society », une première expédition au lac Tanganika (1895-1896), bientôt suivie d'une seconde (1899-1900) placée sous le commandement de J. E. S. Moore et composée de sir John Kirck, sir William Thomson -Dyer, Dr Slater et M. Boulenger. Les résultats en furent considérables : au point de vue malacologique, Moore put fixer les affinités d'un certain nombre de Mollusques (Ti- phobia, Limnotrochus , Bathanalia, SpeMâ, etc.), dont il fit l'ana- tomie (1903). Il restait à compléter ces données par l'étude de la faune du lac Rodolphe et des nombreuses masses d'eau voisines. L'ex- pédition du comte Teleki et de von Hôhnel (1892) au Kilima N'djaro, au Kenia, aux lacs Baringo et Rodolphe ne nous fournit que de trop rares documents zoologiques. Il en est de même des voyages entrepris par le Français J. Borelli et par les Italiens Vannutelli et Citerni (1899) qui complètent seulement au point de vue géographique les découvertes allemandes. L'explo- ration, toute récente (1904) de M. Maurice de Rothschild est, pour nous, autrement importante. J'aurai à revenir plus loin sur les intéressantes publications malacologiques que MM. Neu- ville et R. Anthony y ont consacrées (1906). Pendant que se multipliaient les voyages dans l'Afrique orien- tale, les régions du Tchad et du Chari étaient parcourues par des explorateurs qui, là du moins, sont presque tous Français. Les premiers Mollusques de ces régions sont recueillis par la mission Foureau-Lamy (Foureau, 1904, 1905) qui quitte Se- drata le 23 octobre 1898. Après avoir, au prix de mille fatigues, traversé le Sahara, elle débouche, le 10 janvier 1900, sur les bords de la rivière Komadougou-Yobé et campe, un peu au delà LA MALACOGRAPHIE DE L’AFRIQUE EQUATORIALE 107 d’Arégué, sur les rives mêmes du Tchad. J’ai étudié ailleurs les intéressantes récoltes malacologiques de M. F. Foureau (Ger- main, 1905, 1905a) et celles, plus récentes, de M. Lenfant, dans le lac Tchad (Germain, 1906). Mais les documents fauniques les plus importants que nous possédions jusqu’ici nous ont été fournis par la belle expédition conduite par MM. A. Chevalier, Decorse, Oourtet et Martret, qui explorent, non seulement le lac Tchad, mais encore les bassins du Chari et de l’Oubangui (Germain, 1904a, 1906). Je n’aurai garde d’oublier ici les officiers français, MM. Lacoin, Hardelet, Duperthuis et Moll qui, au cours de leurs travaux de reconnaissance, ont pris soin de recueillir des coquilles. (Germain, 1906.) Enfin, en 1902, le lieutenant allemand Glauning récoltait à Kouka quelques Mollusques qui furent décrits par le regretté Dr E. von Martens (1903), alors directeur du Muséum de Berlin. II Dans les pages suivantes, je distinguerai, au point de vue faunique, trois régions peut-être un peu artificielles géographi- quement. La première, que je désigne sous le nom de Bassin du Congo, correspond sensiblement à toute la partie de l’Etat indépendant située au sud du grand fleuve et de son affluent, l’Arouhimi. La deuxième comprend les pays explorés par M. A. Chevalier au cours de sa dernière mission, c’est-à-dire les régions entourant le lac Tchad et les territoires arrosés par le Chari, l’Oubangui, le Gribuigui et leurs tributaires. Enfin la troisième s’étend des grands lacs à la côte : elle rejoint, au nord, le pays des Gallas et celui des Somalis ; elle s’arrête, au sud, au cours du Zambèze. Elle comprend toute l’Afrique orientale allemande et anglaise et une partie de l’Afrique portugaise. Je n’ai rien de particulier à dire de la première région, si ce n’est qu’une notable partie de son étendue est couverte par la grande forêt équatoriale, généralement pauvre au point de vue faunique. La deuxième est maintenant connue, grâce aux explo- 108 LOUIS GERMAIN rations françaises de F. Foureau-Lamy, A. Chevalier, Courtet, Decorse et Martret. A son extrême ouest se trouve le Tchad. Ce lac, situé à 260 mètres au-dessus du niveau de la mer, occupe le fond d'une vaste cuvette. Il affecte sensiblement la forme d'un triangle rectangle dont les côtés droits seraient formés par ses rives méridionale et occidentale. D'une surface d'environ 20.000 kilomètres carrés, sa longueur atteint près de 200 kilomètres et sa largeur maximum 180. La partie la plus profonde du Tchad est la poche du Bornou, le N’Ki Boni des indigènes (eaux blanches et libres). La partie orientale est, par contre, fort peu profonde, parsemée d'îles dont le nombre dépasse trois cents et qui s'éten- dent, le long des rives du Kanem, à une distance de la côte va- riant entre trois et cinq kilomètres. Beaucoup de ces îles sont boisées et servent d'asile à une faune assez riche (1). Les eaux du lac, généralement douces, prennent en mai et juin une saveur légèrement salée. Enfin le Tchad qui, au dire des voyageurs, est en voie rapide de dessèchement, n'a que des rives basses et marécageuses. Son principal tributaire est le Chari, grosse rivière fort large et d'environ deux mètresjde profondeur moyenne. Le Chari traverse « d'immenses savanes plates, couvertes de brousse par places et en bouquets épars ». (Foukeau, 1905, I, p. 210.) La troisième région, beaucoup plus élevée, généralement mon- tagneuse, est surtout intéressante par la présence de nombreux lacs, souvent très étendus, qui occupent, du sud au nord et à des altitudes différentes, le fond d'une immense faille. Le pre- mier de ces lacs est le Nyassa, qui communique avec le Zambèze par la rivière Shiré. Long de plus de 600 kilomètres, large de 24 à 100 kilomètres, sa surface atteint 30.000 kilomètres carrés et sa profondeur, en certains points, dépasse 200 mètres. Il est situé à 480 mètres au-dessus du niveau de la mer et sa côte orientale est bordée par les monts Livingstone. Ses eaux sont très pures, d'une limpidité parfaite, puisqu'elles ne laissent aucune trace de sédiments dans les chaudières. A environ 350 kilo- (1) Les grands Limicolaires y sont, notamment, fort abondants. LA MALACOGRAPHIE DE L’AFRIQUE EQUATORIAL 109 mètres au nord-ouest s'étend le lac Tanganika situé, entre les 3° et 9° de latitude sud, à une altitude de 830 mètres au-dessus du niveau de la mer. D’une superficie de 39.000 kilomètres carrés, sa longueur maximum est de 600 kilomètres et sa largeur varie entre 50 et 90 kilomètres. La profondeur du Tanganika est considérable ; ses rives sont fort accidentées et, sur toute la moitié sud notamment, les montagnes tombent à pic dans l’eau, ne laissant que, de loin en loin, quelques petits intervalles occupés par des plages. Son principal affluent est le Loukouga, qui le met en communication avec le Loualaba, c’est-à-dire avec le bassin du Congo. Ses eaux sont fort agitées et, dit le voyageur français Victor Giraud (1885, p. 27), comparables, à ce point de vue, à celles de l’Océan. Bien que potables au dire des habi- tants, elles sont souvent « troublées et dénaturées par de forts dégagements gazeux chargés de matières minérales, dégagements provenant du fond de l’immense faille à laquelle est due cette mer intérieure ». (Botjrguignat, 1888, p. 79.) Encore plus au nord, et souvent réunis entre eux par des rivières plus ou moins importantes, se rencontrent les lacs Kivu, Albert-Edouard- Nyanza et Albert-Nyanza, à l’est desquels s’étend le vaste lac Oukerewé ou Victoria-Nvanza, qui n’a pas moins de 66.500 kilo- mètres carrés. Ses côtes possèdent, d’après Stanley, un dévelop- pement total de plus de 1.800 kilomètres. Placé sous l’équateur, à une altitude de 1.100 mètres, il communique, au nord, avec le lac Albert-Nyanza, directement rattaché au bassin du Nil. Enfin, beaucoup plus au nord, (vers le 5° de latitude nord) existe toute une série de lacs sans écoulements constituant autant de bassins fermés. Les uns, comme le Basso-Narok (lac Noir) ou Rodolphe, le Baringo et le Naïwacha, renferment de l’eau douce ; les autres, tels que le Basso-Ebor (lac Blanc), le Nakoura-Sekelaï, le Maou et le Mangara, ont des eaux salées. Le territoire de ces lacs est bordé d’une chaîne de montagnes qui l’isole du bassin du Nil ; une autre chaîne, dominée par le Kenia et le Kilima-N’djaro sépare, de l’Océan Indien, le bassin des lacs fermés de l’Afrique orientale. 110 LOUIS GERMAIN III Nous pouvons essayer maintenant de caractériser la faune malacologique des régions équatoriales de F Afrique. Les maté- riaux jusqu'ici recueillis dans les territoires du Chari- Tchad sont beaucoup moins importants que ceux de l'Afrique orien- tale ou du bassin du Congo. Ils sont cependant suffisants pour établir, entre ces diverses contrées, d'intéressantes comparai- sons. Les espèces de la famille des Urocyclidœ se rencontrent dans toute l'Afrique équatoriale. Il en est de même des Helicarion et des Vitrines, mais leur rareté semble d'autant plus grande que l'on s'éloigne davantage des côtes. C'est ainsi que M. A Che- valier n'a rapporté, de sa dernière mission, qu'un seul échan- tillon de Vitrine d'ailleurs en trop mauvais état de conservation pour être déterminé spécifiquement. Les Thapsia habitent depuis les côtes du Sénégal et de la Guinée, jusqu'au Mozambique, au Choa et en Abyssinie. Sur- tout répandues dans les régions côtières, elles se trouvent aussi dans les pays de l'intérieur où elles vivent au voisinage des rivières, sous les amas de feuilles mortes, au pied des arbres et, de préférence, dans les endroits montagneux (1). On en connaît actuellement un grand nombre d'espèces toutes très voisines les unes des autres (2). Le genre Sitala H. Adams n'a, jusqu'ici, aucun représentant dans les territoires qui nous occupent. Par contre, on a signalé, dans les régions boisées et humides du N'gourou, (au nord de l’Ousaghara) (Bourguignat, 1889, p. 14), et dans la grande (1) C’est ainsi que le Dr E.-A. Smith (1899, p. 583) a signalé un assez grand nombre d’espèces de Thapsia ( Thapsia mixta Smith, Th. masukuensis Smith, Th. simulata Smith, Th. nyikana Smith, Th. decepta Smith) vivant sur les plateaux de Nyika, de Zomba, de Chiradzulu et de Malosa, situés au Nord du lac Nyassa, et qui atteignent une altitude variant entre 5.000 et 7.000 pieds (1.520 et 2.130 mètres). (2) M. le Dr Decorse a recueilli, aux environs de Krebedjé, une très belle espèce de Thapsia, remarquable par sa spire planorbique et sa grande taille. Je la décrirai prochainement sous le nom de Thapsia Lamyi. LA MALACOGRAPHIE DE L’AFRIQUE ÉQUATORIALE 111 forêt équatoriale (Dupuis et Putzeys, 1901, pl. III), quelques rares espèces appartenant au genre Moaria, créé par Chaper (1885) pour des coquilles du Gabon. Les Trochonanina, dont Tétude descriptive est entièrement à reprendre peuvent, au point de vue géographique, se répartir en deux séries. La première, de beaucoup plus nombreuse, com- prend les espèces à test mince et fragile qui, comme les Trocho- nanina mozambicensis Mousson, Troch. ibuensis Martens, Troch. per car inata Martens, etc., vivent dans les régions côtières. La seconde est constituée par des espèces (Trochonanina mesogae Martens, Troch. permanens Smith, etc.) au test épais, beaucoup plus solide, ne se rencontrant qu’à l’intérieur du continent. J’ai également signalé (Germain, 1907), dans le bassin du Chari, la présence du Trochonanina Adansoniœ Morelet, espèce qui n’était connue que du Gabon, où elle vit sur les troncs de Baobab (Morelet, 1858, p. 13). Une forme très voisine, le Trochonanina percostulata Dupuis et Putzeys, habite également la grande forêt équatoriale, dans le bassin du Congo (Dupuis et Putzeys, 1901, p. LIY). Les Ledoulxia Bourguignat sont des coquilles à test solide et opaque qui pénètrent beaucoup moins avant dans les terres que les Trochonanines. Il en est de même des Bloyetia Bourgui- gnat, grosses espèces globuleuses aux habitudes nocturnes (1) qui paraissent cantonnées dans les contrées arides du Somal, où elles représentent les Leucochroa des régions méditerranéennes. On n’en connaît pas de l’intérieur. Les Enneidœ se rencontrent partout : les genres Streptaxis Gray, Marconia Bourguignat, Ptycotrema Môrch, Edentulina Pfeiffer, etc., et surtout Ennea Pfeiffer, fournissent de riches suites d’espèces, aussi bien dans l’Afrique orientale que dans le bassin du Congo et la région des lacs. La pauvreté du ter- ritoire du Chari — où je n’ai signalé que le seul Ennea Gravier i (1) Par ses caractères anatomiques, le genre Bloyetia se rapproche des Hyalinia d’Europe : la mâchoire et le ruban lingual ont sensiblement les mêmes dispositions; l’appareil génital diffère surtout par la présence d’un long flagelluin filiforme. I 12 LOUIS GERMAIN Germain — me semble plus apparente que réelle et due à la difficulté de se procurer ces animaux, tous de très petite taille, qui doivent vivre en colonies plus ou moins populeuses le long des rives boisées de l'Oubangui et du Gribingui. Les genres Stenogyra Shuttleworth, Subulina Beck, Opeas, etc., n'offrent rien de particulier quant à leurs distributions, les mêmes espèces habitant partout et certaines, comme le Subulina octona Chem- nitz, ayant tendance à devenir complètement cosmopolites (1). Les Cyclostomidœ sont, en Afrique, des coquilles surtout lit- torales. Le bassin du Congo et le NTyassaland en nourrissent quelques rares représentants (CyclopJiorus rugosus Putzeys, CyclopJiorus intermedius Martens, Pomatias nyassanus Smith, etc.). On n'en connaît pas des régions du Tchad et du Chari. Mais c'est avant tout la famille des Achatinidœ qui imprime, aussi bien par la taille que par le nombre et, fort souvent, par l'abondance des espèces, le caractère particulier à la faune des contrées que nous étudions. Les Achatines décrites par les auteurs sont fort nombreuses et, ainsi que l'a déjà remarqué Smith (1899, p. 579), chaque district semble produire une race spéciale, modification plus ou moins importante de quelque type voisin bien connu. Communes au Gabon, au Sénégal, dans la région des grands lacs, le N'yassaland, etc., les Achatines sont encore répandues en certains points du bassin du Congo où pullulent les petites espèces comme YAchaMna sylvatica Dup. et Putzeys. Elles sont beaucoup plus rares dans les territoires du Tchad et du Chari, où elles sont paTtiellement remplacées par les Limicolaires. Les Serpœa Bourguignat ( =Ganomidos d'Ailly) sont des Acha- tines à test mince qui se cantonnent principalement autour des grands lacs et, notamment, du Tanganika. On en connaît aussi dans le Cameroon (d'Ailly) et la grande forêt équatoriale (Dupuis et Putzeys) où ils vivent, en compagnie des Peridie- (1) J’ai reçu dernièrement une grande espèce du genre Homorus recueillie, par M. le Dr De- corse, aux environs de Krébedjé (territoire du Chari). Je la décrirai prochainement, dans le Bulletin du Muséum, sous le nom d ’Homorus Courteti . LA MALACOGRAPRIE DE L’AFRIQUE ÉQUATORIALE 113 ropsis, sur les végétaux croissant au bord des rivières. Les Burtoa Bourguignat ( —Livinhacia Crosse) pénètrent moins à l’intérieur du continent. Cependant, le Burtoa Dupuisi Putzeys habite le bassin du Congo, et le capitaine Duperthuis a recueilli dans le Kanem, près du lac Tchad, le Burtoa nilotica Pfeiffer d’Abyssinie. Enfin les Limicolaires sont partout très abondantes, sauf dans le bassin du Congo où elles sont, en grande partie, rem- placées par les Peridieropsis. Les espèces actuellement connues sont tellement nombreuses et si voisines les unes des autres qu’il est à peu près impossible de s’y reconnaître. Aussi est-il à sou- haiter que l’on revise sérieusement le groupe entier, en excluant les formes insuffisamment définies. Les espèces du ITaut-Nil se retrouvent d’ailleurs aussi bien dans le Kanem, les îles du Tchad et le territoire du Chari que dans la région des grands lacs. Elles sont partout remarquables par leur très grand polymorphisme. En résumé, la faune terrestre des trois contrées que nous étudions est remarquablement homogène. Elle peut se carac- tériser rapidement par les particularités suivantes : a) Abondance des espèces appartenant à la famille des En- neidœ. b) Les Thapsia et les Trochonanina, signalées partout, ne sont nulle part très communes ; elles sont plus répandues dans les régions côtières du Mozambique que partout ailleurs. Quant aux Ledoulxia et surtout aux Bloyetia, ils semblent spéciaux aux contrées somaliennes. c) Les Cyclostomidœ sont très rares dans les régions équa- toriales intérieures. d) On n’a, jusqu’ici, signalé aucun représentant de la famille des Bulimidœ dans les territoires du Chari- Tchad. Il existe cependant des espèces du genre Rachis dans le Nyassaland et le pays des Masaï. e) Abondance des Achatinidœ . Les Achatines, très communes dans les régions des grands lacs et du Congo, sont rares dans les contrées du Chari-Tchad. Les Limicolaires, très abondantes 114 LOUIS GERMAIN autour des grands lacs et dans les territoires du Chari-Tchad, sont en majeure partie remplacées, dans le bassin du Congo, par les Peridieropsis. /) Enfin les Mollusques nus de la famille des Limacidœ sont très rares (genre Phaneroporus Simroth). Par contre, les Urocyclidœ fournissent des séries assez nombreuses (genres Urocyclus Gray, Atoxon Simroth, Trichotoxon Simroth, Bukobia Simroth, Lep- tichinus Simroth), ainsi que les Veronicellidœ ( = Vaginulidœ auct.). IY § i La faune fluviatile des régions équatoriales de l'Afrique est, surtout au point de vue de l'abondance des espèces, plus riche que la faune terrestre. Elle est aussi plus homogène : la plupart des genres se rencontrent dans les trois régions définies précé- demment. Les Physes, les Limnées, les Planorbes sont partout communs ou très communs. Dans le dernier de ces genres, on remarque une très curieuse analogie entre les Planorbes africains de la série du PI. sudanicus Mart. (1) et les Planorbes américains de la série du PI. guadalupensis Sow. Il existe également une grande similitude de caractères entre le Planorhis choanomphalus Mart. du lac Oukerewé et le PL andecolus d'Orb. de l'Amérique du Sud. Le nom seul de l'espèce africaine souligne, en outre, les rapports de forme qu'elle possède avec les Choanomphalus du lac Baïkal. Les Byihinia, les Cleopatra, les Ampullaria et les Lanistes n'offrent rien de particulier, les memes espèces vivant partout en plus ou moins grande abondance. Il en est de même des (1) Les Planorbes du groupe sudanicus jusqu’ici connus sont les suivants : Planorhis suda- nicus Martens, PL Boissyi Potiez et Michaud ; PL tetragonostoma Germain, PI. tanganikanus Bourguignat, PI. Bozasi de Bochebrune et Germain, PL Ruppelli Dunker et PL Herbini Bourguignat. Ils sont tous très voisins les uns des autres et il est probable qu’il faudra, lors- qu’on sera en possession de matériaux suffisants, réduire considérablement leur nombre. Il convient également de faire rentrer dans la même série les PL Lavigeriei Bourguignat, Pl. adowensis Bourguignat et PL Bridouxi. ainsi que je l’ai montré dans une note antérieure (Germain (Louis). — - Sur quelques Mollusques terrestres et fluviatiles rapportés pas M. Ch- Gravier du désert Somali ; in : Bulletin Muséum hist. nat. Paris ; 1904, n° 6, pp. 347 et suiv.). LA MALACOGRAPHIE DE L’AFRIQUE EQUATORIALE 415 Vivipares qui, aussi bien dans le Tchad, le Chari, le Congo on les grands lacs, dérivent tontes dn type Vivipara unicolor Oliv. si commnn dans le bassin dn ML Les Mélaniens sont pins cantonnés : dans le Congo et ses tri- butaires habitent d’assez nombreuses espèces qui lui sont jus- qu’ici spéciales. Les lacs Tanganika et Oukéréwé ont chacun une faune mélanienne particulière ; enfin, dans le Haut-Ml, les bassins du Chari et le lac Tchad, ne vit que le très polymorphe et si cosmopolite Melania tuberculata Müll. Les Lamellibranches sont particulièrement répandus : les Spatha surtout, très nombreux en espèces, doivent vivre en colonies fort populeuses dans presque tous les cours d’eau. Ils présentent d’ailleurs une aire de dispersion considérable et c’est avec raison que les anciens auteurs indiquaient à la fois l’Egypte et le Sénégal comme patrie au Spatha rubens. Les Mutela et les Mutelina sont également communs, mais le nombre de leurs espèces est fort restreint. Par contre, les Pliodons du sous-genre G amer onia sont principalement répandus dans les lacs (1) et le bassin du Ml, tandis que les Pliodons vrais préfèrent le Congo et le Sénégal. Le curieux genre Chelidonopsis Ancey ( =Cheli- donura de Rochebrune) est, jusqu’ici, spécial au Congo ; il est probable qu’il se retrouvera ailleurs et, notamment, dans le Chari. Les Sphœrium, les Eupera et les Corbicula, peu variés en espèces, vivent partout en abondance. Enfin les Ætheries, dont il n’existe qu’une seule espèce, sont très rares dans les lacs, mais fort communs en certains points du Sénégal et du Chari, où elles constituent des bancs épais, largement exploités par les indigènes pour la fabrication de la chaux. § 2 Un examen comparatif détaillé, que je résumerai dans le tableau suivant, permettra de saisir les analogies qui existent entre les faunes fluviatiles des bassins du Haut-Ml, du Chari et du Congo. (1) Surtout dans le lac Tanganika et le lac Tchad. LOUIS GERMAIN il o BASSIN DU CHARI Limnea undussumœ Mart. — humer osa Mart. Physa ForsJcahli Ehr. — Dunkeri Germ. Planorbis sudanicus Mart. — adowensis Bourgt. — Bridouxi Bourgt. Vivipara unicolor Oliv. Cleopatra bulimoîdes Oliv. cyclostomoîdes K üster . — Mweruensis Smith. Bythinia Neumanni Martens. Ampullaria speciosa Phil. — Chevalieri Germ. — Wernei Phil. — ovata Oliv. — gradata Smith. — Rucheti Billotte. — chariensis Germ. Lanistes procerus Mart. — ovum Peters. — ellipticus Mart. — gribinguiensis Germ. Melania tuberculata Mûll. Unio œquatoria Morelet. — Chivoti Germain. — bangoranensis Germain. — Lacoîni Germain. — - œgyptiaca de Féruss. Ætheria elliptica de Lam. Spatha rubens Caill. — rub. var. rotundata Mart. — rub. var. Cailliaudi Mart. — Chaiziana Rang. — cryptoradiata Putzeys. — Bourguignati Ancey. — divaricata Martens. Mutela angustata Sow. — Chevalieri Germ. Mutelina rostrata Rang. — eomplanata Jouss. — Joubini Germain. Eupera parasitica Parr. BASSIN DU CONGO Limnea undussumœ Mart — humerosa Mart. — af ricana Rupp. Physa Forskahli Ehr. — Dunkeri Germ. Planorbis sudanicus Mart. Vivipara unicolor Oliv. Cleopatra Mweruensis Smith. — Broecki Putzeys. Bythinia Neumanni Martens. Ampullaria speciosa Phil. — Wernei Phil. — leopoldvillensis Putzeys. — ovata Oliv. Lanistes procerus Mart. — ovum Peters. — ellipticus Mart. Melania tuberculata Mûll. Unio œquatoria Morelet. — œgyptiaca de Féruss. Ætheria elliptica de Lam. Spatha rubens Caill. — rub. var. rotundata Mart. — cryptoradiata Putzeys. — Bourguignati Ancey. — divaricata Mart. Mutela angustata Sow. Mutelina rostrata Rang. Chelidonopsis arietina Roch. Eupera parasitica Parr. BASSIN DU HAUT-NIL Limnea africana Ruppell . Physa Forskahli Ehr. — Dunkeri Germ. Planorbis sudanicus Mart. — adowensis Bourgt. — Bridouxi Bourgt. Vivipara unicolor Oliv. Cleopatra bulimoîdes Oliv. — cyclostomoîdes K üster Ampullaria speciosa Ph. Kordofana Parr. lucida Parr. ovata Oliv. Lanistes Boltenianus Chemnitz. Melania tuberculata Mûll. Unio œgyptiaca de Féruss. Ætheria elliptica de Lam. Spatha rubens Caill. — rub. var. Cailliaudi M. — Bourguignati Ancey. Mutela nilotica. — angustata Sow. Eupera parasitica Parr. LA MALACOGRAPHIÉ DE L’AFRIQUE ÉQUATORIALE II 1 On voit, par le simple examen de ce tableau, que les analogies ne s'arrêtent pas aux genres, mais se poursuivent jusqu'aux espèces. Les Mollusques qui, jusqu'ici, paraissent spéciaux à l'une des trois régions doivent être, en général, considérés comme les espèces représentatives des formes correspondantes du bassin du Ml. Enfin, un certain nombre d'espèces du bassin du Chari se retrouvent, soit au Gabon, soit surtout au Sénégal. Telles sont : Physa (Pyrgophysa) Dunkeri Germain ( =Physa scalaris Dunker). Vivipara unicolor Oliv. ; Melania tuberculata Mull. ; Ætlneria elliptica de Lamarck ; Spatlia rubens Cailliaud, et ses nombreuses variétés, S p. Chaiziana Rang, Sp. Tawai Rang, Sp. Pfeifferi Bernardi ; Mutelina rostrata Rang, Mutelina complanata Jous- seaume, etc. § 3 La faune fluviatile des grands lacs (ISTyassa, Tanganika, Vic- toria-Ryanza, Albert-îsTyanza, Rodolphe, Tchad) présente la même homogénéité. Il faut pourtant faire une exception pour le Tanganika, dont une partie de la population malacologique est spéciale. Les premiers auteurs qui se sont occupés de la ques- tion (1) ont en effet remarqué, à côté de Mollusques fluviatiles normaux par leurs caractères, toute une série d'espèces présen- tant un aspect marin parfois remarquablement accentué. Ces espèces, dites thalassoïdes par Bourguignat (1885a, p. 9), ont été réunies par Moore (1898a, p, 166), sous le nom d' « halo- limnic group ». On possède maintenant des données assez éten- dues sur leur anatomie et leurs affinités. Aussi leur classification peut-elle être résumée de la manière suivante : Le genre Spekia B our guignât,, appartient à la famille des Naticidœ ; Le genre Tanganikia Crosse, à celle des Planaxidœ ; (1) Woodward (1859, p. 349) avait déjà remarqué l’aspect marin des Paramelania nassa et Spekia zonata. 418 LOUIS GERMAIN Les genres Paramelania Smith, Lavigeria B our guignât ( —Nas- sopsis Smith) et Bythoceras Moore, rentrent dans la famille des Purpurinidœ ; Le genre Chytra Moore est le seul représentant d'eau douce, actuellement connu, de la famille des Xenophoridœ ; Enfin les genres TipJiobia Smith ( = Hylacantha Ancey), Batlaa- nalia Moore et Limnotrochus Smith, constituant la nouvelle famille des TiphoMidœ de Moore (1898, p. 307). C'est cette classification (1) que j'ai suivie dans mon étude sur les Mollusques du lac Tanganika recueillis par le regretté voyageur français Ed. Foa (Germain, 1907). Le faciès marin des Mollusques, ou mieux des Prosobranches fluviatiles, du lac Tanganika, fit naître, surtout en Angleterre et en Allemagne, des hypothèses assez nombreuses. On pouvait tout d'abord considérer le groupe halolim nique comme prove- nant d'une modification, due au milieu de la faune lacustre ordi- naire. Il était également possible de voir, dans les Mollusques thalassoïdes, les représentants d'une ancienne faune lacustre en voie de disparition. Cette opinion, soutenue par Taush (1884) en Europe et par White (1882) en Amérique, repose principa- lement sur la ressemblance des Paramelania du Tanganika et des Pyrgulifera des couches lacustres du supra crétacé. Elle ne saurait soutenir l'examen puisqu'il existe, sur les bords des lacs NTyassa et Tanganika, d'anciens dépôts lacustres fossilifères dans lesquels on trouve abondamment les espèces fluviatiles actuelles à l'exclusion de toute forme du groupe halolim nique (Moore, 1898a, p. 174). On a enfin supposé que le lac Tanganika, autrefois réuni à l'Océan Indien, s'en était séparé à une époque relativement récente. Il se peupla peu à peu d'animaux d'eau douce, à mesure que la salure de ses eaux diminuait, mais garda une partie de (1) Je n’ai pas tenu compte ici des genres Symolopsis Smith et Giraudia Bourgnignat pour lesquels Boukguignat (1890, p. 139 et p. 147) a créé les familles des Syrnolopsidœ et des Giraudidœ. On ne saurait rien préjuger de la position systématique de ces genres puisqu’on ne possède aucune notion sur leur anatomie. LA MALACOGRAPHIE DE L’AFRIQUE ÉQUATORIALE 119 son ancienne faune marine aujourd’hui représentée par le groupe lialolimnique. Cette théorie fut surtout soutenue par Moore (1899). Cet auteur, se fondant à la fois sur les documents géo- logiques qu’il recueillit au cours de son expédition de 1899 et sur l’analogie des Prosobranches du Tanganika avec certains fossiles marins, fit remonter l’origine de la faune lialolimnique à la période jurassique. Cette hypothèse prend une nouvelle force par suite de la coexistence, avec les Gastéropodes thalas- soïdes, d’une Méduse d’eau douce (Limnocnida tanganicœ Bôlim. et d’un Bryozoaire gymnolème auquel Moore (1903, p. 295) a donné le nom de Arachnoidia Rey Lankesteri pour rappeler ses affinités avec le genre marin Arachnidium. Il est, en effet, impos- sible de faire dériver de tels animaux d’une faune purement lacustre. Mais, contrairement à l’opinion de Moore, le Tanganika n’est pas le seul lac qui ait donné lieu à des découvertes de ce genre. Ch. Gravier (1903, p. 347) a fait connaître l’existence du Limnocnida tanganicœ dans le lac Victoria-hTyanza, où il a été recueilli, sur la côte orientale, par le voyageur français Alluaud. J. Kennel (1890, p. 282) a décrit une autre Méduse d’eau douce, YHalmonises lacustris, qui habite les rivières de la Trinité. Le lac Baïkal est habité par quelques animaux marins. On observe enfin, chez certains Polychètes, une adaptation complète à la vie fluviatile. C’est ainsi que A. Giard (1893, p. 473) a décrit un Sabellide (Gaohangia Billeti) vivant sur la coquille d’une Mélanie commune dans les rivières du Tonkin. Tels sont encore les Polychètes d’eau douce découverts à la Guyane française par Geay et si bien étudiés par Ch. Gravier (1901, 1905). Si la Méduse des grands lacs et le Bryozoaire du Tanganika sont incontestablement des animaux d’origine marine, les Mol- lusques semblent, à ce point de vue, bien différents. Moore (1898, p. 306-307) rapproche, de la manière suivante, les Pro- sobranches du Tanganika d’un certain nombre de fossiles du Jurassique marin : AftCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. 4 e SERIE. T. VI. (iv). 9 m LOUIS GERMAIN LAO TANGANIKA JURASSIQUE MARIN Paramelania Damoni Purpurina bellona Nassopsis nassa (1) Purpurina inflata Bathanalia Howesi Amberleya sp Limnotrochus Tliomsoni Littorina sulcata Chytra Kirki Onustus sp Spekia zonata Neridomus sp Melania admirabilis Cerithium subscalariforme Tiphobia sp 1 Purpuroidea sp Remarquons tout d'abord, avec Smith (1904, p. 79), que ces analogies sont beaucoup plus apparentes que réelles. Ces coquilles ont bien, si l'on veut, un « air de famille », mais elles diffèrent toutes par des caractères faciles à apprécier. C'est ainsi, par exemple, que le Bathanalia Howesi est ombiliqué, tandis que les Amberleya sont imperforés ; que les Cliytra et les Onustus diffèrent non seulement par leur sculpture, mais encore par les caractères de leur opercule, etc. Il est donc fort exagéré de dire, avec Moore (1903, p. 349), que les Prosobranches thalassoïdes du Tanganika sont « pratically indistinguishable » des fossiles jurassiques correspondants. On connaît d'autre part, en dehors du Tanganika, de très nombreux Mollusques à faciès marin. Tous les Mélaniens sont très voisins des Cérithidées non seulement par leur coquille, mais encore, ainsi que l'a montré Bouvier (1887, p. 362, p. 386, p. 487, etc.) par leur organisation. Le Tiphobia Horei Smith du lac Tanganika n'a pas un aspect marin plus accentué que le Pleurocera ( lo ) spinosa Lea de l'Amérique du Nord. Les Lacu- nopsis du Cambodge ont un faciès qui se rapproche beaucoup de celui des Bpekia. La famille des Littorinidées elle-même ren- ferme actuellement deux représentants d'eau douce : les Cremno- conchus Blanford ( =Oremnobates Blanford) qui vivent sur les rochers mouillés par les eaux douces de la chaîne des Gathes (Inde) et les Pseudogibbula décrits par Dautzenberg (1890, (1) Cette coquille n’est pas le Paramelania nassa de Woodward (1859, p. 349, pl. XL VIT flg. 4) (Melcmia nassa ) mais bien le Lavigeria coronata de Bourguignat (1890, p. 180, pl. XIIIj üg. 13-14). LA MALACOGRAPHÏË l)E L'AFRIQUE EQUATORIALE 121 p. 570, pi. I, fig. 2-6). Ces derniers Mollusques qui, par leur forme générale, ressemblent d'une manière surprenante au Gibbula tumida Montagu des mers d'Europe, vivent en grand nombre sur les rochers de gneiss amphibolique qui encombrent le cours du Congo aux environs de Vivi. Comme Moore le fait lui-même remarquer, si une espèce unique de Mollusque du Tanganika présentait des caractères thalassoïques, le fait n'aurait que la valeur d'une coïncidence curieuse. Ce qui est réellement intéressant, c'est la réunion, en un seul point, d'un aussi grand nombre de Gastéropodes à faciès marin. Cependant, ce cas lui-même n'est pas aussi isolé qu'on a bien voulu le croire. Certaines contrées de l'Amérique du Nord, où les Pleurocera sont si nombreux qu'ils recouvrent presque complètement le lit des rivières, présentent également ce caractère. Le lac Nyassa nourrit toute une faune mélanienne dont l'aspect thalassoïque a été mis en relief par Bourguignat (1889a). Une grande partie du sud de l'Asie orientale (Inde, mais surtout Annam et Cochinchine), possède, avec ses Lacu- nopsis, ses Jullienia, ses Pachydrobia et ses Paludines ornées toute une faune malacologique dont le faciès marin est indé- niable. Mais tous ces faits s'expliquent d'eux-mêmes lorsqu'on examine avec attention les milieux où vivent ces Mollusques spéciaux. Il ne saurait en être autrement en Afrique. Le Tan- ganika est un des plus grands lacs de la terre, en tout compa- rable à la mer : ses rivages présentent de hautes falaises alter- nant avec des plages plus ou moins étendues ; ses eaux, fort agitées, rendent la navigation parfois dangereuse surtout à l'époque où « les brises du sud, qui soufflent pendant six mois de l'année, prennent le lac d'enfilade et y soulèvent des lames que je comparerai volontiers à celles de l'Océan ». (Giraud, 1885, p. 27.) Il est, dès lors, tout naturel que les Mollusques se soient adaptés et que, par un phénomène de convergence remar- quable, ils aient pris les caractères des Mollusques marins qui vivent dans un milieu analogue. J'ajouterai, pour rendre l'ana- logie plus frappante, que tous les Gastéropodes du groupe halo- LOUIS GERMAIN 122 limnique vivent à une profondeur considérable, certains même, comme les Tiphobia et les Bathanalia ne se rencontrent qu'entre 250 et 400 mètres (1), et qu'ils sont surtout localisés, d'après le témoignage des voyageurs (Pelseneer, 1886, p. 115) dans les endroits où les eaux sont le plus agitées. En ce qui concerne les Mollusques, je crois donc qu'il faut abandonner la théorie de Moore. Bien entendu, comme tous les animaux, les Prosobr anches thalassoïdes du Tanganika déri- vent de faunes primitives marines, mais seulement au même titre que les autres Gastéropodes fluviatiles, c'est-à-dire que leurs ancêtres se sont détachés d'une souche marine bien avant la formation des espèces vivant maintenant dans le lac; Quant à leur aspect marin actuel, il provient uniquement d'une adap- tation que les conditions de milieu expliquent suffisamment. § 4 Les Mollusques des grands lacs africains ne diffèrent pas sen- siblement de ceux qui habitent soit le Congo, le Chari et le Haut- Nil, soit les tributaires de ces fleuves. On ne peut que signaler quelques particularités intéressantes. Certains groupes d ’Unionidœ, surtout répandus dans les lacs Victoria-Nyanza et Tanganika, présentent un faciès particu- lier dû à la sculpture très développée de leur test. C'est pour l'un de ces groupes que Bottrguignat (1885, p. 1) a créé le genre Grandidieria que l'on ne saurait considérer comme distinct du genre TJnio. Plus abondants dans le Tanganika que partout ailleurs, ces Grandidieries se retrouvent aussi bien dans le Tchad (2) que dans le Rodolphe (3). (1) Je donne ces indications d’après Moore (1898 a, p. 170). Il est également intéressant de remarquer que, parmi les Mollusques non thalassoïdes, ce sont les Mélamens qui vivent aux plus grandes profondeurs. On les rencontre jusqu’à 100 mètres, toujours d’après Moore (1898 a, p. 170, graphique). (2) Martens (1903, p. 5) a décrit VUnio ( Grandidieria ) tsadianus qui est la seule espèce de ce groupe actuellement connue dans le lac Tchad. (3) Neuville (H.) et Anthony (R.) (1906, p. 408), ont signalé deux espèces de ce groupe dans le. lac Rodolphe, les : TJnio ( Grandidieria ) Hothschildi Neuv. et Anth. et U. {Grand.) Chef, neuxi Neuv. et Anth. LA MALACOGRAPHIE DE L’AFRIQUE ÉQUATORIALE 123 Le Victoria -Nyanza est remarquable, en dehors de sa faune mélanienne, par la petite taille des Mollusques qui y vivent. Presque toutes les espèces y constituent des variétés minor et les Acéphales eux-mêmes n’y atteignent que de faibles dimen- sions. Ce fait tient uniquement à la grande crudité des eaux du lac, presque dépourvues de calcaire. Le lac Tchad est habité par des colonies extrêmement popu- leuses de Physes, de Planorbes de Planorbules et de Vivipares. Les Acéphales y atteignent parfois de très grandes dimensions et si les Unionidœ sont peu nombreux, si les Spatha semblent absents, on y trouve, comme dans le lac Tanganika, des Pliodons appartenant au sous-genre G amer onia. (Pliodon (G amer onia) Hardeleti Germain ; PI. (Gam.) tchadiensis Germain). Bien qu’on ne connaisse encore que très peu d’exemplaires de ces derniers Lamellibranches, ils doivent être communs dans le Tchad, puisque les indigènes les ont baptisés du nom de Cofoui (Destenave, 1903, p. 726). Les tableaux ci-après résument, en les précisant, les analo- gies et les différences qui existent entre les faunes des six prin- cipaux lacs. En outre, par comparaison avec ceux donnés pré- cédemment, ils montrent que toute l’Afrique équatoriale appar- tient, en ce qui concerne la population fluviatile, à la même province malacologique. 124 LOUIS GERMAIN LAC NYASSA (1) 1 2 3 LAC TANGANIEA (2) Limnea natalensis Krauss. — af ricana lluppell. — Alexandrina Bourgt. — Debaizei Bourgt. — Jouberti Bourgt. — Laurenti Bourgt. Planorbis sudanicus Martens. — adowensis Bourgt. — Bridouxi Bourgt. — Foai Germain. — choanomphalus Mart. Planorbula tanganiJcana Bourgt. Segmentina Chevalieri Germain. Pliysa Coulboisi Bourgt. — Randabeli Bourgt. LAC ALBERT-NYANZA (3) Planorbis adowensis Bourgt. — apertus Martens. Limnea natalensis Krauss. Planorbis sp. indet. Physa nyassana Smith. — succinoides Smith. Physopsis af ricana Krauss. Ancylus sp. ind. Vivipara unicolor Olivier. — capillata Frauenfeld. — Robertsoni Frauenfeld. Bythinia Stanleyi Smith. — Nyassana Bourgt. — humer osa Mart. Ampullaria gradata Smith. Lanistes purpureus Jonas. — affînis Smith. — solidus Smith. — nyassanus Dohrn. — ovum Peters. Physopsis tanganiJcana Mart. Vivipara unicolor Olivier. — costulata Mart. — Foai Germain. — Bridouxi Bourgt. — Brincatiana Bourgt. Bythinia multisulcata Bourgt. Cleopatra Guillemeti Bourgt. — trisulcata Germain. Ampullaria gradata Smith. — ovata Oliv. — Bridouxi Bourgt. Lanistes sinistrorsus Lea. — ellipticus Pfeilf. — Jouberti Bourgt. Vivipara rubicunda Martens. Bythinia Alberti Smith. — Walleri Smith. Cleopatra Pirothi Jickeli. Ampullaria Stuhlmanni Mart. (1) Smith (E.-A.) (1877) ; — Bourguignat (J. -B,.) (1889 a). (2) Smith (E.-A.) (1880, 1881 et 1904) ; — Bourguignat (J'.-Tt.) [ 1885 a, 1885 b. 1888 et 1890 ; — Moore (J.-E.-S.) (1903) ; — Germain (Louis) |1907 «-|. On trouvera, dans ce dernier mémoire, une bibliographie complète du sujet. (3) Smith (E.-A.) (1888). LA MALACOGRAPHIE DE L’AFRIQUE ÉQUATORIALE 125 LAC VICTORIA-NYANZA (1) ^ LAC RODOLPHE (2) j LAC TCHAD (3) Limnea nyanzœ Martens. Limnea a f ricana Ruppell. — exserta Martens. — tchadiensis Germain. — Debaizei Bourgt. — Chudeaui Germain. Planorbis sudanicus Martens. Planorbis abyssiniens Jickeli. Planorbis sudanicus Martens. — choanomphalus Mart. — tetragonostoma Germ. — victoriœ Smith. — adowensis Bourgt. — Bridouxi Bourgt. — Chudeaui Germain. Planorbula tchadiensis Germ. Segmentinc, Chevalieri Germain. Physa trigona Mart. Physa tchadiensis Germain. Physa trigona Mart. — strigosa Mart. — truncata de Fèruss. — transversalis Mart. — strigosa Mart. — Forskahli Ehrenb. — tchadiensis Germain. — Rohlfsi Clessin. — Randabeli Bourgt. — Physa Joubini Germain» — Dautzenbergi Germain. Physopsis af ricana Krauss. Physopsis Martensi Germain. — ovoidea Bourg. Ancylus stuhlmanni Martens. Vivipara unicolor Olivier. Vivipara unicolor Olivier. — abyssinica Martens. et var. Lenfanti G. — rubicunda Martens. — gracilior Martens. — meta. Martens. — ccpoîdes Smith. — constricta Martens. — phthinotropis Martens. — trochlearis Martens. — pagodella Martens. Bythinia humer osa Martens. Bythinia Nenmanni Martens. Bythinia Neumanni Martens. — neothaumœformis G. Cleopatra Guillemets Bourgt. Cleopatra bulimoides Olivier. Cleopatra cyclostomoîdes Kftster. et var. tchadiensis Germain. Ampullaria gradata Smith. Ampullaria Bridouxi Bourgt. Ampullaria gradata Smith. — ovata Olivier. — Rucheti Billotte. — nyanzœ Smith. — Chariensis Germ. — Gordoni Smith. — speciosa Philippi. — Emini Martens. * Lanistes Schweinfurthi Ancey. Lanistes Vignoni Bourgt. (1) Dohrn (H.) (1864) ; — Martens (E. von) 1879. 1892 et 1898 1 ; — Bourguignat (J.-li.) (1883 , ; — Smith (E.-A.) [1892] ; — Germain (Louis) [1906]. (2) Anthony et Neuville (1906) ; — Neuville et Anthony (1906). (3) Germain (Louis) [1905, 1905 a, 1905 b, 1906 et 1907] ; — Martens (E. von) (1903) 126 LOUIS GERMAIN LAC NYASSA (1) Melania Simonsi Smith. — nodicincta Dohrn. — pergracilis Mart. — polymorpha Smith. — turritispira Smith (4), etc. — tuberculata Midi. Unio nyassanus Lea. — Liederi Martens — Lechaptoisi Ancey. — Kirki Lea. — aferulus Lea. — hypsiprymnus Martens. — Borelli Ancey. Mutela alata Bourgt. Spatha nyassaensis Lea. — Kirki Ancey. C'orbicula radiata Parr. — astartina Martens. lac tanganikà (2) Melania tanganicana Smith. — admit abüis Smith. — tuberculata Müll. Ætheria elliptica de Lamarok. Unio calatkus Bourgt. — Charbonnieri Bourgt. — Dromauxi Bourgt. — Bohmi Martens, etc. . . Unio (Grandid.) Burtoni Wood. — — Thomsoni Smith. — — tanganicensis Smith. — — rostralis Martens. Mutela Jouberti Bourgt. — Vysseri Bourgt. — soleniformis Bourgt. Pseudopatha tanganikanatimith. — Livingstonia Smith. Brazzœa Anceyi Bourgt. Moncetia Anceyi Bourgt Pliodon ( Cameronia ) Woodward (5). Pliodon (Cameronia) Bourgt. Pliodon ( Cameronia) Bourgt. C'orbicula radiata Part. — Foai Mabille. LAC ALKERT-NYANZA (3) Melania liricincta Smith. — tuberculata Muller. Unio acuminatus H. Adams — Bakeri H. Adams Mutela nilotica rie Féruss. Hphmium sp. Corbicula radiata Parr. Spekei Giraudi Vynckei (1, 2, 3). Pour les notes, voir pages précédentes. (4) Je passe ici sous silence la longue suite des Mélanidées du lac Nyassa, qui, d’ailleurs sont des espèces spéciales à ce lac. (5) Je n’admets, comme j’espère le montrer bientôt, qu’une seule espèce de Brazzaea et una seule espèce de Moncetia. Quant aux Cameronia, leur nombre, comme celui des Grandidieria, doit être considérablement réduit, ainsi que je le montre dans mon mémoire, déjà cité, sur les Mollusques recueillis par M. Foa. LA MALACOGRAPHIE DE L’AFRIQUE ÉQUATORIALE 127 LAC VIOTOIUA-NYANZA (1) Melania tubercnlata Muller. Ætheria elliptica Lamarck. Unio acuminatus Adams. — Hauttecœuri Bourgt. — Lourdeli Bourgt. — multicolor Martens. — Ruellani Bourgt. — Monceti Bourgt. Mutela subdiaphana Bourgt. — Bourguignati Ancey. Spatha trapezia Martens. Bourguignon Ancey. Sphœrium Stuhlmanni Martens. — nyanzœa Smith. Eupera parasitica Parreyss. Corbicula radiata Parreyss. LAC RODOLPHE (2) Melania tubercnlata Millier. Ætheria elliptica Lamarck. Unio ( Grandidieria ) Rothschildi Neuv. et Anthony. Unio ( Grandidieria ) Chefneuxi Neuv. et Anthony. Corbicula fluminalis Mûller. — pusilla Phil. LAC TCHAD (3) Melania tuberculata Millier. Unio Lacoini Germain. — mulelœformis Germain. Unio ( Grandidieria ) tchadiensis Martens. Mutela angustata Sowerby. et var. ponderosa Germain. Mutelina rostrata Rang. Spatha Bourguignon Ancey. Pliodon (Cameronia) tchadiensis Germain. Pliodon ( Cameronia ) Hardeleti Germain, et var. Molli Germ. Eupera parasitica Parreyss. Corbicula Lacoini Germain. — tchadiensis Martens. (1, 2. 3). Pour les notes, voir pages précédentes 128 LOUIS GERMAIN § 5 Il en est de même en ce qui concerne la faune terrestre. Mais ici, nous ne pouvons établir de comparaisons précises que pour les Achatinidæ. Les représentants de cette famille sont, en effet, les seuls qui aient été recueillis en nombre à la fois dans le bassin du Chari (MM. Chevalier, Decorse, Courtet et Martret) et dans la région du Tchad (MM. Duperthuis, Lacoin) (1). BASSIN DU CHARI RÉGION DU TCHAD RÉGION DES GRANDS LACS ET AFRIQUE ORIENTALE Limicolaria rectistrigata Smith. Limicolaria rectistrigata Smith. Limicolaria rectistrigata Smith. — connect ens Martens. — connectens Martens . — Charbonnieri Bgt. — Charbonnieri Bgt. — turris Pf. — turris Pf. — turris var. Duperthuisi Germ. — turris Pf. — tuniformis Mart. — tuniformis Mart. — tuniformis var. obesa Germain. — tuniformis Mart. Acliatina marginata Sw. Achatina marginata Sw. Achatina Weynsi Dautz. var. Duperthuisi Germain. — Schweinfurthi Martens — Schweinfurthi Martens var. Foureaui Germain. — Schweinfurthi Martens Burtoa nilotica Pfeiff. Burtoa nilotica Pfeiff. (1) J’ai introduit dans les précédents tableaux, les espèces récemment rapportées par M. B. Chudeau, de son voyage au lac Tchad. Cet explorateur est, jusqu’ici, le seul qui ait recueilli des Succinées dans ces régions. Comme toutes ces espèces sont encore inédites, j’en donne ici une très courte description : Succinea tchadiensis Germain, nov. sp. — Coquille ovalaire allongée ; spire composée de 3 tours, les deux premiers très petits, le troisième formant presque toute la coquille ; sutures bien marquées ; ouverture très grande, égalant les 5/ 6e de la hauteur totale. Test fragile, sub- pellucide. Haut. : 11 mill. ; diam. : 4 3y4 mill. ; haut. ouv. : 8 mill. ; diam. : 4 mill. Bords du lac Tchad, à N’Guigmi. Succinea Chudeaui Germain, nov. sp. — Spire tordue, composée de 3 % tours très convexes séparés par des sutures profondes ; dernier tour un peu globuleux ; ouverture ovale atteignant les 2/ 3 de la hauteur totale. Test mince, fragile, finement strié. Haut. : 8 y2 mill. ; larg. : 4 y2 mill.; haut. ouv. ; 5 y2 mill.; larg. ; 3 y2 mill. ; Bords du lac Tchad, à N’Guigmi. Limnœa Chudeaui Germain, nov. sp. — Coquille allongée ; spire composée de 4 tours à crois- sance très rapide séparés par des sutures bien marquées ; dernier tour énorme, ovalaire allongé, très peu ventru ; ouverture égale aux 3/4 de la hauteur, avec un bord externe suberctiligne . Test assez épais, irrégulièrement strié. Haut. : 12 mill. ; larg. : 6 y2 mill. ; haut. ouv. : 8 y2 mill. ; diam. : 4 mill. Bords du lac Tchad, à Kouloua. Physa ( Isodora ) Joubini Germain, nov. sp. — Coquille senestre, très ventrue ; sommet com- primé ; spire composée de 4-4 y2 tours, les premiers très petits et assez étagés ; sutures pro- fondes ; dernier tour très grand, très développé en largeur ; ouverture subarrondie. Test un peu solide, irrégulièrement strié. Haut. : 14 mill. ; larg. : 13 mill. ; haut. ouv. : 9 mill. ; larg. : 7 mill. Bords du lac Tchad, à Kouloua. Planorbis Chudeaui Germain, nov. sp. — Coquille très comprimée, presque plane en dessus. LA MALACOGRAPHIE DE L’AFRIQUE ÉQUATORIALE 129 y Les développements précédents me permettront de conclure brièvement en disant que toute la partie de l'Afrique située entre le Sahara d'une part et le bassin du Zambèze d'autre part, appartient à la même province malacologique. Au point de vue de la faune terrestre, on peut bien noter quelques genres spéciaux à des régions déterminées ; mais le fait n'a rien d'extraordinaire, les Mollusques terrestres étant, beaucoup plus que ceux qui habitent la mer ou les eaux douces, soumis à des influences variant avec la nature du sol, la végétation, le climat, etc. Malgré ces différences, inhérentes à une aussi vaste contrée que celle envisagée dans cette étude, on ne saurait nier que les grandes lignes de la faune terrestre ne soient partout identiques. Quant à la faune fluviatile, elle présente une homogénéité plus grande encore : partout, aussi bien dans le Tchad, les grands lacs, le Congo ou le Chari vivent les mêmes espèces, en plus ou moins grande abondance suivant les localités. Le Ml lui-même n'a pas de faune spéciale : il est habité par les Mollusques du centre africain qui remontent jusqu'à son embouchure. L'Egypte présente ainsi ce remarquable caractère, de posséder une faune malacologique fluviatile purement africaine et une faune terrestre appartenant au système européen (1). Ce fait, tout d'abord mis en lumière par Bourguignat (1864, II, p. 304 ; 1866), a été étudié par Jickeli (1875, p. 334-353) dans un intéressant mémoire, aujourd'hui trop oublié. subconcave en dessous ; spire composée de 4 tours à croissance lente et régulière ; sutures assez profondes ; ouverture oblique, ovalaire arrondie, garnie d’un fort bourrelet blanc ; test peu épais, finement strié. Diam. max. : 4 y2 mill ; épaiss. : 1 mill. Bords du lac Tchad, à X’Guigmi. (1) Je n’insiste pas ici sur la faune malacologique du Xord de l’Afrique (Maroc, Algérie, Tunisie, Tripolitaine, Egypte). On sait parfaitement aujourd’hui que ces contrées ne sont peuplées que d’espèces européennes. C’est en Abyssinie que se fait la transition, par le mélange d’espèces européennes et d’espèces africaines. On peut donc, au point de vue malacologique, diviser l’Afrique en trois provinces distinctes : a) La faune du Xord [Maroc, Algérie, Tunisie, Tripolitaine, Egypte (Mollusques terrestres seulement) | qui se rattache au système européen ; [3) La faune équatoriale étudiée dans ce mémoire ; y) Enfin la faune de l’Afrique australe s’étendant depüis le Zambèze, et suffisamment dis- tincte des précédentes. 130 LOUIS GERMAIN Cette homogénéité de la faune fluviatile n'est pas spéciale aux Mollusques. Les Poissons présentent, à ce point de vue, le même intérêt. Les travaux de M. Pellegrin (1904, p. 221 ; 1907), sur les Poissons du Tchad et du Chari, ceux de M. Bou- lenger (1898, 1898a, 1899) sur les Poissons des grands lacs, ont montré l'analogie des faunes ichthyologiques des différents bassins fluviaux de l'Afrique équatoriale, où abondent surtout les représentants de la famille des Cichlidœ. De telles conclusions montrent le danger de créer des espèces purement géographiques qui, le plus souvent, finissent par tomber en synonymie, encombrant ainsi inutilement la litté- rature. Le nombre des espèces à grande distribution géogra- phique est, en effet, de plus en plus grand à mesure que se mul- tiplient les expéditions zoologiques. M. Ed. Lamy (1904, p. 209), a montré qu'il en est ainsi pour beaucoup d'espèces du genre Area. M. Ch. Gravier (1906, p. 295) a, d'autre part, signalé l'énorme extension géographique d'animaux généralement aussi sédentaires que les Annélides Polychètes dont certaines espèces, comme YOwenia fusiformis Belle Chia je, se retrouvent à la fois dans le nord de l'Europe, sur les côtes de France et sur celles de Madagascar, du Chili, des Philippines et du Japon. En pré- sence de tels faits, il convient d'étudier avec circonspection la distribution des espèces connues avant de se hasarder à en décrire de nouvelles. INDEX BIBLIOGRAPHIQUE 1906. Anthony (R.) et Neuville (H.). Aperçu sur la faune malaco- logique des lacs Rodolphe, Stéphanie et Marguerite. ( Comptes Rendus Paris, 2 juillet.) 1898. Boulengek, (G. A.). Report on the collection of fishes made by Mr. J. E. S. Moore in lake Tanganyika during his expé- dition of 1895 and 1896. ( Transaet . zoolog . society, XV.) 1898a. Boulenger (G. A.). A révision of the African and Syrian Fishes of the Family Cichlidœ ( Proceed . zoolog. soc. 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(iv). 10 XXXVIe Année N° 5 Mai 1907 ARCHIVES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE HISTOIRE NATURELLE — MORPHOLOGIE — HISTOLOGIE ÉVOLUTION DES ANIMAUX FONDÉES PAR HENRI de LACAZE - DUTHIERS PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION DE G. PRUVOT ^ e.-G. RACOVITZA CHARGÉ DE COURS A LA SORBONNE DOCTEUR ÈS-SCIENCES DIRECTEUR DU LABORATOIRE ARAGO SOUS-DIRECTEUR DU LABORATOIRE ARAGO QUATRIÈME SÉRIE Tome VI 4 Numéro 5 F. HOUSSAY. — Variations expérimentales. Études sur six générations de Poules carnivores PARIS LIBRAIRIE C. REINWALD SCHLEICHER FRÈRES, ÉDITEURS 61, RUE DES SAINTS-PÈRES, 61 Prix ; 12 francs Paru le 2 Mai 1907 Les mémoires publiés dans les Archives paraissent isolément ; le volume sera donc composé d’un nombre variable de fascicules. ARCHIVES de ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE Les Archives de Zoologie expérimentale et générale, fondées en 1872 par Henri de Lacaze-Duthiers, comptent actuellement 37 volumes publiés qui sont en vente au prix de 50 francs le volume cartonné. Le prix de l’abonnement pour un volume est de : 40 francs pour Paris — 42 francs pour les départements et l’étranger. Cliaque volume comprend au moins 40 feuilles de texte illustrées dé nom- breuses figures et accompagnées de planches hors texte en noir et en couleurs. 11 se compose d’un nombre variable de fascicules, plus une dizaine de feuilles de Notes et Revue. Les Archives de Zoologie expérimentale et générale forment, en réalité, deux recueils distincts dont les buts, sont différents ; I. — Les Archives proprement diteê sont destinées à la publication des mémoires définitifs étendus et pourvus le plus souvent de planches hors texte. Les volumes paraissent- par fascicules, chaque fascicule ne comprenant le plus souvent qu’un seul mémoire. II. — Les Notes et Revue publient de courts travaux zoologiques, des com- munications préliminaires et des mises au point de questions d’histoire natu- relle ou de sciences connexes pouvant intéresser les zoologistes. Cette partie de la publication ne comporte pas de planches mais toutes les sortes de figures pouvant être imprimées dans le texte. Elle paraît par feuilles isolées, sans périodicité fixe, ce qui permet l’inipression immédiate des travaux qui lui sont destinés. L’apparition rapide, l’admission des figures et le fait que les notes peuvent avoir une longueur quelconque, font que cette partie des Archives comble une lacune certaine parmi les publications consacrées à la Zoologie. Les auteurs reçoivent gratuitement 50 tirages à part de leurs travaux (brochés Sous couverture spéciale avec titre, s’il s’agit de mémoires parus dans les Archives proprement dites). Ils peuvent, en outre, s’en procurer un nombre plus considérable à leur frais, d’après le tarif suivant : 1/4 de feuille 1/2 feuille l feuille Les 50 exemplaires 5 fr. 1 fr. 50 10 fr. Couverture avec titre, en sus 5 fr. 5 fr. 5 fr. A ce prix il faut ajouter le prix des planches, quand il y a lieu. Ce prix varie trop pour qu’on puisse fixer un tarif d’avance. A titre d’indication, on peut prendre les chiffres approximatifs suivants comme moyenne pour 50 exem- plaires d’une planche simple Planche en photocoljographie ou lithographie, tirage en une seule teinte. 10 fr. Planche gravée sur cuivre ou lithographie en plusieurs teintes. 20 fr. Les travaux destinés à servir de thèses de doctorat sont reçus aux mêmes conditions que les travaux ordinaires. Les- auteurs s’engagent a ne pas -mettre leurs tirés à part dans le commerce. Les articles publiés dans les Notes. et Revue peuvent être rédigés en français, en allemand, en anglais ou en italien ; ils sont rémunérés à raison de 10 centimes la ligne. Pour faciliter l’impression correcte des notes en langues étrangères, il est Recommandé d’envoyer ci la place du manuscrit une copie à la machine à écrire. Les travaux destinés aux Archives de Zoologie expérimentale et aux Notes et Revue doivent être envoyés à l’un des Directeurs : M. G. Pruvot, Laboratoire d’anatomie comparée, Sorbonne, Paris-ve M. E. G. Racovitza, 2, boulevard Saint-André, Paris-vie ou déposés à la librairie Reinwald, 61, rue des Saints-Pères, Paris-vie. ARCHIVES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE IVe Série, Tome VI, p. 137 à 332 2 Mai 1907 VARIATIONS EXPÉRIMENTALES ÉTUDES SUR SIX GÉNÉRATIONS DE POULES CARNIVORES PAR FRÉDÉRIC IlOUSSAY Professeur à la Faculté des Sciences, Délégué à l’Ecole Normale Supérieure de l’Université de Paris. INTRODUCTION LA VARIATION Sommaire. — Evolution et variation. — L'ontogénie est une étude des variations dans la forme. — Continuités ou discontinuités dans l’ontogénie. — Complexité du problème total de l’évoiution. — Recherche de ses équations différentielles. — Les courbes rameuses de continuité. — Travaux de Quételet. — La biométrique statique et cinématique. — Le problème de la causalité. — Recherches qui font entrevoir une solution possible. — Données qui manquent pour la poursuivre. — Nécessité de l’expérimentation. Après un demi-siècle de débats, d'abord tumultueux, puis insensiblement apaisés, la théorie de l'évolution a Uni par être acceptée de tous, au moins en ce qu'elle a de plus général et ne rencontre plus à l'heure actuelle aucun contradicteur. Les documents paléontologiques, chaque jour plus abondants, nous enseignent avec évidence que les flores et les faunes ont été différentes aux diverses époques de la terre ; elles ont été chan- ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GEN. — 4® SERIE. -- T. VI. V)> Tl 138 F. HOÜSSAY gées an cours du temps ; ce qui est aujourd'hui n'a pas toujours existé et des formes animales ou végétales qui recouvraient autrefois ou peuplaient les continents et les mers ont complète- ment disparu. Il n'est pas vrai que le monde des vivants en une fois donné, ou brusquement créé, s'est perpétué immuable depuis son origine. On se trouve en présence d'un fait que personne ne songe plus à contester ; il faut maintenant que toutes les théories ou tous les dogmes en tiennent compte et s'y adaptent. Les études embryologiques apprennent d'autre part que tout être vivant, si compliquée que puisse être sa forme, débute par un œuf, simple cellule, petite masse de protoplasme, dont la structure, la composition chimique et les réactions ne diffèrent pas sensiblement de ce qu'on peut obtenir avec d'autres colloïdes organiques ou métalliques. L'œuf, comme résultat de ses actions diastasiques et de ses acquisitions par osmose, grandit, se divise, produit un massif de cellules, d'abord toutes semblables entre elles, qui peu à peu se différencient suivant les positions qu'elles occupent, se groupent, constituent des organes de plus en plus nombreux et complexes à mesure que le temps s'écoule. Le développement embrvogénique d'un être donné, son ontogénie, est une succession de formes incessamment diversifiées, dans la continuité desquelles on peut cependant reconnaître des étapes et dénommer des stades. Une ontogénie est le plus banal en même temps que le plus magnifique exemple d'une série de variations. L'embryologie, par suite, est l'étude des variations de la forme et non pas d'une petite variation, changeant de si faible façon la grandeur d'une qualité qu'il faut de minutieuses me- sures pour la reconnaître, ni d'une variation relative à quelques organes accessoires, ni d'une variation singulière existant sur un animal choisi dans quelque localité spéciale, mais bien de variations sans nombre, amenant la forme de rien , ou presque rien, à tout ce qu'elle peut être, portant sur tous les organes, chez tous les animaux et dans tous les lieux. Les phénomènes ontogéniques sont donc par leur ensemble les plus capables de nous suggérer une image intelligible de ce VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 139 qui a pu se passer depuis l'origine du monde pour les change- ments successifs des flores et des faunes. Il y a même entre les deux sortes de données des concordances objectives ; les stades ontogéniques répètent souvent dans le même ordre les étapes paléontologiques. Ceci nous amène à penser que l'image évolu- tive est plus qu'une simple suggestion et qu'elle est le reflet d'une réalité que nous ne saisissons pas encore avec précision dans toute son étendue. Si l'on trouvait en tous cas concordance, le problème serait résolu et il y aurait preuve définitive ; mais cela n'est pas intégralement, peut-être par suite de lacunes dans les séries que la fossilisation n'a pas conservées toutes, peut-être aussi pour d'autres raisons moins simples. En cherchant au surplus à transposer les données de l'évolu- tion ontogénique pour reconstruire avec elles l'histoire passée des espèces et des classes, on n'est obligé à l'exclusion d'aucun point de vue. Si la continuité est un phénomène ordinaire en embryologie, la discontinuité n'y est cependant point rare, telle celle qui coupe en stades distincts le développement larvaire d'un crustacé, ou mieux encore celle qui tranche la vie d'un insecte métabole en trois tronçons séparés : larve, nymphe, imago. J'ai d'ailleurs montré (1) que les métamorphoses ou métabolies sont beaucoup plus fréquentes et plus répandues qu'on ne le dit usuellement et qu'il y a en somme d'innombrables transitions de toutes grandeurs entre la discontinuité qu'elles créent et la continuité. Au surplus, si les embryons évoluent de telle sorte que chacun répète, de génération en génération, une succession fixée de phénomènes, ce n'est pas à dire que l'être vivant possède en lui-même un déterminisme rigoureux, ramenant sur un rythme nécessaire des apparences matérielles identiques, car de légers changements du milieu amènent des modifications dans les formes. D'importantes études ont été entreprises sur ces sujets ; il y a place pour bien d'autres encore. Et, par les faciles trans- (1) Houssay. — La forme et la vie (Paris, Schleicher, 1900) 440 F. HOUSSAY formations des embryons, on peut arriver à concevoir sans peine que les espèces se soient changées avec les milieux. Mais, concevoir en gros comme possible une certaine marche des phénomènes n'est plus ce qui suffit à la science contempo- raine ; elle veut préciser davantage afin de mieux apprécier la valeur de ses principes et de ses conclusions. La biologie cherche à pénétrer dans la voie qu'ouvrent les méthodes mathématiques ; elle voudrait poser les équations différentielles du problème de l'évolution et le résoudre en son entier par leur intégration si elle est possible, ou se rendre compte, en tous cas, de ce qui entrave la solution. ” Or, poser les équations différentielles du problème c'est recher- cher pendant un temps très court les lois de la variation, c'est- à-dire essayer d'établir des relations capables de s'exprimer par une formule ou par une courbe entre le temps, la grandeur mesurable des éléments en lesquels se décompose la forme ani- male et la grandeur de certaines actions ambiantes, ou de toutes les actions ambiantes, dont on sait par expérience qu'elles sont susceptibles de modifier les êtres vivants. La question, on le voit, est des plus difficiles et n'est pas même voisine de la maturité ; elle est à la phase préparatoire, dans la- quelle il s'agit encore de distinguer, d'établir et de mesurer des phénomènes, loin qu'il soit déjà temps de les grouper et d'en extraire des relations générales et complèteSi Cependant il est utile de savoir à quoi peuvent servir les faits que l'on étudie ; c'est le meilleur guide pour leur recherche et pour leur décou- verte. Nous venons d'indiquer que le problème comporte à tout le moins la combinaison de trois sortes de données : 1° le temps, 2° la variation du vivant, 3° les facteurs du milieu ambiant. C'est déjà une simplification considérable et une intervention énorme de notre part que de décomposer ainsi le Cosmos par notre analyse et d'y distinguer l'être vivant de toute son am- biance à laquelle il est en fait lié d'une façon nécessaire et per- VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 141 manente (1). Mais, il faudrait se tenir à ce minimum de com- plexité et ne consentir aucune simplification supplémentaire si ce n'est d'une façon provisoire, pour la commodité du travail, en sachant bien qu'on ne traite plus le problème entier, et que seulement on le prépare, qu'on tourne alentour, qu'on se tient en un mot dans les préliminaires. Ce n'est pas à dire que toutes les études faites de la sorte soient méprisables ou inutiles. Loin de nous cette pensée ridicule, mais il ne faut pas s'illusionner sur leur valeur réelle. Cette der- nière est suffisante dans son vrai, sans que l'on cherche fausse- ment à lui en substituer une autre. De là résulte que pour l'étude de la variation, aussi bien que pour tout autre, on doit éviter de ne voir qu'une catégorie, de se placer à un point de vue exclusif et d'être partisan soit de la discontinuité, soit de la continuité, soit d'un déterminisme extrinsèque, soit d'une cause intrinsèque ; il faut se garder de limiter ses recherches aux variations durables en méconnaissant les fugitives. Tous ces phénomènes existent et doivent par suite être pris en considération. Plus encore, ils ne sont pas séparés et distincts ; ce sont des termes parfaitement sériables d'un unique ensemble. La vision nette de la complexité du problème permet de se rendre un compte précis de ce qui manque à chaque discipline, ou à chaque manière d'étudier, pour le traiter entièrement ; elle permet par suite de distinguer la valeur juste de chaque caté- gorie de données et la façon dont il est possible de les combiner ensemble et de les compléter les unes par les autres, loin de chercher à les exclure les unes par les autres. L'embryologie par exemple, puisque nous en avons d'abord parlé, à la considérer dans son ensemble et dans ce qu'elle a de classique, étudie en fonction du temps la plupart des variations et les plus importantes dont est susceptible la forme animale. Mais elle tient à peine compte, ou même pas du tout, de l'action (1) Houssay. — Une étude des sciences naturelles {Revue scientifique, 1904). — L’abstrac- tion dans les sciences naturelles (Revue des Idées, décembre 1905). 142 F. HOUSSAY des facteurs extérieurs à F animal. Ses résultats néanmoins, bien qu’incomplets, combinés avec ceux que la zoologie retire de la considération des formes adultes actuelles, ont pu servir à tracer ces courbes rameuses de continuité entre les formes, appelées autrefois arbres généalogiques, et dont on a cru avec excès qu’elles apportaient la solution complète du problème de l’évolution. Il ne faudrait pas maintenant, par une réaction exagérée, les con- sidérer comme nulles et non avenues. Elles relient solidement et simplement des faits très nombreux ; elles sont de bons sym- boles et à ce titre doivent être retenues et utilisées. Les variations ontogéniques ou les changements de forme embryonnaires, pour abondants et importants qu’ils soient, n’ont au reste de valeur que comme image ou comme représen- tation de ce qu’a pu être l’évolution. Car, si on les considère au point de vue du résultat qu’ils amènent en réalité, on ne voit pas immédiatement que, même amplifié, ce résultat puisse être une évolution des espèces. Dans la longueur d’une vie humaine, en effet, ou dans toute la durée de l’expérience humaine, il semble, et à défaut de mesures minutieuses, que ces variations ontogéniques ont pour terme final une permanence. Les abou- tissants des ontogénies successives, les adultes d’une même espèce, se ressemblent constamment entre eux. Cette permanence apparente est en contradiction avec l’idée d’évolution. D’où la nécessité, pour résoudre le conflit, d’étudier les variations qui peuvent se manifester entre les formes adultes et, pour limiter d’abord le problème, entre les formes adultes d’un de ces groupes que l’on appelle espèce. * * * Dès que la notion d’espèce a été introduite dans la science avec quelque netteté, la notion de variations ou de différences légères entre les individus ne s’est pas moins rapidement imposée. Buffon, Lamarck, puis Cuvier (1) et enfin Darwin, plus copieu - (1) Cuvier. — Révolutions du globe (Firmin-Didot, Paris, 1877, p. 77). VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 143 sement mais non d'une façon différente, ont mis en évidence de pareils écarts entre les formes dans une espèce, pour en retirer il est vrai des conclusions opposées. Les observations de cette sorte, tant qu'elles sont effectuées d'une façon discontinue et, pour ainsi dire, au hasard des rencontres, laissent trop de place à l'interprétation arbitraire. Il y avait lieu d'instituer méthodi- quement des mesures nombreuses et précises. Quételet, dans plusieurs travaux (1) très remarquables et très suggestifs, a donné complètement la méthode que l'on com- mence à appliquer pour l'étude de la variation dans les sciences biologiques. Si un observateur cherche à obtenir à plusieurs reprises et avec précision une même mesure, par exemple la taille d'un homme ou la longueur de n'importe quel objet, il ne trouve ja- mais deux fois le même résultat. En multipliant suffisamment les épreuves on obtient une série de nombres tantôt trop grands tantôt trop petits qui se répartissent autour d'un nombre moyen. Si l'on cherche à grouper en lots les diverses mesures obtenues, on reconnaît qu'un lot très nombreux est formé par celles qui diffèrent le moins de la moyenne. Les autres lots sont d'autant plus petits, c'est-à-dire contiennent d'autant moins de mesures, qu'ils sont plus écartés de la moyenne. Comptant en abscisses positivement et négativement les écarts d'avec la moyenne et en ordonnées le nombre d'opérations ayant correspondu à chaque écart, on obtient une courbe symétrique dite courbe d'erreur, ou courbe en cloche, ou courbe de Quételet. Il est fort remarquable que si, au lieu de mesurer n fois le même objet, on mesure une seule fois la même qualité sur n objets pratiquement considérés comme semblables, c'est-à-dire désignés par un seul nom, on trouve encore une courbe en cloche. Quételet avait formellement établi ce résultat par de nom- breuses mensurations relatives à l'homme. Galton (2), dans un (1) Quételet. — Physique sociale (Paris, 1835). — Lettres sur la théorie des 'probabilités appliquée aux Sciences morales et politiques (Bruxelles, 1846). — Sur le calcul des probabilités appliqué à la science de l'homme (Bull. Acad. Royale de Belgique, 1873). (2) G Alton. — Natural inheritance (London 1889). 144 F. HOUSSAY ouvrage rempli d'autre part de considérations intéressantes, a confirmé par des mensurations nouvelles les conclusions de Qué- telet et a eu la bonne fortune d'y intéresser les biologistes, en raison peut-être du titre qu'il avait su choisir pour son livre. Divers résultats aujourd'hui publiés montrent qu'il en est de même si l'on mesure une qualité quelconque sur de nombreux individus d'une espèce animale ou végétale, qu'il s'agisse de la longueur du corps, de celle d'une antenne, d'un fruit ou de tout autre organe, ou encore du nombre des parties qui se répètent telles que les taches pigmentées, tubercules, etc..., dont la quan- tité semble caractériser une espèce ou une race. Bateson, Davenport, Pearson, Weldon, Kellogg se si- gnalent parmi d'autres auteurs par les contributions qu'ils ont apportées à ce sujet. La construction des courbes de fréquence est d'usage courant au laboratoire de Svalof (Suède) pour la sélection des graines de céréales. En se répétant toujours symétriques et semblables à elles - mêmes, quel enseignement théorique, en outre de leur importance pratique, peuvent nous apporter les courbes ? Laissant de côté d'autres considérations dont nous parlerons tout à l'heure, elles nous apprennent d'abord que notre notion de type ne correspond pas à quelque chose d'absolu et d'immuable ; c'est seulement le maximum d'une série, et son seul fondement est la fréquence. Cette conclusion est intéressante certainement, mais elle peut être aussi bien utilisée par les partisans de la fixité des espèces que par les évolutionnistes. Et même, en y réfléchissant, de Blainville n'était-il pas arrivé à un résultat apparenté au précédent, à la fois moins précis et plus général, lorsqu'il distribuait, dans chaque ordre de mammifères, les diverses tribus de part et d'autre d'une fa- mille centrale qui présentait au maximum les caractères les plus typiques de l'ordre, lesquels caractères allaient en décroissant successivement dans les tribus à mesure qu'elles s'écartaient du type ? Et, groupant de la même façon les ordres dans les classes, et les classes dans les embranchements, ne retrouverions- VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 145 nous pas de la sorte nn schème nouveau pour Punité de plan de composition % En outre du cas ordinaire où la courbe symétrique offre un seul maximum, il arrive parfois qu'en mesurant une certaine qualité dans un groupe appartenant à une espèce donnée, on trouve deux ou plusieurs maxima au lieu d'un. La seule conclusion rigoureuse est qu'il y a deux ou trois types dans un ensemble où l'on avait d'abord cru en voir un. Ayant d'autre part l'idée d'évolution, on est aussi tenté de considérer ce résultat comme l'expression arithmétique du fait que l'espèce est en train de varier, de se dédoubler ou de se fragmenter davantage. Cela peut être vrai souvent, mais ne l'est pas nécessairement, ni toujours. Il est bien sûr par exemple que la courbe à deux maxima, obtenue par Galton avec la couleur des yeux humains, ne veut pas dire qu'à notre époque l'espèce humaine en Angle- terre est aujourd'hui en train de se séparer en deux races dis- tinctes à ce point de vue. La multiplicité des maxima ne signifie une séparation de l'espèce en deux ou plusieurs autres que si, en plusieurs générations successives, on a vu peu à peu pointer deux maxima, d'abord rapprochés puis espacés de plus en plus, ainsi que par exemple l'a établi Hugo de Vries dans ses belles recherches sur la mutation, notamment dans le dénombrement, effectué plu- sieurs années de suite, des languettes visibles autour du capitule de Chrysanthemum segetum (1). Pour aborder le problème de l'évolution, il faut toujours, en effet, qu'il soit question du temps. Je l'ai fait déjà remarquer il y a plusieurs années (2) en montrant que la courbe en cloche ne donnait une relation qu'entre la fréquence (cp) d'une qualité et la grandeur (a) de celle-ci : / ( n'ont eu qu'une seule femelle, il importe donc d'envisager dans toutes Fig. 18. Courbes de la variation en poids du foie et du rein dans les 5 générations successives. — Rapports à 100 gr. de poids actif dans des couples effectivement descendus les uns des autres. les générations un seul couple et tout naturellement nous choi- sirons les couples effectivement descendus les uns des autres. Pour construire la courbe, je compte en abscisses le temps, à 188 F. HOUSSAY raison de 2 %, 5 pour la durée d'une génération et en ordonnées le poids relatif du rein à raison de 5 % pour 0 gr. 1 de rein par 100 grammes de poids actif. On a pour les diverses générations les nombres suivants : Po Pt P2 Ps P 4 P5 0,54 0,74 0,90 1,13 0.92 0,75 Cette série de nombres aussi bien que la courbe réelle, tracée en traits pleins, RR (fig. 18) montrent ce que nous annoncions à l'instant : la croissance jusqu'à la troisième génération suivie de régression. Par hypothèse, cherchons à nous représenter ce qui se serait passé dans le cas d'une évolution régulièrement poursuivie. Nous savons bien que le poids relatif du rein n'aurait pas continué à croître indéfiniment et que le tracé évolutif, commençant avec une légère courbure à concavité supérieure, n'aurait pas tardé à prendre une courbure à concavité inférieure pour atteindre l'horizontale, quand l'adaptation complète eût été pleinement réalisée. Entre les deux courbures, un point d'inflexion se fût trouvé. Admettons que le point d'inflexion eût été précisément à cette troisième génération, dont la situation critique indique suffisamment une singularité et continuons en traits interrompus (RR', fig. 18) la courbe comme elle aurait dû être. Elle nous conduit vers la 6e génération, non réalisée, au niveau de 1 gr. 45 de rein pour 100 grammes de poids actif, ce qui est exactement le nombre que j'ai directement trouvé en disséquant un oiseau naturellement carnivore, une Hulotte femelle (Syrnium aluco). Donc, au cours d'une évolution régulière qui, de génération en génération, détermine la croissance d'un organe, celui-ci aug- mente suivant la même loi, suivant la même courbe, que celle par laquelle est réglée la croissance individuelle d'un complexe organique, c'est-à-dire d'un animal entier. La croissance phylo- génique suit la même loi que la croissance ontogénique. De plus, si la croissance ne se poursuit pas, s'il doit y avoir régression et mort de l'espèce, le phénomène est provoqué par une baisse brusque de la courbe, postérieure au point d’inflexion VARIATIONS EXPERIMENTALES 189 et fort analogue à celles qu'ont produites sur nos courbes de croissance les animaux qui sont morts avant l'état adulte. Il est extrêmement remarquable de voir la croissance du foie suivre une courbe tout à fait identique à la précédente. Je l'ai construite à la même échelle que celle-ci et sur les mêmes couples effectivement descendus les uns des autres. Le trait plein (FF, fig. 18) représente la variation réelle donnée aussi par les nombres suivants : Po Pl P2 P3 P* Ps 2 2,23 2,47 3.25 2,56 2,29 Si l'on considère en gros le résultat, composé de croissances et de décroissances, il ne semble pas que le changement de régime ait amené sur le foie une variation de sens bien nette. C'est ainsi que ces données ne m'avaient pas d'abord paru confirmer celles de Maurel (1) établissant que chez les carnivores le poids relatif du foie est toujours supérieur à ce qu'il est chez les herbivores. Cette conclusion est pourtant tout à fait exacte. En raisonnant pour le foie comme nous l'avons fait pour le rein et en poursuivant par des traits interrompus (FF', fig. 18) la courbe évolutive conformément à son début, elle nous conduit à la 6e génération à la cote 3 gr. 47 de foie pour 100 grammes de poids actif. J'ai directement trouvé sur la Hulotte 3 gr. 43 : la concordance est absolue. La couleur et la consistance de la graisse chez les animaux en expérience me paraît aussi en rapport avec les modifications hépatiques plus qu'avec la nature des graisses directement ab- sorbées dans les aliments. Tout le monde connaît la couleur jaune de la graisse des poules et sa faible consistance ; elle est composée de corps dont le point de fusion est peu élevé. La graisse des poules carnivores est au contraire dure, blanche, son point de fusion est bien plus élevé ; elle ressemble beaucoup au suif des mammifères et cela est d'ailleurs ainsi chez la Hulotte que j'ai disséquée. Je ne sais si c'est vrai de tous les oiseaux de proie. U) Maurel ( C . R. Ac. Sc., décembre 1908). 190 F. HOUSSAY Sur 27 poules carnivores dont j’ai fait l’anatomie, deux seule- ment avaient repris la graisse jaune, à la 3e génération (IIL et VIIL), la première très franchement, elle n’a pas eu de postérité, la seconde d’une façon moins accentuée, elle a donné quelques œufs féconds. Ce sont justement ces deux exceptions qui me font rapporter la modification de la graisse à une réaction géné- rale de l’organisme susceptible de quelques changements, plutôt qu’à un simple emmagasinement d’une graisse donnée, la même pour tous, qui serait constante. Une autre transformation paraît plus nettement encore en rapport avec la suractivité du foie suivie de surmenage, c’est l’apparition, dans le péritoine de mes animaux, d’un pigment noir analogue à celui que l’on trouve dans le péritoine des Am- phibiens et des Eeptiles, puis la disparition de ce pigment dans les dernières générations. Je considère ce pigment comme de la mélanine. Il est à noter qu’on ne le rencontre jamais chez aucun mâle et le fonctionnement du foie ainsi que la taille de cet organe y sont incomparablement plus faibles que chez les femelles ( voir chapitre VIII). Comment évaluer cette quantité de mélanine pour en avoir une mesure au moins approximative. Sur mes feuilles de dissec tion je trouve des notations telles que les suivantes : Pas de mélanine 0 Traces de mélanine I Un peu de mélanine 3 Mélanine 4 Plus chargé de mélanine 5 Nous pouvons remplacer ces indications un peu longues par les chiffres qui leur font face et qui correspondent à peu près à l’importance du produit observé, qui lui donnent une note. Les observations se groupent alors dans le tableau suivant où les caractères gras représentent des mâles. Nos connaissances sur la production et la signification du pigment sont trop peu avancées pour qu’on puisse dès mainte- nant apprécier tout le sens de ces modifications. Il importe en VARIATIONS EXPERIMENTALES 191 tous cas de les noter pour le jour où elles pourront être plus complètement utilisées. Nous en redirons quelques mots au chapitre IV, au cours duquel ils seront mieux compris. Avant de clore ce chapitre, retenons les deux grandes indica- tions suivantes. Les modifications obtenues sur le rein et le foie et relatives à l'importance de ces organes dans l'organisme entier tendent vers l'état qui est celui des oiseaux carnivores. Si l'évo- GÉNÉRATIONS Po Pl Io 0 I, 0 1 IL 0 IL 1 IIIo 0 IIIi 1 Indications individuelles Moyennes générales. 0 0,66 Moyennes des femelles 0 1 P2 I2 IL Ul2 IV2 V2 VI2 VIL O 4 O 4 O O 4 VII L 5 2,12 4,25 I3 IL Ilh IV3 V3 Vll3 VIII3 O 3 0 O O 0 1 0,57 Pi I4 II4 IV4 Vi VIL P3 O U O O 0 Ils IU5 IV5 O 1 4 4 O O O lution s'était continuée conformément à son début, il eût suffi de six générations pour réaliser la transformation. C'est très peu et, par rapport au temps total, c'est même une durée si courte qu'en se plaçant à ce point de vue l'évolution semble procéder par saccades, être discontinue. Mais, si l'on envisage comme mesure du temps la durée d'une génération, on compte jusqu'à six moments distincts et à cet autre point de vue, le phénomène apparait avec une continuité qui se figure par une courbe. 192 F. HOUSSAY Nous pouvons dès maintenant dire que notre expérience a été arrêtée par Fintoxication contre laquelle l'organisme ne s'est pas défendu jusqu'au bout. Comment se fait-il qu'une telle impossibilité ne se soit pas présentée dans la nature? On en aper- çoit plusieurs raisons. D'abord tout porte à croire que les trans- formations de cette sorte sont plus progressives que celle par nous tentée et ce qui subsiste du régime végétal non seule- ment n'augmente pas Fintoxication, mais aide à l'élimination. C'est ainsi par exemple que l'on voit encore les chats mâcher des tiges de valériane. D'autre part les femelles résistent mieux que les mâles. Mais nous avons toujours eu des couples de même génération. Dans la nature, les mâles de deuxième année sont en pleine vigueur et ce sont eux surtout les reproducteurs ; ils apportent ainsi un retard d'une année dans la plus forte intoxication et il n'en faut peut-être pas plus pour franchir le point critique, le point d'in- flexion des courbes et gagner ainsi l'adaptation organique. CHAPITRE IV LA RATION DE VIANDE ET LA RATION DE GRAINES Sommaire. — L'énergétique et la ration alimentaire. — Le pouvoir thermogène n'est pas le seul critère de la valeur d'une ration. — Ration de croissance et ration d’entretien. — Réglage spontané de leur ration par les oiseaux. — - Rapport du poids à la ration jour- nalière. — Variations de ce rapport avec l’âge et avec le régime. — Courbe de la variation. — Influence de la pression barométrique sur l’appétit chez les poules. — Supériorité de la viande pour la croissance, du grain pour l’entretien. — Valeur plastique, valeur ther- mogène et toxicité d’une ration donnée. Les études d'énergétique animale ont rendu, depuis ces der- nières années, très importante la connaissance précise de la ration alimentaire pour un animal donné. Afin de dégrossir en premier lieu le sujet, les physiologistes se sont occupés presque exclusivement de la ration d'entretien, c'est-à-dire de celle qui est nécessaire à un animal adulte, accomplissant un travail très modéré, pour maintenir son poids constant pendant une assez VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 193 longue période. Certains cependant, comme Chauveau, ont cherché quelles substances alimentaires fournissent le meilleur rendement en travail produit. Les diverses sortes d'aliments, ou les diverses proportions dans lesquelles on les peut mélanger, ont été examinées à ce point de vue et l'on a déterminé en calories leur valeur thermo- gène, identifiée à leur valeur alimentaire, puisque les besoins de l'animal adulte sont surtout conditionnés par des dépenses de chaleur ou des dépenses en travail que l'on y fait équivaloir. On voit bien d'ailleurs que ces procédés de mesure, aussi inté- ressants que précis, ne sont raisonnablement applicables qu'à Vintérieur de catégories déjà faites, et qu'ils permettent des comparaisons seulement entre substances déjà définies comme aliments par les effets que leur ingestion prolongée détermine dans l'organisme. La valeur thermogène de la houille, du pétrole ou de l'acide cyanhydrique ne donne aucune idée de leur valeur alimentaire. Pour les substances à propos desquelles le doute persiste, par exemple pour l'alcool, ce n'est pas le calorimètre qui doit répondre, puisqu'il n'a la parole qu'en second lieu, mais d'abord l'observation longuement poursuivie des effets que dé- termine sur l'organisme l'abstinence du produit ou l'ingestion journalière de telle, telle ou telle quantité. Il y a donc à propos de la valeur alimentaire d'une substance donnée bien autre chose à considérer que la capacité à fournir des calories en se détruisant. Cela est notamment certain à propos de la ration de croissance, dont on ne voit guère a priori comment identifier, d'une façon simple, la valeur avec le pouvoir thermogène. Pour cette question très importante, très compli- quée et très loin de la solution, toutes les données sont bonnes à recueillir. C'est pourquoi je crois utile de publier celles que je possède à ce sujet. D'après Maurel, tous les animaux se suralimentent quand ils ont la nourriture à discrétion et il est indispensable, pour obtenir une fixité approximative de leur poids, de régler leur 194 F. HOUSSAY régime et leur ration. Larguier des Bancels (1), qui rapporte l'opinion précédente, a observé que les pigeons se comportent autrement et que, alimentés librement, ils règlent eux-mêmes leur consommation avec une précision très grande, qui suffit pour conserver au corps son poids initial pendant plusieurs mois. Les petites variations que l'oiseau fait lui-même subir à sa ration, sont, d'après cet auteur, en rapport exact avec les variations de la température extérieure. Je ne puis apporter une précision de cet ordre, mais en revanche mes données s'étendent sur une période beaucoup plus longue et comprennent la croissance et l'entretien de trois générations successives : une nourrie au grain et les deux suivantes à la viande. Il est certain que les oiseaux nourris surabondamment règlent eux-mêmes leur consommation. Larguier des Bancels a eu raison d'exprimer et de mesurer le fait, mais déjà la connais- sance banale en avait fait un principe d'action. Tous les oiseaux conservés en cage : tourterelles, canaris, chardonnerets, etc., ont toujours des graines à discrétion et, pendant des années, leur taille et leur agilité ne changent pas. C'est sur cette obser- vation que j'avais tablé pour déterminer la ration nécessaire à mes poules. Je la leur faisais verser deux fois par jour soit en graines, soit en viande et de tel poids que tout fût consommé avec un x>etit reste aussi faible que possible. Aussitôt qu'il ne restait ni un grain, ni un morceau de viande, on augmentait légèrement pour les jours suivants, on diminuait au contraire si le reste devenait appréciable. Pour une seule génération, j'ai pris les pesées de rations depuis la naissance, mais les premières données ne peuvent être utilisées, parce qu'avec les poussins se trouvait la poule cou- veuse et nourricière et qu'il est impossible de démêler ce qui revient à l'une et aux autres. Dans la construction des courbes qui vont suivre (fig. 19), (1) Larguier des Bancels. — De l’influence de la température extérieure sur l’alimentation (Thèse de l’Université de Paris ; Masson 1903). VARIATIONS EXPERIMENTALES 195 j'ai considéré le rapport du poids total (P) de tous les animaux d'un même lot au poids (p) de la ration qu'ils mangeaient en commun. Jours de vie Po Pi Jours de vie P2 Ration P Poids des Animaux P Rapport P P Ration P Poids des Animaux P Rapport P P Ration P Poids des Animaux P Rapport P P 165 400 4.340 10, 85 300 3.750 12, 5 36 460 2.904 (1) 6, 31 175 400 4.530 11, 32 400 4.160 10, 4 ' 40 510 3.068 6, 01 192 350 4.490 10, 82 350 4.887 13, 96 45 530 3.754 7, 08 205 350 4.707 13, 45 350 5.377 15.36 49 600 4.206 7, 01 206 300 4.688 15, 60 300 5.398 17, 99 52 650 4 . 469 6, 87 208 260 4.692 18, 04 260 5.432 20, 89 56 670 4.918 7, 34 211 280 4 709 16, 32 300 5.533 18, 61 61 700 5.478 7, 82 212 280 4.710 16, 82 340 5.540 16.29 66 740 6.271 8, 47 213 300 4.713 15, 71 » » » 71 740 6.761 9, 13 218 300 4.815 16, 05 » » » 76 740 7.390 9, 98 219 » » » ! 300 5.380 17, 93 82 800 8.207 10, 25 222 )) » » 340 5.471 16, 09 91 840 9.397 11, 18 223 360 4.954 13, 76 )) » )) 101 880 10.341 11, 75 229 200 5.078 25, 39 200 5.669 28, 34 103 960 10.577 11, 02 231 240 5.087 21, 19 240 5.600 23, 33 109 880 11.232 12, 76 232 340 5.120 15, 05 340 5.590 16, 44 113 650 8.710 (2) 13, 40 235 340 5 . 188 15, 25 360 5.579 15, 49 122 640 9.111 14, 23 245 280 5.180 18, 50 280 5.790 20, 67 127 640 9 . 393 14, 67 247 340 5.172 15, 21 360 5.800 16, 11 143 600 10.107 16, 84 265 300 5.201 17, 33 360 5.901 16, 39 152 660 10.415 15, 77 283 300 5.182 17, 27 360 5.954 16, 54 162 680 10.791 15, 86 304 300 5.087 16, 96 360 5.639 15, 67 167 720 11.141 15, 47 325 300 5 . 091 16, 97 360 5.831 16, 19 184 720 11.902 16, 53 346 300 » . » 360 5.913 16, 42 191 720 12.326 17, 11 367 300 4.858 16, 19 360 5.803 16, 11 212 720 12.911 17, 93 388 300 5.068 16, 89 360 5.732 15, 92 233 720 13.214 18, 35 409 300 5.107 17, 02 360 6.005 16, 68 247 720 13.319 18, 50 430 300 5.334 17, 71 360 5.815 16, 15 252 800 13.329 16, 66 451 300 5.474 18, 25 360 6.188 17. 19 273 800 13.253 16, 56 461 260 5.585 21, 48 300 6.105 20, 35 294 800 13.391 16, 74 464 340 5.617 16, 52 320 5.952 18, 60 316 800 13.288 16, 61 478 » » » 360 5.799 16, 10 336 800 13.354 16, 69 357 800 13.558 16, 95 378 800 13.279 16, 59 399 800 13.032 16, 29 420 800 13.134 16, 42 (1) 8 animaux. (2) 6 animaux. P Ce rapport exprime la valeur de la ration ; plus il est grand, V meilleure est la ration, soit que la ration faiblisse pour maintenir 196 F. IÎOUSSAY un même poids, soit que le poids croisse avec une même ration. P On considère d'autre part assez volontiers le rapport inverse -, à savoir la quantité d'aliments qu'il faut à un kilogramme d’animal pour se maintenir et plus cette quantité est petite , meil- leure est la ration. Il est évident que la variation de ces deux rap- ports avec l'âge ne donne pas du tout la même forme des courbes. , P J ai construit les miennes en considérant - , mais ceux qui préfé- V reraient le rapport inverse pourraient construire les courbes de sa variation avec les données numériques recuellies à ce sujet et reproduites dans le tableau composé à la page précé- dente. J'ai établi pour chacune des générations considérées une P courbe de la variation du rapport aux divers âges de la vie. p Pour construire cette courbe, je compte en abscisses le temps à raison de 1 % pour 2 jours de vie et en ordonnées les valeurs P correspondantes de — en prenant 1 % pour chaque unité du p rapport : par exemple le rapport 17,93 = 18 % le rapport 16,09 = 16 %, etc. Les trois courbes obtenues sont reproduites par réduction photographique (fig. 19). Il importe d'abord de dégager leur étude générale de trois pointements singuliers a, a’, a”, qui se trouvent aux générations P0 et Pr Or, la génération P0, pour parler d'elle en premier lieu, est composée de poules granivores, c'est-à-dire normales ; les dates de ces pointements sont les suivantes : a — 208 jour de vie 18 février 1901. a’ — 229e — 10 mars 1901. a” — 245e — • 26 mars 1901. Sur mes cahiers d'expérience, j'avais inscrit « tombée de neige » le 11 mars 1901 qui correspond au plus grand pointement ; ceci VARIA TIONS EXPÉ RI MENT A LES 197 naturellement ne va pas sans une grande baisse barométrique. Pour les deux autres pointements, je n'avais rien noté. J'ai demandé rétrospectivement (avril 1906 )Jà mon ami J. Mascakt. Fig. 19. Courbes des rapports du poids à la ration dans trois générations dont une granivore et deux carnivores astronome à l'Observatoire de Paris, de me renseigner sur l'état météorologique des journées indiquées et voici ce qu'il me com- muniqué : 198 F. HOUSSAY DATES BAROMÈTRE ÉTAT MÉTÉOROLOGIQUE POINTEMENT Parc St-Maur 1901. Février 17. . . 759,6 Couvert neige et grésil. 18. . • 765,3 Un peu de neige à 8 h. et 9 h. a — 19. . • 765,3 Très nuageux, petite neige à 22 h. — 27. • • 747,7 Couvert , quelquefois des gouttes entre a et a’ Mars 10. . • 759,5 Couvert. a — 11. . . 752,2 Id. Pluie, neige et grésil. — 26. . • 756,1 Neige jusqu'à 4 h. du matin puis à 15 h. et à 16 h. 45. a” — 27. • . 751,9 Couvert de 6 h. à 19 h., pluie et neige. — 28... . 752,4 Grains de neige. Grésil à 17 h. Donc, si d'après Larguier des Bancels la température règle d'une façon précise les petites variations de la ration, la pression barométrique en détermine de très grandes, au moins chez les poules. S'il s'agissait d’un réglage du poids en prévision de la légèreté requise par le vol, il serait tout naturel que la pression barométrique intervînt en premier lieu. Le fait est-il général chez tous les oiseaux ? Je n'ai pas de données à ce sujet mais je ne crois pas à sa généralité, du moins avec autant d'amplitude. Je le crois exact seulement pour les oiseaux déjà lourds à vol difficile, les autres, en cas de dépression, se contentent de voler moins haut comme les hirondelles. Au surplus, il doit bien y avoir quelque particularité dans la pratique de l'abstinence par les poulets en présence d'une dé- pression barométrique, puisqu'elle est indiquée déjà par Théo- phraste comme un des signes du mauvais temps et que cette observation, avec quelques autres du même ordre, était le fon- dement objectif de l’art des auspices. La génération P,, élevée d'une façon normale jusqu'au 150e jour de sa vie, n'a été mise à la viande qu' ensuite ; elle conserve encore, au point de vue de la réaction à la pression, l'instinct VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 199 ordinaire des poulets et accuse les mêmes pointements aux mêmes jours. Il n'en est plus ainsi à la génération P2 nourrie à la viande depuis son éclosion. Certainement, dans le cours de sa vie de grandes baisses barométriques sont survenues aussi, mais elles n'ont pas été accusées, d'une façon sensible tout au moins. Un instinct très curieux s'est trouvé perdu. Abstraction faite maintenant de ces pointements singuliers, nos trois courbes se divisent en deux grandes sections : l'une, de la naissance au 250e jour environ, pendant laquelle les ordonnées croissent, l'autre, à partir du 250e jour, pendant laquelle les ordon- nées sont sensiblement constantes, sauf pour un dernier poin- tement b postérieur à la mue et moins brusque que les précédents. Ces courbes répètent, en gros, l'allure des courbes de croissance ; c'est vers le 250e jour en effet que, dans les trois générations consi- dérées, les poules ont achevé la différenciation de leurs œufs et que toutes les courbes de croissance sont à peu près horizontales. Pour revenir à nos courbes de ration, l'époque du 250e jour sépare donc deux zones : à gauche la zone des rations de crois- sance, à droite la zone des rations d'entretien. Nous pouvons immédiatement faire plusieurs constatations. D'abord, la courbe de ration granivore est au-dessous des deux autres dans la région de croissance, au-dessus dans la région adulte, ce qui paraît indiquer que la viande est une ration supérieure pour les animaux qui croissent ; les graines sont au contraire supérieures pour les animaux adultes. Remar- quons bien qu'il ne s'agit pas seulement, pour la ration albu- minoïde, d'une plus grande puissance plastique, c'est-à-dire créatrice de tissus et de cellules, en quoi consisterait tout natu- rellement la différence ; car nos animaux adultes, par le fait de la ponte, fabriquent journellement plus d'albuminoïdes que pen- dant leur croissance et tout de même, dans cette période, les graines constituent un aliment supérieur pour l’individu, c'est- à-dire pour la quantité de matière usuellement distinguée à à part et dénommée « une poule », 200 E. MOUSSA Y On pourrait se demander s'il n'y avait pas lieu de considérer, dans la période adulte, les individus plus la ponte qu'ils ont produite ; celle-ci, étant supérieure dans les premières généra- tions carnivores, contribuerait à relever la valeur de la ration carnée. Mais si l'on ajoute au poids de l'animal celui des germes qu'il a produits depuis la dernière pesée, il faut y joindre égale- ment la somme des excreta solides, liquides et gazeux qu'il a émis, aussi bien que la chaleur ou le travail qu'il a fournis et en retrancher la somme des rations qu'il a mangées, bues ou res- pii ées. Ce serait une tout autre expérience sur le bilan organique, analogue à celle de Benedict et Attwater, dans laquelle l'indi- vidualité animale s'efface et que je n'ai nullement songé à faire malgré son intérêt évident, philosophiquement supérieur mais pratiquement moindre. Je compare seulement un individu d'une espèce définie, tel que le donne à un certain moment toute sa vie antérieure avec une certaine ration, à un autre individu de la même espèce, au même moment mais avec une autre ration. L'avantage est dans ces conditions, qui sont celles où l'on se placerait pour apprécier la bonne santé d'un homme, à la viande pour la croissance, aux graines pour l'entretien. Nous devons remarquer aussi, en comparant entre elles les deux courbes d'animaux carnivores, que celle de la génération P2 est notablement au-dessus de celle de P, dans la région de crois- sance et un peu au-dessus dans la période adulte. C'est la marque d'une adaptation, d'une meilleure assimilation de l'aliment, ainsi que d'une meilleure élimination des déchets qu'il donne. C'est un fait net d'hérédité des caractères acquis ; nous y re- viendrons. En dernier lieu il est visible que la ration quelle qu'elle soit est plus mauvaise dans le jeune âge que dans l'âge adulte, c'est- à-dire qu'il faut proportionnellement plus d'un même aliment à un jeune qu'à un adulte. Le fait est connu. Est-ce seulement que le jeune animal, à surface proportionnellement plus grande, perd plus de chaleur f Cela entre en ligne de compte à coup sûr. VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 2Ô4 mais pour une part seulement ; car, parmi toutes les rations, la meilleure à cet âge est la plus albuminoïde, c'est-à-dire la moins thermogène. Au surplus, pour apprécier la valeur alimentaire d'une subs- tance donnée, il faut bien s'entendre sur la réaction que l'on demande à l'organisme de manifester, comme marque du succès de son alimentation. Veut-on qu'il soit plus grand, plus robuste, c'est-à-dire capable de fournir une plus grande quantité de travail, ou désire-t-on au contraire sacrifier quelque chose des qualités précédentes pour que l'organisme dure plus longtemps ? Il faut alors faire intervenir en ligne de compte l'usure organique par les divers régimes, qui est en raison de leur toxicité et de la quantité des déchets accumulés. Or, cette toxicité plus grande du régime carné est surabon- damment prouvée par notre longue expérience. C'est le défaut qui contrebalance les incontestables qualités de cet aliment. Dans le jeune âge, la quantité de rein, la grandeur de l'élimi- nation sont proportionnellement plus fortes, les qualités de la ration se montrent alors sans être atténuées par leur inconvé- nient. Plus tard, avec une élimination moindre, l'inconvénient contrebalance l'avantage et même le surpasse. Il y a donc lieu, en pratique, de peser et d'évaluer des séries d'indications contradictoires et la règle qui me paraît ressortir aussi bien de ces expériences que des observations, valables pour l'homme, faites sur moi et autour de moi, est l'usage de la viande pendant la croissance et l'abstinence de cet aliment passé l'âge adulte. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. 4e SERIE. T. VI. - (v). CHAPITRE Y VARIATIONS DU TUBE DIGESTIF L INTESTIN ET LES CÆCUMS — LE JABOT ET LE GÉSIER Sommaire. — Précautions à prendre pour les mesures. — Echelle des courbes de variation. — Décroissance des organes digestifs suivant des arcs d'hyperbole équilatère. — Les écarts dans les dernières générations dus à l'insuffisance du poids total. — Nouvelle marque d’intoxication. — Réduction de l’intestin et du cæcum. — Jauge du jabot ; réduction du volume et de l’extensibilité. — Réduction dans l'action du gésier ; les cailloux ordi- nairement ingérés deviennent progressivement plus petits ; ce sont des grains de sable aux dernières générations. — Représentation par le dessin de l’estomac, en valeur relative, sur 12 animaux composant des couples descendus les uns des autres. — Dimorphisme sexuel. — Autres séries de dessins sur des poules devenues plus précocement stériles et sur des coqs tuberculeux. — Dans les cas anormaux, la réduction relative est moins accentuée ou transformée en accroissement. — La réduction accentuée est la règle. Les seules modifications, dues au changement de régime ali- mentaire chez les oiseaux, étudiées jusqu'ici ont été, comme nous l'avons dit, celles qui sont relatives au gésier. Nous avons des données qui s'étendent en outre à d'autres parties du tube digestif : intestin, cæcum et jabot. Des mesures effectuées sur le tube digestif risquent de laisser place à un certain aléa en raison de l'élasticité des organes si l'on n'opère pas toujours exactement de la même façon et si, notamment, l'on tire plus ou moins sur le tube digestif en mesu- rant sa longueur avec une règle graduée. J'ai toujours eu soin d'appliquer l'organe sur la règle sans exercer aucune traction. J'opérais de même sur les cæcums. On sait que, chez les oiseaux, ces organes sont au nombre de deux, symétriquement disposés ; chez la poule, en particulier, ils sont rarement de la même lon- gueur : une différence qui peut aller jusqu'à 15 % existe tou- jours entre eux ; je prenais la moyenne entre les deux pour longueur du cæcum. Le volume du jabot doit aussi être évalué avec quelques précautions que j'indiquerai plus loin. Pour la variation de ces organes comme pour les autres, j'ai considéré le rapport de leur longueur, de leur volume ou de leur poids au poids total et au poids actif des animaux étudiés. J'ai VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 203 construit les courbes de variation en ces différentes circons- tances et en considérant soit les moyennes de tous les animaux d'une génération, soit, pour éviter les effets variables du dimor- phisme sexuel, en comparant les rapports dans des couples effec- tivement descendus les uns des autres. Ces manières diverses d'envisager le phénomène me donnent les mêmes indications et les mêmes courbes, avec seulement un peu plus ou un peu moins d'accentuation ; les différences secondaires sont même très Fig. 20. Courbes montrant la réduction de l’intestin ( ) et du cæcum ( ) dans des couples effectivement descendus les uns des autres pendant cinq générations successives. — Rapports de la longueur des organes à 100 gr. de poids total. faibles. Afin d'avoir des graphiques qui se puissent comparer avec ceux que j'ai déjà fournis pour le rein et le foie, je les construis également avec les données relatives aux couples des- cendant les uns des autres. Dans toutes les courbes dont il va être question, j'ai pris pour abscisses le temps, en portant sur Taxe horizontal 25 % pour la durée d'une génération et pour ordonnées les valeurs du rapport de chaque organe au poids total des animaux et cela suivant les échelles suivantes : 204 F. HOUSSAY Cæcums .... ordonnées 1 % par millimètre de cæcum pour 100 gr. de poids total. Intestin .... — 1 % par centimètre d’intestin pour 100 gr. de poids total. Jabot — 1 % par centimètre cube de jabot pour 100 gr. de poids total. Gésier. ..... — 1 % par décigramme de gésier pour 100 gr. de poids total. On voit d'après cela que l'échelle qui représente la variation du gésier et du cæcum est 10 fois plus forte que celle employée pour l'intestin et le jabot ; ceci n'a d'autre importance que de trouver pratiquement une visibilité suffisante pour toutes les variations. Les courbes ont ensuite subi la même réduction photographique. Avant de parler de chaque organe en son particulier, il con- vient de relever les indications qui s'appliquent à tous. D'abord, tous ces organes décroissent manifestement. Mais cette décrois- sance, au début très sensible, s'atténue et, après la 3e génération, se transforme en une petite remontée. Que signifie cette allure de courbe ? Tenons compte de ce fait, imposé par le simple bon sens, que la diminution, même régulièrement poursuivie, n'aurait pas continué indéfiniment et qu'il fût survenu une époque où les courbes auraient tendu vers l'horizontale. Guidés par cette indi- cation certaine et suivant d'autre part la continuité des phéno- mènes à leur début, nous sommes conduits à rectifier le tracé de nos courbes d'une façon presque nécessaire. Nous l'avons fait en traits interrompus pour obtenir l'image de ce qu'aurait dû être la variation régressive. Ces courbes nouvelles, toutes semblables entre elles, sont des hyperboles équilatères avec une asymptote horizontale et une verticale. Elles répondent à l'équation générale : (x+a)(y - b) = K et ne sont utilisables pour le problème soumis à notre étude que dans la région des x positifs. Il est tout à fait intéressant de trouver deux catégories de VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 208 Fig. 21. Courbes montrant la réduction du jabot, J, et du gésier, O, dans des couples effectivement descendus les uns des autres pendant cinq générations successives. Rapports du volume (jabot) ou du poids des organes à 100 gr. de poids total. Pour le jabot, les jauges à l’eau (_) et celles au mercure ( ) sont representees. 206 F. HOUSSAY courbes si dissemblables, l'une, dont nous avons déjà parlé, comprise entre deux asymptotes horizontales avec un point d'inflexion entre les deux : c'est à la fois la courbe de croissance et d'hypertrophie, l'autre, que nous rencontrons maintenant, l'hyperbole équilatère est la courbe de décroissance et d'atrophie. Les deux catégories de phénomènes sont biologiquement très distinctes ; il est naturel que deux courbes fort différentes les symbolisent. Ce résultat est susceptible d'une large généralisa- tion mais nous ne pouvons pas en entreprendre l'exposé de peur d'être entraînés trop loin. Je voudrais pourtant faire remarquer que le passage de l'évolution continue à l'évolution discontinue, ou de la trans- formation progressive à la mutation, devient, s'il s'agit d'une décroissance d'organe, une conception exactement représentée par la transformation d'une hyperbole équilatère en deux droites rectangulaires. Cette conception, si familière aux géo- mètres, nous rend aisé de comprendre que, dans une transfor- mation par croissance organique, notre courbe à deux conca- vités sera, en cas de mutation, remplacée par deux sections de droites parallèles réunies par un trait vertical, deviendra une marche d'escalier, suivant une image employée par Giard. Nous avons vu au chapitre II qu'à partir de la 3e génération le rein et le foie ont commencé à fléchir ; pour les organes qui nous occupent maintenant, tous abandonnent une génération plus tôt leur courbe type. A partir de la 2e génération, en effet, nos données expérimentales sont toujours au-dessus de ce qu'elles devraient être d'après leur début. Il y a là deux points à éclaircir. 1° Pourquoi l'atrophie est-elle plus faible que ce qu'on atten- dait % 2° Pourquoi l'atrophie digestive s'arrête-t-elle une géné- ration plus tôt que l'hypertrophie hépatique et rénale % Et d'abord peut-on dire que l'atrophie digestive s'arrête ? Remarquons que nos courbes ne nous renseignent que sur une atrophie relative, leurs points étant fixés par des valeurs du rapport d'un organe au poids total de l'animal. Cependant, comme les valeurs absolues nous renseigneraient bien moins VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 207 encore, il faut analyser tant qu'il se peut les valeurs relatives pour bien saisir le sens de leur variation. Soit ü) la longueur, le volume ou le poids d'un certain organe et P le poids total d'animal correspondant, nous observons que le rapport — n'a pas décru autant que nous l'attendions. Mais cela a pu survenir pour deux raisons, ou bien co n'a pas décru (ou n'a pas arrêté sa croissance) comme il fallait, ou bien P n'a pas crû autant qu'il l'aurait dû pour se tenir dans l'équilibre régulier avec w. C'est, je crois, cette dernière alternative qui est la véritable. Bien que le poids des animaux ait toujours été en croissant, il ne l'a pas encore été suffisamment. Or, l'intoxication, dont nous avons relevé la manifeste existence, a pour effet certain, rapide et constant l'abaissement du poids, comme perte de l'acquit ou comme manque à gagner ce qui devrait l'être. Si nous sommes dans le vrai, si c'est bien un manque d'accrois- sement du poids total qui relève les points de nos courbes, le phénomène fonctionne nettement aussitôt après la seconde génération, comme le montrent simultanément tous les organes digestifs en régression. Donc, la 3e génération subissait, en ne croissant pas assez, une nouvelle et très sensible marque d'in- toxication. Bien que le rein et le foie y aient encore crû, ils n'ont pas suffi à l'excrétion ; de là leur surmenage et leur régres- sion à la génération suivante. Ces concordances parfaites nous montrent que la correction de nos courbes en hyperboles équilatères est absolument légi- time et, malgré son insuccès final, notre expérience nous donne, pour la marche de la variation, une indication aussi sûre qu'une adaptation réalisée. Il est également important de remarquer que les hyperboles équilatères eussent atteint sensiblement l'horizontale à partir de la 6e génération, ce que nous a déjà indiqué exactement la variation hépatique et rénale. De plus, il faut noter que le surmenage des organes excréteurs 208 F. HOUSSAY à la 2e génération, précédant leur insuffisance anatomique qui se traduit seulement à la 3e, nous avait été déjà signalée par l'abondance de la mélanine à cette même 2e génération où elle présente son maximum (1). * Relevons encore quelques observations pour chaque organe en particulier. Sur l'intestin j'ajouterai peu de choses ; sa réduc- tion en longueur par le régime carné est conforme à toutes les observations déjà faites en anatomie comparée. Le fait nouveau, d'ailleurs important, est la réalisation expérimentale rapide de ce raccourcissement. Il convient de remarquer en outre que l'aspect de la paroi intestinale est changé ; elle devient plus épaisse et perd toute transparence. Ceci correspond sans aucun doute à de graves modifications histologiques ; mais mon atten- tion a été trop tardivement appelée sur ce sujet pour que j'y aie pu exécuter des recherches méthodiques. Au surplus, j'ai peu poussé mon travail du côté histologique qui, à lui seul, eût fourni la matière à des investigations aussi étendues que celles dont j'ai pu retirer des conclusions. Je donnerai çà et là quel- ques indications relevées à ce sujet afin surtout d'encourager ceux qui voudraient en compléter l'étude. La réduction du cæcum nettement réalisée par le régime car- nivore est un résultat que l'on pouvait aussi escompter. J'ai même donné une trop faible idée de la régression de cet or- gane en évaluant celle-ci par la réduction de la longueur. En jaugeant le volume, on aurait certainement constaté une bien plus forte diminution ; car les cæcums deviennent non seule- ment moins longs mais beaucoup plus étroits, leur calibre se réduit. Il ne faudrait pas conclure hâtivement de cette observation que, chez l'homme, la réduction du cæcum et la formation de l'appendice vermiculaire sont une conséquence certaine du pas- sage d'un régime originel exclusivement frugivore à un régime fortement carné, car certains singes possèdent aussi cet appen- dice vermiculaire. En général les carnivores ont le cæcum bien (1) Voir p. 191. VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 209 moins développé que les herbivores ; Faction de la viande n'est pas douteuse, mais le même résultat pourrait être atteint autre- ment puisqu'on ne trouve pas de cæcum chez des phytophages comme FUnau et FAï (Bradypus) ou chez certains rongeurs comme le Loir (Myoxus). De tous les organes, le jabot est celui qui a montré la réduction la plus prompte et la plus considérable. Afin d'apprécier son volume, je Fai jaugé en le remplissant d'eau toujours dans les mêmes conditions. Après avoir détaché le jabot, l'avoir vidé quand il y avait lieu et nettoyé par un courant d'eau, je posais une ligature sur son extrémité inférieure ; j'introduisais ensuite dans l'œsophage un petit entonnoir de verre, toujours le même, de façon que son extrémité vînt affleurer à l'entrée du jabot. Puis, tout étant suspendu, je versais de l'eau jusqu'à ce que l'entonnoir restât plein. Le remplissage avait ainsi toujours lieu sous la même pression d'une colonne d'eau d'environ 5 % de hauteur. Ceci fait, je comprimais entre deux doigts l'entrée du jabot et je rejetais l'eau restant dans l'œsophage et l'entonnoir ; puis je mesurais dans une éprouvette graduée l'eau contenue dans le jabot. Ces mesures étaient toujours parfaitement comparables entre elles et c'est avec leurs variations que j'ai construit mes courbes. J'ai voulu aussi pratiquer la jauge au mercure pour avoir quelque idée sur l'extensibilité de l'organe et sur la façon dont elle pouvait varier. Les mesures sont beaucoup moins précises que les précédentes; celles-ci peuvent être répétées par n'importe qui à la condition de prendre la même pression d'eau ; les jauges au mercure doivent être pratiquées par une même per- sonne pour demeurer comparables. Il ne pouvait plus être question de suspendre l'organe qui se fût indéfiniment distendu et eût enfin crevé sous la pression du mercure ; je le posais, muni de sa ligature inférieure, sur une cuvette de porcelaine à fond plat, puis je vidais aussi rapide- ment que possible le mercure. Le jabot s'étalait et en même temps se gonflait. On aurait pu verser du mercure jusqu'à 210 F. HOÜSSAY rupture, mais j'avais soin de marquer d'avance, à l’aide d’une épingle par exemple, l'orifice supérieur du jabot, parce que la turgescence poursuivie de l'organe aurait fini par incorporer tout l'oesophage dans le jabot et, aussitôt que le mercure attei- gnait ce niveau, je cessais de verser. C'est justement le moment auquel il convient de s'arrêter qui demeure indécis et il reste une part d'appréciation person- nelle inévitable. Sans exagérer donc l'importance de ces dernières mesures ni leur précision, je puis dire qu'en opérant, tant que je l'ai pu, dans les mêmes conditions, j'ai obtenu les indications suivantes. La jauge au mercure du jabot soutenu est toujours plus grande que la jauge à l'eau du jabot suspendu ; dans les mêmes condi- tions pour l'organe le résultat était évident d'avance, dans des conditions différentes il ne l'était pas. L'écart entre les deux mesures, très grand dans les premières générations, s'atténue ensuite pour devenir insignifiant. Ceci veut dire que non seule- ment le jabot se réduit mais que son extensibilité diminue et nous apprend que l'organe ne reste pas semblable à lui-même en plus petit. Sa structure change. Les glandes de l'œsophage et du jabot sont considérées comme ne fournissant qu'un mucus lubréfiant. Toutefois mon élève Camoin a pu démontrer que, chez les poules, ces glandes pro- dui ent une diastase transformant l'amidon en glucose ; il a nettement établi ce résultat tant par des macérations de jabots que par une fistule habilement pratiquée. Sur une poule soumise au régime de la viande depuis 18 mois, Camoin a reconnu, à l'aide d'une fistule, que la secrétion du jabot n'intervertit plus l'amidon qu'avec une intensité trois fois moindre que chez les poules granivores. La poule en question a succombé trop tôt pour permettre de voir si, par contre, la production glandulaire n'attaquerait pas les albuminoïdes ; elle s'est montrée sans action sur le blanc d'œuf dur. Ce résultat négatif n'est pas péremp- toire, vu la résistance particulière de cette albumine coagulée et vu les commencements manifestes de digestion sur la viande VARIATIONS EXPERIMENTALES 211 crue dont je trouvais des fragments dans le jabot des nombreux sujets que j'ai sacrifiés. Quant au gésier, le poids, que j'ai pris comme signe de la variatiou, s'est considérablement réduit. On s'en rendait compte du reste rien qu'à regarder l'organe ; il paraissait vraiment moins important dans l'ensemble des viscères que chez les poules normales. Si l'on y pratiquait une coupe par son plus grand plan diamétral, on voyait tout de suite que la cavité était beau- coup moindre. Le revêtement corné, d'abord très épais et très dur, devenait de moins en moins résistant et, dans les dernières générations, il formait une simple peau qui adhérait à peine aux tissus sous-jacents et ne présentait que très peu de dureté. Cependant, sur sa tranche, la paroi musculaire a montré jusqu'au bout la même épaisseur absolue ; c'est-à-dire que tout de même elle a beaucoup diminué d'importance dans l'ensemble de l'or- ganisme, puisque celui-ci est devenu beaucoup plus gros. Les muscles d'ailleurs s'étaient plus encore réduits en longueur. On sait que les oiseaux granivores ont l'habitude d'ingérer d'assez volumineux cailloux qui font, sous l'action des muscles du gésier, l'office de meules pour triturer les graines. Mes ani- maux, placés sur un sol fait de sable et de graviers, ne manquaient pas à cette pratique. A la première génération granivore, les cailloux recueillis à l'autopsie étaient à peu près en moyenne de la grosseur d'un pois ou d'un haricot, quelques-uns même plus gros. Insensiblement, les cailloux ingérés diminuèrent, devinrent plus petits et, à l'avant-dernière et à la dernière géné- ration, on ne trouvait plus que des grains de sable, gros comme la tête d'une épingle ordinaire. Le gésier servait donc encore d'estomac triturant pour achever la séparation des fibres de la viande ; mais ce rôle était moins difficile que dans le cas des graines, exigeait moins d'efforts et se restreignait de lui-même. J'aurais pu, en plaçant mes ani- maux par exemple sur un sol de bitume ou d'asphalte, empêcher totalement l'ingestion de tout corps solide et obtenir très proba- blement une plus forte réduction du gésier ; mais je n'ai pas 212 F. HOUSSAY voulu les obliger à agir autrement qu’ils ne l’eussent fait d’eux- mêmes dans la nature. Au surplus, la vie sur un sol artificiel Fig. 22. Dessins exécutés d’après nature, puis agrandis ou réduits pour correspondre à des animaux de même poids chez six poules descendues l’une de l'autre dans les générations successives. VARIATIONS EXPÉRIMENTALES m eût amené des modifications particulières sur les ongles que je tenais à observer dans les conditions normales. Ayant pris aussi des séries de pesées sur Pestomac entier, c'est-à-dire gésier et ventricule succenturié ensemble, j'ai obtenu 214 F. MOUSSA Y une seconde courbe exactement parallèle à celle du gésier seul, c'est-à-dire toujours équidistante de celle-ci. Cela prouve que le ventricule succenturié apporte à toute génération un poids relatif constant, qu'il ne varie pas en poids par rapport au reste de l'organisme. L'étude de la variation des organes par les courbes, que j'ai tracées et reproduites, est la plus claire et la plus démonstrative pour certains esprits, pour ceux notamment qui ont été formés par la culture mathématique. D'autres esprits, non pas inférieurs mais différents, se représentent avec peine les rapports exacts entre cette symbolique et la réalité dont elle sort. Ils auraient plus de satisfaction à voir la série même des pièces anatomiques ou tout au moins à en examiner des dessins fidèles. La repré- sentation par dessins il est vrai, n'étant que la projection sur un plan, n'intéresse que deux dimensions des organes et, pour ceux en particulier dont j'ai, d'autre part, évalué la variation par le volume ou le poids, c'est-à-dire par trois dimensions, il peut ne pas y avoir rigoureuse concordance entre les deux sortes de représentations. En outre le dessin fait sur chaque animal est individuel et se dégage moins des accidents personnels que les courbes faites avec des moyennes, tout au moins avec celles d’un couple. Néanmoins, il y a accord dans l’ensemble et comme, au sur- plus, l'examen de la forme est du plus haut intérêt, j'ai repré- senté la variation réalisée par une série de dessins (fig. 22, 23, 24 et 25). En disséquant chacun des animaux en expérience j'avais pris relativement au tube digestif, depuis l'entrée du jabot jusqu'au gésier compris, un croquis grandeur nature et tout à fait exact quant aux dimensions. L'examen ultérieur et la comparaison de tous ces dessins montre, avec une parfaite netteté, la réduc- tion du jabot et du gésier dont nous avons parlé ; mais, vu la différence de taille et de poids des divers animaux, elle ne permet pas d'avoir une mesure juste du phénomène. Le régime carnivore a dans l'ensemble augmenté le poids. VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 215 comme je P ai déjà dit, et fait croître les animaux. Si ce résultat avait été le seul, s'il y avait eu simple accroissement homothé- tique de tous les organes, sans changement de la forme animale , les réductions de tous les dessins, effectuées proportionnellement aux poids des animaux correspondants, devraient toutes coïn- cider, être un seul dessin. Une preuve objective peut en être donnée par la comparaison des deux poules II() et III0 de la génération granivore initiale. Elles différaient, comme nous Pavons déjà remarqué, non seule- ment par la taille mais par la race ; elles étaient toutefois de la même espèce et représentaient le même complexe organique défini. A la fin de P expérience III,, pesait 1917 grammes et II0 1354 grammes soit 29 % de moins. En augmentant de 29 % le dessin exécuté sur II0 on obtient identiquement le même gésier que celui de III() grandeur nature (fig. 22 et 24). Si les dessins, agrandis ou réduits de façon à correspondre à un animal toujours de même poids, ne sont pas identiques, leur différence traduira exactement le déséquilibre organique, c'est-à-dire le changement de forme. Des changements de forme définis de la sorte peuvent être et ont été constatés entre les jeunes et les adultes de la même espèce, ou entre les mâles et les femelles, ou entre animaux de même type mais de taille très différente à l'état adulte, comme le sont par exemple un moineau et un vautour ou mieux encore un chat et un tigre. Dans le cas que nous envisageons, il s'agit d'adultes de la même espèce, du même sexe et du même âge, la différence de forme, si elle existe, résulte donc exclusivement de la différence du régime alimentaire, la seule variable intro- duite. Examinons d'abord une série de dessins provenant des femelles comprises dans des couples descendant les uns des autres. Le tableau suivant donne l'échelle des réductions (signe — ) ou des accroissements (signe +) qu'ont subis les dessins en prenant pour unité le poids d'une des poules. 246 P. HOUSSA.Y POULES POIDS TOTAL VALEUR MODIFICATION AU DESSIN III0 1917 1 0 III, 1959 1,02 — 2 % VIL 1905 0,99 + 1 % VIII3 2243 1,17 — H % V4 2465 1,28 — 28 % L 2425 1,26 ~ 26 % Les modifications ci-dessus ont été effectuées avec le compas de réduction, dont les deux branches étaient réglées à chaque opération sur une échelle divisée en millimètres. Les divers dessins fixés côte à côte ont ensuite été tous uniformément réduits par la photographie. La série de la figure 22 met sous les yeux d'une manière frap- pante la réduction organique poursuivie pendant six générations. Ce procédé d'évaluation me semble rigoureusement exact, mais, pour ceux qui en douteraient, ajoutons qu'il nous donne seule- ment une mesure plus juste du phénomène et que ce dernier appa- raîtrait sans cela. Par exemple les organes de la dernière poule ont été réduits de 26 %, soit environ 1/4; si même on leur rendait ce quart, encore seraient-ils bien au-dessous des organes de la première poule qui en sont presque le double. Autrement dit, il y a non seulement réduction relative, mais aussi réduction absolue. Nous avons fait la même opération pour les mâles de ces couples suivant le tableau ci-dessous qui rapporte leurs poids à celui de la poule IXI0 précédemment choisie pour unité. COQS POIDS TOTAL VALEUR MODIFICATION AU DESSIN Io 2544 1,32 — 32 % Ii 2458 1,28 — 28 % VI2 2905 1,51 — 51 % IV3 3100 1,61 — 61 % VIL 3650 1,90 — 90 % HL 3650 1,90 . — 90 % VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 21? La série des figures établit toujours la même suite de réduc- tions, très sensibles dans les premières générations, moins dans ARCH. DE 2QOL. EXP. ET GÉN. 4e SERIE. — T. VI. — (v). l6 chez six poules appartenant à diverses générations. 218 F. HOUSSAY les suivantes ; c'est une représentation concordante avec ce que nous avons déjà obtenu par le tracé des courbes. La comparaison des figures 22 et 23 montre d'une façon sai- sissante la faiblesse relative des organes alimentaires chez les mâles. Ces animaux considérés, ainsi que nous l'avons fait, comme ne pesant pas plus qu'une femelle ont un tube digestif beaucoup plus faible que celle-ci. C'est l'expression d'un cas du dimor- phisme sexuel, phénomène dont je me propose de suivre la variation avec le régime dans un autre chapitre. Ftg, 25. Dessins exécutés d’après nature, puis réduits pour correspondre à des animaux de même poids, chez quatre coqs plus ou moins malades. Les couples qui se sont reproduits cinq générations de suite et dont, au résumé, la stérilité est le plus tardivement survenue sont formés des animaux qui ont le mieux résisté à l'intoxica- tion du nouveau régime, qui se sont le mieux prêtés à l'élimina- tion nécessaire, qui se sont, en un mot, le mieux adaptés. Leur variation est donc la plus rapprochée de la règle et, si elle s'écarte un peu de celle-ci, puisque la règle exacte serait l'hyperbole équilatère qu’ils ne suivent pas tout à fait, ce sont eux qui s'en variations experimentales 219 écartent encore le moins. C'est une nouvelle raison de croire bien établie notre loi de régression que de voir les animaux les plus normaux s'en rapprocher le plus. Considérons en effet une série de six autres poules apparte- nant aux premières générations (fig. 24). Voici l'échelle de réduction des dessins : POULES POIDS TOTAL VALEUR MODIFICATIONS AUX DESSINS Ho 1354 0,71 + 29 % IL 1907 0,99 + 1 % II2 1912 1 0 IV, 2014 1,05 — 5 % III» 1900 0,99 + 1 % IL 1860 0,97 + 3 % Les dessins montrent encore une réduction, mais moins fran- chement poursuivie que dans le cas précédent. Ces poules, qui s'écartent de la normale par une stérilité plus précoce, s'en écartent aussi par une moindre réduction relative du gésier et du jabot. Ceci tient à ce que, étant plus intoxiquées que les autres, leur poids a faibli davantage et se trouve moins près de ce qu'il devrait être ; par suite les rapports des organes aux poids deviennent trop forts dans les dernières générations. Puisqu'il s'agit d'arguments détaillés pour renforcer la con- clusion par laquelle nous avons légitimé l'hyperbole équilatère comme expression de la loi de réduction organique dans l'adap- tation, je vais encore mettre sous les yeux les organes digestifs de quatre coqs empruntés à trois générations successives. Les dessins (fig. 25) sont à l'échelle de réduction suivante : COQS POIDS TOTAL VALEUR MODIFICATIONS AUX DESSINS L 2800 1,46 — 46 % I 3 2700 1,41 — 41 % L 2735 1,42 — 42 % IL 2127 LU — H % F. HOUSSAY 22Ô Ces coqs sont parvenus à l'état adulte, ont parcouru leur année de vie presque entière, manifestement toutefois leurs poids sont trop faibles. C'est l'explication de la série paradoxale de leurs dessins qui montre un accroissement du tube digestif sous l'influence du régime carné. Tel est en effet le fait brut, il demande une interprétation et une critique. En examinant les notes individuelles de ces animaux on trouve : 12 : normal. 13 : mort spontanément le 17 octobre 1903, après un jour de malaise, péritonite tuberculeuse, tubercules dans le foie, tumeur d'un testicule, etc... II4 : sacrifié le 11 mars 1904 — tuberculose intestinale avec envahissement du mésentère, trois petits tubercules dans le poumon — castration parasitaire (deux testicules = 1 gr. 9) — obstruction intestinale et dilatation consécutive du jabot, etc... 14 : sacrifié le 31 mai 1904. — Obstruction intestinale, trou- bles nerveux, péritoine épais, résistant, fibreux, pleine activité génitale (testicules 40 gr. 75) — début de tuberculose qui a peut-être déjà envahi les centres nerveux. La faiblesse des poids n'est pas douteuse non plus que sa cause ; de là vient une moindre réduction relative des organes ü) digestifs. Il est en effet visible que, dans — c'est P qui est trop faible et qui donne au rapport une valeur trop grande. C'est la cause même que j'ai invoquée dès le début et que je répète. Si la réduction ne suit pas pour finir la marche indiquée par son commencement, c'est que le poids ne croît plus assez, tantôt brutalement comme dans les cas de maladies avérées, tantôt insidieusement par l'auto -intoxication du régime qui montre par ailleurs tant d'autres manifestations Les indications convenablement critiquées de ces vingt-deux animaux nous conduisent donc toutes au même terme ; elles sont aussi instructives et même plus que celles d'une adaptation qui se fût poursuivie sans arrêt. Les autres animaux observés ■ / '• • ■ ,> • VARIATIONS EXPERIMENTALES 221 sont morts ou trop jeunes, ou trop manifestement malades pour qu'il soit utile de mettre leurs organes en parallèle avec les autres. CHAPITRE VI VARIATIONS DU CŒUR, DU SANG ET DES GLOBULES SANGUINS Sommaire. — Les variations du cœur et de la quantité de sang sont peu appréciables. — Courbes de ces variations. — Numération de globulés dans une génération granivore et une carnivore. — Variations de ces nombres au cours de la vie. — Construction de courbes comparatives pour les mâles. — Les mêmes courbes pour les femelles groupées en deux races. — Courbes rythmiques à deux dépressions. — Etude du rapport de ce phé- nomène avec l'activité génitale. — Le régime carné combat efficacement l’anémie résul- tant de la dépense génitale mâle. — Comparaison du rythme de l’anémie et du rythme de la ponte. — L’anémie correspond à la préparation des œufs et non à leur émission. — Le régime carné tend à rendre les deux phénomènes contemporains, c'est-à-dire à accélérer la ponte. Le cœur étant un des organes sur lesquels le dimorphisme sexuel s'accuse avec le plus d'importance et la quantité de sang étant dans le même cas, il est absolument nécessaire de n'instituer à leur égard de comparaisons que dans des couples successifs, pour chacun desquels on prend la moyenne des valeurs chez le mâle et chez la femelle. La quantité de sang a été évaluée de la façon suivante : les animaux ont toujours été sacrifiés par saignée pratiquée en sectionnant, suivant l'usage banal, les veines du palais et de l'arrière-bouche ; le sang était recueilli dans une capsule de por- celaine de poids connu et pesé aussitôt. Le cœur était pesé seul, c'est-à-dire débarrassé des gros troncs artériels et veineux, coupés dès leur naissance, ainsi que de la graisse qui s'accumule facilement dans le sillon entre les oreil- lettes et les ventricules. Les résultats de ces diverses mesures rapportées à cent grammes de poids total avant la mue sont rassemblés ci-dessous ; 222 F. HOUSSAY GÉNÉRATIONS SANG CŒUR 3,59 0,43 3,90 0,46 3,63 0,42 3,87 0,37 4,31 0,43 4,31 0,40 La courbe exprimant cette variation est construite de la façon suivante. Le temps est porté en abscisses en comptant 25 % pour la durée d'une génération et, sur les ordonnées, on compte 1 % par décigramme de sang pour cent grammes de poids total et 1 % par* centigramme de cœur dans les mêmes conditions. La variation de ce dernier organe est donc figurée par une échelle verticale dix fois plus grande que celle du sang, dans le seul but pratique de rendre les deux variations également visibles. Fig. 26. Courbes de la variation du sang et du cœur dans les générations successives. Rapports du poids à 100 gr. du poids total. L'examen des courbes montre qu'il n'y a aucun changement dont on puisse faire état avec certitude. Si même on observe que les derniers rapports devraient être un peu baissés, comme je l’ai longuement expliqué précédemment, on trouve que la quantité de sang est demeurée tout à fait constante, tandis que le poids du cœur a subi une petite baisse ; celle-ci est bien nette mais trop faible pour que l'on puisse y attacher une grande importance. VARIATIONS EXPERIMENTALES 223 Après avoir enregistré cette constance qui n'est pas sans intérêt, il faut, à l'égard du sang, relever d'autres observations qui sont fort curieuses. Pendant les deux premières générations, j'ai effectué, environ chaque quinzaine, un comptage de globules sur une goutte de sang, prise par piqûre à la crête des animaux. Voici d'abord les données numériques relevées avec le compte-globules Malassez ; elles s'entendent par centimètre cube de sang à la condition d'ajouter quatre zéros à la droite de chacun des nombres ins- crits dans les colonnes de notre tableau. DATES Jours de vie Io coq «O III« II coq IIl HIl 31 déc. 1900 160 „ „ „ ' 205 200 304 7 janvier 1901 167 304 264 349 » » » 14 — 174 » » » 265 296 301 21 — 181 226 289 242 »» » » 28 — 188 » » ». 245 352 204 4 février 195 342 349 163 » » » 11 — 202 » » » 289 314 252 18 — 209 441 304 287 » » » 25 — 216 » » » 325 283 204 4 Mars 223 370 299 306 » » » 18 — 237 » » )) 333 265 170 1er avril 251 327 160 265 » » » 15 — 265 » » » 287 240 216 29 — 279 396 247 217 » » » 15 mai 295 » » . » 350 210 294 3 juin 314 389 342 218 402 168 276 8 juillet 349 399 250 couve 365 287 213 2 septembre 405 334 183 ■ 218 433 178 328 26 — 429 280 151 382 323 249 178 2 novembre 465 352 266 251 421 230 319 Totaux . » 4.160 3.104 2.898 4.243 3.272 3.259 Moyennes. . >» 3.466.6661 2.586.666 2.634.545 3.263.846 2.516.923 2.506.923 Tout d'abord, si l'on se borne à considérer les totaux et les moyennes, ces dernières obtenues en divisant chaque total par le nombre des opérations qui l'ont fourni, on remarque que les animaux nourris au grain ont tous régulièrement un sang plus riche en globules que les animaux nourris à la viande, à la con- dition seule de comparer entre eux les mâles et entre elles les 224 F. HOUSSAY femelles. Ce résultat est de quelque intérêt, mais il est difficile de s'en contenter. Le nombre des globules sanguins est, en effet, bien loin d'être une donnée constante pour chaque animal dans le cours d'une vie ; il peut même varier plus que du simple au double, si l'on considère les nombres extrêmes. Chaque animal subit une alter- nance d'anémies et d'hyperhémies relatives. Les oscillations que nous apercevons sont-elles dues au hasard, c'est-à-dire à des causes complexes qui doivent nous demeurer inconnues, ou bien suivent-elles un rythme commun avec quelqu'une des grandes manifestations physiologiques de l'état adulte ? — avec la ponte, notamment, qui, elle aussi, subit des fluctuations. Pour le savoir, j'ai construit les courbes des variations dans le nombre des globules sanguins. Fig. 27. Variation dans le nombre des globules sanguins, au cours d’une année de vie chez deux coqs, l’un granivore, l’autre carnivore. Je prends pour abscisses les temps à raison de 1 % pour deux jours de vie et pour ordonnées le nombre des globules VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 225 (sans les quatre zéros) à raison de 1 % pour quatre unités, par exemple une ordonnée de 60 % correspond au nombre 240 pour les globules ou à 2.400.000 globules par centimètre cube de sang. Fig. 28. Variation dans le nombre des globules sanguins, au cours d’une année de vie, chez deux poules, groupées d’après les qualités de race ; ce groupe contenant un animal granivore IIIo et un carnivore IIIi. En construisant ces courbes on fait de suite plusieurs remar- ques : 1° — D'abord il y a des oscillations de détail et des oscilla- tions d'ensemble. Pour conserver les unes et les autres, toutes les courbes comprennent des traits pleins joignant directement les divers points obtenus, puis des traits interrompus qui réu- nissent, en suivant la continuité, les minima et les maxima des tracés précédents. Chaque courbe fournit deux de ces lignes en traits interrompus ; elles enferment une surface plane qui a été couverte de hachures horizontales s'il s'agit d'un animal carnivore, verticales s'il s'agit d'un granivore. Les ondulations 226 F. HOUSSAY de la surface représentent les oscillations générales de l'anémie et de l'hyperhémie. 2° — On s'aperçoit encore que les courbes relatives aux mâles et celles relatives aux femelles ont des allures très diffé- rentes. La figure 27 représente les courbes des deux mâles mises à part. 3 — Parmi les quatre femelles les courbes se groupent deux à deux, non d'après un même régime mais d'après les caractères de race que nous avons signalés dès le début (1). D'où une figure (fig. 29) pour la variation des globules sanguins chez II0 et II j et une autre pour III0 et III, (fig. 28). Fig. 29. Variation dans le nombre des globules sanguins, au cours d’une année de vie, chez deux poules groupées d’après les qualités de race ; ce groupe contient un animal granivore IIo et un carnivore 1 II. 4° — Enfin, ces courbes, malgré leurs dissemblances de détail, offrent toutes le caractère commun d’être des courbes à deux vallées, c'est-à-dire qu'elles présentent deux minima mi et m2 séparés par un maximum Mr Avant de se creuser en la première vallée m„ elles ont toutes un premier maximum M0. (1) Voir p. 167. VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 227 Oe n'est pas la première fois que nous voyons ainsi la vie annuelle d'une poule manifester un rythme oscillatoire à deux ondes ; nous l'avons déjà remarqué à propos de l'excrétion des produits azotés solubles ; nous le verrons plus tard pour la ponte. Essayons d'analyser d'un peu près la manifestation qui s'offre actuellement à nous, celle relative à la richesse du sang en hématies et, pour cela, examinons d'abord les courbes des mâles. Elles sont aussi à deux vallées avec deux maxima M0 et M, et deux minima ml et m2. Le premier maximum marque l'ar- rivée en santé à l'état adulte, avant toute activité génitale et il est important de constater que, chez le coq nourri au grain, ce maximum est à la fois plus précoce et plus élevé que pour le coq nourri à la viande. Cependant suivons individuellement chacun des deux ani- maux et commençons par le granivore I0. Les diverses fonctions ayant les unes sur les autres un profond retentissement, nous sommes obligés d'anticiper ici sur la question de la ponte, que nous traiterons plus au long, chapitre VII, p. 233, en donnant les courbes relatives à cette fonction. Le premier maximum M0 a lieu au 209e jour. Or les deux poules qui sont avec le coq I0 ont commencé à pondre : II0, le 184e jour et III0 le 247e jour. La date du maximum en question correspond donc au début de l'activité génitale, époque à par- tir de laquelle l'exercice de la fonction va faire baisser cons- tamment le nombre des globules chez le mâle. Ce nombre atteint un premier minimum ml au 252e jour, moment auquel le coq féconde pleinement ses deux poules, dont le premier maximum de ponte est le 290e jour. Après cela, l'anémie cesse peu à peu et l'amélioration maxima Mt a lieu au 318e jour qui correspond à un répit génital, dû à la mise en incubation d'une des poules (III0) et à la baisse homo- logue dans la ponte de l'autre (II0). Enfin, nouvelle baisse et nouveau minimum au 426e jour cor- respondant au deuxième maximum dans la ponte des deux femelles atteint le 420e jour. 228 F. HOUSSAY Il n'est donc pas douteux que, chez le coq, l'oscillation de l'anémie et de l'hyperhémie ne suive la suractivité ou le repos génital. Voyons maintenant le deuxième mâle, Ir Sa courbe est aussi à deux vallées ou à deux flexions, mais son allure générale est en remontant tandis que la précédente allait en baissant. Donc, si ce coq carnivore ressent encore l'anémie de la suractivité génitale, c'est à un moindre degré : le régime carné est plus favorable que le régime des grains pour combattre cette dépres- sion précise. Le régime de la viande paraît supérieur pour réagir contre la fatigue organique, spécialement V anémie, provenant de la suractivité génitale chez le mâle. Est-il encore vrai que les maxima et les minima même légers de cette courbe ascendante traduisent les variations de la fonc- tion génitale ? Le maximum M0 est au 239e, jour suivant de près l'établis- sement de la ponte chez les femelles (202e et 218e jours). Un premier minimum mt assez faible apparaît au 262e jour quand les deux poules à la fois pondent régulièrement, le maximum de leur ponte étant au 300e jour. La courbe de globules du coq traverse un nouveau maximum Mt le 369e jour, accusant un répit de la fonction qui coïncide exactement avec le minimum de ponte chez les femelles inscrit le 370e jour. Enfin un deuxième minimum m2, assez peu marqué d'ailleurs, survient au 440e jour et tombe dans la seconde reprise de ponte, du 370e au 470e jour, avec maximum au 390e jour. Si nous examinons maintenant les courbes des femelles, groupées deux par deux suivant les affinités de race (fig. 28 et 29), nous y constatons d'abord, en tous cas, les deux vallées comme nous l'avons déjà dit. Nous pouvons voir en plus dans chaque groupe que le régime carné repousse dans le temps les points m{ et M, et avance m, ; autrement dit, il concentre les phénomènes dans une plus brève durée. Mais quel rapport tout cela peut-il avoir avec la ponte ? J'ai eu les plus grandes difficultés pour trouver une relation quel- VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 22Ô conque et je finissais par croire qu'il n'y en avait aucune, quand j'ai enfin reconnu dans les phénomènes une certaine sériation qu'il est intéressant de signaler. Les courbes de ponte que je donne au chapitre YII sont faites avec les moyennes de toutes les poules vivant avec un même coq ; j'ai dû construire des courbes individuelles pour les quatre femelles étudiées ici, puisque j'avais des courbes individuelles pour la variation des globules. Ces courbes individuelles de ponte ressemblent fort aux courbes moyennes, aussi n'est-il pas utile de les reproduire ; prenons simplement note de leurs points remarquables. FEMELLES DÉBUT DE LA PONTE ]er MAXIMUM MINIMUM (Incubât.) 2e MAXIMUM FIN DE LA PONTE IIIo 250e jour 290e jour 370e jour 420e jour 480e jour IIIl 210e — 310e — 360e — 390e — 470e — IIo 190e — 290e — 380e — 420e — 480e — II, 220e — 305e — 360e — 390e — 470e — Pour comparer entre elles les courbes de pontes et les courbes de globules, il faut simplifier les données trop abondantes du problème et retenir seulement qu'il s'agit de deux phénomènes oscillatoires dont nous voulons confronter les rythmes. A cet effet il convient de conserver rigoureusement les rythmes , c'est- à-dire de pointer exactement en abscisses les temps auxquels surviennent les divers maxima et minima dans les deux cas. Mais il n'est aucunement utile de conserver les amplitudes des oscillations, puisqu'il s'agit de deux phénomènes différents, la ponte et le nombre de globules, qui ne sont pas comparables en grandeur. Nous simplifierons singulièrement les tracés et les rendrons plus lisibles en adoptant une amplitude constante, c'est-à-dire en mettant, pour chaque poule, tous les minima de ponte ou de globules sur une même ligne horizontale et tous les maxima de ponte et de globules sur une autre ligne. Cela fait, nous joindrons entre eux les maxima et les minima de ponte et entre eux les maxima et les minima de globules. Nous aurons 230 P. HOUSSAY 750 9 1 5 4 0 P 3 11 4 4 3 P4 6 5 1 .0 Po 8 6 2 0 Pô 4 4 0 0 Nous n'avons pas Fintention de traiter en entier le gros pro- blème de la détermination du sexe que nous rencontrons sur notre chemin, ni de rapporter tout ce qui a été écrit à ce sujet. Les derniers expérimentateurs, E. Yung, Kellog et Bell, étudiant Faction de la quantité d'aliments, Matjpas, celle de la température, B. Hertwig, l'effet de la faible ou de la forte maturation des œufs, ont certainement entamé la question, mais il reste à faire de nombreux travaux avant qu'elle soit entièrement résolue. Je me permets d'y apporter une suggestion directement retirée de l'expérience et relative à Faction des toxines, poisons, substances solubles diverses, qu'il est relati- vement facile d'expérimenter et dont l'étude déblaiera le sujet et rendra la solution plus prochaine. En méditant en effet sur les données que j'apporte, on arrive à se demander si l'intoxication ne joue pas un très grand rôle dans ces phénomènes et si, par exemple, chez les animaux fixés et parasites, la surnutrition, la faible dépense et l'intoxication résultante des adultes et des germes ne sont pas parmi les rai- sons qui déterminent la pluralité des mâles et l'arrêt ordinaire de leur développement, leur pygméisme. Ces êtres présentent, avec la polyandrie , un renversement du dimorphisme sexuel normal, c'est-à-dire le plus fréquent. Leur cas dépasse l'herma- phroditisme, de l'autre côté duquel on. trouverait successivement la monogamie, avec égalité numérique des mâles et des femelles et dimorphisme réduit , puis la polygamie, avec pluralité des femelles et dimorphisme sexuel inverse du premier. VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 257 Or, normalement, les Gallinacés pratiquent la polygamie et sont doués du dimorphisme sexuel correspondant, qui consiste en la supériorité de force musculaire et de taille chez le mâle, en un plumage plus abondant et plus éclatant, une crête plus développée, la possession d'un ergot, etc. Il existe en outre une différence très considérable dans le rapport des organes internes au poids total chez les mâles et chez les femelles, établissant un dimorphisme sexuel organique ; nous traiterons un peu plus loin de ce sujet particulier. Je ne sais si, dans la nature, les mâles gallinacés naissent moins nombreux que les femelles, mais je le crois volontiers, en tous cas leur nombre est rapidement réduit par les luttes sexuelles. La combativité des mâles est en effet l'un des instincts essentiels des animaux à dimorphisme sexuel polygame et, au moins au premier examen, cet instinct paraît vif surtout chez les végétariens : granivores, herbivores, frugivores. Les carni- vores semblent combattre plutôt pour une place ou pour une proie que pour une femelle. Rien n'est paisible comme une assemblée de chiens à la porte d'une chienne en chaleur. Le premier pas dans la marche de la polygamie à la polyan- drie serait donc la réduction de la combativité chez les mâles. Si notre idée est exacte, le régime seul, c'est-à-dire une action du monde ambiant et l'état physique qu'elle détermine doivent y conduire l'animal, malgré la réduction dans le nombre des femelles qui devrait rendre la concurrence plus âpre, si celle-ci était vraiment un facteur initial et non un résultat, si elle était une cause de sélection et non un effet d'évolution antérieurement et autrement déterminé. Or, dans mon expérience, j'ai précisément assisté à une in- croyable réduction de la combativité chez les mâles. Au début, les deux mâles mis en expérience avaient l'instinct en question aussi développé que leurs congénères. Je m'en suis assuré par l'expérience suivante faite le 11 avril 1901. I. Le coq carnivore (I,) est mis dans la cage où le granivore (IJ se trouve avec ses poules. Ce dernier saute instantanément 258 F. HOUSSAY sur l’intrus et lui arrache une poignée de plumes. Le carnivore se laisse battre, on les sépare. II. L’événement avait été si prompt qu’il ne fallait pas trop rapidement conclure à la lâcheté carnivore. On remit le coq carnivore dans la cage du granivore, après avoir, au préalable, lié les pattes de celui-ci. Le carnivore montra l’instinct de pro- vocation en se dirigeant vers l’auge aux grains et en invitant les femelles à manger ; c’est le prélude de la lutte des mâles. Les poules, dont le repas était fini depuis longtemps et qui ne mangeaient plus, acceptent cependant par politesse et tous les trois mangent avidement. Le coq granivore ne pouvant bouger, on arrête l’épreuve. III. On introduit le coq granivore dans la cage du carnivore, les deux animaux étant libres, expérience inverse de la première. Le carnivore ne saute pas immédiatement sur son antagoniste comme celui-ci l’avait fait en circonstance analogue. Le grani- vore avise un morceau de viande et invite les poules à manger ; celles-ci s’approchent. Mais, à cette provocation précise, le coq carnivore se décide à marcher au combat, saute du perchoir et bondit en face de son agresseur. Une lutte acharnée s’engage, on ne la laisse pas durer mais déjà les crêtes et les joues sont déchirées et le sang ruisselle. — Séparation des combattants, points de suture. Le carnivore, quoiqu’un peu moins batailleur que l’autre, est donc encore capable de répondre à une provocation nettement exprimée et de soutenir un combat sans faiblir. On pourrait se contenter de dire que son empressement un peu moindre est une simple caractéristique personnelle, une variation individuelle et cette nomenclature, car ce n’est pas autre chose, éviterait de réfléchir à la causalité. Mais la suite de l’expérience montre bien que l’aliment est, pour ces phénomènes, un déterminisme causal et qu’il ne suffit pas, pour les interpréter, d’invoquer des pro- priétés intrinsèques ou des qualités de l’animal. Les poulets de 2e et de 3e générations conservaient encore l’instinct batailleur et, dès la 3e semaine, ils commençaient à VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 259 s'entr'attaquer. Les combats étaient encore assez sérieux puisque r un des coqs (V2) reçut sur la tête de tels coups de bec qu'il eut les pattes postérieures complètement paralysées pendant 15 jours. Aucune expérience méthodique ne permit de dire si l'instinct, toujours manifeste, était ou non en décroissance. A la 4e génération, sur six éclosions, il y eut cinq coqs et une poule. Un coq mourut très jeune et quatre mâles demeurèrent auprès de l'unique femelle jusqu'au mois de novembre. Ces animaux, âgés de 5 mois, vivaient en paix complète ; des coqs ordinaires se seraient depuis longtemps entre-tués. Un des coqs mourut, trois restèrent et, vers la fin de décembre, ils couraient après la poule, la saisissaient par la crête, prélude des approches sexuelles pour lesquelles ils n'étaient pas encore mûrs. Ils se livraient à ces jeux chacun à leur tour et sans aucun combat. L'époque du coït arrivée, ils se partagèrent la femelle unique, sans que l'excitation génitale augmentât leur combativité. En mars, un second coq fut supprimé. Les deux restant continuèrent à vivre en paix, jusqu'au moment où l'un d'eux prenant l'aspect maladif fut écarté de la reproduction en vue de meilleurs pro- duits. A la génération suivante, restaient en présence après les morts très précoces, 3 coqs et une poule. Ces quatre animaux n'étaient pas de la même couvée. La poule et les coqs IL; et III5 étaient nés le même jour (3 juin), IV5 était né le 15 juillet. -Tout d'abord IL; et III5 vécurent sans trouble avec la femelle jusqu'en octobre, bien que II5 fût tout à fait faible, ce qui est une raison ordinaire pour être plus battu. On n'osait pas mettre avec eux le coq IV5 beaucoup plus petit. En août cependant, comme il prenait de la taille, on se risqua à l'introduire dans la cage des autres , qui le houspillèrent de concert avec la poule. La participation de celle-ci me fit croire qu'ils le battaient moins comme mâte que comme étranger ve- nant prendre sa part des repas. En octobre, je fis renouveler l'expérience, elle eut le même résultat. Alors je tentai de faire entrer les deux grands coqs et 260 F. HOUSSAY la poule dans la cage du petit, renversant les rapports de pro- priété. Le petit coq IV3 très craintif fuyait partout et se cachait ; mais les autres ne le poursuivaient pas. Ils s'habituèrent rapi- dement ensemble et firent un bon consortium polyandrique jusqu'à fin novembre où deux coqs furent sacrifiés pour maladie. Le dimorphisme sexuel, atteint si fortement dans les instincts, ne paraissait pas l'être sensiblement dans les caractères sexuels secondaires : crête, ergots, plumage. Cependant la dernière poule I3 prit dans le cours de son année de vie un ergot très -accentué. Le fait n'est pas absolument rare chez de vieilles poules, mais en ce cas il s'agit d'une poule très jeune, dans sa première année. Le dimorphisme sexuel organique, au contraire, a beaucoup varié. Afin d'évaluer par des nombres le dimorphisme pour un organe donné, je calcule d'abord le rapport du poids de cet organe à 100 grammes de poids actif chez les femelles et j'effectue la même opération chez les mâles, à chaque génération, en pre- nant la moyenne des femelles et la moyenne des mâles quand il y a plusieurs animaux du même sexe. Cela fait, je divise le nombre relatif à l'organe chez les femelles par le nombre relatif au même organe chez les mâles ; j'obtiens ainsi un nouveau rapport qui traduit le dimorphisme sexuel. Le rapport est supé- rieur à l’unité pour les organes qui sont plus importants chez les femelles, inférieur à l'unité pour les organes qui sont plus importants dans le sexe mâle. D'une façon générale les organes se rangent de la façon sui- vante : Organes supérieurs chez les femelles Organes supérieurs chez les mâles Intestin. Cœur. Gésier. Poumon. Cæcum. Muscles. Pancréas. Foie. Rate. Mais la valeur du rapport de dimorphisme sexuel organique subit des variations assez grandes suivant les générations. J'ai VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 261 fait les calculs en distinguant entre les deux séries a et (3 et voici les résultats obtenus. RAPPORTS DE DIMORPHISME SEXUEL ORGANIQUE ( Série [3 ) GÉNÉRATIONS Po Pi P2 P3 P4 Po Intestin 1, 14 1, 40 L 35 1, 26 1, 44 1, 52 Gésier 1, 12 2, 74 1, 65 1, 05 1, 56 1, 01 Cæcum . L 05 1, 46 1, 61 1, 09 1, 53 1, 30 Pancréas o, 95 2, 45 L 43 0, 91 ! L 15 1, 53 Foie 1, 40 1, 60 1, 25 ! L 14 ! 1, 31 1, 42 Rein 0, 80 1, 59 1, 90 1, 13 1, 53 ; L 30 Rate 0, 80 1, 33 L 27 1, 41 1, 26 60 Cœur o, 60 1, 01 0, 92 o, 88 o. 93 o! 87 Poumon 0, 79 0, 98 0, 76 0, 96 0, 66 0, 63 Ra, rate ; P, pancréas;; I, intestin ; F, foie ; R, rein ; C, cæcum ; G, gésier ; Cœ, coeur , Po, poumons. 262 F. HOÜSSAŸ Un second tableau groupe les mêmes données relatives à la série a, mais s'étend seulement sur quatre générations par suite de l'extinction plus précoce de la race. RAPPORTS DE DIMORPHISME SEXUEL ORGANIQUE ( Série a) GÉNÉRATIONS Po Pi P 2 P3 Intestin . 1, 76 1, 32 1, 64 1, 68 Gésier. . 1, 26 1, 45 1, 55 1, 86 Cæcum 1, 56 1,79 1, 46 1, 58 Pancréas. . . 1, 35 1, 91 1, 18 0, 91 Foie 2, 12 1, 80 1, 71 0, 86 Rein 1, 33 2,01 2, 25 0, 80 Rate 0, 90 1, 08 1,41 2 Cœur 0, 82 1,01 0, 79 0, 73 Poumon » » 1, 02 0, 48 Fig. 42. Courbes de la variation du dimorphisme sexuel organique aux diverses générations (série a). Mêmes lettres que fig. 41. Avec ces nombres j'ai tracé deux séries de courbes en prenant pour abscisses les temps à raison de 25 % pour la durée d'une Variations expérimentales 2ô3 génération et pour ordonnées les valeurs du rapport de dimor- phisme à raison de 1 % pour un changement de 0,01 dans la valeur du rapport. Aussi les valeurs 1,50 et 1,60 sont séparées par 10 % en hauteur ; 1,48 et 1,50, par 2 %, etc. L'axe horizontal, tracé à la valeur du rapport égal à l'unité, représente un dimorphisme nul ; les organes comparés étant égaux puisque leur rapport est 1. Les courbes, ayant subi la même réduction photographique, montrent de curieuses variations, différentes dans la race qui s'éteint vite et dans celle qui persiste davantage. Pour bien comprendre dans* son détail la signification des deux courbes, il faudrait une étude particulière et approfondie de ce sujet spécial et sans doute mériterait-elle d'être faite. Nous allons pour le moment nous contenter de quelques indications générales. Au début, la race a, meilleure pondeuse, a un dimorphisme sexuel organique plus accentué que la race (3. Dans cette race a, le rein seul et le pancréas manifestent un accroissement du di- morphisme dès que le régime change ; mais l'accroissement ne persiste pas et est suivi d'une régression rapide qui amène, à la 3e génération, l'inversion du rapport, à laquelle arrive aussi un autre organe essentiel : le foie. Le dimorphisme de la rate aug- mente de plus en plus, ce qui est sans doute un symptôme d'in- toxication chez les femelles, à foie et à rein insuffisants pour leur sexe. Pour la race (3, le changement de régime accroît brusquement le dimorphisme de tous les organes à supériorité femelle ; mais bientôt le dimorphisme baisse pour atteindre un fort minimum à la 3e génération, où toutes les courbes se resserrent autour de l'axe 1. Dans l'évolution de nos animaux, là est le point critique que nous avons signalé partout. Une seule femelle laisse des descen- dants et le petit relèvement des dimorphismes à la génération P4 est un jeu de sélection. Son effet, d'ailleurs, ne dure pas et dès la génération suivante toutes les courbes se réinclinent plus ou moins vers l'axe d'unité à dimorphisme nul. 264 F. HOUSSAY Il est encore à observer que, dans cette race, la courbe qui figure le dimorphisme de la rate a des pointements inverses de ceux des autres organes, notamment de ceux des reins et du foie ; les courbes oscillent en sens contraire, montrant en quelque sorte la suppléance tentée par la rate pour réagir à l’intoxication quand le foie et le rein faiblissent chez les femelles ou l’engor- gement qu’elle subit de ce chef. Au résumé, la réduction du dimorphisme sexuel que faisait soupçonner la perte de l’instinct de combativité chez les mâles est une réalité profonde et organique et la réduction est consé- cutive à un changement de régime alimentaire. CHAPITRE IX VARIATIONS DU BEC ET DES ONGLES Sommaire. — Adaptations du bec et des ongles chez les Rapaces. — Interprétations de ces phénomènes. — Accroissement des ongles et balafres que subissent les poules dans le coït. — Données sur l'accroissement manifeste du bec et des ongles. — Adaptations de non-granivores plutôt que de carnivores. L’ensemble des recherches précédemment exposées permet de conclure que l’évolution d’un oiseau granivore en oiseau carni- vore consiste surtout dans une adaptation digestive, hépatique et rénale. Cependant ce ne sont pas les adaptations qui ont été remar- quées de prime abord et l’on a vu plutôt le caractère distinctif des oiseaux carnivores dans la forme spéciale de leur bec recourbé, à mâchoire supérieure débordant de beaucoup l’inférieure et dans leurs ongles très développés, incurvés, tranchants, auxquels on applique le nom spécial de serres. Ces dispositions anatomiques sont diversement comprises par les zoologistes. Pour les uns, bien que cette opinion perde chaque jour du terrain, le bec tranchant et les serres rapaces sont les caractères primordiaux et nécessaires, les propriétés d’avance dévolues aux oiseaux qui doivent se nourrir de chair, afin qu’ils VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 265 puissent saisir et retenir leurs proies aussi bien que les dépecer après capture. Pour les autres, ces qualités de forme, étant avantageuses dans la capture et le dépeçage des proies, ont dû se développer et se fixer par la sélection, pour peu que certains individus aient bien voulu, par hasard, en montrer le début. Pour d'autres enfin, l'usage de saisir et de déchirer une proie, réalisé d'abord péniblement avec un bec et des ongles quel- conques, a peu à peu acéré les organes préhenseurs par le résultat seul des tractions et des compressions qu'ils supportaient — d'une façon que d'ailleurs il faudrait bien préciser un peu plus. Je dois avouer que j'ai d'abord été victime de cette dernière manière de voir. Malgré qu'H olmgrén eût déjà dit que, chez ses pigeons nourris plusieurs années à la viande, le bec se trans- formait par débordement de la mâchoire supérieure sur l'infé- rieure, je n'attendais rien de pareil. Car je donnais à mes poules des morceaux de viande tout coupés ; elles se contentaient de les déglutir sans les déchirer, et je ne voyais pas comment une semblable manière de faire pouvait modifier les ongles et le bec. J'étais abusé par l'aphorisme « La fonction crée l'organe ». S'il est bien vrai que toujours c'est une fonction, ou une manière de se comporter, qui a fait un organe, ce n'est pas toujours la fonction qu'il exerce aujourd'hui sous nos yeux. Et, si Ton examine seulement un rapport actuel d'organe et de fonction, il se peut très bien que la forme de l'organe, antérieurement et pour d'autres raisons acquises, ait fait surgir la- fonction d'au- jourd'hui. Lucrèce (1) déjà avait exprimé cette maxime d'anatomie comparée, Dohrn a tiré grand parti de la notion fort analogue des « changements de fonction » et nous allons en faire l'appli- cation au bec et aux serres des oiseaux de proie. Mal engagé, comme je l'ai dit, par une fausse interprétation, (1) De Natura rerum, IV, 832. Nil ideo quoniam natum est incorpore, ut uti Possemus ; sed, quod natum est, id procréât usum. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GEN. 4e SERIE. T. VI. — (v). I(J F. HOUSSAY *206 je n'ai pas dès le début recueilli autant de matériaux que je l'aurais pu. Ceux que je possède constituent cependant une série très démonstrative. Je ne tardai pas à m'apercevoir, dès la seconde génération carnivore, que les ongles de mes animaux devenaient plus tran- chants parce que, pendant les coïts, les poules avaient le dos déchiré par de longues et profondes balafres. Ces blessures de- vinrent si importantes qu'il fut impossible de laisser les femelles sans protection à la disposition des mâles. On fut obligé de leur placer sur le dos un tampon de coton bien assujetti par une large bande de toile, cousue autour du corps. Elles s'en accom- modaient fort bien, ainsi que les coqs. Si même, chez les Rapaces, les femelles sont saisies de la même manière que chez les Galli- nacés, les coïts, moins renouvelés et pendant moins longtemps que sur les poules domestiques, où ils durent 8 mois par an, n'offrent pas les mêmes inconvénients. Cela me porta à examiner aussi les becs. D'une année à l'autre, je ne distinguais pas de changement appréciable. Mais le rap- prochement des mesures scrupuleusement prises laisse voir une véritable transformation. Le tableau suivant donne quelques mesures relatives à ces organes. GÉNÉRATIONS DÉBORDEMENT de la | mâchoire supérieure | à sou extrémité LONuUEUR DES ONGLES Pouce Doigt médian Poule ordinaire. . 2% P . ( L 3%5 | 6% (23) 12% r 2 ( vi2 3% ; 15% p3 h » 8% 21% ( i* ^ An 13% 21% P 4 IL 5% » » / VIL .... 5% isz 20% Po IIIo ....| 1% 19 Z j 20% VARIATIONS EXPERIMENTALES 267 Examinons en premier lien la question du bec. La façon pro- gressive dont la mâchoire supérieure déborde Pinférieure est très bien suivie jusqu'à la dernière génération, à laquelle le phénomène paraît s'arrêter et même régresser. En vérité, il n'en est rien. Disons d'abord que, par la cessation du régime granivore, le bec ne frappe plus à coups répétés le sol ou tout objet dur, pour y piquer les graines et qu'ainsi il ne s'use plus et s'allonge. Le bord chitineux s'agrandit, s'infléchit et commence à prendre l'aspect tranchant et recourbé que l'on observe sur les oiseaux de proie, chez lesquels justement rien dans ce qu'ils font n'arrête la croissance des bords cornés du bec. Que ce développement puisse ensuite être utile pour mieux saisir et déchirer la proie, c'est possible, en tous cas ce n'est pas sûr et de plus c'est sans conséquence, puisque c'est le dernier terme de l'évolution, déter- miné par tout ce qui précède et ne déterminant plus rien à la suite. Ce n'est pas même au sens rigoureux du mot une adaptation de carnivore, c'est une adaptation de non granivore et on la trouve nettement chez les Perroquets, plutôt mangeurs de fruits ou de grosses graines qu'alors ils épluchent avec des précautions spé- ciales. Le dernier animal, III5, semble montrer un arrêt dans cette évolution. La vérité est que, chez lui, la mâchoire inférieure a également subi un accroissement marginal de son bord corné, accroissement qui par son extrémité antérieure la met moins en retrait sur la mâchoire supérieure. De plus et surtout elle est élargie par côté et, de ce fait, entre moins facilement et moins profondément sous la supérieure. Le résultat de l'accroissement latéral en question, serait, s'il continuait à durer, un élargisse- ment subséquent de la mâchoire supérieure, dans sa partie osseuse. La mâchoire inférieure, en effet, élargie mais passant toujours dans la supérieure quoique moins bien, distend celle-ci par le seul jeu des muscles, pratique ce que les dentistes appellent un écartement. De telle sorte qu'on observerait en fin de compte non seulement l'aquilinité du bec, déjà manifeste / 268 F. HOUSSAY sur les dessins ci-joints (ûg. 43), mais encore l'élargissement de celui-ci, ce qui est aussi un caractère des oiseaux de proie. Fig. 43. Variation du bec chez des coqs carnivores de diverses générations. VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 269 Voici quelques mesures comparant les dimensions de la mâ- choire inférieure du dernier coq décrit à celles de trois autres. Longueur de la mâchoire inférieure depuis III5 28% l’insertion des bajoues jusqu’au point antérieur où elle disparaît sous la supé- rieure (I4, 1I4, VIIt) 23% Différence 5 % Longueur de la mâchoire inférieure depuis IIIs 38 % la commissure jusqu’au même point en I4 — 35 ) avant II4— 32 > 33 % VII4— 32 ) Différence 5 % Si nous ajoutions ces 5 %, trouvés de deux façons, à 1 % de débordement inscrit au tableau, nous trouverions 6 %, ce qui accuserait une nouvelle progression et non pas un retrait. L’appa- rence de celui-ci est dû à la croissance de la mâchoire inférieure. Observons bien que cette mandibule ne s’est pas effective- ment allongée de 5 %, ce qui serait beaucoup trop. Mais, par un moindre enfoncement sous la mâchoire supérieure, son point antérieur de disparition est reporté de 5 % en avant. La croissance des ongles a été plus manifeste encore que celle du bec, ou du moins traduite par des nombres plus forts, et encore notre tableau offre une série inférieure à la vérité. Nos mesures en effet sont toujours prises au compas et en droite ligne depuis la pointe de l’ongle jusqu’au milieu de sa base du côté dorsal ; mais en outre de l’allongement s’accuse une cour- bure de plus en plus marquée, dont notre mesure ne tient pas compte. La croissance des ongles est tout aussi explicable que celle du bec. Le premier coq observé, I2, avait 2 pouces (fig. 44) : l’un qui reposait sur le sol avec un ongle de 6 %, l’autre qui ne touchait jamais le sol avec un ongle recourbé de 23 %, longueur qu’aucun autre ongle n’a atteinte. Donc, en ne frottant pas à terre, les ongles s’allongent et se recourbent. Nos animaux, qui ne sont plus granivores, perdent progressivement l’instinct de 270 F. HOUSSAY gratter incessamment, leurs ongles se développent, se recourbent, Fig. 44. Variations des ongles chez des coqs carnivores de diverses générations. VARIATIONS EXPERIMENTALES 271 deviennent capables de faire les redoutables balafres dont nous avons parlé. Une série de dessins rigoureusement relevés sur nature et tous réduits de la même façon rend sensible cet accrois- sement progressif des ongles. CHAPITRE X HÉRÉDITÉ DES CARACTÈRES ACQUIS Sommaire. — Rareté des documents sur le sujet. — Caractères apparus et caractères acquis. — La progression dans la variation par le régime prouve l’hérédité. — Mesures directes sur de très jeunes animaux appartenant à diverses générations. — Avant toute action du régime, la variation est la même que chez les adultes. — Hérédité des caractères acquis. — Extinction d’une polydactylie originelle. — Apparition d'une autre polydactylie. — Mutation. — Rapports possibles des malformations polydactyles et de l’intoxication. Il est peu de questions ayant soulevé des discussions plus abondantes que celle de l'hérédité des caractères acquis. Il en est peu également qui aient été discutées d’une façon aussi exclusivement théorique et aussi dépourvue de documentation. Quelques rares faits, toujours les mêmes, sont mis en avant ; tels, le cas des cobayes épileptiques de Brown -Séquard par les partisans de la transmission des caractères, ou celui des chats sans queue de l’île de Man par ceux qui contestent cette sorte d’hérédité. Les belles recherches d’HuGO de Vries sur la mutation auraient, à ce qu’il me semble, dû trancher la question. Une mutation, caractère nouveau, est essentiellement transmissible par hérédité. Je sais bien que, pour beaucoup de biologistes, caractère nouveau ou nouvellement apparu n’est pas caractère acquis — acquis, c’est-à-dire résultant d’une modification connue qui change la vie de l’être soit dans son chimisme interne, soit dans les échanges entre sa substance et le milieu extérieur, soit dans les deux catégories à la fois. Pour ma part, je ne puis concevoir qu’un caractère nouveau se montre s’il n’a été acquis, c’est-à-dire déterminé par quelque modification antécédente dans l’être qui le porte, ou dans ses 272 F. HOUSSAY procréateurs, modification qui a son origine dans quelque chan- gement de l'ambiance, ou dans quelque changement des rap- ports entre l'être et l'ambiance. Et le fait que ce changement ne nous est pas toujours précisément connu ne me semble pas une raison pour le nier, mais bien pour le chercher. Que si cette façon de raisonner peut être prise pour le produit subjectif d'une mentalité spéciale, il ne faut pas oublier tout de même que le raisonnement inverse s'appuie sur un résultat négatif d'observation, sur une ignorance momentanée, tandis que le précédent repose sur des faits positifs. Les mutations héréditaires produites par Blaringhem (1) sur des pieds de maïs sectionnés se présentent avec une parfaite netteté comme des caractères acquis à la suite d'un traumatisme, qui a certai- nement changé quelque chose dans la^plante et dans ses rap- ports avec le milieu. Parmi les données de mon expérience à déterminisme défini, on peut et on doit chercher à démêler les arguments qu'elle apporte pour ou contre l'hérédité des modifications survenues. Afin de préciser, attachons-nous à la variation d'un seul organe : le gésier par exemple. Dans la série complète des couples qui se sont reproduits jusqu'au bout avec la moindre intoxication et la meilleure santé, on voit cet organe aller en diminuant de plus en plus (2). Donc le caractère, résultat du régime changé, n'est pas valable seulement pour la génération qui subit le change- ment et n'est pas tel que tout soit à recommencer à chaque génération, sans quoi la variation demeurerait constante et n'irait pas en croissant. Il y a quelque chose qui est transmis d'une génération à la suivante, en raison de quoi celle-ci pousse la variation plus loin. Prenons un organe d'un autre type : le foie par exemple. Il a été en croissant constamment pendant les quatre générations : 0, 1, 2, 3. Si j'avais arrêté là mon expérience et personne ne pouvait me le reprocher, puisqu'aussi bien elle eût encore été (1) Blaringhem, Bull. Scient, de la France et de la Belgique, 1907. (2) Voir p. 212. VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 273 une des plus longues réalisées chez les animaux, j'étais en droit de conclure, comme pour le gésier, à la transmission des carac- tères acquis. En persévérant, j'ai constaté la régression du foie. Est-ce à dire que le caractère acquis ne se transmet plus ? que le foie revient à son état primitif ? En aucune façon. Les foies réduits de la fin de l'expérience ne sont pas les petits foies du début. Oes derniers avaient un faible volume par la raison d'un régime peu toxique et d'une assimilation aisée ; les autres sont petits par cachexie, résultat du surmenage et de l'empoison- nement. Le caractère acquis est au total une hausse suivie d'une baisse. La hausse continuée nous menait à l'adaptation carnivore, comme je l'ai montré; arrêtée, elle aboutissait à la mort de l'espèce. Au surplus s'il est vrai que la transformation réalisée des races est une face du problème de l'évolution, leur extinction n'en est elle pas une autre, plus large peut-être. La paléontologie est-elle faite d'autre chose que de l'extinction des races, des espèces et des classes ? et cette extinction n'est-elle pas un manque d'adaptation à des conditions changées Le caractère acquis dans son entier est, ai- je dit, pour cer- tains organes la baisse continue, pour certains autres la hausse suivie de baisse. Or, c'est cette transmission même, telle quelle, que l'on retrouve si l'on compare entre eux de très jeunes ani- maux appartenant aux diverses générations. L'étude de l'hérédité des caractères sur les jeunes animaux demande quelques précautions. On sait en effet que Maurel a appelé l'attention sur ce fait que le rapport des organes nu- tritifs au poids total est beaucoup plus élevé chez les animaux de petite taille que chez les animaux de grande taille et, dans une même espèce, chez les jeunes que chez les adultes. Dans ce dernier cas, la variation est bien loin d'être négligeable ; il faut donc s'astreindre, si l'on veut comparer un jeune d'une certaine génération avec un jeune d'une autre génération, à ce 274 F. HOUSSAY que les animaux soient aussi voisins comme âge que cela est possible. En présence des difficultés croissantes pour mener à bien les incubations, je me suis gardé de sacrifier volontairement des jeunes et n'ai pas pu, en conséquence, être maître de les avoir ri- goureusement au même âge ; par rigoureusement j'entends ayant juste le même nombre de jours. Dans les morts qui se sont produites, je ne puis donc utiliser que les lots formés d'animaux qui se trouvent à peu près comparables ; cela réduit la quantité de mes données mais rend démonstratives celles qui restent et cela vaut mieux. Le tableau suivant donne les rapports des principaux organes à 100 grammes du poids total. Les poulets étudiés ont respec- tivement 12, 7, 11 et 17 jours et sont donc d'âges assez voisins pour qu'on ne soit pas abusé par la variation ontogénique. De plus, ces poulets sont morts après de brefs malaises de 24 ou 48 heures qui ne les ont pas amaigris, ce qui eût changé tous les rapports par faiblesse du poids total. Ils appartiennent comme on le voit à trois générations distinctes : un poulet granivore, deux de la 4e génération carnivore et un de la 6e. ORGANES GRANIVORE CARNIVORES de 4c génération CARNIVORE de 6e génération 12 jours un 7 jours vn Il jours le 17 jours Poids total 85 gr. 30 50 gr 74 gr. 3 100 gr. Jabot jaugé à Peau. . . 18 7 11 2 8 61 3 8 Poids du cœur 1 1 30 1 34 0 41 — du foie 5 6 4 5 18 2 98 — de la rate 0 1 0 08 0 09 0 53 Longueur de l'intestin . 114 97 118 86 81 99 Poids du pancréas 0 57 0 40 0 47 0 46 Poids de l'estomac total 6 92 5 78 5 11 3 76 — du gésier 5 69 4 10 3 63 2 97 Longueur d'un cæcum . 9 58 10 40 7 26 6 50 Poids des 2 reins 1 31 2 72 1 95 1 21 — des 2 poumons. 1 70 0 49 1 61 0 38 Si l'on compare entre eux, sur ces jeunes sujets, les organes VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 275 qui nous ont donné de larges et incontestables modifications dans la série des adultes : le jabot, l'estomac, le gésier, les cæcums, on voit qu'ils décroissent de même constamment dans la série des jeunes. Le foie et les reins, après avoir augmenté, décroissent ; le caractère complet avec toute sa variation se trouve reproduit. L'importance de la rate est à noter chez le dernier poulet comme un signe de l'intoxication héritée, ses uretères au surplus étaient gorgées de cristaux qui semblaient être de l'urate de soude et fournissaient énergiquement la réaction de la muréxide. Puisque ces jeunes sujets présentent toutes les modifications que nous avons suivies chez les adultes comme effet du change- ment de régime et puisque ce régime n'a pas eu le temps d'agir personnellement sur eux pendant leur courte vie, il faut bien conclure que les modifications leur ont été transmises par héré- dité. Une autre série intéressante est formée par deux animaux qui ne peuvent être comparés avec les précédents parce qu'ils sont plus jeunes (3 jours et 2 jours). De plus, n'ayant pas été dissé- qués immédiatement, ils ont été conservés dans du formol à 4% puis plongés l'un et l'autre 20 heures dans de l'eau renouvelée afin de rendre à leurs organes une certaine souplesse. Ce dernier résultat médiocrement atteint n'a pas permis d'évaluer la jauge du jabot ; on a comparé par leurs poids ces organes, séparés du tube digestif par deux coups de ciseaux nets au-dessus et au- dessous de la dilatation œsophagienne qu'ils forment. De plus, la longueur du tube digestif a été contrôlée par son poids. En tous cas les deux poulets, ayant été traités l'un et l'autre exacte- ment de la même façon, sont parfaitement comparables entre eux. L'un appartient à la 2e génération carnivore, l'autre à la 6e. Ce sont deux jeunes mâles. On voit encore, par les rapports de leurs organes au poids total, que le premier de ces poulets appartient aux générations à rein et à foie croissants, tandis que le second appartient aux générations où ces organes régressent. 276 F. HOUSSAY ORGANES RAPPORTS A 100 GR. DE POIDS TOTAL Poids total sans vitellus 33gr.l0 31 nr 78 Cœur 1 05 0 85 Foie 5 10 3 74 Longueur du* tube digestif 83 08 69 5 Poids du tube digestif 16 31 10 54 — du jabot I 06 0 22 — du gésier 5 86 2 92 — des poumons 0 96 0 81 — des reins 1 14 0 85 Le tube digestif, le jabot et le gésier marquent la réduction que nous avons rencontrée chez les adultes et avec la même intensité. J'aurais encore pu faire un lot de 4 coqs : deux appartenant à la 2e génération carnivore, un à la 4e et un à la 5e ; ils étaient respectivement âgés de 142, 147, 149 et 138 jours et par suite bien comparables à ce point de vue. Mais les deux premiers avaient été sacrifiés dès le début de leur maladie ; les deux der- niers, au contraire, avaient été conservés jusqu'à leur mort spontanée, ils étaient pour leur âge très chétifs et de faible poids. La considération des rapports de leurs organes au poids total est sans intérêt. En supposant qu'ils aient pu atteindre avec les mêmes organes internes le même poids que leurs frères bien portants de la même génération et du même âge, et en calculant dans ce cas les rapports organiques on obtient une série tout aussi démonstrative que la précédente. Cependant je ne veux point en faire état, n'étant pas sûr d'avoir le droit d'augmenter le poids total sans augmenter aussi les organes, c’est-à-dire ne croyant pas pouvoir faire l'hypothèse que la réduction a porté exclusivement sur la graisse, sur le squelette et sur les masses musculaires. Il est bien vrai qu'elle s'est ainsi réalisée d'abord et surtout, mais il resterait de l'aléa. Dans cette question controversée, il ne faut apporter que des données incontestables. VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 27 7 Je veux appeler maintenant Pattention sur une curieuse va- riation qui s'est produite sans que Ton puisse, en l’état actuel de nos connaissances, la rattacher logiquement au changement de régime. Beaucoup de biologistes l'appelleraient, en cette cir- constance, variation spontanée et, comme elle se répète trois générations de suite, elle répond même à la définition de la mutation. En fait, elle apparaît au cours d'une expérience sur le changement de régime ou, si l'on veut généraliser, au cours d'une intoxication poursuivie dans une race. Voici ce dont il s'agit. Deux races ont été mises en expérience, représentées par deux femelles et un seul mâle, soit un couple pour chaque race, le coq unique figurant deux fois comme il le fait réellement dans la reproduction. Dans l'une des lignées ([3) le coq aussi bien que la poule ont quatre doigts à chaque patte, ce qui est la norme ; dans l'autre (a), le coq ayant quatre doigts, la poule en a cinq aux deux pattes. Or, à la seconde génération carnivore, ce dernier couple donne 2 poulets avec 5 doigts aux deux pattes et 4 avec 4 doigts : le caractère régresse donc devenant 1/3 au lieu de 1/2. A la géné- ration d'après (P3) il est tout à fait perdu. Dans la série (3, les sujets restent avec 4 doigts aux deux pattes 3 générations de suite (Pp P2, P3) puis à la suivante (P4) on voit les 5 doigts apparaître et, notons bien le fait, dans une série où l'hérédité n'y est pour rien du tout, puisque le caractère ne s'est jamais montré sur les ascendants. Il apparaît tout de suite avec une grande fréquence. Le caractère nouveau n'est pas au reste exactement le même que celui qui a été perdu depuis deux générations déjà par la série voisine (a). Ce dernier consistait exclusivement en 5 doigts aux deux pattes, celui que nous voyons apparaître consiste parfois aussi en 5 doigts aux deux pattes, mais plus souvent en 5 doigts à une seule patte, et tous les doigts supplémentaires ne sont pas égaux entre eux ; il y a des degrés dans leur importance. Le seul titre commun aux deux cas est donc la polydactylie sans qu'elle soit rigoureusement de même sorte. 27$ F. IIOÜSSAY Une génération de pins le caractère se maintient et la fré- quence des 5 doigts aux deux pattes aug- mente, bien que la polydactylie à une seule patte se retrouve encore. Enfin le seul poulet éclos de la 6e génération avait 5 doigts à une patte. J'insiste sur ce que cette malformation n'est pas identique à celle du début dans l'autre série. U y a même certains animaux comme V4 pour lesquels on eût aussi bien pu parler de 6 doigts que de 5 (fig. 45). Le tableau suivant montre les variations de la polydactylie dans les générations Fig. 45. Patte d’un poulet polydactyle (V4). successives. GÉNÉRATIONS || SÉRIE a SÉRIE [3 Nombre total d’ Animaux Animaux avec 5 doigts aux 2 pattes Animaux avec 5 doigts à 1 seule patte Nombre de doigts supplémentaires pour 100 animaux Nombre total d’Animaux Animaux avec 5 doigts aux 2 pattes Animaux avec 5 doigts à 1 seule patte Nombre de doigts supplémentaires pour 100 animaux Po 2 1 0 100 2 0 0 0 Pi 2 1 0 300 2 0 0 0 P2 6 2 0 66, 6 3 0 0 0 P3 6 0 0 0 2 . 0 0 0 P 4 1 0 0 0 6 1 3 85 PS 12(1) 3 2 66, 6 P6 5(2) 0 2 40 A vrai dire, le caractère nouveau de la série (3 ne peut d'une façon satisfaisante être étudié comme mutation quant à sa fréquence. Il y a trop peu d'animaux en expérience et les grands 1) Ce nombre 12 comprend les 8 éclosions réalisées plus 4 développements assez avancés sur lesquels le caractère en question a été examiné. 2) Même remarque. Variations expérimentales m nombres deviennent indispensables lorsque le déterminisme est incertain. Je tenais seulement à signaler Inexistence d'un phéno- mène de ce genre et son apparition si curieuse. Bien que j'ignore les relations qui peuvent exister entre l'appa- rition de la polydactylie et la nutrition en général et plus spé- cialement l'intoxication et l'insuffisance de l'excrétion, je suis tenté de croire à l'existence d'un rapport entre les deux phéno- mènes. Rappelons à ce sujet qu'à la génération P4, à laquelle le caractère survient, la baisse du foie et du rein se manifeste éga- lement. C'est en tous cas une question qui vaut la peine d’être examinée de près. On ne peut se laisser arrêter par l'objection que la polydactylie se montre spontanément dans la nature, d'abord parce que per- sonne ne sait si c'est vraiment spontanément. Le seul fait cer- tain est qu'on n'a pas encore saisi de rapprochement entre ce phénomène et d'autres ; cela ne veut pas dire qu'il n'y en a point et qu'il n'y en aura jamais à faire. En outre, si l'on parle spécialement de la race des poules Soudan qui ont régulièrement 5 doigts aux deux pattes, on sait que ces animaux réputés pour l'abondance de leur ponte, sont, d'autre part, tenus en suspicion comme n'étant pas assez rustiques et comme difficiles à élever. Tout cela ne serait -il pas la marque d'une faiblesse excrétrice, voisine de l'insuffisance, qui du moins s'est révélée dans nos recherches par l'incapacité tout de suite atteinte de faire croître cette fonction et les organes qui l'assurent. CHAPITRE XI ANOMALIES — PATHOLOGIE Sommaire. — Etude limitée aux états résultant du régime. — Retard dans l’enclosion et la résorption de la vésicule vitelline. — Cause des échecs à l’éclosion et des morts très pré- coces. — Un poulet avec un second jaune enclos dans l’abdomen. — Arthrites doulou- reuses et déformantes de l’articulation tibio-tarsienne. — Leur guérison rapide par le régime végétarien. — Réactions peaussières sur les pattes. — Poussées supplémentaires de plumes. — Interprétation de la plume et du poil comme phénomène excréteur. — Utérus et oviducte. Je n'ai pas Pintention de faire en ce chapitre un relevé de toutes les manifestations pathologiques que j'ai observées, telles que diarrhées épidémiques survenues sans que j'en ai pu perce- voir la cause et que j'ai néanmoins notées parce qu’elles se tra- duisaient dans les courbes de croissance par une petite baisse ou un petit plateau. Les renseignements de cet ordre m'ont ensuite été fort utiles pour éliminer avec certitude les accidents qui auraient pu rendre douteuse la place du point d'inflexion principal dont j'ai signalé l'importance au chapitre II. Egalement je parlerai à peine d'une affection de la langue assez généralisée chez les poules de 3e génération. Elle consistait en un boursouflement et un décollement de tout l'épiderme de la langue, qui pouvait s'enlever d'un seul coup comme dans la maladie de la pépie . Mais il y avait cette différence importante que, dans la pépie, on enlève un étui d'aspect corné, tandis qu'en ce cas il s'agissait d'un manchon mou, flasque et de couleur jaune. Il était au surplus bourré de bactéries banales, principa- lement de sarcines. Je laisse également de côté des manifesta- tions de tuberculose intestinale malgré l'importance et la fré- quence qu'elles prirent spécialement à la 4e génération. Elles me parurent dues aux poussières du sol, sur lequel les aliments traînaient parfois et disparurent effectivement après que j'eus fait renouveler le sable et le gravier. Je parlerai surtout des états pathologiques en rapport certain VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 281 avec le régime, simples exagérations des phénomènes généraux rencontrés chez tons les animaux qui le subissent, même chez ceux que Ton n'est pas tenté de déclarer malades. En premier lieu, la résorption de la vésicule vitelline est fort entravée. On sait qu'environ 20 heures avant l'éclosion ce qui reste de la vésicule vitelline est enclos dans la cavité abdominale du poulet et se résorbe en quelques jours. Bien que Dubuisson (1) fasse remarquer qu*il y a d'assez grandes différences quant au degré de résorption entre deux poulets du même âge, les écarts que je veux signaler sont tellement amples qu'ils traduisent certainement un grand retard dans l'élimination du vitellus. Voici, en regard des nombres que donne H. Virchow (2) pour les poulets ordinaires jusqu'au 7 e jour, ceux que j'ai pu observer sur les poulets carnivores et sur un poulet ordinaire du 12e jour. AGE GRANIVORES CARNIVORES Poids Poids Poids Poids des Poulets du de la vésicule du de la vésicule Poussin vitelline Poussin vitelline 12 heures 37 gr. 2 5 gr . 34 36 — 35 33 3 24 3 jours 33 75 2 50 3-4 — 36 93 0 60 38 gr.85v2egén.) 5 gr. 75 6-7 - 39 54 0 43 5-6 — 43 66 0 05 7 — 50 (4e gén.) 15 11 — 74 (4e gén.) 1 75 12 — 85 30 0 17 — 100 (5e gén.) 0 05 Pour son reste de vésicule vitelline, mon poulet de 17 jours est comparable à un poulet normal de 5 à 6 jours, c'est-à-dire trois fois moins âgé ; mon poussin de 11 jours est comme celui de 3 à 4 jours environ, ce qui donne à peu près le même rapport du triple au simple. Le poulet de 7 jours que j 'ai noté avec sa vésicule vitelline de 15 grammes est tout à fait à part et mérite une mention spéciale. (1) Dubuisson. — Contribution à l’étude du vitellus, 1906. (2) Hans Virchow. — Der Dottersack des Hûnchem, 1892. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GEN. — 4e SERIE. T. VI. (v). 20 F. HOÜSSAY 282 Je n'en ai pas tenu compte dans les éclosions pour rechercher la quotité des mâles en raison de son cas un peu particulier. Ce poussin provient en effet d'un œuf qui pesait 80 grammes et qui presque certainement contenait deux jaunes. En pareil cas, Mitrophanow a signalé en 1898 l'existence de deux cica- tricules et, la même année, Féré a décrit après 72 heures d'incu- bation soit deux débuts d'évolution, soit un seul, soit aucun. Je laissai l'œuf aller jusqu'à l'éclosion. Il en sortit un seul poulet bien conformé ; toutefois celui-ci avait subi un retard de 12 heures et tenait difficilement sur pieds. Le lendemain il allait bien et, pendant 7 jours y2, vécut avec ses frères, puis fut trouvé mort. Notons que c'était un jeune mâle. Son ombilic était encore apparent par une croûte cicatricielle et, au-dessous, tangent intérieurement se trouvait un ombilic vitellin, obturé seulement parce qu'il reposait sur la cicatrice ectodermique. Une masse vitelline pesant 15 grammes, c'est-à- dire presque autant qu'un jaune entier (19 grammes), était enfermée dans une poche endodermique, rattachée au tube digestif par le diverticule de Meckel qui devient chez l'adulte le 3e cæcum. Le diverticule communiquait encore, mais faible- ment, avec cette poche du jaune par une petite lumière où ne passait pas une tête de fine épingle mais que traversait un crin de brosse. Sur ce poulet la veine coccygéo- mésentérique, dont les rami- fications peaussières forment des plaques sous-cutanées conges- tives, envoie à la partie inférieure de la poche endodermique une branche qui se ramifie et se diffuse en plaques sanguines autour de l'ombilic vitellin. Ce territoire sanguin communique avec un second, duquel part un filet qui, réuni aux diverses veines mésentériques, se rend à la veine porte. Le jaune examiné ne porte aucune trace d'évolution embryon- naire ni d'altération putride ; son aspect est caséeux. La reconstitution probable de cette ontogénie est la suivante. Il y avait deux jaunes plus ou moins adhérents ensemble. L'un d’eux a seul évolué en embryon et le second a été englobé par VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 283 vp le développement de l'endoderme, qui s'est poursuivi sur lui. Depuis le 19e jour de l'incubation, auquel s'est faite l'enclosion du sac vitellin dans la paroi du corps, jusqu'à la mort, le premier jaune a été presque tout résorbé et il n'est resté que le second à peu près entier. Indépendamment de ce cas singulier, la difficulté de résorption pour la vésicule vitel- line a joué un très grand rôle dans les échecs à l'éclosion, que nous avons subis, ou dans les morts très pré- coces survenues aux premiers jours de vie. tl L'incubation chez la poule dure, on le sait, 21 jours presque exac- tement , plutôt avec une légère avance ; quand les 21 jours sont révolus presque tous les poussins d'une cou- vée sont éclos et les premiers sortis ont 3 ou „ x A Fig. 46. Anatomie d un poulet de 7 jours avec un second 4 heures d'avance sur . jaune inclus dans Pabdomen. , T1 . VP, veine porte; cœ, cæcum; vum, veine coccygéo- Ce terme. 11 en était mésentérique; ov, ombilic vitellin ; tl, territoire lacunaire; ainsi aux premières in- R rein- cubations que j'ai réalisées pour obtenir ma seconde et ma troisième génération carnivore. A la naissance de la 4e, on observait à l'éclosion un retard sen- sible. Une couvée mise le matin du 23 mai 1903 a éclos seule- ment le 14 juin au matin soit après 22 jours pleins. Aux géné- rations suivantes, presque toutes les éclosions ont demandé 22 jours et quand vers la fin du 21e jour sortait un poulet plus précoce, la poule suivant son instinct cherchait à aider les autres -cœ vc ni 284 F. HOÜSSAY éclosions possibles. La plupart ne se faisaient pas et Fon trouvait des poulets qui semblaient être du 19e ou du 20e jour, c'est-à- dire dont la vésicule vitelline n'était pas enclose dans l'abdomen. Ils n'ont pas été comptés comme éclosions mais seulement comme « développements » dans le tableau de la page 252. On est amené à penser que le manque de résorption est dû aux toxines alimentaires passées dans l'œuf ; elles engourdissent, en quelque manière, les phagocytes qui absorbent le vitellus, ou arrêtent la secrétion des diastases qui, à un certain moment, jouent, d'arprès Dubuisson, un rôle important. Diverses sortes de manifestations arthritiques se sont mon- trées au cours de cette expérience et, incontestablement, de tous les phénomènes pathologiques, elles étaient les plus atten- dues. La forme la plus caractérisée et la plus visible a été l'arthrite douloureuse avec gonflement et déformation des jarrets, c'est- à-dire des articulations tibio -tarsiennes ; elle s'est montrée pro- gressivement. Chez les poules granivores initiales et chez les premières car- nivores on n'avait rien remarqué de semblable, malgré l'attention apportée à observer les animaux en expérience. A la seconde génération carnivore, la poule IV2 accusa, le 225e jour de sa vie, à l'articulation en question, une douleur qui la faisait boiter et se tenir accroupie sur les jarrets ; puis le mal disparut spontanément. Il est intéressant de noter que cette affection toxique fut guérie par suite de sa coïncidence avec le début de la ponte, amenant une forte évacuation d'albumine. Ce dérivatif empêcha l'accumulation des déchets dus à l'excès des albuminoïdes. On peut voir en effet à l'appendice que cette poule, ayant émis au 210e jour un œuf isolé, se prit à pondre régulièrement au 237e. Plusieurs poulets de la génération suivante, la troisième car- nivore, montrèrent la maladie d'une façon beaucoup plus pré- coce, plus énergique et même ils moururent rapidement du malaise général dont elle était le signe. Le coq VI;i prit une arthrite des deux jarrets le 23e jour de sa vie ; il mourut au 70e ; VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 285 la poule VII3 fut atteinte de la même façon le 49e jour et mourut le 115e ; le coq V;J eut une arthrite d'une seule patte au 59e jour et mourut le 122e. Les arthrites de ces trois animaux semblaient très doulou- reuses ; ils ne pouvaient se tenir debout et reposaient toujours sur le ventre ou sur le côté. Bientôt l'articulation tibio -tarsienne enfla et le pied en entier fut déjeté extérieurement. L'examen des poids donnés à l'appendice montre que la croissance fut régulière jusqu'au moment où le symptôme se montra ; la baisse du poids ou plutôt la moindre hausse le précède d'un temps qui varie entre 2 et 15 jours. Les poulets de la 4e génération présentèrent les mêmes symp- tômes ; mais, inquiété par les difficultés de l'élevage et désormais flxé sur les suites possibles de l'affection si on la laissait évoluer, je résolus de la soigner. En septembre 1903, vers leur 90e jour, les coqs I4 et II. commencèrent à fléchir sur les jarrets et à se tenir difficilement debout. Je les fis isoler et nourrir pendant huit jours avec de la bouillie de farine mélangée de son et de feuilles hachées de laitue crue. Ils guérirent complètement ; c'était une nouvelle façon de prouver que la cause du mal était bien le régime. A la 5e génération, le coq IL commença à prendre, au 54e jour de sa vie, une allure maladive qui me porta à le mettre au régime végétal, pain et salade ; mais il ne l'accepta pas et ses compa- gnons non plus. L'évolution des instincts et des appétits commen- çait à se faire ; pas encore cependant d'une façon irréductible. Car les trois animaux L, IL et III; laissés en présence de pain trempé pour toute nourriture se décidèrent à le manger. A ce régime le coq II3 se remit complètement mais au bout de 8 jours, lui et les autres refusèrent à nouveau l'aliment. Comme le but poursuivi était atteint, je n'insistai pas. Le fait a un double intérêt : la guérison par le régime végé- tarien et la répugnance qu'éprouvent pour lui des animaux chez lesquels il était normal quelques générations plus tôt et dont les parents l'acceptaient encore à l'occasion. Les apôtres 286 F. HOIJSSAY du végétarianisme rencontrent dans leur propagande des cir- constances de ce genre. En outre des arthrites douloureuses et déformantes dont nous venons de parler, beaucoup des animaux étudiés, surtout dans les dernières générations, montrèrent sur les pattes une réaction cutanée assez curieuse. La peau se boursouflait, soulevant les écailles, prenait un aspect dartreux et produisait une desqua- mation furfurale assez abondante. Cette affection, une fois déclarée, ne régressait jamais ; je dois dire que jamais non plus je n'ai, à cause d'elle, interrompu le régime. Les premières générations de mes animaux, mis jeunes en expérience, ne la montrèrent pas. J'en ai au contraire observé le développement rapide chez un grand nombre, au moins les 2/3, des poules déjà âgées que j'achetais pour faire des incubations et que je mettais au régime de la viande, afin qu'elles pussent tout de suite conduire à cet aliment les jeunes poussins qu'elles auraient à élever. J'ai parfois remarqué, sur les poules élevées dans les fermes des environs de Paris, une affection semblable, moins étendue toutefois et ordinairement limitée à la base de la patte. Il faut ajouter qu'en raison de la vente facile de leurs œufs les animaux en question sont copieusement nourris et même surnourris avec diverses préparations à base de poudre de viande. Dans la mesure où il est permis d'identifier les processus pathologiques chez des êtres aussi éloignés que les oiseaux et l'homme, je comparerais assez volontiers la manifestation que je viens de décrire à une poussée herpétique ou eczémateuse. Mon attention a de plus été appelée sur le développement assez important de plumes sur les pattes, entre les écailles. Je sais qu'il existe des races de poules chez lesquelles les pattes sont normalement couvertes de plumes ; mais je ne puis dire si ce caractère, aujourd'hui fixé dans la race, a eu pour appa- raître un déterminisme comparable à celui que j'ai observé. Quoi qu'il en soit, les plumes qui ont poussé sur les pattes de mes poules n'étaient visiblement annoncées par aucune hérédité. VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 287 Tous les sujets mis en expérience à l'origine avaient les pattes parfaitement lisses. Ce fut à la 2e et plus encore à la 3e géné- ration dans la série a, à la 4e et à la 5e dans la série (3, que le caractère prit une sérieuse importance. Cette observation paraît nous montrer la plume comme une réaction excrétrice supplémentaire, ayant une poussée nouvelle quand les organes normaux d'excrétion (foie et rein) restent en dessous de la tâche qu'ils doivent accomplir. On la voit tout de suite en concordance avec de nombreux autres faits et l'accord suggère une hypothèse que je ne puis m'empêcher d'exprimer, car elle répond à la bonne caractéristique de l'hypothèse : à savoir qu'elle est susceptible d'appeler la recherche et l’expé- rience. Si la formation de la plume (et du poil évidemment) se montre comme une réaction excrétrice parce qu'elle est capable de s'exagérer quand les besoins excréteurs augmentent, il faut aussi la considérer comme normalement excrétrice et non plus seule- ment comme une protection ou une parure pour l'animal. Dans ce cas alors, nous comprendrions de quelle façon les organismes mâles que nous avons montrés plus intoxiqués que les femelles sont en même temps les plus garnis de plumes et de poils, sans qu'il y ait pour nous lieu d'invoquer le désir ou le besoin de plaire aux femelles et pas davantage la sélection des plus beaux. Oes phénomènes ne seraient plus à considérer comme des causes mais seulement comme des effets ultérieurs et accessoires. Nous comprendrions encore comment, l'intoxication orga- nique croissant avec l'âge, les poussées de plumes et de poils la suivent, comment, dans l'espèce humaine par exemple, après les cheveux se montrent les poils pubiens et axilaires, comment, plus tard, la barbe, plus tard encore les poils de la poitrine chez les mâles qui ne les ont pas acquis vers la puberté, comment enfin surgit la dernière poussée qui consiste dans l'allongement et l'épaississement des sourcils. Oes trois dernières réactions excrétrices n'atteignent pas les femelles, mieux pourvues en foie et en rein, ou en tous cas les atteignent peu et ordinairement 288 F. HOUSSAY tard. La perte des cheveux ou leur blanchissement que l'âge amène aussi sont des phénomènes d'autre sorte et ne portent pas plus atteinte aux conclusions précédentes que les maladies du rein n'empêchent de considérer cet organe comme norma- lement excréteur. D'autre part, l'abaissement de la température ralentit certai- nement les échanges nutritifs et croître les poussées mateuses chez ceux Si la production est une ma sorte. l'on voit, en hiver. herpétiques ou eczé- qui en sont atteints, du poil et de la plume nifestation de même est naturel qu'elle s'exagère au froid, qu'il y ait des four- rures d'hiver, qu'il y ait des fourrures po- laires. Et nous attein- drions de la sorte à de véritables explications où n'interviendraient plus ja- mais l'intérêt ou l'avantage, le désir ou la volonté de l'animal. J'ai eu déjà occasion de signaler comment le régime carné avait développé l'instinct germicide et comment une des poules, VIIL,, ayant le cloaque piqué par le bec de sa compagne, qui cherchait à atteindre son œuf aussitôt que possible, en vint à contracter une tumeur par suite de la rétention des œufs avant qu'ils ne fussent recouverts de leur coquille. Plusieurs œufs, 5 ou 6 autant que j'ai pu l'apprécier par leurs restes plus ou moins informes, demeurèrent ainsi sans être évacués et dégénérèrent dans l'oviducte. Ce dernier en FrG. 47. Oviducte dilaté en faux utérus par rétention de la ponte. VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 289 fut dilaté de la façon que je reproduis dans le dessin ci-joint (fig. 47). Je n'insisterais pas autrement sur cette circonstance patho- logique, si elle ne nous permettait de concevoir la facilité avec laquelle peut se développer une véritable dilatation utérine sur un oviducte qui normalement n'en comporte pas. Et ceci n'est pas sans intérêt pour nous faire comprendre que, même d'une façon rapide, le Reptile ovipare put devenir le Mammifère vivipare. CHAPITRE XII QUELQUES COMPARAISONS AVEC LES MAMMIFÈRES Sommaire. — Expériences de divers auteurs sur les mammifères. — Haute toxicité probable du régime insectivore. — L’excrétion supplémentaire par les carapaces et par les coquilles — Echecs de mes tentatives pour adapter des souris au régime carné. — Les mammifères semblent plus saturés d’intoxications et moins capables d’en supporter de nouvelles que les oiseaux. — Rapprochements avec les courbes de croissance. — Causes originelles d’intoxication chez les mammifères. — Vie utérine, vie lactée. — L’excrétion en urée et l’excrétion en acide urique. — Conclusions. Il n'a point été fait sur les mammifères d'expérience qui puisse être entièrement comparée aux miennes, c'est-à-dire qui porte sur les modifications dues à un changement de régime poursuivi pendant plusieurs générations. Quelques recherches plus courtes donnent cependant des résultats qui, fort importants pour la physiologie et la patho- logie, peuvent être utilement confrontés avec les miens. Maurel a alimenté pendant plusieurs mois des lapins avec du fromage et a constaté un développement inusité de leur foie. C'est au reste cet auteur qui a le premier montré que, d'une façon générale, les carnivores ont une quantité relative de foie plus élevée que les herbivores. J. XoÉ (1) a nourri assez longtemps des hérissons exclusive- ment avec de la viande crue de cheval. Son expérience me semble inverse des autres, c'est-à-dire qu'au lieu d'être une (1) G. S. Soc. Biolog. du 23 nov. 1901 au 26 juillet 1902. 290 F. HOUSSAY étude d'intoxication accrue elle est une étude de désintoxication et n'est pas, d'ailleurs, moins intéressante pour cela. Le hérisson, en effet, est normalement insectivore et, bien que la viande de cheval soit plus toxique que celle des animaux ordinaires de boucherie, elle l'est moins, je crois, que la chair des insectes. Il n'y a pas à cet égard de données formelles ; mais, en raison de ce que j'ai dit au chapitre précédent de la plume et du poil, je suis très porté à considérer les insectes, gros excréteurs de chitine, comme fortement intoxiqués, aussi bien d'ailleurs que les crustacés, excréteurs de lourdes carapaces, ou les mollusques, excréteurs de pesantes coquilles. Je fais remarquer en passant que j'assimile à des excrétions supplémentaires les organes ordinairement appelés protecteurs de l'animal ; c'est moins finaliste certainement, plus scientifique et plus fécond pour les recherches qui peuvent être entreprises avec ce point de départ entièrement changé. Comme conséquence de cette manière de voir, le hérisson en passant de la chair d'insectes à la viande de cheval se désin- toxique. Un fait qui concorderait exactement avec ce point de vue c'est que sa production d'urée diminue d'une façon régu- lière ; elle passe d'après les données de J. hToÉ de 6 gr.925 par kilogramme au mois de mai 1901 à 2 gr. 808 au mois de mai 1902. L'auteur en question conclut que le régime carné exclusif dimi- nue énormément l'urée. Le résultat ainsi exprimé est extrême- ment paradoxal, unique en son genre, et même il risque d'induire en erreur. Comme, d'autre part, absolument rien n'autorise à réputer inexactes des mesures qui semblent au contraire soi- gneuses, l'interprétation véritable m'en paraît celle que je pro- pose, à savoir : que le passage de l'aliment chair d'insecte à l'aliment chair de mammifère est une désintoxication. C'est pour cela sans doute que l'expérience de îsToé a duré sans peine plus longtemps que les autres expériences sur les mammi- fères, chiens ou souris, qui étaient de véritables surintoxications alimentaires. J. hfoÉ compare en outre le rapport de certains organes au VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 291 poids total chez les hérissons normaux et chez deux animaux de cette espèce qui sont morts, Y un après 8 mois Eautre après 11 mois du régime à la viande de cheval. Les reins ont très peu varié tandis que le foie a augmenté d’une façon notable. Mais l’augmentation de ce seul organe, sans concordance avec les autres données relatives à l’excrétion, ne permet pas de conclure à une intoxication. Il se peut fort bien que l’organe soit surmené non de son côté excréteur mais de son côté assimilateur, qu’il éprouve seulement plus de peine à transformer en glycogène des albuminoïdes inaccoutumés. L’augmentation de poids, en un mot, peut venir du foie glycogénique plutôt que du foie hépa- tique : l’observation micrographique seule serait propre à lever ce doute. Et c’est une occasion nouvelle de dire combien des recherches de cette sorte seraient utiles pour compléter les men- surations, spécialement chez les mammifères. De son côté, E. Dufourt (1) a expérimenté en mettant des chiens au régime carné exclusif, toujours à la viande de cheval. Il a reconnu, comme il était naturel, un important accroisse- ment de l’urée. De son expérience je retiendrai surtout qu’elle n’a pas pu continuer longtemps. Les animaux fortement in- toxiqués perdaient leurs poils, se recouvraient d’eczéma, mai- grissaient et mouraient en quelques semaines. Weiss (2) dont j’ai signalé déjà les expériences sur les canards avait essayé de les réaliser aussi avec des souris. A plusieurs reprises il a échoué ; les souris qu’il élevait au grain vivaient très bien ; celles qu’il nourrissait à la viande de cheval mou- raient au bout de 2 ou 3 mois. En 1901 et 1902 j’ai moi-même échoué dans plusieurs tenta- tives analogues ; cependant je faisais vivre mes souris carni- vores 5 à 6 mois et ce meilleur résultat tient, je le suppose, uni- quement à ce que je leur donnais de la viande fraîche d’animaux de boucherie et non de la viande de cheval. Il n’est pas utile de s’étendre longuement sur les données (1) Dr E. Dufourt. — Journal de Physiologie et de Pathologie générales, mai 1902- (2) G. Weiss. — G. R. Soc. Biologie, 26 octobre 1901- 292 F. HOUSSAY recueillies au cours de ces expériences manquées ; notons seule- ment que, comme E. Dufotjrt et conformément aux résultats classiques, j'ai toujours obtenu beaucoup plus d'urée du côté carnivore que du côté granivore. Je veux toutefois signaler que, chez plusieurs des animaux qui sont morts de ce régime, le foie avait subi une véritable dégénérescence graisseuse, dont le processus serait relativement facile à suivre et sûrement inté- ressant pour la pathologie de l'organe. De ces divers essais il faut conclure à la difficulté grande, pour ne pas dire à l'impossibilité, de faire brusquement passer un mammifère végétarien ou peu carnivore à un régime tout à fait carnivore. Le fait est au contraire possible chez les oiseaux et le changement ne manifeste d'inconvénients qu'après plu- sieurs générations. Une conclusion qui se présente tout de suite à l'esprit est la suivante : les mammifères ne supportent pas de surintoxication parce qu'ils sont déjà arrivés, même jeunes, à une intoxication qni ne peut guère être dépassée sans péril. Ce résultat est tout à fait d'accord avec celui que j'ai déjà mis en évidence au cha- pitre II à propos des courbes de croissance. Si l'on se demande maintenant quelles raisons rendent ainsi le mammifère particulièrement saturé de toxines, on peut les apercevoir dans ce fait que, véritablement, c'est de tous lès Ver- tébrés celui qui a le moins de jeunesse. Il n'entreprend pas dès l'état d'œuf une vie nouvelle et des échanges nouveaux avec le monde ambiant. Dans l'utérus maternel, sa vie se réalise par l'intermédiaire d'un organisme ayant déjà longuement vécu, déjà âgé et déjà chargé des intoxications vitales. Après, c'est l'alimentation lactée qui lui passe encore des produits élaborés par un organisme dont la vie s'avance. Le mammifère est d'abord, comme le fait remarquer Giard, un parasite interne puis un parasite externe avant de mener une vie libre. Pour terminer ce parallèle des mammifères et des oiseaux, il n'est pas sans intérêt de rappeler une remarque de Metch- nikoff sur la longévité relative de ces derniers et sur leur VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 293 verte vieillesse comparée à la décrépitude rapide des mammi- fères. Il faut en outre observer que les mammifères, saturés d'in- toxication, excrètent principalement en urée et les oiseaux en acide urique. Nos expériences paraissent apporter une certaine contradiction à ces résultats classiques en montrant les oiseaux tout de même plus plastiques du côté excréteur. Un mammifère, en effet, dont la production d'acide urique augmente est consi- déré comme ayant une excrétion moins parfaite et même insuffi- sante, et la conclusion sans doute est valable pour la compa- raison entre divers états d'un même mammifère ou entre divers mammifères. Mais elle ne paraît pas se prêter à une générali- sation nécessaire. En d'autres termes, il ne semble pas absolu- ment vrai que la dépuration en urée soit supérieure à la dépu- ration en acide urique quel que soit l'organisme. Il y a là en tous cas une question d'une certaine importance. En présence des difficultés d'adaptation au régime carné, on peut se demander comment il y a des carnivores dans la nature. Remarquons que l'expérience par nous réalisée a été particu lièrement brutale et a mis du jour au lendemain une race gra- nivore en face d'un régime carné exclusif. Scientifiquement il le fallait pour l'étude rigoureuse d'un déterminisme ; mais natu- rellement les choses ne se sont jamais passées ainsi. Les guérisons d'arthrites que j'ai obtenues, rien que par un retour de 8 jours au régime végétarien, montrent suffisamment que, tout au moins chez les oiseaux, un régime mixte progres- sivement poussé vers la consommation en viande aurait eu chance d'aboutir et dans un temps relativement faible. En terminant, qu'il me soit permis de faire remarquer que si j'ai apporté quelques données précises et résolu quelques pro- blèmes, j'en ai soulevé plus encore et de cette manière indiqué, je pense, combien de semblables recherches étendues et pour, suivies pourraient être fructueuses. A une époque encore peu éloignée de nous, Cl. Bernard et de Lacaze-Duthiers discutaient sur les limites de la physio- 294 F. HOUSSAY logie et de la zoologie, posaient la question de savoir à laquelle des deux disciplines appartient la prépondérance et la résolvaient chacun à sa manière. Je crois, pour ma part, que le temps de ces querelles est passé, que la collaboration seule est efficace, et que Fon doit chercher à résoudre les problèmes que la zoologie pose, et qu'il faut d'abord connaître, avec les méthodes que la physiologie donne, ou, pour employer des termes que je trouve commodes et plus généraux : la statique et la cinématique ne se peuvent achever que dans la dynamique. POST-SCRIPTUM En achevant de corriger mes épreuves je prends connaissance d'un mémoire de Schepelmann intitulé Ueber die gestaltende Wiritung verschiedener Ernàhrung auf die Organe der Gans. (Archiv. für Entwicklungsmechanik ; lre partie, t. XXI, 1906 ; 2e partie, t. XXIII, 1907.) Ce travail contient d'intéressants renseignements. Relativement aux organes que nous avons étudiés l'un et l'autre, Schepelmann se trouve d'accord avec moi pour la variation du rein et de la rate. Il constate une opposition relativement au foie entre les données de Maurel, les siennes propres et une indication que j'avais publiée dans une de mes notes préliminaires par laquelle je ne reconnaissais à cet égard aucune différence sensible entre les poules granivores et les carnivores. Le présent mémoire complétant et rectifiant mes données primitives rétablit l'ac- cord. Schepelmann signale un contraste entre l'exagération de la ponte que j'ai indiquée à mes premières générations carnivores et le fait qu’il a trouvé les testicules des oies carnivores peu développés et stériles. Le contraste ne subsiste pas avec les VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 295 faits de stérilité progressive que j'ai publiés dès 1903 et qui sont plus accusés encore dans le présent mémoire. Une contradiction formelle demeure entre ses résultats rela- tifs au tube digestif : longueur intestinale, longueur du cæcum, poids du gésier, qu'il trouve accrus par le régime carné et les miens qui indiquent une réduction. Les écarts que nous men- tionnons l'un et l'autre sont tout à fait hors de comparaison avec les petites erreurs possibles sur la mesure. Il faut conclure à l'opposition objective à ce point de vue entre l'oie et la poule. A ce propos je dois dire que la hulotte dont j'ai pris les men- surations anatomiques et dont le foie, le rein, le gésier, s'accor- daient avec mes expériences, m'a au contraire présenté une longueur intestinale tout à fait en discordance. Son rapport anatomique est 331 % d'intestin pour 100 gr. de poids total, c'est-à-dire trois fois plus que chez une poule ordinaire. Mon Rapace sans doute était un jeune animal de 160 gr. seulement et de ce fait avait droit à une majoration d'intestin ; mais pas aussi forte, je pense. Je me proposais d'étudier à nou- veau la question soulevée par ce fait, si peu conforme aux données classiques de l'anatomie comparée. En le rapprochant du résultat expérimental de Schepelmann, on doit conclure que le pro- blème de l'adaptation des organes à l'aliment est un peu moins simple qu'il n'a d'abord paru et qu'il faut encore un certain nombre de données étendues et approfondies pour en tenir la solution totale. 296 F. HOUSSAY APPENDICE DONNÉES NUMÉRIQUES Nous disposons ici toutes les mesures qui ont servi à cons- truire les courbes utilisées dans les divers chapitres et qui parfois s'étendent même au-delà. Ces données peuvent être intéressantes tant pour contrôler nos calculs et nos conclusions que pour servir de comparaison à quelque autre recherche sur différents sujets. VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 29 1 Appendice au Chapitre II POIDS DE LA GÉNÉRATION GRANIVORE ET DE LA PREMIÈRE GÉNÉRATION CARNIVORE " DATES GRANIVORES CARNIVORES M h »0 III0 L i Hl III gr. gr. gr. gr. gr. gr. 1900. 21 décemb . 150 1.516 1.053 928 888 934 928 28 — 157 1.780 1.178 1.070 1.038 1.030 1.258 1901 . 4 janvier. . 164 1.758 1 . 244 1.248 1.260 1.281 1.180 11 — 171 1.804 1.274 1 . 320 1.322 1.400 1.341 18 — 178 1.888 1.368 1.410 1.407 1.486 1.396 25 — 185 1.814 1.389 1.388 1.470 1.534 1.525 1er février. 192 1.844 1.291 1 . 355 1.646 1.596 1.645 8 — 199 1.957 1.405 1 . 385 1.722 1.700 1.836 15 — 206 1.933 1.381 1.374 1.832 1.779 1.787 22 — 213 1.966 1.373 1.374 1.834 1.896 1.827 1er mars. . . 220 1.930 1.376 1 . 549 1.809 1.930 1.632 8 — 227 2.025 1.390 1.655 1.865 2.062 1.779 15 — 234 1.986 1.393 1.797 1 . 883 1.965 1.731 22 — 241 2.022 1.394 1.838 1.912 1.948 1 . 729 29 — 248 1.965 1.398 1.805 1.953 2.050 1 812 5 avril .... 255 1.991 1.427 1.796 1.962 2.022 1.891 12 — 262 2.000 1.480 1.818 1.972 2.021 1.870 19 — 269 2.051 1.454 1.667 2.008 2.020 1.898 26 — 276 2.054 1 . 442 1.745 2.016 2.126 1.839 3 mai 283 2.084 1.421 1.677 2.000 2.054 1.900 10 — 290 2.067 1.421 1 . 589 1.995 1.961 1.877 17 — 297 2.067 1.485 1.513 2.000 1.988 1.818 24 — 304 2.125 1.455 1.507 2.009 1.882 1.748 31 — 311 2.090 1.514 1.757 2.020 2.032 1.780 7 juin .... 318 2.070 1.397 1.696 2.062 2.050 1.797 14 — 325 2.067 1.337 1.687 2.076 2.021 1.734 21 — 332 2.122 1.293 1.724 2.064 1.996 1.776 28 — 339 2.174 1.333 couve 2.075 2.045 1.862 5 juillet. . . 346 2.119 1.340 » 2.074 1.990 1.849 12 — 353 2.105 1.237 1.398 2.037 1.922 1.748 19 — 360 2.132 1.164 1.491 2.031 1.991 1.788 25 — 367 2.125 1.093 1.640 2.088 2.045 1.670 (') Pour ces générations le nombre des jours de vie n’est donné qu’approximativement il est donné exactement pour les suivantes que nous avons fait éclore. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GEN. — 4e SERIE. — T. VI. — (v). ■■il É98 F. ÏÎOÜSSAY DATES .2 GRANIVORES CARNIVORES I h Ho IH0 II Hl IIIi 2 août .... 374 gr. 2.138 gr. 1.216 gr. 1.692 gr. 2.088 gr. 1.884 gr- 1.661 9 — 381 2.162 1.124 1.664 2.145 1.925 1.630 16 — 388 2.157 1.160 1 . 751 2.125 1.900 1.707 23 — 395 2.116 1.215 1.835 2.152 1.890 1.712 30 — 402 2.307 1.332 1.917 2.277 1.950 1.937 6 septemb. 409 2.200 1.162 1.745 2.215 1.930 1.860 13 — 416 2.275 1.202 1.699 2.252 1.942 1.825 20 — 423 2.215 1.284 1.746 2.228 1 . 862 1.752 27 — 430 2.250 1.354 1.730 2.257 1.812 1.746 4 octobre . . 437 2.310 1.240 1.693 2.330 1.867 1.857 11 — 444 2.311 1.195 1.879 2.350 1.895 1.795 18 — 451 2.365 1.207 1.902 2.379 1.850 1.959 25 — 458 2.402 1.202 1.964 2.420 1.907 1.927 1er novemb. 464 2.400 1.227 1.990 2.442 1.685 1.825 8 — 471 2.402 1.282 2.076 2.457 1.595 1.773 15 — 478 2.433 1.300 2.146 2.482 1.586 1.731 22 — 485 2.544 2.340 2.458 1.522 1.775 POIDS DE LA SECONDE GÉNÉRATION CARNIVORE DATES 1 I2 II2 III2 IV2 v2 VI2 VII2 VIII2 gr. gr. gr. gr. gr. gr. gr. gr- 1901. 15 juillet. 4 55 49, 6 53 52, 5 53 51 45 45 17 — 6 69, 5 61 67 66 66 66, 5 55 54 19 — 8 83 72 77 76 76, 5 81 63 68 21 — 10 100, 5 85 95, 5 84, 5 90 98 77 79. 5 23 — 12 113, 5 94 107 97 96 109, 5 83 88, 5 25 14 137 110 130 116 118 131 102, 5 105 27 — 16 162, 5 132 155 136 140 159 122 125 29 18 186, 5 150, 5 180 157 155, 5 182 145 142, 5 31 — 20 211 171 199 181, 5 182, 5 201, 5 156 162 2 août . 22 240 198 232 198, 5 209 233» 5 177, 5 184 4 — 24 255 210 250 215 231 264, 5 189 195 6 — 26 278 226, 5 269 228, 5 243 282 194, 5 202 8 — 28 330 256 300 270 285 310, 5 231, 5 235, 5 10 — 30 366, 5 280, 5 340 298 317 335 244, 5 259 12 — ' 32 375 296 341, 5 302 320, 5 332, (5 245 250 14 — 34 405 315 381 340, 5 364 346 ' 261 270 16 — 36 440 345 425 359 380 380 285 290 18 ; — 38 455 350 432 372 395 389, 5 275 277 20 août . . 40 498 380 454, 5 402 365, 5 354, 5 300 314 22 — . 42 544 418, 5 493 435 361 364 315 348 24 — . 44 595 447 550 t'. OO Tt* 364 428 322, 5 414 26 — 46 615 483 561 500, 5 354 458 345 438 28 48 650 490 581 527 357 484 350 445 30 — 50 700 546 609 560 380 526 387. 5 498 VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 299 DATES | Jours de vie 1 U n2 III2 1 iv2 v2 vi2 VII2 VIII2 gr. gr. gr. gr. gr . gr. gr. gr. 1er sept. 52 754 560 641 585 390 547 . 398 532 3 — 54 804 590 665 605 405 556 419 554 5 — 56 864 630 692 645 431 614 447 595 7 — 58 907 647 727 677 469 665 470 645 9 — 60 917 652 740 674 470 701 482 637 11 — 62 970 687 770 644 502 712 509 684 13 H 64 1.032 734 832 702 570 790 522 727 15 — 66 1.077 768 832 762 600 842 598 792 17 — 68 1.120 800 814 769 627 824 604 801 20 — 71 1.170 831 871 785 700 895 664 845 24 — 75 1.240 880 924 795 725 958 722 909 27 — 78 1.298 909 996 814 797 1.050 789 974 1er oct. . 82 1.368 965 1.069 861 842 1.177 860 1.065 4 — 85 1.389 997 1.103 912 910 1.230 944 1.104 8 — 89 1.477 1.031 1.137 963 943 1.309 1.007 1.135 11 — 92 1.510 1.068 1.205 1.004 998 1.367 1.050 1.195 15 — 96 1.577 1.102 1.280 1.065 1.064 1.442 1.117 1.210 18 — 99 1.624 1.130 1.332 1.065 1.074 1.519 1.127 1.234 22 — 103 1.698 1.164 1.389 1.097 1.150 1.585 1.195 1.299 25 106 1.730 1.198 1.427 1.167 1.179 1.646 1.243 1.330 29 ! ' 110 1.802 1.189 1.520 1.217 1.212 1.725 1.271 1.350 1er nov. 113 1.880 1.201 1.550 1.245 1.257 1.755 1.282 1.372 5 — 117 1.896 1.220 1.557 1.285 1.282 1.777 1.332 1.415 8 — 120 1.946 1.237 1.558 1.301 1.305 1.783 1.337 1.395 12 — 124 2.025 1.277 1.600 1.329 1.390 1.776 1.387 1.459 15 — 127 2.060 1.285 1.619 1.351 1.430 1.795 1.395 1.472 22 - - 134 2.185 1.322 1.735 1.383 1.510 1.905 1.442 1.517 29 — 141 2.244 1 . 365 1.745 1.422 1.530 2.035 1.492 1.540 6 déc . . . 148 2.342 1.382 1.467 2.261 1.487 1.477 13 — 155 2.374 1.407 1.490 2.185 1.481 1.562 20 162 2.420 1.413 1.548 2.310 1.515 1,585 27 — 169 2.535 1.428 1.610 2.459 1.592 1.630 1902. 3 janv.. 176 2.566 1.446 1.687 2.526 1.637 1.650 10 — 183 2.637 1.497 1.751 2.565 1.727 1.725 17 — 190 2.662 1.558 1.849 2.657 1.759 1.841 24 — 197 2.647 1.577 1.956 2.625 1.857 1.946 31 — 204 2.640 1.589 2.095 2.655 1.887 2.019 7 février 211 2.622 1.639 2.040 2.690 1.970 1.950 14 — 218 2.649 1.747 2.032 2.728 1.995 2.000 21 — 225 2.673 1.910 1.979 2.705 2.008 2.005 28 — 232 2.709 1.929 1.854 2.587 2.090 2.045 7 mars. . 239 2.700 1.870 1.940 2.764 1.990 2.045 14 ; 246 2.704 1.893 1.898 2.772 2.048 2.004 21 1 253 2.715 1.836 1.982 2.728 2.002 2.066 28 — 260 2.680 1.820 2.020 2.725 2.015 2.050 4 avril . 267 2.605 1.800 2.051 2.715 2.026 2.014 10 — 273 2.648 1.895 2.007 2.723 1.980 2.000 17 — ! 280 ^ 2.642 1.912 2.074 2.713 2.019 2.065 24 — 287 2.670 1.861 2.095 2.700 1.952 2.090 1er mai . 294 2.625 1.935 2.092 2.675 2.022 2.042 7 — 300 i 2.639 1.982 2.080 2.630 1.940 1.955 F. HOÜSSAY 300 DATES | Jours de vie | I2 Us III2 IV, v2 VI, VII2 VIII2 1 4 mai . . 307 gr. 2.625 gr. 1.918 gr. 2.085 gr. 2.705 gr. 1.929 gr. 1.821 22 — 315 2.665 1.948 2.077 2.658 1.905 2.035 29 — 322 2.660 1.940 2.045 2.705 1.877 2.150 5 juin . . 329 2.630 1.915 1.952 2.675 1.877 2.165 12 — 336 2.622 1.910 2.004 2.688 1.943 2.185 19 — 343 2.624 1.894 1.955 2.663 1.953 2.182 26 — 350 2.619 1.945 2.020 2.722 1.912 2.218 3 juillet. 357 2.644 1.919 2.012 2.772 1.996 2.215 10 — 364 2.621 1.922 1.948 2.755 1.925 2.137 17 — 371 2.637 1.996 2.000 2.768 1.948 2.168 24 — 378 2.660 1.885 2.057 2.737 1.918 2.022 31 — 385 2.664 1 . 960 2.085 2.750 1.880 2.012 7 août. . 392 2.690 1.791 2.072 2.729 1.905 2.119 14 — 399 2.604 1.822 2.079 2.660 1.775 2.092 21 — 406 2.620 1.839 2.062 2.715 1.785 2.108 28 — 413 2.635 1.820 2.045 2.804 1.812 2.112 4 sept. . 420 2.650 1.812 2.080 2.635 1.745 2.212 11 — 427 2.692 1.912 1.943 2.700 1.837 2.079 18 — 434 2.675 1.874 1.993 2.670 1.868 1.895 25 — 441 2.685 1.883 1.944 2.759 1.835 2 octob . 448 2.752 1.860 2.002 2.760 1.830 9 — 455 2.802 1.833 2.003 2.780 1.860 16 — 462 2.815 1.900 2.014 2.865 1.761 23 — 469 2.834 1.807 1.944 2.838 1.655 31 — 476 2.865 1.640 1.800 2.905 1.610 6 nov. . . ' 483 2.798 1.568 1.585 1.615 POIDS DE LA TROISIÈME GÉNÉRATION CARNIVORE DATES 1 Is IL III3 iv8 V3 Vis VI I3 VIII3 gr. gr. gr. gr. gr. gr. gr. gr. 1902. 24 juin.. 1 46 44 39 36, 5 38, 5 37 41 43 26 — 3 54, 5 47, 5 46 47, 5 46, 5 46, 5 48, 5 49, 5 28 — 5 67 57 51, 5 58 61 60 59, 5 60 30 — . 7 82 68 63 70 74, 5 74 68 73 2 juillet. 9 96 80 70 81 93 88 83 88 1 — 11 112 93 81 96 104 104 95 105 6 — 13 127 106 89 110 115 .120 109 120 8 — 15 144 120 101 117 124 132 119 134 10 — 17 161 13.3 111 126 135 147 128 151 12 — 19 184 149 134 142 150 166 141 172 14 — 21 208 165 152 160 168 182 151 195 16 — 23j 230 169 169 184 180 196 i 165 212 18 — 25 256 195 183 198 206 201 187 238 20 — 27 279 210 206 215 242 178 203 264 22 — 29 327 247 229 250 277 178 231 305 24 — 31 346 261 246 256 288 198 238 325 26 — 33 370 283 265 295 307 209 257 358 VACATIONS EXPÉRIMENTALES 301 DATES | h lh IH3 IV3 v3 VI3 VII3 VIII3 gr. gr. gr. gr. gr. gr. gr. gr. 28 juillet. 35 402 302 292 323 322 213 285 382 30 — • 37 426 322 310 345 355 222 309 419 1er août." 39 453 343 337 380 388 230 332 442 3 — 41 489 375 352 408 426 244 355 462 5 — 43 500 399 368 444 445 253 374 480 7 — 45 520 420 386 480 467 264 396 505 9 — 47 561 439 418 534 516 279 428 540 11 — 49 610 460 447 581 563 293 450 574 13 — 51 635 463 456 582 540 297 412 604 15 — 53 698 501 494 635 579 307 400 645 17 — 55 740 520 513 692 616 322 397 678 19. — 57 784 542 532 750 672 335 398 711 21 — 59 835 574 563 800 712 354 400 737 25 — 63 929 644 635 830 715 329 437 815 28 — 66 960 670 645 873 765 329 429 829 1er sept. 70 1.067 714 710 945 830 459 899 4 — 73 1.120 750 752 972 842 460 940 8 — 77 1.220 797 815 995 875 470 997 11 — 80 1 . 260 807 842 1 . 010 895 488 1 . 030 15 — 84 1.310 870 897 1 . 069 949 483 1.078 18 — 87 1.358 913 930 1.120 998 478 1.123 22 91 1.443 946 958 1.160 1.009 475 1.186 25 94 1.525 988 1.002 1.270 1.038 483 1 . 230 29 — 98 1.605 1.023 1 . 043 1.332 1 . 062 458 1.305 2 octob . 101 1.695 1.072 1.127 1 . 425 1.095 500 1.390 6 — 105 1.780 1.092 1.252 1 . 530 1.178 493 1 . 407 9 — 108 1 . 782 1.110 1.202 1.564 1.219 501 1.418 16 — ■ 115 1 888 1.160 1 . 250 1.690 1.320 517 1.452 23 — 122 1 . 955 1.190 1.262 1.752 1.370 1.510 30 — r 129 2.175 1.258 1.362 1.877 1.604 6 nov. . . 136 2.275 1.265 1.372 1.965 1.646 13 — 143 2.427 1.282 1.383 2.272 1.720 20 — 150 2.406 1.298 1.372 2.315 1.732 27 ESB! 157 2.470 1.298 1.378 2.515 1.828 4 déc . . . 164 2.550 1.302 1.462 2.542 2.032 11 — 171 2.530 1.314 1.483 2.590 2.192 18 — 178 2.636 1.314 1.541 2.637 2.172 25 — 185 2.646 1.400 1.655 2.745 2.304 1903. 1er janv. 192 2.680 1.410 1.752 2.772 2.290 8 ,Wfr 199 2.714 1.422 1.856 2.780 2.276 15 — 206 2.657 1.447 1.797 2.708 2.237 22 213 2.652 1.442 1.712 2.835 2.300 29 — 220 2.740 1.484 1.728 2.890 2.197 5 février 227 2.835 1.537 1.779 2.953 2.100 12 — 234 2.836 1.675 1.935 2.955 2.220 19 — 241 2.865 1.814 1.993 2.862 2.300 26 — 248 2.820 1.822 1.950 2.889 2.195 5 mars. . 255 2.880 1.877 1.957 3.010 2.172 12 — 262 2.880 1.915 1.905 3.012 2.345 19 — 269 2.850 1.925 1.900 3.025 2.347 26 — 276 2.827 1.930 1.903 3.055 2.350 2 avril . 283 2.790 1.970 1.976 3.057 2.429 302 F. HOUSSAY DATES j Jours de vieil L Ils III3 iv3 v3 VI3 vil8 VIII3 9 avril. 290 gr. 2.788 gr. 2.007 gr. 1.959 gr. 3.066 gr. 2.476 16 — 297 2.760 2.006 1.956 3.040 2.400 23 — 304 2.737 2.000 1.945 3.030 2.374 30 — 311 2.690 1.963 1.889 3.083 2.340 7 mai. . . 318 2.730 2.045 1.912 3.078 2.385 34- — 325 2.725 2.065 1.910 3.096 2.315 21 — 332 2.727 2.046 1.882 3.033 2.305 28 _ 339 2.746 2.000 1.860 3.022 2.290 4 juin . . 346 2.769 1.917 1.835 3.016 2.250 11 — 353 2.765 couve 1.790 3.009 2.209 18 — 360 2.760 » 1.883 3.050 2.251 25 — 367 2.738 » 1.845 3.096 2.169 2 juillet. 374 2.745 » 1.860 3.118 2.160 9 _ 381 2.752 1.290 1.932 3.132 2.170 16 — 388 2.749 1.242 1.945 2.995 2.177 23 — 395 2.776 1.215 1.872 3.102 2.150 30 — 402 2.755 1.225 1.890 3.147 2.137 6 août. . 409 2.757 1.376 1.846 3.111 2.243 13 — 416 2.762 1.494 1.747 3.100 2.207 20 — 423 2.778 1.649 1.819 3.078 2.219 27 — 430 2.740 1.640 1.800 3.062 2.118 3 sept. . 437 2.762 1.637 1.782 3.074 2.092 10 — 444 2.760 1.795 1.755 3.038 2.165 17 — 451 2.700 1.838 1.796 2.960 2.008 24 — 458 2.675 1.850 1.860 2.885 1.903 r oct. . 465 2.690 1.812 1.818 2.845 1.843 8 — 472 2.545 1.844 1.724 2.800 1.812 15 — 479 2.432 1.892 1.670 2.655 1.827 22 — 486 1.900 1.528 2.586 29 — 493 1.752 1 . 524 5 nov. . . 500 1.631 1.506 12 — 507 1.565 1.582 19 — 514 1.522 1.492 26 — 521 1.498 3 déc. . . 528 1.440 POIDS DE LA QUATRIÈME GÉNÉRATION CARNIVORE (3 Eclosions) DATES Jours de L IL Jours de IV4 v4 Jours de VII4 vie vie vie 1903. 18 juin 1 gr. 52 gr. 49 gr. gr. 20 — 3 61 56 22 — .... 5 69 66 24 — 7 95 85 1 40, 5 37 26 — 9 110 101 3 49 45 8 — 11 130 122 5 61 53 30 — 13 152 140 7 72 63 2 juillet. . . . 15 180 168 9 87 88 VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 303 DATES Jours de vie Ii II4 Jours de vie IV4 v4 Jours de vie VII4 1903. ij uillet . . . . 17 gr. 213 g»’- 196 11 gr- 104 g'-- 109 1 gr- 39 6 19 233 225 13 117 123 3 49 8 — . . . 21 249 257 15 129 137 5 60 10 — s 23 282 273 17 145 146 7 73 12 — . . . 25 310 306 19 166 171 9 89 14 - ... 27 340 339 21 184 198 11 107 16 — . . . 29 360 370 23 210 224 13 143 18 — . . . 31 398 423 25 224 255 15 159 20 — . . . 33 424 454 27 242 274 17 182 22 — . . . 35. 478 503 29 273 308 19 220 24 — . . . 37 513 550 31 302 337 21 250 26 :ÿ 39 585 590 33 325 374 23 289 28 41 637 665 35 346 402 25 324 30 T- . . , 43 650 694 37 373 423 27 346 1er août 45 705 730 39 393 467 29 389 3 ... 47 750 769 41 420 494 31 417 5 — • • 49 785 820 43 448 532 33 462 7 — ... 51 808 887 45 488 572 35 510 9 — ... 53 861 934 47 531 602 37 555 11 ■ | ..... 55 904 972 49 551 614 39 598 13 H ; .... . 57 970 1.040 51 585 675 4L 659 15 59 1.005 946 53 603 695 43 654 17 — ... 61 1.035 1.003 55 661 710 45 688 19 — ... 63 1.102 1.073 57 660 643 47 720 21 — ... 65 1.092 1.120 59 591 660 49 755 23 — ... 67 1.107 1.211 61 680 705 51 823 25 ' — ... 69 1.135 1.260 63 716 739 53 890 27 71 1.130 1.319 65 745 758 55 890 29 — ... 73 1.150 1.331 67 750 780 57 941 31 — ... 75 1.180 1.400 69 768 757 59 950 3 septembre 78 1.177 1.400 72 810 832 62 1.040 7 — ... 82 1.274 1.493 76 865 940 66 1.148 10 — ... 85 1.379 1.604 79 945 1.025 69 1.264 14 — ... 89 1.485 1.682 83 1.043 1.112 73 1.371 17 — ... 92 1.568 1.765 86 1.115 1.175 76 1.402 21 — ... 96 1.665 1.852 90 1.157 1.205 80 1.500 24 — ... 99 1.698 1.800 93 1.218 1.290 83 1.530 28 — ... 103 1.702 1.894 97 1.233 1.327 87 1.583 1er octobre . 106 1.706 1.921 100 1.275 1 . 325 90 1.615 5 — ... 110 1.873 1.942 104 1 . 340 1.402 94 1.817 8 — ... 113 1.917 2.132 107 1 . 358 1.470 97 1.885 12 — ... 117 1.989 2.204 111 1.415 1.498 101 1.978 15 — ... 120 2.015 2.348 114 1.450 1.570 104 2.089 19 — ... 124 2.098 2.321 118 1.425 1.552 108 2.134 22 — • . . . 127 2.213 2.377 121 1.505 1.598 111 2.244 29 — ... 134 2.380 2.456 128 1.545 1.638 118 2.391 5 novembre. 141 2.479 2.538 135 1.570 1.700 125 2.559 12 — ... 148 2.535 2.536 142 1.675 1.772 132 2.744 19 — ... 155 2.633 2.536 149 1.750 139 2.798 26 — ... 162 2.722 2.677 156 1.819 146 2.971 3 décembre. 169 2.717 2.755 163 1.832 153 2.969 10 — ... 176 2.760 2.820 170 1 1.881 160 3.113 304 F. IIOUSSAY VARIATIONS EXPERIMENTALES 305 POIDS DE LA CINQUIEME GÉNÉRATION CARNIVORE (2 Eclosions) DATES Jours de vie L Us III5 Jours de vie IV5 gr. g**- gr- Sr- 1904. 6 juin. ............. 3 45 49 50 8 — ........... 5 53 57, 5 53, 5 10 — ........... 7 68 69 62 12 — . ..... 9 78 75 68 14 — .......... 11 90 80 64 16 — ...... 13 104 90 57 18 — 15 113 112 76 20 — ........... 17 130 134 88 22 — ........... 19 147 147 107 24 — ........... 21 166 160 123 26 — 23 181 178 143 28 — . 25 206 198 165 80 — 27 235 • 224 199 2 juillet 29 271 244 243 4 — ........... 31 294 281 264 6 — ........... 33 314 285 281 8 — ........... 35 355 304 315 10 — ....... 37 390 333 340 12 — ........... 39 415 360 367 14 — 41 445 388 417 16 — . 43 485 400 458 3 43 18 — ........... 45 503 398 508 5 51 20 — ........... 47 530 403 515 7 66 22 — ..... ..... 49 572 451 569 9 83 24 — 51 600 489 602 11 97 '26 — ....... 53 628 532 637 13 112 28 — ........... 55 681 583 723 15 113 30 — 57 715 624 771 17 153 1er août ........... 59 712 589 756 19 165 3 — ........... 61 825 670 900 21 213 8 — 66 760 600 828 26 272 11 — ... 69 872 777 956 29 323 15 — ... .... 73 1.003 720 1.027 33 382 19 — 77 1.040 788 1.152 37 440 22 — 80 1.105 828 1.209 40 500 25 — 83 1.160 812 1.288 43 570 29 — ........... 87 1.220 870 1.354 47 635 1er septembre 90 1.285 920 1.483 50 702 8 — 97 1.377 1.022 1.640 57 867 15 — 104 1.506 1.107 1.852 64 1.070 22 — 111 1.596 1.056 2.005 71 1.262 29 — 118 1.605 1.063 2.130 78 1.410 6 octobre 125 1.635 1.138 2.330 85 1.630 13 — ........... 132 1.687 1.097 2 448 92 1.847 20 — . 139 1.710 2.570 99 1.916 27 — ........... 146 1.743 2.619 106 2.047 3 novembre .... 153 1.762 2.679 113 2.170 306 F. HOUSSAY DATES Jours de vie I5 Il5 III5 Jours de vie IV5 gr. gr. g1*- gr- 1 90 4. 10 novembre .. 160 1.718 2.677 120 2.157 17 — 167 1.831 2.735 127 2.286 24 — 174 1.830 2.780 134 2.420 1er décembre 181 1.876 2.994 141 2.146 8 — 188 » » 148 » 15 — 195 2.007 3.155 155 2.056 22 — 202 2.062 3.111 29 — 209 2.135 3.133 1905. 5 janvier 216 2.122 3.057 12 — 223 2.156 3.118 19 — . 230 2.189 3.150 26 — 237 2.275 3.193 2 février 244 2.290 3.197 9 — 251 2.336 3.324 17 — 259 2.410 3.436 23 — 265 2.414 3.431 2 mars 272 2.441 3 322 9 — 279 2.342 3.307 16 — 286 2.385 3.250 23 — . 293 2.340 3.222 30 — . . . 300 2.309 3.320 6 avril 307 2.413 3.266 13 — 314 2.381 3.210 20 — 321 2.320 3.188 27 — 328 2.331 3.185 4 mai 335 2.524 3.292 11 — 342 2.332 3.268 18 — 349 2.352 3.297 25 - 356 2.363 3.200 1er juin 363 2.500 3.277 8 — 370 2.462 3.369 15 — 377 2.445 3.377 22 — 384 2.360 3.315 29 — 391 2.357 3.337 6 juillet 398 2.279 3.333 13 — 405 2.363 3.360 20 — 412 2.425 3.300 27 — 419 2.345 3.282 3 août 426 2.425 3.295 10 — 433 2.172 3.274 17 — 440 2.187 3.327 25 — 448 2.212 3.275 30 — 453 2.176 3.310 7 septembre 461 2.210 3.324 14 — 468 2.233 3.305 21 — 475 2.227 3.270 30 — 484 2.195 3.220 5 octobre 489 2.180 3.348 12 — 496 2.182 3.407 19 — 503 2.243 3.505 26 — 510 3.642 2 novembre 517 3.503 VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 307 Appendice au Chapitre III DOSAGE DE i/AZOTE DES EXCRETA SOLUBLES DATES Jours de vie CENTIMÈTRES CUBES D’AZOTE par jour et par kilog. Granivores Premières Carnivores 1901. 4 avril . 254 22 cc 69 43 cc 24 19 — 269 23 06 74 40 10 mai 290 10 41 53 57 3 juin 314 27 90 37 57 1er juillet 342 15 25 31 99 29 — 371 23 43 7 81 12 août 384 13 39 38 31 2 septembre ........ 405 21 95 59 15 16 — 419 20 70 46 50 1er octobre 434 33 48 178 19 19 novembre 483 36 08 66 96 EXCRETA DE LA SECONDE GÉNÉRATION CARNIVORE (1) DATES Jours de vie CENTIMÈTRES ( par jour e Série a ^UBES D’AZOTE t par kilog Série (3 1901. 2 septembre 53 58 cc 03 58 cc 03 16 — 67 85 19 85 19 1er octobre . 82 58 79 58 79 19 novembre 131 86 30 86 30 18 décembre 160 69 19 78 49 31 — ........ 173 59 89 77 75 1902. 14 janvier 187 52 45 67 33 27 — 200 54 31 70 31 11 février 215 45 38 59 15 25 — 229 52 84 66 22 12 mars 244 55 06 68 82 25 — 257 57 29 51 71 8 avril 271 62 12 55 80 22 — 285 55 43 67 33 (1) Jusqu’au 19 novembre, tous les poulets étaient ensemble et on n'a pas distingué entre leurs excreta. 308 F. HOUSSAY DATES Jours de vie CENTIMÈTRES ( par jour el Série OC :UBES D’AZOTE t par kilog Série P 6 mai 300 62 87 53 20 20 — 314 40 18 38 v 69 3 juin . 328 45 88 52 08 18 — 343 52 08 50 22 1er juillet ...... 356 49 10 40 55 16 — 371 42 04 35 34 29 — 384 52 45 43 52 12 août 398 45 01 43 52 23 — 409 68 45 59 89 12 septembre. 429 72 54 66 96 30 — 447 76 63 76 63 14 octobre 461 53 20 87 79 30 — 476 47 62 87 79 EXCRETA DE LA TROISIÈME GÉNÉRATION CARNIVORE DATES Jours de vie CENTIMÈTRES ( par jour e Série 0C :UBES D’AZOTE t par kilog Série P 1902. 19 novembre 149 63 cc 61 59 cc 36 25 — 155 57 29 60 64 3 décembre ....... 163 79 61 83 70 1903. 2 janvier 193 42 41 58 03 15 — 206 68 82 78 12 29 — 220 66 22 75 89 12 février 234 51 71 71 80 25 — 247 46 50 43 90 13 m^rs 263 52 46 84 82 27 — 277 49 48 84 07 10 avril 291 57 29 61 01 23 — 304 60 26 55 06 8 mai 319 59 52 72 17 22 — 333 54 31 70 31 5 juin ............. 347 37 20 50 59 19 — 361 55 06 72 17 3 juillet 375 59 52 63 98 16 — 388 57 66 60 26 31 — 403 50 22 39 80 14 août 417 26 41 33 11 28 431 59 89 45 38 11 septembre 445 44 27 66 59 25 — 459 50 59 63 24 9 octobre 473 82 21 56 92 309 Variations expérimentales EXCRETA DE LA QUATRIÈME GÉNÉRATION CARNIVORE DATES Jours de vie (1) CENTIMÈTRES CUBES D’AZOTE par jour et par kilog1. 1903. 29 octobre 128 101 cc 18 13 novembre 143 80 72 27 — . 157 127 22 10 décembre 170 82 58 24 — 184 92 26 1904. 7 janvier 198 69 19 21 — 212 67 70 4 février 226 82 96 19 — 241 67 70 10 mars 261 90 40 24 274 115 32 7 avril 288 82 21 21 — 302 103 42 5 mai 316 79 24 19 — 330 88 54 3 juin 341 58 40 17 — 355 68 45 30 — 368 71 05 14 juillet 382 56 92 28 — 396 55 80 11 août 410 40 92 25 423 69 94 8 septembre 437 56 17 22 — 451 99 70 6 octobre 465 51 71 (1) Les animaux n’étant pas nés le même jour, ces nombres représentent l'âge moyen des animaux vivants au jour de l’expérience. — L’écart maximum est de 5 jours. 310 F. IIOUSSAY EXCRETA DE LA CINQUIÈME GÉNÉRATION CARNIVORE DATES Jours de vie CENTIMÈTRES CUBES D’AZOTE par jour et par kilog’. 1904. 27 octobre 146 85 cc 93 11 novembre 161 53 57 25 — 175 75 14 9 décembre 189 82 21 23 — 203 55 43 1905. 6 janvier 217 67 70 20 — 231 64 36 3 février 245 27 53 17 — 259 66 96 3 mars 273 42 04 17 — 287 58 78 1er avril 301 79 98 14 — 315 48 36 28 — 329 42 04 12 mai 343 69 94 26 — 357 75 89 9 juin 371 50 59 23 — 385 34 97 6 juillet 398 31 25 21 — 413 47 99 4 août 427 58 40 18 — 441 53 57 1er septembre ....... 455 50 22 15 — 469 48 36 29 — 483 50 96 12 octobre 496 60 64 VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 311 Appendice à divers Chapitres DONNÉES ANATOMIQUES MESURES ORGANIQUES DE LA GÉNÉRATION GRANIVORE ET DE LA PREMIÈRE GÉNÉRATION CARNIVORE Désignation des Animaux Io Ho IIIo II IUl Age en Jours . 489 485 488 490 491 492 Sexe .... Mâle Femelle Femelle Mâle Femelle Femelle Poids le jour de la mort 2.485 g. 1.411 g. 2.246 g. 2.405 g. 1.483 g. 1.790 g. Sang 85 5 82 73 53 93 64 79 Plumes 167 5 93 2 127 167 5 97 5 110 5 Graisse 203 176 75 92 10 200 36 2 175 Longueur du JABOT. . . 56 % » 54 Z 45 Z 35 Z 35 % Largeur — 55 » 47 39 35 30 Jauge à l'eau — 261 ce » 275 ce 98 ce 46 ce 84 ce — au mercure — 354 ». 354 130 112 135 Poids du CŒUR 12 g. 45 5 g. 5 7g. 3 Hg. 8 8 g. 54 8 g. 8 — du FOIE 33 15 38 2 45 18 33 1 39 65 38 85 • — de la RATE 2 07 1 1 7 2 31 1 76 2 3 Long. (l)de l'INTESTIN 1 780 Z 1 . 700 Z 1.980 % 1.560 % 1 . 370 Z 1.600 Z — du PANCRÉAS . . 125 116 130 125 112 123 Largeur du PANCRÉAS . 10 9 8 7 8 8 Poids — 4 g. 05 2g. 95 3 g. 73 2 g. 15 2 g. 69 3 g. 85 Poids de l'ESTOMAC. . . 59 35 43 5 66 6 27 07 28 35 52 85 — du GÉSIER ..... 54 45 37 26 59 3 21 85 21 15 43 9 Grand axe du GÉSIER. 64 Z 60 Z 73 Z 49 Z 50 % 61 Z Petit axe — 48 50 55 44 41 48 Epaisseur — 25 21 38 21 » 19 Longueur d'un CÆCUM. 195 165 200 122 145 130 Poids des 2 TESTICULES 13 g. 75 » » 13 g. 75 » » — de l’OVAIRE .... » 24 g. 7 43 g. 7 » 6 g. 93 v20 g. 2 Longueur du REIN .... 78 % 62 % 70 Z 70 Z 78 % 78 % Largeur — .... 12 16 15 14 16 16 Poids des 2 — 11 g. 95 8 g. 65 9g. 25 U g. 1 14 g. 75 12 g. 9 — des 2 POUMONS . 8 70 » 6 76 10 » 7 13 SQUELETTE ......... 130 25 67 02 101 60 126 11 66 3 85 3 PONTE » 6 k. 671 4k. 049 » 10 k. 195 7 k. 154 (1) Cette longueur est toujours prise au-dessous du Jabot. MESURES ORGANIQUES" DE LA SECONDE GÉNÉRATION CARNIVORE 3i â P. HOUSSAY O 68 O O U5 M 61 H bfl N en H' H bfl (5 K5 N l» H H H H H O N O K 00 O M » « N iO ti H !>©!>©©© eo o © © © eo (N en iO ^ lO ® 00 H © t> © © 68 en co en o o 60 CO «o H eo en © ^ I I 0) CO û, £ .% W Ph O I I U ◄ S O H C « fi ca *W ZI O I I m - w • J S & 8° «3 CO O H _ H . W H g < > O S 3 S» S) b© fce -g 3 3-2 ai # P -S “S P. I I I 3 & K If S « ’o >-3 CL. « X fl *5 .22 6e r§ g & « fi !2 t ® o- © © © O CL ■« ni A (L -O T3 J -3 Ph W H H W J ca K H P £ 03 O m Ph VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 313 MESURES ORGANIQUES DE LA TROISIÈME GÉNÉRATION CARNIVORE Désignation des Animaux 13 113 III3 IV3 Villa Age en Jours 481 530 517 490 484 Sexe Mâle Femelle Femelle Mâle Femelle Poids le jour de la mort 1.885 g. 1.395 g. 1.437 g. 2.500 g. 1.706 g. Sang 32 54 51 5 124 84 Plumes 105 108 116 5 133 122 Graisse 0 14 85 29 0 12 67 Longueur du JABOT. 50 % 38 Z 34 Z 60 % 37 Z Largeur — 52 33 34 48 36 Jauge à l'eau — 88 ce 51 cc 51 CC 85 cc 94 CC — au mercure — 114 67 65 107 115 Poids du CŒUR 10 g. 32 5 g. 54 5 g. 65 12 g. 80 7 g. 70 — FOIE 56 32 52 39 54 66 40 51 65 — de la RATE 1 49 2 21 2 19 2 83 2 66 Longueur de l'INTESTIN 1.22Ô % 1.480 Z 1 • 570 Z 2.060 Z 1 . 770 Z — du PANCRÉAS » 102 120 155 112 Largeur — » 10 »» 14 10 Poids — » 3g. 3 2 g. 54 5 g. 33 3 g. 27 — de l’ESTOMAC 24 g. 30 61 33 28 53 54 36 95 — du GÉSIER 18 5 24 58 26 68 41 64 29 94 Grand axe du GÉSIER 49 % 50 Z 50 % 55 % 54 Z Petit axe — 41 40 45 50 42 Epaisseur — 15 26 28 30 30 Longueur d’un CÆCUM 100 122 113 170 126 Poids des 2 TESTICULES 3 g. 94 » » 4 g. 53 » — de l'OVAIRE ,, 1 g. 32 2 g. 2 » 2g. 33 Longueur du REIN 90 % 70 % 72 % 92 Z 82 Z Largeur — 15 13 15 20 15 Poids des 2 — 21 g. 72 12 g. 40 13 g. 60 23 g. 38 17 g. 90 — POUMONS 18 86 7 28 6 18 12 15 7 91 SQUELETTE ... 162 81 77 1.79 101 PONTE » 7 k. 616 9 k. 614 u 8 k. 048 AftCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. 4e SERIE. — T. VI. — (v). 22 314 F. HOUSSAY MESURES ORGANIQUES DE LA QUATRIÈME GÉNÉRATION CARNIVORE Désignation des Animaux .......... 14 IL IV4 V4 VII4 Âge en Jours. ..................... 345 270 148 478 478 Sexe Mâle Mâle Mâle Femelle Mâle Poids le jour de la mort. ........... 2.735 g. 2.127 g. 1.592 g. 1.942 g. 3.561 g. Sang 167 93 54 98 17 Plumes 118 147 117 149 Bit Graisse ....................... 0 0 0 85 42 89 55 Longueur du JABOT. ............. 43 % 80 % 63 % 50 % 55 % Largeur — 42 65 63 45 55 Jauge à l’eau — 67 cc 157 cc 133 cc 88 cc 139 CC Jauge au mercure du JABOT. ..... 81 160 140 90 140 Poids du CŒUR 15 g. 59 8 g. 58 9 g. 40 9 g. 42 18 g. 07 — du FOIE .................... 60 80 62 44 59 90 48 17 67 85 — de la RATE. 4 60 8 23 1 94 3 14 4 83 Longueur de l’INTESTIN 1.930 % 1.600 % 2.000 % 1.840 % 2.350 % — du PANCRÉAS. ....... . 137 135 120 115 167 Largeur — .......... 15 8 12 11 10 Poids — .......... 5 g. 97 3g. 48 5 g. 34 3 g. 76 5 g. 88 — de l'ESTOMAC. .............. 59 15 37 76 43 48 72 52 63 — du GÉSIER................. 52 07 30 05 86 15 35 79 42 19 Grand axe du GÉSIER ........... 64 % 55 % 53 % 63 %. 60 % Petit axe — ........... 50 45 48 45 45 Epaisseur — ........... eo » 30 35 80 Longueur d'un CÆCUM. )) » 160 150 180 Poids des 2 TESTICULES. ......... 40 g. 75 1g 9 0g. 40 )) 16 g. 76 — de l' OVAIRE ................ » » » 1g. 75 » Longueur du REIN ............... 85% » 92 % 85 % 85 % Largeur — 15 » 10 23 15 Poids des 2 — ............... 18 g. 75 -18 g. 60 18 g. 20 18 g. 62 22 g. 49 — des 2 POUMONS 10 60 8 75 8 03 9 41 26 25 SQUELETTE............. 180 185 93 5 107 206 PONTE » » )) 8 k. 432 » VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 315 MESURES ORGANIQUES DE LA CINQUIÈME GÉNÉRATION CARNIVORE Désignation des Animaux 15 1 1 5 1115 iy5 (1) Age en Jours 505 136 519 196 Sexe Femelle Mâle Mâle Mâle Poids le jour de la mort 2.190g. 1.059 g. 3.416 g. 1.965 g. Sang 100 42 165 85 Plumes 116 51 231 136 Graisse 125 0 183 0 Longueur du JABOT ......... 42 % 43 Z 55 Z 55 Z Largeur — 45 43 45 50 Jauge à l'eau — 90 CC 81 CC 191 CC 95 CC Jauge au mercure du JABOT. . . 90 86 210 109 Poids du CŒUR. 9 g. 14 7 g. 38 15 g. 87 14 g. 10 i du FOIE 49 70 32 24 53 80 140 10 — de la RATE 3 0 67 3 01 6 39 Longueur de l’INTESTIN .... 1.910 % 1.310 % 1 .920% 2.450 % du PANCRÉAS. ..... 125 90 118 160 Largeur — 15 10 10 15 Poids — 4 g. 33 2 g. 35 4g. 2 5 g. 80 de l’ESTOMAC 46 41 34 60 65 80 55 68 du GÉSIER 37 40 29 17 56 65 45 04 Grand axe du GÉSIER 58 % 52 % 75 Z 55 % Petit axe — 45 45 52 50 Epaisseur — 26 28 32 » Longueur d’un CÆCUM. ...... 145 125 170 205 Poids des 2 TESTICULES » 0 g. 21 8 g. 25 0 g. 53 de l'OVAIRE 2 g. 28 » » » Longueur du REIN 80 % » 85 % 100 Z Largeur — 15 » 15 25 Poids des 2 — 15 g. 80 10 g. 68 17 g. 77 35 g. 48 des 2 POUMONS 7 74 7 86 18 65 12 94 SQUELETTE 119 53 177 \ 132 PONTE 6 k. 101 » s » (1) Cet animal est mort d’hypertrophie du foie avec dégénérescence graisseuse. Le dévelop- pement de tous ses organes digestifs et de ses reins est extraordinaire. 316 F. HOÜSSAY RAPPORTS ORGANIQUES A 100 GR. DE POIDS TOTAL DANS LA GÉNÉRATION GRANIVORE ET LA PREMIÈRE GÉNÉRATION CARNIVORE ORGANES Io IIo IIIo II II i IIIi Poids avant la mue .... 2.544 gr. 1.354 gr. 1.917 gr. 2.458 gr. 1.907 g-!’ 1 . 959 gr. Sang 3 36 6, 05 3, 83 3,78 3, 35 4, 03 Jabot jaugé à l'eau îo’, 26 » 14, 34 3, 99 2, 41 4, 28 — jaugé au mercure 13, 91 » 18, 46 5, 29 5, 87 6, 89 Cœur 0, 49 0, 40 0, 38 0, 48 0, 45 0, 45 Foie 1, 30 2,82 2, 35 1, 34 2, 08 1, 98 Rate 0, 08 0, 07 0, 09 0, 09 0, 09 0, 12 Long, intestin 69, 97 125,55 103,03 63, 46 71, 84 81, 67 Pancréas 0, 16 0, 21 0, 19 0, 09 0, 14 0, 19 Gésier ' 2, 14 2, 75 3, 09 0, 89 1, 11 2, 24 Cæcum 7, 66 12, 18 10, 43 4, 96 7,60 6, 63 2 Reins 0, 47 0, 63 0, 48 0, 45 0, 77 0, 66 2 Poumons 0, 34 » 0, 35 0, 40 » 0, 36 RAPPORTS ORGANIQUES A 100 GR. DE POIDS TOTAL DANS LA SECONDE GÉNÉRATION CARNIVORE ORGANES L IL IV2 VI2 VIL VIIL (1) Poids avant la mue .... 2.800 gT. 1 . 912 gr. 2.014gr. 2.905 gr- 1.905 gr. 1. 410 gr. Sang 3, 57 3, 92 3, 22 3, 75 3, 51 » Jabot jaugé à l’eau .... 2, 32 2, 45 3, 02 2, 68 3, 99 » — jaugé au mercure 4, 85 4, 23 5, 31 4, 51 5,87 » Cœur. .....; 0. 43 0, 35 0, 28 0, 49 0, 35 0, 39 Foie 1, 57 1, 95 2, 24 1, 72 1, 95 3, 09 Rate 0, 09 0, 09 0, 12 0, 08 0, 10 0, 19 Long, intestin 60, 71 83, 68 73, 48 65, 40 80, 31 90, 42 Pancréas 0, 13 0, 11 0, 13 0, 13 0, 16 0, 16 Gésier 0, 91 1,23 1, 09 1, 05 1, 58 1, 19 Cæcum 5, 36 6, 27 6, 08 4, 47 6, 32 9, 22 2 Reins 0, 51 0, 78 1, 02 0, 53 0, 81 1, 25 2 Poumons 0, 38 0, 33 0, 28 0, 51 0, 35 0, 95 (1) Poule malade morte d’une tumeur de l’oviducte. VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 317 RAPPORTS ORGANIQUES A 100 GR. DE POIDS TOTAL DANS LA TROISIÈME GÉNÉRATION CARNIVORE ORGANES h IL III3 IV3 Vm3 Poids avant la mue 2.700 gr. 1.900gr. 1.860gr. 3.100 gr. 2.243 gr. Sang. » 2, 84 2, 76 4 3, 74 Jabot jaugé à l’eau. 3, 26 2, 68 2, 74 2, 74 4, 19 — jaugé au mercure 4, 22 3, 52 3, 49 3, 45 5, 12 Cœur 0, 38 0, 29 0, 30 0, 41 0, 34 Foie 2, 07 1, 71 2, 12 2, 14 2, 30 Rate 0,05 0, 11 0, 11 0,09 0. 11 Long, intestin 45, 18 77, 89 84, 40 66, 45 78, 91 Pancréas » 0, 17 0, 13 0, 17 0, 14 Gésier : 0, 68 1, 29 1, 43 1, 34 1, 33 Cæcum 3, 70 6, 44 6, 07 5, 48 5, 61 2 Reins 0, 80 0, 65 0, 73 0, 75 0, 79 2 Poumons 0, 69 0, 38 ) 0, 33 0, 39 0, 35 RAPPORTS ORGANIQUES A 100 GR. DE POIDS TOTAL DANS LES QUATRIÈME ET CINQUIÈME GÉNÉRATIONS CARNIVORES. ORGANES h 11 4 V4 viL L 1II3 Poids avant la mue. . . . 2.735 gr. 2.127 gr. 2.465 gr- 3.650 gr 2.425 gr 3 . 650 gr. Sang 6, 10 4, 35 3,97 4, 65 4, 12 4, 52 Jabot jaugé à l'eau .... 2, 45 7, 38 3, 57 3, 81 3, 71 5, 23 — jaugé au mercure. 2, 96 7, 52 3, 65 3, 83 3, 71 5, 75 Cœur 0, 57 0, 40 0, 38 0, 49 0, 38 • 0, 43 Rate 2, 20 2, 93 1, 95 1, 86 2, 05 1, 46 Foie 0, 17 0, 16 0, 12 0, 13 0, 12 0,08 Long, intestin 70, 56 75, 22 74, 64 64, 38 78, 76 52, 60 Pancréas 0, 21 0, 16 0, 15 0, 16 0, 18 0, 32 Gésier . 1, 90 1, 41 1, 45 1, 15 1, 54 1, 55 Cæcum. « » 6, 08 4, 93 5, 98 4, 65 2 Reins 0, 68 0, 87 0, 75 0, 61 0, 65 0, 48 2 Poumons 0, 38 0, 69 0, 31 0, 71 0, 32 1 0, 51 318 F. HOUSSAY RAPPORTS ORGANIQUES A 100 GR. DE POIDS ACTIF DANS LA GÉNÉRATION GRANIVORE ET IA PREMIÈRE CARNIVORE ORGANES Io Ilo IIIo II IIl IIIl Poids actif 1.984gr. 1 . 074 gr. 1.925 gr. 1.935 gr 1.283 gr. 1 . 412 gr. Sang 4, 31 7,63 3, 82 4, 80 4, 98 5, 59 Jabot jaugé à l’eau .... 13, 15 » 14, 28 5, 06 3, 58 3, 26 — jaugé au mercure. 17, 84 » 18, 39 6, 71 8, 73 7, 93 Cœur 0, 62 0, 51 0, 38 0, 61 0, 66 0, 62 Foie 1,67 3, 55 2, 34 1, 71 3, 09 2, 75 Rate 0, 10 0, 09 0, 08 0, 12 0, 13 0, 16 Long, intestin 89, 71 158, 28 102, 85 80, 62 106, 78 113, 31 Pancréas 0, 20 0, 27 0, 19 0, 11 0, 21 0, 27 Gésier 2, 74 3, 47 3, 08 1, 13 1, 64 3, 10 Cæcum 9, 83 15, 36 10,39 6, 30 11, 30 9, 20 2 Reins 0, 60 0, 80 0, 48 0, 57 1, 15 0, 91 2 Poumons 0, 44 * 0, 35 0, 51 » 0, 50 RAPPORTS ORGANIQUES A 100 GR. DE POIDS ACTIF DANS LA SECONDE GÉNÉRATION CARNIVORE ORGANES 1 2 Ils IV2 Vl2 VII2 VIII2 Poids actif 2.230 gr. 1 . 226 gr. 1.233 gr. 2 . 280 gr. 1.356 gr. 1.250gr- Sang 4, 48 6, 11 5, 27 4, 78 4, 94 )) Jabot jaugé à l’eau. . . . 2, 91 3, 83 4, 94 3, 44 5, 60 » — jaugé au mercure. 6, 10 6, 60 8, 67 5, 74 8, 26 )) Cœur 0, 54 0, 54 0, 46 0, 62 0, 49 0, 43 Foie. 1, 96 3, 05 3, 66 2, 20 2, 75 3,48 Rate 0, 12 0, 15 0, 19 0, 11 0, 14 0, 22 Long, intestin 76, 23 130, 50 120, 03 83, 33 112, 83 102 Pancréas 0, 16 0, 18 0, 20 0, 16 0, 23 0, 18 Gésier 1, 19 1, 91 1, 79 1, 34 2, 22 1, 34 Cæcum. 6, 72 9, 78 9, 93 5, 70 9, 22 10, 40 2 Reins 0, 64 1, 22 1, 66 0, 67 1, 14 1, 41 2 Poumons . 0, 48 0, 52 0 46 0, 65 0, 50 » VARIATIONS EXPERIMENTALES 319 RAPPORTS ORGANIQUES A 100 GR. DE POIDS ACTIF DANS LA TROISIÈME GÉNÉRATION CARNIVORE ORGANES 13 II â 1 1 1 3 IV3 VIII3 Poids actif 1.618gT. 1.191 gr. 1 . 214 gr. 2.188 gr. 1.483 gr. Sang » 4, 53 4, 24 5, 66 5, 66 Jabot jaugé à l'eau 5, 43 4, 28 4,20 3, 88 6, 33 — jaugé au mercure 7, 04 5, 62 5, 35 4, 89 7, 80 Cœur 0, 63 0, 46 0, 46 0, 58 0, 5 Foie 3, 46 2, 73 3, 25 3, 03 3, 48 Rate 0, 09 0, 18 0, 18 0, 12 0, 17 Long, intestin 75, 40 124, 26 129, 32 94, 15 119, 35 Pancréas » 0, 27 0, 21 0, 24 0, 22 Gésier 1, 14 2, 06 2, 19 1, 90 2,01 Cæcum 6, 18 10, 28 9, 30 7, 77 8, 49 2 Reins 1, 34 1, 04 1, 12 1, 06 1, 20 2 Poumons 1, 16 0, 61 0, 51 0, 55 0, 53 RAPPORTS ORGANIQUES A 100 GR. DE POIDS ACTIF DANS LES QUATRIÈME ET CINQUIÈME GÉNÉRATIONS CARNIVORES ORGANES n IR V4 VIL 15 IIl5 Poids actif 2.437 gr. 1.795 gr. 1.651 gr. . 3048 gr. 1 . 839 gr 2.819 gr. Sang 6,85 5, 17 5, 99 5,58 5, 43 5, 85 Jabot jaugé à l'eau 2, 75 8, 74 5, 33 4, 56 4, 89 6, 77 — jaugé au mercure. 3, 32 8, 91 5, 45 4, 59 4, 89 7, 44 Cœur 0,64 0, 47 0, 57 0, 59 0, 49 0, 56 Foie 2, 47 3, 48 2, 91 2, 22 • 2,70 1, 89 Rate... 0, 19 0, 18 0, 19 0, 15 0, 16 0. 10 Long, intestin 79, 19 89, 13 111, 44 77, 10 103, 86 68, 10 Pancréas 0,24 0, 19 0, 22 0, 19 0, 23 0 15 Gésier 2, 13 1, 70 2, 16 1, 38 2, 03 2, 01 Cæcum » » 9, 08 5, 90 7, 88 6, 03 2 Reins 0,77 1,03 1, 12 0, 73 0, 86 0, 63 2 Poumons 0, 43 0, 48 0, 57 0, 86 0, 42 0, 66 320 F. HOUSSAY Appendice aux Chapitres VI et VII DATES ET POIDS DES ŒUFS DANS LA GÉNÉRATION GRANIVORE ET LA PREMIÈRE CARNIVORE (1) iJ— ** •s DATES IIo IIIo Ils llli DATES ü 110 IIIo IIl IIIi -i M gr. gr. gr. "gr"" gr. gr. gr 1901 7 mars- ...... 226 57 54, 7 184 44 8 — ....... 227 52 25 — ...... 185 47 9 — ....... 228 50 56, 4 56, 2 26 — ...... 186 10 — . 229 27 — . 187 11 — ....... 230 53, 5 54, 2 56, 1 28 — ...... 188 44 12 — ....... 231 53 29 — ...... 189 13 — ....... 232 55 3 80 — ...... 190 46, 5 14 — ....... 233 51 47, 5 31 — ...... 191 46 15 — ....... 234 51 1er février ..... 192 16 — ....... 235 55 9 51 2 — ..... 193 46 17 — ....... 236 52, 5 51 3 — ..... 194 18 — ....... 237 53, 3 4 — ..... 195 47 19 __ ....... 238 54 8 76 5 — ..... 196 20 — ....... 239 52, 1 48 6 — 197 46, 5 21 — ....... 240 7 — ..... 198 22 — 241 54 8 — ..... 199 47 23 — . 242 53 3 9 — 200 24 — . 243 53, 8 51, 5 54, 5 10 — .... 201 25 — .... 244 54,. 8 11 — ■ ..... 202 48, 7 49 26 — 245 55, 7 57 12 — ..... 203 49 50 27 — ....... 246 54, 4 13 — .... 204 28 — . . 247 59, 5 53 14 — ..... 205 49, 4 29 — ....... 248 S 58, 8 15 — ..... 206 49 54, 5 80 — ....... 249 52, 6 57 57 16 — ..... 207 50 31 250 56, 5 57, 5 17 — ..... 208 1er avril 251 56 3 58, 5 57 18 — ..... 209 50, 8 2 252 53 19 — ..... 210 3 ■ — .... 253 58, 5 20 — 211 4 — 254 54 55, 5 58 5 21 — ..... 212 51, 3 mou 5 — ... 255 56 52, 7 22 — - ..... 213 6 256 60, 5 59, 9 23 — ..... 214 61, 8 mou 7 — ....... 257 55, 7 59, 5 54 55 24 — ..... 215 49, 9 8 — ... 258 54 57, 3 25 — ..... 216 52, 5 9 — ....... 259 56, 2 57 26 — 217 51, 5 10 — 260 54, 9 58, 2 57, 5 58 7 27 — ..... 218 50, 5 11 261 60, 5 28 — ..... 219 50, 7 53, 7 12 — . 262 57, 1 01, 4 60 54, 8 1er mars ..... 220 51, 7 50, 9 13 — ....... 263 56, 2 62, 2 2 — ..... 221 52, 4 14 — . 264 58, 8 51, 5 55, 2 3 — ..... 222 52, 2 51, 9 15 — ... 265 57, 5 4 — ..... 223 52 51, 9 16 — ....... 266 57, 5 58, 5 59, 5 56 5 — ..... 224 55, 1 17 — ....... 267 54 60, 5 6- — ..... 225 49, 9 56 54 18 268 60,5 (1) Dans tous les tableaux suivants, le signe X représente un œuf mangé, l’indication mou s’applique à un œuf sans coquille. VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 321 DATES | Jours de vie «0 | m° Ht J«i gr. gr. gr. gr. 19 avril 269 57, 5 57, 5 58 50, 5 20 — 270 59 57, 9 21 — ....... 271 53 57 22 — 272 56 58 23 — 273 54, 5 58, 5 59, 8 80, 5 24 — 274 58, 5 25 — . 275 58 57, 3 57 55 26 — ....... 276 53, 2 59, 5 57, 2 27 — 277 57, 5 56, 2 55 28 — 278 61 58, 8 29 — 279 55 61, 3 30 — 280 55 57, 5 91, 4 55 1er mai ........ 281 53 57 2 — 282 56,8 57 89 3 — 283 54, 2 56, 2 57, 5 4 — 284 56 5 — 285 52, 5 57, 5 56 6 — ....... 286 55, 3 58- 7 — 287 53, 5 53, 5 57 8 — ... 288 52 56, 5 58 9 289 56, 5 43 10 — ... 290 56, 5 59, 5 11 Î/J- . .' 291 53, 5 58, 5 55, 5 56, 7 12 — 292 55,5 55, 5 57, « 13 — 293 58, 5 55, 5 57, 2 14 — 294 52, 5 56, 5 40 15 — 295 61, 5 58, 5 16 — 296 56, 5 58 88 17 : ....... 297 54, 5 59. 5 56 18 — 298 57, 5 58, 5 19 ....... 299 56, 5 56, 5 59 20 — 300 54, 5 61 58, 5 58, 5 21 — 301 58 22 — 302 56 60 61, 2 55 23 — 303 53, 3 59 53, 5 24 — 304 52, 5 60 57 25 — 305 57, 5 57 26 — 306 57 54, 5 27 — 307 53, 5 61 61 28 — 308 60, 3 54, 5 29 — 309 57 64 57, 5 30 — 310 55 61, 5 56, 5 55. 2 31 — 311 54 57 1er juin 312 61 60 2 — 313 56 57 61 63 3 — 314 51, 2 58, 8 4 — 315 50 61 56,8 64, 8 5 — 316 60, 5 55, 8 56 6 — 317 56, 8 58, 5 7 — 318 53 61, 5 60 8 — 319 50 60, 5 62 9 — ... 320 57, 5 61, 8 62, 3 DATES | Jours de Ho III0 H, III gr. gr. gr- gr. 10 juin 321 52 58. 4 11 — 322 49 61 56, 5 12 — 323 59 59, 2 60, 2 13 — 324 53, 2 57, 7 91, 5 14 — 325 50, 2 62 58, 5 15 — 326 58 57, 3 16 — ... 327 50, 5 62, 5 60, 3 17 Pm®®. . 1 328 57,7 59, 2 18 — .... 329 50, 7 58 63, 2 19 — 330 58, 3 58, 2 20 ; 331 50, 7 58, 8 58, 4 21 — 332 56, 5 56, 2 22 — . . 333 50 55 23 — 334 58,5 62, 5 24 — 335 50, 5 25 — 336 60 63, 5 26 — 337 54 57 27 — 338 49, § 57, 3 28 — 339 56, 5 29 — 340 51 64 30 — 341 50, 5 58, 5 Ie r juillet.. . . . . 342 53,8 2 343 53, 5 56 61 3 — : 344 57, 7 4 — 345 54 58, 3 61, 3 5 — 346 56, 5 6 . — . 347 54, 3 61, 3 7 — 348 60, 7 62 8 — 349 55 a .2 53, 8 61, 3 9 — 350 50 03 52 10 . 351 Xi s 64,5 11 — 352 51 O 56, 5 63, 5 12 — 353 56, 5 59, 8 13 — 354 53, 3 56, 5 14 ■ — 355 56, 3 60 15 - — 356 52 52, 2 58 16 . 357 57, 7 57 17 pût • 358 52 18 — 359 60 60, 5 19 — 360 51, 5 58, 5 20 — 361 47 58 21 — 362 57 60, 5 22 L_ 363 46 55 58, 5 23 — 364 24 — .... 365 60 25 — . 366 26 — 367 58, 5 64 27 ; — 368 56 28 'r— 369 57, 5 52 29 — . 370 56, 3 30 371 60 57, 5 31 — 372 58, 3 322 F. HOUSSAY DATES 1 IIo IIIo IIl IIIl gr. gr. gr. gr. 1er août 373 56, 5 62 2 — 374 58, 7 63 3 — 375 58 4 — 376 48 65 5 — 377 62 6 — 378 50, 3 60 64, 5 7 — 379 49, 3 57,3 8 — 380 58,2 64,8 9 — 381 50 56, 8 60 10 382 61 60 11 — 383 12 — 384 59 60 13 — 385 57, 8 14 — 386 58, 7 62 15 — 387 56, 8 60, 8 16 — 388 62, 5 17 389 58, 3 64 18 — 390 56, 3 66, 5 19 — 391 56, 3 59 20 — . 392 57, 5 21 — 393 57, 5 22 — 394 59 23 — 395 58 65 24 — 396 56. 5 25 — 397 55, 8 62, 5 26 — 398 64, 5 27 — 399 60 28 — 400 49, 5 57 29 — 401 67, 5 57 30 — 402 50, 5 63 31 — 403 66 58 1er septembre . . 404 52, 3 64 2 — 405 61, 3 3 — 406 55 63 59, 5 60, 5 4 — 407 64, 5 60 5 — 408 50, 5 59, 5 63, 8 6 — 409 64 60, 5 7 — 410 51 63, 8 8 — 411 63 60 65 9 — 412 59 10 — 413 58 11 — 414 64 12 — 415 61 13 — 416 59 58, 5 14 — 417 58 15 — 418 60, 3 16 — 419 57 17 — 420 58, 5 1I0. — 127 œufs = 6 k. 671 III0. — 67 œufs = 4 k. 049 DATES | Jours de vie IIo i IIIo II] HIi gr. gr. gr. gr. 18 septembre. . . 421 19 — 422 65, 8 60 20 — 423 60 21 — 424 56 22 — 425 64 23 — 426 62, 7 24 — 427 53 66 25 — 428 55. 5 58, 5 26 — 429 27 — 430 28 — 431 54 63, 5 58 29 — 432 54,5 30 — 433 56, 5 65,5 1er octobre .... 434 55, 8 2 — 435 58 3 — .... 436 54, 3 65, 5 4 — .... 437 59 5 — 438 62,5 58, 5 6 — 439 54, 7 60, 2 7 — 440 60 6 8 — 441 57, 8 9 — 442 61, 7 10 — 443 58 11 — 444 58 12 — 445 58 67, 3 13 ; — 446 65, 5 14 — 447 61 15 — 448 61, 5 66, 5 16 — 449 58, 8 17 — 450 61, 5 18 — 451 19 — 452 68 20 ; — 453 21 — .... 454 22 — 455 59, 5 23 — 456 24 — 457 25 — .... 458 26 — 459 27 — .... 460 56 28 — 461 29 — 462 60, 3 30 — 463 1er novembre . . 464 2 — 465 3 — 466 4 — 467 468 64 RÉSUm II, . — 176 œufs = 10 k, 195 III, . — 121 œufs = 7 k. 154 VARIATIONS EXPERIMENTALES 323 DATES ET POIDS DES ŒUFS DE LA SECONDE GÉNÉRATION CARNIVORE DATES [Jours de vie 1 Il2 | IV2 VII2 VIII2 gr. gr, gr- gr. 1902 28 janvier 201 52 29 — 202 30 — ..... 203 54, 5 31 — 204 1er février 205 57 2 — 206 50, 5 3 — 207 4 — 208 51, 8 5 — 209 6 — ..... 210 49 7 — 211 8 — 212 9 — 213 10 — 214 11 — 215 53, 7 12 — 216 13 — 217 52,8 14 — 218 50, 7 15 — 219 57 50, 5 16 — ..... 220 56 17 — ..... 221 56 56, 8 18 — 222 53 19 — 223 20 — ..... 224 21 — 225 22 — ..... 226 23 — ..... 227 52,3 24 — ..... 228 57 25 — ..... 229 26 — 230 55 27 — ..... 231 60,8 28 — 232 57, 5 54, 7 1er mars 233 58, 5 57 2 — 234 61, 3 3 — 235 4 — 236 52 5 — 237 52, 5 54 58 6 — ... 238 56, 7 7 — 239 53, 8 8 — . . 240 55, 5 58 9 — 241 56, 7 59 59, 7 10 — 242 55 55 59, 3 11 — 243 59, 5 12 — 244 56, 3 59, 5 X 58, 5 13 —....... 245 56, 5 14 — 246 58, 7 56 88 15 — 247 68, 5 60, 5 57 62 DATES | Jours de vie T 1 2 IV* VIL VIII-2 gr. gr gr. gr. 16 mars 248; 55 X 17 — 249 60, 5 18 — 250 56, 5 57 63, 7 19 — 251 58 57, 5 20 — ... 252 21 — 253 60 53 62 22 — 254 57, 8 54, 5 23 — 255 57 60 24 — 256 58 58 57 X 25 — 257 62 26 — 258 60 55, 8 63 27 — 259 X X 28 — 260 61, 3 56 X 29 — 261 58 58, 5 30 — 262 60 61 60, 7 31 — 263 58, 3 59 X 1er avril 264 57 58, 5 2 — 265 57 61 58, 7 X 3 — 266 57, 5 60, 5 59 4 — 267 60 X 60, 3 5 — 268 64 59, 3 X 6 — 269 58,5 62 59 62 7 — 270 59 56 8 — 271 58 65 56 62 9 — 272 58 62 55, 5 65, 3 10 — 273 59 X 62, 5 11 — 274 64, 8 57, 5 55, 5 X 12 — 275 64 60, 7 X 13 — 276 63, 3 X 14 — 277 62 60 X 15 — 278 64 62, 7 60 65, 5 16 — 279 64 60, 5 60, 3 X 17 — . 280 63, 3 60, 5 X 18 — 281 59, 8 57, 7 19 — . . 282 67, 5 59 59, 8 X 20 — 283 67 59 58 64, 7 21 — 284 60 X X 22 — 285 68, 3 59 63 23 286 66 59 59, 8 X 24 — 287 57, 5 59, 8 25 — 288 67 58 mou 62,8 26 — 289 67 57, 3 65, 5 27 — . 290 62, 5 58 58, 3 63, 7 28 — 291 57 61, 7 63 29 — 292 67, 7 58 57, 3 30 — 293 65, 5 58, 5 56 67, 5 1er mai 294 64 59 X 2 — 295 59 60 61 324 F. HOUSSAY DATES | Jours de vie 112 IV2 VII2 VIII2 gr. gr. gr- gr. 3 mai ....... 296 66 58 60, 5 64, 3 4 — 297 65 59 60 5 — 298 62, 3 57 57, 3 65 6 299 58 58, 3 7 — 300 66, 8 57, 8 57 X 8 — 301 66 57, 8 9 — 302 10 — 303 62, 7 60, 7 62 11 — 304 65, 5 62, 7 64 12 — 305 66, 7 60 60 13 — 306 56 14 — 307 X 15 — 308 X 62 57 16 — 309 X X 17 — 310 X 18 _ 311 60 19 — 312 X X 60 20 — 313 X 60, 7 21 — 314 X 59 22 — 315 X 58 23 —....... 316 X X 59,3 24 — 317 68, 8 62, 3 57, 7 25 — . 318 65 62, 5 26 — 319 60 64, 3 27 — 320 68, 7 60, 7 62, 8 28 — 321 67 59, 3 29 — 322 67 64 57 30 — 323 69, 5 X 31 — 324 63 1er juin 325 69 62 62 2 — 326 67, 8 57 62 3 — 327 66, 5 58, 5 54 4 — 328 61, 3 54 5 — 329 70 60 56 6 — 330 69, 5 58 7 — 331 66, 8 62, 5 8 — 332 58, 5 63, 5 9 — ... 333 69 60, 5 59 10 — 334 68 59, 3 11 — ... 335 66,8 59 12 — 336 66 59, 8 59, 8 13 — 337 67, 8 60 64 14 — 338 60, 7 15 — . . 339 X 62, 5 62, 5 16 — 340 67 61 61 17 — 341 66, 8 60 56, 3 18 — ....... 342 60 56, 8 19 — 343 69, 3 60, 8 20 — 344 67, 8 58, 5 61, 5 21 — 345 64, 5 57, 5 57 22 — ... 346 57, 3 23 — 347 64, 3 59, 5 DATES | Jours de vie( II* IV2 VII2 VIII2 gr. gr. gr. gr. 24 juin 348 64, 5 59 25 — 349 59 55, 8 26 — 350 X 57 27 — 351 67 64, 5 59 28 — 352 63, 5 64 29 — 353 81 62, 5 30 — 354 61 59 1er juillet 355 66, 5 59, 5 56 2 — 356 61 3 — 357 63, 5 61 62 4 — 358 57 5 — 359 65 62 6 — 360 61, 7 7 — 361 X 59 60 8 — 362 65 58, 5 9 — 363 65, 7 56, 5 61 10 — 364 65, 5 59 56 11 — 365 65, 7 57 12 — 366 52. 5 13 — 367 68 57 14 — ..... 368 71,5 60 15 — 369 67, 5 56 16 — 370 65, 5 17 — 371 66 18 — 372 68 57, 7 19 — 373 64, 7 58, 3 20 — 374 64, 5 57, 3 21 — 375 63 55, 7 22 — 376 23 — 377 63, 7 57, 5 60 24 — 378 62, 5 60 54 25 — 379 61, 5 60, 5 26 — 380 60, 3 62, 3 27 — 381 67, 5 63 56, 5 28 — 382 64, 3 29 — ..... 383 63 30 — 384 X 62, 5 31 — ..... 385 62, 3 57, 3 1er août 386 56 2 — 387 62 61 3 — 388 63, 7 63 60 4 — 389 64 62 57, 5 5 — 390 62 6 — 391 70 63 68 7 — 392 69, 5 62 55 8 — 393 64, 7 60 9 — ..... 394 64 61 62 10 — 395 56 11 — 396 . 68, 5 65, 5 12 — 397 69, 5 X 13 — 398 | 64, 3 63, 3 64, 7 14 — 399 1 59, 5 VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 323 .2 .2 DATES 112 IV 2 Vils Villa DATES -s Ils IV2 VII8 VIII2 S’r • ■ gr. gr. gr. "grT gr. gr. gr. 15 août 400 64 66, 5 57, 7 17 septembre 483 64, 5 63 16 — • ~ . ....... 401 65, 7 62 58, 3 18 — 434 67 60, 5 17 — 402 63 19 435 63 18 — 403 66, 3 66, 3 62 20 436 72, 5 X 61 19 — 404 61 65, 3 60, 5 21 437 68 67 60 20 405 62 57 22 gKSH 438 65 64 56 21 — 406 67, 5 62, 5 23 — 439 68 22 — 407 65 61, 5 24 —, 440 64 62, 3 23 — 408 65 25 HHH 441 68 62, 5 61 24 Esi 1 Bf? 409 64 62 26 442 61 58 25 — 410 X 62 27 — 443 67, 3 26 — 411 65 63 64 28 444 60 27 — 412 67 55 29 — 445 71 66, 7 28 — 413 62 57 30 . — 446 66 64 29 — 414 66 64 60 1er octobre 447 66 80 415 64 64 55 2 448 67, 7 65, 7 57 •31 — 416 63 57 3 — 449 69,5 64 1er septembre. . 417 62 59 4 ' H 1 450 62 2 418 67 54 5 451 69 60 3 ] M 419 60 65 62 6 — 452 67, 7 67 4 >îj ; ; .. 420 62 65 60 7 453 63, 7 5 — 421 65 60 8 . — 454 73 66 58 6 — 422 70 60 9 — ■ . 455 68 7 — 423 68 10 456 68 62, 7 8 - — ■ . . 424 62 60 11 ' ' 457 65, 7 62 9 — 425 68 58 12 ' — 458 66, 8 10 — 426 67 67 13 — 459 66, 5 67 11 427 66, 3 59, 3 14 — 460 62, 3 12 1 1 — ■ '. . 428 69 65, 5 59 15 — 461 69 13 429 65, 5 60 16 462 67 65 14 ■ • . 430 67 61 64 17 — 463 15 — 431 64 18 — 464 69 68 16 432 65, 7 66 55 19 — 465 66 RÉSUMÉ Us — Œufs pesés .... 153 = 9 k. 896 Œufs mangés . . 10 = 0 k. 634 iv2 — Œufs pesés . . . . 156 = 9 k. 479 Œufs mangés . . 8 = 0 k. 486 V1I2 — Œufs pesés .... 164- = 9 k. 680 Œufs mangés . . 10 = 0 k. 590 VIII2 — Œufs pesés .... 34 = 2 k. 116 Œufs mangés . . 16 = 0 k. 996 10 k. 530. 9 k. 965. 10 k. 270. 3 k. 112 (ponte arrêtée, tumeur de l’oviducte) 326 F. HOÜSSAY DATES ET POIDS DES ŒUFS DE LA TROISIÈME GÉNÉRATION CARNIVORE DATES Jours de vie Il3 1 1 1 3 VII 1 3 gr. g»’- gr. 1902 21 décembre . . . 181 64 22 — .... 182 23 — 183 24 — 184 25 — .... 185 42 26 — 186 27 — 187 64 28 — 188 29 — 189 64 30 — 190 31 — 191 1er janvier 1903 192 2 — ..... 193 3 — 194 4 — 195 68, 3 5 — 196 6 — 197 7 — 198 8 — 199 44, 5 9 — 200 10 — 201 48, 3 46 11 — 202 50, 5 44, 7 12 — 203 48 13 — 204 51 14 — 205 47 15 — ..... 206 16 — 207 47 17 — 208 18 — 209 53, 7 45, 3 19 — 210 | 20 — 211 50, 5 21 — 212 22 — 213 46,7 23 — ..... 214 24 — 215 47, 7 25 — 216 26 — 217 73 27 — 218 28 — ..... 219 29 — 220 30 — 221 31 — 222 1er février 223 2 — 224 3 — 225 4 — 226 5 — 227 6 — 228 DATES Jours de vie Ils 1 1 1 3 VlIIâ gr. gr. gr. février 229 — 230 — 231 — 232 — 233 — 234 — 235 — 236 — 237 — 238 — ..... 239 — 240 57 — 241 — 242 49, 5 56 — 243 — 244 — 245 51 — 246 52 — 247 52, 7 — 248 — 249 — 250 58 56 mars 251 53, 5 59 — 252 55, 7 — 253 — ...... 254 54 60, 7 — 255 52 — 256 51, 7 64 — 257 — 258 54 61 — 259 53, 3 — 260 54 — . 261 53 — 262 — 263 55; 5 — 264 55 T- 265 54 50 — 266 53 51 — ...... 267 54 52, 5 — 268 52, 7 — ...... 269 51, 5 — 270 51, 3 54, 7 — . 271 50 55 — 272 51 66, 5 — 273 — 274 54 54, 7 — 275 52 57, 5 — ...... 276 50 83,5 — 277 49, 5 55 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 1er 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 327 DATES Jours de vie n3 m3 vm. §Tr. . gr. gT- 28 mars . ..... 278 61, 5 54, 5 29 — ...... 279 59 55 30 — ...... 280 58 53 31 — ...... 281 55, 5 60, 3 60, 5 1er avril ....... 282 55 57, 5 2 — ....... 283 54, 5 61 51, 5 B — 284 54, 5 63 4 — ....... 285 . 54,5 64 79 5 — 286 56,3 52, 5 6 — ....... 287 44, 7 66 7 — ....... 288 52, 5 65 58, 5 8 — ....... 289 54, 5 63, 7 58, 5 9 — ....... 290 51 63, 5 60, 7 10 — ....... 291 51, 3 11 — ....... 292 65 12 — 293 54 63 13 — ... 294 52, 5 63 14 — ... 295 53 62 54, 3 15 — ....... 296 52,5 65 48, 5 16 — ... 297 51 55, 5 17 — ....... 298 51 62, 3 52 18 — 299 53 52, 5 19 — 300 52 57, 3 20 — ....... 301 21 — ....... 302 54, 3 62 55, 5 22 — ....... 303 54, 5 64, 5 23 — ....... 304 51, 7 62 55 24 — ....... 305 53 25 — ....... 306 64 26 — 307 51, 5 62, 7 54, 7 27 — ....... 308 54 62 28 — ....... 309 54 64, 7 29 — ... 310 54 66 30 — ... 311 55 47 1er mai. ....... 312 52, 5 64 2 — ... 313 53 65 54 3 — 314 54 65 4 — ....... 315 52, 5 87 5 — 316 52, 5 64 59 6 — ....... 317 62, 5 53 7 — ....... 318 57 64 8 319 65, 5 55, 5 9 — ....... 320 53, 5 59 10 321 52, 3 68, 5 58, 5 11 — ....... 322 53 60 12 — — .. 323 X 59, 5 50, 3 13 — 324 54 mou 14 — 325 51, 7 65, 5 50 15 — — ... 326 51 62, 3 54, 5 16 — 327 55 17 — 328 54i 5 67, 5 18 — 329 55 61 86 DATES Jours de vie lh III3 vu. g-r. gr. g-r- 19 mai 330 52, 5 61 20 331 51 62 52 21 —....... 332 51, 5 61, 5 22 333 X 82 23 — . 334 54, 5 ' 51, 5 24 — ...... . 335 59 64 52, 7 25 ... 336 55, 5 61 53, 5 26 337 53 27 — . . 338 53,5 28 —...... 339 52 65 81 29 340 | 53,5 64 30 — 341 62, 5 57 31 — . . 342 63, 5 52 1er juin ... 343 53, 5 60 55 2 — 344 54 62, 5 55 3 — . . 345 53, 5 55, 5 4 — 346 52 64, 5 54 5 — ... 347 51 58 55 6 — ... 348 52 7 — . . 349 50 65 8 — . 350 47 9 — 351 63 57 10 — 352 53 11 — 353 63 52 12 — ...... 354 X 53 13 — ...... 355 62, 5 52, 5 14 — 356 65, 5 58, 5 15 — 357 16 — 358 70, 5 17 — 359 70 56 18 — 360 67,5 55, 7 19 - ... 361 X 20 362 67 21 — 363 65 52 22 — 364 d 63, 7 38 23 —....... 365 _o 65 24 —....... 366 « X) 63 54, 3 25 —....... 367 s O 26 —....... 368 d 65, 5 54, 5 27 — ...... 369 66 28 — ...... 370 60 29 —...... 371 63 51 30 372 63, 5 Ie* juillet. ..... 373 X 57 2 374 55, 5 3 — ..... 375 X 82 4 — ..... 376 67, 5 53 5 — ..... 377 X 50 6 — ..... 378 X 55, 5 7 — 379 X 50 8 — 380 9 — 381 67 4 P. ÜOUSSAY 328 DATES Jours de vie Ils III3 Villa DATES Jours de vie 113 1IÏ3 V 1 1 [3 gr. gr. «T. gr- gr. gr • 10 juillet 382 64 54. 5 31 août 434 57,7 11 — 383 61 1er septembre . . 435 | 55,5 12 — 384 63 57 2 — 436 59, 5 65 53, 5 13 — 385 54 3 — 437 57, 5 65 51+52 14 — 386 X 4 — 438 55 X 52, 5 15 — ...... 387 65, 5 60 5 — 439 54, 5 59 49 16 — ï 388 53 6 — 440 54, 5 17 — 389 62 57, 5 7 — 441 60 18 — 390 X 8 — 442 57 68 19 — 391 53 9 443 57 54,5 20 — 392 62 55 10 — 444 21 — ...... 393 55 11 — 445 60, 5 64 55, 5 22 — ...... 394 62, 5 50 12 — 446 58 65 23 — 395 67 53, 5 13 — 447 56, 3 65 24 — 396 68 57 14 — 448 25 — 397 65, 5 50 15 — 449 59, 5 68, 7 26 — 398 50, 5 16 — 450 57, 5 27 — 399 65 53 17 — 451 57 71, 7 28 — 400 18 — 452 58 70, 5 29 — 401 59 57 19 — 453 30 — 402 56, 5 55 20 — 454 59 65,5 31 — 403 52 21 — 455 60, 5 1er août 404 62, 5 51, 5 22 — 456 60 58 2 — 405 65 23 — 457 61, 7 67 3 — 406 65 55 24 — 458 72 4 — 407 55 25 — 459 56, 5 5 — 408 • 67, 5 26 — 460 57 X 6 — 409 67, 5 mou 27 — 461 70 7 — 410 68, 5 53, 5 28 — 462 61, 3 65, 7 8 — 411 29 — 463 57 65, 7 9 — 412 69 61 30 — 464 56, 5 10 — 413 69 54 1er oetobre .... 465 59.5 69.5 11 — 414 64, 5 54 2 — 466 12 — 415 66 58 3 — 467 60, 5 X 13 — 416 X 52, 5 4 — 468 59, 5 67 14 — . 417 56 5 — 469 65, 5 15 — . 418 63, 5 54 6 — 470 59, 5 16 — 419 64 56 7 — 471 57 68, 5 17 — . 420 55 8 — 472 18 — . 421 66 52, 5 9 — 473 60, 5 19 — 422 54, 5 63, 5 49 10 — 474 59 20 — ...... 423 51. 5 55 11 — 475 21 — 424 53 66 12 — 476 58 22 — 425 56 X 86 13 — 477 23 — 426 58,5 63 49, 5 14 — 478 60 24 — 427 59, 5 62, 5 53 15 — 479 57, 5 25 — 428 53 16 — 480 26 — 429 63 64 52 17 — 481 62 27 — 430 60 70 mou 18 — 482 28 — 431 57 65, 5 19 — 483 61 29 — 432 58, 5 20 — 484 30 — ...... 1 433 57, 7 58 21 — 485 VARIATIONS EXPERIMENTALES 329 DATES Jours de vie i Us III 3 VIII3 DATES Jours de vie 113 1 1 1 3 VIII3 gr. gr. gr. gr. gr. gr. gr. 22 octobre 486 60, 5 25 octobre 489 58 23 — 487 26 — 490 57 24 — 488 27 — 491 RÉSUMÉ II3< — Œufs pesés Œuf cassé. 138 = 7 k. 561 1 = 0 k. 54,8 7 k. 616 IIl34 — Œufs pesés 137 = 8 k. 723 Œufs mous ou mangés . 14 = 0 k. 891 9 k. 614 VIII3. _ Œufs pesés 142 = 7 k. 881 Œufs sans coquille 3 = 0 k. 167 8 k. 048 ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GEN. — 4* SÉRIE. T. VI. — [\), 330 F. HOUSSAY DATES ET POIDS DES ŒUFS DE LA QUATRIÈME GÉNÉRATION CARNIVORE DATES Jours de vie V4 DATES Jours de vie V4 DATES Jours de vie V4 gr- gfr • gr. 1904 306 62,5 7 inillet 380 66 12 234 60 26 308 54,5 8 381 x 14 236 55,5 27 309 mou 9 382 104 16 238 54 30 312 48 10 383 65 18 240 59 3 315 100 11 384 98,5 22 244 4 316 62,5 12 385 63,5 27 249 60 6 318 102 13 386 51 29 251 60,5 7 319 65 14 387 59,5 252 61 11 323 65,5 15 388 93 3 254 65 12 324 73 17 390 mou 5 256 60 14 326 69 19 392 63 6 257 64,5 15 327 101,3 22 395 67 10 261 x 16 328 63 23 396 mou 13 264 1 60 17 329 95,5 24 397 69 14 265 59 19 331 98,5 25 398 64,5 15 266 60,5 20 332 x 27 400 68,3 17 268 66,5 22 334 62,5 29 402 68 18 269 95 23 335 25 31 404 72,5 20 271 63,7 24 336 60 2 fl.lYnt, 406 59 21 272 64 27 339 66 3 407 68 23 274 60 28 340 67,5 5 409 67,5 24 275 66,5 29 341 95,5 6 410 96,5 25 276 65 31 343 94 8 412 68 27 278 mou 8 j uin 351 65 9 413 65,5 30 — 281 mou 10 353 61,5 10 — 414 68,5 2 avril 284 60 12 355 x 11 415 62,5 3 285 61,5 13 356 64,7 12 416 62,5 5 287 65,7 14 357 70,5 13 417 * 98 6 288 62,5 17 360 mou 14 418 45,5 7 289 64 18 361 mou 16 420 66 8 290 62,5 20 363 69 17 421 67,5 10 292 61 21 364 mou 18 422 66,5 12 294 56,5 23 366 110 19 423 64 14 296 83,5 24 367 65,5 21 425 70 15 297 38,5 25 368 64,7 22 426 70,5 17 299 X 26 369 65,5 23 427 74 18 300 87,5 29 372 69 24 428 104,5 20 302 95 30 373 64,5 25 429 49 21 303 63 3 juillet 376 101 27 431 68 22 304 67,7 5 378 67,3 28 432 ! 69,7 23 — j ; 305 65 6 — 379 66,5 1 5 septembre . . 440 i 71,3 RÉSUMÉ Œufs pesés . 108-7 k. 465 Œufs sans coquille . . . 9 = 0 k. 622 1 8 k . 432 Œufs mangés 5 - 0 k. 345 VARIATIONS EXPERIMENTALES 331 DATES ET POIDS DES ŒUFS DE LA CINQUIÈME GÉNÉRATION CARNIVORE DATES Jours de vie 15 DATES Jours de vie 15 * DATES Jours de vie Ï5 gr. gr- "g-r-1"' 1905 2 mai ...... 333 52 18 juin ...... 380 65 27 février ...... 269 54 3 334 54 19 381 50,5 1er mars ...... 271 54,5 4 335 87,5 20 382 61 2 272 84,5 7 338 39 21 383 95,5 4 274 52 8 339 62,7 22 384 60 7 _ 277 55 9 340 mou 24 386 63 11 __ 281 55 12 343 95,5 25 387 67 13 — L 283 49,5 13 344 61,5 26 388 62 14 284 56,5 14 345 53 27 389 mou 16 286 58 16 347 63 28 390 55 17 287 59 17 348 101 29 391 44,5 18 " * 288 59 19 350 62,5 1er iuillfit 393 63 20 290 91 20 351 62 2 394 95 21 291 59,7 22 353 93,5 10 402 61 26 — ! ! ! 296 60,7 23 354 mou 12 404 62 27 297 60 26 357 mou 13 405 mou 29 — 299 59,5 27 358 mou 14 406 .60 30 — !!.' 300 89 28 359 59,5 15 407 65 1er avri 1 ..... . 302 mou 29 360 2 mous 16 408 mou 4 305 X 31 362 2 mous 18 410 62 6 307 50 2 juin 364 60,5 19 411 66 7 — 308 54,7 4 366 2 mous 20 412 40 12 313 60 5 367 21 413 62 13 314 55 6 368 60,5 22 414 61 15 316 57 8 370 . 55,5 23 415 mou 16 317 48 9 371 67,5 25 417 63 18 319 86,5 10 372 mou 26 418 55 19 320 52 11 373 93 28 420 97, 5 20 321 55 13 375 92 29 421 60, 5 23 — 324 58 14 — 376 mou 30 — 422 64 24 325 mou 16 378 57,5 pr a, mit, 424 mou 1er mai ...... 332 52 17 379 60,5 2 425 60,5 7 — 430 58,5 RÉSUMÉ I5 Œufs pesés . . 78 - 4 k. 958 j 1 Œufs sans coquille . . . . . . 15 - 0 k. 953 ' 6 k. 102 Œufs mangés 3 - 0 k. 191 332 F. HOUSSAY V ABLATIONS DU POIDS DE DEUX ŒUFS PENDANT UNE INCUBATION CONDUITE A TERME AVEC LA COUVEUSE dArSONVAL 9 mars (soir j » » 10 — (matin) 59 77 60 g. 40 11 — — 59 29 60 » 12 ■ — — . . 58 83 59 50 13 — — 58 26 59 » 14 — — .... 57 61 58 53 15 — — (U 57 45 58 32 16 — — 57 30 58 17 17 — — 57 18 57 97 18 — — 57 » 57 85 19 — — 56 85 57 72 20 — — . . . . 56 70 57 55 21 — — 56 52 57 36 22 — — 56 25 57 12 23 — — 55 98 56 94 24 — — 55 60 56 54 25 — — 55 45 56 40 26 — — 55 13 56 21 27 — — 55 84 56 05 28 — — 50 55 70 29 — — 54 15 55 57 (1) A partir de cette date, une éponge humide est laissée dans la couveuse pour maintenir l’atmosphère saturée de vapeur d’eau. XXXVIe Année . N° « Mai 1907 ARCHIVES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE HISTOIRE NATURELLE — MORPHOLOGIE — HISTOLOGIE ÉVOLUTION DES ANIMAUX FONDÉES PAR HENRI de LACAZE - DUTHIERS PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION DE G. PRUVOT CHARGÉ DE COURS A LA SORBONNE DIRECTEUR DU LABORATOIRE ARAGO QUATRIÈME SÉRIE Tome VI 4- Numéro 6 L. FAUROT. — Nouvelles recherches sur le développement du pharynx et des cloisons chez les Hexactinies PARIS LIBRAIRIE C. REIN WA LD SCHLEICHER FRÈRES, ÉDITEURS 61, RUE DES SAINTS-PÈRES, 61 E.-G. RACOVITZA DOCTEUR ES— SCIENCES SOUS-DIRECTEUR DU LABORATOIRE ARAGO Prix ; 3 fr. 50 Paru le 10 Mai 1907 Les mémoires publiés dans les Archives paraissent isolément ; le volume sera donc composé d’un nombre variable de fascicules. ARCHIVES de ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE Les Archives de Zoologie expérimentale et générale, fondées en 1872 par Henri de Lacaze-Dutiiiers, comptent actuellement 37 volumes, publiés qui sont en vente au prix de 50 francs le volume cartonné. Le prix de l’abonnement pour un volume est de ; 40 francs pour Paris — 42 francs pour les départements et l’étranger. Chaque volume comprend au moins 40 feuilles de texte illustrées de nom- breuses figures et accompagnées de planches hors texte en noir et en couleurs. 11 se compose d’un nombre variable de fascicules, plus une dizaine de feuilles de Notes et Revu- Les Archives de Zoologie expérimentale et générale forment, en réalité, deux recueils distincts dont les buts sont différents : I. — Les Archives proprement dites sont destinées à la publication des mémoires définitifs étendus et pourvus le plus souvent de planches hors texte. Les volumes paraissent par fascicules, chaque fascicule ne comprenant le plus souvent qu’un seul mémoire. II. — Les Notes et Revue publient de courts travaux zoologiques, des com- munications préliminaires jet des mises au point de questions d’histoire natu- relle ou de sciences. connexes pouvant intéresser les zoologistes. Cette partie dç la publication ne comporte pas de planches mais toutes les sortes de figures pouvant être imprimées dans le texte. Elle paraît par feuilles isolées, sans périodicité fixe, ce qui permet l'impression immédiate des travaux qui lui sont destinés, U apparition rapide, > V admission des figures et le fait que les notes peuvent avoir une longueur quelconque, font que cette partie des Archives comble une lacune certaine parmi les publications consacrées à la Zoologie. Les auteurs reçoivent gratuitement 50 tirages à part de leurs travaux (brochés sous couverture spéciale avec titre, , s’il s’agit de mémoires parus; dans les Archives proprement dites). Ils peuvent, en outre, s’en procurer un nombre plus considérable à leur frais, d) après le tarif suivant : 1/4 de feuille 1/2 feuille 1 feuille Les 50 exemplaires 5 fr. 1 fr. 50 10 fr. Couverture avec titre, en sus....... 5 fr. 5 fr. 5 fr. A ce prix il faut ajouter le prix des planches, quand il y a lieu. Ce prix vaçie trop pour qu’on puisse fixer un tarif d’avance. A titre d’indication, on peut prendre les chiffres approximatifs suivants comme moyenne pour 50 exem- plaires d’une planche simple ; /. Planche en photo col! ographie. ou lithographie, tirage en une seule teinte, 10 fr. Planche gravée sur cuivre ou lithographie en plusieurs teintes....... 20 fr. Les travaux destinés à servir de thèses de doctorat sont reçus aux mêmes conditions que fes travaux ordinaires. Les auteurs s3 éngagênt à ne pas mettre leurs tirés à part dans le commerce. Les articles publiés dans les Notes et Revue peuvent être rédigés en français, en allemand, en anglais ou en italien; ils sont rémunérés à raison de 10 centimes la ligne. Pour faciliter l’impression correcte des notes en langues étrangères, il est rècontmandé d’envoyer à la place du manuscrit une copie à la machine à écrire. Les travaux destinés aux Archives de Zoologie expérimentale et aux Notes et Revue doivent être envoyés à l’un des Directeurs : M. G. Pruvot, Laboratoire d’anatomie comparée, Sorbonne, Paris-ve M. E. G. Racovitza, 2, boulevard Saint-André, Paris-vie ou déposés à là librairie Reinwald, 61, rue des Saints-Pères, Paris-vie. ARCHIVES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE IVe Série, Tome VI, p. 333 à 369, pl. IV. 10 Mai 1907. NOUVELLES RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU PHARYNX ET DES CLOISONS CHEZ LES HEXACTINIES PAR L. FAUROT Docteur ès sciences, Docteur en médecine. TABLE LES MATIÈRES Pages Introduction 333 Blastula ciliée (planula). Gastrula. Mésoderme 341 Développement du pharynx et des quatre couples de cloisons 348 Cause de l’orientation des muscles unilatéraux des cloisons 354 Disque oro-tentaculaire. Stade à 8 tentacules. Origine des paires de cloisons 355 Cycles tentaculaires 359 Conclusions (Développement) 361 Philogénie des Hexactinies . Affinités 362 Index bibliographique — 368 Explication de la Planche 369 INTRODUCTION Cette étude, de même que la précédente (1903), a été faite sur des embryons de Sagartia parasitica et d’Adamsia palliata. Depuis qu'ont été publiés le travail d'ANDRES (1884) et celui de Carus (Prodrome de la faune de la Méditerranée), on réunit ces deux espèces dans le même genre Adamsia, en désignant la ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GEN. — 4e SÉRIE. T. VI. — (vi) M 334 L. FAUROT première : Adamsia Rondeleti. Ainsi que je Fai déjà signalé (1903, note de la page 359), c'est à tort que cette réunion a été faite. Je reviens encore une fois sur cette question de nomen- clature au sujet de laquelle il me semble ne pas avoir suffisam- ment insisté. Les désignations de Sagartia et de parasitica sont de Gosse (1860), celle d ’ Adamsia est de Forbes (Ann. natur. hist., vol. 183) et c'est Andres qui a créé l'espèce Adamsia palliata. Avant André s, Bohadsh avait décrit la même espèce sous le nom de Médusa palliata. Les deux espèces ont en commun les caractères suivants : Base très adhérente. Au tiers inférieur de la colonne, le tégu- ment est muni de verrues percées de cinclides et disposées en deux ou trois rangées. Chez les deux espèces, les tentacules sont complètement rétractiles. Une particularité importante que j’ai déjà signalée chez Sagartia parasitica (1895), doit égale- ment exister, à mon avis, chez les autres espèces du genre. Elle consiste en ce que les cinclides s'ouvrent directement dans les loges, pas ou très rarement dans les interloges. Il y a à noter, en outre, que parmi les six loges de premier ordre, deux : les deux loges de direction, sont dépourvues de cinclides. Aconties. Parmi les caractères qui, abstraction faite des colorations, distinguent les deux espèces, les plus importants et les plus visibles sont : Sagartia parasitica : Colonne cylindrique haute. La base pédieuse peu déformée, mais étalée, est entièrement fixée sur les coquilles habitées par : Pagurus striatus, Pag. angulatus, etc. Cette base sécrète une membrane d'origine muqueuse toujours complètement adhérente aux coquilles. Disque tentaculaire orienté en haut ou latéralement par rapport au pagure (1). Nombre et disposition des cloisons toujours symétriques et biradiales. Adamsia palliata : colonne très courte. La base pédieuse (1) Les cas où on trouve Sag. parasitica vivant non accompagné d’un Pagure, doivent être considérés comme exceptionnels. DEVELOPPEMENT DËS HEXACTINIËS 335 très étalée chez Padulte a une surface proportionnellement beaucoup plus grande que celle de la colonne. Cette base est déformée et le plus souvent n'est pas entièrement fixée sur les coquilles. Une partie de cette base sert à envelopper l'hôte intérieur des coquilles. Cet hôte est : Eupagurus Prideauxi, à l'exclusion de tout autre pagure. La base pédieuse sécrète une membrane de même origine que celle du Sag. parasitica, mais elle n'adhère pas, durant toute la durée de son développement, complètement à la coquille. Le disque tentaculaire est toujours placé en face de la bouche du pagure mutualiste. Quoi qu'en dise Gosse, Andres et Jourdan, les tentacules bien que moins irritables que chez Sag. parasitica sont complètement rétractiles. Le nombre des cloisons est irrégulier, leur disposition est asymétrique. On sait (1895, pp. 195 à 199) que la plupart des traits carac- téristiques de Y Ad. palliata résultent d’une déformation pro- duite par un mutualisme très intime. Je reviendrai sur cette association dans un autre travail ; mais dès maintenant on peut voir que, même en tenant compte de l'origine de ces carac- tères, Y Ad. palliata diffère trop du Sag. parasitica , pour qu'il soit possible de réunir l'une et l'autre espèce dans un genre particulier. Cependant Verill, le premier, a cru devoir séparer du groupe des Sagartia le Sag. parasitica et créer pour lui le genre Cal- liactis, en raison de sa base étalée et de la présence de tubercules perforés à la partie inférieure de la colonne. C’est en se servant de ces mêmes caractères que Milne -Edward s et J. Haime ont fait rentrer le Galliactis dans le genre Adamsia. Andres et Oartjs les ont imités. En réalité il n'y a pas de tubercules chez Sag. parasitica ; ce que l'on a décrit pour tels sont plutôt des verrues, des voussures produites par les aconties accumulés et pressés contre les cinclides. Elles sont peu ou pas apparentes au niveau des cinclides de deuxième et troisième ordres. Chez Sag. parasitica et Ad. palliata, les verrues sont bien percées de cinclides, mais cela, ainsi que leur situation vers la base de la L. FAUROT 336 colonne, constitue deux particularités d'une valeur insuffisante pour justifier la création d'un nouveau genre. Deux autres caractères : base étalée et membrane adhérente sécrétée par le disque pédieux sont également considérés comme étant communs au Sag. parasitica et à Y Ad. palliata. Mais chez la première de ces Actinies, l'élargissement de la base n'est pas constant ; il ne peut se produire que lorsque les individus ne sont pas groupés en trop grand nombre sur une même coquille habitée par une pagure (leur habitat normal). Quant à la mem- brane sécrétée par le disque pédieux, elle ne constitue pas une particularité propre ni au Sag. parasitica, ni à Y Ad. palliata ; je l’ai observé chez le Chitonactis coronata et elle existe proba- blement aussi chez toutes les espèces qui fixées sur des corps durs et rugueux, ne se déplacent jamais ou seulement à de très rares intervalles. Cette membrane, d'origine muqueuse et résul- tant d’une réaction de défense, peut être sécrétée non seulement par le disque pédieux, mais aussi par la surface même de la colonne chez certaines espèces absolument sédentaires et vivant toujours en contact avec des pierres ou avec du sable vaseux : Phellia, Edwardsia. Chez Y Ad. palliata, l'élargissement et la déformation consi dérable de la base, l’asymétrie de nombre et de disposition des cloisons ainsi que son Mutualisme exclusif à l'égard d'une seule espèce de pagure, constituent trois caractéristiques importantes d'une valeur générique au moins égale à celle du groupe des Sagartia. La dénomination d 'Adamsia JRondeleti a donc été indûment attribuée au Sagartia parasitica (1). Il n'existe cependant aucune différence dans l'embryogénie des deux espèces. Les embryons sont seulement plus petits et leur déve- loppement est moins rapide chez Ad. palliata. Chez cette espèce aussi, le stade à huit tentacules et à huit cloisons présente une plus longue durée que chez Sag. parasitica. (1) Synonymie du Sagartia parasitica : Actinia effœta Linné; Actinia parasitica Couch; Sagartia effœta P. Fischer ; Adamsia effœta Milne-Edwards ; Calliactis effœta P. Fischer ; Adamsia Rondeleti Delle Chiaje et Andres ; Calliactis polypus Klutzinger. DÉVELOPPEMENT DES HEXACTiNIES 337 Mon but, dans ce mémoire, est de préciser les particularités embrvogéniques que j'ai exposées dans mon précédent travail (1903) et en outre de les compléter et d'en étendre les conclu- sions. Ces particularités étant en grande partie en contradiction avec ce qui a été publié sur le développement des Hexactinies, - il est utile que je revienne de nouveau à un exposé des opinions antérieures aux miennes. Avant le travail précité, il était admis que le pharynx des Hexactinies résultait uniquement de l'invagination du pôle oral d'une planula, et d'après la plupart des auteurs, le blasto- pore ne formait pas la bouche mais l'ouverture inférieure du pharynx. Quant à la bouche, elle était délimitée par les bords mêmes de l'invagination ; ou encore, comme chez les Alcyon - naires, l'ouverture inférieure du pharynx devait son origine à la perforation du pôle invaginé d'une planula sans blastopore. E.VanBeneden (1897) s'exprime ainsi : « Le blastopore devient entérostome et l'actinostome est un orifice de nouvelle forma- tion. La bouche des Hexactinies n'avait donc aucune homologie avec celle des Hydrozoaires qui d'ailleurs n'ont pas de pharynx. On admettait ainsi que le pharynx était formé, en cas de gas- trula antérieure, par une nouvelle invagination comprenant à la fois l'ectoderme et l'endoderme. Quant aux quatre premiers couples (1) de cloisons, les uns, comme Lacaze Duthiers, croyaient que leur développement était successif et qu'il n'avait aucun rapport immédiat d'apparition avec le pharynx. Wilson et Mc Murrich admettaient, au contraire, que la formation du premier couple était en relation immédiate avec celle du pha- rynx alors que ce dernier s'éloigne de la paroi pour devenir peu à peu central. Pour Goette, la formation des quatre couples (1) Couple, en français, se dit de deux choses de même espèce prises ensemble (Littré). Exemple : un couple d'œufs. Ne se dit pas des choses qui vont nécessairement ensemble ; on dit alors : une paire. Les cloisons d’une loge vont nécessairement ensemble, on doit donc dire dans ce dernier cas seulement : une paire de cloisons. En anglais, les significations de couple et pair ne paraissent pas être les mêmes qu’en français. Cette terminologie, d’ailleurs sujette à discussion, n’a été employée que faute d’une meilleure. 338 L. FAUROT est non seulement indépendante de ee dernier organe mais elle est même postérieure à celle des loges. Enfin Appellof consi- dère comme inexacte l'opinion de H. V. Wilson et de Mc Mur- rich d'après laquelle il y aurait à l'origine un contact intime entre le pharynx et la paroi du corps. D'après lui, le pharynx est, durant le processus entier de son introversion, complètement entouré par l'endoderme, bien qu'il soit plus rapproché de l'un des côtés du corps que de l'autre. A toutes ces affirmations contradictoires, j'oppose les conclusions suivantes résultant de mes recherches : La formation du pharynx ne résulte pas de l'invagination orale d'une planula à deux feuillets, ni de l'introversion du stomodœum d'une gastrula. Au début de son développement, cet organe présente l'aspect d'une gouttière faisant partie de l'un des côtés de la paroi du corps un peu au-dessous de la bouche de la gastrula. La gouttière pharyngienne se transforme en tube avec la formation des couples 2-2 ; 4-4 et 3-3. C'est en même temps que la gouttière qu'apparaissent le premier couple d'abord et ensuite les trois autres, par un processus pouvant donner lieu à des interprétations différentes. Ce seraient : ou quatre replis de la paroi du pôle oral s'accroissant de ce pôle vers le bas ; ou bien peut-être les intervalles pleins de quatre enfonce- ments homologues à ceux que Goette soutient avoir observés chez le Scyphistome ; ou bien encore, les couples pourraient résulter de plis pénétrant comme des fentes dans la paroi du corps, fentes rappelant les formations schizocœliques. Les embryons très nombreux de Sagartia parasitica et à’ Adam- sia palliata que j'ai examinés pour cette nouvelle étude, soit à l'état vivant, soit à l'aide de coupes, provenaient de pontes artifi- ciellement obtenues par un procédé que j'avais déjà vu utiliser par M. François, au Laboratoire de Banyuls en 1890 (1). Il consiste à placer un certain nombre d' Actinies, quinze à vingt, dans un même cristallisoir rempli d'eau de mer. Au bout de (1) La Bianco (1900. Année biologique) a également provoqué la ponte des Ophiotryx en mettant un certain nombre de ces Echinodermes dans un litre d’eau de mer. DÉVELOPPEMENT DES HEXACTINIES 339 vingt-quatre à quarante-huit heures, rarement plus, des œufs segmentés à des stades plus ou moins avancés s'échappent en grande quantité et flottent à la surface de Peau. J'ai remarqué que cette méthode avait plus de chances de réussir lorsque les Actinies avaient été pêchées récemment. A l'état normal, c'est- à-dire dans la mer, la fécondation, la segmentation et la forma- tion de la planula se passent vraisemblablement à l'intérieur du corps ; mais dans les conditions de captivité, les pontes se trouvent hâtées par l'altération de l'eau résultant de la réunion d'un grand nombre d'animaux dans un petit volume d'eau et aussi par l'élévation de la température. Les pontes se produisent surtout la nuit et le matin, elles sont parfois accompagnées du rejet de fragments d'entéroïdes et d'amas d'œufs non fécondés encore inclus dans des portions de cloisons. Ce dernier fait montre bien que les pontes sont anormales sous le rapport de leur ori- gine. Elles sont d'ailleurs souvent suivies très rapidement par la mort et la décomposition des Actinies qui deviennent flasques ou s'affaissent en état de contraction incomplète. Le plus souvent les œufs se développent normalement. Dans les pontes où il en est autrement, le développement ne se continue pas au-delà du stade gastrula, mais avec beaucoup de lenteur. Très peu d'embryons même y parviennent. Chez YAdamsia palliata de même que chez Sagartia parasitica les œufs, segmentés ou non, provenant d'une même ponte sont, soit blancs, soit de couleur rosée. Ils sont toujours très opaques. J'ai remarqué que ces couleurs conservées par les embryons jusqu'à l'état de planula sont aussi celles des acontia de l'indi- vidu dont les œufs sont issus. La durée des premiers stades de développement est à peu près la même pour YAdamsia palliata et le Sagartia parasitica. Cette durée pour chaque période est sans limite bien fixe. La segmentation se fait entre six et dix heures. La blastulation dure de dix à vingt heures. La formation de la planula, qui à vrai dire n'est dans ce développement qu'une blastula ciliée, et sa transformation en 340 L. FAUROT gastrula se fait insensiblement entre la quarantième et la cin- quantième heure. Vers la soixante-seizième heure environ, les embryons de l'une et l'autre Actinie peuvent déjà se fixer et la plupart de ceux qui sont maintenus dans de l'eau très pure se fixent en effet au cinquième ou sixième jour. D'autres en très grand nombre peuvent continuer à nager pendant des mois et plus. Il est vrai que beaucoup d'entre eux qui s'étaient fixés se détachent et errent plus ou moins longtemps avant de se fixer définitivement. A l'état normal, dans la mer, la période de vie libre doit être très prolongée, car à toute époque de l'année, on peut par la pêche pélagique recueillir des larves à huit cloisons. C'est ainsi qu'au mois de décembre j'ai pu en observer à Nice. Chez les embryons élevés dans les cristallisoirs les premières cloisons commencent à se former dans la larve nageante avant la fixation. Cette fixation pouvant ne pas être définitive, la larve nage donc souvent avec huit cloisons bien développées, sans tentacules. Ou bien, au lieu de nager, la larve progresse au moyen de ses cils tout en restant en contact avec le fond du cristallisoir. Cette progression simule une reptation mais en réalité la larve bien que s'appuyant sur une surface solide se sert de ses cils comme si elle se trouvait entre deux eaux. L'allure de la larve sans cils des Lucern aires n'est donc pas comparable avec celle des larves d'Hexactinies alors que celles-ci sont sur le point de se fixer. Tandis que chez Adamsia palliata le nombre des cloisons et celui des tentacules ne s'accroît pas au-delà de huit durant un ou deux mois, chez Sagartia parasitica l'augmentation du nombre est beaucoup plus rapide. C'est ainsi qu'une larve de cette espèce, fixée depuis six jours peut déjà présenter douze cloisons et douze tentacules. Durant toute leur vie libre, les embryons ne parais- sent pas s'alimenter autrement qu'au moyen de leurs réserves lécithiques. C'est ainsi qu'ayant conservé vivante toute une ponte d ’ Adamsia palliata, depuis le 12 mai jusqu'au 12 juin, je trouvais à cette dernière date les embryons à peu près trans- lucides alors qu'au début ils étaient complètement opaques. DÉVELOPPEMENT DES HEXACTINfES 341 La partie pharyngienne de leur corps était vide tandis que la partie postérieure aborale contenait encore quelques éléments graisseux jaunâtres. Oette transparence ainsi causée par la résorption de la plus grandè partie des cellules de nutrition, coïncidait avec la période de la vie libre. BLASTULA. BLASTULA CILIÉE (Planula). GASTRULA. MÉSODERME Les segmentations irrégulières de P œuf continuent à se pro- duire dans les blastules de forme irrégulière et très variable que j'ai déjà décrites (1903, p. 360). C'est par erreur que j'ai signalé la formation d'une morale, j'avais été trompé par l'aspect sphé- rique d'œufs en segmentation très avancée. Les blastules sont formées de cellules non déformées par la compression des cel- lules voisines et dont les noyaux sont tous en karyokinèse. Les segmentations qui continuent à se produire contribuent à com- bler leur cavité et régularisent probablement ainsi la forme de ces blastules. La figure 4, pl. V, représente une blastule entière et les figures 2 et 3 les coupes de deux autres. Aucune règle ne préside à la distribution des blastomères; c'est à peu près la « Blastomerenanarchie » signalée par Metchnikoff dans le déve- loppement de la méduse : Oceania armata. Les cellules qui rem- plissent les blastules m'ont semblé se produire au début par la segmentation des superficielles mais il se peut que leur multi- plication se fasse par un processus semblable à celui de la déli- mination. C'est l’opinion que j'avais adoptée dans mon travail de 1903, opinion conforme à celle de Wilson dans son mémoire sur Manicina areolata (1888). Les parois des blastules sont au début rapprochées, par places, jusqu'au contact ; aussi devien- nent-elles un peu translucides durant deux à trois heures. Cette translucidité disparaît bientôt ainsi que l'irrégularité de toute la surface par suite, ai- je dit, du comblement de leur cavité par les cellules nouvellement formées et d'aspect semblable à celles des parois. Dès que les blastules ont pris une forme sphé- rique, presque ovale, on peut les désigner sous le nom de planules. 342 L. FAUROT car elles se couvrent de cils, se déplacent d'abord lentement puis plus rapidement ; elles fuient une trop grande clarté. La bouche n'est visible à l'extérieur que lorsque l'invagination commence, elle est presque toujours en arrière du sens de la progression. On peut expliquer cette particularité par un mou- vement des cils plus rapide dans le sens oro-aboral ; ou bien la planule étant moins volumineuse à son extrémité aborale on peut admettre que les cils, agissant avec une égale force dans les deux sens, cette extrémité doit offrir moins de résistance au déplacement que l'extrémité opposée. Sur les coupes, la planula bien développée (fig. 5, pl. Y) se présente comme formée à la périphérie par une couche de cel- lules allongées vers l'intérieur de la cavité. Dans cette cavité les cellules se terminent en culs de sacs sans parois distinctes et à contenu formé de globules de graisse. Leur aspect rappelle un peu celui des cellules glandulaires que l'on trouve en diverses parties du corps chez l'adulte. Cette structure ne concorde guère avec les descriptions clas- siques de la planula. On décrit cette dernière comme possédant deux feuillets, l'endoderme étant plus ou moins distinct. Pour Balfour, la planula ciliée a deux couches ; elle est pourvue d'une cavité digestive plus ou moins rudimentaire creusée dans le feuillet interne. Pour Korschelt et Heider, la planula est pourvue d'un ectoderme cilié et d'une masse intérieure endoder- mique plus ou moins compacte. Cette dernière définition tend à enlever à l'endoderme son importance comme couche distincte. Je crois, d'après ce qui se passe chez Ad. palliata et Sag. para- sitiça , devoir aller plus loin en disant que la planula est chez les Hexactinies, une blastula pleine ciliée pourvue d'un ectoderme „ et d'une masse lécithique intérieure sans trace d'endoderme. Cette dernière couche, ainsi qu'on le verra plus loin, résulte d'une invagination typique. Cependant, à la période du dévelop- pement où nous en sommes, l'embryon couvert de cils et menant une vie libre représente bien la phase dénommée planula. Une autre particularité est à signaler : la paroi ectodermique est DÉVELOPPEMENT DES HEXACTINIES 343 perforée de un et même parfois de plusieurs orifices que Pon retrouve dans les périodes ultérieures du développement. Ce sont souvent des perforations s'ouvrant directement dans la cavité intérieure mais d'autres fois, les orifices se prolongent plus ou moins loin dans l'épaisseur de l'ectoderme constituant ainsi de véritables canaux pins ou moins parallèles à l'axe du corps. La présence de ces canaux à parois revêtues de cellules semblables à celles de l'ectoderme m'avait fort intrigué et la recherche de leur origine a été en grande partie cause du long retard que j'ai mis à l'achèvement de ce travail. Il est vrai- semblable que lorsque la planula est pourvue de plusieurs ori- fices, ceux-ci ne sont, sauf un seul qui est la bouche, que le début d'invaginations anormales. S'il est encore incertain que la planula soit une répétition d'une forme ancestrale libre attribuée à tous les Cœlentérés, sa structure chez Sag. parasitica et Ad. palliata indique du moins quel est son rôle durant le développement. C'est, en effet, durant cette phase planula que s'achève l'organisation des cellules ectodermiques par l'apparition du revêtement cilié et surtout par la séparation complète des éléments graisseux qui, s'isolant des autres substances cellulaires, rempliront à peu près complè- tement la cavité embryonnaire, permettant ainsi à la larve de vivre jusqu'à la période de fixation définitive (1). Lorsque cette accumulation de substances lécithiques s'est produite, une véritable, complète invagination, qui probable- ment a débuté au niveau de la bouche de la planula, s'opère graduellement dans un laps de temps d'environ douze à vingt heures. Ce n'est qu'en observant ce phénomène depuis le début de sa formation que l'on peut constater qu'il se produit réelle- ment. En effet, la planula étant remplie d'éléments graisseux. (1) Wilson (1888) a vu la formation d’une blastosphère avec une très large cavité se rem- plissant par délamination pour former une planula pleine. La figure 4 qu’il donne de cette pla- nula ne montre aucune trace d’endoderme distinct. Ce n’est que dans la suite du développement lorsque la mésoglée se forme (Wilson, fig. 5, 6) et que l’endoderme apparaît. P. M. Murrich (1891) chez Actinoloba (Metridium marginatum) affirme que la couche endodermique déla- minée est très difficile, avant l’ouverture de la bouche, à distinguer de la masse nutritive. 344 L. FAUROT on est tenté de croire, en observant sans transition une gastrnla complètement formée, que celle-ci ne provient pas d'une intro- version ectodermique, que le vide de sa cavité n'est dû qu'à la résorption des globules nutritifs de cette planula, et qu'en outre l'endoderme s'est produit par délamination. C’est là sans doute le motif qui fait que la plupart des recher- ches qui ont été faites sur ce sujet ne concordent pas et que plusieurs auteurs n'admettent pas l'invagination typique chez les Hexactinies (1). Cependant Jourdan (1879) a observé une invagination véritable chez Actinia equina. Il note que la cavité de la gastrula est complètement vide au début. Kowalesky (1873) lui-même, avait vu chez une Actinie indéterminée, qu'après la formation d'une morula ciliée il se forme une véritable invagi- nation, mais il ajoute que les bords de l'ouverture (endoderme et ectoderme compris) de la gastrula s'enfoncent pour former le pharynx. La gastrulation de YUrticina (Tealia) décrite par Appellof dériverait directement d'une blastula pleine. Chez cette espèce il existerait à la lin de la segmentation un blastocœle avec une fausse (unechte) cavité de segmentation remplie dès le début par une partie de la substance vitelline non segmentée. Ce ne serait qu'au bout du cinquième ou sixième jour qu'on observe- rait l'invagination de la blastula et c'est seulement sur la gas- trula que les cils apparaîtraient. A la fin de la gastrulation, dit- il, l'endoderme limite une cavité relativement spacieuse qui n'est cependant jamais vide mais remplie d'une masse graisseuse de nutrition. Il ajoute : «Es ist jetz derselbe Uahrungdotter, welcher # aus der Blastula in die Gastrulahohle übertritt ». J'ai moi-même (1) Kowalesky (1873), chez Actinia parasüica = Sagartia parasüica a vu se former un amas de cellules sans formation de cavité, de segmentation. Cet amas se couvre de cils après que la segmentation est terminée. Il apparaît alors à l’une des extrémités un petit refoulement. Il s’agit là, à mon avis, d’une blastula pleine conservant encore sa forme irrégulière durant son passage graduel à la phase de planula. Le naturaliste russe ne croit pas que l’endoderme se soit formé par invagination, mais il faut dire qu’il n’a pu observer les stades ultérieurs du développement du Sag. parasüica et que, dit-il, « même par le moyen des coupes on ne saurait obtenir rien de bon ». Sur Actinia aurantiaca (Grube), Kowalesky observa des embryons à huit cloisons dont la cavité était remplie de vitellus de nutrition « de sorte, dit-il, qu’évi- demment l’endoderme ne s’était pas formé par refoulement ». DÉVELOPPEMENT DES TÏEXACTINIES 345 observé le même fait chez Ad. palliata et Sag. parasitica Appellof (1900, p. 22-23), donne deux explications de cette migration de substances lécithiques : ou bien, les matières grasses de la blas- tula ont été complètement résorbées par les cellules invaginées pour être de nouveau rejetées dans la cavité delà gastrula; ou bien, et c'est l'explication qui lui paraît la plus vraisemblable : les éléments graisseux se sont mélangés par pression réciproque à la couche de cellules endodermiques et ont passé à travers. Mes récentes observations, en ce qui concerne l'existence de l'invagination, concordent avec celles que je viens d'exposer (Kowalesky, Jourdan, Appellof), et sont à opposer à l'opi- nion la plus généralement adoptée au sujet de la forme la plus typique du développement des Hexactinies, opinion qui est ainsi résumée par MM. Y. Delage et Herouard (1901, p. 479) : « ...une planula se forme par délamination. Au petit bout de la larve se produit une invagination modérément profonde qui est le stomodœum dont le fond se perce d'un orifice. La larve devient par là en tout semblable à une gastrula, bien que son origine soit tout autre » (1). J'ai observé que la blastula pleine se recouvre de cils et représente ainsi une phase planula pleine sans feuillet endoder- mique. Cette planula subit une véritable invagination. Pendant que se forme la gastrula, la masse interne lécithique se résorbe mais réapparaîtra dans la cavité de cette gastrula ainsi que l'a observé Appellof sur Tealia. Le stomodœum se transformera en pharynx non pas par une seconde invagination, mais, ainsi que je l'exposerai plus loin, par un plissement circulaire de la couche moyenne se produisant, peut-être, en même temps que le couple 1-1. L'ectoderme en s'invaginant forme une couche bien distincte, sans discontinuité et sans mélange avec la masse léci- thique qu'elle refoule tout en la résorbant complètement. La cavité de la gastrula, je le répète, est vide. Ce n'est que plus tard, lorsque l'embryon a pris une forme allongée que les élé- (1) « Car on est porté à attribuer à la continuation de l'invagination pharyngienne la for- mation de la couche endodermique que l'on ne voit bien que lorsque la cavité s'est nettoyée. » 346 L. FAUROT ments graisseux réapparaissent et remplissent cette cavité. Appellof (1900, p. 86) aurait vu cette réapparition s'opérer de la manière suivante : « Die sich einstulpende Entoderms- chiclit drangt sich ohne ihre epitheliall Yerbindung aufzugeben zwischen die Dotterelemente welche auf diese weise in die Gastralhôhle gelangen ». Cette citation diffère peu de l'inter- prétation faite à ce sujet par le même auteur et que j'ai relatée à la page précédente. La formation de la gastrula se fait le plus souvent avec régu- larité, c'est-à-dire que l'ectoderme introversé forme une courbe à peu près parallèle à l'ectoderme extérieur, mais souvent, ainsi qu' Appellof l'a noté et figuré (taf. 2, fig. 12), cette courbe est sinueuse de telle façon qu'une proéminence remplit plus ou moins complètement la cavité de la gastrula. J'ai même vu quel- quefois la proéminence très longue et assez mince partager cette cavité en deux chambres. Des cas semblables ne sont pas rares et pourraient donner l'idée d'un plissement normal du feuillet interne, plissement prenant naissance au fond de la cavité gas- trulaire. Ces cas, de même que tous ceux où la gastrulation ne se fait pas régulièrement, me paraissent causés parunerésorption inégale des éléments lécithiques. Cette résorption se ferait donc parfois plus rapidement en un point de la cavité de la gastrula que dans les autres. La formation de la couche moyenne, mésoglée, mésoderme ou mésenchyme se produit alors que l’invagination étant terminée l'endoderme se trouve en contact avec la paroi ectodermique de la gastrula. Dès ce moment, l'embryon devient beaucoup plus contractile que dans la période antérieure. Sa forme observée sur le même individu peut passer de la sphère à l'ovale plus ou moins allongé. On ne voit cependant aucune trace de fibrilles musculaires sur les surfaces endo- ou ectodermiques du mésoderme que l'on persiste à considérer chez les Cœlentérés, comme dépour- vu de contractilité propre. Spengel l'appelle : membrane basale et admet qu'il est sécrété à la fois par l'ectoderme et l'endoderme. Sa destination d'après Hertwig ne serait que celle d'une mem- DÉVELOPPEMENT DES HEXACTINIËS 347 brane de soutien (Stutzlamelle, Stutzsubstanz) et il ne devien- drait contractile que par Pimmigration d'éléments musculaires endo- ou ectodermiques. C'est là l'opinion généralement adoptée,, opinion que la grande autorité de O» Hertwig a fait passer à l'état de dogme. En dehors des faits qui la contredisent, faits que j'ai signalés en 1895 et en 1903, on peut encore lui opposer d'autres argu- ments. En premier lieu, c'est sans observation précise et très vaguement, que l'on a avancé que la couche moyenne des Hydrozoaires et des Scyphozoaires était un produit de sécrétion. Les Cténophores ont également une couche de même nature gélatineuse qui est un mésoderme bien défini et quoique cette dernière constatation n'ait pas encore été faite chez les autres Coelentérés, on ne peut cependant considérer comme n'étant pas soutenable cette proposition exprimée par Bourne (1900, p. 16) : « It must be duly borne in mind that mesoblast is notliing more than an embryological ségrégation of those cells derivedinCœlen- terata or Diploblastica animais from one or both of the primary germ layers which are in Cœlomata destined to give rise to the cœlom and the tissues of its walls »; et cette autre de Ray Lan- kaster (1900, p. 30) : « I think that we are bound to bring into considération the existence in many Cœlentera of a tissue resem- bling the mesenchyme of Cœlomocœla. In Scyphomedusœ, in Cte- nophora, and in Anthozoa branched, fixed,and wandering cells are found in the mesoglœa which seem to be the same thing as a good deal of what is distinguished as « mesemchyme » in Cœlomocœla ». D’un autre côté, à l'opinion qui n'accorde qu'un rôle en quelque sorte passif à la couche moyenne, ne peut-on pas objecter le mode de développement de cette dernière chez les Trachy- méduses % Durant ce développement, le déplacement de la vési- cule endodermique, la formation de l'ombrelle, du manubrium, du vélum, des tentacules, les modifications de forme et de situa- tions successives semblent bien, à mon avis, avoir la mésoglée pour origine. S'il en était autrement, il faudrait admettre que les très minces revêtements endo- et ectodermiques sont capables 1 348 L. FAUROT à eux seuls de refouler et comme de pétrir la très épaisse masse de Stutzsubstanz qui constitue la presque totalité du corps de la Méduse. De même aussi dans la formation du nodule médusaire des Leptolides, ne voit-on pas la mésoglée faire une saillie, se creuser en coupe pour former la cavité om- brellaire, et au centre de cette cavité pousser en protubérance pour constituer le manubrium ou spadice ? DÉVELOPPEMENT DU PHARYNX ET DES QUATRE COUPLES DE CLOISONS Après que la couche moyenne s'est formée, l'embryon vers la cinquantième heure de son développement subit des modifi- cations importantes qui d'abord ne changent en rien sa forme extérieure, laquelle est tantôt ronde, tantôt ovale. On voit seule- ment le profil de la bouche s'accuser à divers degrés suivant que les contractions sont plus ou moins fortes. Sur les coupes longi- tudinales on voit apparaître un peu au-dessous du blastopore un pli circulaire de la couche mésodermique. Ce pli ne se forme pas au moyen d'une invagination du stomodœum, car il refoule seulement devant lui la couche épithéliale qui dans cette région conserve toujours sa structure ectodermique (fig. 7 et 8, pl. Y). Il résulte de la formation de ce pli qui est la première indication du pharynx un aspect que j'avais interprété (1903, p. 371) d'une manière absolument erronée. Le bord supérieur de la couche moyenne entourant le blastopore m'avait paru résulter d'un allongement, d'une expansion accidentelle de cette couche et ne constituait pas, à mon avis, une particularité anatomique. Mes nouvelles recherches m'ont montré, au contraire, que le blastopore reste entouré par ce bord supérieur mésodermique et qu'il persiste ainsi, chez l'embryon, comme ouverture supé- rieure du pharynx. Dans cette région stomodœale la couche moyenne d'abord simple devient donc bifide par suite de la formation d'un pli transversal. Cet aspect bifide ne se montre pas sur toutes les séries de coupes longitudinales ; il manque en certaines régions et sur celles qui ne sont pas pratiquées suivant une orientation convenable. DEVELOPPEMENT DES HEXACTINIES 349 Sur des coupes transversales, on remarque qu'en réalité il existe deux plis, un à droite et l'autre à gauche. Ils figurent une gouttière ouverte du côté dorsal (1). Plusieurs coupes transversales ont été représentées dans le texte de mon précédent travail (1903, p. 372). Exactement au côté ventral, la couche mésodermique de cette gouttière reste en partie unie, confondue avec la paroi stomo- dœale. Ce n'est que plus tard, alors que la gouttière se sera formée et se sera transformée en véritable pharynx tubuleux, que les deux parois : celle du pharynx et celle du stomodœum, s'isoleront complètement l'une de l'autre. La gouttière pharyngienne étant formée, le couple ventro- latéral (couple 1-1) apparaît probablement après, par suite de la formation de deux autres plissements ayant une direction oblique de haut en bas et d'arrière en avant (c'est-à-dire en allant du côté dorsal vers les côtés latéraux), direction oblique par consé- quent à celle des deux premiers plissements que nous venons de voir donner naissance à la gouttière. Mais je n'ai aucune certi- tude à ce sujet et j'admets comme possible que la gouttière et le couple 1-1 se soient formés en même temps et qu'ils ne doivent leur origine qu'à deux plissements qui leur sont com- muns, chacun d'eux : le droit et le gauche étant transversal pour la gouttière et oblique pour le couple 1-1. Il est possible que chaque plissement ait débuté en formant les deux lacunes trian- gulaires que j'ai décrites et figurées (1903). Je continue cependant (ma description en sera plus claire) à supposer que le couple 1-1 est formé par deux nouveaux plis- sements obliques à ceux qui ont formé la gouttière. (1) Il me semble qu’il n’y a aucun inconvénient à conserver ces expressions : ventral, dorsal, bien qu’il n’y ait ni dos ni ventre chez les Actinies. Elles ont été employées par Kolliker pour les individus de Pennatules, avec la même signification que pour les fleurs zygomorphes, c’est-à-dire que cet auteur nomme ventral le côté tourné vers la tige et dorsal le côté opposé. Chez les Hexactinies on nomme ventral le côté qui paraît homologue au côté ventral d’un polype d’Alcyonnaire, c’est-à-dire celui vers lequel sont tournés les muscles unilatéraux du plus grand nombre (six sur huit) des premières cloisons. Les termes sulcus et sulculus préférés par Haddon et d’autres, ne peuvent trouver d’application que chez les Actinies qui ainsi que le Peachïa ou le Cerianthus ont un syphonoglyphe plus développé que l’autre. A.RCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — /»e SÉRIE. T. Vf. — (vi). 25 350 L. FAUROT Il ne m'a pas été possible même à l'aide de coupes faites sur de très nombreux embryons, de déterminer la limite supérieure de ces derniers plissements, car si vers le bas, dans la cavité du corps, on les voit se terminer par deux forts bourrelets quelque- fois visibles de l'extérieur à travers les parois de l'embryon, il n'en est pas de même en haut, où l'extrémité orale de celui-ci subit une déformation remarquable que Wilson (1888) a figurée sans y faire aucune allusion dans son mémoire et dont Appellof au contraire fait mention (1900). Cette déformation résulte de ce que la région supérieure et dorsale de la cavité du corps se soulève et surplombe le blastopore, qui de central devient excen- trique en étant repoussé du côté ventral. Peut-être s'agit-il là d'un refoulement comparable à ceux que Goëtte (1887-1897) dit avoir vu se produire chez Aurélia aurita et qui aboutissent à la formation des poches stomacales ? En tous cas, il ne me paraît pas invraisemblable que les deux nouveaux plissements se rapprochent et se réunissent pour n'en former qu'un seul situé en haut et en avant du refoulement dorsal. Vers le bas, ils se dirigent l'un à gauche et l'autre à droite de la gouttière pharyngienne, y adhèrent et se prolongent inférieurement pour constituer les deux cloisons ventro - latérales , c'est-à-dire le couple 1-1. Ce couple, ainsi que l'a remarqué de Lacaze- Duthiers, partage la cavité du corps en deux chambres iné- gales. La plus grande correspond à la région dorsale dont le sommet, ai- je dit, s'est exhaussé. La petite chambre correspond à la gouttière et à la bouche. En examinant des séries de coupes transversales faites sur de très jeunes embryons, la direction oblique de dehors en dedans et d'arrière en avant des cloisons 1-1 est manifeste. Chez l'em- bryon représenté sur la planche Y, figures de 14 à 20, une seule de ces cloisons est apparue (fig. 17), l’autre devant apparaître plus tardivement. Cette avance dans la formation de l'une des deux premières cloisons est très fréquente et montre qu'il y a une indépendance relative dans leur formation. Cette indépen- dance explique l'erreur de H. Wilson qui croyait que le DEVELOPPEMENT DES HEXACTINIES 3ol pharynx se déplaçait pour la formation de Tune et de Pautre cloison 1. Sur les figures 11, 12, 13, de la planche Y les cloisons 1-1 subissent un changement d'orientation ; leur obliquité de dehors en dedans et d'arrière en avant diminue, elles tendent à prendre inférieurement la situation transversale et radiale qu'elles auront chez l'adulte. Des exemples semblables se voient dans la planche XIV, figures 64, 63, 66 et planche XY, figures 67, 68 de mon précédent travail (1903). La longueur et l'épaisseur du revêtement endodermique (entéroïdes) du bord libre de ces deux pre- mières cloisons pren- nent très rapidement des dimensions relati- vement grandes. C'est pourquoi on est auto- risé à croire que leur apparition a précédé celle du couple dorso- latéral (2-2) et celle du couple dorsal (4-4), bien que des traces de ces quatre dernières cloi- sons puissent se rencon- Fiq. i. Au centre : Disposition schématique des couples au trer sur les mêmes nré- début de leur déveloPPement- Le couple 3-3 n'est visible ^ que lorsque la gouttière se rapproche du centre. A la péri- paratioilS d'embryons' phérie : l’orientation des muscles unilatéraux au stade 8 N . (c’est-à-dire la période où ces cloisons sont régularisées) très jeunes. Mais ces est en rapport avec l’obliquité de ces mêmes cloisons chez cloisons 2-2 et 4-4, sont l'embryon. au début si petites et si peu distinctes que H. Wilson admet qu'elles se forment d'une tout autre façon que les deux pre- mières. Selon cet auteur, tandis que le couple 1-1 prend nais- sance par contact du pharynx avec les parois du corps, le deuxième couple « appear in the larger chamber as longitu- dinal ridges of the supporting lamella, which cause no élévation 352 L. FAUROT of the endoderm » (1888, p. 209). D'après le même auteur, p. 207 (1888) toutes les cloisons qui naissent ultérieurement se forment de la même manière que le second couple. La remarque qu'il fait que les « ridges of supporting lamella » ne causent pas d'élévation de l'endoderme est d'une grande importance. On en peut déduire que les cloisons ne se forment pas, ainsi qu'on l'admet avec O. Hertwig, par un repli de l'endoderme entraî- nant avec lui une lame de mésoderme. Dans la planche V, figure 13, on voit un exemple du fait signalé par H. Wilson. Les deux encoches de l'endoderme, au côté ventral, correspon- dent à la place qui sera occupée par les cloisons 3-3. D'après l’opinion que je viens de rappeler, l'endoderme en ce point devrait, au lieu de deux encoches, présenter deux saillies. Dans la planche XIII, figure 44 (1903) j'ai figuré une disposition semblable qui est d'ailleurs fréquente (1). Aux particularités que j'ai déjà signalées (1903, pp. 384 et 390) au sujet du mode de formation des trois couples 2-2 ; 4-4 et 3-3, j’ajouterai que leur origine semblable à celles des paires, c'est- à-dire causée pour chacun de ces couples par une fente produite dans le mésoderme, me semble pouvoir être interprétée d'une façon un peu différente. Cette fente n'est peut-être qu'une appa- rence due à un plissement très oblique n'intéressant qu'une faible épaisseur de la couche moyenne de la paroi et pénétrant graduel- lement (comme une fente) dans l'épaisseur de cette couche. Le mode d'origine des couples 2-2 ; 3-3 ; 4-4 interprété de cette manière peut également être celui du couple 1-1. D'autre part, l'orientation des couples 2-2 et 4-4 par rapport à l'axe dorso -ventral de l'embryon est au début parallèle à celle du couple 1-1, c'est-à-dire que ces cloisons sont dirigées oblique- ment de haut en bas, d’arrière en avant et de dehors en dedans. Quant aux cloisons ventrales 3-3 elles sont certainement, parmi les quatre couples, celles qui se sont formées au niveau le plus bas. Tant qu'elles ne se sont pas montrées, la paroi ventrale du (1) J. Pl. Mc Murrich (1891, p. 127) dit : « the lines of origin of the other pairs are indi- cated by dépréssions of the endoderm ». DÉVELOPPEMENT DES HEXACTINIES 353 pharynx demeure confondue avec la paroi du corps de l'em- bryon, la bouche reste excentrique et la région dorsale du corps (c'est-à-dire celle qui est située en arrière du couple 1-1) est plus grande que la région ventrale (c'est-à-dire celle qui est située en avant du couple 1-1). Leur formation fait disparaître cette inégalité d'étendue dans les deux chambres primitives et en même temps disparaît l'obliquité des six cloisons apparues anté- rieurement. C'est alors aussi que le pharynx d'abord rapproché de la paroi est, par suite de l'allongement et de l'élargissement des quatre couples, transporté exactement au centre de la cavité gastrique, tandis que les huit cloisons deviennent géométrique- ment rayonnantes. D'après ce qui précède, il est normal que la chambre dorsale soit en même temps plus large et plus haute que la chambre ventrale. Cependant sur des embryons très épanouis dont le pharynx subit un commencement d'extroversion, il n'y a pas de différence d'élévation entre les deux chambres et le blasto- pore, quoique excentrique, correspond à peu près au sommet du pôle oral. C'était le cas pour les deux embryons figurés dans mon travail de 1903, planches XII et XIII. Des embryons con- tractés peuvent aussi présenter des déformations qui pourraient faire croire à des anomalies. J'ai observé un cas dans lequel les couples 1-1 ; 2-2 ; 4-4, tout en présentant l'obliquité normale montraient, sur des coupes faites de haut en bas, un déplacement vers la gauche, de telle sorte que la cloison 1 de gauche se rapprochait de sa voisine 3 et que du même côté le couple 4-4 se rapprochait de la cloison 2 de gauche. Cette dernière se terminait à la base près de la cloison 1 précédemment désignée. Les cloisons du côté droit suivaient symétriquement celles du côté gauche. Il y avait, en somme, une torsion senestre. Je ne crois pas qu'il s'agisse là d'une véritable anomalie, mais seulement d'une exagération dans le retard très fréquent qui existe dans le développement d'un côté sur l'autre côté. Ce fait mérite néanmoins d'être signalé car il montre que la croissance des deux côtés peut ne pas se faire 354 L. FAUROT en même temps. Cette indépendance relative dans le développe- ment des cloisons est presque normale chez certains Anthozoaires adultes, les Zoanthes par exemple chez lesquels le nombre des cloisons est le pins souvent nn peu plus considérable d'un côté que de l'autre. Chez les Cérianthes où les cloisons, ainsi que je l'ai démontré (1895), sont disposées en groupes de quatre (quatro- sarcoseptes), cette inégalité de nombre est encore plus marquée que chez les Zoanthes. La signification comme preuve d'une indépendance relative de croissance était des plus remarquable dans un spécimen dans lequel j'ai observé que tous les quatrosar- coseptes du côté gauche présentaient une disposition absolument inverse de celle de tous les quatrosarcoseptes de l'autre côté. La majorité des véritables cas d'anomalie que j'ai eu l'occa- sion d'examiner chez Sag. parasitica et Ad. palliata, consistait dans les dimensions plus grandes que prenait la chambre ventrale par rapport à celles de la chambre dorsale. Dans ces cas, le pharynx était situé, suivant la règle, dans la chambre ventrale. Cause de l’orientation des muscles unilatéraux des cloisons. On s'est demandé (1901, p. 465) quel était le motif de la situation symétrique des muscles unilatéraux (longitudinaux) des cloisons. Pour les paires, la cause de cette disposition s'ex- plique parfaitement par leur mode d'origine (1903, p. 390 ; fig. XIV). Pour les quatre premiers couples il est très remar- quable que la situation des muscles unilatéraux a un rapport précis avec la direction oblique de ces couples à leur origine (voir p. 351, fig. I). D'autre part, l'orientation des muscles unilatéraux aussi bien sur les couples que sur les paires, ne peut avoir aucune relation avec le fonctionnement de ces muscles. Chez Aure- liana, j'ai montré (1895, pl. I, fig. 1) que ces muscles peuvent prendre une situation inverse par rapport à Forientation nor- male, et même comme chez Edwardsia Adenensis (1895, fig. 8, p. 123), cette situation peut être quelconque. C'est donc seule- ment dans leur mode de développement que l'on peut trouver DÉVELOPPEMENT DES HEX ACTINIES 355 la cause de l'orientation des muscles unilatéraux. Mc Muheich (1891) a émis l'opinion que les muscles ont déserté la face loculaire des cloisons directrices, la loge ayant besoin d'être large en raison de ses rapports avec le syphonoglyphe. Cette opinion singulière est contredite par le résultat de mes recher- ches, et en outre elle repose sur une observation inexacte, car chez le Peachia (1895, pi. IX, fig. 1) le syphonoglyphe, pourtant de très grande dimension, ne se loge que très peu entre les cloisons directrices. Disque oro- tentaculaire. Stade à 8 tentacules. Origine des paires de cloisons. J'ai exposé (1903) comment le disque oro -tentaculaire devait son origine uniquement à la formation de ces appendices. C'est d'ailleurs à cette origine qu'il doit aussi sa struc- ture histologique différente de celle des autres parties de la paroi du corps. J'ai montré en outre ici même, qu'avant cette formation du disque oro -tentaculaire , la bouche était entourée par un anneau de mésoderme et que le pharynx s'était formé indépendamment de cet orifice dans la partie moyenne du stomo- dceum (fig. 7 et 8, pl. V). Chez la larve à huit tentacules alors que le disque oro- tentaculaire présente déjà une assez grande surface et à plus forte raison chez l'adulte, on ne retrouve plus trace de l'anneau mésodermique. En même temps que les tentacules se sont montrés, cet anneau a été divisé et comme découpé longitu- dinalement en autant de tranches qu'il y avait de cloisons et ces tranches ont constitué les lobes péristomiaux terminant la base orale des tentacules. Ces lobes ont augmenté en nombre égal à Fig. II. Cône buccal et formation du disque oro-tentaculaire au stade 8. — A gauche : côté d'une cloison avant le développement des tenta- cules; à droite : côté d’une loge avec tentacule ; c. b., cône buccal. 356 L. FAUROT celui des nouvelles cloisons. Chez les Actinies bien épanouies les cavités de ces lobes communiquent les unes avec les autres par les orifices cloisonnaires (canal péribuccal) qui existent chez toutes les espèces de ce groupe. Il me paraît vraisemblable que l'existence de ces orifices a quelque rapport avec la formation des lobes péristomiaux de même que les orifices qui forment un second canal entre les muscles unilatéraux et les parois du corps (canal périseptal) doivent avoir une relation avec la formation du disque pédieux. En effet, je n'ai pas observé de canal péri- septal chez les Actinies dépourvues de disque pédieux : Peachia, Ilyanthus, etc., tandis qu'il en existe constamment chez toutes les Actinies non pivotantes. Le stade à huit tentacules durant lequel apparaît le disque oral a été constaté chez toutes les Hexactinies dont on a suivi le développement. A cette période dont la durée peut être très courte, quelques jours chez Sag. parasitica ou très longue, un ou deux mois chez Adams, palliata l'embryon ne peut être comparé d'une façon absolue à une Edwardsia adulte car celle-ci a toujours, ainsi que je l'ai démontré, au moins seize cloisons dont huit rudimentaires (1). S'il ne paraît pas douteux que l'apparition des huit premiers tentacules soit une conséquence du passage de la vie errante à la vie fixée de l'embryon, il n'en est pas de même pour l'aug- mentation du nombre des cloisons au-delà de huit. Durant la vie pélagique ce nombre pourrait augmenter jusqu'à vingt- quatre si l'on s'en rapporte au mémoire de E. van Beneden (1897) sur les Anthozoaires de la Plankton-Expedition. D’après cet auteur, les larves recueillies étaient toutes totalement dé- pourvues de tentacules et avaient de huit à vingt- quatre cloisons. Chez les larves à vingt- quatre cloisons, les couples 5-5 et 6-6 n'étaient pas encore complètement formés et les six paires de (1) J. PL. Mc Murrich (1904, p. 218) dit très inexactement que c’est Andres (1880) qui le premier a observé la présence de cloisons rudimentaires dans une Bdwarsie. Andres n’a observé que huit cloisons et d’après la légende de sa figure 7 il a voulu figurer en coupe la base des seize tentacules. J. Pl. Mc Murrich lui-même ne se serait certainement pas hasardé à voir autre chose dans cette figure s’il n’avait pas pris connaissance de mon travail de 1895, p. 112. DÉVELOPPEMENT DES HEXACTIN1ES 357 deuxième ordre étaient encore plus réduites. L'absence de ten- tacules chez des larves aussi développées ne peut être attribuée au peu d'utilité qu'auraient ces appendices durant la vie libre, puisque on en trouve chez les Méduses et aussi chez les Arach- nactis. La vie fixée n'en paraît pas moins une condition beau- coup plus favorable à leur production plus nombreuse. Chez certaines Actinies pivotantes pouvant véritablement ramper et s'enfoncer de nouveau ( Peachia , Halcampa, Ilyanthus), les ten- tacules et les cloisons sont en effet comparativement moins nombreux que chez la plupart des Actinies fixées. Il est vraisemblable que dans la vie libre nageante des Arach- nactis ou dans la vie en partie rampante, en partie fixée du Peachia, de Y Halcampa et de Yllianthus, les tentacules ne servent qu'à la préhension de proies mortes ou presque dépourvues de moyens de défense. Des cloisons musculaires très nombreuses et très puissantes ne leur sont donc pas très nécessaires. Leurs cloisons sont d'ailleurs dépourvues de muscles pariéto -basilaires. Les Actinies fixées bien que se déplaçant parfois au moyen de leur pied adhésif, possèdent toujours au moyen de cet organe un point d'appui très résistant, durant les contractions des muscles pariéto -basilaires et unilatéraux de leurs très nom- breuses cloisons. Le fonctionnement des tentacules acquiert ainsi chez elles une plus grande importance que chez les Acti- nies pivotantes, pour la préhension, le maintien et le transport dans le pharynx de proies volumineuses et se défendant vigou- reusement. J'ai décrit le développement des paires de cloisons (1903, p. 390, 393, fig. XI, XII et XIV du texte). J'y reviens encore une fois pour ajouter quelques nouveaux exemples à ceux que j'ai déjà rapportés et aussi pour modifier en partie l'interpréta- tion que j'en ai donnée. Oes exemples se rapportent à un Palythoa , à trois Cérianthes et à un Madreporaire ; je les signale ici, parce qu'ils ont même signification que ceux que j'ai déjà notés chez les Hexactinies. Ils viennent confirmer mon opinion qui est que : les deux cloisons constituant une paire ne se forment pas indé- 358 L. FAUROT pendamment l'une de F autre ; elles sont à l'origine réunies en une seule lamelle qui, par rapport à la paroi du corps, présente un aspect pouvant se comparer à la corde d'un arc. C'est cette corde qui en se rompant en son milieu formera la paire de cloi- sons. Voici ces faits qu'il est assez rare d'observer, probable- ment par suite de la rétraction habituelle de la partie du corps (région péripharyngienne) où il est seulement possible de les constater. Cette rétraction est difficile à éviter malgré toutes les précautions techniques. Chez un Palythoa , G. Muller (1884, fig. 3) représente une coupe pratiquée en haut de la région pharyngienne. On y voit une paire de cloisons microseptales soudées en arc par leurs bords qui normalement sont libres. Ce genre de cloisons n'at- teint jamais le pharynx. E. van Beneden (1897, pl. IV, fig. 4 et pl. XIII, fig. 2, 3, 4, 5 et aussi p. 129, fig. XXVI) figure des paires soudées en arc chez des Oérianthides dont les points de multiplication étaient multiples. Chez ces spécimens, à mon avis, la formation des cloisons s'est trouvée ralentie par suite de la multiplicité de ces points, de telle sorte qu'elle a laissé trace de son processus, lequel reste inaperçu dans les conditions ordinaires du développement. Enfin Duerden (1902, fig. 6, p. 62) a représenté deux paires de cloisons en arc chez un Madré- pore. En outre il me semble probable que les quatre schémas de la figure 8, page 63 du même travail, représentant des coupes prises à différents niveaux d'un polype isolé, se rapportent également à la formation d'une paire de cloisons. Il s'agit d'une cloison qui se partage en deux nouvelles ; au sommet de la cavité du corps elle figurait sans doute une corde dont une portion de la paroi était l'arc. J'avais expliqué (1903, p. 391) la formation de la petite cavité comprise entre la paroi et la lamelle mésodermique formant la corde de l'arc, en présentant cette formation comme une sorte de schizocœle, schizocœle qui plus tard se serait transformé en loge. Ce que j'ai observé chez Bunodes thallia, Peachia hastata Sag. parasitica et Ad. palliata semble indiquer en effet que le DÉVELOPPEMENT DES HEXACTINIES 359 développement des paires de cloisons s'est passé d'après ce processus, mais comme la cavité de la future loge se trouvait toujours, dans ces exemples, ouverte en bas et quelquefois en haut de la colonne, je crois pouvoir donner une seconde inter- prétation de son origine. Cette interprétation est d'ailleurs la même que celle que j'ai exposée ici même, page 352 pour les cou- ples 2-2, 4-4, 3-3, c'est-à-dire que la fente schizocœlique n'est peut-être qu'une apparence due à un plissement très oblique vers le haut, n'intéressant qu'une faible épaisseur de la paroi mésodermique. Ce plissement s'élargirait aux dépens de cette paroi et prendrait les dimensions d'une loge, et en se rompant du côté intérieur formerait une paire de cloisons. Cycles tentaculaires. La formation des cycles tentaculaires à partir du stade 12 a été présentée comme se passant d'après de nombreuses lois compliquées (1901). En réalité, d'après mes conclusions pour- tant déjà anciennes (1895), cette formation se produit d'une manière logique et assez simple, et il n'est pas nécessaire pour l'exposer de traiter le sujet algébriquement comme cela a été fait. Pour la comprendre (1895, p. 95, fig. 6) il faut se rappeler que les paires de cloisons arrivées au terme de leur développement sont disposées d'après leur ordre de dimension et que les tenta- cules, les uns loculaires, les autres interloculaires, ont toujours, au terme de leur développement, des longueurs en rapport avec l'ordre de dimension des loges et interloges dont ils sont les pro- longements. En d'autres mots : la symétrie radiaire des ordres de paires de cloisons sera toujours reproduite par les prolonge- ments loculaires et interloculaires des loges et interloges (1). Il faut se rappeler en outre, que dans le développement d'un nouveau cycle : a) Les nouvelles paires ne naîtront pas au milieu des inter- (1) La symétrie biradiale ne sera révélée à l’extérieur que par les deux commissures buc- cales. 360 L. FATJROT loges mais sur un des côtés de celles-ci, chaque paire nouvelle divisant une interloge du stade précédent en trois parties : une loge et deux interloges. Le tentacule de l'interloge ainsi divisé est destiné à prolonger l’une des deux nouvelles interloges. Les deux autres parties auront donc à acquérir chacune un tentacule (un loculaire et un interloculaire). b) Les tentacules loculaires tendent toujours à prendre une longueur et une situation en rapport avec Tordre de dimension des loges dont ils sont les prolongements. c) , Les interloculaires restent toujours plus petits que les loculaires nés soit avant, soit en même temps, soit après eux. Leurs dimensions, plus petites que celles des loculaires, sont en rapport avec les dimensions des interloges, dimensions toutes plus étroites au début, que celles de toutes les loges surmontées de tentacules. Leur situation au rang le plus extérieur des cycles tentaculaires régularisés (Cycle 12 = 6 locul + 6 interloc. Cycle 24 = 12 locul. + 12 interl. Cycle 48 = 24. locul + 24 in- terl., etc.) résulte de ce que les interloges sont les parties du corps où Taccroissement s'est produit en dernier lieu. Il sera maintenant facile de comprendre (1895, p. 95, fig. 6) en se reportant aux paragraphes a, b, c qui précèdent, que pour la formation d'un nouveau stade tentaculaire, exemple : pour que le stade 6 loculaires + 6 interloculaires passe au stade 12 loculaires + 12 interloculaires : a) Il doit apparaître un loculaire et un interloculaire à côté de chacun des six interloculaires du stade 6 locul. + 6 interl. b) Les six loculaires nouveaux, en grandissant, acquerront une longueur et une situation sur le disque tentaculaire en rap- port avec la dimension des six loges de deuxième ordre dont ils sont les prolongements. c) Les six interloculaires nouveaux en grandissant, ne dépas- seront pas la longueur des interloculaires anciens et seront avec eux relégués au dernier rang, rang qui est en rapport avec la dimension des interloges toutes plus étroites que celles des loges surmontées de tentacules. DÉVELOPPEMENT DES HEX ACTINIES 361 CONCLUSIONS (Développement). La segmentation irrégulière aboutit à une blastula remplie de substance lécithique. Cette blastula, d'abord de forme irré- gulière, bosselée, devient sphérique, se couvre de cils et se perce d'un et parfois de plusieurs orifices. Elle présente alors l'aspect extérieur d'une planula. Elle ne possède cependant que l'ecto- derme formé de cellules se confondant à l'intérieur de la cavité avec la substance lécithique. Cette planula se transforme en gastrula par une invagination typique ayant pour point de départ un orifice de la surface. L'invagination est complète malgré la présence de la masse de nutrition intérieure. Cette masse réapparaît plus tard dans la cavité de l'embryon. Une couche moyenne contractile se forme dès que la gastrulation est terminée et presque en même temps le pharynx prend nais- sance non pas par invagination du blastopore, mais par un plissement de la couche moyenne, dans la région médiane du stomodœum. Le couple 1-1 apparaît, peut-être formé par le même plissement, peut-être aussi par un plissement indépen- dant, oblique de haut en bas et d'arrière en avant. La formation de ce couple 1-1 peut s'interpréter, de même que celle des cou- ples 2-2, 4-4 et 3-3, comme résultant de plissements obliques du mésoderme de la paroi. Ces plissements, à leur point d'origine, pénétreraient comme des fentes dans l'épaisseur du mésoderme. Le couple 3-3 apparaît un peu plus bas et, semble-t-il, plus tar- divement que les trois autres couples. Il me semble probable que la formation du pharynx n'est pas indépendante de celle des couples du stade 8. Ce sont peut-être ces cloisons qui Vont formé. A partir du stade 12 les paires de cloisons se forment de chaque côté de l'axe eommissural par des processus semblables à ceux qui, sur cet axe, ont pu donner naissance aux quatre couples de cloisons du stade 8. 362 L. FAUROT PHILOGÉNIE DES HEXACTINIES, AFFINITÉS On peut imaginer que les Anthozoaires ont eu un ancêtre pro-Edwardsia (Bourne, 1900, p. 55) à symétrie bilatérale et aussi biradiale, pourvu seulement de huit mésentères. De cette forme serait descendu YEdwardsia qui avec huit cloisons com- plètes a toujours au moins deux paires de cloisons de second ordre et le pro-Halcampa qui aurait eu six paires de cloisons (stade 12). Oes deux formes auraient donné parallèlement nais- sance, d’un côté aux Héxactinies régulières par YHalcampa, et de l’autre côté par YEdwardsia aux genres ne présentant pas la symétrie hexamérale, tels que Gonactinia, Ovactis, etc., ainsi qu’au genre Scytophorus et Peachia pourvus d’un syphonoglyphe ventral très développé. Du pro-Edwardsia seraient aussi des- cendus les Antipathaires, les Cérianthes, les Zoanthes. Mais quels sont les rapports de parenté, c’est-à-dire morphologiques, des Hexactinies avec certains autres Cœlentérés ? Se rattachent- elles au scyphistome, à l’Hydre f au groupe disparu des Tetra- cor allia ? Y aurait-il même un rapprochement à établir entre elles et les Annelés et Chordés comme le suggèrent A. Sedgwick et E. van Beneden ? En traitant ces questions je ferai mieux ressortir les conclusions de ce travail, et ces conclusions elles- mêmes, seront amplifiées. Les Acalèphes qui ont en commun avec les Hydroméduses les caractères suivants : forme polypoïde et une forme médusoïde avec présence d’un manubrium et d’une ombrelle tentaculée, en différeraient par des traits importants parmi lesquels : la présence chez le scyphistome et chez la méduse ascrapède, de quatre poches gastriques avec quatre cordons saillants (colu- melles et tœnioles chez l’adulte). Chez le Scyphistome, il y aurait même au début, d’après Goëtte (1897) un stomodœum invaginé. Ce dernier caractère surtout a fait réunir les Acalèphes aux Anthozoaires dans un même groupe : les Scyphozoaires. Mais, d’après les recherches de W. Hein (1900 et 1902), Goëtte se serait DÉVELOPPEMENT DES HEXACTINTES 363 trompé, car chez la larve à’ Aurélia aurita il n'y a pas de pharynx ectodermal et le blastopore persiste comme bouche définitive ; et après la formation des quatre premiers tentacules il apparaît quatre enfoncements interradiaux auxquels participe la Stutz- lamelle. Ces quatre enfoncements pénètrent dans la cavité gas- trique pour former les cloisons. Les quatre poches gastriques du Scyphistome résultent de la formation de ces cloisons et par conséquent elles apparaissent avec ces dernières. Il faut ajouter que Hein (1902) a vu que chez Cotylorhyza tuberculata, de même que chez Aurélia aurita, T se produisait une invagination typique. Ces faits autorisent à rapprocher, comme le suggère Hein, les Acalèphes des Hydro méduses. Si nous comparons le pharynx de l'Hexactinie adulte avec ce qui, d'après mes conclusions, lui serait homologue chez le Scyphistome, c'est-à-dire la partie très restreinte limitée par le sommet des quatre cloisons, on voit que chez l'un et l'autre organisme, le pharynx et ce qui le représente chez le Scyph's- tome résultent vraisemblablement de la formation des cloisons. J'ai dit, en effet, page 361, que chez les Hexactinies le pharynx n'était vraisemblablement pas une formation indépendante de celle des quatre premiers couples. Jusqu'à quel point, d'ailleurs, peut-on assimiler ces quatre couples avec les quatre cloisons du Scyphistome ? Chez ce dernier les cloisons sont au nombre de quatre, disposées en croix, radialement. Chez les embryons d'Hexactinies, les quatre couples sont au contraire placés à la suite les uns des autres suivant l'axe qui passe entre les cloisons de direction. Bien que la disposition des parties soit totalement différente, il y a cependant similitude entre le nombre et le mode vraisemblable de formation des couples et ce même nombre et cette formation chez les cloisons du Scyphistome (1). C'est aux Hydrozoaires d'où dérivent les Acalèphes que nous (1) Les quatre plissements qui forment les quatre couples peuvent être considérés comme résultant d’autant d’enfoncements du pôle oral. Ce qui, vu de l’intérieur de la cavité gastrique apparaît comme plissement saillant, présentera l’aspect d’un enfoncement, d’une dépression si on l’examine de l’intérieur. L’expression : plissement me paraît mieux correspondre à ce qui se produit. 364 L. FAUROT comparerons maintenant l'embryon des Héxactinies. Chez Adamsia palliata et Sagartia parasitica, le blastopore ne s'inva- gine pas, et avant la formation dn disque oro -tentaculaire, avant même la formation des premières cloisons, ce blastopore reste placé au-dessus du stomodœum et est comparable au cône buccal de l'Hydre. Je dois même noter que Hein a observé que le blastopore du Cotylorhyza est le plus souvent situé sur un côté du pôle oral. La couche épithéliale qui revêt le stomodœum de l'embryon d'Hexactinie conserve, il est vrai, une structure ecto- dermique que ne présenterait pas l'entrée de la cavité digestive de l'Hydre. Peut-être ne faut-il pas attacher à cette différence une très grande importance'? L'ectoderme stomodœal de l’Hexactinie doit, d'ailleurs, son origine à la gastrulation et non pas à une introversion secondaire, comme on le croyait jusqu'à présent. Durant leur développement les Hexactinies présentent donc des caractères qui leur sont communs d'un côté avec les Acalèphes et de l'autre avec les Hydroïdes. Ainsi que les premiers, les em- bryons à’ Adamsia palliata et de Sagartia parasitica montrent quatre plissements, disposés il est vrai, très différemment dans l'un et l’autre groupe. Ainsi que les Hydroïdes, ces mêmes embryons sont pourvus d'un hypostome correspondant morpho- logiquement au manubrium des Ascrapèdes et à celui des Cras- pédotes. En ce qui concerne le pharynx des Hexactinies il ne serait pas, d'après ce qui a été dit plus haut, formé indépen- damment des couples de cloisons et, en raison de son origine, sa présence ne constituerait pas une distinction importante entre les Anthozoaires et les Acalèphes adultes. Quant aux tentacules des Hexactinies, leurs bases dont l'ensemble forme le disque oral, s'étendent jusqu'à l'hypostome et le découpent en lobes buccaux. Chez les Hydroméduses et les Acalèphes les couronnes tentaculaires se forment à une distance plus ou moins grande de l'hypostome et du manubrium, indépendamment d'eux et sans leur envoyer de prolongements. En d'autres termes, chez les Acalèphes, de même que les bords libres des cloisons ne se rapprochent pas à un degré suffisant pour cons- 3SÔ DÉVELOPPEMENT DÈS HEXACTINIES titner un pharynx comparable à celui des Hexactinies, de même aussi leurs tentacules restent trop distants de la bouche pour former un disque or o -tentaculaire semblable à celui de ces. Anthozoaires. Toutes ces considérations notamment : la présence chez les ïïexactinies d'nn cône buccal et celle d’un pharynx formé par un processus autre que celui de l'invagina- tion et qui paraît concomitant avec la formation des couples de cloisons, nous conduisent à cette nouvelle conclusion : Le groupe des Scyphozoaires tel que le décrivent Goette (1897) et Delà ge et Hérouard (1901) doit être supprimé. Les recherches faites sur la structure des Tétracorallia n'ont pas encore permis de décider si, tout à fait au début de leur développement , ces coraux avaient été tétramères ou hexa- mères. D'après Ludwig et de Pourtalès (1871) et contraire- ment à Kunth (1869), la disposition tétramère proviendrait de la transformation d'un arrangement des septes primitivement au nombre de six, ce qui suppose douze sarcoseptes. Duerden (1902) partage cette opinion et montre d'après l'examen qu'il a fait du squelette du Lobophyllum que les Tétracorallia sont alliés aux Zoanthes actuellement vivants. Chez ces derniers les recherches de E. van Beneden (1890) et de Mc Murrich (1891) auraient établi qu'antérieurement au stade 12, l'em- bryon a probablement passé par une phase à six cloisons complètes. J'ai moi-même (1895, pl. X fig. 3, 4, 5) figuré des coupes d'un très jeune Polythoa sulcata montrant à la base du polype deux cloisons qui paraissent être homologues au couple 1-1. Le même embryon était pourvu de six à huit cloisons à des niveaux plus rapprochés du pharynx (1). (1) En se reportant à ce que j’ai exposé au sujet de l’orientation oblique, non radiale des premières cloisons, on verra que les figures des Traités de Zoologie (1900, fig. 23, et 1901 page 655) représentant les coupes transversales de jeunes Zoanthes, sont inexactes. Ces’ cloisons y sont toutes dirigées radialement vers le centre, alors que le couple 1-1 de même que le couple 2-2 doivent avoir une même inclinaison oblique sur l’axe commissural comme dans mon schéma I page 351. Les figures de E. Van Beneden (1890, pl. XV, fig. 1, 4) et les miennes (1895, pl. X, fig. 3) faites d’après nature montrent bien qu’il doit en être ainsi. La même observation s’applique aux figures de ces mêmes Traités représentant la disposition de premiers couples chez les Hexactinies (1901, p. 481, et 1900, p. 42, fig. 20) — t. vi. — (vi). ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GEN. — 4e SERIE. 26 366 L. FAUROT A mon avis, le peu* que Fon sait de l'embryogénie des Zoan- thes et de la structure primitive des Tetracorallia autorise, jusqu'à présent, à conclure que le début de leur développement est semblable à celui des Hexactinies. Cette conclusion donne un appui aux conjectures que j'ai émises au sujet de la formation des premiers septes chez les Tetracorallia (1903, p. 381). D'après ces conjectures, la disposition tétramère est primitive chez ces derniers. Il reste à examiner s'il est possible d'établir un rapprochement entre l'embryon d'Hexactinie, tel qu'il se présente avant la régu- larisation de ses quatre premiers couples de cloisons (fig. I, p. 351) et celui d'un organisme annelé. Je rappelle d'abord que A. Sedg- wick (1884) a émis l'hypothèse que la bouche et l'anus des animaux supérieurs dériveraient d'une ouverture en fente allongée, comparable à l'orifice buccal des Anthozoaires, l'une des deux extrémités de l'orifice servant pour l'entrée de l'eau et l'autre pour sa sortie. Cette différenciation se manifesterait chez le Peachia jusqu'à constituer deux ouvertures distinctes. D'après le même auteur, le blastopore et une partie de l'aire d'accrois- sement des embryons du Peripatus, des Aunélides et des Arthropodes seraient homologues avec la bouche des Actinies. A. Sedgwick suppose en somme que le disque oro -tentacu- laire des Anthozoaires est comparable avec la face neurale des Annelés. E. van Beneden (1891) s'est rallié à l'opinion de A. Sedwicjk et d'après lui les diverticules cœlomiques se for- ment par paires comme les loges des Cérianthides ; c'est ainsi que toute nouvelle paire de cloisons apparaissant chez le Cérianthe en arrière des cloisons nouvelles peuvent s'homologuer à deux cloisons intersegmentaires des Artiozoaires. En 1897, E. van Beneden étend la comparaison à YAmpMoxus . Les Arachnactis et les Cérianthes sur lesquels sont basées les considérations de E. van Beneden diffèrent grandement des Hexactinies, bien que la formation de leurs cloisons au stade 8 paraisse semblable, ainsi que j'ai tenté de le démontrer (1895) après Mc Murrich et E. van Beneden (1891). En outre, ce DÉVELOPPEMENT DES I [EXACTINIES 367 que Ton sait de l'embryogénie dn pharynx des Oérianthides diffère trop de ce que j'ai observé au sujet de YAdamsia palliata et du Sagartia parasitica, pour que les réflexions qui vont suivre, et qui concernent les Hexactinies puissent leur être appliquées. Celles-ci sont remarquablement représentées à ce point de vue par le Peachia dont le disque oro -tentaculaire a été com- paré par A. Sedgwick au blastopore en fente du Peripatus. Cette Actinie qui possède seulement douze cloisons complètes et un syphonoglyphe dont les dimensions sont singulièrement développées (1895, pi. IX et pl. XII), et lequel, ainsi que je l'ai exposé (1903), est constitué par la gouttière ventrale pri- mitive de l'embryoü, me paraît, entre toutes les Hexactinies, celle dont l'étude embryogénique permettrait le mieux de résoudre bien des faits que le présent travail n’a pu éclaircir. Au début du stade 8, alors que la région dorsale est plus dé- veloppée que la région ventrale et que le pharynx est encore en contact avec la paroi du corps, la symétrie n'est ni radiaire, ni biradiaire ; elle est uniquement bi-latérale comme chez les Artiozoaires. Il y a deux côtés distincts l'un de l'autre que l'on peut désigner conventionnellement sous les noms de gauche et droit, puisque l'une des extrémités de Taxe qui passe entre les cloisons de direction est spécialisée par la présence du pharynx excentrique. En outre, non seulement les couples ne rayonnent pas autour de Taxe longitudinal du corps, mais les huit cloi- sons ne se répètent pas toutes exactement à la même hauteur le long de cet axe. Deux couples 1-1 et 3-3 se montrent à deux niveaux différents. Les quatre premiers couples sont distribués en ligne, les uns à la suite des autres. Il y aurait là peut-être une véritable méta- mérisation, si on admet que les quatre couples résultent d’autant de plissements du mésoderme ; car on sait (Ch. Sedg- wick-Minot) que des répétitions sériales d'organes ectodermi ques ou endodermiques sans segments mésodermaux ne constL tuent pas, morphologiquement, une métamérisation. 368 L. FAUROT INDEX BIBLIOGRAPHIQUE 1880. Andres (A.). 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Fig. 8. Coupe d’un embryon plus âgé. Les cellules lécithiques réapparaissent dans la cavité. Coupe suivant le plan dorso-ventral. Fig. 9 à 13. Coupes à intervalles espacés entre le pôle oral et le pôle aboral. En 10 une des cloisons du couple 2-2. En 11 une des cloisons du couple 1-1. En 12 et 13, couple 1-1. Fig. 14 à 20. Coupes ecedem. Embryon plus jeune que le précédent. Une seule cloison 1 est apparue en 17. sh q s n i XXXVIe Année -J\° 7 Mai 1907 - ARCHIVES ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE HISTOIRE NATURELLE — MORPHOLOGIE — HISTOLOGIE ÉVOLUTION DES ANIMAUX FONDEES PAR HENRI de LACAZE - DÜTHIERS PUBLIEES SOUS LA DIRECTION DE G. PRUVOT ^ E.-G. RACOVITZA CHARGE DE COURS A LA SORBONNE DIRECTEUR DU LABORATOIRE ARAGO DOCTEUR ES— SCIENCES SOUS-DIRECTEUR DU LABORATOIRE ARAGO QUATRIÈME SÉRIE Tome VI 4 Numéro 7 BI0SPE0L0GICA I. — E.-G. RACOVITZA. — Essai sur les problèmes biospéologiques PARIS LIBRAIRIE C. REIN WA LD SCHLEICHER FRÈRES, ÉDITEURS 61, RUE DES SAINTS-PÈRES, 61 Prix ; 5 francs Paru le 15 Mai 1907 ( jdn 1 mm Les mémoires publiés dans les Archives paraissent isolément ; le volume sera donc composé d’un nombre variable de fascicules. ARCHIVES de ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE Les Archives de Zoologie experimentale et générale, fondées en 1872 par Henri de Lacaze-Duthiers, comptent actuellement 37 volumes publiés qui sont en vente au prix de 50 francs le volume cartonné. Le prix de l’abonnement pour un volume est de : 40 francs pour Paris — 42 francs pour les départements çt Fétrahger. Chaque volurrie comprend au moins 40 feuilles de texte illustrées de nom- breuses figures et accompagnées de planches hors texte en noir et en couleurs. 11 se compose d’un nombre variable de fascicules, plus une dizaine de feuilles dé Notes et Revue. Les Archives de Zoologie expérimentale et générale forment, en réalité, deux recueils distincts dont lés buts sont différents : I. — Les Archives proprement dites sont destinées à la publication des mémoires définitifs étendus et pourvus le plus souvent de planche^ hors texte. Les yolumes paraissent par fascicules, chaque fascicule ne comprenant le plus souvent qu’un seul mémoire. II. — Les Notes et Revue publient de courts travaux zoologiques, des com- munications préliminaires et des mises au point de questions d’histoire natu- relle ou de scienceA connexes pouvant intéresser les zoologistes. Cette partie' de la publication ne comporte pas de planches, mais toutes les sortes de figures pouvant être imprimées dans le texte. Elle paraît par feuilles isolées, sans périodicité fixe, ce qui permét l’impression immédiate dès travaux qui lui sont destinés. V apparition rapide, l’admission des figures et le fait que les notes peuvent avoir une longueur quelconque, font que cette partie des Archives comble une lacune certaine parmi les publications consacrées ;à la Zoologie ■: Les auteurs reçoivent gratuitement 50 tirages à part de leurs travaux (brochés sous couverture spéciale avec titre, s’il s’agit de mémoires parus' dans les Archives proprement dites). Ils peuvent, en outre, s’en procurer un nombre plus considérable à leur frais, d’après le tarif suivant : 1/4 de feuille 1/2 feuille 1 feuille Les 50 exemplaires 5 fr. 7 fr. 50 10 fr. Couverture avec titre, en sus..... 5 fr. 5 fr. 5 fr. A ce prix il faut ajouter le prix des planches, quand il y a lieu. Ce prix varie trop pour qu’on puisse fixer un tarif d’avance. A titre d’indication, on peut prendre les chiffres approximatifs suivants comme moyenne pour 50 exem- plaires d’une planche simple : Planche en photocollographie ou lithographie, tirage en une seule teinte. 10 fr. Planche gravée sur cuivre ou lithographie en plusieurs teintes . ...... 20 fr. Les travaux destinés à servir de thèses de doctorat sont reçus aux mêmes conditions que les travaux ordinaires. Les auteurs s’engagent à ne pas mettre leurs tirés à part dans: le commerce. Les articles publiés dans les Notes et Revue peuvent être rédigés en français, en allemand, en anglais ou en italien ; ils sont rémunérés à raison de 10 centimes la ligne.' Pour faciliter l’impression correcte des notes en langues étrangères, il est recommandé d’envoyer à la place du manuscrit une copie àHa machine à écrire. Les travaux destinés aux Archives de Zoologie expérimentale et aux Notes et Revue doivent être envoyés à l’un des Directeurs : M G. Pruvot, Laboratoire d’anatomie comparée, Sorbonne, Paris-ve M. E. G. RacOvitza, 2, boulevard Saint-André, Paris-vié ou déposés à la librairie Reinwald, 61, rue des Saints-Pères, Paris-vi6, ARCHIVES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE IVe Série, Tome VI, p. 371 à 488 15 Mai 1907 BIOSPÉOLOGICA i ESSAI SUR LES PROBLÈMES BIOSPÉOLOGIQUES PAR EMILE G. RAGOVITZA Sous-Directeur du Laboratoire Arago (Banvuls-sur-Mer). TABLE DES MATIÈRES Pages Avant-Propos .... ... 372 Quelques considérations sur les problèmes biospéologiques. 383 I. Etendue du domaine souterrain ^ 383 II. Conditions d'existence que présente le domaine souterrain 390 III. Influence exercée par ces conditions d'existence sur les Cavernicoles 400 IV. Caractères des Cavernicoles 426 V. Rapports de la faune cavernicole avec les autres faunes 427 VI. Classification des Cavernicoles 435 VII. Composition de la faune et de la flore cavernicole 438 VIII. Modalités de l’évolution des Cavernicoles 450 X. Distribution géographique des Cavernicoles 458 X. Origine des Cavernicoles 460 XI. Mode de peuplement du domaine souterrain 461 XII. Epoque de peuplement du domaine souterrain et ancienneté des Caver* nicoles 464 XIII. Modification et destruction du domaine souterrain et sort des Caver- nicoles 476 Auteurs cités 484 ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 4e SÉRIE. — T. VI. — (vil). 2? EMILE G. RACOVIÏZA 372 AVANT-PROPOS En 1904, le vapeur du laboratoire Arago, le « Roland », effec- tuait des recherches océanographiques aux Baléares sous la direction de M. Pruvot et avec le concours de M. Odon de Buen, professeur à PUniversité de Barcelone. Quelques jours devaient être distraits du temps consacré aux recherches marines pour l'exploration des célèbres grottes du Drach, de Majorque. Effectivement, le 15 juillet le bateau mouillait à Porto -Crîsto et le lendemain nous étions dans la Cueva del Drach. Trois jours de chasse me fournirent un certain nombre de Caverni- coles, aussi bien terrestres que d'eau douce. Parmi ces derniers, un Isopode, aveugle, incolore, pourvu de longs appendices, me frappa surtout par sa ressemblance avec des formes marines. Son étude approfondie me montra qu'il appartenait à la famille des Cirolanides et je le décrivis (1905) sous le nom de Typhlo- cirolana Moraguesi. n. g., n. sp. La présence de ce Crustacé à parents marins dans les eaux douces de la grotte, les caractères qui le différenciaient des Cirolanes lucicoles, l'empreinte si forte du milieu obscur sur toute son organisation, suscitèrent dans mon esprit nombre de questions qui me paraissaient du plus haut intérêt. Je me suis mis à rechercher leur solution dans les œuvres de mes confrères et je me suis adressé en premier lieu aux traités de biogéographie. J'ai consulté les ouvrages les plus nouveaux comme les plus anciens (Schmarda, Heilprin, Wallace, Trouessart, Beddard, Kirchhoff, Jacoby, Kobelt, Ratzel, etc.) et j'ai constaté, avec étonnement, que la plupart ne men- tionnaient même pas les êtres cavernicoles et que les autres s'en débarrassaient en peu de mots, non toutefois sans faire ressortir l'insignifiance de cet « habitat » et la faible importance de sa faune. Une phrase de Ratzel (1902, p. 588) exprime bien cette manière de voir qui est générale chez les biogéographes : Zu 373 LES PROBLÈMES B1ÔSPÈOLOGIQUES den Zersplitterten und Zusammengeschrumpften Lebensrâumen gehôren endlich auch die Reliktenseen und die Hôhlentier und Hôhlenpflanzenwelt. Le domaine souterrain serait donc aussi insignifiant par le peu d'espace qu'il occupe sur terre que par le faible nombre des êtres qui l'habitent ; ce ne serait qu'une sorte de « bizarrerie » de la nature. Or, il n'est pas d'idée plus fausse ! Revenu bredouille de cette chasse aux renseignements dans les traités, je me suis rabattu sur les mémoires des spécialistes ; d'abord, naturellement, sur les travaux d'ensemble (Packard, Hamman, Viré, Chilton, Joseph, etc.) puis sur les travaux spéciaux. Ce fut long, car les publications ne manquent pas sur le sujet ; et je m'arrêtai non point faute de « munitions » — je suis loin d'avoir consulté* tout ce qui a été écrit sur les Caver- nicoles — mais parce que je suis arrivé à la conviction que je ne trouverais pas de réponse précise à mes questions et parce que je suis sorti de ces lectures littéralement affolé. Dans aucune des questions que mes études professionnelles m'ont incité à approfondir, je n'ai encore constaté semblables incertitudes et contradictions, pareil enchevêtrement de faits bien observés, d'hypothèses injustifiées, de suppositions légitimes, d'erreurs manifestes, d'observations non contrôlées, de généralisations hâtives, en un mot, pareil chaos inextricable de faits, de théo- ries et d'erreurs. Les confrères qui ne sont pas au courant de ces questions pourraient me taxer d'exagération, et attribuer mon affolement à une cause subjective ; je vais leur démontrer que cette cause est objective en citant, au hasard du souvenir, un certain nombre de ces opinions contradictoires, erreurs manifestes et théories justifiées ou non, avec le manque d’ordre dans lequel elles sont consignées dans les mémoires des spécialistes. La vie à l'obscurité complète produit nécessairement la cécité (Packard). La cécité n'est pas produite nécessairement par la vie à l'obscurité complète (Semper). Il est impossible que l’obs- curité soit la cause efficiente de la cécité qui doit être produite 374 ÉMILE G. RACOVITZA par des facteurs inconnus (Hamman). Les grottes ne sont pas complètement obscures, ce qui explique la présence de Caver- nicoles pourvus d'yeux (Hamman). Il règne une obscurité com- plète dans les grottes profondes (Yerhoeff). * Les Cavernicoles actuellement aveugles ont perdu leurs yeux après leur immigration dans les grottes (Packard, Viré). Les Cavernicoles aveugles descendent de formes lucicoles déjà aveugles ou à yeux rudimentaires (Eigenmann). L'œil disparaît par arrêt de développement (Kohl), par dégénérescence phyle- tique (Eigenmann), par atrophie (Packard). Les caractères spéciaux des Cavernicoles furent acquis par évolution lente (Darwin), par évolution rapide (Packard), par variations brusques (Eigenmann). « Dès qu'un animal est soumis au régime de l'obscurité, ses organes se modifient, et cela dès la première génération » (Viré, 1899, p. 113, lignes 11). On voit les types changer peu à peu « par une suite de transitions absolu- ment graduelles » (le même Viré, 1899, p. 113, ligne 20). La lutte pour l'existence est nulle dans les grottes (Darwin, Packard) ; elle est très violente (Chilton, Yerhoeff, etc.). L'adaptation des êtres à la vie cavernicole est due à l'hérédité des caractères acquis par usage ou non usage (Packard); à la sélection naturelle : les individus à mauvaise vue seuls sont restés dans les grottes, les autres ont regagné les espaces éclairés (Lankester) ; à la panmixie combinée avec la sélection natu- relle (Chilton); à la sélection économique (lutte des parties de l'organisme de Roux) (Lendenfeld). Le milieu biologique des cavernes ne diffère essentiellement du milieu biologique de la surface que par l'absence de lumière » (Yiré). Il en diffère par la température constante, par l'humi- dité, par le manque de végétaux, par la pénurie de nourriture et par l'absence de lutte pour la vie (Packard). La faune cavernicole actuelle est d'origine récente (Packard, Peyerimhoff, Chilton). Elle est en grande partie le repré- sentant d'une faune antérieure éteinte ou plus cosmopolite (Lendenfeld). Sauf faibles exceptions il n'est « pour ainsi dire LES PROBLÈMES BIOSPÉOLOGIQUES 375 aucune espèce souterraine qui n'ait à la surface une espèce analogue » (Viré). Faut -il citer encore ! La faune cavernicole est très pauvre (Packard, Chilton). « Il n'est pas un point du sous-sol de notre globe qui, à l'égal de la surface, ne soit abondamment peuplé d'une faune riche et variée » (Viré). La nourriture est rare dans les grottes et l'on se demande souvent comment des Cavernicoles peuvent y trouver leur subsistance (le même Viré, Packard, Carpenter). Les ruis- seaux souterrains entraînent beaucoup de nourriture (le même Viré). Les Cavernicoles ne doivent pas avoir plus de difficulté à se procurer de la nourriture que les lucicoles (Hamman). La famine doit être la condition normale de la vie dans les grottes ; peut-être provoque-t-elle une sorte de sommeil analogue au sommeil des jeûneurs (Verhoeff). « Les cavernicoles... sont les descendants modifiés d'animaux de la surface du sol entraînés accidentellement sous terre » (Viré). Les cavernicoles actuels sont volontairement entrés dans les grottes (Garman, Eigenmann). La faune cavernicole pro- vient d'individus entraînés accidentellement de la surface ou entrant sous terre volontairement par de grandes ouvertures » (le même Viré). Parmi les cavernicoles il n'y a pas de vrais herbivores (Pac- kard, etc.). Le tube digestif des Niphargus subit des transfor- mations qui le rapprochent du type herbivore (Viré). La lumière tue les Niphargus cavernicoles (Bâte et Westwood). Ils se portent très bien à la lumière (Viré), etc., etc. Même la nomenclature des Cavernicoles a subi les atteintes de cette anarchie. Si vous vous adressez aux Crustacés vous apprendrez que Sphaeromides Dollfus n'est pas un Sphaeromien mais un Cirolanide, que Caecidotea Packard n'a rien à voir avec les Idotées, car c'est un vulgaire Aselle. Vous croyez peut-être que Palemonias Hay est une honnête Crevette Détrompez - vous, c'est un Atyde. Savez-vous pourquoi furent créés les noms de Caecidotea et 376 ÉMILE G. RÀCOVITZA Orconectes ? Le premier pour séparer deux formes vivant au même endroit, et souvent ensemble, qui ne diffèrent que par la longueur du corps et des appendices ; le second, pour distin- guer deux vrais Gambarus cavernicoles de Cambarus lucicoles vivant dans la même région, et pour réunir ces deux formes qui manifestement dérivent de deux Gambarus superficiels tout à fait différents. Cela paraît absurde et cependant c'est expliqué tout au long dans Packard (1899, p. 121 et suiv.). Je pense que ces exemples suffisent. Les amateurs pourront d’ailleurs puiser à pleines mains de ces « crocodiles » dans le marécage biospéologique ; je n’ai certes pas épuisé le gisement. A ce premier sentiment, donc fort légitime, que j’ai qualifié plus haut, succéda un autre aussi justifié mais dont l’aveu est moins honorable ! J’eus réellement peur de la biospéologie et de ses effarantes arcanes ; et j’hésitai longtemps avant de me lancer dans une mêlée aussi désordonnée où tant de confrères luttent avec ardeur. La peur des coups est le commencement de la sagesse, dit-on, mais l’occasion s’offrit à moi de visiter d’autres cavernes, de récolter d’autres êtres cavernicoles ; de plus la lecture des pas- sionnants récits de Martel changea ma sage prudence en folle témérité. Me voilà donc lancé en pleine bataille, et s’il m’arrive d’y laisser des plumes, comme certains biospéologistes notoires, ce ne sera pas faute d’avoir ignoré le péril. Je ne me dissimule point cette circonstance aggravante. Il faut donc se mettre à l’œuvre et la première chose à faire est, naturellement, d’examiner quelles sont les raisons de cet état anarchique dans lequel se trouve la biospéologie. Ces raisons sont très certainement multiples. D’abord les difficultés inhérentes au sujet. L’accès des grottes et leur exploration n’est souvent pas facile ; il faut, en bien des cas, réveiller le vieux fond d’hérédité simiesque qui gît en nous pour grimper aux parois ou descendre le long d’une corde. Tout cela ne se passe pas sans perte de temps et sans frais considé- LES PROBLÈMES BIOSPÉOLOGIQUES 377 râbles. De plus, la chasse aux Cavernicoles présente des diffi- cultés que nos confrères qui chassent le Lucicole ignorent. Et certes, une observation faite dans les grottes devrait, comme les années de campagne, compter double. On est frappé ensuite du faible nombre des observations, de la pénurie d'expériences et des lacunes considérables qui doi- vent exister dans nos connaissances sur la faune et la flore souterraines. Les théories nombreuses et contradictoires ne sont, d'ailleurs, possibles que lorsqu'il s'agit d'un sujet peu étudié ; on n'est pas arrêté par des faits gênants, et on peut laisser libre cours à une imagination toujours trop fertile. La même chose s'est produite pour toutes les sciences dans leur commencement; pour rester dans le voisinage de notre sujet, citons comme exemple la spéologie physique, science qui sort à peine de cet état nébuleux propice aux théories. Et si la spéo- logie, toute jeune pourtant, a dépassé ce stade embryonnaire, c'est uniquement à cause de nombreux faits que d'intrépides savants ont su accumuler en un laps de temps étonnamment court. Ces faits, groupés en ordre logique, ont renversé bien d'orgueilleuses théories, ont limité le champ des hypothèses et ont permis des généralisations légitimes et fructueuses. Nous n'en sommes pas encore là en biospéologie ! Un faible stock d'observations, quelquefois sujettes à caution, souvent non contrôlées, la plupart datant de loin, servent, armes fort ébréchées et toujours les mêmes, dans les combats des théori- ciens. Ainsi la dramatique histoire de la poursuite du Lepto- derus aveugle par un Chernète également privé d'yeux, contée jadis par Khevenhueller, est fidèlement rapportée dans les mémoires les plus récents, sans que personne se soit donné la peine de la soumettre au contrôle de l'observation. Car enfin les Leptoderus sont de taille à se défendre contre un Chernète, fût -il aveugle ! L'expérimentation est tout indiquée dans un grand nombre de questions biospéologiques. Fort peu de naturalistes l'ont cependant tentée. C'est un des mérites de Viré, et non des moin- 378 ÉMILE G. RACOVITZA dres, d'avoir fondé le premier « laboratoire des catacombes » et d'avoir repris les expériences plutôt sommaires de Fries. Jus- qu'à présent, les résultats obtenus ont confirmé ce que l'obser- vation permettait de prévoir, mais on ignore encore ce que pourrait fournir une expérimentation rigoureuse, s'attaquant aux détails plus intimes des transformations biologiques. Tout darwiniste qui se respecte consacre un chapitre de l'exposé de sa doctrine aux lacunes que présente la connais- sance des faunes fossiles. Avec combien plus de raison le bios- péologiste ne pourrait-il pas insérer un « Chapitre des lacunes », aussi bien fossiles qu'actuelles, dans l'exposé de son embryon- naire science ! On ne connaît aucune forme fossile qui puisse passer pour cavernicole (voir pourtant p. 472), et on ne connaît que l'infime partie des êtres cavernicoles actuels. En effet, en dehors de l'Autriche-Hongrie, de la France, de l'Allemagne, des Etats-Unis d'Amérique, de la Nouvelle-Zélande, un peu de l'Espagne et un peu plus de l'Italie et de la Suisse, quels sont les pays explorés à ce point de vue f Quelques localités isolées par-ci par -là. On sait aussi qu'il suffit de fouiller soigneusement une grotte pour trouver des formes nouvelles, et l'on connaît des décou- vertes intéressantes faites en ces dernières années dans les régions les plus classiques. Certains groupes d'animaux ont été complètement négligés, et les Coléoptères seuls sont mieux connus, grâce aux actives recherches des spécialistes très nom- breux qui collectionnent ces Insectes. De plus, l'étude de la faune des eaux souterraines n'est acti- vement menée que depuis quelques années ! Il est donc certain que l'inventaire des êtres cavernicoles est bien incomplet. Aux raisons que je viens d'énumérer il convient d'en ajouter d'autres d'un ordre différent. Les auteurs qui se sont occupés de la question se sont trop hâtés de généraliser et, quelque osée que puisse paraître mon affirmation, ils ne se sont pas toujours rendu compte de la différence qu'il y a entre le nom qui désigne LES PROBLÈMES BIOSPÉOLOGIQUES 379 une chose et la chose elle-même. Bien souvent on a raisonné sur les mots et non sur ce que ces mots sont censés repré- senter. Un exemple fera mieux comprendre ce que je veux dire. Prenons le mot : Cavernicole. Un spécialiste constate que les Cavernicoles de son groupe sont incolores ou plus pâles que leurs proches parents lucicoles. Il déclare aussitôt que la faune cavernicole se distingue de la lueicole par la décoloration des téguments due à la disparition du pigment sous l’influence de l'obscurité. Mais Pou découvre d’autres Cavernicoles qui sont colorés ; immédiatement on se met à bâtir des théories et à faire des suppositions variées. On suppose que les grottes ne sont pas complètement obscures ; on suppose que les Cavernicoles en question habitent les entrées des grottes ; on déclare qu’ils n’ont point adopté la vie souter- raine depuis assez longtemps. On fait intervenir la panmixie, etc., etc. On cherche à étayer chacune de ces suppositions et théories, par des observations puisées au hasard dans les auteurs, par des suppositions nouvelles et par d’autres théories. Cela donne naissance à d’autres centres d’attraction pour de nou- velles hypothèses et suppositions, et l’écheveau s’embrouille inextricablement. Et tout cela pour ne s’être pas rendu compte de la valeur réelle des mots ! En effet, reprenons la chose dès le commen- cement Que signifie le mot : Cavernicoles ? Uniquement ceci : êtres vivant dans le domaine souterrain. La seule chose que ces êtres ont de commun entre eux c’est leur habitat. La faune caver- nicole est, en effet, un mélange absolument hétérogène de formes très différentes, par l’origine, par les aptitudes héréditaires, par le degré d’organisation, par l’époque d’immigration dans les cavernes, etc., etc. Par conséquent, on doit s’attendre à trouver une diversité et non une uniformité d’action : l’influence de la vie obscuricole doit produire des effets différents sur les diffé- rentes unités qui composent cette faune. Il faut donc se méfier. 380 ÉMILE G. RACOVTTZA a priori, des généralisations, étudier chaque espece en parti- culier, et ne généraliser qu'après un travail complet d'analyses minutieuses. Une confusion analogue s'est produite à propos du mot : coloration. Qualifier un animal de coloré, cela signifie simple- ment que ses téguments exercent une influence quelconque sur les rayons lumineux, cela ne donne en aucune façon la raison de cette influence. On a même confondu couleur avec pigment ; or l'on sait qu'il y a des colorations non pigmentaires. Le mot pigment, à son tour, signifie uniquement substance colorée qui se loge dans un tissu. Il ne signifie nullement que ces substances sont chimiquement et physiquement identiques. On sait, au contraire, que les pigments sont de natures très différentes et qu'ils réagissent très diversement sous l'influence des agents physiques et chimiques. Il n'est donc pas étonnant que certains Cavernicoles aient conservé leur coloration ; c'est le fait contraire qui devrait plutôt sembler curieux. Si l'on veut serrer la question de près, il faut avant tout étudier la nature de cette coloration, si elle peut ou non de par sa constitution être influencée par la lumière. Or, cette étude n'a jamais été faite pour aucun Cavernicole. On a préféré se lancer dans des suppositions hasardées et des théo- ries nébuleuses. Ce que je viens de dire à propos de la coloration s'applique aussi aux autres questions et problèmes que soulève la biologie des Cavernicoles : effet de l'obscurité sur les yeux, ancienneté des Cavernicoles, modifications dans les organes sensitifs, etc. Trop souvent on constate une généralisation hâtive de déduc- tions basées sur la ressemblance des mots et non sur la vraie nature des choses que ces mots représentent. Voilà, à mon avis, les raisons qui paraissent expliquer suffi- samment l'état dans lequel se trouve actuellement la biospéo- logie. Cette sommaire enquête, en montrant ces raisons, indique aussi les écueils à éviter et la direction qu'il faut donner aux recherches futures. LES PROBLÈMES BIOSPÉOLOGIQUÉS 381 Le programme de ces recherches peut doue, me semble-t-il, se formuler ainsi : Il est impossible de faire œuvre synthétique actuellement; les généralisations trop vastes sont prématurées, et ce n'est point faire œuvre utile que de bâtir des théories générales. Il faut procéder par analyse, c'est-à-dire s'attacher à la mono- graphie de petits groupes, faire leur révision systématique, étudier leurs affinités, leurs origines, leur biologie, etc., afin d'avoir des points d'appui solides pour déterminer leur histoire spéologique. Il faut instituer une expérimentation rigoureuse avec des sujets d'expérience bien étudiés. Et, avant tout, il faut fouiller le plus de grottes possible, dans les régions les plus diverses, pour combler au moins en partie les lacunes considérables que présente la connaissance de la faune et de la flore cavernicole. Peu de mots suffiront pour indiquer comment j'ai essayé de me rendre utile dans l'accomplissement de ce vaste programme, qui demandera de longues années d’efiorts et le concours d'un grand nombre de naturalistes. Je me suis d'abord assuré la collaboration d'un jeune et actif naturaliste, M. Eené Jeannel. Tous nos moments disponibles seront consacrés à l'examen des grottes, de préférence dans les régions encore inexplorées au point de vue biospéologique. Le matériel rapporté, et trié par nos soins, sera confié aux spécia- listes. Les résultats de ces recherches seront publiés dans ces Archives , par séries, sous la signature de leurs auteurs, mais sous le titre commun : Biospéologica (1). Ce titre est fort peu Le mot : Spéléologie, créé par E. Rivière, est généralement employé pour désigner la science des cavernes. Martel (1894) l’adopte et il ajoute : « On a proposé aussi le mot plus simple de Spéologie (L. de Nussac, Essai de Spéologie, Brive, 8°, 1892) ; plus harmonieux, il est moins exact, car les Orées désignaient par GKZOÇ les excavations artificielles des tombes ou temples égyptiens ». Il me semble cependant plus avantageux d’employer un mot facile et harmonieux qu’un mot cacophonique, même si le premier est étymologiquement moins correct. Somme toute, la nomenclature a un but pratique, et bien rares sont les noms qui définissent exactement l’objet d’une science ; ce n’est d’ailleurs pas le cas pour : spéléologie, car si cette science s’occupe des cavernes elle s’occupe aussi des choses qui ne sont pas des cavernes. J’adopte donc Spéologie. 382 ÉMILE G. RACOVITZA harmonieux, j'en conviens, mais comme il est destiné unique- ment à montrer que les différents mémoires font partie d'un même ensemble de recherches, je l'ai choisi court pour faciliter les notations bibliographiques. Pour permettre l'apparition rapide des résultats de ces études, il a été décidé que les mémoires des spécialistes seraient publiés au fur et à mesure de leur envoi à la Direction des Archives, sans qu'il soit tenu compte ni de la date à laquelle ont été effec- tuées les récoltes des matériaux qui y sont décrits, ni de l'ordre de classification zoologique et botanique. Nous publierons de temps en temps l'énumération des grottes visitées, avec une description sommaire de chacune, en insistant surtout sur les points qui peuvent influencer la biologie des Cavernicoles. Nous ramasserons, dans les grottes, tout ce que nous pourrons trouver, sans faire de choix, car il est utile pour l’instant de faire l'inventaire aussi complet que possible du domaine souterrain. On verra ensuite ce qui lui appartient en propre Certes, les recherches suivies faites dans la même grotte sont très utiles ; mais dans l'état actuel de la biospéologie, les recher- ches « extensives » sont plus nécessaires que les recherches « in- tensives )>, s'il m'est permis d'employer ces ternies usités en agriculture. Nous visiterons donc le plus de pays possible. LES PROBLÈMES BIOSPÈOLOGIQUËS 383 QUELQUES CONSIDÉRATIONS SUR LES PRORLÈMES RIOSPÉOLOGIQUES La révision complète des idées qui ont été émises sur la biologie des Cavernicoles demanderait beaucoup de travail, mais il résulte de ce qui a été dit plus haut que le profit qu'on pourrait en tirer serait médiocre. Nous avons un besoin pressant de recherches de détails et, pour l'instant, l'idée doit céder le pas au fait. Il m'a semblé néanmoins que, si l'on ne peut encore résoudre les problèmes biospéologiques, il est utile de les poser clairement et d'établir de l'ordre dans leur exposé ; c'est ce qiie j'ai essayé de faire pour quelques-uns dans les pages suivantes. I. — L’étendue du domaine souterrain. Le domaine (1) souterrain, en tant que domaine vital ou habitat des Etres cavernicoles est -il réellement si restreint et insignifiant que le disent les Biogéographes ? Je pense qu'il faut très résolument répondre d'une façon négative. L'idée qui règne à ce sujet dans la biogéographie date d'il y a une tren- taine d'années, quand la Spéologie physique était dans l'enfance; c'est un héritage qui a été accepté sans bénéfice d'inventaire. Examinons, en effet, de quoi se compose le domaine souterrain qui se prête aux manifestations de la vie. 1° Les grottes accessibles a l'homme. — Ce sont les pre- mières dont on ait eu connaissance et pendant longtemps ce furent les seules qui ont été prises en considération. Il y a trente ans, on en connaissait fort peu ; mais il n'en est plus de même (1) On peut parler de « l’habitat » d’une espèce et même d’un groupe plus étendu mais homogène d’êtresvivants ; il ne me semble pas qu’on puisse désigner par ce mot l’ensemble des régions colonisées par les membres d’un groupement aussi vaste d’êtres très variés, comme les Cavernicoles, les Abyssaux, les Terrestres, etc. Je vais employer, dans ces derniers cas, le mot « domaine ». Donc, le domaine souterrain est formé par la somme totale des habitats par- ticuliers des espèces cavernicoles 384 ÉMILE G. RACOVtTZA actuellement. Il suffit de consulter les traités récents de Martel (1894 et 1900), Kraus (1894), von Knebel (1906), les Bulle- tins de la Société de Spéléologie , etc., pour acquérir la conviction que les cavités souterraines sont extrêmement nombreuses et pour se persuader que ce qui reste à découvrir dans cet ordre d'idées doit dépasser, dans des proportions considérables, les découvertes déjà effectuées. Fort peu de régions, en effet, ont été explorées jusqu'à présent. Dire qu'actuellement plus de 500 kilomètres de galeries ont été reconnues, c'est rester en dessous de la vérité ; cela représente au moins 50 kilomètres carrés de surface habitable. Quelle est cette surface pour toutes les grottes de la terre, voilà ce qui ne peut être estimé actuelle- ment ; mais elle doit avoir certainement plusieurs centaines de kilomètres carrés. 2° Les fentes étroites inaccessibles a l'homme. — Ma classification pourrait paraître bizarre et l'on pourrait se de- mander ce que l'homme a à voir là-dedans. Cependant l'histo- rique des idées biospéologiques la justifie pleinement. Aucun des auteurs un peu anciens ne parle de fentes terrestres étroites, et actuellement encore, quand on parle de Cavernicoles, on ne pense qu'aux êtres qui habitent les larges espaces accessibles à l’homme. Comme si les lilliputiens habitants du domaine souterrain se souciaient des dômes gigantesques, des vastes galeries, des majestueux couloirs ! Une simple fente de quelques millimètres suffit à leur bonheur et à la prospérité de leur famille. Or, les fissures et les fentes sont innombrables dans certains terrains. Il est difficile de démontrer par l'observation directe que les fentes sont habitées, mais beaucoup de faits et de déductions tendent à le prouver. En creusant des tunnels et tranchées, on a découvert sou- vent des grottes, quelquefois très vastes, sans communication apparente avec l'extérieur, où cependant vivaient des Caver- nicoles. Ces animaux n'ont pu y pénétrer que par les fentes. LES PROBLEMES BIOSPÉOLOGIQÜES 385 Il existe des grottes parcourues par des ruisseaux dont les crues font monter Peau jusqu'au plafond. Or, ces grottes sont habitées par des Animaux terrestres comme les grottes sèches ; ces animaux ne pourraient s'y maintenir si, pendant les crues, ils ne pouvaient se réfugier dans des fentes situées au-dessus du niveau aquifère. Tous les chasseurs de Cavernicoles savent qu'il n'est pas possible de recueillir toute la faune d'une grotte, même si elle est petite et si elle n'offre pas de cachettes apparentes aux animaux. A chaque visite on trouve des formes nouvelles qui ne peuvent être venues que par les fentes ; la migration par l'extérieur doit être tout à fait exceptionnelle, tous les Cavernicoles vrais étant lucifuges, sténo thermes et sensibles aux variations hygromé- triques. Comme on le verra plus loin, la voie principale d'immigration pour la plupart des Cavernicoles a été la fente et non les vastes entrées des cavernes accessibles à l'homme. La faible taille de beaucoup de Cavernicoles n'est pas due le plus souvent, comme on l'a prétendu, à la dégénérescence des formes souches causée par la pénurie de nourriture (voir p. 395). Il faut faire intervenir, dans la plupart des cas, une sorte de « tamisage » à travers les fentes étroites ; seules les petites espèces superficielles ayant pu pénétrer dans le domaine sou- terrain. La forme aplatie et allongée de beaucoup de Cavernicoles s'explique aussi par la nécessité de parcourir des fentes étroites, quoique le « tamisage » primitif ait pu aussi jouer son rôle. L'aplatissement et l'allongement peuvent être aussi bien des caractères primitifs qu'adaptatifs. Les espèces réputées rares sont nombreuses parmi les Caver- nicoles ; or l'expérience a montré depuis longtemps que la grande majorité des espèces « rares » consiste en espèces dont on ne connaît pas l'habitat réel. Dans le cas des Cavernicoles, cet habitat inconnu ne peut être que la fente. La nourriture doit être au moins aussi abondante dans les 386 ÉMILE G. RACOVITZA fentes que dans les grottes. L'eau de ruissellement accumule dans les fentes toutes sortes de détritus végétaux et animaux, et les pluies rapides doivent entraîner même des proies vivantes. Toutes ces substances alimentaires doivent se coincer dans les fentes qui jouent ainsi un rôle de filtre, débarrassant les eaux qui pénètrent dans les grottes proprement dites des matières charriées trop volumineuses. L'épais et nourrissant potage de la surface se transforme ainsi en claire infusion ; à ce point de vue la fente est plus agréable à habiter que la grotte. Toutes ces considérations, auxquelles s'ajoute ce que je dirai des niveaux d'eau, me semblent démontrer que les fentes sont habitables et habitées Or le nombre de ces fissures est énorme dans l'écorce terrestre. Les travaux modernes des spéologistes ont montré que les massifs calcaires en particulier, quel que puisse être leur âge, sont traversés en tous sens par des diaclases, joints de stratifi- cations, failles et cavités, qui font de ces massifs de véritables « éponges ». On connaît de vastes régions calcaires où les préci- pitations atmosphériques n'ont plus d'écoulement superficiel ; toute l'eau est absorbée par les fentes, et tout le drainage des eaux se fait par des rivières souterraines. Cette fissuration produit donc une surface habitable pour les Cavernicoles, qui est infiniment plus vaste que celle des grottes accessibles à l'homme. J'incline à penser que beaucoup de Cavernicoles ont leur habitat normal dans les fentes et non dans les grottes ; si on les rencontre dans ces dernières, c'est par hasard. Il doit se passer, dans le domaine obscur de ces formes, ce qui se passe dans les agglomérations humaines. Le citadin habite les rues étroites, et il ne se rencontre sur les boulevards et sur les places publiques que lorsqu'il va à ses plaisirs ou à ses affaires. Dans les deux cas, la majeure partie de « l’habitat » est formée par l'espace étroit, l'infime portion par le large espace. Comme quoi la parcimonie des municipalités s'est rencontrée en cette occa- sion avec les caprices de dame Nature ! LES PROBLÈMES BIOSPÉOLOGIQUES 387 3° Les niveaux d'eau et les nappes phréatiques. — On sait que dans les roches compactes ou de suintement en général, et dans les massifs calcaires en particulier, la circulation des eaux souterraines se fait, comme à la surface, par des rigoles, ruisseaux ou rivières. La notion classique de la nappe d'eau continue ne peut être admise que pour les terrains perméables, comme les sables, graviers, etc., et encore non sans certaines restrictions. On croyait antérieurement que l'eau imbibe ces terrains, qu'elle remplit seulement les interstices capillaires qui séparent les fragments solides ; on pouvait donc conclure, a priori, que les nappes phréatiques et niveaux d'eau ne peu- vent pas être habités, les Animaux ne trouvant pas assez d'eau libre pour y vivre. Or, l'expérience démontre qu'il n'en est pas ainsi. Les nombreuses formes cavernicoles trouvées dans les puits ne peuvent être venues d'ailleurs que des nappes phréa- tiques. En Nouvelle-Zélande, notamment, dans les puits de la plaine de Canterbury, Chilton (1894) a découvert une dizaine de Crustacés et d'Oligochètes, de tadle assez grande, présentant tous les caractères d'adaption à la vie obscuricole. La plaine est formée par une cuvette imperméable comblée par d'épais dé- pôts d'alluvions fluviatiles. Et les puits sont creusés dans ces dépôts. Chilton dit avec raison que la découverte de ces animaux démontre que l'eau ne circule pas seulement entre les particules solides , mais qu'elle doit former de véri- tables rivières souterraines ayant creusé leur lit dans les graviers. Les Animaux de grande taille rejetés par les puits artésiens d'Algérie, et ceux tous récemment découverts dans les mêmes conditions au Texas ( Palemonetes antrorum Benedict, Typhlo- molge Rahtbuni Stejneger, etc.), indiquent aussi que les accu- mulations d'eau libre sont fréquentes dans les nappes phréati- ques ou artésiennes. Ces nappes doivent donc être annexées au domaine souterrain habitable, ce qui augmente encore nota- blement son étendue, quoique le réseau des canaux d’eau libre qui parcourt les terrains perméables soit nécessairement beau- ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 4e SERIE — r T . VI. — (Vil). 28 388 ÉMILE G. RACOVITZA coup moins développé que celui des massifs calcaires et des roches de suintement. 4° Le domaine hypogé (1). — On connaît déjà beaucoup d' Animaux qui vivent dans la terre, soit dans l'humus, soit dans Eargile. Ils présentent souvent les mêmes caractères adap- tatifs que les Cavernicoles; quelques espèces paraissent vivre indifféremment dans la terre et dans les cavernes, et quelques genres hypogés ont des représentants cavernicoles. On pourrait en conclure qu'il faut annexer purement et simplement le do- maine hypogé au domaine souterrain. Ce serait une erreur, car, comme on le verra plus loin (voir p. 428), la majorité des Ani- maux hypogés ne trouveraient pas dans le domaine souterrain toutes les conditions nécessaires à leur existence, et il en est de même pour les Cavernicoles dans le cas inverse. Cependant, il n'est pas possible d'établir une distinction absolue entre les deux domaines, puisqu'un certain nombre de formes sont com- munes aux deux habitats et que, dans certains cas, très rares il est vrai, le domaine souterrain offre les mêmes conditions d'existence que l'hypogé. 5° Les Microcavernes. — En dehors des cavités naturelles énumérées plus haut, il existe tout un monde de réduits obs- curs, construits ou creusés par des Animaux, et que d'autres êtres ont choisi comme domicile. Les constructions des Hymé- noptères, des Termites, les galeries creusées dans le bois et la terre par les Insectes adultes ou leurs larves, les nids et les terriers des Reptiles, des Oiseaux et des Mammifères, consti- tuent des cavernes plus ou moins considérables pouvant exercer (1) Les entomologistes emploient depuis longtemps le mot « hypogé » pour désigner les animaux qui vivent profondément enfouis dans la terre, ceux qui composent la « faune de la pierre enfoncée ». On oppose donc « Hypogé » à « Cavernicole ». J’adopte, dans ce mémoire, cette interprétation du mot Hypogé, mais non sans regret Il vaudrait mieux, en effet, le réserver pour le sens très général de : être habitant sous la sur- face de la terre ; ce serait d’ailleurs plus conforme au sens que lui donnaient les Orées, et on pourrait l’opposer au mot Epigé qui désigne tous les êtres habitant à la surface Il faudrait alors créer un mot nouveau pour les anciens hypogés des entomologistes et mon ami, M. Pruvot, qui a attiré mon attention sur ce point, me suggère le terme de « Endogé » que je considère comme excellent et qui n’a pas besoin d’autre explication. Les Cavernicoles et les Endogés seraient donc des membres de la faune hypogée. LÈS PROBLÈMES BIOSPÈOLOGIQUES 389 sur les commensaux comme sur les hôtes des influences sem- blables à celles constatées dans le cas des cavernes naturelles. Mais comme pour l'habitat hypogé, et même plus que pour celui-ci, l'annexion purent simple du domaine des microcavernes au domaine souterrain constituerait une grave erreur que Verhoeff (1898) semble avoir commise, si j'ai bien compris son mémoire. J'examinerai plus loin (voir p. 429) la profonde diffé- rence qu'il faut établir entre un vrai Cavernicole et un vrai Xénophile (1). Il me suffit pour le moment d'indiquer que, si certains caractères adaptatifs sont les mêmes dans les deux sortes d'Animaux, il y en a d'autres qui manquent complètement au Cavernicole et qui donnent au Xénophile une physionomie très caractéristique. Mais tous les habitants des Microcavernes ne sont point des Xénophiles ; il y en a qui ne dépendent en aucune façon du propriétaire et constructeur de la caverne, qui ont adopté la vie microcavernicole uniquement pour ses avantages qui sont ceux qu'offre aussi le domaine cavernicole, en tout ou en partie. Cette catégorie de faux Xénophiles peut être annexée aux vrais Cavernicoles, s'ils présentent les caractères adaptatifs de ces derniers. Ces réserves faites, il n'en est pas moins vrai que dans les domaines voisins, l'hypogé et le microcavernicole, on peut recruter un certain nombre de formes pour l'armée des Caver- nicoles, et augmenter de beaucoup la surface habitable du do- maine souterrain proprement dit. 6 Les cavernes artificielles. — J'entends par ces mots toutes les cavités : galeries de mines, catacombes, tunnels, etc., creusées par l'homme. Leur étendue est peu considérable si on la compare aux régions précédentes du domaine souterrain. D'autre part, elles sont trop récentes pour avoir pu produire des transformations profondes chez les êtres qui les ont choisies pour domicile. On ne connaît actuellement aucune espèce réellement caver- (1) Je propose ce mot pour désigner tous les Animaux termitophiles et myrmecophiles. 390 ÉMILE G. RACOVITZA nicole, qui ait pris naissance dans ces sortes de cavernes. Les êtres qu'on rencontre dans les souterrains artificiels les plus profonds sont des lucifuges superficiels, soit identiques à leurs congénères épigés, soit, dans des cas très rares, légèrement mo- difiés par le séjour à l'obscurité ; ces modifications sont d'ailleurs de celles que provoquent brusquement, ou du moins rapide- ment, les influences directes du milieu et qui ne se transmettent généralement pas aux générations suivantes. Somme toute, les cavernes artificielles jouent un rôle à peu près nul en biospéologie ; je vais donc les laisser de côté dans les considérations qui vont suivre. Il résulte de cette rapide enquête que, parmi les « habitats » que le biogéographe distingue, l'habitat cavernicole doit occuper un bon rang par la grandeur de la surface qu'il offre au dévelop- pement de la vie. Il n'est certes ni exceptionnel ni insignifiant ; et s'il n'est pas possible de se faire une idée précise de son étendue dans l'état actuel de nos connaissances, on peut prédire déjà qu'il sera comparable en importance à l'habitat désertique ou à l'habitat alpestre. Ces très grandes surfaces habitables qu'offre le domaine souterrain sont-elles partout habitées en réalité f La biospéo- logie est-elle aussi importante par le nombre de ses sujets que par l'étendue de son empire romain ? C'est ce que nous allons examiner dans les chapitres suivants. IL — Les conditions d’existence que présente le domaine souterrain. Les êtres cavernicoles sont d'origine très différente, et ils n'ont de commun que l'habitat. Ils ne peuvent donc être dé- finis que par les transformations qu'ils ont subies sous l'influence de cet habitat. Il convient dès lors d'examiner en premier lieu au moins les principaux facteurs pouvant agir dans ces trans- formations. 1° L'obscurité. — Elle est certainement complète dans les parties profondes du domaine souterrain ; néanmoins, je ne 391 LES PROBLÈMES BIOSPÉO LOGIQUES crois pas que la démonstration expérimentale en ait jamais été tentée. Les plaques photographiques 11e se voilent pas au bout de quelques heures ; c'est tout ce que je puis dire par expé- rience personnelle. Hamman (1896). pour expliquer l’existence de Cavernicoles pourvus d'yeux, suppose que l'obscurité n'est jamais totale. Nous verrons plus loin qu'il n'est pas nécessaire de faire cette hypothèse, toute gratuite d'ailleurs, pour expliquer la persis- tance des yeux chez quelques Cavernicoles. Les entrées des grottes, les régions les plus superficielles des fentes, beaucoup de microcavernes, sont plus ou moins éclairées et offrent tous les passages entre la lumière du jour et l'absence complète de lumière. 2° La température. — Dans les grottes profondes, à l'in- térieur des massifs fissurés, dans les nappes phréatiques et les niveaux d'eau profonds, on peut admettre que la tempéra- ture est constante, et qu'elle correspond, en général, à la tem- pérature moyenne annuelle du lieu. Certes, des météorologistes armés d'instruments ultra -sensibles découvriraient sans doute des variations qui, au point de vue absolu, pourraient passer pour notables, mais au point de vue relatif où je 111e place, de leur influence sur les êtres vivants, ces variations sont tellement inférieures à celles qui s’observent dans le domaine superficiel qu'il convient de 11e pas en tenir compte. Les microcavernes et les endroits superficiels sont natu- rellement sujets à plus de variations. Des circonstances locales, d'ailleurs rarement réalisées, peu- vent produire des anomalies et des variations notables aussi dans les cavernes. Ainsi, les grottes verticales, s'ouvrant par le haut, sont plus froides, celles fortement inclinées, s'ouvrant par le bas, sont plus chaudes que les horizontales. D'autre part, dans la même grotte, il peut y avoir des salles plus chaudes que d'autres. Les dispositions topographiques de certaines cavités provoquent des courants d'air dont le sens varie selon les saisons, ce qui occasionne aussi des perturbations, etc. 392 ÉMILE G. RACOVITZA Quoi qu'il en soit de ces faits exceptionnels, on peut considérer le domaine souterrain comme un habitat à température cons. tante et basse, mais non à température identique dans toute son étendue, car chaque grotte possède sa température propre, qui dépend de causes générales : latitude, altitude et climat de la région où elle se trouve ; mais elle dépend aussi de causes spéciales : disposition topographique, épaisseur des plafonds, humidité, etc. 3° Humidité. — L'humidité est toujours notable dans le domaine souterrain, même quand certaines cavernes nous pa- raissent sèches. Là où l'eau suinte, où il y a des bassins lacustres ou des rivières, et où il n'y a pas de courants d'air, la saturation de l'air est complète. L'humidité qui infiltre les parois est presque toujours suffisante pour permettre la vie aux êtres les moins capables de réagir contre l'évaporation, même là où il n'y a pas de suintement visible. Ces constatations ne sont pas basées sur des recherches précises, qui n'ont jamais été tentées; Elles seraient pourtant utiles. 4° Dimensions des espaces habitables. — Rappelons seu- lement que la majeure partie de l'espace souterrain est formée par des fentes étroites, dans les massifs calcaires comme dans les nappes phréatiques ou les niveaux d'eau. 5° Mouvements de l'air et de l'eau. — La circulation de l'air se fait dans les cavernes, en général, si lentement qu'on peut considérer l'atmosphère du domaine souterrain comme étant pratiquement au repos. Mais il y a des exceptions à signaler ; ainsi les trous à vents présentent quelquefois des courants d'air d'une violence extrême, mais ces courants, produits par la diffé- rence de température de l'air extérieur et de l'air intérieur, et par le rétrécissement des galeries, ne se font plus sentir dès que la caverne s'élargit. D'autres dispositions topographiques peuvent occasionner aussi des courants plus ou moins forts ; inutile d'insister. Au point de vue du mouvement il y a moins de différence entre les eaux souterraines et les eaux superficielles ; dans les 393 LES PROBLÈMES BIOSPÉOLOGIQUES deux cas, on rencontre des eaux courantes et des eaux stagnantes qui se comportent à peu près de la même façon. 6° Composition de l'air et de l'eau. — Dans les grottes à bonne ventilation, la composition de l'air doit être normale ; il paraît en être de même dans les grottes où il n'est pas possible de constater des courants aériens. L'homme, en effet, n'est pas incommodé par le séjour dans ces cavités. Très rarement on a constaté la présence de gaz délétères. Cette question n'a d'ailleurs pas été scientifiquement étudiée. Il paraît que l'atmosphère des cavernes est très bonne conduc- trice d'électricité. J'ignore jusqu'à quel point cette propriété peut influencer les êtres cavernicoles. Les grandes rivières qui coulent à travers les grottes ne doivent pas avoir une composition bien différente des eaux coulant en surface. Il en est autrement des petites, à écoulement lent, et des bassins formés par l'eau d'infiltration à travers les bancs calcaires. Cette eau doit>être chargée à saturation de cal- caire, les concrétions variées qu'on trouve dans les cavernes et les tufs sont là pour le démontrer. La grande teneur en calcaire est donc caractéristique des eaux stagnantes ou peu rapides du domaine souterrain. Par contre, les eaux souterraines sont moins chargées de matières organiques, elles sont plus pures. Il leur manque aussi une source d'oxygénation qui est présente dans les eaux superficielles : les plantes aquatiques. L'aération des eaux souterraines est donc due uniquement aux agents phy- siques. 7° Les ressources alimentaires. — La plupart des auteurs admettent que le domaine souterrain offre de très faibles res- sources alimentaires à ses habitants. Packard (1889) se de- mande même ce que peuvent bien trouver à manger les Animaux aquatiques des grottes du Mammoth. Veritoeff (1898) croit que la faim sévit normalement parmi les êtres cavernicoles. Par contre Hamman (1896) pense que les Cavernicoles n'ont pas plus de difficultés à se nourrir que les Superficiels. 394 ÉMILE G. RACOVITZA Viré (1899) soutient même les deux opinions dans le même mémoire. Ces opinions contradictoires s'expliquent facilement ; on n'a jamais fait d'études sérieuses sur la question, et on s'est hâté de généraliser des observations isolées. Examinons donc comment la question pourrait être envi- sagée, et quelles sont les données nécessaires pour la résoudre. a. ) On a observé plusieurs fois des Cavernicoles en nombre considérable. Call (1897) l'affirme pour deux espèces de Crus- tacés de la Mammoth Cave. Eigenmann (1900 a) dit aussi que certains Crustacés sont communs dans les puits artésiens du Texas. Viré (1899) déclare que les Niphargus sont très nom- breux dans certaines rivières souterraines de la France. Dollfus et Viré (1905) disent avoir récolté plus de 2.000 Virera berica dans une seule grotte. Viré (1899) a trouvé un très grand nombre de Blaniulus dans une grotte pyrénéenne, et j'ai rencontré aussi un grand nombre de Cavernicoles terrestres dans certaines grottes, etc. Ces exemples suffisent pour arriver à une première con- clusion : Il n'est pas permis de dire que le domaine souter- rain est toujours pauvre en ressources alimentaires, et que l'état normal des êtres cavernicoles est l'état d’ina- nition. b. ) Les Plantes à chlorophylle ne peuvent vivre dans le do- maine souterrain à cause de l'absence de lumière. Tous les êtres non chlorophylliens tirent directement ou indirectement (à de faibles exceptions près, quelques Bactéries, etc.) leur subsis- tance de ces Plantes qui sont par conséquent l’unique réservoir de matières organiques. Mais de là à conclure sans autre preuve que la nourriture doit manquer dans le domaine souter- rain, il y a loin. Le domaine abyssal marin ou limnique est aussi dépourvu de Plantes vertes, et cependant il est fort peuplé. La seule conclusion qu'on puisse tirer de cette absence est la suivante : Ne peuvent être cavernicoles que les Animaux LES PROBLÈMES BIOSPÉOLOGIQUES 395 carnivores (1) et les Êtres saprophages (2). C'est ce que l'on observe en effet. c. ) La faible taille des Cavernicoles serait une preuve de la pénurie de la nourriture, selon Packard (1889). Cette propo- sition me paraît inexacte. La question de la taille des Cavernicoles, pour avoir sa signi- fication précise dans le cas qui nous occupe, doit être posée de la façon suivante : Les Cavernicoles sont -ils plus petits que leurs souches ou leurs parents lucicoles ? La réponse qu'on peut faire ne permet aucune conclusion, car s'il en existe de plus petits, on en connaît de plus grands. Inutile de nous encom- brer d'exemples. La faune des Insectes qui vit sur les fleurs est une vraie micro - faune et pourtant ces minuscules Hyménoptères, Coléoptères ou Rhynchotes vivent dans l'abondance. L'Acarien qui vit dans son fromage est un des plus petits parmi les Acariens, etc., etc. D’autre part, les lieux arides et les déserts, où la faim sévit souvent, ont autant de gros animaux que les régions fertiles. Il ne paraît donc pas y avoir toujours de rapport direct entre la taille des Animaux et les ressources alimentaires dont ils disposent. Par contre, l'abondance ou l'absence de nourriture détermine le nombre des individus et influe sur leur reproduc- tion ; mais c'est un autre ordre de questions. Quant aux raisons qui expliquent pourquoi les êtres caver- nicoles sont presque tous de faible taille, tout en étant souvent plus grands que leur souche, on les trouvera plus loin. Point n'est besoin de faire intervenir l'inanition. d. ) La rareté des Cavernicoles est aussi un indice de la pénurie d'aliments, d'après Packard (1899). Cette conclusion n’est exacte qu'en partie. J'ai cité plus haut des observations qui (1) Viré (1899. p. 56) dit avoir constaté que le tube digestif des Niphargus subit des trans- formations qui le rapprochent du « type des animaux herbivores » sans indiquer de quelle nature sont ces transformations. Il est impossible, d’autre part, de les deviner ; il ne reste aux carci- nologistes qu’à attendre, avec impatience, les détails que Viré leur doit sur cette très curieuse découverte (2) C’est-à-dire ceux qui se nourrissent de matières animales ou végétales en décomposition. 396 ÉMILE G. RACOVITZA mentionnent un grand nombre de Cavernicoles réunis au même endroit. Mais il y a aussi des grottes où les Cavernicoles sont excessivement rares, et cela certainement est à mettre souvent sur le compte de la pénurie alimentaire. On doit attribuer à la même cause la difficulté de trouver dans ces grottes des Animaux en reproduction, ou des pontes et des larves. Il résulte donc de cela que dans le domaine souterrain il y a des régions à nourri- ture abondante et des régions pauvres en ressources alimen- taires, chose qu'on peut constater pour tous les habitats. Il faudrait connaître, ce qui n'est pas possible actuellement, la proportion des unes et des autres pour décider si en général la nourriture est abondante ou non dans ce domaine ; et encore ce résultat serait plutôt piètre, car il ne permettrait aucune conclusion générale. e.) La facilité avec laquelle les Cavernicoles supportent la faim, et le peu de nourriture qu'ils prennent en captivité, sont la preuve qu'ils ont dû s'adapter à une pauvreté constante de ressources alimentaires. Je suis forcé de contester, non les observations que Packard (1889) cite à l'appui de son idée, mais les conclusions qu'il en tire. C'est encore avec une généralisation illégitime que nous avons affaire. A l'indifférence pour la nourriture que montrent les Cambarus et les Poissons cavernicoles de Packard il suffit d'opposer la voracité des Crustacés de Viré (1899), et la loi générale du pre- mier mord la poussière. Fe connaît-on pas d'ailleurs la facilité avec laquelle on capture les Cavernicoles avec des pièges amorcés de viande, fromage, etc. ? De plus, je pourrais citer un très grand nombre d'exemples d'Animaux lucicoles supportant la faim aussi bien, sinon mieux, que les Protées, Cambarus ou Amblyopsis, et même des Animaux voisins de ceux-ci. Tous les Animaux à sang froid se passent facilement de nourriture pendant un long espace de temps ; ils se contentent de ne pas augmenter de taille et de ne pas se reproduire. Les exemples de Packard ne signifient donc rien. LES PROBLÈMES BIOSPÉOLOGTQUES 397 et des recherches sur la résistance de l'inanition des Cavernicoles comparée à celle de formes voisines lucicoles n'ont jamais été tentées. /.) On connaît des grottes où il est absolument impossible de trouver la moindre trace de substances alimentaire et où pour- tant on trouve des Cavernicoles, disent certains auteurs. Ce fait est exact, et je puis le confirmer. Mais, outre que ces grottes sont toujours visitées par des lucifuges qui fournissent ainsi des proies vivantes ou des cadavres à la consommation des troglo- bies, il ne faut pas oublier que ces grottes communiquent avec tout un système de fentes étroites qui peuvent offrir des res- sources alimentaires. D'autre part, les Crustacés aquatiques, {Asellus, Niyhargus, etc.) qu'on a rencontrés dans de petites flaques d'eau absolu- ment pures, peuvent certainement émigrer à volonté, car ils ne craignent pas de rester à sec pendant longtemps. Ils peuvent ainsi se soustraire à l'inanition. DES SOURCES DE NOURRITURE DU DOMAINE SOUTERRAIN Nous avons vu qu'il n'y a pas d'arguments sérieux qui puissent être invoqués à l'appui de l'idée que les Cavernicoles souffrent d'inanition chronique. Il nous faut maintenant examiner d'où peut venir la nourriture. Il est certain que son origine est mul- tiple : a. ) Ce sont d'abord les détritus organiques variés, et même les animaux vivants, que les eaux de ruissellement et les rivières à parcours souterrain entraînent dans les fentes et dans les grottes. Des masses considérables de matières utilisables peuvent être ainsi entraînées. Viré (1899) pense avec juste raison que les Animaux lucicoles, entraînés dans les cavernes, sont des proies faciles pour les Cavernicoles, car ils ne peuvent lutter dans ce milieu, qui leur est contraire, avec des Animaux qui y sont par- faitement adaptés. b. ) Viennent ensuite les Animaux lucifuges qui recherchent les fentes comme cachettes ou lieux de reproduction, et ceux 398 ÉMILE G. RACOVITZA très nombreux (Moustiques, Tinéides, etc.) qu’on voit sur les parois, à l’entrée des grottes. Ils peuvent soit servir de proies vivantes aux carnivores, soit fournir d’abondants cadavres aux saprophages. Cette source de nourriture est si constante et si abondante, qu’elle a occasionné l’envahissement des grottes par les Araignées lucicoles, qui s’y rencontrent souvent en grand nombre. c. ) Les excréments de Chauves-Souris constituent une source de nourriture, pas très fréquente (il y a, en somme, peu de cavités habitées par ces Mammifères), mais très recherchée par les Cavernicoles. Les grottes habitées par un grand nombre de Chéiroptères sont non seulement peuplées par de nombreux Cavernicoles, mais envahies par tout un monde de Troglophiles et même de Lucicoles ordinaires. Un grand dépôt de guano frais offre le spectacle du plus extraordinaire développement de vie qu’on puisse voir. d. ) De plus les Animaux sauvages entraînent dans les grottes leurs proies pour les dévorer, et les miettes de leur table sont soigneusement recueillies par les Cavernicoles. L’Homme lui- même contribue au ravitaillement des grottes qui sont aména- gées pour les touristes. Oall (1897) cite un endroit de la grotte de Main îno th, où les touristes ont l’habitude de déjeuner, qui possède une faune plus abondante à cause des reliefs de ces festins. On devrait même essayer, dans une grotte bien choisie, de fournir aux Cavernicoles une nourriture abondante et régu- lière ; nul doute qu’ils n’augmentent en nombre, ce qui rendrait plus facile l’inventaire de la population souterraine et la décou- verte des pontes et des larves. e. ) Les champignons se développent souvent en abondance sur les matières organiques, entraînées dans les grottes, four- nissant ainsi une abondante nourriture à certains Caverni- coles. /.) Dans les microcavernes, l’aliment est fourni tantôt par les déjections de l’architecte et les réserves qu’il accumule, tantôt par le matériel même qui a servi à bâtir la demeure. 399 LES PROBLÈMES BIOSPÈOLOGIQUES Conclusion. — Il me semble difficile d'admettre que l'inani- tion est une condition normale d'existence pour les Cavernicoles. Le vaste domaine souterrain offre des ressources alimentaires dans toute son étendue ; ces ressources sont en certains endroits tellement abondantes qu'elles provoquent les incursions des Lucicoles ; en d'autres endroits elles sont plus rares, et, finale- ment, en quelques endroits elles paraissent absentes. En tous cas, cet état de choses n'a pu avoir d'influence sur la taille des espèces cavernicoles ; tout au plus s'est-elle fait sentir sur le nombre des individus. La disparition accidentelle et seulement temporaire des victuailles dans une portion du domaine souterrain n'en- traîne pas forcément la mort de tous les habitants ; car, d'une part même les aquatiques sont capables, en général, d'émigrer en utilisant la terre ferme et, d'autre part, les Cavernicoles sont capables de supporter, comme les Lucicoles voisins, des jeûnes prolongés. Toutes les théories qui reposent sur l'influence de la pénurie de nourriture manquent donc de base. 8° La lutte pour l'existence. — Darwin (1859) émit l'idée que la lutte pour l'existence devait être à peu près nulle dans les cavernes ; Packard (1889) accepte cette opinion et considère l'absence de sélection naturelle comme caractéristique pour le domaine souterrain. D’autres auteurs les ont suivis dans cette voie. Il est pourtant difficile de concilier cette hypothèse avec la croyance dans la pénurie de nourriture ; où la nourriture est pauvre, la concurrence vitale doit être très violente. C'est avec raison que Chilton (1894) et d'autres ont montré que cette idée est fausse. La concurrence vitale existe entre individus de la même espèce, la lutte est âpre entre carnivores et saprophages. Il est certain qu'on ne voit pas trop qui pourrait s'attaquer avec chance de réussite aux Protées, Typhlomolge, Cambarus et Poissons cavernicoles adpltes ; mais les larves et les pontes doivent avoir nombre d'ennemis. Les Gastéropodes sont la proie des Isclnyropsalis. Les gros Myriapodes et surtout les grosses Araignées n’ont probablement, à l'état adulte, que 400 ÉMILE G. RACOVITZA peu on point d'ennemis, mais les jeunes sont aussi exposés que dans le monde de la lumière. En un mot, il n'y a aucune raison de croire que la lutte pour l'existence et la concurrence vitale soient beaucoup moins actives là qu'ailleurs. Des conditions d'existence que présente le domaine souterrain, l'obscurité, la température constante et basse, et l'humidité, sont générales et importantes ; les autres ont une action plus limitée ou moins continue. Il nous faut examiner maintenant quelle influence elles ont exercée sur les êtres cavernicoles. III. Influence des conditions d’existence que présente le domaine souterrain sur les Cavernicoles. 1° Influence de l'obscurité L'étude de cette influence a donné lieu aux travaux les plus nombreux en Biospéologie, et tous les spécialistes anciens et modernes s'en sont occupés. Il n'en est pas résulté que nous ayons des idées claires et définitives sur le sujet ; au contraire ! C'est dans cette question que l'on observe, en effet, le plus inextricable enchevêtrement de faits plus ou moins bien obser- vés, d'hypothèses hardies et vaguement justifiées, et de généra- lisations hâtives. Il me semble que cela est dû surtout au fait que le problème a été mal posé et sa solution mal abordée. Examinons, en effet, les points les plus importants de la ques- tion. A.) Influence de V obscurité sur la coloration des Cavernicoles. La coloration des êtres vivants est due à plusieurs causes : a.) Coloration due à la structure des téguments ou coloration optique. Les téguments peuvent être absolument incolores et produire par réflexion, interférence ou diffraction des rayons lumineux, l'effet des couleurs les plus vives. L'influence de l'obs- curité sera donc nulle sur ces colorations. LES PROBLÈMES BIÛSPEOLOGIQUES 401 &.) Coloration due à la nature chimique des téguments (1). Certains téguments pourraient être colorés pour une raison analogue à celle qui est cause que Pacide picrique par exemple est jaune ou que le sulfate de cuivre est bleu ; la couleur dans ces cas est une propriété physique qui dépend de la constitution du corps et ne peut être modifiée que par une réaction chimique qui transforme ce corps en un autre chimiquement différent. Les colorations qui sont dues à ces causes sont donc soustraites à l'action de la lumière. Il est possible que la coloration des Coléoptères cavernicoles, par exemple, puisse rentrer dans cette catégorie, qu'elle dépende par conséquent de la composition chimique de la chitine qui forme leurs téguments. Il est possible aussi que leur couleur brune soit due à une substance colorante qui imprègne la chitine. Je ne crois pas que la question ait été scientifiquement examinée. Chez les Coléoptères qui viennent d'éclore, la chitine est brune et translucide ; elle a le même aspect que la chitine des Coléop- tères cavernicoles. Ces derniers ne présentent aucun pigment figuré ni dans leur chitine ni dans leur épiderme, et la plupart des oculés ont perdu même le pigment rétinien. Si la couleur brune, fondamentale, de la chitine des Coléop- tères est due à une matière surajoutée, cette matière est extraor- dinairement stable et la lumière ne l'influence en aucune façon. Par contre, leurs pigments figurés paraissent, en général, ‘avoir besoin de lumière pour se former ou pour apparaître. Viré (1899) a donc tort d'affirmer, sans avoir résolu ces questions préliminaires indispensables, qu'il y a deux sortes de « pigments » ! Celui des Coléoptères, très tenace, car pas un seul de ces animaux n'est « dépigmenté », et celui des autres animaux, qui disparaît. Les Coléoptères cavernicoles comme Aphaenops et Bathyscia sont à compter parmi les plus « dépigmentés » des Cavernicoles. Les êtres dont la coloration est due aux deux causes énumé- (1) Les distinctions que j'admets ont un but pratique ; je ne m’occupe pas ici des causes intimes des colorations. m ÉMILE G. RACOVITZA rées plus haut seront donc toujours colorés, quelle qu'ait été la longueur du séjour de leur espèce à l'obscurité. A moins de prétendre que le séjour à l'obscurité puisse modifier la structure physique ou la composition chimique des téguments, ce qui a priori n'est pas impossible, mais qu'il faudrait encore démon- trer, il est inutile de faire intervenir panmixie, troglophilie ou autres xies et lies dans leur histoire. c.) Coloration due aux pigments variés logés dans l'épiderme. Les substances colorées, qu’on dénomme pigments, sont de nature très différente. Il y a des pigments formés de corps facile- ment réductibles, des albuminoïdes, des graisses, etc., et des pigments . formés par des substances très fixes, généralement produits d'excrétion (guanates, urates, etc.). L'action de la lumière sur des substances si différentes au point de vue chi- mique doit donc être, a priori, très différente, et elle l'est en effet. Un pigment excrétoire que les amoebocytes viennent loger dans les téguments par diapédèse est certainement soustrait à l'action de la lumière. Les Polychètes tubicoles, si vivement colorés dans les parties de leur corps qui ne quittent jamais le tube opaque, ont leurs téguments remplis de ces pigments. Par contre l'étiolement des Plantes à l’obscurité démontre sous quelle dépendance étroite le pigment chlorophyllien est de la lumière. Il est inutile d'insister sur ces vérités évidentes et que pourtant tous les Biospéologistes paraissent avoir oubliées. Les trois causes de coloration énumérées plus haut peuvent produire la coloration soit isolément soit en se combinant dans les proportions les plus variées. C'est à la lumière des considérations précédentes que la ques- tion des effets de l'obscurité sur la coloration des Cavernicoles doit être abordée. Mettre des êtres vivants à l'obscurité et dire ensuite : un tel a changé de couleur et tel autre est resté coloré, cela ne signifie absolument rien. Il faut déterminer d'abord quelle est la nature de la coloration du sujet en expérience, et étudier ensuite les effets sur chaque espèce de coloration en par- ticulier. Et il ne faut pas négliger de s'assurer si les conditions LES PROBLÈMES BIOSPEOLOGIQUES 403 nouvelles auxquelles sont soumis les êtres en expérience ne peuvent pas provoquer indirectement un changement dans le pigment par une influence directe sur les processus vitaux qui lui donnent naissance. L'étude de la question de la coloration des Cavernicoles est donc à reprendre entièrement ; néanmoins, l'observation a montré, et de grossières expériences ont confirmé, que beaucoup, de colorations disparaissent à l'obscurité. Un premier caractère général des Cavernicoles est donc la dépigmentation plus ou moins complète. Mais il reste à examiner dans chaque cas particulier si la souche de l'être cavernicole considéré était pigmentée ou non ; en d'autres termes, il faut rechercher si la dépigmentation est héréditaire ou acquise, car il existe, comme chacun sait, nombre d'êtres épigés dépourvus de couleur. Cette manière d'envisager le problème de l'influence de l'obs- curité sur la coloration^des Cavernicoles me dispense d'examiner toutes les hypothèses, théories et rêveries que ce problème a suggérées aux Biospéologistes, car aucune n'est basée sur des recherches expérimentales, et toutes pèchent par la méconnais- sance plus ou moins complète des considérations exposées plus haut. B.) Influence de l’obscurité sur les appareils visuels des Cavernicoles. Beaucoup de Cavernicoles sont dépourvus de tout appareil visuel ; mais il y en a d'autres qui en ont un plus ou moins réduit ; d'autres, enfin, présentent des yeux aussi bien constitués que ceux des Lucicoles les plus* typiques. Il est résulté de ces faits contradictoires en apparence un nombre considérable de théories et hypothèses. Hamman (1896) nie même que l'obscurité puisse produire la cécité, ce qui pourtant est absolument certain. L'explication des faits ne me semble pourtant pas bien difficile, lorsqu'on tient compte d'un certain nombre de considérations qui, à mon avis, placent la question sur son véritable terrain. AHCH. DE ZOOL. EXP . ET GEN. — 4e" SERIE. T. VI. (vil) 29 404 ÉMILE G. RÀCOVITZÀ a. ) Un certain nombre de Cavernicoles descendent de souches lucicoles aveugles ; ils n'ont donc, au point de vue visuel, rien eu à perdre par le changement d'habitat (1). b. ) La majorité des Cavernicoles se sont recrutés parmi les Lucifuges, qui présentent naturellement soit un développement faible, soit une réduction plus ou moins prononcée de l'appareil optique. Que cette réduction se soit accentuée et achevée par le séjour à l'obscurité complète, ou que l'évolution de l'appareil optique se soit arrêtée, cela va de soi. c. ) L'immigration des différentes espèces dans le domaine souterrain s'est faite à des époques très différentes ; l'influence de l'obscurité sur l'appareil optique a donc été plus ou moins prolongée, et la durée de cette influence a une importance considérable sur le résultat Anal. Mais le facteur « durée de l'influence » n'est pas le seul qu'il faut considérer. Ce serait une erreur de conclure que plus un Cavernicole, à souche oculée, est aveugle, et plus longue a été la durées de son séjour dans le domaine souterrain. Un Crustacé complètement aveugle peut être un Cavernicole beaucoup plus récent qu'un Batracien à œil à peine rudimentaire. Ces faits en apparence contradictoires s'expliquent facilement par les considérations suivantes : La perception de la lumière est une propriété primitive de la matière vivante. Cette propriété générale, d'abord impartie à toute la surface du corps, se localise, au fur et à mesure du perfectionnement de l'organisme, en des points de plus en plus spécialisés, les yeux, et au fur et à mesure que ces yeux se per- fectionnent le reste de la surface du corps devient de plus en plus insensible aux excitations lmineuses. De plus, l'apparition des téguments opaques augmente encore cette insensibilité. Il résulte de là que l'importance de l'œil dans la biologie des diffé- rentes espèces est très différente. Capitale chez un Mammifère ou chez un être à téguments opaques, elle est insignifiante chez (1) Je n’examine pas ici la question générale : Pourquoi y a-t-il des animaux qui ont perdu leurs yeux ? mais uniquement la question spéciale : Pourquoi y a-t-il des Cavernicoles oculés et des Cavernicoles aveugles ? LES PROBLÈMES BIOSPEOLOGIQUES 405 un Crustacé inférieur, par exemple. Remarquons aussi qu'un être à sensations optiques hautement spécialisées (un Mammifère par exemple) descend d'une longue lignée chez qui l'importance de l'appareil optique est devenue de plus en plus grande, d'où pour cet appareil une « inertie héréditaire » de plus en plus grande opposée aux modifications. Un être à sensations optiques encore peu spécialisées (un Crustacé inférieur par exemple) pos- sède une « inertie héréditaire » nulle ou faible pour son appareil optique. L'appareil optique du premier persistera longtemps malgré les causes adverses, et se conservera sous forme d'organe rudimentaire, l'appareil optique du second pourra disparaître rapidement sans laisser de traces. d. ) Les espèces diffèrent aussi par le degré de développement des autres organes des sens qui peuvent suppléer plus ou moins aux fonctions de l'œil. Il en résulte une autre cause de diversité dans l'importance de l'appareil optique chez les différentes formes. e. ) D'autre part, si les appareils optiques dans la série animale sont analogues au point de vue de la fonction qu'ils remplissent, ils ne sont point homologues au point de vue de leur origine, et ils sont très différents au point de vue de leur structure et de leur situation. Ils sont aussi très diversement protégés contre les agents extérieurs. On peut donc dire que les appareils optiques ne sont, ni homo- logues dans les différents groupes, ni phylogénétiquement du même âge chez les différentes espèces, ni également importants dans l'économie des différentes formes. La même influence s'exerçant pendant la même durée sur des appareils si différents produira forcément des effets d'intensité différents. A ces considérations générales il faut ajouter un certain nombre de facteurs spéciaux qui interviennent dans les modifications que peut subir l'appareil optique, par exemple la panmixie chez les Cavernicoles récents, non encore isolés de leur souche, les diffé- rences sexuelles (Machaerites à c s oculé et ç aveugle), etc., etc. De tout cela il résulte que les divergences que présentent les 406 ÉMILE G. RACOVÎTZA Cavernicoles au point de vue visuel s'expliquent très naturel- lement ; il résulte aussi qu'il est impossible d'établir une théorie générale s'appliquant à l'ensemble de la faune cavernicole. Les appareils optiques de chaque groupe homogène de Cavernicoles ont leur histoire particulière ; mais ces histoires partielles n'ont été que trop rarement tentées jusqu'à présent. J'ai dit, en commençant, que l'influence de l'obscurité sur l'appareil optique était certaine. Packard (1889) soutient même que l'absence de la lumière produit toujours la cécité complète. Hammam (1896) le nie et attribue la cécité à des causes incon- nues. Semper (1880) déclare que l'absence de lumière ne pro- duit pas nécessairement la cécité, etc. Pour résoudre la question il faut nécessairement faire intervenir l'expérience, sans toute- fois oublier que les études faites sur les Animaux très inférieurs, à appareil optique peu spécialisé, ne peuvent résoudre le pro- blème. Chez ces Animaux, en effet, les appareils optiques sont si peu stables, si peu importants dans l'économie vitale de l'être, que la moindre influence peut les faire disparaître. Il faut donc s'adresser aux groupes à appareils bien conformés et assez évolués. L'observation montre que la perte ou la réduction de cet appareil se produit toujours chez les espèces normalement ou originairement obscuricoles quand elles ont été suffisamment longtemps soustraites à la lumière, et l'expérience confirme les résultats de l'observation. Fries (1873) le constate chez Gam- marus fossarum Koch. Viré (1904) a montré que chez Gammarus fluviatilis une dissociation des rétinules avait lieu après un an de séjour à l'obscurité (1). La réduction plus ou moins complète de l'appareil optique est donc un second caractère très général des Cavernicoles. (1) Une Anguille paraît faire exception, car au bout de cinq ans les yeux s’étaient hypertrophiés jusqu’à doubler de volume « mais le système nerveux optique s’est plutôt réduit, marquant ainsi que l’hypertrophie de l’organe externe devra sans doute plus tard faire place à une atrophie », déclare Viré. Ne s’agirait-il pas plutôt dans ce cas d’une hypertrophie de l’œil analogue à celle constatée chez les Anguilles arrivées à maturité sexuelle pendant leur séjour dans les régions abyssales marines ? LES PROBLÈMES BIOSPÉOLOGIQUES 407 0. ) Influence de V obscurité sur le développement des organes des sens non visuels Les Cavernicoles présentent souvent un développement consi- dérable de certains organes de sens autres que les visuels. Les auteurs interprètent généralement ce fait comme le résultat d'une modification compensatrice pour la perte des yeux. Pac- kard (1889, p, 123) déclare : « As has been observed by some who hâve written upon cave Animais, the atrophy of the eyes and conséquent loss of vision hâve been made up, in part at least, by a corresponding hypertrophy of the organs of touch and smell. » Cette manière de s'exprimer ne me paraît pas juste, car ce n'est pas la cécité, la perte des yeux, qui provoque seule la compensation, mais bien la vie à l'obscurité complète. Comme l'œil ne peut être d'aucune utilité sans la présence de la lumière, le Cavernicole oculé doit être aussi compensé que l'aveugle. C'est ce qui s'observe en effet. Si l'on tient au mot « compensa- tion », il faut donc dire «. compensation pour l'impossibilité de voir » et non « compensation pour la perte des organes visuels ». Cette question de la compensation a donné naissance à nombre d’hypothèses et affirmations contradictoires, comme celle de la disparition des organes visuels, et cela aussi faute d'une analyse critique et rationnelle des faits. On a, en effet, découvert un état de choses très difficile à expliquer par des théories générales, dont cependant les auteurs n'ont pas cru devoir s'abstenir. 1. ) On a trouvé des Cavernicoles qui ne sont pas compensés. 2. ) Il y a des Cavernicoles très faiblement compensés. 3. ) On en a trouvé d'autres qui présentent un développement considérable de certains organes des sens, qui par conséquent sont très fortement compensés. Ces catégories reposent sur des observations parfaitement exactes. Il n'en est pas de même, à mon avis, de la quatrième catégorie. 408 ÉMILE G. RACOVÏTZA 4.) Un certain nombre de Cavernicoles seraient pourvus d'organes spéciaux, néoformations qu'on ne retrouverait point chez leurs souches lucicoles. C'est Hamman (1896) qui est sur- tout le champion de cette manière de voir. Or, les exemples que cite l'auteur ne sont pas probants, car les organes qu'il donne comme nouveaux existent aussi chez les Lucicoles, seule- ment beaucoup moins développés. Je ne crois pas qu'on puisse citer, actuellement, un seul exemple de la néoformation d'un organe sensoriel due au séjour dans les cavernes. Quoi qu'il en soit, il reste à expliquer la présence simultanée dans le domaine souterrain d' Animaux non compensés ou à compensations variées. Plusieurs considérations permettent d'arriver à une compré- hension satisfaisante de cette contradiction. Les organes des sens servent à donner à l'animal les notions du monde extérieur qui lui sont nécessaires pour sa défense, sa nourriture et sa reproduction. Pour beaucoup d'animaux inférieurs ces notions à acquérir sont peu nombreuses et simples. Le changement survenu dans l'habitat ne produit pas de chan- gement appréciable dans leur biologie. Il ne peut donc pas y avoir de compensation pour ces animaux. Il en est de même pour ceux qui descendent de souches luci- coles aveugles, car la compensation existait avant la pénétra- tion dans le domaine souterrain. Les Lucifuges, souches de presque tous les Cavernicoles, sont également plus ou moins compensés, et leurs descendants sou- terrains ont donc hérité des dispositions déjà acquises et n'ont eu qu'à les perfectionner. Restent enfin les Cavernicoles, rejetons de Lucicoles oculés. Si l'oeil joue un rôle peu important dans l'économie vitale du groupe, la compensation sera faible ; elle sera forte, si l'impor- tance de l'organe visuel est considérable. Cette compensation sera faible également, et même nulle, dans le cas où le changement d'habitat a été très favorable à l’immigré, soit en ce qui concerne l'acquisition de la nourriture. LES PROBLÈMES BÏOSPÉO LOGIQUES 409 soit pour la défense contre les ennemis. Les Aranéides offrent des exemples nombreux à ce sujet. Aucune théorie générale ne peut donc embrasser tant de possibilités variées ; mais les histoires particulières de chaque souche donneraient d'intéressants résultats si on voulait bien les entreprendre. Examinons maintenant de quelle manière se manifeste la compensation. Organes de tact. — Tout le monde est d'accord à leur sujet. L'allongement souvent considérable des antennes, l'hy- pertrophie des organes tactiles de la peau, etc., est tellement nette qu'aucun doute ne peut exister sur ce point. Ce sont incon- testablement les organes tactiles qui ont été intéressés le plus profondément et les premiers par la compensation. Mais tous les exemples qu'on trouve dans les auteurs ne sont pas bien choisis ; on a décrit souvent chez les Cavernicoles des organes tactiles dont on attribuait le développement plus ou moins considérable à la compensation quand, en réalité, ce n'était qu'un caractère héréditaire, et cela parce qu'on avait négligé d'étudier comparativement les souches lucicoles de ces Animaux. Ainsi a fait Viré (1899) pour les poils de certains Coléoptères. Organes de l'ouïe et de l'olfaction. — Il règne encore beaucoup d'incertitude au sujet de ces deux sens. Packard (1889) admet que Eodorat est plus développé chez les Caver- nicoles et cite plusieurs exemples qui lui paraissent probants. Par contre, il constate que les Cambarus aveugles ont des oto- cystes dégénérés et que Amblyopsis n'est pas sensible au son. Hamman (1896) croit aussi que l'odorat se développe plus que le sens de l'ouïe. Viré (1899) admet l'hypertrophie de l'ouïe et décrit, chez les Aselles lucicoles soumis à l'obscurité, des allon- gements progressifs de certains poils spéciaux, auxquels il attribue cette fonction. Le même auteur (1904) constate la même chose chez des Gammarus fluviatilis élevés à l'abri de la lumière. 410 ÉMILE G. RACOVITZA Il est donc impossible, encore une fois, d'établir une règle générale et l'on doit se borner à étudier et expliquer les cas particuliers. Organes nouveaux a fonctions indéterminées. — Doll- fus et Viré (1905) décrivent un certain nombre de poils sen- sitifs qui seraient très développés chez les Oirolanides et Sphae- romiens cavernicoles, et auxquels ils supposent des fonctions particulières, sans d'ailleurs apporter plus de lumière sur cette délicate question. Il n'est pas démontré, d'ailleurs, que ces formations n'existent pas chez les formes voisines luci- eoles. Hamman (1896) est tout à fait catégorique sur cette question. Il décrit chez des Crustacés, Aptérygogéniens, Coléoptères, Poissons, des organes qu'il considère comme nouveaux, comme spéciaux aux Cavernicoles, et qui seraient dus à une compensa- tion pour la perte de la vue. J'ai déjà exprimé mes doutes sur la véracité de cette manière de voir; j'ajoute que Absolon (1902) déclare formellement que les Aptérygogéniens cavernicoles n'ont pas d'organes de sens spéciaux, et j'affirme, en connaissance de cause, la même chose pour les Oniscidés des cavernes (Tita- nethes, etc.) Forme du corps et des membres. ■ — Signalons enfin que la forme aplatie ou allongée du corps et l'allongement des pattes de certains Cavernicoles sont considérés comme dus aussi à la compensation pour l'impossibilité de voir. Je ne vois pas en quoi ces modifications peuvent accroître le sens du toucher, comme le pense Packard (1889) ; les Animaux pourvus d'an- tennes n'explorent pas l'espace environnant avec le corps ou les pattes, et pourtant ce sont justement ces Animaux que Packard cite à l'appui de sa manière de voir. Nous verrons plus loin (voir p. 419) qu'on peut trouver de meilleures explications pour la modification de la forme du corps ; quant à l'allongement des pattes, il se peut que dans une certaine mesure il soit dû à l'effet de la compensation, mais seulement chez les Animaux dépourvus d'appendices tactiles spéciaux comme les antennes. LES PROBLÈMES BIOSPÉOLOGIQUES 411 les cerques, les palpes, et qui utilisent les pattes à leur place. (Certains Arachnides, etc.) D'autre part la compensation par allongement des pattes peut être admise sans faire intervenir le sens tactile. Cet allon- gement a certainement pour effet une rapidité plus grande des mouvements, très utile à l'animal privé de vue, soit pour cap- turer une proie, soit pour fuir un ennemi, proie ou ennemi dont la présence ne lui est signalée que par contact direct, ou du moins à partir d'une distance beaucoup plus faible que lorsqu'il s'agit d'un animal pouvant voir. C'est pour des raisons sembla- bles que les organes préhensifs se sont allongés dans nombre de cas. ( Blothrus , Opilionides, etc.) Tel n'est cependant pas l'avis de Viré (1899, p, 84) qui croit que les pattes des Campodea cavernicoles se sont allongées (et aussi amincies, E. G. R.) « pour pouvoir supporter le poids crois- sant des antennes et des çerci, et fournir en même temps une plus large base de sustentation à l'animal, confirmant une fois de plus la théorie du balancement des organes de Et. Geoffroy. Saint -Hilaire. » Je ne veux pas examiner jusqu'à quel point l'interprétation qu'on vient de lire « confirme... la théorie du balancemenf des organes » car c'est affaire à régler entre Viré et Geoffroy-Saint- Hilaire ; mais je suis effrayé des conséquences qu'elle pourrait avoir si elle exprimait des causalités mécaniques réelles : l'Hip- popotame monté sur pieds de grue ! Voilà une vision de cauche- mar bien faite pour troubler l'âme du zoologiste ! Ethologie. — J’attire seulement l'attention sur un point qui n'a pas été signalé. Un changement dans les mœurs de l'Animal peut être suffisant pour compenser la perte de la vue et même des autres sens. Le monde des parasites offre des exemples frappants à cet égard. Un Animal lucicole, pourvu des organes visuels les plus développés, mais qui doit dépenser une activité considérable pour gagner sa nourriture, peut, en exploitant un gisement alimentaire nouveau, être placé dans les conditions favorables du parasite. Le guano des Chauves-souris, U2 ÉMILE G. RACOVITZA accumulé souvent en grande quantité dans les grottes, n'a-t-il point occasionné de semblables tranf or mations ethologiques Est-il nécessaire qu'un Saprophage lucicole soit compensé pour qu'il puisse vivre en paix dans ces grandes réserves de nourriture, et sa biologie n'est-elle pas analogue à celle des Parasites % D.) Influence de V obscurité sur les phototactismes des Cavernicoles . Un appareil optique spécialisé et compliqué est nécessaire pour percevoir les formes éclairées des objets ; il n'en est pas de même pour la perception des différences d'éclairement. La sen- sation lumineuse paraît être une propriété fondamentale de la matière vivante ; moins une cellule est spécialisée et plus cette perception lui est facile. Beaucoup d'Animaux conservent cette propriété, même quand ils ont des appareils optiques assez évolués, et perçoivent les différences d'éclairement par toute la surface de leur corps. Le fait a été constaté souvent sur des An maux lucicoles, soit aveugles, soit artificiellement aveuglés, comme les Amphipodes, Myriapodes, Blattes et même les Tritons. Les êtres lucifuges réagissent à la lumière, après l'extirpation des yeux, avec autant de précision que les témoins oculés. Les Animaux supérieurs seuls, et ceux recouverts d'une cara- pace opaque, ont perdu ce pouvoir sensoriel généralisé. Les Cavernicoles, qu'ils aient été primitivement aveugles ou bien qu'ils aient secondairement perdu leurs yeux, ont donc eu en héritage de leur souche superficielle cette faculté de percevoir les différences d'éclairement, et ils l'ont naturellement conservée, car elle leur est fort utile. Si, en effet, les Cavernicoles aveugles ne percevaient pas la lumière, ils resteraient plus difficilement confinés dans le domaine souterrain, qui, comme on sait, a des communications faciles avec les régions superficielles ; souvent, en effet, leurs autres sens ne leur suffiraient pas pour cela. Il est donc probable que la vie à l'obscurité n'a pas pu avoir d'influence sur ce point de physiologie des Cavernicoles. L'observation et l'expérience ont d'ailleurs montré que les Cavernicoles sont 413 LES PROBLÈMES BfOSPÉOLOGIQUES fortement lucifuges. Oette photophobie paraît même très géné- rale, malgré quelques observations qui paraissent fournir des exceptions. Joseph (1882) et Call (1897) prétendent que les Cavernicoles aveugles sont tous insensibles à la lumière ; s'ils fuient quand on les éclaire avec des sources artificielles de lumière, c'est parce qu'ils sont atteints par les rayons caloriques. Mais Piochard de la Brûlerie (1872) a par avance donné de bons arguments contre cette manière de voir, que des observations ultérieures contredisent formellement. On lit dans Packard (1889, p. 127) que Amblyopsis serait insensible à la lumière, chose possible a priori, ce Poisson pou- vant être rangé dans la catégorie des Animaux à appareil optique hautement organisé ayant perdu la sensibilité lumineuse géné- ralisée. Mais les observations plus récentes d'EiGENMANN (1898) montrent que tous les Amblyopsides, qu'ils soient aveugles ou oculés, sont lucifuges. On a cité aussi des Coléoptères cavernicoles aveugles qui se- raient insensibles à la lumière. Les Coléoptères sont, en général, pourvus d'une chitine tellement pigmentée qu'elle doit être opaque, mais les Cavernicoles ont une chitine très transparente et complètement dépourvue de pigment figuré ; il n'est donc pas étonnant que l'insensibilité aux rayons lumineux ait été fortement contestée. Il faudrait donc reprendre cette question. Il n'a été question jusqu'ici que de l'insensibilité de certains Cavernicoles aveugles vis-à-vis de la lumière ; Viré (1899) est le seul qui ait constaté chez ces Animaux un phototactisme positif. Il dit, en effet, que les Niphargus, quoique aveugles, sont attirés par une lumière faible et mis en fuite par une forte lumière. Les Niphargus devraient donc être des Animaux de pénombre, ils devraient habiter les entrées des grottes, si l'observation de Viré était exacte. Or, elle me paraît contestable, car ces Crustacés se trouvent dans les endroits les plus obscurs du domaine souterrain. Il n'y a pas lieu d'examiner ici le mécanisme intime et la 414 ÉMILE G. RACOVITZÀ raison du phototactisme négatif des Cavernicoles. Ces questions intéressent la Biologie générale et se posent pour tous les Ani- maux. Signalons pourtant aux biologistes, que ces questions préoccupent, la théorie nouvelle de Viré (1899) qu'on pourrait désigner sous le nom de « théorie de la pigmentation instantanée : La lumière développe le pigment. « Cette repigmentation ne doit pas être sans produire un retentissement dans tout l'orga- nisme. Il doit y avoir une excitation nerveuse intense, qui pro- duit, dans ce système nerveux hypertrophié dans toute sa partie sensorielle, des sensations vives et désagréables ». Tout en admi- rant l'élégance avec laquelle cette théorie résout les difficiles problèmes des phototactismes, il n'est pas possible de se dissi- muler qu'elle sera difficilement acceptée par les biologistes compétents. E.) Influence de Vohscurité sur les mœurs des Cavernicoles. Beaucoup d' Animaux superficiels, même si ce ne sont pas des Lucifuges caractérisés, se tiennent cachés sous des abris ou dans des trous, non seulement pour fuir la lumière, mais pour se défendre contre les intempéries ou contre leurs ennemis, et pour se soustraire à une dessication contre laquelle ils sont en général faiblement armés. Cette habitude, sauf de rares exceptions, est absolument cons- tante chez les groupes dont les rejetons ont peuplé les cavernes. Le domaine souterrain est obscur et humide, on ne constate pas d'intempéries comparables à celles de la surface, et les car- nivores sont privés du sens de la vue. Quelques biospéologistes en conclurent que l'habitude de se cacher sous un abri doit avoir disparu chez les Cavernicoles comme inutile, car il n'y a pas de raison de croire qu'un organe peut s'atrophier par non usage et qu'un instinct puisse persister dans les mêmes conditions. Banta (1905) constate que cette habitude persiste, mais il ne démontre pas qu'elle est inutile, et c'est là que gît le nœud de cette intéressante question qui mériterait des études précises. Une autre question présente non moins d'intérêt. Les Luci- 415 LES PROBLÈMES BIOSPÉOLOGïQUES fuges qui n'ont pas transformé leur maison en piège pour attraper leur proie ou qui n'ont pas élu domicile au sein de la matière alimentaire, c'est-à-dire la grande majorité, ne sont pas séden- taires. Ils sortent la nuit pour se procurer la nourriture ou pour satisfaire leurs besoins génitaux. Ils ont donc une période d'acti- vité alternant régulièrement avec une période de repos. Cette périodicité a-t-elle persisté dans les moeurs de leurs descendants cavernicoles alors qu'elle est devenue complètement inutile, la nuit continuelle étant l'état normal du domaine souterrain % 2° Influence de la température constante et basse Cette influence pourrait se manifester de plusieurs façons : a.) Perte ou réduction de l'aptitude à résister aux variations. Les Superficiels poïkilotliermes peuvent supporter indéfini- ment de très fortes variations de leur température propre. En est-il de même pour les Cavernicoles qui habitent un milieu à température constante ? Ne doit-on pas logiquement s'attendre à voir diminuer chez ces derniers l'aptitude devenue inutile de résister aux variations*? C'est ce que s'est dit probablement Viré (1899) quand il déclare que les NipTiargus Virei meurent entre 16° et 21° et N. puteanus entre 13° et 23°, et que la température basse de 5°, 7 suffit pour les tuer. Or, il est manifeste que nos Gammarus superficiels ne seraient pas incommodés par de sem- blables températures. Mais Gal (1903) conteste l'exactitude des chiffres de Viré, car les Niphargus ont parfaitement vécu dans une eau dépassant souvent 25°, et Cœcosphœroma ne périt pas après la congélation de l'eau de sa prison. Des expériences précises, et surtout comparatives, sont donc nécessaires pour tirer cette affaire au clair ; mais il ne faut point oublier que la résistance des Poïkilothermes aux variations de température est surtout passive, physique plutôt que physio- logique. On conçoit donc que cette résistance puisse ne pas être influencée par l'action du milieu extérieur. S'il est, par conséquent, possible que la résistance des Caver- 416 ÉMILE G. RACOVITZA nicoles aux variations de température soit égale à celle des Superficiels, il n'en résulte pas nécessairement que pareils chan- gements doivent être ressentis de la même façon par les deux catégories d'êtres. Il se peut que les Cavernicoles ressentent ces variations plus fortement et que, par conséquent, elles puissent constituer une barrière des plus solides à leur dispersion. L'action du milieu peut hyperesthésier ou affaiblir une sensation. Mais la question, faute d'expérience, reste entière. b. ) Suppression des périodes fixes de reproduction. Les Arbres, dans les régions à différences saisonnières consi- dérables, passent par des périodes de repos fonctionnel qui se manifestent pas la chute des feuilles. On sait que ces Arbres à feuilles caduques, perdent leurs feuilles à époque fixe, même lors- qu'ils sont transplantés dans des pays sans saisons. Il existe donc chez ces Végétaux une sorte de mémoire héréditaire d'un événement qui ne peut plus les influencer. Existe-t-il semblable mémoire héréditaire chez les Animaux pour les périodes sexuelles qui dérivent aussi d'une adaptation aux variations saisonnières ? En d'autres termes, les Cavernicoles, qui habitent un milieu à température constante, ont-ils des périodes de maturité sexuelle comme leurs souches lucicoles soumises aux variations saison- nières ? Bedel et Simon (1875) affirment que les générations de Caver- nicoles se succèdent sans intervalle. Hamman (1896) a trouvé de jeunes Tilanethes en mai et en septembre, mais il constate que Proteus pond seulement au mois de -mai. Ces observations sont insuffisantes pour conclure. Il est cer- tain que l'hétérogène agglomération de formes qui constitue . la faune cavernicole doit présenter de grandes différences aussi à ce point de vue. Néanmoins, il est possible que l'étude de cette question puisse fournir des données intéressantes sur l'époque de l'immigration d'une forme dans le domaine souterrain c. ) Suppression de l'hivernation ou de l'estivation. Ce que je viens de dire de la périodicité sexuelle s'applique aussi à l'hivernation et à l'estivation. Joseph (1882) dit que les habi- LES PROBLÈMES BIOSPÉOLOGIQUES 417 tants de Rentrée des grottes hivernent, mais que ceux qui vivent dans les parties profondes, à température constante, n'hiver- nent pas. C'est ce que l'on observe, en effet, généralement ; mais il peut y avoir des exceptions ; d'ailleurs, toute la question est à reprendre avec des observations plus rigoureuses. d.) Diminution de l'activité fonctionnelle. Les partisans de la famine souterraine invoquent la tempé- rature constante et basse pour expliquer la résistance des Caver- nicoles à l'inanition. Chilton (1894) dit, en effet, que l'activité fonctionnelle de l'organisme étant moindre dans une tempéra- ture constante et basse, la consommation de la machine animale doit être plus faible. Verhoeff (1898) admet même l'exis- tence, en cas d'inanition prolongée, d'une sorte de vie latente rendue possible par le séjour dans un milieu froid et invariable. Ce sommeil de jeûneur que subiraient les Cavernicoles est une supposition toute gratuite, puisqu'aucune observation directe ne l'a constaté et que, d'autre part, il est faux que l'inanition soitda condition normale de 1a. vie du Cavernicole; nous avons vu, en effet, que la nourriture ne manque pas dans le domaine souterrain. L'idée que se fait Chilton de l'influence exercée par la tem- pérature constante et basse ne me paraît pas plus exacte. Je pense, au contraire, que l'activité fonctionnelle du Cavernicole doit être plus grande, somme toute, que celle de sa souche luci- cole. Car, d'une part, on peut admettre que l'hivernation est en général supprimée chez les Cavernicoles et, d'autre part, le fonctionnement de l'organisme par une basse température est moins économique que par une température élevée. L'obser- vation directe a montré que les Cavernicoles sont très agiles et la rapidité de leurs mouvements très considérable. 3 Influence de l'humidité J'ai déjà indiqué que l'air des cavernes paraissant très Sèches est néanmoins beaucoup plus humide que dans bien des régions superficielles. C'est un avantage que présente le domaine 418 EMILE G. RACOVITZA souterrain sur le domaine épigé. Packard (1889, p. 125) constate timidement que « ...total darkness with humidity are perhaps not so adverse to invertebrate life as would at first sight seem... » car, par anthropomorphisme, il attribue à la vue une trop grande importance dans la vie des Animaux inférieurs. Or l’humidité est un facteur bien plus important que la lumière dans la biologie de ces êtres et Peyerimhoff (1906) a eu par- faitement raison d’insister sur ce point. On sait en effet que si nous exceptons les Mammifères, les Oiseaux et une partie des Reptiles, presque tous les autres Ani- maux sont mal organisés pour résister à l’évaporation des liquides organiques ; presque tous sont rapidement tués par déshydration. Cependant la résistance à l’évaporation varie dans des limites assez considérables et . elle est réalisée par les artifices les plus variés. L’humidité constante et forte qui règne dans le domaine sou- terrain a-t-elle eu une influence sur les descendants des formes lucicoles pourvues de ces adaptations ? On pourrait a priori le supposer et faire intervenir le non usage pour en admettre la modification ou la suppression. Mais seule l’expérience doit décider s’il en est ainsi, et elle n’a pas été tentée. J’ai observé cependant que des Trichoniscus cavernicoles mouraient très vite lorsqu’ils étaient exposés à l’air sec, et que d’ailleurs les grottes complètement sèches (comme on en rencontre en Algérie) sont inhabitées. Je ne sais pas si le fait est général, mais il se pourrait que les Cavernicoles fussent moins défendus contre l’assèchement que leurs congénères Lucicoles. Si cela est exact, il faudrait voir là une des plus fortes barrières de dis- persion des Cavernicoles et une des raisons principales de leur confinement dans le domaine souterrain. Outre cette influence générale, l’humidité constante peut avoir exercé d’autres influences sur les habitants du domaine souter- rain. Elle a pu, par exemple, rendre inutile l’épiphragme des 419 LES PROBLÈMES BIOSPÉOLOGIQUES Gastropodes, l'enfouissement de certains Animaux qui dans le domaine superficiel recherchent Phumidité par ce moyen, etc. On manque d'études sur ce point. Les Animaux aquatiques ont tiré aussi avantage de Phumi- dité qui règne dans les grottes où il se forme, comme à la sur- face, des flaques d'eau temporaires pendant les crues. Mais tandis que dans le domaine épigé le dessèchement est une catas- trophe qui fait disparaître la plupart des adultes, force le reste à acquérir le pouvoir de reviviscence et provoque l'apparition de germes spéciaux protégés contre l'assèchement, il n'en est pas de même dans le domaine souterrain. Son atmosphère saturée d'humidité permet aux Animaux aquatiques de vivre « à sec ». Ainsi, dans la grotte de l'Oueil de Neez, j'ai trouvé un gros Niphargus, en parfaite santé, dans un endroit où il n'y avait pas la moindre trace d'eau liquide, et cela à la fin de l'au- tomne après une grande période de sécheresse. Mais il y a mieux ; Carl (1904) a décrit un Copépode : C anthocamptus subterraneus , qui vit sur les crottes de Chauves-souris d'une grotte de Crimée, et non dans Peau. Ces faits expliquent aussi les rencontres d'Amphipodes et d'Aselles dans de minuscules flaques d'eau, creusées dans un encroûtement stalagmitique, où tout aliment paraît manquer. Ces Animaux peuvent, j'en suis convaincu, sortir de Peau sans danger pour chercher au loin leur nourriture, ce qu'ils ne pour- raient faire dans le monde épigé qu'exceptionnellement. Un autre point est à noter ; comme on a signalé des Clado- cères et des Copépodes cavernicoles, il serait intéressant de voir s'ils continuent à pondre des œufs spéciaux, qui résistent à l'as- sèchement, tout en examinant d'abord si cette habitude leur est inutile ou utile. 4° Influence des dimensions des espaces habitables Beaucoup d'auteurs ont constaté que les Cavernicoles sont plus allongés ou plus aplatis que leurs congénères Lucicoles, et ils trouvent l'explication du fait dans une compensation pour la ARCH. DE ZOOL. EXH. ET GÉN. 4e SERIE. T. VI. (vil). 3o m ÉMILE G. RACOVITZA perte de vue. J'ai déjà indiqué (v. page 110) ce qu'il fallait penser de cette manière de voir. Faisons remarquer, en outre, que le fait n'est pas général; il existe des Coléoptères dont l'abdomen est tout à fait globuleux ; d'autre part, les Arachnides et les Opilionides présentent rarement, à ce point de vue, une diffé- rence avec les formes qui habitent à l'extérieur. A quoi tient cette différence*? et pourquoi l'aplatissement et l'allongement n'est-il point un caractère général des Cavernicoles ? Je pense en trouver la raison d'une part dans la voie qu'ont prise les souches de ces Animaux pour immigrer dans les cavernes, et, d'autre part, dans l'influence de leur habitat normal. Je crois donc que ces caractères peuvent être aussi bien acquis qu'hé- réditaires. Les Cavernicoles qui ont envahi le domaine souterrain par les fentes, et qui les habitent encore, sont ceux qui présentent surtout cet aplatissement et cet allongement. Chilton (1894) attribue, avec juste raison, l'allongement des Crustacés qui habitent les nappes phréatiques de la Nouvelle-Zélande à la nécessité de circuler dans des fentes étroites. On peut expliquer de la même manière l'allongement des Cavernicoles terrestres. J'ajouterai que cet allongement et cet aplatissement ont pu se produire seulement à la suite de l'immigration secondaire des vastes espaces souterrains dans les espaces étroits ; il est pos- sible aussi que pour certaines espèces ces qualités soient héré- ditaires, la fente ayant servi souvent de voie d'accès dans le domaine souterrain et ayant ainsi produit une sorte de tamisage des candidats cavernicoles. D'ailleurs, beaucoup de Cavernicoles se sont recrutés parmi les habitants des fentes superficielles qui présentent tous des formes plates et allongées. Les Silphides, Aranéides, Mollusques, Opilionides, etc., qui ont des formes arrondies et présentent même souvent un gon- flement exceptionnel du corps, n'habitent par les fentes ; ce sont les colons des vastes espaces souterrains. La voie d'accès prise par leur souche a dû être l'entrée des grottes. Ce qui paraît LES PROBLEMES BIÔSPÉOLOGÏQÜES 421 le démontrer c'est qu'on trouve encore leurs proches parents à ces entrées, stations favorites des Silphides, des Aranéides, etc. Notons seulement ici, sans insister, les rapports encore mys- térieux, mais certains, qu'il y a entre la taille des Animaux aquatiques et le volume de l'eau dans laquelle ils habitent. Semper (1880, T. I, pp. 195 et s.), et d'autres après lui, ont expé- rimentalement établi l'existence de ces rapports. On pourra faire probablement l'application de cette découverte aux Caver- nicoles aquatiques habitant les bassins lacustres souterrains. 5° Influence de l'état dynamique de l'air et de l'eau On a maintes fois étudié les effets de l'air en mouvement sur les êtres lucicoles. On sait que les courants aériens favorisent singulièrement la dispersion des Plantes et des Animaux ; on attribue aux effets du vent la fréquence des Insectes aptères dans la faune des îles océaniennes, etc. Mais on n'a pas encore examiné, me semble -t-il, l'influence que les courants aériens peuvent exercer, soit sur le développement des organes fragiles et délicats, soit sur l'évolution des organes capables d'enre- gistrer les vibrations du milieu, comme certains organes des sens à fonctions statiques ou comme les appendices et poils sensitifs. Cette influence est certaine, mais il faut noter que les diffé- rents Animaux ne la subissent pas également ; beaucoup n'offrent pas de prise à son action à cause de leur organisation, d'autres s'en affranchissent plus ou moins complètement par leur propre industrie (nids, abris variés, etc.). Mais, là où elle s'exerce, il doit se produire un arrêt ou une modification dans l'évolution progressive des organes mentionnés. En effet, les appendices courts et fragiles doivent s'épaissir, les poils allongés et rigides doivent s'assouplir ou se raccourcir ; en un mot, cette influence se manifestera par un épaississement et un assouplissement des organes atteints. Les organes enregistreurs de vibrations ne pourront pas accroître leur sensibilité au delà d'une certaine limite, car le 422 ÉMILE G. RACOVITZA vent causerait des troubles trop graves sur un Animal pourvu d'organes trop sensibles. Voyez ce qui se passe dans un cas analogue avec les Oiseaux de nuit, dont l'œil est extrêmement sensible ; ils ne peuvent supporter la lumière du jour. Or, nous savons que dans le domaine souterrain, sauf rares exceptions (trou à vent, cavernes à issues multiples, etc.), il règne un calme parfait ; la circulation de l'air se fait d'une façon si lente qu'elle est pratiquement insensible. Il en résulte que l'influence dont il est question ne peut s'exercer. Les appendices pourront se développer en longueur, et ils pourront être et fragiles et rigides. De fait cela se présente fré- quemment dans le domaine souterrain, et l'on connaît la fra- gilité tout à fait remarquable de certains Cavernicoles ( Tita - nethes, Dolichopoda, etc.). D'autre part, l'hyperesthésie des organes enregistreurs de vibrations est non seulement rendue possible, mais est même très avantageuse à l'animal comme compensation pour l'impos- sibilité de voir. Une observation récente et inédite de M. René Jeanne! semble fournir un exemple de cette hyperesthésie. M. Jeannel élève des Antisphodrus navarricus Vuill. dans des cristallisoirs recouverts d'une plaque de verre. Or, il a remarqué que ces Coléoptères paraissent indifférents aux variations d'éclai- rage, mais qu'ils sont d'une extrême sensibilité au moindre mouvement de l'air. Si l'on souffle sur eux, même légèrement, ils sont pris de convulsions tétaniques, et s'enfuient ensuite précipitamment. Cette observation sera d'ailleurs approfondie et vérifiée dans les cavernes mêmes. Si c'est réellement le mouvement de l'air qui produit l'éffet décrit, il en résulterait que les Antisphodrus, ou les Cavernicoles ayant la même sensibilité, ne doivent jamais se rencontrer dans les trous à vent ou les régions à courants d'air. Les eaux souterraines n'offrent pas, au point de vue de leur LES PROBLÈMES BIOSPÉOLOGIQUES 423 mouvement, de grandes différences avec les eaux superficielles ; la proportion des eaux courantes et des eaux stagnantes est à peu près la même. On ne peut donc s'attendre à trouver des différences, au point de vue de l'influence de ces mouvements, entre les formes lucicoles et cavernicoles. 6° Influence de la composition chimique de l'air ET DE L'EAU La composition chimique de l'atmosphère des cavernes est normale dans la grande majorité des cas. On ignore si les cavernes à dégagement d'acide carbonique sont inhabitées, comme c'est probable, ou s'il existe des êtres qui se sont adaptés à une atmosphère irrespirable pour les Animaux supérieurs. L'eau stagnante des cavernes est saturée de calcaire, mais cette saturation ne lui est pas spéciale. Beaucoup de mares superficielles sont certainement dans le même cas. L'adaptation physiologique au séjour dans l'eau à divers degrés de saturation doit donc être générale chez tous les Limnobies; il est peu pro- bable, par conséquent, qu'on puisse trouver des adaptations spéciales chez ceux qui habitent les eaux souterraines. Viré (1899. p. 3(>) prétend cependant que les téguments des Niphargus sont « en grande partie décalcifiés », sans d'ailleurs nous donner plus amples détails sur cette stupéfiante découverte et sans nous dire à la suite de quelles observations il a été amené à la faire. Mais à la page 48 de son mémoire, on trouve l'explication de ce troublant mystère. Voici ce qu’on y lit ; je ne change ni un mot ni une lettre : « Oalcéoles. — On appelle ainsi des sortes de concrétions à structure rayonnée, dispersées sur différents points du corps. « On y a vu parfois des organes sensoriels. Mais nous ne pen- sons pas que cette opinion corresponde à la réalité. Oes corpus- cules sont en effet disséminés très irrégulièrement dans le tégu- ment. Leur nombre varie de 3 ou 4 à plusieurs centaines. Sur quelques exemplaires, elles arrivent à se toucher, à se juxtaposer 424 ÉMILE G. RACOVITZA et à former de véritables plaques ininterrompues. Il est donc naturel d'y voir des ilôts de matières calcaires ayant résisté à la décalcification. » Cette citation suffit pour convaincre les zoologistes que la décalcification des Niphargus est non une découverte mais une grave erreur. Mais ces lignes peuvent tomber sous les yeux des profanes ; expliquons leur donc ce que sont les calcéoles et les concrétions discoïdales des Amphipodes. Les calcéoles sont des corpuscules vésiculaires, sphériques ou ovoïdes, fixés au moyen d'un pédoncule sur les appendices antennaires. Depuis leur découverte par Milne- Edwards en 1830, on a constaté leur présence chez beaucoup d’Amphipodes, mais, suivant les espèces, soit uniquement chez le mâle, soit chez les deux sexes, et tantôt seulement sur les antennes ou sur les antennules, tantôt sur ces deux sortes d'organes en même temps. Leur répartition sur l'appendice est variable et leur rôle est inconnu. Les concrétions discoïdales des téguments des Amphipodes sont également connues depuis fort longtemps et, comme une goutte d'acide suffit pour déceler leur véritable nature, on a toujours été d'accord qu'elles sont calcaires. On n'a pu constater aucune régularité dans la présence de ces concrétions, ni chez les espèces d'un même genre, ni chez les individus d'une même espèce. Quoi qu'il en soit, ils existent aussi bien chez les Luci- coles que chez les Cavernicoles. Et si sur « quelques individus elles arrivent à se toucher » cela doit être considéré comme une preuve d'une calcification intense des téguments de ces exem- plaires, et nullement comme le signe d'une décalcification. 7° Influence du régime alimentaire Nous avons vu qu'on ne peut admettre que dans le domaine souterrain la nourriture soit toujours rare ou même qu'elle manque souvent. Au point de vue alimentaire cet habitat n'est pas moins favorable que beaucoup d'autres habitats épigés. La question de l'influence de la pénurie d'aliments, qui est 425 LES PROBLÈMES RIOSPÉOLOGIQUES fort intéressante en elle-même, est une question générale et non spéciale aux cavernes. Il n'y a donc pas lieu de s'en occuper ici ; il suffit de constater que dans les cas où elle se présente, dans les cavernes ou ailleurs, elle a pour effet soit une dimi- nution du nombre des individus ou des germes, soit un retard dans les périodes de reproduction, soit des adaptations spéciales (arrêt de l'activité fonctionnelle, formation de réserves, etc.). Elle n'influe que rarement, ou pas du tout, sur la taille des Animaux. D'autre part, presque tous les Animaux poïkilo thermes, et particulièrement ceux qui habitent des régions à fortes varia- tions saisonnières, ont acquis, par une longue pratique des misères de cette terre et sans dommage pour l'organisme, la faculté de jeûner. Mais les ressources alimentaires fournies par le domaine sou- terrain ont joué un rôle capital dans le choix des Animaux luci- coles immigrés dans les cavernes car, sauf des cas très rares (Rhizophages), la vie n'y est possible qu'aux Saprophages et aux Carnivores ou aux formes qui ont pu s'adapter secondai- rement à ces régimes. 8 Influence de la lutte pour l'existence La lutte pour l'existence existe aussi dans le domaine sou- terrain, quoique Darwin, Packard et d'autres aient nié son existence. La sélection naturelle s'y exerce aussi bien entre indi- vidus d'une même espèce qu'entre espèces différentes. Elle ne peut provoquer l'apparition des variations ; mais elle choisit, parmi celles que d'autres facteurs font naître, les plus favorables à l'espèce. Elle rend donc de plus en plus profondes les adapta- tions au milieu souterrain, en faisant survivre l'espèce la mieux douée et en supprimant la moins apte. Les espèces qui habitent le domaine souterrain sont beaucoup moins nombreuses que dans le domaine épigé ; il peut donc arriver qu'une espèce immigrée dans les cavernes puisse avoir la chance de se soustraire, complètement ou partiellement, à ses 426 ÉMILE G. RAC0V1TZA ennemis particuliers lucicoles, et même à ses parasites. Elle pourra même être soustraite aux coups, peut-être mortels, des ennemis nouveaux que les hasards d'une migration ou d'une transformation spécifique susciteront à leur souche épigée, car ces nouveaux ennemis de la souche peuvent ne pas coloniser les cavernes. Le résultat de cet événement sera la disparition des souches et la conservation des descendants cavernicoles. On verra plus loin (voir p. 473) qu'on a de bonnes raisons de croire que les choses se sont passées ainsi pour plusieurs espèces qui habitent actuellement les cavernes. La lutte pour l'existence et la sélection naturelle doivent aussi jouer un rôle considérable dans l'adjonction de nouveaux membres à la population, déjà adaptée, des Cavernicoles. Comme le fait remarquer Viré (1899), le Lucicole qui pénètre dans le domaine souterrain est une proie facile pour le Cavernicole qui a tous les atouts dans son jeu pour vaincre l'intrus dépaysé. Mais cela n'est exact que dans le cas où l'appareil optique joue un rôle dans la biologie de l'immigrant. Cette considération s'applique dans toute sa rigueur aux vrais Lucicoles oculés, beaucoup moins ou pas du tout aux Lucifuges qui savent se passer de la vue pour la satisfaction des besoins vitaux. Combien est donc fausse l'idée de ceux qui s'imaginent que les cavernes ont été peuplées par de vrais Lucicoles non encore préparés par leur vie antérieure à l'habitat souterrain ! Journellement de semblables Lucicoles pénètrent dans les cavernes. Le résultat est tout autre que ne le supposent ces théoriciens ; les appareils masticatoires des Cavernicoles en savent quelque chose. IV. Les caractères des Cavernicoles. De ce qu'on vient de lire il résulte que le Cavernicole idéal doit présenter les caractères suivants : Il doit être dépourvu de pigments soumis à l'influence de la lumière. Il doit être aveugle ou pourvu d'appareil optique rudimentaire. 427 LES PROBLÈMES BIOSPÈOLOGIQUES Il doit être compensé pour l'impossibilité de voir au moyen de l'hypertrophie des autres organes de sens et surtout de celle des organes tactiles. La sensibilité aux vibrations du milieu pourra être hyperesthésiée. Il pourra être pourvu d'organes très fragiles. Son corps doit être allongé et aplati, si c'est un habitant des fentes. Ses appendices et ses membres doivent être minces et allongés. Il doit être lucifuge, très sensible aux variations de tempé- rature et sans défense contre l'évaporation des liquides orga- niques. Il ne doit présenter de périodicité régulière à aucun moment de sa vie, donc ni dans son activité fonctionnelle, ni dans ses fonctions de reproduction. Il est difficile de savoir si le Cavernicole idéal, que je viens d'esquisser, est réellement représenté dans les cavernes, car quelques-uns des caractères énumérés plus haut sont basés, faute de recherches, sur des probabilités. Néanmoins on peut citer quelques formes qui s'en rapprochent singulièrement, ainsi : Titanethes , Niphargus, Stenasellus , Cirolanides, Neanum , Sta- lita, Aphaenops, Nocticola, Amblyopsis, Proteus, etc. Mais beaucoup d'autres, pourtant de vrais troglobies, ne présentent qu'un petit nombre de ces caractères. Cela tient à des causes multiples : au degré d'organisation, à l’époque d'im- migration dans le domaine souterrain, à la rigueur de l'isole- ment, etc., causes qui ne peuvent être déterminées- qu'en étu- diant l'histoire complète de chaque espèce. V. Rapports de la faune cavernicole avec les autres faunes. Les caractères anatomiques suffisent donc, en certains cas, pour classer une espèce parmi les Cavernicoles, mais souvent ces caractères sont absolument insuffisants. D'autre part, si tous les Cavernicoles ne sont pas conformes au type intégral, il y a beaucoup de citoyens d'autres habitats qui présentent soit l'un soit l'autre de ces caractères, soit même plusieurs. Cela est dû 428 ÉMILE G. RAGOVITZA soit à une communauté d'origine, soit à un phénomène de conver- gence. Je vais donc examiner rapidement les rapports qui exis- tent entre la faune cavernicole et quelques autres faunes. Les Lucifuges épigés. — Parmi ces Lucifuges on trouve des espèces aveugles, dépigmentées, à organes tactiles hyper- trophiés. C'est de leurs rangs que sont sortis presque tous les habitants du domaine souterrain. Entre les deux faunes existent donc les rapports les plus étroits et il est même impos- sible de tracer une ligne de démarcation entre elles. On trouve souvent tous les passages entre les Lucifuges superficiels et les vrais Cavernicoles (genres Asellus, Cambarus, Trichoniscus , Carychiwm , Bathyscia, etc.). Ces rapports sont dus aussi bien à l'hérédité directe qu'à des phénomènes de convergence, car l'habitat des Lucifuges super- ficiels ne diffère que par des questions de degré de l'habitat sou- terrain ; il en diffère, pour ainsi dire, quantitativement et non qualitativement ; le second ne présente que l'exagération des qualités du premier, obscurité, humidité, température peu variable, etc. La faune hypogée. — Les caractères des Hypogés sont presque identiques à ceux que j'ai établis pour les Cavernicoles, et pourtant, prise en bloc, la faune hypogée est très différente de la faune cavernicole. La ressemblance est due à la conver- gence et non aux liens du sang. La raison me semble être la suivante : La masse des Hypogés est formée par des végétariens et leurs ennemis spéciaux. Ils sont, en effet, souvent rhizophages ou mangeurs de détritus formés par les végétaux supérieurs (humus). C'est principalement cette question alimentaire qui les a poussés à s'enfoncer dans la terre, fréquemment (Curculionides, Gastéropodes, Rhynchotes, etc.) le long des racines. Leurs enne- mis spéciaux (Aranéides, Opilionides, etc.) les ont suivis. Dans le domaine souterrain, il n'y a pas de végétaux supé- rieurs ni d'humus, et la présence de racines est tout à fait excep- tionnelle ; c'est cela surtout qui le différencie du domaine hypogé. LES PROBLÈMES BIOSPÉOLOGIQUES 429 Mais pourtant la similitude des autres conditions d'existence rapproche ces deux domaines vitaux et cela rend difficile une distinction absolue entre tous les éléments de leur faune res- pective. En effet, les Animaux qui ne recherchent que l'obscurité, l'humidité et une protection contre les variations de tempé- rature, se rencontrent indifféremment dans les deux domaines : ( Campodea , etc.). Ce sont des rameaux de la même souche de Lucifuges superficiels. D'autre part, des racines traversent quelquefois les plafonds des grottes ou pénètrent loin dans les fentes des massifs cal- caires ; il n'est donc pas étonnant qu'on puisse rencontrer dans des cas semblables de vrais Hypogés rhizophages (Troglorhynhus par ex.) dans le domaine souterrain. Notons en outre une différence qui s'observe souvent entre les Cavernicoles et les Hypogés. On a vu que les Cavernicoles présentent fréquemment un allongement considérable des appendices et des membres ; cette évolution a pu s'accomplir, car ces animaux habitent des cavités naturelles. Les Hypogés, par contre, doivent le plus souvent creuser eux-mêmes leurs galeries; leurs membres sont devenus courts et gros, comme cela se produit chez tous les vrais fouisseurs. La faune des microcavernes. — Les éléments de cette faune présentent aussi très souvent les caractères adaptatifs que j'ai assignés aux Cavernicoles. Les conditions d'existence que présente le domaine souterrain se trouvant plus ou moins bien réalisées dans celui des micro cavernes, il en résulte que les formes qui recherchent uniquement ces conditions d'existence peuvent et doivent être communes aux deux domaines. Mais ces formes sont très peu nombreuses, car il faut compter aussi avec les dispositions du propriétaire de la microcaverne à l'égard de l'intrus, et aussi sur le fait qu'au point de vue de ces condi- tions spéciales d'existence le domaine souterrain offre plus d'avantages. Mais dans le peuplement du domaine des microcavernes, le 430 ÉMILE G. RACOVITZA rôle capital revient à un facteur spécial qui est la xénophilie. Ce facteur ne se manifeste pas dans le domaine souterrain et il en résulte une très grande différence dans la composition des deux faunes. Les Xénopliiles sont très rarement attirés dans les microcavernes par les conditions d'existence qui sont com- munes à cet habitat et au domaine cavernicole. Ils se soucient en général fort peu de ces avantages ; ce qui les attire ce sont les soins qu'ils reçoivent de l’hôte, ou les aliments fournis par sa progéniture ou par son industrie. Aussi la majorité des Xéno- philes dérivent de souches superficielles non lucifuges. D'autre part, cette dépendance du Xénophile vis-à-vis de son hôte a provoqué très souvent, chez les premiers, des adap- tations variées qui d'après Wasmann (1896) sont les suivantes : Formations pileuses spéciales, Eéduction ou hypertrophie de certaines pièces buccales, Physogastrie, Conformation spéciale des antennes. Ressemblances mimétiques. Acquisition de formes de résistance. Ces modifications ne se présentent jamais chez les Caverni- coles. La physogastrie pourtant semble exister chez les Lepto- dérides cavernicoles, mais il s'agit probablement d'un phéno- mène qui n'a rien de commun avec la physogastrie des Staphy- lins xénopliiles. La faune abyssale des eaux douces. — Beaucoup de repré- sentants de cette faune réalisent le type du parfait Cavernicole aquatique. Cette ressemblance des deux faunes provient d'une part de liens d'étroite parenté, de l'autre du phénomène de convergence. Beaucoup d'Abyssaux limniques ne sont que des transfuges des eaux souterraines qui ont trouvé dans leur nouveau milieu les mêmes conditions d'existence : obscurité, température cons- tante et basse, absence de végétaux. Le facteur pression hydros- tatique, qui existe dans les abîmes lacustres, est tout à fait négli- geable lorsqu'il s'agit d'Animaux sans inclusions gazeuses, et, d'ailleurs, il doit se présenter souvent dans les niveaux d'eau du domaine souterrain. LES PROBLÈMES BIOSPÉOLOGIQUÈS 431 D'antres Abyssaux limniques dérivent de formes littorales ; comme ces formes ont dû s'adapter à des conditions d'existence très semblables à celles qui régissent leurs confrères cavernicoles, leur évolution a été parallèle et convergente. La faune abyssale marine. — Packard (1889) et beaucoup d'autres zoologistes ont été vivement frappés par les analogies que le milieu abyssal marin présente avec le domaine souter- rain : dans les deux règne l'obscurité, la température constante et basse ; dans les deux les Végétaux manquent. Dans les deux on trouve des Animaux dépigmentés et aveugles. De plus, les Animaux des abîmes présentent les mêmes caractères adaptatifs que les Aquatiques cavernicoles. On a conclu de ces faits que les conditions d'existence dans les trois milieux, l'abyssal marin, l'abyssal lacustre et le caver- nicole sont identiques. Cette manière d'interprêter les faits, combinée avec un dogme, celui de la dépendance de toutes les colorations animales de la lumière, a été la cause de la naissance de nombre d'hypothèses et théories étranges qui ont retardé la solution des problèmes que soulève la faune abyssale. Il faut expliquer en effet la pré- sence, dans les abîmes marins définis comme obscurs, de formes vivement colorées et pourvues d'appareils optiques pins hyper- trophiés que dans n'importe quel autre habitat Packard, suivi en cela par d'autres naturalistes, admet que l'influence de la lumière solaire se fait sentir en profondeur. Cette hypothèse est insoutenable, car l'observation directe a démontré, d'une part, que la lumière ne pénètre qu'à quelques centaines de mètres, et d'autre part, que les Végétaux chloro- phylliens ne peuvent vivre dans les abîmes, faute de pouvoir former leur chlorophylle. Ayant ainsi introduit la lumière du jour là où elle ne se trouve point, on fit des formes oculées et colorées les représentants normaux de la faune abyssale, ce qui déplaça simplement la difficulté, puisqu'il restait à expliquer la présence des aveugles dépigmentés. On déclara que ces derniers devaient être des 432 ÉMILE G. RAC0VIT2A Fouisseurs, vivant enfoncés dans la vase, donc à l'abri de la lumière. Mais beaucoup de ces « fouisseurs » aveugles sont vivement colorés ! D'autre part, aucune forme abyssale lacustre n'a d'appareils optiques hypertrophiés, même quand c'est une espèce manifestement non fouisseuse. C'est que les formes abys- sales marines à yeux très développés ne sont pas si abyssales qu'on le croit ; ce sont des formes de pénombre (twilight), déclare une nouvelle hypothèse, tout aussi erronée d'ailleurs. Il n'est pas dans mon intention de faire l'historique complet de cette question qui a fait verser beaucoup d'encre. Ce que j'en ai dit suffit pour prouver que les questions soulevées par la forme abyssale sont complexes et difficiles à résoudre ; il est visible aussi qu'elles ont été mal posées au commencement, ce qui a inutilement augmenté les difficultés. Voici deux faits certains : La lumière du jour ne pénètre pas dans les abîmes. Beaucoup d' Animaux abyssaux sont colorés. La seule conclusion légitime à tirer de ces deux prémisses est : Il faut examiner si tous les pigments doivent se former avec le concours de la lumière. Or, les théoriciens dont je viens d'exposer les idées ne se sont jamais préoccupés de cette question. Pourtant, depuis long- temps on connaissait nombre de substances et de structures dont la coloration est absolument indépendante de la lumière ; il est étrange qu'on n'ait pas tenu compte de cette vérité élé- mentaire. Les difficultés qui paraissaient provenir de la présence d'Ani- maux colorés dans les abîmes n'existent donc point. Il y a des animaux colorés dans les abîmes comme dans les cavernes, parce que leurs pigments se forment sans le concours de la lumière. Considérons la série des faits se rapportant aux appareils optiques. Dans le domaine cavernicole et dans le domaine abyssal lacustre l'on constate toujours une réduction de plus en plus considérable de l'appareil optique et jamais d'hypertrophie de cet appareil. LES PROBLÈMES BIOSPÈOLOGIQUES 433 Dans les abîmes marins on constate une réduction de l'appa- reil optique quelquefois, mais souvent aussi une hypertrophie considérable de cet appareil. Que conclure sinon : Les conditions d'existence que présente le domaine abyssal lacustre sont semblables à celles que présente le domaine sou- terrain ; elles diffèrent de celles qui régnent dans le domaine abyssal marin. Outre l'obscurité et la température constante et basse, qui sont des caractères communs aux trois habitats, il doit y avoir un facteur spécial qui agit dans le troisième et qui est absent dans les deux premiers. Ce facteur est facile à déterminer : c'est la phosphorescence (1). Est-il nécessaire d'insister sur le rôle considérable que joue la phosphorescence dans le monde abyssal marin ? Certes, ce n'est pas l'observation directe qui peut nous en donner la mesure ; mais il suffit d'en constater les effets sur l'organisation des Abyssaux. Presque tous les animaux pélagiques et bathypélagiques sont phosphorescents ; plus l'on descend dans les couches aqueuses et plus cette activité lumineuse se perfectionne. Les organes photogènes, de plus en plus nombreux, compliqués et puissants, se développent chez les formes les plus diverses comme origine. Les abyssaux benthiques aussi en sont souvent pourvus. Ces sources de lumière, très faibles il est vrai, mais fort nom- breuses, suffisent peut-être à produire un éclairement diffus de tout le domaine abyssal ou de certaines de ses parties ; mais fussent-elles impuissantes à produire cet effet, elles doivent néanmoins consteller la nuit des abîmes de myriades de points brillants. Je m'imagine l'effet produit comme semblable à celui qu'offre pendant la nuit une grande ville vue de loin, avec ses (1) C’est à Mc Culloch et Coldstream que revient le mérite d’avoir expliqué la présence des Oculés abyssaux au moyen de la phosphorescence (voir Semper, 1880, I, p. 103), et cela à une époque où nos connaissances sur les abîmes marins étaient tout à fait rudimentaires. Actuellement, il ne peut y avoir doute sur la parfaite exactitude de l’hypothèse des deux auteurs anglais, et pourtant combien de naturalistes cherchent encore midi à quatorze heures ! 434 ÉMILE G. RACOVITZA milliers de lumières et son léger nuage lumineux flottant au- dessus. Ces points lumineux ou cette faible lumière, dont la percep- tion doit jouer un rôle très considérable dans le monde carni- vore des Abyssaux, ont provoqué l'hypertrophie des organes optiques. Dans un cas analogue, c'est aussi la nécessité de voir et se guider à la faible lumière des nuits et des crépuscules qui a provoqué l'hypertrophie et l'hyperesthésie des yeux des Oiseaux nocturnes. Et c'est justement parce que ces sources lumineuses sont faibles que les organes de perception doivent être puissants. Comme on l'a vu autre part (voir p. 421), l'hy- peresthésie d'un organe sensoriel ne peut se produire que là où l'agent physique à percevoir est faible. Or, la phosphorescence n'existe pas dans les abîmes lacustres. Dans le domaine souterrain elle est, d'une part, tout à fait exceptionnelle et, d'autre part, elle est produite seulement par quelques Mousses et Champignons, ce qui n'intéresse pas direc- tement la biologie des Cavernicoles ; son influence est donc pra- tiquement nulle. L'absence de radiations lumineuses pouvant influencer un appareil optique a produit une régression géné- rale de cet appareil dans les deux habitats. Mais comment interpréter la présence d' Animaux aveugles dans les abîmes marins ? Je pense que les considérations sui- vantes permettent d'entrevoir comment on peut résoudre cette question. L'hypertrophie la plus considérable et les modifications les plus étranges de l'appareil optique se rencontrent surtout chez les B athy pélagiques ; c'est parmi eux également que les organes photogènes sont le plus développés et les plus nombreux. Les Bathypélagiques descendent de souches pélagiques et littorales bien pourvues au point de vue optique. Les yeux bien développés chez la souche se sont hypertrophiés pour percevoir la faible lumière dans laquelle vivent les descendants. Les Benthiques dérivent de souches à aptitudes variées. Ceux qui dérivent de souches photophiles ont perfectionné leurs yeux LES PROBLÈMES BIOSPÉOLOGIQUES 435 déjà bien développés dans le même sens que les Bathypélagiques. Mais ceux qui dérivent de souches lucifuges ou fouisseuses déjà aveugles ou à yeux réduits, sont restés aveugles ou ont accentué leur cécité, même s'ils ont changé leur manière de vivre, car la phosphorescence est un agent trop faible pour provoquer une néoformation comme l'appareil optique, ou même pour perfec- tionner des yeux rudimentaires. Il faut mentionner encore les Cavernicoles vrais, peut-être nombreux, qui ont fait souche dans les abîmes de la mer, et qui ont naturellement conservé les caractères de leur habitat pri- mitif (voir p. 481). Il résulte de ce qui précède que les aptitudes héréditaires ont dû jouer un rôle capital dans l'influence qu'a exercé le facteur phosphorescence sur les différents Abyssaux, et comme ces apti- tudes héréditaires sont très variées, étant donné la multiplicité originelle des souches, seule l'histoire particulière de chaque groupe homogène d'Abyssaux peut donner la raison certaine de l'état dans lequel se trouve leur appareil optique. VI. Classification des Cavernicoles. On a essayé plusieurs fois d'établir dans la faune cavernicole des divisions basées sur des considérations diverses. Schiôdte (1849) établit quatre groupes qui se distinguent par l'éclairement et la nature des parois de l'habitat préféré : 1. Animaux de l'ombre (Skygge-Dyr). 2. — crépusculaires (Tusmorke-Dyr). 3. — des régions obscures (Ïïule-Dyr). 4. — des régions obscures à concrétions stalagmitiques (Drypsteenshule-Dyr). Schiner (1854) établit trois divisions basées sur l'éthologie des Cavernicoles : 1° Hôtes occasionnels : Animaux qu'on rencontre dans les grottes, mais aussi à la surface, partout « wo sich die ihrer Lebensart entsprechenden Bedingungen vorfinden ». 2° Troglophiles : Animaux habitant les régions où la lumière ARCIl. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. 4e SERIE. T. VI. — (Vil) 3l 436 ÉMILE G. RACOVITZA du jour pénètre encore, qu'on peut, exceptionnellement, ren- contrer à la surface ou qui ont seulement des formes représen- tatives lucicoles. 3°, Troglobies : Animaux exclusivement cavernicoles, qu'on ne rencontre jamais dans les régions épigées, sauf dans le cas d'évé- nements exceptionnels comme les crues (Exemple : Proteus, etc.). Joseph (1882) propose une classification topographique. 1° Habitants des entrées de grottes, régions éclairées et à température variable. 2° Habitants des régions moyennes, où le soleil de midi en été produit une sorte de crépuscule. 3° Habitants des régions profondes, à obscurité complète et température constante. L'auteur énumère les espèces qui appartiennent à chaque catégorie et indique les modifications de l'appareil optique qui caractérisent chacune de ces dernières. Il est facile de voir, d'ailleurs, que l'auteur distribue arbitrairement les Cavernicoles dans ses trois catégories. D'autres auteurs, s'ils ne le disent pas explicitement, admet- tent implicitement l'existence de deux divisions parmi les habi- tants du domaine souterrain : 1° Les Cavernicoles vrais qui présentent des caractères indi- quant une adaptation certaine à la vie obscuricole. 2° Les Cavernicoles faux qui ne présentent pas ces caractères adaptatifs et ne diffèrent en rien des formes affines épigées. Il est inutile d'insister beaucoup pour montrer qu'aucune de ces classifications n'est satisfaisante et que, d'ailleurs, aucune division rigoureuse ne peut être établie parmi les êtres qu'on peut trouver dans le domaine souterrain, et cela que l'on s'adresse aux rapports qu'ils présentent avec leur habitat, au degré de leur adaptation, aux conditions d'existence ou aux caractères taxionomiques et anatomiques qui en sont l'expression, ou à tout autre caractère. Mais, comme dahs la pratique les classifications sont néces- saires, choisissons la moins mauvaise. LES PROBLÈMES BIOSPÈOLOGIQUES 437 Celle de Schiner, un peu modifiée, me paraît remplir cette condition négative. Nous diviserons donc les êtres qu'on peut rencontrer dans le domaine souterrain en trois groupes : 1° Les Trogloxènes. Ce sont ou des égarés ou des hôtes occa- sionnels, ces derniers attirés soit par l'humidité, soit par la nourriture, mais n'y habitant pas constamment et ne s'y repro- duisant pas. Ils ne présentent jamais de caractères adaptatifs spéciaux et se tiennent surtout à l'entrée des grottes. Leur importance dans l'étude d'une région du domaine souterrain est nulle ou presque. (Exemple : Tineides et Moustiques si nom- breux dans toutes les grottes). 2° Les Troglophiles. Habitent constamment le domaine sou- terrain, mais de préférence dans ses régions superficielles ; ils s'y reproduisent souvent, mais ils peuvent être aussi rencontrés à l'extérieur. Ce sont des Lucifuges très caractérisés, ayant subi souvent des réductions de l'appareil optique, une compensation suffisante pour l'impossibilité de voir, et d'autres adaptations à la vie obscuricole. Ce sont eux qui fournirent à toutes les époques le principal contingent des Troglobies, et ce sont eux qui sont les premiers colons, quand une nouvelle région du domaine souterrain s'offre à la colonisation. Ils fournissent des données utiles pour l'histoire des grottes. 3° Les Troglobies ont pour habitat exclusif le domaine sou- terrain et se tiennent de préférence dans ses parties les plus profondes. Ils sont très modifiés et ils offrent les adaptations les plus profondes à la vie obscuricole. C'est parmi eux qu'on rencontre les Cavernicoles les plus anciens. Leur importance est capitale en spéologie. Ces caractères distinctifs sont vagues ; il ne peut en être autrement. Il existe de nombreuses formes de passage qu'il est impossible de placer dans un groupe plutôt que dans l'autre. Tout critérium simple et absolu de classification manque, et très souvent seule l'histoire complète d'un Cavernicole permet son classement dans l'une de ces catégories, à moins 438 ÉMILE G. RACOYITZA que cette histoire ne démontre qu'il ne peut se ranger dans aucune. VII. Composition de la faune et de la flore cavernicoles. J'ai déjà insisté sur ce fait que les Etres cavernicoles consti- tuent un élément non négligeable de la population du globe. Ce qui le montre c'est le nombre respectable des formes déjà con- nues (1) (malgré le nombre relativement restreint des recherches effectuées), et l'étendue des régions complètement inexplorées au point de vue spéologique. Il est impossible de se faire actuellement une idée précise sur le nombre des Cavernicoles décrits à cause de l'absence de tout travail d'ensemble récent. Un catalogue des Cavernicoles connus en 1907, analogue à la consciencieuse « liste » de Bedel et Simon (1875), serait fort utile, mais le concours de nombreux spécialistes est actuellement nécessaire ; il ne peut avoir de valeur réelle que s'il est « critique », et trop de groupes sont représentés dans les cavernes pour que semblables révisions puissent être effectuées par un seul naturaliste. J'espère que par la collaboration des savants qui prêtent leur concours à Biospéologica, pareil catalogue verra une fois le jour ; en attendant je vais passer rapidement en revue les groupes représentés dans le domaine souterrain. Mammifères. — Darwin (1859) cite parmi les Cavernicoles Neotoma magister, un Bongeur, qui habiterait la grotte de Mammoth. Mais l'on sait depuis longtemps que ce Rat n'entre qu'occasionnellement dans les cavernes, et que son habitat normal est la fente rocheuse, notamment dans les monts Alle- ghanys. Il ne présente d'ailleurs aucun caractère adaptatif par- ticulier à la vie obscuricole. C'est donc à tort que Viré (1899) le cite encore parmi les Troglobies. (1) Viré (1904 a) déclare avoir recueilli « des milliers d'espèces animales souterraines dont un grand nombre sont nouvelles pour la science ». Comme seulement un petit nombre d'espèces récoltées par Viré ont été publiées jusqu'à présent, il faut vivement souhaiter que les quelques milliers qui restent soient rapidement décrites, un si considérable apport de formes nouvelles pouvant complètement modifier nos conceptions biospéologiques sur bien des points. LES PROBLEMES BIOSPÉOLOGIQUES 439 Citons pour mémoire le Mus musculus var. subterraneus de Montessus (1899) qui présenterait des caractères adaptatifs le rapprochant des Chauves-souris! Il faudrait vérifier si Phistoire de cet habitant des mines Saint-Paul, an Creusot, n'est pas une légende. On pourrait avec bien plus de raison compter certaines espèces de Chauves-souris parmi les vrais Troglobies. Il y en a, en effet, qui habitent constamment les grottes, été comme hiver, et s'y reproduisent, qui sont très vivement photophobes, qui, aveu- glées, ne décèlent aucun trouble dans la manière d'éviter les obstacles, qui, par conséquent, sont complètement compensées pour l'impossibilité de voir. Il est vrai que leurs yeux sont fonc- tionnels et leur servent à capturer les proies et à se guider dans le domaine épigé, et que leur nourriture ne provient pas du domaine souterrain. La Chauve-souris a dû s'adapter dans deux directions diffé- rentes : les besoins alimentaires la forcent à s'adapter à une vie épigée, la nécessité d'avoir un domicile convenable, qu’elle est incapable de construire par sa propre industrie, la force à s'adapter au domaine souterrain. Oiseaux et Reptiles. — Aucun représentant de ces groupes n'est Troglobie. Viré (1899, p. 23 et 111) cite, il est vrai, les « Ophidiens » comme étant représentés dans le domaine souter- rain, mais j'ai vainement cherché à découvrir le grand ou le petit Serpent des cavernes, que l’auteur cité n'a d'ailleurs pas nommé. Batraciens. — Les Urodèles sont seuls représentés dans les cavernes ; l'espèce la plus ancienne connue est le Protée qui est, d'ailleurs, le premier Cavernicole décrit (1768). On ne le trouve que dans le bassin de l'Adriatique (Karst de Carniole et de Dalmatie), et pendant longtemps on l'a cru isolé, car il n'a pas de parents actuels européens. Mais on a découvert en Amé- rique une espèce cavernicole voisine, le Typhlomolge Rathbuni Stejneger, du Texas et une forme épigée mais lucifuge qui paraît être la souche d'où dérivent les deux précédents : Necturus maculatus (Etats-Unis et Canada). 440 ÉMILE G. RACQVITZA De plus, la famille des Salamandridae paraît avoir des repré- sentants cavernicoles également américains : Typhlotriton spe- laeus et Spelerpes Stejnegeri des cavernes du Missouri. Poissons. — La famille des Cyprinodontes, qui est si bien représentée dans les eaux douces d'Amérique, a été la souche des Amblyopsides, petits Poissons lucifuges ou cavernicoles qui peuplent les marais et les eaux souterraines des Etats-Unis. Ainsi, le genre Chologaster est représenté par trois espèces dont G. cornutus vit dans les marais du Sud, G. papilliferus dans les sources de Elllinois et G. Agassizi dans les eaux souterraines du Tennessee et Kentucky. TyphlicMys a deux espèces souter- raines, et Amblyopsis une seule espèce, exclusivement cavernicole. Beaucoup de représentants de la vaste famille des Siluridés sont lucifuges et ont des yeux très réduits, mais jusqu'à présent Amiurus nigrilabris peut seul être compté, à la rigueur, parmi les Troglobies : il habite les grottes de Pensylvanie et est aveugle. Très intéressants sont les Zoareidés Stygicola et Lucijuga, Poissons aveugles, habitant les cavernes de Cuba ; leurs proches parents sont tous marins ; beaucoup sont aveugles et la plupart abyssaux. L'Europe ne possède pas de Poissons vraiment troglobies, mais des représentants lucifuges des genres Paraphoxinus, Aulo- pyge et Ghondrostomum se rencontrent dans les eaux souter- raines de Bosnie et Herzégovine. Les Poissons rejetés par les puits artésiens de l'Algérie ne sont pas à compter parmi les Troglobies ; ils ont des yeux normaux et on les trouve dans tous les ruisseaux superficiels. J'ai pu même constater que Gyprinodon calaritanus n'est pas lucifuge. Mais tout n'a pas été dit sur les Poissons cavernicoles ; on trouve, en effet, des indications de la présence de semblables Animaux à la Jamaïque, au Guatemala, etc. Il faut donc s'at- tendre à des surprises intéressantes. Mollusques. — Les Gastéropodes terrestres lucifuges, hypo- gés et radicicoles sont nombreux ; il existe aussi des espèces LES PROBLÈMES BIOSPÉOLOGtQUES 441 cavernicoles en grand nombre. Le genre Zoospeum, qui compte environ 40 espèces souterraines, descend des Carychium, petits Pulmonés lucifuges. Les représentants cavernicoles d'autres genres épigés, terrestres ou d'eau douce, sont moins nombreux (Patula, Valvata, Vitrella, etc.). Très intéressant est le genre Spelaeoconcha de Dalmatie, car on ne connaît pas sa souche épigée. En plus des formes que je viens d'énumérer, et qui sont de vrais Troglobies, on pourrait citer de nombreux Gastéropodes troglophiles. On a signalé aussi quelques Lamellibranches, mais il n'est pas possible d'affirmer qu'ils sont réellement cavernicoles. Hyménoptères. — Il est peu probable qu'on rencontre jamais des représentants cavernicoles de ce groupe qui compte surtout des photophiles; on en trouve dans les grottes mais ce sont des égarés. La Fourmi aveugle de Joseph (1882) ( Typhlopone Clausi) paraît être le fruit légitime d'une erreur de détermination. Mais dans les microcavernes, les Hyménoptères sont représentés par de nombreuses espèces xénophiles. Coléoptères. — Ces Insectes ont de très nombreux repré- sentants cavernicoles, tous issus de souches lucifuges. Les Cara- bides et Silphides sont les plus abondants et sont souvent repré- sentés par des genres spéciaux, présentant tous les caractères du Cavernicole idéal. Les Trichoptérygides, comme les Psélaphides si fréquemment xénophiles, sont plus rares et probablement seulement troglo- philes. Les Staphylinides sont très fréquents dans le domaine souterrain, mais jusque dans ces derniers temps on ne pouvait citer que deux ou trois formes vraiment troglobies, ce qui ne manque pas d'être curieux, étant donné les mœurs de ce groupe lucifuge. Par contre, nombreux sont les Staphylins troglophiles et xénophiles. Les Curculionides, si bien représentés dans le domaine hypogé, sont à peine représentés dans le domaine souterrain ; 442 ÉMILE G. RACOVITZA encore fandrait-il savoir s'il ne sont pas localisés dans les cavernes où pénètrent les racines. On a signalé un Brachynide aveugle dans les grottes de l'Afrique australe ; la trouvaille est fort intéressante et nous permet d'espérer la rencontre de représentants cavernicoles chez d’autres familles à formes lucifuges. Enfin un Hydropore troglobie vient d'être signalé. Il est pro- bable que les recherches faites dans les eaux souterraines nous en fourniront d'autres. Diptères. — Les Diptères sont très fréquents dans les grottes, surtout dans celles qui contiennent des excréments de Chauve- souris, seulement ce ne sont pas des formes spéciales, et leur adaptation à la vie cavernicole ne paraît pas très avancée. Tout au plus peut-on citer quelques espèces de Phora qui paraissent localisées dans les cavernes. Il n'en est pas de même dans les termitières et fourmilières, où l'on a trouvé des formes extrêmement curieuses et présen- tant de remarquables caractères adaptatifs. hynchotes. — J'ai découvert dans les grottes du Drach (Baléares) l'unique Rhynchote cavernicole actuellement connu. C'est un Fulgoride, du genre Cixius, qui présente une décolo- ration assez marquée et qui a les yeux rouges. Il est bien tro- globie, puisque je l'ai trouvé fort loin de l'entrée des grottes et que j'ai capturé les larves aussi bien que l'adulte, larves d'ailleurs complètement décolorées. Cet Homoptère est en outre un des rares exemples qu'on puisse citer d'un Animal appartenant à un groupe photophile qui s'est adapté à la vie souterraine. Encore faudrait-il voir si ce ne sont pas les habitudes rhizo- phages de la souche qui l'ont fait entrer dans le domaine sou- terrain des Baléares, car les racines des Lentisques passent fré- quemment à travers le plafond relativement mince des cavernes de ce pays. Peut-être faudrait-il ajouter aussi aux Troglobies YHebrus (?) trouvé l'année dernière par Jeannel et moi dans le lac souter- rain de Hainman Meskoutine (Algérie). LES PROBLÈMES BIOSPÉOLOGIQUES 443 Par contre, nombreux sont les Rhynchotes xénophiles. Névroptères. — On trouve souvent des Phryganes dans les grottes, mais aucune espèce ne paraît être ni troglophile ni troglobie. Cela doit être dû à des raisons alimentaires. Mais le genre Bitacus paraît avoir un représentant cavernicole. Pseudonévroptères. — Les Psocides sont souvent lucifuges et ont été fréquemment trouvées dans les grottes. Leur étude ayant été assez négligée jusqu'à présent, il n'est pas possible de savoir s'ils ont des représentants vraiment troglobies. Orthoptères. — Les Locustides ont des représentants caver- nicoles assez nombreux. On en connaît d'Europe, d'Amérique, de Nouvelle-Zélande et d’Asie. C'est un des rares groupes de Photophiles qui ait été tenté par le domaine souterrain. Il est vrai que les formes cavernicoles habitent surtout l'entrée des grottes ; elles sont toutes oculées et présentent un développe- ment considérable des antennes, ce qui, d'ailleurs, n'est que l'exagération d'un caractère présenté par le groupe entier. Les Gryllides qui comptent de nombreux Xénophiles n'ont pas de représentants dans le domaine souterrain. Les Blattes en ont deux très curieux et très modifiés (Nocticola des Philip- pines) ; il est certain qu'on en découvrira d'autres, car les Blat- tides sont lucifuges et saprophages. Aptérigogéniens. — La grande majorité des espèces de ce groupe sont lucifuges et saprophages, aussi a-t-il peuplé le domaine souterrain. Souvent il réalise l'idée qu'on peut se faire du Cavernicole idéal. Les Japyx ne sont pas rares dans les cavernes, mais les Cam- podea, cosmopolites par excellence, sont surtout abondants ; on les trouve dans presque toutes les grottes. Ces deux genres sont, d'ailleurs, représentés aussi dans le domaine hypogé. Les Collemboles sont aussi très nombreux dans le domaine souterrain. Beaucoup sont aveugles, décolorés, fortement com- pensés pour la perte de la vue, mais très peu sont spéciaux aux cavernes, la plupart habitent aussi le domaine épigé, à l'abri de la lumière. ÉMILE G. RACOVITZA Myriapodes. — Tout ce groupe est composé d'espèces luci- fuges et carnivores ou saprophages ; aussi a-t-il de nombreux représentants dans le domaine souterrain; mais les vrais tro- globies sont relativement peu abondants et représentés surtout par des Diplopodes, qui montrent, d'ailleurs, aussi des adapta- tions bien plus marquées que les Chilopodes. Palpigrades. — Tous ces petits Arachnides sont lucifuges et probablement beaucoup sont hypogés. Les Kaenenia spelaea et draco Peyerimhoff furent trouvés dans les grottes. Il n'est pas possible de savoir encore si ce sont de vrais troglobies ou seule- ment des troglophiles. Aranéides. — Beaucoup d'Araignées sont lucifuges et s'ins- tallent volontiers dans les endroits obscurs ; elles sont extrê- mement nombreuses à l'entrée des grottes, là surtout où le guano des Chauves-souris a attiré beaucoup de Diptères. Les Troglophiles sont cependant en majorité. Mais on trouve aussi des formes ayant subi fortement l'influence des conditions d'existence du domaine souterrain. La plupart ont perdu seu- lement leurs yeux diurnes, comme l'a montré Simon (1872 et 1875), quelques-unes (Stalita, etc.) sont aveugles, décolorées, pourvues de membres très allongés, en un mot des troglobies caractérisés. Notons qu'il existe des Aranéides hypogées appartenant aux mêmes genres que les cavernicoles et quelquefois très voisines de ces dernières. Pseudoscorpionides. — Le groupe est normalement lucifuge et comprend des formes aveugles ; aussi fort nombreuses sont les espèces troglophiles ; les troglobies sont plus rares. Opilionides. — Très nombreuses sont les formes troglophiles de ce groupe, et peu nombreuses sont les troglobies. Un ou deux seulement sont aveugles. D'ailleurs, toutes les espèces de cet ordre sont plus ou moins lucifuges. Il en existe qui sont hypogées et alors toujours voisines des formes qu'on rencontre dans les cavernes. Les Opilionides sont des animaux très anciens ; aussi leur 445 LES PROBLÈMES BÏOSPÈOLOGIQUES distribution géographique doit offrir un grand intérêt pour Phistoire de la Biospéologie. Malheureusement, il y a trop de lacunes encore dans la connaissance des formes cavernicoles pour qu'on puisse déduire quelque chose de certain. Acariens. — Les Lucifuges et les Saprophages se rencontrent fréquemment dans les cavernes ; mais ces Animaux ont été trop peu étudiés encore pour qu'on puisse seulement savoir s'il y a des formes exclusivement cavernicoles. On trouve des formes décolorées, aveugles, à très longues pattes, mais on peut en ren- contrer de semblables sous les pierres et aussi dans la terre. Les Eschatocephalus, qu'on rencontre souvent sur les parois des grottes, sont parasites des Chauve-souris, et pas plus que les Nyctéribies ne peuvent entrer dans le dénombrement de la population souterraine. Tardigrades. — Joseph en a signalé deux, mais il n’est pas dit que ce soient des troglobies, même si on arrive à les retrouver, ce qui n'a pas été fait jusqu'à présent. Crustacés décapodes. — Parmi les Macroures l'on connaît quatre genres à espèces troglobies : Palemonias , avec une espèce américaine ; Troglocaris avec une espèce européenne ; Cambarus avec plusieurs espèces en Amérique, où ce genre est bien repré- senté aussi dans la faune épigée, et une espèce en Europe qui est un précieux témoin d'une vaste distribution antérieure ; enfin Palaemonetes avec une espèce du Texas, mais il présente de nombreuses formes épigées dans les Etats-Unis. Palemonias et Troglocaris sont des formes très anciennes ; leurs parents actuels ont une distribution très vaste mais discontinue. Les Brachiures n'ont pas de représentants cavernicoles, car les Crabes rejetés par les eaux artésiennes d'Algérie ne sont pas différents des lucicoles de la même région et ne peuvent même pas être considérés comme troglophiles. Ces crabes ne sont pas nettement lucifuges, quoiqu'on les rencontre souvent sous les pierres, même hors de l'eau ; je les ai vus se promener souvent en plein soleil. Enfin, citons le seul Cavernicole marin, Munidopsis polymorpha, 446 EMILE G. RAGOVITZA qui habite une grotte en communication avec la mer dans Eîle Lanzarote (Canaries), et qui est presque aveugle, à coloration pâle. Amphipodes. — A en juger par les découvertes récentes, ce groupe doit être largement représenté dans le domaine souter- rain et surtout dans les niveaux d'eau. Les Gammaridés pré- sentent plusieurs genres exclusivement troglobies, comme Bathyonyx , Phreatogammarus , TypMogammarus , Boruta , etc., et d'autres qui ont aussi des représentants lucicoles, comme Cran- g onyx. Niphargus , qui a beaucoup d'espèces troglobies, est fré- quent dans les puits et, par conséquent, dans les niveaux d'eau ; on lé trouve aussi dans la zone abyssale lacustre. Parmi les Calliopiidés, Para leptamp hop us subterraneus (Chil- ton) vit dans les niveaux d'eau. Les Talitridés ont un genre, Hyalella , qui est très répandu dans les abîmes des grands lacs ; on n'a pas encore trouvé d'espèce troglobie de ce groupe, mais il faut s'attendre à semblable découverte. La plupart des Amphipodes troglobies sont certainement les descendants directs de formes épigées d'eau douce, mais pour quelques-uns l'origine marine est probable. Isopodes. — Ce groupe présente beaucoup de Troglobies. Les Terrestres, essentiellement lucifuges et hydrophiles, sont très nombreux dans les cavernes, et les troglobies sont aussi fréquents que les troglophiles. Ce sont les Trichoniscidés qui sont le mieux représentés, et souvent par des formes complètement aveugles, mais on a signalé des troglobies aussi parmi d'autres formes comme Armadillidium , Ligidium, etc. Dans un travail sous presse je décris aussi des Cylisticus et de formes nouvelles à caractère archaïque. Les Isopodes aquatiques sont représentés dans les eaux sou- terraines par des formes voisines du genre Asellus , par des Oirolanides et Sphaeromiens dont l'origine est peut-être marine, par un Anthuride qui a sûrement cette origine, par un groupe très curieux, les Phréatoïcides, et enfin par le genre Stenasellus dont les affinités ne sont pas encore bien établies. LÉS PROBLÈMES BIOSPÈOLOGIQUÉS 447 Copépodes. — Joseph et Packard ont décrit, plutôt mal, trois Copépodes cavernicoles dans Pexistence en tant qu'espèce n'est rien moins que certaine. Ceux que Schmeil a trouvés dans la Magdalena grotte (Karst) n'ont rien de cavernicole ; ce sont des espèces épigées communes. Il n'est pas certain que les Cyclops des puits du Texas soient de vrais troglobies. Mais tout récemment Carl (1904) a signalé un Canthocamptus nouveau, qui vit dans le guano humide et qui pourrait bien être un vrai troglobie. Ostracodes. — Plusieurs formes ont été signalées par Joseph et Schmeil dans les grottes du Karst autrichien. Celles de J oseph sont douteuses, celles de Schmeil (Cypris pellucida et Typhlo- cypris Schmeilï), déterminées par Müller, le spécialiste connu, sont certaines et sont très probablement de vrais troglobies. Phyllopodes. — C'est encore à Joseph qu'on doit la des- cription de quatre formes cavernicoles appartenant à ce groupe, aussi douteuses, d'ailleurs, que beaucoup de celles décrites par ce naturaliste dans d'autres ordres. Oligochètes. — Tous les Terricoles sont franchement luci- fuges, aussi les rencontre-t-on souvent dans le sol des cavernes et dans le guano des Chauves-souris. On a décrit des espèces cavernicoles, mais il ne paraît pas y avoir de genres spéciaux. Les Limicoles sont nombreux dans les puits y il en existe aussi dans les eaux souterraines, et l'on a décrit des formes, comme Phreodrilus, qui paraissent être de véritables troglobies non représentées dans le domaine épigé. Nous avons affaire, à partir de ce groupe, à des êtres inférieurs, s'accommodant facilement des conditions d'existence queprésente le domaine souterrain, pourvu que la nourriture appropriée ne leur soit pas trop mesurée. Ces Animaux ne présenteront donc plus des caractères adaptatifs bien nets ; leur attribution à la faune cavernicole sera difficile si on ne connaît pas leur histoire complète. Hirudines. — Fries a trouvé une Typhlohdella dans une grotte du Jura Suabe, mais ce n'est pas un troglobie. ÉMILE G. RAGOVITZA Botifères. — Signalés par Joseph dans les grottes du Karst comme représentés par quatre espèces, dont Lune très remar- quable et unique de son genre, ils iLont pas été retrouvés depuis. Le Rotifère troglobie est encore à découvrir. Turbellariés. — Plusieurs Planaires ont été signalées en Europe, Amérique, Nouvelle-Zélande, mais s’agit-il de troglobies ou de trogloxènes ? Voilà ce qu’il est encore impossible de savoir. Nématodes. — Ont été trouvés, rarement il est vrai, mais en Europe comme en Amérique. Leur étude n’a pas encore été faite. Hydraires. — Fries a trouvé une Hydra absolument inco- lore et Joseph décrit une espèce nouvelle et douteuse de ce genre. Spongiaires. — Joseph, qui a trouvé des représentants cavernicoles de tous les groupes imaginables, se devait à lui- même de découvrir aussi une éponge souterraine. Il n’y manqua point et la décrivit sous le nom de Spongilla stygia. Protozoaires. — On s’est à peine occupé des Protozoaires des cavernes. C’est naturellement Joseph qui fit les plus belles découvertes dans ce groupe aussi, mais ses déterminations sont très sujettes à caution. Ce qui est certain, c’est que les Proto- zoaires ne manquent pas dans le domaine souterrain, surtout dans les endroits où le guano est abondant. On en a signalé aussi de fixés sur le corps d’autres animaux cavernicoles. Parasites. — Voilà une véritable lacune dans l’étude des Cavernicoles ; nous ne savons presque rien sur les Parasites des habitants du domaine souterrain et pourtant le sujet peut être intéressant. Il est possible, en effet, que les Parasites à migration, n’ayant pas trouvé dans le monde souterrain, — à population spécifique et générique restreinte, — les hôtes intermédiaires qui, dans le monde superficiel, ne leur font pas défaut, aient dû se livrer à des adaptations nouvelles. Quoi qu’il en soit, voici quelques exemples de Parasites trouvés dans les grottes. LES PROBLÈMES BIOSPÉOLOGIQUES 449 Des Champignons (Laboulbeniacés) ont été trouvés s'atta- quant aux Coléoptères cavernicoles. On trouve souvent sur les parois ou sur le sol des grottes des Nycteribie et des Eschatocephales qui sont ectoparasites des Chauves-souris ; des Puces de Mammifères ont été rencontrées dans la poussière du sol. Il est démontré que certaines larves d' Acariens se fixent sur les Coléoptères cavernicoles. Coper a décrit un Lernéen ectoparasite d ’Amhlyopsis. On a mentionné aussi des Protozoaires qui seraient fixés sur les branchies du Protée et sur différents Animaux aquatiques ou terrestres, mais on ignore si ce sont des Parasites. Plantes. — Des Phanérogames, des Cryptogames vascu- laires, des Mousses et Lichens poussent volontiers à l'entrée des grottes ; certains se rencontrent assez loin dans l'intérieur sans atteindre pourtant l'obscurité complète. Ces Plantes présentent des modifications nombreuses dans leur forme, leur structure, et même leur mode de propagation ; mais ces adaptations sont individuelles et non héréditaires. Il n'existe aucun représentant de ces groupes qui puisse être con- sidéré comme cavernicole. On trouve quelques Algues et d'assez nombreux Champignons vivant à l'obscurité complète. Mais il ne paraît exister ni Algue ni Champignon exclusivement cavernicole. Maheu (1906) pré- tend même que les Champignons des cavernes ne peuvent se reproduire indéfiniment, car tous montrent une tendance mani- feste vers l'atrophie des organes de reproduction. Si cette conclusion de Maheu ne comporte pas d'exception, il faudrait considérer les Plantes trouvées dans les cavernes comme des habitants occasionnels, des trogloxènes, et on ne pourrait plus parler d'une Flore cavernicole. Bactéries. — Les hygiénistes ont démontré que les Bactéries peuvent traverser, avec les eaux courantes, de vastes espaces souterrains et résister à de longs séjours souterrains, mais on ignore s'il existe des Bactéries vraiment troglobies. ÉMILE G. RACOViTZA 450 VIII. Modalités de l’évolution des Cavernicoles. Nous avons examiné, dans les pages qui précèdent, l'impor- tance du domaine souterrain, les conditions d'existence qu'il offre aux êtres vivants, l'influence que ces conditions peuvent exercer , les caractères taxonomiques qui résultent de ces influences, et enfin la composition de la faune et de la flore cavernicoles. Il nous reste à examiner toute une série de ques- tions du plus haut intérêt, mais qui, faute d'études appro- fondies, sont encore plus éloignées de leur solution que les pré- cédentes. Voyons en premier lieu comment s'est opérée la transforma- tion des Epigés en Cavernicoles, comment ont été acquis ces caractères spéciaux qui sont la résultante du séjour dans le domaine souterrain, en un mot, voyons comment les êtres sou- terrains se sont adaptés à leur habitat. Cette question, lorsqu'on lui donne son sens général, se pose pour tous les êtres de la terre. Je ne puis donc pas la traiter ici. Je vais exposer seulement, et d'une façon succincte, ce qu'il en a été dit à propos des êtres souterrains. Les opinions les plus diverses ont été émises au sujet de la rapidité avec laquelle s'est opérée la transformation des Caver- nicoles. Darwin (1859) et les naturalistes de son école soutiennent qu'il faut d'innombrables générations pour qu’un être puisse acquérir les caractères qui en font un Cavernicole. Packard (1889 et 1894) soutient que cette transformation s'est effectuée rapidement, en quelques générations, et pour mieux illustrer sa manière de penser il prend un exemple con- cret, un Tr échus, dont il conte l'étonnante histoire. Nous revien- drons plus loin (p. 454) sur cette terrible tragédie biologique. Eigenmann (1900) admet, en certains cas, une transforma- tion brusque se faisant par sauts (Saltatory variation). Ces trois opinions paraissent inconciliables. En réalité, elles peuvent être admises toutes les trois, car s'il n'est pas possible 451 LES PROBLÈMES BIOSPEOLOGIQUES de soutenir que tous les Cavernicoles se sont adaptés par trans- formation lente, ou par transformation rapide, ou par muta- tions, il faut admettre que les trois modes d'évolution se ren- contrent dans rhistoire des adaptations subies par les habitants du domaine souterrain. Chacun de ces trois modes peut avoir caractérisé révolution d'une espèce, mais aussi l'évolution d'un seul organe. Et il n'est pas absurde d'imaginer que l'histoire évolutive d'une espèce puisse comporter, dans la transformation des différents organes, les trois modes à la fois. Dans la rapidité de la transformation, un fait paraît jouer le rôle capital : c'est l'importance de l'organe dans l'économie de l'animal et son ancienneté phylogénétique, en d'autres termes, l'intensité de sa « mémoire » héréditaire. Plus un organe est important dans l'économie de l'organisme, plus longue est la lignée d'ancêtres qui l'ont transmis, et plus la résistance qu'il offre aux influences du milieu est grande, plus par conséquent son adaptation sera lente. Ainsi, il est certain que le Protée vit dans le domaine sou- terrain depuis bien plus longtemps que beaucoup de Crustacés qui sont devenus aveugles, et pourtant ses yeux n'ont pas com- plètement disparu. L'histoire de l'appareil optique du Protée nous offre un exemple d'évolution lente, comme la demande Darwin. Les expériences de Fries (1873) et de Viré (1904) ont dé- montré que l'œil d'un Gammarus vivant à l'obscurité pendant un an montre des signes incontestables d'atrophie. Il est donc permis de conclure que la cécité des Niphargus, Asellus,e te., cavernicoles est due à une évolution très rapide, telle que l'ima- gine Packard. On lit dans Viré (1899) que des Crustacés soumis à l'obscu- rité ont présenté, au bout de trois mois, un allongement brusque des bâtonnets olfactifs. Voici donc un cas de variation salta- toire. Si cette variation était héréditaire, nous aurions affaire à une mutation. Les Plantes souterraines montrent aussi des ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GEN. 4e SÉRIE. T. VI. (vil). 32 452 ÉMILE G. RACOVITZA changements brusques dans leur port et leur structure, mais il a été démontré que ces changements ne sont pas héréditaires. Ces exemples suffisent pour montrer que les trois procédés évolutifs sont également possibles. On peut, de plus, s'attendre à rencontrer ces procédés simultanément, dans l'histoire d'un même Animal, pour ses différents organes. Enfin il est absolu- ment démontré qu'il est impossible d'établir une règle étroite et exclusive pour l'ensemble des êtres cavernicoles. Il est tout aussi impossible d'admettre un processus unique des transformations des organes chez les Etres cavernicoles, et c'est à tort qu'on a essayé semblable généralisation. J'ai déjà fait remarquer que des organes analogues au point de vue fonc- tionnel peuvent être très différents au point de vue de l'ori- gine, du degré de développement et de l'importance dans l'éco- nomie d'une espèce ; par conséquent, leur histoire adaptative doit être très diverse. Prenons par exemple la transformation de l'appareil optique qui a été le mieux étudiée. Cinq opinions ont été exprimées à son sujet, chacune dans l'esprit de ses partisans devant s'appli- quer à l'ensemble de la forme cavernicole. On considère en effet que l'œil a disparu : 1° Par régression ; 2° par dégénérescence ; 3° par arrêt de développement ; 4° par la lutte des parties de l'organisme ; 5° par économie de nutrition. Kohl a cru conclure de l'étude d'un Poisson cavernicole américain que la disparition de l'œil était due à un arrêt de développement. Eigenmann (1899) me semble avoir démontré que cette interprétation n'était pas exacte ; il s'agit, en l'espèce, d'une régression. Packard (1889) et d'autres ont signalé chez les Crustacés des cas où l'œil n'est représenté que par quelques ocelles isolés ou bien par quelques cornéules. Dans ce cas il s'agit d'une véri- table dégénérescence. Si les études de Kohl sur l'oeil du Protée sont plus exactes que celles mentionnées plus haut, on aurait chez ce Batracien 453 LES PROBLÈMES BIOSPÊOLOGIQUES un cas d'arrêt de développement. Dans d'autres directions, on peut aussi, d'ailleurs, signaler des arrêts de développement ; c'est ainsi que peut être interprété, par exemple, le fait que la Pseudotremia cavernicole a moitié moins de segments que sa souche lucifuge Lisiopetalum, etc. Quant à la lutte des parties de l'organisme, elle pourra pro bablement être constatée dans les cas de dégénérescence. C'est à cette « lutte » que se rattache ce que Carpenter (1895) nomme « economy of nutrition », mais il cherche à baser son idée sur des arguments qu'on ne peut admettre : « There is a general tendency among cave -animais to a decrease in size, and their food supply is undoubtedly very limited. » Donc la dispa- rition d'un organe inutile sera avantageuse. Admettons cette conclusion, tout en niant la « general tendency », et la pénurie générale et permanente de nourriture. Concluons de tout ceci que les processus évolutifs qui se sont manifestés à l'occasion de la transformation des caverni- coles sont très variés, et que chaque organe et chaque espèce a son histoire évolutive particulière. Il nous faut maintenant examiner les facteurs qui ont agi dans l'évolution des Cavernicoles. Un premier facteur, et le plus important à mon avis, est l’influence directe du milieu combinée avec l'effet de l'usage ou du non-usage, et l'hérédité des caractères ainsi acquis. Darwin (1859) s'est rallié à cette interprétation de Lamarck, et Packard (1889), Chilton (1894), Eigenmann (1899), etc., l'admettent également. En réalité, ce qu'on appelle théorie de Lamarck ne me semble pas être une théorie, mais une cons- tatation de faits, dont nous ignorons l'intime essence et le méca- nisme qui les provoque, mais dont aucune considération théo- rique ne peut mettre en doute la nécessité. Il ne m'est pas pos- sible de m'étendre sur cette question qui n'est pas spécialement biospéologique. Un autre facteur est la sélection naturelle. Chose curieuse. Darwin (1859, pp. 149-152) lui-même nie son effet dans le 454 EMILE G. RACOVTTZA domaine souterrain : « Comme il est difficile de supposer que l'œil, bien qu'inutile, puisse être nuisible à des animaux vivant dans l'obscurité, on peut attribuer l'absence de cet organe au non usage. » D’autre part, il croit que la lutte pour l'existence ne s'exerce pas dans ce domaine. On a vu que cette idée est fausse. De plus, si la sélection naturelle peut ne pas s'exercer à l'occasion de la disparition de l'œil, elle peut agir dans l'évolu- tion progressive des organes des sens compensateurs pour l'im- possibilité de voir, et même dans d'autres adaptations. Packard (1889 et 1894) nie avec acharnement l'influence de la sélection. Je résume ici l’histoire des vicissitudes d'un pauvre Trechus, qui, s'égarant dans le domaine souterrain, se trans- forma en cavernicole, car cette histoire précise bien ses idées. Un Tr échus hypogé, habitué à creuser dans la terre, est entraîné « by various accidents », dans une crevasse ou grotte sombre dont il ne peut sortir avec ses propres moyens. Il est trop vigoureux pour périr, « and with perhaps already partially lucifugous habits », il vit et se reproduit, « finding just enough food to enable them to make a bare livelihood, and with just enough vigor to propagate their kind ». En peu de temps les descendants sont adaptés, et « they would live on weak, half fed, half blind, forced to make their asylum in such forbidding quarters ». Où y a-t-il place ici pour la sélection naturelle ? Obscurité « lack of suitable food and lack of destructive carni- vorous forms other than blind species themselves». Nous avons affaire à des facteurs purement physiques qui travaillent dans une seule direction, la destruction des yeux. C'est un vrai cas de Lamarckisme : changement de milieu, non usage, isolement. Cette histoire de Trechus me paraît une légende, que je ne puis m'empêcher de qualifier d'enfantine, malgré l'estime que je professe pour un naturaliste comme feu Packard. La vraie histoire de son Trechus me paraît être la suivante : Lucifuge et plus ou moins compensé, il immigra volontairement dans le domaine souterrain, parce qu'il y trouvait des avantages : humi- dité perpétuelle et température constante. Loin de crever de LES PROBLÈMES BIOSPÉOLOGIQUES 455 faim, il lui arriva maintes fois de faire ripaille, ce qui éveilla en lui les tentations de la chair, qui, satisfaites, fournirent copieuse progéniture. Il combattit courageusement ses féroces ennemis et vaillamment il fit concurrence à ses semblables ; et si maintenant il est un personnage marquant dans la popu- lation cavernicole, c'est parce que l'influencé du milieu a per- fectionné ses aptitudes héréditaires, et parce que la sélection naturelle a augmenté l'efficacité de ses armes d'attaque et de défense. Ohilton (1894) raconterait cette histoire de Trechus presque de la même façon, car, tout en admettant l'importance de l'in- fluence du milieu, et celle de l'usage et du non-usage, il croit à l'existence de la sélection naturelle. Hamman (1896) la nie, à tort comme on l'a vu. Lankester (1893) occupe un rang à part dans cette question. Il prétend qu'on n'a pas encore démontré la transmission des caractères acquis, que, par conséquent, on ne peut recourir à cette explication. D'ailleurs, la sélection naturelle explique faci- lement la cécité des Cavernicoles, et de la façon suivante : Beaucoup d'Animaux naissent fortuitement avec des yeux défectueux ; en supposant qu'une bande d'Animaux est en- traînée par hasard dans les grottes ou dans les abîmes marins, ceux qui ont de bons yeux reviendront vers la lumière, les autres resteront dans les parages obscurs et y feront souche de malvoyants. A chaque génération la même sélection s'opérera et le résultat final sera une population d'aveugles. Eigenmann (1898) a durement reproché à Lankester cette théorie. Il dit, en effet, qu'elle est basée sur deux faits : « the authors lack of knowledge about caves and liis disregard of the nature of the animais inhabiting them ». Quoi qu'il en soit, il est certain qu'elle est insoutenable. Tous les cavernicoles, aveugles ou non, sont lucifuges et descendent presque tous de souches également lucifuges. Les Animaux des cavernes ne sont pas aveugles et compensés pour l'impossibilité de voir parce qu'ils se sont « égarés » dans les 456 ÉMILE G. RACOVITZA cavernes ; ils sont volontairement entrés dans les cavernes parce qu’ils étaient déjà plus ou moins aveugles et plus ou moins compensés pour l’impossibilité de voir. De plus, le peu d’obser- vations que nous possédons sur le développement des Caver- nicoles aveugles montrent que les jeunes ont un appareil optique plus perfectionné que les adultes ( Proteus , Troglocaris, Gambarus). Cette dernière objection, déjà soulevée par Cunningham (1893) et Boulanger (1893) détruit les derniers doutes qui auraient pu subsister sur la fausseté de la théorie de Lankester. Un troisième facteur, invoqué par Weismann, est l’arrêt de la sélection naturelle et sa conséquence, la panmixie. Il n’y a aucune objection de principe à lui opposer ; la panmixie est dans les choses possibles, quoiqu’il soit difficile de l’observer directement, mais son efficacité doit être bien faible. Voyez ce qui se passe pour le Protée, qui est un des plus anciens habitants du monde souterrain, et qui, pourtant, n’a pas complètement perdu ses yeux, malgré la panmixie. Si, d’une part, elle peut répandre l’effet de certaines variations dues à la cessation de la sélection naturelle, elle diminue les chances de conservation de beaucoup d’autres variations. Somme toute, son importance ne me paraît pas considérable. Quant aux autres vues théoriques des Weismanniens, des- tinées à expliquer les variations sans l’aide de l’hérédité des caractères acquis, qu’ils nient, mieux vaut ne pas en parler. Piochard DE la Brûlerie (1872) et Packard (1889) invo- quent avec raison un autre facteur : l’isolement ou ségrégation, mais ce dernier exagère, non pas son importance, qui est extrême pour la constitution de nouvelles espèces ou variétés, mais sa rigueur dans le domaine souterrain. Certes, si l’on admet comme lui que les Cavernicoles sont' des Lucicoles entraînés par acci- dent dans les cavernes, brusquement séparés de leur souche par la profondeur des gouffres, on doit logiquement considérer l’isolement comme absolu dès le moment de l’accident ; mais l’on a vu que cette conception n’est pas soutenable. La vérité est toute autre. Les Lucifuges qui ont fourni les immigrants LES PROBLÈMES BIOSPÉOLOGIQUES 457 cavernicoles habitent soit les fentes et abris des lapiaz, soit les entrées de grottes, soit les eaux en continuité directe avec les eaux souterraines. Au commencement il y a certainement non isolement, mais promiscuité ; on peut, d'ailleurs, le constater directement pour les très nombreuses espèces qui vivent indif- féremment dans les grottes et à l'extérieur. Donc, au début de l'immigration, la transformation doit être lente, la panmixie tendant à détruire ce que l'influence du milieu et l'effet de l'usage ou non usage ont pu produire en fait d'adaptation au domaine souterrain ; mais, dès que la nouvelle colonie est arrivée à une certaine profondeur, l'isolement peut se produire et la transformation doit être rapide. L'isolement peut être brusque et absolu, lorsqu'il résulte d'une variation ou mutation qui empêche l'accouplement pour des raisons anatomiques ou physiologiques. Ce cas n'est pas spécial aux cavernes. Mais on peut imaginer des cas d'isolement qui sont sous la stricte dépendance des conditions d'existence que présente le domaine souterrain. L'obscurité ne doit pas jouer de rôle dans la question. Il en est autrement de la température et de l'humidité. Dans les pays où la sécheresse est périodique, l'époque de reproduction corres- pond à la saison humide, et dans les pays à hivers rigoureux il y a aussi une période sexuelle. La température et l'humidité constantes des grottes ayant probablement supprimé toute périodicité dans la maturité sexuelle des Cavernicoles, il peut résulter un isolement de cette différence entre la faune souter- raine et l'épigée. Enfin il faut mentionner un dernier facteur : la lutte des parties de l'organisme. Ce facteur, mis en valeur par Roux, peut, en certains cas, jouer un rôle important, surtout lorsqu'il s'agit d'organes déjà existants qui sont soumis à des influences qui leur sont contraires, et cela pour les faire disparaître. Mais son rôle est-il aussi important lorsqu'il s'agit d'organes favorable- ment influencés par le milieu ? Je ne le crois pas, parce que la- disparition de l'organe non utilisé ne profite pas directement à 458 ÉMILE G. RACOVITZA l'organe favorisé, mais seulement indirectement ; les agents spéciaux de destruction qui existent dans les organismes déver- sent les butins de leur victoire dans le trésor commun, s'ils ne les consomment pas pour leur propre compte. Mentionnons seulement pour mémoire la modification de la conception de Roux que Lendenfeld (1896) imagina à propos des travaux de Kohl sur l'œil des Vertébrés cavernicoles. Il ne me semble pas qu'il y ait antre chose à en dire. IX. Distribution géographique des Cavernicoles. Bedel et Simon (1875), dans leur excellent Catalogue des Articulés d'Europe, constatent que les grottes habitées se trouvent entre le 40° et le 60° de latitude nord. Cette conclusion, parfaitement légitime en 1875, s'est transmise sous forme de dogme jusqu'à nos jours. Beaucoup de biospéologistes croient qu'en dehors de la zone de Bedel et Simon il n'existe pas des grottes peuplées de vrais troglobies. Or, cette idée est certainement erronée. Il suffit de mentionner les trouvailles faites en Algérie, au Tonkin, dans la colonie du Cap, la Nouvelle-Zélande, le Mexique, le Texas, les Philippines, etc., pour arriver à une toute autre conclusion. Il existe des Cavernicoles partout où il y a des massifs cal- caires et des eaux souterraines. Certes, il y a des différences dans le peuplement des différentes régions, mais cela tient à des causes multiples et locales. Il n'est pas possible d'admettre, en l'état actuel de nos connais- sances, une cause générale qui puisse rendre azoïque une vaste portion du domaine souterrain. Si, jusqu'à présent, la faune cavernicole de la zone de Bedel et Simon est la plus riche et la plus variée, cela doit surtout tenir au fait que les grottes de cette zone ont été les seules bien étudiées. En Algérie, par exemple, dans les provinces d'Alger et de Constantine, beaucoup de grottes sont complètement sèches et azoïques, mais celles qui sont suffisamment humides sont par- 459 LES PROBLÈMES BIOSPÉOLOGIQUES faitement peuplées. Comme, d'autre part, les massifs calcaires n'y sont pas très nombreux, il est certain qu'on ne peut s'at- tendre à trouver dans ces pays une population cavernicole com- parable à celle du Karst autrichien ou des Pyrénées. Mais je suis convaincu que les massifs calcaires, vastes, suffisamment humides, et situés en dehors des zones polaires, doivent cacher dans leurs cavités une riche population cavernicole, quelle que soit leur situation géographique. Cette question préliminaire une fois examinée, il nous reste % à voir ce qu'on peut déduire de l'étude de la chorologie des Cavernicoles. Malheureusement, il faut convenir que nous ne savons presque rien à ce sujet ; les essais timides faits dans cette voie n'ont fourni que de vagues indications, d'ailleurs très sou- vent fausses. Je crois qu'il ne peut en être autrement, car toute étude chorologique me semble prématurée même pour le groupe le mieux étudié, les Coléoptères. Certes, on peut s'amuser à dresser des tables statistiques et disposer des noms en belles colonnes, mais l'importance d'un tel travail sera nulle. Pour faire œuvre sérieuse il nous manque, pour tous les groupes, un certain nombre d'études préliminaires indispensables : de bonnes révisions taxonomiques, des études sur l'origine et sur la filiation, sur l'éthologie, etc... A ces lacunes s'ajoute aussi l'absence presque complète de renseignements sur les régions situées en dehors de la zone de Bedel et Simon. Mais, même lorsque ces lacunes seront comblées, on ne pourra se livrer à l'étude chorologique des Cavernicoles pris en bloc ; car les faunes et les flores souterraines sont des faunes et des flores dérivées, formées par une agglomération d'êtres absolu- ment différents, dont l'origine, l'âge, l'ancienneté d'immigration sont très divers. On sera donc réduit à faire des chorologies spéciales pour chaque groupe homogène, ce qui ne sera pas moins intéressant. Ce que je viens de dire ne doit pas nous empêcher d'examiner quelques questions très générales dont la solution intéresse au plus haut point la chorologie des Cavernicoles. 460 ÉMILE G. RACOV1TZA X. Origine des Cavernicoles. Tout le monde admet que le domaine souterrain n/est pas un habitat primitif ; on est d'accord, par conséquent, pour consi- dérer les Cavernicoles comme des immigrants qui ayant quitté leur ancienne demeure ont eu à subir une adaptation plus ou moins profonde à leur nouvel habitat. Ces immigrants proviennent de plusieurs habitats épigés différents : leur origine est donc multiple. Origine terrestre. — La très grande majorité des Caver- nicoles est terrestre et dérive de souche terrestre. Je n'insiste point. Origine limnique. — Les faunes des eaux douces superfi- cielles ont beaucoup de représentants dans les eaux souterraines. On peut se demander si les crues, fréquentes dans le domaine souterrain, suivies de périodes d'assèchement, n'ont pas occa- sionné la transformation de formes aquatiques en formes ter- restres, étant donné que l'humidité constante qui règne dans les cavernes facilite singulièrement cette transformation ; je rappelle seulement le cas du Niphargus et du Copépode men- tionnés autre part (voir p. 419). Pour l'instant, on ne connaît pas de Cavernicoles vraiment terrestres auxquels on puisse assi- gner cette origine, mais la rencontre d'une semblable forme ne serait pas étonnante. Origine marine. — Les découvertes de ces dernières années permettent d'attribuer une origine marine à certains Caverni- coles d'eau douce. Le fait est certain pour Cruregens de la Nou- velle-Zélande, il l'est moins pour les Cirolanides et Sphaeromiens d'Europe et du Texas, car ces groupes ont des représentants limniques et l'on ignore encore la vraie filiation de ces Crus- tacés cavernicoles. Quant aux Poissons cavernicoles de Cuba, on peut jusqu'à nouvel ordre les considérer comme de souche marine. LES PROBLÈMES BIOSPÉOLOGIQUES 461 XI. Mode de peuplement du domaine souterrain. Il est nécessaire de résoudre une question préliminaire avant d'aborder l'examen des voies suivies par les E pigés dans leur immigration dans le domaine souterrain. Packard (1889), Lankestèr (1893), et beaucoup d'autres, pensent que le peuplement des cavernes est dû au hasard des accidents variés qui ont pu y entraîner des habitants des zones superficielles. Packard admet aussi que les Animaux de grande taille, et même l'Homme, ont pu contribuer à ce peuplement en transportant dans les grottes les petits Animaux ou les germes accrochés à leur surface. En un mot, les biospéologistes de cette école croient que l'immigration dans les cavernes a été involon- taire. Eigenmann (1898), Garman (1892), etc., pensent avec juste raison que cette immigration a été volontaire. Je ne veux point dire que l’immigration ne puisse en aucun cas avoir été involontaire. Je pense que le cas a pu se présenter dans certaines conditions. Il faut, en effet, faire une distinction parmi les espèces pouvant être entraînées dans les cavernes. Les êtres très inférieurs qui n'offrent pas d'adaptation spé- ciale aux habitats épigés, ont pu faire souche une fois entraînés par accident dans le domaine souterrain. Ainsi certains Oligo- chètes terricoles, par exemple, peuvent être transplantés sans dommage dans une grotte à sol convenable. Mais ces êtres n’ont que très rarement fourni de vrais troglobies ; ils forment la masse de ceux qui habitent indifféremment les domaines sou- terrain et épigé. D'autre part, nous avons vu que les Plantes, qui sont certainement et toujours entraînées par accident (eaux de ruissellements, vents, bois flottés, animaux sauvages, etc.) dans les grottes, ne paraissent pas avoir donné naissance à des formes spéciales. On voit donc que cette catégorie d’êtres épigés n’a pas con- tribué notablement à donner son caractère spécial à la faune 462 ÉMILE G. RACOVITZA des cavernes. Ce n'est d'ailleurs pas de ceux-là qu'il est question dans la théorie des Packard et Lankester. Il s'agit, en effet, des autres animaux plus élevés en organi- sation, comme les Arthropodes, Poissons, Batraciens, etc. Or, pour ceux-là je crois que l'immigration a certainement été volon- taire et progressive, sans pour cela exclure la possibilité de très rares exceptions ; il n'est pas difficile de le démontrer. Remarquons d'abord que, sauf exception douteuse, tous les Cavernicoles descendent de formes épigées lucifuges, à appareil optique plus ou moins réduit et à compensation plus ou moins parfaite pour l'impossibilité de voir ; ces formes étaient pour ainsi dire prédestinées à peupler les cavernes. Notons ensuite que journellement des représentants des formes vraiment pho- tophiles (Lépidoptères, Hyménoptères, etc.) sont entraînés dans le domaine souterrain, et pourtant aucun n'y a fait souche. D'autre part, les Animaux fixés, qui ne peuvent changer de place par eux-mêmes, n'ont pas colonisé les grottes. Et n'oublions pas, pour finir, que l'horreur de l'obscurité est un sentiment d'animal très supérieur, et que la lumière est moins indispen- sable à beaucoup d' Animaux qu'une température invariable et une humidité constante, et ce sont justement les importants avantages que les Cavernicoles sont allés chercher volontai- rement dans le domaine souterrain. Les voies d'accès qui ont servi à l'immigration dans les cavernes ont été, et sont encore, multiples. La principale, pour les Cavernicoles terrestres, doit être la fente. Les Animaux épigés lucifuges se cachent non seulement sous les pierres, mais dans les fissures des roches, et ils ne sont abondants et variés que là où la surface de la terre leur offre semblables abris. A ce point de vue, les régions karstiques sont particulièrement favorables ; car, d'une part, les fissures y sont innombrables et, d'autre part, l'érosion fournit en abondance les pierres plates si aptes à servir de confortables demeures. Il est vrai que dans les régions karstiques l'eau ne peut séjourner longtemps à la surface, et la sécheresse qui y règne LES PROBLÈMES BIOSPÉOLOGIQUES 463 est caractéristique de ces régions ; mais c'est justement ce fait qui est favorable au peuplement du domaine souterrain. Les Lucifuges superficiels sont, en effet, forcés de rechercher l'hu- midité nécessaire à leur existence dans la profondeur des mas- sifs calcaires. Cette descente des Animaux dans les profondeurs de la terre à la recherche de l'humidité, et aussi d'une tempé- rature convenable, est un phénomène absolument général. Dans les pays chauds, pendant la saison sèche, des fentes de retraits, quelquefois très grandes, se forment dans les terrains plastiques ; les animaux s'y réfugient et n'en sortent qu'aux premières pluies. Dans les régions karstiques, à cause de leurs vastes espaces souterrains, l'immigration périodique dans les profon- deurs s'est transformée plus souvent qu'ailleurs en séjour per- manent. Une voie d'accès, moins importante, qui a ouvert le domaine souterrain à l'immigration des Superficiels, est l'entrée des grottes. C'est par là qu'ont pénétré un certain nombre d'Ani- maux de grande taille, et tous ceux qui descendent de cette faune spéciale qui a choisi l'entrée des grottes comme habitat préféré. Les aquatiques ont eu aussi les deux voies d'accès à leur dis- position : la fente et les pertes de rivières ou de lacs. C'est par là qu'ils ont colonisé les niveaux d'eau et les lacs ou rivières souterraines. On pourrait croire que la colonisation des eaux souterraines s'est fait le plus souvent d'une façon involontaire, puisque les Animaux aquatiques ne peuvent, souvent, résister aux flots qui les entraînent. Je ne crois pas plus à l'efficacité de l'accident dans ce cas que dans l'histoire de la colonisation terrestre ; car les mêmes arguments peuvent être invoqués dans les deux cas. L'observation a d'ailleurs démontré qu'à l'entrée et à la sortie des eaux souterraines, les faunes lucicoles et cavernicoles demeurent confinées chacune dans son domaine, et pourtant les crues doivent souvent opérer des mélanges. Pour les animaux d'origine marine, c'est la fente qui a dû 464 ÉMILE G. RACOVITZA être la voie d'accès dans les niveaux d'eau souterrains. On sait qu'à l'exception des Poissons aveugles de Cuba, dont l'histoire n'est pas connue, tous ces Animaux sont très petits. Ils ont donc pu facilement passer à travers les fissures des niveaux d'eau qui souvent se déversent sous le niveau de la mer. Quand l'eau de ces niveaux est sous pression à cause des crues, l'eau douce refoule l'eau de mer ; en temps de sécheresse c'est, au contraire, l'eau salée qui pénètre dans les couches perméables qui affleurent sous le niveau de la mer. Il existe donc une zone qui présente souvent, de la mer vers la terre, un dessalement progressif des eaux, circonstance éminemment favorable à l'émi- gration des animaux d'un milieu dans l'autre. Les grandes sources sous-marines des régions karstiques peuvent aussi servir de voie d'accès dans les rivières souter- raines ; l'on a constaté chez quelques-unes le même renverse- ment dans le sens du courant que dans les niveaux d'eau. XII. Epoque de peuplement du domaine souterrain et ancienneté des Cavernicoles. Avant de chercher à savoir si les Cavernicoles sont d'origine ancienne ou d'origine récente, il faut discuter la question de l'âge des cavernes ; il faut examiner, en effet, depuis quand l'habitat souterrain est prêt à recevoir les colons du domaine superficiel. Constatons d'abord que dans toutes les périodes géologiques se sont formés des calcaires et des roches pouvant contenir des niveaux d'eau. Il est certain, ensuite, que les agents qui actuel- lement travaillent à l'établissement d'un domaine souterrain travaillèrent aussi aux époques antérieures. Il ne nous est pas permis d’affirmer, ou même de supposer, qu'un massif calcaire ait été moins fissuré et moins attaqué par les agents atmosphé- riques pendant les époques primaire, secondaire ou tertiaire qu'il ne l'est actuellement, et il en est de même pour la circula- tion des eaux souterraines et pour la formation de rigoles habi- tables dans les niveaux d'eau. 465 LES PROBLÈMES BIOSPEOLOGIQUES Il suffit d'avoir indiqué qu'à toutes les époques les mêmes agents ont travaillé qualitativement de la même manière les mêmes matériaux pour conclure qu'un domaine souterrain habi- table a toujours existé, et que, par conséquent, il n'y a aucune raison de croire que les Cavernicoles aussi n'aient pas existé. Mais il n'en résulte nullement que le même domaine souterrain et que les mêmes Cavernicoles ou leurs descendants se soient perpétués jusqu'à nos jours. Or, c'est justement ce qu'il faudrait savoir ; c'est cette continuité à travers les périodes géologiques qui offre seule un intérêt capital. Un exemple concret fera mieux saisir ma pensée. Prenons un massif calcaire d'âge dévonien. Nous sommes sûrs qu’une fois émergé il a dû être façonné par les agents atmosphériques, et que très rapidement il a dû être rempli de fissures et de cavernes. Nous pouvons également admettre que le nouveau domaine souterrain a été peuplé par des êtres variés. Mais peut- on admettre que le domaine souterrain contenu dans les flancs de ce massif calcaire ait pu subsister et offrir des conditions d'existence suffisantes depuis cette époque jusqu'à aujourd'hui sans interruption ? En d'autres termes, pouvons-nous espérer trouver des grottes datant du carboniférien et peuplées depuis cette époque par les descendants des premiers colons % L'observation directe a fourni fort peu de données relatives à ce problème ; il est vrai que cette question n'a pas suffisam- ment occupé les géologues. Martel (1903) cite une grotte comme étant certainement antérieure au pliocène moyen, puisqu'on a trouvé à son intérieur des dépôts de cet âge. C'est l'âge le plus ancien qu'on puisse attribuer avec assurance à une grotte non comblée. Parmi les grottes comblées on en trouve datant d'épo- ques bien plus anciennes. Martel et van den Broeck (1906) en citent qui furent remplies par des dépôts tongriens ; les phosphorites du Quercy sont déposés dans des fissures existant déjà au début de l'époque tertiaire. On ne peut donc pas par l'observation directe démontrer l'existence de grottes habitables très anciennes. 466 EMILE G. RAGOVITZA On peut alors se demander si l'existence de semblables grottes est possible à imaginer, car plusieurs conditions, qu'il doit être difficile de rencontrer réunies, sont nécessaires pour que pareille éventualité puisse se produire. Il faut d'abord supposer l'existence d'un massif calcaire très ancien, ayant été constamment émergé et n'ayant pas subi de trop puissantes actions géomorphogéniques. Il faut que ce massif n'ait pas été recouvert par d'autres dépôts qui auraient pu le protéger contre l'action des agents atmosphériques. Il faut aussi, pour la continuité de la faune, qu'il ait été situé en dehors des zones ayant subi des périodes glacières. Il faudrait également savoir si un semblable massif calcaire, constamment émergé et non protégé par une couverture d'autres terrains, aurait pu résister à l'action des agents atmosphériques. On sait la puis- sance avec laquelle la corrosion et l'érosion agissent sur le calcaire ; aussi peut-on se demander si notre massif n'aura pas été assez rapidement transformé en totalité en terra rossa. C'est le devoir des géologues de nous renseigner d'une façon précise sur ce sujet ; en attendant, on peut admettre que les grottes très anciennes doivent être fort rares, mais qu'à partir de l'époque tertiaire elles ont pu fréquemment se conserver jusqu'à nos jours. En supposant connu l'âge d'un certain nombre de grottes, il ne faudrait pas conclure que les plus anciennes sont peuplées par les faunes les plus archaïques, et les plus récentes par les faunes les plus jeunes. Des Cavernicoles peuvent être plus anciens que la grotte qu'ils habitent actuellement, car ils ont pu émigrer d'une autre région du domaine souterrain. D'autre part, la faune d'un massif calcaire peut être beaucoup plus récente que le massif lui-même; un événement a pu s'accomplir, qui, tout en ne causant aucun dommage au calcaire, a pu com- plètement détruire l'ancienne faune et laisser le terrain vierge pour une colonisation nouvelle. Les périodes glacières anciennes (on en a signalé de permiennes) et récentes ont pu jouer ce rôle. Ces considérations, et ce ne sont pas les seules, suffisent pour LES PROBLÈMES BIOSPÉOLOGIQUES 467 montrer combien la question de Pancienneté des Cavernicoles est difficile à résoudre si Ton prend en considération Pâge de Phabitat. Elle n'est pas plus facile si Pon s'adresse aux Caver- nicoles eux-mêmes. Pour cette étude, comme pour tout ce qui touche aux Cavernicoles, on s'aperçoit très vite qu'on n'a pas affaire à un groupement homogène mais à un assemblage hété- rogène de formes qui ont chacune leur histoire particulière. En effet, dans la même région du domaine souterrain, on peut rencontrer toutes les catégories suivantes : I. Des êtres qui habitent indifféremment les grottes et les abris superficiels. II. Des Cavernicoles strictement limités au domaine souter- rain, mais qui possèdent des parents très proches dans le domaine épigé de la même région. Ces deux catégories sont, en général, composées de Caver- nicoles plus ou moins récents. III. Des Troglobies qui ont une extension géographique plus vaste que leurs proches parents lucieoles. IV. Des Troglobies dont les parents n'existent que dans un habitat différent. Ces deux dernières catégories sont composées de Cavernicoles plus ou moins anciens. Même entre êtres d'une même catégorie, il peut y avoir des différences d'âge considérables. Il est donc absolument impossible de parler, si Pon veut user d'une certaine précision, de « Pâge de la faune cavernicole » considérée comme un bloc, car chaque forme a son histoire particulière. Pourtant Packard (1889) soutient que toute la faune caver- nicole du monde entier est très récente, qu'elle date du com- mencement de la période quaternaire, et il croit devoir ne pas lui accorder plus de dix à quinze mille ans d'existence. Chilton (1894) est plus prudent ; il admet la possibilité d'une faune plus ancienne que le commencement du quaternaire, mais il croit aussi qu'en général l'ensemble est très récent. Il assigne ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. 4e SÉRIE. T. VI. (vil). 33 m ÉMILE G. RACOVITZA à la faune qu'il a découverte dans les niveaux d'eaux de la plaine de Canterbury (-Nouvelle-Zélande) un âge post-pliocène, le même que celui de la plaine elle-même, ce qui ne me semble pas abso- lument démontré. Je pense que du moment que là faune cavernicole de Canter- bury n'a pas de parents épigés, vivant actuellement dans la région, il faut lui attribuer un âge bien plus considérable ; l'âge de l'habitat, comme je l’ai dit plus haut, ne suffit pas pour fixer, sans autre considération, l'âge de la faune, surtout lorsqu'il s'agit de faune limnique. Carpenter (1895) constate aussi la vaste dispersion de cer- taines espèces cavernicoles : Amérique du Nord, Irlande, Médi- terranée. Il croit que les grottes (et par ce mot il ne comprend, comme tous ces contemporains, que les macrocavernes à l'ex- clusion des autres régions bien plus importantes du domaine souterrain) sont récentes, tandis que la communication entre ces diverses régions doit être plus ancienne. Donc, il trouve l'explication dans la transformation convergente des souches sous l'influence des mêmes facteurs. Il déclare que si ses déter- minations spécifiques sont exactes « we shall hâve proof that the indépendant development of the same species under similar conditions, but in widely distant localities, hâve taken place ». Tout en ne niant pas le rôle possible des phénomènes de convergence dans l'histoire de quelques Cavernicoles, je ne puis admettre ni l'universalité de son action, ni les conséquences qu'en tire Carpenter. On verra plus bas que, si beaucoup de grottes peuvent être considérées comme récentes, il ne s'en suit pas qu'un domaine souterrain habitable n'ait pas existé avant elles. Les cas bien établis de vaste répartition d'un groupe caver- nicole ( Gambarus , Proteus, etc.) sont certainement une preuve de l'ancienneté de ces formes et la convergence, portant sur autre chose que les quelques caractères d'adaptation à la vie souterraine, ne peut entrer en ligne de compte. De plus, il est inexact que les cavernes offrent partout exactement les mêmes LES PROBLÈMES BIOSPÉOLOGÏQUES 469 conditions d'existence ; il est donc difficile de concevoir une évolution convergente capable de produire des espèces iden- tiques dans des régions très éloignées l'une de l'autre. Ces quelques objections rendent inacceptables, me semble-t-il, les idées de Carpenter. Peyerimhoff (1906) a tout récemment proposé une sédui- sante théorie pour fixer l'âge des Cavernicoles terrestres. Il commence par constater que la sécheresse et l'humidité jouent un rôle capital dans la vie des Cavernicoles, et que les cavernes n'ont été habitables que vers le début du quaternaire. Or, à l'époque moustérienne le climat était constant et humide ; les souches de nos Cavernicoles pouvaient habiter la surface de la terre. Dans la période suivante, le Solutréen, le climat devient sec et variable, et les cavernes s'assèchent pro- gressivement. Les espèces délicates, incapables de s'adapter à ce changement climatérique, disparaissent ou émigrent, « quel- ques-unes remontent sur les hauteurs nuageuses et bien arro- sées, ou restent dans les anciennes forêts ; d'autres pénètrent dans les cavités du sol où le climat moustérien s'est conservé jusqu'à nos jours. Les formes grandes et agiles peuplent les cavernes ; les formes petites et lentes se contentent du sol et des crevasses. » Le peuplement des cavernes s'est constamment poursuivi depuis : « Au fur et à mesure du dessèchement de l'atmosi-ffière, il a porté sur des espèces de plus en plus résistantes ; ainsi, le degré de résistance à la sécheresse extérieure, s'il était suscep- tible de mesure, pourrait dater l'immigration des diverses formes souterraines. La faune aquatique est peut-être beaucoup plus ancienne que la terrestre. Je crois que si Peyerimhoff avait essayé d'écrire l'histoire d'un groupe homogène de Cavernicoles (et c'est la seule manière, à mon avis, d'arriver à un résultat certain en biogéo- graphie) il aurait été bien embarrassé pour faire usage de son hypothèse, car nombreuses sont les objections de détail qu'on 470 EMILE G. RACOVITZA peut opposer à sa manière de voir. Il existe aussi des objections plus générales ; je veux en mentionner quelques-unes ici. Remarquons d'abord que son hypothèse ne peut s'appliquer qu'à une partie restreinte de la surface terrestre, et qu'il y a des cavernicoles partout. Il n'est pas exact de dire que le domaine souterrain n'était pas habitable pendant la période humide ; certes, le niveau des vallées était plus élevé, mais il est impossible d'en conclure que les massifs calcaires étaient complètement submergés. Si l'on peut admettre que la zone hydrostatique active était au niveau des grottes actuelles, il est non moins certain qu'il y avait au- dessus une zone non submergée, remplie de fentes et de grottes habitables, qui a été en partie ou totalement enlevée par l'éro- sion. D'ailleurs, que seraient devenues les Chauves-souris dont les plus anciens restes sont éocènes ! Auraient-elles modifié leurs mœurs, ou auraient -elles émigré vers des pays plus secs pour revenir ensuite ? Il n'est pas permis de le supposer. Les cavernes sont aussi habitées dans les pays pluvieux que dans les pays secs, dans les anciennes forêts humides que dans les causses nus. Certes, l'humidité joue un rôle très important dans la bio- logie des Cavernicoles, et c'est avec raison que Peyerimhoff insiste sur son importance, mais il n'est pas possible de la con- sidérer comme l'unique raison du peuplement de cavernes. Ce peuplement est dû à des causes multiples et spéciales à chaque souche de Cavernicoles. Est-il bien certain que la recherche de l'humidité ait été la cause de l'immigration des Locustides et de beaucoup d'Aranéides cavernicoles, par exemple ? Est-il bien démontré que dans les régions épigées sèches il n'y ait pas d'animaux aussi sensibles à l'assèchement que le plus sensible des Cavernicoles ? Et si de semblables animaux peuvent trouver le moyen de se défendre contre l'assèchement, sans descendre dans le domaine souterrain, est -il possible d'admettre que le degré de la résistance à la sécheresse peut dater l'immigration des Cavernicoles ? 471 LES PROBLÈMES BIOSPÉOLOGIQUES On connaît des Cavernicoles terrestres dont la présence on la répartition dans le domaine souterrain ne peut s'expliquer que par des conditions géographiques antérieures au pléistocène. Ainsi Phalangodes est un représentant de la faune tropicale, et il est parfaitement isolé en Europe. Anophthalmus existe aussi bien en Amérique qu'en Europe et, à moins de se rabattre sur la « convergence », il faut bien admettre entre les deux régions des relations continentales, qui ont effectivement existé mais avant le pléistocène. On trouvera dans un mémoire sous presse la description des formes archaïques d'Isopodes terrestres qui n'ont pas de parents dans la faune actuelle, etc. J'en conclus qu'on ne peut, pour fixer l'âge des Cavernicoles, se servir de l'attrayante hypothèse de Peyebimhoff, même si l'on considère uniquement la faune européenne ; cependant, parmi les idées qu'elle contient, il y en a qui se trouveront pro- bablement réalisées dans l'histoire de certains Cavernicoles. Et j'arrive derechef à l'idée déjà exprimée que la faune caver- nicole terrestre, comme l'aquatique, est un mélange de formes d'âges très différents où les très anciennes, antéquarternaires, ne peuvent pas manquer. J'accorde cependant volontiers que les formes archaïques sont plus nombreuses parmi les aquatiques. Et, dans mon idée, cela tient surtout à l'aire de dispersion plus grande et aux chances de destruction moindre des lim niques. Garman (1892), Lendenfeld (1896), Carpenter (1895), Viré (1901), Hay (1902), etc., admettent plus ou moins expli- citement l'existence de formes très anciennes dans les cavernes, et très nettement des formes antérieures au pléistocène. D'ailleurs, parmi la faune d'eau douce les formes anciennes abondent. Inutile de citer des exemples, car presque tout le monde est d'accord à leur sujet. Leur nombre, au fur et à mesure des progrès de la biospéologie, ne peut manquer d'augmenter beaucoup, à en juger par les résultats obtenus dans ces dernières années. Pour résoudre la question de l'âge des Cavernicoles, il fau- drait pouvoir aussi s'adresser aux données de la paléontologie ; 472 ÉMILE G. RACOVITZA malheureusement, on ne connaît guère de Cavernicoles fos- siles. Dollfus (1904) a cependant décrit un genre nouveau fossile d'Tsopode terrestre (Eoarmadi l lidium ) trouvé dans une brèche, probablement tertiaire, d'os de Chauve-souris. Il hésite à considérer cet Isopode comme cavernicole, parce qu'il est oculé et qu'il n'existe pas d ’ Armadillidium cavernicole ; cette dernière raison n'est pas valable, puisque Verhoeff (1900) en a décrit une espèce des grottes de l'Herzegovine. Je viens d'établir que les formes anciennes ne sont pas rares dans le domaine souterrain, et que souvent ce sont les relicta d'un groupe actuellement disparu de la contrée et qui avait aupa- ravant une répartition plus vaste. Examinons maintenant pourquoi ces Animaux se sont con- servés dans les cavernes et quelles sont les causes qui les ont fait disparaître ailleurs. Les problèmes que soulèvent ces questions, qui se posent aussi pour d'autres faunes, sont très complexes et toujours difficiles à résoudre ; dans le cas des Cavernicoles, l'absence des données nécessaires est telle qu'il est même impos- sible actuellement d'entrevoir leur solution prochaine. Cela ne nous avance guère de dire avec Viré (1889, p. 112) : « Le milieu des cavernes est un des milieux les plus constants qui existent : une fois accomplies les modifications dues à l'obs- curité, l'animal ne doit plus, a 'priori , subir d'autres changements notables, ce qui explique et justifie (sic) la présence d'espèces disparues partout ailleurs. » D'une part, en effet, on ne peut actuellement démontrer qu'il existe de ces relicta qui ne diffèrent de leur souche épigée que par les caractères spéciaux dus à l'adaptation cavernicole. On peut constater, au contraire, entre ces Cavernicoles et leur souche lucicole, des différences d'ordre spécifique, et même génériques, autres que les caractères adaptatifs à la vie obscuricole. Le « milieu des cavernes » n'est donc pas si constant que le veut Viré ; je vais, d'ailleurs, signaler, dans le chapitre suivant, des causes nombreuses de variations qui ont dû l'affecter dans le cours des époques géologiques. 473 LES PROBLÈMES BIOSPÉOLOGIQUES D'autre part, on connaît des relicta aussi dans le domaine épigé. Dans tous les habitats, même les moins constants, les faunes actuelles sont un mélange de formes anciennes plus ou moins modifiées, ayant persisté, et de formes récentes très diffé- rentes de leur souche. Il convient donc de ne pas suivre Viré (1904a) qui commu- nique à l'Académie des sciences de Paris, parmi ses « conclusions en grande partie nouvelles », que la présence des Animaux dont il est question, dans les cavernes, démontre que « c'est là un point important pour les doctrines de l'évolution, en ce sens que l'on constate ainsi la transformation et la disparition d'une forme si le milieu vient à se modifier trop profondément, ou, au con- traire, la permanence même à travers les périodes géologiques si, au contraire, le milieu reste constant », car, si cette conclusion est vraie dans son sens général, — et alors sa paternité doit, il me semble, être attribuée à Lamarck, — en tant qu'explication de la persistance des formes anciennes dans les cavernes, elle est en général fausse. Les facteurs qui peuvent modifier la répartition géographique d'une espèce ne sont pas seulement les facteurs climatériques ou physiques. Il y en a d'autres, biologiques, dont l'importance est souvent extrême. Gambarus, en Europe, n'a pas de parents lucicoles. Peut-on affirmer que ce sont les facteurs physiques qui ont fait disparaître la souche épigée ? En aucune façon , puisque Gambarus a persisté en Amérique, aussi bien à la surface que dans les cavernes, et que sa patrie, l'est des Etats-Unis, a subi les mêmes vicissitudes climatériques que l'Europe. N'est-il pas plus logique de supposer que les Gambarus épigés d'Europe ont disparu devant Astacus , et que le représentant cavernicole du genre a persisté, car il n'avait pas semblable ennemi à com- battre dans son domaine (1) ? Et ne pourrait -on pas écrire sem- blable histoire pour Proteus ? (1) Astacus est répandu en Europe, Sibérie, Corée, Japon et dans les Etats-Unis d’Amé- rique à l'ouest des Montagnes Rocheuses. Gambarus habite le Mexique et les Etats-Unis à l’est des Montagnes Rocheuses. ORTmann (1902) pense que Astacus a envahi l’Amérique du 474 ÉMILE G. RACOVITZA Viré (1899, 1901, etc.) a tiré ses conclusions de Eétude d'un groupe d'Isopodes qu'il considérait à tort comme homogène. Ses spéculations phylogénétiques et paléontologiques sont donc illégitimes. Ces Crustacés sont-ils tous des formes anciennes ? Cela n'est pas du tout certain. Dérivent-ils directement de formes marines ? Viré l'affirme, mais il n'est pas encore possible de le savoir, car les Oirolanides, comme les Sphaeromiens, ont des représentants actuels d'eau douce et d'eau saumâtre, et l'histoire réelle des différentes formes ne peut être précisée faute d'études suffisantes. Les Sphaeromiens cavernicoles (Monolistra, Caecosphaeroma, Vireia et Spelaeosphaeroma) (1) forment un groupe très homo- gène, et sont très probablement étroitement alliés entre eux. Tous proviennent des bassins des eaux tributaires de l'Adria- tique et de la Méditerranée occidentale, et n'ont pas été trouvés ailleurs. Ils paraissent avoir des affinités avec Campecopea, qui pourtant est une forme marine boréale. L'homogénéité du groupe et son étroite localisation suggèrent plutôt l'idée d'une origine monophylétique. Leur forme indique qu'ils ne sont pas adaptés à vivre dans les fentes étroites, mais dans de larges espaces aquifères, comme les lits des rivières et des ruisseaux souterrains. D'où il résulte qu'il est bien plus pro- bable qu'ils descendent d'une forme épigée, déjà adaptée à la vie dans les eaux douces et actuellement disparue. Il est donc probable que nous^avons affaire à des' relicta anciens. Les Cirolanides cavernicoles (G irolanides, Sphaeromides , Fau- cheria et Typhlocirolana) ont une répartition géographique infiniment plus vaste : bassin du Ehône, Baléares, Texas. Leurs affinités entre eux sont encore obscures, faute de documents suffisants pour les trois premiers ; Typhlocirolana me paraît très Nord par la région actuellement occupée par le détroit de Behring; ce genre a persisté à l’ouest des Montagnes Rocheuses, mais les colonies qui avaient passé de 1-autre côté de ces montagnes se transformèrent en Cambarus. Cette théorie d’QRTMANN pourrait se concilier avec l’explication que je suggère. (1) C’est à tort que Feruglio (1904) et Dollfus et Viré (1905) considèrent Spelaeo- sphaeroma comme voisin de Faucheria, car c’est un Sphaeromien et non un Cirolanide ; les dessins de Feruglio le montrent sans erreur possible. 475 LES PROBLÈMES BIOSPÉOLOGIQUES voisine, sinon génériquement identique avec Cirolanides. Les autres paraissent aussi avoir des affinités étroites avec les pre- miers, mais il n'est pas possible de savoir si cela est dû à la con- vergence ou à des liens du sang étroits. Typhlorirolana est très étroitement alliée au genre Cirolana, qui a été certainement sa souche et probablement celle des trois autres. Cirolana est pres- que cosmopolite, se rencontre à toutes* les profondeurs et on la trouve aussi dans l'eau douce; mais la forme des Cirolanides cavernicoles est telle qu' elle permet de concevoir leur descendance directe de formes marines, entrées dans le domaine souterrain par les niveaux d'eau qui ont un écoulement sous-marin, comme cela s'est certainement effectué pour le Crure g eus néo-zélandais de Ohilton (1894). Leur vaste répartition, d'autre part, nous suggère la possibilité d'une origine polyphylétique. Il est donc possible qu'ils soient d'origine récente. Voilà donc ce qui semble découler de ce que nous savons de Sphaeromiens et des Cirolanides cavernicoles. On ne peut rien tirer des données paléontologiques pour rendre plus précise cëtte vague esquisse. Ce qui est, par contre, évident, c'est que l'histoire des deux groupes doit être tout à fait différente, et que, d'autre part, il n'est pas possible de savoir quel rôle a pu jouer dans ces deux histoires « le milieu constant des cavernes », si même il en a joué un. Concluons donc. Les raisons de la persistance dans le domaine souterrain de formes anciennes sont multiples et spéciales à chaque forme. Du peu que nous savons il ressort que l'isolement géographique de ces Cavernicoles résulte de la disparition de leur souche épigée de l'aire de leur habitat actuel, plus souvent que d'une transformation de ces souches. Dans la disparition des souches épigées, les facteurs biologiques ont dû jouer un rôle plus considérable et agir plus souvent que les facteurs phy- siques. Les grands changements climatériques se font sentir en même temps et de la même façon dans le domaine souterrain et l'épigé. Ils doivent tendre à maintenir les ressemblances entre les faunes 476 ÉMILE G. RACOVITZA des deux habitats, tandis que les facteurs biologiques doivent accentuer les différences. Que reste-t-il donc à l'actif du facteur constance du « milieu des cavernes » ? Il me semble qu'il a, à peu de chose près, une réputation usurpée. Piocha kd de la Brûlerie (1872) a déjà depuis longtemps démontré que le domaine souterrain est variable dans l'espace ; plus loin, il sera démontré qu'il est aussi variable dans le temps. Certes, le fait qu'il est généralement moins influencé par l'amplitude des variations climatériques que le monde épigé lui donne un avantage sur ce dernier, mais sa stricte dépendance des moyennes est en sa défaveur souvent, comme on le verra plus bas. Somme toute, je crois que la cons- tance toute relative des conditions d'existence du monde souter- rain a rarement été la cause réelle de la persistance des formes anciennes. XIII. La modification et la destruction du domaine souterrain, et le. sort des Cavernicoles. Les modifications que peut subir le domaine souterrain dans le cours des temps sont nombreuses et les causes de destruction le sont encore plus. Il importe d'en examiner les principales. Les changements climatériques généraux font sentir leur influence dans les cavernes. Si la température moyenne annuelle s'élève ou s'abaisse, elle provoquera une variation correspon- dante dans l'intérieur des massifs calcaires ou des niveaux d'eau. Mais comme ces changements sont très lents, il est probable que leur influence sur les Cavernicoles est insignifiante, sauf dans le cas d'un abaissement de température près de 0° ou au-dessous. Il est fort probable que, dans ce dernier cas, les Cavernicoles sont détruits, sans qu'il résulte nécessairement i semblable destruction pour les épigés de la même région. L'Epigé dans une région à température moyenne annuelle de 0°, ou au- dessous, peut jouir de saisons où la température est suffisamment élevée pour lui permettre de vivre convenablement ; mais le Cavernicole n'a pas semblable avantage, la température de LES PROBLÈMES BIOSPÉOLOGIQUES 477 son milieu étant rarement différente de cette même moyenne. Si nous supposons maintenant un pays envahi par une glacia- tion intense, comme cela arrive au Groenland, par exemple, il est certain que tous les Cavernicoles terrestres seront détruits, non seulement par le froid, mais par la famine ; toute la nour- riture souterraine provient du monde épigé, et dans les pays à inlandsis cette source est tarie. Mais des êtres superficiels peuvent cependant subsister. Pour les Cavernicoles aquatiques, les conditions paraissent plus favorables. Il existe de Peau liquide sous les masses de glace, et comme les êtres aquatiques peuvent parfaitement vivre à une température de 0° (les Animaux marins vivent très bien à — 2°), on pourrait en déduire la persistance des aquatiques souterrains, s'il était possible de leur trouver une source suffi- sante de nourriture. Bien des recherches restent à faire pour pouvoir vérifier les considérations toutes théoriques qu'on vient de lire. Pourtant, l'on sait déjà que les grottes situées dans le périmètre des grands glaciers pléistocènes sont relativement plus pauvres que les autres, et que leur faune paraît plus récente. On sait aussi qu'il en est de même pour les cavernes situées à de grandes altitudes, dans les régions où la moyenne annuelle est très basse. Mais l'on sait aussi que les Cavernicoles résistent très bien aux basses températures, et l'on ignore malheureusement encore si les glacières naturelles sont habitées ou non. Il n'est donc pas pos- sible de conclure. Les changements de l'état hygrométrique ont la plus grande influence sur les cavernes et leurs habitants. Ces changements peuvent se manifester de deux manières : par la diminution ou par l'augmentation de l'humidité. L'assèchement complet d'une portion du domaine souter- rain occasionne naturellement la disparition des Cavernicoles, aussi bien aquatiques que terrestres, mais cet assèchement total est bien difficile à imaginer, même dans les pays désertiques, car on a constaté dans ces régions aussi la présence de niveaux 478 ÉMILE G. RACOVITZA d'eau plus ou moins profonds. L'établissement d'un régime sec dans une région doit donc avoir pour résultat seulement la disparition des Cavernicoles habitant les macrocavernes, et le déménagement des amateurs de fentes dans les étages inférieurs. Il est vrai que s'ils y retrouvent l'humidité nécessaire ils sont exposés au manque de nourriture, car les ressources alimentaires diminuent, et rapidement, de la surface vers l'intérieur. Mais on conçoit plus facilement la possibilité d'une persistance des Cavernicoles aquatiques dans les niveaux d'eau profonds. Somme toute, le résultat final d'un climat sec doit être la disparition complète des Cavernicoles terrestres avec la persistance possible des aquatiques. L'établissement d'un régime humide, comme celui qui fut la cause des périodes glacières, occasionne de graves perturbations dans le monde souterrain. D'abord, par l'extension glacière dont j'ai mentionné les effets plus haut, ensuite par le rôle énorme que prennent les eaux courantes. C'est l'époque du creusement des vastes cavernes, et l'âge d'or des Cavernicoles aquatiques. Mais ces périodes sont moins favorables aux Cavernicoles ter- restres ; le niveau hydrostatique s'élève et les cavernes sont balayées par les crues. La vie des habitants des macrocavernes devient difficile et les habitants des fentes doivent s'établir dans les étages supérieurs. Il me semble même qu'on peut imaginer que cette ascension a été, pour certains, poussée jus- qu'à la surface. On sait que les fortes pluies font remonter les Hypogés et que dans les régions karstiques on peut trouver des Cavernicoles sous les pierres des lapiaz, à la suite de fortes crues. Et n'est-il pas plus logique de penser que bien souvent les superficiels à caractères cavernicoles sont d'anciens habitants de cavernes retournés à la surface à la suite d'une période humide, que des Animaux moustériens n'ayant pas suivi leurs frères dans les cavernes lors de l'établissement d'un régime sec, comme le veut Peyerimhoff (1906) ? Je me hâte d'ajouter que seule l'histoire complète de chacun de ces êtres pourra nous renseigner à ce sujet. LES PROBLÈMES BIOSPEOLOGIQÜES 4*79 Une antre cause de bouleversement du domaine souterrain est la transgression marine. On connaît sa fréquence et l'am- pleur de ses effets dans l'histoire de la terre. Ces effets furent certainement funestes à toute la population souterraine, sauf peut-être à quelques formes aquatiques qui ont pu s'accommoder de l'eau salée. L'émersion continentale a été, par contre, favo- rable au développement des Cavernicoles terrestres, mais souvent funeste aux aquatiques, par rupture de l'équilibre du niveau hydrostatique et l'assèchement des niveaux d'eau qui en résulte. On conçoit donc qu'une région soumise à des transgressions et émersions successives, et l'on en connaît de semblables, ait pu avoir plusieurs faunes et flores cavernicoles successives dis- tinctes. Outre ces causes générales, qui agissent sur de vastes régions, il existe des causes à effets moins étendus qui peuvent faire disparaître plus ou moins complètement des portions du domaine souterrain. Les mouvements orogéniques écrasent et laminent les massifs calcaires, ce qui peut produire la disparition des grandes cavités, et le vidage des bassins aquifères. Il est vrai que ces mêmes mouvements peuvent être favorables par la production de fentes et l'établissement de bassins aquifères qui n'existaient pas auparavant. L'action incessante de l'érosion et de la corrosion a pour résultat final l'effondrement du plafond des cavernes et la trans- formation de galeries souterraines en vallées à ciel ouvert ou canons. L'abrasion complète d'un massif montagneux par le fait des agents atmosphériques est chose commune dans l'histoire de la terre. D'immenses nappes calcaires ont été ainsi enlevées qui n'ont laissé comme témoin de leur puissance passée que de faibles lambeaux isolés. Enfin il faut mentionner le colmatage des fentes et des grottes, qui est une phase nécessaire dans l'histoire d'un massif calcaire. L'eau, pendant les périodes humides, creuse et déblaie, pendant 480 ÉMILE G. RACOVJTZA les périodes sèches elle comble au moyen de l'argile que la cor- rosion lui fournit en abondance. Oes causes locales, comme les générales, font disparaître les Cavernicoles plus ou moins complètement. Mais la disparition des Cavernicoles d'une région ne signifie pas toujours leur destruction complète et absolue. Les événe- ments énumérés ne sont pas des cataclysmes au vrai sens du mot ; ils demandent le plus souvent un temps très long pour s'accomplir. La variation climatérique, les mouvements oro- géniques, les abrasions, etc., s'effectuent pendant un laps de temps bien plus considérable qu'il n'en faut à l'organisme vivant pour gagner, de proche en proche, des lieux plus favorables, ou pour s'adapter à de nouvelles conditions. Donc, bien souvent le résultat de la destruction d'une partie du domaine souterrain sera non point la destruction de la population cavernicole, mais l'émigration ou la transformation de cette dernière. J'ai déjà mentionné des migrations possibles dans la masse des massifs calcaires ; on peut en concevoir d'autres effectuées d'un massif, et d'un niveau d'eau, à l'autre. Ainsi, il se peut que les périodes glacières aient provoqué une migration des sommets vers les vallées, et du centre de glaciation vers les régions indemnes, donc, en général, des pôles vers l'équateur. Une destruction complète des Cavernicoles n'est, d'ailleurs, admissible que lorsqu'il existe une barrière infranchissable à leur migration. Et ce cas doit être rarement réalisé d'une façon absolue ! Pour arrêter la dispersion de formes aussi hétérogènes que la popula- tion souterraine, il faudrait le concours de nombreuses barrières dont la présence simultanée, et efficace, est difficile à concevoir, puisque ce qui est barrière pour une espèce peut être pont pour une autre. Mais même en supposant que la retraite soit complètement coupée à tous les Cavernicoles, cela ne signifie point qu'ils ne pourront quelquefois perpétuer leur race, en se transformant et en .s'adaptant à de nouvelles conditions d'existence. Le temps ne leur fera pas défaut, car on connaît la lenteur des phéno LES PROBLÈMES BIÜSPÉOLOGIQUES 481 mènes, et nombreux sont ceux pour qui cette transformation n'est pas plus difficile à imaginer que celle qui les fit naître de leur souche lucicole. Tl ne peut y avoir d'objections de principe à l'hypothèse du retour possible des Cavernicoles vers leur habitat originel. Mais malheureusement, faute d'études dirigées dans ce sens, on ne peut pas citer des preuves formelles à son appui. Notons cepen- dant quelques indices. Comme exemple d'Epigé terrestre, à ascendants cavernicoles, on pourrait peut-être signaler quelques Coléoptères, par exemple certains Anophthalmus . Titanethes alpicola Ileller, si réellement sa station normale est sous les pierres de la surface, est très pro- bablement aussi de souche cavernicole. On a un peu plus de certitudes de l'existence d' Animaux d'eau douce à souche cavernicole ; Forel (1901, p. 215) considère avec raison, me semble-t-il, certains Niphargus et Asellus , aveugles et abyssaux, comme étant les descendants de formes ayant habité les niveaux d'eau. Mais dans ce cas, le milieu abyssal lacustre et le cavernicole sont si semblables qu'on peut difficilement parler d'adaptation. Je ne possède pas même des indices pour l'adaptation d'un Cavernicole, bien entendu aquatique, au milieu marin. Et pour- tant, étant données les communications existant entre la mer et les eaux souterraines, pourquoi pareille adaptation serait- elle impossible, puisque la migration inverse s'est certainement effectuée ? Pourquoi certains Abyssaux marins à caractères de troglobies, et qui ne sont pas fouisseurs, ne seraient -ils pas des descendants de Cavernicoles ? Il me semble que pareille possi- bilité peut être admise. Fuchs (1894) admet comme possible la migration inverse, des abîmes vers les grottes, idée qui ne me paraît pas justifiée. Il déclare soutenir depuis longtemps que la faune abyssale est plutôt une faune obscuricole qu'une faune froide, et qu'elle est née surtout à la suite d'une adaptation à l'obscurité, plutôt qu'à la suite d'une adaptation à une basse température. Si l'idée 482 EMILE G. RACOVITZA est exacte, il faut que les grottes marines soient peuplées de formes abyssales et non littorales. Et il cite des exemples qui lui paraissent prouver qu'il en est bien ainsi. J'ai dit autre part (v. p. 434) qu'il est possible qu'un certain nombre de formes abyssales, plus ou moins aveugles, soient les descendants de formes lucifuges littorales, mais il est certaine- ment faux que toute la faune abyssale, ou même que la majeure partie de cette faune soit d'origine lucifuge. On a vu qu'au contraire toutes les formes à yeux hypertrophiés doivent avoir eu des ascendants photophiles. La condition d'existence impor- tante pour la faune abyssale est la température basse ; cela n’est pas douteux, puisque cette faune suit fidèlement les couches froides, quel que soit leur éclairement ; on sait qu'elle monte dans les régions polaires jusque dans la zone littorale et sublittorale. Les exemples que cite Fuchs à l'appui de son idée me sem- blent mal interprétés. a). Keller aurait trouvé dans les cavernes des récifs coral- liens de 1a- mer Rouge, des Coraux et des Eponges qui, d'ordi- naire, vivent à vingt et trente brasses. Il s'agit donc de faune sublittorale et non abyssale ; moi-même j'ai constaté que, quelquefois, dans les grottes marines, la faune sublittorale remonte plus haut qu'en dehors de ces abris et remplace en partie la littorale. Mais je m'explique cela d'une toute autre manière. Beaucoup de formes littorales ne peuvent pas vivre dans ces grottes parce que la lumière leur est nécessaire. Beaucoup de formes sublittorales peuvent y vivre parce que, d'une part, elles n'ont pas besoin de lumière et qu'elles trouvent la place libre et, d’autre part, parce qu'elles sont soustraites, comme dans leur milieu naturel, aux variations considérables de température produites par l’insolation directe. J'ai constaté aussi que les grottes à faune sublittorale étaient en même temps des grottes à eaux calmes ; il faut donc faire intervenir un autre facteur : les mouvements de l'eau. Beaucoup de sublittoraux montent 483 LES PROBLÈMES BIOSPÉOLOGIQUES aussi dans la zone littorale quand ils trouvent une anse com- plètement abritée, où les vagues ne se font jamais sentir. h.) Munidopsis genre abyssal (100 -2.000 brasses) n'a qu'un représentant littoral, le M. polymorpha Simon et Koelbel, qui habite une grotte marine de Lanzarote (Canaries). Il est exact que Munidopsis est un genre abyssal ; cependant on connaît M. Tanneri Faxon, de 85 brasses, et M. polita S. I. Smith, de 79 brasses, ce dernier habitant l'Atlantique ; il n'est donc pas certain a priori que M. polymorpha descende d'une forme abyssale. D'autre part, il paraît que la Cueva de los Yerdos, où on le trouve, est faiblement éclairée par un trou du plafond ; ce n'est donc pas l'obscurité complète qui a attiré cet animal dans la grotte. Calman (1904) dit qu'on n'a pas trouvé d'autre animal ou végétal dans le lac souterrain où habite M. polymorpha ; pour- tant ce Crustacé doit se nourrir ? On voit que l'éthologie de M. polymorpha est trop peu connue pour que son cas puisse servir à échafauder une théorie générale comme celle de Fuchs. c). Enfin Lucifuga dentata, Poisson aveugle de Cuba, qui habite des grottes communiquant avec la mer, appartient à une famille qui est mieux représentée dans les abîmes que dans la- zone littorale ; il montre une ressemblance notable avec Apliyonus gelatinosus, qui vit à 1.400 brasses. L'histoire de Lucifuga n'est pas bien connue, et ses rapports avec les autres genres ne sont pas encore très clairs. Les études récentes ont montré que le groupe des Zoarcidés, où on le place, est dérivé des Blenniidés, Poissons largement représentés dans la zone littorale, ou sublittorale, comme beaucoup de Zoarcidés d'ailleurs. Il est donc bien plus naturel de supposer, jusqu'à preuve contraire, que les formes cavernicoles sont issues des formes littorales. Que ces Poissons d'origine littorale, une fois devenus cavernicoles, aient pu être contraints de s'adapter à nouveau au milieu marin et qu'ils aient pu faire souche d'es- pèces abyssales aveugles, je ne vois là rien d'impossible. Cela ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. IVe SERIE. T. VI. (vil) 34 484 ÉMILE G. RACOYÏTZA expliquerait les affinités indéniables de Lucifuga et Stygicola avec les formes abyssales des Zoarcidés. J'arrête ici l'exposé des questions qui doivent être étudiées et des problèmes qui doivent être résolus pour qu'on puisse établir la Biospéologie sur des bases scientifiques. Pour m'exprimer clairement, et pour être court, j'ai présenté la plupart de ces questions et problèmes comme s'ils avaient déjà été résolus. Il règne donc dans cette rapide enquête un ton affirmatif qui serait déplacé s'il n'était autre chose qu'un artifice pour faciliter mon exposé. Pour qu'on ne se méprenne pas sur mes intentions, je répète ici, en terminant, ce que j'ai dit en commençant : Il n'est pas possible, en Biospéologie, de procéder actuellement par synthèse à cause de l'insuffisance des documents, observa- tions et expériences. Le seul but des pages qu'on vient de lire est de classer les problèmes biospéologiques, de les poser tels qu'il me semble qu'ils doivent l'être, et non de les résoudre. AUTEURS CITÉS 1902. Absolon (K.). Ueber die Apterygoten Insecten der Hôhlen Europas mit besonderer Berücksichtigung der Hôhlenfauna Mâhrens. ( Verh . 5e internat. Zool. Congr., Berlin, pp. 804-805.) 1905. Banta (A. M.). The Fauna of Mayfield’s cave. ( Science , N. Y. Vol. XXI, pp. 853-854.) 1875. Bedel (L.) et E. Simon. Liste générale des Articulés caver- nicoles d'Europe. ( Journ . de Zoologie publié par G. Gervais, IV, 69 pp.) 1893. Boulanger (G. A.). Blind Animais in caves. ( Nature , Londres. Vol. XLVII, p. 608). 1897. Call (R. E.). 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ARCHIVES de ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE Les i Archives de Zoologie expérimentale et générale, fondée^ en 1872 par Henri de Lacaze-Duthiers, comptent actuellement 37 volumes publiés qui sont en vente au prix de 50 francs le volume cartonné. , Le prix dé l’abonnement pour un volume est de : 40 francs pour Paris 42 francs pour les départements et l’étranger. Chaque volume comprend au moins 40 feuilles de texte illustrées de nom- breuses figures et accompagnées de planches hors texte en noir etJ en couleurs. 11 se compose d’un nombre variable de fascicules, plus une dizaine de feuilles de Notes et Revue. ♦ Les Archives de Zoologie expérimentale et générale forment, en réalité, deux recueils distincts dont les buts sont différents : I. — Les Archives proprement dites ëônt destinées a la publication des mémoires définitifs étendus et pouryus le plus souvent. de planches hors texte. Les volumes paraissent par fascicules, chaque fascicule ne comprenant le plus souvent qu’un seul mémoire. II. — Les Notes et Revue publient de cpurts travaux zoologiques, des com- munications préliminaires et dès mises au point de questions d’histoire natu- relle ou de sciences connexes pouvant intéresser les zoologistes. Cette partie de la publication ne comporte pas de planches mais toutes les sortes de figures pouvant être imprimées dans le texte. Elle paraît par feuilles isolées, sans périodicité fixe, ce qui permet l’impression immédiate des travaux qui lui sont destinés* U apparition rapide, V admission des figures et le fait que les notes peuvent avoir une longueur quelconque font que cette partie des Archives comble une lacune certaine parmi les publications consacrées à la Zoologie. Les auteurs reçoivent gratuitement 50 tirages à part de leurs travaux (brochés sous couverture spéciale avec titre, s’il s’agit de mémoires parus dans les Archives proprement dites). Tls peuvent, en outre, s’en procurer un nombre plus considérable à leur frais, d’après le tarif suivant .: 1/4 de feuille 1/2 feuille 1 feuille Les 50 exemplaires 5 fr. 7 fr. 50 10 fr. Couverture avec titre, en sus. 5 fr. 5 fr. 5 fr. A ce prix il faut ajouter le prix des planches, quand il (y a lieu. Ce prix varie trop pour qu’on puisse fixer un tarif d’avance. A titre d'indication, on peut prendre les chiffres approximatifs suivants comme moyenne pour 50 exèm- plaires d’une planche simple : Planche en photocollographie ou lithographie, tirage en une seule teinte. 10 fr. Planche gravée sur cuivre ou lithographie en plusieurs teintes., 20 fr. Les travaux destinés à servir de thèses de doctorat sont reçus aux mêmes conditions que les travaux ordinaires. Lés auteurs s’engagent g ne; pas mettre leurs tirés, à part dans1 le commerce. Les articles publiés dans les Notes et Revue peuvent être rédigés en français, en allemand, en anglais ou en italien; ils; sont rémunérés à raison de- 10 centimes la ligne, Pour faciliter V impression correcte des notes en langues étrangères, il est recommandé d’envoyer à. la place du manuscrit une copie à la machine à écrire. Les travaux destinés aux Archives de Zoologie expérimentale et aux Notes et Revue doivent être envoyés à l’un des Directeurs r M. G. Pruvot, Laboratoire d’anatomie comparée, Sorbonnè, Paris-ve M. E, G. Racovitza, 2, boulevard Saint-André, Paris-vïe ou déposés à la librairie Reinvvald, 61, rue des Saints-Pères, Paris-vi0. ARCHIVES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE IVe Série, Tome VI, p. 489 à 536. 15 Mai 1907 . BIOSPÉOLOGICA ii w 1 904- I 906 (1« SÉRIE) PAR R. JEANNEL et E. G. RAC0V1TZA Oette première série comprend 44 grottes de toutes les dimen- sions, situées, en France, dans les départements des Alpes- Maritimes, Hautes-Pyrénées, Basses-Pyrénées et Ariége, et en Espagne dans les provinces de Huesca, Alicante et îles Baléares. Quelques mots d'explication préliminaire nous semblent néces- saires pour indiquer comment nous comptons faire la descrip- tion des grottes et le but que nous poursuivons par cette des- cription. Nom de la grotte. — A défaut de nom inscrit sur les cartes officielles de la région, nom que nous adoptons toujours, quitte à faire les observations nécessaires s'il y a lieu, nous donnerons les noms que nous auront indiqués les gens du pays. Localité. — Pour les grottes bien connues dans le pays, ou marquées sur les cartes, nous nous contenterons d'indiquer la (1) Voir pour le premier mémoire: Archives de Zool. Exp. et Gén., 4e série, tome VI, p. 371. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GEN. — 4* SÉRIE. • - T. VI. — (vill) . 35 49Ô JEANNEL et RACOYÎTZA commune et le département. Nous sommes moins avares de détails lorsqu'il s'agit d'une caverne peu connue. Altitude au-dessus du niveau de la mer. L'altitude est, le plus souvent, déterminée approximativement d'après les meil- leures cartes de la région et dans ce cas nous ajoutons env. (en- viron) au chiffre des mètres. Quand ce mot manque, cela signifie que nous avons pu nous procurer l'altitude exacte, soit parce qu'elle existe sur les cartes, soit parce que nous avons pu la déterminer à l'aide du baromètre altimétrique, soit enfin parce que nous avons pu, sans trop de recherches, trouver les rensei- gnements nécessaires dans les travaux des spéologistes. Dans ce dernier cas nous citons nos sources. Roche. — Nous indiquons autant que possible l'âge en même temps que la nature de la roche dans laquelle est creusée la caverne, et cela d'après les cartes géologiques ou, en citant la source, d'après les travaux des auteurs compétents. Comme l'âge du terrain qui contient la grotte ne joue pas un rôle appréciable en biospéologie , nous avouons ne pas faire de grands efforts pour le connaître. Date de l'exploration, renseignement qui peut être très néces- saire dans l'étude de l'éthologie des Cavernicoles. Matériaux. — Nous donnons, pour le moment, simplement les noms de groupes des êtres cavernicoles recueillis, nous réservant de fournir plus tard, quand les spécialistes auront terminé leurs travaux, une liste spécifique des faunes et flores de chaque caverne. Numéros. — Les chiffres sont ceux des numéros inscrits sur les étiquettes qui identifient les échantillons soumis au spécia- liste. Description. — Une grotte dont il n'existe pas de plan orienté et coté ne peut pas être considérée comme suffisam- ment décrite. Nous sommes très convaincus de cette vérité. Mais pour lever un plan il faut du temps, et nous avons pensé qu'il valait mieux employer en totalité le nôtre à la recherche des Cavernicoles. L'un de nous a exposé, dans le premier mé- GROTTES VISITÉES 491 moire de Biospéologica, les raisons qui rendent actuellement l'étude « extensive » du domaine cavernicole plus utile que son étude « intensive ». Il importe plus de voir beaucoup de grottes que de voir beaucoup dans la même grotte. C'est cette idée qui guide nos recherches. Mais cela nous impose une vitesse de déplacement incompatible avec un levé soigné. Les descrip- tions que nous donnons plus bas sont donc destinées unique- ment à atteindre les buts suivants : a) Fournir une idée générale sur les grottes visitées, et donner des renseignements sommaires sur les conditions d'existence offertes aux Cavernicoles qu'on y a recueillis. b) Signaler aux spéologistes les particularités exceptionnelles et intéressantes, quand il s'en présente. c) Permettre à ceux que la chose intéresse de dresser leur programme d'exploration avant de se rendre dans les régions que nous avons visitées. C'est dans ce but que nous avons compris dans notre énumération les grottes ne nous ayant pas fourni de matériel biologique, et que nous avons mentionné quelquefois les renseignements obtenus au cours de nos voyages sur des grottes que nous n'avons pas pu visiter. Il va sans dire que ce qui précède ne signifie pas que nous nous abstiendrons systématiquement de faire des recherches très détaillées sur une grotte. Nous espérons même nous livrer, à l'occasion, à de semblables études. Comme certaines grottes d'accès facile pour nous seront visitées plusieurs fois — et le cas s'est déjà présenté — nous espérons arriver à les connaître suffisamment pour établir des monographies détaillées tant au point de vue physique que biologique. Mais il est inutile d'ex- poser longuement des projets ; mieux vaut passer sans plus tarder à l'exposé des faits qui nous occupent ici. 1. Antre ou Grotte de Gargas. Située près du hameau de Gargas, commune d'Aventignan, département des Hautes -Pyrénées, France. — Altitude de 492 JEANNEL et RACOVITZA 520 mètres à l'entrée inférieure et 550 mètres à l'orifice supé- rieur (d'après Régnault et Jammes) (1). — Roche : Calcaire crétacique inférieur (2). — Date : 30 et 31 juillet 1905. Matériaux : Coléoptères, Diptères, Aptérygogéniens, Myria- podes, Aranéides, Opilionides, Pseudoscorpionides, Acariens, Isopodes, Gastéropodes, Oligochètes. — Numéros : 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9. La grotte est formée par un long couloir plusieurs fois coudé, dont le sol présente une forte pente générale ascendante. On peut distinguer dans cette caverne deux régions très diffé- rentes. Une région inférieure, humide et froide, formée par un vesti- bule en contre-bas de l’entrée, et par une belle galerie, très large, dont le sol, en pente ascendante, est formé de séries de gours, très peu profonds, qui indiquent qu'un écoulement lent des eaux eut lieu par cette galerie. Actuellement l'eau a complète- ment disparu, sauf dans deux minuscules bassins situés der- rière un massif de stalactites. Les parois sont couvertes d'un revêtement stalagmitique et quelques stalagmites hérissent le sol ; en plusieurs endroits il y a de faibles suintements d'eau. L'aspect général de cette partie de la grotte indique qu'elle a dû être creusée suivant un joint de stratification. Au fond de la galerie le plafond s'abaisse et l'on pénètre, en suivant un couloir presque comblé par de l'argile déposée en bancs épais, dans la seconde partie de la grotte, la région supé- rieure, qui est plus sèche et beaucoup moins froide. Cette région paraît s’être formée le long d'une diaclase. Elle possède de nom- breuses staUctites, un revêtement stalagmitique partiel, mais aussi beaucoup d'argile sur son plancher. La salle principale est habitée par les Chaux es -souris, qui ont formé un dépôt assez (1) F. Régnault et L. Jammes. Etudes sur les puits fossilifères des Grottes (Grottes de Tibiran, Hautes-Pyrénées) ( C . R. Ass. Fr. Av. Sciences, 27‘-‘ sess., Nantes, 1898, 2e partie pp. 549-555, 2 fig., 1899). (2) F. Régnault. La grotte de Gargas. ( Revue de Commmges, 1885, avril, 11 p., 3 pL) GROTTES VISITÉES 493 considérable de guano. Un couloir à sol fortement déclive permet de monter à l'orifice supérieur de la grotte. La température dans le vestibule inférieur était de 10° C., l'eau des petites flaques d'eau avait 9°5 O. Dans le vestibule supérieur j'ai trouvé pour l'air 20° C. comme pour la température extérieure. L'air froid s'écoule par l'entrée inférieure et aspire l'air chaud par l'orifice supérieur, ce qui occasionne un courant d'air assez fort et un réchauffement anormal de la partie supé- rieure de la grotte. La grotte est visitée par un très grand nombre de touristes. Son sol a été fouillé en plusieurs endroits et a fourni des restes de grands Mammifères quaternaires ainsi que les preuves du séjour de l'homme préhistorique. Dans la partie basse de la grotte, sur les parois du vestibule et de la galerie, sont posés de nombreux Némocères (n° 4) et des Tinéides. Dans la galerie, sur du bois pourri, j'ai capturé des Oollemboles, des Gampodea, des Oligochètes et de petits Diptères (n° 3), quelques-uns venant d'éclore. Dans les petites flaques d’eau j'ai trouvé des Aselles (n° 9). Tous les autres animaux proviennent de la région supérieure et surtout de la salle aux Chauves-souris; c'est sous les pierres ou les mottes d'argile recouvertes de guano que la récolte fut plus abondante. Les pièges ont attiré un Aphaenops et de très nombreux Diplopodes (n° 7) jaunes rosés avec une série de points rouges foncés de chaque côté du corps ( Typhloblaniulus ?) Racovitza. 2. Grotte de Tibiran. Située près de la grotte de Gargas dans le même massif, mais sur le territoire de la commune de Tibiran. Hautes-Pyrénées, France. 1 — Altitude d'environ 475 mètres (d'après Régnault et Jammes, 1899). — Boche : Calcaire crétacique inférieur (Régnault). — Bâte : 31 juillet et 1 août 1905. Matériaux : Diptères, Coléoptères, Aptérygogéniens, Myria- 494 .JEANNEL et RAC0Y1TZA podes, Aranéides, Pseudoscorpionides, Acariens, Mollusques. — Numéros : 10, 11, 12, 13. La grotte est formée par une grande salle circulaire très haute et par plusieurs boyaux divergents. Deux puits assez profonds creusés dans le plancher de la grande salle n'ont pas été visités. Il n'y a pas de mares ou flaques d'eau, mais un ruissellement assez abondant s'observe sur quelques parois et en de nombreux endroits l'eau s'égoutte. Beaucoup de stalactites, quelques-unes très blanches, et de grandes surfaces couvertes de revêtement stalagmitique. Le sol est en grande partie formé par de l'argile en couches épaisses. Je n'ai pas constaté la présence de guano de Chauves-souris. La grotte n'est pas visitée actuellement par les touristes. Elle a été fouillée et a fourni les restes d'une faune quaternaire sem- blable à celle de Gargas. De nombreux Diptères non cavernicoles couvrent les parois de la grande salle ; sont surtout très nombreux les Îtémocères (n° 4) signalés à Gargas. Les autres animaux capturés furent trouvés sous les pierres. Les pièges ont attiré de nombreux Diplopodes et quelques Col- lemboles. Dans un des couloirs latéraux, dans la partie la plus éloignée de l’entrée, un Hélicide rampait sur une stalagmite en compagnie de Diplopodes. Racovitza. 3. Grotte de l’Ours. Située sur la rive droite de la Neste, en face Lortet, dépar- tement des Hautes-Pyrénées, France. — Altitude : 550 mètres env. (à Lortet). — Boche : Calcaire crétacique inférieur. — Date : 2 août 1905. Matériaux : Diptères, Coléoptères, Myriapodes, Aranéides. — Numéros : 15, 16. GROTTES VISITÉES 495 Cette grotte s'ouvre dans un massif calcaire qui forme falaise du côté de la berge de la Neste. Plusieurs orifices produits par Féboulement de la falaise la signalent. Un couloir étroit et bas, d'une vingtaine de mètres, à parois sèches et à sol couvert d'un dépôt crayeux et friable, aboutit à un trou étroit qui conduit dans une galerie humide, de mêmes dimensions, avec quelques stalactites et quelques massifs stalagmitiques. Les parois sont couvertes d'un revêtement stalagmitique à cristaux brillants ; par place il y a des concrétions en forme de mousses. Un pas- sage que je n'ai pas exploré irait très loin, au dire des traditions locales. La grotte est habitée par les Chauves-souris, mais il y a peu de guano. Dans le couloir sec, nombreuses Tinéides, Némocères (n° 4), Culicides et Araignées. Dans la partie profonde et humide ces animaux ont pénétré aussi, mais en petit nombre. Près de cette grotte s'ouvre un couloir montant, à pente très forte, qui aboutit à un petit dôme. Tout le sol est envahi par l'argile. C'est probablement le canal d'évacuation des eaux absorbées par un aven situé sur le plateau. Eacovitza. 4. Grotte du Cochon. Située près de la précédente, à Lortet, Hautes -Pyrénées, France. — Altitude : 550 mètres env. (à Lortet). — Boche : Calcaire crétacique inférieur. — Date : 2 août 1905. Matériaux : Hyménoptères, Myriapodes, Aranéides. — Numéros : 17, 19 bis. C/est une faille qui a donné naissance à cette caverne, qui a la forme d'une fente étroite et haute, d'une quinzaine de mètres 496 JEANNEL et RACOVITZA de longueur. Quelques stalactites ; les parois sont couvertes, dans le fond, d'un revêtement stalagmitique; le sol est argileux. L'humidité est assez grande. Pas de guano de Chauves-souris. Les Tinéides, les Némocères et les Culicides se tiennent sur les parois en quantité prodigieuse. Très nombreux aussi sont les Lithobius (nü 17) et les Hiplopodes (n° 17) ; des Aranéides tissent leurs toiles de tous les côtés. Sous une plaque d'enduit stalagmitique, formant un abri sur la paroi, j'ai trouvé une cinquantaine de grands Hyménop- tères réunis en un amas compact. La lumière de la bougie les fit remuer, mais au lieu de s'envoler, ils se laissaient tomber à terre. Racovitza. 5. Grotte fortifiée. Située dans la même falaise que la précédente, mais à un niveau supérieur. Lortet, Hautes -Pyrénées, France. — Altitude : 550 mètres env. (à Lortet). — Roche : Calcaire crétacique infé- rieur. — Date : 2 août 1905. Cette grotte présente un intérêt archéologique par les grands travaux qui furent exécutés pour la rendre habitable. Mais comme la lumière pénètre partout, elle n'est pas intéressante à notre point de vue. Elle est formée par un ensemble d'exca- vations peu profondes. Hans l'une d'elles, un couloir fort court, envahi par l'argile, se termine par un petit dôme ; une petite source tombe du dôme dans une vasque naturelle. Racovitza. 6. Grotte de la Neste. Située comme les trois précédentes dans la même falaise, à Lortet, Hautes-Pyrénées, France. — Altitude : 550 mètres env. — Roche : Calcaire crétacique inférieur. — Date : 2 août 1905. Matériaux : Isopodes. — Numéro : 18. GROTTES VISITÉES 497 C'est une grande excavation située au pied de la falaise, à quelques mètres au-dessus du niveau de la Sieste. Plusieurs ouvertures y donnent accès. L'humidité est très forte, l'eau ruisselle en bien des endroits ; les stalactites sont nombreuses et le revêtement stalagmitique abondant. La lumière pénètre jusqu'au fond. Racovitza. 7. Grande Grotte de Labastide. Située près de Labastide, sur la rive droite du ruisseau l'As- pugue, Hautes-Pyrénées, France. — Altitude de Labastide : 524 mètres ; la grotte est située plus haut. — Boche : Calcaire crétacique inférieur. — Date : 3 août 1905. Matériaux : Diptères, Myriapodes, Mollusques. — Numéro : 18. La grotte est située à mi-hauteur d'une grande falaise calcaire au sud-ouest du village de Labastide. Au fond d'une fosse cir- culaire, que dessine d'un côté une forte pente d'éboulis et de l'autre une haute paroi à pic, l'entrée proprement dite s'ouvre au pied de la paroi rocheuse. C'est une voûte très surbaissée, de belles proportions, qui, après qu'on est descendu par une forte pente d'éboulis et de très gros blocs, donne accès dans une salle presque circulaire aux proportions grandioses. Le sol est formé par des éboulis et par de l'argile : les suintements sont peu abondants et il n'existe pas de bassins ou flaques d'eau. Deux grands massifs rocheux, limités par des parois à pic, occupent les deux côtés de l'entrée et montent jusqu'aux trois quarts de la hauteur de la salle. Il paraît qu'en escaladant la falaise qui se trouve à droite de l'entrée, on parvient sur une sorte de plateau où commence un couloir si étendu que deux heures d'exploration n'ont pas permis d'en voir la fin. J'ignore si ces racontages reposent sur quelque chose de sérieux, car le temps ne m'a pas permis de gravir le massif rocheux en question. 498 JEANNE L et RAC0V1TZA La lumière pénètre dans la grande salle presque jusqu'au fond. A l'entrée de la grotte se forme un brouillard assez épais dans la zone de contact de l'air froid de la grotte avec l'air chaud du dehors. Ce phénomène doit être assez rare, car je ne l’ai point observé ailleurs. Les animaux sont très peu nombreux dans cette cavité ; les Némocères et Tinéides trogloxènes eux-mêmes, mentionnés dans les grottes précédentes, paraissent manquer. Racoyitza. 8. Petite Grotte de Labastide. Située dans le même massif et non loin (à 10 minutes) de la précédente, à Labastide, Hautes -Pyrénées, France. — Altitude de Labastide : 524 mètres ; la grotte est à peu près au même niveau que la précédente, mais plus haut que le village. — Boche : Calcaire crétacique inférieur. — Date : 3 août 1905. Matériaux : Coléoptères, Aptérygogéniens, Myriapodes. — Numéros : 20, 21. Pour entrer dans cette grotte, il faut passer sous des ponts rocheux, restes de l'ancien vestibule effondré, et se glisser par une fente étroite. On dévalle une forte pente argileuse et l'on se trouve dans une très belle salle oblongue où le travail de l’eau d'infiltration est fort actif. Tout un côté de la salle est recouvert de revêtement stalagmitique. Stalactites nombreuses et beaux massifs de stalagmites, quelques-uns très blancs. Sur le plancher formant une pente légère, sont de nombreux gours pleins d’eau, ayant jusqu'à 25 centimètres de profondeur et souvent plus d'un mètre de longueur. L'eau ruisselle dans cette partie de la salle et tombe aussi du plafond, en s'écoulant en nappes vers la partie opposée qui est dépourvue de stalactites et possède un sol formé d'éboulis et d'argile. Dans un coin de la salle une cheminée oblique et fort étroite laisse passer un faible courant d'air : il est possible qu'on puisse arriver par là dans d’autres galeries. GROTTES VISITÉES 499 Quelques ÎJemocères (n° 4) furent vus près de Rentrée. Les autres animaux capturés sont de vrais troglobies. Les Aphaenops couraient à la surface des enduits stalagmitiques, leur station préférée. Je signale aussi la grotte de l'Aspugue, qui est une goule absorbant le ruisseau de même nom ; Touverture en voûte sur- baissée se trouve au pied de la falaise à égale distance des deux grottes que je viens de décrire. On prétend dans le pays que la résurgence de l'Aspugue a lieu de l'autre côté du massif calcaire, à Esparros. Des canards auraient accompli ce trajet souterrain. Tout le massif de Labastide est donc fort intéressant et mérite une sérieuse exploration ; je le signale aux confrères qui disposeraient de plus de temps que je n'en ai eu moi-même. Je crois que leur peine sera récompensée par de belles décou- vertes. Racovitza. 9. Petite Grotte du Tunnel de Camous. Située dans le tunnel du chemin de fer, près Sarrancolin, Hautes-Pyrénées, France. - — Altitude : 650 mètres env. — Roche : Calcaire crétacique inférieur. — Date : 4 août 1905. Matériaux : Aptérygogéniens, Aranéides. — Numéros : 22, 26. Découverte en creusant le tunnel ; était entièrement close de toutes parts. C'est une petite cavité de quelques mètres avec quelques stalactites et des parois en partie recouvertes par un revêtement stalagmi tique. Deux petits gours contiennent encore un peu d'eau. Les Araignées et les Gampodea que nous y avons trouvés sont de simples troglophiles. Jeannel et Racovitza. 500 JEANNEL et RACOYITZA 10. Grande Grotte du Tunnel de Camous. Située dans le tunnel du chemin de fer, près Sarrancolin, Hantes -Pyrénées, France. — Altitude : 650 mètres env. — Roche : Calcaire crétaciqne inférieur. — Date : 5 et 6 août 1905. Matériaux : Diptères, Aptérygogéniens, Myriapodes, Aranéides. — Numéro : 25. Cette grotte a été découverte à l'occasion du creusement du tunnel ; elle n'avait aucune ouverture apparente. Elle a été aménagée par les soins de la Compagnie des chemins de fer et son entrée est fermée par une grille. Un couloir assez long con- duit à un carrefour d'où partent deux galeries très humides. La galerie de droite est presque horizontale ; dans son pla- fond, plusieurs cheminées étroites paraissent monter très haut et dans son plancher s'ouvrent trois puits, dont l'un est profond de 15 mètres et contient de l'eau. Les stalactites sont nom- breuses et un revêtement stalagmitique recouvre partout une épaisse couche d'argile. Quelques petites flaques d'eau s'y ren- contrent aussi. La galerie de gauche descend rapidement vers le niveau de la rivière (la îsTeste). On y observe quelques formations stalac- titiques près de l'entrée ; le fond est bouché par un fort banc d'argile. Ce dépôt, qui recouvre d'ailleurs toutes les parois et même le plafond, porte des traces récentes de l'action de l'eau. Quelques gours s'observent dans les parties hautes de la galerie. Dans la galerie de droite la température de l'air était de 11°25 C. et celle de l'eau 10°. Dans la galerie de gauche la tem- pérature de l'eau était de 9°8 C. Il n'y a pas traces de Chauves-souris. Près de l'entrée de cette grotte les Tinéides sont en quantité prodigieuse ; quelques Culicides s'y voient aussi. La récolte a été maigre dans les deux galeries. Les pièges placés dans l'eau n'ont rien donné. Sur des morceaux de bois GROTTES VISITÉES 501 quelques Collemboles et des larves de Diptères. De rares Arai- gnées et Myriapodes ont été rencontrés sur les parois. Jeannel et Racovitza. 11. Grotte d’Ilhet. Située dans la vallée de la Baricane, à 1 kil. d'Ilhet, commune de Sarrancolin, Hautes -Pyrénées, France. — Altitude : 700 mètres env. — Roche : Calcaire jurassique. — Date : 5 et 6 août 1905. Matériaux : Coléoptères, Aptérygogéniens, Myriapodes, Ara- néides, Pseudoscorpionides, Ixodes. — Numéros : 23, 24. L'entrée de la grotte, difficile à trouver, se trouve au tiers de la hauteur du massif calcaire qui forme la rive gauche de la Baricane. Du vestibule étroit on passe par un couloir en forme de fente dans une petite salle entièrement encroûtée de stalac- tites. Une cheminée, dans laquelle on a de la peine à se glisser, mène sur la corniche d'un massif stalagmitique d'où il faut descendre avec une corde dans une salle oblongue, de forme très irrégulière. Des tranchées profondes et des puits s'ouvrent dans le plancher de cette salle. Toutes les parois sont recou- vertes d'un revêtement stalagmitique ; les stalactites coniques ou en draperies et les colonnes abondent. Un des puits n'a que 4 mètres de profondeur et il aboutit à une cavité close ornée de magnifiques stalactites d'une blancheur et d'une finesse admi- rables. Sur ses parois on remarque quatre corniches, indiquant d'anciens niveaux d'eau, formées par de jolies concrétions. L'argile et les éboulis manquent complètement. Quelques petites flaques d'eau existent dans les parties basses de la salle. Cette grotte est due à une faille et la corrosion a joué un grand rôle dans sa formation. La température était le 5 août : air : 8°8 C., et le 6 août : air : 8°5 C., eau : 8°. Nous n'avons pas entièrement exploré cette grotte et bien des recoins restent à visiter. 5Ô2 JEANNEL et RACOVITZA Nous n'avons pas vu traces de Chauves-souris. Pourtant deux Eschatocephalus furent trouvés sur les parois. Les pièges n'ont rien donné. Les Araignées, les Collemboles, les Coléoptères pro- viennent du fond de la grotte. Les Myriapodes et les Pseudo- scorpionides de l'entréq. Plus haut dans la montagne, mais plus près d'Ilhet, s'ouvre une cavité qui n'a que quelques mètres de profondeur. A l'entrée, sous les feuilles sèches, un Bathyscia a été trouvé. On nous a signalé aussi des grottes, dont l'une très vaste, paraît-il, à Fréchet-Aure, non loin d'Arreau, mais il a été impossible d'avoir des renseignements précis sur leur situation exacte. Jeannel et Racovitza. 12. Cueva de las Devotas. Située vers le milieu du Paso de las Devotas, partido de Bol- taha, provincia de Huesca, Espagne. — Altitude : 750 mètres env. — Roche : Calcaire crétacique supérieur. — Date : 13 août 1905. Matériaux : Coléoptères, Myriapodes, Aranéides, Opilionides, Mollusques. — Numéros : 33, 34. Cette grotte est formée par deux salles. La première, qui s'ouvre à l'extérieur par une ouverture ogivale, a environ 10 mètres de longueur sur 4 à 5 de largeur. Sur le plancher deux grands gours sans eau. Au fond, un éboulement ancien recouvert d'un revêtement stalagmitique et un rideau de sta- lactites forment une cloison derrière laquelle s'allonge une seconde salle d'une douzaine de mètres de longueur, sur 3 à 4 de large. Son sol est également occupé par des gours vides. Une des parois est nue, l'autre est couverte de stalactites. Cette salle se continue par une fente basse mais très étendue qui s'est formée suivant un joint. GROTTES VISITÉES 503 La température au fond est très peu inférieure à celle de Tair extérieur. Les Oulicides sont très nombreux sur les parois ; quelques Tinéides et de nombreuses toiles d' Araignées pleines de Mous- tiques. Les Coléoptères (Bathyscia) sont nombreux et proba- blement attirés par les cadavres de Moustiques, car on ne voit pas d'autre source de nourriture. Jeannel et Racoyitza. 13. Cueva del Molino. Située sur la rive droite du Rio Aso, au-dessus du moulin de Sercué, sur le territoire de la commune de Vio, partido de Bol- tana, provin cia de Huesca, Espagne. — Altitude : 900 mètres env. — Roche : Calcaire crétacique supérieur. — Date : 17 août 1905. Matériaux : Névroptères, Aptérygogéniens , Myriapodes, Palpigrades, Aranéides, Opilionides. — Numéro : 38. L'entrée en voûte surbaissée conduit dans un vestibule gran- diose ayant 35 mètres de large et 56 mètres de iong sur une dizaine de mètres de haut. Au fond du vestibule, à droite de l'entrée, s'ouvre une galerie de 200 mètres de long sur 25 de large et 4 à 5 mètres de hauteur. Elle aboutit à une vaste salle oblongue d'une quinzaine de mètres de hauteur, qui possède une annexe presque aussi grande mais située à environ 5 mètres plus haut que le niveau de son plancher ; cette sorte de second étage, qui a pris naissance par un colossal éboulement, est tout à fait sec, et n'a jamais subi l'action de l'eau. Il n'y existe aucune sorte de concrétion, et les éboulis sont couverts d'une épaisse poussière argileuse due à l'action de l'air sur la roche. En trois endroits nous avons trouvé de grands amas coniques d'argile pulvérulente couleur marc de café. Les autres parties de la grotte sont parcourues par un ruisseau 504 JEANNEL et HAGOVITZA qui prend sa source apparente dans un coin de la salle du fond. Un magnifique massif stalagmitique, reposant sur une plage de galets et occupant le milieu de la salle, le force à contourner les parois au pied du second étage ; il coule ensuite au milieu de la galerie, se déverse dans le vestibule en nappe mince sur une surface couverte de gours très plats et reforme un lit étroit à la sortie de la grotte. Dans la galerie il y a deux bancs puissants de galets roulés et le sol est couvert d'une épaisse couche d'argile dans laquelle le ruisseau s'est creusé un lit, de 2 mètres de largeur et 25 centi- mètres de profondeur, absolument rectiligne sur une grande partie de son étendue. Les berges sont plates et leurs bords droits comme tracés au cordeau. L'écoulement de l'eau est lent, car les différences de niveau sont insignifiantes dans le sol de la grotte. Comme les galets sont en partie recouverts d'un revê- tement stalagmitique et que près de l'entrée existent des grands gours à un niveau élevé, il est certain que le débit du ruisseau a beaucoup diminué ; il devait occuper toute la largeur des galeries pendant les crues et c'est à ce moment que la couche argileuse a été déposée en masses épaisses. Les stalactites sont peu nombreuses, mais il existe de beaux massifs stalagmitiques dans la galerie. Sont à noter deux particularités assez rares. Près de l'entrée de la galerie se voit une rangée de stalactites de forme conique, les unes blanches translucides alternant avec d'autres colorées en brun. D'autre part sur l'argile, au fond de cette galerie, se sont formées des stalagmites simplement fichées dans la masse meuble du sédiment. On les soulève sans effort de la petite cavité où repose leur base ; quelques-unes dépassent un mètre de hauteur et 20 centimètres de diamètre. Les animaux habitent plus volontiers la salle sèche du fond que les galeries parcourues par le ruisseau. Un bel Ischyropsalis, plusieurs Glomérides, des Araignées et des Diplopodes (Typhlo- blaniulus) furent capturés dans la première. De rares Araignées et quelques Colembolles furent pris sous les galets du ruisseau. GROTTES VISITEES 505 Une Phrygane fut aussi capturée, mais nous n'en avons pas trouvé à l'état larvaire dans le ruisseau. Jeannel et Racovitza. 14. Cueva Llobrica. Située sur la rive gauche du Rio Vélos, dans le massif des Sestrales, commune de Vio (?), partido de Boltana, provincia de Huesca, Espagne. — Altitude : 900 mètres env. — Roche : Calcaire crétacique supérieur. — Date : 18 août 1905. Matériaux : Coléoptères, Aptérygogéniens, Myriapodes, Opi- lionides. — Numéros : 40, 41. La grotte s'ouvre dans une falaise à pic, à une centaine de mètres au-dessus du niveau de la rivière, par une grande voûte ogivale d’une quinzaine de mètres de hauteur. Une galerie montante à direction S. -N. se coude en angle droit vers TO. et aboutit à une salle moins élevée, dont le fond en pente descen- dante est rempli de blocs énormes éboulés. A droite un petit couloir à parois tapissées de revêtement stalagmitique est pourvu de quelques stalactites. La longueur totale peut atteindre 100 mètres. Le sol des galeries et les roches éboulées sont couverts de poussière argi- leuse. Pas de stalactites et point d'eau dans la galerie principale. Dans le petit couloir du fond les Bathyscia sont abondants. C’est de cette partie de la grotte que proviennent aussi presque tous les autres animaux capturés. Jeannel et Racovitza. 15. Cueva de los Moros. Située sur la rive droite du Rio Xalle, vers le milieu de la gorge nommée G-loces, commune de Fanlo, partido de Boltana, provincia de Huesca, Espagne. — Altitude : 1.300 mètres env. — Roche : Calcaire crétacique supérieur. — Date : 19 et 20 août 1905. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GEN. — 4e SERIE. T. VI. (vill). 36 306 JEANNËL et RACOVITZA Matériaux : Diptères, Coléoptères, Aranéides, Ixodes. — Numéros : 43, 44. Les gloces du Rio Xalle sont des gorges extrêmement étroites, et hautes d'une cinquantaine de mètres ; par endroits la largeur ne dépasse pas un mètre et souvent il est impossible de voir la rivière, car les deux parois ont des corniches alternantes dans le sens de la hauteur. C'est dans la falaise de la rive droite que se trouve la grotte ; il faut descendre par une corniche puis monter un talus d'éboulis ; on arrive ainsi au pied d'une paroi dans laquelle sont percées deux ouvertures superposées de 4 à 5 mètres. L'ouverture infé- rieure permet d'atteindre une cheminée dont l'escalade conduit, au niveau de son ouverture supérieure, à l'entrée de la grotte. Celle-ci a environ 50 mètres de longueur ; une galerie montante X.-S., presque en ligne droite, tourne ensuite à angle droit vers l'E. et se termine par une cavité étroite. La forme de cette grotte est singulièrement régulière et la coupe de ses galeries est ogivale. Le plafond a 4 à 5 mètres de hauteur. Le plancher est occupé par une énorme coulée stalagmitique formée par une pâte calcaire assez dure, dont la blancheur contraste avec la couleur noire des parois. Deux rochers percent comme des îlots noirs la masse blanche. Le dépôt stalagmitique rappelle par sa forme une coulée de lave. Peu de stalactites ; quelques piliers stalagmitiques ; des gours vides sont parsemés sur le plancher. La température de l'air était de 11°8 C. L'humidité était forte, mais nulle part on ne voyait de l'eau liquide. Cette grotte est d'une « propreté » remarquable ; ni détritus ni pierres sur le sol. Cependant les Coléoptères cavernicoles ne manquaient pas, mais la plupart étaient morts et envahis par un Champignon. Près de l'entrée beaucoup de Xémocères, de Culicides, de Tinéides et de Phryganes. JEANNEL et RACOVITZA. GROTTES VISITÉES 507 16. Cueva de abaho de los Gloces. Située à 50 mètres de la précédente, à un niveau un peu infé- rieur, à 20 mètres au-dessus du niveau du Rio Xalle, commune de Panlo, partido de Boltana, provincia de Huesca, Espagne. — Altitude : 1.300 mètres env. — Roche : Calcaire crétacique supé- rieur. — Date : 19 et 20 août 1905. Matériaux : Hyménoptères, Diptères, Coléoptères, Myria- podes, Aranéides, Isopodes. — Numéro : 45. On entre par un couloir de 5 à 6 mètres de haut, parfaitement régulier, dont la coupe est ogivale, et dont le sol est couvert par des galets de rivière, qui disparaissent plus loin sous une coulée blanche stalagmitique pourvue de gours. Un détroit, occa- sionné par un massif de stalagmites, conduit dans un second couloir plus bas de plafond qui se termine par une cloison sta- lagmitique au pied de laquelle il y a un petit bassin d'eau. Cette première partie de la grotte mesure environ 66 mètres. Un violent courant d'air se faisait sentir à l'orifice d'une cheminée très étroite et tortueuse creusée dans la cloison sta- lagmitique du fond du couloir. Nous avons fait agrandir ce passage qui nous a conduit dans une vaste salle dont le plancher était formé par une couche épaisse d'argile pourvue de fentes de retraits. Sur les parois il y avait quelques stalactites de couleur sombre, leur masse étant fortement mêlée d'argile. On pénètre ensuite dans un couloir étroit, mais d'une hauteur qui par endroits doit dépasser 30 mètres, et qui s'est formé sur le trajet d'une énorme faille. De formidables éboulis encombrent en deux endroits ce couloir dont la largeur dépasse rarement 3 mètres. Tout le sol et les parois jusqu'à une grande hauteur sont couverts d'argile qui a formé souvent de véritables stalac- tites ou des coulées stalagmitiques de couleur sombre. De place en place il existe des stalactites blanches de calcaire pur. Nous avons été arrêtés par un mince éperon rocheux ayant une fente 508 JEANNEL et RACOVtTZÀ étroite de chaque côté. Il est possible qu'au moyen d'échelles on puisse aller plus loin. La longueur de cette seconde partie de la grotte est d'environ 234 mètres. La différence de niveau est très faible entre l'entrée et le fond, et le tracé presque rectiligne. La température de la première partie de la grotte était de 13°8 O. pour l'air et de 10° C. pour l'eau. Dans la seconde partie nous avons trouvé 10° C. pour l'air. Dans la première partie de la grotte les Culicides sont nom- breux ; les autres animaux capturés proviennent tous de cette partie. Dans la. seconde nous n'avons trouvé qu'un Coléoptère ( Bathyscia ). Au fond même du couloir terminal était un crâne de mouton. Nous avons d'ailleurs remarqué des traces de Renards (?) sur le sol argileux. Jeannel et Racovitza. 17. Cueva de los Paharitos. Située dans la partie d’amont du Barranco de Pardina, gorge découpée dans le plateau nommé Plan de Tripals, commune de Fanlo, partido de Boltana, provincia de Huesca, Espagne. — Altitude : 1.800 mètres env. — Roche : Calcaire crétacique supé- rieur. — Date : 21 août 1905. Cette grotte', ouverte dans la falaise qui forme la rive gauche du Barranco, n’a qu’une dizaine de mètres de profondeur. L'en- trée est majestueuse, le plafond formé par un joint de stratifi- cation est plat et repose sur deux murs verticaux. Au fond il y a un trou par lequel sort un violent courant d'air froid, ce qui indique que la grotte se continue au delà. D'une fente de la paroi sort une petite source ; une autre source plus considérable, sortie d'une fente, forme une cascade de 5 à 6 mètres de hauteur non loin de la grotte. GROTTES VISITÉES 509 Signalons ici un aven remarquable par sa forme régulièrement cylindrique et ses parois polies (serait-il produit par un moulin du glacier qui a dû recouvrir toute cette région ? ) qui se trouve à 5 minutes de la Oaseta del Plan de Tripals. Son diamètre est d'environ 3 mètres ; sa profondeur sondée donne 16,50 m. Jeannel et Racovitza. 18. Causse de la Pena Collarada. Située sur le mont Collarada, Canfranc, partido de Jaca, provincia de Huesca, Espagne. — Altitude : 2.300 mètres env. — Boche : Calcaire crétacique supérieur. Date : 31 août 1905. Matériaux : Coléoptères, Isopodes. — Numéro : 57. L'énorme massif de la Pena Collarada est entièrement cons- titué par des bancs épais de calcaire crétacique et présente les phénomènes karstiques les mieux caractérisés : grottes, sources intermittentes, lapiaz, roches percées, avens, etc. L'étude géographique n'en est pas faite ; elle promet d'être fort intéres- sante. Sur le versant sud du massif, un vaste plateau présente le phénomène du lapiaz sous ses formes les plus classiques. Fentes parallèles corrodées, crêtes tranchantes, cavités arrondies, trous de corrosion depuis le diamètre d'une pièce d'un sou jusqu'à celui de 30 à 40 centimètres. De plus tout le plateau est parsemé de dépressions de forme le plus souvent circulaire et de diamètre variant entre 3 et 10 mètres. Nous en avons vu une dizaine, mais il y en a beau- coup plus, d'après les dires du guide. Des masses de neige, plus élevées au centre qu'à la périphérie, car le contact de la paroi provoque une fusion plus rapide, occupent le fond de ces dépressions. Il est difficile de savoir si ce sont là des dolines d'effondrement ou des avens formés par corrosion. La neige empêche la vue du 510 JEANNEL et RACOVITZA fond, et ne permet pas de sonder leur profondeur vraie. L'un de nous est descendu dans une de ces dépressions dont T orifice présentait une échancrure formée par une pente d'éboulis. Au pied de l'éboulis, qui avait 5 mètres de hauteur, apparaissait l'orifice proprement dit, qui était circulaire et en partie caché par la paroi à pic de la dépression. Cette ouverture laissait voir un puits à parois verticales et parfaitement lisses qui était comblé de neige à 5 mètres de profondeur. Cette dépression était donc bien un aven produit par l'action extérieure des eaux s'exer- çant sur une fente préexistante. Une autre dépression formée manifestement sur le trajet d'une faille doit être interprétée de la même façon ; mais les dolines d'effondrement doivent certainement être représentées sur ce plateau. Quoi qu'il en soit, il nous semble que ces dépressions ne doivent pas communiquer par des fissures larges avec les grottes et galeries qui doivent traverser la masse rocheuse sous-jacente. En effet, si ces communications existaient il se formerait des courants d'air qui ne permettraient pas à la neige de persister jusqu'à cette époque de l'année. Il va sans dire qu'il n'existe ni ruisseau, ni source sur ce plateau ; toute la circulation se fait sous terre. Les bergers sont forcés, pour se procurer l'eau à boire, de détacher de gros blocs de neige, de les enfiler sur des bâtons et de les laisser fondre au soleil. Sous les pierres qui entourent l'orifice des avens ou dolines, nous avons trouvé des Isopodes et des Coléoptères troglopliiles. Jeannel et Racovitza. 19. Cueva de abaho del Coliarada ou Cueva de las Guixas. Située à la base de la Pena Coliarada, sur la rive gauche du Rio Aragon, à 2 km. au nord de Villanua, partido de Jaca, pro- vincia de Huesca, Espagne. — Altitude : 1.000 mètres env. — Boche : Calcaire crétacique supérieur. — Date : 30 août 1905. GROTTES VISITÉES 511 Matériaux : Diptères, Siphonaptères, Coléoptères, Aptéry- gogéniens, Myriapodes, Aranéides, Opilionides, Acariens, Iso- podes. Mollusques. — Numéros : 52, 53, 54, 55. Cette grotte est citée dans le catalogue de Puig y Larraz (1) sous le nom de Cueva de las Guixas ; mais ce nom ne semble pas être connu des gens du pays, qui Rappellent Cueva de abaho del Collarada. La grotte est un complexe de galeries formant trois étages et communiquant avec l'extérieur par autant d'orifices. Elles ont été creusées par un fort ruisseau souterrain qui actuelle- ment coule à un niveau inférieur et sort par un quatrième ori- fice situé dans la berge même du rio Aragon. L'eau remplit en entier l'orifice de sortie, ce qui en défend l'accès. Il existe donc en réalité quatre étages de galeries. La première ouverture au-dessus de la source donne d'une part dans une galerie descendante basse pleine d'énormes cail- loux roulés et de galets, se terminant par une fente étroiterrem- plie d'argile ; cette galerie est dirigée sans doute possible vers le courant souterrain et sert peut-être de trop plein pendant les crues. Une niche latérale assez profonde contient quelques concrétions. D'autre part, de l'orifice part une galerie ascendante donnant accès dans un vestibule qui s'ouvre à l'extérieur par la seconde ouverture de la grotte ; cette dernière sert aussi d'amorce à un long couloir à sol couvert de graviers roulés qui aboutit à deux salles spacieuses remplies de concrétions et à parois recou- vertes, en beaucoup d'endroits, d'un revêtement stalagmitique. Le sol est formé par de l'argile. Au fond de la seconde salle, l'escalade d'une cheminée per- met de monter à un étage supérieur formé par deux galeries. Celle de droite est humide, à parois couvertes de revêtement stalagmitique et à pente ascendante assez forte. Elle se ter- ci) G. Puig Y Larraz. Cavernas y simas de Espana. (Bol, de la Comission del Mapa geolo • gico de Espana, tomo XXI, pp. 1-392, 1896 ) 512 JEANNEL et RACOVITZA mine par une fente horizontale remplie d'argile ; plus bas sont des gours actuellement vides. Sur un des côtés se trouve une cloison stalagmitique qui ferme l'accès d'une autre galerie inex- plorée; trois fentes étroites, par où sort un très violent courant d'air, laissent voir une vaste cavité qui paraît s'étendre très loin. La galerie de gauche est sèche, possède peu de concrétions et aboutit à la troisième ouverture de la grotte. Nous n'avons rien trouvé dans la galerie de droite du troi- sième étage, mais celle de gauche était au contraire très peu- plée. Le sol était couvert de détritus de toutes sortes, feuilles, brins de paille, poussière argileuse, guano de Chauves-souris ; tout cela formait une couche d'humus où les troglophiles et les troglobies abondent. Chose curieuse : les Puces étaient très abondantes dans cet humus ; ce n'était pas le Pulex irritans, mais une espèce plus allongée et extraordinairement agile. Dans les salles du second étage, nous avons trouvé des Isopodes nombreux et des Lithohius. Le premier étage ne nous a fourni que quelques Isopodes. Les ossements de Mammifères sont très abondants dans l'argile qui forme le plancher des salles du second étage. Jeannel et Racovitza. 20. Cueva del Collarada de ariba. Située dans le massif du Collarada, au-dessus de Canfranc, partido de Jaca, provincia de Huesca, Espagne. — Altitude : 1.500 mètres env. — Roche : Calcaire crétacique supérieur. — Date : 31 août 1905. Au-dessus de Canfranc, à 5 ou 600 mètres au-dessus du niveau de la rivière, s'étend une longue falaise dont la base est creusée de plusieurs petites cavités. Dans la partie N. s'ouvre la Cueva del Collerada de ariba. L'entrée est située à mi-hauteur de la falaise. C'est une ouverture ogivale d'une quinzaine de mètres GROTTES VISITÉES 513 de hauteur, donnant accès dans une salle très vaste et très haute, qui possède deux haies énormes regardant vers le rio Aragon. Ce majestueux vestibule conduit dans une galerie basse, de quelques mètres de longueur. En continuant à longer la falaise on rencontre deux autres grandes ouvertures qui sont cependant l'amorce de très courts couloirs sans intérêt. Jeannel et Racovitza. 21. Grotte du Pla à Barbe. Située dans le massif qui forme la rive droite de la rivière Malugar, commune de Lees-Athas, Basses -Pyrénées, France. — Altitude : 800 mètres env. — Boche : Calcaire jurassique. — Date : 2 septembre 1905. Matériaux : Myriapodes, Isopodes. — Numéro : 58. L'entrée est très vaste et de forme carrée. Le plafond est formé par un joint de stratification reposant sur deux parois verticales ; la largeur est d'environ 25 mètres avec une hauteur presque égale. La galerie où l'on pénètre a une direction géné- rale E.-O., et un plancher en pente ascendante très raide. Une énorme coulée d'argile molle très calcaire, de couleur blanche, recouvre tout le plancher de la grotte dont la longueur doit dépasser 200 mètres. L'eau s'écoule en nappes à la surface de l'argile, qui en est complètement imbibée et cette argile forme, en se déversant par dessus les bords rocheux à pic, des sortes de cascades de stalactites. Dans les parties planes s'étagent des gours de faibles dimensions. Au fond de la grotte pendent quelques stalactites blanches, friables, très peu humides, ayant parfois plus d'un mètre de longueur. La masse qui les’ forme a l'aspect d'une moisissure. Quelques^ parois sont cou- vertes aussi de cette sorte de « moisissure » calcaire. 514 JEANNEL et RACÜVITZA N'ayant jamais eu l'occasion d'examiner ce qu'on nomme en Suisse « Mondmilch », nous ne pouvons pas assurer qu'il s'agit ici d'une formation identique. D'après Martel (p. 103) (1), le « Mondmilch » serait « une forme pâteuse du carbonate de chaux, qui paraît être simplement de la stalagmite tellement imbibée d'eau qu'elle n'a pas pu se solidifier ». Il nous a semblé que, dans la grotte du Pla à Barbe, les choses ont dû se passer différemment. La forme de la grotte, longue galerie presque droite, largement ouverte, et à plancher ascendant très forte- ment incliné, provoque la chute de l'air froid du fond vers l'en- trée et un appel d'air extérieur de l'entrée vers le fond. Il se forme ainsi un courant d'air violent et sec dans les régions hautes. L'évaporation de l'eau doit être si rapide que le calcaire d'ail- leurs très impur des infiltrations ne peut se déposer que sous forme de masse spongieuse et incomplètement cristallisée. Au fond de la grotte nous n'avons trouvé qu'un Diplopode. Dans une petite annexe sèche de la galerie principale, quelques Lithobius et non loin de l'entrée, des Isopodes. Jeannel et Bacovitza. 22. Grotte des Eaux-Chaudes. Située sur la rive droite du gave d'Ossau, près Les Eaux- Chaudes, département des Basses-Pyrénées, France. — Alti- tude : 900 mètres env. — Boche : Calcaire crétaeique supérieur. — Date : 4 septembre 1905. Matériaux : Diptères, Aptérygogéniens , Opilionides. — Numéro : 61. Cette grotte, aménagée pour les visiteurs sur une distance de 400 mètres environ, est parcourue par un fort torrent qui forme plusieurs cascades. Les concrétions sont rares dans la (1) E.-A. Martel. La Spéléologie ou Science des Cavernes. (Collection Scientia, Biologie n° 8, Paris, Xaud, 126 p., 1900.) GROTTES VISITÉES 515 galerie, presque rectiligne, très haute, à plafond droit et à parois verticales. Il paraît qu'en escaladant la dernière cascade on peut parcourir encore des galeries sur une distance de 500 mètres. Le temps nous a manqué pour contrôler ces renseignements. Les animaux recueillis ont été trouvés près de l'entrée, seul endroit où le terrain est sec. Jeannel et Bacovitza. 23. Petite Grotte des Eaux- Chaudes. Située un peu plus bas que la précédente. Les Eaux-Chaudes, Basses -Pyrénées, France. — Altitude : 900 mètres env. — Roche : Calcaire crétacique supérieur. — Date : 4 septembre 1906. Matériaux : Isopodes. — Numéro : 61 Ms. Un ruisseau parcourt également cette grotte. Par une entrée basse on pénètre dans un couloir qui s'élargit sur un des côtés, pour former une petite salle à plancher très incliné. Le couloir paraît continuer fort loin, mais il nous a été impossible de le suivre, faute de moyens d'éclairage suffisants. En face des grottes des Eaux-Chaudes, sur l'autre rive du Gave, il y a, paraît-il, une fente dans la falaise qui permet de voir une vaste salle occupée par un grand lac. Ce bassin sou- terrain doit capter toutes les précipitations atmosphériques qui tombent dans une vallée suspendue située au-dessus, car on ne voit aucun cours d'eau superficiel dans le thalweg de cette vallée. Une forte source, qui jaillit d'un trou de la falaise, plus bas que le niveau du lac, doit être l'émissaire de ce réservoir. L'étude hydrologique de cette région n'a pas été faite. Jeannel et Bacovitza. 24. Grotte de Malarode (rive droite). Située sur la rive droite d'un ravin boisé, à une heure de marche d'Arudy, Basses-Pyrénées, France. — Altitude : 500 mè- 516 JEANNEL et RACOVITZA très env. — Roche : Calcaire crétacique inférieur. — Date : 5 septembre 1905. Matériaux : Isopodes, Oligochètes. — Numéros : 64, 67. Un couloir d'une cinquantaine de mètres, encombré d'éboulis et assez haut de plafond, constitue cette grotte. Pas de con- crétions. A gauche de l'entrée, petite salle humide à sol couvert d'argile. Des Isopodes ( Porcellio ) furent capturés près de l'entrée et des Oligochètes vivaient dans l'argile, sous les pierres. Jeannel et Racovitza. 25. Grotte de Malarode (rive gauche). Située en face de la précédente, commune d'Arudy, départe- ment des Basses-Pyrénées, France. — Altitude : 500 mètres env. — Roche : Calcaire crétacique inférieur. — Date : 5 septembre 1905. Matériaux : Myriapodes. — Numéro : 65. Cette grotte est beaucoup plus vaste que l'autre. L'entrée est basse et conduit dans un vestibule dont le milieu est occupé par un puits de 5 à 6 mètres de profondeur. Ensuite un couloir coudé mène, par des éboulis recouverts d'un manteau stalag- mitique, dans une petite salle revêtue de concrétions et sou- tenue par de beaux piliers. Un passage étroit, entre deux colonnes, permet de descendre dans une grande salle d'une trentaine de mètres de hauteur. Le plancher et les parois de celle-ci sont entièrement recouverts de stalagmite, sauf quelques petits recoins où l'argile est à nu. La richesse de cette grotte en concrétions de toutes sortes est remarquable ; plusieurs niches dans les parois ont de superbes stalactites. L'humidité est très grande, mais il n'y a pas de bassin d'eau. GROTTES VISITEES 51 1 Les seuls animaux que nous ayons rencontrés sont les Typhlo- blaniulus (Diplopodes). Jeannel et Bacovitza. 26. Grotte d’Izeste ou d’Arudy. Située à vingt minutes d'Arudy, département des Basses- Pyrénées, France. — Altitude : 500 mètres env. — Boche : Calcaire crétacique inférieur. — Date : 5 et 6 septembre 1905. Matériaux : Diptères, Nyctéribies, Coléoptères, Aptérygo- géniens. Myriapodes, Aranéides, Opilionides, Acariens, Isopodes, Mollusques, Oligochètes. — Numéros : 66, 68, 69, 70, 71, 72, 73, 74. Cette grotte s'ouvre au flanc d'une, colline par un vaste orifice en partie fermé par un mur romain (?) qui fut démoli, puis reconstruit par M. Piette pendant les recherches paléontolo- giques que ce savant a entreprises dans la grotte. Un couloir coudé conduit dans une vaste galerie à parcours rectiligne dont la hauteur atteint certainement 30 mètres en certains endroits. Le sol est couvert d'éboulis, mais presque horizontal ; les parois sont en général verticales. Au fond un monticule formé par des éboulis recouverts de revêtement stalag - mifcique permet d'atteindre le plafond, orné de stalactites. Entre deux stalactites est un « trou à vent » par lequel on peut aper- cevoir une galerie encore inexplorée ayant de vastes propor- tions. Il n'y a pas de concrétions dans le reste de la grotte, ni de flaques d'eau, quoique les suintements ne manquent pas. Les parois sont sombres, le sol est noir, aussi est-il très difficile de s'éclairer convenablement. La longueur totale doit dépasser 300 mètres. Cette grotte doit être habitée depuis fort longtemps par les Chauves-souris. Ces animaux sont accrochés au plafond par milliers. Leur guano couvre le sol et une partie des parois, et JEANNE L et RACOVITZA Sl8 souvent son épaisseur dépasse 30 à 40 centimètres. Une pluie continuelle d'excréments tombe du plafond. La fiente fraîche, détrempée par l'eau qui s'égoutte des parois, est couverte de moisissure blanche ; le guano ancien a formé avec l'argile un terreau gras et noir. Dès qu'on pénètre dans la grotte, on est assailli par des essaims de Diptères variés. Les autres animaux sont nombreux aussi, et il serait difficile de trouver une station épigée aussi peuplée que cette grotte. La fiente fraîche grouille de larves de Diptères et de Coléop- tères au point de paraître une masse vivante ; des Oligochètes par milliers leur tiennent compagnie, tandis qu'à la surface, les Coléoptères (Lœmostenus, Bathyscia, Quedius), Acariens, Col- lemboles. Myriapodes, et des myriades de Diptères de plusieurs espèces courent de tous les côtés. Les parois de cette grotte sont couvertes de Diptères ,de Porcellio, de Lithobius. Dans les fentes et encoignures, plusieurs espèces d'Aranéides tendent leurs toiles et font ample provision de Mouches. De petits Hélicides rampent activement sur les pierres plus sèches. Les endroits couverts de vieux guano sont les stations favorites des Campodea, Bathyscia et Collemboles. Dans toutes les parties de la grotte les animaux sont nom- breux, mais là où la fiente des Chauves-souris tombe comme une manne, du plafond, c'est le grouillement intense des foules. Jeannel et Racovitza. 27. Grotte de Saint-Michel. Située sous la chapelle Saint-Michel, à Arudy, département des Basses -Pyrénées, France. — Altitude : 400 mètres env. — Roche : Calcaire crétacique inférieur. — Date : 6 septembre 1905 L'entrée a la forme d'une voûte surbaissée. Un trou très étroit conduit dans une caverne basse, d'une quinzaine de mètres de GROTTES VISITEES $19 longueur totale. Le sol argileux est recouvert d'un revêtement stalagmitique. Des tranchées artificielles montrent que cette caverne a été fouillée. Aucun animal cavernicole n'y a été trouvé. Racovitza. 28. Grotte de l’Oueil du Neez ou de Rébénacq. Située au-dessus de la source du Neez, commune de Rébénacq, Basses -Pyrénées, France. — Altitude : 300 mètres env. — Roche : Calcaire crétacique moyen. — Date : 7 septembre 1905. Matériaux : Diptères, Coléoptères, Aptérygogéniens, Myria- podes, Aranéides, Opilionides, Acariens, Amphipodes, Isopodes, Mollusques, Oligochètes. — Numéros : 76, 77, 78, 79, 80. Le Neez prend sa source apparente au pied d'une petite falaise calcaire ; il a été démontré que cette source est, en réalité, la résurgence d'une dérivation souterraine du gave d'Ossau. A peu de distance de la sortie du Neez et à un niveau un peu supérieur se trouve une grotte sèche de plus de 100 mètres de longueur, par où, très certainement, le Neez devait primitivement s'écouler. L'entrée est une vaste voûte surbaissée pourvue d'un mur maçonné dans lequel une porte a été ménagée. La grotte a la forme d'un couloir très long dont les parois et le plancher sont recouverts d'un épais revêtement stalagmitique. Les concré- tions sont nombreuses et variées ; quelques gours, actuelle- ment vides, existent sur le plancher. La galerie se prolonge par une fente horizontale basse dont le sol est formé d'argile et de couches de gravier de rivière. En creusant une tranchée dans ces dépôts, il serait possible d'arriver au cours souterrain du Neez, qui n'est pas abordable à son orifice de sortie. De petites galeries qui se terminent en cul-de-sac, ou qui aboutissent à des fentes de la falaise, prolongent latéralement la galerie principale. Les lits d'argile du fond contiennent beaucoup d'ossements 520 JEANNEL et RACOVITZA fossiles ; une mâchoire inférieure que nous avons rapportée comme échantillon, a été déterminée par M. le professeur Boule comme appartenant à l'Ours des cavernes. Les Chauves-souris habitent cette grotte ; par endroits on trouve quelques petits dépôts de guano. La faune est riche et variée. Dans un creux, sur l'argile humide, nous avons trouvé un gros Amphipode (n° 78) parfaitement vivant ; cependant aucune flaque d'eau accessible à l'animal n'existait dans le voisinage. Sur les parois, dans une sorte de mince toile d' Arai- gnée, se tenait une larve de Diptère (n° 79). Un Bathyseia a été recueilli sous une pierre. JEANNEL et RACOVITZA 29. Cuevas del Drach. Situées à Porto -Cristo, à 12 kilomètres de Manacor, Mallorca, îles Baléares, Espagne. — Altitude : 22 mètres. — Calcaire miocène supérieur. — Dates : 16 au 20 juillet 1904 et 26 avril 1905. Matériaux : Diptères, Rhynchotes, Myriapodes, Aranéides, Amphipodes, Isopodes, Champignons. — Numéros : 81, 82, 83, 84, 85, 86, 87, 88, 89. Les célèbres grottes du Dragon ont eu plusieurs historio- graphes et pourtant le sujet n'est pas complètement épuisé. Comme les études entreprises par M. Pruvot et par moi-même ne sont pas encore au point et que nous comptons les compléter, je me borne, pour le moment, à noter quelques faits ayant des rapports avec la faune, renvoyant pour le reste au beau travail de Martel (1), qui est aussi accompagné de la carte la plus com- plète qui ait été publiée. La longueur totale des galeries explo- rées atteint 2 kilomètres, et les conditions d'existence qu'offrent ces souterrains aux animaux sont très variées. (1) E.- A. Martel. Les Cavernes de Majorque (Spelunca, tome V, n° 32 ; 32 pp., 8 pl., 1 c., 1903.) GROTTES VISITEES 521 Il existe en effet des parties entièrement tapissées de revête- ment stalagmitique et de concrétions variées ; ces régions sont humides et les plus étendues de la grotte. La Covadonga, par contre, est une partie sèche sans concré- tions, à plafond très peu épais puisque les racines des Lentisques le traversent et pendent en longs faisceaux. La salle des Chauves-souris, qui est à côté, est également sèche et possède quelques amas d'ancien guano, car les Chauves-souris ont abandonné presque complètement les grottes du Drach depuis qu'elles sont aménagées pour les touristes. Ce sont ces régions sèches qui sont les plus riches en animaux. C'est ici que j'ai recueilli les Aranéides, et un Fulgoride certainement tro- globie, puisque j'ai capturé en même temps l'adulte et deux larves. Les petits Diptères ( Phora f) sont aussi très nombreux. Les bassins aqueux sont aussi nombreux. Dans le lago Negro et le lago de las Delicias l'eau était douce à l'époque de notre visite. C'est dans ces lacs que furent capturés les Isopodes et Amphipodes. Le lago Miramar, par contre, était très légèrement saumâtre et aucun animal n'y fut capturé. Le guide de la grotte m'a dit avoir vu plusieurs fois des « Anguilles » dans le lago Negro. Nous ne trouvâmes rien non plus dans les deux salles qui font suite au lago Miramar. Quelques petits Diptères furent vus sur le Dôme Moragues. Les animaux paraissent donc cantonnés dans les Cuevas negras, Cuevas blancas et la Cueva Louis-Sal- vator, sans dépasser dans cette dernière le lago Miramar, con- clusion d'ailleurs toute provisoire car nos recherches n'ont pas été suffisamment prolongées. La température de l'air et de l'eau variait un peu d'un lac à l'autre. 16 juillet. — Lago Negro : Température de l'air, 18°7 C. ; de l'eau, 18°7 C. 17 juillet. — Lago Negro : Température de l'air, 18°9 ; de l'eau, 18°7. 17 juillet. — Covadonga : Température de l'air, 21°1. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GEN. — 4° SERIE. T. VI. — (vill) . 37 522 JEANNEL et RACÔYITZA 17 juillet. — Lago Delicias : Température de l'air, 19°5 ; de l'eau, 19°2. 19 juillet. — Lago Duchesse de Toscane : Température de l'eau, 19°8. Oes températures sont très voisines de celles prises par Martel et Moragues, à des époques bien différentes de l'année ; elles démontrent que, contrairement à ce que l'on a prétendu, la variation de température est insignifiante dans les grottes du Drach, fait d’ailleurs général et qui se vérifie pour presque toutes les grottes. Racovitza. 30. Grotte du Laura ou de T Ermite. Située dans un contrefort du mont Razet, dans la vallée du Careï, commune de Castillon, arrondissement de Sospel, Alpes- Maritimes, France. — Altitude : 800 mètres env. — Roche : Calcaire jurassique supérieur. — Date : 25 septembre 1905. Matériaux : Diptères, Orthoptères, Aptérygogéniens, Myria- podes, Aranéides, Isopodes. — Numéro : 90 L'entrée de la grotte, bien visible de la grande route de Menton à Sospel, mais extrêmement difficile d'accès, est une vaste ouverture ogivale de 5 mètres de haut, fermée par un mur maçonné et percé d'une porte et d'une fenêtre. Des inscriptions latines et des traces de foyer montrent que la première salle, d'une superficie de 15 mètres carrés environ, a été habitée. Une étroite ouverture la fait communiquer avec une seconde salle obscure, située plus bas. Ses dimensions sont également très restreintes. Cette petite grotte est entièrement sèche et recou- verte de concrétions stalagmitiques. Il est possible qu'un rideau de stalactite, peut-être peu épais, la sépare des galeries les plus profondes de la grotte d’Albarea, située au même niveau, sur le versant opposé du mont Razet. La grotte du Laura est fré- GROTTES VISITÉES 523 quentée par les Chauves-souris, et les troglophiles y sont très nombreux. A noter la présence de Dolichopoda. A quelques mètres seulement de Centrée de la grotte, il y a, dans la falaise un simple abri sous roche. Plus bas encore vers la mer, mais dans un autre massif, s'ouvre une galerie d’où s’est écoulé un amas considérable de cailloux. Cette galerie, entière- ment claire, serait très peu profonde ; le temps m’a manqué pour l’explorer. Jeannel. 31. Baume Granet ou Goule de Mougins. Située à cinq minutes au sud du chef -lieu de la commune de Roquefort, département des Alpes-Maritimes, France. — Alti- tude : 300 mètres env. — Roche : Calcaire jurassique supérieur. — Date : 17 septempre 1905. Matériaux : Diptères, Coléoptères, Aptérygogéniens, Myria- podes, Aranéides, Pseudoscorpionides, Acariens, Isopodes, Oligochètes. — Numéro : 91. Cette grotte (1), très facilement accessible, absorbe par les temps d’orage un petit ruisseau qui se perd dans sa profondeur. Elle est entièrement éclairée par la lumière du jour et, lors de notre visite, elle n’était pas fréquentée par les Chauves-souris. Sa longueur totale est de 64 mètres. Au vestibule font suite deux salles ; dans celle de droite, en pente ascendante, profonde de 20 mètres environ, existe un fort encroûtement stalagmitique absolument sec. Dans la salle de gauche, au contraire, le sol est recouvert d’une belle couche d’argile, dans laquelle vient se perdre le ruisseau. C’est sous les pierres reposant sur cette argile détrempée que j’ai pris la plupart des Cavernicoles, dont la répartition dans la grotte était déjà parfaitement bien indi- (1) J. Gavet. Essai sur la Spéléologie des Alpes-Maritimes. {Ann. de la Soc. des Lettres des Alpes-Maritimes, Nice, Malvano, 1901.) 524 JEANNEL et racovitza quée par J. Sainte -Claire -Deville (1). Dans la salle de droite je n'ai rencontré que des Aranéides. Jeannel. 32. Balme d’Arèna. Située dans nn contrefort du mont Cima, au-dessus de la vallée du Paillon de Tourrette, à une demi-heure du village d'Aspre- mont, commune d'Aspremont, département des Alpes-Mari- times, France. — Altitude : 650 mètres env. (d'après Sainte- Claire -Deville). — Roche : Calcaire dolomitique du jurassique supérieur. — Date : 20 septembre 1905. Matériaux : Diptères, Siphonaptères, Coléoptères, Aptéry- gogéniens, Aranéides. — Numéro : 92. Cette grotte, une des plus vastes des Alpes-Maritimes, est constituée par un point d'absorption. La résurgence des eaux se ferait, dit-on, sur l'autre versant du mont Cima, dans la vallée du Yar. La longueur totale praticable de l'excavation est de 150 mètres environ. Une rapide descente conduit dans un vestibule encombré de blocs détachés par le travail des eaux. Ensuite une salle, toujours déclive, limitée par une voûte élevée de 10 mètres environ, présente quelques belles stalactites, mais les concrétions y sont peu abondantes, et la paroi est la plupart du temps sèche et nue. L'exploration méthodique des parties les plus basses m'a permis de constater qu'il n'existe pas, au fond de la grotte, de gouffre profond, inexploré, comme le prétend la Semaine Niçoise du 19 janvier 1901 (2). Les parties les plus humides, et particu- lièrement les roches de l'entrée, sont habitées par de très nom- breux Coléoptères aveugles. Les autres animaux proviennent des régions les plus inférieures, surtout de celles encroûtées de stalagmite. Jeannel. (1) J. Sainte-Claire-Deville. Exploration entomologique des grottes des Alpes-Maritimes) (Ann. Soc. ent. de France, tome LXXI, pp. 695-709, 1902 ) (2) E.-A. Martel. La Spéléologie au xxe siècle. (Spelunca, tome VI, p. 151.) GROTTES VISITÉES 525 83. Baume du Colombier. Située dans la commune de Roquefort, département des Alpes-Maritimes, France. — Altitude : 200 mètres env. — Boche : Calcaire jurassique supérieur. — Date : 17 septembre 1905. Matériaux : Coléoptères, Psocides, Aptérygogéniens, Myria- podes, Aranéides, Opilionides, Isopodes. — - Numéro : 93. Cette petite grotte n'avait jamais été explorée. Autrefois sans issue, elle a été découverte par hasard, dans le courant de Tannée 1905, en creusant le sol dans la propriété du curé du village du Plan du Colombier. On y accède par un orifice étroit et vertical qui conduit dans une petite salle très irrégulière, de 10 mètres de longueur, et dont la voûte ne doit pas présenter plus de 2 mètres d'épaisseur. Son élévation est de 2 mètres au maximum et dans bien des endroits on est contraint de se tenir courbé. Cette curieuse excavation est entièrement recouverte de concrétions. De nombreuses stalactites pendent de la voûte, et la plupart sont parcourues dans leur canal central par les racines des pins qui poussent au-dessus. De gros paquets de racines pendent ainsi vers le sol et beaucoup sont fixés au plancher, traversant donc la grotte de part en part. Cette petite forêt souterraine sert d'asile à de nombreux Isopodes qui courent dans les radicelles. Les habitants de cette grotte sont nombreux et certains sont même de véritables troglobies (Coléoptères, Isopodes). Jeannel. 34. Grotte d’Albarea. Située dans le vallon d'Albarea, commune de Sospel, Alpes- Maritimes, France. — - Altitude : 800 mètres env. — Boche : Calcaire jurassique supérieur. — Date : 25 septembre 1905. 526 JEANNEL et RACOVITZA Matériaux : Diptères, Coléoptères, Orthoptères, Aptérygo- géniens, Myriapodes, Aranéides, Isopodes, Mollusques. — Numéro : 95. La grotte s'ouvre à quelques mètres au-dessus du sentier muletier qui monte au col du Razet. Il est vraisemblable qu'elle communique, au moins par des fissures, avec la grotte du Laura. On y accède par un étroit couloir absolument sec. Cette grotte présente deux étages, mais, faute d'outillage spécial, je n'ai pas pu . parvenir à l'étage supérieur et je n'ai exploré que les deux salles inférieures, dont le développement total est d'environ 60 mètres. La première est occupée par un talus de cailloutis et d'argile. La seconde, plus élevée et bien plus vaste, présente un sol très irrégulier, encombré d'énormes blocs de rocher détachés de la voûte. Pas de concrétions ni stalactites, sauf dans un petit cul-de-sac absolument sec situé au fond de cette seconde salle* L'escalade d'un rocher à pic de plus de 3 mètres donnerait accès à l'étage supérieur. Cette grotte a été fouillée au point de vue préhistorique par M. Rivierre (1877). J'y ai récolté de nom- breuses dents de Mammifères. La faune actuelle est très riche. J'ai pris, dans la deuxième salle, un bel Orthoptère du genre Dolichopoda, et de nombreux Silphides cavernicoles sous des débris de bois pourri. Malgré les recherches les plus minutieuses, il m'a été impossible d'y retrou- ver le Trechus (Anophthalmus) Cailloli Dev., forme très inté- ressante et spéciale à cette grotte. Les Aptérygogéniens étaient abondants dans les débris de bois ; les Isopodes se tenaient plutôt sous les pierres dans les deux salles. Jeannel. 35. Grotte de l’Herm. Située dans la commune de l'Herm, près de Foix, Ariége, France. — Altitude : 550 mètres env. — Roche : Calcaire basique. — Date : 30 septembre 1905. GROTTES VISITÉES 527 Matériaux : Diptères, Coléoptères, Aptérygogéniens, Myria- podes, Aranéides, Opilionides, Pseudoscorpionides, Isopodes, Mollusques. — Numéro : 94. Je n'ai pu faire, dans cette immense caverne, qu'un très court séjour, simple visite de touriste, et cela explique la pau- vreté de ma récolte dans une grotte dont la faune est si riche. Aussi je me borne simplement à la citer ; elle est d'ailleurs une des mieux connues de toutes les Pyrénées, au point de vue géo- graphique, et je me propose d'en faire prochainement l'objet d'une étude biospéologique plus approfondie. Jeannel. 36. Cueva del Agua. Située sur le flanc du Monte Mongô, commune de Dénia, pro- vince d'Alicante, Espagne. — Altitude : 400 mètres env. — Roche : Calcaire crétacique. — Date : 4 janvier 1906. Matériaux : Aptérygogéniens, Myriapodes, Aranéides, Iso- podes, Oligochètes. — Numéros : 115, 116, 117. La grotte est creusée dans une falaise à pic, probablement sur le parcours d'une faille. Elle a dû servir de lit à un ruisseau souterrain, car un ravin, maintenant complètement à sec, s'amorce à l'entrée de la grotte. Un couloir coudé, qui se termine par un trou circulaire lais- sant voir un petit bassin d'eau, constitue toute la grotte acces- sible. Des travaux ont été effectués pour capter l'eau, sans succès d'ailleurs. Au fond de la grotte il ne règne qu'une demi-obscurité. Un petit filet d'eau court sur le plancher. Les animaux recueillis ont été trouvés au fond de la grotte, sur les parois et sous les pierres. Racovitza. 528 JEANNEL et RACOVITZA 37. Cueva sans nom. Située un peu en dessous de la précédente, à Dénia, province d'Alicante, Espagne. — Altitude : 400 mètres env. — Roche : Calcaire crétacique. — Date : 4 janvier 1906. Matériaux : Myriapodes, Aranéides, Isopodes. — Numéros : 118, 119, 120. Cette grotte est peu profonde (une trentaine de mètres) et consiste aussi en une galerie coudée. Elle est complètement sèche et le sol est couvert de cette poussière argileuse qui pro- vient, dans les cavernes, de la décomposition du calcaire sous l'action de l'air humide. Les Araignées y sont extrêmement nombreuses, mais comme les autres animaux capturés, il est douteux qu'elles soient de vraies troglobies. Racovitza. 38. Cueva de Andorial. Située sur la propriété nommée Andorial, partida de Santa Paula, Dénia, provincia de Alicante, Espagne. — Altitude : 50 mètres env. — Roche : Calcaire crétacique. — Date : 4 janvier 1906. Matériaux : Coléoptères, Aranéides, Isopodes. — Numéros : 121, 122. Un propriétaire de vignes, Francisco Prefaci y Ribes, en vou- lant creuser une citerne, il y a deux ans, trouva la grotte après avoir atteint quelques mètres de profondeur ; cette cavité était donc complètement fermée. Le propriétaire a construit une margelle autour de l'oriûce qui est maintenant fermé par un panneau en bois. On descend d'abord dans le puits artificiel de 3 mètres, creusé dans le calcaire fendillé et mêlé de terra rossa, puis par une cheminée naturelle de 5 mètres ayant environ GROTTES VISITÉES 529 1 mètre de largeur. On pénètre ainsi dans une petite salle où s'amorcent deux couloirs peu profonds. Cette descente continue conduit à environ 17 mètres de la surface. Les concrétions sont nombreuses et de toute beauté. Il y a des stalactites de forme conique, d'autres en draperie et des parois entières couvertes d'un revêtement stalagmitique à beaux cristaux brillants. Dans les stalactites blanches ou grises on remarque souvent des zones vertes dues probablement à des infiltrations cupriques. Le sol est aussi stalagmitique, mais il y a cependant quelques parties argileuses. Le suintement de l'eau est faible ; une seule petite flaque d'eau existe dans un coin. La température extérieure était de 17° C., celle du fond de la grotte de 20° C. ; mais ce dernier chiffre est probablement trop haut. Nous avions plusieurs bougies allumées et cela suffit pour élever la température dans une petite grotte. Un Coléoptère fut trouvé mort, à la surface de la flaque d'eau. Racovitza. 39. Grotte d’Oxibar. Située à proximité de la ferme d'Oxibar, commune de Camou- Oihigue, Basses -Pyrénées, France. — Altitude : 600 mètres. — Boche : Calcaire probablement crétacique (d'après Martel) (1). — Dates : 25 septembre 1904, 1er janvier 1905 et 1er janvier 1906. Matériaux : Coléoptères, Aptérygogéniens , Myriapodes, Aranéides, Acariens, Isopodes, Amphipodes, Mollusques. — Numéro : 127. A trois reprises différentes et en des saisons . diverses, j'ai pu explorer cette grotte en détail au moyen de pièges et (1) E.-A Martel. La Spéléologie au xxe siècle. ( Spelunca , tome VI, n 41.) 530 JEANNEL et RACOVITZA d'appâts, et je l'ai trouvée aussi peuplée en septembre qu'en janvier. Son entrée est constituée par un étroit trou vertical de 2 mètres de profondeur dissimulé dans les buissons. Deux fentes donnent encore accès à la lumière dans un vestibule bas de plafond, où le sol est entièrement formé de crottins de chèvres desséchés. La grotte est formée de deux salles sensiblement égales, réunies par un étroit couloir percé à travers un rideau de stalactites. Elle est en pente ascendante dans son ensemble, de l'entrée vers le fond, et semble entièrement due à l'action des eaux souterraines. La première salle, longue de 30 mètres, large de 10, haute de 8 mètres environ, est dépourvue de concrétions. Le sol d'argile est jonché de nombreuses pierres et de rochers. La deuxième salle, de mêmes dimensions, mais plus en pente, présente au point de vue des conditions d'habitat deux régions bien distinctes. A son entrée est un banc d'argile où des fouilles ont été pratiquées. Au fond et à gauche s'élève un gros massif stalagmitique ; les concrétions et stalactites y abondent. Partout l'humidité est grande, et de nombreux débris de paille et de végétaux apportés du dehors fournissent nourri- ture et abri aux nombreux habitants de la caverne. Il n'y a pas trace de Chauves-souris. Je puis préciser assez exactement les conditions d'habitat des différentes espèces animales qui représentent sa faune aqua- tique et terrestre. 1° Animaux aquatiques : J'ai toujours trouvé des Amphipodes, faciles à attirer par les pièges, dans un petit gour situé dans la première salle le long de sa paroi de droite. Il est à noter que la lumière extérieure pénètre jusqu'en cet endroit. Par contre, dans les flaques d'eau du fond de la deuxième salle, se tiennent de nombreux Asellides. Il m'a semblé voir aussi des Copépodes. 2° Animaux terrestres : Près de l'entrée, sous les feuilles sèches et le crottin vivent des Coléoptères lucifuges ( Antispho - drus, AtJieta, Batlnyscia), des Lithobius, des grands Axanéides. Dans la première salle, je n'ai jamais pris de vrais troglobies ; mais ceux-ci sont nombreux dans la seconde salle. J'ai pu GROTTES VISITÉES 531 observer là, très sûrement, que les Carabiques du genre Antisphodrus se tiennent enfouis dans T argile. C'est en effet sous mes yeux qu'ils en sortaient, immédiatement attirés par l'odeur des appâts. Par contre les Bathyscia et Aphœnops ont toujours été trouvés courant sur les concrétions humides, mais surtout dans les débris de paille. Les Aphœnops ont été attirés à deux reprises par les pièges. Dans les mêmes conditions, vivent à cet endroit et en grand nombre, les Aptérygogéniens, Diplopodes, Aranéides, Isopodes terrestres. Mollusques. Citons encore deux larves de Carabiques trouvées mortes au fond de la grotte sur une flaque d'eau. Je note ici, qu'à mon avis, à part les véritables Anophthalmus , tous les Coléoptères sont attirés par les appâts. Mais si les Sil- phides séjournent sur leur nourriture, il n'en est pas de même des Carabiques ( Antisphodrus , Aphœnops ) ; ceux-ci, en effet, attirés beaucoup plus vite que les Silphides, regagnent bientôt leurs retraites, emportant souvent avec eux, dans leurs mandi- bules, des parcelles de nourriture, comme j'ai eu l'occasion de l'observer dans la grotte d'Istaürdy. De là l'utilité d'employer des pièges et non des appâts pour les capturer. Il existe encore, autour du village de Camou-Cihigue, de nombreuses grottes inexplorées, au moins quant à. leur faune. De l'unes d'elles, située dans le village, sort une source salée. Il est probable que leur exploration donnera lieu à de nouvelles découvertes, surtout si l'on songe que la faune si riche de la grotte d'Oxibar était encore totalement inconnue il y a un an. Jeannel. 40. Grande Grotte Lecenoby. Située dans le versant nord du Pic des Vautours, commune d'Aussurucq, arrondissement de Mauléon, Basses -Pyrénées, France. — Altitude : 850 mètres. - — Roche : Calcaire crétacique supérieur. — Date : 2 et 3 janvier 1906. 532 JEANNEI, et RACOVITZA Matériaux : Coléoptères, Aptérygogéniens, Myriapodes, Ara- néides. Acariens, Oligochètes. — Numéro : 128. Sur le versant nord du pic des Vautours, au-dessus du village d'Aussurucq, s'ouvrent dans un bois de hêtre une série d'exca- vations. Il existe successivement de l'est à l'ouest, sur la même assise, un abîme et trois grottes. De celles-ci, la plus orientale est notre grotte n° 41 ; celle du centre est représentée par deux courtes galeries claires, sans aucun intérêt ; enfin la plus occi- dentale est la grotte n° 40, qui nous occupe ici. Cette grotte est appelée par 0. Dufau grotte de Belhy (1). Elle s'ouvre cependant dans la montagne sur le versant opposé à la ferme de Belhy, et les gens du pays me l'ont toujours nommée Lecenoby. Deux entrées donnent accès dans un vaste vestibule d'où partent deux galeries. Celle de gauche, étroite et basse, est sèche et recouverte de concrétions stalagmitiques. Elle présente une profondeur de 20 mètres environ. Quant à la galerie de droite, elle est beaucoup plus vaste et j'ai pu la suivre pendant près de cent mètres. Le sol est recouvert d'argile, très humide par places, et de gigantesques rochers, détachés de la voûte, obstruent presque entièrement la galerie. Le fond de la grotte est fermé par des pentes de stalactites que je n'ai pas pu esca- lader, faute d'échelles. De nombreux squelettes de bœufs gisent sur le sol. Près de l'entrée vivent de nombreux Coléoptères troglophiles, ainsi que des Aptérygogéniens, Myriapodes, Ara- néides. Acariens. Dans la grotte nous avons pris sur les pièges, au fond de la galerie de droite des Bathyscia et deux Antispho- drus dans la galerie de gauche. Jeannel. 41. Petite Grotte Lecenoby. Située dans la commune d'Assurucq, arrondissement de Mau- (1) C. Dufau. Grotte et abîmes du pays basque. (Spelunca, tome V, p. 69.) GROTTES VISITÉES $33 léon, Basses-Pyrénées, France. — Altitude : 580 mètres. — Roche : Calcaire crétacique supérieur. — Date : 2 et 3 janvier 1906. Matériaux : Diptères, Coléoptères, Aptérygogéniens, Myria- podes, Aranéides, Acariens, Amphipodes. — Numéro : 129. Cette petite grotte est constituée par une galerie longue de 50 mètres environ, haute de 1 mètre dans son premier tiers, remarquablement régulière dans sa forme, plus haute et large de 2 mètres environ dans ses deux autres tiers. Deux petites salles existent sur son trajet, et, dans la seconde, de petits gours pleins d'eau donnent abri à des Niphargus. Pas de concré- tions stalagmitiques ; le fond de la grotte est fermé par un dépôt d'argile. Dans le couloir d'entrée, fréquenté par les Chauves- souris, vivent des Coléoptères troglophiles et même de vrais Troglobies. J'ai pris, à 2 mètres de l'entrée, un Antisphodrus navaricus Vuill. et une larve de Carabique semblable à celles trouvées dans la grotte d'Oxibar. Dans ce couloir vivent encore en très grand nombre les Aptérygogéniens, Myriapodes et Ara- néides. Tout à fait au fond de la grotte quelques Bathyscia furent trouvés sur un appât. Enfin la grotte est fréquentée par de grands Némocères et des Tinéides. Jeannel. 42. Grotte d’Istaürdy. Située à proximité du Cayolar d'Istaürdy, près d'Ahusguy, arrondissement de Mauléon, Basses-Pyrénées, France. — Alti- tude : 900 mètres. — Roche : Calcaire crétacique supérieur. — Date : 1er et 2 janvier 1905. Matériaux : Diptères, Coléoptères, Aptérygogéniens, Myria- podes, Aranéides, Pseudoscorpionides, Acariens, Isopodes, Oli- gochètes. — Numéros : 130, 131. Cette grotte s'ouvre au fond d'un vaste puits formé par le tassement et l'effondrement de la voûte d'une cavité naturelle ; 534 JEANNEL et RACOVITZA elle apparaît donc comme un aven large de 8 mètres et profond de 7 à 8 mètres, dont le fond est occupé par un large cône d'éboulis. On y accède par une petite ouverture latérale, sans avoir besoin d'aucun agrès. Sur tonte la circonférence de l'aven partent de petites galeries latérales. Au N. s'onvre une toute petite salle absolument sèche, recouverte de concrétions et absolument inhabitée. An N.-E. monte une galerie très inclinée à sol formé par une pente de cailloutis. Au S. descend une petite galerie vite bouchée par l'argile, enfin an S.-E. s'onvre an milieu des blocs éboulés une petite salle située en contrebas, de toutes les précédentes. Dans les feuilles sèches qui recouvrent le cône d'éboulis situé à ciel ouvert, j'ai pris en tamisant de nombreux Coléoptères, Myriapodes, Aptérygogéniens, Aranéides, Pseudoscorpionides (n° 130). Quant aux vrais troglobies (n° 131), ils étaient nom- breux dans la galerie N.-E. et la salle S.-E. Les Oligochètes et les Isopodes ont été pris sur les parois. Dans la galerie N.-E. vivent dans les cailloutis Antisphodrus et Bathyscia. Dans la salle S.-E. un appât a attiré 18 Antisphodrus navaricus Yuill. que j'ai tous trouvés à deux mètres de l'appât sous des pierres visitées la veille. La plupart tenaient encore dans leurs mandi- bules des parcelles de fromage. Ajoutons que M. P. Nadar a trouvé dans cette grotte trois espèces de Coléoptères que je n'y ai moi-même jamais repris ; ce sont Pterostichus Nadari Yuill., Aphœnops Jeanneli Ab. et Bathyscia Mascarauxi Dev. Jeannel. 43. Grotte d’Alçaleguy. Située au-dessus de la ferme d'Alçaleguy, commune de Alçay, arrondissement de Mauléon, Basses-Pyrénées, France. — Alti- tude : 750 mètres. — Boche : Calcaire jurassique. — Date : 2 janvier 1906. C'est un immense abri sous roches. Toutefois du milieu d'un énorme chaos de rochers éboulés, entassés en équilibre peu GROTTES VISITÉES 535 stable, souffle un violent courant d'air froid venant des profon- deurs de la montagne. Les paysans racontent que des Chiens s'y sont perdus autrefois à la poursuite d'un Renard. Un ébou- lement partiel semble avoir achevé de fermer cette grotte, et c'est avec peine que les Chauves-souris y pénètrent. Je crois qu'il serait facile d'arriver à se frayer un passage qui permet- trait d'accéder à une caverne immense si on en croit les gens du pays, qui affirment que la fumée des feux faits à Alçaleguy ressort par les avens ouverts sur le plateau sus-jacent. Dans le même massif j'ai pu constater la présence de gouffres nombreux ; je cite les principaux, comme indication aux confrères qui visiteraient la région. Ce sont : Gouffre de Belhy; gouffre d'Harribilibil ; gouffres d'Ahusguy; gouffre d'Alçaleguy. Ces deux derniers seraient en communica- tion avec la grotte d'Alçaleguy. Gouffre du Cayolar d'Udoy ; gouffre du Cayolar d'Ubinge (1). Enfin à Irriberry, près de Saint-Jean-Pied-de-Port, se trouve dans la propriété de M. Carricaburu, une petite grotte où il a été découvert récemment une nouvelle espèce de Coléoptères cavernicoles : Bathyscia Elgueae Ab. De plus, tout le plateau d'Ahusguy et d'Istaürdy ainsi que les cimes voisines se trouvent creusés de centaines de grands entonnoirs qui forment des points d'absorption dus au tassement des cavités souterraines. Jeannel. 44. Catacombes de Bicêtre. Situées sous l'hospice de Bicêtre, dans la commune de Krem- lin-Bicêtre, département de la Seine, France. — Altitude : 60 mètres env. — Roche : Calcaire grossier du lutétien inférieur et moyen. — Date : Hiver 1905, été 1906. (1) De nombreuses grottes et surtout des gouffres souvent fort profonds sont cités dans le mémoire de C. Düfau, Grottes et abîmes du Pays basque. ( Spelunca , V, n° 37, pp. 69-84.) 536 JEANNEL et RACOVITZA Matériaux : Diptères, Coléoptères, Myriapodes, Aranéides, Acariens, Isopodes. — Numéro : 132. Ce sont des séries de galeries labyrinthiques, restes d'anciennes carrières ; ces galeries, souvent très basses, s'élargissent par place en salles assez vastes et élevées. En cinq endroits elles sont aérées par les anciens puits d'exploitation, simplement fermés par une plaque de fonte percée d'un orifice en son centre. Je ne connais pas à ces souterrains d'autre communication avec l'extérieur que ces orifices des puits et pourtant, à deux reprises, il m'est arrivé d'y capturer des Chauves-souris. Il est possible qu'il y ait une communication inconnue avec les Champignon- nières de Gentilly, et l'on aurait ainsi une explication facile du peuplement de ces cavité souterraines. Les conditions d'existence y sont très variables. Au voisinage des puits les débris organiques attirent de nombreux Coléoptères (Lœmostenus, Quedius), des Myriapodes (Lithobius) , quelques Aranéides, des Isopodes (Porcellio), des Acariens. Les murs sont parfois recouverts d'innombrables Diptères. Dans d'autres endroits, sur les bois vermoulus provenant des anciens étais, s'est développée une remarquable flore cryptogamique et sous l'abri qu'ils forment habitent des troglophiles variés. Coléop- tères (Anommatus), Aptérygogéniens, Myriapodes (Diplopodes), Aranéides et Acariens. Enfin, dans les régions les plus profondes, au-dessous des bancs à glauconie, le sol des galeries est formé de marnes sur lesquelles se rassemblent les eaux. Au voisinage des petits bas- sins permanents et relativement profonds, se trouve une faune toute différente de Coléoptères (Tr échus), d' Aptérygogéniens, de Myriapodes (Poly desmus) , d' Acariens, d' Aranéides et d’Isopodes ( Trichoniscus ). Jeannel. XXXVIe Année N°,9 Mai 1907 ARCHIVES DE \ ZOOLOGIE EXPERIMENTALE ET GÉNÉRALE HISTOIRE NATURELLE — MORPHOLOGIE — HISTOLOGIE ÉVOLUTION DES ANIMAUX FONDEES PAR HENRI de LACAZE - DUTHIÉRS PUBLIEES SOUS LA DIRECTION DE G. PRUVOT E.-G. RACOVITZA CHARGE DE COURS A LA SORBONNE DIRECTEUR DU LABORATOIRE ARAGO DOCTEUR ES— SCIENCES SOUS-DIRECTEUR DU LABORATOIRE ARAGO QUATRIÈME SÉRIE Tome VI 4 Numéro 9 et dernier du Tome sixième BI0SPE0L0GICA III. — E. SIMON. — Araneae, Chernetes et Opiliones (ire série) PARIS LIBRAIRIE C. REINWALD SCHLEICHER FRÈRES, ÉDITEURS 61, RUE DES SAINTS-PÈRES, 61 Prix ; 1 franc Paru le 20 Mai 1907 / Va, \&ÀA'&§ Les mémoires publiés dans les Archives paraissent isolément ; le volume sera donc composé d’un nombre variable de fascicules. ARCHIVES de ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE Les Archives de Zoologie expérimentale et générale, fondées en 1872 par Henri de Lacaze-Duthiers, comptent actuellement 37 volumes publiés qui sônt en vente au prix de 50 francs le volume cartonné. Le prix de l’abonnement pour un volume est de : ï 40 francs pour Paris — 42 francs pour les départements et l'étranger. Chaque volume comprend au moins 40 feuilles de texte illustrées de nom- breuses figures et accompagnées de planches hors texte en noir et en couleurs. 11 se compose d’un nombre variable de fascicules, plus une dizaine de feuilles de Notes et Revue. Les Archives de Zoologie expérimentale et générale forment, en réalité, deux recueils distincts dont les buts sont différents : I. — Les Archives proprement dites sont destinées à la publication des mémoires définitifs étendus et pourvus le plus souvent de planches hors texte. Les volumes; paraissent par fascicules, chaque fascicule ne comprenant le plus souvent qu’un seul mémoire. II. — Les Notes et Revue publient de cburts travaux zoologiques, des com- munications préliminaires et des mises au point de questions d’histoire natu- relle ou de sciences connexes pouvant intéresser les zoologistes. Cette partie de la publication ne comporte pas de planches mais toutes les sortes de figures pouvant êt^re imprimées dans le texte. Elle paraît par feuilles isolées, sans périodicité fixe, ce qui permet l’impression immédiate des travaux qui lui sont destinés. U apparition rapide, V admission des figures et le fait que les notes peuvent avoir une longueur quelconque, font que cette partie des Archives comble Une . lacune certaine parmi les publications consacrées ci la Zoologie. Les auteurs reçoivent gratuitement 50 tirages à part de leurs travaux (brochés sous couverture spéciale aveè titre, s’il s’agit de mémoires parus dans les Archives proprement dites). Ils peuvent,' en outre, s’en procurer un nombre plus considérable à leur frais, d’après le tarif suivant : 1/4 de feuille ' 1/2 feuille 1 feuille Les 50 exemplaires.... 5 fr. 7 fr. 50 10 fr. Couverture avec titre, en sus 5 fr. 5 fr. 5 fr. A ce prix il faut ajouter le prix des planches, quand il y â lieu. Ce prix . varie trop pour quon puisse fixer un tarif d’avance. A titre d’indication, on peut prendre les chiffres approximatifs suivants comme moyenne pour 50 exem- plaires d’une planche simple : Planche en photocollographie ou lithographie, tirage en une seule teinte. 10 fr. Planche gravée sur cuivre ou lithographie en plusieurs teintes 20 fr. Les travaux destinés à servir de thèses de doctorat sont reçus aux mêmes conditions que les travaux ordinaires. Les auteurs s’engagent ci ne pas mettre leurs tirés à part dans le commerce. Les articles publiés dans les Notes et Revue peuvent être rédigés en français, en allemand, en anglais ou en italien ; ils sont rémunérés à raison de 10 centimes la ligne. Pour faciliter l’impression correcte des noies en langues étrangères, il est recommandé d’envoyer à la place du manuscrit une copie à la machine à écrire. Les travaux destinés aux Archives de Zoologie expérimentale et aux Notes et Revue doivent être envoyés à l’un des Directeurs : M. G. Pruvot, Laboratoire d’anatomie comparée, Sorbonne, Par.is-ve ^ M. E. G. Racovitza, 2, boulevard Saint-André, Paris-vi6 ou déposés à la librairie Ueinwald, 61, rue des Saints-Pères, Paris-vi0. ARCHIVES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE IVe Série, Tome VI, p. 537 à 553 20 Mai 1907 BIOSPÉOLOGICA m (i» ARANEAE. CHERNETES ET OPILIONES (PREMIÈRE SÉRIE) PAR E. SIMON Ordo ARANEAE Familia SICARIIDAE Loxosceles rufescens (L. Dufour). Cueva sans nom. Dénia, prov. d'Alicante, Espagne, 4-Ï-1906, n° 119. Cette espèce, non cavernicole, mais toujours lucifuge, a été trouvée dans les grottes de la province d'Alicante. Familia LEPTONETIDAE Leptoneta Minos E. Simon. in Ann. Soc. ent. Fr., 1882, p. 202. Grotte de l'Herm, ïïerm, dép. Ariège, France, 30-IX-1905, n° 94. Cette espèce a un habitat fort étendu car nous l'avions trouvée antérieurement dans plusieurs grottes de l'Ariége, de l'Aude (1) Voir pour Biospéologica I et II ces Archives, Tome VI, n08 7 et 8 ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. 4e SERIE. — T. VI. (ix). 38 538 E. SIMON et des Pyrénées -Orientales ; elle se rencontre parfois aussi sous les grosses pierres et dans les mousses en dehors des grottes. L. Jeanneli, sp. nova. cf p, long. 2 % 5. — Céphalothorax, sternum, chelaeque pallide fulvo-rufescentia. Abdomen cinereo fulvum. Pedes lutei, subpellucentes , femoribus leviter obscurioribus et olivaceis. Céphalothorax sternum que subtilissime coriacea sed regione frontali laevi et nitida. Oculi cuncti minutissimi, haud nigro- marginati, portici ab anticis non longe remoti. Pedum femora mutica, antica, subtus ad marginen exteriorem, granulis nigris seriatis munita. Pedum -maxillarium maris tibia patella paulo longior, tarsus processu grosso, subgloboso, aculeo sat longo (basi vix breviore), infra directo et subrecto, munito. Crotte de Cargas, Cargas, dép. Hautes-Pyrénées, France, 30-VII-1905, n° 2. Cette espèce se rapproche de L. microphthalma E. Sim. (1), par ses yeux très petits, presque oblitérés et non pigmentés ; elle en diffère par sa taille plus petite, ses yeux postérieurs moins éloignés de ceux du premier groupe, ses fémurs dépourvus d'épines mais armés en dessous (surtout chez le mâle) de granu- lations noires sériées assez fortes, ses tibias antérieurs sans épines latérales, les postérieurs pourvus d'une épine latérale subapicale et d'une dorsale, le tibia de la patte-mâchoire du mâle plus court, cependant un peu plus long que la patella, la saillie externe du tarse plus courte mais plus convexe, sub- globuleuse et prolongée par une forte épine presque droite, presque aussi longue que la base. L. LEUC OPHTHALMA, Sp. UOVa. cf p, long. 2 % 5. — Céphalothorax, sternum, chelae, pedesque pallide lutea, subpellucentia. Céphalothorax sternum que subti- lissime coriacea sed regione frontali laevi et nitida. Oculi qua- (1) Espèce commune dans les grottes de l’Ariége, cf. Ann. Soc. ent. Fr., 1872, p. 480. pi. 16 ff. 17-19 ARANEAE, CHERNETES ET OPILIONES 539 tuor antici postice nigro-marginati, oculi postici minutissimi fere punctiformes haud nigro-limbati, ab anticis spatio oculo laterali antico saltem duplo latiore distantes. Pedum femora haud acu- leata, antica maris, granulis nigris setiferis subtus munita. Pedum -maxillarium maris tibia patella longior, tarsus processu crasso subgloboso, spina nigra sinuosa armato, extus ad apicem munitus. Cueva de las Devotas, Lafortunada, prov. Huesca, Espagne, 13-YIII-1905, n° 33. Assez voisin de L. Abeillei E. Simon, dont il diffère par Y in- tervalle des deux groupes oculaires ayant au moins deux fois (ou un peu plus) le diamètre des latéraux du premier, les yeux postérieurs encore plus petits et non liserés de noir. La patte-mâchoire du mâle ressemble beaucoup à celle de L. Abeillei, la saillie externe du tarse est cependant un peu plus globuleuse mais elle est également prolongée par une épine noire un peu sinueuse. L. crypticola, sp. nova. cr p, long. 2 % 5. — Pulvo-testacea, oculis anticis postice auguste nigro-marginatis , abdomine cinereo-albido. Céphalo- thorax sternumque subtilissime coriacea. Oculi postici ab an- ticis spatio oculo laterali antico paulo (non duplo) latiore dis- tantes. Pedes femora aculeis carentia, antica maris, praesertim ad basin, granulis seriatis setiferis conicis sat validis instructa. Pedum-maxillarium maris tibia patella non multo longior, tarsus processu exteriore subapicali mediocri, conico, seta curvata munito, instructus. La Balme d'Arena, Aspremont, dép. Alpes-Maritimes, France, 20-IX-1905, n° 92. — Grotte d'Albarea, Sospel, dép. Alpes-Mari- times, France, 25-IX-1905, n° 95. Nous Lavions trouvé antérieurement à Saint-Martin Yésubie, sous de très grosses pierres. Ressemble beaucoup à L. Minos E. Sim., n'en diffère guère que par le tibia de la patte-mâchoire, vu en dessus, un peu plus 540 E. SIMON long que la patella, et par le tarse à saillie apicale externe conique obtuse, moins cylindrique, surmontée d'un crin aigu dirigé en bas, aussi long que la base (chez L. Minos surmontée d'une petite épine noire unciforme, plus courte que la base). L. Proserpina, sp. nova. cr P, long. 2 % 5. — Fulvo-testacea, oculis anticis postice anguste nigro-marginatis, abdomine cinereo-albido. Céphalo- thorax sternumque subtilissime coriacea. Oculi postici ab anticis spatio oculo laterali antico plus dulpo latiore distantes. Pedum femora haud aculeata, antica maris subtus subtiliter rugosa. Pedum -maxillarium maris tibia patella evidenter lon- gior, tarsus processu exteriore subapicali minuto conico et curvato, seta sat longa et curvata munito, instructus. Grotte de Laura, Castillon, dép. Alpes-Maritimes, France, 25-IX-1905, n<> 90. Diffère de L. crypticola E. Simon, par les yeux postérieurs beaucoup plus largement séparés de ceux du premier groupe, par les fémurs antérieurs du mâle, plus finement rugueux en dessous, par le tibia de sa patte-mâchoire beaucoup plus long que la patella. L. PAROCULUS, sp. nova. c r p, long. 2 %. — Céphalothorax, chelae sternumque fulvo- rufescentia, subtilissime coriacea. Abdomen pallide cinereo- fulvum. Pedes lutei, subpellucentes, femoribus vix infuscatis. Oculi sat magni, duo postici a sese anguste disjuncti, ab anticis spatio oculo laterali antico haud majore distantes. Pedum femora haud aculeata, antica maris granulis nigris subseriatis subtus m imita. Pedum -maxillarium maris tibia patella haud vel vix longior, tarsus processu apicali late conico, spina nigra tenui, basi circiter aequilonga, munito, instructus. Cueva abaho de los Gloces, Fanlo, prov. Huesca, Espagne, 20-VIII-1905, n° 45. Cette espèce diffère de ses congénères par ses yeux posté- ARANEAE, CHERNETES ET OPILIONES 541 rieurs disjoints, caractère unique dans le genre Leptoneta, à part cela elle se rapproche des Leptoneta alpica et infuscata E. Simon. Familia PHOLCIDAE Pholcus phalangioides (Fuessly). Cette espèce, commune dans les maisons dans presque toute l'Europe a été trouvée, sans aucune modification, dans les grottes du Dracli, à Pile Majorque, Baléares, 20-VII-1904, n° 81, et dans la Balme d'Arena, Aspremont, dép. Alpes-Maritimes, France, 20-IX-1905, no 92. Familia ARGIOPIDAE Subfamilia LIN YPHIINAE Diplocephalus lusiscus (E. Simon). in Ann. Soc. ent. Fr., 1872, p. 219 (Erigone). Plaesiocraerus lusiscus, id., Ar. Fr., V, p. 759. Grotte de Gargas, Gargas, dép. Haute-Pyrénées, France, 30-YII-1905, n° 2. — Grotte de Tibiran, Aventignan, dép. Hautes-Pyrénées, France, 1 -VIII -1905, n° 11. Découvert dans les grottes de l'Ariége. Porrhomma Proserpina (E. Simon). in Ann. Soc. ent, Fr., 1873, p. 475 (Linyphia). Porrhomma Proserpina, id., Ar. Fr. V, p. 360. Grotte de l'Ours, Lortet, dép. Hautes-Pyrénées, France, 2-VIII-1905, n° 16. Découvert par Ch. de la Brûlerie dans les grottes de l'Ariége ; nous l'avions retrouvé depuis dans la Cueva de Orobe, près Alsasua (Espagne). Taranucnus Cerberus E. Simon. Ar. Fr., V, p. 252. Grotte de l'Oueil de Neez, Rébénacq, dép. Basses-Pyrénées, France, 7-IX-1905, n° 76. 542 E. SIMON Nous avons découvert cette espèce dans la grotte de Sare (Basses -Pyrénées ) . T. Orpheus E. Simon. Loc. cit., p. 253. Grotte d'Arudy, Arudy, dép. Basses-Pyrénées, France, 6-IX- 1905, n° 69. Découvert dans les grottes de l'Aude ; retrouvé depuis dans l'Ariége et les Hautes -Pyrénées. Lephtiiyphantes leprosus (Ohlert). Arachn. Studien, 1867, p. 12 (Linyphia). Linyphia confusa O. P. Cambridge, in Tr. Linn. Soc., XXVII, p. 427, pi. LV, f. 21. Grande grotte du tunnel de Camous, Sarrancolin, dép. Hautes- Pyrénées, France, 6 -VIII -1905, n° 25. — Petite grotte de Lece- noby, Aussurucq, dép. Basses-Pyrénées, France, 2-1-1906, n° 129. Espèce commune dans toute la France et une grande partie de l'Europe ; se trouve au pied des arbres et sous les herbes sèches, souvent aussi dans les caves et les grottes. L. pallidus (O. P. Cambridge). Loc. cit., p. 436, pl. LVI, f. 26 Linyphia. Linyphia troglodytes L. Koch, Apterol. Frankiss. Jura, 1874, p. 1, ff. 7-8. Baume Granet, Rocquefort, dép. Alpes-Maritimes, France, 17-IX-1905, n° 91. Espèce assez répandue en France où elle habite les caves et les cavités souterraines, parfois aussi dans les mousses des bois sombres. Egalement en Angleterre, et en Bavière, dans les grottes de Muggendorf (L. Koch). L. lorifer, sp. nova. cr long. 2 % 5. — Céphalothorax laevis, pallide fulvo- rufescens, haud marginatus, oculis singulariter nigro-cinctis. ARANEAE, CHERNETES ET OPILIONES 543 Oculi quatuor postici in lineam leviter recurvam, inter se fere aequidistantes, spatiis interocularibus oculis paulo angustioribus. Oculi antici in lineam plane rectam, medii nigri paulo minores, a sese contigui, a lateralibus spatio oculo paulo minore separati. Chelae rufescentes, clypeo longiores. Sternum olivaceum, niti- dum. Abdomen albidum, saepe postice leviter obscurius et olivaceum. Pedes sat longi, pallide fulvo- rufescentes, femore 1' paris aculeo tenui interiore munito, reliquis femoribus mu- ticis, tibiis aculeis setiformibus longissimis munitis, metatarsis anticis seta spiniformi unica superne armatis. Pedes-maxillares fulvi ; patella convexa, haud prominula, seta spiniformi longa supra munita ; tibia Rfl> j. Lephthyphantes tarifer patella paulo longiore et multo crassiore E- Simon- A> patte-mâchoire du mâle par la face externe ; et supra et subtus alte convexa, supra b, îorum du bulbe détaché, vu , • • j ,11 • i . par la face interne. seta spiniformi, seta patellan longiore, munita ; tarso processu basali carente ; bulbo loro nigro lon- gissimo apicem superante, sat angusto, compresso, curvato apice longe spiniformi, intus, prope medium, ramulum tenue sat longum et sinuosum emittente, insigniter armato. Cueva del Andorial, Dénia, prov. d'Alicante, Espagne, 4-1- 1906, n° 122. Espèce voisine de L. longiseta et angustijormis E. Simon (cf. Ar. Fr., t. Y, p. 304). Troglohyphantes pyrenaeus, sp. nova. p (pullus), long. 4 %. — Céphalothorax sat humilis, late ovatus, pallide testaceus, subpellucens, laevis, parte cephalica setis nigris paucis seriatis munita. Oculi fere obsoleti, medii antici punctiformes, nigri, a sese appropinquati, utrinque laté- rales testacei et vix perspicui, a mediis latissime distantes, inter se disjuncti, medii postici obsoleti. Clypeus mediocris, sub oculis impressus. Abdomen cinereo-testaceum, pilosum. Chelae longae, laeves, apice rufescentes. Sternum latum et convexum. 544 E. SIMON nitidum, olivaceum. Pedes longi, longissime setosi, pallide tes- tacei, subpellucentes, femoribus sex anticis aculeo setiformi subbasilari supra armatis, femore 41 paris mutico, patellis tibiisque aculeis longissimis armatis, metatarsis quatuor anticis aculeo setiformi unico supra munitis, posticis muticis. Grotte d'Oxybar, Camou-Cihigue, dép. Basses -Pyrénées, France, 1-1-1905, n° 127. Capture fort intéressante car le genre Troglohy pliantes était jusqu'ici étranger à "la faune française ; malheureusement MM. Racovitza et Jeannel n'en ont recueilli que de jeunes indi- vidus et la description de l'espèce est forcément incomplète. Ce genre a été découvert dans les grottes de Carniole et signalé depuis dans les grottes de l'Amérique du Nord (Cf. à ce sujet, Hist. Nat. Ar., t. I, p. 690). Subfamilia TETRAGNATHINAE METEAE Meta Menardi (Latreille). Grotte d'Arudy, Arudy, dép. Basses -Pyrénées, France, 6 -IX- 1905, n° 69. — Grotte de l'Oueil de Neez, Rébénacq, dép. Basses- Pyrénées, France, 7-IX-1905, n° 76. — Grande grotte de Lece- noby, Aussurucq, dép. Basses-Pyrénées, France, 2-1-1905, n° 128. — Petite grotte de Lecenoby, Aussurucq, dép. Basses-Pyrénées, France, 3-1-1906, n° 129. — Grotte d'Istaürdy, Ahusguy, dép. Basses-Pyrénées, France, 2-1-1906, n° 131. — Baume du Colom- bier, Rocquefort, dép. Alpes-Maritimes, France, 17-IX-1905, n° 93. Espèce commune dans toutes les grottes de la région médi- terranéenne ; se trouve aussi dans les caves humides. M. Menardi Latreille existe aussi à Madagascar et dans l'Amérique du Nord. M. antrorum, sp. nova. cr, long. 7-8 %. — Céphalothorax pallide luteus, parte cepha- lica antice utrinque, pone oculos latérales, linea tenui abbreviata. ARANEAE, CHERNETES ET OPILIONES 545 in medio lineis binis abbreviatis subgeminatis, postice macula majore, Y sinuosum désignante, fusco-olivaceis notatus, ocnlis singnlariter nigro-cinctis. Ocnli postici, super ne visi, in lineam leviter recurvam, magni, medii lateralibus panlo majores et a lateralibus qnam inter se remotiores, spatio interoculari dimidio diametro oculo non latiore. Ocnli antici in lineam multo magis recurvam. Olypeus oculis mediis anticis angustior. Partes oris sternumque nigricanti-olivacea, laminae intus testaceo-mar- ginatae. Ohelae validae, convexae, fulvae, ad basin et extus fusco-olivaceae, margine superiore sulci dentibus trinis, duobus apicalibus inter se subcontiguis, aequis, brevibus et latis, altero remoto longiore (in M. segmentata 01. dentibus trinis inter se subæquis), margine inferiore dentibus binis, basali mediocri, altero minutissimo. Abdomen superne albidum, fulvo-reticu- latum, parcissime et minutissime nigricanti-atomarium, subtus utrinque laxe nigricanti-reticulatum, vitta media lata olivacea, albido-marginata et utrinque, prope mamillas, maculis albidis binis, notatum. Pedes longi, pallide lutei, femoribus quatuor anticis subtus, in dimidio apicali, maculis fusco-olivaceis binis, tibiis cunctis annulo medio parvo vix distincto annuloque apicali majore, ornatis, aculeis longis nigris, ut in Meta segmentata ordi- natis, armati. Pedes -maxillar es graciles, pallide lutei, tarso bulboque fuscis ; tibia patella circiter aequilonga, versus basin attenuata ; tarso mediocri ovato, apophysi basali longe biramosa, ramulo superiore suberecto, late conico, extus ad basin processu parvo et obtuso munito, ramulo inferiore longiore, gracili et leviter sursum curvato. p, long. 9-10 %. — A mari differt abdomine majore pedibus brevioribus. Pedes-maxillares pallide lutei, tibia ad basin minute olivaceo-notata. Cueva del Agua et cueva sans nom. Dénia, prov. d'Alicante, Espagne, 4-1-1906, n0s 115, 119. L'une des plus intéressantes découvertes faites dans ces der- niers temps pour la faune des grottes. 546 E. SIMON Le Meta antrorum, cavernicole ou au moins lucifuge, comme le Meta Menardi, se rapproche cependant beaucoup plus du Meta segmentata Clerck, surtout par la structure de ses organes sexuels. Il en diffère par ses yeux Fig. 2. A , Meta segmentata Clerck, tibia et tarse de la patte-mâchoire du mâle, vus par la face externe ; B, Meta antrorum E. Simon, mêmes parties. inférieure grêle, plus longue lus gros et plus resserrés, ses tégu- ments plus pâles, ses pattes anté- rieures tachées et annelées de brun -olivâtre. La patte-mâchoire du mâle dif- fère de celle de M. segmentata par le tibia plus court, la branche su- périeure de l'apophyse tarsale plus épaisse et plus conique, la branche et un peu arquée en haut. NESTICEAE Nesticus celltjlantjs (Clerck). Grotte de l'Oueil de Neez, Rébénacq, dép. B asses -Pyrénées , France, 7-IX-1905, n° 76. — Baume Granet, Rocquefort, dép. Alpes-Maritimes, France, 17-IX-1905, n°91. — - Grotte d'Albarea, Sospel, dép. Alpes-Maritimes, France, 25-IX-9051, n° 95. Répandu dans toute l'Europe ; commun dans les caves, les grottes, les galeries de mines. X. obcaecatus, sp. nova. p long. 5-6 %. — Pallide luteo-testaceus, abdomine cinereo- albido, chelis rufescentibus. Oculi medii antici obsoleti, reliqui oculi albi, minutissimi, quatuor postici in lineam latam, pro- curvam, medii a sese quam a lateralibus saltem duplo remo- tiores. Chelarum margo inferior muticus, margo superior dentibus nigris binis, brevibus et robustis, armato. Abdomen convexum, tenuissime et sat longe pilosum. Pedes longe setosi. Plaga genitalis magna, nigra, antice profunde et angulose emarginata, postice convexa atque in declivitate postica fovea transversa, alba, sed tenuiter ruf ulo -marginata, impressa. ARANEAE, CHERNETES ET OPILIONES 547 Cueva del Molino, Vio, prov. Huesca, Espagne, 17-VIII- 1905, n° 38. Se distingue des espèces connues par l'oblitération complète des yeux médians antérieurs, la petitesse et l'écartement des yeux postérieurs et par la plaque génitale marquée, sur la pente postérieure, d'une profonde fossette transverse. Son faciès est celui du N. eremita E. Sim. Familia AGELENIDAE Tegenaria domestica (Olerck) Cueva de abaho del Collarada, Yillanua, prov. Huesca, Espagne, 30-VIII-1905, n° 53. Espèce presque cosmopolite qui se trouve dans les grottes aussi bien que dans les caves et les maisons. T. pagana C. Koch. Ar., VIII, 1841, p. 31, ff. 612-613. T. suhtilis E. Simon, Ar. nouv., 1er mém., Liège, 1870, p. 7. T. variegata Thorell, in Ilor. Soc. ent. Ross., XI, 1-2, p. 36. T. pagana E. Simon, Ar. Fr., II, p. 71. Cueva del Agua, Dénia, prov. d'Alicante, Espagne, 4-1-1906, n° 115. Espèce commune dans le midi de la France, en Corse, en Italie et en Espagne ; comme la précédente, elle n'est pas exclu- sivement cavernicole. Le T. pagana de la Cueva del Agua est de forme typique; dans une grotte voisine il est légèrement modifié et présente davantage les caractères d'un animal luci- fuge. T. PAGANA CAVERNICOLA, subsp. 110 va. c? long. 10 %. — Céphalothorax pallide luteo-testaceus, antice leviter et sensim fulvo-tinctus, oculis singulariter nigro- cinctis. Oculi postici, superne visi, in lineam leviter procurvam, inter se aequi et fere aequidistantes, spatiis oculis paulo majo- ribus separati. Oculi antici in lineam magis procurvam, inter 548 E. SIMON se subcontigui, medii lateralibus saltem 1/3 minores. Clypens oculis lateralibus anticis evidenter latior. Abdomen pallide luteo-testaceum, parce et longe nigro-setosum, superne, prope medium, utrinque linea valde arcuata, postice vittis transversis trinis, valde sinuoso-dentatis, fusco-olivaceis, notatum, subtus maculis parvis valde laciniosis et inordinatis parce conspersum, mamillae albido-testaceae, subpellucentes, articulo basali haud infuscato. Sternum albido-testaceum, ad marginem late et irregulariter fusco-olivaceum et maculis albidis trinis notatum. Ohelae fusco-rufulae. Pedes sat longi, pallide luteo-testacei, femoribus l1 paris, apice excepto, infuscatis et rufulis, femo- ribus 41 paris annulo subapicali, tibiis 41 paris annulo submedio, angustis, pallide olivaceis et vix expressis, munitis. Pedes-maxil, lares apice infuscati; femore sat longo, ad basin curvato et com- presse, ad apicem leviter ampliato, superne, in dimidio apicali, setis spiniformibus aculeisve nigris trinis uniseriatis instructo ; patella longiore quam latiore ; tibia patella vix longiore, paulo angustiore, apopbysibus binis, superiore crassa, conica, sed acuta, apice nigra, altéra (fere inferiore) rufula, paulo longiore, plana, laminiformi, apice sensim ampliata et obtuse truncata ; tarso tibia cum patella evidenter longiore, ovato, longe atte- nuato et bulbum multo superante ; bulbo magno, lamina rufula plana circumdato, lobo elevato et truncato, aculeis binis, inter se subaequis, basali gracillimo et curvato, apicali recto et acu- tissimo, extus armato. Oueva sans nom. Dénia, prov. d'Alicante, Espagne, 4-1-1906, n° 119. T. Bacovitzai, sp. nova. cr, long. 11 %. — Céphalothorax pallide fulvo-testaceus, parte cephalica longa, leviter convexa, in regione oculorum valde declivi. Oculi parvi, quatuor postici, superne visi, in lineam subrectam, inter se late et fere aeque distantes, spatiis interocularibus oculis plus triplo majoribus, medii ovati late- ralibus minores. Oculi antici in lineam subrectam, inter se ARANEAE, CHERNETES ET OPÏLIONES 549 distantes, medii lateralibns pins triplo minores et panlo minores quam medii postici. Olypens verticalis, planus, ocnlis anticis pins triplo latior. Abdomen ovatum, pallide fulvo-rufulum, longe et tenuiter nigro - setosum , superne, in parte apicali, pnnctis cinereis vix expressis biseriatis (3-3 vel 4-4) notatum, snbtns parce cinereo-pnnctatnm. Mamillae albidae, snperiores articulo apicali basali panlo breviore. Sternum fulvo-testaceum, concolor. Pedes fulvo-testacei, metatarsis leviter rufulo-tinctis, longi, postici anticis evidenter longiores, metatarsis tenuibus, anticis tibiis circiter aequilongis (vel panlo longioribus), posticis tibiis multo longioribus. Chelae fulvo-rufulae, laeves. Pedes- maxillares fulvo-testacei, apice levi- ter infuscati; femore sat longo, ad basin compresso et curvato, ad apicem leviter ampliato , superne setis spiniformibus acnleisve trinis uniseriatis, apicali minore, setaqne interiore longa snbapicali graciliore, armato ; patella brevi, snperne setis spiniformibus binis, apicali longis- sima, munita; tibia patella fere 1/3 longiore, graciliore et cylin- dracea , setis spiniformibus longissimis conspersa, apophysi parva nigra depressa et trnncata, extus ad apicem armata, sed lamina inferiore carente ; tarso tibia cnm patella circiter aequilongo, sat angnste ovato et longe acuminato, bnlbum multo snperante ; bnlbo mediocri, snbrotnndo, lamina rnfula crassa circumdato, apice stylo nigro curvato, extus ad basin apophysi crassa et conica sat brevi, instructo. Cueva abaho de los Gloces, Panlo, prov. ITuesca, Espagne, 20-VIII-1905, n° 45. Espèce du groupe de T. domestica, dont elle se distingue par ses téguments unicolores, ses yeux plus petits et plus espacés et surtout par la structure de la patte-mâchoire du mâle (flg. 3). Fig. 3. A, Tegenaria domestica Clerck, patte-mâchoire du mâle, vue par la face externe. B, T. Racovitzai E. Simon, mêmes parties. 550 Ë. SIMON Iberina Mazarredoi E. Simon. in Anal, de la Soc. esp. de Hist. Nat., X, 1881, p. 127. Grotte de 1'Oueil de Néez, Rébénacq, dép. Basses-Pyrénées, France, 7-IX-1905, n° 76. Espèce nouvelle pour la faune française ; nous l'avons décou- verte en 1880 dans la cueva de la Magdalena, près Galdames (Biscaye). Ordo CHERNETES Familia CHELIFERIDAE Chelifer lacertosus (L. Koch). Darst. Eur. Chernet., p. 9 (1873). Causse de la Pena de Collarada, Villanua, prov. Huesca, Espagne, 31-VIII-1905, n° 57. Espèce répandue dans le midi de la France, en Corse, en Italie et en Espagne ; accidentellement cavernicole. Familia OBISIIDAE Obisium muscorum Leach. Zool. Miscell. III, p. 51. Ob. muscorum et tenellum C. Koch, Ar., t. X, pp. 67-69. Grotte d'Istaürdy, Ahusguy, dép. Basses-Pyrénées, France, 2-1-1906, n° 130. O. Simoni L. Koch. Loc. cit., p. 54. Grotte d'Ilhet, Sarrancolin, dép. Hautes-Pyrénées, France, 6-VIII-1905, n° 23. O. muscorum et Simoni sont des espèces répandues dans presque toute l'Europe et communes dans les mousses des bois ; leur présence dans les grottes est accidentelle. O. CAVERNARUM L. Koch. Loc. cit., p. 55. Grotte de Gargas, Gargas, dép. Hautes -Pyrénées, France, A ANEAE, CHERNETES ET OPILIONES 551 30-VII-1905, n° 8. — Grotte de Tibiran, Aventignan, dép. Hautes- Pyrénées, France, l-VIII-1905, n° 11. Cette espèce, qui fait la transition des Obisium vrais aux Blotlnrus, a été trouvée dans presque toutes les grottes de l'Ariége, des Basses-Pyrénées et même dans celles de l'Ardèche. Chthonius tentjis L. Koch. Loc. cit., p. 51. Grotte de l'Herm, Herm, dép. Ariège, France, 30-IX-1905, n° 94. Commun dans les mousses des bois et sous les pierres ; acci- dentellement cavernicole. C. Gestroi E. Simon. in Ann. Mus. civ. Genova, sér. 2, XVI, 1896, p. 376. Baume Granet, Rocquefort, dép. Alpes-Maritimes, France, 17 -IX-1905, n° 91. Espèce découverte récemment dans les grottes de la Ligurie. Ordo OPILIONES Sub-Ordo OP. MECOSTETHT Familia PHALANGODIDAE Phalangodes clavigera E. Simon. Ar. Fr., t. VII, p. 151. Grotte d'Arudy, Arudy, dép. Basses -Pyrénées, France, 6-IX-1905, n° 69. Découvert dans la grotte de Betharram par Ch. de la Brûlerie ; nous l'avons retrouvée depuis en nombre près de Saint -Jean-de- Luz et d'Ascain dans les mousses et sous les grosses pierres ; cette espèce est plutôt lucifuge que cavernicole. P. Lespesi (Lucas). in Ann. Soc. ent. Fr., 1860, p. 974. — Id. E. Simon, Ar. Fr., VII, p. 155. 552 Ë. SIMON Cueva de las Devotas, Lafortunada, prov. Huesca, Espagne, 13-VIII-1905, n° 33. Espèce commune dans presque toutes les grottes de FAriége, de F Aude et des Pyrénées-Orientales ; se trouve aussi dans les mousses en dehors des grottes. Nota. — Quelques jeunes Phalangodes, non déterminables, ont été trouvés dans la grotte de FHerm (Ariège). Sub-Ordo PLAGIOSTETHI Familia ISCHYROPSALIDAE Sabacon paradoxus E. Simon. Ar. Fr., VII, p. 266. Grotte de FOueil de Néez, Rébénacq, dép. Basses -Pyrénées, France, 7-IX-1905, n° 76. . Cette espèce a été trouvée dans presque toutes les grottes de la région pyrénéenne ; elle se rencontre aussi dans les mousses et sous les pierres humides en dehors des grottes. Ischyropsalis LUTEiPES E. Simon. in. Ann. Soc. ent. Fr., 1872, p. 484. — Ibid., Ar. Fr., VII, p. 268. Grotte de FOueil de Néez, Rébénacq, dép. Basses-Pyrénées, France, 7-IX-1905, n° 76. Espèce très répandue dans la région pyrénéenne et en Au- vergne ; se trouve plus souvent en dehors des grottes dans les mousses épaisses et humides. I. nodifera E. Simon. Ar. Fr., VII, p. 270. — I. Sharpi E. Simon, in Ann. Soc. ent. Fr., 1879, Bull. p. CXXIX. Cueva del Molino, Yio, prov. Huesca, Espagne, 17-VIII-1905, n° 38. I. nodifera est Fespèce du genre la plus répandue dans les provinces basques : nous Favons observée à Saint- Jean-de-Luz, ARANEAE, CHERNETES ET OPILÎONES 553 à Alsasua et près de Galdamès à Rentrée des grottes de la Mag- dalena et de Arenaza ; elle n'est cavernicole qu'accidentelle- ment, elle habite les mousses et les détritus humides Nota. — Un jeune Ischyropsalis, non déterminable, a été trouvé dans la grotte des Eaux-Chaudes (Basses-Pyrénées). Familia NEMASTOMATIDAE Nemastoma bacilliferum E. Simon. Ar. Fr., VII, p. 287. Grotte de Gargas, Gargas, dép. Hautes-Pyrénées, France, 30-1-1905, n° 2. — Oueva de abaho del Collarada, Villanua, prov. Huesca, Espagne, 30-VIII-1905, n° 53. Espèce commune à toute la région pyrénéenne aussi bien en France qu'en Espagne ; accidentellement cavernicole. N. carbonaritjm, sp. nova. c? p. long. 2-2,5 %. — A V. bacillifero, cui sat affine est, differt corpore supra omnino nigro-opaco haud aureo -plagiat o, coxis anticis subtus grosse et crebre granulosis (in N. bacillifero coriaceis et parcissime granulosis). Abdo mine feminae clavis posticis seriatis brevioribus et praesertim chelarum maris articulo basali apophysi erecta cylindracea et setosa leviter incurva, fere ut in N. chrysomelano , instructo. Oueva Llobrica, Vio, prov. Huesca, Espagne, 18-VIII-1905, n° 40. Nous l'avions reçu antérieurement de La Granja. Familia TROGULIDAE Amopaum Sorenseni (Thorell). in. Ann. in Mus. civ. Gen., VIII, p. 505 (1876). Baume du Colombier, Roquefort, dép. Alpes-Maritimes, France, 7-IX-1905, n° 93. Se rencontre le plus souvent en dehors des grottes, sous les grosses pierres humides. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GEN. 4° SERIE. — T. VI. (ix). 39 . • INDEX ALPHABETIQUE DES MATIERES 4» SÉRIE, TOME VI Afrique équatoriale (Essai sur la malacogra- phie de 1’ — ) (voir Germain), p. 103. ANTHONY (R.). Etudes et recherches sur les Edentés tardigrades et gravigrades. — I. Les coupures génériques de la famille des Bradypodidae. — II. Les attitudes et la locomotion des Paresseux, p. 31. Araneae (lre série), Biospéologica III (voir Simon), p. 537. Autonomie caudale chez quelques Rongeurs (voir Cuénot), N. et R., p. lxxi. BEAUCHAMP (P. de). Morphologie et variations de l’appareil rotateur dans la série des Ro- tifères, p. 1. RILLARD (A.). Deux espèces nouvelles d’Hy- droïdes de Madagascar (Note préliminaire), N. et R., p. lxxix. Biospéologica. I. Essai sur les problèmes biospéologiques (voir Racovitza), p. 371. II. Enumération des grottes visitées, 1904- 906 (lre série) (voir Jeannel et Raco- itza), p. 489. III. Araneae, Chernetes et Opiliones (lre série), (voir Simon), p. 537. Biospéologiques (Essais sur les problèmes — ) (voir Racovitza), p. 371. Bradypodidae (Les coupures génériques de la famille des — ) (voir Anthony), p. 31. BRUNTZ (L.). Sur l’existence d’éléments con- jonctifs phagocyto-excréteurs chez les Schi- zopodes, N. et R., p. xxm. BRUNTZ (L). Sur l’existence d'éléments conjonc- tifs phagocyto-excréteurs chez la Nébalie, N. et R., p. xxviii. BRUNTZ (L.). Néphrocytes et néphro-phago- cytes des Caprellides, N. et R., p. lvi. Caprellides (Néphrocytes et néphro-phago- cytes des — ) (voir Bruntz), N. et R., p. LVI. Chernetes (lre série). Biospéologica III (voir Simon), p. 537. Cloisons chez les Hexactinies (Nouvelles recherches sur le développement des — ) (voir Faurot), p. 333. CUÉNOT (L.). L'hérédité de la pigmentation .chez les Souris (5e note), N. et R., p. I. CUÉNOT (L.). L'autonomie caudale chez quel- ques Rongeurs, N. et R., p. lxxi. CUÉNOT (L.). L’origine des nématocystes des Eolidiens, p. 73. DEL AGE (Y.). Sur les conditions de la parthéno- génèse expérimentale et les adjuvants spé- cifiques de cette parthénogénèse, N. et R., p. XXIX. DEL AGE (Y.). Charles Marty (Notice nécrolo- gique), N. et R., p. li. Edentés tardigrades et gravigrades (Etudes et recherches sur les — ) (voir Anthony), p. 31. Eolidiens (L’origine des nématocystes des — ) (voir Cuénot), p. 73. FAUROT (L.). Nouvelles recherches sur le déve- loppement du pharynx et des cloisons chez les Hexactinies p. 333. GERMAIN (L.). Essai sur la malacographie de l’Afrique équatoriale, p. 103. Grottes ( Enumération des — visitées , 1904-1906) (voir Jeannel et Racovitza). p. 489. GUITEL (F.). Sur la création d’une station entomologique à la Faculté des sciences de Rennes, N. et R., p. xciii. Hérédité de la pigmentation chez les Souris (voir Cuénot), N. et R., p. i. Hexactinies (Nouvelles recherches sur le déve- loppement du pharynx et des cloisons chez les — ) (voir Faurot), p. 333. HOUSSAY (E). Variations expérimentales. Etu- des sur six générations de Poules carni- vores, p. 137. Hydroïdes de Madagascar (Deux espèces nou- velles d’ — ) (voir Billard), N. et R., p. LXXIX. JEANNEL (R.), et E. G. RACOVITZA. Enumération des grottes visitées, 1904-1906 (lre série). Bio- spéologica II, p. 489. LOISEL (G.). Recherches sur les caractères diffé- rentiels des sexes chez la Tortue mauresque, N. et R., p. xxxviii. Madagascar (Deux espèces nouvelles d’Hy- droïdes de — ) (voir Billard), N. et R., p. LXXIX. Malacographie de l’Afrique équatoriale (voir Germain), p. 103. Marty (Charles) (voir Delage), N. et R., p. LI. Méditerranée (Les Scorpénides de la — ) (voir Roule), N. et R., p. xiv. Nébalie (Sur l’existence d’éléments conjonctifs phagocyto-excréteurs chez la — ) (voir Bruntz), N. et R., p. xxviii. Nématocystes (L’origine des — des Eolidiens) (voir Cuénot), p. 73. Némertes (Sur quelques nouvelles espèces de — de Roscoff) (voir Oxner), N. et R., p. LIX. Némertes de Roscoff et Villefranche-sur-Mer (Quelques observations sur les — ) (voir Oxner), N. et R., p. lxxxii. Néphrocytes et néphro-phagocytes des Caprel- lides (voir Bruntz), N. et R., p. lvi. Opiliones (lre série). Biospéologica III (voir Simon), p. 537. OXNER (M.j. Sur quelques nouvelles espèces de Némertes de Roscoff, N. et R., p. lix. OXNER (M.). Quelques observations sur les Némertes de Roscoff et Villefranche-sur- Mer, N. et R., p. lxxxii. ARCU. DE ZQQL. EXPt ET GÉN, — 4e SÉRIE. — T, VI, 40 556 INDEX ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES Paresseux (Les attitudes et la locomotion des — ) (voir Anthony), p. 31. Parthénogénèse (Sur les conditions de la — expérimentale et les adjuvants spécifiques de cette — ) (voir Delage), N. et R., p. XXIX. Phagocyto-excréteurs (Sur l’existence d’élé- ments — chez les Schizopodes) (voir Bruntz), N. et R., p. xxiii. (Id. — chez la Nébalie) (voir Bruntz), N. et R., p. xxvni. Pharynx chez les Hexactinies (Nouvelles recherches sur le développement du — ) (voir Faurot), p. 333. Pigmentation (Hérédité de la — chez les Souris) (voir Cuénot), N. et R., p. i. Poules carnivores (Variations expérimentales. Etudes sur six générations de — ) (voir HOUSSAY), p. 137. RACOYITZA (F.. G.). Essai sur les problèmes biospéologiques. Biospéologica I, p. 371. RAG0V1TZA (E. ■ . . (Voir Jeannel et Racovitza), p. 489. Rongeurs (L’autotomie caudale chez quel- ques — ) (voir Cuénot), N et R , p. lxxi. Roscoff (Sur quelques nouvelles espèces de Némertes de — ) (voir Oxner), N. et R., p. LIX. Roscoff (Quelques observations sur les Ne- mertes de — ) (voir Oxner), N. et R., p. LXXXII. Rotifères (Morphologie et variations de l’ap- pareil rotateur dans la série des — ) (voir Beauchamp), p. 1. ROUE (L). Notes ichthyologiques. Les Scor- pénides de la Méditerranée, N. et R., p. XIV. Schizopodes (Sur l’existence d’éléments con- jonctifs phagocyto-excréteurs chez les — ) (voir Bruntz), N. et R., p. xxm. Scorpénides (Notes ichthyologiques. Les — de la Méditerranée) (voir Rouie), N, et R., p. XIV. Sexes (Recherches sur les caractères diffé- rentiels des — chez la Tortue mauresque) (voir Loisel), N. et R., p. xxxviii. SIMON (E). Araneae, Chernetes et Opiliones (lre série). Biospéologica III, p. 537. Station entomologique à la Faculté des sciences de Rennes (Sur la création d’une — ) (voir Guitel), N. et R., p. xciii. Souris (Hérédité de la pigmentation chez les — ) (voir Cuénot), N. et R., p. i. Tortue mauresque (Recherches sur les carac- tères différentiels des sexes chez la — ) (voir Loisel), N. et R., p. xxxviii. Variations expérimentales. Etudes sur six générations de Poules carnivores (voir Hous- say), p. 137. Villefranche-sur-Mer (Quelques observations sur les Némertes de — ) (voir Oxner), N. et R., p. LXXXII. Versailles. — Société Anonyme des Imprimeries Gérardin. Arch. de Zool. 'Exp?e et Gén1( BRADYJ 4e Série, Tome VI, PL I 7 DIDAE. Phototypie Berthaud, Pari? Arch. de Zool. Expie et Génie 4e Série, Tome VI, PI. I 1 BRADYPODIDAE. 7 Pliototypie ücrlhaud. Pari? Arch. de Zool. Expie et Génle 4e Série, Tome VI, PL II Attitudes du Choloepus Didactylus. L. Plietotypic Ëcrthaud, Paris 4e Série, Tome VI, PI JÏI Arch.. de Zpol.Expleet' G-én1.6 m L.CvJnot déi. Litft.Arist-VïKA.Funke, Leipzig. NÉMATOCYSTES des- EOLIBIEYS. Faurot acL.nat.deL. DÉVELOPPEMENT I librairie C. Ae Sérié, Tome VI. PI. IV. ES HEXAC TINIE S Z ithAnstv.EA'F unkt, L tvpz ig . .'.ravalé,. Arch.de Zooh Expuet Gen B A 1 1 .h ' % — — x j Faurot ad.naf.tieL DEVELOPPEMENT HEXACTINIES Zibraù'ie C 4e Serie;Tome VI. Pl. IV. Z ilKAnstuE AF utikt, Leipzig. On peut se procurer à la librairie Reinwald les mémoires isolés à partir du tome I de la 4e série ; voici le prix pour ceüx parus dans les tomes ï, II et III : Prix fr. c. P. BOÜIN et P. ANCEL. — Recherches sur les cellules interstitielles du testicule des Mammifères. 87 p., 4 fig.,, 3 pl. doubles dont deux en couleur (1903)... 9 » P. BOUIN. — Ergastoplasme, pseudochromosomes et mitochondria. A propos des formations ergastoplasmiques- des cellules séminales chez Scolopendra eingulata., 84 p., 2 pl. dont une double (1905) 4 50 P. BOUIN et P. ANCEL. — La glande interstitielle du testicule chez le Cheval. 44 p., 1 pl. simple en couleurs et 2 doubles eh couleurs (1905). 7 » L. BOUTAN. v- Les perles fines. Leur origine réelle. 44 p., 7 fig., lpl. double (1904). 4 50 L. BRASIL. — Contribution à la connaissance de l’appareil digestif des Annelides polycliètes. L’épithélium intestinal de la Pectinaire. 165 p.,24 fig., 5 pl. dont deux en couleur (1904). 12 » L. BRASIL. — Recherches sur la reproduction des Grégarines monocÿstidées. 22 p., 2 fig., 1 pl. simple (1905). ... . 2 » E. BUGNION et N. POPOFF. — La spermatogénèse du Lombric terrestre (Lum- bricus agricola Hoffm.). 51 p., 4 pl. doubles (1905) ‘10 » G. CIIICHKOFF. — Sur une nouvelle espèce du genre Phagocata Leidy. 9 pl., 1 pl. (1903).-. 1 25 L. CUÉNOT. — L’organe phagocytaire des Crustacés décapodes. 15 p., 1 pl. double en couleurs (1905).. 2 50 Y. DELAGE. — Sur lès mouvements de torsion de l’œil. 36 p., 1 fig., 5 pl. doubles (1903) — 6 50 Y. PELAGE. — Élevage , des larves parthénogéné tiques d 'Asterias glaçicilis. 16 p., 12 lig., 1 pl, et: La parthénogenèse par l’acide carbonique obtenue chez les œufs après l’émission des globules polaires. 4 p. (1904) 3 » A. DRZEWINA. — Contribution à l’étude du tissu lymphoïde des Iclithyopsidés. 194 p., 9 fig., 1 pl. double en couleurs (1905) — 9 50 L. FAUROT. — Développement du pharynx, des couples et des paires de , cloisons chez les Hexactinies. 42 p., 14 fig., 4 pl. (1903)... 6 50 J. GAUTRELET. -- Les pigments respiratoires et leurs rapports avec l’alcalinité „ apparente du milieu intérieur. 143 p. (1903) 4 50 F. GUITEL. — Descriptions comparatives des Lepadogaster bimaculatiis , Pennant et microcephalus Brook. 138 p., 11 lig., 1 pl. en couleurs (1904)... 8 » P. HALLEZ. — Observations sur le parasitisme des larves de Phoxichilidium chez Bougainvillia.AZ p., 1 pl. (1905) 1 50 A. de KOROTNEFF. — Résultats d’une expédition zoologique au lac Baïkal pendant l’été de 1902. 26 p., 12 lig., l c. (1904).. 3 » L. LÉGER et 0. DUBOSCQ. — Rechërches sur les Myriapodes de Corse et leurs «. parasites, avec la description des Diplopodes par H. W. Brôlemann. 53 p., 24 lig. (1904). 5 50 L. LÉGER et 0. DUBOSCQ. — Notes sur les Infusoires endoparasites. — I. Anoplophryci Brcisili Léger et Duboscq parasite d 'Audouinici tentaculata. — II. Opcilina s aturnqlis Léger et Duboscq, parasite de Box boops L. 20 p.,-3 fig-, 1 pl. (1904) 2 50 P. MARCHAL. — Recherches sur la biologie et le développement des Hyménop- tères parasites. — I. La polyembryonie spécifique ou germinogonië. 80 p., 5 pl. doubles dont quatre en couleurs (1904). 12 50 P. M I T R 0 P II AN O W . — Nouvelles recherches sur l’appareil nucléaire r’es. Para- mécies. 27 p., 39 fig. (1903).. 5 » S. MOTZ-KOSSOWSKA. — Contributions à la connaissance des Hydraires de la Méditerranée occidentale. — I. Hydraires gymnoblastiques. 60 p., 13 fig., l pl. double (1905) 5 50 D.-N. VOINOV. — La spermatogénèse d’été chez le,Cybister Bàeseln. 99 p., 6 lig., 5 pl. (1903) ' 9 » Pour les volumes suivants les prix des mémoires sont indiqués sur la couverture. MICROGRAPHTE - BACTÉRIOLOGIE E. COGIT & C IE 36, Boulevard Saint-Michel, Paris Constructeurs D’Instruments et d’Appareils pour les Sciences Ateliers et Magasins d’expédition : 25, rue Denfert-Rochereau Dépôt pour la France des Microscopes E. 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