A ne de M à LE UE Hé ra ARE LE AE 4) 085,2 LR / 2 - A # ns E LIBRARY OF TH BIOLOGICAL LABORATORIES ARCHIVES ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE Fe / _ A 3 à L , ? K Le M . F Ê EE + j gi ' PARIS. — TYPUGRAPHIE A. HENNUYER, RUE DARCET, 7. | d + ë ne "Feie y ; 2 A : ? e | 4 VENU “27 re pe b 4 : : À ü ds | Ur , : re ’ < à - s : ? { | | | è i | . N * 2 L * : É L i È 4 ’ Flu : . À , L È £ - 4 | er. L L 1 nd / ” n] + 4! \ i : LR) # 4 et LI L * 1 ‘ 4 Li ï . fo" < . _ ARCHIVES DE Z00LOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE HISTOIRE NATURELLE — MORPHOLOGIE — HISTOLOGIE ÉVOLUTION DES ANIMAUX PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION DE HENRI ne LACGAZE-DUTHIERS / MEMBRE DE L'INSTITUT DE FRANCE (Académie des sciences) PROFESSEUR D'ANATOMIE COMPARÉE ET DE ZOOLOGIE A LA SORBONNE (Faculté des sciences) FONDATEUR ET DIRECTEUR DES LABORATOIRES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE DE ROSCOFF (FINISTÈRE) ET DE LA STATION MARITIME DE BANYULS-SUR-MER (PYRÉNÉES-ORIENTALES) (Laboratoire Arago) —— —— — TOME DIXIÈME 1882 4 PARIS LIBRAIRIE DE C. REINWALD 15, RUE DES SAINTS-PÈRES, 15 2 PAUL GIROD. du Noir, sécrète le liquide bien connu sous le nom d’Æncre de Seiche, d’où l’on retire la couleur Sépia. Sa coloration d’un noir intense le fait ressortir au milieu des tissus pâles du Céphalopode, et c’est la première chose qui frappe au moment où l’on ouvre un de ces animaux. Cet organe si visible, si particulier, a dû de tout temps exciter la curiosité des naturalistes. Aristote lui consacre de nombreux pas- sages de ses livres d'histoire naturelle ét lui fait une large part dans son anatomie de la Seiche. Depuis lors, tous les auteurs qui se sont occupés des Céphalopodes ont au moins mentionné la Poche du Noir. I1 semble donc que cet organe doit avoir été décrit dans ses plus minutieux détails. Or, lorsque l’on passe en revue les nombreux mémoires qui se rapportent aux Céphalopodes, on trouve soit des monographies spéciales, soit des descriptions d'espèces, et rares sont les ouvrages qui ont eu pour but plus spécial l'étude des organes pris en particulier. Aussi, malgré le nombre des travaux sur l’organisation du Céphalopode, la Poche du Noir est loin d’être bien connue. Si l'anatomie ne laisse que peu de faits à signaler, la struc- ture et la texture de l'organe n’ont été qu'imparfaitement observées : l'étude embryogénique et morphologique n'a été qu'ébauchée, la partie physiologique est restée très incomplète. Combler les diver- ses lacunes que je viens de mentionner, tel est ie but que je me suis proposé dans ce travail et que je me suis efforcé d’attemdre. Il De nombreuses conditions à réaliser s'imposaient pour mener à bonne fin mon travail. J'avais besoin d'espèces différentes et de nombreux individus de chaque espèce; d'appareils de pisciculture traversés sans cesse par un courant d’eau de mer pour assurer aux œufs les meilleures conditions de développement ; de vastes aqua- riums pour les animaux vivants nécessaires aux expériences physio- logiques et aux recherches histologiques. Le laboratoire de Roscoff m'a présenté tous ces avantages. Qu'il me soit permis d'exprimer ici toute ma reconnaissance à mon maître, M. H. de Lacaze-Duthiers, dont la bienveillante protection et les savants conseils m'ont été si précieux. J'ai passé à Roscoff deux étés successifs (1880-1881), profitant des immenses ressources qui m'étaient offertes avec tant de générosité LA POCHE DU NOIR DÉS CÉPHALOPODES. 3 et recevant de M. le docteur Delage le plus cordial et le plus sym- pathique accueil. Durant l'hiver, grâce à la recommandation puissante de mon maître, j'ai pu me rendre sur les bords de la Méditerranée. Le labo- ratoire des Pyrénées-Orientales, que l’activité sans bornes et l’opinià- treté inébranlable de M. de Lacaze-Duthiers vient de fonder, n'était encore qu'à l’état de projet; mais je reçus au départ une caisse pré- cieuse, véritable laboratoire portatif qui contient tout ce qu’un z00- logiste peut désirer au bord de la mer. De cette facon, j'ai pu, tant au laboratoire de Roscoff qu'à Port-Vendres, Banyuls et Col- lioure, profiter des instruments et des appareils nécessaires à més re- cherches. il Le Céphalopode le plus commun à Roscoff est le Poulpe (Octopus vulgaris, Lamarck). Il arrive avec les premières chaleurs de juin et quitte la grève en octobre avec les pluies abondantes. Pendant cette longue période, le Poulpe établit sa retraite sous les morceaux de granit plus ou moins volumineux qui couvrent la grève. C'est 1à qu'à . marée basse on peut s’en emparer. Tapi sous le rocher qui lui sert de retraite, il atteint, grâce à ses longs bras déliés et flexibles, les Crabes ou les Mollusques qui passent à sa portée. L'animal saisi est bientôt environné par les huit bras couverts de ventouses qui se replient autour de lui et l’enferment dans l’entonnoir extensible qui couronne la tête. La carapace du Crabe ou la coquille du Mollusque sont bientôt rejetées et le Poulpe pousse au dehors de son trou ces témoins de ses captures et de ses repas. La respiration de cet ani- mal est très active, on dirait un homme essoufflé, et chaque mou- vement respiratoire amène la sortie par l'entonnoir d'un jet d’eau assez violent. Ce jet projette au loin les petits cailloux, les grains dé sable du voisinage, et imprime à l’eau environnante une vibratiori particulière. Ces quelques observations permettent à un œil exercé de reconnaitre même de fort Join la présence du Poulpe. Le cordon de débris dé carapaces et de coquilles, la propreté du trou, le mou- vement de l’eau signalent le refuge de l'animal. Hi faut alors retourner la pierre ou se servir d'un croc aigu pour s'emparer du Poulpe : la première méthode peut seule convemr au naturaliste ; la seconde est mise en usage par les pêcheurs, qui se servent de la chair comme 4 PAUL GIROD. appât. Au moment où l'on soulève la pierre, le Poulpe saisit avec ses ventouses les objets les plus voisins ; puis il porte ses bras en dehors, enfermant son corps dans cette carapace improvisée de cail- loux et de débris de rocher; un jet d'encre trouble l’eau qui l’envi- ronne. Le Poulpe vit fort bien dans les aquariums, à la condition d’un renouvellement d’eau bien réglé; un siphon calculé pour amener deux fois par jour l'épuisement complet de l'eau de la cuve à paroi de glace, simule la marée et est très utile pour assurer aux animaux les meilleures conditions de vie. Un autre Octopode a été rencontré une seule fois par un des marins du laboratoire ; il nageaït dans une flaque d’eau à l’ouest de l’île Verte. Il se rapporte à l'£ledon cirrhosus (d'Orbigny). Si les Eledones sont rares à Roscoff, il n'en est pas de même sur les côtes de la Méditerranée, où l’£. moschatus (Leach) abonde à quelque distance de la côte. Les pêcheurs de Collioure et de Banyuls me l’apportaient en quan- tités considérables, Ils le prenaient avec une sorte de vaste drague trainée par deux bateaux (pèche particulière qu'ils nomment le bœuf). Les Eledones paraissent vivre en bandes nombreuses, con- trairrement au Poulpe, qui vit solitaire. La Seiche (Sepra officinalis, Linné) se rencontre fréquemment dans les herbiers situés à quelque distance du laboratoire ; on peut alors la prendre à la main. Elle apparaît en juillet et se rencontre jusqu’en octobre. Les marins du laboratoire, dont le zèle et la con- naissance parfaite de l'habitat des animaux sont si précieux aux travailleurs, peuplaient mes aquariums de $Seiches, qu'ils prenaient en grand nombre à Pempoul avec un filet particulier : la senne. J'ai assisté à Collioure en février-mars à une pêche curieuse de cet ani- mal. Au temps de la fécondation, la femelle nage pendant la nuit à la surface de la mer, émettant une lueur phosphorescente assez intense ; les mâles à l'affût sur les rochers du fond se précipitent comme des traits lumineux sur la femelle, qu’ils entourent de leurs bras. Une femelle vivante retenue à la barque par une petite corde devient ainsi un excellent appât; mais, lorsque la femelle manque, les pêcheurs de la côte mettent à profit cet instinct particulier. Un morceau de bois, rappelant grossièrement la forme d'une Seiche, est incrusté de petits miroirs. Ge petit appareil est relié à une barque par un morceau de corde ; la flamme d'une torche se reflète dans A) LA POCHE DU NOIR DES CÉPHALOPODES. h) les miroirs. C’est par une nuit sans lune que cette Seiche factice est traînée à la surface de l’eau. Les mâles trompés s’élancent sur l'objet de leurs désirs ; mais, au moment où ils s’aperçoivent de leur erreur, ils sont déjà enveloppés dans les petits filets que les pêcheurs ma- nient avec tant d'adresse. On peut prendre ainsi de cinquante à cent mâles dans une soirée. Une autre Seiche plus petite (Sepra elegans, d'Orb.) est très com- mune sur la Méditerranée ; elle était prise en grand nombre avec l'£ledon moschatus à la pêche au bœuf (janvier-avril). ù Un des Céphalopodes les plus curieux que l'on rencontre aux envi- rons du laboratoire de Roscoff est la Sépiole (Sepiola Rondeletii, Ges- ner, et quelques exemplaires de Septola Atlantica, d'Orbigny). C'est sur les plages de sable de l’île de Batz ou de Pempoul que l’on peut à marée basse chasser cette charmante petite miniature. Il faut une eau calme, transparente et limpide, et un soleil vif et chaud. Dans ces conditions, on voit sur le sable de petits animaux présentant exactement la couleur du fond et qui fuient à reculons pour échap- per au petit filet de mousseline qui les poursuit. L'œil ne pourraitles suivre si le soleil ne projetait leur ombre sur le fond clair du sable. Dans leur fuite, ils lancent souvent de petits jets d’encre et s’en- foncent rapidement dans le sable, se recouvrant de grains ténus à l’aide de leurs deux longs bras rétractiles. C’est de juillet à octobre qu'il faut se livrer à cette chasse. Les pêcheurs nous ont souvent apporté à Collioure la Sepiola Rondeletii, qu'ils prenaient dans leurs dragues avec la Sepia elegans, pendant les mois de février et mars. Le grand Calmar (Zoligo vulgaris, Lamarck) se rencontre jusque dans le port de Roscoff (juillet-décembre). C'est au mois d'octobre qu'il est le plus abondant et peut être pêché dans le chenal de l’île de Batz. Un poisson mort attaché à une corde sert d’appât. Le Cal- mar se précipite et saisit la proie. Un croc à quatre bras en hame- çon sert à s'emparer du Calmar, qui lance son encre et se débat'avec rage. Sur les côtes de la Méditerranée, le Loligo vulgaris se prend en grand nombre à la pêche au bœuf avec une espèce plus petite, le Loligo subulata (Lamarck). Cette dernière espèce a été prise une seule fois à Roscoff, dans l'herbier au-dessous du laboratoire. La pêche à la drague sur les côtes de la Méditerranée fournit 6 PAUL GIROD. encore les Ommastrephes sagittatus (d’Orbigny), qui sont très com- muns dans la région que nous avons visitée. Je termine ici ces quelques observations préliminaires sur les ani- maux qui ont servi à mes recherches, et je commence l'étude de la poche du noir par l'anatomie de l'organe. ANATOMIE CONFORMATION EXTÉRIEURE. Historique. — C'est en parcourant les nombreuses monographies faites sur les Céphalopodes, que l’on peut recueillir un ensemble de faits acquis sur l'anatomie de Ia Poche du Noir. Or, lorsque l’on a réuni ces notions éparses et disséminées, on est étonné de ne trou- ver qu'une étude vague et indécise de l'organe, de ses rapports, de la disposition de ses parties. Aristote le premier s'occupe de la Poche du Noir, il en fit une description dans son Æistoire des animaux ; voici la traduction de ce passage : « Les Céphalopodes possèdent une grosse masse (foie), sur laquelle est appliqué le noir. C'est chez la Seiche que le noir est en plus grande quantité et présente le plus de développement. Tous possèdent le noir, mais la Seiche est particulièrement favo- risée. La masse (foie) est située au-dessous du bulbe buccal; le tube digestif, d'abord appliqué à sa face postérieure qu'il traverse, se recourbe en avant en un intestin terminal. C’est au-dessous de ce dernier qu'est le noir. Une membrane commune enveloppe l'intestin et le noir, et l'ouverture anale sert en même temps à la défécation et à l'émission du noir'. » — Des figures complétaient cette description. Depuis ce grand naturaliste de l'antiquité, il faut arriver jusqu’en 1737 pour trouver de nouveau une description anatomique sérieuse. À cette époque, Swammerdam donna, dans ses Æiblia naturæ ?, une anatomie de la Sepra officinalis. En 1745, Needham * reprit cette étude et y joignit une courte monographie du ZLoligo vulgaris. 1 Aristolelis Historia animalium, liv. IV, cap. 1, 11, editionis stereotypæ C. Tauch- nitianæ nova impressio. Lipsiæ, 1869. 2 SwammErpaM, Biblia naturæ, p. 876-902, pl. L-LIT, Leyden, 1737. Ontleding, van de Spaansche Zeekat. 3 T. Nerpnam, Nouvelles découvertes faites au microscope, p. 21-67, pl.I-IV, Leyde, 1747 (édition anglaise originale, 1745). LA POCHE DU NOIR DES CÉPHALOPODES. F Schneider, en 1784, réunit dans un travail d'ensemble tout ce que l’on connaissait sur la Seiche commune depuis Aristote. Il donna ainsi une description assez exacte de l'anatomie de l'animal. En 1785, Monro ? étudia l’'Ommastrephes sagittatus. C’est en 14817 que parut le grand mémoire de Cuvier sur les Cépha- lopodes *. Son anatomie du Poulpe, qui dépassait en étendue tout ce que l’on avait écrit jusque-là, est particulièrement intéressante. Voici les principaux passages qui se rapportent à l'anatomie de la Poche du Noir : «Le corps qui produit et contient l'encre est comme enchâssé dans le foie. Les membranes propres de ces deux viscères sont collées l’une à l’autre par une cellulosité rare. Son ca- nal excréteur, après être sorti du foie, aboutit à la même ouverture que l'anus. » — Dans la Seiche : « La bourse du noir n'est point en- châssé: dans le foie; au contraire, elle est située assez avant dans l’abdomen, au-devant du testicule et de l'ovaire. Elle est beaucoup plus grande à proportion que dans le Poulpe; son canal excréteur, beaucoup plus large, marche entre les deux cavités pulmonaires et devant le rectum, où il se décharge près de l’anus. » — « Les prin- cipales différences des Calmars se marquent dans la position de leur bourse au noir, laquelle est suspendue devant le foie, mais non en- châssée dans son intérieur. » En 1826, parurent l’article de de Blainville sur le Poulpe* et le mémoire de Poli sur l’Argonaute ÿ. Les mémoires de Delle Chiaje ° ajoutèrent peu aux recherches de Cuvier. En 1833, Brandt et Ratzeburg® complétèrent l'anatomie de la Seiche. 1 I.-G. Scnnerner, Sammlung vermischter Abhandlungen zur Aufklærung der Zoo- logie, etc. Berlin, 1784. ? Alex. Monro, The Structure and Physiology of Fishes, p. 62, pl. XLI-XLII, Edinburg, 1785. $ Cuvier, Mémoires pour servir à l'histoire et à l'anatomie des Mollusques. Paris, 1817. # De BLaiN vice, article Pourprr, dans Dictionnaire des sciences naturelles, t. XLII!, p« 170-214. Paris, 1896. $ Xavier Por, Testacea utriusque Siciliæ, p.1-35, pl. XL-XLIIT, édit. Delle Chiaje. Parma, 1896. 5 Dee Curase, Memorie sulla storia e nolomia degli animali sensa verlebre del regno di Napoli, vol 1V. Napoli, 18929. T BRanpT et RAT3EBURG, Medizinische Zoologie, p. 298-318, pl, XXXI-XXXII, 1333. S PAUL GIROD. En 1835, Grant‘ fit l'anatomie de la Sépiole. En 1836, parurent l'Anatomie comparée de Delle Chiaje ? et l’article Cephalopoda d'Owen dans le Tood Cyclopædia *. En 1842, Peters ‘ reprit l'anatomie de la Sépiole. L’Aistoire naturelle des Céphalopodes acétabulifères de Ferussac et d'Orbigny ÿ était terminée en 1845. Les Mollusques méditerranéens de J.-B. Verany® commencèrent en 1847. En 1848, Th. von Siebold”? résuma les connaissances acquises sur la poche à encre dans son 7raité d'anatomie comparée : « Un organe généralement répandu chez les Céphalopodes est la bourse du noir. Elle est ordinairement piriforme, située sur la ligne médiane de l'abdomen et souvent enveloppée d'une couche péritonéale à reflets argentins. Son sommet est dirigé en avant et en haut dans la direc- tion de l’entonnoir. Cet organe est allongé chez les espèces dont le corps l'est lui-même, et large chez celles dont le corps est court. Le conduit excréteur de cette poche côtoie toujours le rectum pendant quelque temps et se termine immédiatement derrière l’anus ou se jette avant ce dernier dans le rectum. » À partir de cette époque, l'anatomie des Céphalopodes reste sta- tionnaire ; les livres généraux répètent les notions résumées par Sie- bold sur la Poche du Noir. Dès lors, l’étude de l’histologie, du déve- loppement et de la physiologie de ces animaux absorbe l'attention des naturalistes. À peine pourrions-nous mentionner quelques des- criptions rapides d'animaux rares ou nouveaux. Nous ne citerons que les dernières recherches de M. Vigelius sur le Thysanoteuthis rhombuss. La Poche du Noir, dont je vieus d’esquisser à grands traits l’his- 1 R. Gran, Transact. Zool. Soc. London, 1, 1835. On the Anatom, of Sepiola vul- garis, p. 77-86, 1 planche. 2 Deux Cuiase, {nsliluzioni di Analomia comparala, 2° édit. Napoli, 1836. 3 R. Owen, Tood Cyclopædia of Anat. and Physiology, art. CEPHaALOPoDA, 1836. k PerTers, Müller’s Archiv, 1842, p. 329, pl. XVI. 5 Ferussac et D'OrBiGNY, Histoire naturelle gén. et part. des Céphalopodes acéla- bulifères. Paris, 1835-1845. 6 J,-B. VerANY, Mollusques médilerranéens observés, décrils el figurés, etc.,1re par- tie, Céphalopodes de la Méditerranée. Gênes, 1847-1851. T SreBorp et STANNIUS, Anatomie comparée, trad. de Spring et Lacordaire, t. IT, p. 393, 1848. 8 \W.-J. Vicezrus, Untersuchungen an Thysanoteuthis) Rhombus. ‘ Mittheilungen aus der Zoologischen Station su Neapel. II Band, 2 Heft, 1881, ++ LA POCHE DU NOIR DES CÉPHALOPODES. 9 x toire anatomique, est très facile à reconnaître dans les différentes espèces de Géphalopodes. L'animal étant fixé sur le dos, il suffit d’inciser le repli cutané qui forme le sac et de rejeter latéralement les deux lambeaux. On aperçoit alors la masse foncée, piriforme, située sur la ligne médiane et présentant partout une position à peu près analogue. Mais la forme, les rapports, les différents caractères de l'organe varient non seulement avec les espèces distinctes, mais souvent même avec le sexe. Aussi devrons-nous dans nos descrip- tions insister sur ces particularités diverses et poursuivre les modi- fications que subit l'organe dans les différentes espèces que j'ai pu me procurer. Les Céphalopodes recueillis tant à Roscoff que sur les côtes de la Méditerranée peuvent se grouper, au point de vue de l'étude anato- mique de la poche, autour de quatre types qui représentent des divi- sions nettement tranchées parmi les Céphalopodes dibranchiaux: ce sont : la Seiche, le Calmar, la Sépiole et le Poulpe. Etudier successi- vement les dispositions fondamentales de la poche dans ces types et montrer les différences secondaires que présentent les espèces qui viennent se grouper autour de chacun d'eux, tel est le plan que je vais suivre dans les descriptions anatomiques". Sepia officinalis. — Lorsqu'on à pratiqué l'incision médiane du sac et de l’entonnoir, on tombe sur une membrane épaisse qui, incisée à son tour, laisse voir la poche que sa teinte suffit à faire reconnaitre. Elle présente une coloration noire aux reflets métalliques argentés et dorés. Ces reflets, qui varient-avec les diverses incidences de lumière, sont répandus à peu près également sur toute la face anté- rieure ; ils s’affaiblissent sur les côtés et se réduisent considérable- ment à la face postérieure, où cependant ils persistent, surtout chez certains individus. Sur le fond brillant se détachent de nombreux sillons noirs déliés, opaques, se réunissant de manière à constituer des arborescences, dont les divers troncs convergent à la face anté- rieure vers la région moyenne, et à la face postérieure vers un point situé à l'union du tiers inférieur et du tiers moyen. Ces ramifications 1 Dans toutes les descriptions, je place le Céphalopode dans la position indiquée par M. de Lacaze-Duthiers pour faciliter les comparaisons morphologiques : la bouche en haut et la face qui porte le repli cutané du sac respiratoire en avant (face antérieure, face ventrale). 10 PAUL GIROD. appartiennent au système vasculaire, comme nous le verrons plus tard. Dans l'animal qui nous occupe, la forme est celle d'un cône, dont la base se terminerait par une demi-sphère saillante. Cette base arrondie occupe la région inférieure du sac, tandis que le sommet regarde directement en haut. A l'union du tiers inférieur et des deux tiers supérieurs, il se pro- duit un changement de calibre assez brusque qui modifie légère- ment la forme conique régulière et donne à l’ensemble un aspect pyriforme allongé. Cette configuration spéciale permet de considérer deux parties : une inférieure dilatée, arrondie, que j'appellerai le corps de la Poche ; une supérieure effilée, allongée, qui sera le conduit du Noir. Cette forme que nous venons de décrire ne se montre nettement que lorsqu'on a séparé la poche des organes voisins. Ainsi, chez le mâle, on se contentera d'inciser la membrane commune qui forme le revêtement abdominal, tandis que chez la femelle il faudra sé- parer et détourner les glandes nidamentaires propres et acces- soires. La longueur de la poche, mesurée de l'ouverture extérieure à la base du corps, est, chez les animaux adultes et de taille moyenne, de 10 à 12 centimètres. Quant à la largeur, le plus grand diamètre du corps atteint 3 à 4 centimètres, le diamètre moyen du canal varie entre 8 et 45 millimètres. La capacité peut être évaluée de 20 à 30 centimètres cubes, en tenant compte des saillies et protubérances que présente la cavité interne. La présence de ces saillies ne me permettait pas d’assimiler la poche ou plutôt ses diverses parties à des corps géométriques réguliers, et j'ai dû recourir à la mensura- tion directe de la capacité. A cet effet, la poche était débarrassée de son encre, puis lavée et remplie d’eau; une légère pression, exer- cée sur le jet de liquide introduit, permettait de rendre à la poche sa forme première. L'eau contenue était mesurée ensuite directement. Ces différents chiffres montrent que dans ses diverses dimensions la poche est considérable, par rapport à la longueur de l'animal qui la porte. Nous verrons bientôt, en effet, que chez les autres Cépha- lopodes qui la possèdent la poche est réduite à des dimensions beau- coup moins élevées. La direction de la poche est légèrement oblique, de telle sorte que, son extrémité supérieure restant sur la ligne médiane, sa base se LA POCHE DU NOIR DES CÉPHALOPODES. 11 porte sur la droite et s'étend un peu plus sur cette face que sur celle de gauche. Chez quelques individus, la poche est située sur la ligne médiane dans toute sa longueur. Du reste, à l’état de vacuité, l’or- gane se rapproche de cette dernière position pour se portier à droite à mesure que la sécrétion s'accumule dans son intérieur. Rapports. — L'extrême longueur de la poche la met en rapport avec tous les organes qui forment la face antérieure du Céphalopode dans la hauteur du sac. Or, cette face antérieure comprend une série d'étages successifs qui supportent l'organe sécréteur du noir. L'étage inférieur est formé par la région génitale ; puis, en montant vers l'entonnoir, nous trouvons successivement une région digestive (estomac, estomac spiral, intestins, prolongements pancréatiques), une région urinaire, et enfin une région hépatique constituée par les deux masses hépatiques, supportant la grande veine, les deux nerfs viscéraux et le rectum. La région urinaire mérite une description plus com- plète : elle a la forme d’un triangle allongé dont un des côtés forme une base inférieure. Cette base s'étend entre les deux branchies et relie leur partie inférieure adhérente, répondant par sa partie mé- diane au ventricule du cœur. Le sommet supérieur est tronqué, il forme une concavité supérieure dont les deux extrémités portent les papilles urinaires. Les deux côtés latéraux du triangle sont côtoyés par les nerfs viscéraux, qui donnent chacun un ganglion à la base des branchies et se recourbent sur le bord adhérent de ces organes. Ces deux nerfs sont, à la hauteur même des papilles urinaires, reliés par un arc anastomotique qui passe en arrière d'elles. Ce triangle est traversé par les veines caves couvertes de leurs corps fongtformes et par les canaux biliaires chargés des appendices pancréatiques. La disposition des régions, qui forment pour ainsi dire le lit de la poche, est identique dans les deux sexes, et par conséquent les rap- ports de la face postérieure de l'organe sont ainsi précisés, mais ceux de la face antérieure présentent des différences marquées. Dans les deux sexes, la poche est recouverte par le tégument qui tapisse la masse viscérale; il est ici peu épais, dépourvu de chroma- tophores, et à reflets métalliques très vifs. Chez la femelle, un appa- reil glandulaire particulier vient se placer sur la face antérieure de la poche recouvrant la partie supérieure de la région urinaire et la base de la région hépatique. Ce sont d’abord deux grosses masses oviformes, blanches, à stries pectinées, à ouvertures extérieures saillantes, qui sont connues sous le nom de glandes nidamentaires ; 12 PAUL GIROD. puis une masse trilobée, parsemée de taches d’un beau rouge, et que l’on nomme glande nidamentaire accessoire. Dans la région hépatique, la poche rétrécie s’accole au rectum, qu'elle recouvre d’abord, puis qu’elle côtoie à droite, pour se porter ensuite en arrière en atteignant l'orifice anal. En ce point on observe un premier rétrécissement, une dilatation ampullaire, puis un second rétrécissement. Le canal a changé brusquement de direc- tion pour perforer la paroi du rectum. L'ouverture du canal sur cette paroi se fait au sommet d’une petite éminence saillante dans l'intérieur de l’anus. Ce mamelon est situé sur la face postérieure de la paroi, à 4 millimètres au-dessous du bord de l'orifice anal. Il a lui-même 4 millimètres de diamètre et est perforé à son sommet du petit orifice du canal du noir. Il est vaguement lobé et se perd insensiblement en se prolongeant avec les replis valvulaires qui couvrent la paroi rectale. Au-delà du ma- melon, l'anus ne tarde pas à s'ouvrir à l'extérieur en se divisant en quatre parties : deux lèvres, l’une antérieure, l’autre postérieure, et deux languettes latérales. Un petit pont musculaire environne cette portion terminale. Tel est l’ensemble des dispositions anatomiques de la Poche du Noir chez la Sepra officinalrs. J'ai eu l’occasion d'observer à Port-Vendres la Sepia elegans, espèce beaucoup plus petite. Les résultats obtenus dans mes dissections sont si voisins de ceux que je viens d'exposer, que je ne crois pas devoir insister ici sur la disposition chez cet animal. Le seul point à signaler est la longueur de la poche, qui est réduite à 25 ou 30 milli- mètres. Loligo vulgaris. — Chez le Calmar la poche est aussi reconnais- sable que chez la Seiche ; la teinte noire avec ses reflets argentés verdâtres caractérise nettement l'organe, qui se dessine au-dessous du rectum. De nombreuses arborisations noires, opaques, se déta- chent comme chez la Seiche sur le fond brillant. La poche présente chez le Calmar un développement beaucoup moins considérable que chez la Seiche ; sa forme est plus franche- ment conique, et1l est difficile de donner une limite à un corps et à un canal distincts ; le calibre se rétrécissant, mais insensible- ment. LA POCHE DU NOIR DES CÉPHALOPODES. 13 La longueur de la poche varie entre 40 et 55 millimètres chez les individus adultes, le plus grand diamètre est de 8 à 12 millimètres : la capacité moyenne prise par le procédé indiqué pour la Seiche est de 4 centimètres cubes. La poche représente comme capacité envi- ron la huitième partie de celle de la Seiche. Le grand axe de la poche est situé sur la ligne médiane et en suit la direction. Le Calmar est en quelque sorte une Seiche dont la région géni- tale a été passée à la filière. Cette région, accompagnée par le grand cul-de-sac stomacal, s’est allongée pour remplir la pointe du cornet formé par le manteau. Mais les autres régions ont conservé leurs rapports et leur étendue réciproques, et présentent des dispositions très semblables à celles observées chez la Seiche. Ici la poche n’a plus aucun rapport avec la région génitale, elle ne recouvre que les régions urinaire et hépatique. De cette façon, le fond de la poche ou le corps repose sur la région urinaire. Chez le Calmar le triangle isocèle limité par les nerfs viscéraux, les branchies et les papilles urinaires présente la même disposition que chez la Seiche; de même un filet anastomotique relie en ce point les deux nerfs viscéraux; les rapports en ce point sont donc identiques à ceux que nous avons décrits pour la face posté- rieure, La face antérieure présente des rapports différents suivant les sexes. En effet, chez le Calmar, les glandes nidamentaires propres pré- sentent un développement considérable, et leurs masses allongées, ovoïdes, couvrent les deux régions urinaire et hépatique. La poche est donc chez la femelle recouverte par ces grosses glandes. Chez le mâle, la membrane commune limite seule la région. Les glandes nidamentaires accessoires sont très réduites; elles forment deux petites masses aplaties tachetées de rouge-vermillon, et sont acco- lées à la partie inférieure de la poche qu'elles semblent soutenir à la façon de coussinets. Dans la région hépatique, la poche est recouverte par le rectum et recouvre la grande veine et les nerfs viscéraux. Enfin, dans sa région terminale, la poche rétrécit son calibre et s'ouvre dans l’anus à 3 millimètres au-dessous de l’orifice, au som- met d’une papille saillante très analogue à celle que nous avons dé- crite chez la Seiche. 14 PAUL GIROD. L'Ommastrephes sagittatus se rattache au tÿpe que nous venons de décrire. Chez les individus que j'ai eus en ma possession, la poche atteignait de 25 à 30 millimètres. Chez un individu exceptionnel qui fut pris à Port-Vendres pendant mon séjour, elle atteignait 45 cen- timètres. La forme, la direction, les rapports sont identiques à ceux que nous venons de décrire chez le Calmar, la terminaison se fait de même sur une papille rectale saillante. Dans les deux espèces, l’ou- verture anale présente aussi deux lèvres antérieure et postérieure et deux languettes latérales étalées en lames aplaties. Le ZLoligo subulata s'éloigne un peu plus du Zoligo vulgaris pour la forme de la poche, dont le corps est plus globuleux et le canal plus nettement distinct. La longueur de l'organe est ici de 40 à 15 millimètres : ses rapports sont identiques. Seprola Rondeletii. — La poche du noir de la Sépiole est tout à fait intéressante à étudier. En effet, elle peut présenter deux formes essentiellement distinctes : elle peut être simple ou trilobée. Dans le premier cas, elle se rapproche beaucoup pour la forme de celle du Zoligo subulata. Une masse arrondie forme son corps et donné insertion à un canal délié qui va s’élargissant pour se con- fondre avec la masse intérieure, L'aspect piriforme est des plus nets. La forme trilobée a surtout frappé les observateurs. La figure de Delle Chiaje montre fort bien ses deux lobes latéraux attachés à un lobe central. C'est ainsi, en effet, qu'apparaît la poche lorsque l'on écarte le manteau incisé sur la ligne médiane : Une masse ayant la figure d’un rectangle à bords plus ou moins courbes forme le centre. Gette masse présente une face antérieure plane et une face postérieure qui se prolonge en bas, de manière à constituer une sorte Fic. 1. — P, masse centrale de lapo= de ]obule médian péu saillant. Du bord che ; p, prolongements latéraux : c,ca- nal du noïr; 60) point où il Sete: Supérieur: part Le’ canalyde aypoete; dans l'anus A ; R, rectum rejeté pour montrer la gouttière antérieure ga; quant aux bords latéraux, ils se confon. uu, ouvertures des sacs urinaires; br, bases des branchies. Pour toutes (lent avec les lobes situés de chaque côté les autres lettres, voir fig. 8 (fig. 1). Ces lobes latéraux examinés sur un animal frais paraissent limités par une membrane transparente ; ils constituent deux petits cylin- LA POCHE DU NOIR DES CÉPHALOPODES. 15 dres à extrémités arrondies qui sont plus allongés que la masse cen- trale elle-même. Ils dépassent d’un millimètre environ les bords supérieur et inférieur de la poche proprement dite. La transpa- rence de leur enveloppe permet de constater à leur intérieur des détails sur lesquels nous aurons à revenir plus tard. La masse centrale à ordinairement 4 millimètres de hauteur, les lobes latéraux en ont 6 (fig. 4, P). Les naturalistes qui se sont occupés de la Sépiole ont mentionné cette curieuse disposition. Grant! ne semble avoir connu que cet état particulier de développement. Cette erreur s'explique facile- ment. C'est en effet au moment de la reproduction que la poche de la Sépiole prend ce développement extraordinaire. Or, c’est à cette époque que la Sépiole quitte la haute mer pour gagner les plages de sable échauffées par le soleil (août-septembre, Æoscoff, — février- mars, Port-Vendres, Banyuls). C'est à ce moment seulement que le naturaliste, qui ne possède pas les moyens de porter au large ses engins de pêche, peut prendre au filet ce petit Céphalopode. Aussi- tôt que la fécondation est faite, les Sépioles gagnent de nouveau la haute mer, d’où la drague ou le filet peuvent les ramener. Dans ces circonstances, la poche est simple, piriforme. Ces observations ont porté sur un grand nombre d'exemplaires des deux sexes, et m'ont permis de constater que la différénce des sexes n’a aucune Imn- fluence sur le développement particulier de la poche. Le corps dé la poche, qu'il soit simple ou trilobé, est appliqué sur le foie, dont il est séparé par la grande veine et les nerfs viscéraux. Le rectum passe au-devant de cette partie, s'appliquant sur la face anté- rieure, où il imprime un sillon très appréciable. Chez la femelle, les glandes nidamentaires propres et accessoires occupent un plan plus inférieur. | Le canal fait suite au corps lorsque la poche ést simplé; il part du lobe moyen lorsqu'elle est trilobée. Ce conduit, extrêmement petit, s'applique sur la face postérieure du rectum, et ne tarde pas à per- forer sa paroi pour gagner sa cavité intérieure. Il s'ouvre sur une petite papille saillante. À ce niveau, le rectum se dilaté légèrement et se découpé en deux lèvres et deux languettes latérales qui sur- montent l’orifice anal (fig. 4, À, et fig. 5, I, A). La Sepiola Atlantica, qui diffère surtout de la précédente par les 1 GRanT, Transacl. of the Zoo. Societ., I, p. 82. 16 PAUL GIROD. deux ordres de cupules dont les bras sont armés et qui se rencontre à Roscoff en même temps que la Septola Rondeletii, ne m’a pas pré- senté pour l'anatomie de la poche de caractères particuliers et né- cessitant une description nouvelle. Un exemplaire ramené à la drague avait la poche simple, les autres individus que nous avons eus en notre possession avaient tous la poche trilobée. | Octopus vulgaris. — La poche à encre des Octopodes s'oppose net- tement à celle des Décapodes par ses petites dimensions, sa forme et surtout par ses rapports. En étudiant la structure de l’organe, nous trouverons de même chez ces animaux des différences fonda- mentales. Pour mettre à découvert la poche chez l'Octopus vulgaris, il faut, après avoir écarté le rectum, ouvrir la capsule commune qui l’en- ferme ainsi que le foie. On peut remarquer alors sa teinte noire opaque sans reflets chatoyants, formant un fond sur lequel rampent les arborisations vasculaires, Ce qui caractérise sa forme est la courbure qu'elle décrit; elle suit un trajet irrégulier, se portant d’abord transversalement à gau- che, puis reprenant une direction oblique ascendante pour gagner l'ouverture anale et s'ouvrir à son intérieur. Son aspect est piriforme, mais son canal est très allongé, et c'est lui quidécrit la marche sinueuse que nous avons indiquée. Le corps, ovoide, a de 42 à 17 millimètres; le canal étendu présente 20 à 23 millimètres. Cette disposition particulière marque nettement la division entre le corps de la poche et le canal du noir. Comme l’a fait remarquer Monro le premier, la poche semble une véritable annexe du foie. En effet, il y a une véritable fossette creu- sée dans la masse hépatique, où le corps de la glande est reçu entièrement. Une membrane commune aux deux organes rend les rapports encore plus étroits. Les rapports de la face postérieure sont donc faciles à saisir. La face antérieure est recouverte par le rectum, et c’est entre le rectum et la poche que se trouve la grande veine côtoyée par les deux nerfs viscéraux. Nous devons insister sur cette disposition. En effet, dans tous les Céphalopodes que nous venons d'étudier, c'était la face postérieure qui répondait à ces organes en les recouvrant. La disposition que nous décrivons est donc tout à fait caractéristique chez l'Octopus. LA POCHE DU NOIR DES CÉPHALOPODES. 47 Le canal du Noir, au point même où il naït du corps de la poche, se porte en dehors, perfore lamembrane commune et décrit une con- cavité latérale droite. Puis il se recourbe et devient ascendant. Dans ce trajet, le canal rampe sur la face extérieure de la membrane com- mune, puis vient se placer entre la grande veine et le rectum pour gagner l'orifice anal. Ge dernier rapport montre que, si le corps de la poche est caractérisé par sa situation au-dessous de la grande veine, le canal vient reprendre la position type des Céphalopodes- Décapodes. | L'ouverture du canal dans l’orifice anal se fait beaucoup plus près de l'extérieur. L'anus présente aussi, chez cet animal, les deux lèvres et les deux languettes latérales. C’est sur la lèvre postérieure, pres- que à son sommet, que l’on aperçoit une légère papille terminée par le petit orifice qui livre passage au Noir. Chez l’Z£ledon moschatus, on peut suivre point par point la descrip- tion que je viens de donner pour l'Octopus vulgaris. STRUCTURE. Historique. — « L'étude histologique de la poche du Noir des Céphalopodes est rendue extraordinairement difficile par la présence d'un pigment granuleux, épais, semi-fluide, brun-noir foncé, qui met un obstacle puissant à la découverte des éléments consti- tuants. » Ces réflexions de Fr. Boll', dans son travail sur l’Aistologie des Mollusques, expliquent peut-être le peu de notions acquises sur la structure et la texture de l'organe, mais il est une autre cause que nous devons signaler. La plupart des naturalistes ne se sont occupés que tout à fait secondairement de la poche, se bornant à quelques remarques au milieu d’une monographie ou d’un travail d’en- semble. Il faut arriver à Cuvier ? pour trouver les premières notions pré- cises. Il constate que « l’intérieur de la bourse du Noir n’est pas une simple cavité, mais un tissu cellulaire ou spongieux assez rare, rem- pli partout d’une sorte de bouillie noire. » : ! Franz Bors, Beilrage zur vergleichenden Histiologie des Molluskentypus, dans Archiv. für Mikroskopische Anatomie, 1868. Suppl. ? G. Cuvier, Leçons d'anatomie comparée, Paris, 1799-1805. ARCH. LE Z007, EXP, ET GEÉN, = T, X. 1889. 9 18 PAUL GIROD. Delle Chiaje! complète ces données et fait remarquer que « la structure est partout la même : la bourse de l’humeur noire se compose d’une tunique bleuâtre prenant chez la Seiche et le Calmar une teinte vert-argenté, et d’une tunique interne noire, muqueuse et réticulée ». Tous les naturalistes qui suivent répètent avec des modifications sans importance ces descriptions premières. L'ouvrage de Fr. Boll apporte seul quelques considérations nouvelles : « J'ai pu recon- naître, dit-il, que la poche présente, quant à sa structure, les liens les plus étroits avec le rein des Gastéropodes, en remarquant tou- tefois que les replis ne sont pas aussi développés dans ce dernier organe que dans celui qui nous occupe. lei, également, la cavité du sac est à la fois partie sécrétante et réservoir pour la sécré- tion. » Telles étaient les notions acquises sur la structure générale de l'organe, lorsque je commençai mes recherches. Il restait donc beaucoup à ajouter à ces notions vagues et indé- cises, fausses sur plusieurs points importants. C’est dans le but de compléter et de rectifier les idées émises que j'ai entrepris, dès le mois de juillet 1880, une série de recherches au laboratoire de Ros- coff, Pendant que je réunissais les matériaux qui devaient servir de base à mon travail, MM. Desfosses et Variot? se livraient à l'étude du même organe et communiquaient, le 8 janvier 1881, à la Société de biologie, le résultat de leurs recherches. Ils se sont attachés uni- quement à la Sepia officinalis et ont décrit la structure et la texture de la poche, tant sur de jeunes individus nouvellement éclos que sur des Seiches adultes. Ce travail, beaucoup plus étendu que les précédents, mérite une mention spéciale. Les auteurs ont été amenés aux conclusions sui- vantes : « En terminant la description de cette glande, nous devons faire remarquer que son type morphologique est assez exceptionnel; ce n'est, en effet, ni une glande en tube, ni une glande en grappe ; c'est une surface lamelleuse, ramifiée, analogue comme disposition aux plissements de l'estomac des ruminants ou mieux encore à ceux des vésicules séminales. En somme, c’est plutôt une surface 1 DELLE Cuiase, Memorie sulla storia e nolomia degli animali senza vertebre del regno di Napoli, Napoli, t. IV, 1829. ? Desrosses et Varior, Sur l'appareil de la sécrélion pigmentaire chez la Seiche et sur le pigment (Gazetle snédicale de Paris, 12 mars 1881). LA POCHE DU NOIR DES CÉPHALOPODES. 19 sécrétante qu'une glande proprement dite. » Dans le corps de leur des- cription ils insistent sur « cette configuration lamelleuse ramifiée, qui se rapproche de la disposition signalée dans les plissements multipliés de la muqueuse des vésicules séminales ou du renflement du canal déférent chez l’homme ». En un mot, les auteurs de ce travail se rangent à l'opinion de Boll, qui elle-même résumait celle de ses devanciers : l'appareil sécréteur est formé d'un réservoir dont la paroï porte des plis particuliers circon- scrivant des espaces qui versent largement dans la poche les produits de la sécrétion. Je suivrai le plan que j'ai adopté dans l’étude de la conformation extérieure. Sepia officinalis. — Si l’on incise la face antérieure de la poche du Noir suivant sa longueur et sur la ligne médiane, on tombe dans une large poche remplie d’un liquide noir, épais, bien connu sous les noms de sépia ou encre de Seiche. Ce liquide est extrêmement colorant et d'autre part très-adhérent aux parois du réservoir qui le contient ; de plus, il cache sous son épaisseur la disposition des par- ties. Un courant d’eau continu et prolongé pendant un temps suffi- sant finit par le faire disparaître complètement, et l’on voit alors la membrane étalée présenter des reflets argentés et dorés plus bril- lants encore qu'au dehors. On voit appliquée sur sa face pos- térieure, une élévation qui fait saillie dans la cavité (pl. I, fig. 4, g). Cette masse a la forme d’une demi-sphère, dont le diamètre supéro- inférieur est légèrement allongé, par rapport au diamètre trans- verse. Une membrane grisâtre la limite, présentant la forme d’une calotte dont le bord libre se recourberait légèrement en dedans pour se fixer sur la paroi de la poche. Quelques tractus fibreux, régulière- ment espacés autour de la ligne d'insertion, impriment à la masse des dépressions qui indiquent des lobes arrondis peu accusés. A la loupe, on peut voir que c’est par ces tractus que passent les vais- seaux dont on suit les arborisations blanchâtres, qui se répandent à la fois sur la membrane et sur le fond de la paroi argentée (pl. I, fig. 1, rv). Si maintenant on enlève délicatement la membrane qui limite cette partie saillante, on tombe de nouveau au milieu de l'encre épaisse et il faut recourir à de nouveaux lavages pour distinguer nettement les parties. On peut alors constater la présence de lamel- 20 PAUL GIROD. les légères, constituant un tissu d'aspect aréolaire et spongieux, dont nous ferons plus loin l'étude détaillée (pl. I, fig. 2). En faisant l'anatomie de l'organe, j'ai décrit son aspect piriforme et je lai suivi jusqu'au point où il s’ou- vre dans le rectum, constatant qu'en approchant de ce point extrême, il perd environ la moitié de son eali- bre. À cette description générale doit succéder une étude plus minu- tieuse de cette portion terminale. Pour prendre une idée exacte de cette région, il faut ouvrir le canal et l’étaler sur une lame de liège : il est alors très-facile de constater que le canal se rétrécit subitement, puis se dilate en une petite ampoule et se rétrécit de nouveau pour s’aboucher dans lerectum (hs, 410); Le canal est bordé, dans toute sa portion rétrécie, par une véritable couronne de replis saillants qui réduisent considérablement sa lu- mière. Ces replis valvulaires sont assez réguliers, en forme de colon- nettes parallèles au grand axe du canal et limitent des espaces inter- médiaires. La loupe montre dans le fond de ces espaces de fines lamelles Fio. 2. — I. Coupe schématique longitudi- ]égèrement obliques, et constituant nale de la poche du noir. G, glande du noir ; MES vésicule du noir ; A, anus ; Ia par leurs anastomoses un réseau À rectum ; 0, orifice de la glande; na, nodo- rité antérieure; à, épithélium cylindrique mailles allongées. Si l’on a pratiqué de l’'empoule terminale ; b, épithélium pa- vimenteux de la vésicule ; C, épithélium l'ouverture par la paroi rectale, on pigmenté de la glande. II, Partie supérieure, grossie. V, vési- eut apercevoir sur la face opposée, cule; g, rétrécissement et glande termi- nale; s, à, spincter interne; a, ampoule dans ces mailles, de petits orifices, terminale; s, e, sphincter externe ; 0, ou- verture du canal dans l'anus A. que le pigment, re tenu dans leurs enfoncements, rend très-apparents. Ces ouvertures sont de moins en moins nombreuses à mesure que l'on se rapproche du rectum, et ne sont plus visibles sur la paroi rectale elle-même. Ce sont les LA POCHE DU NOIR DES CÉPHALOPODES. 21 orifices des tubes glandulaires, dont je ferai bientôt connaitre la dis- position (fig. 2, IT, g). L'ampoule qui fait suite à cette portion rétrécie est aussi couverte de valvules, mais ces dernières sont d’une finesse extrême, légère- ment ondulées, et couvrent également la face interne en s'étendant dans la direction du grand axe de cette portion (fig. 9, II, a). Le rétrécissement terminal qui correspond à la papille anale pré- sente six petites masses allongées, faisant saillie dans son intérieur. Ces masses sont de véritables valvules qui, en se rapprochant, peu- vent complètement oblitérer la lumière du canal et s'opposer énergi- quement au passage de la sécrétion (fig. 9, IT, 0”). Cet examen permet de reconnaître que la cavité de la poche n'est pas, comme tous les auteurs l'ont affirmé jusqu'ici, un réservoir dont les parois sont tapissées par des lamelles sécrétantes, mais un en- semble complexe où nous distinguons : 4. Une première partie large et piriforme, jouant le rôle de réservoir; nous lui donnons le nom de vésicule du Noër (fig. 2, 1, V); 2. Une seconde, hémisphérique, saillante, nettement limitée par une membrane, contenant le tissu spongieux : c’est la glande du Noir (fig. 2, L, G); 3. Enfin, le petit appareil glandulaire situé vers le point où la poche va s'ouvrir dans le rectum : c’est la glande terminale (fig. 2, I, a). Comment les produits sécrétés par la glande du noir peuvent-ils passer dans la vésicule ? Si l’on admettait comme les naturalistes la présence de replis saillants, flottant dans le réservoir lui-même, la réponse serait facile. L'existence démontrée d'une membrane-limite séparant la vésicule de la glande, nécessitait de nouvelles recherches sur Ce point. Si, par une ouverture pratiquée sur le fond du réservoir, on fait passer un courant d’eau s’échappant au dehors par le canal de la poche, on peut faire disparaître toute l'encre que contenait le réser- voir. Si on laisse alors la poche au repos, on constate, au bout de quelques instants, qu'une nouvelle quantité d'encre s’est déposée dans la vésicule. Cette petite expérience montre qu'une voie spéciale permet à l'encre de s'échapper de la glande. Si l’on ouvre alors la poche avec toutes les précautions désirables pour empêcher l'instru- ment tranchant de rencontrer la glande, on voit un filet d'encre épaisse s'échapper de la glande en un point situé dans son tiers supérieur, sur la ligne médiane. Un courant d'eau, enlevant l'encre 22 PAUL GIROD. à mesure qu'elle se présente, permet de constater en ce point un orifice par où sort le liquide sécrété. La moindre pression exercée sur la glande amène aussitôt la sortie de l'encre par cette ouverture (fig. 9, I, o, et pl. L fig. 4, o): Au pourtour de l'orifice, on voit une partie légèrement déprimée, présentant une coloration plus noirâtre que le fond de la membrane et limitée par une circonférence vaguement lobée. Vu à la loupe, l'orifice est circulaire et semble comme fait à l’em- porte-pièce. Sur les nombreux individus que j'ai disséqués, j'ai toujours ren- contré cette disposition fondamentale, restée inconnue aux obser- vations qui m'ont précédé. Chez la Sepra elejans, espèce beaucoup plus petite, il faut redou- bler de prudence dans l'incision de la paroi antérieure. La glande présente une forme identique à celle de la Sepia officènals ; elle est aussi largement indépendante et occupe une position sem- blable. L'orifice, bien que très-ténu et à peine perceptible à l’œil nu, est rendu plus visible par l'examen à la loupe; il occupe exactement la ligne médiane et se trouve à la réunion du tiers supérieur et des deux tiers inférieurs de la glande. Loligo vulgaris. — La poche est beaucoup moins développée chez le Calmar que chez la Seiche,; mais elle présente la même structure générale (pl. I, fig. 3, 4, 5). L'incision sur la ligne médiane antérieure permet de reconnaître aussi la présence d’une large vésicule gorgée d'encre épaisse. Le ré- servoir est d’une capacité bien moins considérable que chez la Sei- che, mais l'encre contenue présente aussi ce degré d'épaisseur qui fait disparaître tous les détails intérieurs. Après lavage, on recon- naît la teinte argentée de la membrane-limite et les nombreuses ar- borisations qui la couvrent. Sur la paroi postérieure de ce réservoir est la glande, dont la dis- position présente quelques particularités intéressantes. Elle présente une indépendance plus complète que celle de la Seiche. Toute sa partie supérieure est libre, en sorte qu'on pourrait comparer sa forme générale à celle d’un bonnet phrygien, dont le bord limitant l'ouverture serait adhérent à la paroi postérieure de la vésicule (pl. I, fig. 3, g). LA POCHE DU NOIR DES CÉPHALOPODES. 23 C'est sur le point culminant de cette portion libre que se trouve l'orifice qui fait communiquer la glande et le réservoir. Get orifice arrondi est très-visible, surtout lorsqu'on exerce de bas en haut une légère pression sur la glande (pl. I, fig. 3, 0). La glande, plus allongée que chezla Seiche, présente comme chez cette dernière une lobation vague, due à des tractus fibreux suppor- tant les vaisseaux qui se ramifient sur la glande. La rupture de la membrane-limite donne accès dans un tissu spon- gieux gorgé d'encre noire et épaisse. Le ZLoligo subulata, malgré la forme plus arrondie de sa poche, n'en conserve pas moins les caractères du groupe, c'est-à-dire l'in- dépendance plus complète de la glande et l’orifice situé sur la partie la plus saillante de cette portion. Quant à la manière dont se termine le canal, son ouverture per- met d'y reconnaître des dispositions très-voisines de celles de la Seiche. Une première saillie intérieure, formée de replis et de dé- pressions cloisonnées, rétrécit considérablement la lumière du canal. Une dilatation ampullaire lui fait suite et présente une série de lamelles longitudinales peu saillantes. Une saillie annulaire ter- minale formée de nodosités allongées borde l'ouverture de la poche, à l'intérieur de l'anus (pl. I, fig. 5). Sepiola Rondeletü.— La poche à encre de la Sépiole dont j'ai indi- qué la forme si curieuse au moment de la fécondation, mérite une étude particulière. On se rappelle qu'elle est constituée par une masse centrale qui supporte de chaque côté deux nasses allongées, formant les lobes latéraux (fig. 1). Les recherches de Peters! l’ont conduit à voir dans ces masses annexées à la poche des corps noirs, formés d’un tissus glanduleux continu avec celui de la bourse et entourés d'une couche muscu- laire, Mes recherches m'amènent à des résultats différents. Mais avant d'exposer mes observations personnelles, une remar- que est nécessaire; c'est que l’aspect de ces corps latéraux est essentiellement différent, selon que l’on s'adresse à un animal sor- tant de l'eau ou à un échantillon conservé dans l'alcool. En effet, À Peters, Muller’s Archiv., 1832, p. 329, pl. XVI, fig. 1 et 8-10. 24 PAUL GIROD. dans le premier cas, les deux masses sont transparentes et laissent entrevoir dans leur intérieur des détails d'organisation. — Dans le second cas, au contraire. les lobes latéraux sont opaques, d’un blanc- jaunètre, et il est impossible de saisir comment sont constituées les parties contenues. Les conditions exceptionnelles où je me trouvais, m'ont permis d’avoir sans cesse sous la main des animaux frais, et je suis ainsi arrivé à des résultats différents de ceux consignés dans les mémoires antérieurs. | Si l’on examine un corps latéral à travers sa paroi transparente, on peut facilement constater la su- perposition d'avant en arrière des parties suivantes : une masse noire aplatie, un trait argenté, un ovoïde jaunâtre, une plaque argentée, un fond noir. Une dissection attentive permet de se rendre un compte exact de ces diverses parties. | Lorsqu'on déchire la membrane qui limite un lobe latéral, il s'écoule une certaine quantité d’un liquide muqueux et transparent. C'est ce hquide qui, sous l’action de l'alcool, se coagule et simule une bande musculaire épaisse. A 1) \ Fi. 3. — V, vésicule du noir; mp, mem- On voit alors que la masse centrale brane périphérique ; pp, prolongement pos- : PT térieur de la vésicule; pa, prolongement ENVOIE de chaque côté deux prolon- antérieur ; Ma, partie profonde de la mem- ; brane argentée; g, glande; ma”, partie gements creux, en forme de lames antérieure de la membrane argentée. 6 ; Rs Ja . aplaties. L'un est antérieur : il est arrondi et a la même hauteur que la poche; l’autre est posté- rieur : il estallongé et forme au-dessus et au-dessous de la poche un petit cul-de-sac saïllant. Ces prolongements sont remplis de Noir qui provient de la poche avec laquelle ils communiquent largement. Ce sont en réalité des diverticulums aplatis dépendant de la masse cen- trale (fig. 3, pp et par, pas). L'angle dièdre situé entre ces deux prolongements est tapissé par une membrane argentée, épaisse, élastique. C'est elle que l’on aper- coit par transparence. Comme elle est un peu plus étendue que le diverticulum antérieur, elle le dépasse et lui forme en bordure une LA POCHE DU NOIR DES CÉPHALOPODES. 95 ligne brillante; l'autre portion s'étale sur le diverticulum postérieur (Hg. 3, 4, ma La masse qui remplit cet angle a une forme légèrement allongée : F1G. 4. — Coupes de la poche de la sépiole à différentes hauteurs : T, à la partie supérieure ; II, au niveau de la glande latérale; III, au niveau de la glande du noir. — Mêmes lettres que dans la figure 3. elle est d’un blanc-jaunâtre et mal limitée. Je renvoie au chapitre texture l'étude détaillée de cette partie, me bornant à signaler ici sa nature glandulaire (fig. 3, 4, g). Les prolongements latéraux de la poche et la glande plongent dans le liquide trans- parent que nous avons signalé. Une mem- brane très-fine constitue l'enveloppe géné- rale. Elle s’insère d'une part sur le bord libre du prolongement postérieur, et d’au- tre part sur le bord adhérent du prolonge- ment antérieur. Un cul-de-sac supérieur bilobé et un cul-de-sac inférieur arrondi terminent en haut et en bas ce cylindre périphérique (fig. 3, 4, mp). F1G. 5. — 1. A, ouverture de l'anus; R, rectum; C, canal du noir. Il. Coupe longitudinale de la poche. G, canal du noir; V, vési- cule; G, glande du noir; zp, zone périphérique ; 5/, zone formatrice. Cette membrane limite un véritable réservoir, dont le contenu transparent est le produit de la glande. Où ce produit est-il destiné à se rendre ? La découverte d’un orifice pouvait seule nous mettre sur la voie de la solution de ce problème (fig. #4, r). 26 _ PAUL GIROD. L'examen extérieur direct à la loupe ne nous ayant pas donné de résultats, la membrane fut détachée, étalée sur une lame de verre et portée sous le microscope. Il ne fut pas possible, en passant en revue chaque point de la membrane, de découvrir la trace d’une perforation quelconque permettant le passage du liquide à l’exté- rieur, Cet examen, répété sur de aombreuses poches, nous donne toujours le même résultat négatif. Les mêmes recherches furent entreprises sur les prolongements latéraux de la poche, et malgré le grand nombre de pièces soumises à notre examen, nous ne pûmes saisir une communication quelcon- que avec la poche elle-même. Quant à la partie médiane, elle présente les rapports les plus étroits avec la poche du Calmar. La glande du Noir occupe la partie tout à fait inférieure. Elle est située dans une sorte de petite dé- pression qui forme, sur la paroi postérieure de la poche, une saillie arrondie et légèrement allongée. L'orifice occupe, comme chez le Calmar, la partie la plus saillante de l'organe (fig. 4, IT, G; fig. 5, ILARENE Octopus vulgaris.— La poche du Poulpe, qui présente des rapports anatomiques si différents de ceux signalés dans les Décapodes, mon- tre aussi des modifications profondes dans $a structure. Ce qui la caractérise, c’est la tendance à la fusion de la glande et du réservoir. La glande n’est plus libre et indépendante comme’ précédemment; sa paroi antérieure s’unit avec la paroi de la vésicule et constitue ainsi une adhérence très-étendue, qui réduit sa partie hbre à un espace très-restreint. Il semble que la poche soit séparée par un dia- phragme circulaire en deux parties : l'une supérieure formant le réservoir, l’autre inférieure constituant la glande. Cette disposition explique facilement comment les naturalistes qui, comme Cuvier, étudièrent le Poulpe, furent amenés à signaler comme partie sécré- tante des replis saillants dans l'intérieur de la poche. En effet, si l'on n'est pas prévenu de cette adhérence particulière, on ouvre nécessairement à la fois Le réservoir et la glande, et l’on fait dispa- raître le seul point important pour la comparaison, c'est-à-dire le diaphragme qui sépare les deux parties (pl. I, fig. 7 et 8). Pour bien observer cette disposition, il faut ouvrir la poche à par- ur du canal en avançant avec les plus grands ménagements et en lavant largement pour faire disparaître le Noir. Dans ces conditions, LA POCHE DU NOIR DES CÉPHALOPODES. 97 on aperçoit la partie libre de la glande constituantune cloison trans- versale circulaire et légèrement bombée du côté du canal. A l’aide de la loupe on peut reconnaître l'orifice; il n’occupe pas ici tout à fait le centre du diaphragme, il est très-légèrement porté en arrière ; il est arrondi et d’une grandeur inférieure à celui de la Seiche; ïl forme un centre d’où partent des arborisations blanchâtres qui divergent du côté de la paroi (pl. IT, fig. 4, oet r). La glande est considérable par rapport au réservoir; elle est à peu près égale à luisil'on ne tient pas compte du canal, qui est très- délié. C’est un caractère important, complètement opposé à celui qui se présente chez les Décapodes, où le réservoir l'emporte tou- jours de beaucoup sur les dimensions de la glande. La poche du Poulpe se termine par un canal, délié qui décrit une double courbure pour atteindre le rectum. Il se montre à l'extérieur d'un calibre égal dans tout son parcours, présentant l'aspect d’un cordon blanchâtre, arrondi, traversé en son centre par une traînée festonnée, d’un noir intense (pl. I, fig. 7, c). Si l’on ouvre ce canal et si on l’étale, on peut constater que son calibre ne change qu'au point où il va s’aboucher dans le rectum; un repli marque le commencement de ce rétrécissement qui donne au canal un calibre des plus ténus. Cependant, outre ce repli termi- nal qui présente une concavité inférieure sur le canal ouvert, on constate, à 4 millimètres environ de l'ouverture, un second repli à concavité supérieure. L'espace limité par ces deux replis peut être comparé à l'ampoule terminale que nous avons signalée chez les Décapodes. Du reste, le repli le plus inférieur est festonné et pré- sente une série de dépressions qui s'enfoncent, mais sans se ramifier d'une manière bien étendue, et marquent la place occupée chez la Sépia par la glande terminale (pl. I, fig. 9). L’ÆEledon moschatus, si voisin du Poulpe par son anatomie, pré- sente des dispositions identiques dans la structure de la poche, et il nous est impossible de signaler des différences dignes d’être notées. VAISSEAUX. Les belles recherches de Cuvier, de Delle Chiaje, de M. Milne- Edwards, ont donné sur la distribution des vaisseaux des Céphalo- podes un ensemble de faits nombreux et précis. Cependant le détail 28 PAUL GIROD. de ces descriptions anatomiques n'a pas été poussé fort loin. C’est ainsi que, pour la vascularisation de l’organe qui nous occupe,nous ne trouvons dans Cuvier qu'une simple mention d'une artère se dis- tribuant à la bourse du noir chez le Poulpe; M. Milne-Edwards ne s'étend pas plus longuement sur cette artère chez le Calmar, et ne la signale pas dans son travail sur la circulation du Poulpe. Le système artériel des Géphalopodes se groupe autour de deux aortes : l’une, postérieure, plus grande, plus volumineuse, portant le sang dans toute la région postérieure du manteau, au foie, au tube digestif, pour gagner enfin la région céphalique de l’animal; l’autre, antérieure, est chargée de la nutrition des organes occupant l’inté- rieur du manteau (branchies, cœur, partie terminale du tube diges- tif) et de ce manteau lui-même. C'est de cette aorte antérieure que dépendent les vaisseaux qui se rendent à la poche du Noir. Les veines qui rapportent le sang de la poche viennent se rendre dans la grande veine, centre de la circulation veineuse superficielle. En général, l'aorte antérieure, après avoir fourni des artères au cœur, aux branchies, aux corps fongiformes, se bifurque en deux branches terminales : * L'une se rend à la glande du Noir (artère de la glande du Noir), émettant une branche intestinale ; L'autre se rend au manteau et aux glandes génitales après avoir donné une artère qui fournit au rectum et à la vésicule du Noir (artère de la paroi). Tel est le schéma général de la circulation que nous allons étu- dier avec plus de détails dans les principaux types. Sepra officinalis. — Chez la Sepia officinalis, l'aorte antérieure se divise en ses deux branches terminales à 4 millimètre environ en arrière de la paroi de la poche du Noir. En ce point se détache l'artère de la glande (pl. IL, fig. 4 et 2, b), qui se recourbe immédiate- ment en bas et s’accole à la face postérieure de la poche. Elle occupe la ligne médiane de cette face postérieure et atteint ainsi à peu près le centre de la dilatation vésiculaire. En ce point, elle se divise en deux ordres de ramifications : les premières, profondes, sont au nombre de cinq ou six; après un court trajet elles s’enfoncent dans l'épaisseur de la paroi; les secondes sont superfi- cielles; on en compte trois ou quatre qui, partant de points plus ou moins rapprochés, vont en rayonnant vers la périphérie (pl. Il, LA POCHE DU NOIR DES CÉPHALOPODES. 29 fig. 9, fs). Une dissection attentive permet de suivre les rameaux pro- fonds dans les trabécules de la glande du Noir, où nous les retrou- verons bientôt. La terminaison de cette artère nous autorise à lui donner le nom d’artère de la glande. Quant aux rameaux superti- ciels, ils donnent eux-mêmes de nombreuses ramifications qui cou- vrent la face postérieure de la poche. Avant de se résoudre en ses branches terminales, l'artère donne un rameau intestinal (pl. II, fig. 2,7), qui se recourbe sur le coude que fait en ce point l'intestin terminal; un ramuscule allongé s'avance sur la face postérieure du canal du Noir. L'autre branche de bifurcation de l'aorte antérieure poursuit le trajet primitif et atteint ainsi la face antérieure de la poche. Avant de donner les artères destinées au manteau et à la glande génitale, cette seconde branche fournit un rameau au point même où elle devient antérieure à la poche. Ce rameau est destiné à émettre de nombreuses ramifications qui vont s'étendre sur toute la superficie de la poche : nous la nommons artère de la paroi (pl. II, fig. 1, d). Cette artère monte en décrivant une courbe à concavité supé- rieure, limitant ainsi la partie supérieure de la dilatation vésiculaire, puis vient se placer entre le rectum et le canal pour atteindre l’ori- fice commun. Dans ce trajet, cette artère émet de nombreux rameaux : 1. Les uns se détachent de la convexité (pl. IL, fig. 1, fd) : ils sont au nombre de quatre et descendent sur la vésicule. Leur tronc est d’abord sans ramifications, mais bientôt il émet une série de bran- ches latérales qui se ramifient à l'infini dans la paroi de la poche. Un de ces quatre rameaux présente un développement plus marqué et ses ramifications terminales sont condensées sur un point restreint qui occupe la partie centrale de la face antérieure de la vésicule. C'est en ce point que nous avons décrit une véritable nodosité mus- culaire, qui recoit de cette facon plus de sang que le reste de la paroi (pl. IL, fig. 4, fn). 2, D’autres partent de la concavité et montent sur le canal de la poche parallèlement à l'axe de ce canal: on compte quatre ou cinq de ces rameaux qui émettent sur leur parcours des vaisseaux laté- raux très-déliés (pl. IL, fig. 1, fa). 3. D’autres enfin s'échappent de la partie rectiligne qui occupe l'interstice situé entre le rectum et le canal du Noir (pl. IL, fig. 4, ft). Ceux-ci sont transversaux, très-nombreux, largement ramifiés, cou- 20 PAUL GIROD. vrant le rectum et le canal. Au niveau de l'ouverture anale, on observe une quantité considérable de vaisseaux qui se répandent dans les lèvres antérieure et postérieure, ainsi que dans les lan- guettes latérales du rectum. Rappelons qu’à ce niveau se trouve la glande terminale, ce qui explique ce surcroît de distribution vas- culaire. La distribution artérielle marque donc, d'une manière fort nette, la distinction de la glande du Noir et de la vésicule, puisqu'une artère spéciale est destinée à chacune de ces parties. Le sang est repris par deux ordres de veines : les unes, profondes, sont destinées au sang de la tunique interne de la poche ainsi qu'à celui qui revient de l’intérieur de la glande. Elles forment par leur réunion une veine (veëne de la glande) qui s’accole à l'artère de la glande, dont elle suit le trajet pour atteindre la grande veine (pl. I, fig. 4, a). Pour bien observer la distribution de cette veine, il faut, après avoir pratiqué l'injection veineuse partielle, ouvrir la poche du Noir et laver la paroi; on voit alors que toute la surface intérieure est tapissée par une multitude de ramifications colorées, et que de même la membrane qui limite la glande présente un lacis de ramifi- cations très-serrées (pl. IE, fig. 4). Mais il est facile en même temps de remarquer que ces ramifications se groupent autour de vaisseaux plus volumineux, qui viennent aboutir au pourtour du point d’in- sertion de la membrane-limite de la glande. En ce point se mon- trent les brides fibreuses qui donnent à la glande son apparence lobée. A la base de chaque bride convergent deux vaisseaux, l’un venant de la paroi de la vésicule, l’autre venant au contraire de la membrane qui limite la glande. Les vaisseaux de la paroi ont une direction telle, qu'ils convergent tous vers le centre de la glande. Ceux de la membrane-limite partent d’un réseau qui entoure l'ori- fice de la glande et viennent se jeter chacun dans le vaisseau de la paroi correspondante pour plonger au-dessous de la membrane- limite. Si maintenant nous examinons la face postérieure de la poche, nous verrons que la veine est formée par la réunion d’une dizaine de troncs qui s'échappent de la paroi correspondante à la glande; quelques rameaux superficiels ténus s'unissent aux précédents. Nous verrons bientôt comment ces troncs se rattachent aux ramifi- calions que nous venons de décrire à l'intérieur de la poche, s’en- fonçant dans la glande. LA POCHE DU NOIR DES CÉPHALOPODES. 31 Le second ordre de veines forme à la superficie de la vésicule et du canal des arborisations nombreuses qui se rendent : celles de la dilatation vésiculaire, dans une veine située à droite; celles prove- nant du canal et du rectum, dans une veine située à gauche. Ces deux veines de la paroi se rendent dans la grande veine; un pinceau de ramifications est reçu par une veine venant du manteau (pl. Il, fig. 3). Une des ramifications veineuses principales traverse la paroi de la vésicule et atteint sa face profonde antérieure. Là elle se ramifie au niveau de la nodosité musculaire en trois rameaux divergents qui couvrent cette partie (pl. IL, fig. 4, a). Cette description rend un compte exact de la manière dont la cir- culation s'effectue dans la vésicule; mais ne montre pas comment l'artère et la veine se comportent dans l'intérieur de la glande, puis- que nous avons laissé les vaisseaux au moment où ils pénétraient dans le tissu sécrétant. L'étude microtomique permet de poursuivre l'artère ou plutôt les branches de l'artère à travers la paroi. On les voit alors s’enfoncer obliquement de haut en bas et d’arrière en avant dans l’intérieur de la glande ; les rameaux qui se détachent de tous côtés se multiplient à l'infini et les artérioles finissent par se réduire de plus en plus. Quelques-unes cependant arrivent jusqu'à la membrane-limite; dans ce cas elles traversent cette membrane et en ce point même donnent trois ou quatre rameaux divergents simulant une sorte d'étoile (pl. IT, fig. 6, e,e). On peut compter sept ou huit de ces étoiles superficielles. De nombreux faisceaux de ramifications s’échappent au pourtour de l’orifice de la glande et forment un véritable anneau artériel. Quant aux veines, la dissection montre qu'après avoir pénétré dans la paroi postérieure de la poche, elles marchent, dans toute la portion adhérente, dans la paroi propre de l’organe. Arrivée au point où la glande devient libre, chaque veine se divise en deux rameaux : un pour la paroi et un pour la glande. Les différentes veines pénètrent en des points fort rapprochés, puis aussitôt elles divergent, formant une sorte de figure rayonnante et décrivant chacune le trajet que nous venons d'indiquer. Si nous faisons abstraction du rameau destiné à la paroi, chaque veinule décrit un demi-cercle qui embrasse la glande, et dont les points extrèmes sont le point de pénétration en arrière et l’orifice de la glande en avant, et deux veinules opposées forment un cercle 32 PAUL GIROD. complet. C’est de ce cercle que partent à angle droit les ramuscules déliés qui s’enfoncent à travers la membrane-limite au milieu des trabécules glandulaires. Cette disposition a été schématisée dans la figure 7 de la planche IT, qui représente une coupe faite vers le centre de la glande perpendicu- lairement à son grand axe. En effet, nous avons voulu compléter par l'étude des coupes histologiques les données de la microtomie, et nous sommes arrivés à une confirmation complète des premiers résultats. Il est facile de saisir sur la figure la disposition de la zone artérielle centrale et la constitution du cercle veineux périphé- rique, et de comprendre enfin comment les ramuscules déliés éma- nés de ces deux centres opposés se disposent dans l’ensemble. Je me borne à signaler ici l'alternance presque régulière, sur les trabé- cules, des vaisseaux artériels et veineux; je reviendrai sur ce point avec plus de détails en faisant l’histologie des trabécules. En résumé : une artère et une veine constituant dans la glande un champ vasculaire central et un cercle veineux périphérique, — une artère et des veines spéciales se distribuant à la vésicule, tels sont les grands traits qui ressortent de cet exposé purement anato- mique, Loligo vulgaris. — Le Loligo vulgaris à une circulation qui est calquée sur celle de la Seiche, Les différences tiennent surtout à la disposition opposée que présente la poche du noir chez le Cal- mar. Ici, en effet, la poche est située au-dessus du cœur, tandis que, chez la Seiche, la glande était bien au-dessous du centre de la circu- lation. Il s'ensuit que l'artère de la glande, qui était descendante chez la Seiche, devient ascendante chez le Calmar. Mais cette mo- dification capitale une fois connue, l'origine, les rapports, la distri- bution extérieure ne méritent aucune mention spéciale. La circu- lation intra-glandulaire doit seule nous occuper. En effet, l’artère de la glande ne se divise pas pour pénétrer dans l'organe, elle perfore la paroi et s'étend à travers les trabécules jusqu'à l'orifice de la glande en parcourant un trajet rectligne. Arrivée à l'orifice, elle montre au dehors quatre branches terminales divergentes. Pendant ce trajet à travers la glande, l'artère émet, au niveau de chaque trabécule qu'elle rencontre, un rameau qui se ramifie à son tour à l'infini. Ces rameaux naissent sur tout le pourtour de l'artère et constituent le champ artériel partant du centre (pl. IL, fig. à). mo mess Soit et Due Été hu dE Sd SS LA POCHE DU NOIR DES CÉPHALOPODES. 23 La disposition des veines de la glande est identique à celle obser- vée chez la Seiche, et le cercle veineux périphérique est constitué de la même facon, émettant des branches ramifiées sur la paroi du réservoir. L'Ommastrephes sagittatus offre même disposition vasculaire. Sepiola Rondeletii. — La Sépiole présente deux états différents de sa poche à encre; de là deux dispositions vasculaires différen- tes. La poche unilobée présente une disposition des vaisseaux analogue à celle du Calmar. Cependant l'artère de la glande se divise comme chez la Seiche, au moment où elle s’enfo :ce dans l'épaisseur des trabécules, en trois ou quatre branches divergen- tes; mais ici la marche est ascendante et légèrement d’arrière en avant. La ramification des ramuscules se fait comme chez la Seiche et la disposition générale est la même. Lorsque la poche présente ses deux lobes latéraux, une veine et une artère viennent s'ajouter de chaque côté. L’artère s'insinue entre la paroi de la poche et la glande, occupant le sommet de l'angle dièdre formé par la membrane argentée et envoyant ses ramifica- tions sur la glande et sur la paroi du réservoir. La veine est formée par la réunion des ramuscules nombreux qui s'étendent sur le réser- voir et des branches qui amènent le sang de la glande. Gette veine descend à côté de l'artère qu'elle accompagne et vient avec sa COn- génère se jeter dans la grande veine, par un tronc commun. Octopus vulgaris. — Les modifications importantes mentionnées dans les rapports, la forme, l'étendue de la poche chez les Octo- podes, peuvent faire soupçonner des différences notables dans la vascularisation de l'organe. Le mouvement d'incurvation du ven- tricule cardiaque dans ce groupe de Céphalopodes est une nouvelle cause de dispositions intéressantes et particulières (pl. IL, fig. 2, 3, 4, 5). Le mouvement d'incurvation du ventricule n’a agi que sur la pre- mière partie de l'aorte antérieure; les rameaux destinés à la masse génitale se sont détachés et s’échappent directement du cœur, con- stituant ainsi une aorte inférieure où génitale. L’aorte antérieure, après avoir fourni aux branchies, au cœur, aux corps fongiformes, à l’in- testin, se porte contre la masse qui forme le centre fondamental de l'Octopode, masse ovoïde constituée par le foie, le pancréas et la poche ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN,. — T. X. 1889. 3 34 (PAUL GIROD. du noir. L'artère franchement ascendante s'applique sur le pancréas, auquel elle donne deux rameaux déliés qui se recourbent en spirale au milieu du tissu glandulaire blanchâtre ; de là, elle s'enfonce dans le pancréas et atteint la base de la poche. On la voit pénétrer dans l'organe, après avoir émis un petit rameau superficiel. Dans la glande, elle se divise en quatre branches divergentes, deux antérieures, deux postérieures, émettant un grand nombre de ramuscules qui couvrent les trabécules de leurs ramifcations. Telle est la marche de la branche terminale destinée à la poche (pl. I, fig. 2 et 3, a). La seconde branche terminale se place dans la cloison qui sépare en deux parties le sac des Octopodes. Elle se dirige du côté de l'orifice anal pour se terminer dans la peau située au-dessus, Elle donne de nombreux rameaux destinés au manteau. Un peu au- dessous de l'anus, elle émet un fin ramuscule qui traverse le rectum, donnant des branches ascendantes et descendantes pour cet organe, et arrive enfin sur le canal de la poche du noir. Le ramus- cule poursuit son trajet et vient se terminer par trois ou quatre ramifications déliées qui parcourent la paroi de la poche (pl. I, fig. 2 et 3, c; fig. 4, r). En réalité, bien que la disposition soit essentiellement différente au premier abord, nous avons ici pour les artères une distribution identique à celle indiquée précédemment : artère de la glande, artère de la vésicule. La vascularisation veineuse est fort réduite. Elle aboutit par une veine volumineuse à la grande veine. Cette veine de la poche s'échappe du pancréas au-dessous de la poche à côté de l'artère qu'elle accompagne. Le sang qu'elle contient est commun au pan- créas et à la poche à encre, et dans la poche le sang de la glande, aussi bien que celui de la vésicule, est emmené par cette voie. La veine commune se divise en deux branches, qui se placent entre le pancréas et la poche du noir. On a ainsi une sorte de fer à cheval d'où partent deux sortes de rameaux : les uns, ascendants, s enfon- çant dans la paroi de la poche qu'ils entourent; les autres, descen- dants, destinés au pancréas. Cette même veine reçoit aussi le sang de la partie inférieure et superficielle du foie (pl. IT, fig. 5, a, r). Nous arrivons avec le Poulpe à un degré bien inférieur dans la vascularisalion veineuse. Les Eledones présentent une disposition exactement conforme. Nous terminons ici les grands traits qui caractérisent la distribution des vaisseaux dans la poche du noir. LA POCHE DU NOIR DES CÉPHALOPODES. | 35 NERFS. Les nerfs qui se rendent à la poche du noir émanent de deux points différents : les uns sont des filets des nerfs viscéraux,; les autres sont sous la dépendance du ganglion stomacal du somato-gastrique. Sepia officinalis. — Les deux nerfs viscéraux, après être sortis du cartilage céphalique, gagnent la face antérieure du foie, perforent la tunique propre de l'organe et viennent ramper sur la face ventrale. Ils se placent de chaque côté de la grande veine qu'ils accompagnent jusqu'au niveau des sacs urinaires pour se contourner, don- ner un renflement ganglionnaire et suivre le bord adhérent de la branchie*. Dans ce trajet, les nerfs viscéraux donnent d’a- bord deux nerfs destinés aux piliers charnus de l’entonnoir, puis les nerfs destinés à l’organe qui nous occupe et que j'appellerai dès lors nerfs de la poche. Les nerfs de la poche sont au nombre de deux. Ce sont deux longs filets très déliés qui se dirigent obliquement pour s'appliquer à la face postérieure du canal du noir et marcher parallèlement jusqu’au niveau du renflement vésiculaire. Là, on les voit diverger, gagner les bords de l’organe et se termi- ner enfin par des filaments déliés destinés à l’in- nervation de la vésicule (fig. 6, fr). Ces nerfs sont d’abord très rapprochés; à leur origine, 1ls accompagnent pendant quelque temps la grande veine ; mais bientôt ils se portent en avant, supportés par le tractus musculo-conjonctif F qui relie le rectum à la masse viscérale. Ils attei- gnent ainsi la face postérieure de la poche à encre. Dans leur trajet à la superficie de cet organe, ils pi 1G, 6. — gr, grande veine; nv, nv, nerfs viscéraux ; fr,fr, nerfs de la poche; np, np, branches anastomoti- ques; ng, nerf de la glande. donnent chacun de nombreux filets qui disparaissent presque à leur point d'origine dans la paroi de la poche. Deux de ces filets * Voir J. Chéron, Recherches pour servir à l'histoire du syslème nerveux des Cé- phalopodes dibranchiaux (Annales des sciences naturelles, 5° série, t. V, 1866). 3) PAUL GIROD. méritent une mention spéciale. Le premier, très délié, se dirige en avant transversalement pour atteindre la région anale et couvrir de filaments la partie terminale de la poche et du tube digestif. Le se- cond filet naît au point où le nerf de la poche atteint la poche elle- même ; il se détache à angle très aigu et descend très obliquement sur la face postérieure de la poche, pour atteindre la ligne médiane (fig. 6, np). En ce point, il se réunit au filet correspondant et forme avec ce dernier etles deux nerfs de la poche la figure d’un M très allongé. De cette anastomose résulte un nerf unique moyen qui suit exactement la ligne médiane et vient se réunir à l'artère de la glande et à la veine de la glande pour compléter le faisceau qui pénè- tre à l'intérieur de la glande. Ce dernier filet, que l'on pourrait appe- ler nerf de la glande, ne peut être suivi qu'avec la plus grande diffi- culté à l’intérieur de cette dernière. Mes dissections m'ont amené à considérer sa distribution comme se rapprochant beaucoup de celle signalée pour les veines ; on suit, en effet, des filaments déliés qui se divisent dans la membrane limite de la glande et d’autres fila- ments qui s'étalent sur la face interne de la paroi de la vésicule. I] nous à été impossible de les suivre, au milieu des trabécules gorgés d'encre qui forment la masse glandulaire. Sa distribution semble donc plutôt superficielle ; il se répand dans les parties musculo-conjonctives de la paroi et de la glande. Le ganglion stomacal du somato-gastrique est très facile à décou- vrir sur la Seiche. Il occupe une position bien déterminée, qui est le point précis où convergent le gésier, l'estomac spiral et le rectum. Les filets donnés au gésier et à l'estomac spiral sont volumineux et faciles à suivre à la superficie de ces organes. Le ganglion a une forme allongée, il présente en haut une pointe effilée; c'est de cette pointe que part une branche qui gagne immédiatement le rectum et accompagne ce dernier. C'est de cette branche rectale que se déta- che un filet des plus ténus qui descend sur la face postérieure de la vésicule du noir et vient se Joindre au faisceau formé par l'artère, la veine et le nerf de la glande. Je n'ai jamais pu le suivre au-delà de ce point. Loligo vulgaris. — La description que je viens de donner me per- mettra d'être bref pour le Calmar. En effet, comme chez la Seiche, linnervation de la poche se fait par les deux nerfs viscéraux : deux LA POCHE DU NOIR DES CÉPHALOPORES, 37 nerfs de la poche se détachent, gagnent la face postérieure du canal, puis de la vésicule, s’anastomosent pour donner un nerf de la glande, et couvrent de filaments déliés l'ouverture anale, le canal et la vésicule. Je n'ai pas pu suivre un filet stomato-gastrique ; sa ténuité l’a fait échapper à mes investigations. Octopus vulgaris. — La distribution nerveuse est ici tout à fait dif- férente de ce que nous avons observé précédemment. Les nerfs vis- céraux ne sont plus, comme précédemment, situés en arrière de la poche; ils passent, au contraire, sur sa face antérieure, conservant avec la grande veine les mêmes rapports par- ticuliers. Les filets se rendant à la poche ne pénètrent pas par sa face postérieure, mais occupent au contraire sa face antérieure. Les nerfs qui se rendent à la poche sont de deux sortes : les uns sont des filaments déliés qui perforent la membrane musculeuse pour at- teindre la paroi de la poche et s’y ramifier ; les autres sont deux gros filets qui partent du point où les nerfs viscéraux commencent à diverger, et se dirigent vers la ligne médiane presque transversalement; ces deux nerfs vien- nent aboutir au point où l'artère et la veine de la poche pénètrent dans la glande et se Rd nd viscéraux; gr, grande veine joignent au faisceau destiné à cet organe ; CE coupée; R, rectum rabattu : fv, filets vésiculaires; gn, sont donc des nerfs de la glande. Les filets du nerfs de la glande; ax, ar- stomato-gastrique n’ont pu être mis en évi- Re ide. dence du côté de la poche. En irésumé, les diverses parties constituantes de la poche sont innervées par deux sources différentes : les nerfs viscéraux fournis- sent des nerfs à la paroi de la vésicule, à la membrane limite de la glande, peut-être aux travées conjonctives des trabécules. Cette in- nervation se fait chez les Décapodes au moyen de deux nerfs de la poche donnant par anastomose un nerf de la glande, et chez les Octo- podes au moyen de nerfs vésiculaires et de deux nerfs de la glande. Le ganglion stomacal du somato-gastrique fournit à la glande et préside à la sécrétion du pigment. 38 PAUL GIROD. TEXTURE. La texture intime de la glande n’a pas plus que la structure géné- rale fait l’objet d’études minutieuses et approfondies. Leydig‘ est le premier qui mentionne que « dans la poche à sépia des Céphalopodes les cellules de sécrétion de la paroi caverneuse sont remplies du même pigment que celui qui remplit la poche. » Fr. Boll ajouta que « sur des préparations par dissociation on prend facilement connaissance de la formation des granulations à l'intérieur des cellules, qui paraissent produire le pigment par dégé- nérescence ». MM. Desfosses et Variot, dans leurs recherches beaucoup plus récentes, ont insisté plus longuement sur la texture de la glande chez la Sepia officinalis, mais je ne puis exposer et discuter les résul- tats qu'ils ont obtenus avant d’avoir fait connaître mes propres obser- vations sur cette partie de mon travail. La Sepia officinalis, qui présente avec le plus de netteté les dispo- sitions histologiques de l'organe, servira de type et de premier sujet d'étude. La glande du now. La glande occupe le tiers inférieur de la vésicule, formant une saillie considérable au milieu de l'encre qui remplit cette dernière. Son orifice apparaît dans le tiers supérieur et doit servir de point de départ à la dissection de la glande. Au moment où l’on fait la première incision de la membrane-limite, il s'échappe une encre épaisse et filante qui rendrait impossible toute observation ; aussi faut- il, pendant toute la dissection, faire passer dans la cuvette un cou- rant d’eau continu qui balaye le noir à mesure qu'il se répand à l’ex- térieur. En enlevant à la pince la membrane qui environne l’orifice, on la trouve adhérente à du tissu sous-jacent. Si l’on arrache et si l’on continue à tirer en s’éloignant de l’orifice, on sent que la résistance disparaît, puis, qu'une nouvelle adhérence se présente. En conti- nuant, il est facile de constater que la membrane-limite donne inser- 1 Leypi6, Traité d’hislologie comparée de l'homme et des animaux, trad. en franc, par R. Lahillonne. Paris. LA POCHE DU NOIR DES CÉPHALOPODES. 39 tion à des assises successives du tissu de la glande. Lorsque la mem- brane a été délicatement enlevée, l'examen à l’œil nu ou à la loupe permet de reconnaître que la glande est formée de lamelles légères et ondulées qui laissent entre elles des espaces de forme variable. Pour faciliter la description, nous appellerons les lamelles : érabécules, et les espaces : aréoles (pl. I, fig. 2, 10, 42, é, a). La marche que nous avons suivie dans la dissection montre que les trabécules, au contact de l’orifice, sont très courts, formant en ce point une sorte de cupule où l'orifice remplacerait l'opercule. Puis, les trabécules vont grandissant à mesure que l’on marche vers une partie plus dilatée de la glande (pl. I, fig. 2). Les lamelles s’anastomosent, s’entre-croisent dans diverses direc- tions et sont en connexion étroite les unes avec les autres. Si l’on enlève avec la pince successivement les trabécules qui se présentent, on peut s'assurer qu'ils affectent une disposition concentrique, et, comme ils vont grandissant de l’orifice vers la parte la plus dilatée de la glande, ils forment des cupules concentriques à concavité regardant l'orifice. Au point où la glande présente sa plus grande largeur, ils devien - nent plus ou moins plans ; à partir de ce point, ils sont concaves en arrière. À mesure que l’on s'enfonce dans l’intérieur de la glande, on voit les trabécules, d’abord fortement colorés en noir, devenir de couleur de moins en moins intense, passant au brun-noir, puis au brun-clair, | puis, par tous les intermédiaires, à une teinte biäanchâtre (pl. I, De 2,2). Si l’on considère ces deux extrèmes de coloration, on peut consi- dérer à la glande deux parties : l’une périphérique noire, l’autre centrale blanchâtre. A la loupe, cette dernière portion se présente comme une masse appliquée contre la paroi postérieure de la glande, dont elle occupe le tiers inférieur. Nous ne pouvons mieux la com- parer qu’à un cône oblique à sommet dirigé en haut. Ce sommet est formé par le tissu blanc et, à mesure que j’on des- cend vers la base, on voit le tissu se charger de pigment et passer insensiblement aux trabécules noirs périphériques. Les aréoles, circonscrites par ces prolongements, sont irrégulières et variables de forme et d’étendue selon le point occupé. Arrondies et peu développées dans la zone incolore, elles s’allongent, devien- nent irrégulières et anfractueuses, conservant cependant, comme 40 PAUL GIROD. le trabécule, la disposition concentrique que nous avons déjà signalée. Elles sont incomplètement closes, d'où il suit qu’elles communi- quent entre elles, et qu'un liquide injecté dans l’une d'elles passe de proche en proche dans les autres. Ces observations microtomiques nous amènent à prendre une idée exacte de la texture de la glande. Elle présente deux centres : l’un où les trabécules se forment (zone centrale, zone formatrice) ; l’autre où les trabécules réduits viennent disparaître (orifice de la glande), Entre ces deux extrêmes se développent les trabécules sécrétants, chargés de pigment (zone notre périphérique). L'examen histologique permet de confirmer ces données pre- mières. Pour arriver à ce but, il faut faire des coupes tant longitudi- nales que transversales de l'organe. Voici la méthode qui nous a donné les meilleurs résultats. La poche prise sur l’animal vivant est placée dans une solution légère de gomme arabique dans l’eau de mer; après un temps suffisant elle est plongée dans l'alcool absolu. De cette façon les éléments sont fixés et l'encre prend une consis- tance convenable pour présenter, après inclusion dans la paraffine, une masse que le rasoir coupe facilement. De plus, l'encre n'est plus miscible à l’eau, ce qui est un point essentiel dans ces recherches. Une coupe longitudinale dirigée, selon le plan médian d'avant en arrière, montre que la glande est limitée par une paroi complète et permet de reconnaitre les deux zones de la glande. Sur une sembla- ble préparation, la zone formatrice se montre composée de trabécules peu développés, serrés les uns contre les autres ; son sommet se pré- sente comme une masse creusée d'’aréoles très aplaties qui vont di- minuant d’étendue jusqu'à une faible distance du point le plus élevé, où elles disparaissent complètement. De la paroi postérieure de la glande se détachent des trabécules épais qui ne tardent pas à se ra- nifier en une série de lamelles plus fines marchant vers la paroi anté- rieure sur laquelle ils s’insèrent. On observe facilement le peu de développement des trabécules au-dessous de l'orifice et leur conca- vité antérieure, puis l’on peut suivre la manière dont les trabécules s'étalent et deviennent insensiblement concaves en arrière, à mesure que l’on considère une portion plus inférieure de la glande, se rétré- cissant enfin pour embrasser la zone formatrice (pl. I, fig. 2). L'étude de la distribution vasculaire permet d'expliquer cette dis- position arborescente irrégulière. LA POCHE DU NOIR DES CÉPHALOPODES. 4i Une série de coupes transversales permet de bien saisir la forme conique à sommet supérieur de la zone formatrice et la disposition concentrique des trabécules. Enfin, si l’on place sous le microscope un trabécule étalé, on peut constater les nombreux orifices qui font communiquer les aréoles entre elles et permettent au liquide sécrété dans les différents points une marche sinueuse à travers les aréoles pour gagner ainsi la mem- brane qui limite la glande. Si l’on fait abstraction des anastomoses qui relient les lamelles entre elles, on peut considérer chaque trabécule comme contribuant à former la paroi de deux cavités : l’une supérieure, limitée en haut par le trabécule immédiatement supérieur et latéralement par les segments de paroi qui séparent l'insertion des deux trabécules ; l’autre inférieure, limitée de la même facon. La glande se présente ainsi comme formée schématiquement par une série de cavités, com- muniquant largement entre elles : la plus profonde limitant la zone formatrice, la plus superficielle laissant échapper l'encre dans la vési- cule par l’orifice même de la glande, les moyennes présidant à la sécrétion du pigment. La cellule sécretante. La partie véritablement fondamentale de la glande est la cellule sécrétante qui préside à la formation du noir. Pour arriver à bien connaître cette cellule, il faut avoir recours à des dissociations suc- cessives portant sur des portions de parenchyme de plus en plus avancées en développement. Une dissection attentive sous la loupe permet de mettre à nu sans aucune difficulté les diverses parties qui vont nous occuper successi- vement. Si l’on détruit un à un les trabécules périphériques, on met à nu la zone formatrice. Il est facile alors de saisir et de détacher le sommet de la pyramide formée par cette zone; c’est là que nous avons signalé la masse cellulaire qui constitue le centre de formation des irabécules. En dissociant‘ la parcelle de tissu ainsi obtenue, on voit la prépa- ration couverte de cellules cylindriques allongées. Ces cellules rappel- Un séjour de vingt-quatre heures d’une poche fraiche dans l’alcool au tiers rend très facile cette dissociation. 42 PAUL GIROD. lent, à un grossissement moyen, les cellules épithéliales cylindriques de beaucoup de muqueuses (pl. IV, fig. 40, a). Elles ont la forme de rectangles allongés, atténués à une extré- mité, élargis légèrement à l’autre. Elles contiennent un noyau volu- mineux qui devient très apparent par l’action des matières colorantes (picrocarminate d’ammoniaque, hématoxyline, bleu d'aniline). Ce noyau occupe l'extrémité atténuée de la cellule, et il est aisé de ren- contrer dans la préparation des cellules encore adhérentes au tissu qui les soutenait et de constater ainsi que cette extrémité rétrécie est celle qui correspond à la partie fixée de l'élément. A un fort grossissement, la cellule se montre divisée en deux par- ties : l’une beaucoup plus élargie, l’autre qui contient le noyau. La première se colore en jaunâtre par le picrocarmin; elle semble constituée par un liquide hyalin limité du côté du noyau par une ligne peu apparente, légèrement concave et granuleuse. — La seconde partie est remplie d’un protoplasma à granulations multi- ples qui s'oppose ainsi nettement au liquide transparent de la pre- mière partie. | Le noyau est ovalaire, allongé selon l’axe de la cellule et présente un très grand développement. Il est nettement limité par un contour plus foncé. On observe dans sa masse de nombreuses granulations et ordinairement un ou deux nucléoles brillants. Cette division de la cellule en deux masses distinctes m'avait fait songer à rechercher si elles ne présentaient pas les caractères de cel- lules caliciformes ; l'absence d’orifice permettant au produit sécrété de passer à l'extérieur m'a éloigné de cette pensée première. Du reste, les observations sur la cellule plus âgée écartent l’idée d'un liquide s’échappant de la cellule pour constituer une sécrétion con- tinuelle. A côté de ces cellules, on peut en observer quelques-unes conte- nant des granulations noires, éparses, mais qui partout présentent une disposition identique. C’est, en effet, dans la partie de la masse transparente, qui confine au bord concave, que ces granulations forment une sorte de ligne plus sombre et très évidente. A un fort grossissement, on reconnaît qu'il y a en ce point une série de cor- puscules d’une ténuité extrême et d’une teinte noire intense (pl. IV, fig. 10 6). Une dissociation portant sur une portion plus ancienne de Ja glande présente des éléments différents. LA POCHE DU NOIR DES CÉPHALOPODES. 43 Ce ne sont plus des cellules cylindriques, mais des cellules divi- sées par deux étranglements en trois parties distinctes : l’une, mé- diane, qui contient le noyau ; une seconde, inférieure, qui prolonge la précédente en une queue plus ou moins grêle; une troisième, supérieure, d’une teinte noir foncé, qui surmonte le tout. Cet en- semble constitue une figure particulière et caractéristique (pl. IV, fig. 10, c). La masse pigmentée qui surmonte la cellule a une forme ovalaire ; il est facile de voir qu’elle est limitée en dehors par la membrane périphérique de la cellule, et du côté du noyau par une ligne plus ou moins courbe qui sépare nettement la partie noire, du noyau situé au-dessous. Le contenu de cette première portion est formé des corpuscules noirs que j'ai signalés tout à l'heure, maisilssont ici extrêmement serrés et constituent une masse pigmentée épaisse et noire. On peut remarquer que la quantité des corpuscules varie selon les cellules observées, et qu’à côté de cellules à pigmentation com- pacte on en observe d’autres qui ne contiennent que quelques gra- nulations éparses. Dans ce dernier cas, c’est sur la ligne qui sépare les deux portions pigmentaire et nucléaire que la condensation du pigment est la plus forte. La partie moyenne arrondie et la partie inférieure effilée consti- tuent le corps cellulaire proprement dit par rapport à la partie pré- cédente, qui semble un réservoir pour le pigment. Le protoplasma présente la plus grande analogie avec celui que nous avons signalé autour du noyau des cellules cylindriques : de nombreuses granula- tions se montrent dans sa masse. Le noyau est nettement limité ; il est très volumineux et granu- leux. Dans la plupart des cas, il présente dans son intérieur une con- densation du protoplasma en deux, trois ou quatre masses arrondies autour d’un nombre correspondant de nucléoles brillants. D’autres noyaux n'ont qu'un seul nucléole ; le nombre deux et le nombre trois sont les plus fréquents, jamais je n’en ai observé plus de quatre. Au-dessous de ce noyau la cellule est étirée en pointe plus ou moins obtuse remplie de protoplasma granuleux. Si nous comparons ce second type de cellules à celui observé pré- cédemment, nous voyons que tous deux présentent les liens les plus étroits. La masse hyaline de la cellule cylindrique s’est remplie de granulations pigmentaires, la partie qui contient le noyau s’est allon- 44 PAUL GIROD. gée et déformée, mais l’ensemble présente une disposition générale semblable et identique. Lorsqu'on s'enfonce dans la zone noire, on voit apparaître des éléments qui, pour l'extérieur, diffèrent encore des précédents : on y remarque deux formes diverses (pl. IV, fig. 10, d, e). La première forme rappelle beaucoup les cellules pigmentées que que nous venons de décrire, mais la calotte de pigment s’est consi- dérablement accrue ; elle forme une masse noire plus large que la région nucléaire et qui envoie deux prolongements latéraux descen- dant de chaque côté du noyau. Cette masse est extrèmement foncée, mais cependant elle présente son maximum d'épaisseur au contact du noyau et sur son bord libre opposé (pl. IV, fig. 10, d). Le noyau est tout à fait analogue à celui que nous venons de dé- crire, mais le protoplasma cellulaire présente dans son intérieur quel- ques granulations pigmentaires extrêmement ténues. La seconde forme présente tous les caractères des cellules précé- dentes, moins la masse pigmentée terminale ; il est facile de con- stater sur des lambeaux que c’est de cette façon que doivent être interprétés les éléments qui nous occupent. Tantôt pyriformes, tan- tôt fusiformes ou arrondies, ces cellules contiennent un nombre de granulations pigmentaires beaucoup plus considérable. Ces granula- tons, réduites dans la forme précédente à quelques points noirs très espacés, sont ici au contraire nombreuses et serrées au point de ne plus laisser reconnaître la masse nucléaire centrale. Entre ces extrè- mes on observe tous les intermédiaires. Le noyau qui se colore vivement est arrondi et volumineux : les condensations nucléolaires ne sont plus appréciables dans son intérieur (pl. IV, fig. 10, e). Enfin, si l’on prend l’encre contenue dans les aréoles de la glande, on peut y constater les éléments suivants : Les masses noires pigmentées des cellules sécrétantes; Les cellules chargées de granulations noires; Des noyaux entourés de granulations plus ou moins nombreuses ; Un nombre incalculable de granulations éparses. Les masses pigmentées sont plus ou moins largement ouvertes. Quant aux cellules, elles sont en voie plus ou moins complète de dégénérescence ; leur membrane déchirée laisse échapper le pigment ; mais le noyau persiste avec ses caractères. Cette résistance du noyau explique la présence de masses nucléaires libres au milieu des gra- nulations pigmentaires (pl. IV, fig. 10, /). LA POCHE DU NOIR DES CÉPHALOPODES. 45 Le trabécule. Comment les cellules sécrétantes se réunissent-elles et forment- elles le tissu de la glande ? L'étude de la constitution du frabécule nous permet de répondre à cette question, mais il faut suivre ici la marche indiquée pour l'étude de l'élément sécréteur, du centre de la zone formatrice vers la péri- phérie de la zone noire. ; Vers le sommet de la zone claire on trouve une masse complète- ment homogène formée de cellules épithéliales affectant une dispo- sition en strates superposées ; à mesure que l’on s'éloigne de ce point on voit que certaines cellules ont disparu et ont formé par dégéné- rescence des cavités anfractueuses irrégulières, limitées par des cel- lules permanentes. Des travées conjonctives ne tardent pas à s’éten- dre au pourtour de ces alvéoles primitives et forment des cloisons légères entre les deux rangs de cellules qui ont seuls persisté comme paroi de deux alvéoles adjacentes ; les trabécules sont dès lors con- stitués. Plus bas, on voit que les trabécuies se sont développés et constituent des sortes de valvulesirrégulières. Pris en particulier, cha- que trabécule est ramifié, envoyant des lamelles secondaires repliées et contournées sur elles-mêmes. L'ensemble se montre formé par ces lames et lamelles comprimées et serrées l’une contre l’autre et limitant des aréoles de forme irrégulière et dont la lumière est à peine indiquée (pl. I, fig. 2, zf; pl. IV, fig, 1, b, à). Sur une coupe très mince, on reconnait à la surface des trabécu- les de la zone formatrice les cellules cylindriques non pigmentées, que la dissociation nous a permis d'étudier avec détail. Les cellules sont étroitement appliquées l’une contre l’autre, répon- dant à la travée conjonctive par l'extrémité qui contient le noyau et tournant l'extrémité hyaline du côté de l’aréole (pl. IV, fig. 2 et fig. 3). A mesure que l’on s'éloigne de ce premier centre de formation, on voit les valvules s’allonger, marcher à la rencontre des valvules voisines, se réunir à elles pour former les trabécules (pl. I, fig. 2, 1012). Le tissu conjonctif qui forme le centre de ces trabécules conserve partout son caractère primitif, mais la couche épithéliale change d'aspect. Les cellules se pigmentent imsensiblement et l’on peut suivre leurs 46 : PAUL GIROD. modifications successives sur les trabécules superposés. On voit alors que les cellules surmontées de la masse pigmentaire ne sont qu’une simple modification des précédentes. Il est facile de comprendre comment des éléments pyriformes dérivent d'éléments rectangu- laires. L'observation montre que deux cellules voisines ne se cor- respondent pas noyau à noyau, mais que le noyau d’une des cellules est situé au-dessus de l'extrémité effilée de la précédente. De cette façon, chaque cellule à pu développer sa partie centrale nucléaire, mais sa partie adhérente comprimée s’est réduite. L'absence de gra- nulations pigmentaires dans les aréoles combat l’idée d’une disposi- tion en calice de ces cellules (pl. IV, fig. 4 et 5). À partir de ce point, les trabécules présentent les cellules avec la masse pigmentée très développée. Ces cellules sont disposées sur un rang et l’on peut observer dans les alvéoles la présence de pigment provenant de la rupture de l’extrémité renflée des cellules (pl. IV, fig. 6, 7 et 8). Enfin, les cellules se pigmentent elles-mêmes et le trabécule est limité par ces cellules chargées de pigment. Si l’on pousse plus loin l'examen, on voit le trabécule après la chute des cellules réduit à sa travée conjonctive centrale, et l’on peut suivre les modifications insensibles que subissent les faisceaux, jusqu'au moment où ils disparaissent à leur tour devant les trabécules jeunes, qui les pous- sent continuellement du côté de l’orifice. Si nous résumons les connaissances acquises dans cet examen suc- cessif, nous voyons que les trabécules naissent au sommet de la zone claire et marchent vers l’orifice où ils se détruisent. Pendant ce déve- loppement, les cellules qui forment l’épithélium d’un trabécule sont d'abord cellules sécrétantes, munies d’une portion spéciale où elles réunissent le pigment qu'elles sécrètent; l’activité sécrétante cesse, le produit tombe dans l’aréole, puis la cellule meurt tout entière par accumulation du pigment dans son plasma. La paroë. La paroi de la poche du noir se compose : D'une enveloppe commune périphérique qui sert de support à la glande et contribue à renforcer la paroi du réservoir; De deux membranes propres dont l’une forme la capsule de la glande et dont l’autre limite la vésicule {ant dans sa partie dilatée LA POCHE DU NOIR DES CÉPHALOPODES. 47 que dans sa portion rétrécie en canal : paroi propre de la vésicule, L'enveloppe commune épaisse peut se subdiviser en deux funiques, externe et moyenne, de la paroi. Les membranes propres constituent la tunique interne de la poche du noir. La glande, adhérente seulement par une de ses faces, ne pré- sente qu’en ce point des rapports directs avec les deux tuniques de l'enveloppe commune; dans toute la région libre, elle est réduite à la tunique interne doublée par la tunique propre de la vésicule. De même, ce n’est qu'au contact de la glande que la paroi de la vésicule est réduite à sa tunique propre ; partout ailleurs, elle affecte avec la paroi commune les rapports les plus étroits. La structure histologique de ces tuniques superposées est assez complexe pour mériter quelques développements; je commencerai par l'étude des membranes propres; la description de la membrane commune sera ainsi rendue plus simple et plus facile à saisir dans ses dispositions particulières. La tunique interne. À. Capsule de la glande. — Ta capsule enveloppe complètement la glande. Elle est unie au point d’adhérence de la glande d’une ma- nière intime avec la paroi commune. De cette manière les deux mem- branes se confondent presque pour n’en constituer qu'une seule à ce niveau, où elles se trouvent en rapport direct. Elle est formée par des faisceaux conjonctifs lâches et entre-croisés, parsemés de noyaux nombreux. Ces noyaux sont surtout abondants sur la face interne, c’est-à-dire au contact de l’épithélium. Des fibres musculaires lisses en faisceaux souvent très réduits coupent dans divers sens la trame conjonctive. Cette capsule ainsi constituée envoie de nombreux prolongements que nous avons mentionnés précédemment et qui forment la char- pente des trabécules glandulaires. Leur texture est identique à celle de la capsule elle-même. Cette couche est criblée d'ouvertures artérielles et veineuses qui présentent sur une coupe leur calibre béant avec les noyaux saillants de l’endothélium. C’est, en effet, dans cette couche que se ramifient les vaisseaux destinés à la glande. La capsule et ses prolongements servent de support aux éléments sécréteurs qui constituent l’épithélium de cette membrane propre. 48 PAUL GiROD. Les détails dans lesquels je suis entré sur cet épithélium en m'’occu- pant de la glande me permettent âe me borner ici à cette simple nrention. B. Parot propre de la vésicule. — Cette paroi présente des carac- tères essentiellement différents selon le point où on l’étudie. En effet, dans toute la portion dilatée de la vésicule, ainsi que dans la plus grande partie du canal, elle présente un épithélium aplati et pavimen- teux, tandis que dans sa portion terminale elle est recouverte par un épithélium cylindrique et supporte les tubes sécréteurs de la glande terminale. Ces deux portions ainsi limitées doivent donc être étudiées à part, a. Corps et canal de la vésicule. — Sur une coupe transversale il est facile de constater que cette tunique envoie dans l’intérieur de la poche de nombreux replis saillants bordés par un liséré noir in- tense. Ces replis sont des valvules qui s’avancent dans l’intérieur de la vésicule, mais en conservant toujours de faibles dimensions. Elles sont ordinairement simples, quelques-unes sont bilobées, d’autres se terminent par une série de petites éminences (pl. V, fig. 4, b). L'examen microscopique montre que l’intérieur de chacun de ces replis est formé par un tissu conjoncüf lâche et tout à fait analogue à celui qui constitue la capsule de la glande. Une couche commune de tissu conjonctif relie la base de toutes ces saïllies et complète ainsi la tunique interne. Toutes ces saillies sont tapissées par un ur particulier et bien différent de l’épithélium sécrétant de la glande. Pour pouvoir saisir sa texture exacte, il faut fixer les éléments en place avant d'ouvrir et de laver le poche. En effet, si l’on prend une poche sur un animal vivant et si, après l’avoir ouverte, on fait disparaître, par un lavage même le plus léger, le noir contenu, on enlève presque à coup sûr l'épithélium dont nous parlons. L'examen microscopique ne montre alors, après coloration, que des noyaux qui ne sont autres que ceux du tissu conjonctf imite. La fixation par l’alcoo! absolu ou l’acide osmique permet de recon- naître que cet épithélium est pavimenteux. Il est formé de cellules fortement pigmentées, et rappelant tout à fait celui qui tapisse la rétine chez l'homme. Les cellules sont polygonales, à six côtés plus ou moins irré- guliers, et sont étroitement appliquées les unes contre les autres. Elles forment ainsi un revêtement continu. Elles sont limitées par LA POCHE DU NOIR DES CÉPHALOPODES. 49 une ligne transparente et présentent à leur intérieur de nombreuses granulations pigmentaires qui sont surtout accumulées sur certains points, et un espace clair, arrondi ou plus ou moins allongé, occu- pant une position centrale ou voisine du centre. Cet espace ne se colore que très faiblement par le picrocarminate ; il m'a semblé cor- respondre au noyau de la cellule. C’est sur une ‘de ses faces que se remarque ordinairement une condensation de pigment (pl. V, fig.4, a; fig. 2, b). b. Glande terminale. — Tes diverses saillies ou enfoncements sont constitués par la trame conjonctive, sur la texture de laquelle j'ai déjà insisté et qui sert de support à la couche épithéliale propre (pl. V, fig. 3). Get épithélium est formé de cellules cylindriques peu allongées, qui se correspondent exactement et forment un revêtement continu. Ces cellules ont un protoplasma finement granuleux, et un gros noyau rapproché de l’extrémité adhérente. Cet épithélium est essentielle- ment distinct, comme disposition, au microscope, de l’épithélium sécrétant de la glande du noir et de l’épithélium pavimenteux de la vésicule (pl. V, fig. 4). C'est au niveau de la première portion rétrécie que se trouvent les culs-de-sac glandulaires dont l’ensemble constitue pour nous la glande terminale. À ce niveau, la couche conjonctive prend un accrois- sement considérable en épaisseur et forme une masse choriale dans laquelle plongent les culs-de-sac. C’est sur une série de coupes pra- tiquées à ce niveau qu'il faut prendre une idée exacte de la disposi- tion de ces parties (pl. V, fig. 3, gé, et fig. 4). Sur de pareilles coupes, on voit très bien la disposition des replis qui font saillie à l’intérieur du canal. C’est de l’extrémité de ces replis que partent les culs-de-sac qui décrivent au milieu du stroma con- jonctif une marche sinueuse et sont rencontrés par la coupe en diffé- rents points de leur trajet. Ces culs-de-sac couvrent toute la partie de la paroi opposée au rectum et disparaissent complètement sur toute la partie qui est en rapport avec cet organe. La coupe des tubes montre que leur forme est arrondie et que leur calibre est de grandeur variable. La présence de pigment noir dans ceux qui pré- sentent le plus grand développement permet de supposer que le noir venant de la vésicule a pu pénétrer dans leur intérieur. En effet, à un fort grossissement on observe que les celiules épithéliales ne contiennent pas de granulations pigmentées, et il est probable que ARCH. DE ZOOL. EXP, ET GÉN. —T. x. 4882, 4 50 PAUL GIROD. ces cellules ne donnent pas naissance aux granulations qui les recou- vrent dans certains points. Du reste, les conduits plus ténus ne mon- trent jamais de traces de pigment. L'épithélium qui tapisse les tubes présente une grande analogie avec celui de la paroi; la matière qui remplit la cavité centrale est transparente et prend par le picro- carminate une teinte jaunâtre. Il est à remarquer que l'extrémité de la cellule qui regarde cette cavité centrale prend la même teinte avec ce réactif (pl. V, fig. 4). Je finis, avec l'étude de la glande terminale, l'exposé de la tex- ture de la tunique interne observée dans les différents points de la paroi de la poche du noir. En résumé, cette tunique est partout formée par une couche conjonctive lâche, parcourue par quelques fibres musculaires lisses, et par un épithélium qui présente trois formes bien différentes : 4° Epithélium cylindrique pigmenté de la glande du noir; 29 Epithélium polygonal pavimenteux de la vésicule; 3° Epithélum cylindrique muqueux de la glande anale et de ses annexes ‘. Les tuniques moyenne et externe. L'enveloppe commune. L'enveloppe commune sè compose de deux tuniques superposées : 4. La tunique moyenne, qui est elle-même formée de dedans en dehors : a. D'une couche d’un tissu particulier qui donne à la poche ses reflets argentés ; b. D'une couche musculaire. 2. La tunique externe, qui est essentiellement formée de faisceaux conjonclifs làches. Elle contient de nombreuses cellules conjonctives et présente de nombreux faisceaux dirigés vers l'extérieur. Cette sur- face est rattachée à la couche superficielle qui limite le sac par ces tractus nombreux que l’on déchire pour dégager la poche. Gette tunique est donc sans importance au point de vue de la texture et je me borne à ces quelques données histologiques (pl. V, fig. 4, /). a. Cette couche est une des plus intéressantes de la paroi. Sa texture est, en effet, des plus particulières et mérite une étude appro- 1 Voir, pour les rapports de ces épithéliums, le schéma donné dans la figure 2, 1,80, à PE LA POCHE DU NOIR DES CÉPHALOPODES. 51 fondie. Elle correspond à la couche qui donne à la peau ses reflets argentés ou dorés et qui a reçu des auteurs qui l’ont étudiée le nom de couche des paillettes (pl. V, fig. 4, c). C’est Brücke ! qui signala le premier dans la peau des Céphalo- podes le siège précis de ces reflets brillants qui, parles modifications de leur éclat, complètent le jeu des chromatophores. Il le plaça dans une couche formée par une multitude de petits bâtonnets ou pail- lettes sur lesquels la lumière se réfléchit dans des directions diverses et produit ces irisations si vives et si variées. Müller ? compléta ces premières données ; il signala la présence des paillettes dans plusieurs organes des Céphalopodes et compléta la théorie des phénomènes optiques observés. Fr. Boll confirma les idées de Müller dans son étude sur la peau des Céphalopodes. Ce fut Hensen ? qui s’occupa de cette couche avec le plus de déve- loppement. Dans son travail si remarquable sur l'œil des animaux qui nous occupent, il consacra plusieurs pages à la couche argentine qui présente les mêmes reflets irisés et fut amené aux résultats sui- vants, qu'il confirma par ses recherches sur la peau de la Seiche et du Calmar : « Pour moi, je ne puis me ranger à l’opinion de Müller qui considère ces paillettes comme dues à la transformation de cellu- les nucléées, parce que je ne puis voir dans chaque paillette une vérita- ble cellule modifiée.Ces paillettes sont trop homogènes, trop aplaties et trop nombreuses pour autoriser une semblable interprétation. J'ai essayé en vain de découvrir des caractères certains de cellules. Mes recherches m'amènent à penser que ces paillettesse forment librement dans un blastème ou un protoplasma libre. Je crois que ces plaques ne pourraient jamais être aussi aplaties si elles étaient primitivement des cellules, parce qu'il resterait des vestiges de leur contenu pri- mitif. » Dans leur travail sur la poche du noir, MM. Desfosses et Variot se sont bornés à signaler cette couche comme « de nature élasti- que. la direction des fibres élastiques semble parallèle à l'axe du canal ». 1 Bruce, Vergleichende Bemerkungen über Farben und Farbenwechsel bei den Ce- phalopoden und Chamäleonen (Sitzungsberichte d. Wiener Akad. Math. Naturwiss. K1., 1852, t. VIII, p. 196-200). ? H. MuLrer, Zeitschrift für wiss. Zoologie, 1853, t, IV, p. 337. 3 V. HENSEN, Ueber das Auge einiger Cephalopoden (Zeitschrift f. wiss. Zool., 1865, t. XV, p. 164). 52 PAUL GIROD. Sur des coupes soit transversales, soit longitudinales, cette couche se présente avec un aspect tout à fait particulier. Sa coloration jaune par le picro-carminate semble autoriser une identification avec le tissu élastique des Vertébrés. Cependant, à un fort grossisse- ment, on s'aperçoit qu'au lieu de fibres allongées, ondulées, à double contour, on a devant les yeux un tissu formé par une multitude de petits corpuscules allongés présentant, ainsi que le fait remarquer Hensen, un aspect comparable à celui de globules sanguins vus de côté. Ce sont des petits bâtonnets plus ou moins effilés, des paillettes présentant à peu près toutes la même longueur, et qui forment la masse du tissu. Dans une préparation colorée au carmin on peut observer de loin en loin, au milieu des paillettes, des masses arron- dies colorées en rouge et qui rappellent, par leur forme et leur dimension, celle de noyaux cellulaires. Cette étude par les coupes ne peut donner qu'une idée bien générale de la couche que j’étudie en ce moment ; il faut recourir aux dissociations pour se faire une idée nette et précise de la texture de cette couche. Après un séjour de vingt-quatre heures dans l'alcool au tiers ou le sérum iodé, la paroi se laisse facilement dissocier, et une parcelle de cette couche peut être séparée et dissociée à son tour dans le picro-carminate. Dans la préparation ainsi obtenue, on voit une série de plaques couvertes des paillettes que nous avons mentionnées ; ces plaques sonttantôt arron- dies, tantôt ovalaires-allongées et présentent, dans leur centre ou dans un point voisin, un noyau très apparent coloré par le carmin, et qui se détache sur la coloration jaune que montre l’ensemble de la plaque. Il est, de cette façon, très facile de se rendre compte de la nature de cette couche, car on a devant les yeux de véritables cellules, tout à fait particulières, il est vrai, mais qui présentent un noyau central très évident (pl. V, fig. 2, e, f, g). Ces cellules sont munies d’une membrane, et cette membrane est tapissée par les bâtonnets. Le protoplasma contient un grand nombre de ces paillettes, et il est facile d'observer que ces dernières sont groupées de préférence au pourtour du noyau qui semble un centre de formation (pl. V, fig. 2, g). En parcourant le champ de la préparation, on voit certaines cellu- les dont la membrane est restée presque entièrement transparente, et qui présentent autour du noyau des séries de paillettes diver- gentes simulant des palissades de pointes dirigées versl’extérieur.C'est LA POCHE DU NOIR DES CÉPHALOPODES. 53 là une première formation. Des assises successives se forment au- tour de ce premier centre et finissent par envahir complètement le protoplasma cellulaire. Ces cellules ont la forme de lames aplaties; en effet, la moindre modification dans la position del’objectifles rendinvisibles ; du reste, on aperçoit souvent sur la préparation des cellules vues de côté, et l’on peut reconnaître deux lames effilées s'éloignant du noyau cen- tral (pl. V, fig. 2, e). A côté de ces cellules nettement distinctes, on observe des groupes de paillettes identiques à celles contenues dans les cel- lules, et je crois pouvoir affirmer que les cellules finissent par se désorganiser complètement et à mettre en liberté les bâtonnets contenus. Ces observations amènent à des conclusions tout à fait opposées à celles de Hensen. Du reste, les recherches de M. Pouchet sur les éléments qui donnent aux Poissons, aux Batraciens et aux Reptiles, ces reflets irisés et chatoyants confirment pleinement mes observa- tions, et ces cellules particulières appartiennent au groupe des élé- ments qu'il comprend sous le nom d’éridocystes : « cellules apparte- nant à la famille des éléments du tissu lamineux, et dans le corps desquelles apparaissent des parties solides produisant tantôt une irisation véritable avec ou sans effets métalliques, tantôt une colora- tion bleue uniforme ». b. La couche musculaire est formée par des fibres lisses, réunies en faisceaux volumineux. Ces faisceaux présentent deux directions opposées : les uns sont dirigés selon l’axe de la poche ; les autres, au contraire, sont transversaux. Les faisceaux se groupent de manière à constituer autour de la vésicule un double plan musculaire : l’un interne longitudinal, l’autre externe transversal. Une ccupe trans- versale permet de bien saisir cette disposition et l'épaisseur relative de ces deux plans superposés; mais on peut constater en mème temps la direction plus ou moins oblique de certains faisceaux qui sem- blent former des ponts reliant les groupes de fibres de direction opposée (pl. V, fig. 4, d,e). Les fibres musculaires sont allongées avec un noyau très volumi- neux; on n’observe pas la moindre apparence de striation dans leur intérieur, des granulations éparses sont seules visibles dans le proto- plasma (pl. V, fig. 2, a). La funique moyenne, ainsi constituée par la couche des paillettes et 54 PAUL GIDOD. la couche musculaire, présente des différences essentielles, selon le point où on l’examine. Dans un pointmoyen par exemple, immédiatement au-dessus de la glande, les deux plans musculaires présentent à peu près la même épaisseur, et la couche des paillettes est continue. Cette dernière constitue un véritable cordon appliqué contre la tunique interne, envoyant des prolongements déliés qui s'enfoncent entre les faisceaux musculaires et contribuent avec les fibres conjonctives à limiter ces faisceaux. Ici la couche des paillettes semble joindre, à son rôle purement extérieur consistant à donner à la poche sa teinte irisée métallique, un rôle de soutien comparable à celui des bandes aponé- vrotiques que l’on rencontre chez les Vertébrés. Au niveau de la glande, sur la face où cette dernière adhère à la paroi, la couche des paillettes se réduit beaucoup et les faisceaux musculaires s’enchevêtrent et forment par leur intrication un ensemble où il est difficile de reconnaître une prédominance dans telle ou telle direction. À La portion de paroi qui se trouve vis-à-vis la glande présente une véritable nodosité que l’examen à l'œil nu permet de reconnaître facilement. Sur la coupe, cette nodosité se montre constituée par une masse musculaire à faisceaux entrelacés dans tous les sens, et par un épaississement de la couche des paillettes qui envoie des pro- longements ramifiés multiples au milieu de la masse musculaire (fig. 2, na). Le conduit présente la structure régulière : les faisceaux muscu- laires sont bien développés, et la couche argentée régulièrement dis- posée au pourtour de la lumière du canal. La portion qui doit surtout attirer notre attention est la partie terminale de la poche dans le rectum. À mesure que l’on approche de ce point extrême, la couche des paillettes perd de son épaisseur, et au premier rétrécissement elle se trouve réduite à quelques noyaux espacés qui finissent par disparaître à leur tour. Au contraire, la couche musculaire prend un accroisse- ment considérable ; c'est sur le plan transversal que ce développe- ment s'effectue. Les fibres longitudinales se réduisent en effet en approchant de ce point, et ne sont plus constituées que par quelques faisceaux espacés lorsqu'elles atteignent la glande anale et l’orifice extérieur (fig. 8). LA POCHE DU NOIR DES CÉPHALOPODES. 53 Les fibres transversales forment, au contraire, un manchon épais qui présente lui-même deux épaississements : l’un au niveau de la glande anale, l’autre au point où la poche s'ouvre dans le rectum, c'est-à-dire dans le corps même de la papille. Cettedisposition montre que la terminaison de la poche porte deux sphincters mus- culaires, et ces sphincters se trouvent aux points mêmes où des replis de la couche interne font saillie dans le canal et réduisent considé- rablement sa lumière. Gette disposition permet une fer- meture complète de la po- che et empêche la sécré- tion de se répandre à l’exté- rieur. Je reviendrai sur ces points en traitant de la phy- siologie, mais la présence de ces deux sphincters et la Fic, 8. — Coupes de la région terminale du canal du terminaison insensible des noir : I, au point d'abouchement dans le rectum ; II, au niveau de l’ampoule terminale ; IIT, au rétrécissement fibres musculaires longitu- glandulaire; IV, au-dessous de ce rétrécissement ; R, rectum; C, parties présentant l'épithélium eylin- dinales sont deux points im- drique; P, partie présentant l’épithélium pavimen- 7e teux ; g, glande terminale. portants sur lesquels j'ap- pelle l'attention, parce qu'ils nous serviront à expliquer certains détails de l’excrétion du noir (fig. 8). = < r quil —— rat Les terminaisons vasculaires. L'étude de la texture de la poche doit être complétée par l'observa- tion de la manière dont'se comportent les vaisseaux à leur termi- naison, tant dans la paroi que dans les trabécules glandulaires. Les injections de masses transparentes au carmin et au bleu soluble per- mettent de suivre facilement cette distribution ultime. Dans la paroi de la vésicule, il est facile de saisir entre les termi- naisons veineuses el artérielles un réseau capillaire très riche formé 26 PAUL GIROD. de vaisseaux contournés sur eux-mêmes, anastomosés, mais conser- vant toujours une forme arrondie et nettement limitée. Du reste, la présence de noyaux dans les parois, l’imprégnation de figures à bords fortement crénelés apparaissant après l'injection du nitrate d’ar- gent, lèvent tous les doutes à cet égard. Ces capillaires forment sur une coupe deux zones distinctes : l’une occupe la tunique propre de la vésicule, au-dessous ‘de l’épithélium pavimenteux qui tapisse sa face interne ; l’autre est confinée en dehors de la membrane argentée, dans les couches musculaires périphériques. Dans la glande, c'est à l’intérieur d’un trabécule injecté qu'il faut étudier la manière dontse terminent les vaisseaux. Malheureusement, ici la présence du pigment noir rend matériellement impossible l'imprégnation au nitrate d'argent, et, d'autre part, les lésions qu'il faut faire subir à la glande pour faire disparaître le pigment ne per- mettent plus de songer après un lavage à une imprégnation régulière. Les injections de masses coagulables m'ont permis cependant quel- ques observations importantes dont je vais décrire les résultats. Du cercle veineux périphérique et des branches artérielles cen- trales partent des artérioles et des veinules qui plongent dans le tractus conjonctif des trabécules. Si l’on soumet à l'examen microscopique un trabécule injecté, on voit que les veinules suivent un trajet à peu près rectiligne, émet- tant des faisceaux de ramifications latérales; les artérioles, au con- traire, sont tortueuses, se ramifient en dichotomie irrégulière, et donnent un nombre considérable de ramuscules qui se replient sur eux-mêmes, s’entre-croisent et enveloppent la veine sous leurs ondu- lations sans nombre (pl. IL, fig. 6). Ces veinules et ces artérioles alternent régulièrement; les ramifi- cations artérielles constituent un véritable manchon qui entoure le tronc veineux. Ces ramifications nettement limitées, arrondies, dans lesquelles l'injection pénètre avec la plus grande facilité, et qui rappellent tout à fait les capillaires de la paroi, ne sont pas les terminaisons der- nières des vaisseaux. En effet, à un fort grossissement on voit que tout l'ensemble pré- cédent est comme enveloppé à son tour dans un réseau à mailles plus ou moins régulières, plus ou moins égales, réseau beaucoup plus superficiel et qui forme, sur les deux faces du trabécule, un champ vasculaire au-dessous de l'épithélium sécrétant. LA POCHE DU NOIR DES CÉPHALOPODES. o7 On voit avec la plus grande facilité les derniers ramuscules des artérioles et des veinules aboutir à ce réseau périphérique. La figure 9 de la planche IV donne, mieux qu'une description, la représentation exacte d'une portion de ce réseau et de la disposition des artérioles afférentes et des veinules efférentes. La veinule termi- nale conserve sa direction rectiligne; l'artériole, au contraire, se divise encore avant d'aboutir au réticulum. Quelle est la nature précise de ce réticulum? Y a-t-il un véritable réseau capillaire ou un système de lacunes périphériques ? La régu- larité assez nette des mailles du réseau, la limitation assez précise des deux bords des ramuscules, me portent à y voir un ensemble de capillaires terminaux. L'impossibilité de l’imprégnation d'argent m'empêche d'être com- plètement affirmatif à cet égard, mais je crois pouvoir les comparer à ces réseaux de capillaires qui occupent la plupart des parenchymes glandulaires même chez les Vertébrés supérieurs. De ces observations il résulte que chaque trabécule présente, dans son tractus conjonctif central, les artérioles et les veinules termi- nales, et au-dessous de chacune des couches épithéliales qui le limitent un lacis vasculaire extrêmement riche, qui apporte aux élé- ments périphériques les matériaux qui doivent servir à la formation du pigment. Je termine ici l'exposé de mes recherches histologiques sur la poche de la Sepra officinalis. C'est sur la poche du même animal qu'ont porté les coupes de MM. Desfosses et Variot. En comparant mes observations à celles consignées dans leur mémoire, il est facile de relever au milieu de leur description des lacunes importantes et de constater qu'ils n’ont pas reconnu la capsule propre de la glande ; qu'ils ont considéré la surface glandulaire comme uniquement formée de trabécules noirs, ce qui les a conduits à ne pas distinguer les deux zones qui caractérisent l'organe et à ne voir les cellules sécrétantes qu'à un état avancé de leur développement; qu'ils n'ont pas eu connaissance de la glande terminale et n'ont qu’entrevu l’épithélium pavimenteux de la vésicule ; qu'ils ont regardé la couche des paillettes comme une couche de fibres élastiques, qu'ils ont complètement négligé la distribution des vaisseaux dans la glande. 58 PAUL GIROD. Texture comparée chez divers Céphalopodes. Les dispositions que je viens de signaler dans la texture de la poche du noir de la Sepia officinalis se retrouvent, avec leurs caractères fondamentaux, chez tous les autres Dibranchiaux que j'ai pu étudier. Partout le trabécule est constitué de la même manière, partout les cellules présentent des caractères identiques ; les seules différences qui méritent une mention spéciale sont celles que l’on observe dans la direction et l'étendue des deux zones qui constituent la glande. Ainsi, chez la Sepia officinalis l'axe qui part du sommet de la zone formatrice pour aboutir à l’orifice, en passant par le centre des trabécules, est un axe courbe, à concavité supérieure ; il simule la forme d'un fer à cheval à courbure très accentuée et très brus- que. La zone formatrice a une forme pyramidale allongée (pl. I, fig. 2, 27). Chez le Calmar la disposition est différente : l'axe qui passe par le sommet de la zone formatrice et l’orifice est rectiligne et corres- pond exactement au grand axe de la glande. La zone formatrice a encore la forme d’un cône, mais la direction même de l'axe fait que le sommet du cône, au lieu d’être supérieur, est inférieur. Il vient s’enfoncer dans l'angle saïllant formé par l'union de la paroi de la vésicule et de la membrane qui limite la glande. Ici le cône est lar- gement évasé et sa base, élargie, regarde directement l'intérieur de Ja glande. Ge cône, comme chez la Seiche, est parsemé d'aréoles qui divisent la zone formatrice en bandelettes blanchâtres, premier rudi- ment des trabécules et dont on peut suivre les modifications insen- sibles jusqu'aux trabécules noirs de la zone périphérique (pl. f, fig. 4 et 12, 3j). Le ZLoligo subulata, V'Ommastrephes sagiltatus, la Sepiola Ronde- lelii, répondent exactement à cette description. Chez l'Octopus vulgaris on ne trouve plus un cône emboîité pour ainsi dire dans la paroi, comme constituant la zone formatrice, mais un bourgeon épithélial saillant et libre qui se creuse d’aréoles et donne ainsi les trabécules successifs. L'’axe de ce bourgeon est légè- rement oblique et ne passe pas par l'orifice de la glande ; il faut donc décrire une courbe très légère à concavité postérieure pour passer par ces points. [ci la disposition concentrique des trabécules est très LA POCHE DU NOIR DES CÉPHALOPODES. 09 régulière. La couche argentée de la paroi est fort réduite et absente sur plusieurs points (pl. I, fig. 8 et 10, zf). L'£ledon moschatus ne présente aucune disposition différente à signaler. Ces descriptions, qui se rapportent àla poche du noir, doivent être complétées par l'étude de la texture des lobes latéraux de la poche de la Sépiole. | J'ai signalé dans chaque masse latérale : Un réservoir ; — Une membrane argentée ; — Une glande. La paroi du réservoir est constituée par un tissu conjonctif for- mant une membrane mince et transparente. Cette paroi est doublée, dans sa portion qui répond aux prolonge- ments de la poche, par une membrane d'aspect argenté. L'étude microscopique permet de reconnaître dans cette membrane les iri- docystes et les bâtonnets que nous avons signalés dans la paroi ; il semble qu'il y ait en ce point accumulation de ces cellules si parti- culières et si intéressantes. Elles présentent chez la Sépiole quelques différences avec celles décrites chez la Seiche. Ici ce ne sont plus des bâtonnets plus ou moins perpendiculaires à l'axe et semblant implantés sur le noyau, mais des plaques effilées qui forment des apparences de lignes concentriques et semblent plus développées sur la membrane cellulaire (pl. V, fig. 2, c). La glande se moule sur l’angle dièdre qui la contient. Elle a pour base une sorte de chorion conjonctif qui envoie dans l’intérieur du réservoir une série de tractus simples ou ramifiés qui forment des saillies allongées et effilées, séparées par des enfoncements corres- pondants. Toute cette surface irrégulière est tapissée par deux ordres de cellules disposées sur un seul rang. Les unes sont petites, cylin- driques, à noyau central, à protoplasma granuleux ; les autres sont d'énormes cellules caliciformes (pl. V, fig. 6). Ces derniers éléments se composent d’une portion adhérente de forme ordinairement semi-lunaire, rarement allongée et qui contient un protoplasma granuleux et un noyau à grand diamètre transversal. Le calice a la forme d'une sphère très régulière et présente un orifice circulaire très nettement limité situé sur le point le plus saillant de la cellule. Cette forme sphérique est souvent plus ou moins altérée par la pression réciproque des éléments et prend un aspect plus ou moins allongé et bosselé (pl. V, fig. 7). Ces deux sortes de cellules forment le revêtement glandulaire, 60 PAUL GIROD. elles sont disposées sur une seule couche et forment ordinairement des séries qui alternent entre elles. Les grosses cellules sont surtout accumulées dans le fond des espaces intermédiaires. Le liquide sécrété est hyalin et transparent, mais d’une consistance sirupeuse : c’est une sécrétion muqueuse très nettement accentuée. PHYSIOLOGIE. HISTORIQUE. Il me semble nécessaire de rappeler brièvement les opinions qui ont été émises sur le rôle physiologique de l'organe qui nous occupe. Malgré le manque complet de notions précises sur l’histologie de la poche et sur la composition chimique de la matière sécrétée, les auteurs n'ont pas hésité à assigner des fonctions que les rapports anatomiques, les dispositions des parties, leur semblaientdémontrer. De cette facon, l'organe put être considéré soit comme une véritable vésicule bihaire, soit comme un organe de dépuration urinaire. Monro, observant la poche du noir chez le poulpe et la trouvant enchâssée complètement dans le foie, crut le premier qu'elle tenait lieu de vésicule du fiel. Ses recherches sur l’'Ommastrephes, où la poche, bien que plus libre, conserve ses rapports directs avec le foie, confirmèrent ses premières observations. Le noir n’était donc autre chose que la bile, et par conséquent la bile des Céphalopodes était un liquide exclusivement excrémentitiel. Cuvier, tant dans son Anatomie comparée que dans ses Mémoires sur les Mollusques, combattit vivement cette opinion, appuyant ses arguments sur ses dissections faites sur la Seiche, où « la bourse de l'encre est située dans le fond du sac abdominal et fort éloignée du foie, » et il ajoutait « que, dans les espèces mêmes où la poche se rapproche le plus du foie par sa position, elle n’y est point liée organiquement, elle a en dedans d’elle-mème son propre tissu sécré- toire, et le foie verse comme à l'ordinaire la bile dans le canal. » Ces observations de Cuvier n'avaient pas suffi à éloigner tous les naturalistes de l’idée d'attribuer à la poche du noir le rôle de vésicule du fiel, et dans la deuxième édition de l’Anatomie comparée de Cuvier, Duvernoy terminait ainsi une note sur ce sujet : «Il faut avouer que les rapports de la poche avec le foie et le canal alimentaire, que son rapprochement, dans les Seiches, du cæcum duodénal, qui reçoit les LA POCHE DU NOIR DES CÉPHALOPODES. 61 canaux biliaires, militent en faveur de l'opinion de Monro, et que l’analogie entre la vésicule du noir et celle du fiel des Vertébrés pour- rait être plus fondée que ne l’a pensé Cuvier. Cette analogie nous paraît possible, etc. » Delle Chiaje considéra aussi la poche comme ayant des rap- ports étroits avec le foie et chercha à expliquer par quelles voies le liquide sécrété dans ce dernier organe passe dans la vésicule. Voici, du reste, la traduction de ce passage intéressant : « Je ne suis pas favorable à l'opinion du zootomiste français (le baron Cuvier), qui prétend que la bourse n’a aucun rapport avec le foie et possède en elle-même un tissu sécréteur propre. En effet, en s'adressant à l'Octopus vulgaris, et, mieux encore, à l'Octopus macropus, on voit la démonstration de ce fait que la poche reçoit du foie l'humeur noire. L’encre se forme dans la substance même du foie et passe dans la cavité de la poche par une quantité innombrable de petits canaux déliés. Le liquide séjourne dans la poche, s'y modifie ultérieurement et peut être rejeté au dehors, à la volonté de l'animal. Chez le Cal- mar et la Seiche, où la bourse est séparée et éloignée du foie, on retrouve à la superficie de l'organe ces ramifications nombreuses, noires, qui servent à l'élaboration du noir. v Telles étaient les raisons évoquées en faveur des rapports de con- tinuité du foie et de la poche du noir amenant à la conclusion que l'organe était une vésicule du fiel. Cuvier, qui était si opposé à ce rapprochement, ainsi que je l'ai dit précédemment, fut amené dans son anatomie du Poulpe à penser que «les organes relatifs à l'urine sont peut-être remplacés par la bourse du noir. » Cette idée, émise avec un grand point de doute, allait être dévelop- pée par de Blainville, qui n’hésita pas à faire de la poche un organe de dépuration urinaire : « On peut supposer, dit-il, chez la Seiche, une grande activité digestive, par l’abondance de la sécrétion de ration urinaire. En effet, c’est un des produits les plus remarquables par sa nature et sa quantité que cette matière à laquelle on a donné le nom d'encre de Seiche. La disposition de cet organe sécréteur, ses rapports avec la terminaison du canal intestinal, l'inutilité du fluide sécrété soit pour la digestion, c'est-à-dire pour l'individu, soit pour la génération, c'est-à-dire pour l'espèce, déterminent son identité avec la matière urinaire. Malheureusement les chimistes ne nous donnent aucune connaissance de sa nature chimique, nous savons 62 PAUL GIROD. seulement qu'elle est entièrement formée de grains excessivement fins, colorés en brun foncé ou en noir, et suspendus dans un véhicule aqueux ; ce serait cependant un sujet de recherches tout à fait intéressant. » Le grand naturaliste de l'antiquité, Aristote, a exposé ses idées sur le rôle de l'organe, et ses observations l'avaient conduit à l’as- similer à l'organe urinaire des animaux supérieurs : « La poche du noir tient lieu de la vessie, qui manque chez ces animaux : de même que chez les Oiseaux on voit sur les excréments un enduit blan- châtre et terreux, de même chez les Céphalopodes on trouve le noir. C'est le centre d’excrétion de la matière terreuse, et l’on comprend son grand développement chez la Seiche, qui présente un dévelop- pement exagéré de cette substance dans l'os dont elle est munie. Chez ces animaux dépourvus de sang, essentiellement froids et crain- üifs, la masse intestinale est prise de tremblement comme chez d’au- tres animaux, lorsqu'ils sont saisis de peur, et le contenu de la ves- sie s'échappe au dehors. La nécessité de rejeter le noir au moment du danger est tout aussi impérieuse que celle de chasser l'urine hors de la vessie. Mais la nature à en même temps fait servir le liquide rejeté à l'individu comme moyen de se sauver et de se préserver. » Depuis de Blainville on n’est pas revenu sur cette question de la fonction de la poche. Une injection artérielle et veineuse faite avec un liquide pénétrant remplit les ramifications que Delle Chiaje con- sidérait comme des canaux chargés d'amener dans le réservoir le noir sécrété dans le foie et fait disparaître ainsi le seul argument va- lable en faveur de l'idée que la poche est une vésicule biliaire. Mais il fallait des recherches plus attentives pour savoir si l'organe prési- dait à l’excrétion urinaire; l’analyse chimique pouvait seule éclai- rer sur ce point. LE NOIR. Le noir, sécrétion de l'organe qui nous occupe, a de tout temps frappé l'attention des observateurs. Du reste, la belle teinte brun- noir qu'il possède, et qui peut être mise à profit pour l'écriture et la peinture, devait en faire un objet derecherche et même de commerce. L'encre de Seiche est la matière première d'où l’on tire la couleur connue sous le nom de sépia. Aristote lui consacre plusieurs passa- ges de ses livres. Cicéron signale qu'on l’employait pour tracer des LA POCHE DU NOIR DES CÉPHALOPODES. 63 signes. Cette habitude s'est conservée encore dans quelques familles de pêcheurs des bords de la Méditerranée; j'ai pu, pendant mon séjour à Port-Vendres, recueillir des preuves certaines de Ja persistance de cette coutume qui disparaît. Mais si l'emploi du noir dans l'écriture se perd, il n’en est pas de même dans la peinture, où la couleur sépia est indispensable. L'encre de Seiche destinée à fournir la couleur sépia arrive dans le commerce comme une matière dure, cassante, brillante, enve- loppée dans de petites vessies. Ces vessies sont traversées par un fil et réunies en chapelet. Ce sont simplement les poches à encre, qui, après avoir été enlevées à l'animal, ont été desséchées au soleil. Une préparation sur laquelle nous reviendrons bientôt permet de débar- rasser l’encre des matières grasses et de ia mucine, et de la rendre ainsi apte à se fixer sur le papier. On sait, grâce aux renseignements positifs recueillis par M. de Siebold pendant son voyage au Japon, que l'encre de Chine n'em- prunte pas ses matériaux au noir des Céphalopodes. L'origine en est essentiellement différente : « Les bonzes japonais, dit-il, par un raf- finement d'industrie encore inconnu chez nous, tirent parti de la fumée des lumières qui brûlent dans leurs pagodes et, à l’aide de ven- tilateurs, ils recueillent la suie qui est la base de cette encre si renommée. » Cette sécrétion si curieuse n'attira que fort tard l'attention des chimistes. Bizio’! le premier signala comme formant la base du li- quide une substance nouvelle présentant des réactions caractéristi- ques et qu'il nomma Mélaine. MM. Pelouze et Frémy * donnèrent dans leur traité de chimie une analyse de l’encre de la Seiche. — M. Ho- sœus#, et plus récemment MM. Desfosses et Variot, entreprirent l'analyse élémentaire de la Mélaïne. Nos propres recherches ont porté sur le noir de La Sepia officinalis. Les expériences chimiques nécessitent une quantité assez considéra- ble de produits et cette cause me mettait dans l'obligation de m’a- dresser à l’animal qui pouvait fournir la plus grande quantité de sécrétion. Pour se procurer le noir dans les meilleures conditions possible, il faut enlever délicatement la poche à l'animal aussitôt après la mort. 1 Bizio, Handw. der Chemie, t, V, p. 160. ? PeLouze et FRÉMY, Trailé de chimie, t. VI, p. 663. 3 Hosœus, Archiv, d. Pharm., t, CXX, p. 27. 64 PAUL GIROD. La poche, ainsi séparée, est renversée et sa partie dilatée élevée insen- siblement. En effet, si au lieu de se borner à laisser ainsi écouler le liquide on comprime la poche, on agit sur la glande logée dans cette dernière et l’on mêle au produit sécrété de nombreux éléments cel- lulaires détachés des trabécules glandulaires. Le poids du liquide ainsi obtenu est tellement variable, que j'ai dû renoncer à établir le poids moyen du contenu d’une poche. En recueillant le produit sécrété pendant un nombre de jours déter- minés, on pourrait indiquer une moyenne satisfaisante, mais la dif- ficulté pratique est telle, que j'ai dû renoncer à poursuivre les expé- riences instituées dans ce but. Obtenu avec les précautions indiquées, le noir se montre comme un liquide extrêmement foncé, brun-noir intense. On observe à sa surface de longues trainées ou de larges taches qui ont un reflet bleu-foncé. Ce liquide jouit d'un pouvoir colorant considérable. Quelques gouttes suffisent pour colorer un verre d’eau. Le contenu d’une petite poche donne une teinte foncée à cinq ou six grandes cuvettes remplies du même liquide. Il est sans odeur, d’une saveur légèrement salée. Sa réaction est alcaline. Observé au microscope, il se montre formé par un sérum transparent, et par une grande quantité de petits corpuscules d’une ténuité extrême. Ces corpuscules possèdent un mouvement brownien très appréciable sur une préparation d'encre enlevée à l’animal vi- vant. Ils s’agitent en tous sens dansle liquide soit isolés, soit réunis par petits groupes. Les filtres ne peuvent retenir ces corpuscu- les déliés. S'il y a eu compression de la glande, on reconnaît sous le champ du microscope des éléments cellulaires chargés de pigment, aux contours déchiquetés, et des noyaux ovoiïdes libres ou donnant encore attache à des groupes de granulations pigmentaires. Quelques essais préliminaires sur le noir furent entrepris pendant notre séjour à Port-Vendres, mais les analyses dont je vais indiquer les résultats ont été faites dans les laboratoires de la Faculté de Be- sancon, sous la savante direction de M. le professeur Barbier. Les échantillons de noir qui ont servi à nos analyses ont été recueillis tant à Roscoff que sur la côte méditerranéenne pendant mon séjour dans ces localités. Je me propose d'indiquer pas à pas la marche sui- vie dans mes recherches ; c'est le seul moyen d'assurer, à ceux qui LA POCHE DU NOIR DES CÉPHALOPODES. | 63 s’occuperont de cette question, une comparaison possible des résul- tats obtenus. Examen chimique. Première analyse. — 55,517 de noir sortant de la poche furent desséchés à l’étuve à 100 degrés jusqu’au moment où des pesées successives ne permirent plus d'apprécier de changement dans le poids. Il resta 95,206 de résidu solide. La différence est donc égale à 3,311 et représente la quantité d’eau contenue dans la matière soumise à l’étuve. Soit, pour 100 parties : 60,001. Une quantité plus considérable de noir fut soumise à l’étuve jus- qu'à dessiccation complète. On prit alors 4 grammes du résidu dessé- ché pour obtenir les substances organiques solubles. A cet effet, on mélangea la substance avec plusieurs volumes d'alcool; le tout fut laissé en digestion pendant vingt-quatre heures, en agitant à diverses reprises, puisjeté sur un filtre. On lava alors successivement à l'alcool à 90 degrés, à l'alcool absolu froid, à l'alcool absolu bouillant, à l'al- cool et éther, et enfin à l’eau chaude. Les différents extraits obtenus par ce procédé furent reçus dans une capsule de platine, puis évaporés au bain-marie, enfin placés dans l’étuve à 100 degrés jusqu'au moment où le poids ne diminua plus entre deux pesées successives. Le résidu sec ainsi obtenu con- tenait les matières organiques solubles et les sels solubles. Pesé, il donna 05,3785. | Le résidu fut alors calciné dans la capsule où il avait été dessé- ché; la pesée donna alors 05,2935, poids des substances minérales solubles. La différence entre le premier poids 05,3785 et le second 05,2935 donnait le poids des matières organiques solubles, soit : 05,085. La partie restée sur le filtre fut alors desséchée à l’étuve, puis cal- cinée avec le filtre‘; le résidu de la calcination fut pesé et donna 06,5675, poids des substances minérales insolubles. En réunissant le poids des substances minérales tant solubles qu'insolubles, soit 06,861, à celui des matières. organiques solubles 05,085, on obtient la somme 05,946. Par différence, on obtient comme poids des matières organiques insolubles, 48 — 05,946, soit : 35,054. 1 On employa comme filtre le papier Berzélius qui donne par calcination une quantité négligeable de cendres. ARCH. DE ZOOL, EXP, ET GÉN. — Te. X, 18892, 5 66 PAUL GIROD. Le tableau suivant ramené à 100 parties résume cette première analyse : Eau Lie SPEARS EEE eue PA Matières organiques solubles (eau, alcool, Éther):. 75 Pret er tn 0.850 Matières organiques insolubles........... 30.540 Ÿ 40 Substances minérales {S°lubles. di 610 insolubles, 5,675 DNS ETS ER ER 100 parties. Seconde analyse. — Une analyse fut faite sur l'encre provenant d'une seconde poche pour confirmer la quantité d’eau entrant dans la constitution du noir. A cet effet 25,265 d'encre furent desséchés à l’étuve. La pesée donna alors 05,655, soit pour l’eau par différence : 15,610. Ramené à 109 parties = 71,08. D'autres analyses nous ont donné 70,035 ; 68,510, et même l’une d'elles, 59,146 pour 100. La quantité d’eau est donc variable entre 60 et 75 pour 100. Troisième analyse. — Une méthode, différente de la première suivie pour la recherche des substances minérales, vint confirmer les pre- miers chiffres obtenus. A cet effet, 1 gramme d'encre desséchée à l'étuve fut calciné, le résidu pesé donna 06,220, soit 22 parties de cendres pour 100. — Par différence, les matières organiques disparues par la calcination s’élè- vent à 1# — 05,220 = 05,780. Soit 78 pour 100. Les 06,220 de cendres furent alors traités par l'eau bouillante distillée. La partie filtrée fut évaporée au bain-marie, puis soumise à une forte chaleur et enfin calcinée de nouveau. Le résidu pesé donna 05,075. Le filtre et le résidu furent calcinés de nouveau ; la pesée donna 06,145. Analyse qualitative. I. C'endres. — Les cendres finement pulvérisées se présentent sous l'aspect d'une poudre blanche et homogène. Elles furent placées dans un petit ballon contenant de l’eau distillée, puis on chauffa à l'ébullition. La filtration perinit alors de séparer la partie soluble dans l’eau de la partie insoluble restée sur le filtre, LA POCHE DU NOIR DES CÉPHALOPODES. 67 Cendres solubles. — La solution aqueuse donna une réaction alca- line. On la soumit alors aux différents essais suivants : Une première porüon fut évaporée presque à siccité. Un fil de pla- tine plongé dans cette solution, puis porté sur la flamme du brûleur, donna la teinte jaune caractéristique de la soude. Le précipité blanc obtenu par le métaantimoniate de potasse confirme ce premier essai. La solution fut alors mélangée avec du chlorure de platine : la for- mation d’un précipité léger jaune dénote la potasse. L'oxalate de potasse donna un précipité blanc abondant, qui indi- que la présence de la chaux. Le phosphate de soude, en présence du chlorhydrate d'ammonia- que, donna un abondant précipité de phosphate ammoniaco-magné- sien, indiquant la présence de la magnésie. Soude, potasse, ohaux ei magnésie, telles sont les bases que nous avons pu déceler dans la partie soluble. On concentra à un petit volume un échantillon de la solution aqueuse. Une goutte d'acide chlorhydrique donna une effervescence et il se dégagea un gaz troublant l’eau de chaux : acide carbo- nique. Un deuxième échantillon fut acidifié par l'acide chlorhydrique, puis traité par le chlorure de baryum ; on obtint le précipité blanc insoluble qui caractérise l’acide sulfurique et les sulfates alcalins. Un troisième échantillon fut acidifié par acide azotique. Une solu- tion d’azotate d'argent donna le précipité blanc, caillebotté, insoluble dans l'acide azotique et soluble dans l’ammoniaque ; c’est l'indice de la présence d'un chlorure. Un quatrième échantillon fut traité par le chlorure d’ammonium, et l’ammoniaque caustique en mélange. En présence de la magné- sie contenue dans la solution, on devait obtenir le précipité blanc de phosphate ammoniaco-magnésien, si l’acide phosphorique ou les phosphates alcalins se rencontraient dans le liquide. Il ne se forma après agitation et long repos aucune trace de précipité. Des essais par l’azotate d'uranium et le molybdate d’ammoniaque con- firmèrent l'absence d’acide phosphorique et phosphates. Les acides carbonique — sulfurique — chlorhydrique sont les seuls qui se combinent aux bases précédemment décelées. Cendres insolubles. — Le résidu sur le filtre fut traité à chaud par l'acide chlorhydrique. Il resta un très faible résidu rougeàtre de 68 PAUL GIROD. peroxyde de fer qui finit par se dissoudre en ajoutant quelques gout- tes d'acide azotique. L'effervescence produite en ajoutant l'acide chlorhydrique dénota la présence d'acide carbonique et de carbonates terreux. L’acide phosphorique ne put être décelé par les réactifs les plus sensibles. L'hydrogène sulfuré ne donna aucune trace de précipité; il s’en suit que les cendres ne renferment ni cuivre ni aucun autre métal de la même section. D'ailleurs, l’'ammoniaque ne produisit pas de coloration bleue ; le ferrocyanure de potassium ne donna pas de précipité rouge-brun ; enfin l'électrolvse ne permit pas de re- cueillir sur la lame de platine un dépôt, même une simple trace métallique. Les réactifs précédemment indiqués permirent de noter la pré- sence de la chaux, de la soude et de la magnésie. Une portion du liquide fut mélangée avec du chlorure d’ammo- nium et de l'ammoniaque, puis chauffée jusqu'à ébullition. On obtint un précipité floconneux rouge-brunâtre qui indiquait du peroxyde de fer. L'absence d'acide phosphorique écartait l’idée d’un phosphate de peroxyde de fer. Le fer fut mis alors en évidence par le sulfare d'ammonium qui donna le précipité noir de sulfure de fer; par le ferrocyanure de potassium: précipité bleu ; par le sulfocyanure de potassium : teinte rouge très évidente. Ces recherches nous permettent donc de reconnaître dans les cen- dres les substances inorganiques suivantes : 4. Partie soluble : Acide carbonique. — Sulfates et chlorures de sodium, potassium, magnésium et calcium ; 2. Partie insoluble : Garbonates de chaux et de magnésie. Peroxyde de fer. Je dois insister beaucoup sur la présence du fer et l'absence du cuivre, Car J'aurai bientôt à revenir sur ce point dans la comparaison entre la sécrétion qui nous occupe etle sang des Céphalopodes. Mais, avant de me livrer à ces remarques, je dois terminer l'étude com- plète de l'encre, en m'occupant des substances organiques solubles et de la matière pigmentaire qui forme la partie fondamentale et caractéristique de la sécrétion. I. Matières organiques solubles. — Les différents extraits furent sou- mis à l'analyse qualitative. Nous ne pûmes y déceler ni urée, ni acide urique, ni guanine, ni glycose, Is semblent formés dans leur plus PR LA POCHE DU NOIR DES CÉPHALOPODES. 69 grande partie par des matières grasses, mais la faible quantité ne nous à pas permis de faire des essais pour en déterminer la nature. II. Matières organiques insolubles. — La plus grande partie de la masse organique insoluble est formée par la matière à laquelle Bizzio donna le nom de mélaine et que j'appellerai simplement matiere piq- mentaire. Pour se procurer cette substance dans le plus grand état de pureté possible, nous l'avons soumise à une série d'opérations successives que nous allons relater brièvement. L'encre sortant de la poche fut mise en digestion pendant vingt- quatre heures dans l'alcool ; il se forma au fond du vase un coagu- lum épais. On filtra et l'on fit agir l'éther pendant vingt-quatre heures. On lava à l'eau douce pendant dix heures. On laissa le précipité se dessécher sur le filtre, puis on le sépara x et on le mit en digestion à une douce température dans de l'acide acétique cristallisable, pendant vingt-quatre heures. On jeta ensuite sur un filtre et on lava à l'eau acétique, puis à l'eau distillée jusqu'à cessation de la réaction acide. Le coagulum ainsi débarrassé de toute trace d'acide fut séparé du filtre et placé dans une solution légère de carbonate de potasse ad- ditionnée de quelques gouttes d'une solution de potasse. On laissa le tout en digestion à une douce température pendant vingt- quatre heures, en agitant de temps en temps. Les granulations pigmentaires sous l'influence du liquide alcalin se précipitent au fond du vase, on peut décanter et laver ainsi la ma- tière. On la jeta sur un filtre et on fit passer de l'eau douce jus- qu'au moment où les grains se séparèrent de nouveau et commen- cèrent à traverser le filtre. La masse fut alors introduite dans un ballon avec une solution d'acide chlorhydrique au dixième. On chauffa légèrement, puis on laissa le tout au repos pendant vingt-quatre heures. La RÉpIes tion des granulations s'effectua de nouveau, On décanta, on lava à plusieurs reprises, puis on filtra et l'on fit passer un Courant d'eau distillée jusqu'à complète cessation de la réaction acide. Le lavage à l’eau fut encore prolongé pendant une heure. La matière fut alors recueillie, desséchée au bain-marie, puis ple- cée dans l’étuve à 100 degrés jusqu’au moment ou des pesées suc- cessives ne dénotèrent plus de changement de poids appréciable. 70 PAUL GIROD. Elle s'offre alors sous l'aspect d'une masse noire, crevassée, présentant sur les parties lisses un éclat métallique verdâtre ; elle est dure et cassante. Pulvérisée, elle donne une poudre noire, par- faitement homogène, que nous considérons comme chimiquement pure. En effet le traitement par l'alcool, l’éther et l’eau a enlevé toutes les matières organiques solubles, — l'acide acétique a fait disparai- tre les matières albumineuses que le coagulum pouvait contenir ; — le carbonate de potasse et la potasse ont dissous le mucus et la mu- cine précipités par l'alcool, — enfin l'acide chlorhydrique a fait dis- paraître les cendres, ainsi que le démontre la calcination de la ma- tière ainsi obtenue, qui ne donne plus de cendres appréciables à la balance *. C'est cette matière dont nous allons étudier les caractères et la composition. Matière pigmentaire, — Elle est insoluble dans l’eau, l'alcool et l'éther ; insoluble dans les alcalis ; la potasse caustique en solution concentrée prend à son contact une teinte brunâtre légère ; insoluble dans presque tous les acides : l'acide sulfurique prend une teinte brunâtre, à chaud, — l'acide azotique donne une solution acajou avec dégagement de vapeurs rutilantes. Il faut remarquer que les acides et les alcalis agglomèrent les grains de pigment en suspension et donnent lieu à une sorte de pré- cipitation. Le chlorure de chaux et l’eau chlorée la décolorent. L’acide sulfu- reux est sans action. Chauffée en présence de la chaux sodée, elle laisse dégager de l’ammoniaque ; c'est donc une substance quater- naire azotée. Cette substance fut soumise à l'analyse élémentaire; voici un résumé des résultats obtenus: * 4° Dosage du carbone et de l'hydrogène : Le MAlBre, 552 2 0.312: «C0? 0.656140 HI0%790,213$ LPS MMM: à à eo Fa 0.240 (CO? 0.4745 H?20? 0.0870 Az. 0.02662 LL RME (de sa Lin Le 0.156 A%. 0.01344 1 Voici la méthode employée dans le commerce pour la purification de la sépia : Le contenu desséché des vessies est retiré et trituré avec une solution concentrée LA POCHE DU NOIR DES CÉPHALOPODES. 71 En centièmes ! : Le IL. C3: 0... tt 53.6 53 9 H : DE 4.04 4.02 | À II. MT PRIR RE PEUT ENT PRET 8.8 8.6 La matière pigmentaire dont nous venons de faire l'étude semble très voisine de la matière pigmentaire que l’on rencontre chez les Vertébrés ; aussi croyons-nous qu'il peut être assez intéressant de donner le tableau comparatif des résultats obtenus par les auteurs qui ont analysé ce pigment. Les chiffres de Heintz, se rapportant à la composition du pigment d’une tumeur mélanique, se rapprochent beaucoup de nos propres analyses ; ceux donnés par les autres chi- mistes sont plus éloignés, surtout au point de vue de la quantité d'azote ; ils se sont adressés au pigment de la choroïde, et l’on sait combien la séparation complète de ce corps des éléments qui l’en- vironnent est difficile. La purification imparfaite du produit est peut- être la cause de cette divergence. Le tableau suivant résume leurs résultats : Scherer ?. Rosow i. Dressler {. Heintz $. Dm er 58.28 54.00 51.73 53.44 5 APCE 5.92 5.30 5.07 4.02 L: ARE DRE ARE SPRESS A1 10.10 13.24 7.10 Dans les cendres, ces chimistes signalent le chlorure de sodium, le carbonate de calcium, des phosphates, et enfin une certaine quantité d'oxyde de fer. de carbonate de potasse. Le tout est soumis vingt minutes à l’ébullition. On filtre, on neutralise par un acide; la matière est alors lavée et desséchée. 1 Nous rapprochons de ces chiffres ceux obtenus par Hosœus et MM. Desfosses et Variot sur la même matière, purifiée, il est vrai, par des procédés différents : Hosœus. Desfosses et Variot, DEL RE ee EN EU 44,9 54.4 ÉVITE L'Ux 3:3 3.05 AB IRITRET AMI NES RES 9,9 8.1 2 Ann. Chem. Pharm., t. XL, p. 63. 3 Cité par Hoppe-Seyler, dans Traité d'analyse chimique, trad, de Schlagdenhauf- fen. Paris, 1879. * Prager Vierteljahrschrift, t. LXXX VIII, p. 9. 5 Virchow Archiv., t. III, p. 477. 12 PAUL GIROD. Les recherches du docteur L. Frédéricq! sur le sang des Céphalo- podes l'ont amené à deux conclusions importantes : l'absence de l'acide phosphorique et la présence « d’une substance bleue qui, comme l’hémoglobine, appartient aux groupes des Protéides. Si l'hémoglobine contient du fer, la substance bleue contient du cuivre. C'est un corps nouveau, à propriétés et à compositions chimiques tout à fait caractéristiques. Je propose de l'appeler ké- mocyanine, terme rappelant la parenté étroite avec l'hémoglobine du sang des Vertébrés. » Le métal contenu dans cette substance est donc le cuivre. Or, dans l'exposition des sels insolubles du sang, le docteur L. Frédéricq ne mentionne que ce métal. Les résultats de mes analyses conduisent donc touchant le mé- tal à une différence essentielle; la matière pigmentaire contient du fer et aucune trace de cuivre. Il n'y avait qu'un seul moyen de faire concorder ces deux résul- -tats: c'était de reprendre l'analyse des sels insolubles du sang, et de rechercher si, à côté du cuivre, on ne rencontrerait pas les réactions du fer. Et en effet, j'ai pu reconnaître d'une manière des plus évi- dentes que, tout aussi bien chez le Poulpe que ehez la Seiche, les cendres du sang contiennent à la fois et le cuivre et le fer. Le grand nombre de Poulpes qui peuplent la grève de Roscoff, et la quantité considérable de Seiches que les marins du laboratoire pêchaient dans la baie de Pempoul, m'ont permis de faire une ample récolte du sang de ces deux Céphalopodes. Le sang fut desséché sé- parément à l'étuve, puis traité par le chlorate de potasse et l'acide chlorhydrique, car la calcination directe n'était pas possible au la- boratoire. Le liquide, obtenu après la série de manipulations ordi- naires, fut soumis aux réactifs qui dénotèrent la présence des deux métaux dans les deux échantillons du sang. Les mêmes recherches, faites sur le chlorate de potasse et l'acide chlorhydrique employés, les montrèrent exempts de ces métaux et assurèrent ainsi l’exacti- tude des résultats obtenus *. I y a donc dans le sang des Céphalopodes, outre le cuivre de l'hémocyanine, une certaine quantité de fer très facile à déceler. 1 L. FRéDÉRICQ, Sur l'organisation et la physiologie du Poulpe. Archives de Zoo- logie expérimentale, 1878. 1 Ces résultats sont confirmés par les analyses que m'adressent d’une part M. le professeur Barbier, et d'autre part, M. Bourquelot, pharmacien en chef des Clini- ques, Elles ont été faites sur 100 grammes de sang recueillis à Roscoff. LA POCHE DU NOIR DES CÉPHALOPODES. 73 L'analyse chimique démontre l'absence complète des produits qui caractérisent le liquide excrété par les organes urinaires des Mol- lusques (corps de Bojanus, appendices fongiformes) et écarte l’idée de faire de la poche un organe de dépuration urinaire. Mais, d'autre part, ces recherches montrent que l'encre est formée dans sa plus grande partie par une matière pigmentaire azotée, qui est éliminée par des cellules glandulaires spéciales. L'organe a donc pour fonc- tion la sécrétion et l’excrétion de ce pigment particulier. Le rôle des pigments a fait l'objet de trop peu d’études précises pour me permet- tre d'assigner celui que joue cette sécrétion dans l'organisme du Céphalopode. Le rejet de ce pigment à l'extérieur, qui constitue pour l'animal un moyen d'attaque ou de défense, est le seul fait facile à observer, mais il est impossible de préciser pour le moment les liens plus ou moins étroits qui peuvent rattacher le liquide nourricier à la sécrétion pigmentaire. Il est cependant un point important surjlequel M.E. Yung' a attiré l'attention. La poche du noir jouerait un rôle considérable dans l'élimination de certains poisons. La strychnine et la nicotine lui ont surtout donné des résultats concluants. La marche qu'il a employée dans ses expériences estdes plus ingénieuses. Un Elédone est empoi- sonné ; au bout de deux heures, on enlève le foie et la poche à encre; on broye ces deux organes séparément et le liquide obtenu est filtré, puis versé dans un aquarium de faible capacité où sont placés d'autres Elédones. Ces Elédones ne tardent pas à présenter l’ensemble des accidents qui caractérisent l'empoisonnement par tel ou tel poison. L'Octopode choisi par ce naturaliste me semble se prêter fort mal aux recherches sur la physiologie de la poche : l’adhérence de la poche avec le foie, la fusion presque complète de la glande du noir et de la vésicule, l'exiguïté du réservoir, et partant l'impossibilité de se procurer la sécrétion sans intéresser la glande, sont des conditions défavorables. Et, en effet, M. Yung s'est adressé, dans ses recherches, non pas à l'encre, mais à l'organe entier, avec ses trabécules gorgés de liquide sanguin. Désirant reprendre ces expériences au point de vue particulier "E. Yang. — Sur l’action des poisons chez les Céphalopodes (Comptes rendus de l’Académie des sciences, t, XCI, 1880). 74 PAUL GIROD. qui m'occupe, j'ai voulu éloigner toute cause d'erreur et rechercher le poison non pas dans le parenchyme de la glande où rampent des vaisseaux multpliés, mais dans la sécrétion elle-même. Deux Céphalopodes, que les marins du laboratoire capturaient en grand nombre dans la baie de Pempoul, m'ont semblé tout particu- lièrement propices à ces recherches : La Seiche, dont le vaste réservoir, libre de toute adhérence avec la glande et avec les organes qui l'entourent, permet de recueillir faci- lement le liquide sécrété. La Sépiole, qui nous a paru le réactif physiologique des poisons le plus sensible de tous. En effet, une Sépiole placée dans une solu- - : {l sis : tion de chlorhydrate de strychnine au © est aussitôt prise de con- vulsions tétaniques qui se terminent rapidement par la mort. On la voit s'agiter, bondir à reculons en lançant jusqu'à vingt jets d'encre successifs, descendre au fond du vase et mourir dans un tétanos final. paraît d'abord n'é- 1 800 000 prouver aucun trouble, mais au bout d'une demi-heure, l'accumu- lation du poison devient suffisante, et la succession des phases de l'empoisonnement se produit comme précédemment. En possession d'une quantité suffisante d'animaux, je pus, pendant deux grandes marées successives, multiplier les expériences, et jamais je n'ai pu obtenir, avec l'encre de Seiches strychninisées ou nicotinisées, des signes d'empoisonnement sur les Sépioles. I. Des Seiches sont strychninisées, puis remises dans l'eau de mer. Le tétanos se produit rapidement. Lorsque les battements du cœur Une Sépiole placée dans une solution au ont cessé, les animaux sont ouverts, les poches enlevées avec les plus grandes précautions et leur contenu recueilli dans un vase peu pro- fond. On mélange à la sécrétion une égale quantité d'eau de mer. Des Sépioles sont placées dans ce mélange. D'autres Sépioles sont Ces dernières se placées dans la solution de strychnine au 5: comportent comme je l'ai indiqué précédemment, mais celles qui ont été placées dans l’encre continuent à parcourir le vase. Au bout de trois heures elles sont encore pleines de vie : on les place de nou- veau dans l'aquarium où elles nagent avec vivacité. IT. Des Seiches sont empoisonnées sur la grève même ; aussitôt que le tétanos se manifeste, le sac est ouvert et la poche enlevée. L'encre recueillie dans ces conditions n’est pas plus active que dans l’expé- rience précédente. LA POCHE DU NOIR DES CÉPHALOPODES. 75 II. D'autres Seiches empoisonnées sont placées dans un aquarium où l’eau bien aérée pouvait permettre des échanges gazeux ; dans ces conditions, l'une d’elles a conservé pendant une heure des marques évidentes de tétanos. Elles furent ouvertes au bout de trois heures. L'encre a été sans action sur les Sépioles. La nicotine ne nous à pas donné de résultats plus affirmatifs. Ces expériences nous conduisent à conclure que l'encre ne con- tient pas de traces de poison appréciables par les réactifs physiolo- giques, et nous ne pouvons accorder à l'organe un rôle particulier pour l'élimination des poisons. Cette idée de l'élimination des poisons par la poche m'a porté à rechercher par voie expérimentale si le noir avait une action spéciale sur les animaux; en un mot, s'il contenait quelque principe actif pouvant amener la torpeur ou la mort des animaux qui se trouvaient enveloppés dans le nuage noir. À cet effet, on réunit un certain nombre des animaux dont Île Poulpe fait sa nourriture habituelle : Crabes, Lamellibranches, Gobius. Deux Crabes furent placés dans deux cuvettes remplies d’eau de mer. Ces cuvettes avaient été choisies peu profondes, de manière à permettre l'observation par transparence à travers l’eau noircie. Un Poulpe fut excité et le liquide rejeté par l'entonnoir fut recueilli, puis placé dans une des deux cuvettes. Pendant deux jours consécutifs on observa l'animal vivant dans l’eau noircie, il prit sa nourriture absolument comme celui resté dans l’eau limpide et ne manifesta aucun mouvement, aucun signe insolite pouvant faire soupconner la moindre modification dans l’état normal. Différentes espèces de Tapes et de Vénus furent soumises aux mêmes expériences sans troubles apparents. Enfin, de petits Gobius furent placés dans des vases de plus grande étendue et soumis à l’action de l’eau mélangée de noir; on ne put saisir les symptômes d’un empoisonnement quelconque. Tout ce que nous pouvons signaler, c’est une espèce de trouble qui s'empare de l’animal lorsque le nuage d'encre l’atteint. L'opacité complète du liquide, les vibrations produites par le rejet du noir, suffisent pour expliquer les mouvements que fait le poisson pour fuir dans une direction opposée. Ces petites expériences si simples m'ont amené à ne pas consi- dérer l’encre comme un venin chargé de surprendre et de frapper la 76 PAUL GIROD. proie, mais comme un liquide complètement inoffensif et sans action sur l'organisme des animaux dont le Céphalopode se nourrit. Il faut cependant admettre que, outre la fonction de l'élimination du pigment, la poche joue un rôle important dans les rapports de l'animal avec un ennemi ou avec une proie. Aristote avait observé avec grand soin la manière dont les Céphalopodes emploient leur précieuse sécrétion. Les quelques observations que j'ai faites moi- même m ont amené à voir dans le rejet du noir un auxiliaire puis- sant à la fonction chromatique. Il y à entre la teinte noire imprimée à l'eau et les-changements de couleur périphériques un lien des plus étroits. Le Poulpe, que la grève de Roscoff fournissait en quantité à mon aquarium, ne se sert de son encre que pour échapper aux yeux de ses ennemis. Si à l’aide d’un tube en verre on l’excite, on voit ses chromatophores se dilater et lui donner une teinte brun-sombre, son corps se hérisse de papilles, soudain le spasme expiratoire amène le rejet de l'encre, qui donne à tout l'aquarium une teinte opaque et sombre. Le Poulpe prend une teinte foncée et se perd dans la pro- fondeur de la teinte sombre. Ici, l'animal s’enveloppe d'un nuage noir pour échapper à l'ennemi. : La Seiche emploie son encre non seulement pour se dérober, mais aussi pour s'emparer de sa proie. On la voit au milieu du nuage noir faire agir ses chromatophores de manière à couvrir son dos de mar- brures ondulées et mieux se fondre dans le liquide qui l'entoure. $es deux longs bras, semblables à deux harpons mobiles, se décochent et saisissent les Crevettes qui passent à portée. La Seiche attaque ordi- nairement la proie au-dessous de la tête. Le Calmar la saisit dans la région dorsale. Mais c'est sans contredit la petite Sépiole qui présente la ruse la plus curieuse pour tromper à l’aide de son noir l'ennemi qui la pour- suit. C'est sur les plages sablonneuses et vivement éclairées par le soleil, à l’île de Batz, à Pempoul, que l’on peut étudier les artifices sans nombre de ce petit animal. Au repos, il est presque complète- ment transparent, confondant sa teinte gris-jaunâtre avec celle du sable qui forme le fond; et ne projetant qu'une ombre légère. Cette ombre le décèle. Si l’on approche le filet de gaze fine pour s'en emparer, on voit la petite Sépiole fuir rapidement et par saccades à reculons, Soudain elle prend une teinte d'un violet-noir, puis elle fait LA POCHE DU NOIR DES CÉPHALOPODES. ti un violent saut en arrière en même temps qu'elle jette son encre. Elle est devenue transparente. Or, l'encre rejetée ne se mêle pas à l'eau ambiante et se présente comme une petite masse allongée dont la forme rappelle celle de la Sépiole. De cette facon, lorsqu'on n'est pas prévenu de ce petit artifice, on abandonne la proie et l’on saisit l’ombre vaine qui n’est qu'un peu d'encre brunâtre. Si, sans se laisser détourner par l'illusion, on continue sa poursuite, on voit le petit ani- mal continuer à bondir en arrière en rejetant son encre de la même facon. Ce stratagème se renouvelle cinq ou six fois. Si la poursuite est moins rapide, on voit le petit animal, devenu transparent, se laisser descendre sur le sable et se recouvrir rapidement de petits grains à l’aide de ses deux longs bras latéraux. SÉCRÉTION. Dans son mémoire sur la physiologie de la Seiche, M. P. Bert! s’occupa le premierde la sécrétion du noir : « Elle se rapproche beaucoup de celle du lait. Les cellules épithéliales du sac se rem- plissent de granulations pigmentaires, puis elles se gonflent de liquide, leurs parois deviennent très minces et difficiles à voir, et elles finissent par éclater. Les granules avec le liquide constituent la partie libre du noir. » Fr. Boll signale simplement « la formation de granules pigmen- taires à l’intérieur des cellules qui paraissent subir une dégénéres- cence pigmentaire ». Les détails dans lesquels je suis entré en traitant de la texture de l'organe me permettent de ne pas revenir ici sur les états successifs par lesquels passent les cellules, depuis le sommet de la zone for- matrice jusqu'au moment où elles se détachent pour mettre en liberté les granulations pigmentaires qui constituent la partie la plus consi- dérable de l'encre. EXCRÉTION. Pour avoir une idée complète de la manière dont s'effectue l'ex- crétion du noir, j'aurai à étudier trois temps successifs qui permet- 1‘ P. Bert, Mémoires de la Société des sc. phys. et nat. de Bordeaux, t. V, 2° cahier, p. 126, 1867. 18 PAUL GIROD. tent à l'encre sécrétée dans la glande d'arriver dans l'eau qui entoure l'animal : | Premier temps : l'encre passe de la glande dans la vésicule ; Deuxième temps : l'encre passe de la vésicule dans le sac; Troisième temps : l'encre est projetée au dehors. Je m'occuperai successivement du mécanisme de ces trois temps pour les embrasser ensuite, dans leur ensemble, dans leurs rapports avec le système nerveux, mais je dois faire auparavant quelques observations générales. Le Poulpe, quiest si précieux au physiologiste par sa vilalité exces- sive et par sa facilité à s'accoutumer à l'aquarium, facilité qu'expli- que sa vie sédentaire sous les rochers de la grève, ne peut être em- ployé dans des recherches sur la poche du noir. La petitesse de la poche, la soudure complète de la glande et du réservoir, la difficulté de découvrir l'organe sans léser les parties importantes qui le recou- vrent (grande veine, nerfs viscéraux) m'ont obligé à m'adresser à un autre Céphalopode. La Seiche, si abondante à Collioure, se prête merveilleusement bien aux expériences sur la poche du noir, grâce aux dispositionssur lesquelles j'ai si souvent insisté. Mais la Seiche est relativement délicate, etle moindre trouble respiratoire amène une asphyxie rapide. Pour lutter surtout contre cette dernière condition si défavorable, j'ai dû songer à organiser un appareil servant à entre- tenir arüficiellement les échanges gazeux par les branchies, et j'ai pu ainsi prolonger avec plus de facilité certaines expériences déli- cates. L'appareil imaginé dans ce but est des plus simples. On choi- sit une boule de caoutchouc d'un diamètre plus considérable que celui de l'entonnoir; elle doit porter deux prolongements tubulaires dont l’un porte à son tour un tube de verre à extrémité effilée dont la longueur est calculée de manière à ce qu'il vienne s'ouvrir plus profondément que les branchies. Get ensemble est introduit dans le manteau ; le tube de caoutchouc bre est engagé dans l’entonnoir et l'on peut sans difficulté l'adapter par l'intermédiaire d'un tron- con de tube à un caoutchouc communiquant à un réservoir voisin. Cette disposition si simple de la boule intermédiaire permet de se passer de tout autre moyen fixalteur pour attacher l'appareil à l'ani- mal. Un courant d'eau pure et bien aéré permet une aération con- stante de la branchie. Durant les expériences les animaux élaient placés dans de grands baquets. Une planche entrant à frottement permettait d'élever ou LA POCHE DU NOIR DES CÉPHALOPODES. 79 d'abaisser le fond du baquet à volonté et d’enfoncer plus ou moins l'animal sous l’eau. C’est sur cette planchette que l’on fixait l’ani- mal en employant le moyen, peut-être un peu brutal, mais le seul applicable, qui consiste à planter des clous dans les parties superfi- cielles les plus résistantes (bras, nageoires, lambeaux du man- teau, etc.). Ces indications générales données, je commence l'étude des diffé- rents temps de l’excrétion. Premier temps. — L’encre passe de la glande dans la vésicule. — La disposition des cellules, la manière dont elles se transforment insen- siblement, permet de conclure que la sécrétion de l'encre est conti- nue et que de nouvelles quantités tendent constamment à pousser du côté de l’orifice l'encre déjà produite. D'autre part, le développe- ment des trabécules jusqu'au-dessous de l'orifice de la glande rend peu probable l'accumulation du noir dans la glande elle-même et son passage dans la vésicule à intervalles plus ou moins éloignés. Du reste, les expériences que j'ai entreprises sur ce point me sem- blent démontrer nettement que le passage de l'encre de la glande dans la vésicule se fait d'une manière continue et ininter- rompue. Une Seiche fixée comme je l'ai indiqué plus haut et munie de l'ap- pareil à respiration artificielle est soumise à l'expérience. On prati- que dans la paroi du sac une fenêtre qui en occupe le tiers inférieur. Une incision médiane longitudinale et deux incisions transversales partant des extrémités de la précédente détachent deux lambeaux qui sont rejetés et fixés. La partie dilatée de la vésicule est saisie avec la pince et d'un coup de ciseaux suivant exactement la ligne médiane elle est ouverte sur environ 5 centimètres. L'encre se répand aussitôt et il faut avoir sous la main un tube communiquant avec un réservoir d'eau de mer et contribuant avec le tube à respi- ration à un lavage rapide de la poche. L'eau du baquet est renouve- lée rapidement et le courant d’eau de mer est maintenu dans la poche. On laisse l'animal pendant quelques secondes au repos. On peut alors facilement s'assurer, en regardant l'orifice de la glande, que des gouttes de liquide noir apparaissent successivement en ce point. Le petit nuage qu'elles forment, ense mêlant à l'eau de mer ambiante, rend très évidente la continuité de l'apparition des gouttelettes. Dans ces conditions l'animal peut vivre pendant dix minutes et durant 80 PAUL GIROD. ce temps on peut suivre la succession lente et régulière des petites portions de noir qui s'échappent par l'orifice. Si pendant une semblale expérience on excite l'animal avec la pince ou par une commotion électrique, on voit le petit nuage deve- nir plus épais et un mince filet de noir s'échapper de la glande. I y a donc dans ce cas augmentation dans la quantité du liquide passant dans la vésicule. J'ai répété plusieurs fois cette expérience, très simple lorsqu'on connaît bien les rapports des diverses parties de la poche, et toujours avec des résultats identiques. Je puis en conclure : Que le passage de l'encre de la glande dans la vésicule est con- tinu ; Que la quantité d'encre qui passe dans un temps donné est con- stante à l'état de repos, mais peut augmenter par une excitation périphérique. La pression due aux quantités d'encre qui se forment sans cesse suffit pour expliquer la première de ces conclusions (vis a tergo). In'en est pas de même de la seconde. Comment se fait l'augmen- tation de liquide s'échappant de l’orifice ? Y a-t-il sécrétion exagérée ? Y a-t-il contraction de la membrane limite et progression plus rapide du liquide par compression ? Y a-t-il passage dans la glande d’une quantité de sérum considérable ? Le mouvement ondulatoire que l’on observe sur la glande par l'ex- citation électrique, la présence de fibres musculaires dans cette membrane m'amènent à considérer l’action de la contraction comme jouant le rôle le plus important. Du reste, l'action de la membrane imite doit être, à l’état normal, considérablement secondée par la présence de la nodosité musculaire antérieure de la vésicule qui, au moment de la contraction, doit exercer sur la glande une pression acüivant la marche du liquide vers l'orifice. Deuxièine temps. — L'encre passe de la vésicule dans le sac. — La vésicule, au point de vue physiologique, est un sac à paroi mus- culaire, sac dont l'ouverture extérieure est garnie d’un sphineter et qui présente non loin de cette ouverture un second anneau contrac- lile pouvant pincer le sac et le diviser en deux cavités distinctes : l'une grande, spacieuse, qui contient la glande du noir; l'autre, plus petite, en rapport avec la glande terminale. Une Seiche est fixée dans le baquet à expériences ; on ouvre rapi= LA POCHE DU NOIR DES CÉPHALOPODES. 81 dement le manteau et l’on soulève l’entonnoir avec un crochet. On tire fortement en avant la portion terminale du rectum, de manière à rendre très évidente par transparence la terminaison de la poche. On imprime à l'animal un choc électrique violent. On voit alors se produire dans la paroi de la vésicule un mouve- ment ondulatoire qui commence à l'extrémité la plus inférieure de la poche et s'élève insensiblement, rétrécissant de bas en haut le réservoir et chassant le noir vers la partie supérieure. Cette propa- gation lente accumule l’encre au-dessous du sphincter interne et l'on peut constater que la paroi antérieure de la vésicule s'applique sur la glande au point même où se trouve la nodosité antérieure. Le sphincter interne s'ouvre, l’ampoule terminale se remplit, et alors il se produit une contraction du sphincter anal qui ferme le rectum au moment même où le sphincter externe de la poche livre passage à l'encre que contenait l’ampoule. L’ampoule se vide à me- sure qu'elle se remplit, et de cette façon l'encre, arrivant dans le sac respiratoire comme un filet continu, se mêle insensiblemenut à l’eau de mer et constitue le liquide noir qui doit être projeté ‘u dehors. Si au lieu du choc électrique on verse sur la branchie quelques gouttes d'une solution de chlorhydrate de strychnine au cinquième, on ne tarde pas à voir se produire le tétanos, et son effet sur la vé- sicule amène le rejet de l’encre en accentuant et en rendant plus évidente la marche des contractions de la paroi. Troisième temps. — L'encre est projetée au dehors. — La cavité où l'encre se mêle à l’eau de mer en sortant de la vésicule est formée par le corps de l’animal, par le vaste repli antérieur que l'on nomme le sac et par l’opercule qui le ferme et comprend l’entonnoir et les deux valvules latérales. C’est cet ensemble formé de parois essentiellement musculaires qui est chargé de projeter l'encre au dehors. Pour bien saisir la manière dont s'effectue cette projection, il faut s'adresser à des Céphalopodes pouvant être facilement observés dans toutes les directions. La Sépiole est par sa petitesse et l’inten- sité des phénomènes fort bien appropriée à ce genre d'étude. Le moyen qui m'a le mieux réussi pour amener les Sépioles au summum de l'irritation est le suivant : on vide rapidement l'eau du petit aqua- rium où elles ont été placées et on les met ainsi à sec, puis on verse _de nouvelles quantités d'eau de mer. Aussitôt que l’eau revient dans ARCH. DE ZOOL, EXP, ET GEN, —= T, X, 18892, 6 82 PAUL GIROD. l'aquarium, les petites Sépioles s’élancent à reculons en jetant suc- cessivement chacune deux ou trois masses d'encre. | On peut constater que le rejet de l'encre présente les phases sui- vantes : Première phase. — Aspiration violente d’eau dans le sac; le man- teau se dilate; l’entonnoir se ferme ; dilatation des chromatophores ; l'animal est violet foncé. Deuxième phase.—Spasme expiratoire ; l’'entonnoir s'ouvre; l'encre est projetée avec l’eau de mer inspirée; contraction des chromato- phores : l'animal devient transparent. À chaque rejet d'encre on ob- serve la mêrne succession. — Cette observation m'a permis de con- clure que le sac joue un rôle prépondérant dans ce troisième temps et que le rejet de l'encre au dehors n’estqu'un mouvement expira- toire violent et spasmodique s'accompagnant de modifications im- portantes dans l’état des chromatophores. Ces observations, si faciles chez la Sépiole, ne peuvent se faire qu'avec beaucoup de difficulté chez les animaux plus volumineux et beaucoup moins excitables à la volonté de l'expérimentateur. En résumé, l'excrétion de l'encre se décompose de la manière sui- vante : Premier temps. — Passage continu de l'encre de la glande dans la vésicule — dû à la vis a tergo et à la compression exercée par la membrane limite de la glande et par la nodosité de la vésicule. Deuxième temps. — Passage intermittent de l'encre de la vésicule dans le sac — dù à la contraction de la paroi vésiculaire. Troisieme lemps. — Expulsion spasmodique de l'encre par l’entonnoir — due au spasme d'expiration. Pour connaitre le rôle du système nerveux dans l'acte dont je viens d'étudier les temps successifs, j'ai eu recours aux sections des nerfs se rendant aux diverses parties qui entrent en jeu dans l'expulsion de l'encre. Le sac reçoit les deux nerfs palléaux; la poche du noir, au contraire, est innervée par des rameaux émanant des nerfs viscé- raux. Je vais exposer les expériences que j'ai entreprises, les con- clusions pourront ensuite être facilement tirées des résultats ainsi obtenus. C’est encore sur la Seiche que j'ai opéré; en effet, c'est le seul animal où les rameaux des nerfs viscéraux se rendant à la poche LA POCHE DU NOIR DES CÉPHALOPODES. 83 présentent une indépendance suffisante pour permettre leur section complète sans lésion des nerfs viscéraux eux-mêmes. En effet, si l'instrument sectionne ces derniers nerfs, on amène dans la circula- tion et la respiration des troubles qui entravent l'observation et amènent rapidement la mort de l’animal. Une Seiche adulte est fixée sur la planchette et son manteau est incisé sur la ligne médiane sur une longueur d'environ 5 centimètres. On saisit avec des pinces robustes l’orifice anal et on l'attire forte- ment en avant. Un coup de ciseaux coupe la membrane délicate qui s'étend du rectum à la paroi du corps. De cette façon on sec- tionne tous les filets qui partent des nerfs viscéraux pour se rendre à la poche. Au moment de la section, on observe des contractions ondulatoi- res de la paroi de la vésicule, contractions qui se propagent et per- sistent pendant quelques minutes. Lorsque les mouvements dus à cette excitation première ont cessé, on agit sur les deux extrémités des nerfs sectionnés : L'excitation électrique portée sur les extrémités périphériques amène immédiatement la contraction de la vésicule. Si le courant est assez intense, on voit la nodosité antérieure former le centre d’une figure radiée; elle s'applique sur la glande, tandis que les con- tractions ondulatoires conduisent l'encre vers l’orifice. Si l'excitation se prolonge, on peut suivre la série des phases qui caractérisent le second temps de l’excrétion. L'excitation de l’extrémité centrale produit l'accélération des mou- vements respiratoires et la série de modifications que présente l’ex- citation centrale des nerfs viscéraux eux-mêmes, modifications que M. Frédéricq a décrites avec les développements qu’elles comportent, Je conclus de cette expérience que les filets émanant des nerfs viscé- raux el se distribuant à la poche sont des filets moteurs présidant a la contraction de la paroi vésiculaire. Les recherches de M. Frédéricq sur le rôle des nerfs se rendant à l'entonnoir et au sac respiratoire ont démontré nettement que les nerfs palléaux et les nerfs de l’entonnoir sont des nerfs mixtes qui tiennent sous leur dépendance la sensibilité et la contraction des parties auxquelles ils se distribuent. L’excitation de leur extrémité périphérique amène la contraction de la paroi du sac et de l’enton- noir. C'est doncsousleur dépendance que se trouvent les mouvements 84 PAUL GIROD. qui amènent la large inspiration et l'expiration spasmodique pour le rejet de l'encre: La partie motrice de l’are nerveux est ainsi nettement établie: filets moteurs de la vésicule provenant des nerfs viscéraux ; — filets mo- teurs de l'entonnoir et du sac respiratoire, L'arc se complète par des nerfs de sensibilité nombreux : Ce sont d’abord des nerfs de sensibilité spéciale : nerfs oculaires, nerfs auditifs. La vue du poing ou du doigt qui s'approche ; une lu- mière vive éclatant dans l'obscurité, un bruit soudain et violent sont autant de causes qui amènent ordinairement chez la Seiche le rejet de l'encre. Mais les nerfs de sensibilité générale ne sont pas moins excitables ; un choc, un attouchement rude, une commotion électri- que, en un mot toute excitation périphérique violente provoque le rejet de l'encre. Les deux contractions de la vésicule et du sac respiratoire succè- dent-elles à l'impression sensible ou bien l’une de celles-ci tient-elle sous sa dépendance la succession des phases de contraction ? Lors- qu’on observe le rejet de l'encre, on pourrait supposer que c'est l'ar- rivée de l'encre dans la cavité respiratoire qui, par une impression spéciale sur les terminaisons nerveuses sensibles qui la tapissent, amène un réflexe aboutissant au spasme expiratoire. Mais, en sou- mettant l'animal à l'expérience, il est facile de s'assurer que toute excitation périphérique amène des contractions vésiculaires et des troubles dans le jeu du sac respiratoire, et que cette excitation peut amener le spasme expiratoire alors même que les contractions vésiculaires n'ont pu conduire le noir jusqu'à l'orifice de l'anus. Cette simple observation, que l’on peut faire en saisissant une Seiche eten la sortant subitement de l'eau, me pousse à penser que les nerfs moteurs vésiculaires et moteurs respiratoires sont tous deux sous la dépendance des excilations périphériques, puisque le spasme expiratoire peut se produire indépendamment de l'arrivée de l’en- cre dans le sac respiratoire. L'excilalion des masses centrales ne m'a pas donné de résultats pouvant être généralisés. En enfonçant une aiguille creuse chargée de carmin ammoniacal dans les diverses masses contenues dans le cartilage céphalique, j'ai produit une série de lésions circonserites, Les lésions dans la masse postérieure ou cérébroïde n'ont pas donné du côté de la poche de modifications appréciables ou pouvant donner LA POCHE DU NOIR DES CÉPHALOPODES. 89 lieu à des interprétations précises. Seule, l'excitation du ganglion in- férieur a amené du côté de la poche et du côté du sac respiratoire un ensemble de mouvements qui ne m'ont paru différer en rien de ceux produits par l'excitation périphérique des nerfs palléaux et des nerfs viscéraux. En enlevant le cerveau, il est facile de constater qu'une excitation périphérique amène des contractions intenses du côté de la vésicule du noir, contractions qui aboutissent souvent à la sortie de l'encre par l’anus. Ces faits nous permettent de penser que le rejet du noir est alors sous la dépendance d’un réflexe dont le centre réside dans le ganglion inférieur ou viscéral. DÉVELOPPEMENT. Les travaux qui ont trait à l'embryogénie des Céphalopodes sont surtout généraux ; il était nécessaire de connaître avec la plus grande précision les modifications principales avant de pénétrer dans l'étude des détails minutieux du développement de chaque organe en par- ticulier. Cuvier !, Dugès?, delle Chiaje ont donné l'impulsion et ont tracé les premiers les grands traits du développement de ces Mollusques ; mais le premier travail important sur ce sujet est celui que M. van Beneden* publia en 1841 sur l’embryogénie de la Sépiole. Poussé sans doute par les observations de Monro, qui vovait dans la poche une vésicule biliaire, ce grand zoologiste crut découvrir des rapports étroits entre ces deux organes : « À côté du tube digestif, on décou- vre à travers la peau une masse allongée, arrondie, qui nous paraît être le foie, réuni à la vésicule du noir. Ils ont communication avec le canal digestif vers leur partie antérieure. Za vessie du noir parait communiquer avec le foie. » En 1844 parurent les remarquables recherches de M. A. Külliker # sur le développement des C'éphalopodes. Lorsqu'il arrive à la poche du noir, il s'exprime ainsi : « Je n'ai pu voir comment se forme la poche du noir, car elle ne se montre à l'observateur qu'au moment où le liquide noir est sécrété 1 Cuvier, Annales du Muséum, 1832, vol. I, p. 153. ? Ducès, Annales des sciences naturelles, 1837, t. VIIT, p. 107. 3 P.-J. van BENEDEN, Recherches sur l’embryogénie des Sépioles (Nouv. Mém. Acad. roy. de Bruwelles, vol. XIV, 1841). * À. KozuiKer, Entwicklurgsgeschichle d. Cephalopoden, Zurich, 1844. 86 PAUL GIROD. dans son intérieur, ce qui ne se présente qu'à une période avancée du développement... Elle se présente alors sous la forme d’une vési- cule allongée, piriforme, placée à droite et au-dessous du rectum. Le canal excréteur de la vésicule, lorsqu'il existait, ne contenait pas encore d'encre. » Ce n’est qu'en 1867 que Metschnikoff! publia ses observations sur la Sépiole. I signala le fait important que «le feuillet épithélial donne naissance à la poche à encre ». La courte communication de E. R. Lankester? ne donne aucun renseignement sur le fait qui nous occupe. Dans ses Recherches embryologiques publiées en 1873, Ussow * con- sacra un chapitre au développement des organes chez les Céphalo- podes. Il décrit la poche comme provenant d’une invagination en cæcum qui «se partage près de l'entrée en deux tubes : l’un est le rudiment de la poche du noir, conduit fin, court, épaissi à son extré- mité cæcale ; l’autre est le rudiment du rectum; il est droit et fermé à son extrémité. La paroi de ces conduits est formée d’une couche de cellules cylindriques plus ou moins élevées, provenant du feuillet externe invaginé, doublée d’un ou deux rangs de cellules fusiformes du feuillet moyen. » Depuis le mémoire d'Ussow qui compléta les données générales sur les phases successives du développement des Céphalopodes, les naturalistes ont commencé l'étude particulière de l’apparition et des modifications des organes : Grenacher* s’occupa plus particulière- ment du pharynx, de l’œil et de l'oreille; Fol° s’attacha au déve- loppement de l'œil chez la Sépiole ; enfin Ussow reprit l'étude de l'œuf et du développement des feuillets du blastoderme. Mes recherches sur le développement de la poche du noir ont porté sur la Sepia officinales, dont les œufs sont très abondants en septem- bre dans les herbiers de Roscoff et de Pempoul, et en avril, mai, sur les fonds de Collioure et de Banyuls. 1 E. Merscunixorr, Le développement des Sépioles (Archives des sciences phys. el nat., vol. XXX. Genève, 1867). 2 E. R. LAnNKESTER, Observations on the Development of the Cephalopoda (Quart. J. of. Microsc. Science, vol. XV, 1875). 3 M. Ussow, Zoologisch-embryologische Untersuchungen (Archiv für Naturgesch., t. XL, 1874). # HI. GrRenacuER, Zur Enlwicklungsgeschichte d.Cephalopoden (Zeit. für wiss. Zool., vol. XXIV, 1874). 5 FoL, Note sur le développement des Céphalopodes et des Ptéropodes (Archives de zoologie expérimentale, t. IT, p. xxxu1f, 1874). LA POCHE DU NOIR DES CÉPHALOPODES,. 87 Le développement du Céphalopode, comme l'avait indiqué Mets- | chnikoff, peut se diviser en trois grandes périodes : 4. Formation du blastoderme. — 2. Apparition des organes. — 3. Développement des organes. La première période ne doit pas nous occuper ici. Elle dure ordi- | nairement dix jours, en sorte que le premier jour de la deuxième pé- riode est en réalité le onzième jour du développement pris dans son ensemble. Au premier jour de la seconde période on voit se former l’ébau- che du manteau : l'ovale des yeux se dessine, la place de la‘bouche apparaît, les lobes céphaliques commencent à s’accuser, mais on n’ob- serve encore aucune indication de la formation de l'anus et de la | poche du noir. . : : be e JS LES ET 0 contact de l’invagination vésiculaire et EPSS À dans la partie exactement opposée. En Fic. 11. — Coupe longitudinale de la ce dernier point les cellules présentent une grande activité et par prolifération poche à une phase plus avancée du développement. A. anus; V, invagina- tion vésiculaire ; G, glande du noir; R, rectum; 4, «a, étages superposés de la glande ; % f, zone formatrice ; fe, feuillet externe invaginé; fm, cou- ches du feuillet moyen orientées con- centriquement, constituent sans cesse une nouvelle masse qui subit étage par étage la mo- dification signalée, mais se renouvelle sans cesse par sa partie la plus inférieure. Lorsque les cavités glandulaires se sont ainsi constituées, les cel- lules qui les tapissent présentent tous les caractères que j'ai indiqués pour les cellules de la zone formatrice de la glande adulte; elles vont dès lors passer par les phases successives de la pigmentation et bientôt les cavités seront, d'après leur âge de formation, tapissées par des cellules plus ou moins chargées de granulations. Ainsi sont constituées les deux zones de la glande : l’une /orma- trice inférieure, l'autre périphérique avec ses trabécules et ses aréoles (pl. 4, fig. 2, zf et zp). Pendant que la glande passe par ces divers états successifs, l'in- vagination vésiculaire subit peu de changements ; sa longueur s'est LA POCHE DU NOIR DES CÉPHALOPODES. 91 fort peu accrue et la glande se trouve encore très proche de l'orifice anal; elle se présente comme une masse noirâtre située en arrière du rectum et qui tranche avec la transparence de l’invagination elle- même. A ce moment, les cellules qui terminent le cul-de-sac se résor- bent et les éléments correspondants qui limitaient la première aréole FiG. 12. — A, anus ; R, rectum; F1G. 13. — Série successive des modifications V, vésicule: G, glande, qui se passent dans les rapports de la glande G, de la vésicule V, de l’orifice o et de la zone for- matrice z f. disparaissent à leur tour. La communication est ainsi établie entre la glande et le réservoir : l’orifice de la glande existe. Les premières portions d'encre formées passentdans la vésicule, qu’elles colorent en noir, surtout dans sa partie inférieure. La vésicule commence aussitôt à s'accroitre ; elle s'allonge rapi- dement pour suivre l'ouverture anale que le développement de la pa- roi antérieure du corps élève rapidement. En même temps elle se di- 92 PAUL GIROD. late surtout au contact de la glande arrondie, À ce moment l’axe de la glande et l'axe de la vésicule se confondent (fig. 19). La poche à encre est dès lors constituée et les modifications qui suivent sont tout à fait secondaires. Du côté de la glande, la zone formatrice, au lieu de continuer à se développer selon l'axe, se recourbe en arrière et constitue la pyra- mide à base inférieure qui se rencontre chez l'adulte. Quant à la vésicule, sa paroi antérieure se développe beaucoup plus rapidement que la postérieure, de sorte qu'elle vient constituer au-devant de la glande un diverticulum profond du réservoir. La glande accuse sa saillie dans la vési- cule ; l'épithéhium s’aplatit et devient pavimenteux. Les quelques figures au trait permettront mieux qu'une longue description de bien saisir la manière dont l’axe de la glande se recourbe et dont la paroi vésiculaire vient envelop- per la glande (fig. 13, I, IL, II). L'ouverture anale formée au centre du mamelon est d'abord terminée par un bourrelet circulaire, mais avec le Fic. 14. — Rapports de position du rec Aéveloppement de la poche on voit se tum et de la poche du noir dans le ; cours du développement. À, anus; P, former quatre mamelons terminaux. td DÉLLRU Deux sont antérieur et postérieur; ils prennent la forme de deux lèvres arrondies qui deviennent de plus en plus saillantes ; deux sont latéraux ; ils s'allongent en deux lan- guettes d'abord cylindriques et aiguës, qui insensiblement s’aplatis- sent et prennent une forme losangique irrégulière (fig. 14, I, I, ELA En même temps, les couches mésodermiques se différencient en tuniques conjonctive, argentée et musculaire. Les sphincters termi- naux se forment, limitant l'ampoule terminale ; les culs-de-sac glan- dulaires se montrent en ce point. La nodosité antérieure de la vési- cule se constitue. La paroi de la poche peut dès lors entrer en action, et si à cette époque on excite l'embryon contenu dans l'enveloppe de l'œuf, on le voit rejeter une faible quantité d'encre qui remplit l'entonnoir et lui donne ainsi la teinte caractéristique. Une dernière série de modifications nous reste à signaler, ce sont celles qui surviennent dans les rapports de la poche et du rectum. LA POCHE DU NOIR DES CÉPHALOPODES. 93 Tant que la vésicule est peu développée, elle est située à droite et en arrière du rectum; mais à mesure qu'elle s’allonge, elle subit un léger mouvement en avant, qui l’amène à passer au-devant du rectum et à devenir plus superficielle que ce dernier (fig. 14). Telle est la série de phases successives par lesquelles passe la poche du noir, depuis l'apparition de l’invagination qui lui donne naissance jusqu'à son complet développement. CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. Les recherches embryologiques qui ont fait l'objet du chapitre précédent, nous amènent à cette conclusion que la poche à encre est formée par une invagination épidermique qui se différencie pen- dant le développement en deux portions : la glande et la vésicule. L’invagination épidermique est contenue dans une sorte de sac mésodermique qui complète la poche et constitue les tuniques qui enveloppent l’épithélium. Ces tuniques nous ont présenté chez l’adulte la succession suivante, en marchant de l'épithélium interne vers la périphérie de l'organe : Tunique interne : Epithélium ; couche conjonctive. Tunique moyenne : Couche argentée ; couche musculaire. Tunique externe : Couche conjonctive. Si l’on se reporte aux descriptions données de la peau des Céphalo- podes, et en particulier à celle que Foll a faite avec une exactitude remarquable, on est frappé de trouver une disposition complètement identique dans les couches qui forment l'enveloppe tégumentaire : C'est l’'épithélium dont les cellules sont disposées sur un seul rang et limitées en dehors par une cuticule épaisse. C’est une couche con- jonctive qui contient les petits appareils pigmentés connus sous le nom de chromatophores ; c'est au-dessous la couche argentée ou couche des paillettes ; ce sont au-dessous les faisceaux musculaires entre-croisés du derme, et enfin une couche conjonctive déliée qui permet les mouvements de translation du tégument sur les couches plus profondes. On ne trouve qu'une seule différence notable à présenter, c'est l'absence de chromatophores dans la couche conjonctive sous-épi- théliale qui enveloppe la poche. Mais il est facile d'observer entre la disposition type de la peau et celle que j'indique dans la poche tous les passages qui permettent de conclure que, malgré l'absence des 94 PAUL GIROD. appareils pigmentés, les deux couches conjonctives sont exactement les mêmes. En effet, si, au lieu de s'adresser au tégument du man- teau ou du sac, on étudie celui qui limite la masse viscérale du Cépha- lopode, on voit les chromatophores se réduire considérablement, Ainsi chez le Poulpe, si l'on ouvre le manteau à la partie postérieure, on tombe sur le tégument du corps, qui tranche par sa teinte laiteuse sur la Couleur brune du manteau. Cependant on reconnaît dans ce tissu pâle des sortes d’ilots formés de petites masses pigmentées que l'examen microscopique montre identiques aux chromatophores péri- phériques. Sur la face antérieure du corps enfin ces derniers vestiges des chromatophores ont disparu, les diverses couches du tégument se sont fort réduites et se continuent insensiblement dans les tuni- ques mêmes de la poche. Cet examen de l'adulte montre donc que lépithélium de la poche est la continuation de l'épithélilum de la peau et que la paroi de la poche n’est autre qu'un repli cutané chargé de protéger l'organe. Les rapports.anatomiques viennent donc confirmer les données fournies par le développement et faire considérer la poche comme étant une véritable glande cutanée dont l'orifice se confond avec l'ouverture anale. Par ses remarquables recherches sur la Pourpre, M. H. de Lacaze- Duthiers ‘ fut amené à la découverte d’une glande tout à fait particu- lière à certains Gastéropodes. « Les Gastéropodes nus ne paraissent pas la posséder, de même que beaucoup des Pectinibranches de Cuvier. » Cette glande, qu'il a nommée glande anale, «est logée sur le côté du rectum, qu'elle accompagne jusqu'à l’anus, où elle s'ouvre par un pore très petit. »… « Un long canal central, parallèle à la di- rection du rectum, paraît au milieu d’arborisations latérales. » … « L'anus n’est pas régulièrement circulaire, mais en avant, et contre le manteau, il semble se prolonger en une petite pointe ou papille. C'est vers le sommet de cette papille que l’on trouve un petit pore par où s'échappent les produits de la sécrétion. ».….. « La glande pa- rait formée de canaux ramifiés et terminés en fin de compte par des culs-de-sac. »... « Ces culs-de-sac sont formés d’une membrane mince » que tapisse « le parenchyme cellulaire véritablement glan- dulaire. Cette partie est composée de cellules remplies de granulations 1 H. pe Lacaze=-DurTniErs, Mémoire sur la Pourpre (Ann. des sc. nal., 4° série, t. XII, 1859). LA POCHE DU NOIR DES CÉPHALOPODES. 95 fines auxquelles est due leur couleur ; ces granulations se trouvent souvent en grand nombre, libres dans la cavité du cul-de-sac, et constituent la sécrétion de la glande. »... « Le parenchyme ou tissu sécréteur paraît former une couche fort peu épaisse; une ou deux rangées de cellules semblent mesurer cette épaisseur dans le plus grand nombre des cas. » Ainsi donc, il existe chez certains Gastéropodes une glande prési- dant à une sécrétion pigmentaire, qui présente avec le rectum les rapports les plus étroits, s’ouvrant dans l'ouverture anale et s'appli- quant contre la terminaison du tube digestif. Mais ‘1 est un rapport tout à fait particulier à cette glande, c'est celui qu'elle présente avec une autre glande fort différente d'aspect, de forme, de structure selon les Gastéropodes, et qui a fait l'objet d'une étude détaillée de M. H. de Lacaze-Duthiers chez les Purpura et Murex, où elle mérite le nom de glande purpurigène. Cette glande purpurigène est « une bandelette de teinte blanchâtre placée à la face inférieure du manteau, entre l'intestin etla branchie ». Celte bandelette est formée de grandes cellules qui « s'échappent et deviennent libres; presque toujours baignées par un liquide, elles s'endosmosent et crèvent ; alors leur contenu granuleux se mélange au mucus et aux autres cellules non déchirées ». Les observations multipliées de M. H. de Lacaze-Duthiers l'ont amené à reconnaître que «chez la plupart, sice n'est tous les Gasté- ropodes, une même chose existait ». Mais la glande peut prendre des aspects divers, présenter une structure fort différente ‘, donner enfin comme sécrétion des malières visqueuses jouissant de propriétés essentiellement distinctes. Sans insister sur ces modifications nombreuses, je veux seule- ment faire connaître ici le rapport des plus intéressants qu'affectent les vaisseaux avec la glande qui nous occupe. J'emprunte à M. de La- caze-Duthiers les traits essentiels de sa description : «Le sang qui revient du corps rénal par un ou plusieurs troncs se dirige vers la 1 Cuvier avait décrit cet organe chez le Buccinum undatum (Mém., fig. 3, f) et chez le Colimacçon (pl. I, fig. 2, h). Eisenhardt le signala chez les Murex (Meckel, Deutsch. Archiv, VIII, p. 21, pl. 3, mm). Quoy et Gaimard l’observèrent dans les Terebra, Turbo, Voluta, Cyprea, Harpa, Dolium, Cassis, Tritonium (Voyage de l’Astrubale, Zoologie, 1832),et Carus chez les Magilus (Museum Senckenberg, If, pl. 12, {,8,h). M. H. de Lacaze-Duthiers l’a décrit chez les Aplysia depilans, fasciata et punclata, Turbo lilloralis, Trochus cinereus, Bulla lignaria, Cassidara echinophora, Purpura lapillus, Murex erinaceus et brandaris, Haliotis tuberculala et lamellosa, etc. 96 PAUL GIROD. branchie. Une veine assez volumineuse monte dans l'épaisseur du manteau parallèlement à la branchie et à l'intestin et porte le sang dans le réseau qui le distribue à l'organe de la respiration ; elle re- coitaussi le sang des parties voisines du rectum et de la partie ou marge antérieure du manteau. C'est dans cet espace limité à gauche par la branchie, à droite par le rectum, et qui présente ce réseau san- guin fortriche, que se développe la matière purpurigène.. Les in- jections poussées par une simple piqüre du bord libre du manteau remplissent ce réseau, en sorte que le sang qui sert à la sécrétion pur- purigène est à la fois simplement veineux, et veineux après avoir été épuré dans le corps rénal ou dépurateur. » Cette vascularisation si spéciale de la glande purpurigène chez les Gastéropodes m'a conduit à rechercher s'il n'existerait pas chez les Céphalopodes un organe présentant de semblables rapports avec la circulation. Des injections poussées par le vaisseau afférent de la branchie, c'est-à-dire par le prolongement de la veine cave sortant des corps fongiformes qui représentent le corps de Bojanus, amenèrent, outre l'injection des artérioles branchiales, l'injection de rameaux qui se portent en direction opposée et plongent dans la masse blanchâtre qui accompagne le bord adhérent de la branchie. Si, d'autre part, on injecte une des veines du manteau, celle qui passe en arrière du gan- glion stellatum par exemple, on voit la même masse se couvrir de capillaires. La dissection montre alors qu'un vaisseau parcourtle bord opposé à la branchie et recoit une série de veinules qui plongent dans le tissu en se dirigeant du côté de la branchie. L'injection si- multanée de ces deux sources sanguines opposées montre que le tissu de cette masse a pour base une série de branches qui aboutis- sent, les unes au vaisseau afférent de la branchie, les autres à la veine qui se réunit aux veines du manteau pour se diriger vers la veine cave correspondante. Les rameaux se divisent en capillaires extrème- mentténus, qui forment ainsi un vaste champ vasculaire. Cette dispo- silion me permet de dire, comme M. de Lacaze-Duthiers l'avait indi- qué pour la glande purpurigène, que le sang qui alimente cette masse est veineux, et veineux après avoir élé épuré par l'organe urinaire. La circulation si spéciale qui se présente sur ce point particulier m'a conduit immédiatement à une assimilation que du reste les rap- ports généraux de l'ensemble des parties semblent autoriser à éta- blir d'une manière certaine. En effet, la région où se trouvent la po- che du noir et la glande branchiale présente une topographie LA POCHE DU NOIR DES CÉPHALOPODES. 97 analogue à celle que l’on trouve au même point chez les Gastéropo- des. De chaque côté, cette région est limitée en dedans par le rectum, en dehors par la branchie. La poche du noir est accolée au rectum et s'ouvre dans l’anus en un point plus ou moins élevé sur une pa- pille terminale, présentant ainsi des rapports identiques à ceux in- diqués pour la glande anale. C’est entre le rectum et la branchie que se trouve la glande branchiale dont la distribution vasculaire vient d'être étudiée en détail. La conclusion que nous tirons de ces rapports de l'homologie de la glande anale des Gastéropodes et de la poche du noir des Cépha- _lopodes est rendue encore plus évidente par les connexions nerveuses de ces organes. Chez les Gastéropodes, c'est sous la dépendance des filets émanés du centre asymétrique que se trouvent le manteau, la branchie et les glandes qui nous occupent; chez les Céphalopodes, ces mêmes filets proviennent du ganglion viscéral ou inférieur, ganglion qui, par ses connexions, ses rapports. la distribution des filets qu'il émet, répond exactement au centre asymétrique des Gastéropodes. Si nous résumons les caractères principaux que nous avons obser- vés dans la poche du noir des Céphalopodes dibranchiaux, nous pou- vons terminer ce travail par quelques considérations sur les diffé- rences essentielles qui séparent les Octopodes des Décapodes à ce point de vue particulier. La connaissance du développement de l’organe nous permet d'éta- blir une comparaison assez juste : il semble que chez les Octopodes il y ait eu un arrêt dans la marche des modifications que subit l’or- gane : la glande s’est creusée de vacuoles et a pris le type qui la caractérise, mais le réservoir n’a pas subi l’allongement et l’'augmen- tation de calibre. De cette façon la poche a conservé ses rapports étroits avec l’orifice anal et présente une adhérence presque com- _plète de la vésicule et de la glande. Les recherches sur l'anatomie et l’histologie de l'organe nous ont permis de saisir les liens les plus étroits entre les différents Décapo- des étudiés et nous pouvons les opposer ensemble aux Octopodes. Ces derniers représentent donc un état bien inférieur dans la diffé- renciation de l'organe et forment ainsi un premier pas vers les Cépha- lopodes tétrabranches qui ne présentent pas de poche du noir, et, d'autre part, vers les Gastéropodes munis d’une glande beaucoup plus simple, qui eux-mêmes forment le passage aux Gastéropodes qui en sont dépourvus. ARCH, DE ZOOL. EXP, ET GËN:, =, X, 1889, 7 98 PAUL GIROD. ‘EXPLICATION DES PLANCHES, PLANCHE Î. Fi. 1. Poche du noir de Sepia officinalis ouverte sur sa ligne médiane anté- rieure. On voit en V la paroi qui limite la vésicule et donne insertion à la glande hémisphérique G. En 0, l’orifice qui fait communiquer la glande et le réservoir ; rv, ramifications blanchâtres qui sillonnent la membrane limite de la glande. 2, Coupe longitudinale de la glande permettant de saisir les rapports des tra- bécules #, et des aréoles a, et leurs modifications en grandeur et en di- rection, depuis l’orifice o jusqu’au sommet de la pyramide de la zone formatrice zf. 3. Préparation décrite dans la figure 1, mais observée chez Loligo vulgaris ; mêmes lettres. &, Coupe longitudinale de la poche de Loligo. V, vésicule du noir; G, glande du noir; zf, zone formatrice ; £p, zone périphérique; 0, l’orifice de la glande. 5et 6. La terminaison de la poche dansle rectum chez Loligo; m,papille sail- lante ; n, orifice de la poche ; {, lèvres qui limitent l'ouverture anale en avant et en arrière ; bb, languettes latérales; P, poche du noir ; R, rectum. 7. Disposition des parties constituantes de la poche chez Oclopus vulgaris. 8. Coupe longitudinale de la poche chez le même animal, 9, Orifice anal et terminaison de la poche chez le même. 10. Zone formatrice de la glande du Poulpe observée à un grossissement plus considérable pour montrer le passage insensible de cette zone à la zone périphérique. 11, Orifice anal et terminaison de la poche chez Sepia officinalis. 12, Partie inférieure {de la glande du noir grossie chez Loligo vulgaris. 2f, zone formatrice parsemée d’aréoles. PLANCHE II, Fic. 1. Injection des vaisseaux artériels de la poche du noir de Sepia officinalis. Face antérieure. à, aorte antérieure ; b, artère de la glande passant en arrière de la vésicule ; c, aorte antérieure poursuivant son trajet pour donner ses branches terminales v, v, v, v; d, artère de la paroi ; /d, ses rameaux descendants ; fn, celui destiné à la nodosité antérieure ; /a, ses rameaux ascendants ; /f, rameaux transverses. 2, Mème préparation, face postérieure. b, artère de la glande ; fg, rameaux glandulaires ; fs, rameaux superficiels ; r, rameau intestinal. 3, Injection veineuse, a, face antérieure ; b, veines superficielles de la paroi; fv, rameaux vésiculaires ; /C, rameaux du canal. h, Injection veineuse, Face postérieure, a, veine de la glande ; /g, rameaux glandulaires ; fs, rameaux superficiels, 5, Injection artérielle de la poche de Loligo vulgaris, a, artère de la glande traversant l’organc en ligne droite, Fig 2, 12e (PRE NS LA POCHE DU NOIR DES CÉPHALOPODES. 99 . La glande observée après ouverture de la vésicule, Injection artérielle chez Sepia officinalis. o, orifice ; f, ramifications vasculaires périphériques ; e, étoiles artérielles sur la membrane limite, PLANCHE III, Mème préparation que dans la figure 6 de la planche JI. Injection vei- neuse. Distribution des ramifications veineuses à la surface de la glande, fg, et de la vésicule, fu. . Injection artérielle chez Oclopus vulgaris, Couche superficielle. €, artère de la vésicule. Même préparation. Couche profonde. À, anus; R, rectum ; F, foie ; ch, canaux hépatiques ; P, pancréas; V, vésicule du noir; G, glande du noir ; a, artère de’ la glande; fp, ses branches pancréatiques ; fg, ses branches glandulaires ; b, artère cutanée constituant avec l’artère de la glande les terminaisons de l’aorte antérieure ; elle donne l'artère de la vésicule c. . Terminaison de l’artère de la glande près de l’orifice o ; r, ses ramifications divergentes, Injection veineuse chez Octopus, La veine a s'enfonce dans le pancréas, gagne la partie inférieure de la poche et reçoit trois ordres de rameaux : rameaux glandulaires, rg; rameaux pancréatiques, rp; rameaux hépa- tiques, rh. . Portion du trabécule injecté (ocul. 1, objectif 5, Nachet), aa, artérioles ; vv, veines ; ra, rv, ramifications artérielles et veineuses. . Coupe demi-schématique de la glande du noir injectée pour montrer la dis- tribution artérielle et veineuse, vv, troncs veineux superficiels formant un cercle veineux périphérique; aa, troncs artériels centraux ; rr, rami- fications artérielles et veineuses se distribuant dans les trabécules ; V, vésicule ; G, glande ; m, membrane limite ou capsule de la glande ; p, paroi commune. PLANCHE 1. Zone formatrice de la glande de Loligo vulgaris (ocul. 1, obj. 2, Nachet). b, centre épithélial formateur ; a, aréoles ; {, trabécules primitifs; tn, trabécules périphériques. . Une portion du trabécule grossi (ocul. 4, obj. 5), montrant la disposition des cellules épithéliales cc. b, stroma conjonctif. . Les cellules du même trabécule plus fortement grossies (ocul. 1, obj. 7). . Portion des trabécules formant le passage entre la zone formatrice et la zone périphérique chez Sepia officinalis (ocul. 1, obj. 2), a, épithélium; b, travée conjonctive. Les cellules qui tapissent le trabécule précédent (ocul. 1, obj. 7). . Ur trabécule de la zone périphérique observé à l’état frais chez Sepia offi- cinalis ; on distingue deux sortes de cellules, les unes petites, arrondies, a, a ; les autres volumineuses, saillantes, b, b (ocul, 1, obj. 5). Le même trabécule vu sur une coupe (ocul. 1, obj. 2). Les cellules qui tapissent ce trabécule observées sur une coupe longitudi- nale (ocul. 1, obj, 7), a, cellules arrondies pigmentées ; b, cellules sur- montées par une masse pigmentée, 100 PAUL GIROD. 9. Les vaisseaux dans le trabécule. à, artériole ; v, veinule; c, réseau inter- médiaire (ocul. 1, obj. 5). 10. La série des modifications que présente la cellule sécrétante dans les diverses parties de la glande. a, b, zone formatrice ; c, c, zone intermé- diaire; d, e, zone périphérique; f, noyau entouré de granulations pig- mentaires, observé dans la sécrétion (ocul. 3, obj. 7, imm.). PLANCHE V. F1G. 1. Coupe transversale de la paroi de la poche (ocul. 1, obj. 3, Nachet) mon- trant ses couches successives : 1° tunique interne : a, épithélium pavi- menteux; b, couche conjonctive. 2° tunique moyenne : C, couche ar- gentée; d, couche musculaire longitudinale ; e, couche musculaire transversale. 30 tunique externe : f, couche conjonctive ; v, v, vaisseaux (Sepia officinalis). 2, a,fibres musculaires lisses de la paroi ; b, épithélium pavimenteux pig- menté qui tapisse la face interne de la vésicule ; €, cellules de la couche argentée (iridocystes) de Sepiola Rondeleti; d, les mêmes chez Loligo; e, f, 9, les mêmes chez Sepia et Octopus (ocul. 3, obj. 7, imm.). 3. Coupe transversale au niveau de la glande terminale (ocul. 1, obj. 2). R, rectum; C, canal du noir; g,g, coupe des tubes glandulaires; 5, sphincter externe (Sepia officinalis). 4, Coupe des tubes glandulaires grossie pour montrer l’épithélium cylindri- que ec, qui les tapisse (ocul. 1, obj. 5). 5. Coupe d’une des masses latérales de Sepiola Rondelelii, montrant la glande g, la membrane argentée ma, qui la contient, et le réservoir r limité par la membrane mp. La poche, P, envoie deux prolongements en avant, pa, et en arrière, pp, de la glande. 6. Coupe de la glande (ocul. 1, obj. 5), montrant les trabécules conjonc- tifs et les deux sortes de cellules glandulaires : ec, cellules cylindriques ; cc, cellules caliciformes, 7. Les cellules glandulaires à un fort grossissement (ocul. 3, obj.7, imm.). a,a, cellules cylindriques ; b,b, cellules calicirormes, a te qe mm OBSERVATIONS SUR QUELQUES CRUSTACÉS DE LA MÉDITERRANÉE PAR LUCIEN JOLIET, Maître de conférences à la Faculté des sciences. SUR UNE TROISIÈME ESPÈCE DU GENRE LAMIPPE, ZAMIPPE DUTHIERSII, PARASITE DU PARALCYONIUM ELEGANS, M.-EDw. Un matin de décembre dernier, pendant que j'admirais un superbe échantillon de Paralcyonium elegans qui s'était épanoui dans un de mes bocaux, mon attention fut attirée par de petites masses ovoïdes et rougeâtres de la grosseur d’un très petit grain de millet, qui circu- laient dans la cavité générale de cet Alcyon. Il était très facile de les suivre à la loupe au travers de ses paroiïs transparentes. — Au pre- mier abord, je crus avoir affaire à des larves sur le point d’éclore ; d'un coup de ciseau je fendis la tige de l’Alcyon, j'y puisai avec une pipette deux ou trois de ces prétendues larves et, les ayant portées sous le microscope, je fus fort surpris de voir de petits êtres vermi- formes rampant avec énergie et cherchant inutilement sur le porte- objet quelque saillie pour accrocher deux paires d’ongles doubles et crochus. La forme générale du corps, celle de ces ongles implantés sur de courts moignons représentant des pieds rudimentaires, rappelaient beaucoup un tardigrade ; cependant, la tête portait deux paires d’an- tennes, et le corps se terminait en arrière, non pas par deux nou- veaux pieds armés d'ongles, mais par deux moignons portant quatre ou cinq fortes épines courbes, pointues et divergentes. — En somme, à part la ressemblance toute superficielle que je viens d'indiquer, l'être que j'avais sous les yeux ne pouvait guère être qu'un crustacé, mais un crustacé d’une physionomie si particulière, que je ne pou- vais le rapporter à aucune des formes de moi connues. Pensant qu'il présentait quelque intérêt, je me mis à l’étudier avec 102 LUCIEN JOLIRT. détail pendant que je le possédais vivant, puis je conservai soigneu- sement dans l'alcool tous les Paralcyonium que je pus me procurer pendant le reste de mon séjour à la Méditerranée, à la fois pour leur parasite et pour l'intérêt qu’ils offrent par eux-mêmes. De retour à Paris et ayant sous la main les renseignements biblio- graphiques qui m'avaient manqué jusque-là, je reconnus que le petit parasite qui nous occupe appartenait à un genre connu, le genre Lamippe, mais connu par deux seules espèces, décrites chacune une fois, et paraissant d’ailleurs différer de la mienne. C'est en 1858 que Bruzélius a signalé, pour la première fois, l’exis- tence, dans la cavité générale de la Pennatula rubra, d’un petit être dont il décrit et figure l'aspect extérieur sans entrer dans aucun détail au sujet de son organisation interne. Il laisse sa position indé- cise, n’osant se prononcer entre les crustacés et les acariens, et lui donne le nom de Zamippe rubra. Un peu plus tard, Claparède trouva à Naples, dans la cavité géné- rale de la Zobularia digitata, une espèce évidemment fort voisine et qu'il décrivit, en 1867, dans ses Miscellanées zoologiques, sous le nom de ZLamappe proteus, avec plus de soin que Bruzélius, lequel s’était borné à indiquer la forme et les caractères essentiels de l’espèce qu'il avait découverte. | Claparède, en effet, étudie la structure des téguments, le tube digestif, l'ovaire; reconnaît le mäle qui était passé inaperçu pour Bruzélius, figure les spèrmatophores et une partie des organes mâles. Il se prononce, en outre, nettement sur la place que doit occuper le genre Lamippe dans la classitication. C’est pour lui un crustacé, un Copépode, voisin sans doute du Polyclhinophile figuré par Hesse, Il ne fonde d’ailleurs son opinion que sur quelques caractères anatomi- ques et sur les ressemblances extérieures, et pense que l'examen de l’état jeune est surtout propre à trancher ces sortes de questions. Tels sont les seuls documents qui, à ma connaissance, aient été publiés jusqu'ici sur ce petit genre aberrant., Je dois ajouter qu’en examinant mes dessins, mon excellent maître, M. de Lacaze-Duthiers, se souvint d’avoir vu un animal semblable et retira, sous mes yeux, de ses cartons, qui contiennent une si grande somme de matériaux encore inédits, l’image fort ressemblante d’un Lamippe qu'il avait trouvé en Afrique, dans un Alcyon, et figuré incidemment au cours de ses recherches sur les Polypes. I ‘a bien voulu m'autoriser à en donner la description et j'y reviendrai un peu plus loin. QUELQUES CRUSTACÉS DE LA MÉDITERRANÉE, 103 C'est déjà beaucoup de deux mémoires sur un seul genre de crus- tacé copépode, cependant il s'en faut que tout soit connu dans son organisation, et ses formes bizarres, ses habitudes spéciales lui don- nent un intérêt particulier. C'est ce qui m'engage à ajouter à son histoire ce que j'ai pu en observer de neuf] Extérieur, — Tout d’abord, l'espèce quia fait le sujet de mes obser- vations est certainement différente de celle de Bruzélius et de celle de Claparède ; sa forme générale, ses antennes, son armature buc- cale, et surtout ses pieds à griffes, suffisent pour la distinguer de l'une et de l’autre. Comme Claparède l’a déjà observé, les Lamippes sont unisexués. La femelle, un peu plus grande que le mâle dans l’espèce qui nous occupe, s’en distingue encore extérieurement par le péritrème corné qui borde les orifices génitaux et par un rostre plus faible ; à part ces caractères, tout ce que nous allons dire de l’un des sexes s'applique à l'autre. | Vivant, le Lamippe change incessamment de forme, tantôt allon- geant tout son corps qui prend une forme cylindrique, tantôt le ramassant en boule, le courbant jusqu'à rapprocher les antennes de la queue ou le cambrant en sens inverse. Une sorte de parenchyme mou et surchargé de globules probablement graisseux, colorés en rouge doré, remplit le corps qu’il rend à peu près opaque, et semble refluer d’un point à un autre quand l’animal se contracte; aussi le plus grand diamètre du corps change-t-1l à chaque instant de position depuis la tête jusqu'à la queue. Notre espèce mériterait donc, aussi bien que celle de Claparède, le nom de Protéus, Cependant, la forme que le Lamippe affecte le plus fréquemment, la forme moyenne et typique, est celle d’un cylindre légèrement arqué et renflé vers le tiers inférieur (fig. 2). 1 L’enveloppe du corps est une mince membrane chitineuse, résis- tant parfaitement à la potasse bouillante et aux acides, et qui ne pré- sente aucune trace d'annulation permanente, mais seulement des étranglements passagers et correspondant à l’état de contraction du corps au moment où on l’observe. Les seuls accidents que présente cette enveloppe sont : les quatre antennes, le rostre, les deux paires de pieds et la fourche caudale. Antennes. — Première paire. Elle s’insère tout à fait à la partie En. de ed SN 104 LUCIEN JOLIET. antérieure et frontale de la tête ; elle est conique, effilée. La division en articles est obscure. Elle présente trois soies sur son bord extrême et deux sur le bord interne. Deuxième paire. Placée immédiatement en arrière de la précé- dente, elle se compose de quatre articles bien distincts et dont le dernier à la forme d’un ongle arqué. A la base, on trouve de cha- que côté trois épaississements de l'enveloppe chitineuse (fig. 6). Pieds. — Ge sont des moignons dont on ne reconnaît la forme que lorsqu'on les voit de profil (fig. 2 et 7). A leur base, ils portent de chaque côté une double soie rigide et dirigée en avant. La première paire est située immédiatement en arrière du rostre, la deuxième un peu plus loin. Chaque moignon est terminé par une double griffe, soutenue par des épaississements chitineux de la membrane enveloppe qui for- ment une sorte de charpente. Cette charpente est évidemment l’ho- mologue de la charpente rudimentaire que nous avons vue à la base de l’antenne de la deuxième paire, mais elle est beaucoup plus com- plexe, elle diffère légèrement aux deux paires de pieds. Première paire. Cette charpente, vue de face, est représentée figure 8. On peut la diviser en une portion basilaire et une portion appendiculaire qui supporte directement la double griffe. La portion basilaire se compose de deux pièces médianes, l’une triangulaire, l’autre en forme de T, placée au-dessus, et de quatre pièces latérales de chaque côté, savoir : une large plaque perforée en bas, une baguette arquée en haut et une baguette extérieure qui s’appuie d’une part à l'angle de la plaque inférieure et de l’autre à une petite pièce triangulaire qui est aussi en rapport avec la baguette arquée supérieure. La pièce appendiculaire est arquée, supporte la double griffe et s'appuie à la fois sur cette pièce triangulaire et sur la baguette arquée supérieure. Deuxième paire, Il n’y a qu’une pièce médiane qui est bifurquée. La pièce appendiculaire est large et courte. La baguette arquée supé- rieure et la baguette latérale extérieure se retrouvent un peu modi- fiées. Enfin, la plaque inférieure est imperforée, présente un repli marginal et envoie un prolongement rejoindre la baguette arquée supérieure. Fourche caudale. — Elle ne ressemble nullement aux pieds à griffes QUELQUES CRUSTACÉS DE LA MÉDITERRANÉE. 410$ et ne saurait, par conséquent, être comparée aux pieds postérieurs des tardigrades. L’extrémité du corps se divise en deux courts mame- lons qui se ramifient en quatre ou cinq branches arquées ressemblant à des épines. L’axe de chacune de ces épines est occupé par une ligne noirâtre que Claparède a prise pour une soie capable de faire saillie au dehors. Il m'a paru que c'était, non une soie rigide, mais un tube mou qui se déroule en effet fréquemment au dehors, en dessinant une ligne flexueuse. La base de chacun de ces tubes est en rapport avec un faisceau musculaire, comme le montre la figure 10. J’ignore complè - tement quelle est la signification de ces tubes déroulables. L'anus s'ouvre à l'extrémité du corps entre les deux branches de la fourche caudale. Les orifices génitaux sont situés, dans le mâle comme dans la femelle, au commencement du dernier tiers du corps. Dans le mâle, ils ne sont visibles que parce qu’ils correspondent à l'extrémité du spermatophore, ce sont de simples fentes ordinairement closes. Dans la femelle, au contraire, les orifices sont bordés d’un cadre chiti- neux et pourvu d'une sorte de couvercle à charnière, qui, lorsque l'animal est vivant, bat d’une manière rythmique et très singulière. Bouche et rostre. — La bouche est située entre les antennes de la deuxième paire et la première paire de pieds, et entourée d’un rostre | conformé d’une manière toute spéciale. On peut se représenter le rostre comme un cône dont la bouche n’occupe pas le sommet, mais la surface latérale inférieure (fig. 2). Le cône est appliqué suivant la ligne médiane sur la face ventrale de la tête, entre les pieds et les dernières antennes, la base en arrière, le sommet en avant; la bouche se trouve en dessous, en un point de la génératrice assez rapproché de la base. Les pièces de l’armature sont reléguées vers la base, en arrière et sur les côtés de l'orifice, et toute la partie antérieure du cône est occupée par une masse musculaire complexe qui sert à les faire mouvoir et surtout probablement à faire le vide. Les pièces de l’armature buccale me paraissent correspondre assez bien à celles que nous avons vues constituer l’un des pieds à griffe. On peut les distinguer en deux catégories : les premières forment la charpente du rostre et sont sans doute les homologues des pièces basilaires des membres, tandis que les autres représentent peut-être les parties appendiculaires. 306 LUCIEN JOLIET. La charpente du rostre se montre en effet constituée par unepièce médiane délicate en forme d’n renversé, flanquée, de chaque côté, d'une pièce large, qui est sans doute l’homologue de la plaque infé- rieure. Enfin, le rostre est limité en avant par une pièce fortement arquée qui pourrait peut-être résulter de la fusion et de l'union sur la ligne médiane des baguettes supérieures et latérales. En dedans du cadre formé par ces différentes pièkes, se trouvent les pièces masticatoires proprement dites, au nombre de deux paires, une paire inférieure en forme de stylets, et une paire supérieure en forme de palette, présentant une ou deux dentelures. Sont-ce là, malgré leur position intérieure, les homologues des griffes des pieds ambulatoires? Je le suppose sans oser l’affirmer. En arrière de tout cet ensemble de pièces, s'en trouvent deux autres très délicates et dirigées en arrière, peut-être servent-elles à la succion, [Il faudrait, pour être mieux fixé sur le fonctionnement de tout cet appareil, l'observer sur l’animal vivant ; or, il est d’une struc- ture si délicate, qu'on ne peut guère se rendre compte de sa disposi- tion qu'en le débarrassant, par la potasse, de toutes les parties envi- ronnantes qui l'obscurcissent. Il ne me reste plus, pour terminer ce qui est relatif à l'appareil tégumentaire, qu’à signaler encore un épaississement chitineux qui semble ceindre la tête au niveau du rostre. Système musculaire. — Claparède a décrit et représenté (op. cit., fig. 7) le système musculaire comme dépourvu de fibres longitudi- nales, mais seulement formé de fibres transversales unies entre elles par de courts ponts musculaires, formant un réseau à mailles qua- drangulaires. Cela peut être vrai pour le ZLamippe proleus, mais ne l’est pas, en tous’ cas, pour notre espèce, qui présente un système de bandes musculaires longitudinales très remarquable. Ces bandes, qui sont composées de fibres nettement striées, parcou- rent le corps presque d’un bout à l’autre, s’anastomosent entre elles et envoient des ramifications aux membres (fig. 2). Elles sont au nombre de trois de chaque côté. L'une, latérale, s'insère d’une part vers la base des antennes antérieures, et de l’autre se termine dans la fourche caudale ; chemin faisant, elle fournit une branche importante au pied antérieur et deux au pied postérieur. Une autre dorsale et paire s'attache aux téguments du dos au ni: veau des pieds de la deuxième paire et s’en va également se perdre QUELQUES CRUSTACÉS DE LA MÉDITERRANÉE, 107 dans la fourche caudale, vers le milieu de sa longueur elle envoie à la bande latérale une anastomose oblique. La troisième bande ventrale s'insère au-dessous du rostre et se | poursuit aussi jusqu'à la fourche caudale, Enfin, une quatrième bande, moins longue que les autres, prend | naissance, comme la première, près de la base des antennes, se brise | pour s'attacher au tégument dorsal au niveau du rostre, revient ga- gner la bande latérale au niveau de l’œilet va enfin se réunir à la | bande dorsale, Il ressort de cette description que les trois bandes musculaires prin- | cipales de chaque côté aboutissent à la fourche caudale ; là elles se | divisent en faisceaux qui sont précisément les faisceaux des soies ou tubes déroulables que nous avons vus exister dans l’axe des épines, En dehors de ce système de muscles Iongitudinaux se trouvent les | brides transversales, appliquées contre la face interne du tégument, | fines, enchevêtrées et formant un véritable feutrage. Notre Lamippe possède donc un système musculaire formé de deux plans bien distincts : une couche externe de fibres transversales et un | système interne de bandes longitudinales fortes et bien développées | qui expliquent les contractions brusques et étendues qui animent in- cessamment le corps du Lamippe vivant. Appareil digestif. — C’est un simple tube légèrement renflé en son milieu, étendu en droite ligne entre la bouche et l'anus. Il à sur le | vivant une coloration verdâtre et des parois propres assez résistantes, | car lorsqu'on comprime beaucoup l’animal, les téguments se déchi- | rent et l’on peut faire saillir presque en entier à l'extérieur le tube di- gestif aussi bien que l'ovaire. Je n'ai reconnu aucune glande annexe. Système nerveux. — Je ne sais si je dois nommer ganglion un petit épaississement réfringent visible au voisinage de l’œil, C’est tout ce que j'ai pu observer du système nerveux. Sens, — Un œil rouge impair, mais double, se voit du côté dorsal, un peu en arrière du rostre, Appareil femelle. — Je n’ai pas à revenir sur la situation et la dis- position des vulves déjà décrites. Souvent on voit attaché à ces ori- fices, à l’aide d’un pédoncule sinueux, un spermatophore. Bruzélius l'avait déjà observé. 108 LUCIEN JOLIET. A ces orifices aboutissent les ovaires et les poches copulatrices. Les poches copulatrices, qui n’ont pas encore été vues, sont deux petites poches vésiculeuses allongées, dirigées en arrière et rendues distinctes par leur aspect transparent. Elles servent probablement à emmagasiner le sperme versé par les spermatophores. Les ovaires sont deux longs culs-de-sac qui dépassent la demi-lon- gueur du corps et qui, très larges vers l’orifice, s’atténuent beaucoup au sommet. Les œufs se constituent de toutes pièces au fond du cul- de-sac ; ils sont, pendant un certain trajet, transparents et pressés les uns contre les autres de manière à ressembler à des disques em- pilés ; à mesure qu’on s’éloigne du point de production ils s’arrondis- sent et deviennent de plus en plus granulés et colorés en rouge ; les vésicule et tache germinatives sont visibles dans les œufs prêts à être pondus sur l’objet frais, et sur les autres après l’action des réactifs. Les réactifs sont d’ailleurs nécessaires pour mettre en évidence plu- sieurs détails de l’organisation, et les muscles en particulier ne sont visibles qu'après l’action de l'acide osmique ou de l'alcool. Je ne m'explique pas comment les œufs, qui sont très volumineux, peuvent sortir par les vulves garnies d’un cadre corné qui n’atteint pas même le diamètre de la vésicule germinative. Ces vulves sont-elles l’orifice spécial de la poche copulatrice, et d’autres orifices existent-ils pour la ponte dans leur voisinage? c’est ce que je ne saurais décider. Je n’en ai vu aucune trace, et il faudrait assister à la ponte pour se rendre un compte exact des faits. Appareil mâle. — Il est moins volumineux que l’appareil femelle et se compose d’une paire de culs-de-sac qui, au lieu d'être dirigés vers la tète comme les ovaires, sont dirigés vers la fourche caudale, qu'ils sont d’ailleurs loin d'atteindre. Ils se rétrécissent bientôt pour for- mer un canal déférent beaucoup plus court que HAN figuré par Cla- parède dans le Zamippe proteus. Enfin, ce canal aboutit à une poche dans laquelle est inclus le spermatophore en formation, Celui-ci se compose, comme l’a bien vu Claparède, de deux mem- branes ou vésicules incluses‘ lune dans l’autre. Cet auteur croit que la matière granuleuse renfermée dans l’espace entre les deux vésicules est le sperme. Je pense au contraire, sans pouvoir l’affirmer, mais en me fondant sur ce qui a été décrit et sur ce que j'ai vu moi-même se passer chez les Cyelopes, que le sperme est inclus dans la vésicule QUELQUES CRUSTACÉS DE LA MÉDITERRANÉE. 409 interne, d'où il s'échappe par le canal flexueux attaché à la vulve lorsque la substance extérieure, se gonflant sous l’action de l’eau, presse sur la vésicule interne qu’on voit alors se vider rapidement. L'accouplement doit avoir lieu plusieurs fois et la poche copulatrice est destinée à emmagasiner le contenu de plusieurs spermatophores. | _ Le Lamippe qui nous occupe pond ses œufs isolément sur la paroi interne de la cavité du Paralcyonium, et principalement vers l’extré- mité de ses branches, c’est-à-dire dans les polypes eux-mêmes. Dans cette situation, ils sont mieux aérés. Je n'ai pas suivi le développement dans ses détails, mais j'ai re- cueilli nombre de nauplius libres ou encore enfermés dans l’œuf. J'en ai représenté un figure 41. On voit que son corps est divisé en deux par une ligne sinueuse renfermant des granules foncés dans sa con- cavité. Il ya un œil rouge impair et volumineux et trois paires de membres ; ) Une première rame ne portant qu'une seule soie ; Une deuxième, terminée par un bouquet de soies; Une troisième qui porte deux soies. REVISION DES ESPÈCES CONNUES DU GENRE LAMIPPE, 4 Lamippe rubra, trouvée par Bruzélius dans la cavité de la Penna- tula rubra. — Antennes antérieures dépourvues de soies latérales ; Pieds à une seule griffe présentant trois petites dents à la base; Fourche caudale relativement longue et grêle ; Armature buccale très simple. 2% Lamippe proteus, trouvé par Claparède dans la cavité de la ZLobu- laria digitata. — Antennes antérieures pourvues de soies latérales et d’un petit appendice globuleux interne ; Pieds à deux griffes, avec une portion basilaire composée de deux pièces seulement ; Fourche caudale trapue, mais séparée du corps par un repli. 3° Lamippe Duthiersu, sujet de ce travail, fréquent à Menton dans la cavité du Paralcyonium elegans. — Antennes antérieures pourvues de soies latérales sans appendice globuleux interne ; Pieds à deux griffes ayec une portion basilaire composée de cinq ou six pièces ; Fourche caudale trapue en continuité avec le corps ; Je ne puis mieux faire que de dédier cette espèce à mon excellent 110 LUCIEN JOLIET. maître, qui a bien voulu enrichir cette monographie d’une observa- tion inédite. 4° Lamippe alcyonii. — Je donne provisoirement ce nom à l'espèce trouvée par M. de Lacaze-Duthiers dans les Alcvons, sur les côtes d'Afrique. Les Caractères fournis par leidessin ne sont pas suffisants pour me permettre d'en faire une espèce définitive. Elle ressemble à celle de Claparède pour l'habitat, elle en diffère . par l’absence d’appendice globuleux à l'antenne antérieure, elle res- semble à celle de Claparède et à la mienne par ses pieds à deux cro- chets. Elle en diffère par la proéminence de son rostre et par la grande longueur des épines de la fourche caudale. CONCLUSION. L'aspect arachnidien des Lamippes a frappé tous ceux qui les ont observés. Bruzélius ne sait s’il doit placer son espèce parmi les crus- tacés ou parmi les acariens. | Moi-même, quand j'ai observé pour la première fois le Lamaippe Duthiersi, j'ai cru avoir affaire à un tardigrade aberrant. Enfin je trouve en note sur le dessin de M. de Lacaze-Duthiers : « Est-ce un arachnide, est-ce un crustacé ? Ce me paraît être un crustacé, » C'est un crustacé en effet, comme l'avait déjà pensé Claparède ; ses antennes, ses orifices génitaux doubles, sa fourche caudale le mon- trent déjà et son nauplius le démontre. Mais c’est, en tout cas, un crustacé aberrant qui peut donner lieu à des interprétations semblables ; aussi ce petit genre si tranché, si ho- mogène et qui compte maintenant trois et probablement quatre es- pèces vivant toutes dans les Alcyonnaires, mériterait-il, à mon avis, de: former à lui seul un groupe spécial, celui des Zamippiens, et de fi- eurer dans les classifications comme l'une des familles qui constituent le sous-ordre des Copépodes parasites, sous-ordre auquel il semble bien appartenir par son rostre, son nauplius et ses habitudes, et dont les cadres, comme le fait remarquer Claparède, sont si élastiques, grâce au polymorphisme étonnant qui y règne, qu'ils se prêtent faci- lement à l'introduction de formes nouvelles, QUELQUES CRUSTACÉS DE LA MÉDITERRANÉE. 111 ; BIBLIOGRAPHIE, Bruzécius, Ueber cinen in der Pennatula rubra lebenden schuarolzer Lamippe rubra (Archio für Naturgesch., XXV, 1859, p. 286, et OEfversigt af k. Vet. Akad. Forhandl., av. 1858, n°3, p. 181). CLAPAnRËDE, Observ. sur le Lamippe (Ann. sc. nal., 5° série, t. VII, 1867, 93). mme tt EXPLICATION DE LA PLANCHE. Fic. 4. Animal vu à un faible grossissement pendant qu’il rampe sur Île porte. objet. a,, antenne, première paire ; 43, deuxième paire ; 4, pied, première paire ; p2, deuxième paire ; fc, fourche caudale. 2, Animal vu de profil. Un peu cambré en arrière et montrant la disposilion du système musculaire. 3. Animal (femelle) vu par la face ventrale. &;, @, antennes; p4, Pa, pieds; an, anus; v, vulve ; ov, ovaire; t, tube digestif; sp, spermatophore. &. Partie postérieure du mâle. ft, testicule; sp, spermatophore. : 5. Poches copulatrices très grossies, montrant le cadre corné des vulves et la charnière c du couvercle. . Partie antérieure de la tête et rostre vus de face, . Rostre vu de profil, mm, masse musculaire ; b, orifice buccal. , Charpente des pieds antérieurs. . Charpente des pieds postérieurs. 10. Fourche caudale avec ies épines et les soies. 11. Nauplius. © OO I SUR L'USAGE DES PIEDS DORSAUX CHEZ LES CRUSTACÉS NOTOPODES. Depuis longtemps on sait que les Dromies, surtout dans le jeune âge, se cachent sous une sorte de carapace artificielle formée par une éponge ou un alcyon qu’elles maintiennent sur leur dos à l’aide de leurs pieds postérieurs relevés à cet effet et armés d'ongles aigus. — Le fait est indiqué dans tous les ouvrages qui traitent de ces animaux, et vraiment il mérite de l’être, car les Dromies parviennent par ce moyen à se déguiser admirablement. Surtout quand il est au repos, rien ne ressemble moins à un crabe que l’animal ainsi encapuchonné, L'hiver dernier, étant au bord de la Méditerranée, j’eus l’occasion de conserver vivant un individu de cette espèce et d’en observer les 412 LUCIEN JOLIET. mœæurs. 11 était exactement emboîté dans une colonie d’ascidies com- posées qui ne lui était d'ailleurs en aucune façon adhérente, mais se moulait sur sa carapace de façon à déborder un peu en avant du front et à recouvrir les hanches des six pieds antérieurs et les quatre pieds postérieurs en entier. En dessous, les pinces et les deux paires de pieds suivantes, angu- leuses et couvertes de villosités molles, se repliaient si exactement dans les dépressions correspondantes du plastron, et s’appliquaient si parfaitement l’une derrière l’autre, que l’ensemble ne ressemblait à rien rappelant un être vivant, mais plutôt à quelque vieille coquille enduite de vase, ou à quelque morceau de souche d’algue ou de zostère qu'aurait recouvert une ascidie composée. J'y fus trompé au premier abord et ne m’aperçus de la réalité qu'en voyant après quelques moments de repos mon ascidie composée se mettre en marche dans la cuvette où je l’avais placée. Les deux paires de pieds postérieurs sont, comme on le sait, relevés sur le dos, et c’est surtout la dernière qui, en enfonçant son cngle dans l’ascidien, le maintient en place. | Bell (Brit. stalk. eyed Crustacea) semble croire que le corps étran- ger adhère à la carapace et rend immobiles les pieds postérieurs. Il n’en est rien, j'ai plusieurs fois enlevé ou déplacé cette carapace ad- ventive ettoujours ma Dromie s’est empressée d’en reprendre posses- sion et de faire agir ses pieds dorsaux de façon à la remettre en place et à la fixer de nouveau en appuyant contre son front le bourrelet antérieur, Ce ne sont là assurément que des observations de détail et qui ne font que confirmer une fois de plus un fait bien connu; mais ce qui me parut intéressant, ce fut de voir, quelques jours après cette pre- mière observation, un autre crustacé qui porte également les pieds postérieurs relevés sur le dos, un dorippien, se comporter d'une ma- nière analogue et saisir avec ces appendices différents corps pour s'en couvrir, — Comme des faits de cette nature, bien que déjà entrevus chez les Dorippes, ne me paraissent pas avoir encore été décrits d’une manière précise, j'ai pensé qu'il n’était peut-être pas inutile d'en donner un exemple et de rattacher ensemble les observations qui ont été faites sur ce sujet, d'autant plus que ces observations sont en général anciennes et ne sont guère mentionnées dans les ouvrages modernes. M. le professeur H, Milne-Edwards qui, dans son #istoire naturelle QUELQUES CRUSTACÉS DE LA MÉDITERRANÉE. 113 des Crustacés (1837), mentionne les faits connus relativement aux mœurs des Dromies, n'indique rien de semblable au sujet des Dorip- piens; il dit simplement que «les pattes postérieures, plus petites que les précédentes, se terminent en général par un article crochu disposé de manière à pouvoir agir comme organe de préhension. » Heller, dans sa nomenclature descriptive des Crustacés de l'Europe méridionale (Dee Crustaceen des südl. Europa, Wien, 1863), dit, au sujet des Dromies, qu’«elles sont souvent totalement recouvertes par le Suberites domuncula.» À propos des Dorippiens qu’il décrit, il ne parle de rien d’analogue. | Schmarda, dans sa Zoologie (Wien, 1877), parle également des habi- tudes des Dromies, mais non de celles des Dorippes. Lamarck (Hist. nat. des an. s. verr., t. VIIT, p. 446, 1838) est le pre- mier, en remontant vers le passé, qui parle des mœurs des animaux qui nous occupent : « Il paraît, dit-il, que les Dorippes ont des habitudes particulières. | On croit qu'ils cachent leur corps dans le sable, et comme leurs pattes ‘postérieures sont dorsales, relevées et terminées par un crochet, on | suppose qu'ils saisissent par leur moyen, soit leur proie, soit quelques corps propres à les garantir des dangers. » Je l’ai dit, ce sont les anciens auteurs, ceux surtout qui ont longue- | ment étudié les animaux vivants, qu’il faut consulter pour avoir sur le sujet qui nous intéresse, sinon des observations précises, au moins | des notions et des suppositions qui se rapprochent beaucoup de la vérité. Ainsi, dans son histoire des Crustacés de la Méditerranée, publiée | en 1828, Roux s exprime sur ce sujet de la manière suivante : « Malgré la ressemblance que présentent les deux pattes postérieures des Dorippes avec celles des Dromies, 7e n'ai jamais eu occasion de voir qu’à l'exemple de ces dernières, elles couvrissent leur corps avec des alcyons, des éponges ou autres zoophytes. Peut-être abandonnent- elles leur bouclier protecteur à l'instant où on les retire de l’eau. Cepen- | dant les Dromies qu’on rencontre en étant pourvues le conservent sur leur dos et s’y blottissent au moment du danger. Je serais plutôt disposé à penser que l’aplatissement de leur carapace leur permettant de se glisser sous bien des corps, elles se contentent de se cacher en | ramenant et retenant sur leur tête, avec leurs pattes, les débris de | plantes marines et la vase des lieux où elles se tiennent en embuscade. | « Dorippe lanata.— Cette espèce présente plusieurs éminences dont ARÇU, DE ZO0OL, EXP, ET GÉN, = T, x, 1882, ) | 114 LUCIEN JOLIET. la bizarre disposition donne au test l'apparence d'une figure humaine: c'est cette ressemblance qui lui a fait imposer le nom de facchino par les pêcheurs italiens; ceux de la Provence le nomment #asquo. « £thusa mascarone. — Gette espèce relève avec facilité ses deux pattes postérieures qu’elle agile dans tous les sens avec assez de vi- vacité. « Elle vit dans les moyennes profondeurs; selon M. Risso, je la crois, au contraire, habitante des régions rocailleuses et profondes. « De même que les Dorippes elle doit avoir l'habitude de se servir de ses pattes postérieures pour se couvrir le dos de débris marins et échapper aux regards de ses ennemis ou se cacher pour surprendre une proie. » Enfin Bosc, cité par Latreille (Latr., Host. nat. des Crust.,t. V, p. 193, 1803), s'approche tout à fait de la vérité quand il dit : « On présume que cette organisation des Dorippes (les pieds posté- rieurs sur le dos) leur donne des habitudes différentes des autres crustacés, et, en effet, le peu que nous savons de leurs mœurs constate que, comme les Dromies, ils portent continuellement sur leur dos des corps étrangers, tels que valves de bivalves et peut-être des fucus, des éponges, des coralines, au moyen desquels ils sont cachés aux yeux de leurs ennemis et à ceux des animaux dont ils font leur pâture. « Tantôt ces boucliers ambulants sont immédiatement appliqués sur le dos même de l'animal, tantôt ils en sont à une certaine distance, mais toujoursils sont fortement soutenus par leurs pattes postérieures au moyen des crochets dont ils sont armés. — On n'a aucune notion particulière sur les lieux qu'habitent de préférence les Dorippes, mais la faculté que la nature leur a donnée de se cacher sous un toit por- tabf indique qu'ils n’ont pas besoin d’habiter les côtes rocailleuses, qu'ils peuvent, sans inconvénients, parcourir les plages sablonneuses où ils ont moins de concurrents parmi les autres crustacés. » (Bosc, Hist, nat. des Crustacés comprenant leur description et leur mœurs, édit, Déterville, 18092, p. 206). Pourquoi les données si explicites de Bose n'ont-elles pas été repro- duites depuis ? Pourquoi Roux, vingt-six ans après, n’exprime-t-il qu'avec des doutes des opinions semblables ? Pourquoi Lamarck, dix ans après Roux, parle-t-il encore avec plus de vague? Pourquoi, enfin, les auteurs modernes négligent-ils même d'en parler ? Peut- être les observations de Bosc ont-elles paru trop peu précises, ou ses explications un peu aventurées ? QUELQUES CRUSTACÉS DE LA MÉDITERRANÉE. 11 Quoi qu’il en soit, bien qu’à l’époque où je les ai faites, en l'absence de documents spéciaux, j'ignorasse absolument les travaux que je viens de citer, si mes observations ne sont pas neuves, elles auront. au moins le mérite de rendre justice à Bose et à Roux et d'apporter leur appoint à une question qui, d’après les documents mêmes ici énoncés, me paraît encore en litige. C'est un Dorippien assez rare sur nos côtes, l’£'fhusa mascarone de Roux, que j'ai eu à diverses reprises l’occasion d'étudier; les pê- cheurs men ont en tout rapporté, pendant mon séjour à Menton, cinq exemplaires; et puisque Roux, Bose et Risso paraissent ne pas s'entendre sur l'habitat de ces animaux, je puis dire qu'ils avaient tous été pris sur les fonds biancs, c’est-à-dire sur la vase, à une pro- fondeur variant de 25 à 45 mètres. Is vivaient assez bien dans mes cuvettes, où je les plaçais souvent avec d’autres animaux. Un matin, je trouvai une de mes Ethuses por- tant sur son dos un crabe de plus petite taille appartenant au genre Pisa. Je pensai que ce dernier, d’allures lentes, était monté sur le dos du premier peut-être dans un but hostüle, et je l’enlevai non sans quelque peine, car l'Ethuse avait enfoncé les ongles de ses pieds pos- térieurs dans le velu du corps de la Pisa et dans l'intervalle des hanches. Je plaçai l’Ethuse dans une autre cuvette avec divers objets. Etant revenu quelques heures après, je la vis promenant sur son dos un groupe de trois Ascidia sanguinolenta réunies sur un fragment de zostère. Cette fois, il n'y avait pas de doute, e’était bien elle qui te- nait les ascidies, et elle les maintenait en effet avec les crochets de ses pattes postérieures enfoncées dans leur substance. J’enlevai les | ascidies ; un quart d'heure après, elles étaient remplacées par un pa- quet de Paralcyonium elegans maintenu de la même manière sur le dos, qu'ils recouvraient complètement à l’aide des ongles aigus des deux paires de pattes postérieures. Plusieurs fois, avec d’autres Ethuses, l'expérience s’est répétée sous mes yeux, variée suivant les animaux que contenaient mes cu- | vettes et dont ces crustacés s’emparaient indifféremment. Ascidies, | Alcyons, tout leur était bon, et elles s’agitaient jusqu’à ce qu'elles | eussent trouvé à saisir quelque ES ce qui paraît être pour elles un | véritable besoin. I n’y a donc pas de doute, les assertions de Bosc sont parfaitement fondées en ce qui concerne l’Ethuse; cet animal porte perpétuelle- 116 LUCIEN JOLIET. ment sur son dos quelque objet propre à le cacher soit aux yeux de ses ennemis, soit à ceux de sa proie. Bien que je n’aie pas observé vivant de Dorippe proprement dit, je ne doute pas qu’il n’ait les mêmes habitudes. Roux, on l’a vu plus haut, pense que les pêcheurs italiens lui ont donné le nom de facchino, à cause de l'apparence d'une figure humaine que présente son test ; il a vu une certaine analogie entre le mot facchino et ceux de face, facies. Mais c’est une analogie trompeuse, et le mot fac- chino signifie tout simplement portefaix, et est très éloquent dans le cas qui nous occupe, car il prouve bien clairement que les mœurs des Dorippes n'ont pas échappé aux pêcheurs italiens. Il est donc bien avéré que c’est une habitude générale chez les Crustacés qu'on a souvent désignés sous le nom de Notopodes, de se dissimuler sous divers objets, soit qu'ils les prennent au hasard pour les remplacer un peu plus tard, comme font les Dorippes, soit qu’ils les conservent à demeure, comme font les jeunes Dromies sur la” forme et sur l'accroissement desquelles semble se régler l'animal qui leur sert de couvercle et d’abri. Bien que par leur structure anatomique les Dromies et les Dorip- piens apparliennent à des divisions un peu différentes, cette habi- tude commune est certainement un lien entre eux. Il est, en tout cas, vraiment intéressant d'observer comment Île même but : se cacher aux yeux de l'ennemi et aux yeux de la proie, est atteint à l’aide de moyens différents par des crustacés apparte- nant à des sections très éloignées, mais qui présentent ce caractère commun d'être lourds et mauvais marcheurs, de comparer à ce point de vue les Notopodes et les Maïens. Ces derniers sont généralement lourds et peu agiles, si on les com- pare aux Carcins ou aux Portunes. Ils sont généralement bien dé- fendus par leur forte carapace; mais, incapables de poursuivre leur proie, ils suppléent à cette imperfection en se dissimulant si bien, qu'ils la surprennent ou la prennent au piège. Bien que ces faits soient bien connus, on ne peut pas souvent ne pas s'étonner de la variété d’objets qui peuvent recouvrir une carapace de Maïa, de Pisa ou autres genres. Cette carapace déjà rugueuse, bossuée et villeuse au point de ressembler bien peu à un objet vivant, semble en outre être un lieu d'élection pour les Algues, les Alcyons, les Eponges, les Ascidies, les Bryozoaires de toutes sortes qui s'y attachent et y pros- pèrent au point de former une sorte de jardin et de ménagerie atu- QUELQUES CRUSTACÉS DE LA MÉDITERRANÉE. 417 bulante ; ces crabes m'ont souvent fourni des espèces de flustres et de bugules que je ne rencontrais pas aussi facilement sur d'autres COrps sous-marins. Pourquoi cette carapace semble-t-elle attirer les spores ou les em- bryons ? Est-ce seulement parce qu’elle est à peu près immobile ? mais les coquilles d’huîtres ou les simples pierres ne fournissent cer- tainement pas souvent une si complète collection &’objets pour si peu de surface. Il y a là sans doute des conditions particulières qu’il se- rait intéressant de rechercher. La nature rugueuse du test est-elle la principale cause de ce fait, le crabe a-t-il l'instinct de se tenir au voisinage de certaines algues et de certains animaux au moment de l'émission des spores et des larves? je l’ignore; mais le fait est incon- testé. Cette carapace ainsi couverte est un admirable trompe-lœil. Les Notopodes ne sont pas beaucoup mieux partagés que les Maïens sous le rapport de la locomotion; les Dromies, malgré le sens éty- mologique de leur nom, ont des pattes courtes et marchent assez lentement, les Ethuses ont des pattes fort longues, mais disposées à plat et terminées par un dernier article long, courbé et dirigé en ar- rière, qui est plus apte à leur servir à s’accrocher qu’à marcher ; aussi les Ethuses marchent-elles lentement et gauchement. Les mêmes difficultés dans la poursuite de la proie les arrêteraient. Pour des raisons que j'ignore, leur carapace, pourtant villeuse et quel- quefois bossuée (Dorippe), ne porte jamais aucun parasite adhérent et je ne vois pas cependant, je l'avoue, pourquoi ces derniers n'y prospéreraient pas aussi bien que sur les Pises. En tout cas, siles corps étrangers ne viennent pas d'eux-mêmes se fixer sur leur carapace pour les protéger, les Notopodes, on l’a vu, se chargent de les y fixer et de les y retenir de force. On ne peut mieux les comparer en cela qu'à ces Indiens qui se couvrent d’une peau de daim pour aller en chasse. a ———— —— ——— 118 LUCIEN JOLIET, UN EXEMPLE DE MIMÉTISME : PONTONIA DIAZONA (SP. NOY.). Les Diazona sont assez abondants à Menton. Fréquemment les pêcheurs au tartanon m'apporlaient ces belles et volumineuses masses formées d’une sorte de gelée transparente et ferme, la tunique commune, empâtant de nombreuses ascidies au thorax vivement coloré en jaune d’ocre brillant et pur, aux orifices finement lisérés de blanc. Ayant placé une de ces masses dans un de mes vases pour la faire vivre, et l’ayant quelque temps après retournée à l’aide d’un tube de verre, je fus étonné de voir s'enfuir et nager activement une sorte de petite crevette, qui avait été sans doute heurtée par mon instru- ment, Comment se trouvait-elle dans ce vase quine contenait d’abord que de l’eau pure, et où je n’avais plongé que mon seul morceau de Diazona, laissé auparavant à sec pendant quelque temps? Comment cette crevette avait-elle échappé à mon attention ? Je me l’expliquai facilement en l’examinant de plus près. Je ne la voyais à distance que par le mouvement qu’elle imprimait à l’eau en nageant, Elle était d’une transparence si parfaite que, même de près, au repos, on ne la distinguait dans l’eau que grâce aux mou- chetures jaunes qui parsemaient son corps. Laissée à elle-même, elle revint rapidement se rétablir sur le Diazona, et là les parties transparentes de son corps se confondaient si bien avec la gelée hyaline de la colonie, les taches jaunes dont son thorax, son abdomen et ses pinces étaient marqués, s'harmonisant si parfaitement par leur teinte avec les taches jaunes formées par les ascidies elles-mêmes, qu'il n'était plus possible de s'apercevoir de sa présence que quand elle remuait ou quand on savait par avance où la chercher. Je pris la colonie de Diazona et la sortis de l’eau ; mon crustacé y resta cramponné.lJ’en fis l'expérience à diversesreprises,iln’abandon- nait son séjour de prédilection que par force et lorsqu'on l’en sé- parait. Je le plaçai à part pendant quelque temps dans un bocal, il s’y agita très activement, et lorsque je le remis dans le premier vase, il alla immédiatement reprendre sa position habituelle sur l’ascidie, QUELQUES CRUSTACÉS DE LA MÉDITERRANÉE. 119 de préférence à tout autre objet que j'y pus placer en même temps. Il est probable qu'il vit habituellement sur le Diazona, rappelant, en cela, les mœurs de la Pontonie tyrrhénienne qui vit en commen- sale entre les valves de la Pinne marine. C'est, en effet, au genre Pontonie que me paraît devoir être rap- porté le petit crustacé qui nous occupe, mais il diffère par quelques détails et particulièrement par sa couleur de la Pontonia tyrrhena, la seule qui soit signalée comme habitant la Méditerranée, tant dans l’ouvrage général de M. Milne-Edwards sur les Crustacés, que dans celui de Heller sur les Podophthalmes de l’Europe méridionale. Occupé, au moment où je l’observai, d’autres recherches, et n'ayant pu le faire vivre qu'un ou deux jours, j'eus le tort de ne le point dessiner et colorier vivant, comptant trop sur ce que peut four- nir un individu conservé ; je pensais retrouver plus tard, marquée sur son test, au moins la forme des taches, et me bornaï à en prendre la teinte, qui est d’ailleurs identique à celle du thorax des Diazona. Malheureusement tout a disparu dans l'alcool, et plutôt que de don- ner un dessin de mémoire, je préfère attendre une occasion nouvelle et me borner, pour le moment, à citer le fait et énoncer les carac- tères sur lesquels je fonde ma diagnose, et que me fournit l’échan- lillon conservé. Rostre court, un peu infléchi vers le bas, déprimé dans le sens dorso-ventral. Yeux à découvert. Antennes de la première paire, courtes, terminées par deux fila- ments dont l’un, le plus épais, est bifide à l’extrémité. Antennes de Ja deuxième paire à appendice lamelleux ovale. Pieds-mâchoires formés d’un article lamelleux allongé, supportant deux courts articles cylindriques ; en dehors, un exognathiste styli- forme. Première paire de pieds didactyles, mais très grêles. Deuxième paire de pieds didactyles, très gros et inégaux. La pince gauche deux ou trois fois aussi forte que la droite. Les trois paires de pieds qui suivent, monodactyles. l'ous ces caractères sont ceux du genre Pontonie. L'espèce qui nous occupe se distingue de la Pontonia tyrrhena par les caractères suivants : L'exognathite du pied-mächoire externe n’atteint pas l'extrémité de l’article lamelleux qu'il dépasse dans la Pontonria tyrrhena. 120 LUCIEN JOLIET. Les pinces de la première paire de pieds sont plus allongées que dans cette dernière espèce, telle qu’elle est figurée par Heller. Enfin, la couleur est d’un rose tendre, uniforme dans la Pontonia tyrrhena. Notre Pontonie est maculée de jaune vif, et ailleurs, le test est d’une transparence de cristal, si bien qu’on distingue au tra- vers tous les muscles et les organes superficiels, et qu’au travers des pinces on peut voir des objets, tels que le fond du vase où l’animal est placé. Cette espèceest donc probablement nouvelle ; à cause de ses mœurs, nous l’appellerons Pontonia Diazone. Je n’ai pu voir si elle se nourrit aux dépens de l’ascidie, si elle se conduit vis-à-vis d’elle en parasite ou en commensale, mais je serais plutôt porté à admettre cette dernière opinion et à penser qu’elle ne trouve là qu'un ensemble de conditions, nourriture, habitat et refuge qui lui conviennent. On ne peut tirer de conclusions bien certaines d'une seule observation ; si, comme je le crois, ce petit crustacé n’est pas décrit, j'appelle l'attention de ceux qui trouveront la Diazona sur sa Pontonie. En tous cas sa couleur, si bien appropriée à l’objet sur lequel elle m’a paru se plaire à demeurer, constitue, sans aucun doute, pour elle une protection efficace, et offre un nouvel exemple, et non des moins frappants, des faits que l’on désigne sous le nom général de mimétisme. er + nn ANATOMIE ET DÉVELOPPEMENT DES OPHIURES PAR NICOLAS CHRISTO-APOSTOLIDÈS Licencié ès sciences naturelles de la Faculté de Paris. INTRODUCTION. La comparaison des animaux voisins conduisant à la connaissance des types divers, et suivie du rapprochement de ces types pour arri- | ver, dans un ordre d'idées plus élevé, par l'appréciation des faits ac- | quis, à la découverte d’un plan général des lois de la nature, tel est le but vraiment philosophique auquel doit tendre de nos jours la | zoologie. Depuis que dans la science règne cette tendance fort louable de très nombreux travaux de morphologie ont paru sur presque tous les groupes importants du règne animal. L'un d'eux, qui n'est pas le moins intéressant, a depuis quelques années attiré particulièrement l'attention des zoologistes. Ce groupe est celui des Echinodermes, qui se prête si bien aux considérations de morphologie générale. Mais si l’on s’est attaché, en les comparant, à rechercher le lien qui unit les divisions si nettes, si distinctes des Holothuries, des Oursins et des Etoiles de mer, il faut bien le dire, à ne considérer que la va- leur relative des travaux morphologiques, les Ophiures occupent le dernier rang. Cependant, l'importance de cet ordre, au point de vue que nous envisageons ici, est du plus haut intérêt, et lorsqu'on veut, à l’aide de travaux publiés sur lui, concevoir son plan morphologique, on éprouve les plus grandes difficultés, difficultés qui tiennent surtout à ce que l'on manque des connaissances anatomiques détaillées et spé- ciales nécessaires. Or, on ne peut songer à entreprendre avec succès la comparaison el l'étude morphologique des Ophiures qu'après avoir acquis des ré- sultats précis et définitifs sur leur organisation. 122 NICOLAS CHRISTO-APOSTOLIDES. Guidé par les conseils de notre excellent maître M. H. de Lacaze- Duthiers, nous avons entrepris une monographie organographique de cet ordre, en nous attachant à des études exclusives d'anatomie, de physiologie et d'embryogénie indépendantes d'abord de toute comparaison. Nos recherches ont porté, sauf quelques exceptions, sur des ani- maux vivants, et nous sommes heureux de dire que, si nous avons pu arriver à quelques résultats nouveaux, c'est grâce à l'abondance de ressources qu'offrent aux travailleurs les laboratoires de zoologie expérimentale de Roscoff et de la Sorbonne, dans lesquels ont été faites ces recherches. Grâce à l'installation des laboratoires au bord de la mer, où nous avons longuement séjourné, nous avons pu observer aussi complè- tement que possible les mœurs des animaux qui ont servi à nos études. Et pour arriver à des résultats plus généraux nous avons en- trepris pendant l'hiver 1880 et 1881 un voyage aux bords de la Médi- terranée, voulant ainsi compléter nos observations sur des animaux vivant dans des conditions très différentes de celles qu'offre l'Océan. Le tribut que nous apportons à l'histoire de la science est certai- nement bien faible; ce que nous souhaitons, c'est que cet essai en histoire naturelle puisse être considéré comme une A à nos études dans l'avenir. HISTORIQUE. Nous serons extrêmement bref sur ce point. Gomme nous venons de le dire, peu d'ouvrages concernent spécialement les Ophiures. C'est toujours dans les traités d'anatomie comparée que l’on rencontre les traits généraux de leur organisation. Nous résumerons les mémoires récents, en renvoyant le lecteur, pour une bibliographie complète, à la belle monographie des Ophiu- rides et Astrophytides de M. Théodore Lyman!, où l'on trouvera les noms des ouvrages et des auteurs qui ont traité des Ophiures, cités avec un soin qui ne laisse rien à désirer. Une répétition de ce cata- logue nous paraît inutile. Nous nous bornerons donc à citer les ou- vrages récents parus depuis celui-là. 1 Jllustraled Catalogue of the Museum of Comparative Zoology, at Harward College, Cambridge, 1865, et Suppl., 1871, ANATOMIE ET DÉVELOPPEMENT DES OPHIURES. 123 Carpenter Herbert, The minute Anatomy of the Brachiate Echinoderms (The Quarterly Journal, April 1881, p. 169-193, pl. XI-XII), Lange W. Beitray zur Anatomie und Histologie der Asterien und Ophiuren (Morphol. Jahrb., Band 1F, 1876, p. 241-286, pl. XV-X VIH). Ludwig Hubert, Beiträge zur Anatomie der Ophiuren (Zeitschr. f[. wiss. Zool., Band XXXI, p. 346-394, pl. XXIV-XXXIIT). Ludwig Hubert, Neue Beilräge zur Anatomie der Ophiuren (Zeülschr. f. wiss. Zool., Band, XXXIV, p. 333-3865, pl. XIV-XVI). Simroth H., Anatomie und Schizogonie der Ophiactis virens Sars (Zeitsch. f. wiss. Zool., Band XX VII, p. 417-485 et p. 555-560, pl. XXXI-XXX V). Simroth H., Zeëtschr. f. wiss. Zool., Band XXVI!, p. 419-526, pl. XXII- XX V. Teuscher R., Beilräge, ete. Ophiuridæ (Jenaisch. Zeitschr., Band X, p. 263- 280, pl. VIII). : Dans l’ordre chronologique les mémoires de MM. Simroth, Lange et Teuscher ont paru presque à la même époque. — Le premier mé- moire de M. Ludwig a suivi de près ces derniers : le second parut pendant le cours même de nos recherches. Celui de M, Carpenter n'est qu'un simple résumé des faits nou- veaux signalés par les auteurs cités et fait pour mettre au courant de ces questions le public anglais. Ainsi nous n'avons à porter notre attention que sur quatre mé- moires. Le titre indique quel était le but de l'étude de M. H. Simroth, Les genres d'Ophiures à six bras, auxquels appartient l'Ophiactis virens qui lui à servi de type, possèdent la faculté de se couper en deux, chaque partie à son tour devient un animal complet. À ce point de vue, l'étude paraît être extrêmement intéressante, mais comme étude d'ensemble le sujet est mal choisi. Ges animaux ne vivant pas dans nos mers, l'observation ne peut se faire que sur des animaux conservés. Se faire une idée de l'organisme, examiner le mode de la distribu- tion des vaisseaux, la nutrition, sur des sujets morts et mal conser- vés, nous paraît impossible. Pourtant M. Simroth nous a donné dans son travail beaucoup d'observations, dont nous nous plaisons à re- connaitre la justesse et à admirer la précision. Plusieurs fois nous aurons recours à ses figures pour servir de preuves à nos propres observations, étant donné qu'on peut en tirer les véritables interpré- tations de beaucoup de points dont l'éloignait l’idée prédominante qui le guidait, 124 NICOLAS CHRISTO-APOSTOLIDES. Le mémoire de M. Lange traitant spécialement de la structure des tissus, son analyse trouvera mieux sa place dans le courant du travail. | M. R. Teuscher, dans son étude sur la morphologie générale des Echinodermes, a consacré quelques pages à l’organisation des Ophiu-. res. Il n'a touché que très succinctement au sujet, c'est-à-dire autant 1 que cela lui était nécessaire pour son étude particulière; il à eu re-- cours exclusivement à des animaux conservés, et son mode d'étude méritera en {temps et lieu une mention particulière pour l'originalité des procédés mis en usage. Nous arrivons aux travaux de M. H. Ludwig, qui, en raison de leur « date récente, contiennent une discussion complète des travaux les plus modernes, et en même temps un ensemble de faits nouveaux. L'ensemble de son étude sur les Ophiures présente deux points importants. Le premier est la découverte d'organes particuliers, aux- quels il donna le nom de bourses, et qu'il décrivit tout en ayant un léger soupcon de leur véritable signification comme complément des organes de la génération qui souvent sont attachés sur elles. Le second point, c'est un schéma théorique de la circulation des Ophiures, dans laquelle un rôle important est dévolu à l'organe piri- forme souvent appelé cœur, et qui est situé sur le parcours du canal du sable. M. Ludwig !, comme lui-même le déclare dans ses deux mémoires, a observé un grand nombre d'Ophiures, grâce à sa position de direc- teur du musée d'histoire naturelle de Brême, mais tous ses échan- üllons étaient conservés dans l'alcool. Nous ne prétendons pas par cette très courte analyse donner une idée exacte des travaux de nos prédécesseurs. Nous voulons seule- ment obéir à l'habitude consacrée par les différents auteurs qui ont écrit avant nous. C'est surtout au courant de notre travail que nous reprendrons point par point la discussion des parties litigieuses. Au reste une analyse aussi complète que possible ne pourrait don- ner une idée exacte des différences de vues entre les travaux anté- rieurs et celui que nous présentons sans connaitre préalablement ce dernier. t Loc. ‘cils, pb. 866: 1852 1860 1828. 1835. 1841. 4842. 1856. ANATOMIE ET DÉVELOPPEMENT DES OPHIURES. 195 LISTE DES ANIMAUX ÉTUDIÉS ET LEUR SYNONYMIE. OPHIOGLYPHA LACERTOSA (LYMAN). .… Stella lacertosa, Linck. De Stel. Mar., pl. ILE, fig. 4, p. 41. . Ophiura texturata, Lamk. Hist. anim. s. vert. II, p. 542. . Ophiura texturata, Forbes. Brit. Starfishes, p. 22. .… Ophiura texturata, Lütken. Addit. ad Hist. Oph., p. 36. . Ophioglypha lacertosa, Lyman. Ophiurid. and Astrophy., p. 40. OPHIOGLYPHA ALBIDA (LYMAN). . Ophiura texturala, minor albida, Lamk. Hist. anim. s. vert., IL, p. 542. . Ophiura albida, Forbes. Wern. Trans., VILL, p. 125. . Ophiura albida, Forbes. Brit. Starfishes, p. 27. . Ophiura albida, Lütken. Addit. and Hist. Oph., p. 39. .… Ophioglypha albida, Lyman. Ophiur. and Astrop., p. 49. OPHIOCOMA NIGRA (MULL. ET TROSCH.). . Asterias nigra, O.-F. Müll. Zoo!. Dan., pl. XCHIL. .… Ophiocoma granulata, Forbes. Brit. Starfishes, p. 50. 2. Ophiocoma nigra, Müll. et Troch. System. der Asterien, p. 100. . Ophiocoma nigra, Lyman, Ophiur. and Astrop., p. 81. AMPHIURA FILIFORMIS (FORBES). .… Asterias filiformis, O.-F. Müll. Zoo!. Dan. Prodr. . Ophiura filiformis, Lamk. Hist. anim. s. vert, If, p. 546. . Amphiura filiformis, Forbes. Linn. Trans., XIX, p. 151. .… Ophiolepis filiformis, Müll. et Trosch. Syst. Asteriden, p. 94. .… Amphiura filiformis, Lyman. Ophiur. and Astroph., p. 116. AMPHIURA SQUAMATA (SARS). Asterias squamala, Delle Chiaje. Memorie, HT, p. és Ophiuran eglecta, Johnston. Mag. Nat. Hist., p. 467. Ophiocoma meglecta, Forbes. Brit. Starfishes, p. 30. Ophiolepis squamata, Müll. et Troch. Syst. Asteriden, p. 92. Ophiolepis (Amphiura) squamata, Sars. Middelhav. Lit. Fauna, NW, p. 84. Ophiolepis lenuis, Ayres. Proceed. Boston. Soc. Nat. Hist., IV, p. 133. Amphiura tenuis, Lyman. Proceed. Boston. Soc. Nat.'Hist., VIT, p.194, 1863. Amphiura squamata, Lyman, Ophiur, and Astrop., p. 121, 196 NICOLAS CHRISTO-APOSTOLIDES. OPHIOPSILA ARANEA ‘(FORBES). 1842. Ophiopsila aranea, Forbes. Trans. Linn. Soc., XIX, p. 149. 1851. Ophianoplus marmoreus? Sars. Nyt. Mag. for. Naturtiv., X, p. 2. 1899. Ophiopsila marmorea, Lütken, Addit. ad. Hist. Oph., p. 136. 1865. Op'iopsila aranea, Lyman. Ophiur. and Astrep., p. 151. OPHIOTHRIX ROSULA (FORBES). 1133. Stella'scolopendroëides; Rosula scolopendroïdes, Linck. De Stel. Mar. p. 92, pl. XXWI, fig. 42. 4789. Asterias fragilis, O.-F. Müller. Zoo!. Dan., p. 28, pl. XCVIIL. 1816. Ophiura fragilis et O. tricolor, Lamk. {ist. d. anim.s. vert., 1, p. 546. 1841. Ophiocoma rosula. Forbes, Brit. Starfishes, p. 60. 1842. Ophiothrix rosula, Forbes. Linn. Trans., XIX, p. 151. 4842. Ophiothrix fragilis, O. echinata, O. tricolor ct O. Ferussacii, Müll. et Trosch. Syst. der Asteriden, p. 110-112. 1863. Ophiothrix rosula, Lyman. Ophiur. and Astroph., p. 154. OPHIOTHRIX VERSICOLOR (NOBIS). On connait sous le nom d'Ophiothrir fragilis, où rosula, cette es- pèce, abondante dans la Méditerranée et sur les côtes de la Manche, caractérisée par la présence de piquants sur le disque de son corps, ce qui lui à valu son nom de genre. Cette espèce est considérée comme dépourvue de vésicules de Poli; ses colorations varient entre le bleu et le rougeûtre. Nous avons rencontré sur les côtes de la Manche une espèce vi- vant toujours au large, présentant toujours la même coloration rose et pourvue de vésicules de Pol; c'est cette espèce à laquelle John- ston (Mag. Nat. Hist., 1836, p. 231, fig. 26) a donné le nom d'Ophiura rosula. Nous avons cru nécessaire, pour éviter toute confusion, de signaler cette triple particularité. Coloration constante, bras convexes et vésicules de Poli caractérisent l'Ophiothrix rosula. Coloration variable, bras moins convexes et surtout caractère anato- mique important, absence de vésicules de Poli caractérisent l'Ophio- thrix versicolor, ANATOMIE ET DÉVELOPPEMENT DES OPHIURES. 127 DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE. Roscofr, Collioure. Morgate, Ophioglypha lacertosa.......... Trouvée. Trouvée. Non. Ophioglypha albida. ......,... Idem. Non. Non. OpMOCOMEMAA TES LE Idem. Non. Non. Amphiura filiformis....... Fm Non. Non, Trouvée. Amphiura squamala.....,,...,. Trouvée. Non. Idem. Ophiopsila aranea.....,.,..,.., Idem. Trouvée, Non, Opluolhrug rostle..:. 5.1.4: Idem. Non. Non. OMIUOENPTE DeNMAOION , 2. Idem. Trouvée. Trouvée, PREMIÈRE PARTIE. ANATOMIE. Î. GÉNÉRALITÉS, HABITAT, MOEURS. C'est à Lamarck que revient la paternité du nom Ophiure, em- ployé comme nom de genre pour la première fois dans l'édition de son Système des animaux sans vertèbres (A816). IT établit les deux gen- rés Ophiure et Euryale en prenant pour type du premier l'Asferias ophiura de O. F. Müller’, qui est la belle Ophiure très abondante dans la Méditerranée et les mers du Nord, citée dans le dernier ou- vrage de M. Théodore Lyman ? sous le nom d'Ophioglypha lacertosa. Jusqu'à cette époque ces animaux se confondaient avec les Astérides, portant tantôt le nom générique de Sfella, tantôt celui d'Asterias, Les Ophiures habitent dans toutes les mers, et c'est toujours par milliers qu'elles se rencontrent. Les fonds de sable sont partout cou- verts de ces animaux. La forme du corps est toujours la même, il en est de même de leur organisation intérieure. Leurs teintes extérieu- res, leurs ornements, la structure des bras, la présence de piquants établissent entre elles des différences caractéristiques. Ces différences sont telles, que la taxonomie la plus récente a dû créer, pour les exprimer, un grand nombre de mots nouveaux, par- lois euphoniques, mais parfois aussi sentant un peu la barbarie. Nous sommes loin d'approuver un tel classement qu'aucun carac- ère intérieur important ne motive. Pourtant, pour ceux qui s'occu- 1 Zool, Dan. Prodrom., p. 235, n° 2840, à Loc, cil,, p. 40, 128 NICOLAS CHRISTO-APOSTOLIDES. pent de la pure détermination, et qui sont habitués à retenir une sé- rie interminable de noms, ce mode est nécessaire. Nous ne nous arrèterons pas plus longtemps sur ce point. Les Ophiures de nos côtes se présentent sous la forme pentago- nale ou complètement circulaire ; elles sont munies de bras serpenti- formes. La partie qui nous apparaît dans un animal vu dans sa posi- tion naturelle est la partie dorsale, La bouche étant située du côté opposé, les Ophiures marchent ayant la bouche en bas. Nous disons marchent et non rampent, car ce n’est que lorsqu'elles ont été fati- guées par un long séjour dans les aquariums qu'elles se mettent à plat. Dans les conditions naturelles et lorsqu'elles sont bien vivantes, elles allongent un ou deux bras en avant, et prenant sur eux un point d'appui, attirent le reste de leur corps dans la direction où elles veulent aller. Même à l'état de repos les bras seuls touchent le sol; le disque reste soulevé. On pourra se faire une idée de cette position sur une Ophiure bien vivante, en se la représentant comme soutenue à une certaine hauteur par une espèce de trépied à cinq branches. Le caractère certain pour reconnaitre la vitalité d'une Ophiure c'est de la placer sur le dos; si elle peut se retourner, elle est dans les meilleures conditions et l’on peut se convaincre que les Ophiures peuvent diriger leurs bras dans toutes les directions. La petite espèce Amphiura squamata (Forbes), si intéressante à cause de son mode de propagation par viviparité, contourne ses bras avec une excessive vitesse autour de son disque, et se transforme ainsi en un Corps complètement sphérique. Nous croyons que parmi les Ophiures elle seule possède cet avantage, qui, en diminuant la surface de son corps, lui permet de descendre au fond de l'eau sans être déviée par les courants. Une modification interne du squelette, qui sera citée à sa place, facilite ce mouvement. Un autre fait qui encore pourrait avoir son importance, c'est que jamais au même endroit on ne pourra pêcher abondamment deux différentes espèces. Sauf certaines Ophiures, que nous citerons tout à l'heure, les autres se rencontrent constamment au même endroit et jamais mélangées. Sinous commençons par celles de la Méditerranée, surtout celles qui vivent sur les côtes des Pyrénées-Orientales, depuis Argelès-sur- Mer jusqu'à Cerbère, dernière limite de la France, l'Ophioglypha la- certosa (Lyman) se rencontre toujours sur les endroits où le fond est rocailleux et surtout au voisinage de la terre ; quand les pêcheurs, ANATOMIE ET DÉVELOPPEMENT DES OPHIURES. 129 empêchés par le mistral qui pendant l'hiver sévit sur ces côtes, craignant d'affronter la haute mer, tirent leurs filets près de la côte, cette espèce abonde dans leurs filets, et à ce que nous avons pu re- cueillir de la bouche des pêcheurs, on ne rencontre cette Ophiure que jusqu'à la profondeur de 30 à 40 mètres. Au contraire, par le vent du sud, étant obligés de se diriger plus au large, ils retirent d’une profondeur de 80-90 mètres l'Ophiothrix versicolor (nobis). En nous reportant, d'après les renseignements fournis par les pê- cheurs, à la carte marine, nous voyons que l'Ophioglypha lacertosa vit sur des fonds de sable fin gris, et l'Opluothrix versicolor sur des fonds de vase molle. Si nous nous reportons à présent à celles que l’on rencontre aux environs de Roscoff sur les côtes de la Manche, nous trouvons les mêmes faits. L'Ophioglypha albida (Forbes), qui ne diffère de la lacerlosa que par la coloration et par la grandeur, abonde toujours aux endroits rocailleux près de la côte par une profondeur de 18-20 mètres au nord de l’île de Batz, entre Enes-Vey et Astan, on la trouve aussi au Cordonnier. L'Ophiothrit rosula abonde entre les Trépieds et la Méloine, sur une profondeur de 49-55 mètres, où le sol est composé de sables et de coquilles brisées. L'Ophiocoma nigra se rencontre un peu au nord du même endroit, où le fond commence à devenir plus rocailleux. L'Ophiothrix versicolor, que nous avons vue abondante dans la Mé- diterranée, habite à Roscoff en assez grande abondance devant le la- boratoire, sous les pierres qui reposent sur le sol vaseux entre l'île Verte et le Vill dans l'Herbier. Une autre espèce, l'Amphiura filiformis, qui manque à Roscof, mais qui se trouve en abondance sur la côte du Finistère (baie de Douarnenez, anse de Morgate), habite dans le sable vaseux. L'Amphiura squamala se rencontre surtout dans des amas d'’al- gues pourries ; pendant les mois de juillet et d'août elle abondait dans les nids de Vieille (poisson du genre Labrus). Une autre espèce, dont un seul échantillon a été rencontré à Ros- COÏT, l'Ophropsila aranea (Sars), paraît, d’après l'endroit où elle a été trouvée, se plaire sur les fonds sablonneux. En cherchant à tirer de l’ensemble de faits que nous venons d'’ex- poser une considération générale pour les espèces ‘étudiées, nous ARCH DE ZOOTL, EXP. ET.GËN, — T, X, 19892, 9 130 NICOLAS CHRISTO-APOSTOLIDES. croyons digne de remarque que la structure extérieure des animaux est en rapport avec le fond qu'ils habitent. Les Ophlioglypha, vivant sur des endroits rocheux près des côtes, ont des bras dépourvus de piquants, très rudes et munis seulement d’écailles ; leur coloration n'est pas vive, elle varie peu entre le blanc et le gris rougeûtre, Au contraire, les Ophiothrix citées, l'Ophiocoma, l'Ophiopsila, les Am- phiura, qui toutes habitent sur les fonds de sable, possèdent des bras extrèmement flexibles et sont pourvues de longs piquants. Pour ceux qui entreprennent des études et veulent conserver dans les aquariums pendant quelques jours leurs animaux vivants, nous signalons un fait qui pourra aussi avoir sa valeur, D'après l'exposé, on peut, comme il nous est arrivé à nous-même, croire que l'Ophiothrit versicolor, qui vit si près de la côte et qui sou- vent à cause des marées manque absolument d’eau, est l'espèce qui est la plus facile à conserver vivante pendant longtemps. Au contraire, nous avons acquis la preuve, après plusieurs tentatives malheureuses, que c'est l'espèce qui meurt le plus facilement, L'Ophiocoma nigra, habitant la mer profonde, vit le plus longtemps ; nous avons pu con- server quelquefois plus de trois semaines une vingtaine d'exem- plaires. Ces animaux, ne trouvant pas un sol mobile pour pouvoir enfoncer leurs piquants et s’avancer, finissent par les perdre entiè- rement. Ainsi dénudés, ils vivent encore pendant quelques jours et enfin meurent, C'est en parlant du tube digestif que nous aurons l'occasion de si- gnaler la cause principale de leur mort. IT, TÉGUMENTS. == SQUELETTÉ. Nous essayerons, dans ce chapitre, de résumer autant qu'il nous sera possible les longues descriptions faites par les différents auteurs sur ces parties, C'est surtout sur les parties solides que plusieurs auteurs se sont longuement arrêtés, en cherchant à trouver les éléments de la com- paraison morphologique. M, Gaudry, dans son mémoire sur les pièces solides chez les Stellé- rides’, a donné après une étude minutieuse une description exacte de ces parties, Il à divisé (p. 356) l'ensemble des pièces solides en rois systèmes : nterne, tnlermédiaire et superficielle, L Annales des sclences natutelles, 3 sèrlo, t, VI, 1861; p, 530-978, ANATOMIE ET DÉVELOPPEMENT DES OPHIURES. 131 M. H. Simroth! considère toutes les parties traversées par une ou plusieurs branches du système aquifère, qui se dirigent vers les ten- tacules, comme formant le squelette 2nterne ; le reste forme le sque- lette externe. Quand on veut étudier les parties solides seulement, sans recher- cher les rapports anatomiques, la division établie par M. Gaudry est excellente ; mais, d'autre part, celle de M. Simroth ne manque pas d'avoir une grande valeur. Nous admettrons donc sa manière de voir. Nous renvoyons aux nombreuses figures données dans les mé- moires cités pour les explications qui vont suivre. Le système interne est formé, chez les Ophiures, de petites plaques calcaires ayant une forme discoïde, Chaque disque s'articule avec son Voisin au moyen de cavités glénoïdes et de condyles. Chaque ossicule discoïde, comme nous les appelleronstoujours (en évitant le nom de vertèbres, souvent employé par les auteurs), offre à sa partie supérieure une rainure, quise prolonge dans sa partie médiane jus- qu'au point de son articulation avec ses voisins. En dehors des points d’articulation ils laissent entre eux des intervalles occupés par Île issu musculaire. L. Agassiz, dans une note insérée dans les Mémoires de la Société d'histoire naturelle de Neufchâtel en 1839, parlant de l’organisation des Euryales, compare l’ensemble des ossicules discoïdes qui rem- plissent l'intérieur des bras à une pile électrique de Volta : Les disques calcaires représentant les disques métalliques, et le issu musculaire, les rondelles de drap mouillé. haque rayon d’Ophiuride renferme dans toute sa longueur un empilement de ces disques, qui viennent à se réunir vers le cen- tre du corps, composant ainsi une rosette qui entoure la bouche. M. I. Ludwig * fait une longue description du squelette ; il fait cette re- marque très exacte, que toutes ces pièces squelettiques du bras n'ont pas la forme discoïde dans toute sa longueur; celles qui s’éloignent du centre du corps, c'est-à-dire de la rosette entourant la bouche, présentent une forme cylindrique. En général, nous pouvons dire ici que la forme primitive de ces pièces, comme nous avons eu l’occa- sion de l’observer chez les tout jeunes individus d'Amphiura squa- 1 Analormie und Schizogonie der Ophiaclis virens Sars (Zeilschr, f. wiss, Zool., Band XX VII, 8 420). ? Beilräge zur Analomie der Li { Zeitschr, f. wiss, Zool,, Band XXXIV, p, 348-357). 132 NICOLAS CHRISTO-APOSTOLIDÈS. mata et &'Ophiothrix versicolor, est cylindrique; c'est peu à peu, avec l’âge, que ces pièces deviennent discoïdes. Nous avons vu les ossicules discoïdes en approchant du centre du disque former une roselte, qui est composée de cinq pièces four- chues ayant la forme d'un V, et qui forment aussi les angles de la bouche. Ces cinq pièces, comme on peut le voir dans les figures des auteurs cités, en regardant une Ophiure du côté buccal, alternent avec les bras rayonnants, et par conséquent avec les ossicules discoïdes, qui forment la charpente de ceux-e1. Chaque pièce fourchue forme un angle aigu à deux côtés égaux ; le sommet se trouve au centre de la bouche, où se trouvent les papil- les dentaires; les extrémités libres des côtés viennent s'appuyer sur les ossicules discoïdes situés à l’origine des bras. L'ensemble de ces cinq pièces forme un cercle, qui, considéré par sa partie inférieure (l'animal vu la bouche en haut), est situé à un niveau un peu moins élevé que le cercle limité par les cinq pièces discoïdes. C’est à la limite de ces deux cercles qu'estsitué le système nerveux. On admet que ces pièces fourchues sont formées par la division d’un ossicule discoïde sur la ligne médiane, et la déviation de cha- cune des deux moitiés, Jusqu'à la rencontre de la moitié correspon- dante du disque voisin à laquelle elle se soude. De cette manière il faudrait admettre que chaque ossicule discoïde doit être composénaturellement des deuxparties, intimementsoudées dans la longueur du bras, mais qui se dévient à l'approche du centre. C'est l’idée généralement admise par tous les auteurs. Pour nous, sans discuter cette opinion, nous pouvons affirmer que nous n'avons jamais pu, malgré l'immense quantité de jeunes Ophiu- res que nous avons eues à notre disposition pendant notre séjour à- Port-Vendres, voir une telle séparation. D'autre part, nous citons ici ce fait, dont souvent nous avons été témoin, que les pièces fourchues se développent chez la jeune Ophiure avant l'apparition des ossicules discoïdes. À l'appui de nôtre opinion, qui consiste à considérer ces pièces fourchues comme une formation indépendante des ossicules dis- coïdes, nous pouvons citer la juste observation de M. T.Lyman. «On ! Ophiuridæ and Astrophytidæ new and old (Bulletin of the Museum of Comparative Z00logy, Cambridge, vol, III, n° 10, p. 254), ANATOMIE ET DÉVELOPPEMENT DES OPHIURES. 4133 croit, dit-il, généralement que ces pièces ne représentent qu'un dis- que modifié ; mais il doit y avoir évidemment deux disques modifiés dans chacune de ces branches, puisque nous trouvons deux pores tentaculaires, tandis que dans aucune Ophiure ou Euryale nous ne trouvons plus d’un tentacule de chaque côté à chacune des articula- tions. » Ce pièces fourchues ou anguleuses portent à leur extrémité inté- rieure une plaque qui porte les dents; cette pièce est considérée par J. Müller ! comme appartenant au squelette, et il la nomme Torus angularis. Depuis, M. Lyman a démontré que cette pièce appartient au système tégumentaire. L'ensemble de ces cinq pièces forme la bouche de l'animal. M. Vi- guier?, dans son mémoire où il étudie avec beaucoup d'attention et d'exactitude la bouche des Stellérides, parle peu de la bouche des Ophiures, mais ses observations et ses considérations portent sur la signification des plaques osseuses péristomrales de Müller, qu'il, com pare à l’odontophore décrit par lui chez les Astéries. Telle est, dans l’ensemble, en abrégeant autant qu'il est possible, la disposition du squelette interne. Il s’agit à présent de trouver, d’après les dénominations usitées chez les Echinodermes, à quoi correspondent les ossicules discoïdes, Pour Meckel*, les ossicules discoïdes sont les analogues des pièces ambulacraires des Astéries. M. Gaudry“n'admet pas cette manière de voir; il exprime en ces termes son opinion : « Soumise en général à la loi d'imitation, la nature ne lui est cependant point invinciblement attachée ; les bras des Ophiures et des Euryalides ayant une longueur disproportionnée à leur largeur et par Ià même étant plus fragiles, ils ont été pourvus des pièces spéciales qui peuvent manquer absolument dans les As- téries. » Pourtant l'opinion de Meckel est aujourd’hui généralement admise, Les ossicules discoïdes sont considérés comme composés de deux parties mtimement soudées entre elles, et par conséquent représen- tant les pièces ambulacraires. Les pièces interambulacraires sont 1 Ueber den Bau der Echinodermen (Abhandl. der Konigl. Ak. der Wiss. zu Berlin, pL, VIT, fig..2-5, 1853). . ? Archiv. de z0ol. expérim., t. VII, p. 87. 3 System der vergleichende Anatomie, 1828, #* Loc. cit., p. 359. 134 NICOLAS CHRISTO-APOSTOLIDES. alors représentées par la partie de la pièce fourchue qui ne porte pas de tentacules et qui est attachée à la plaque mâchoire portant les papilles dentaires. Pour M. Ludwig, le squelette buccal est composé des deux paires de pièces ambulacraires : les pièces adambulacraires (ou interambu- lacraires) et les pièces subambulacraires ; par conséquent, le premier ossicule discoïde qui vient après la bouche est par son rang le troi- sième. Nous bornerons à cet exposé rapide notre description du squelette interne, n'ayant rien de nouveau à ajouter. Pour la description dé- taillée des ossicules, nous y reviendrons quand nous traiterons de la circulation de ces animaux. Arrivons au squelette externe, qui est représenté par toutes les autres parties en dehors de celles déjà décrites. C'est l’ensemble du système tégumentaire qui enveloppe le squelette interne, et en même temps les organes de l'animal. Ce squelette, par sa composition, est représenté par une partie calcaire, et par des portions fibreuses. La partie calcaire est composée de pièces ayant la forme de pla- ques de différentes dimensions; c'est autour des bras et du disque que nous trouvons cette disposition. Autour des bras nous trouvons les ossicules discoïdes enveloppés de tous côtés par des plaques cal- caires appelées, d'après leur disposition, dorsales, latérales et ventrales. Les plaques ne sont pas complètement soudées avec l'ossicule dis- coïde ; elles sont, au contraire, séparées de lui par un espace occupé par du tissu conjonctf; elles sont soudées entre elles au moyen du même tissu et forment ainsi un canal au milieu duquel passent les ossicules discoïdes. Autour des plaques et plus en dehors se trouve l'enveloppe générale du corps. Les bras de l'Ophiure sont donc com- plètement remplis par les pièces solides, et aucun prolongement du tube digestif ne s'y rencontre. Les plaques latérales portent les pi- quants et les écailles tentaculaires, les autres plaques portent quel- quefois de petits tubercules. Le disque, à son intérieur, est quelque- fois, suivant les genres, pourvu de plaques dorsales et traversé par des bandes qui portent des piquants. Le disque, regardé par sa face supc- rieure, c'est-à-dire du côté buccal (dans la position où nous suppo- sons l'animal), présente cinq plaques reposant sur les pièces four- chues, que nous avons mentionnées à propos du squelette interne. La forme de ces plaques varie suivant les genres et les espèces, C'est ANATOMIE ET DÉVELOPPEMENT DES OPHIURES. 135 sur une d'elles qu'est située la plaque madréporique, sur laquelle nous aurons l’occasion de revenir à propos du système aquifère. En regardant toujours du même côté, nous apercevons dix fentes situées par paires à côté de chaque bras, quelquefois même chaque fente est divisée en deux par la soudure de ses deux lèvres au niveau de la partie moyenne. Ces fentes sont intérieurement soutenues par une longue pièce calcaire. Nous arrêtons ici la description du squelette. Plus d’une fois nous aurons l’occasion de revenir sur certains points. Pour la partie musculaire, nous nous contenterons de dire que les intervalles des ossicules discoïdes, comme ceux qui existent entre les pièces fourchues, sont occupés par du tissu musculaire, servant à l'ouverture et à la fermeture de la bouche. Du reste, toutes les ca- vités de l'animal sont traversées par du tissu conjonctif qui, chez les Evchinodermes, se présente toujours sous la forme d'un tissu hyalin parsemé de granulations. C'est au système musculaire aussi qu'appartient une double mem- brane qui tapisse le cercle dentaire depuis l'ouverture de la bouche jusqu'à la murailie des ossicules. Je reviendrai sur ce point à propos des rapports de ces membranes avec le système nerveux, pour indiquer leur disposition. Elles parais- sent, à l'état frais, formées de tissu conjonctf rempli d’une matière jaunâtre. Traité par l'acide chromique, ce tissu montre des fibres circulaires. IT, TUBE DIGESTIF, — NUTRITION. L'ensemble des organes, chez les Ophiures, est logé dans le disque de l'animal; dans les bras nous ne rencontrons que les prolonge- ments des systèmes circulatoire et nerveux. Cetappareilest composéde la bouche, de l'æœsophage et de l'intestin. a. Bouche. — L'armature buccale, sauf quelques petits détails suivant les genres, est composée de papilles dentaires fixées horizon- talement sur la plaque mâchoire, que nous avons vue exister à l’extré- mité des pièces fourchues. C’est par les muscles existant entre ces pièces que le mouvement de la mastication s'effectue. En plongeant un instrument dans l'ouverture buccale d’une Ophiure, on voit que l'animal peut à volonté rapprocher toutes les papilles et fermer complètement la bouche. Mais, quelquefois, on voit que les papilles 136 NICOLAS CHRISTO-APOSTOLIDES. inférieures avoisinant l’æœsophage sont seules rapprochées les unes des autres; il résulte de cela que l'ouverture prend la forme d’un cône dont le sommet est en bas, et la base vers l'observateur. Le phénomène est une preuve assez convaincante que les muscles de l’'armature buccale sont divisés en un cercle supérieur et un infé- rieur, qui agissent quelquefois simultanément, quelquefois au contraire séparément. Cette expérience réussit très bien chez les Ophiothrix rosula et versicolor, où la bouche est excessivement serrée. : b. Œsophage. — Tous les auteurs prétendent qu'après la bouche commence directement l'intestin ; il est vrai que, chez les animaux conservés dans les liquides, on ne voit pas trace d'œsophage ; pour- tant, en regardant une Ophiura lacertosa vivante ou une Ophrocoma nigra, on aperçoit, faisant saillie entre les papilles dentaires, un pe- tit œsophage : l'intestin, qui vient à la suite, étant fixé sur le plan- cher inférieur de l’armature buccale, juste à l'endroit où se détache l'æsophage, et au même point commencent les deux membranes musculaires dont nous avons parlé plus haut. Cet œsophage (pl. IX, fig. 4, æ) a la forme d'un entonnoir dont la grande ouverture est représentée par son point d'attache sur l’intes- tin. Sa coloration extérieure est blanchâtre ; des brides longitudinales le tapissent à l'intérieur; sa structure histologique est semblable à celle de l'intestin, dont nous parlerons tout à l'heure. Coupé et porté immédiatement sous le microscope dans une goutte d’eau, il se montre garni, dans sa paroi interne, de cils vibratiles. Cet œsophage s'ouvre et se ferme à la volonté de l'animal, ce qui nous a fait penser à l'existence d’un sphincter. Nos recherches sur les Ophiures vivantes sont restées infructueuses, mais en traitant les animaux par l'acide azotique, nous avons pu séparer entièrement un véritable sphincter musculaire, situé précisément à l'endroit où l'intestin fait suite à l'æœsophage. Ce sphincter est complètement formé des fibres de tissu musculaire qui en font tout le tour. c. Intestin. — L'intestin fait suite à l'œsophage, fixé, comme nous venons de le dire, sur le plancher inférieur de l'armature buccale; il a une forme complètement circulaire chez l'Amphiura squamata, étoilée chez les autres espèces : Ophioglypha lacerlosa et albida, Opluocoma nigra, Ophiothrix rosula el versicolor, Amplaura fileformis. C'est un sac à dix rayons (pl. VIT, fig. 2, e), cinq plus longs et cinq autres plus courts alternant entre eux. En face de l'intervalle de deux ANATOMIE ET DÉVELOPPEMENT DES OPHIURES. 137 bras un long rayon, et en face de chaque bras un court. Telle est la forme générale. | Il est toujours très difficile, chez les animaux à tissus très mous, de bien séparer le tube digestif de la paroi extérieure du corps, et sur- tout chez les animaux bien vivants. Le meilleur moyen est toujours de s'adresser à des animaux à parois très dures et qui viennent de mourir dans l’eau de mer. Les vivants se contractent de telle ma- nière, qu'il est difficile de pouvoir séparer la paroi extérieure sans enlever en même temps le tube digestif lui-même. D'autre part, c'est le mème fait qui se présente chez les animaux con- servés. Après une bonne dissection de son côté dorsal, le tube digestif se présente sous l'aspect toujours étoilé, mais en même temps on voit (pl. VIT, fig. ?, cc) que chaque rayon est parcouru par une bande saillante qui se ramifie dans toute sa longueur ; la couleur de ces rami- fications est blanchâtre, tandis que celle du tube digestif est plus foncée, plutôt brune. On croirait, à cette vue, avoir sous les yeux le tube digestif d’une Asterina qgibbosa, sur lequel les cæcums, au lieu d'être libres, forment corps avec la paroi intestinale. Au milieu de toutes ces branches rayonnantes se dessine un espace rond qui représente l'endroit où devrait être l'anus, qui manque chez les Ophiures. Peut-on considérer cette disposition, que nous sommes les pre- miers à mentionner chez les Ophiures, comme un appareil glandu- laire annexé à la paroi intestinale ? C’est dans la partie histologique que nous reviendrons sur cette idée, mais nous pouvons ajouter ici que cette disposition est toujours facile à distinguer chez les indi- vidus adultes ; chez les jeunes Ophiures, c'est à peine si ces ramifi- cations sont indiquées. D'autre part, c'est toujours du côté dorsal qu'elles existent; du côté ventral, les glandes génitales composées d'utricules venant se poser sur la paroi du tube digestif, traduisent intérieurement quelque disposition analogue, mais si l’on enlève bien cette partie on n’aperçoit pas cette bande saillante médiane, sur laquelle se ramifient les autres petites bandes, Tels sont la forme et l'aspect extérieurs de l'intestin. Pour ses rapports avec les autres organes, étant donné, qu'il oc- cupe presque la totalité du disque, ilest facile de les comprendre. Ses longs rayons viennent s’enfoncer entre les sacs respiratoires, tandis que les courts, un peu plus soulevés que les autres, aboutis- 138 NICOLAS CHRISTO-APOSTOLIDÈS, sent juste en face des bras : c'est par un ensemble de tractus fibreux que le tout est maintenu en place. Vu par sa partie intérieure (pl. VI, fig. 3, ps), en enlevant sa moi- tié inférieure et dorsale, le tube digestif présente une série de plis horizontaux. Ces plis forment par leur ensemble cinq régions rayon- nantes au lieu de dix, La partie inférieure, examinée à part, présente à son milieu un espace entièrement plan d’où rayonnent ces plis; dans la partie supérieure, cet espace correspond exactement à la bouche, et c'est sur cette partie que les plis commencent. Quand ôn découvre l'intestin d'un animal vivant, on voit que les sillons entre les plis présentent des reflets bleus très brillants, Sous le microscope, ces reflets se traduisent par une série de lignes moins foncées que le reste du Jambeau enlevé réfractant fortement la lu- mière. Ainsi l'intestin prend l'apparence d'un tissu traversé par des li- gnes qui se croisent. Il est à noter ici que sur un animal mort dans l'eau douce ces reflets disparaissent, et une matière brune ayant l'aspect d’une poussière fine se détache, colorant fortement le milieu dans lequel on dissèque habituellement. Le même phénomène a lieu quand on met un animal dans l'alcool ; après un temps qui varie d'une demi-heure à deux heures, l'alcool devient complètement brun, et l’on est obligé de le changer. C’est donc une matière colo- rante existant sur la surface intérieure du tube digestif qui s’enlève après la mort de l'animal ; la disparition de cette matière amène aussi la disparition de reflets, L'intérieur du tube digestif est garni de cils vibratiles, dont il est facile de reconnaitre l'existence. Examiné sous tous ses rapports, ce tube digestif est ici extrème- ment.simple; il ne présente aucune trace de mésentère, aucun or- gane glandulaire libre ou dépendant de lui, HISTOLOGIE, , Pour reconnaître la structure histologique de l'appareil digestif, il est nécessaire d'en faire des coupes, car le simple examen micro- scopique seraitinsuffisant. Nous avons essayé par les deux méthodes de compléter et de donner un ensemble qui, nous croyons, rend exactement les choses comme elles sont. Historique, — Avant d'aller plus loin il faut citer ici les opinions ANATOMIE ET DÉVELOPPEMENT DES OPHIURES, 139 des autres auteurs. M. Teuscher ‘ dit que la structure du tube di- gestif des Ophiures rappelle celle des Comatules. Du côté dorsal il est difficile de le séparer de la paroi du corps et est limité par un tissu hyalin rempli de spicules calcaires ; à cette couche fait suite la paroi propre stomacale traversée par des fibres perpendiculaires, Les in- tervalles qui les séparent sont remplis de petites cellules. Vers la partie qui avoisine la couche hyaline,'on aperçoit çà et Ià des masses claires, disposées en trois ou plusieurs rangées superposées : je les nomme cellules, bien que je n’aie pu apercevoir de noyau. M. Sim- roth?, de sor côté, considère le tube digestif comme composé de trois couches, un mésentère externe, une couche épithéliale et entre les deux du tissu congonctif. L'épithélium est formé de cellules cylin- driques longues dont les noyaux sont bien visibles après coloration par le picrocarminate ; la couche externe appartient à la cavité géné- rale du corps; c’est cette couche qui entoure comme une membrane fine tous les organes. M. Ludwig * est très succinct sur ce rapport : il dit que la surface stomacale est revêtue d'un épithélium à cellules allongées. L'intestin est fixé à la paroi du corps par des filaments et des cordons de tissu conjonctif. Nous connaissons ainsi ce que les autres ont vu dans la structure du tube digestif; exposons maintenant ce que nous-même avons aperçu sur ces différents points. D'abord le tube digestif, comme nous l'avons déjà dit, malgré ses insertions sur la paroi du corps, est facile à détacher et à isoler en coupant avec attention au fur et à mesure, avec la pointe d’un scal- pel, les fibres qu'on rencontre. Il y a donc une paroi externe propre et elle est complètement dépourvue de pièces calcaires. Le tube en- levé de cette façon, fixé par l'acide osmique et transféré dans l'alcool absolu, peut être coupé et examiné dans sa totalité, sauf la couche interne, qui n'est visible qu'à l’état frais ; en vain nous avons essayé divers modes de conservation. Ainsi, de dedans en dehors, nous ren- controns quatre couches : 1° la couche épithéliale interne, 2 une couche à coloration brune, 3 une couche cellulaire, 4° une couche externe conjonctive. Beiträge, etc. Ophiuridæ (Jenaisch. Zeitschr., Bd. X, Taf. VIII, fig. 14, p. 276- ? Anatomie und Schisogonie der Ophiaclis virens Sars (Zeilschr. f. wiss. ' Zool. Bd. XX VII, p. 449). 3 Neue Beilräge zur Anatomie der Ophiuren (Zeilschr. f. wiss. Zoo! SXXXIV, t, IT, Pe 334). 1 277) 140 NICOLAS CHRISTO-APOSTOLIDES. 1° Couche épithéliale interne. — Gomme nous l'avons dit cette couche est facile à voir à l'état frais; enlever un lambeau de l'intestin et le soumettre à l'observation microscopique suffit pour montrer la paroi interne composée d'une couche de cellules cylindriques extrêmement serrées entre elles. En même temps on distingue le jeu des cils. Chez les animaux Conservés comme d'habitude dans l'alcool, cette couche à cils vibratiles forme une masse brunâtre, qui, au premier coup de scalpel, si l'on dissèque ces animaux sous l’eau, se détache en colo- rant le liquide ambiant ; c'est cette couche en se pliant qui donne l'aspect intérieur que nous avons décrit plus haut, 29 Couche brune. — Les deux tiers presque de l'épaisseur de la paroi intestinale sont composés par cette couche, fortement colorée enbrun, A l’état frais, une coupe faite dans la moelle du sureau et observée dans l’eau de mermême présente cette couche comme un amas de pig- ment brun. Sur les échantillons fixés par l'acide osmique et traités par l'alcool absolu, les coupes présentent cette couche qui résiste à la colo- ration par le picrocarminate conservant toujours sa couleur brune ; c'est par l'acide azotique que nous avons pu avoir quelques éclaircis- sements. Ce réactif paraît agir sur la couche pigmentaire, au moins la rend-il plus claire et dissémine-t:l le pigment ; cette couche paraît donc être composée de fibres longitudinales par rapport à l'axe de l'in- testin, fibres extrèmement minces. Dans notre dessin (pl. VII, fig.1, a'; 0"; c"; d'),nous avons figuré aussi la couche interne d'après d’autres observations pour donner une idée d'ensemble, bien qu'elle ait dis- paru sur les coupes des objets durcis. Cette couche dans la figure parait être limitée par la couche épithéliale interne et par la couche cellulaire. Sur les points pourtant où cette seconde couche manque, la couche brune arrive jusqu'à la couche externe. Nous croyons, d’après la constitution que nous venons de décrire, que cette couche représente l'élément musculaire dans le tube digestif; c'est à elle qu'est dévolu le rôle de rapprocher l’une de l’autre les parois infé- rieure et supérieure de l'intestin. 3° Couche cellulaire. — C'est cette couche qui a été certainement décrite par M. Teuscher, mais que la mauvaise conservation de ses échantillons ne lui a pas permis d'observer avec suffisamment de détails. Nous lui rendons ce qui lui est dù. Sur nos préparations, cette couche (pl. VIT, fig. 4, «") apparaît comme composée de plusieurs assises cellulaires, disposées sur plusieurs plans ; les formes cellu- laires sont extrêmement nettes et leur noyau très bien coloré par le ANATOMIE ET DÉVELOPPEMENT DES OPHIUREÉS. 141 picrocarminate. Dans toutes les préparations, cette couche est, du reste, la seule de l'intestin qui se colore. Les cellules ont une forme ovalaire allongée, leurs contours sont nets (pl. VIE, fig. 4), leur noyau, coloré plus fortement, a la même forme allongée; cette couche cellulaire n’est pas continue et M. Teu- scher a remarqué la même disposition. C'est surtout sur les coupes qui, par le fait du hasard, ont passé précisément sur un des renfle- ments que nous avons aperçu du côté dorsal de l'animal, que cette couche se montre avec son plus grand développement, limitée exté- rieurement par la couche que nous allons décrire et intérieurement par la couche brune. Aux endroits où cette couche existe isolée, elle se présente sous la forme d’un amas cellulaire, composé de plu- sieurs cellules accumulées et intercalées entre le tissu musculaire. Cette dernière disposition, et, d'autre part, l'existence de cette couche aux endroits qui donnent à l'extérieur cet aspect de cæcums, nous fait croire que cette couche remplit un rôle glandulaire dans la paroi intestinale. Pour se prononcer certainement, sans contesta- tion, sur ce point, il faut en établir le rôle physiologique. Mais, d'autre part, il y a à se demander comment ces animaux digèrent les aliments, et d’où provient cette matière brunâtre qu'on voit quand on fait mourir un animal dans l’eau douce ou quand on le plonge dans l'alcool. Comment ne pas considérer cette couche comme rem- plissant un rôle glandulaire chez des animaux dépourvus d’autres organes propres à cette fonction ? 4° Couche externe. — Nous retrouverons dans tout l'organisme cet épithélium externe qui sert d’enveloppe. C’est comme une couche complètement diaphane, remplie de granulations, qui se colorent en un beau rouge par le carmin. Dans cette couche nous avons tou- jours trouvé, chez l'Ophioglypha lacertosa, disposés avec ordre, une forme particulière de spicules, dont nous donnons un dessin (pl. VII, fig. 5). Cette couche extérieure est bien limitée non seulement du côté de la cavité générale, mais aussi du côté des sacs respiratoires, que nous décrirons à leur place et qui se trouvent presque en con- tact avec cette couche. L'intestin ne reçoit aucun nerf ni aucun vaisseau, ou du moins on n’en voit sur sa paroi aucune trace. Arrivons maintenant à la nutrition de ces animaux. Nous sommes obligés de recourir au raisonnement, parce que nous manquons d'observations sur ce sujet. Malgré l'abondance d'Ophiures que nous avons eues à notre dis- 149 NICOLAS CHRISTO-APOSTOLIDÉES. position, jamais nous n'avons rien trouvé à l'intérieur de leur tube digestif. Les pêcheurs de Roscoff, pourtant, m'ont affirmé plusieurs fois que si par un malheureux hasard ils venaient jeter leurs lignes, pour la pèche des Congres, sur un banc d'Ophiures, leurs amorces étaient vite dévorées. Quelquefois même ils ont apporté au labora- toire des Ophiures, surtout l’'Ophiocoma nigra, qui tenaient encore entre les dents un morceau de bras de Poulpe. Il se peut que ces animaux, quand ils rencontrent à l’occasion des poissons morts ou des Poulpes, les mangent; mais cela ne doit pas être leur nourriture habituelle. Nous inclinons plutôt à croire à une nourriture végétale. Toujours quand nous avons essayé, dans Îles aquariums, de leur faire ingérer quelque aliment, poissons coupés ou bras de Poulpes, nous n'avons pu y arriver. On les voit mourir et d'une manière par- ticulière. Ge sont surtout ces Ophiocoma nigra qui peuvent être gar- dées plusieurs jours qui nous ont offert ce spectacle. Par sa position naturelle, nous avons dit que l'animal a la bouche en bas, c’est la partie dorsale qui s'offre au spectateur. Huit ou dix jours après leur séjour dans les cuvettes, on aperçoit, juste au milieu du dos, une ouverture. L'animal continue à vivre et à respirer en même temps. Ce trou est provenu d'un coup de dent que l'animal lui-même se donne à cet endroit. Le tube digestif, étant complètement vide, cède au poids de la paroi dorsale et son milieu vient à tomber entre les dents, et l'animal, croyant peut-être à la présence d’un aliment, mord son estomac et en enlève un morceau. Ce trou continue à s'agrandir et l'animal finit par mourir. Il serait possible aussi que, lorsque l'animal s'affaiblit aux ap- proches de sa mort, ses tissus, devenus incapables de résister à l'action dissolvante des sues digestifs, fussent digérés et perforés par places, C’est une nouvelle preuve que l'estomac est pourvu d’or- ganes glandulaires sécrétant des sucs digestifs. IV. CIRCULATION. À, Appareil aquifore. On a prétendu avec raison que la partie la plus difficile de l'étude des Echinodermes est sans contredit celle de la circulation, Plu- sieurs fois nous avons eu des moments de découragement en voyant les difficultés sans nombre qui se présentaient, ANATOMIE ET DÉVELOPPEMENT DES OPHIURES. 143 Comment le liquide nourricier se met-il en rapport avec l'ensem- ble des organes ? Quelle est la disposition des vaisseaux? Pendant notre premier séjour de deux mois à Roscoff, nous nous sommes attaché exclusivement à ce sujet. Malgré de longs et patients efforts nous avons été contraint de quitter la station, vu la saison avancée, sans avoir pu arriver à des faits précis. C'est à ce moment que nous avons-reçu le dernier mé- moire de M. Ludwig. Avec une nouvelle ardeur nous avons repris le travail, et pour pouvoir faire nos recherches sur des animaux vivants, suivant le conseil de M. H. de Lacaze-Duthiers, nous sommes allé à Port-Vendres. Les Echinodermes étant abondants aux environs de cette ville, nous avons eu beaucoup d'animaux à notre disposition. Nous sommes absolument persuadé que ni par des coupes ni par les méthodes de coloration des tissus vasculaires, obtenus avec des réactifs spéciaux, on n'arrive à trouver et à décrire un appareil cir- culatoire. Nous ne voyons qu'un seul moyen : l'injection directe. La différence donc de notre description de l'appareil circulatoire consiste dans ce fait, que tout ce que nous exposons ici est le résul- tat d'injections souvent répétées. Mais il faut aussi déclarer que nous ne nous sommes pas seulement et exclusivement arrêté à cette mé- thode. Les coupes ont été mises à contribution, comme on le verra plus bas, pour confirmer les résultats ainsi obtenus. Historique. — Avant d'aller plus loin et de décrire les moyens em- ployés par nous, décrivons ceux des autres. M. Simroth, étudiant une espèce exotique, ne s’est servi que de coupes; ses résultats sont médiocres, vu l'insuffisance du seul moyen qu'il aitemployé. M. R. Teuscher! consacre la première page de son mémoire sur les Ophiures à une description des procédés employés par lui pour cette étude ; nous citerons ici ce long passage : « Il est difficile d'avoir dans une seule coupe toutes les parties des Ophiures. Pour éviter cet inconvénient, j'employais la méthode suivante. Les animaux, après avoir été mis dans l'alcool ordinaire et après dans l'alcool absolu pour enlever toute l’eau, étaient débités en morceaux de moyenne grandeur, puis mis dans une solution de résine, De toutes les solutions essayées, la meilleure est celle appelée léger copal dissous dans l’éther ou le chloroforme, Les morceaux, après être 1 Loc. cit, p. 263, 144 NICOLAS CHRISTO-APOSTOLIDÉS, restés vingt-quatre heures dans cette solution, étaient couverts d'un vernis, enlevés de la solution, puis exposés à une température moyenne Jusqu à ce que le vernis ne soit plus collant ; graduellement ils devenaient secs et fragiles. « Les morceaux étaient traités après de la même manière que les pièces dures, en les polissant sur une pierre. De cette manière j'ai obtenu des résultats tellement satisfaisants, que non seulement les parties squelettiques, mais aussi quelques parties histologiques, comme les épithéliums, même le tissu nerveux, étaient parfaitement reconnaissables dans les préparations. » Description. —- Nous avons dit qu'il n'existe pas une grande diffé- rence d'organisation entre les différents genres d'Ophiures. Nous ne parlons que des genres d'Ophiures, n'ayant jamais eu qu'une seule espèce dans chaque genre, excepté dans les Ophiogkypha et les Am- phiura. Si nous regardons une Ophiothrix versicolor du côté buccal, nous voyons une des cinq pièces buccales munie d’un petit tubercule; le même fait se présente chez l'Ophiocoma nigra et chez les Amplhiura filifornmus et squamata. Chez les Ophioglypha, au milieu d'une des plaques on aperçoit une tache noire. Cette plaque, différente des quatre autres, est la plaque madréporique; c’est à elle qu'aboutit le canal aquifere, bien connu chez les Echinodermes. Extérieurement donc il est facile de reconnaître la plaque madré- porique. La saillie qu'elle forme n'est pas due exclusivement à son épais- seur, mais surtout à ce qu'elle est soulevée par la plaque buccale correspondante qui a chevauché sur elle. L'examen de cette partie supérieure montre qu'elle n’est pas criblée des trous qui caractéri- sent généralement les plaques madréporiques; c'est au-dessous que se trouve une mince plaque perforée qui est la vraie plaque madré- porique. Chez l'Ophiocoma nigra on voit quelquefois la plaque buccale rejetée un peu de côté. Chez lies Ophioglypha ce fait n'a pu être aperçu. Là c’est une véritable plaque buccale qui remplit le rôle de plaque madréporique. M. Ludwig décrit le pore du canal aquifère. Le type qui lui a servi est l'Ophioglypha albida et Sarsu. La plaque madréporique, d'après lui, loge dans son intérieur un canal appelé le canal du pore 1 Loc, cit., p. 335-336, pl. XIV, fig, 1, 2 et 8, NOTES ET REVUE. RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR L'ORIGINE DE LA DiFFÉRENCE DES SEXES, Par le docteur G. BoRrN. (Bresiauer ärztlichen Zeitschrift pro 1881, no 3 ff.) M. le docteur Born se propose dans ce travail d'étudier expérimentalement les causes probables de la production de la sexualité chez les animaux. On sait comment chez tous les animaux la glande génitale commence toujours par être indifférente, sa genèse est la même, qu'elle soit appelée plus tard à produire des ovules ou des cellules spermatiques, mais nous ignorons quel est l'agent déterminant cette différenciation. Est-elle due à une impulsion imprimée au moment de la fécondation par le zoosperme, ou bien résulte-t-elle d’une prédisposition des ovules qui ferait que les uns seraient mâles, les autres femelles? Est-ce l’âge de l’ovule ou sa plus ou moins grande maturité au mo- ment de la fécondation, ou bien sont-ce les conditions de nutrition et d’une manière plus générale les conditions physico-chimiques dans lesquelles se développe l'embryon, qui sont la cause efliciente? — Ces diverses hypothèses ont été soutenues tour à tour par les naturalistes, sans qu'aucun ait réussi à faire prévaloir l’une sur l’autre. M. Born résume dans la première partie de son mémoire l'historique de la question; puis, aucune manière de voir ne le satisfaisant, il recourt à l’expé- rience en opérant sur des œufs de Rana fusca. Des œufs comparables entre eux furent placés au nombre de 300 à 500 dans une série de 21 aquariums et exposés à différentes conditions d’alimen- tation. Les quatorze premiers aquariums furent placés à l’ombre sur une fenêtre ; les sept autres, au jardin, recevaient du soleil pendant une partie de la jour- née. L’aquarium n° VI était chauffé au bain-marie à une température de 20 de- grés centigrades (température constante). Les larves s’y développèrent, comme on pouvait s’y attendre, plus rapidement et s'y transformèrent les premières en Grenouilles. Quant à Ja nourriture, les larves des aquariums I et IV reçurent une ali- mentation végétale (lentilles d’eau). Dans tous les autres vases, elles reçurent ARCH. DE ZOOL, EXP. ET GÉN. = T. X. 1882. A it NOTES ET REVUE. en outre de la nourriture animale consistant en larves de grenouilles et de pelobates hachées et le plus souvent en fragments de chair de grenouille adulte déjà un peu décomposée. L'auteur insiste sur ce fait important que ni l’un ni l’autre de ces régimes n'était tout à fait naturel, attendu que dans la nature l'alimentation des jeunes tètards consiste ordinairement dans la vase qui constitue le fond des marais, c'est-à-dire une agglomération d’infusoires, de rotifères, d'algues, etc., qui se retrouvent ordinairement dans l'intestin des têtards. M. Born rappelle à ce propos une observation de Leydig dans laquelle il a constaté que des larves de Pelobates se développaient parfaitement bien sur un limon ne ren- fermant aucune plante visible à l'œil nu. Cette sorte de nourriture mêlée manquait dans les expériences de M. Born. Dans ces circonstances, les larves se sont développées moins rapidement qu’en liberté. Alors que celles du dehors mesuraient en moyenne 18 milli- mètres, elles n’atteignaient que 42 à 45 millimètres dans les aquariums. Un de ces derniers cependant — et c’est là un point très intéressant, à titre d’expé- rience comparative — renfermait des larves de 47 millimètres, parce qu’à la suite d’une erreur on y avait laissé couler de la‘vase de marais. Les larves soumises au régime végétal demeuraient plus petites que les autres, elles ne mesuraient que de 10 à 11 millimètres ; et il est probable que ce chiffre eût été moindre encore si M. Born ne leur eût laissé dévorer les têtaras morts dans le cours de l'expérience !. Notons en passant un renseignement utile pour ceux qui voudraient répéter de pareilles recherches : Dans l'aquarium n° VIT, les larves devinrent malades ; elles se couvrirent d'un duvet, comme une sorte de moisissure, qui gènait beaucoup leurs mou- vements. C'était une vorticelle parasite. M. Born réussit à les guérir par l’in- sufflation de gaz oxygène et par l'introduction dans le vase d’un grand nombre de rotifères. Lequel de ces deux remèdes a agi? M. Born l'ignore. Une fois le développement terminé, les Jeunes grenouilles ayant pris leurs quatre membres et perdu leur queue, elles étaient tuées et conservées dans l'alcool; puis on examina leurs organes génitaux. Pour cela, après avoir fendu la cavité abdominale et soulevé les intestins, M. Born détachait avec des pinces les reins et avec eux les glandes génitales, puis les examinait sous le microscope à la lumière directe. La détermination du sexe n’est pas toujours facile. Voici, d’après le natura- liste de Breslau, les caractères distinctifs des mâles et des femelles : L'ovaire est plus grand que le testicule, sa longueur est plus de la moitié de la longueur du rein, de mème pour sa largeur; son extrémité émoussée va au-delà des reins en avant; les contours en sont irrégulièrement frangés ; mais la chose principale, c’est que la superficie de la glande est couverte de taches rondes, transparentes, séparées par des lignes blanches et que M. Born compare à des taches d'eau (Wasserflecken). Au centre de ces taches, on aperçoit un petit point blanc {le nucléus). 1 Voir, à ce propos, E. Yuno, De l'influence de la nature des aliments sur le déve- loppement de La grenouille (Comptes rendus de l'Académie, t. XCII, p. 1525). NOTES ET REVUE. nl Quant aux testicules, ils sont cinq ou six fois plus courts, étroits, ovalaires, comprimés latéralement, à contours nettement arrondis, un peu pointus vers le pôle aboral. A leur surface, on remarque des taches blanches ovalaires entassées l’une près de l’autre. Sous le microscope, ces taches se montrent remplies de spermatogones. Il se présente souvent des cas où, malgré ces caractères, la détermination u’est pas certaine ; il faut alors recourir à la méthode des coupes. En opérant ainsi, M. Born est arrivé à dresser le tableau comparatif de chacun de ses vases, duquel il résulte que, par une alimentation artificielle, on multiplie considérablement le nombre des individus femelles. « Ce résultat si remarquable, dit M. Born, ne doit être attribué ni à l’âge des parents (comme l’auteur l'avait supposé tout d'abord), ni à la tempéra- ture, ni au nombre des larves mises en expérience, mais à un facteur qui agissait également dans tous les aquariums avec une telle énergie, qu'il para- lysait toutes les autres influences. Ge facteur était la nourriture anormale que recevaient les têtards. — On remarquera, en effet, que dans l'aquarium XVIE, dans lequel un peu de vase avait été accidentellement introduite, le nombre des mâles y atteignit précisément la proportion de 28 pour 100 beaucoup plus forte que dans les autres. » Voici la partie la plus intéressante du tableau de M. Born : a TA _ US | Pac LAPS 08 DA | DE | | danses) | ASE) | | dis |5 lé olo7os7/?7/8|25é 0 +07%+67|9 le el 2 2/8) |. Er | ä SNS to NR M |Ouma| < FA A ZA | | | er Bulles | | V m.| 42411035! 9 | 4 | 3 lan | Oo | 414 107 7 94 6 | VI. mil #88 hide la) 6 | 4 26 | 95 95 | «|196.41: 3°:9 tu s nul d06 IN 074 1,1 0 0 LA LA 98 98 0 100 0 Li. ee M 2 LL NC IC RIN ME OR 92 | 92 () 100 () XXI. m.| 82! 73! 1 | 2211801" 0 "108 il 74 3 96 4 + AET m.| 4701114! 4 | 3 |15 125 | 9 | 136 118 18 86.8 13.2 NÉ es m.| 4591117) 8 | 2 | 4 |90 | 8 | 131 195 6 95.5) 4.5! VIII Im. 90/90, 0/0!1n/010 90 | 90 0 100 0 LE PRE BL A6 ETOIL OP OO OR CT 119 | 119 0 100 0 RENE m.! 2091168! 5 | 2 |144 |14 | 6 189 173 16 91.5| 8.5 | TNA v. 40! 400 | 0101010 10 410 LRQ AVE: | v. 57) SR 00 Ge 54 54 | 0 100 0 RP REUT v. 44| 141010101010 14 14 0 = 42 2 Ness O1} 02) SL UulWE 20 | 4 5Q | 55 4 93 7 MIX. mul 36) 2415 22010 9060 À 19 À 4 25 23 | 0 ce - 00 30 AVI une SNA et ed) 5 25 | 18 | 7 72 | 28 AIT: ul V. Do TO ER Un GE 0 5 | k 1 ne # A'ÉTTR v De AO PPOMOEANE ET ET Le Li: Li PORT AENE MVassd | v 91 7010101012! — | — 2 +1]. | | | | ! La lettre # dans la colonne nourriture désigne une alimentation mêlée (végétale et ani- male), et la lettre v,une alimentation simplement végétale. 1V NOTES ET REVUE. I] SUR LA PRÉSENCE DE CORPUSCULES DE PACINI DANS LE PANCRÉAS ET DANS LES GLANDES MÉSENTÉRIQUES DU CHAT, Par Vincent Harris, M. D. (Extrait de Quart. Journ. Micr. Sc., n° 83, juillet 1881.) & a. Dans le pancréas. — En examinant quelques fragments du pancréas d’un chat pris au voisinage immédiat du duodénum, j'observai un grand nombre de corpuscules de Pacini. Dans une mince coupe, non moins de trois étaient groupés, et autour d’eux s’en trouvaient d'autres isolés. Le plus grand nombre se trouvait à la périphérie des sections dans la capsuie formée de tissu conjonctif; mais une ou deux fois le corpuscule isolé se montra au mi- lieu de la glande dans le tissu conjonctif interlobulaire. Il y avait parmi ces corps de très grandes différences de taille, quelques-uns étant deux fois plus grands que d’autres; mais, en général, ils étaient plus petits que ceux qu’on observe dans le mésentère proprement dit, Quant à la structure, on distinguait fort bien les membranes hyalines fon- damentales tapissées d’endothélium, mais cà et là elles semblaient être sépa- rées l’une de l’autre par une matière albumineuse. Le nombre approximatif de membranes fondamentales constituant chaque corpuscule était de vingt- deux. b. Dans les glandes lymphatiques. -— Sur des sections pratiquées dans les glandes mésentériques du chat, j'ai également constaté l'existence d’un grand nombre de corpuscules de Pacini. Ils se trouvent également surtout à la péri- phérie des sections, et sont évidemment contenus moins dans la glande elle- même que dans le tissu conjonctif Tâche qui l'enveloppe. Les membranes fondamentales et la masse centrale étaient parfaitement visibles, et la termi- naison du cylindre-axe, étroitement enveloppée de grands noyaux, était dans la plupart des cas contenue dans une gaine remplie d’une matière brune que l’hématoxyline ne colorait pas facilement. Cette matière était probablement la même qui se voyait entre les capsules des corpuscules dans quelques spécimens du pancréas. L'existence de corpuscules de Pacini dans ces parties peut être expliquée par le fait que les tissus dans lesquels ils ont été trouvés sont en relation étroite avec le mésentère qui dans le chat est bien connu pour être abon- damment pourvu de ces terminaisons nerveuses. À l'appui de cette supposi- tion, je dois ajouter que, en examinant à l'œil nu quelques glandes lympha- tiques du mésentère, je pus voir que la portion de péritoine qui les entourait était particulièrement bourrée de corpuscules très petits, et qu’on pouvait les suivre jusqu’à la capsule de la glande. » L. J. tn pe NOTES ET REVUE. v [IL SUR LES BRYOZOAIÏIRES CHEILOSTOMES FOSSILES DE LA PROVINCE DE VICTORIA (AUSTRALIE), Par Arthur W. WATERS. (Quart. Journ. Geological Soc., août 1881.) M. Waters décrit et figure 72 espèces de Bryozoaires appartenant pro- bablement au miocène australien. Au cours de ce travail, il insiste sur l'insuffisance des classifications en usage pour certains groupes de Cheiïlostomes. On se basait autrefois sur la forme adhérente ou dressée des colonies, et l’on était conduit par ce crite- rium à séparer des formes aussi voisines que les Eschara et les Lepralia. Frappés de cet inconvénient, Smitt, puis tout récemment Hincks, ont essayé de former de nouveaux groupes basés sur la forme de la bouche des loges, mais cette forme est souvent masquée par l'épaisseur du péristome et le nouveau caractère devient dans ce cas insuffisant. L’auteur pense que l'examen de la manière dont s’opère l’accroissement de la colonie et dont les jeunes loges bourgeonnent sur leurs aînées peut rendre de grands services. La collection qui a fait le sujet de ce travail renferme des Crisies sans articulations et des Catenicelles dont les entre-nœuds sont bien plus longs que dans les formes actuelles. L'auteur se demande si les formes articulées ne dérivent pas de formes continues. L'examen d’une forme intéressante, la Cribrillina suggerens, lui suggère également la pensée que les aviculaires des Bryozoaires pourraient bien être des pores modifiés. Dans cette espèce, les pores marginaux ont le cadre sur- élevé au point de former une sorte de petit tube saillant, qui, s’il était pourvu d’un opercule, ressemblerait tout à fait à un aviculaire. Les pores sont très probablement des organes de respiration. Quand on décalcifie une loge cal- caire, on voit surla membrane, aux points où les pores existaient, de petits disques présentant au centre une tache qui marque le point d'attache d’un filament d’endosarque. 11 y a là, une disposition propre à mettre les tissus de l'animal en communication avec l'extérieur. Les pores ordinaires se couvrent facilement de vase, un pore à bords surélevés comme ceux de Cribrillina sug- gerens est à ce point de vue un perfectionnement. Il serait encore plus parfait, si ce tube était pourvu d’un couvercle. On aurait alors un aviculaire. L’avi- culaire serait donc probablement, d’aprèsM. Waters, un organe de respiration. La position des aviculaires, souvent placés loin de la bouche, contredit d'ail- leurs la théorie qui veut en faire des organes de préhension. EUR vi NOTES ET REVUE. iV SUR L'HYPOPHYSE CHEZ ASCIDIA COMPRESSA ET PHALLUSIA MAMMILLATA, r Par Charles JuLin. (Archives de biologie d'Ed. van Beneden et van Bambecke, t. II, f, 1, 1881.) Nous avons déjà donné, dans ces Archives, un résumé des précédentes recherches de M, Julin sur la glande sous-nervienne des Ascidies et sur le pavillon vibratile qui en est l’orifice. L'auteur vient de donner à son étude un complément en décrivant, chez deux autres Ascidies, cet appareil intéres- sant que M. Ed. van Bencden regarde comme correspondant à lhypophyse des Vertébrés. L’Ascidia compressa ne présente à ce point de vue rien de particulier. Il n’en est pas de même de la Phallusia mammillata. Dans cette espèce, la portion glandulaire de l'appareil est extrêmement réduite, si bien qu'il est impossible d’en reconnaître la structure; en revanche, au lieu de l’orifice unique en forme de fer à cheval qu’on rencontre ordinairement dans les Ascidies, on voit ici un orifice en entonnoir arrondi, s’ouvrant dans la cavité buccale, terminer un canal long et flexueux qui part de la glande et qui sur son chemin émet dans tous les sens une grande quantité de diverticules. Ces diverticules, dont le nombre va en croissant avec l’âge de l’animal depuis quatre-vingts jusqu'à cinq cents, sont tous terminés par un entonnoir vibratile semblable à l’entonnoir terminal, mais s’ouvrant non plus comme lui dans Ja bouche, mais dans l’espace péribranchial. Ces pavillons se forment non pas par une invagination de l'épithélium superficiel, mais de toutes pièces aux dépens des diverticules du canal principal. Ceux-ci se dilatent à l'extrémité, viennent au contact de l’épithélium péribranchial qui se résorbe etles met ainsi en communication avec l'extérieur. Ussow avait déjà vu ces entonnoirs secondaires, mais il les avait décrits comme organes olfactifs, et l'entonnoir terminal s’ouvrant dans la bouche lui avait échappé. Le travail de M. Julin est terminé par la reproduction d’une hypothèse suggérée par cette disposition anatomique à M. Ëd. van Beneden, et déjà présentée dans le Bulletin de l'Académie royale de Belgique, du 6 juin 1881. D'après lui, les produits de sécrétion de la glande se déversant dans l'es- pace péribranchial sont de nature excrémentitielle. Or, il n’y a qu’une seule sorte de glande qui s'ouvre quelquefois par plusieurs orifices, ce sont les glandes rénales chez les Cestodes et les Polygordius ; done l'hypophyse doit avoir rempli primitivement chez les Chordés la fonction rénale. Lu NOTES ET REVUE. vil V NOTE SUR LA NATURE DE L'OEIL IMPAIR DES CRUSTACÉS, Par MarRENs M. HarToG. Chacun connait cet organe si marqué chez tous les Copépodes, le seul or- gane visuel que possèdent la plupart d'entre eux, de même que chez presque toutes les larves dites Naupliiformes. Cet œil se retrouve souvent accompagné des grands yeux composés des autres Entomostraciens, et des formes lar- vaires d’un grand nombre de Podophthalmées. D'après des dessins de Claus (Untersuchen ueber Cruslaceen), il serait présent dans le zœa du Penæus (t. Il, fig. 3), dans le protozæa d’un Stomatopode inconnu (t. IV, fig. 2), l'Elaphocaride du Sergestes (t. VI, fig. 4); il existe chez les Phyllosomes des Décapodes doriqués, Le seul embranchement qui ne le possède Jamais est celui des Edriophthalmées. On admettra sans peine que l'œil impair est Fœil primitif des Crustacés. La plupart des auteurs l’ont décrit comme double, triple, seulement chez quelques formes. Cependant Leydig avait reconnu sa constitution triple chez l’Argulus et chez les Daphnidiens ou Cladocères et Claus a constaté récem- ment (Zeitschr. fur Wiss. Zool., t. XXVIL p. 373) qu’il est toujours triple. Il consiste, en effet, en trois corps réfringents biconvexes, dits sphères cristal- lines, dont deux latéraux et un ventral, et plongés par leur surface proxi- male dans une masse de pigment cramoisi. Cet œil se rattache à la masse cérébrale. Chez l’Argulus, chez les Cladocères et chez les vrais Phyllopodes il y est attaché par trois cordons nerveux ou nerfs optiques ; ailleurs 1] paraît reposer directement sur le cerveau, dont il semble indiquer l'extrémité an- térieure morphologique. Mais nous verrons que cette différence n’est qu'ap- parente ; elle tient seulement au développement plus ou moins étendu des nerfs optiques. | En faisant une étude approfondie de l’organisation du Cyclops, surtout par la méthode des sections minces, étude presque terminée et qui paraîtra pro- chainement, J'ai pu constater que la structure de cet œil est plus compliquée qu'on ne le pensait, et qu’il constitue un type à part. Voici les détails. La masse centrale est anhiste, sans structure; les granules rouges y semblent surtout incrustés dans les concavités qui reçoivent les sphères cristallines. Le bord postérieur de cette masse est nettement séparé du cerveau par une pellicule distincte et continue, laquelle n’est traversée par aucune fibre ner- veuse. Les trois nerfs optiques longent chacun la partie postérieure de la face externe d'une sphère pour s’y déverser à environ un tiers de sa périphérie. Les sphères elles-mêmes montrent une striation rayonnante et renferment des noyaux dans leur partie extérieure. Ce sont, par conséquent, des agglo- mérations lenticulaires de bâtonnets optiques, à segment nucléé au cône optique eœlerne. Les bâtonnets sont donc renversés, et l'appareil percepteur de la lumière est en arrière de l'appareil conducteur de la sensation visuelle. VIIL NOTES ET REVUE, Je parle du Cyclops ; mais ces rapports ont été examinés et constatés encore plus facilement sur le Diaptomus castor ; dans ces deux types j'ai confirmé mes conclusions en comparant les sections aux organes isolés par la dissection sous le microscope simple. Cette structure est-elle particulière aux Copépodes ? Non, elle se retrouve chez les Phyllopodes. Claus l'a bien représentée dans son travail sur le dé- veloppement du Branchipus et de l’Apus (Abh. d. k. Gesell. z. Gœtlingen, t. Ier, Me. 53 1e. 5; CAN Me. 47, 493; 1. VIL 5:c.),masalbn'en donnees une description détaillée et l’on peut croire qu'il ne s'est pas arrêté alurs à son étude spéciale. Grâce à l’obligeance de M. A. Poppe (de Brême), j'ai pu élever des larves de ces Phyllopodes, et j'ai constaté l'exactitude des dessins du savant professeur de Vienne, L'œil de ces bêtes est essentiellement celui des Copépodes et il n’y a pas de raison de douter qu'il en est de même partout où 1l se retrouve chez les Crustacés. On avait déjà trouvé des veux à éléments renversés chez les animaux sans vertèbres, sans parler des Ascidiens larvaires : les yeux marginaux de /'ecten, les yeux dorsaux de l'Onchidium. Mais ces yeux, de même que l'œil des Ver- tébrés, sont des yeux simples; ce n'est que dans le groupe si aberrant des Chætognathes qu’on trouve quelque chose qui puisse se comparer à l’œil pri- mitif des Crustacés, rapprochement déjà fait par M. Oscar Hertwig dans son travail classique Die Chælognathen (léna, 1880, p. 24; voir pl. IV, fig. 6-9). « L'œil des Chætognathes n'est point simple; — c'est une structure com- posée qui est surtout analogue à Pœil de plusieurs crustacés ; il faut supposer qu'il s’est formé par la fusion de trois ocellus simples. Voici en résumé sa com- position : L’œil composé des Chætognathes est sphérique ; il est formé de trois lentilles plongées dans une masse pigmentée, centrale. La surface externe et libre de ces lentilles est recouverte d’une couche épithélioïde de celiules optiques formant une rétine. L'épithélilum optique est composé d’une couche externe à noyaux (c'est-à-dire de cônes visuels nucléés) et d'une couche de bâtonnets, lesquels viennent aboutir à la périphérie externe de la lentille. La position relative des lentilles est cause que le bâtonnet de chacune a une orientation particulière; certains d’entre eux sont même tournés à la face ventrale de l'œil, au point d'entrée du nerf optique. L'œil est contenu dans l'épiderme; il en reçoit un mince recouvrement de cellules épidermiques aplaties. » On verra à quel point cette description correspond à la mienne. Il ne faut qu'une chose pour établir l'identité. L'œil des Crustacés est médian impair ; l'œil des Chætognathes est latéral, répété des deux côtés de la tête. Sans viser à établir une étroite parenté entre les deux groupes, je rappel- lerai les muscles striés des Chætognathes, leur formation de trois métamères, chiffre qui se retrouve dans le Nauplius, ct dans le corps même du jeune Copépode dans l'œuf. Pour le moment, je me contente d'indiquer ces faits. Il ne sont pas les seuls que m'ont révélés les méthodes modernes par section transparente, appliquées, je crois,fpour la première fois à l'étude des Entomostraciens. NOTES ET REVUE. IX VI DE LA STRUCTURE DU TUBE DES SABELLES, Par E. Macé, Licencié ès sciences naturelles. Les tubes que les Annélides sédentaires édifient pour se protéger contre les influences extérieures sont de forme et de structure bien différentes. On en trouve un premier indice dans le revêtement lisse et muqueux que certaines Arénicoles sécrètent pour tapisser les galeries qu’elles se creusent dans la vase. D’autres, Térébelles, Clymènes, etc., ont un tube fragile, formé de ma- tériaux grossiers, agglutinés par une sécrétion peu abondante ; elles le quittent du reste assez souvent, et s’en reconstruisent facilement un autre. Les Myxi- coles ont un tube muqueux, très épais, décrivant de nombreuses sinuosités dans la vase et beaucoup plus long que l'animal. Les Chétoptères, les Sabelles, ont une habitation à parois plus résistantes, d'aspect et de consistance ana- logues à ceux du parchemin mouillé. Enfin, chez les Serpules, nous trouvons des tubes très résistants, fortement encroûtés de calcaire, servant d'appareil de protection très efficace à leur hôte. Frappé de la diversité si grande d’un même appareil dans un groupe aussi homogène que celui des Annélides tubicoles, nous avons voulu examiner la question de plus près et chercher si, au-dessous de ces modifications secon- daires de forme et de composition, nous pourrions trouver,une structure fon- damentale identique. Nous avons pensé qu’en étudiant d'abord un type bien choisi dans la série et en essayant de ramener à ce point de comparaison les espèces les plus divergentes en apparence, on arriverait plus sûrement et plus directement au but que l’on doit se proposer dans toute étude de ce genre : trouver la loi générale de composition de ces appareils. Nous avons choisi comme type le tube des Sabelles. Les raisons qui nous l'ont fait prendre sont, outre la facilité de se procurer de beaux tubes, le dé- veloppement et la séparation bien nette des différentes parties constituantes. Ce travail a été commencé au laboratoire de zoologie expérimentale à Ros- coff, en septembre 1879; nous comptions aller l’y terminer, en sollicitant de nouveau la généreuse hospitalité qui nous avait été accordée une première fois ; mais des circonstances indépendantes de notre volonté nous ont em- pèché d'exécuter ce projet et forcé de remettre à plus tard la suite de ces études. Le tube du Sabella penicillus est formé de deux parties d’origine, de nature et de fonctions bien différentes. La première, extérieure, que nous pouvons appeler accessoire, puisqu'elle peut souvent manquer ou à peu près, n’est pas formée par l’animal ; ses élé- ments constitutifs viennent du milieu ambiant. L'autre, essentielle, constante, est sécrétée par l’Annélide. La première partie est un revêtement externe que l’animal forme à son tube x NOTES ET REVUE. proprement dit, en recueillant autour de lui toutes les particules solides assez fines pour lui servir. Aussi comprend-on facilement qu’elle soit de composi- tion extrêmement variable et en rapport avec la nature du fond où vit l'animal. Dans les grèves sableuses, elle sera composée presque exclusivement de petits cristaux de quartz ; dans les fonds vaseux, c'est une pâte noirâtre qui domine ; dans les herbiers, on trouve mêlés une grande quantité de débris végétaux ; cependant la vase fine semble être préférée par la Sabelle. Cette partie extérieure se présente souvent avec des degrés de développe- ment très divers ; un même tube peut en effet posséder, dans la plus grande par- tie de son étendue, un revêtement vaseux très épais et n’avoir, dans la portion restante, qu’une mince couche adhérente au tube muqueux ; certains individus même ont des tubes presque exclusivement réduits à la partie interne. C'est que l'animal, pendant la formation de ces tubes ou parties de tubes, n’a trouvé, à la portée de ses cirrhes branchiaux préhensiles, que des matériaux trop grossiers pour être employés à la construction de son habitat. Il est à remarquer que, dans ces conditions, le tube muqueux est beaucoup plus dé- veloppé; de telle sorte qu’on peut admettre une loi de développement inverse pour ces deux portions du tube, lune étant d'autant plus épaisse que l’autre l'est moins. Cependant il semble que lanimal économise le plus possible sa sécrétion, en augmentant beaucoup plus sa couche externe, qu’il emprunte au fond où il vit, et en ne donnant de lui que le strict nécessaire pour consolider, de la manière que nous verrons plus loin, cette partie extérieure. C’est du moins ce qui résulte de l'observation de ces Annélides dans des endroits où les fonds sont différents. On conçoit facilement quelle doit être la diversité des matériaux employés à la construction du tube des Sabelles. On y trouve en effet des éléments de toute sorte : cristaux de quartz, spicules d’éponges diatomées, débris d’Al- gues, ete., le tout empâté dans une vase noirâtre à grains fins. Enfin souvent, sur la partie du tube qui émerge, on rencontre des colonies d’Algues, de Bryozoaires, d'Hydraires à tous les âges. Cette première portion du tube montre, dans toute sa longueur, une stria- tion transversale très nette, paraissant correspondre à l'annulation de la Sa- belle ; de plus, elle se fendille très facilement dans tous les sens, sans tomber, fait dont nous aurons l'explication en étudiant la couche suivante. La seconde couche, que nous avons nommée couche essentielle, ne manque jamais, et parfois constitue à elle seule une partie de l'habitation de l’Anné- lide. Elle a une structure assez complexe, et nous arrêtera plus longtemps que la première ; c’est elle en effet que nous avons surtout en vue dans ce travail. Elle est formée d'une substance incolore, hyaline, se gonflant beaucoup par macération dans l'eau distillée et devenant dure et cassante par la des- siccation. Pendant la vie de l'animal, elle présente une flexibilité parfaite et une résistance assez grande, ce qui l’a fait comparer à tort à du parchemin. L'étude de cette partie du tube se fait très bien sur de minces coupes trans - versales et longitudinales ; seulement l'examen de ces coupes doit se faire dans l’eau salée, la glycérine éclaircissant trop la préparation et rendant les stries fines difficiles à apercevoir, surtout dans les coupes longitudinales. L'al- cool ne modifie en rien la structure de ces tubes ; nous l'avons trouvée iden- NOTES ET REVUE. XI tique à celle des échantillons frais sur des tubes que nous avions rapportés de Roscoff avec leurs habitants. Aucun réactif de coloration ne nous ayant donné, pour cette partie, des ré- sultats satisfaisants, nous n’avons pas à en indiquer l'emploi. Cette portion interne, comme on le voit très nettement sur la coupe trans- versale (fig. 4), est formée de strates concentriques assez épaisses, Ces strates se laissent elles-mêmes décomposer en fibrilles très fines, qui se gonflent et disparaissent rapidement sous l’action des réactifs. Du côté interne, on dis- tingue, assez difficilement au premier abord, une couche granuleuse très mince, mal délimitée, qui se différencie bientôt plus nettement par la remar- quable propriété de se colorer par le carmin. Par une légère macération dans l’eau, l’on arrive facilement à en faire une analyse beaucoup plus exacte que par l'examen microscopique. On se sert avec avantage des portions de tube n’ayant qu’un revètement vaseux très mince. Lorsqu'on met un morceau de tube dans l’eau et qu'on l'y laisse séjourner quelque temps, il se gonfle beaucoup ; si on examine alors attentivement les surfaces intérieure et extérieure de ce tube, on remarque de suite, sur cha- cune d'elles, une sorte de membrane mince, se laissant isoler facilement et préseotant des caractères tout spéciaux. Cette partie se laisse, en effet, facilement diviser en trois couches : une mé- diane, se gonflant beaucoup dans l’eau, et deux autres, l’une externe et l’autre interne, ne présentant aucune modification de structure après action de ce liquide. Ces deux membranes forment, à la partie moyenne du tube, une espèce de gaine, d’étui protecteur; leur résistance aux réactifs qui gonflent ou détruisent la zone médiane est très marquée. Elles servent sans doute de moyen de pro- tection, d’une sorte de cuticule à cette partie. La couche protectrice externe, située contre le revêtement de vase, n'ap- parait que très difficilement sur les coupes tant longitudinales que transver- sales. Par contre, l'étude s’en fait très facilement sur des lambeaux arrachés après macération. Elle est formée d’un réseau à mailles larges et irrégulières ; ce sont d'épais tractus qui s’anastomosent entre eux en laissant libres des espaces de formes variables, dont nous verrons la destination plus tard, en étudiant la couche moyenne. Ces brides ont une structure fibrillaire très re- connaissable. | La couche protectrice interne est continue ; elle s’enlève avec beaucoup plus de facilité que la précédente, après macération du tube dans l’eau ; on la dé- tache en larges surfaces d'aspect nacré. Cette couche apparaît, sur les coupes transversales ou longitudinales, comme un mince revêtement granuleux de la zone moyenne; elle se colore rapidement par le carmin, et forme alors une sorte de liséré rose, très bien délimité ; étalée sur une lame porte-objet et examinée à un grossissement de 300 diamètres, on reconnaît qu’elle est for- mée de fibrilles excessivement fines, s’entre-croisant un peu en tous sens, mais dont le plus grand nombre a une direction longitudinale. Ces fibrilles enche- vêtrées retiennent entre elles un grand nombre de petits corps hyalins, en forme de bâtonnets, et sont semblables aux organes soi-disant tactiles décrits dans les téguments des Vers. : xl NOTES ET REVUE. Ce fait, assez extraordinaire en apparence, n’est toutefois pas isolé dans la science. Dans sa belle monographie du Cérianthe (Ann. des sciences natu- relles, 4 série, 1), J. Haime décrit le tube feutré de cet Actiniaire comme formé par les filaments des nématocystes : « Je me suis assuré que toute la masse du tube feutré est uniquement composée de fils extrêmement longs et extrèmement déliés, s’enchevêtrant de mille manières, et je n’ai pas tardé à me rentre compte de la nature et de l’origine de ces filaments. J'ai trouvé en effet qu'ils tenaient par leurs bases à de petites coques vides en totalité ou en partie, et qu’ils constituaient avec elles des organites de tout point semblables aux corps qu'on a décrits, dans les Actinies et les Acalèphes, sous les noms d'organes ürticants et de vésicules ou capsules filifères. Je les appellerai né- malocystes. » Ces nématocystes viennent directement des téguments du Cé- rianthe, car, lorsqu'on retire un individu de son tube et qu’on l’abandonne ainsi, il se fait une sécrétion d'une mucosité épaisse, formant une enveloppe complète, composée entièrement de nématocystes tout à fait semblables à ceux de la vieille gaine. On rencontre un fait analogue chez les Chétoptères : lors- qu'on retire un individu de son tube, il se recouvre bientôt d'un mucus très épais, sécrété par l'enveloppe tégumentaire et d’un aspect bien AAÉRENT de celui de la majeure partie du tube. Les corpuscules en baguettes des Vers, naissant, comme les nématocystes des Cœlentérés, dans certaines cellules des téguments, sont considérés comme les équivalents morphologiques et physiologiques de ces derniers. Ces deux faits de présence de nématocystes dans le tube du Cérianthe et de bâtonnets dans la couche interne du tube des Sabelles sont donc parfaitement compa- rables. Du reste, l'élection du carmin pour cette partie était déjà une forte pré- somption pour y trouver des corps organisés. La couche movenne est beaucoup plus développée que les deux couches protectrices que nous venons d'étudier, elle constitue à elle seule la majeure partie du tube muqueux. Son aspect est assez différent en coupe transversale et en coupe longitudinale pour que nous donnions une figure de chacune. Cette partie est formée d’un petit nombre de strates facilement visibles à un gros- sissement moyen. Ces strates, dont le nombre et la dimension sont en raison de l'épaisseur de la partie muqueuse du tube, s’isolent surtout nettement les unes des autres aux bords de la coupe. A un fort grossissement, elles laissent voir une striation transversale très fine. Ces strates parcourent d'ordinaire toute la coupe, et il est à croire qu'elles font tout le tour du tube. Cependant, certaines (fig. 4, e) se terminent brusquement en se repliant en anse. On trouve assez souvent inclus dans ces strates des corps allongés, fusi- formes, qui semblent se continuer de chaque côté avec la strate située à leur niveau ; leur nature reste inconnue. Mie des coupes longitudinales dévoile des particularités plus intéressan- . Les strates de la couche moyenne y sont moins nettes; par contre là re est beaucoup plus apparente (fig. 2). La couche moyenne se montre, sur ces coupes, formée de faisceaux très onduleux s’envoyant des anastomoses dans tout leur trajet. De plus, cette couche moyenne envoie dans le revêtement vaseux un grand nombre de prolongements de même nature qu'elle (lig. 4 et, NOTES ET REVUE. xiIl f, f). Ces prolongements se retrouvent aussi dans les coupes transversales ; mais, à cause de leur obliquité, on n'arrive que bien rarement à pouvoir les suivre dans une faible partie de leur longueur. Ils sont en général beaucoup plus longs que la couche dont ils proviennent. Quand le revêtement vaseux est bien développé, ils atteignent, comme lui, cinq à six fois l’épaisseur de la partie muqueuse du tube. On voit très distinctement le système de striations de la couche moyenne se continuer dans ces processus, qui présentent, tout comme cette dernière, l'aspect fibrillaire à un fort grossissement. A chacun de ces filaments attient une portion de la couche vaseuse, régulièrement dis- tribuée et agglutinée autour de lui. Certains d’entre eux se bifurquent et même se trifurquent ; chaque branche possède alors son revêtement vaseux spécial. Il est probable que de petits tractus muqueux, émanant des filaments principaux, servent à retenir les divers matériaux qui forment la vremière partie du tube; leurs dimensions, nécessairement très restreintes, les font échapper à l'observation la plus attentive. En examinant avec soin la surface externe d'un tube complet, on aperçoit facilement, surtout en forçant un peu sa courbure, un système de fissures formant un réseau irrégulier ; ces fissures ne sont que les intervalles situés entre les filaments muqueux revêtus de leur enveloppe de vase. On peut maintenant comprendre pourquoi la couche protectrice externe est un réseau à larges mailles, au lieu d’être une membrane continue comme la couche protectrice interne. Les ouvertures servent à laisser passer le système de processus muqueux, qui vient d’être décrit. Dans les portions de tube, où le revètement vaseux fait complètement ou presque complètement défaut, ces filaments sont très réduits; ils peuvent même ne plus former que de petits tubercules, auxquels sont agglutinés les quelques grains de sable ou de vase constituant la couche accessoire. Les caractères chimiques de la substance qui Die la partie muqueuse du tube sont loin d’être bien définis. L'eau distillée ne manifeste son action qu’au bout de quelque temps ; bouil- lante, elle agit de suite. Elle gonfle beaucoup la couche moyenne, fait dispa- raitre la délimitation des strates et isole facilement les deux couches protec- trices en restant sans action sur elles. La potasse la gonfle d’abord fortement, puis la dissout. Lorsqu’on neutralise la base par l'acide chlorhydrique, il se dépose des flocons blanchätres qui, au bout de quelques heures, deviennent violets à la lumière. Ces flocons dispa- raissent par ébullition et se reprécipitent par refroidissement de la solution. Ils communiquent à la liqueur la propriété de mousser fortement par agitation. En faisant la réaction sous le microscope, on voit que la potasse agit peu sur la membrane protectrice interne, la seule bien visible. Sur des lambeaux des deux membranes protectrices, elle ne paraît avoir aucune action ; il en est de même des autres réactifs. L’ammoniaque a la mème action que la potasse, mais moins prononcée. L’acide azotique concentré la jaunit faiblement et la rend transparente ; à chaud, 1l la colore fortement en jaune, puis la dissout. L’acide sulfurique concentré la rend transparente et isole les strates prin- cipales ; un contact prolongé la racornit. XIV NOTES ET REVUE. L’acide acétique ne la gonfle pas. L'iode ne colore que la couche protectrice interne, qu'il teint fortement en brun. D'après ces réactions, cette substance est un composé albuminoïde très voisin de la mucine, sinon identique à elle. La mucine extraite des Limaces présente une partie de ces caractères ; celle que l’on retire du mucus, de la bile, etc., en diffère beaucoup plus. Il y a donc à distinguer dans cette partie essentielle du tube de la Sabelle deux substances de réactions et d’origine bien différentes. L'une, qui forme l’épaisse couche médiane et que ses caractères rapprochent de la mucine, est sécrétée par des glandes spéciales, se trouvant à la base des cirrhes bran- chiaux ; l’autre, formant les deux couches protectrices, a des réactions qui la rapprochent plutôt des formations cuticulaires et est secrétée par les glan- des cutanées uni ou pluricellulaires, si puissamment développées dans les téguments des Annélides. Ces deux parties si différentes se retrouvent-elles chez les autres Annélides Tubicoles? Nos recherches ne nous permettent pas d'être affirmatif sur ce point. Chez les Myxicoles toutefois, la partie d'apparence glaireuse parait être entourée aussi d’une sorte de gaine protectrice. Chez les Serpules, les prépa- rations n’ont pas donné de résultats satisfaisants ; nous croyons cependant devoir considérer l'enveloppe calcaire comme l’homologue de la partie mu- queuse du tube de la Sabelle. eo mm VII DEVELOPPEMENT DES STATOBLASTES DE LA CRISTATELLE Par W. REINHARD DE CHARKOW. (Zoologischer Anzeiger, juillet 4881.) Comme on sait, Nische, dans son excellent travail sur l’Aleyonelle, est arrivé à cette conclusion que les statoblastes de ce bryozoaire sont formés de deux moitiés dès le début du développement. Il nomme l’une des moitiés cystogéne et croit que à ses dépens se constitueront l'enveloppe et l'anneau des cellules à air. Quant à l’autre moitié, il lui a donné le nom de masse forma- tive, mais n'a pu observer la formation du cystide à ses dépens. Les recherches faites sur des statoblastes entièrement formés m'ont conduit à la conclusion suivante. — Les statoblastes de la cristatelle, comme il est facile de le voir sur les coupes, sont formés d’une masse granuleuse uniforme, recouverte par l’ectoderme composé de cellules cylindriques. Sous cette couche on peut remarquer une couche de noyaux. — Plus tard, le nombre des couches de cellules s'accroît et l'on reconnait la présence de la tunique musculaire. Je n'ai pu distinguer les cellules délicates de l’'Endoderme au milieu de la masse granuleuse et foncée contenue dans l’intérieur du statoblaste. En sectionnant des statoblastes à tous les stades, je suis arrivé à constater que la paroi du corps du futur cystide ne se forme pas après le complet achèvement de l’en- NOTES ET REVUE. XY veloppe du statoblaste, mais beaucoup plus tôt et qu’elle représente un pro- longement de la couche interne de la moitié du cystogène de Nitsche. Cette couche ne disparait pas comme Nitsche le pense et doit être regardée comme la couche formative proprement dite. La masse centrale granuleuse remplit presque complètement le cystide et ne peut, par conséquent, être prise pour Ja couche formative. Elle sert à sa nutrition, mais il est possible qu’elle prenne part à la formation de l’épithélium interne. VIN SUR UN NOUVEAU MODE DE FORMATION DU BLASTODERME DES | DÉCAPODES Par C.-V. MERESCHKOWSKI. (Zoologischer Anzeiger, 9 janvier 1882.) On a observé jusqu'à présent trois modes de formation du blastoderme chez les Décapodes, qui tous ont ceci de commun qu'ils sont précédés par une segmentation de l'œuf. Le cas que j'ai observé et dont Je rends compte ici est particulier en ce qu'aucune segmentation proprement dite n'intervient. 4° Chez le Mysis, dont l'œuf est méroblastique, Ed. van Beneden a observé une segmentation partielle : le protoplasma se rassemble à l’un des pôles et de sa segmentation résulte un disque proligère qui s’étend toujours de plus en plus sur l’œuf jusqu’à envelopper le vitellus d’une membrane blastoder- mique continue. Les deux autres types ont un œuf holoblastique qui produit Je biasto- derme de deux manières différentes, 2° Chez le Palémon on observe une segmentation totale et régulière : après que le noyau s’est divisé en deux, l'œuf entier se segmente en deux sphères, puis, toujours à la suite des noyaux, en 4, 8, etc., puis plus tard l'extrémité centrale de chaque sphère de segmentation se fond en une masse commune et centrale de substance vitelline qui paraît couverte par une membrane blastodermique indépendante. Ce processus est le plus fréquent chez les décapodes et doit être considéré comme primitif. 3° Chez Eupagurus, P. Mayer a observé un type très différent; le noyau avec le protoplasme clair qui l’environne commence par se diviser au sein du deutoplasme, en 2, 4 et enfin 8 parties, aui gagnent la surface comme autant de cellules indépendantes ; c’est alors seulement que commence réellement la segmentation de l'œuf en 2, 4, 8 parties; elle est complète et régulière, Plus tard, comme dans l'exemple précédent, les extrémités internes des cellu- les se fondent dans la masse centrale. 4 Enfin chez Callianassa Mediterranea, qui se trouve fréquemment dans XYI NOTES ET REVUE. le Golfe de Naples, j'ai pu observer encore un quatrième type de formation du blastoderme qui s'éloigne encore plus du type normal et se rapproche de ce qui à lieu chez les insectes. Sur des œufs frais, de mème que sur des cou- pes, J'ai pu observer les faits suivants : On voit se former, comme chez Æupagurus, au sein du deutoplasme et par division régulière du noyau et du protoplasme clair qui l’environne d’abord, 2, puis 4 et 8 celiules, mais dont le nombre atteint ici 16 avant que la seg- mentation de l’œuf entier commence. Pendant que ces 16 cellules se for- ment à l’intérieur de la masse vitelline, elles gagnent peu à peu la surface où elles se disposent en ordre et sont très faciles à voir. Autour de chacune de ces cellules et autour de toutes en même temps, apparait une ligne de dé- marcation d'abord très peu marquée, causée par une segmentation superli- cielle et qui est accompagnée d’un bombement se produisant au-dessus de chaque cellule; en un mot, le vitellus commence par se diviser en 16 parties, les divisions gagnent peu à peu de la superficie vers le centre de l'œuf, qu’el- les n’atteignent pas cependant, car elles s'arrêtent au premier tiers du rayon. Les cellules qui sont séparées sur les côtés sont réunies au fond par la masse centrale du vitellus ; enfin, elles se limitent aussi de ce côté, et le blastoderme se trouve constitué par une couche de longues cellules prismatiques entou- rant une masse centrale de vitellus nutritif sans noyau. Plus tard, ces cellules prismatiques se divisent, deviennent de plus en plus nombreuses, plus petites et plus plates. Quand nous comparons ce quatrième mode de formation du blastoderme à celui décrit par Paul Mayer dans Eupagurus, et qui lui ressemble beaucoup, nous trouvons les différences suivantes : 4° le noyau se divise ici en 16 cel- Jules au lieu de 8; 2° l'œuf se segmente d'un seul coup en 16 sphères au lieu de se diviser en 2, puis en #, puis en 8; 3° la segmentation n’atteint pas le centre de l'œuf où subsiste toujours une masse vitelline; 4° enfin, les cellules blastodermiques ne sont pas aplaties en forme de lentilles, mais cylin- driques ou prismatiques par pression réciproque. Ce mode de formation est très différent de celui habituel aux décapodes et présente un intérêt spécial, car il établit un passage très démonstratif entre le mode ordinaire aux décapodes et celui des insectes dont il diffère à peine, et seulement en ceci, que chez ces derniers les cellules sont plus nombreuses et que plusieurs d’entre elles restent au centre de l'œuf. EL: 4. Le directeur : H. DE LACAZE-DUTRIERS. Le gérant : G. REINWALD. Zoo! Expl® et Cén!° # P Girod ad nat del. Imp. Ch. Chardon ainé DAIRUCTURE EN PEXTUREMSE Léa POCHE Mol eMEr GC. Mercier se HONTE citer se. CMer Te RAT NC PET TES Ce con Éd em ? ne inde => MEN Œ | eg Du da En = >. NÉS ES E ce S | St : , 0 . | S É FE € - ? é | (= 1.5 < e É o û U = 4 < CR RS ue : a, © ; * ? y ta rs E” o F Le] NI » 0 y + * Y Ï 4 \ " D . 4 0 è t . [ . . i I VS Vol.X. PI. III. DE LA POCHE D'EMAICEES æ VAISSEAUX PS CC Ne LL .de Peel. Expl® et Cenl® Arch.de /ool Expl° et Génl® Wa T1 P Cirod ad nat. del. Pan Ch Chr ane ANNEE SRE DE, LA#WOCHE DU NOIR | é ; CPE av ve fx LL: Te \ + F * re, Cet \ 6 a 4rÀ lb rats < CRE SES 7 à & 0 G * ENT , te ; ” à Ÿ L L à Yu - Ca L ï + à LD { À ‘ " dy : Va nl 2 1 > ‘ AL OR ; Ca ee i 243 AY de A ; Es » A EPA: & A i | ge ke e sale. NAN . é ; . V FA à 4 . “ # « « On u Arch. de Zool. Exple et Gen PL Cirod ad nat del SLT ÿ sf le : (YA TES) AL = Re ue, 2 ee D “us, « DPTLALIETIEEE TTL nt CELLETTEREE mp. Ch. Chardon aine PENLASPOCAHE DU NOTE. Vol'X' PALM GMercter se or ANATOMIE ET DÉVELOPPEMENT DES OPHIURES. 145 par J. Müller‘, qui dit que le pore se trouve constamment du côté gauche de la plaque buccale, par rapport à l'observateur, en sup- posant que ce dernier regarde cette plaque en face. A ce pore commence la portion externe du canal qui, chez l'Ophio- glypha albida, pénètre dans la pièce buccale, à angle droit, puis jus- qu'au milieu de son parcours suit le même chemin. Le canal n’est pas de la même largeur dans toute son étendue; il est intérieurement revêtu d'un épithélium à cellules allongées, et porte des cils vibra- tiles. Chez les animaux adultes il est plus compliqué; il se courbe et offre des excavations. Au-dessous de lui (il considère l'animal dans sa position naturelle) se trouvent deux organes importants : l'un, c'est Le plexus central (Æerzgeflecht), et l'autre, le canal pierreux. Ce canal seul, pour l'auteur, doit communiquer avec le canal pierreux, mais il n'a pu voir la communication ?. C'est par l'injection que nous décrirons tout à l'heure que nous prouverons que ce canal (qui chez les Ophioglypha existe dans la plaque madréporique, décrit des sinuosités et se dilate en ampoule), à 1c1 une disposition qui n'est pas générale chez les Ophiures. Chez les Ophiocoma le canal aquifère vient aboutir directement à l’exté- rieur, par un pore unique sans Canal. Le canal du pore suit directe- ment le canal aquifère, dont il n’est qu'un prolongement qui se ren- contre chez les individus adultes. Chez les Ophiothrix,les choses ont lieu comme chez l'Ophiocoma nigra ; les Amplhiura filiformis et squa- mata présentent quelque chose d'analogue avec les Ophioglypha. Si nous disséquons dans l'espace compris entre deux bras et limité en haut par la plaque madréporique, nous nous trouvons en présence d'un canal accolé sur les muscles, qui descendent vers la partie inférieure du disque. Le canal se présente à l'extérieur avec de légères différences. Chez l’'Ophiocoma nigra, il est formé entière- ment de mailles calcaires. Chez l'Ophioglypha lacertosa, le tissu est plus serré et imprégné de substances calcaires. Chez les Ophiothrrx, il est assez mince et beaucoup plus membraneux que calcaire. J. Müller * considéra ce canal comme étant le canal aquifère. C’est à M. Simroth * que nous devons la description du véritable canal 1 Ueber die Galtungen der Seeigelarven (Abhandlungen d. kgl. Acad. d. Wiss, zu Berlin aus den Jahre 1854. Berlin, 1855, p. 33-34, pl. IX, fig. 2, et Loc. cit., du même auteur, p. 81-82). 2 Loc. cit., p.357. 3 Ueber den Bau der Echinodermen, 1854, p. 81-82, * Loc. cil., p. 455. ARCH, DE ZOOL, EXP, ET GÉN, — T, X, 1S89, 10 146 NICOLAS CHRISTO-APOSTOLIDEÉS. A aquifère ; seulement ce dernier, à cause du procédé de conservation de ses échantillons, comme il le dit lui-même, n’a pu suivre exac- tement le trajet de ce canal et voir ses communications. Le canal, en raison de sa disposition, n’est qu'une enveloppe pro- tectrice du canal aquifère et de la glande piriforme, souvent appelée cœur. I faut donc étudier cette enveloppe, le canal aquifere et la glande piriforme. Les rapports de l'enveloppe sont faciles à indiquer. Elle fait suite à la plaque madréporique, venant s’accoler sur le pore de cette pla- que. En descendant elle se dilate pour loger dans son intérieur la glande piriforme. Quelquefois même elle s'arrête, et la glande flotte librement; tel est le cas chez l'Ophioglypha lacertosa. Dans une injection poussée dans son intérieur et faite sur une espèce où ce canal est continu, le liquide s'arrête, ou bien se répand dans la cavité générale. M. Teuscher” dit qu'en injectant chez l'Opliothriz fragilis (versicolor), 11 à vu du hquide arriver jusqu'à l'anneau nerveux. Nos injections, faites sur les mêmes espèces et sur d’autres, ne nous ont jamais donné quelque résultat analogue. Cet auteur n'a pas non plus distingué, dans cette enveloppe, le véritable canal aquifère. M. Ludwig ? regarde les observations de M. Simroth comme bien faites et n’insiste pas davantage. : Sans chercher chez d'autres groupes, en ne s'adressant qu'aux Ophiures eux-mêmes, à quoi faut-il attribuer cette formation ? M. Teuscher* croit que cette enveloppe est une vésicule de Poli transformée. Généralement la vésicule de Poli qui correspond à cet endroit manque, et une idée pareille paraît assez soutenable. Mais, d'autre part, cette enveloppe existe chez les Ophiures dépourvues de vési- cules de Poli, comme cela arrive chez les Ophiothrix versicolor; quel- quefois même (nous avons rencontré par trois fois la chose, deux fois chezles Amphiura filiformis et une chez l'Ophioglypha lacertosa), on trouve accolée sur cette enveloppe la vésicule de Poli qui y cor- respondait. II faut donc considérer ces cas comme tératologiques, ou attribuer cette formation à une particularité propre à ces ani- maux, 1 Loc, cit., p, 272, 3 Loc. cit., p. 841, ÿ Loc, cil,, p, 270. ANATOMIE ET DÉVELOPPEMENT DES OPHIURES. 147 Comme nous le verrons dans la partie de notre travail consacrée au développement, à l'état embryonnaire le canal du sable existe seul, et c’est plus tard seulement que s'ajoute cette enveloppe pro- tectrice. Nous avons choisi, pour représenter une figure de cette enveloppe, l'Ophiothrix rosula, chez laquelle elle se présente dans son complet développement. Dans une des deux figures (pl. VII, fig. 5 et 6) des- sinées à un faible grossissement, on voit cette enveloppe un peu dilatée vers sa partie inférieure pour loger la glande piriforme. Dans la figure voisine, nous avons ouvert cette enveloppe, pour indiquer la disposition de son contenu. On y voit un canal tortueux (ca) qui descend pour s'unir à la portion voisine de l'anneau (pl. IX, fig. 7 et8, aa) du système aquifère que nous étudierons dans le courant de ce chapitre. C’est par une injection poussée par ce canal que nous avons pu conclure que sa communication avec l’anneau inférieur est directe, et que sa direction n’est pas rectiligne. À côté de ce ca- nal, on voit que la glande piriforme (gp) se prolonge et vient s'ou- vrir à côté de lui. Nous étudierons en détail la structure de cette glande. Sa com- munication directe avec l'extérieur est le fait important à signaler ici. Plusieurs rôles ont été attribués à cette glande ; ses rapports étaient toujours méconnus. Pourtant cet organe n'est pas d’une excessive petitesse, pour échapper à des observations même macroscopiques. Si l’on enlève l'enveloppe entière et si, après l'avoir fendue d'un coup de ciseaux dans toute sa longueur, on la soumet à l'examen, il est impossible de ne pas voir la communication directe de la glande pi- riforme avec l'extérieur. Un autre moyen, c’est de pousser à son intérieur une injection, opération infiniment plus facile à exécuter que d'injecter le canal aquifère, comme nous l'avons fait pour étu- dier ses communications ; aucun doute ne subsiste pour nous au sujet de cette communication directe avec l'extérieur. Son rôle ainsi se trouve considérablement simplifié, et dans un prochain chapitre nous étudierons de quelle manière le liquide nourricier circule dans l'intérieur de l'organisme. En poussant une injection soit au bleu soluble, soit au bichromate de plomb, par le canal aquifère, nous voyons le liquide pénétrer dans un vaisseau annulaire faisant le tour de la bouche (pl. IX, fig. 6, a, a). L'emplacement de cet anneau, connu sous le nom d’anneau aqui- fêre, est facile à déterminer, Il est situé sur le bord du second cercle 148 NICOLAS CHRISTO-APOSTOLIDÉS. limité parles premiers ossicules discoïdes des bras. Si nous admettons la dénomimation de M. Ludwig, il se trouve au-dessous du troisième ossicule discoïde. C'est à Stephano delle Chiaje' qu'on doit attribuer la découverte de cet anneau ; sur une figure de son mémoire cet anneau est par- faitement représenté, bien qu'il n’en fasse pas mention dans le texte. Si nous regardons à présent la portion de l'anneau située sous l’os- sicule discoïde, nous voyons qu'en son milieu pénètre un prolonge- ment médian. Deux autres prolongements (pl. IX, fig. 6 et 9, »', 77 s’'avancent de chaque côté dans le même ossicule discoïde. Dans l'in- tervalle des bras, nous voyons des prolongements piriformes chez l’'Amphiura filiformis, ovalaires chez les Ophioglypha albida et lacertosa (fig. 6, vp) et Ophiocoma nigra, conformés en massue chez l’'Ophio- thrix rosula. Ces prolongements en cæcum sont les vésicules de Poli. Si nous poursuivons les vaisseaux qui se prolongent dans le bras, nous pouvons voir (pl. IX, fig. 4) que les deux prolongements laté- raux se dirigent vers les tentacules buccaux, que celui du milieu après s'être élevé de l'épaisseur de l’ossicule pour atteindre la plaque ventrale qui se trouve au même niveau que la plaque madréporique, se recourbe en devenant horizontal (pl. IX, fig. 4, v, a). Dès lors, 1l poursuit sa marche dans l’espace creux existant entre la rainure ven- trale de l’ossicule discoïde et les plaques ventrales jusqu'à l’extré- mité du bras, donnant à l'intérieur de chaque ossicule discoïde deux rameaux qui se rendent aux tentacules brachiaux. La même chose se répète sur les autres bras. Telle est, en quelques mots, la distribution bien connue de tous les vaisseaux aquifères. Nous avons dit que la forme de l'anneau est circulaire, c'est le cas général ; il existe des cas où il n'en est pas ainsi : chez les Ophrothrix c'est plutôt un décagone qu'un cercle, L'appareil aquifère comprend quatre parties qu'il faut étudier suc- cessivement : 4° L'anneau et ses branches directes ; % les vaisseaux secondaires de ces branches ; 3° leur distribution dans les tentacules ; 4° les ten- tacules eux-mêmes. { Memorie sulla sloria e notomia degli animali senza vertebre de regno di Napoli, 1827, vol, Il, pl, XXI, fig. 17. ANATOMIE ET DÉVELOPPEMENT DES OPHIURES. 149 {eo L'anneau, comme situation, est au-dessous de l’ossicule dis- coïde et au-dessus du tube digestif ; il donne, chez les animaux que nous étudions, quinze branches directes : cinq aux bras et dix aux tentacules. M. Simroth! décrit d’autres branches directes, qui existeraient à côté des vésicules de Poli. Nous croyons que les coupes l'ont induit en erreur, les injections de l'appareil ne montrent rien de pareil. Le calibre du vaisseau annulaire, pour le même auteur, serait égal à celui des branches directes. Pour nous, nous avons toujours vu ces branches latérales plus petites que la médiane, qui elle-même n'est pas régulièrement cylindrique, mais est formée de renflements suc- cessifs. Les vésicules de Poli sont en étroite connexion avec l'anneau aqui- fère, elles sont des annexes de celui-ci. Les vésicules ne sont pas au même niveau que l'anneau lui-même, elles sont situées presque en contact avec la face interne des plaques buccales. Elles sont retenues en place au moyen de deux petites bandes musculaires quis’attachent aux angles de l’espace formé par le cercle buccal et les bras. Chez l'Ophioglypha lacertosa et albida, on remarque encore quatre autres bandes musculaires qui s'attachent sur la paroi des sacs respiratoi- res. Ces muscles n'existent pas chez les espèces dépourvues de vési- cules de Poli, pourtant, à l'endroit où se trouve l'enveloppe protec- trice du canal aquifère et de la glande piriforme, au point où elle se dilate, on retrouve ces deux muscles. Quant aux branches directes, les latérales remontent verticale- ment dans les ailes de l'ossicule discoïde, en donnant chacune deux ramifications : les deux supérieures vont aux tentacules buccaux in- férieurs, et les deux inférieures, aux tentacules buccaux supérieurs. Les tentacules buccaux sont les seuls qui soient desservis directe- ment par l'anneau aquifère ; les branches latérales se terminent aux tentacules supérieurs, et leur tronc ne s’avance pas plus loin. Cette particularité a échappé aux auteurs dont nous avons parlé, l'injection la rend très facile à constater. Les vaisseaux qui se ren- dent aux tentacules se terminent en cul-de-sac à leur extrémité, et ne présentent à leur base aucun renflement, en sorte qu'on peut dire que le tentacule tout entier n’est autre chose qu'un simple vais- seau en cul-de-sac recouvert par une enveloppe tégumentaire. t Loc. cit., p. 461, pl. XXXIII, fig. 24. CSI RARE TS TE TRS RS GE PE er = FRS CR APPRIS RER ENST RE ME REUN Du D'ORT 150 NICOLAS CHRISTO-APOSTOLIDES. Nous avons décrit la marche de la branche médiane, qui pourra être appelée brachiale. Pour pouvoir étudier sa forme, le meilleur moyen est de l'isoler. En détruisant la substance calcaire par l'acide azotique employé dans la proportion de 5 pour 100, on peut séparer très bien le vais- seau brachial et le soumettre à l'examen. Sa forme n'est pas régu- lière, au contraire elle présente dans tout son parcours des rétrécis- sements, réguliers, correspondant exactement aux ossicules discoïdes (pl. X, fig. 7), en face du point où il donne naissance aux ramifica- tions destinées aux tentacules. Il est rare de trouver des Ophiures ayant les bras complets ; dans ce dernier cas, l'extrémité ne présente pas de tentacules, le vaisseau se termine comme dans les tenta- cules buccaux, c’est-à-dire en cul-de-sac. Chez certains Ophiures, comme les Ophiothrir, V'Ophiocoma, une seule ramification se détache de la partie dorsale du vaisseau, mais en arrivant au milieu de l’ossicule discoïde elle se divise en deux pour aller aux tentacules. MM. R. Teuscher'et Simroth?, l’un chez l’'Ophiothrix fragilis (versicolor), et l’autre chez l'Ophiactis virens, ont décrit avec beaucoup de détails cette distribution. Maintenant que nous connaissons les rapports et la distribution de l'appareil aquifère, il reste à étudier sa séructure, son contenu et son rôle. Nous suivrons la même marche que celle qui nous a servi pour la description en commençant par le canal aquifère. Il y a deux moyens d'étude. Le premier consiste à observer direc- tement les animaux vivants dans les meilleures conditions, c'est- à-dire dans l’eau de mer même. Plusieurs conditions sont à remplir pour examiner les tissus d’un animal sans les altérer. La plus impor- tante, c’est de les placer dans l’eau de mer, car l'eau douce ou les réactifs usuels font éclater les cellules et rendent la préparation ‘ inintelligible. Combien de fois, après des observations précieuses, voulant conser- ver les préparations, pour les dessiner à d’autres moments, nous avons vu avec étonnement que tout était perdu ! Si nous n'avons pas beaucoup de travaux sur l’histologie des Echinodermes, la principale cause consiste dans ce fait. ‘ Lac. cit.. pl. VIII, fig. 4. # Loc. cil., pl. XXX V, fig. 40 et 41. ANATOMIE ET DÉVELOPPEMENT DES OPHIURES. 151 La presque totalité de nos observations ont été faites sur des su- jets vivants ; c’est ainsi que nous avons pu voir les cils vibratiles du tube digestif et la couche à cellules cylindriques de son intérieur. Après cet examen nous avons pratiqué des coupes et nous avons fait agir des réactifs. HISTOLOGIE. Le canal aquifère chez les Ophiures, sauf une mince couche exté- rieure calcaire, qui quelquefois, comme chez l'Ophiothrix rosula, manque entièrement, présente la même structure que l'anneau aquifère lui-même. Son étude donc doit être faite en même temps que celle de ce dernier. M. Simroth", qui a bien distingué le canal aquifère, décrit bien sa structure intérieure, mais il n’a pas remar- qué ses connexions. On peut dire, pour l'anneau aquifère et ses branches, que, sauf la direction des fibres, qui sont circulaires chez le premier, leur structure générale est partoutla mème. Nous avons donc préféré faire une étude du vaisseau brachial, à cause de la commodité qu'on a à le séparer, et à l’étudier ainsi plus facilement. M. Teuscher? a com- plètement méconnu le vaisseau aquifère, en prenant la cavité qui existe dans la rainure brachiale et la bandelette, dont nous parle- rons plus tard, comme étant le vaisseau aquifère décrit par J. Mül- ler. Nous discuterons plus loin cette opinion et nous verrons à quoi doit être attribuée cette erreur. Quant à la structure du vaisseau, il le croit formé d'un tissu hyalin, présentant seulement quelques fibres. M. Simroth * dit que sa structure comprend un épithélium externe qui jamais ne présente de cellules libres, et une membrane homo- gène qui, quelquefois, devient un endothélium. M. Ludwig n'a pas insisté sur ce point. Si l'on isole un vaisseau brachial d'un animal vivant et si l'on sou- met cette partie à l'examen, on la voit couverte d'un tissu diaphane rempli de petites granulations. Cette partie, au premier abord, paraît appartenir au tissu conjonctif extérieur, et être due aux brides, qui sont restées attachées au vaisseau, quand on cherche à l’arracher. Un examen plus attentif montre que le vaisseau, comme nous avons Loc. cil., p. 417. 2 Loc. cil., p. 266. 3 Loc. cit., p. 458. 452 . NICOLAS CHRISTO-APOSTOLIDES. eu l'occasion de le dire à propos du tube digestif, est pourvu d'une enveloppe propre due au tissu diaphane. Si l’on traite les vaisseaux par l'acide azotique, on distingue bien la structure des fibres. Nous donnons une figure (pl. X, fig. 8) dans laquelle les différentes parties sont représentées avec la plus grande exactitude. A un très faible grossissement, on reconnaît les détails de la structure. La paroi, considérée longitudinalement, présente deux couches, une extérieure et une intérieure, à la limite de la- quelle je crois pouvoir dire, sans oser l’affirmer, qu'il existe des formes cellulaires et un revètement très évident de cils vibratiles. La paroi extérieure est formée exclusivement de fibres longitudinales du tissu conjonctif rempli de granulations, qui se colorent facile- ment avec le picrocarminate. La structure de la couche interne, qui est bien distincte, n’est pas facile à déterminer : c’est un endothé- lium propre, on n'y distingue ni fibres ni granulations; c'est un véri- table tissu hyalin, réfractant la lumière, sans éléments distincts. Outre les fibres longitudinales que nous venons de décrire, dans le vaisseau existent des fibres transversales qui embrassent l'anneau. Leur insertion parait se faire sur les limites des parois externe et interne, où commence le tissu hyalin intérieur. M. Simroth* dit que les vaisseaux brachiaux de l'Opuactis virens étaient remplis de petits granules rendant leurs parois rigides. Nous faisons cette remarque, que chez les animaux conservés dans l'alcool, comme dans d'autres liquides, on aperçoit toujours les pa- rois des vaisseaux pleines de granules jaunâtres réfringents. Cela est dû au liquide périviscéral qui, en se coagulant, prend cette apparence et se dépose sur les vaisseaux. Nous avons vu le vaisseau aquifère pénétrer dans chaque ossicule discoïde et donner deux rameaux dans les tentacules ; nous avons même dit que les tentacules n'étaient que la continuation du vais- seau lui-même, à laquelle s'ajoute une partie tégumentaire périphé- rique. Pour soutenir cette idée, nous sommes obligé de recourir aux premières phases du développement du système aquifère; c'est le seul moyen sûr et certain de prouver l'exactitude du fait annoncé. Nous prenons, comme type, l'Amphiura squamata (Sars), chez la- auelle il est facile, grâce à la viviparité, de poursuivre le développe- 1 Loc. cit, p. 459, pl. XXXIV et XXXV, fig. 35, 36, 40 et 41. ANATOMIE ET DÉVELOPPEMENT DES OPHIURES. 153 ment avec succès, Dans les figures 14 et 15 (pl. XII), dessinées à la chambre claire, on voit la première formation des tentacules ; on y voit que chaque faisceau tentaculaire est composé de cinq pro- longements ; la structure, tant intérieure qu'extérieure, est la même chez tous. Mais il y a ici un fait à noter. C'est que le prolongement médian, en poursuivant son développement, deviendra non un tenta- cule, mais le futur vaisseau brachial lui-même. Les deux autres pro- longements deviendront les tentacules buccaux ; leur développement s'arrêtera alors, tandis que l’autre continuera. La structure histolo- gique concourt avec l'embryogénie à démontrer ce fait. Dans une coupe longitudinale comme dans une transversale, on distingue les couches décrites dans le vaisseau, sauf la couche exté- rieure qui est tégumentaire, surajoutée, remplissant certainement un rôle protecteur. Cette couche extérieure n'a pas, sinon la même forme, du moins le même aspect, chez les différents genres d'O- phiures. Nous donnons (pl. VIIL, fig. 2 et 4) une figure d’une partie de ten- tacule et d’un tentacule entier de l’'Ophrothrix rosula, chez laquelle la complication est la plus grande. Toute la paroi externe est couverte de petites aspérités ressemblant à autant de verrues disposées de différentes manières. Il ÿY a pourtant des Ophiures dont les tenta- cules ne présentent rien de pareil; tels sont les Amphiura (pl. X, fig. 9). Leurs tentacules sont lisses, et c'est à peine si l’on distingue quelques rides, dues à la faculté de se contracter. Cette faculté de se contracter est principalement due aux fibres longitudinales, qui sont fixées, d'une part, sur le vaisseau brachial et, d'autre part, sur l'extrémité conique du tentacule. M. Simroth! insiste longuement sur la structure des tentacules ; il en donne de nombreuses figures. Il y trouve, de plus que nous, une couche de issu nerveux. Ses figures, qui sont très exactement faites, prouvent notre manière de voir et le lecteur pourra les consulter en leur appliquant notre interprétation. La couche à laquelle nous n'avons pas donné de dénomination est appelée, par lui, membrane homogène. Pour en finir avec l'histologie, il nous reste à parler des vésicules de Poli. Nous avons choisi (pl. VIIT, fig. 7), ccmme exemple, celles de l'Ophiothrix rosula, pour mieux prouver leur existence mécon- nue. Nous n'avons pas grand'chose à dire au sujet de ces vésicules ; t Loc. cit, pl. 477, pl. XXX V, fig. 38, 39, eZ, I D D AE rm Le Er MEN © 2 NE ed TEE er FEW = RS 0 Sn SAOD SE Eu 22 12 ee UT es ne MA Me TE AUS vie Ou ep ON 154 NICOLAS CHRISTO-APOSTOLIDES. leur connexion étroite et leur origine prouvent que leur structure doit être semblable à celle des vaisseaux. M. Simroth! dit n'avoir pas vu de fibres dans les vésicules. S'il avait eu affaire, comme nous, à des animaux vivants, il aurait pu voir que les vésicules pouvaient se contracter et se rétrécir successivement, propriété dont les organes anhistes ne jouissent pas. Mais, comme nous n'avons pas cessé de le répéter, c'est dans un pareil cas qu'on voit l'impuissance des méthodes de conservation des tissus pour un examen ultérieur. Dans une vésicule de Poli, grâce à sa transparence, on voit exactement sa structure, si on la conserve dans l’eau de mer, après l'avoir arrachée d'un animal vi- vant. Mais, au bout de quelques minutes, il ne reste qu'un tissu sim- plement hyalin, comme on le décrit toujours. Notre figure (pl. VIIL, fig. 7) d'une vésicule de Poli de l’'Ophiothrix rosula, montre exactement la parfaite ressemblance de sa structure avec les vaisseaux aquifères, nous n'avons donc pas à y revenir. Nous signalerons seulement ici, à propos des vésicules de Poli de l'Ophioglypha lacertosa (pl. VIIL, fig. 9), une particularité de structure. Vers leur base, à l'état vivant, on voit une série de prolongements ressemblant à de petites glandules attachées sur la vésicule. C'est un fait général chez l'Ophioglypha lacertosa vivante, nous n'avons pas pu conserver ces formes, Dès qu'on les a soumises à un réactif pour les fixer, elles éclatent; la même chose arrive chez les animaux pla- cés dans l'alcool. Nous signalons seulement ici cette formation par- ticulière sans nous y arrêter plus longtemps. Pour continuer à suivre l'étude de l'appareil aquifère, dans l'ordre que nous nous sommes imposé, 1l faut étudier iei ses communica- tions. Pour cela, le seul moyen certain et incontestable est de faire des injections sur les différents points. Nous avons choisi pour point de départ les vésicules de Poli, à cause de leur dimension qui ren- dait l'opération plus facile, On croirait que le meilleur moyen pour injecter par une vésicule de Poli, c'est de pousser le liquide vers l'anneau aquifère mème. Telle était aussi notre idée, et nombre de fois nous fûmes déçu dans notre attente. Une injection réussit presque toujours, si, en se servant de canules fines el en particulier de celles faites avec un tube de verre éliré à la lampe, on pousse le liquide par un orifice fait 1 Loc, Cil., p. 457, ANATOMIE ET DÉVELOPPEMENT DES OPHIURES, 155 sur la paroi de la vésicule, vers sa base; c'est par l'opposition ren- contrée contre les parois que le liquide, revenant sur lui-même, injecte admirablement bien tout le système aquifère, Nous conseil- lons d'employer cette méthode chez d’autres Echinodermes. Chez les Solaster, où nous avons essayé de les injecter, à Roscoff, la réus- site a été complète. Avec cette manière de procéder, le canal aquifère restant intact, on peut, sans erreur possible, déterminer exactement ses connexions avec l'anneau aquifère d'une part, et d'autre part avec l'extérieur. Nous remarquons (pl. IX, fig. 8, ca) sa marche tortueuse et à côté de lui la glande piriforme restée incolore. Mais le point important, c'est que nous apercevons de cette manière la communication di- recte avec l'extérieur. Le liquide employé arrive jusqu'au pore extérieur. Ainsi est prou- vée la communication directe du canal aquifere avec le canal du pore décrit par M. Ludwig, et en même temps les relations de l'appareil aquifère avec le milieu ambiant. Ces résultats n'auraient pas été possibles si l'injection avait été poussée par le canal aquifère même. Nous avons toujours vu, chez l'Ophioglypha lacertosa et chez l'Ophio- coma nigra, le liquide, injecté par une vésicule de Poli, passer à tra- vers la plaque madréporique. Gette sortie prouve la vérité du fait que nous avons avancé quand nous traitions de la plaque madréporique, à savoir que le petit soulèvement est dù au déplacement de la plaque buccale. En effet, bien souvent, surtout quand on emploie du bleu d'aniline, on voit le liquide sortir à côté en passant à travers les pa- rois des deux plaques. Le pore extérieur, chez l'Ophioglypha lacer- tosa, est extrêmement petit. Un autre point important obtenu par ce mode d'injection, où toutes les parties de l'animal se laissent pénétrer de liquide, est la disposition des vaisseaux dans l’intérieur des tentacules. M. Ludwig, dans ses figures, fait arrêter le vaisseau aquifère au point de son entrée dans le tentacule. À ce niveau il le représente avec une extrémité terminale conique. Nous avons toujours vu les tentacules complètement remplis, et à leur base, quel que soit le moyen employé, nous n'avons pu voir cette disposition, qui est con- traire à notre supposition que les tentacules font suite directe aux Vaisseaux. 1 Loc. cit, pl. XIV, fig. 7, 8, 9. = “pu “— PAS es I ES Î | | D ee ES UE CE ES D, 5 Ft ee "+ nt nr ne ou 156 NICOLAS CHRISTO-APOSTOLIDES. Le contenu des vaisseaux est formé de globules sphériques, bru- nâtres, ressemblant à des gouttelettes graisseuses (pl. VIIL, fig. 4). Leur apparence paraît entièrement homogène, et il est difficile d'y distinguer une enveloppe propre. Du reste leur forme est entière- ment semblable à celle des corpuscules trouvés dans la cavité péri- viscérale ; nous pouvons donc renvoyer indistinctement aux mêmes figures. Commentse fait la circulation de ces corps à l’intérieur des vais- seaux et en général quel est le rôle de ce système ? Pour étudier avec quelque succès cette question nous nous sommes adressé à des individus dont la petite taille permettait une observa- tion microscopique directe. Nous avons eu recours même à des embryons. Chez l'Amphiura squamata nous avons trouvé les deux avantages précédents. Dans la figure (pl. X fig. 9) d'un tentacule de l'Amphiura squa- mala, on remarque que la cavité interne est bosselée. En effet en examinant un animal vivant sous le compresseur, on remarque cette apparence dans l'intérieur du tentacule. Si l'on y apporte une grande attention, on arrive facilement à voir que la cavité intérieure d'un tentacule bien épanoui change plusieurs fois de forme. Il y a des moments où les bosses internes viennent à se toucher, alors le li- quide intérieur finit par reculer et le tentacule se contracte. Gette singulière apparence nous à amené à croire que les parois de vais- seaux aquifères, par des contractions successives, produisent la cir- culation dans l'intérieur de ces vaisseaux. Cela explique aussi pourquoi l'injection poussée en sens contraire dans une vésicule de Poli réussit mieux. La paroi des vaisseaux vers laquelle le hHquide est poussé, se contracte pour opposer une résis- tance, tandis que la partie opposée, au contraire, reste distendue et le Hiquide à le temps de pénétrer. Notre figure de la formation (pl. XIL, fig. 15) du système aquifère à l'état embryonnaire montre que l'intérieur du vaisseau annulaire présente la même disposition que nous avons signalée dans les tenta- cules. Dans l'intérieur de ce système, la circulation s'effectue par la con- traction de la paroi interne munie de cils vibratiles, le courant suit un mouvement de va-et-vient continuel, comme on pourra s’en con- vaincre, en regardant une vésicule de Poli, chez l'Oplwoglypha la- Cerlos«x. ANATOMIE ET DÉVELOPPEMENT DES OPHIURES. 157 L'animal doit avoir la propriété de modérer ou d'accélérer le cou- rant, qui certainement vient de l'extérieur par le canal aquifère. Ce système, dans lequel circule un liquide ayant l'aspect et la même composition que le liquide périviscéral, est le seul système ayant des parois propres; en un mot, est le seul véritable système. D'autres ont décrit d'autres systèmes chez les Ophiures ; nous en discuterons l'existence et nous opposerons les faits. Il s’agit ici, à présent que nous connaissons ce système dans son ensemble, de donner les considérations de différents auteurs. M. Carl Gegenbaur ! établit une distinction entre les systèmes am- bulacraire et aquifère. Le premier, pour lui, a une origine musculaire ou tégumentaire, et comprend l’ensemble des vaisseaux qui se rat- tachent aux tentacules. Comme système vasculaire aquifère, il n’y a pour lui que l’anneau central. On ne pourra pas admettre cette distinc- tion entre les vaisseaux brachiaux et l’anneau central. Les deux sys- tèmes n'en font qu'un seul. La formation musculaire ou tégumen- taire qui se surajoute extérieurement n'a pas une valeur suffisante pour nous permettre d'établir une telle séparation. Il nous reste donc à choisir entre les deux noms, ou à réunir l'ensemble des deux appareils sous la dénomination commune de système aguifère où ambulacraire ; nous nous sommes arrêté à la première dénomination qui nous paraît, vu le rapport avec l’exté- rieur, expliquer plus facilement le rôle de ce système. GLANDE PIRIFORME. Il nous reste à présent à étudier un organe dont nous avons signalé l'existence à côté du canal aquifère, dans la même enveloppe protec- trice, et auquel nous avons donné le nom de glande piriforme. Cet organe a joué un grand rôle dans l'économie des Ophiures, d'après les auteurs. J. Müller? le considéra comme faisant partie de l’ensemble qu'il considéra comme étant le canal du sable. M. Teuscher , qui attaque le travail de Müller, ne continue pas moins à prendre l'enveloppe protectrice pour le canal lui-même ; au sujet de la glande, voici ses 1 Manuel d'anatomie comparée, traduction française, 1874, p. 298-311. ? Ueber den Bau der Echinodermen, 1854, p. 81-82, pl, VI, fig. 10 et 11, 8 Loc, cit., p, 271, Æ Larre me © mr, 155 NICOLAS CHRISTO-APOSTOLIDES. propres paroles : « Si l’on déchire ce sac (l'enveloppe sans doute) dans toute sa longueur, on peut en faire sortir une masse framboisée dont la partie dure est appuyée contre le canal. Cette masse se compose d'une matière gélatineuse, contenant un nombre considérable de granulations noires et consistantes. » Plus loin il ajoute : « Malheureusement l'état de conservation du type qui me sert comme exemple ne me permet pas d'examiner la structure de ces organes. » M. Simroth‘ considère cette glande comme analogue à la vésicule de Poli, qui devait être à cet endroit; il la croit embrassée dans une membrane mince qu'il appelle cœur, et qui est une formation mésentérique remplie de granulations. M. Ludwig? écrit : « Le cœur des Ophiures est pareil à celui des Astéries et Crinoïdes; il se compose d’une accumulation de vaisseaux anastomosés les uns avec les autres; » il l'appelle pletus central «Herzgeflecht» *. « Cette dénomination, dit-il, ne répond pas à l'idée qu’on a de cet organe, c'est tout simplement une conception ou plutôt une représentation de l’idée que je me fais en moi-même, en le considérant comme un organe central de la circulation. » Cet auteur commence par dire que la structure de cet organe est la même que chez les Astéries. Nous n'avons pas nous-même cher- ché à comparer les choses, mais nous avons une description de cet organe ! faite par M. Jourdain, qui prétend qu'il a une structure glan- dulaire. Ainsi nous nous trouvons en face de deux idées opposées. Certainement les glandes chez les Astéries et les Ophiures sont sem- blables et de même structure, seulement elles n'ont pas cette struc- ture si compliquée que M. Ludwig leur attribue dans ses descrip- tions. Cet auteur a méconnu les rapports de cette glande, surtout à son côté inférieur, en disant « qu'avant sa terminaison elle se relie avec le cercle aboral ». Nous croyons que pour se faire une idée exacte d'un organe, il ne suffit pas d'émettre une simple considération ou une conception tout à fait idéale, Le meilleur moyen, c’est de chercher ses connexions et 1 Loc. cil,, p. 455, 2 Loc, cil., p. 350-351, à Il est difficile de traduire autrement ce mot en français; du reste, M. Carpenter, dans le compte rendu dont nous avons fait mention dans l'historique, emploie la même dénomination que nous, * Comptes rendus de l’Académie des sciences, 1867, p. 1003. ANATOMIE ET DÉVELOPPEMENT DES OPHIURES. 15 sa structure, et de laisser l'organe lui-même indiquer son rôle plu- tôt que de lui en assigner un. Pour qu'un organe soit un plexus central, un véritable centre de circulation, il doit être pourvu de. moyens nécessaires pour exer- cer ce rôle. Il faut que sa structure réponde exactement à ses fonc- tions. Tel n'est pas le cas ici. Et pourquoi ce cœur est-il semblable à celui des Astéries et des Crinoïdes seulement? Pourquoi ne serait-il pas pareil à celui des Echinides, et pourquoi celui de ces derniers, d'après les travaux de M. Perrier !, serait-il différent ? D'autre part, si cet organe est appelé à remplir chez les Echinodermes un rôle si important, pourquoi manque-t-il chez les Holothuries et chez les Synaptes ? Ce sont autant de questions à poser, et auxquelles il faut donner une réponse en rapport avec l’idée générale admise. Un organe qui n’a pas de fibres musculaires et qu'on n’a jamais vu battre n'est pas un cœur. Nous aurions beaucoup désiré voir une figure de ces vaisseaux anastomosés, vus par l’auteur dont nous parlons ici. Malheureuse- ment il se contente de nous donner un schéma de la circulation admise par lui où, par une ligne colorée, est représentée la place du pleæus central (pl. XV, fig. 19, loc. cit.). Nous allons, pour notre compte, décrire les choses comme nous les avons vues, et nous chercherons ensuite à en tirer une con- clusion. Nous rappellerons en quelques mots la position de cet organe et sa forme. il est situé à côté du véritable canal aquifère (pl. VIN, fig. 5et6, gp) ; comme nous l'avons représenté dans les figures, le canal par son extrémité supérieure fait le tour du conduit glandulaire. Chez l’'Ophothrix rosula, qui nous a servi comme type, l'organe est piriforme, chez l'Ophiocoma nigra sa forme est plutôt sphérique ; enfin chez les Ophioglypha, où l'enveloppe protectrice manque, il est caractérisé par son grand développement comparativement à celui des autres Ophiures. La partie inférieure est entièrement libre, soit quand il est en- châssé dans l'enveloppe, soit quand il flotte librement: aucun pro- longement ne paraît se diriger vers un point quelconque. Pour nous assurer si cela n'était pas dû à une mauvaise prépara- 1 Arch, de 3001, exp., t. IV, p. 616, pl. XXIII, fig, 3, 4, 5, 160 NICOLAS CHRISTO-APOSTOLIDÉS. tion, nous avons injecté l'organe, pour voir s’il n'existait pas un ori- fice inférieur. Jamais, nous n'avons vu quelque chose de pareil. Nous avons donc conclu que cet organe ne communique inférieurement avec aucune partie de l'organisme. Il ne reste donc que la communi- cation supérieure avec l’extérieur. Son conduit est extrêmement ap- parent, et ainsi aucune erreur ne peut exister sur ce point. Ainsi 1l faut mettre de côté l'hypothèse qui consiste à considérer cet organe comme le centre d’une circulation, en dehors de celle que nous venons de décrire. Nous reviendrons plus tard longuement sur cette question. Con- tentons-nous ici de faire connaître la nature de ce singulier or- gane. Nous avons étudié la glande à l’état frais, et aussi, en pratiquant des coupes, toujours nous avons distingué, sauf à de légères différences dues aux changements opérés par les réactifs, la même structure. A l'état frais, soumis à l'examen microscopique, il se présente comme un amas Cellulaire enveloppé dans une mince enveloppe (pl. VIH, fig. 10) de tissu conjonctif. Chaque cellule possède une forme arron- die (pl. VII, fig. 3), un fort noyau et de nombreuses granulations. Dans une coupe faite sur des échantillons fixés par l'acide osmique, les parois cellulaires ne sont plus distinctes, nous supposons qu'elles ont éclaté, le tout apparaît alors plein de granulations. Mais, par cette méthode, on voit que l’organe contient une cavité dans son intérieur. Dans les parois (pl. VIIL fig. 10, cc) on distingue une disposition rayonnée de granulations qui nous fait supposer que les cellules, dont les granulations ne représentent que le contenu, avaient cette même disposition, Ainsi on pourra se représenter cet organe comme une série de colonnes cellulaires dont le sommet est situé à la par- tie extérieure, et dont le contenu sécrété vient se déverser dans la ca- vitéintérieure. Si nous voulons à présent considérer l'ensemble de cet organe d’après la structure décrite et la disposition de son intérieur, on ne pourra le considérer que comme un organe glandulaire dont le produit, vu l’étroite connexion de son conduit avec le pore de la plaque madréporique, doit être versé au dehors. Quel est son rôle dans l'organisme ? Nous ne pouvons répondre d'une manière certaine. En tous cas, il ne remplit qu’un rôle secon- daire, vu que certains Echinodermes en manquent entièrement. Est-ce que Pabsence de cet organe ne pourrait pas être une con- séquence du développement d'autres organes excréteurs et sa pré- ANATOMIE ET DÉVELOPPEMENT DES OPHIURES. 161 sence ne serait-elle pas une conséquence de la disparition de ces derniers ? Nous croyons que sur ce point existe une question qu'il faudrait élucider. B. — Système vasculaire. Nous avons vu le système aquifère communiquer directement avec l'extérieur. En outre, nous avons déterminé les rapports avec les diverses parties du corps. D'après ces dispositions, la plus grande partie de l'organisme n'a aucune relation avec ce système. Ces con- sidérations ont poussé ceux qui se sont occupés des Ophiures à chercher à trouver dans ces animaux un autre système, qui serait le véritable système vasculaire, ou, si l'on veut établir quelque rap- prochement avec les animaux supérieurs, qui serait le système arté- riel de l'organisme, Cette idée ne manque pas de séduire par une certaine apparence de probabilité et d'entraîner à la recherche de ce système. Mais c'est ici que l’on rencontre un grand écueil. Est-ce un système à vaisseaux propres ou de simples espaces où le liquide circule ? Pour nous, chez les Ophiures, il n'existe que ce second mode de circulation, et nous tàcherons de prouver notre opinion par les choses mêmes. Historique. — Nous commencerons par citer les opinions des au- tres, et par indiquer les moyens par lesquels ils sont arrivés à dé- crire un système clos. Nous espérons démontrer par leurs écrits mêmes notre manière de voir. | D'après M. Ludwig’ la découverte du système vasculaire radiaire est due à M. Lange”. Nous citons son opinion, parce que les ou- vrages de MM. Teuscher et Simroth ayant paru la même année, on pouvait aussi bien attribuer la description à l’un de ces deux derniers. La description de M. Lange et surtout sa figure 12 de la plan- che XVII montrent avec la plus grande évidence que son système vas- culaire radiaire n'est autre chose que le système aquifère décrit. _ Si nous rapprochons cette figure de celle donnée, par M. Ludwig, 1 Loc. cit., p. 347. ? Beilrüge zur Analomie und Hislologie der Asterien und Ophiuren (Morphologisch, Jahrbuch. II Bd , 1876). ACHR, DEËZOO!, EXP, ET GÉN, = T, X. 1K89, 11 t : | | "4 | | | | 162 NICOLAS CHRISTO-APOSTOLIDES. pl. XV, la ressemblance est frappante. Dans celle de M, Lange, qui paraît être faite d’après nature, et dans celle de M. Ludwig, qui est schématique, la disposition du système vasculaire dans le bras coïncide, sans doute possible, avec la disposition du système aqui- fère. Il est vrai que les deux auteurs placent le centre de ce système un peu plus en dedans que l'anneau aquifère. Nous n insistons seule- ment ici sur ce fait que pour faire remarquer que dans les bras, où la distinction de ces deux systèmes devait être plus facile, on a repré- senté le vaisseau aquifère seul. M. Simroth! décrit aussi un système vasculaire, après avoir hésité longtemps, comme il le dit lui-même. Seulement, comme nous l'avons remarqué au commencement de cette étude, la sincérité de cet au- teur est toujours irréprochable. Les figures qu'il donne sont l’exacte représentation de la vérité. Elles ne correspondent nullement avec celles de MM. Lange et Ludwig. Pourtant ce dernier, pour prouver l'existence de son système, cite l'opinion de M. Simroth, comme si l’un et l’autre avaient vu et représenté la même chose. M. Teuscher?, comme nous l'avons déjà dit, a méconnu le vaisseau aquifère, ou plutôt l’a confondu avec le vaisseau radiaire. A cause de la mauvaise méthode employée pour ses injections, il est arrivé à considérer les cavités que nous décrirons tout à l'heure comme de véritables vaisseaux, auxquels 1l a donné le nom de varsseaux nerveux. Nous allons, en nous servant de ses propres descriptions de ce système, d’après les injections mêmes, prouver son erreur. « Pour injecter le système aquifère, dit-il, on peut se servir de l'orifice du premier tentacule enlevé. On peut, si l’on persiste, injecter ainsi l’an- neau aquifère, les vaisseaux et les tentacules. Mais, comme nous l'avons vu plus haut, comme le vaisseau aquifère ne se sépare du système nerveux que par un tissu hyalin et perméable, ce dernier pourra s'injecter en même temps. » Un peu plus loin il dit de nou- veau : « Les résultats obtenus après de nombreuses préparations sont les suivants : le canal pierreux (enveloppe protectrice) n'était jamais injecté. » Après celte citation que peut-on conclure ? Que M. Teuscher n'a pas injecté le vaisseau aquifère, comme il le sup- posait, mais la cavité contenue entre lui et la bandelette brachiale. 1 Loc, cit., p. 463 ct 464. ? Loc, cit, p, 271, pl, VIIL, fig, 4, b, 6. À. > srroret- «st hat Sd MÉRRSS d o d e. u À d ANATOMIE ET DÉVELOPPEMENT DES OPHIURES. 163 Le liquide, certainement, ne pouvait aller jusqu'à l'enveloppe protec- trice, parce que le chemin, comme nous allons le voir, lui est fermé ; mais il est arrivé jusqu'à l'anneau nerveux même. C'est ce point que nous retenons ; ainsi notre opinion, sur laquelle nous insisterons dans un moment, ne pourra être suspecte. Enfin ce système vasculaire radiaire, où existe-t-il, d'après les au- teurs ? Nous nous adresserons toujours à M. Ludwig pour nous ren- seigner sur ce point. Pour lui, le système vasculaire des Ophiures se compose de deux anneaux qui, par l'intermédiaire du cœur, se relient l’un à l’autre, et de vaisseaux qui en partent pour se rendre aux organes. L'un de ces anneaux (celui que nous discutons pour le moment) est situé à l'entrée de la bouche, c'est le cercle oral, ou radiaire ; il donne naissance à cinq troncs, qui parcourent les bras en donnant des ramifications aux tentacules ; leur situation est au-dessus des nerfs radiaires. Ainsi, ce premier cercle occupe dans la partie buccale une place voisine du système nerveux, et suit toutes les ramifications de celui-ci. Puisque, pour la description de ce système, il nous renvoie aux descriptions de M. Simroth', nous citerons un résumé de cet au- teur qui contient tout ce qu'il dit d’essentiel sur cette question : « Ge système est représenté par un vaisseau brachial médian et par deux vaisseaux latéraux; ces trois vaisseaux montent avec le filet nerveux, entre les plaques buccales. Le nerf contribue à la for- mation de la paroi du vaisseau médian. Son calibre est un triangle dont le sommet est accolé à la partie supérieure du vaisseau aquifère. Les deux autres vaisseaux accessoires ont une coupe circulaire et sont accolés au vaisseau médian. Tous les trois avec le cordon nerveux atteignent l'espace supérieur des plaques buccales, et là forment deux anneaux, un buceal et un nerveux, qui ne s’accolent pas à l'anneau aquifère; je crois qu'il n'existe aucune anastomose entre l'anneau aquifère et l'anneau vasculaire. « Histologiquement ce système est composé d'une couche mésen- térique externe et d’une membrane fine de tissu conjoncüf ; il n'existe pas de couche vasculaire. « Je m'explique la circulation dans ce système de la manière sui- 1 Loc, cit, p, 463-468, pl, XXXIII et XXXV, fig. 24, 40 et 41. 164 NICOLAS CHRISTO-APOSTOLIDÉS. vante. Les vaisseaux sanguins périphériques étant étroits, et l’an- neau plus large, lorsque l'animal mâche, l'action des muscles buc- caux suffit pour pousser le sang dans les vaisseaux, et ainsi de suite. Il est difficile d'établir plusieurs catégories entre les corpuscules sanguins. En principe une différence entre le système aquifere et le système vasculaire n'est pas possible ; il doit s'établir une communi- cation dans la plaque madréporique. » Nous avons cité tout au long ce passage de M. Simroth, qui prouve comment, en cherchant à trouver un système vasculaire pareil à celui décrit chez les Astéries par Hoffmann, il est arrivé à prendre pour des vaisseaux un simple espace. Il est encore à remarquer que pour lui la glande piriforme, qui pour M. Ludwig est un plexus central, ne joue aucun rôle dans cette circulation. Nous tirerons un argument des injections faites par M. Teuscher et que nous avons citées plus haut. Un tentacule passe à travers l'union ventrale d'une plaque latérale avec une plaque ventrale ; enlevé, il laisse un orifice qui conduit jusqu’à la rainure ventrale de l'ossicule discoïde qui se continue tout le long des bras. Si l’on pousse une injection par cet endroit, le iquide remplira l’espace limité d’un côté par la rainure des cssicules et de l’autre côté par la plaque ven- trale, à l’intérieur de laquelle se trouve la bandelette nerveuse, et il arrivera jusqu à la imite de cette dernière, jusqu’à l'anneau ner- veux. La croyance de M. Teuscher à un vaisseau nerveux repose sur ce fait très facile à expliquer. D'autre part, si un vaisseau existait dans la rainure en dehors du vaisseau aquifère, il ne pourrait échapper si facilement aux recher- ches. Certaines Ophiures, comme l'Opluoglypha lacertosa et Ophiura lævis (Lyman), atteignent une assez grande taille pour permettre des recherches directes. Mais, ni par les coupes, ni par de réactifs dé- truisant la masse calcaire, on n'arrive à isoler ou même à reconnaître la moindre trace d'un vaisseau. Les coupes, car nous devons parler de ce mode d'étude qui a servi exclusivement à M. Simroth, prouvent tout le contraire. Un coup d'œil sur la figure de la planche XXXV, fig. 40, du mémoire de cet auteur montre la chose avec la plus grande évidence. Cette figure se rapproche de celle que nous donnons (pl. IX, fig. 5); on y voit à la partie inférieure le vaisseau aquifère coloré en bleu, au-dessus de lui la bandelette nerveuse, entre les deux un es- pace libre coloré en rouge, | 3 k è ; | | ANATOMIE ET DÉVELOPPEMENT DES OPHIURES. 165 Rappelons que M. Simroth dit que le nerf contribue à /a formation des parois du vaisseau et que sa forme est triangulaire. Get espace cor- respond parfaitement à la description qu'il a donnée d’un vaisseau radiaire, il est certainement limité par du tissu conjonctif qui forme d'un côté l'enveloppe externe de la bandelette nerveuse, comme de l'autre celle du vaisseau aquifère. Nous n'avons donc ici, certainement, nullement affaire à un vais- seau, mais à un simple espace, dont nous avons tracé les limites. Nous l’appellerons espace radial (pl. IX, fig. 2), et nous allons exami- ner successivement ses rapports avec les autres cavités. Dans la coupe que nous donnons, on remarque, au milieu de la bandelette ner- veuse, dont les bords prennent la forme d’un croissant en venant toucher la paroi supérieure du vaisseau aquifère, un petit enfonce- ment (fig. 5, en) : c'est cette place que M. Ludwig désigne comme étant oceupée par le vaisseau radiaire, le reste est un espace péri- hæmal. Mais il ne donne pas de plus amples détails et nous renvoie aux descriptions de M. Simroth, qui sont essentiellement différentes. Revenons à notre description. Cet espace radial conduit (pl. IX, fig. 1,7), comme le prouvent les injections de M. Teuscher, à un autre espace, qui contient le système nerveux (pn). Nous ap- pellerons ce nouvel espace espace périnerveux. I] a la forme d’un ca- nal circulaire, dont la coupe serait un triangle à sommet tourné en dedans. Il estlimité en dehors par la muraille du troisième ossicule discoïde ; en haut et en bas, par deux membranes qui, parties l’une et l’autre du point où l’æœsophage s’unit à l'estomac, se portent en dehors et se fixent sur cet ossicule. L'ensemble de nos deux espaces correspond exactement au sys- tème radiaire de M. Simroth:; il ne manque, pour être un système clos, que de considérer les tissus conjonctifs des autres appareils, entre lesquels il se trouve compris, comme lui appartenant, et de lui don- ner ainsi la signification d'une paroi propre. Les choses ne se passent pourtant pas ainsi, et ces deux espaces communiquent avec la cavité générale du corps. Expliquer ces choses avec des figures faites d'après nature nous était impossible ; nous sommes donc vu obligé de tracer des figures schématiques qui, en ne s’éloignant pas beaucoup de la vérité, pour- ront peut-être rendre plus elaire notre description. Si l’on pousse une injection entre le tégument et le tube digestif, c’est-à-dire dans la cavité générale, le liquide ne se montre jamais à l’extérieur, et - ER GR SE À as 166 NICOLAS CHRISTO-APOSTOLIDES. %à jamais ne pénètre dans le système aguifere. Ainsi la cavité générale est entièrement close. Si le liquide dont on s’est servi était coa- gulable, nous pouvons remarquer et décrire exactement les diffé- rentes parties. | Ainsi (fig. 4, pl. IX) nous remarquons qu'entre les téguments et le tube digestif existe un grand espace (s{) comprenant, vers sa partie supérieure, plus rétrécie, l'anneau aquifere (aa); nous l’appel- lerons, d'après ses rapports, espace péristomacal. Nous remarquons qu'une portion de cet espace s'étend à la partie dorsale des bras, entre les plaques dorsales et les ossicules discoïdes; ce nouveau pro- Jongement, nous l'appellerons espace dorsal (d). Si maintenant on cherche à trouver les rapports entre la cavité générale et les espaces périnerveux et radial, on pourra voir de quelle manière s'établit une communication. Autour de chaque vaisseau aquifère se rendant à un bras se trouve un espace creusé dans Pos- sicule discoïde et qui dépend de l’espace péristomacal, de même au- tour de chaque nerf se trouve un espace communiquant avec l’espace périnerveur. Or, ces deux espaces marchent à la rencontre l’un de l’autre, en même temps que les parties qu'ils contiennent. Ils se réunissent ainsi à la hauteur de la rainure (pl. IX, fig. 4, o), mettant en large communication lespace périnerveux avec la cavité générale. Les deux espaces se fusionnent en un seul, qui occupe toute la cavité existant entre les plaques ventrales d'un bras et les ossicules dis- coïdes (espace ventral), et qui en même temps se continue dans l'es- pace qui-existe entre le nerf et le vaisseau aquifère (espace périphéri- que (pl. IX, fig. 1, vp). Il est facile de se convaincre que, dans l’ensemble des espaces que nous avons décrits, ilexiste un liquide incolore, qui parait être plus dense que l’eau de mer; il est composé de corpuscules sphériques, dont quelques-uns ressemblent à des gouttelettes graisseuses. D'au- : tres possèdent comme des espèces de pseudopodes. Si l’on compare le liquide puisé dans l’espace compris entre le té- gument et la paroi dorsale du tube digestif avec le liquide puisé soit dans une vésicule de Poli, soit dans un vaisseau brachial, on voit que les deux liquides sont semblables à tous les points de vue. I'estici important, croyons-nous, de remarquer que, dans la goul- üère brachiale aussi bien que dans la cavité générale, et surtout aux angles existant entre la plaque buccale et les deux bras, on rencontre, ANATOMIE ET DÉVELOPPEMENT DES OPHIURES. 167 après avoir enlevé la paroi, de petits corps bruns. Portés sur le champ du microscope, ces corpuscules perdent immédiatement leur couleur. Ils sont {rès fréquents chez l'Ophioglypha lacertosa, et ne se ren- contrent pas chez toutes les Ophiures. Nous n’en n'avons jamais vu chez les Ophiothrir que nous avons étudiés, ni chez l’'Amphrura fili- formis. Leur forme et leur couleur les rendent très reconnaissables parmi le reste du liquide périviscéral. La moindre confusion sur ce point n'est donc pas possible. Nous n’avons done pas affaire à un système radhatre limité entre les espaces périnerveux et radial, mais à un ensemble lacunaire dans lequel circule le liquide nourricier. M. Ludwig décrit une cireulation toute différente de celle que nous venons d'exposer. Cherchant toujours des comparaisons avec les Astéries, il trouve, chez les Ophiures, un système vasculaire pa- reil, Nous avons montré en quoi consiste une partie de son système, celle appelée par lui radiaire ou orale ; queile est la structure du pré- tendu cœur ou plexæus central; comment il lui est impossible, avec une structure éminemment glandulaire, de remplir un rôle d'im- pulsion. Il faut encore démontrer que l'autre cercle aboral n'existe pas. Ce cercle est situé, d’après les descriptions de l’auteur’, comme chez les Astéries, du côté dorsal; seulement, chez les Ophiures, ce dernier se trouve en partie dans la région dorsale et en partie dans la région ventrale. Il a la figure d’un cercle avec cinq angles du côté du centre. Dans ce cercle il faut distinguer : 4° Cinq ares convexes du côté externe; 2° Dix autres se dirigeant vers le centre, 3° Cinq autres au fond des angles. Les cinq premiers arcs sont situés du côté dorsal du disque; ils sont couverts par les boucliers radiaires ; à droite et à gauche, ils traversent l'espace qui se trouve entre le bouclier radiaire et le mus- cle qui le réunit au cordon de la bourse (sac respiratoire); là ils don- nent, autour de la fente génitale, un rameau d’où en partent d’au- tres qui se rendent aux organes génitaux. Les dix arcs latéraux ne restent pas du côté interne de la paroi du disque, mais ils vont se placer du côté interne du .péristome ventral; ils suivent les bords 1 Loc. cil., p. 350-352, pl. XV, fig. 12. 168 NICOLAS CHRISTO-APOSTOLIDES. brachiaux des organes génitaux pour arriver aux bords situés du côté buccal ; là ils se terminent en formant l'arc interne de l'angle,- qui passe transversalement sous la plaque buccale, et de Ià se continue : avec le second arc. | Nous citerons encore ici textuellement ce qu'il dit de ces systèmes de vaisseaux sanguins ! lorsqu'il en parle en général : « La structure intime des vaisseaux sanguins ne me paraît pas claire, et je ne suis pas en état de donner des indications précises sur la nature de leur contenu. Dans mes préparations, j'ai vu ce contenu ayant une structure fine, granuleuse et coloré très vivement par l'hématoxyline, de même que les parois du vaisseau. L'intérieur du vaisseau me semble traversé par des membranes et des filets sans aucun ordre, et me paraît composé de mailles souples comme chez tous les autres Echinodermes. Pour voir bien la structure et le contenu des vaisseaux, il faut avoir des animaux vivants, et si alors on n'arrivait pas à des résultats sûrs, cela tiendrait à ce que l’histologie des Echinodermes est une terre inconnue. » Malgré ces affirmations, qui dénotent une certaine incertitude, M. Ludwig n'en à pas moins cru pouvoir soutenir la théorie circula- toire qu'il a imaginée. D'après nos propres préparations, opérant avec le même réactif sur des animaux vivants, nous avons constaté que les prétendus vaisseaux formant le cercle aboral sont dus au tissu conjonctif, dont les granules se colorent très vivement. M. Ludwig pèche encore par la manière dont il décrit la distribu- tion des vaisseaux. En somme, ce système nous donne deux cercles : un oral, qui se distribue aux bras et aux tentacules, et un aboral, qui donne des branches aux organes génitaux. Le tube digestif, l'organe essentiel de la vie de l'animal, dans cette théorie, ne reçoit aucun vaisseau. Comment M. Ludwig pourrait-il expliquer la présence, dans la cavité périviscérale, d’un liquide qui sans doute est le même que celui contenu dans le système aquifere ? Est-il sûr que son second cercle aboral n’est pas la série des ban= delettes musculaires qui relient les vésicules de Poli aux intervalles interbrachiaux? Leur arrangement coïncide exactement avec celui du cercle aboral, En résumé, il n'existe qu'un système circulatoire à parois propres, celui connu sous le nom de système aquifère, qui, vu la ressemblance 1 Loc. cil., p. 348. ANATOMIE ET DÉVELOPPEMENT DES OPHIURES. 169 de son contenu avec celui de la cavité générale, doit par les inter- stices du tissu conjonctif être en communication avec la cavité péri- viscérale. Le liquide nourricier se met en rapport ainsi avec toutes les parties de l'organisme, leur fournissant les matériaux de leur accroissement. Cette distribution du liquide nourricier est en rap- port avec le mode de respiration que nous allons décrire en détai' maintenant. V. RESPIRATION. Il est assez intéressant de rappeler sur ce sujet les différentes opi- nions des auteurs. Nous trouvons dans la monographie des Zoophytes Echinodermes par Dujardin et Hupé les détails suivants : « Les Ophiurides ont une respiration externe et une respiration interne ; celle-ci à lieu dans la cavité générale du corps seulement, c'est-à-dire le disque, puisque, ainsi que nous l'avons déjà dit, cette cavité ne se prolonge d'aucune manière dans les bras; elle a pour agent principalles mouvements de cils vibratiles dont l'épithélium de la face interne est revêtu, ainsi que tous les viscères. « L'eau pénètre dans l’intérieur du corps par l’une des fentes qui existent de chaque côté de la base des bras, par la plus voisine de la bouche, cette ouverture ou fente servant en même temps à la sortie des œufs ; lorsqu'il n’y a qu’une seule fente à la base des bras, les extrémités de cette fente unique jouent le rôle de deux fentes parti- culières, dont la position est correspondante, tandis que le milieu remplace les autres. Quant à la respiration externe, elle a pour or- ganes spéciaux les tentacules charnus, creux et tubuleux qui sortent de chaque côté des bras, entre les plaques écailleuses et sur les par- tes latérales de la gouttière médiane de chaque bras. Ces organes tubuleux sont le plus souvent protégés par des épines ou des écailles spéciales, dont le nombre ainsi que la forme sont très variés et don- nent d'excellents caractères spécifiques. Un vaisseau qui s’étend lon - gitudinalement sous le tégument de la gouttière médiane des bras, conduit le fluide nourricier au contact de l'oxygène dissous dans l'eau. On ne peut douter d’ailleurs que les pointes ou piquants mo- biles dont les bras sont armés, et dont nous venons de parler plus 1 Histoire naturelle de Zoophytes échinodermes, lib. encycl. Roret, 1862, rm nie PR ça tr ere 5 += 170 NICOLAS CHRISTO-APOSTOLIDES. haut ét qui ont une structure si semblable à celle des pointes d'Our- sins, ne puisserit également concourir à la respiration externe, par suite des cils vibratiles qui couvrent leur surface. » Il était admis jusqu'aux derniers travaux de M. Ludwig que la ca- vité générale, par l'intermédiaire de fentes existant à la base des bras, communiquait directement avec l'extérieur; l’eau de mer baignait entièrement l'organisme. ign M. Ludwig prouva que les fentes, au lieu de conduire directement à l’intérieur, se prolongent intérieurement en une espèce d’invagi- nation, formant ainsi des organes en forme de sacs entièrement clos. Sur leurs parois sont attachés les organes génitaux. Il appela ces or- ganes, bourses, en raison de leur position par rapport aux organes génitaux. Il soupconna pourtant leur véritable rôle, en conseillant de chercher sur des animaux vivants leur véritable fonction, qui de- vait être la respiration. L'honneur d'avoir découvert cette disposition particulière chez les Ophiures et les Euryales appartient donc entièrement à M. Ludwig. Nous n'aurons qu'à confirmer son opinion et à ajouter quelques développements. Quand on observe du côté dorsal une Ophiure vivante, et surtout une Amphiura filiformis, dont le disque mou rend les choses plus évidentes, on voit le corps de l'animal se gonfler et s’affaisser alter- nativement ; on distingue nettement que le gonflement commence par la périphérie du disque, qui entraîne le soulèvement du centre. La marche est extrêmement lente, quelquefois même ne s'effectue que d'un côté du corps. L’affaissement, au contraire, est subit. Chez les animaux qui venaient d'être pêchés, nous avons remarqué que ce phénomène était très fréquent ; chez d'autres, conservés pendant longtemps, 1l se produisait à de longs intervalles. Si l'on ajoute dans l'eau des particules colorées ou simplement de la fine sciure de bois ou des poussières, et si en même temps on ren verse sur le dos un animal, après lui avoir coupé les bras pour l'empêcher de reprendre sa position naturelle, on reconnait : un double courant autour des fentes génitales ; l'eau entre du côté de la fente qui avoisine le bras et sort du côté opposé (pl. IX, fig. 2, sr). Le mode d'entrée et de sortie de l'eau est dù à ce qu’un seul côté de la fente possède des cils vibratiles, C'est celui qui est au contact 1 Loc, cil., p. 386. ANATOMIE ET DÉVELOPPEMENT DES OPHIURES, 171 du bras. L'autre en manque absolument, Le mouvement des cils est aussi caractéristique, il se fait toujours dans une direction telle qu'il pousse le liquide vers l'intérieur. On voit aisément sous le microscope que le courant qui s'établit de cette facon, est comme un tourbillon dont les points de départ et de terminaison occupent le même lieu (voir la direction des flèches dans la figure schématique 2 de la planche IX). En injectant par une de ces fentes un liquide coagulable, on acquiert la certitude que l'orifice donne accès dans une espèce de sac entièrement clos (voir même planche, fig. 3). La forme varie suivant les genres d'Ophiures. M. Ludwig donne une série de figures représentant leurs diffé- rentes formes. Nous n'avons pas cru nécessaire de répéter les mêmes figures, nous en donnons une, représentant ceux de l'Amphiura file. formus (pl. VIT fig. 9, sr). Dans cette espèce les ‘sacs se présentent sous la forme d'une simple membrane extrêmement mince, limitée entre les glandes génitales, sur laquelle se trouvent attachés les utricules génitaux. Chez l'Ophioglypha lacertosa leur forme est bien différente, ils se continuent au-dessus du tube digestif même IDE 641, et pl. IX, fig” à). La structure de ces organes particuliers est des plus simples : une couche interne ciliée, et extérieurement du tissu conjonctif propre aux Echinodermes, les eils ne font défaut que d’un seul côté de la fente : celui qui se trouve accolé au bras. Le mécanisme de la res- piration s'effectue par les muscles du corps ; l'animal peut à volonté ouvrir et fermer les fentes, en mouvant ses bras, ou en agissant par les muscles qui entourent ia bouche. De l’une ou de l’autre manière la fente s'ouvre, ie mouvement des cils vibratiles amène l’eau et rem- plit le sac. Ce travail s’accomplit lentement; une fois que les sacs sont remplis, l'animal cesse d'agir, et ceux-ci, qui sont élastiques, re- prennent aussitôt leur forme, en chassant le liquide qui y est entré. Une preuve à l'appui de notre idée que ces mouvements alternatifs servent à la respiration, c'est qu'en déchirant tous les sacs à la fois le mouvement non seulement cesse, mais l’animal ne vit pas long- temps. | D'autre part, nous avons signalé, à propos du tube digestif, que l'animal, malgré le percement central de cet organe, continue à vivre grâce aux sacs, qui restent intacts et continuent leur fonctionne- ment régulier. Cet ensemble de faits nous amène à considérer ces 172 | NICOLAS CHRISTO-APOSTOLIDES. appareils comme de véritables organes de respiration et nous leur donnons le nom de sacs respiratoires. M. Ludwig chercha à établir, ou plutôt à trouver, chez les autres Echinodermes, un organe analogue aux sacs respiratoires; en fin de compte il dut se rabattre sur les Echinodermes fossiles, en disant qu'il est difficile de lui prouver que d’autres Echimodermes à d’autres époques ne possédaient pas de semblables appareils. C’est aller trop loin, puisque jusqu à présent on ne connaît même pas l’analogie des fentes. Nous n'admettons pas que ces organes soient une annexe des organes génitaux. Chez certaines Ophiures, par exemple, chez l’Ophiocoma nigra, dont M. Ludwig nous donne une figure, ces organes sont situés au-dessus des glandes génitales et tout à fait libres, sans aucun rapport avec elles. Chez les Ophiures, où le développement de l’œuf se poursuit dans l’intérieur du corps, comme nous le ferons remarquer au sujet de ce développement, ces organes, qui rappellent ceux de l’Amphiura filiformis, sont indépendants des enveloppes embryonnaires. D'après toutes ces considérations nous pouvons résumer la description de la circulation, en ajoutant que le système vasculaire proprement dit est formé par la cavité générale et les espaces qui s'y rattachent. Les sacs respiratoires, par leur affaissement et leur dilatation alternatifs, appellent le liquide nourricier dans la cavité péristomacale, pour le repousser ensuite à la périphérie. Quant à la fonction respiratoirè attribuée par Dujardin aux ten- tacules et piquants, on ne peut, chez les Ophiures, leur attribuer une grande influence. Les tentacules des Ophiures diffèrent essentieilement des organes homologues chez les autres Echinodermes, auxquels, avec juste raison, on attribuait un rôle respiratoire. En ne prenant qu'un seul exemple, la Synapte de Duvernoy, si bien étudiée par M. de Quatre- fages", la coloration des tentacules et feur forme digitée diffèrent es- sentiellement de celles des Ophiures. Du reste, les tentacules ne sont en communicalion directe qu'avec le système aquifère, qui commu- nique, avons-nous dit, directement avec l'extérieur; leurs parois, dont les lacunes sont en communication avec celles des autres parties des téguments, sont baignées par le hiquide de la cavité générale qui cir- cule dans ces lacunes. S'ils ont une fonction quelconque, elle ne doit 1 Annales des sciences naturelles, 2° série, t. XVII, 1842, ANATOMIE ET DÉVELOPPEMENT DES OPHIURES. 153 intéresser que le système aquifère. Les tentacules nous paraissent être des organes exclusivement tactiles, ils servent même à l'animal au début de sa vie, quand il est encore dépourvu de ses bras, et il est réduit au disque seul, comme organes locomoteurs, surtout les ten- tacules buccaux et la première paire des brachiaux. Quant aux piquants, leur fonction n’est pas douteuse. Au com- mencement de cette étude, quand nous avons étudié les mœurs des animaux qui nous occupent, nous avons expliqué quels sont les rapports de ces organes avec la nature du milieu extérieur, et com- ment il y a des Ophiures qui n’en possèdeat pas. Une autre preuve en faveur de notre opinion, c’est l’existence chez certaines Ophiures à l’état jeune, à côté de piquants, de véritables cro- chets; leur développement est quelquefois tel, que Müller et Tros- chel!, dans leur description des Astéries et Ophiures, ont cru néces- saire d'établir un nouveau genre, l'Ophionyx armata. Depuis, J. Müller, en étudiant l'embryologie des Ophiures, a reconnu son erreur, qu’il avait affaire à un jeune individu de l’Ophiothrix fragilis (versicolor). Ces crochets servent aux tout jeunes individus à s’accrocher sur la peau de leurs parents; nous avons bien souvent, pendant notre voyage à la Méditerranée, trouvé ainsi de petites Ophiothrix, accro- chées presque toujours à la paroi ventrale dans l'intervalle compris entre deux fentes génitales. Ces crochets à l’état adulte ne se rencontrent plus, chez l’Ophio- thrix rosula, qu'aux extrémités des bras, mais chez la versicolor ils persistent tout le long, seulement ils sont toujours plus grands aux extrémités. Chez les petites Amphiura squamata nous avons remarqué de pa- reilles formations, seulement le piquant ne possède qu'un seul cro- chet à l'extrémité. Ce qui prouve que les piquants n’ont aucun rapport avec la fonction respiratoire, c’est qu'ils sont des organes simplement locomoteurs. Après l'étude des appareils de la nutrition et de la circulation, il nous reste à étudier encore deux autres ordres de fonctions : celles qui président aux relations de l'animal avec le monde extérieur et celles qui assurent la conservation de l'espèce. Nous allons successivement aborder ces deux chapitres en pre nant toujours pour guide l'observation et l’expérience, 1 System der Asteriden, 1849, taf, IX, fig. 4, 17% NICOLAS CHRISTO-APOSTOLIDÈS. VI. SYSTÈME NERVEUX. Tracer l'historique de ce chapitre est chose facile, grâce au remar- quable mémoire que E. Baudelot! a publié dans les Archives de 200- logie expérimentale. Dans ce travail, qui est une critique raisonnée, on trouve tout ce qui était fait à cette époque sur le système ner- veux des Echinodermes. Nous nous plaisons à citer quelques passages du travail de ce sa- vant, enlevé si prématurément à la science ; et nous le faisons avec d'autant plus de plaisir, que nous voyons les derniers auteurs qui se sont occupés des Ophiures ne pas même citer son nom. «Ge ne fut pas, écrit-il, sans une certaine surprise que je constatai combien de faits qui ont rang dans les livres classiques et qui semblent repo- ser sur les données les plus certaines, sont au contraire, lorsqu'on les examine sur la nature, entourés de vague et d'obscurité. « Malgré les travaux assez nombreux qui ont été entrepris dans le but de faire connaître le système nerveux, le sujet est resté jusqu'au- jourd'hui entouré de beaucoup d’obscurité. Pour qui s’est occupé tant soit peu de la question, le fait ne saurait paraitre surprenant, vu les difficultés considérabies de dissection que comporte l'étude des Echimodermes en général, vu aussi les caractères assez peu tranchés de l'élément nerveux dans tous les animaux appartenant à ce groupe. » La première conclusion à laquelle arrive celui qui cherche à trou- ver un véritable système nerveux, c'est-à-dire un tissu offrant la structure du tissu nerveux des animaux supérieurs, est que chez les Echinodermes un tel système nerveux n'existe pas, Ces animaux, pourtant, présentent un certain ordre de phéno- mènes qui prouvent chez eux un assez grand développement de sen- sibilité., Une Ophiure, quand on la prend à la main, cherche à échap- per, et si l'on a soin de la tenir suspendue entre les doigts, en la tenant par la base de deux bras, on voit les bras libres de l'ani- mal venir au secours des autres pour les dégager. Cela dénote clairement que l'animal non seulement sent, mais encore peut loca- liser une sensalion et reconnaitre d'où elle vient. Ce phénomène, si simple qu'il soit, suggère l'idée de l'existence \ Archiv, de 3001, exp. {, 1er, 1872, p, 477, ANATOMIE ET DÉVELOPPEMENT DES OPHIURES. 175 d'un système nerveux. Quand on coupe un bras, on le voit exécuter un certain nombre de mouvements. Les premiers travaux sur le système nerveux des Ophiures sont ceux de J. Müller!. Depuis, les auteurs que nous avons cités en com- mençant, MM. Lange, Teuscher, Simroth, Ludwig, ont repris cette étude : les uns pour combattre les idées de Müller, les autres pour les soutenir. Confiant dans les résultats de nos prédécesseurs, nous voulions d'abord revoir ce qu'ils avaient décrit. Mais au cours de ces recher- ches, bien des faits se sont présentés à nous, absolument différents de ce que l’on avait décrit. Il en résulta que nous avons dû refaire cette étude à nouveau, et nous allons exposer les résultats auxquels nous sommes arrivé. À, — Anatomie. Le système nerveux (pl. X, fig. 4, 2, 3, 4, 5, 6) se compose d’un anneau central, ou pentagone, et de cinq rameaux qui partent de lui. Quand on enlève la partie dorsale de l’Ophiure et le tube digestif entièrement, on tombe sur le plancher buccal. Là on distingue que les pièces fourchues forment un cercle complet situé un peu au- dessus des ossicules discoïdes, qui aboutissent sur la périphérie de ce cercle. Une membrane de tissu conjoncetif fortement colorée ta- pisse ce cercle; si l’on enlève cette membrane, on reconnait qu’elle est double, et c'est entre les deux parties, dans l'angle de l'espace que nous avons appelé périnerveux, qu'on voit une bandelette oran- gée (pl. X, fig. 2, n) entourant entièrement le cercle. La forme de l'anneau varie : chez les Ophioglypha, il est complète- ment circulaire; chez l'Ophiocoma nigra, il acquiert une forme pen- tagonale; chez les Ophiothrix, sa forme est plutôt décagonale. Cet anneau est situé un peu plus en dedans que l’anneau aquifère que nous avons vu; l’un est situé sur l’ossicule discoïde, l’au- tre est accolé contre la partie de sa surface qui regarde l'entrée de la bouche. De cette façon, les rameaux qui partent de ces deux an- neaux passent par le même orifice. Dans cet endroit, comme tout le long de leur parcours, ils sont séparés par un espace traversé par des fibres de tissu conjonctif disposées sans ordre. 1 Ueber den Bau der Echinodermen, 1854, p. 79. 176 NICOLAS CHRISTO-APOSTOLIDÉS. Dans l'espace périnerveux (pl. IX, fig. 1, n), l'anneau nerveux à la forme d'une bandelette verticale ; mais ses rayons sont horizon- taux. Nous avons dit que chaque branche s'incline pour passer à tra- vers l'orifice de l’ossicule discoïde au}bord duquel est situé l'anneau. Sa marche dans cet endroit est ascendante. Dans notre figure (pl. X, fig. 1), nous avons représenté le point d’où part le nerf. Cette figure présente l'intérieur de l'extrémité d'un bras; nous avons enlevé la partie calcaire qui s'y trouvait pour montrer plus nettement la situa- tion des parties. Dans cette figure le système nerveux est représenté, comme dans toutes les autres, en noir foncé. On y voit la branche brachiale qui suit une marche verticale jusqu’à la partie ventrale du bras; là elle se recourbe en devenant horizontale. L'anneau aquifère (pl. X, fig. 2, aa, n) est en dehors de l'anneau nerveux, et par suite ses branches, passant par le même orifice que le rayon nerveux, se trou- vent dans toute leur longueur en dehors et au-dessus de ces derniers. Le point (pl. IX, fig. 1, o) où le rayon nerveux et le vaisseau aqui- fère se réfléchissent pour devenir horizontaux est particulièrement important, comme nous l'avons signalé à propos du système circu- latoire ; c’est par ce point que le liquide périviscéral peut venir jusque dans l’espace périnerveux. Une injection faite dans la cavité entou- rant l'anneau nerveux passe par cet endroit et remplit le grand es- pace péristomacal. D'après cette courte description on comprend que dans une coupe transversale du-bras, coupe passant au travers d’un ossicule dis- coïde, on trouve dans la rainure ventrale de celui-ci, tout au fond (pl. VII, fig. 5, v, a, n, et pl. X, fig. 5), le vaisseau aquifère, et au- dessus de lui, au contact des plaques ventrales, la branche nerveuse. E. Baudelot, dans le mémoire dont nous avons parlé, donne une description très exacte de la distribution; ayant suivi ses conseils pour la dissection, nous croyons devoir la citer : « Pour quiconque veut arriver à se faire rapidement une idée nette de la disposition du système nerveux des Echinodermes, les Ophiures me paraissent devoir être choisies de préférence à tout autre type.» L'auteur, en écrivant cette phrase, avait en vue la belle espèce de la Méditerranée : l'Ophioglypha lacertosa ; mais chez les Ophiothrix la chose ne présente pas les mêmes facilités. « Pour arriver à voir bien distinctement les parties dont nous ve: nons en quelques mots de tracer la description, il faut plonger pen- dant vingt-quatre heures l'animal dans un bain acidulé (une partie | | ANATOMIE ET DÉVELOPPEMENT DES OPHIURES. 472 d'acide azotique pour cinq parties d'eau environ). Au bout de ce temps, le tissu de pièces calcaires se trouve complètement ramolli, et la dissection peut être poursuivie avec la plus grande facilité. Pour mettre à nu le bras, il suffit d'enlever avec précaution la membrane qui recouvre la rainure ventrale ; à l’aide d’une loupe on aperçoit alors le cordon nerveux, sous l'aspect d'un cordon blanchâtre, aplati, assez résistant, parfaitement isolable, et d'où partent sÿmé- triquement, à droite et à gauche, des filets destinés aux tentacules. Pour découvrir l'anneau nerveux circumbuccal, 1l suffit de suivre jus- qu'à la base des rayons le cordon nerveux brachial; on arrive ainsi jusqu'à l'anneau, que l’on peut ensuite isoler aisément, dans toute son étendue, en enlevant avec précaution la peau qui couvre le disque buccal, » Une description si juste est passée inaperçue par les auteurs dont nous avons cité les noms. S1 l’on regarde du côté ventral, le cordon nerveux du bras se pré- sente sous une forme aplatie (pl. X, fig. 5), mais il n’en est pas ainsi du côté opposé qui regarde le vaisseau aquifère, c'est-à-dire du côté dorsal. Nous avons signalé, à propos du système vasculaire, une descrip- üon de M. Simroth où il était dit que le nerf contribue à la forma- tion des parois du vaisseau radiaire, Nous avons expliqué comment l’espace radial est indépendant des autres. En effet, le cordon nerveux a une forme singulière du côté du vaisseau aquifère. Si l’on pratique une coupe transversale, on verra que le cordon se présente sous la forme concavo-convexe ; convexe du côté des plaques ventrales, concave intérieurement. Seulement, au milieu de la grande concavité on en distingue encore une plus petite. Si l’on regarde ce côté sous le microscope, à un faible gros- sissement le cordon brachial, cette petite concavité se présente sous la forme d’une ligne beaucoup plus transparente que les deux laté- rales : c’est un sillon creusé au milieu du cordon. La forme du cordon n’est pas régulière (pl. X, fig. 3); il présente de distance en distance des renflements, qui ne correspondent pas avec les points d’où naissent les nerfs. Nous expliquerons plus loin à quoi est due cette disposition. Nous avons vu que l'anneau aqui- fère donnait deux rameaux directs qui allaient aux tentacules. L’an- neau nerveux, au contraire, ne donne aucune branche secondaire, Mais les cordons des bras, dès leur naissance, donnent, de chaque ARCH. DE ZOOL, EXP, ET GÉN, — T, X. 1089, 12 EE EE jet — — nn EE PE PR à = 178 NICOLAS CHRISTO-APOSTOLIDES. côté, deux branches qui ont une destination différente. La supé- rieure se rige vers le premier tentacule. En arrivant près de lui, elle se bifurque, et les deux branches de la bifurcation entourent lextré- mité du tentacule et s'anastomosent du côté opposé, de manière à for- mer un cercle complet. La distribution du nerf aux parois des tenta- cules n’est prouvée que par le fait physiologique de leur contractilité. L'observation ne donne aucun renseignement à cet égard. Il est vrai que MM. Simroth ‘ et Teuscher * montrent une distribution ner- veuse dans les tentacules, mais l’étude histologique des cellules ner- veuses que nous décrivons, et auxquelles nous attribuons une telle valeur, ne correspond pas avec celles de ces auteurs. Les branches inférieures se dirigent vers les muscles qui unissent ensemble les pièces buccales. M.Teuscher, avec sa méthode de durcissement et de coupes, décrit quatre branches, passant à travers les muscles et dont la provenance doit être attribuée à l'anneau nerveux. M. Ludwig”, depuis, démontra qu'aucune branche ne provenait de l'anneau même. | Avant d'arriver au bras, c'est-à-dire avant de se courber et de pren- dre la direction horizontale, le cordon donne encore deux paires semblables qui se distribuent de la même manière. M. Ludwig prétend qu’à ce point le cordon donne une branche qui, à son tour, en donne cinq autres aux parois des bourses (sacs respiratoires). Nous n'avons pas pu vérifier cette observation, nous croyons que des tractus de tissu conjonctif ont été pris par lui pour des nerfs. Nous insistons sur ce point, parce que, après avoir traité les ani- maux par l'acide azotique, l’ensemble du système nerveux est telle- ment évident, que je nue crois pas qu'ils eussent pu échapper à mes investigations. Dans le bras, en face de chaque ossicule discoïde, naissent du cor- don deux nerfs, qui se distribuent de la même manière. M. Teuscher* prétend qu'il existe une communication de ce sys- ème avec l'extérieur. Son affirmation repose sur des injections faites du côté ventral par les angles buccaux chez l'Ophiothrix fragilis 1 Loc, cit., p. 469-475, pl. XXXIII, fig. 98, 2 Loc, cit., p. 276-276, pl, VIII, fig. 7, 13 et 15, 8 Loc, cit., p. 867. Loc, cit,, p. 276. ANATOMIE ET DÉVELOPPEMENT DES4OPHIURES. 179 (versicolor). Nous avons répété la même expérience sur des animaux de la même espèce, mais vivants, et jamais nous n'avons vu le liquide arriver Jusqu'à l'anneau nerveux. B. — Æistologre. La partie que nous décrivons sous le nom de système nerveux à une grande épaisseur, et par rapport à l’animal, comparé aux autres organes, est assez considérable. La question est de savoir si toute cette partie est du tissu nerveux. J. Müller, qui décrit ce système, admit cette opinion. MM. Teus- cher et Simroth, dans leurs mémoires, ont admis les idées de Müller, M. Lange ‘,au contraire, combattit cette opinion en considérant une partie de la bandelette comme appartenant aux téguments. M. Lud- wig?, récemment, est revenu sur le même sujet, en admettant, comme Müller, que l’ensemble est du tissu nerveux. C’est en nous trouvant en face de ces différentes opinions que nous avons entrepris l'étude de ce système. Et, comme nous n'avons pas cessé de le ré- péter, c’est en étudiant ce système chez les animaux frais et conser- vés, qu'on aperçoit clairement quelles sont les modifications appor- tées dans les tissus par les diverses méthodes de conservation. Les parties qui, à l’état frais, possèdent des caractères distinctifs et ne peuvent se confondre, forment à l’état de conservation un tout homogène, qui, si l’on n’est pas prévenu, peut en imposer aisément. Nous en avons la preuve dans les descriptions de MM. Teuscher, Simroth, Lange et Ludwig, et surtout dans leurs dessins. Plusieurs couches distinctes sont représentées confondues, et chacune a servi suivant les exigences de l’auteur. Prenons la description de M. Ludwig et surtout son dessin, parce que c'est lui qui résume les travaux de ses prédécesseurs et expose les dernières connaissances acquises. La figure 16 de la planche XV représente deux couches : une cel- lulaire ventrale, composée de cellules rondes, avec un petit noyau, et une autre dorsale fibrillaire. Cette seconde, par rapport à la pre- mière, est trois fois plus épaisse. Si, à présent, ces points étant déterminés, par une marche rétro- grade, nous regardonsles figures des autres auteurs, nous voyons chez 1 Beilrüge zur Anatomie und Hislologie der Asterien u. Ophiuren. Morph., Jahrb, IT, p. 451-452, 2 Loc. cil., p. 357. 180 NICOLAS CHRISTO-APOSTOLIDES. M. Lange (pl. XVII, fig. 15 et 16), représentées de véritables cellules nerveuses avec leurs noyaux et des filaments, et situées du côté dorsal. ù M. Simroth (pl. XXXIIL, fig. 28) représente par endroits la couche cellulaire, comme formée par une plus grande accumulation de cel- lules, et y voit des ganglions. Si nous regardons à l'état frais un cordon brachial après l'avoir enlevé, nous le voyons composé d'un amas de cellules rondes avec un gros noyau, d’une couleur brune ; çà et là, nous distinguons des formes rappelant les cellules nerveuses et ressemblant aux figures de M. Lange. Mais il n'est pas possible de nous tromper. Ces formes n'ont rien de commun avec le cordon. Si nous traitons par la po- tasse, tout disparaît : c'étaient donc des parties appartenant au tissu musculaire qui attachent le cordon aux parois, et en même temps forment sa propre enveloppe. Ces parties, quand elles sont colorées par le carmin, présentent des cellules possédant un noyau. Mais nous avons signalé cette par- ticularité bien connue, propre au tissu conjonctif des Echinodermes. Non seulement dans cette partie, mais dans toutes les enveloppes des organes on peut distinguer les mêmes apparences. Nous avons plu- sieurs préparations du tissu de l'intérieur du corps qui montrent l'exactitude des faits énoncés. | Les débris du tissu conjonctif qui peuvent prendre une apparence rappelant les cellules nerveuses dans une préparation faite sur des objets conservés, possèdent, à l'état frais, le caractère essentiel de leur origine. Il reste encore à étudier l'amas cellulaire, qui paraît constituer entièrement, à première vue, le cordon. Evidemment ces cellules n’ont rien de l'apparence des cellules ner- veuses. Leur contour est entièrement circulaire (pl. X, fig. 4, cb, et 6) ; elles possèdent un gros noyau au milieu. Leur coloration est brune. Ce sont ces cellules qui donnent la coloration brune au cor- don, coloration qui est signalée, dans les ouvrages d'histologie, comme due à un pigment particulier du système nerveux des Echi- nodermes. Nous avons essayé, par des injections faites au moyen de l'acide osmique sur des animaux vivants, de fixer les éléments; après les opérations nécessaires pour le durcissement préalable, nous avons pratiqué des coupes transversales, Cette étude nous à donné les ré- sultats suivants, ANATOMIE ET DÉVELOPPEMENT DES OPHIURES. 181 La bandelette qui suit le trajet indiqué plus haut, se compose de deux couches entièrement distinctes. Une couche cellulaire (pl. X, fig. 4, cb et n), correspondant à la partie supérieure par rapport au bras et inférieure par rapport à l'anneau central. L'épaisseur de cette partie par rapport à la seconde est trois fois plus grande. Les cellules se présentent, sous une forme plus ou moins allongée, agglomérées entre elles ; leur ap- parence rappelle les cellules pigmentaires des Batraciens. A la limite externe de la région de ces cellules on rencontre, de distance en dis- tance, de grosses cellules avec un petit noyau. Nous donnons deux de ces cellules dans notre dessin (pl. IX, 4, m, m). Quelles peu- vent être ies fonctions de ces cellules ? Ne doivent-elles pas avoir un rôle de sécrétion ? La chose est possible, mais difficile à établir. Les procédés d'investigation chez les animaux inférieurs ne permet- tent pas encore de chercher les fonctions physiologiques de certai- nes parties. Dans cet ensemble de cellules on ne rencontre ni fibres ni spicules pouvant être considérés comme une partie tégumentaire, ou plutôt comme une enveloppe protectrice de la partie nerveuse. La seconde partie (pl. X, fig. 4 et 5, n) est très minime, par rap- port à la précédente ; elle est située, ou plutôt paraît être limitée, dans la petite concavité signalée par nous au milieu de la grande concavité, formée par les bords recourbés de la bandelette. Cette seconde couche est composée de fibrilles extrèmement ténues au milieu desquelles on aperçoit des cellules bipolaires petites ; c'est à peine si elles mesurent quelques millièmes de millimètre de dia- mètre ; leur noyau est clair ; leur protoplasma offre une coloration grisâtre. Leurs parois sont à peine distinctes. E. Baudelot écrit dans le mémoire cité : « Dans les Ophiures, comme dans les Echinus, j'ai vu le cordon nerveux composé d'un faisceau de fibrilles revêtu extérieurement d’une couche épaisse de petites cellules, » Dans cette description, qui correspond exactement à la nôtre, la couche externe de cellules est bien décrite. Seulement l’auteur ne signale pas les cellules qui sont éparses au milieu des fibrilles. Telle est la structure intime de l'anneau et du cordon brachial. Différents auteurs sont allés dans leur description jusqu'à signaler des accu- mulations cellulaires et de véritables ganglions. Nous avons signalé la présence de renflements du côté des cordons brachiaux (pl. X, fig. 3), mais l'observation montre que ces renfle- 182 NICOLAS CHRISTO-APOSTOLIDES. ments ne correspondent pas au point où naissent les nerfs, c'est- à-dire en face des ossicules discoïdes, mais aux intervalles de ceux-ci. Les renflements sont donc placés dans les espaces intermédiaires aux ossicules, espaces occupés par le tissu musculaire. Ils ne sont pas dus à une accumulation de cellules nerveuses, mais sont formés exclusivement aux dépens de la portion non nerveuse du cordon, qui a trouvé dans ces points, où elle est environnée de parties molles, la place nécessaire pour se développer. Telle est, sous tous ses rapports, la bandelette considérée par les auteurs comme formant le système nerveux. Rappelons encore ici les réflexions de E. Baudelot à ce propos : « L’étude de la structure intime, qui en pareille circonstance semblerait devoir fournir de pré- cieux renseignements, demeure elle-même tout à fait insuffisante pour dissiper l'incertitude. Pour qu'il en fût ainsi, en effet, il fau- drait qu'il y eût toujours possibilité de déterminer avec certitude si une cellule ou une fibre donnée est ou n'est pas de nature nerveuse. Or, à mon avis, cette possibilité n'existe pas. Quand une cellule ou une fibre est prise dans un organe nerveux bien déterminé, il est facile d'ordinaire de décider quelle est sa nature, bien que dans cer- lains cas cependant, à l'égard de certains éléments des centres ner- veux des vertèbres par exemple, l'hésitation puisse encore avoir lieu. Mais s’il s'agit de cellules et de fibres prises dans un organe de nature douteuse, comme l’est celui des Echinodermes, de cellules et de fi- bres ayant perdu en outre ce caractère distinctif qu'elles possèdent ailleurs, alors je réponds, sans hésiter, que ces espérances fondées sur l'histologie pour trancher la question sont, sinon illusoires, du moins fort hasardées. Personne, que je sache, n’a encore établi d'une manière quelque peu certaine que les fibres, que les cellules de cor- dons nerveux des Echinodermes sont bien des fibres nerveuses des cellules nerveuses et pas autre chose. » M. Léon Frédéricq ! à démontré par des expériences physiolo- giques que, chez les Echinides, cette partie doit être de nature nerveuse. La structure histologique de ce tissu chez les Ophiures étant pres- que la même que chez les Echinides, et la série des expériences indi- quées par lui : mutilation des bras, excitation par l'électricité du cordon nerveux, donnant les mêmes résultats chez les Ophiures, 1 Contribulian à l'étude des Echinides (Arch. de 001. eæp., t. V, 1876, p. 429-439). ANATOMIE ET DÉVELOPPEMENT DES OPHIURES. 183 nous nous croyons en droit d'appliquer aux Ophiures les conclu- sions qu'il a tirées de ses expériences chez les Echinides. VIT. ORGANES DE LA GÉNÉRATION. La séparation des sexes chez les Ophiures est la règle genérale. Nous n'avons qu'un seul exemple d’hermaphrodisme, l’Amphiura squamata (espèce vivipare). La coloration des organes peut presque toujours servir comme caractère distinctif des sexes. Même exté- rieurement, en regardant les intervalles des bras du côté ventral, on peut reconnaître si l’on a affaire à un mâle ou à une femelle. La coloration des glandes qui ont pour fonction de produire des spermatozoïdes est généralement blanche, ou à peine rose. Gelle des ovaires est ou rouge intense ou orangée. Leur structure intime présente quelques différences suivant les genres, quelquefois même suivant les espèces. Pour se faire une idée juste de la position et des rapports des glandes, le meilleur moyen est de disséquer l'animal dans sa posi- tion naturelle, c'est-à-dire la bouche en bas. Il faut, avec beaucoup de précautions, enlever les téguments dorsaux et le tube digestif. Dans notre dessin (pl. VIL fig. 9) qui représente la disposition des organes chez l’'Amphiura filiformis, on voit quelle est leur disposition générale. L'ensemble est composé de dix groupes glandulaires, entièrement indépendants, situés juste au-dessus de chaque fente brachiale. Chaque groupe se compose d’un certain nombre de glandules, dont le sommet se trouve du côté intérieur et le pédoncule du côté de la fente. Au premier abord on croirait à une disposition irrégulière, mais il n'en est pas ainsi. Les pédoncules des glandules sont rangés de ma- nière à entourer complètement la fente, une partie est alignée du côté du bras et l’autre du côté opposé. Si nous regardons cette dis- position chez l’Ophioglypha albida, nous voyons une différence. Là les glandules sont rangées par lignes longitudinales, sur toutes les parties du sac respiratoire correspondant. Ainsi il arrive que ce sac, prenant chez ces genres un développement considérable, les glandes remontent jusqu'au côté dorsal, par-dessus le tube digestif (pl. VIT, He 2009 et IX, fig. 3). Cette particularité est bonne à noter. M. Ludwig a prétendu que 184 NICOLAS CHRISTO-APOSTOLIDES. les glandes ne se rencontrent jamais du côté dorsal. Evidemment l'existence de glandes génitales du côté dorsal est une preuve contre sa théorie circulatoire, son second cercle aboral ne donnant de vaisseau qu'autour de fentes. C'est surtout en examinant le genre Op tene et particulière- ment les espèces albida et Sarst, chez lesquelles se rencontre cet accolement. intime des glandes génitales sur les sacs respiratoires, que M. Ludwig fut conduit à appeler ces organes bourses. Une autre particularité qui a aussi sa valeur au point de vue du système circulatoire tel que l'a décrit M. Ludwig, c'est la disposition des organes génitaux chez l'Ophiocoma nigra. Nous donnons une fi- gure (pl. VIL, fig. 8) représentant cette disposition. A côté d'un bras les glandules rangées en deux lignes, une du côté du bras, l’autre du côté opposé, sont retenues en place par des fibres de tissu con- jonctif. Chez cette espèce on ne remarque pas la même disposition que chez l'Amphiura filiformis, par rapport aux sacs respiratoires. M. Ludwig, qui nous donne dans son mémoire une figure schéma- tique de ces organes assez ressemblante chez cette espèce, a négligé de nous signaler que les sacs respiratoires viennent se placer au-des- sus des organes de la reproduction ; et quand on procède d'après la méthode indiquée, en disséquant l'animal du côté dorsal, il faut en- lever non seulement les téguments et le tube digestif, mais aussi les sacs respiratoires, pour voir les glandes. Ainsi cette disposition prouve la parfaite indépendance des organes génitaux, et le peu de relations existantes entre eux et les sacs respiratoires. D'autre part, cette dis- position met ces organes en relation directe avec le milieu ambiant. Chez cette espèce, le mode de distribution des vaisseaux et des nerfs bursaux, décrit par M. Ludwig, ne peut exister; car les or- ganes génitaux et les bourses (sacs respiratoires) étant parfaitement indépendants, puisqu'il n'existe, d'après cet auteur, que dix nerfs et dix vaisseaux, si ces nerfs el vaisseaux se distribuent aux dix bourses, les organes génitaux en sont privés ; si, au contraire, ils se distri- buent aux dix glandes génitales, les sacs respiratoires en sont néces- sairement dépourvus. Cela montre le danger que l'on court en voulant étendre à toute une série d'animaux une théorie, sans chercher à la contrôler chez tous. Souvent les faits mêmes viennent contredire les suppositions. Continuant toujours la description de l'aspect extérieur, nous re- marquons d'autres particularités chez les Ophiothrix. Dans ce genre, LT D ! mes dal —— À ANATOMIE ET DÉVELOPPEMENT DES OPHIURES. 185 nous ne distinguons plus de glandules, mais une seule glande située au-dessus de la fente. Nous donnons un dessin de cette disposition (pl. VIL, fig. 6, g., et 7). Les glandes font saillie dans les intervalles des bras, ce qui donne l'apparence pentagonale au disque de ces animaux. La forme de chaque glande en particulier rappelle une corne de bélier. Cette disposition toute particulière des Ophiothrix caractérise leur genre. Une autre disposition particulière aussi est celle de l'Amphiura squamata, mais nous réservons son étude pour le moment où nous traiterons de son développement. La structure intime de glandules présente aussi quelques diffé- rences. Si nous prenons comme exemple l'Ophocoma nigra, nous aperce- vons une différence de structure, chez les mâles et les femelles, en- tre les différences de coloration et de forme. Les glandes mâles (pl. VIT, fig. 11) sont composées de glandules dont la partie libre est composée d’une série de ramifications. Les glandes femelles, au contraire, sont composées de tubes simples, sans ramifications. Chez l'Amphiura filiformis, les deux sexes ne montrent pas de dif- férence dans la structure extérieure. C'est une série pl. VIE fig. 9, gg) de tubes renflés à leur partie libre en forme de massue, à l’extré- mité de laquelle on remarque presque toujours, dans cette espèce, une tache noire. Chezles Ophioglypha albida et lacertosa, la disposition est la mème, seulement les glandules sont un peu plus petites chez ces espèces. HISTOLOGIE. La structure intime des glandes est des plus simples. À première vue, on croirait que les produits génitaux naissent librement à l'in- térieur. Chaque glandule (pl. VIT, fig. 10 et 12) est composée de quatre ou cinq cellules mères, qui, à leur tour, contiennent chacune quatre ou cinq œufs. Le tout est enveloppé par cette variété de tissu con- jonctif propre aux Echinodermes ; on y distingue les granulations caractéristiques. Si l'on étudie une glande mâle, on voit qu'elle est (pl. VIL, fig. 41) 186 NICOLAS CHRISTO-APOSTOLIDES. composée d’une couche extérieure de tissu conjonctif, et d’une couche intérieure ciliée. Cette couche intérieure doit avoir la pro- priété de sécréter les spermatozoïdes. L'évacuation des produits se fait par déhiscence, directement à l'extérieur, par les fentes génitales. Sur ce point, actuellement, n'existe aucun doute; il est inutile d'insister davantage. Jamais tout le contenu des glandes ne se déverse au dehors. Comment se fait la nutrition des glandes? Pour celles qui sont à l'intérieur et en contact direct avec la cavité, la chose est facile à comprendre, puisqu'elles baignent dans le liquide de la cavité géné- rale. Mais chez l'Ophiocoma nigra, où elles sont en rapport direct avec l'extérieur, les pédoncules de leurs glandules étant attachés sur la paroi latérale du bras, la nutrition ne se fait plus d'une manière aussi directe. Les éléments reçoivent les liquides nourriciers de l’es- pace environnant par imbibition de proche en proche. L'opinion de M. Ludwig qu'un espace périhémal existe dans chaque glandule entre ses deux parois n’est pas soutenable; cet au- teur appuie son opinion sur l'apparence spéciale de glandes avant l'état de maturité. Cette apparence est due simplement à ce que les œufs étant en- core peu développés dans les cellules mères, celles-ci laissent un vide entre elles et la paroi générale. Sans aucun doute, toute la pa- roi extérieure doit servir à la nutrition des glandes. Nous parlerons de leurs produits dans les chapitres suivants, où nous traiterons du développement. ANATOMIE ET DÉVELOPPEMENT DES OPHIURES, 187 SECONDE PARTIE. DÉVELOPPEMENT. VIII Nous possédons, sur l’embryologie des Echinodermes, un grand nombre de travaux dont la plupart ont une réputation classique dans la science, grâce à la valeur scientifique et à la grande autorité de leurs auteurs. Après MM. Müller, A. Agassiz, E. Metschnikoff, si nous venons parler de l’embryologie des Ophiures, ce n’est pas pour réfuter leurs observations, mais pour ajouter certains détails qui leur ont échappé et compléter ainsi l’ensemble de leurs remarquables travaux. En embryologie, comme en aratomie, on a cherché à appliquer aux Ophiures les faits observés chez les autres ordres d'Echino- dermes, surtout aux premiers débuts de leur développement. Ayant à notre disposition, grâce à l'installation favorable du labo- ratoire de Roscoff, tous les moyens pour pouvoir élucider ce point, nous donnons les résultats obtenus, qui diffèrent sur plusieurs points de tout ce qui est généralement admis. Cette partie de notre travail s'adresse à deux espèces d'Ophiures, l'Ophiotrix versicolor, espèce ovipare, et l’'Amphiura squamata, espèce vivipare. En étudiant séparément ces deux espèces, nous sommes arrivé à constater un fait auquel nous ne nous attendions pas, à savoir qu'il y a dans les premiers débuts du'développement une grande analogie entre les ovipares et les vivipares, et cela nous a permis de généraliser les observations que nous avons faites. Nous commencerons par l'étude de l'Ophiothrix versicolor. Dans la première partie de ce travail, nous avons donné les rai- sons pour lesquelles cette espèce devait être séparée de l’Ophiothrix rosula. À côté de ce nom, dans plusieurs ouvrages antérieurs à la monographie des Ophiurides et Astrophytides de M. Théodore Lyman, on trouve le nom d'Ophiothrix fragilis appliqué à ces deux espèces. J. Müller même, dans ses études embryologiques, nous donne une description du Plutéus de cette espèce. I 2 188 NICOLAS CHRISTO-APOSTOLIDES. Mais cet illustre savant a plusieurs fois attribué des Plutéus à des espèces auxquelles ils n'appartenaient pas, s'appuyant seulement sur ce que ces espèces sont communes dans les eaux où abondaient les Plutéus. | Aussi des erreurs se sont glissées dans son travail. Pour n’en citer qu'une, le Pluteus bimaculatus, observé par lui à Trieste en 1850, était considéré comme l'état larvaire de l'Ophiolepis où Amplhiura squamata. M. de Quatrefages ! pourtant, huit ans avant ces observa- üUons, avait signalé la viviparité de cette espèce. Ainsi, aujourd'hui encore, on ignore à quelle espèce doit être attribuée cette forme larvaire. Il est aussi à remarquer, point sur lequel nous allons longuement insister, que, dans la même espèce, tous les Plutéus ne présentent pas la même forme. Si l’on n'était pas prévenu, c'est-à-dire si l'on n'avait pas suivi le développement, on pourrait considérer ces différentes formes comme appartenant à des différentes espèces. Sans mettre en doute un seul instant l'exactitude des observations de Müller, nous prétendons que ces descriptions se rapportent à d'autres espèces d'Ophiures que celles qu'il à supposées. Il est aussi difficile de déterminer, sans se tromper, l'espèce d'’a- près le jeune âge. Un exemple suffit. Müller et Troschel ont établi le genre Ophionyx, ayant en vue de jeunes Ophiothrix; le premier, plus tard, reconnut son erreur. Tous ces préliminaires sont certainement nécessaires pour expli- quer quelle est l'espèce qui a servi à notre étude. L'époque de la ponte des Ophiures n'est pas bien déterminée. Entre les espèces vivant au large et celles de la côte, les différentes conditions de vie doivent déterminer des particularités en ce qui concerne l'époque de la reproduction. Chez les Oursins, depuis les temps les plus reculés, il est connu des peuples qui s'en sont servi comme aliment, que ces animaux sont pleins pendant les pleines lunes ?. On ne peut pas prétendre à une régularité de ponte correspon- dant avec les mois lunaires, mais il est incontestable qu'il existe quelque chose de pareil. Pour les Ophiures, on remarque de mème que les espèces de la 1 Comptes rendus de l’Académie des sciences, XV, p. 799, 1849. * ARSTOTE, Historia animalium, liv, V, chap. x. at ANATOMIE ET DÉVELOPPEMENT DES OPHIURES. ‘ 189 côte, à des époques qui correspondent plus ou moins avec les grandes marées, sont en plein état de reproduction. Pendant quatre mois de résidence à Roscoff, depuis le mois de mai jusqu’au mois de septembre, régulièrement nous avons été témoin de ce fait. Celles du large, malgré des essais nombreux opérés, pa- raissent ne se reproduire qu'à des époques fixes, au printemps et à l'automne. Dans les deux cas, la fécondation artificielle est impossible, du moins nos essais sont restés infructueux. Ainsi nos observations ne se rapportent qu'à des fécondations naturelles obtenues dans les aquariums du laboratoire de Roscoff. Les organes génitaux des Ophiothrix sont composés de dix masses glandulaires, en rapport avec les fentes génitales ; les produits de la génération, sans aucun doute, se déversent directement au dehors. Les œufs pondus à l’état mûr sont bien séparés les uns des autres. L'élément mâle ressemble à un liquide lacté qui, examiné au mi- croscope, se montre plein de spermatozoïdes. La ponte a lieu à intervalles successifs, les produits s’évacuent en plusieurs fois ; jamais pourtant le contenu ne se vide tout entier. Les causes de la non-réussite de la fécondation sont faciles à com- prendre ; presque tous les premiers phénomènes, qui se passent dans l'œuf jusqu'à sa complète maturité, se passent dans l'intérieur des ovaires. Ainsi les œufs prématurément arrachés ne sont pas aptes à être fécondés ; de même, peut-être aussi, les spermatozoïdes ne sont pas encore suffisamment mürs. Les œufs dans l'ovaire, avant la ponte, présentent une grande vésicule germinative, renfermant une tache germinative qui occupe une place excentrique ; très facilement, au microscope, on distingue autour de la vésicule germinative une couche de substance vitelline plus transparente que le reste de vitellus. Sauf sa parfaite transpa- rence, seul caractère qui la distingue au milieu de la masse environ- nante, cette couche ne paraît pas avoir de membrane limitante. La tache germinative ou noyau repose au milieu de cette masse, réfractant fortement la lumière et contenant une ou deux vacuoles. Le vitellus de l'œuf renfermé dans l'ovaire est entouré d’une couche transparente incolore, qui s’épaissit à l'approche de la ma- turité. Dans cet état, les œufs sont enveloppés d’une membrane exté- rieure, qui, par sa structure, appartient au tissu conjonctif, EDG A D PT En — RUT CIRE TE re 190 NICOLAS CHRISTO-APOSTOLIDÉS, Les œufs pondus ne présentent plus cette couche extérieure, mais seule la couche transparente appelée par Baer Oolème pellucide (nom remis dans la science par M. H. Fol). Cette couche se montre alors avec une grande épaisseur. À ce moment toutes les métamorphoses de la vésicule germinative sont déjà opérées ; 1l faut donc être servi par un heureux hasard pour tomber sur des animaux présentant en différents états la série des modifications, pour arriver à suivre la marche de cet intéressant phénomène. Nous commençons notre étude au moment où les œufs sont déjà pondus, c’est-à-dire aptes à recevoir le hquide fécondateur. Considéré à ce moment, l'œuf présente une enveloppe extérieure transparente; l'intérieur est rempli d'une substance vitelline granu- leuse, d’une couleur brunâtre ; on distingue bien la place de la tache germinative comme un cercle transparent irrégulier, sans aucune trace de noyaux à l'intérieur. J'ai pu observer chez certains œufs, mais je n'ai pu assister à l'ex- pulsion, des vésicules polaires ; leur disposition ressemblait à une proéminence conique. Notre unique désir étant de connaître exactement les premiers débuts du développement, nous retracerons avec détail la série des phénomènes accomplis. Nous nous sommes servi des aquariums du Laboratoire pour éta- blir les expériences. Les Ophiothrix versicolor récemment pêchées et mises dans l'aqua- rium, après deux ou trois heures commencaient à pondre. Enlevés avec une pipette immédiatement après la ponte, les œufs pondus étaient mis dans un grand bocal plein d’eau fraîche. Dans un autre bocal nous mettions les mâles, desquels nous voyions échapper le liquide séminal. En un instant, l’eau prenait une coloration lactée opaque. Une seule goutte de ce liquide suffit pour féconder des œufs mûrs ; c'est à peine si l'eau du bocal qui contenait les œufs se trou- blait par l'addition du liquide séminal. Les animaux, après la ponte, semblent pris d'un malaise ; si on les laisse vivre au milieu de l’eau rendue trouble par le liquide sémi- nal, ils restent immobiles. Le changement de l'eau leur rend leur vivacité. Des œufs qui ont séjourné dans le liquide séminal se présentent quelques instants après le contact entourés d'innombrables sperma- tozoïdes, qui paraissent accolés par leur tête et qui déterminent, ANATOMIE ET DÉVELOPPEMENT DÉS OPHIURES. 191 par le mouvement ciliaire de leur appendice caudal, une espèce de rotation. Cette particularité de disposition des œufs montre que l'Oolème pellucide est pourvu d'une substance visqueuse extérieure, qui a la propriété de retenir les spermatozoïdes. Pendant les sept premières heures, depuis la mise en contact des œufs avec le liquide séminal, aucun changement ne se présente dans l'œuf. C'est après la septième heure, comme nous nous en sommes assuré pendant les trois fois où la fécondation a réussi, que se révèlent les premiers indices de segmentation. Une partie du protoplasma de l’œuf semble venir se condenser au centre de la sphère vitelline ; ainsi se forme une partie plus dense, qui bientôt se partage en deux. Les deux masses paraissent d’iné- gale grandeur, toujours une des deux présente des proportions con- sidérables par rapport à l’autre (pl. XI, fig. 3). L’enveloppe extérieure se distingue bien seulement aux endroits qui séparent les deux masses. Le passage vers le stade suivant (pl. XI, fig. 4, 5, 6, 1) se fait graduellement, on peut l’observer facilement. Le premier phénomène, c’est une petite incision centrifuge de la plus grande masse, qui finit par se diviser entièrement en deux parties ; la même chose a lieu chez l’autre, et, de la sorte, quatre masses sont for- mées, qui ne présentent plus ces différences de grandeur des deux masses primitives. Il est à remarquer que dans ce stade, pas plus que dans le précé- dent, on ne distingue de noyaux particuliers à chaque masse, leur structure paraît être homogène. Le passage vers les stades (5 et 6) de notre planche se suit d'une manière régulière ; seulement, on peut remarquer que les masses de segmentation prennent une disposition rayonnante. Le stade (7) de segmentation est encore ré- gulier. Toutes les masses par leur ensemble et leur disposition for- ment une sphère régulière. Mais le point le plus intéressant, c’est que les segments qui forment ce stade se placent à la périphérie de la sphère, laissant au centre un espace intérieur creux. Dès cet instant, le blastoderme est formé. L’œuf se transforme en un corps indépendant et libre, il peut changer de place et mener une vie libre. Par un phénomène qui certainement n’est pas propre aux Ophiures, ces cellules embryonnaires périphériques acquièrent des cils vibratiles qui agissent comme organes de locomotion. Les faits que nous avons observés s'élèvent contre l'hypothèse générale ment admise d’une invagination, considérée comme étant le cas habi- en RE LE 192 NICOLAS CHRISTO-APOSTOLIDES. tuel chez les Echinodermes. Nous sommes très étonné de voir M. Bal- four ‘, dans son ouvrage récent de l’£mbryologie des Invertébrés, admettre cette hypothèse. Voici, du reste, ses propres paroles : « Le début du développement des Ophiurides n’est pas si complètement connu que celui des autres types, les premiers stades libres n’ont pas été décrits, mais j'ai observé sur l'Ophiothrix fragilis que la seg- mentation est uniforme et suivie de l’invagination normale. L'orifice de celle-ci persiste sans doute comme anus, et probablement aussi deux diverticules en naissent pour former les vésicules péritonéales; chacune de celles-ci se divise en deux parties, une antérieure située près de l'æœsophage, une postérieure près de l'estomac. » Ce passage prouve de la manière la plus évidente que le jugement de M. Balfour repose sur de simples probabilités de ressemblance avec le type Holothurie, dont l’embryologie lui sert comme plan gé- néral de tous les Echinodermes. Nous manquons de figure de l'inva- gination à laquelle il fait allusion par un seul mot dans ce passage. Nous ignorons ce qui arrive chez les autres Ophiures, mais nous pouvons dire que nous n'avons jamais vu quelque chose de pareil chez l'Ophiothrix versicolor. Peut-être M. Balfour a-t-il obtenu des fécondations de l'Ophiotrix rosula, qui est plus abondante en Angle- terre, et chez laquelle les choses se passent peut-être autrement que dans l'espèce que nous avons soumise à l'observation. Depuis ce moment, on peut considérer que le premier état lar- vaire commence avec la vie libre. Ce changement important s'effec- tue vingt-quatre heures après le moment de la fécondation. C'est la forme Wastosphere. Le fait important de ce stade est la disposition des cellules. Les éléments qui résultent de la segmentation étant parfaitement arron- dis, viennent se placer à la périphérie; aucun des éléments ne quitte la surface pour venir pénétrer à l'intérieur. Certainement, comme nous allons le voir plus loin, toutes les cellules doivent se diviser ensuite par un processus de délamination. Les cellules complètement arrondies de ce stade passent à la forme du stade suivant, en devenant pyramidales. Au milieu, on distingue bien la cavité de segmentation. La forme sphérique de la blastosphère, après cetle disposition des cellules, a changé d'aspect; 1 A Treatise on Comparative Embryologie, by Francis M. Balfour, vol, I, 1880, chap, xx, p. 457, 468 et 469. ANATOMIE ET DÉVELOPPEMENT DES OPHIURES. 193 nous n'avons plus une sphère, mais une forme cylindrique creuse à l'intérieur. Une coupe optique dans la planche XII, fig. 9, représente cet état, La partie supérieure de la figure est d’un diamètre plus grand que la partie inférieure ; entre les deux, on aperçoit un petit enfoncement. | C'est peut-être ce point que M. Balfour, qui n'a pas poussé très loin ses observations, a pris pour un commencement d'énvaginalion. Il n’en est pourtant rien, la suite prouvera que ce point n'est que le premier indice de la formation des bras du Plutéus. Pendant plus des dix premières heures du troisième jour après la fécondation, nous n'avons que cet état. Le mouvement cilaire est extrèmement rapide, la rotation s'effectue suivant le grand axe du cylindre ; la partie la plus épaisse, à cause de son grand poids, se trouvant en bas. A cette forme en succède, après la dixième heure, une autre qui est assez difficile à comprendre. Les cellules pyramidales, dont la forme était bien nette au stade précédent, deviennent plus petites et se rapprochent de la forme sphérique. La figure 10 présente ce stade. On voit que la partie supérieure est représentée par quatre couches de cellules, et l’inférieure par une seule. Cette partie cor- respond à l’enfoncement du stade précédent. Dans une coupe op- tique, on voit que l'intérieur de ces assises est tapissé d'une couche de cellules polygonales. Ces cellules n'occupent pas le centre, mais le dessus du plancher intérieur des cellules périphériques. Le fait le plus important de ce stade, c’est l'apparition de petits noyaux cal- caires de forme étoilée. Au moment de leur apparition, ils se présentent dans la couche des cellules polygonales, sous l'aspect de trois ou quatre corpuscules étoilés qui se détachent très nettement dans le champ du microscope, gràce à leur grande réfrangibilité. Bientôt, deux ou trois heures après, les différents noyaux s'unissent ensemble et forment deux baguettes. Dans la figure 10, nous avons représenté exactement leur place et leur forme primitive. Leur place est dans l’intérieur de la blastosphère et elles proviennent de la couche située entre les cellules polygo- nales et les celluies sphériques extérieures. Cette apparition du squelette calcaire est d’une importance ma- jeure, c’est le point capital caractéristique des larves des Ophiures et qui sert de trait d'union entre Les espèces vivipares et ovipares. L'apparition de cette charpente calcaire, dont le rôle est provisoire, ARCH. DE ZOOL. EXP, ET GÉN, —= T, X, 1889, 13 : À } \ | {| “ À 1, h { 194 NICOLAS CHRISTO-APOSTOLIDES. l'effectue avant la différenciation intérieure des organes, qui n'appa- raissent qu'après un certain développement de celle-là. Les baguettes sont bien indépendantes à ce moment; la même chose a lieu dans le stade suivant (le onzième), mais la forme géné- rale de la larve change d'aspect, la forme définitive commence à se dessiner. Dès ce moment nous pouvons nous servir, comme point fixe d'o- rientation, de la disposition des tiges calcaires. Nous savons que leur allongement a lieu vers la partie qui portera les bras; alors l'angle de l'ouverture correspond à cette partie. Les figures 9 et 11 montrent bien ce passage ; la seconde présente une différenciation des cellules périphériques, et l'addition du sque- lette larvaire. L'enfoncement qui était marqué d’un côté seulement est devenu . bien visible de l’autre côté également. Sinous comparons ces deux sta- des avec le stade 10, nous voyons que la disposition des couches cel- lulaires, après un premier changement dont la conséquence était l'apparition du squelette calcaire, est revenue à la disposition pre- mière. C'est donc une division des cellules qui formaient les cou- ches multiples. Ces cellules se sont transformées en cellules polygo- nales qui tapissent entièrement l’intérieur de la couche des cellules périphériques. Jusqu'à ce moment (fin du troisième jour) nous n'avons remarqué aucune différenciation intérieure, sauf l'apparition du squelette lar- vaire. Dès ce moment commence à se dessiner la forme larvaire défini- tive, qui ira en s’accentuant, et en même temps des formations in- ternes marqueront des points importants. La figure 12 présente le stade qui fait suite au précédent, il com- mence à paraître vers le quatrième jour, et quelquefois ne subit plus de modifications jusqu'au développement complet de l'animal. On voit à ce moment que la cavité intérieure est occupée par une masse sur laquelle, non sans peine, on peut distinguer une appa- rence de différenciation cellulaire. Cette masse occupe le centre de la larve, Entre cette masse et les cellules polygonales on voit de pe- tites masses ressemblant à des globules graisseux, qui se distinguent fecilement à travers les parties périphériques, ordinairement très pâles. La forme générale aussi a pris un autre aspect, les baguettes cal- ANATOMIE ET DÉVELOPPEMENT DES OPHIURES. 195 caires sont toujours internes, mais, à leur partie convergente, elles commencent déjà à présenter de petites pointes; de même à leur milieu. La partie inférieure de la larve commence à s’aplatir. Dans ce stade commence la différenciation des feuillets ; sans au- cun doute, la masse cellulaire interne tire son origine des éléments deutéroplasmiques provenant d’une division interne des cellules et qui viennent se placer au centre. Les globules graisseux qui remplissent l’espace entre la masse centrale et les parties périphériques ont la même origine. Ce mode de formation des feuillets, qui n’est pas rare dans le règne animal, prouve qu'on s’est empressé de considérer le mode de développement des Echinodermes comme semblable chez tous. L'Ophicthrix versicolor n'est pas la seule espèce qui fasse exception à cette règle : l'Amphiura squamata, dont j'exposerai plus loin l’em- bryogénie, présente absolument les mêmes phénomènes. Au stade 12 fait suite le stade 13, chez lequel commence une pre- mière différenciation des appendices natatoires, qui étaient à peine ébauchés au stade précédent. La paroi externe est formée d’une seule couche de cellules, l’ec- toderme ; sur sa face intérieure s'appuie le squelette larvaire de plus en plus accentué, la masse interne est plus nette; c'est à ce stade qu'au milieu de la masse on remarque une sorte de bourrelet, qui entoure un espace plus clair que le reste, dontla coloration est brune. La larve est pourvue sur toute sa surface de cils vibratiles avec les- quels elle nage à la surface de l’eau. La larve continue à marcher vers l’état le plus complet de son dé- veloppement, c’est-à-dire vers la forme caractéristique connue sous le nom de Pluteus. Dans les figures, la larve paraît avoir une forme aplatie ; il n’en est point ainsi, elle présente (fig. 44) un côté convexe et un autre con- cave. Généralement, dans le champ du microscope, les larves se pla- cent du côté concave ; le côté convexe se voit en haut. C'est de ce côté qu'apparaît ce bourrelet entourant l’espace clair. Si nous cherchons, par anticipation, à nous rendre compte de cette | forme et à considérer cet ensemble comme une forme bilatérale, sans aucun indice de disposition rayonnante, le côté convexe repré- sente la partie dorsale et le côté concave la partie ventrale. Dans le stade suivant (15), qui se présente après le quatrième jour | de la fécondation, nous voyons la forme bien connue de Plutéus, émis 196 NICOLAS CHRISTO-APOSTOLIDES. Pourtant cette forme n'a pas bien le caractère de Plutéus décrits par les auteurs. A ce moment, tout le développement extérieur est presque accom- pli, les modifications qui suivent intéressent son intérieur. Cette forme singulière ne continuera plus à s’augmenter, mais peu à peu à se dégrader, Jusqu'au moment de sa disparition, Cette forme ne présente que deux bras, et nous avons des raisons de prétendre que, jusqu à la fin du développement de l'animal, il continuera à en être ainsi. Dans la majorité des cas, ce n’est pas cette forme qu'on observe. Parmi un grand nombre d'œufs fécondés, c’est à peine si un dixième se présente sous cette forme. Les neuf dixièmes présentent une forme plus ou moins arrondie, qui continue à vivre, et dans la- quelle nous avons suivi le développement complet de l'animal. Ces cas, qui paraissent s'éloigner de la règle, ont une signification importante, car plusieurs de ces formes permettent une compa- raison exacte entre les larves de vivipares qui manquent d’appen- dices particuliers, à cause de leur accroissement dans l’intérieur du corps de la mère. Cette observation, à laquelle on ne pourrait arriver autrement qu'en suivant un développement depuis les premiers moments, évite beaucoup d'erreurs. En se trouvant en présence de ces différentes formes sans en être prévenu, on aura peine à savoir si elles appar- tiennent à une ou à plusieurs espèces. En rapportant ces faits aux descriptions données par Müller sur les larves des Ophiures, nous reconnaissons facilement à quelle espèce elles doivent être attribuées. Ainsi le Plutéus brun ! observé par lui à Trieste et qui est décrit comme il suit, n’est peut-être qu'un cas anormal semblable à celui que nous venons de décrire : « M. le docteur Busch et Müller ont observé à Trieste une jeune larve d'Ophiure d’un brun clair; cette larve avait la forme d'un cœur. L'origine des bandelettes calcaires s'observait déjà. Les extré- mités supérieures des tiges calcaires dans le sommet de la larve étaient quelquefois simples ; chez d'autres, de mème couleur et | bourgeonnées, elles se divisaient en deux ou trois courts appendices. Les bras, pour la plupart, n'étaient pas encore développés ; les bras latéraux ne présentaient que de courts tronçons, t J. Mucuer, Observalions sur le développement des Ophiures, Analyse C. Daresle, Annales des sciences naturelles, t, XX, 1853, ANATOMIE ET DÉVELOPPEMENT DES OPHIURES. 197 « Ici doit se rapporter probablement une autre larve, vue une seule fois à Nice. Le sommet proéminent entre deux angles du pen- tagone contient les tiges calcaires caractéristiques avec leurs no- dules divisés. Deux seulement des bras de la larve étaient visibles ; ils étaient très courts et très épais, et indiqués seulement par l’exis- tence de deux tiges calcaires dans le voisinage l’une de l’autre; le tout était brun et opaque. Dans le dos de l'Etoile, le réseau calcaire était développé; l’un des bras de la larve était recourbé par l'effet du développement de l'Etoile. » Comme on le voit dans ce passage, Müller a vu le développement de l'animal dans une larve qui possédait seulement deux bras. Sans aucun doute cette forme, et l’autre semblable à un cœur, appartien- nent à la même espèce. Ces deux formes, de l’une desquelles les bras latéraux seuls sont développés, appartiennent à l'espèce que nous étudions en ce mo- ment, l'Ophiothrix versicolor ou fragilis. Pour Müller, ces deux formes ne sont pas en connexion avec le Plutéus de l’'Ophiothrix fragilis, qui est longuement décrit par lui. Evidemment ces formes excessive- ment simples ne peuvent pas être considérées comme semblables à certains Plutéus de l'Ophiothrix versicolor ou fragilis, qui présentent en tout huit bras. Dans le cours de nos recherches, pour nous rendre mieux compte et surtout pour satisfaire nos scrupules personnels, qui sont inévi- tables dans un premier travail, nous avons obtenu par trois fois des fécondations naturelles dans un nombre incalculable de larves; à peine une seule fois nous avons vu une larve possédant quatre bras et les indices d’un certain nombre d’autres. Dans une pêche péla- gique, généralement on remarque des formes compliquées; mais, en {ous Cas, ces appendices multiples ne paraissent être d’aucune nécessité, car nous avons vu des Ophiures bien développées dans les formes les plus simples. | La forme la plus compliquée est celle représentée par la plan- che XIT, fig. 45. Comme on le voit, le corps de cette larve présente une partie supérieure cunéiforme et pointue, qui se prolonge infé- rieurement en deux appendices correspondant aux bras latéraux des Plutéus décrits. Cette forme de Plutéus rappelle un peu le fruit de l'érable (pseudoplatane) ; il est samariforme. Le squelette larvaire est dans son plus grand développement ; on remarque deux apo- physes supérieures qui s'appuient l’une sur l’autre, et deux autres 198 NICOLAS CHRISTO-APOSTOLIDES. moyennes, qui servent comme de soutien à la masse centrale. Le bourrelet central de la masse est bien dessiné, et au milieu de celui-ci on distingue un petit point orangé. Le fait le plus important pendant ce stade, c’est Papparition des deux masses cellulaires plus claires que la masse centrale, situées au-dessous d'elle. Ces nouvelles formations sont le produit de cellules éparses, qui se trouvaient dans l’intérieur de la cavité. Pendant les quinze jours qui suivent la fécondation, le seul fait important produit, c'est cette apparition ; d'autre part, on com- mence à distinguer que la masse centrale n'est pas pleine, mais creuse, qu'à son intérieur s'effectue un mouvement provoqué par des cils vibratiles. Cette cavité est le commencement du tube diges- üf ; elle en représente la partie stomacale. L'espace dessiné au milieu du bourrelet, où est située la tache orangée, marque la place de l'anus, qui existe à l’état larvaire. Les deux masses cellulaires qui sont situées au-dessous de l'estomac (il faut désormais lui donner son vrai nom), et qui sont bien visibles de ce côté convexe, laissent apercevoir de l'autre côté concave une autre masse, présentant une rainure dans son milieu. Gette masse représente le futur œsophage de l'adulte. Vers le dix-septième jour on commence à distinguer des contrac- tions de l'estomac et de l’œsophage. Dès ce moment jusqu'au déve- loppement complet, nos descriptions correspondront exactement avec tout ce qui était dit par les différents auteurs. Il est à remarquer, d'après cet exposé, que les larves, connues sous le nom de Pluteus, représentent un état assez avancé de métamor- phose. Cette forme, qui commence à s'accuser dès le cinquième jour, se montre à peine le vingtième au complet, c'est-à-dire dans l'état où elle a été décrite par Müller. I n'est donc pas étonnant que, pendant ce grand espace de temps, les seules formes qui aient per- sisté en pleine mer n'aient été que les plus complètes. Par la force des choses il fallait que notre description, qui n’a pour but que de signaler ce qu'il y avait de nouveau, s’arrêtàt ici. Nous devrions renvoyer pour le reste aux nombreux ouvrages clas- siques. Cependant, nous compléterons cette description uniquement pour offrir à nos lecteurs la commodité de trouver ici un ensemble com- plet sur l'embryogénie des Ophiures. Les figures de ces différentes formes étant actuellement même . : ANATOMIE ET DÉVELOPPEMENT DES OPHIURES. 199 dans les ouvrages élémentaires, nous ne croyons pas utile d’en don: ner de nouvelles. Le premier indice de la métamorphose, c'est que des deux masses cellulaires situées à côté de l’æsophage, celle du côté gauche com- mence à s’allonger dans le sens longitudinal et à s'avancer vers ce- lui-ci. Bientôt, elle se divise en cinq lobes, dans chacun desquels on voit des indices de division; chaque lobe, en continuant son déve- loppement, devient un véritable cæcum à cinq petites branches. Pendant ce développement de la masse cellulaire gauche, l’autre masse, qui, primitivement, avait apparu en même temps, con- tinue à devenir de plus en plus petite, et finit par disparaître en- tièrement. Le rôle de cette masse est donc passager, mais ce qui prouve que son origine est la même que celle de l’autre masse, c'est que, quel- quefois, on voit dans celle-ci un commencement de différenciation pareil à celui de la masse gauche. Si celle-ci continuait à se dévelop- per, comme cela doit arriver quelquefois, des deux côtés de l’œso- phage on aurait des formes lobées. La forme du Pluteus paradozus, qui, comme un cliché, est dans tous les livres, et qui est reproduite dans le dernier ouvrage d’em- bryologie de M. Balfour *, représente cet état qui n’est pas du tout normal. Ces deux masses cellulaires ne sont pas, comme l’a supposé M. Balfour, dues à des diverticulum de l’Archentéron, semblables aux cavités vasopéritonéales des Holothuries, mais elles sont des produits d'une formation directe, comme cela a lieu pour l'estomac. Quand la masse gauche est bien développée on voit dans son inté- rieur l'indice de l'appareil tentaculaire, et l’on remarque aisément l'ouverture de l'æsophage au dehors et un petit rétrécissement à Panus. Au milieu du lobe qui avoisine l'estomac, on voit un petit orifice extérieur dorsal. C'est l'orifice du canal aquifère. De ce moment, une communication avec le liquide ambiant commence à s'établir directement. La forme larvaire est encore bien reconnaissable ; la disparition des bras s'effectue lentement et de différentes manières ; tantôt, pa un rétrécissement, la partie cellulaire des bras vient à se retirer à côté de la partie centrale de là larve où est l’ébauche embryonnaire ; 1 Loc. cit., p. 469. 200 NICOLAS CHRISTO-APOSTOLIDES. de cette manière le squelette calcaire reste à l'extérieur et les tiges finissent par se casser. D'autres fois, les bras s'éloignent de plus en plus et finissent par se rompre. De toute manière, vers le vingt-cin- quième ou le trentième jour, toutes les formes ne conservent que le sommet de l’ancien Plutéus, la partie centrale, tandis que les par- ties latérales ou, pour revenir à la comparaison avec un Samare, les ailes, sont disparues. La partie persistante est la plus épaisse; en son milieu on distin- gue le squelette larvaire. Jusqu'ici, la forme bilatérale est nette, le tube digestif est droit, et autour de l'œsophage est la masse tenta- culaire. Bientôt cette forme va s’aplatir et l'on commencera à distinguer la forme radiaire de la future Ophiure. RU Le point le plus remarquable qui marque le début de cette trans- formation, c’est la disparition de l'anus, et la différenciation totale de tous les tentacules. La suite du développement étant pareille à celle de l'Amphiura squamata, dont la description va suivre, nous préférons reprendre avec plus de soin, au sujet de cette dernière, les détails, où il sera moins difficile, avec les figures, d'expliquer les choses. Le développement de l'Ophiure définitive s'effectue régulièrement. Inutile d'ajouter que, sauf les bras, chez les larves, où il en existe, le reste de la larve passe directement dans l'animal adulte en se transformant un peu. Il n'y a donc pas deux formes distinctes, dont l’une larvaire des- linée à produire dans son intérieur le futur animal, et disparaissant entièrement, mais une seule, celle de l'embryon, provenu entière- ment de l'œuf, et qui, pendant sa vie nomade, était pourvu d'appen- dices et d'organes propres à la natation. En résumant l’ensemble de faits énoncés au sujet du développe- ment de l'espèce Ophiothrix versicolor, nous pouvons nous faire une idée exacte des principaux phénomènes de son développement. RÉSUMÉ, 1. Les premiers stades qui suivent la fécondation (série de frac- tionnements) sont réguliers ; 2, L'œuf se transforme en une blastosphère ciliée ; l'intérieur est complètement creux ; ANATOMIE ET DEVELOPPEMENT DES OPHIURES. 201 3. Les parois se divisent et s'épaississent. Le squelette larvaire apparait ; 4. Des formations deutéroplasmiques centrales apparaissent, repré- sentant le tube digestif. La cavité interne se différencie et commence ‘à se remplir de globules d’une apparence graisseuse ; >. A la partie inférieure du tube digestif, de nouvelles formations destinées à l'appareil aquifère apparaissent ; 6. L'ébauche générale de l'animal se dessine. Nous nous éloignons donc sur plusieurs points de l'idée admise, surtout en ce qui concerne cette espèce. Malheureusement, nos essais de fécondations artificielles sur d’autres Ophiures n'ont pas réussi de manière à nous permettre de comparer plusieurs espèces. Le développement de cette espèce et celui de l'Amphiura squamata nous donnent un nouvel argument contre les appréciations hâtives de ceux qui soupeonnent que les choses se passent de la même manière chez tous les Echinodermes, parce que la forme extérieure est la même, ou à peu près. On recule devant l'observation directe, à cause de particularités qui la rendent difficile. Pour prouver notre dire, nous citerons l'opi- nion de l’auteur le plus autorisé sur le chapitre des Echinodermes, de M. Agassiz '. « L’analogie qui existe entre les Plutéus des Echinus et des Ophiures ne permet aucun doute touchant l'existence des mêmes phénomènes dans le développement de ces derniers. Mal- heureusement, le manque de transparence de quelques-unes de ces larves ne permet guère de s'assurer de l'exactitude de cette asser- tion; mais pendant les phases les moins avancées, l'unité du mode de développement de toutes ces larves est manifeste. » Nous ajoute- rons que nous donnons une preuve bien certaine que ces assertions au sujet d'une comparaison morphologique manquent de base. Cette forme de Plutéus montre avec la plus grande évidence la proche pa- renté des Ophiures avec les autres Echinodermes, et surtout avec les Echinus. Cette idée présente encore quelque chose de remarquable, c'est que toujours en anatomie on cherche à prouver que les Ophiures ne sont que des Astéries transformées ; on cite même des types qui, d’après les auteurs, forment le passage entre les deux or- dres. Ne serait-il pas plus rationnel d'arriver par les formes embryon- naires à trouver un trait d'union qui rapprocherait cet ordre de t Annales des sciences naturelles, 5e série, 1865, p. 367-377. 202 NICOLAS CHRISTO-APOSTOLIDÈS. x celui des Echinides, et à déterminer à quel moment de la vie embryonnaire commence à s'accuser la forme qui est destinée à produire le jeune animal, si semblable au commencement et si diffé- rent à l'état adulte ? | . IX. DÉVELOPPEMENT DE L’AMPHIURA SQUAMATA. Cette espèce d'Ophiure est d'une taille extrèmement petite, les plus grands exemplaires atteignent à peine 3 centimètres. Leurs bras sont dix fois plus longs que leur disque. Le caractère le plus important de cette espèce, c'est son mode de reproduction assez rare parmi les Echinodermes. Elle est hermaphrodite et vivipare. M. de Quatrefages, dans une note intitulée : « L'Ophiure grisâtre est vivipare, » publiée dans les Comptes rendus de l'Académie des sciences, t. XV, 1842, p. 799, signala cette particularité. | Sa coloration à l’état adulte est généralement grise ; à l'état tout à fait jeune, elle est orangée. Le mode particulier de reproduction de cet animal entraine des modifications intérieures par lesquelles il faut commencer notre des- cription, parce qu'un grand nombre intéressent les organes génitaux, sans nous préoccuper si elles seront jugées comme déplacées ici. Ceux qui ont étudié l'embryogénie des Ophiures ne sont pas ceux qui avaient étudié leur anatomie, par conséquent ils n'étaient pas frappés des modifications qui existent entre les différentes espèces d'Ophiures. Nous ävons eu déjà occasion, en parlant du tube digestif, de dire que dans cette espèce il est complètement rond. Gette disposition ramassée est faite pour laisser plus de place dans les intervalles des bras pour loger les embryons. Les fentes génitales conduisent à des sacs respiratoires pareils à ceux de l'Amphiura filiformis, mais complètement indépendants des organes génitaux. On peut s’en assurer aisément en regardant pen- dant quelque temps ces petites Ophiures. On peut bien vite se con= vaincre qu'elies respirent exactement comme les autres. Leur dis- section, à cause de ‘leur petitesse, est certainement très difficile; mais on peut cependant arriver à faire une bonne préparation de CES Sacs. La disposition du tube digestif, celle des sacs respiratoires qui viennent s'accoler sur celui-ci, e& une autre particularité que nous NT STE ANATOMIE ET DÉVELOPPEMENT DES OPHIURES. 203 signalerons, sont autant de dispositions destinées à laisser beaucoup d'espace aux jeunes embryons. Nous avons fait observer, à propos des téguments des Ophiures, que la membrane générale, parsemée plus ou moins de plaques calcaires, enveloppe non seulement le disque, c’est-à-dire la partie centrale de l'animal, mais se continue sur le bras même. Ici les choses se présentent avec un cachet particulier ; le disque entier est séparé ; c’est comme une espèce de couvercle, qui se sur- ajoute sur la charpente calcaire. Pour arriver à cette disposition, le disque est pourvu de dix stylets calcaires disposés par paires, au moyen desquels les bras s'appuient sur lui. Un disque enlevé entièrement et regardé du côté ventral (voir la figure { de la planche XIT, grossie cinq fois), montre cette disposition des stylets, très difficile à expliquer par la description. Ces deux stylets, comme on le voit dans la figure, forment un an- gle dont le sommet offre le point d’appui dont nous parlons ; et sur le bord interne des pointes qui forment les côtés de l'angle, sont situés les organes génitaux mâles. Il arrive parfois de rencontrer des animaux complètement dépour- vus de disque, réduits seulement au squelette calcaire avec une mince membrane enveloppante. Les animaux continuent pourtant à vivre ; et, sans aucun doute, ils arrivent à reproduire les parties perdues. Nous avons enlevé plusieurs fois, en le prenant avec les pinces, le disque, pour voir si les animaux conservés dans des cuvettes pou- vaient vivre. L'expérience réussit toujours, et l'animal dénudé vivait aussi bien que les autres qui étaient complets ; après quelque temps il mourait certainement par suite du défaut d'aliments. On ne peut pas décider si c’est une cause accidentelle ou si l'animal subit régulièrement ce phénomène. Nous ne croyons pas que cela arrive à l’époque de la maturité et qu'il se produise pour permettre la sortie des jeunes, parce que jamais tous les embryons ne sont au même état de développement à la même époque. Nous avons trop de fois été témoin de la sortie des jeunes, effec- tuée régulièrement hors de la cavité maternelle par les fentes géni- tales, pour pouvoir mettre en doute ce dernier mode de naissance. Ces animaux, depuis le mois de mai jusqu'au mois de septembre 204 NICOLAS CHRISTO-APOSTOLIDES. que nous avons passé à Roscoff, présentent dans leur intérieur des embryons. Généralement tous ceux qui avaient commencé à pren- dre la couleur grisâtre, caractère de l'adulte, étaient en repro- duction. | Le nombre de petits contenus dans l'intérieur varie de douze à | quinze ; dans le même individu, on rencontre des jeunes Ophiures avec des bras assez longs, en mème temps que des œufs non fécondés encore. Nous décrirons le développement en traçant premièrement la disposition des organes génitaux. C'est le point essentiel de notre étude, et il nous servira comme argument à l'appui de l'idée sou- tenue dans la première partie de ce travail, quand nous avons avancé que les sacs respiratoires ne pouvaient en aucun moment être considérés comme prenant part à la reproduction et servir comme enveloppe embryonnaire. M. E. Metschnikoff ! démontra l'hermaphrodisme de cette espèce. Les organes génitaux mâles sont situés dans l'angle des stylets et sont composés de deux ou trois vésicules sphériques, formées de tissu conjonctif, et dans l'intérieur desquelles on voit un mouve- ment cellulaire. Si l’on écrase la vésicule, on voit la sortie des cel- lules. Si on laisse quelque temps ces cellules sous le microscope, quelques-unes éclatent et l’on remarque les spermatozoïdes pareils à ceux des autres Ophiures. L'auteur dont nous parlons, dans la figure 2 de la planche IIT de son mémoire, représente un spermatozoïde d'une taille énorme ; c'est une cellule mère des spermatozoïdes qu'il nous a donnée dans cette figure. La sortie de l'élément mâle s'effectue par déhiscence ; chaque vésicule arrivant à maturité, à force de se gonfler, éclate, et les cel- lules se disséminent partout. Ainsi s'explique comment on trouve quelquefois une ou deux vésicules. Les organes femelles occupent la même place que chez les autres Ophiures; mais ils diffèrent non seulement de forme, mais aussi de structure. Nous n'avons plus ni de petits utricules glandulaires, n1 de sacs pleins de produits. Ici c’est un simple soma glandulaire, à la surface duquel se développent les œufs. ! Studien üub. d. Entwick d. Echinodermen et Nemertinen (Mém. Acad. Pétersbourg, 7e série, t. XIV, n° 8, 1869), _—— ANATOMIE ET DÉVELOPPEMENT DES OPHIURES. 205 Ce stroma se présente sous la forme d’un tissu composé d’amas cellulaires d’une couleur brunâtre; c'est comme si plusieurs corpus- cules de la cavité périviscérale s'étaient mis ensemble pour former un cordon. C’est un tissu éminemment vasculaire qui, se trouvant en contact avec la cavité générale, contient des éléments nutritifs nécessaires au développement des embryons. C'est des cellules de ce tissu que proviennent les œufs. On voit cà et là un petit groupe de cellules prendre un développement plus grand que les autres et faire à la surface du stroma ovarien une saillie d'abord mousse, qui se pédiculise peu à peu. Dans cette cavité sont contenues plusieurs cellules, mais une seule continue à se développer pour donner naissance à un embryon. La paroi de la loge qui contenait ces cellules arrive ainsi à former au- tour de l’embryon une membrane, à laquelle nous donnerons désor- mais le nom de capsule ovarienne. Nous donnons une série de figures à ce sujet (pl. XIT, fig. 2-3). Sur le point qui avoisine la fente, le premier début de la formation de l’œuf se présente avec la forme d’une simple cellule isolée. Bien- tôt on voit cette cellule mère se diviser en deux ou trois parties, dont chacune est une cellule au milieu de laquelle on distingue bien un noyau transparent. Plus tard, on verra que ces cellules internes ne sont que des œufs, chez lesquels le vitellus jeune ne diffère pas du protoplasma cellulaire. Généralement plusieurs œufs se développent à la fois ; ils présen- tent une grande tache germinative, entourée d’un vitellus transpa- rent. Plus tard, on ne distingue qu’un seul œuf : celui qui est des- tiné à se reproduire ; les autres doivent avorter. L'enveloppe de la capsule ovarienne constituée d’une mince mem- brane suivra son accroissement, et l’animal en la déchirant sortira. Ainsi chaque embryon individuellement possède son enveloppe par- ticuhière, mince et transparente. Ces premiers débuts du développement de l’œuf montrent que M. Ludwig! n’est pas dans le vrai, quand il croit que les sacs respi- ratoires peuvent être comparés aux enveloppes embryonnaires de l'Amphiura squamata. La capsule, réduite après le développement de l'œuf à ses simples enveloppes, est en contact direct avec le stroma ovarien. La fécondation doit se faire à travers les parois de cette capsule, 1 Loc. cil,, p, 386, EE — — TR D RE 206 NICOLAS CHRISTO-APOSTOLIDES. Dans ce mode de reproduction où on est obligé de saisir les faits selon que le hasard les présente, parce qu'on ne peut pas les pro- voquer, les difficultés sont grandes. Il faut un grand nombre d’ani- maux et surtout un espace de temps considérable, pour pouvoir trouver dans la quantité ce qu'on veut voir. L'œuf dans l'intérieur de la capsule ovarienne est attaché par sa paroi extérieure. Ainsi en extrayant les œufs, pour les examiner on arrive à trouver autour d'eux une double membrane, mais on peut facilement se convaincre, par le plus simple examen des brides extérieures, ou après les avoir colorées, que cette enveloppe est due au tissu conjonctif ; nous sommes étonné que M. Metschnikoff ait pu considérer la membrane externe comme étant de nature chitineuse. L'œuf de l'Amphiura squamata ressemble de tous points à celui des autres Ophiures. La seule particularité de celte espèce, c’est une disposition des organes génitaux qui permet à l'embryon d’ac- ver son développement dans l’intérieur du corps de sa mère. Il est très facile au début de leur formation, quand les œufs n'ont pas encore subi la fécondation, ou aux premiers stades du fraction- nement de les détacher des parois ovariennes. Cette particularité de resserrement dans une paroi propre modifie un peu le mode de fractionnement. L’œuf, après avoir perdu son noyau et expulsé la vésicule polaire, se fractionne au contact des spermatozoïdes. Une ligne apparaît di- visant le vitellus en deux parties inégales. Mais dans chaque partie le vitellus présente un point plus clair que le reste; cette disposi- tion rappelle exactement l'apparence du vitellus total après la dis- parition de la tache germinative. Ce qui nous fait supposer qu'avant le moment où nous avons regardé l'œuf, il existait dans ces deux es- paces plus clairs, deux noyaux disparus. Au stade suivant (fig. 6.), qui montre la division en quatre, la disposition indique que le fraction- nement s'opéra sur l'une seulement des deux masses, l’autre présen- fait toujours la même forme qu'au stade précédent. Il faut remarquer qu'ici n'ayant pas affaire à des fécondations ar- lificielles, où on suit sur les mêmes œufs la série de modifications, on ne pourrait pas déclarer d'une façon absolue que les choses se pas- sent ainsi. On comprendra que rencontrer ces premiers états du dé- veloppement est une chose extrêmement rare, quand on saura que, trois quarts d'heure après le fractionnement, chez les autres Ophiu- res, tous les stades dont nous venons de parler s'accomplissent jus- ANATOMIE ET DÉVELOPPEMENT DES OPHIUÜRES. 207 qu'au fractionnement total. C'est la raison pour laquelle les débuts n'ont pas été étudiés. M. Schultze! démontra la parenté de l'embryon de l’'Amphiura squamata avec le Plutéus des Ophiurides par la décou- verte du squelette larvaire ; il a supposé que l'animal, vu sa vivipa- rilé, ne subissait pas de métamorphoses, mais qu'il passait directe- ment à l’état adulte. M. Metschnikoff ne commence son étude qu'a- près le fractionnement total, et surtout après la formation du tube digestif. Le stade suivant (fig. 7) est régulier, mais il ne présente pas, comme nous l’avons vu, les masses vitellines libres ; c’est plutôt un craquel- lement. Toujours chaque masse présente une partie excentrique plus claire. Le craquellement total est caractéristique, on ne peut en avoir une idée nette qu’en se servant d'objectifs très pénétrants, tels que ceux que construit M. Nachet, avec lesquels on peut voir plusieurs plans de la préparation et saisir la disposition de l’ensemble. Dans la figure 8 nous présentons par des lignes plus foncées la surface su- périeure et avec des lignes plus pâles la surface inférieure; chaque petit carré montre un point excentrique plus transparent. À ce mo- ment la coloration de l'œuf n'est plus orangée pâle, mais très foncée. Après ce stade et avant que les segments prennent une disposition rayonnée (fig, 9) laissant au milieu d'eux une cavité, il existe un autre stade, dans lequel les différents segments sont arrondis et dis- posés à la périphérie ; d'où nous concluons que ce stade corres- pond exactement au stade blastosphère de l’Ophiure précédem- ment étudié. La ressemblance entre les deux est parfaite, sauf les cils vibratiles. Comme chez l’Ophiothrix versicolor, après ce stade les segments, devenant cellules, prennent une forme cylin- drique présentant au centre la cavité de segmentation (fig. 10), Chaque cellule, comme M. Metschnikoff les représente parfaitement (pl. IL, fig. 3), possède un noyau. D’après cet auteur, à ce stade en fait suite un autre dans lequel l'ébauche du tube digestif est formée d'une membrane en cul-de-sac. Il admet que ce dernier est probable- ment formé par invaginalion, parce que c’est le mode général chez les Echinodermes. Pour nous, les choses se passent de la même manière que chez l'Ophiothrix versicolor, Quand le blastoderme est déjà com- 1 Müller's Archiv., p, 37, 1852, 308 NICOLAS CHRISTO-APOSTOLIDÉS, plètement formé, les cellules cylindriques changent de forme, et perdent leur coloration: jusqu'ici elles étaient colorées en orangé comme tout le reste ; de ce moment leur partie la plus externe de- vient transparente, c'est le commencement de la différenciation ectodermique. En mème temps on distingue l'apparition du squelette larvaire dans la partie orangée, et du côté qui regarde le sommet de la capsule ovarienne. Aucune différenciation intérieure n'a encore apparu et rien n'in- dique une invagination. Le squelette larvaire se montre avant l'apparition du tube digestif, comme cela a lieu chez les Ophiothrix ; il commence aussi d'apparai- tre par de petits nodules calcaires, qui bientôt s'unissent en formant un ensemble de petites baguettes. Le stade qui suit est de tous points pareil au stade correspondant de certaines larves d'Ophiothrix, chez lesquelles les bras ne sont pas développés, et le squelette se présente un peu irrégulier. À ce mo- ment on voit l’ectoderme bien caractérisé et au milieu une masse cellulaire; entre ces deux, une cavité libre remplie de globules d'une apparence graisseuse. Au milieu de la masse centrale on distingue un espace plus clair. Cette formation est due certainement à des élé- ments deutéroplasmiques, provenus de la division des cellules cylin - driques du blastosphère. C'est par un processus de délamination que l'endoderme prend naissance. Le petit espace clair qui se trouve au milieu de la masse centrale, dans laquelle on ne peut décider encore s'il existe une cavité, représente, si l'on juge par anticipation, l'anus embryonnaire. Dans le stade suivant, où l’'ébauche du tube digestif est complètement dessinée, on distingue bien au sommet de l’esto- mac, au milieu d'un bourrelet, l’orifice anal. M. Metschnikoff ne signale pas l'existence de l'anus, et dans ses figures nous ne voyons aucune trace de cette formation. Voici quelle en est la cause. Comme nous l'avons dit, dans ce genre de re- production où tout est livré au hasard, il faut un temps considéra- ble et beaucoup d'animaux pour arriver à saisir tous les états. Mais c'estsurtout si nous jugeons d’après la manière dont il a fi- guré les animaux, que l’auteur n'a pas remarqué qu'on pourrait dis- linguer chez l'embryon un côté dorsal et un côté ventral, lesquelles parties gardent leur disposition respective même à l'état adulte. Il est très facile d'arriver à fixer ces deux places, grâce aux points de repère que nous pouvons prendre chez l'embryon. Dans ce stade, à ANATOMIE ET DÉVELOPPEMENT DES OPHIURES. 209 côté de l'ébauche du tube digestif, nous distinguons deux amas cel- lulaires. Si nous plaçons l'embryon d’après les figures de M. Met- schnikoff, ces amas sont à gauche du tube digestif. Pour nous, cette partie correspond à la partie ventrale, et voici nos raisons. Le tube digestif, à ce moment, est composé de trois parties super- posées. La supérieure est l'œsophage, au milieu duquel on distingue aisément un sillon longitudinal, que de temps en temps on voit se contracter, et qui est l'ouverture buccale. Au-dessous de l’æsophage vient l'estomac dont les parois sont visibles, et à l’intérieur on dis- tingue le mouvement ciliaire. Au-dessous de l'estomac se montre un petit lobe qui, de ce côté, ne montre aucun orifice. Retournons l'embryon, c’est-à-dire regardons du côté où les deux amas circulaires sont situés non pius à gauche, mais à droite du tube digestif: nous ne distinguons plus le sillon représentant l’orifice buccal au milieu de l’æsophage. Les parois de l'estomac sont bien visibles, et, au milieu du lobe, on voit très bien un orifice circulaire garni de cils vibratiles en plein mouvement, et qui représente l'anus. Nous avouons que les premières fois nous croyions à une erreur de notre part, quand nous avons vu le fait se répéter plusieurs fois. Comme d’autres naturalistes qui se trouvaient au laboratoire de Roscoff et qui sont venus très obligeamment à notre appel ont con- firmé le fait, nous n’hésitons pas à le signaler ici. Pour que nos figures soient intelligibles et en rapport avec celles de M. Metschnikoff, nous conseillons au lecteur, parce que nous pla- cons les embryons autrement que lui, la bouche en haut, de regar- der la planche renversée. La forme générale de l'embryon, dans ce stade, n’est plus circu- laire, mais ovalaire ; à ce moment, on peut bien se convaincre que la deuxième couche externe de l’œuf ne lui appartenait pas. Étant à ce moment plus intimement attachée aux parois de la capsule ovarienne, les embryons, quand on les a enlevés, ne la présentent qu'en lambeaux sur quelques points seulement, Reprenons la description. Comme chez l’Ophiotrix, ces deux masses cellulaires qu'on distingue à côté du tube digestif, commen- cent à apparaître par le groupement des cellules remplissant la ca- vité entre le tube digestif et l’ectoderme. Ainsi elles appartiennent à la même formation deutéroplasmique. Quelquefois, au lieu de deux masses, on en remarque trois, la dernière étant située du côté gauche de l'estomac; mais, généralement, il n'y en a que deux. ARCH, DE ZOOL, EXP, ET GËN, — T, X, 1582, 14 210 NICOLAS CHRISTO-APOSTOLIDES. Dès le moment de leur différenciation, on distingue, au milieu de chaque masse, une cavité qui montre que les cellules sont disposées à la périphérie: C'est cette formation qui produira l'appareil aqui- fère. On voit que, dès la première heure, elle est complètement fermée. Dans l'ectoderme, on commence à apercevoir quelques points orangés, premiers indices de calcification, Au stade suivant, on voit que, des deux masses, celle qui avoisine l’æsophage s’allonge, l’au- tre, au contraire, s'arrondit. Le squelette embryonnaire prend un plus grand développement et masque complètement l’anus. C'est la masse supérieure allongée qui est destinée à se transformer en ap- pareil aquifère, l’autre avortera. M. Metschnikoff cite des cas où les deux masses se sont transfor- mées de la même manière; nous pouvons confirmer cette observa- lion qui, ainsi que nous l’avons dit, peut se faire mème chez les Ophiurides ovipares. Quand la masse supérieure est complètement différenciée, l'inférieure vient se placer contre les parois de l'estomac et prend la forme d'un disque. M. Metschnikoff représente cette formation comme indépendante; mais, à la fin de son étude, il dé- clare ne pas reconnaitre ce qu'est devenu ce disque, pas plus que l’autre, que nous avons signalé comme existant quelquefois de l’autre côté de l'estomac. Toutes les deux avortent peu à peu à mesure que l'appareil aqui- ère se développe. Le premier indice de développement de cet appareil, c’est que la masse cellulaire, de son côté extérieur (celui qui regarde la paroi embryonnaire) présente cinq petits lobes. L'anus, à ce moment, disparaît; du moins, quand les embryons pré- sentaient cette différenciation de l'appareil aquifère, nous n'avons pu distinguer le lobe anal. Le tube digestif se présentait complète- ment rond. Ce n’est pas sans raison que nous pouvons rapprocher ce fait des observations de Müller, et dire que cet habile naturaliste, qui, lors de ses premières études, n'a pas distingué l'existence de l'anus, a dû s'adresser à des embryons d'un âge avancé et chez lesquels l'appa- reil aquifère était déjà ébauché et l'anus disparu. C'est aussi dans ce stade que les parois du tube digestif prennent une couleur orangée, ot l'on aperçoit de petites formes étoilées, premiers indices des tégu= ments de l'adulte, ANATOMIE ET DÉVELOPPEMENT DES OPHIURES. 211 L'appareil aquifère, en continuant à se développer, montre d’une manière très appréciable la disposition rayonnée. Bientôt chacun des cinq lobes va se subdiviser en cinq petits cæcums et venir se placer immédiatement au-dessus de l’œsophage. Des changements importants surviennent à ce moment : le tube digestif s'aplatit dans le sens de son axe longitudinal, l’æœsophage aussi, Comme si la partie supérieure de l'animal se rapprochait de l'inférieure et si l'embryon entier s’aplatissait. Toutes ces transfor- mations survenues peu à peu sont dues au développement successif du système aquifère, qui, par son accroissement, est d'abord venu occuper toute la partie supérieure de l'embryon, puis, continuant à se développer en largeur, a augmenté le diamètre horizontal de l'embryon et a entrainé nécessairement une diminution du dia- mètre vertical, en sorte que l'embryon est devenu très surbaissé, Notre figure 14, représentant la réalité des choses, s'explique facilement, L'idée de M. Agassiz! que le jeune Échinoderme se développe sur la surface du système aquifère et non aux dépens de l'estomac, comme l’a cru Müller, repose sur des faits indiscutables. Le système aquifère empiète sur le tube digestif. Avant même que toutes ses par- ties soient bien distinctes, on voit le point où s’établira la commu- nication directe avec l'extérieur par le canal aquifèrme, arqué d'un orifice qu’on voit du côté dorsal. La structure de l'appareil aquifère, quand les faisceaux tentacu- laires sont bien séparés, est du plus haut intérêt. Le système aquifère, comme ses dépendances primitives, montre la même structure; on distingue une paroi propre, assez transpa- rente pour laisser apercevoir le calibre intérieur de l'anneau. On y remarque, çà et là, de petites bosselures intérieures qui continuent dans les prolongements extérieurs. Si l’on étudie un embryon vivant, on aperçoit que ses parois internes se contractent de temps en temps; cette contraction est plus apparente dans les prolonge- ments. Le canal aquifère, pendant ce stade, change de place, et 1l vient se placer à côté de l'endroit qu’il occupera à l’état adulte. Il se trouve dans l'arc du cercle aquifère qui correspond à la partie pri- mitivement inférieure de l'embryon, sur celle où se trouve le sque- lette embryonnaire fortement réduit. 1 Loc, cit,, p. 374, 219 NICOLAS CHRISTO-APOSTOLIDES. Cette disposition est très importante. L'animal vivant dans le corps de la mère jusqu'à un âge assez avancé et continuant à se nourrir à ses dépens, la première communication du eanal s'effectue, sur le point d'attache, avec la paroi ovarienne. | La forme de ce canal est encore caractéristique. Vers la partie voi- sine du cercle aquifère, on distingue un petit renflement qui, vu le rapport de la glande piriforme avec le canal aquifère chez l'adulte, représente peut-être ses premiers débuts. Malheureusement, à un âge plus avancé que celui que nous dé- crivons, une telle accumulation de plaques calcaires s’accomplit sur l'emplacement du canal aquifère, qu'il est difficile de poursuivre sur ce point l’investigation. Nous avons vu dans ce stade l’'ébauche d’une vésicule de Poli: elle était représentée par un petit renflement, dirigé en sens inverse de celui qu'elles présentent chez l'adulte. Elle était dirigée du côté buccal. Gette disposition, qui, à première vue, présente une irrégu- larité, n’a rien de singulier, comme nous le verrons pour les autres parties. Le système aquifère est développé, dès son début, en un vé- ritable cercle fermé. M. Metschnikoff nous donne une figure dans la planche 4, fig. 14, de son Mémoire, où le cercle est représenté ouvert. Mais, dans le texte, nous n'avons trouvé aucune indication au sujet de la manière dont s'effectue la soudure de l'ouverture dans le stade plus avancé, car on sait que chez l'adulte le cercle est fermé. Dans ce stade, tous les prolongements en forme de cæcums ontla même directiou, regardant la paroi embryonnaire ; la forme géné- rale de l'embryon est irrégulière. Au stade suivant commence à se dessiner nettement la forme pentagonale ; et c'est encore au système aquifère qu'est dû ce changement de forme. Si, par comparaison, nous examinons les deux figures 14 et 15, nous remarquons que, des cinq cæcums, les deux plus extérieurs sont réfléchis et ont pris la direction opposée; les trois autres conservent leur forme et leur place respectives. Cette inflexion montre que les vésicules de Poli, qui, primitivement, se dirigeaient intérieurement, peuvent, à un moment donné, prendre leur disposition définitive. Si nous voulions donner à présent à ces cæcums des noms corres- pondant à l’état adulte, nous verrions que quatre cæcums pairs re- présentent de futurs tentacules; le suivant, qui est médian et im- pair par sa position, sa direction et l'allongement qu'il va subir au ANATOMIE ET DÉVELOPPEMENT DES OPHIURES. 313 stade prochain, nous montre une disposition tout autre que celle que pouvait nous offrir un simple tentacule. C'est lui qui détermine cette forme pentagonale, et qui occupera la partie médiane du bras qui va pousser et qui sera dû, en grande partie, à son concours. Sans aucun doute, il représente le vaisseau aquitère brachial. Si nous examinons une petite Ampbhiure arrachée de la cavité in- cubatrice et dont la forme est à peine ébauchée, elle n’est qu'un simple pentagone. Nous la voyons progresser, à l’aide de deux grands tentacules, sortant à côté des angles du pentagone. Dans la partie buccale, nous retrouvons les deux cæcums infléchis, mais aucune trace du cæcum médian impair, qui a déjà pénétré dans le bras. M. Schultze n'était pas dans une complète erreur quand il considé- rait les jeunes Amphiures comme ne possédant que deux tentacules,. Dans cet âge, deux seulement sont bien visibles. Ainsi, des cinq cæcums les deux externes représentent les tenta- cules buccaux supérieurs; leur tronc, en s’allongeant avec l’âge, pro- duira la paire inférieure ; les deux autres, qui sont à côté du médian impair, représentent les deux premiers tentacules brachiaux, et le médian, le vaisseau brachial lui-même. A l’origine, les vaisseaux brachiaux et les vaisseaux tentacules sont donc identiques. Des modifications extérieures dans leur enveloppe externe, qui sert à les protéger, leur donnent des apparences ditfé- rentes. Dans ce stade, le tube digestif a pris la forme qu'il possédera à l’état adulte. La jeune Ophiure, complètement formée déjà, sauf les bras, est colorée en orangé. Le squelette définitif est très avancé. Les premières grandes plaques calcaires qui apparaissent avant même que le bras soit à peine ébauché sont les cinq pièces four- chues de l'adulte; il est facile de se convaincre de leur apparition primitive, grâce à leur forme en V et à la disposition des tentacules buccaux que nous avons mentionnée. Cette apparition précoce indique leur origine indépendante des ossicules discoïdes, dont ils sont considérés, d’après des études chez l'adulte, comme des dépendances. À Le reste de l'appareil tégumentaire, composé de plaques calcaires, évolue régulièrement. Il est à remarquer que, dans l'ensemble de cette étude, nous n'’a- vons pas mentionné l’apparition ni du système nerveux, ni du sys- ième musculaire, Aucun des éminents naturalistes qui se sont occu- 214 NICOLAS CHRISTO-APOSTOLIDES. pés de l'étude embryologique des Échinodermes ne nous donne de renseignements à ce sujet. Seul, M. Metschnikoff soupconna que ces systèmes se développent aux dépens des bandes éparses, formées par la métamorphose des bandes ciliées de l'embryon. Aucune preuve directe ne peut être fournie sur ce sujet; les deux systèmes doivent être des formations ultérieures, accomplies pen- dant l’accentuation de la partie squelettique, qui empêche l’obser- vation. Ne pouvons-nous tirer de ce silence des hommes les plus habiles un argument en faveur de nos soupçons du système nerveux, et de la réfutation d’un système vasculaire, indépendant du système aqui- fère? | Les embryologistes arrêtent leur étude au stade que nous venons de décrire ; l'embryon de ce moment ayant pris une forme voisine de celle de l’adulte, leur champ est fermé. M. Schultze, qui, le pre- mier, étudia le développement de l'Amphiura squamata, observa que le jeune, complètement développé, traine, attaché à son disque, un processus allongé en forme de baguette, formée d'une partie du corps embryonnaire et du squelette provisoire. M, Metschnikoff con- firma cette observation. | Doit-on dire que l'animal à cessé de suivre son évolution embryo- logique pour entrer dans la vie, au moment où il prend une forme pentagonale rappelant de loin sa forme définitive, ou bien au moment où il est capable de vivre seul et en dehors de la cavité incubatrice ? Pour nous, c'est le second cas qui est le vrai. La jeune Amphiura ne naît pas à l’état pentagonal ; à ce moment, elle est encore dans la capsule ovarienne et continue de vivre à son intérieur. Si on l'ar- rache pour l'examiner, certainement on entraîne des lambeaux avec elle; mais ces parties lui sont étrangères et n'appartiennent aucu- nement ni à la paroi embryonnaire ni au squelette, duquel on peut suivre la résorption successive. Il y à un point par lequel l'embryon est plus intimement attaché à la paroi, c'est celui qui correspond au canal aquifère; sur ce point, les parties arrachées sont toujours plus longues, La disposition indiquée par les auteurs existe donc; mais, d’après ce que nous avons vu, elle est due non à des restes des enveloppes embryonnaires, mais à des parties ovariennes qui ont suivi l'em- bryon quand on l'a arraché, ANATOMIE ET DÉVELOPPEMENT DES OPHIURES. 215 Résumé. Avant d'indiquer les changements effectués dans ce jeune em- bryon après qu'il a pris la forme pentagonale, nous résumerons les différents stades en quelques lignes. 1° L'œuf se produit et se développe à l’intérieur de l'ovaire. 20 La fécondation a lieu, sans aucun doute, dans son intérieur. Les parois de la capsule ovarienne s’accroissent au fur et à mesure de l'augmentation du volume de l'œuf. 3° La capsule arrive ainsi à former un sac suspendu à la paroi ovarienne par un pédoncule. 4° L'œuf présente la même forme que chez les autres Ophiures. 5° La segmentation a lieu régulièrement, mais, vu le resserrement de l'œuf dans une cavité close, les différents segments prennent une forme hexagonale plutôt qu'arrondie. 6° L'état blastosphère est bien évident. Après cet état, sa forme, de ronde qu'elle était, devient ovalaire, ses cellules périphériques deviennent cylindriques et l'on y distingue une cavité de segmenta- tion. 7° Le squelette embryonnaire apparaît après ce stade, et des for- mations deutéroplasmiques marquent la place du tube digestif. Cette apparition n'est due aucunement à une invagination, comme cela a été supposé. 8° Le premier orifice marqué sur le tube digestif est l’orifice anal, 9° L’embryon possède, à ce moment, une paroi externe, son tube digestif, et des corpuscules ayant l'apparence de gouttelettes grais- seuses remplissent les intervalles entre la paroi et le tube digestif. 10° Dans la disposition du tube digestif, on remarque un côté dor- sal, sur lequel est situé l'anus, et un autre, ventral, où on aperçoit le sillon œæsophagien marquant l'ouverture buccale. Les dénomina- tions dorsale et ventrale, dont s’est servi M. Metschnikoff, correspon- dent respectivement à nos termes supérieur et inférieur. 11° Deux masses cellulaires se montrent bientôt à côté du tube digestif, situées à droite de celui-ci, si l’on regarde l'embryon du côté ventral, et à gauche, si on l’aperçoit du côté dorsal. 12° De ces deux masses cellulaires, la supérieure, celle qui avoi- sine l'æsophage, rarement les deux, sont destinées à former l’appa- reil aquifère. Re RS on dE 216 NICOLAS CHRISTO-APOSTOLIDES. 13° Après la division en lobes de la masse cellulaire supérieure, l'inférieure avorte et, en même temps, on ne distingue plus l'anus, l'estomac se présente terminé en cul-de-sac. 14° Quand l'appareil aquifère est complètement développé, il en- toure l’æsophage en empiétant sur le tube digestif et, poussant la paroi embryonnaire par son accroissement en largeur, détermine un élargissement dans le sens horizontal, dont la conséquence est le rapprochement de la paroi inférieure avec la supérieure, qui deviennent ventrale et dorsale chez l'adulte. 15° Des tentacules apparaissent à cet état, deux buccaux et deux brachiaux ; le vaisseau brachial impair, en se développant, déter- mine la forme pentagonale. 16° Aïnsi l'appareil aquifère est presque développé dans ces par- üies essentielles, et communique, par l'intermédiaire du canal aqui- fère, dirigé du côté du pédoncule de la capsule, avec la cavité incu- patrice. 17° Le squelette embryonnaire est résorbé presque entièrement et remplacé par le squelette définitif, qui commence à se développer par les parties tégumentaires. 18° Nous n'avons aucune indication ni du système nerveux ni du système musculaire. Jei finit le cercle de la vie embryonnaire proprement dite; le reste des modifications intéresse la vie ultérieure de l'adulte. Nous donnons quelques détails sur ce sujet. Les jeunes Amphiures, quand elles naissent, ont déjà naturelle- ment des bras d’une certaine longueur. Chaque bras possède plus de dix articles; mais ce qu'il faut remarquer, c’est que les deux articles de l'extrémité du bras ne portent pas latéralement de tentacules; ces parties sont enveloppées dans une membrane. La croissance des bras se fait entre le dernier et le pénultième article. Quand on fait sortir prématurément des jeunes Amphiures, qui ne possèdent que deux articles aux bras, on voit que l'animal se meut avec les deux tentacules brachiaux que nous avons vus naître primiti- vement. Cela prouve qu'il faut un certain temps pour que le vaisseau aqui- fère, se développant en longueur, puisse produire de côté des pro- longements qui déterminent la formation des tentacules. Sans aucun doute, 16 vaisseau aquifère prend une grande part à la formation ANATOMIE ET DÉVELOPPEMENT DES OPHIURES. LÀ dj des bras et aussi, à l’état adulte, à leur régénération après qu'ils ont été mutilés. Si l'on examine un bras coupé au moment où il commence à se régénérer, on voit que le bourgeon qui doit donner naissance à la par- tie nouvelle ne s’insère pas sur toute la surface transversale du bras, mais seulement sur la partie inférieure de la rainure, celle qui avoi- sine l'articulation des ossicules, sur laquelle se trouve accolé le vais- seau aquifère. C'est sur ses parois qu'apparaissent les premiers no- dules calcaires, et ce sont toujours les téguments qui apparaissent avant les ossicules discoïdes. Cela prouve que le système aquifère n'est pas étranger à la régénération des bras. Quoi qu'il en soit, le jeune animal, naturellement sorti de l'inté- rieur de son parent, est déjà pourvu de toutes les parties nécessaires à sa vie libre; il n'en diffère que par sa coloration orangée et sa petitesse. A l'intérieur de la poche, les bras, en se développant, s’enroulent autour du disque de l'animal ; c’est en les déroulant que l'animal, à l'époque de la maturité, perce les enveloppes et passe par la fente correspondante pour se montrer au jour. CONCLUSION. Si nous cherchons, après l’étude détaillée de leur développement, à comparer ces deux espèces d’Ophiures si différentes et dont les conditions de vie ne présentent aucune ressemblance, l’une se déve- loppant dans la cavité du parent même, l’autre étant exposée au hasard, nous ne pouvons nous dispenser d'attirer l'attention sur un fait qui nous semble remarquable. Voilà deux Ophiures, aussi différentes que possible, qui présen- tent, dans leur développement, les analogies les plus étroites, tandis que, d’après les suppositions des auteurs, le développement des autres Ophiures serait, au début, tout différent et semblable à celui des Echinus. Il est difficile d'admettre que nos deux Ophiures fassent exception à la règle générale. D'autre part, nous ne pouvons croire nous être trompé dans l'observation de faits qui nous ont paru si évidents. Nous avons pour nous, en ce qui concerne l'Amphiura squamata, les observations de M. Metschnikoff, qui, en cédant plutôt à l'opinion admise qu’à la réalité, soupçonna seulement, sans le confirmer, que 218 NICOLAS CHRISTO-APOSTOLIDES. le tube digestif était dû à une invagination, comme c’est le cas géné- ral chez les Échinodermes. Nous manquons d'observations, touchant les premiers états du dé- veloppement des Échinodermes, pour nous prononcer résolument sur ce sujet; mais ces deux types d'Ophiures présentant deux modes de propagation différents, nous font croire que ces cas ne sont pas isolés, que l’ébauche des organes chez l'embryon d'Ophiuride se fait plutôt par une formation deutéroplasmique que par invagination. La série de figures schématiques qui, dans différents ouvrages, repré- sentent la série des métamorphoses de ces animaux, ne reproduisent que les états très avancés dans leur développement. RÉSULTATS. Les faits nouveaux contenus dans ce travail peuvent se résumer en ces lignes : I. Nous avons décrit les mœurs et l'habitat des Ophiures tant dans la Manche que dans la Méditerranée, indiqué les rapports exis- tant entre la forme et la nature du milieu, enfin démontré les ca- actères importants de l'Amphiura squamata. II. Au sujet des téguments et du squelette, sans entrer dans les détails intimes, nous avons apporté l'indication embryologique de la formation de pièces fourchues antérieurement aux ossicules dis- coïdes. II. Pour ce qui est du tube digestif, nous avons décrit l'existence d'un æsophage et sa structure ; la présence, sur la partie dorsale de l'estomac, de petits cæcums rappelant ceux qui existent chez l'Aste- rina gibbosa ; enfin signalé la différence de la forme de l'estomac chez l'Ampliura squamata. Nous avons examiné soigneusement l'histologie des parois stoma- cales, décrit parmi ses parties constituantes une couche cellulaire, laquelle, avec beaucoup de raison, doit représenter l'élément glan- dulaire de cet appareil. IV. Pour l'appareil aquifère, nous l'avons étudié avec les plus grands | détails, comme il convenait pour un système à parois propres. Par des injections, nous avons déterminé la distribution du canal aquifère, sa relation avec l'extérieur el ses communications avec l'anneau aquifère. ANATOMIE ET DÉVELOPPEMENT DES OPHIURES. 219 Nous avons ajouté quelques faits au sujet de son origine, prouvant que son existence n'est pas due à la transformation d’une vésicule de Poli qui devait exister à cet endroit. Le rôle tout accessoire d’une partie qui n'est qu'une simple enve- oppe protectrice incrustée de plaques calcaires, et à laquelle on a donné le nom pompeux de canal du sable, suffisamment démontré par la description du véritable canal aquifère. En nous adressant aux origines mêmes du système aquifère, nous avons démontré la parenté des vaisseaux aquifères avec les tenta- cules et, par conséquent, leur parfaite ressemblance. Par l’histologie et l'observation directe, nous avons prouvé com- ment s'établit la circulation du contenu dans les vaisseaux aqui- fères. | Nous avons indiqué la nature de son contenu et signalé son iden- tité avec le liquide de la cavité péristomacale. V. Pour la première fois, nous avons déterminé les rapports de la glande piriforme, située à côté du canal aquifère dans l'enveloppe commune et protectrice ; prouvé, par sa structure et par sa commu- nication directe avec l'extérieur, le peu fondé des suppositions de certains auteurs qui lui attribuent le rôle d’un centre circulatoire, c'est-à-dire la valeur d’un cœur, VI. De cette manière, nous avons prouvé la non-existence du centre moteur de ce prétendu appareil circulatoire proprement dit, qui, du reste, ne reposait pas sur des observations rigoureuses. Nous avons cherché à connaître de quelle manière le liquide nourricier se met en communication avec les différentes parties de l'organisme. Nous avons ainsi décrit un système vasculaire, composé d'une série de lacunes, existant entre les différents organes, système com- plètement clos et né communiquant nullement avec l'extérieur. VIT. Pour la première fois, nous avons démontré des organes par- ticuliers et déterminé leur véritable rôle pour la fonction respira- toire. Ces organes ne peuvent accomplir que la fonction respiratoire seule ; ils ne servent aucunement comme organe incubateur dans les animaux chez lesquels le développement embryonnaire se poursuit dans l’intérieur de la cavité maternelle. | VIIL. Pour le système nerveux, nous avons apporté de nouveaux éclaircissements, basés sur des-observations comparées sur.des ani- maux vivants et conservés. Nous avons donné un dessin de ce sys- ième chez l'Ophioglypha lacertosa, où la partie composée de grosses 220 NICOLAS CHRISTO-APOSTOLIDES. cellules, souvent prises pour des cellules nerveuses, est représentée avec sa véritable structure. - IX. Nous avons ajouté à ce qui était connu sur les organes géni- taux les particularités essentielles de chaque espèce, leurs relations avec les sacs respiratoires. À propos de cette dernière considération, nous avons insisté sur la disposition des glandes génitales chez l'Ophiocoma nigra, et dé- montré par là la parfaite indépendance des sacs respiratoires par rapport à la fonction génitale. X. A notre élude anatomique, nous avons ajouté des observations embryologiques faites sur deux espèces, l'Ophiothrix versicolor (No- bis) et l'Amphiura squamata (Sars), la première ovipare, la seconde vivipare. Nos propositions s'éloignent sur plusieurs points des idées admises sur l'embryologie de ces animaux, idées fondées surtout sur la res- semblance de leurs larves avec celles des Echinus. XI. Par des fécondations répétées, ayant suivi tous les stades du développement, nous apportons une série de faits à l'appui de notre manière de voir. La ressemblance des deux modes de reproduction est frappante et permet de croire que les choses peuvent se passer de même dans tout l’ordre des Ophiures. En terminant, nous prions le lecteur de nous excuser si parfois il a eu quelque peine à suivre nos descriptions. Étranger à la France et connaissant encore imparfaitement sa langue, malgré l’aide que nous ont prêtée nos amis, MM. les docteurs Yves Delage et Paul Gi- rod, auxquels nous exprimons ici toute notre reconnaissance, il nous a été impossible de débarrasser entièrement notre style de formes étrangères qui ont pu parfois le rendre un peu obscur. Fig. 1. Se 10. 7. ANATOMIE ET DÉVELOPPEMENT DES OPHIURES. 221 EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE VII. Tube digestif et organes génitaux. Coupe transversale de la paroi stomacale, dessinée à la chambre claire à la hauteur de la platine. Microscope Nachet, 3/7 à immersion. a’, cel- lules cylindriques épithéliales (couche interne); db’, couche brune; c’, cou- che cellulaire ; p', couche épithéliale externe. . Ophioglypha lacertosa, grandeur naturelle, vue du côté dorsal après avoir enlevé les téguments. br, bras ; sr, sacs respiratoires ; gg, glandes gé- nitales ; e, estomac ; cs, cæcums stomacaux; /, téguments, . Une partie interne du tube digestif pour montrerla disposition des plis in- térieurs. . Cellules isolées de la couche cellulaire de la paroi stomacale. . Un spicule de la paroi externe du tube digestif chez l'Ophioglypha lacertosa. 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12. Organes génitaux. . Ophiothrix rosula, vue du côté dorsal, après avoir enlevé les téguments, montrant la disposition des glandes génitales. {, téguments ; e, estomac; gg, glandes génitales. . Une glande isolée de la même espèce. . Disposition des organes génitaux chez l'Ophiocoma nigra. La paroi dor- sale, le tube digestif et les sacs respiratoires sont enlevés. . Disposition générale des organes génitaux chez l’Amphiura filiformis, vus du côté dorsal. Coupe longitudinale d’un utricule de l’Ophiogiypha lacerlosa, vu à un fort grossissement. pe, paroi extérieure de tissu conjonctif; of, œufs. Aspect extérieur des organes génitaux mâles chez l’Ophiocoma nigra. 11 bis. Spermatozoïdes. 12. Un utricule regardé à un faible grossissement montrant à son intérieur les cellules mères des œufs. PLANCHE VIII. Canal aquifère et glande piriforme. Corpuscules de la cavité périviscérale et des vaisseaux aquifères. . Une portion tentaculaire de l’Ophiothriæ versicolor fortement grossie. . Cellules isolées de la glande piriforme. . Aspect général d’un tentacule d’Ophiothrix rosula. 5, 6. La partie considérée, à tort autrefois, comme canal du sable, se montre dans ces figures avec son aspect extérieur et les organes continus dans son intérieur. ca, canal aqüifère; gp, glande piriforme; ep, enveloppe protectrice ; cp, conduit de la glande; m, orifice de la plaque madrépo. rique ; pe, plaque calcaire. NICOLAS CHRISTO-APOSTOLIDES. 7. Une vésicule de Poli d'Ophiothrix rosula, vue par transparence et mon- trant les trois couches caractéristiques de parois des vaisseaux aquifères. 8. Une plaque calcaire isolée de l'enveloppe protectrice. 9. Production glanduliforme des vésicules de Poli, de l’Ophioglypha lacer - losa. 10. Coupe de la glande piriforme, montrant la disposition des granules inté- rieurs, ainsi que celle des cellules, dessinée à la chambre claire à 1/5 Nachet. cv, cavité intérieure; ce, colonnes cellulaires; cl, cellules. PLANCHE IX. Appareils aquifère et circulatoire. Fa. 1. Coupe schématique passée par un intervalle de deux bras et au milieu d'un bras pour montrer l’ensemble des systèmes. Le système aquifère est re- présenté partout en bleu; les cavités, en rouge. t, tégument; up, vési- cule de Poli; e, estomac; æ, œsophage; va, vaisseau aquifère; n, sys- tème nerveux; pn, espace périnerveux; ts, espace péristomacal; pr, espace radial; d, espace dorsal; v, espace ventral; p, espace périphe- rique ; o, point essentiel par où s’établit la communication entre les es- paces périnerveux et branchial ; od, ossicules discoïdes ; »m, muscle exis- tant entre le vaisseau aquifère et la bandelette nerveuse dans l’intérieur de l’ossicule discoïde. 2. Représentation schématique du mécanisme de la respiration. La figure re- présente une coupe imaginaire faite à travers un bras sur le point de son entrée au disque ; ainsi on voit à côté de lui les deux sacs respiratoires correspondant aux fentes. br, bras; e, extrémité du tube digestif cor- respondant au court rayon; sr, sacs de respiration. La direction des flèches indique le mode d’entrée et de la sortie de l’eau. 3. Forme et disposition d’un sac respiratoire chez l’Ophioglypha lacerlosa. f, fente. Les autres lettres signifient les mêmes choses qu'aux précé- dentes figures. 4. Aspect d’un bras du côté ventral après une injection de l’appareil aquifère. Les plaques ventrales sont enlevées pour montrer la distribution du vaisseau. vl, vaisseaux latéraux; va, vaisseau aquifère; {n, tentacules; od, ossicule discoïde ; eb, écaille buccale. 5. Coupe transversale d’un bras passant au travers d’un ossicule discoïde. n, système nerveux; va, vaisseau aquifère ; r, espace radial; vw, espace ven- tral; p, espace périphérique ; ex, enfoncement nerveux. 6, L'anneau aquifère vu du côté dorsal, Le tégument et le tube digestif sont entièrement enlevés. aa, anneau aquifère; vp, vésicule de Poli; {n, ten- tacules ; pd, papilles dentaires; pf, pièces fourchues; gp, glande piri= forme ; vl, vaisseaux latéraux; va, vaisseau aquifère. 7, Mème disposition chez l’Ophiothriæ rosula. ca, canal aquifère, 8, Rapport de la glande piriforme et du canal aquifère, 9, L'arc correspondant à un bras de l'anneau aquifère, pour montrer les rap= porls de celui-ci avec les vaisseaux latéraux et le vaisseau branchial. ANATOMIE ET DÉVELOPPEMENT DES OPHIURES. 993 PLANCHE X. Système nerveux et histologie des vaisseaux aquifères. Fc. 1. La partie interne d’un bras, pour montrer la distribution du système ner- veux. L’ossicule qui y aboutissait est coupé en deux, pour laisser à nu les différentes parties. n, système nerveux; nl, nerfs latéraux; el, écailles; m, tentacules. * ] 2, Disposition de l’anneau nerveux. La partie nerveuse est colorée en noir foncé. Les mêmes lettres que pour les figures précédentes. nb, nerf brachial. 3. Une partie du cordon nerveux brachial, montrant les vaisseaux de nerfs latéraux et la disposition des renflements. 4. Coupe transversale du cordon nerveux brachial, dessinée à la chambre claire à la hauteur de la platine du microscope avec 3/7 à immersion Nachet. cb, partie cellulaire du cordon, couche brune ; m, grosses cellules disséminées à la limite supérieure; n, partie nerveuse propre- ment dite, montrant çà et là des cellules bipolaires. | 5, Rapport du cordon nerveux avec le vaisseau brachial aquifère dans la rai- nure brachiale. | 6. Cellules nerveuses isolées. 6’, cellules de la couche brune isolées. 7. Une partie du vaisseau brachial aquifère vue par transparence, pour mon- trer le calibre intérieur du vaisseau. vl, vaisseaux latéraux. 8. Histologie d’un vaisseau brachial aquifère. cæ, couche extérieure ; m, partie musculaire ; in, couche interne; f, fibres transversales. 9. Le tentacule d’une jeune Amphiura squamala, montrant son calibre in- térieur. 10. Coupe transversale d’un tentacule. Les mêmes lettres que pour les vais- seaux aquifères, PLANCHE XI, Développement de l'Ophiothrix versicolor, dessiné à la chambre claire. Fie. 1. OEufs. op, oolème pellucide; mv, membrane vitelline; vw, vitellus; vg, vé- sicule germinative; n, noyau. 2, 3,4, 5, 6, 7. Différents stades du fractionnement. 8-9. Blastosphère. 10. Première apparition du squelette calcaire. 11. Squelette calcaire plus accentué. 12. Ebauche du tube digestif e. 13. La forme Plutéus commence à se dessiner. e, estomac; an, anus; cg, cavité générale; mc, masse cellulaire; sl, squelette larvaire, 14, Le même Plutéus, vu de côté, de manière à apercevoir en même temps les deux côtés. 15. Plutéus vu du côté convexe, montrant par transparence la disposition de l'intérieur, NICOLAS CHRISTO-APOSTOLIDÉS. 19 12 Es PLANCHE XII. Développement de l'Amphiura squamata, dessiné à la chambre claire. FiG. 1. Le disque entier enlevé et vu du côté ventral, pour montrer la disposition des stylets qui portent les organés génitaux mâles. 2, Ebauche d’un ovule sur le stroma ovarien. 3. ‘Une capsule ovarienne pédonculée. 4. L’'œuf avant la maturité. 5, 6, 7, 8, 9. Différents états de la segmentation. 10. Blastosphère. 11, Ebauche du tube digestif. ec, ectoderme; e, estomac; sl, squelette lar- vaire; gc, gouttelettes graisseuses ; an, anus. 12. Un embryon vu du côté dorsal|; on voit ainsi l’orifice anal, an. Le tube digestif en entier, mais par le sillon œsophagien. Les deux masses cel- lulaires sont situées à gauche du tube digestif. | 42. Un embryon plus avancé, mais vu du côté ventral, le sillon œsophagien est bien apparent, le lobe anal commence à disparaître. 14. Différenciation de l'appareil aquifère, montrant toutes ses parties. ca, cana aquifère ; ft, faisceaux tentaculaires ; B, bouche; e, estomac. 15. Accentuation de la forme pentagonale et inflexion des tentacules buccaux. vb, vaisseau brachial; 46, tentacules buccaux ; {p, tentacules brachiaux, B, bouche. Le squelette calcaire n’est pas représenté dans ces figures. ORGANISATION ET DEVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE ONCIDIUM CELTICUM CUV. PAR J. JOYEUX-LAFFUIE, Licencié ès sciences naturelles de la Faculté de Paris. . Faire parallèlement l’embryogénie et l’anatomie d'un être, c’est employer le moyen le plus sûr pour éviter les erreurs. H. DE Lacaze-Duruiers, Hist, du Dentale. INTRODUCTION Malgré les travaux et les observations de Buchannan, Cuvier, Ehren- berg, Delle Chiaje, Audouin et Milne-Edwards, Keferstein, Sto- liczka, Vaillant, Semper, Fischer, etc., nous ne possédons encore que des notions incomplètes et souvent inexactes sur les animaux com- posant le groupe des Oncidiadæ*. | Mon but, en publiant ce travail, est de faire connaître en détail l'organisation et le développement d’un type qui puisse servir de terme de comparaison pour l'étude des nombreuses espèces que renferme ce groupe. L'Oncidium celticum?, qui a fait le sujet de ces recherches, est la seule espèce connue vivant sur les côtes de France. Les Oncidiadæ 1 Les mots Onchidæ, Onchididæ, Onchidiidæ, Onchidiadæ, Oncidiidæ et Oncidiadæ, créés par différents auteurs, sont tous-synonymes., Cet abus de noms est très fâcheux et ne peut que compliquer le langage zoologique déjà si surchargé. ? Les auteurs modernes, Agassiz, Woodword, etc., ont remplacé le mot On- | . chidium par celui d’Oncidium, qui est synonyme, mais plus correct, ARCH. DE ZOOL. EXP, ET GÉN, — T, x. 1889, 15 926 J. JOYEUX-LAFFUIE. sont surtout bien représentés dans l'océan Indo-Pacifique, où l'on rencontre un grand nombre d'espèces atteignant une taille relative- ment considérable. F Plusieurs conditions dans lesquelles je me trouvais m'ont déter- miné à choisir ce sujet. La première, celle que tout zoologiste doit avoir d’abord en vue, est l'abondance des animaux; en cela j'ai été admirablement favorisé, ayant eu à ma disposition un aussi grand nombre d'individus que je l'ai désiré, pouvant les recueillir et les observer moi-même dans les lieux où ils vivent habituellement, sui- vant en cela les conseils que M. de Lacaze-Duthiers donne avec raison aux jeunes zoologistes. Enfin, les conseils de ce maître, qui m'indiquait ce travail et les nombreux doutes que l’on rencontre à chaque instant sur cet animal dans les différents auteurs, me déterminèrent à entreprendre ces recherches, auxquelles j'ai consacré la belle saison des années 1880 et 1881. Je prie M. de Lacaze-Duthiers de vouloir bien recevoir mes sincères remerciements pour avoir mis à ma disposition, dans ses labora- toires de Roscoff et de la Sorbonne, tout ce qui m'a été nécessaire pour mon travail. Je me suis attaché, plus qu'on ne le fait habituellement en général, à faire connaître les conditions biologiques de l'Oncidie. C’est dans ce but que je suis allé moi-même recueillir les animaux dans les lieux où ils vivent, les voir ramper, prendre leur nourriture, s'ac- coupler, sortir et rentrer dans les fentes des rochers qui leur servent de retraites. J'ai trouvé les pontes et surpris des individus déposant leurs œufs sur les parois de leurs demeures; ce sont des faits qui offrent un certain intérêt et sur lesquels les auteurs étaient restés muets. La connaissance des mœurs est souvent un excellent moyen de se rendre compte et de comprendre certaines particularités anatomi- ques; aussi le zoologiste doitAl aujourd'hui, puisque des laboratoires maritimes ont été créés et se créent dans ce but, ne pas négliger d'étudier les animaux marins sur place, dans les conditions où ils vivent habituellement; c'est ce que j'ai fait autant que cela m'a été possible. J'insiste avec intention sur ces faits de zoologie générale ; jele dois, surtout aujourd'hui où, à l'inverse de ce qui devrait avoir raisonna- blement lieu, les faits semblent découler d'idées générales précon- | pèces du groupe. ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE. 297 ques ou nées d’un trop petit nombre de faits, souvent mal observés et trop rapidement étudiés. Le présent travail contient deux parties bien distinctes : 4° La partie anatomique, où l'animal est décrit à l’état adulte en prenant successivement chaque appareil; 2 Le développement, où l'être est suivi depuis l'œuf fécondé jusqu'à l'état adulte. Dans cette seconde partie, pour éviter des répétitions fatigantes, j'ai décrit chaque organe depuis le moment où il se montre jusqu'à son complet développement. Cette manière de faire est, je crois, préférable à celle qui consiste à décrire l'embryon à différentes époques de son développement, et qui entraîne forcément à des redites continuelles. Ces deux parties sont précédées d’une introduction et suivies d'un chapitre de conclusions dans lequel je cherche à mettre à profit, pour fixer la place de l'Oncidie dans le groupe des Mollusques gastéro- podes, les données fournies par l'anatomie et le développement. Il Historique. Un grand nombre de zoologistes se sont occupés du groupe de Mollusques désignés actuellement sous le nom d’Oncidiadæ. Parmi eux se trouvent les noms les plus illustres de la zoologie, et particu- lièrement de la zoologie française ; il suffit de citer Guvier, Lamarck, de Blainville, etc. Je pourrais me borner à citer les auteurs qui ont publié sur l’On- cidèum celticum ; mais, comme les notions que nous possédons sur ces Mollusques ont été acquises par des travaux faits le plus souvent sur des espèces exotiques, j ai pensé qu'il était utile d'analyser en quelques mots les principaux travaux publiés sur les différentes es- Je serai bref, me réservant de renvoyer, dans le cours du mé moire, aux travaux et, autant que celà sera possible, de citer les passages importants pouvant donner lieu à quelque confusion. Les différents auteurs qui se sont occupés de ces animaux peuvent être divisés en deux groupes, Les uns, les plus nombreux, se sont 298 J. JOYEUX-LAFFUIE. plus particulièrement attachés à la partie spécifique, ils ont fait connaître de nouvelles espèces et indiqué des coupes nombreuses et variées. Les autres, à la tête desquels on doit placer Guvier, ont surtout eu pour but de faire connaître l’organisation de ces animaux. Buchannan ‘ fonda, en 1800, le genre Oncidium pour une espèce trouvée par lui au Bengale, sur les bords du Gange, où elle vit sur le Typha elephantina Roxburg. Sa description renferme beaucoup d'inexactitudes. Il désigne les palpes labiaux sous le nom de bras et les compare à tort aux tentacules de la Scyllée. Les détails sur la reproduction sont entièrement erronés. En 1804, Cuvier*?, ce grand maître de l'anatomie comparée, donna une description détaillée de l'Oncidium Peront, nouvelle espèce rap- portée par Péron de l’île de France, où cet animal vit sur les rochers situés. au bord de l’eau. Un autre individu rapporté des îles Moluques (Timor) conduit Cuvier à penser que cette espèce habite toutes les côtes de toute la mer des Indes. Quoique ne trouvant pas la consti- tution habituelle du poumon des Gastéropodes pulmonés, il décrit un poumon et pense que l’animal vient respirer l'air en nature à la sur- face de l’eau, comme le font les Planorbes. D'après ce qui existe dans Oncidium celticum, la circulation et la reproduction sont en partie inexactement décrites. Plusieurs figures accompagnent ce mémoire et, en somme, quoique renfermant des erreurs, son travail est un des plus intéressants et des plus complets. Dans une note placée à la fin, Guvier cite une autre espèce d'Oncidium qui lui a été envoyée des côtes de Bretagne. Fort probablement, c'est là l'espèce qu'il a désignée plus tard sous le nom d'Oncidium celticum. Lamarck*, Oken* acceptèrent le genre Oncrdium. De Blainville *, dans un mémoire inséré dans le Journal de physique de 1817, préten- dit que l'Oncidie de Péron différait de celle de Buchannan et la plaça dans un autre ordre, celui des Cyclobranches. C'est aussi l'avis de Férussac®, qui suit l'exemple de de Blainville, ainsi que Rang. 1 BUCHANNAN, Transact. Linn. Soc. of London, vol. V, p. 132, pl. V, fig. 1,2 et 3, 1800. ? Cuvier, Mémoire sur l'Onchidie, genre de Mollusques nuds, voisins des Limaces, et sur une espèce nouvelle, Onchidium Peronii (Ann. du Muséum, vol. V, p. 37, 1804). 3 Lamanrck, Histoire des animaux sans vertèbres, % édit. + OKEN, Lehrb. der Naturg.,t. III, p. 305. 8 De BLatNviLLe, Journal de physique, décembre 1817, et Dict, des sciences natu- relles, vol, XXIIT, p. 504, 1818, 6 Fénussac, Tabl, syst,, p. xxx, 1921, T RANG, Manuel de l'histoire naturelle des Mollusques, p, 152, 1929, ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE. 229 Férussac avait d'abord proposé le nom générique d’Onchis pour les espèces marines, laissant celui d'Oncidium, dont le type était l’'On- cidèum Typhæ, pour les Oncidies vivant dans les eaux douces. De Blainville remplaça le genre Onchis par celui de Peronia et substitua au nom d'Oncidium Peronti, donné par Guvier, celui de Peronia mau- ritiana. I avait ainsi divisé l'unique groupe primitif des Oncidium en deux nouveaux groupes, celui des Oncidium et celui des Pero- nia ; dans le premier, il comprenait non seulement les Oncidies d'eau douce, mais encore certains Gastéropodes pulmonés, comme les Vaginules. Cependant Cuvier! n’en continua pas moins, dans son Æegne ani- mal, à conserver son groupe des Oncidies. Même il y ajoute en note plusieurs espèces et, entre autres, l’'Oncidium celticum, qu'il dit être « une petite espèce des côtes de la Bretagne ». Le groupe en- tier est placé par lui en tête de ses Pulmonés aquatiques, avant les Planorbes et les Physes. Lesson?, dans son Voyage de la Coquille, ne s'occupe que de spé- cification. Ebhrenberg*, qui observa attentivement ces animaux, émit l’idée que la respiration, chez ces Mollusques, était cutanée plutôt que pulmonaire ; mais il ne donna pas de preuves suffisantes à l'appui de cette opinion. Dans leurs Recherches sur le littoral de la France, Audouin et Milne- Edwards“, en 1832, ont trouvé l'Oncrdium celticum de Guvier sur la côte de Bretagne, dans le port de Solidor, à l'embouchure de la Rance. Ge sontles premiers auteurs qui indiquent d’une manière pré- cise une localité où l’on trouve cet animal en grande abondance, A la description détaillée de la localité sont ajoutées des remarques in- téressantes sur les mœurs, où ces auteurs semblent considérer l'On- cidium celticum comme un Pulmoné. Plus tard, M. Milne-Edwards change d'opinion sur ce sujet, comme nous le verrons plus loin. Brugière et Lamarck* constatent le peu de notions exactes que 1 Cuvier, Règne animal, édit. de 1830, t. III, p. 46. ? Lesson, Voyage de la Coquille, Zool., pl. XIV, fig. 4, 1830. 3 ÊHRENBERG, Symbolæ physicæ, seu Icones et descriptiones animalium evertebrato- rum, decas prima, 1831 (sans pagination). * Aupouin et Mine-Enwanps, Recherches pour servir à l'histoire naturelle du lit- toral de la France, vol. I, p. 118, 1832. $ BRUGIÈRE et LaMaRCK, Histoire naturelle des vers, ouvrage continué par Des- hayes, t. II, p, 663, 1832. 230 J. JOYEUX-LAFFUIE, l'on possède sur le genre Oncidium et pensent qu'il est impossible de grouper ces animaux et de trouver leur place exacte dans la série animale avant d'avoir fait de nouvelles recherches sur leur organi- sation, | Delle Chiaje‘, en 1895, a décrit une espèce d'Oncidie de la Mé- diterranée, qu'il désigne sous le nom de Peronia Parthenopeia. Il suffit de citer ici pour mémoire Gray Ex Couthouy et Gould, qui se sont surtout occupés de spécification. Gray créa un nouveau genre ; il sépara des Oncidium les Oncidies dont le manteau ne possède pasde tubercules touffus et créa le genre Oncrdrella pour ces dernières. Comme on le voit, le groupe Oncidium, primitivement indivis pour Buchannan, Cuvier, etc., est d'abord divisé en deux genres par de Blainville, Oncidium et Peronia; puis bientôt en trois par Gray, Onci- dium, Peronia et Oncrdiella. Enfin Lesson, dans son Voyage de la Coquille, décrit un nouveau genre sous le nom de Buchannania; ce qui porte le nombre des genres à quatre. Il n’est pas sans intérêt de remarquer en passant combien peu l'organisation de ces singuliers Mollusques a préoccupé les auteurs qui ont créé tous ces nouveaux genres. Si, comme il faut l'ad- mettre en zoologie, les classifications naturelles, c'est-à-dire celles qui sont basées sur la connaissance approfondie des êtres, sont les seules rationnelles, on doit comprendre qu'on ne peut admettre ces nombreuses divisions qu'avec de grandes réserves jusqu'à ce que l’on ait fait des recherches anatomiques sur les animaux qui com- posent ces différents genres. Forbes et Hanley ‘, dans leur ouvrage sur les Mollusques d’Angle- terre, doivent certainement faire rentrer dans la famille des Onci- dies des animaux étrangers à ce groupe, car en donnant les carac- tères de la famille, « ce sont de vraies Limaces maritimes, » disent- ils; et un peu plus loin : « Gertaines espèces vivent dans l'intérieur des terres, dans les vieux bois et dans les jardins, » La seule espèce anglaise décrite dans leur ouvrage est l'Oncidium celticum de Guvier, 1 Deuze Cuiase, Descrizione e notomia degli animalia senza vertebre della Sicilia vol. II, p. 43, pl. XLVI, 1825. 2 Gray, Figures of Moll. anim., pl. CX VIT, fig. 4. 8 Couraouy et GouLv, The Mollusca and Schells of the United States exploring ex- pedilion. + Forges et HawLey, British Mollusca, vol. IV, p. 3, pl. FFF, fig, 6, 1853. ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE, 231 dont ils semblent vouloir attribuer la priorité de la découverte à Couch, qui l’a trouvé sur la côte de Cornouailles, sur un espace étroit de rochers, à Westcomb, dans la baie de Lentivet, entre Pal- perro et Fowey. La présence de l’Oncidium celticum dans cette localité ne manque pas d'offrir un certain intérêt, comme j'aurai l'occasion de le montrer plus loin. A la description de l'espèce donnée par Forbes et Hanley sont jointes des remarques anatomiques, en grande partie inexactes, communiquées, il est vrai, par Hancock. La figure que donnent les auteurs représente très imparfaitement l'animal. Dans ses Zecons sur la physiologie et lonatomie comparée, M. H. Milne-Edwards, se ralliant aux idées d'Ehrenberg, émet une opinion contraire à celle qu'itavait donnée en commun avecAudouint. Il élève des doutes sur la nature du poumon des Oncidies et pense qu'il n’y a rien chez ces animaux qui soit l’analogue de la chambre palléale servant à loger les organes de la respiration des Gastéropodes pulmonés ordinaires et des Gastéropodes prosobranches. Elleest porté à penser que le prétendu poumon n’est autre chose qu'un or- gane dépurateur et que la respiration est cutanée plutôt que pulmo- naire. Ce sont là, comme je le prouverai dans ce travail, des idées très exactes, en faveur desquelles l'illustre zoologiste ne donne aucune preuve. Keferstein ?, en 1865, publia un mémoire sur l'anatomie des or- ganes génitaux de l'Oncidium verruculatum. Les deux figures qui ac- compagnent ce mémoire peu important sont fort probablement inexactes. Dans sa Conchyliologie anglaise, Jeffreys* pense que les Oncidies sont pulmonaires, quoique cependant :il ne refuse pas com- plètement aux téguments une certaine part dans la respiration. En décrivant l'Oncidium celticum, la seule espèce des côtes d’An- gleterre, il indique, d'après Spence Bate, comme nouvelle localité, la baie de Whitsand, près de Plymouth; ce qui porte à deux, avec la localité indiquée par Forbes et Hanley, le nombre des points où cet animal a été rencontré sur la côte anglaise. Une figure en noir ? H. Mrune-Enwarps, Leçons sur la physiologie et l'anatomie de l’homme et des ani- maux. ? KerersTEIN, Zeitschr. für wissensch. Zool., Bd. xv, p. 86, pl. VIifig. 14-16, 1865. $ Jerrreys, British Conchyliology, vol. V, p. 94, pl. II, fig. 5. 232 J. JOYEUX-LAFFUIE. représente imparfaitement l'animal, les tubercules qui recouvrent le manteau y sont disposés à tort en rangées longitudinales. Stoliczka! a publié un mémoire intéressant sur plusieurs espèces d'Oncidies, où il décrit l'anatomie de l'animal de Buchannan, l'Onchi- dium Typhæ ; 1 montre que la séparation des sexes sur des individus différents est une erreur de cet auteur, comme, du reste, l'avait prévu Cuyier. En raison de la grande ressemblance anatomique des Oncidium et des Peronia, il supprime cette dernière division, établie, comme on vient de le voir, par de Blainville. Les deux planches qui accompagnent le mémoire renferment d'assez mauvaises figures : la première se rapporte à l'anatomie, et dans la seconde sont figurées les espèces 0. pallidum, tigrinum et tenerum, dont il donne la description dans le mémoire. A partir de cette époque, plusieurs zoologistes se sont occupés d'étudier différentes espèces d'Oncidies, et, parmi eux, quelques-uns ont spécialement porté leurs recherches sur l’'Oncidium celticum. M. L. Vaillant?, professeur au Muséum de Paris, a retrouvé dans le port de Solidor, près Saint-Servan, dans la localité indiquée par Audouin et Milne-Edwards, l'Oncidium celticum, et il a publié, dans plusieurs notes à l’Académie et à la Société philomatique, des re- marques intéressantes sur l’anatomie et les mœurs de cet animal. Non seulement cet auteur a récolté des Oncidium sur le point indiqué par Audouin et H. Milne-Edwards, mais encore dans une étendue de 3 kilomètres à partir du port de Solidor jusqu'à une petite anse située à l'embouchure de la Briantais. De plus, il pense qu'on trouve ce mollusque seulement où l’on rencontre cette vase grisàtre connue sous le nom de tangue, et dont il fait, dit-il, sa nourriture, son estomac en étant toujours rempli. Il pense aussi, mais sans en être absolument certain, qu'on le trouve seulement dans les points où il existe des infiltrations d’eau douce. Je montrerai plus loin, en décrivant les mœurs de ces animaux, ce qu'il y a d’exact dans ces données. Les détails anatomiques portent spécialement sur les appareils de la circulation, de la respiration et de la génération. Je don- nerai et discuterai dans le cours de ce mémoire, et aux chapitres 1 SrociczKkA, On the genus Onchidium, with descriptions of several new species (Journal Asiat. Soc. of Bengal, part. 11, p. 86, pl. XIV et XV). 2 L. VAILLANT, Bullelin de la Société philomatique, t. VII, p. 225, 1871, et t. IX, p, 25, 1872, — Comptes rendus de l’Académie des sciences, t, LXXIII, p. 1172, 1871. ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE. 233 contenant la description des différents appareils, les opinions de cet auteur sur l'anatomie. Le travail de Binney ‘ sur l'Oncidiella borealis est intéressant par le fait qu'il décrit pour la première fois la présence d'une mâchoire chez un animal du groupe des Oncidium. Nous verrons que chez l'On- cidium celticum il y à aussi une mâchoire, contrairement à l'opinion de tous les auteurs. Ihering?, en 1877, observant des animaux du genre Peronia, tend à se ranger à l'opinion d'Ehrenberg et à considérer les tubercules dorsaux comme des organes de la respiration. Mais, de même que les auteurs précédents qui ont partagé cette opinion, il ne donne aucune démonstration anatomique de ce fait. Semper* décrit dans plusieurs espèces d’Oncidium qu'il a observées un dard corné particulier en communication avec le pénis et conte- nant des cellules étoilées. Les dix-huit espèces observées et classées par cet auteur, d’après la consistance plus ou moins dure de l'organe mâle, doivent être acceptées avec réserve. Evidemment un semblable détail ne peut être raisonnablement accepté comme caractère de détermination. Cet auteur signale dans les tubercules dorsaux d'un grand nombre d'Oncidies la présence d'un appareil optique très complexe, composé d'une cornée, d’un cristallin et d'une rétine, dans | laquelle on peut distinguer trois couches, l’une de fibres, l'autre de bâtonnets et une troisième de pigment foncé. Il indique de plus les modifications que subissent ces différentes parties dans les espèces qu'il à examinées. Nous verrons qu'on n’observe rien de semblable dans l'Oncidium celticum. Dans son travail sur le système nerveux et la phylogénie des Mol- lusques *, Ihering donne une description détaillée du système ner- veux de la Peronia vermiculata (Guvier). D'après sa description et la figure qui l'accompagne, de deux choses l’une : ou le Peronia vermi- culata est un animal à système nerveux fort différent de celui de l'On- 1 Binney, Proceedings of the Acad. of nat. sc. of Philadelphia, p. 184, pl. VI, fig. E, BB, EE, 1876. . À IHERING, Ueber die systematische Stellung von Peronia, und die Ordnung der ne- Phropneusta, 1877. # SEmPER, Reisen in Archipel der Philippinen, Band III, Landmollusken, 1877 ; Ueber Schneckenaugen vom Wirbelthiertypus (Arch. f. mik. Anat., vol. XIV, p. 118. F * IneriNG, Vergleichende Analomie des Nervensystems uni Phylogenie der Mollus- | ken, p. 230, pl. IV, fig. 16. 234 J, JOYEUX-LAFFUIE, cidium celticum et, par conséquent, ce ne peuvent être deux animaux voisins placés dans la même famille ; ou bien, ce qu'il est permis de penser, les résultats des recherches de cet auteur sont le fruit d’une observation trop peu approfondie et inexacte. Enfin je dois citer comme dernier travail sur le groupe des Onci- dies le chapitre que consacrent à cette famille MM. Fischer et Crosse ! dans l'ouvrage sur la mission scientifique au Mexique et dans l'Amé- rique centrale. La description anatomique du genre Oncidiella que donnent ces auteurs, est accompagnée d'une planche dont une par- tie des figures, celles qui représentent le système reproducteur et les glandes du manteau, ont été communiquées par M. L. Vaillant. Souvent, dans le cours du présent mémoire, j'aurai l'occasion de citer certains points de ce travail, même, au besoin, d'en reproduire certains passages. C'est un des travaux qui résument le mieux, tout en donnant des faits nouveaux, les connaissances acquises jusqu'à cette époque sur le groupe des Oncidies. Craignant de me répéter plus loin, je ne puis en donner ici une analyse succincte. En résumé, on voit que pendant près d'un siècle, depuis Buchan- nan jusqu'à nos jours, un très grand nombre de zoologistes se sont occupés du groupe des Oncidies sans être arrivés à laisser sur ces animaux une histoire anatomique suffisante pouvant permettre de caractériser sùrement les différentes divisions qu'ils ont créées parmi ces Mollusques. Beaucoup d'entre eux semblent avoir pris plaisir à créer de nouveaux noms; ne possédant pas de notions anatomiques suffisantes, naturellement leurs divisions n'ont eu bien souvent aucune raison valable pour persister. Le groupe des Oncidies, dont on à fait une famille à laquelle on à donné le nom dOncidiadæ, réclame de nouvelles recherches avant de pouvoir en donner une classification naturelle. Aujourd'hui, si l’on accepte les différents genres créés dans cette famille, ce doit être avec les plus grandes réserves, Des animaux très différents, au moins comme mœurs, sont placés dans ce groupe, les uns habitant les bords de la mer, les autres les eaux douces ou saumâtres, d’au- tres, enfin, simplement les lieux humides. 1 Crosse et Fiscnen, Recherches zoologiques pour servir à l'histoire de la faune de l'Amérique centraie et du Mexique, ouvrage publié sous la direction de M. H. Milne= Edwards, 7° partie, t. I, p. 683-699, pl. XXXI, 1878. ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE. 235 L'Oncidèium velticum de Cuvier, dont on a fait aujourd'hui l'Onci- diella celtica*, la seule espèce vivant sur nos côtes, estun des types qui, dans le groupe des Oncidies, ont été le plus étudiés. Cependant, nous verrons dans le cours de ce mémoire ?, combien nous possédions en- core de données anatomiques inexactes; quant à l'embryogénie, je ne pense pas qu'il y ait quoi que ce soit de publié sur ce groupe. Per- sonne même ne signale la ponte d’un Oncidium. Si les données sont rares et inexactes sur l’'Oncidium celticum, qu'est-ce que cela doit être pour les espèces exotiques, qu’on ne peut se procurer qu'avec les plus grandes difficultés et dont l'étude n'a été faite, en général, que sur des individus conservés dans les liquides ? L'Oncidium celticum qui fait le sujet de ce mémoire, et qui possède sur son manteau des tubercules nombreux et très apparents, ne peut être placé, comme le veulent certains auteurs, dans le genre Oncidiella, que Gray a créé pour les Oncidies à manteau lisse. III Distribution géographique. — Mœæurs. — Recherche des animaux. Cuvier, comme nous venons de le voir, a le premier signalé la pré- sence de l'Oncidium celticum sur les côtes de Bretagne, sans toutefois indiquer une localité. Plus tard, Audoin et M. H. Milne-Edwards ont trouvé ce mollusque à l'embouchure de la Rance et ont donné des détails sur la station et les mœurs de cet animal. C’est dans ce même point que M. Vaillant l’a retrouvé en 1870. Personne, depuis, n a indiqué sur les côtes de France de nouvelles stations. Pendant le cours de mes recherches sur cet animal, j'ai exploré plusieurs points des côtes de Bretagne, soit pour découvrir de nou- velles localités, soit pour étudier l’animal dans les lieux où il m'avait été signalé. Duon, les Sept-Îles, le Conquét et Morgate*, sont quatre | tIlest, je crois, prudent d'attendre de nouvelles recherches pour admettre la divi- | sion en Oncidium et Oncidiella. ? Dans deux notes adressées à l’Académie des sciences (Comptes rend. de l’ Acad. des sc., t. XCI, p. 997, 1880, et t. XCII, 1881), j'ai déjà Os sommairement | Mdiésiins des iésüitäts de mes recherches, $ Je dois remercier ici Ch. Marry, le gardien du laboratoire de Roscoff, homme | habile à.la recherche des animaux, que j'ai souvent mis à contribution pour me pro- curer des individus et des pontes, et qui a trouvé l’Oncidium cellicum pour la pre- mière fois aux Sept-Iles et au Conquêt, 236 J. JOYEUX-LAFFUIE. points du littoral breton où j'ai recueilli et où vit en abondance l'Oncidie. Les îles Duon, à peine éloignées de quelques milles de Roscoff, sont la localité que j'ai le plus souvent visitée, grâce à sa proximité. Ces sortes de récifs arides et inhabités, constamment battus par la vague, où il est souvent fort difficile d'aborder, sont formés par deux sortes de roches.‘La partie suest est constituée par des schistes cris- tallins fortement redressés, tandis que celle située à l’est est entiè- rement formée de diorite. Reliées l’une à l’autre aux plus basses marées, ces deux parties sont séparées à marée haute. C'est seule- ment dans la partie est, composée de diorite, que j'ai trouvé l'Onci- die, et encore là ne la rencontre-t-on en abondance que du côté exposé au midi. Les grosses vagues venant se briser sur la partie nord empêchent son développement ainsi que celui d'un grand nombre d’autres animaux qui vivent du côté sud. C'est, du reste, une règle générale : les rochers fortement battus par la vague possè- dent toujours une faune très pauvre. | Les Sept-Iles sont de redoutables rochers situés sur la côte septen- trionale de la Bretagne. Au nombre de sept, comme leur nom l'in- dique, ces îles forment un groupe pittoresque, placé au large, au nord de Perros-Guirec. Un phare surmonte lle aux Moines, la seule habitée; elle est reliée, à mer basse, à l’{e Bono, par l'ile aux mou- tons, sorte de jetée naturelle formée de rochers qui émergent à marée basse; c'estsur ces rochers que j'ai recueilli l’'Oncèdéum celticum et sa ponte, au mois d'août 1881. L'année précédente, M. de Lacazc- 4 Duthiers avait bien voulu déjà m'envoyer plusieurs individus récoltés | dans cette localité par Ch. Marty, le gardien du laboratoire. Les indi- vidus, peut-être moins nombreux qu'en d’autres points, y atteignent, en revanche, une plus forte taille. | La présence de l’Oncidie au Conquêt, petite station balnéaire située à l'extrémité ouest du Finistère, m'a été indiquée par le gar- # dien du laboratoire. Enfin, c'est sur les indications de M. de Lacaze- 4 Duthiers que je suis allé, moi-même, visiter plusieurs fois la localité de Morgate. À l'extrémité est de l’anse au fond de laquelle se trouve | placé le petit port de Morgate, sur la côte nord de la magnifique baie | de Douarnenez, se voient des rochers abrupts où la mer a creusé les | splendides grottes de Morgate si connues des touristes. Là, sur un espace d'une centaine de mètres, se trouve un [véritable gisement | d'Oncidies, tant ces animaux y sont nombreux, ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE. 937 Ces quatre nouvelles localités, dont deux situées dans la Manche et deux dans l'Océan, jointes à celle déjà connue de l'embouchure de la Rance, nous montrent que la prétendue rareté de l'Oncidie sur nos côtes est due, de même que pour un grand nombre d’autres ani- maux marins, aux notions biologiques incomplètes et souvent inexactes que nous possédons sur ces animaux. Les cinq localités françaises, jointes aux deux de la côte de Cor- nouailles indiquées par Couch et Spence Bate, l'une à Westcomb, l'autre dans la baie de Whatsand, près de Plimouth, sont les seuls points du globe où l’on ait signalé l'Oncidium celticum, dont l'étude fait le sujet de ce mémoire. À Duon, aux Sept-Iles, ainsi qu'à Morgate, partout où j'ai trouvé cet animal, je l'ai vu occuper une zone de 2 à 3 mètres de pro- fondeur au-dessous du niveau des hautes mers ; mais jamais je n'ai trouvé d'individus vivants au-dessus. Du reste, dans un grand nombre de points, à Duon ainsi qu'aux Sept-Îles, les rochers habités par ces animaux recouvrent complètement à haute mer. Les espaces habités par l'Oncidie, dans les localités que j'ai visi- tées, sont en général fort restreints. C’est ainsi, par exemple, qu’à Duon on trouve un espace de quelques centaines de mètres carrés où cet animal est très abondant, tandis que je ne l’ai jamais rencon- tré sur un espace de plusieurs kilomètres de côtes que j'ai explorés depuis plusieurs années, soit à l’ouest, soit à l’est de Roscoff. De même, aux Sept-Iles, la surface occupée par ces animaux est très petite. Il en est ainsi à Morgate. Evidemment il y a là une raison que je n'ai pu saisir qui oblige cet animal à n'occuper que ces petits espaces. Peut-être est-ce une question de nourriture. Cependant je ne le crois pas. } Les rochers où vit l'Oncidie présentent des fentes, des fissures qui lui servent de retraites; elle s’y loge à marée haute lorsque la mer vient souvent se briser avec fureur dans la zone où elle habite. La faible adhérence de son pied aux objets sur lesquels elle rampe, l'oblige à se retirer ; sinon, elle ne manquerait assurément pas d'être emportée par la vague et les courants loin de ses demeures. Le moment où elle sort des fentes des rochers et celui où elle s’y réfugie sont très variables, suivant la température; par un temps couvert et humide, elle se promène beaucoup plus longtemps que par un temps clair et sec. Ces animaux abandonnent leur retraite en moyenne une heure ou une heure et demie après que la mer a 238 J. JOYEUX-LAFFUIE, commencé à baisser. Ils rampent à la surface des rochers en cher- chant leur nourriture. J'en ai plusieurs fois suivi pendant tout le temps de leur sortie, et j ai pu ainsi en observer s'alimenter et s’ac- coupler. Toujours je les ai vus senourrir d'un grand nombre de petites Algues, de jeunes Fucus, d'Ulves, etc. Les Ulves semblent surtout être leur mets favori. Jamais je ne les ai vu avaler cette vase grisâtre connue sous le nom de fangue, dont parle M. Vaillant 'et dont, dit-il, « son estomac est toujours rempli ». Je dois ajouter, il est vrai, que, dans les différentes localités où j'ai récolté l'Oncidie, les roches constam- ment lavées par la vague ne présentaient aucune sorte de vase. Ouire les différentes espèces d'algues qui forment la base de leur alimentation, ces animaux avalent une quantité de petits grains de sable qui remplissent leur estomac et leur servent à la trituration des aliments. Ge sont toujours de petites parcelles de roches cristallines sur lesquelles ces animaux vivent ; le plus souvent ce sont des grains de quartz et de feldspath. Après avoir rampé à la surface des rochers pendant trois ou quatre heures par un temps humide, et une à deux heures seulement par un temps sec ou par un grand soleil, ces ani- maux regagnent leurs retraites pour ne sortir de nouveau qu’au moment où la mer, après être redevenue haute, recommencera à baisser. On le voit, l'Oncidie vit la plus grande partie du temps dans les fentes des rochers et ne se montre à l'extérieur qu'environ cinq ou six heures en moyenne par jour, cela en deux fois el seulement pen dant la belle saison, car l'hiver ces animaux sortent rarement de leurs demeures. De plus, chaque individu ne se montre pas à l’ex- térieur à toutes les marées; 1l suffit, pour en avoir la certitude, d’ou- yrir une des fentes qui constituent leurs retraites au moment où un grand nombre d'entre eux rampent à la surface des rochers. Le plus souvent, on trouve accolés aux roches qui forment les parois de la fissure un grand nombre d'individus inimobiles et réunis par petits groupes, Il est done fort probable que ces animaux ne sortent que pour chercher leur nourriture, et cela seulement de temps en temps et d'une façon irrégulière, La connaissance des mœurs de l'Oncidie fournit un moyen de res 1 L,. VaizcanrT, Sur l'habitat et les mœurs ‘de l'Oncidium cellicum (Bull. de la Soc, philomatique de Paris, t, VIT, p, 225,1871), ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE. 239 cueillir avec facilité cet animal. I suffit, en effet, de parcourir les rochers où il vit au moment où il sort pour chercher sa nourriture. On peut ainsi, pendant la belle saison, ramasser en peu de temps un grand nombre d'individus. Pendant l'hiver, la recherche en est moins fructueuse et devient alors plus difficile. Pendant cette froide saison, les Oncidies sortent peu ou point de leurs retraites et l'on est forcé, pour s’en procurer, d'ouvrir les fentes des rochers au moyen de la barre en fer des carriers. On peut enfin conserver en captivité dans des vases contenant de l'eau de mer des Oncidies vivantes pendant plusieurs Jours. C'est ainsi qu'au bord de la mer, à Roscoff, ainsi qu'à Paris, j'en ai eu de vivantes pendant plus d’un mois. PREMIÈRE PARTIE. ORGANISATION. Avant d'aborder la description détaillée des organes qui consti- tuent les différents appareils, il est indispensable de bien préciser la position de l'animal, position que l’on doit toujours avoir présente à l'esprit, afin de pouvoir bien comprendre les rapports qu'affectent entre eux ces différents organes. Toujours j'ai supposé l'animal placé dans la position que M. de Lacaze-Duthiers a adoptée dans ses nombreux travaux sur les Mol- lusques et qui consiste à placer l'animal la bouche en haut et Le pied en avant. On à ainsi six plans : un antérieur, un postérieur, un su- périeur, un inférieur, un à droite et l’autre à gauche, par rapport auxquels il est facile de décrire l'animal". : Il est à souhaiter que toutes les personnes qui s'occupent de mala- cologie et, en général, d'anatomie comparée adoptent pour leurs | descriptions une position facile à déterminer et invariable; c'est une | condition indispensable aux études de morphologie. Pour les coupes, j'ai essayé bien des méthodes employées con- | 1 Naturellement l’observateur est supposé placé dans l'animal la tête en haut et la | face antérieure tournée en avant, 210 J. JOYEUX-LAFFUIE. stamment pour les animaux supérieurs et qui, ici, ne m'ont donné que des résultats peu satisfaisants. Ce n’est qu'après un grand nom- bre d'essais que je suis arrivé à un procédé que je n'ai trouvé indi- qué dans aucun traité de technique microscopique et dont je n'ai qu'à me louer. C’est une variété du durcissement par la gomme. Il consiste à faire une solution de gomme, non dans l’eau douce, comme on le fait habituellement, mais dans l’eau de mer; on place l'animal bien vivant dans cette solution et on l'y laisse jusqu’à ce qu'il soit complètement mort, ce qui a lieu, en général, au bout de vingt-quatre heures; on retire alors l'animal, qu'on place dans de l'alcoo! de plus en plus fort jusqu’à ce qu’il soit assez résistant pour être coupé facilement. La gomme gêne bien un peu la coloration ; mais, en colorant lentement dans une solution étendue de matière colorante, on obtient, malgré cela, de très belles préparations. Le point important de cette méthode est la mort de l'animal dans une solution de gomme faite avec l’eau de mer. Les éléments des différents tissus, au lieu de se ratatiner, de s’altérer et souvent de n'être plus reconnaissables, comme cela arrive parfois dans diffé- rents procédés, conservent, au contraire, ici, leurs rapports et leur forme. J'indique ici cette méthode, qui, peut-être, pourra rendre quelques services dans l'étude d’autres animaux marins. CHAPITRE I* IDÉE GÉNÉRALE DE L'ANIMAL, Extérieur. — Manteau. — Pied. — Tête, — Cavité générale du corps. Une Oncidie vue à une certaine distance pourrait être confondue indifféremment avec une Limace ou une Doris ; mais, en l'exa- minant de près, on voit bientôt que l’on a affaire à un animal tout différent, de forme ovalaire, recouvert presque entièrement par un manteau tuberculeux, qui s’unit sur les côtés ainsi qu'à la partie in- férieure avec le pied. Ges deux parties, manteau et pied, forment ainsi en se réunissant une enveloppe extérieure molle, comparable, comme forme, à la carapace d'une Tortue, et dans laquelle sont logés, comme nous allons le voir, les différents organes, A la partie supé- rieure, le manteau etle pied se séparent pour laisser passer la tête, qui fait saillie en ce point; laquelle est munie de deux tentacules rétractiles, portant des yeux à leur extrémité ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE. 241 Pied, — Si l'on examine l'animal par sa face antérieure, ce que l'on remarque tout d'abord, c'est le pied fortement développé comme chez un grand nombre de Gastéropodes. Il se distingue facilement des parties voisines, non seulement par ses limites bien nettes (pl. XIV, fig. 2 et 3,p), mais encore par sa couleur jaune pâle bien différente de la couleur verdâtre du manteau. Sa forme, vu de face, est celle d’un triangle isocèle à sommet inférieur et à base su- périeure. Un sillon, profondément creusé, le sépare du manteau. Il est constitué par des fibres musculaires lisses, fusiformes, nu- cléées, dirigées dans tous les sens, mais dont le plus grand nom- bre se porte de haut en bas, suivant la plus grande dimension. Dans leurs entrecroisements, ces fibres limitent des cavités de forme ir- régulière et communiquant les unes avec les autres (pl. XV, fig. 2, sp.). Nous reviendrons sur ces cavités plus loin, en traitant de la circula- tion dont elles sont une dépendance. Pour le moment, il suffit de savoir que l'animal peut à volonté y faire arriver une quantité plus ou moins grande de sang et, par ce moyen, augmenter ou diminuer le volume de son pied. Cette arrivée du sang est en rapport avec la locomotion. L'animal étant au repos, pour se mettre en marche, commence par gonfler son pied, le rend turgide, et alors seulement peut produire ces mouvements d’ondulation qui déterminent le déplacement. On observe facilement ces faits en examinant les animaux à travers une lame de verre. Un épithélium, formé par des cellules allongées prismatiques, recouvre la surface du pied. On sait que chez certains Gastéropodes, tels que les Cônes, les Pyrules !, les Aplysies, les Doris, etc., on a décrit et figuré un ou plusieurs orifices faisant communiquer le système circulatoire avec l'eau (système aquifère) et servant à l'animal pour mélanger à son sang une certaine quantité de ce liquide; par conséquent, à aug- menter son volume ou, au contraire, à le diminuer enrejetant volon- tairement à l'extérieur une portion de son sang ; on a voulu expliquer ainsi les volumes si différents que peut prendre le même animal. J'ai cherché avec beaucoup de soin, sur toute la surface du pied dans l'Oncidie, s'il n'y aurait pas quelque chose d’analogue à ce quon à prétendu avoir observé chez les Pyrules, par exemple : ! AGassiz, Ueber das Wassergefass-System der Mollusken (Zeitschr, für wiss. Zool., t. VIT, 1856, p. 176). BRGRODE ZOOL. EXP: ET GÉNA Ti- x, 1889, 16 949 © J. JOYEUX-LAFFUIE. mais, sur le très grand nombre d'individus que j'ai examinés, je n'ai pas rencontré le plus petit orifice. J'ai fait cet examen avec d'’au- tant plus de soin que, dans aucun point de l'animal, je n’ai trouvé de communication entre l'extérieur et le système circulatoire, soit par l'intermédiaire du corps de Bojanus, comme cela se voit chez les Phyllirhoés ‘, les Firoles, la Paludine*?, etc., soit directement, comme cela a été décrit chez quelques types, tels que le Pleuro- branche *, le Thétys et le Dentale. Au-dessus du bord supérieur du pied, entre lui et la tête, dans la gorge, s'il m'est permis de désigner ainsi Cette partie de l'a- nimal, se voit un orifice qui est l'ouverture de la glande pédieuse. Je décrirai plus loin cette glande au chapitre des Sécrétions. La figure 2 de la planche XIV montre le point où débouche cette glande. Au-dessus du pied se trouve la tête, qui varie de forme suivant que l'animal est à l’état de repos ou, au contraire, en activité. Dans le premier cas, qui est celui des animaux morts et conservés dans n'importe quel liquide, la bouche possède l'apparence d’un bec-de- lièvre; cet aspect est dû aux deux palpes labiaux placés un de chaque côté et qui se présentent sous l'aspect de gros tubercules (pl. XIV, fig. 2, b). Au-dessus de la bouche, sur la partie de la tête que l'on peut désigner sous le nom de front, se voit de chaque côté l'orifice du tentacule oculifère. Au-dessous de celui du côté droit, se trouve l'ouverture de l'organe mâle, par lequel la verge fait saillie pendant l’accouplement (pl. XIV, fig. 2, 6). Au-dessous de la languette qui termine inférieurement le pied, on rencontre, dans le sillon qui le sépare du manteau sur la figure médiane, l'anus (pl. XIV, fig. 3, a). Au-dessous de l'anus, toujours sur la ligne médiane, sur le bord du manteau, se voit l'ou- verture d’un organe (pl. XIV, fig. 3, b) considéré jusqu ici par les différents auteurs comme élant un poumon. Je montrerai au cha- pitre des Sécrélions que ce prétendu poumon n'est qu'un rein, c'est= à-dire la glande que l’on désigne habituellement chez les Mollusques sous le nom d’organe de Bojanus. ‘FI, Murcer et GeGenBAUER, Uecber Phyllirhoe bucephalum (Zeitschr. f. Naturgés schichle, t. F1, 1853). 2 LeyoiG, Ueber Paludina vivipara (Zeitschr. für wiss. Zool., t. II, 1850). 3 He Lacaze-DuruiEns, Histoire anatomique et physiologique du Pleurubranche orangé (Ann. sc. nat, h° série, vol, XI, 1859, etc ). ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE, 243 Un peu à droite de l'anus, toujours dans le sillon palléo-pédieux, se voit, en examinant avec soin, l'orifice femelle de la reproduction (pl. XIV, fig. 3, Q). Du côté droit, le sillon palléo-pédieux est creusé dans le fond d’une gouttière profonde qui part de lorifice femelle, comme nous venons de le voir, à côté de l’anus, et qui remonte jusqu’à l’ouver- ture de la glande pédieuse, que nous savons être placée au-dessus du pied, dans la gorge de l'animal. | Si l'Oncidie est en mouvement, lorsqu'elle rampe, par exemple, la tête présente un aspect bien différent. Les palpes labiaux dilatés, légèrement aplatis et étalés latéralement, présentent un bord ar- rondi. Ils ressemblent à deux petits pétales entourant là bouche, qui se présente sous forme d’une fente longitudinale. Les tentacules étant développés sont plutôt courts que longs, par rapport au vo- lume de l'animal, surtout si on les compare à ceux des Limaces et des Hélix; leur extrémité, légèrement terminée en massue, porte Fœil. Is se dirigent en divergeant un peu en arrière et latéralement. Les tissus qui limitent la tête et qui font suite à ceux du manteau et du pied, présentent à peu près la même structure que ces der- niers. Ge sont toujours des fibres musculaires lisses enchevêtrées dans tous les sens et recouvertes par un épithélium prismatique. Là, comme dans le manteau, on trouve deux couches de pigment, une près de la surface externe, l’autre près de ia surface interne, qui donnent à cette partie de l'animal une coloration brune-verdâtre semblable à celle du manteau. Manteau. — L'Oncidie est un des Gastéropodes chez lesquels ce que l’on désigne habituellement sous le nom de manteau mérite le mieux ce nom. Il recouvre l'animal d’une manière si complète que lorsqu'on l’examine par le dos, on n'apercoit absolument aucun des autres organes. On sait que chez les Gastéropodes la coquille est tantôt in- terne, tantôt externe, suivant son mode de développement. Chez FOncidie, elle est externe et caduque, comme je le montrerai en traitant le développement, et jamais il n’en existe la moindre trace chez l’adulte. Le manteau se distingue par sa couleur grise-verdâtre el parles nombreux prolongements qui garnissent sa face externe. En géné- ral, chez les différents Mollusques Gastéropodes, le manteau est une 244 J. JOYEUX-LAFFUIE. sorte de sac servant à contenir et à protéger intérieurement les or- ganes et à sécréter extérieurement la coquille. Ici, il y a quelque chose de plus; plusieurs organes sont logés dans son épaisseur; par exemple, la cavité péricardique y est tout entière creusée à la face interne du côté droit (pl. XV, fig. 1), l'organe de Bojanus est com- plètement contenu dans le bord de la partie inférieure (pl. XVE, fig. 1), enfin une des parties les plus importantes de la circulation s’ac- complit dans son épaisseur. Le manteau qui recouvre toute la face postérieure, en se repliant vers la face antérieure pour venir s'unir au pied, constitue une sorte de bordure, de marge qui encadre le pied de tous côtés, excepté à la partie supérieure. Cette bordure, située à la face antérieure (pl. XIV, fig. 2 et 3, m) de l'animal, ne présente pas, comme la face dorsale, des tubereules saillants. On y remarque bien quelques légères saillies que l’on peut, à la rigueur, considérer comme des tubercules incomplètement dé- veloppés; mais jamais elles ne sauraient atteindre le degré d’orga- nisation des papilles dorsales. Les tubercules les plus volumineux sont placés sur le bord du manteau, suivant un certain ordre; ce bord découpé, dentelé, pré- sente, après tous les cinq ou six petits tubercules, un tubercule, ou papille, beaucoup plus volumineux. En traitant des sécrétions, nous verrons qu'à chaque gros tubercule correspond une glande située dans l'épaisseur du manteauetdont le canal excréteur vient déboucher au sommet de ce tubercule (pl. XV, fig. 2, g). I y a environ une vingtaine de ces glandes et, par conséquent, un nombre égal de ces gros tubercules. Toute la partie dorsale du manteau est garnie de papilles coni- ques de volume variable. Ces sortes de prolongements, de saillies, qui, comme nous le verrons au chapitre de la Zespiration, sont de véritables branchies, affectent une disposition irrégulière. La partie inférieure de la face dorsale semble en posséder un plus grand nom- bre, etpeut-ètre sont-elles aussi plus volumineuses qu'à la partie supé- rieure; cependant il ne saurait ÿ avoir de différence bien tranchée. Si l'on fend le manteau, on est immédiatement frappé par sa grande épaisseur, qui, surtout sur les bords, est considérable {pl. XV, fig. 2). Pour étudier sa structure, de mème que celle de beaucoup d'au- tres organes, j'ai essayé d'un grand nombre de procédés histolo= siques, qui, tous, ne m'ont donné que des résultats médiocres ou ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE. 245 mauvais. Ces animaux, ainsi que la plupart des Mollusques, possèdent des tissus d’une grande délicatesse, et un grand nombre de réactifs employés avec succès chez les animaux supérieurs donnent ici des résultats peu satisfaisants. J'ai indiqué plus haut le procédé que j'ai le plus souvent employé et qui m'a donné les meilleurs résultats. Le manteau est constitué par des fibres musculaires lisses, fusi- formes, dirigées dans toutes les directions et s’entrecroisant dans tous les sens. Cependant plusieurs fibres musculaires affectent la même direction et constituent ainsi de petits faisceaux (pl XIV, fig. 2, m') qui forment une sorte de feutrage très résistant. Ces fibres, dont le contenu protoplasmique se colore fortement, par le picro- carminate d'ammoniaque, en rose, sont pourvues d'un noyau ova- aire habituellement situé dans le point où la fibre présente son plus grand diamètre. Çà et là on rencontre, sur une coupe transver- sale, la lumière d’un des vaisseaux logés dans l'épaisseur du manteau. Ces vaisseaux, comme il est facile de s'en rendre compte, sont beaucoup plus nombreux du côté de la face externe qu'au centre et que du côté de la face interne, où ils sont rares et plus volumineux. Cela se comprend facilement lorsque l’on sait que ces vaisseaux, par- tant de la face interne, vont se ramifier du côté de la face externe. Deux couches de pigment sont situées dans l'épaisseur du man- teau , l’une à la face interne, l’autre à la face externe. Ces couches (pl. XIV, fig. 21, p) de pigment noir, très abondant, diminuent ra- pidement à mesure qu’on s'éloigne des faces pour pénétrer dans le centre de l'épaisseur du manteau, où l’on ne rencontre pas une seule granulation pigmentaire. Quel est le rôle de ces couches? Telle est la question qui vient se présenter naturellement à l’es- prit et ‘à laquelle certains auteurs ont répondu d’une facon bien singulière. Semper' prétend que la couche externe joue le rôle de choroïde par rapport à certaines cellules épithéliales particulières faisant fonction de cristallin ; en un mot, il y a là, pour lui, un œil rudimentaire. Je reviendrai plus loin sur la structure de ces préten- dus yeux ou organes de la vision; mais, en admettant que la cou- che pigmentaire externe joue le rôle de choroïde, on ne peut attri- buer à la couche interne la même fonction. Quoi qu'il en soit, chez les espèces que l’auteur allemand a étudiées, il est un fait évident, c'est que ces couches pigmentaires déterminent la couleur de l’a- ! Karl SemrPer, Die natürlichen Evistenzbedingungen der Thiere, Leipzig, 1880. 246 J. JOYEUX-LAFFUIE. nimal ; leur teinte Indigo foncé, mélangée à la couleur jaune pâle des tissus, donne précisément la couleur grise-verdâtre du manteau, comme nous l'avons vu plus haut. Gela à aussi lieu pour les tégu- ments de la tête. La distribution de ces deux couches pigmentaires, dans toutes les parties colorées de la même facon chez l'animal (manteau et tête), nous montre évidemment qu'elles jouent un rôle dans la distribution de la couleur. Le manteau est limité à sa surface externe par un épithélium re- couvert d’une cuticule (pl. XIV, fig. 21), L'épithélium est une variété d'épithélium cylindrique; au lieu de présenter des cellules prisma- tiques, ce sont des cellules pyramidales à base dirigée du côté ex- terne (pl. XVI, fig. 9), tandis que, du côté interne, elles se termi- nent en pointe très accusée. De distance en distance, sur une coupe, on voit l'épithélium présenter une structure particulière. Je donne- rai, au chapitre des Sécrétions, des détails sur ces points. | La cuticule forme au-dessus de l’épithéllum une mince membrane qui se détache facilement chez les animaux qui ont séjourné long- temps dans l'eau douce, ainsi que chez ceux que l’on tient en capti- vité et dont on n'a pas eu soin de renouveler suffisamment l’eau de mer. Cette mince membrane est surtout bien accusée chez les indi- vidus de forte taille. Elle présente quelques particularités intéres- santes ; la surface externe est garnie de tubercules fins corres- pondant chacun à une cellule épithéliale; dans les points où les cellules ordinaires de l'épithélium sont remplacées par des cellules particulières (pl. XVI, fig. 9), la cuticule, au lieu de présenter ces sortes de petites aspérités, est complètement lisse. C'avilé générale. — Après avoir examiné extérieurement l'Oncidie et décrit les différentes parties qui se voient au dehors, il suffit d'ouvrir l'animal, en le fendant sur la ligne médiane et en rabat- tant les lambeaux sur les côtés (pl. XIV, fig. 1), pour prendre une idée de la position qu'occupent les différents organes internes. La figure 1 de Ja planche XIV montre ces organes en place chez un anymal ouvert. Accolés les uns aux autres, ils constituent une masse ovoïde logée dans une grande cavité formée par le manteau pos- térieurement et sur les côtés, par le pied antérieurement, et par les téguments de la tête à la partie supérieure, Des tractus celluleux relient les uns aux autres les différents or- ganes et les maintiennent dans des rapports constants, Aucun de matin ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE. 247 ces nombreux tractus ne va de la masse viscérale aux parois de la cavité, ce qui permet à celles-ci de glisser sur les organes, et c’est, en effet, ce qui a lieu lorsque l'animal modifie sa forme, par exem- ple lorsqu'il passe de l’état de repos à l’état d'activité, La plus grande partie de la masse viscérale est constituée par une glande de couleur brunâtre, volumineuse, qui est le foie. Entre ses divers lobes se trouveni les circonvolutions du tube digestif et l’es- tomac (pl. XIV, fig. 1,6). A la partie supérieure se voient le bulbe buc- cal (b) et les glandes salivaires (s). La partie inférieure est formée par les différentes parties constituant les organes génitaux : glande hermaphrodite (2), glandes de l’albumine (a), etc. A droite de la masse viscérale, et creusée dans l'épaisseur du man- teau, se voit la cavité péricardique, contenant le cœur (c), duquel part une aorte qui, en se ramifiant dans les différents viscères, relie le manteau à la masse viscérale. Il existe encore quelques points d'adhérence entre cette masse et la cavité qui la contient» par exemple, dans les points où le tube digestif s'ouvre à l’exté- rieur, ses parois se continuent avec celles de la cavité générale; il en est de même pour les organes génitaux ; et enfin les nombreux nerfs qui partent des centres nerveux pour aller innerver le pied et le manteau, sont encore des moyens d'union. La cavité générale, qui semble unique, est cependant divisée, in- complètement, il est vrai, par une mince cloison, en deux cavités secondaires. Cette cloison n’a pas été vue par les auteurs qui se . sont occupés de l'Oncidie, car pas un ne l’a signalée. Elle s'insère sur le manteau et sur le pied, vers la région supérieure, et, d'autre part, sur l'æsophage. Elle constitue ainsi une séparation, une sorte de diaphragme qui partage la cavité générale en une petite cavité supé- rieure dans laquelle se trouvent le bulbe buccal, une portion de l'æsophage, les glandes salivaires, le système nerveux central, etc., et une cavité inférieure beaucoup plus grande renfermant le reste des organes qui forment la masse viscérale : tube digestif, foie, organes de la reproduction, etc. Gette cloison mince, transparente, peu résistante, est formée de üssu cellulaire mélangé à une grande quantité de fibres musculaires: Enfin, je dois ajouter, chose très importante, qu’elle est criblée d’un grand nombre d'ouvertures permettant un passage facile au li- quide allant d’une cavité dans l’autre. Sur l'animal ouvert, on peut apercevoir le plus souvent par trans- 248 J. JOYEUX-LAFFUIE. parence, dans l'épaisseur du manteau, à la partie inférieure, un or- gane de couleur jaunâtre, dont nous avons vu l’orifice extérieur s’ou- vrir à la face antérieure de l’animal; c’est le rein ou organe de Bojanus (pl. XVI, fig. 1). Maintenant que nous connaissons la position qu'occupent les prin- cipaux organes, que nous possédons des points de repère, nous pouvons aborder l'étude détaillée des différents appareils et en exa- miner les formes, les rapports, la structure et les fonctions. CHAPITRE Il DIGESTION. On sait, depuis Aristote, que l’on peut schématiser l'appareil diges- tif d'un gastéropode par un tube recourbé, présentant la forme d'un U, une des extrémités représentant la bouche, l'autre l'anus, qui d'ordinaire chez ces animaux est rejeté soit sur le dos, soit sur le côté. Le tube digestif de l’Oncidie fait en apparence exception à cette règle, et le schéma, ici, au lieu d’un tube fortement recourbé, serait un tube presque droit, la bouche et l'anus étant placés aux deux extrémités de l'animal. En traitant le développement, nous verrons que cette disposition n'existe qu'à l’état adulte ; chez l'em- bryon, on trouve la forme recourbée qui se présente chez adulte dans la majeure partie des Gastéropodes. Nous verrons aussicomment ce changement se produit. L'appareil digestif est une des parties les mieux connues de l’ani- mal, cela s'explique par sa préparation facile et simple; cependant plusieurs auteurs sontloin de s'entendre sur quelques particularités, par exemple sur la présence ou l'absence d’une mâchoire. Placé tout entier dans la cavité générale, le tube digestif n'est maintenu en position que par quelques tractus de tissu cellulaire qui le fixent aux organes voisins, ou font adhérer entre elles les dif- férentes parties qui le composent. Pour avoir une idée exacte de sa direction et des circonvolutions qu'il décrit, il faut ouvrir l'animal et enlever toute la masse qui constitue le foie, ainsi que les organes gé- nitaux placés à la partie inférieure près du rectum. La figure 4 de la planche XIV représente le tube digestif ainsi préparé et complètement débarrassé de ses glandes. On voit qu'il se compose d'une bouche s'ou- vrant dans une masse buccale ou bulbe buccal, auquel fait suite un | l ORGANISATION ET DÉVELOFPEMENT DE L'ONCIDIE. 249 æsophage conduisant dans un organe de trituration ou gésier, duquel part un #ntestin qui va se terminer à l'anus. Les seules glandes annexes du tube digestif sont les glandes salivarires et le fone. Bouche. — On doit entendre par bouche l'ouverture supérieure du tube digestif et non la cavité du bulbe buccal, qui doit être dési- gnée sous le nom de cavité buccale. Chez un individu rampant, les palpes labiaux étalés latéralement et arrondis constituent une sorte de voile au-dessus de la bouche: une légère échancrure située sur la ligne médiane les sépare l’un de l’autre. L'ouverture buccale, en forme de fente longitudinale, est limitée par les téguments, qui lui constituent deux lèvres placées latérale - ment, une à droite et l’autre à gauche. Ces deux lèvres, légèrement arrondies, s’accolent l’une à l’autre, et ce n’est que lorsque l’animal veut saisir sa nourriture, qu'il les écarte pour faire saillir, à l'exté- rieur, sa radula, qui doit entamer les végétaux dont il fait sa nour- riture. Extérieurement, ces lèvres sont en continuité avec les tégu- ments de la tête, et intérieurement avec les parois du bulbe buceal. Bulbe buccal. — On peut considérer le bulbe buccal comme le com- mencement du tube digestif dilaté, dont les parois se sont considéra- blement épaissies, sont devenues très musculeuses en même temps qu’elles ont acquis des organes servant à diviser les aliments. Situé à la partie supérieure de la masse viscérale, et par consé- quent logé dans la cavité générale, le bulbe buccal n’est qu’un gros renflement qui se présente, vu par sa partie postérieure, sous forme d’un cœur de carte à jouer, à pointe dirigée en haut et à base pré- sentant trois lobes ou saillies. Le lobe médian contient la radula et son cartilage; c’est lui qui, chez certains Gastéropodes comme la Patelle, par exemple, atteint une longueur considérable. Les lobes latéraux renferment chacun une des parties qui constituent le car- ülage de support de la radula. Le bulbe est fixé aux parois de la cavité générale par un grand nombre de faisceaux musculaires. Deux principaux (pl. XIV, fig. 4 et 4, m) partent de la partie supérieure en avant du point où naît l’œ- sophage et vont s’insérer en divergeant sur les téguments. Un très grand nombre d’autres, de volume variable, vont de la partie anté- rieure du bulbe aux téguments qui avoisinent la bouche. Tous ces 250 J, JOYEUX-LAFFUIE. tractus musculaires ont pour fonction d'attirer le bulbe buccal en avant et de favoriser ainsi la sortie de la radula au dehors. Du mi- lieu de la face postérieure, naît l’œsophage, qui se dirige vers le pied pour aller traverser les centres nerveux. Les glandes salivaires débouchent dans la cavité buccale immédiatement de chaque côté du point où naît l'œsophage. La cavité buccale est la cavité que eirconserit le bulbe buccal ; par ses fonctions, par sa position et par les phénomènes qui s’y pas- sent, elle rappelle la cavité buccale des animaux supérieurs ; comme chez ces derniers, en effet, c'est là que les aliments sont divisés et imprégnés de salive pour être ensuite dirigés dans l'æœsophage. De forme irrégulière, elle fait suite à la bouche et renferme plusieurs parties importantes servant à la division des aliments. Sur la paroi supérieure se voit la mâchoire. C’est une pièce chiti- neusé de couleur brunâtre, en forme de croissant, ou mieux d’ac- cent circonflexe (pl. XIV, fig. 13). Pour la bien observer, il est néces- saire d’ouvrir le bulbe buccal par la partie antérieure ; en l’ouvrant par la partie postérieure, comme elle est située sur la ligne médiane, on la divise presque toujours. Elle est naturellement beaucoup plus apparente chez les individus de forte taille ; mais on l’observe aussi avec la plus grande netteté et à l'œil nu chez les individus beaucoup moins volumineux. Sans acquérir le volume et la dureté qu’elle atteint parfois chez certains Gastéropodes, elle offre cependant une résistance assez grande. Placée transversalement sur la ligne mé- diane, sa face libre, sur laquelle vient frotter la radula, présente de nombreux sillons. La présence de cette mâchoire n'est indiquée nulle part pour l’Oncidium cellicum ; mème plusieurs auteurs admettent l'absence de mâchoire comme un des caractères du genre Oncidiella et Binney ' est le seul qui en signale une chez l'Oncidiella borealis. Guvier *, dans son mémoire sur l’Oncidie de Péron, mentionne aussi l'absence de mâchoire. « La bouche, dit-il, ne doit point pouvoir s’allonger beau- coup en trompe; cependant elle n'est armée ni de mâchoire nl d'aucune dentelure, » Forbes et Hanley, ainsi que Jeffreys, dans leurs C'onchyliologies, donnent comme un des caractères du genre Oncidium l'absence de mâchoire. Albany Hancock, dans les notes L BiNNEY, Proceedings of the Acad. of nat. sc. of Philadelphia, 1876. 2 Cuvien, Mdm. sur l'Onchidie (Ann. Muséum, vol, V). ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE. 251 communiquées à Forbes et Hanley sur l'Oncidium celticum, commet la même erreur, ainsi que Crosse et Fischer ! dans leur anatomie du genre Oncidrella. Dans le bulbe buccal, sur la paroi opposée à celle où est placée la mâchoire, se trouve un organe plus complexe et plus important pour la division des aliments : c’est la radula. Chez les Gastéropodes, la radula ou ràpe linguale est un organe qui fonctionne à peu près de la même façon que la langue du chien ou du chat qui lèche. Ici, le corps léché est résistant, puisque ce sont les Algues dont l'animal se nourrit; mais aussi la langue est formée d'une quantité de petits crochets ou dents d'une grande dureté qui entament avec facilité ces végétaux. L'appareil radulaire se compose d'un cartilage de support, d'un cartilage producteur de la radula etde la radula. Le cartilage de support, en forme de fer à cheval (pl. XIV, fig. 6), est constitué par deux pièces cartilagineuses symétriques, accolées sur la ligne médiane ; à leur partie inférieure elles divergent, et se séparent pour aller se loger dans les deux culs-de-sac latéraux du bulbe buccal. A la partie supérieure elles se terminent en formant une saillie arrondie que l'extrémité de la radula recouvre. Ces deux pièces cartilagineuses, en s’accolant, forment du côté postérieur une gouttière dans laquelle sont logés la radula et le cartilage qui la produit. Un grand nombre de muscles s’insèrent sur le cartilage de support, et sont destinés àimprimer à la radula divers mouvements, cette dernière étant intimement fixée au cartilage. La radula prend naissance dans le fond du cul-de-sac médian du bulbe buccal, elle y est en partie logée avec la tige cartila- gineuse autour de laquelle elle est enroulée et qui lui donne nais- sance. La manière dont la radula est située autour du cartilage est assez singulière et difficile à expliquer; au lieu de l'entourer complètement, la radula ne le recouvre qu'en partie, et ses bords, loin de rester simplement accolés sur le contour du cartilage, s’en- foncent dans sa substance de façon que, sur une coupe trans- versale, la radula se présente comme un U ou un V dont les extrémités des deux branches seraient reployées en dedans; naturel- lement, dans la partie comprise entre les deux branches, se trouve- rait la coupe du cartilage. Ce cartilage, de couleur blanchâtre, nacré, : 4 Cnosse et Fiscuer, ouvrage déjà cité, p, 685, 252 J. JOYEUX-LAFFUIE. se termine beaucoup avant l’extrémité supérieure de la radula, il n'existe pour ainsi dire que dans le fond du cul-de-sac médian du bulbe buccal. Exarniné en coupe mince à un fort grossissement, il se présente avec des caractères qui le feraient volontiers prendre pour un fibro-cartilage de Vertébré. Sa substance fondamentale est fibreuse et renferme une quantité de cellules de volume variable (pl. XIV, fig. 12). Ces cellules du cartilage sont ovoïdes, à grand dia- mètre toujours dirigé dans le même sens, et présentent dans leur intérieur un noyau arrondi qui se colore fortement par le picro- carminate. Les pièces cartilagineuses qui supportent la radula, présentent à peu près la même structure: cependant la substance fondamentale est encore plus fibreuse et moins résistante, et les cel- lules cartilagineuses sont de plus grande taille. Je comparerais volontiers la radula dans sa position naturelle à une plume à écrire en acier, de la forme la plus simple, dont l’extré- mité pointue serait recourbée en dehors (pl. XIV, fig. 6). La face con- cave loge le cartilage qui lui donne naissance et que nous venons d'examiner ; la face convexe repose dans la gouttière formée par les pièces cartilagineuses de support, et l'extrémité recourbée coiffe leur extrémité supérieure arrondie. Etalée entre deux lames de verre, elle rappelle un peu la forme d'une raquette terminée en pointe. Comme chez tous les Gastéropodes, c'est un organe symétrique formé d’un grand nombre de dents disposées par rangées, réunies par du tissu conjonctif et formant une sorte de lame membraneuse dont la surface libre est ainsi hérissée d'une multitude de petites pointes ap- partenant aux différentes dents. Pour bien observer les différents caractères des dents, il faut étudier celles de la région moyenne de la radula. Là elles ont acquis tout leur développement, ce qui n’a pas lieu dans la région inférieure, et de plus elles n'ont pas encore subi l'usure que l'on remarque sur celles de la région supérieure, n'ayant pas encore servi à diviser les aliments. Tout à fait à l'extrémité supérieure les dents ne sont plus représentées que par des petits corps ne rappelant plus la forme typique et ne pouvant plus servir à l'animal; aussi, la radula se formant d’une facon continue, elles sont bientôt remplacées par des dents de la région moyenne. Ces dents, dures, résistantes, chilineuses, de couleur brunâtre, sont de deux sortes: les dents médianes et les dents latérales. Les dents médianes ou rachiales forment la rangée médiane ou rachis de itinte esta en di éiétedÉS LA Ci DÉS D de dé Se ES duré de ie RO tes A nés et Gin dE ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE. 253 la radula (pl. XIV, fig. 8, a.). Chaque dent médiane présente une base qui fait partie de la membrane radulaire et une partie sail- lante recourbée et terminée par trois petits crochets ou cuspides tous à peu près de la même longueur. Les dents latérales offrent aussi, comme les médianes, une base (pl. XIV, fig. 10) en forme de semelle, sur laquelle fait saillie une partie plus dure en forme de erochet (pl. XIV, fig. 9), se terminant par deux pointes ou cuspides; la cuspide interne, plus volumineuse, est aussi plus longue (pl. XIV, fig. 11). Ces deux sortes de dents forment des rangées longitudinales et des rangées transversales ; la partie médiane de chaque rangée transversale est occupée par une dent rachiale ou médiane. Chaque rangée transversale comprend de chaque côté en moyenne cinquante- deux dents latérales ou pleuræ, de sorte qu'on peut représenter une rangée transversale de la façon suivante : 52414 52; el comme il y a environ soixante-cinq rangées transversales dans toute la radula, on a pour le nombre total des dents: (524+1+52)x 65; ce qui fait 6825 dents environ à la surface de la radula !. Je dis environ, car ce n'est qu'un nombre moyen, le nombre de dents par rangée variant avec les différentes régions de la radula et le nombre de ces rangées étant aussi différent avec les individus. Cependant ces nombres ne sauraient varier que dans de faibles limites. Après la description de cette armature buccale, on doit comprendre avec quelle facilité l'Oncidie peut diviser les Algues délicates qui consti- tuent sa nourriture. Les muscles qui s'insèrent sur le cartilage de support impriment par leurs contractions des mouvements de va-et-vient à tout cet appareil sécateur. Les parois du bulbe buccal sont très musculeuses et tapissées inté- rieurement par un épithélium prismatique très net et facile à prépa- rer (pl. XIV, fig. 7). Les cellules qui le constituent sont régulières, munies d'un gros noyau qui se colore facilement, et recouvertes d'une cuticule épaisse, surtout près de l'ouverture buccale ; plus bas elle s'amincit, pour devenir nulle dans l’æœsophage, où l’épithé- lium est vibratile. Glandes salivaires. — Chez l'Oncidie comme chez la plupart des 1 M. Fiscuer, dans son Manuel de conchyliologie, p. 39, donne pour le nombre des dents d’Oncidium ceiticum (Oncidiella celtica) le chiffre 8343, qui est de beaucoup trop élevé. Il en est de même du nombre (54:+1+54)xX70—7630, donné par Wood- word (Manuel de conchyliologie, p. 310). 254 J. JOYEUX-LAFFUIE. Mollusques Gastéropodes, les glandes salivaires sont au nombre de deux, venant déboucher dans le bulbe buccal de chaque côté et près du point où naît l'œsophage (pl. XIV, fig. 1,4 et 5). De forme arbores- cente, ces glandes se fixent par leur extrémité inférieure surle collier nerveux, auquel elles adhèrent, grâce aux artères salivaires qui se détachent de l'aorte au moment où cette dernière traverse les centres nerveux. Pour les préparer, il suffit d'isoler les centres nerveux et de diviser l'œsophage (pl. XIV, fig. 5). Chaque glande se montre alors composée d’un canal excréteur danslequel viennent déboucher quinze à dix-sept canaux secondaires portant à leurs extrémités un lobule glandulaire, Chaque lobule présente une forme légèrement conique et est composé, de même que les canaux excréteurs, par un tissu glandulaire spécial. La paroi interne des canaux excréteurs est tapissée jusque dans les culs-de-sac glandulaires par un épithélium à longs cils vibratiles, animés d'un mouvement rapide. Le tissu des glandes salivaires, de couleur jaunâtre, est composé de cellules irrégulièrement arrondies et très adhérentes les unes aux autres ; il est assez difficile de les isoler ; ce qui réussit le mieux en général pour la dissociation, est le sérum iodé. Vue à un fort grossissement, la cellule salivaire se montre avec une mince paroi, renfermant une masse protoplasmique granuleuse. Dans un point voisin du centre se voit un noyau possédant un ou plusieurs nucléoles (pl. XIV, fig. 45). Dans les préparations colorées par le picrocarminate, la cellule se colore légèrement en rose et le noyau en rouge foncé. Les glandes salivaires déversent leur produit dans la cavité buccale de chaque côté de l'orifice œsophagien; de sorte que les aliments divisés par la mâchoire et la radula sont imbibés de salive avant de pénétrer dans l'æœsophage. Œsophage. — L'æsophage, qui fait suite au bulbe buceal, est un canal cylindrique, renflé à sa partie moyenne, où s'accumulent les aliments en attendant qu'ils soient triturés par le gésier (pl. XIV, fig. 3, 4 et 5, et pl. XV, fig. 4). Il naît sur la partie postérieure au bulbe buccal, se dirige en descendant vers la surface interne du pied, traverse le collier formé par les centres nerveux, puis chemine à la face antérieure de la masse viscérale jusqu'au gésier, où il se termine, Il est constitué par une couche musculaire assez résistante, tapis= sée intérieurement par un épithélium Yibratile, La surface interne pré- ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE. 255 sente un grand nombre de plis longitudinaux et parallèles qui font saillie à l'intérieur. Ces plis semblent être destinés à augmenter la surface d'absorption et peuvent être comparés comme fonctions aux ralvules conniventes des animaux supérieurs. On le voit, l’œæso- phage, outre qu'il doit servir à l'absorption, fait encore fonction de jabot, puisque les aliments y séjournent. Cet exemple d'œsophage dilaté et pouvant être considéré comme un jabot, n'est pas le seul dans la classe des Gastéropodes ; tous les zoologistes savent que les Aplysiées, les Limnées, etc., possèdent une semblable dilatation. … Gésier. — La partie du tube digestif dans laquelle débouche l'æso- phage est l'estomac. Ici l'estomac est un véritable gésier à parois musculaires puissantes, tapissé d'une couche chitineuse épaisse, servant à la triturâtion des aliments. Irrégulièrement arrondi, le gé- sier est situé du côté gauche de la masse viscérale, au milieu des lobes du foie qui l'entourent de tous côtés. A la partie supérieure se trouvent le cardia et le pylore, situés l’un près de l’autre; à la par- tie inférieure débouche le canal excréteur du petit lobe du foie (pl. XIV, fig. 4, f). Les fibres musculaires qui constituent les parois de l'estomac sont disposées en deux gros faisceaux, situés l’un à droite, l’autre à gau- che. La couche chitineuse qui lapisse la face interne est épaisse, dure, résistante, et, vue à un fort grossissement, sa surface interne (pl. XIV, fig. 18) est hérissée de petits tubercules irréguliers. Enfin, pour montrerle degré de trituration que possède cet organe, je dois dire qu'il est toujours rempli de grains de sable, qui, là, jouent le même rôle que les cailloux contenus dans le gésier des Oiseaux. Cuvier, dans son mémoire sur l'Oncidie de Péron, décrit trois estomacs ; ici, je n'ai rien trouvé qui puisse donner lieu à une sem- blable distinction ; mais j'ai souvent observé que, chez les animaux conservés dans les liquides, on trouve l'estomac souvent complè- tement changé de forme. Peut-être Cuvier a-t-il eu des animaux x € ainsi modifiés, je suis porté à le penser. Foie. — Le foie présente une particularité intéressante, exception- nelle chez les Gastéropodes, c’est d’être divisé en deux foies distincts : un foie inférieur et un supérieur. Le foie supérieur débouche dans la partie terminale de l’æsophage, près du eardia, et non dans l'estomac, comme l’indiquent quelques auteurs. C'est de beaucoup le plus volumineux ; on peut facilement 256 J. JOYEUX-LAFFUIE. s'en rendre compte d'après la figure 1 de la planche XV!, quoiqu'il y soit représenté fortement contracté, et par conséquent moins volu- mineux qu'il devrait être. Il est composé de deux lobes distincts pos- sédant chacun leur canal sécréteur. Un peu avant de déboucher dans l'æsophage, ces deux canaux se réunissent en un seul. Le foie infé- rieur se compose d'un lobe unique et peu volumineux dont le canal biliaire s'ouvre dans l'estomac. Ces deux foies, de même couleur, présentent la même structure et possèdent une sécrétion identique. Le foie, vu à un faible grossissement, à la loupe, se montre com- posé, à la surface, d'une grande quantité de petits lobes faisant saillie à l'extérieur sous forme de petits mamelons (pl. XIV, fig. 16). Ces lobes sont eux-mêmes formés par une multitude de culs-de- sac glandulaires dans lesquels la bile est sécrétée. Dans les sillons qui séparent les mamelons extérieurs les uns des autres, cheminent les ramifications artérielles, qui sont d’un blanc d'argent et tran- chent, par leur couleur, sur celle du foie, ce qui permet deles distinguer et de les suivre avec la plus grande facilité. Chaque cul-de-sac biliaire, examiné à un fort grossissement, apparaît composé de cellules typiques du foie des Mollusques. Il suffit d’avoir vu une seule fois ces cellules biliaires pour ne jamais les confondre avec n'importe quel autre élément. M. de Lacaze- Duthiers, dans ses nombreuses monographies de Mollusques Gastéropodes, a, le premier, donné de bonnes descriptions de la cellule hépatique chez ces animaux. Avec un bon objectif à im- mersion, on voit que les cellules du foie présentent (pl. XIV, fig. 17) un contour très net et qu'elles renferment dans leur inté- rieur une quantité de globules de volume variable et des granu- lations. En écrasant, par pression, une de ces cellules, les glo- bules et les granulations deviennent libres, et il est plus facile de les observer. On voit alors que chaque globule est composé d’une ma- hère liquide, jaunâtre, réfractant fortement la lumière et que l'on prendrait volontiers pour une gouttelette d'huile ; certaines d'entre elles renferment dans leur intérieur un grand nombre de fines gra- nulations de couleur brune foncée. D'autres granulations bleuûtres se rencontrent aussi. en assez grande quantité ; mais ces derniè- res, au lieu d'être contenues dans les globules renfermés à l'intérieur des cellules biliaires, sont placées à la surface des cellules et semblent i Par suite du déroulement du tube digestif, le foie inférieur est placé supérieu- rement. ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE. 257 pour ainsi dire faire partie de l'enveloppe cellulaire. Je n’ai pu rien observer sur leur mode de production et sur le rôle qu'elles jouent ; ce qui est certain, c’est qu’elles contribuent à donner au foie sa colora tion spéciale. Les canaux biliaires se ramifient à l'infini dans l’intérieur du foie jusqu'aux culs-de-sac sécréteurs de la bile. Ceux du foie supérieur déversent le liquide biliaire sur les aliments au moment où ceux-ci vont pénétrer dans l'estomac, tandis que ceux du foie inférieur l’amènent en contact avec des aliments déjà triturés, par conséquent plus aptes à être imprégnés. Intestin. — En partant de l'estomac, l'intestin présente une légère dilatation, puis se dirige en haut, en passant à la surface de la masse viscérale (pl. XIV, fig. 1). Arrivé à la face antérieure des viscères, il dé- crit une anse qui embrasse l'aorte; puis il regagne la face postérieure pour venir se montrer à la surface, en passant au-dessus du foie et des organes génitaux ; il descend ainsi jusqu'à l'anus, qui s'ou- vre, comme nous l'avons déjà vu, entre le pied et le manteau, sur la ligne médiane, à la partie inférieure de la face antérieure. La figure 4 de la planche XIV montre la disposition qu'affecte l’in- testin. Il est, comme le reste du tube digestif, de couleur jaune pâle et tranche par cela même sur le foie, qui est brunâtre, ce qui permet de le suivre facilement ; 11 présente sur tout son parcours à peu près le même calibre. Comme l’æœsophage, il est formé d’une couche musculaire tapissée à l’intérieur par un épithélium vibratile ; mais ici la couche musculaire est moins épaisse, ce qui fait que les parois sont plus minces et moins résistantes. Aussi, comme dans l’æso- phage, on trouve des replis longitudinaux nombreux et serrés qui font saillie à l'intérieur de l'intestin et qui ont aussi pour effet d’ac- croître la surface d'absorption. L'anus ne s'ouvre pas exactement entre le jpied et le manteau, mais plutôt sur le manteau ; très apparent, exactement situé sur la ligne médiane, il est maintenu fermé par des fibres musculaires qui forment une sorte de sphincter. Cette position de l’anus est tout à fait exceptionnelle chez les Gastéropodes et il n'y a que les Chitons et les Vaginules qui présentent quelque chose de semblable. Les Pleurobranches et beaucoup de Nudibranches ont bien l’anus placé sur le côté et plus ou moins éloigné de la tête, mais jamais il n'arrive à être situé en arrière de l'extrémité inférieure du pied, ARCH, LE ZOOI, EXP, ET GEN,— T, X, 1889, 47 258 J. JOYEUX-LAFFUIE. CHAPITRE II CIRCULATION. L'appareil circulatoire de l'Oncidie n’est qu’en partie connu, el ce que l’on en sait a été, comme je vais le montrer, jusqu'ici mal inter- prété. Il se compose, comme chez tous les Gastéropodes, d'un cœur, d'un système artériel et d’un système veineux. Cœur. L'organe d'impulsion, ou Cœur, formé d’une oreillette et d'un ven- tricule, est logé dans une cavité péricardique, située, comme je lai indiqué plus haut, dans l'épaisseur du manteau, du côté droit. On peut supposer le manteau comme se reployant vers la face antérieure pour aller entourer le pied. Il s’accole ainsi à lui-même en formant un bord triangulaire très épais (pl. XV, fig. 2). C'est dans ce bord que sont contenus tous les organes logés dans le manteau : cœur, organe de Bojanus et glandes du manteau. La cavité péricardique, située à droite, environ au point de réunion du tiers inférieur avec les deux tiers supérieurs de la longueur de l'animal, est creusée en forme de niche dans l'épaisseur du man- teau ; elle est fermée à la partie interne par une mince membrane transparente qui permet de distinguer le cœur et qui livre seulement passage à l'aorte (pl. XV, fig. 4 et 3). Par conséquent, de tous côtés la cavité péricardique est limitée par le manteau, excepté du côté interne, et encore de ce côté la paroi est encore en partie formée par un repli du manteau (pl. XV, fig. 3), qui cache en partie le cœur et ne permet de distinguer par transparence, Sans préparation, qu'une portion du ventricule, l'oreillette étant entièrement cachée. fl suffit, pour bien observer le cœur, de fendre la membrane péri- cardique, le repli du manteau, et de rabattre les lambeaux, Comme cela est indiqué dans la figure 3 de la planche XV. Un étranglement très net sépare l'oreillette du ventrieule ; il est muni à l'intérieur de deux valvules comparables aux valvules sig- moïdes des Vertébrés, quiempèchent le sang qui à passé dans le ven- tricule de retourner dans l'oreillette et établissent ainsi un courant qui possède toujours la même direction. L'oreillette, située inférieu- rement par rapport au ventricule, adhère à la cavité péricardique | | | É k 4 ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE. 259 au moyen des vaisseaux qui lui apportent le sang et qui sont au nombre de deux. Elle est de forme conique, à sommet dirigé vers le ventricule, lequel est piriforme, à petite extrémité se continuant en une aorte qui va se distribuer aux différents organes. Ventricule et oreillette possèdent des parois très minces et d’uné délicatesse extrême, entièrement constituées par des fibres muscu- laires lisses, fusiformes, nucléées, entrecroisées dans toutes les direc- tions. Dans l'oreillette, ces fibres forment des faisceaux disposés lon- gitudinalement et qui constituent des sortes de piliers situés dans l'épaisseur des parois. Le ventricule possède une épaisseur un peu plus considérable que celle de l'oreillette. En ouvrant un animal bien vivant, on voit facilement le cœur battre encore pendant quelques instants ; cela s’observe encore bien plus commodément chez les très jeunes individus, qu'il suffit, pour cela, de comprimer légèrement. On voit alors avec la plus grande netteté l'oreillette se gonfler par l’arrivée du sang dans sa cavité, puis se contracter et obliger son contenu à passer dans le ventricule, d'où il ne peut revenir, grâce à la présence des valvules. Pendant qu'à son tour le ventricule, en se contractant, chasse le sang dans les artères, l'oreillette se remplit de nouveau, et ainsi de suite. La cavité péricardique ne communique point avec le cœur, et l’on peut gorger celui-ci de matière à injection sans qu'une seule goutte pénètre dans le péricarde. Inversement, on peut remplir la cavité péricardique sans Jamais rien faire pénétrer dans le cœur. J’ai sou- vent fait cette injection pour chercher des communications entre le péricarde et l'organe de Bojanus, et je dois dire dès maintenant que je n’ai jamais rien découvert dans ce sens. Du reste, cela n’eût absolument rien démontré, puisque le péricarde et la cavité du cœur ne présentent aucune communication. Les contractions cardiaques sont irrégulières et en nombre variable ; en moyenne, on compte de 50 à 60 pulsations par minute. On le voit, l'oreillette est située au-dessous du ventricule ou en arrière, en supposant l'animal dans la position où le placent certains auteurs. Par conséquent, nous avons là affaire à un véritable cœur d’Opisthobranche et non à un cœur de Prosobranche ou de Pul- moné, qui, comme on le sait, présenterait l'oreillette au-dessus du cœur, 260 J. JOYEUX-LAFFCUIE. Système artériel. Les artères se distinguent à première vue en ouvrant l'animal, grâce à leur couleur, qui est d'un blanc d'argent. Ce caractère des vaisseaux artériels se retrouve chez quelques autres Gastéropodes et permet dé suivre les ramifications artérielles sans injection. Cepen- dant, il est nécessaire de contrôler par les injections pour éliminer toutes causes d'erreur. Partout où il existe des ramifications aortiques, on observe cette couleur blanche mate ; il suffit d'examiner un vaisseau par compres- sion à un fort grossissement pour voir qu'elle est due à des éléments particuliers du tissu cellulaire, contenus en grande abondance dans l'épaisseur des parois. Les cellules qui donnent cette coloration sont de grosses cellules irrégulièrement ovoïdes et contenant dans leur intérieur une très grande quantité de concrétions. Ces concrétions remplissent complètement chaque cellule et sont d’un volume variable ; presque toutes sont ovoïdes, surtout les plus volumineuses. Cependant, on en trouve de mamelonnées à leur sur- face (pl. XIX, fig. 10). Je ne saurais mieux les comparer qu'à l’oto- lithe primitif que renferme l’otocyste, le seul que l’on rencontre déjà chez l'embryon; elles en ont le pouvoir réfringent, beaucoup d’entre elles la forme et à peu près les dimensions, et toutes les mêmes pro- priétés chimiques. Vues au microscope, elles présentent un contour foncé, noir, allant en diminuant d'intensité du bord vers le centre, et la partie centrale, au contraire, brillante, réfractant fortement la lumière. En présence des acides acétique, chlorhydrique, etc., elles se décomposent, en laissant échapper leur acide carbonique sous forme de petites bulles qui font effervescence. Si, après avoir traité par l’am- moniaque en excès, on ajoute de l'acide oxalique, on voit bientôt apparaître des cristaux oclaédriques en forme d’enveloppe de lettre, que l’on reconnaît immédiatement pour des cristaux d’oxalate de chaux. L'éther ne les dissout pas, et enfin, au microscope, elles ne présentent aucun des caractères des globules graisseux. L'Oncidie n’est pas le seul Mollusque qui possède ces singulières cellules. M. de Lacaze-Duthiers les a rencontrées chez les Vermets {et elles exis- tent aussi chez l’Arion. On les rencontre non seulement dans les H,pe Lacaze-Duruiens, Mémoire sur l'anatomie et l'embryogénie des Vermets (Ann, sc, nat, 4e série, vol. XIIT, 1866), ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE. 261 parois des vaisseaux, mais encore partout où il y a du tissu cellu- laire, par exemple autour des centres nerveux qui sont entourés par du tissu cellulaire abondant, ainsi qu'autour des différentes parties qui forment les organes génitaux, et surtout la poche copulatrice. On se demande naturellement quel est le rôle de ces concrétions de carbonate de chaux et pourquoi elles se déposent ainsi dans des cellules spéciales. A ces différentes questions, je ne puis faire aucune réponse positive. Dans toutes les saisons, j'en ai constaté la présence et les ai toujours trouvées aussi abondantes. J'avais tout d’abord pensé qu'il pouvait y avoir un rapport entre cette provision de carbonate de chaux et l'absence de coquille; mais une semblable théorie ne saurait être soutenue en présence du cas que nous offre le Vermet, animal possédant une coquille bien déve- loppée. M. Vaillant ‘, qui a vu ces concrétions, pense que ce sont des gra- nulations graisseuses; il s'explique clairement à ce sujet : « Le sys- tème artériel, dit-il, se fait remarquer chez la plupart des individus par son aspect particulier : les vaisseaux qui le composent et leurs ramifications sont d’un blanc d'argent rappelant jusqu'à un certain point les trachées des insectes ; mais ici cet effet est dû à l’accumu- lation dans les parois de granulations réfringentes, graisseuses ; cette couleur est plus ou moins marquée et dépend peut-être de la saison ou de l’état de l'individu : je n'ai pu décider cette question. » Evidemment, d’après cette description, 1l est permis de penser que l’auteur a dù examiner à la hâte ces granulations pour les confondre avec des granulations graisseuses. Chez les individus conservés dans la liqueur de Owen, les concré- tions se dissolvent lentement et il ne reste que l’enveloppe cellu- laire. Cela explique pourquoi les auteurs qui, comme Cuvier, ont étudié des espèces rapportées dans les liquides, ne signalent point cette coloration particulière des vaisseaux et du tissu cellulaire. Outre ces cellules, que l’on peut désigner sous le nom de cellules calcaires, et qui constituent la couche externe des artères, on trouve une seconde couche interne constituée par des fibres musculaires. Maintenant que nous connaissons la structure du système artériel, voyons quelle est sa distribution. ! Remarques anatomo-zoologiques sur l’'Oncidium cellicum (Comptes rendus de l'4- cad, des sc., vol, LXXIII). 262 J. JOYEUX-LAFFUIE. Du cœur part une aorte volumineuse qui se dirige obliquement en haut, à gauche et en avant, pour aller traverser les centres nerveux; en passant au-dessous de la.masse viscérale, elle donne : une artére viscérale, qui va au tube digestif et au foie, et une artère génitale, qui se rend seulement aux organes de la reproduction, situés à la partie inférieure et au rectum. Après avoir donné ces deux branches, l’aorte se continue sans donner de ramifications jusqu'aux centres nerveux, qu'elle traverse en passant entre le centre asymétrique et le centre pédieux. Dans son passage, elle donne les artères salivaires et, immé- diatement après avoir traversé les centres nerveux, elle se recourbe en avant et se termine par l'artère pédieuse, qui suit un trajet ré- current. En se recourbant, elie fournit un gros tronc qui donne les artères bulbaires et l'artère radulaire. | Artere viscérale. — Elle se détache de l'aorte fprès du point où celle-ci naît du ventricule (pl. XV, fig. 1, 6). Elle pénètre entre les lobes du foie et donne un grand nombre de branches qui se rami- fient sur l'estomac, sur l'æœsophage, sur l'intestin et aux lobes du foie. Dans son parcours, avant d'arriver à l’estomac, elle donne deux branches au lobe supérieur du foie et une au commencement de l'intestin, puis deux autres branches qui vont encore au foie su- périeur et une à l'œsophage. Une petite branche traverse le foie pour aller à la partie moyenne de l'intestin, sur lequel elle se rami- fie. Elle se termine en donnant plusieurs rameaux à l'estomac, et enfin par une branche terminale qui contourne cet organe, en lui donnant des ramifications, et va se terminer dans le foie inférieur. Cette artère viscérale est assez volumineuse et fournit une assez grande quantité de sang aux parties où elle se distribue, surtout au foie, qui est très riche en ramifications vasculaires. La figure 1 de la planche XV représente ces différentes branches ; dans cette figure, par suite de l’étalement du tube digestif, le foie inférieur se trouve être placé supérieurement. Artère génitale. — Sur le trajet de l'aorte, un peu plus haut que le point d’origine de l'artère viscérale, se détache un gros tronc vascu- laire qui va se distribuer aux organes génitaux, situés à la partie inférieure de la masse viscérale : c’est l'artère génitale. Dans la plupart des Gastéropodes, cette artère génitale n’est qu'une branche de l'artère viscérale ; mais ici ces deux vaisseaux ont des origines complètement distinctes sur le trajet de l'aorte. À peine délachée de l'aorte, elle suit un trajet récurrent, se dirige inférieu- ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE, 263 rement vers les organes génitaux et arrive ainsi à la matrice, où elle se divise en un grand nombre de branches. Une première, assez importante, suit le canal déférent et va se ramifier dans la glande hermaphrodite; une seconde et une troisième, de même volume, vont aux glandes de l’albumine en suivant les ca- naux excréteurs de ces glandes. Une quatrième branche suit l’ovi- ducte ; arrivée au niveau du point où s’insèrent la poche copulatrice et l'organe en cæcum, elle donne une branche à chacun de ces deux organes ; celle qui va à la poche copulatrice est plus volumineuse et donne un grand nombre de fines ramifications à sa surface. Puis elle continue son trajet jusqu'au point d'insertion de l’ovi- ducte sur les téguments, et là elle remonte en se terminant sur la partie terminale de l'intestin ou rectum, si toutefois on peut dési- gner ainsi cette partie du tube digestif. On le voit, ces deux artères, viscérale et génitale, par les organes auxquels elles se distribuent, représentent exactement l'artère que l’on désigne habituellement sous le nom de viscérale chez les Gasté- ropodes turbinés et qui, chez ces animaux, se distribue aux organes du tortillon, c’est-à-dire, exactement comme dans l’Oncidie, au tube digestif, au foie et aux organes génitaux. Artères salivaires. — Après avoir fourni l'artère génitale, l’aorte continue son trajet jusqu'aux centres nerveux, en passant dans l’anse que forme le tube digestif, sans donner aucune branche. A son pas- sage entre le centre asymétrique et le centre nerveux, elle donne de chaque côté une petite artériole qui longe la commissure sus-@so- phagienne et se rend à la glande salivaire correspondante, en péné- trant par l'extrémité. C’est là la cause d’adhérence des glandes sali- vaires à la commissure sus-æsophagienne. Ces petites artérioles se ramifient en suivant le canal excréteur de la glande et fournissent ainsi des rameaux aux lobules salivaires (pl. XV, fig. 4, 7). Un peu avant d'arriver au point où le canal excréteur de la glande pénètre dans la cavité buccale, l'artère salivaire l’abandonne pour aller se terminer en deux ou trois rameaux sur le bulbe buccal, en avant du point où s'insère l’œsophage. Aussitôt après avoir traversé les centres nerveux, l'aorte fournit un gros tronc (tronc céphalique) qui se divise en trois branches qui sont : l'artère radulaire et les deux artères bulbaires. Artère radulaire. — La branche médiane remonte directement 264 1, JOYEUX-LAFFUIE. jusqu'au cul-de-saé qui contient la radula et elle y pénètre en sy ramifiant : c'est l'artère radulaire. Arteères bulbaires. — Les artères bulbaires sont les deux autres branches: elles embrassent, en passant de chaque côté et en sy accolant, le bulbe buccal. Chacune d'elles fournit des branches aux parois du bulbe buccal (pl. XV, fig. 1, /) et à la lèvre. Celle de droite fournit, de plus que celle de gauche, une branche assez considérable qui va se ramifier sur les organes de la reproduction, situés à la partie supérieure, c'est-à-dire à une partie du canal déférent et à la verge. Artère pédieuse. — Aussitôt après avoir donné le gros tronc cépha- lique, qui va se distribuer aux différentes parties de la tête, l'aorte se recourbe en avant des ganglions pédieux pour pénétrer dans le pied ; elle prend alors le nom d'artère pédieuse. Au moment où elle se recourbe, elle donne : une petite branche à la glande pédieuse, laquelle se bifurque en deux rameaux qui pénètrent dans la glande, et une autre branche peu volumineuse qui va se ramifier dans la parlie antérieure du pied. Après s'être recourbée, elle descend en avant et jusqu’au-dessous des centres nerveux. Là, elle se divise en deux branches qui se dirigent en divergeant de chaque côté du pied. Bientôt, chacune de ces branches, semblables et égales, pénètre dans le pied, qu'elle parcourt jusqu'à la partie inférieure en donnant un grand nombre de ramifications. Sang. — Pour se procurer du sang, on peut ouvrir un animal et aspirer au moyen d'une pipette le liquide de la cavité générale, qui, comme nous le verrons bientôt, n’est qu'un vaste sinus sanguin ; c'est le moyen employé habituellement, mais il est rare que par ce procédé on n'obtienne pas un sang mélangé à des cellules du foie ou à des éléments des différents organes contenus dans la cavité générale. Aussi, je crois qu'il est préférable d'ouvrir le péricarde, de percer le cœur avec une fine pipette et d'en aspirer le contenu. On dépose alors une certaine quantité de ce sang sur une lame, on recouvre d’une lamelle et on lute avec la paraffine, en ayant som d'opérer le plus vite possible, afin d'éviter l’évaporation. Le sang de l'Oncidie, comme celui d'un grand nombre de Mollus- ques que j'ai eu l’occasion d'examiner, est d'une teinte claire opales- cente due à la présence des globules; il se compose d'une partie hquide et d'une partie solide, comme chez les animaux supérieurs. ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE. 265 La partie liquide présenterait certainement un intérêt au point de vue de sa composition chimique ; mais on ne peut malheureusement pas songer à en faire l'analyse, vu la difficulté de s'en procurer une quantité suffisante. Sur une préparation fraichement faite, on peut facilement voir au bout de quelques instants la formation d'un réti- culum fibrineux qui englobe les corpuscules sanguins. La partie solide du sang est formée par des globules flottant dans la partie liquide. Ils sont en nombre considérable, de dimensions variables (pl. XV, fig. 6), et constitués par du protoplasma sans en- veloppe apparente. Ce sont, à proprement parler, de petites masses protoplasmiques présentant une teinte légèrement opaline. C'est la coloration des globules qui donne au sang sa couleur légèrement lac- tescente, opaline. Dès leur sortie des vaisseaux, les globules du sang sont complètement sphériques ou ovoïdes, sans prolongements d’au- cune sorte, tels que beaucoup d’entre eux sont figurés (pl. XV, fig. 6); mais, en examinant àttentivement, pendant un certain temps, le même globule, on le voit bientôt émettre des prolongements amæ- boïdes dans toutes les directions ; puis certains de ses prolongements se rétractent dans la masse, tandis que de nouveaux apparaissent dans d’autres points, et de cette façon il modifie constamment sa forme. La figure 7 de la planche XV montre un globule présentant des prolongements et dessiné trois fois à un quart d'heure d'intervalle. Non seulement les globules émettent et rétractent des prolonge- ments, mais en même temps ils se déplacent, se fusionnent et se di- visent ; il suffit de dessiner un groupe de globules à un moment donné, puis de le dessiner de nouveau une demi-heure après, pour n’avoir déjà plus la même figure (pl. XV, fig. 8 et 9). Quelques globules sont à peine visibles avec de forts grossissements, vu leurs petites dimensions. Parmi les plus volumineux, certains d'entre eux présentent dans leur intérieur de fines granulations. En faisant agir sur une goutte de sang préalablement étalée sur une lame de verre les vapeurs d'acide osmique, on fixe les globules, que l’on peut alors colorer, soit avec le picrocarmin, soit avec l'hématoxyline. Il est ainsi facile d'étudier le noyau, qui apparaît volumineux, avec la plus grande netteté. 266 J. JOYEUX-LAFFUIE, Système veineux. “ Si quelques auteurs, parmi lesquels je dois surtout citer Guvier et M. le professeur Vaillant, nous ont indiqué la position ducœur de l’On- cidie, l'aorte et les principales branches qu'elle fournit, sans toute- fois nous donner des détails suffisants, il n'en est plus de même pour le système veineux. Tout ce que renferment les descriptions des diffé- rents auteurs sur ce sujet est inexact ou erroné. La cause de ce fait tient, je crois, même cela est certain pour Cuvier, à ce que ces auteurs n'ont pas assez multiplié leurs injections. Il est en effet difficile, chez la plupart des Mollusques, de se rendre compte du trajet que parcourt le liquide sanguin d'après quelques injections bien réussies; j’ajou- terai même que des injections incomplètes donnent souvent des ren- seignements qu'il est impossible d'obtenir d'injections beaucoup plus pénétrantes. C’est ce que j'ai pu constater plusieurs fois. Comme je l'ai déjà dit, ayant eu à ma disposition des animaux en aussi grande quantité que je l’ai désiré, j'ai pu multiplier et varier les injections autant que je l'ai voulu ; aussi je n'exagère certes pas en disant que j'ai injecté plus d'une centaine d'individus. J'ai essayé les différentes masses à injection que l'on emploie le plus habituellement dans les laboratoires de zoologie, suif, chromate de plomb, gélatine colorée par le bleu soluble, etc. Je dois dire que ce sont les masses à la gélatine qui m'ont donné les meilleurs résul- tats. Il faut, pour s’en servir avec avantage, mettre une plus grande proportion de bleu soluble que ne l'indiquent les formules, et pousser modérément l'injection. En agissant ainsi, on peut injecter à froid et on ne risque pas de voir l'injection fuser à travers les vaisseaux" dans l'épaisseur des tissus. Pour injecter le système artériel, il suffit de pousser l'injection dans le ventricule pour ia voir bientôt pénétrer jusque dans les moin- dres ramifications artérielles; avec un peu d'habitude, l'injection réussit toujours et, grâce aux valvules situées entre le ventricule et l'oreillette, l'injection ne peut pénétrer dans cette dernière el, par conséquent, le système veineux ne s’injecte jamais. Si, au lieu du système artériel, on veut injecter le système veineux, le meilleur moyen et en même temps le plus simple consiste à pous- ser l'injection dans la cavité générale, ce qu'il est facile de faire en piquant la canule'de la seringue à travers le manteau; souvent, non seulement le système veineux se remplit, mais encore l'injection, ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE. 267 rrivant à l'oreillette, passe dans le ventricule, et le système artériel ’injecte plus ou moins complètement. Bien souvent, comme moyen le vérification des résultats que j'obtenais, j'injectais le système vei- eux par l'oreillette, en ayant préalablement lié l'aorte pour empê- her l'injection artérielle. Je voyais de cette façon la masse pénétrer lans tout le système veineux et bientôt arriver dans la cavité générale, loujours, dans un sens comme dans l'autre, ce sont les mêmes arties qui se sont injectées. | Les animaux les plus favorables aux injections sont ceux qui sont norts dans l’eau douce. Un animal bien injecté à la gélatine peut être mis à durcir dans ‘alcool pour être ensuite débité en coupes; je me suis servi de ce rocédé, qui m'a souvent donné de précieux renseignements, Le système veineux de l’'Oncidie se compose : 1° de la cavité gé- érale, qui n’est qu’un vaste sinus veineux; 2° du sinus médian et des inus pédieux ; 3° des sinus latéraux et des vaisseaux efférents de ces anus ; 4° des vaisseaux branchio-cardiaques. Examinons avec quelques détails chacune de ces différentes parties: 1° Cavité générale. — Nous connaissons déjà la disposition de la avité générale, j'en ai donné une description au chapitre [°° en décri- ant les cavités du corps de l’animal, ce qui me permet de n'y pas evenir de nouveau ici. Il me suffit d'ajouter que la masse viscérale ogée dans cette cavité ne la remplit pas complètement (pl. XV, ig. 2, c): entre la masse et les parois de la cavité, de même qu'entre es organes qui constituent cette masse, se trouvent des espaces qui sont continuellement remplis par le sang de l’animal. La masse vis- ‘érale est plongée pour ainsi dire dans le sang de la cavité générale, Les nombreux orifices que présente la cloison qui sépare la cavité rénérale en deux cavités secondaires permettent au sang de passer acilement d’une cavité dans l’autre, et font que l’on peut considérer a cavité générale comme une cavité unique. 2° Sinus médian et sinus pédieux. — Si l'on ouvre un animal injecté t qu'on enlève complètement tous les viscères contenus dans la >avité générale, on voit sur la ligne médiane du pied, ainsi que sur es côtés à la réunion du pied avec le manteau, trois séries longi- udinales d'ouvertures, en forme de boutonnières, qui font commu- hiquer la cavité générale avec trois gros vaisseaux où sinus longitu- dinaux, un médian, le seul qui nous occupe en ce moment, et deux latéraux que nous allons bientôt examiner. 268 J. JOYEUX-LAFFUIE,. .: Le sinus médian commence au-dessous de la glande pédieuse, au niveau des centres nerveux, et se termine en bas en se réunissant aux sinus latéraux au point où le tube digestif et les organes génitaux traversent les téguments. Il communique d’une part avec la cavité générale par un nombre variable, mais toujours assez considérable, d'ouvertures en boutonnières; d'autre part, avec de nombreux sinus situés däns l'épaisseur du pied. Ces ouvertures en boutonnières, de même que celles qui donnent accès dans les sinus latéraux, sont constituées par l'écartement de fibres musculaires faisant partie du pied pour le sinus médian et du manteau pour les sinus latéraux. Ces fibres, dirigées transversalement, tapissant pour ainsi dire la cavité générale, en passant sur les sinus, s'écartent en certains points et constituent ainsi ces nombreuses ouvertures. Pour le sinus médian, cesorifices sont situés sur sa paroi postérieure. Sur les parois latérales ainsi que sur la paroi antérieure sont placés des orifices de forme va- riable et irrégulièrement disposés qui communiquent avec tout un système de sinus situés dans le pied et que je désigne sous le nom de sinus pédieux (pl. XV, fig. 2, sp). Les sinus pédieux dépendent du sinus médian, c'est la raison qui me les fait décrire dans le même paragraphe. Ces nombreux sinus pédieux sont disséminés dans toute l'épaisseur du pied; ce sont des sortes de vaisseaux variqueux irrégulièrement disposés, communiquant tous ensemble et par cela même avec le sinus médian duquel leur vient le sang qui les remplit. Ont-ils des parois propres et avons-nous affaire à de véritables sinus ? ou sont-ce simplement des lacunes sans limites bien nettes ? Je ne saurais me prononcer pour l'une de ces opinions, n’ayant pas cherché à distinguer si, oui ou non, il ÿ a un épithélium tapissant leurs parois. Mais, du moment que chez tous les Mollusques où l’on a cherché cet épithélium on l'a rencontré, je ne vois pas de raison pour que l’Oncidie fasse exception à la règle ; aussi jusqu’à preuve du contraire je considère ces espaces veineux comme de véritables sinus. Avec un système de sinus aussi développé, le pied peut être con- sidéré comme un véritable organe érectilé, et le rôle de ces sinus est en effet d'augmenter ou de diminuer son volume. L'animal étant contracté, veut-il gonfler son pied pour se mettre en marche, il fait arriver dans les sinus pédieux, par l'intermédiaire du sinus médian, une certaine quantité de sang de la cavité générale ; aussitôt le pied se gonfle, atteint des dimensions plus considérables, devient turgide ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE. 2ç2 t peut dans cet état servir à la marche. Au contraire, veut-il se con- racter et pour ainsi dire faire disparaître son pied, il contracte les bres musculaires qui constituent cet organe, et chasse ainsi dans la avité générale une partie du sang contenu dans les sinus pédieux ; » pied peut diminuer ainsi considérablement de volume et devient ans cet état impropre à la locomotion. On le voit, il y a une sorte de balancement entre le sang contenu ans la cavité générale et celui que renferment les sinus pédieux, quel balancement est en rapport avec l’état de locomotion ou de epos de l'animal. Le sang qui de la cavité générale passe dans les sinus pédieux ne eut que retourner dans la cavité générale ou passer en partie dans > sinus latéraux au point où les trois sinus se réunissent inférieu- ement ; mais il ne saurait jamais, de ces sinus pédieux, retourner u cœur sans passer par les sinus latéraux. On peut donc con- idérer, au point de vue de la circulation, le sinus médian et les inus pédieux comme une dépendance de la cavité générale et non omme faisant partie du circuit que parcourt le sang pour retourner u cœur. Sinus latéraux et vaisseaux efférents de ces sinus. — Les sinus laté- aux sont de grands canaux veineux analogues au sinus médian et lacés comme ce dernier près de la cavité générale, avec laquelle ils ommuniquent d'une facon identique. Ils sont situés sur les côtés le l'animal et près du point où le manteau se réunit au pied (pl. XV, g. 4 et 2,zety);1ils parcourent ainsi tout le bord du manteau à la ace interne. Ils commencent supérieurement près de la ligne mé- iane, sans cependant communiquer en ce point, et se terminent niérieurement en se réunissant entre eux et avec le sinus médian n un point situé sur la ligne médiane (pl. XV, fig. 1, w). Ils offrent à eu près partout les mêmes dimensions, si ce n’est cependant à la artie supérieure, où ils sont moins importants. Chacun d’eux com- nunique avec la cavité générale par une série d'’orifices en bouton- uères, offrant une disposition semblable à ce que nous avons déjà vu our le sinus médian. De ces sinus latéraux partent un grand nombre le vaisseaux qui pénètrent et se ramifient dans l'épaisseur du man- eau. Le mode de distribution de ces vaisseaux mérite qu'on s'y arrête in instant, Leur nombre pour chaque sinus est très variable, mais toujours ssez considérable ; ils se dirigent, en traversant le manteau, vers la 270 3. JOYEUX-LAFFUIE. face externe de celui-ci; chemin faisant, ils se ramifient peu, surtout à l’origine; mais, arrivés près de la face externe, c'est l'inverse qui a lieu. Là, en effet, ils donnent de nombreuses ramifications qui constituent un riche réseau vasculaire, situé immédiatement au-des- sous de l’épithélium du manteau. Non seulement ce riche lacis vasculaire existe à la surface du man: teau, entre les papilles qu’on y rencontre, mais il existe aussi et surtout sur ces papilles (pl. XV, fig. 4); il est constitué par une quantité de fins vaisseaux s’anastomosant entre eux et formant des sortes de mailles irrégulières très étroites. Chaque papille ou tubercule reçoit même un rameau spécial qui vient s’y distribuer. C'est le vaisseau a/f/érent de la papille (pl. XV, fig. 4, a). De ce vaisseau partent un grand nombre de ramifications qui forment le lacis vasculaire situé dans la papille. Le SANS ŒUI A parcouru ces nombreuses mailles se rend dans un vaisseau analogue au premier et occupant dans la papille une situation opposée : c'est le vaisseau efférent de la papille. Ces deux vaisseaux af/érent et efférent sont situés plus profondément dans l'épaisseur des papilles que le Jacis vasculaire, qui, lui, occupe un plan plus extérieur. Je reviens drai plus bas, au chapitre de la /espiration, sur la circulation dans ces papilles, que je considère comme de véritables branchies. Ce lacis vasculaire existe aussi sur la partie du manteau située à la face antérieure de l'animal ; peut-être y est-il moins riche qu'à la partie dorsale, cependant il présente encore Ià une grande richesse vascus= laire, A la partie inférieure de l'animal, outre les vaisseaux qu'émets tent les sinus latéraux et que nous venons de voir aller se ramifier à la surface du manteau, ils fournissent aussi des vaisseaux à l'organe de Bojanus ; ces vaisseaux pénètrent dans les cloisons qui constituent la charpente de cet organe et s’y ramifient. Vaisseaux branchio-cardiaques. — Les vaisseaux que je désigne sous le nom de branchio-cardiaques sont au nombre de deux; quois que volumineux et faciles à distinguer, ils n’ont pas été signalés jus qu'ici. Guvier le premier, et les auteurs qui l'ont suivi ensuite; pensaient que le sang était porté à l'oreillette par des vaisseaux puls monaires. Nous venons de voir qu'il n'en est rien,et je vais montrer que le retour du sang à l'oreillette se fait d'une tout autre manière. Les vaisseaux branchio-cardiaques sont situés dans l'épaisseur du manteau et sur les parties latérales, Je dirai sur les flancs, en em ployant une expression inexacte, mais qui peut servir à indiquer ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE. 971 eur situation (pl. XV, fig. 4 et 2, vg, vd). Ils partent de la partie upérieure du manteau et se rendent à la base de l'oreillette, dans aquelle ils se déversent. Celui de droite (vd), moins important que elui du côté gauche, va de la partie supérieure du manteau à l'oreil- ette ; arrivé dans la région péricardique, il passe en arrière de cette avité, qu’il contourne, pour s'ouvrir à la base de l'oreillette, en un' oint voisin de celui où débouche le vaisseau branchio-cardiaque du ôté gauche (v). Sur un animal injecté, il suffit d’enlever le cœur pour voir par ransparence ce vaisseau passer en arrière de la paroi du péricarde. in fendant le manteau dans la région qu'il parcourt, on en distingue acilement la lumière sans que l'animal ait été injecté. Souvent, j'ai oussé une injection dans ce vaisseau dans la direction du cœur, et ai vu immédiatement l'oreillette et le ventricule se remplir. Ce vaisseau branchio-cardiaque droit recoit un grand nombre le vaisseaux moins volumineux, cheminant dans l'épaisseur du man- eau et lui apportant le sang qui a parcouru le lacis vasculaire de la urface du manteau et des papilles. Comme on doit considérer ces arties comme faisant fonctions de branchies et que ce vaisseau du Ôté droit, ainsi que celui du côté gauche, en ramènent le sang au œur, je leur ai, pour cette raison, donné le nom de vaisseaux bran- hio-cardiaques. Le vaisseau branchio-cardiaque du côté gauche part, comme celui lu côté droit, de la partie supérieure, près de la ligne médiane; puis | descend jusqu'à la partie inférieure, qu'il contourne, pour remon- er ensuite du côté droit, jusqu'à la base de l'oreillette, où il débou- he. On le voit, il a un parcours beaucoup plus considérable que le raisseau du côté droit, et cependant il n’est pas beaucoup plus volu- nineux. Outre les nombreux vaisseaux ramenant le sang de la partie lu lacis vasculaire superficiel qui occupe le côté gauche et la partie nférieure du manteau, il recoit encore le sang qui a traversé l'organe irinaire ou organe de Bojanus. A la partie inférieure du manteau, e vaisseau branchio-cardiaque gauche contourne le rein et lui est our ainsi dire accolé (pl. XV, fig. 2, vg)1. Il s'ouvre dans l'oreillette en un point voisin de celui où débouche le vaisseau branchio-car- diaque du côté droit, 1 Cetie coupe portant sur la partie inférieure de l'animal, c’est la lumière du même vaisseau branchio-cardiaque gauche que l'on voit des deux côtés et c'est par erreur que l’on & placé les lettres vd au lieu de wg du côté gauche, 22 J. JOYEUX-LAFFUIE. Maintenant que nous venons de passer en revue les différents organes qui font parlie de l'appareil circulatoire, il est facile de se rendre compte du trajet que parcourt le sang dans cet appareil. Lancé par le cœur dans le système artériel, le liquide sanguin parcourt celui-ci jusque dans ses plus fines ramifications ; mais ces artérioles, au lieu de se continuer avec un système de veines, comme cela a lieu chez les animaux supérieurs, ainsi que chez quelques. Mollusques, perdent leurs parois et le sang tombe dans la cavité gé- nérale. Je dois ici faire remarquer en passant que le pied est la seule partie des téguments qui reçoive du sang artériel par l'artère pédieuse. Le manteau, organe important, charnu, épais, volumineux, ne recoit pas la moindre petite artériole. De la cavité générale, le sang passe par les trois séries de fentes en boutonnières dans les trois sinus, le sinus médian et les deux sinus latéraux, qui se réunissent à la partie inférieure de l'ani- mal. Nous avons peu à nous occuper du sang qui pénètre dans le sinus médian; une partie peut bien passer dans les sinus latéraux par le point où il communique avec ceux-ci; mais la plus grande partie, pour ne pas dire tout, pénètre dans les sinus pédieux, d'où elle ne peut que ressortir dans la cavité générale, en suivarit un trajet inverse. Il n’en est pas ainsi pour les sinus latéraux. La plus grande partie du sang qui pénètre dans leur intérieur est distribuée par les vaisseaux efférents de ces sinus à tout le manteau et, finalement, au lacis vasculaire superficiel. Là il se vivifie, s'oxygène et passe dans les vaisseaux afférents aux troncs veineux branchio-cardiaques. Une portion du sang contenu dans leur intérieur est distribuée au rein ou organe de Bojanus ; puis, reprise par les vaisseaux efférents de cet organe, elle est versée dans le tronc branchio-cardiaque gauche, Le sang peut donc arriver dans les vaisseaux branchio-car- diaques par deux voies différentes, en passant par l'organe de la respiration et en traversant celui de la dépuration ou organe de Bojanus. Des vaisseaux branchio-cardiaques, le sang passe dans le cœur, pour être de nouveau lancé dans le système artériel, et ainsi de suite, Cuvier', dans son mémoire sur l'Oncidie de Péron {Onchidium 1 Cuviér, Mémoire sur l’Onchidie, genre de Mollusques nuds voisins des Limaces, el sur une espôce nouvelle, Onchidium Peronii (Ann, du Muséum, vol, V),. ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE. 213 Peronii), donne du système artériel une description succincte et en grande partie concordant exactement avec ce que j'ai observé chez l'espèce étudiée ici. Il n’en est plus ainsi du système veineux. Consi- dérant l'organe de Bojanus comme un poumon, il dit: « Le sang vient dans le poumon par deux grands vaisseaux situés sur les deux côtés du corps, absolument comme dans l’Aplysie, c'est-à-dire qu'ils sont creusés dans l'épaisseur des chaïirs et enveloppés par des rubans musculaires qui se continuent et se perdent dans les autres muscles du pied. Ils sont revêtus par dedans d’une membrane fine que je n'ai pu apercevoir dans l'Aplysie et qui les empêche de communi- quer aussi directement avec la cavité du ventre. » Et un peu plus loin, il ajoute : « Ces petits vaisseaux, outre les petites veines qui leur arrivent de l'épaisseur des chairs, en reçoivent beaucoup d’autres des viscères ; j'en ai représenté une partie de celles qui viennent du foie et de l'intestin (fig. 4). Ces petites veines passent entre les ru- bans musculaires pour aboutir à chaque grosse veine latérale. » Evidemment, ce que Cuvier désigne par lexpression de « deux gros vaisseaux situés sur les deux côtés du corps... » ne peut être que les sinus latéraux, et les vaisseaux qui en partent ont été pris par lui pour des vaisseaux afférents. Ce qu'il indique comme étant des veines se rendant des viscères dans les sinus latéraux ne peut être ex- pliqué qu'en admettant qu'il a pris des tractus celluleux pour des vais- seaux. Dans le reste de sa description, il n’est nulle part question de ce que j'ai désigné sous les noms de : sinus médian, sinus pédieux, vaisseaux branchio-cardiaques, etc. De la circulation veineuse, il n avait entrevu que les sinus latéraux; aussi, la description qu'il en a donnée est complètement inexacte. Les auteurs qui, depuis Cuvier, se sont occupés de l'anatomie des Oncidies, ont admis comme exacte sa description du système vei- neux et ne nous ont donné rien de nouveau sur ce sujet. C’est ainsi que M. le professeur Vaillant’, qui consacre seulement quelques lignes à cette partie importante de l'appareil de la circulation, dit : « Le sang revient au cœur, en grande partie au moins, par des vais- seaux veineux situés dans les parois dorso-latérales, vaisseaux qui débouchent dans deux grands sinus latéraux (veines de Cuvier). Ces sinus se rendent eux-mêmes dans les vaisseaux pulmonaires, » 1 VAILLANT, Remarques anatomo-300logiques sur l'Oncidium celticum(Comptes ren- dus de |’ Acad, des sc., vol. LXXIII, 1871). ARCH, DE ZOOI, EXP, ET GEN, — T. X. 1889. 1S 974 3. JOYEUX-LAFFUIE. Enfin, MM. Crosse et Fischer !, dans leur anatomie du genre Onci- diella, donnent une description succincte du système artériel, mais n'indiquent même pas la présence d’un système veineux. Ces données incomplètes et inexactes sur la circulation veineuse n'étaient pas de nature à montrer l'organe de la respiration et ont, au contraire, porté les auteurs à considérer l’organe de Bojanus comme étant un véritable poumon. J'aiici décrit la circulation avant la respiration, contrairement à ce que font plusieurs auteurs dans leurs descriptions d'animaux ; cela était nécessaire. La circulation connue, il devient beaucoup plus facile de comprendre la respiration. CHAPITRE V RESPIRATION. Restant autant que possible sur le terrain de l'observation pure, abordant parfois celui de l’expérimentation, et me gardant de me livrer à des théories, je vais essayer de montrer ce que les idés ad- mises jusqu'à ce jour sur la respiration de l'Oncidie ont d'inexact et d’'incomplet. Avant d'aborder la description de l’appareil respiratoire, il est né- cessaire, je crois, de donner un aperçu des opinions émises par les auteurs qui se sont occupés de l’organisation des Oncidiadæ. Cuvier, dans son mémoire sur l'Oncidie de Péron (Oncidium Pe- ronit), décrit comme organe unique de la respiration le rein, qu'il prend pour un poumon et qu'il compare au poumon de la Limace terrestre et du Colimaçon des jardins. Cependant, ce n’est pas sans étonnement qu'il observe un poumon chez un animal que Péron lui a certifié avoir toujours trouvé dans l’eau ; il s'explique cette parti- cularité en disant: «Je pense du moins qu'il vient à la surface ou- vrir son orifice, et prendre pour respirer de l'air en nature, comme le font nos Bulimes et nos Planorbes, qui, bien qu'aquatiques, ne respirent cependant que dans l'air», Dans sa description, il dit : « Les parois latérales et supérieures de la cavité pulmonaire sont seules garnies de ce lacis de vaisseaux, qui leur donne une appa- rence tout à fait spongieuse, Le plancher, ou la paroi inférieure, est 1 Crosse et Fiscuen, Etudes sur les Mollusques terrestres et fluvialiles (Mission scientifique au Meæique et dans l'Amérique centrale, 7° partie, 1878). ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE. 275 simplement membraneux. C’est dans ce plancher, en arrière, qu'est percé le trou qui établit une communication entre cette chambre pulmonaire et l'élément ambiant". » Il n'est point étonnant de voir Cuvier, qui n’a eu à sa disposition que des animaux conservés dans les liquides, prendre le rein pour le poumon. A cette époque, on ajoutait moins d'importance et l’on connaissait d’une façon très in- complète l'organe de Bojanus, auquel on faisait remplir des fonctions très diverses. De plus, chacun connaît la délicatesse du tissu rénal des Mollusques, et sait avec quelle facilité les liquides conservateurs l'altèrent. La cellule rénale, si caractéristique sur le frais, devient méconnaissable chez les animaux conservés. Aujourd'hui, la présence chez un être d’un organe dépurateur est pour nous d'une aussi grande importance que celle d’un organe respirateur., Au temps de Cuvier, l'organe dépurateur était chez les Mollusques un organe secondaire auquel on attribuait le rôle soit de sécréter la viscosité, comme le pensait Cuvier?, soit de séparer du sang une matière calcaire destinée à être versée dans l'intestin, comme le croyait Swammerdam », etc. Aussi, pensait-on que sa présence n'avait rien de constant, et il est naturel de voir Cuvier ne point en indiquer l'absence chez l'Oncidie, alors que pour lui le manque de poumon eût été un fait des plus remarquables. Ehrenberg* est porté à penser que la respiration des Oncidies est cutanée plutôt que pulmonaire, mais il ne donne aucune preuve de ce fait. Cependant, c'est lui qui met en doute pour la première fois la respiration pulmonaire chez ces animaux. M. H. Milne-Edwards*, dans son traité d'anatomie comparée, guidé par des idées de morphologie générale d’une grande justesse, et mal- gré l'opinion de Guvier, se rallie à l’idée d'Ehrenberg : « La poche décrite jusqu'ici, dit-il, sous le nom de poumon, me paraît être un appareil dépurateur comparable à la glande urinaire des autres Gas- téropodes, et je suis porté à croire, avec M. Ehrenberg, que la respi- ration des Onchidies est cutanée plutôt que pulmonaire. » ! Cuvier, on le voit, place l'animal, comme beaucoup d'auteurs, le pied inférieure- ment, la tête en avant, de sorte que sa face inférieure est pour nous la face anté- rieure, etc. ? Cuvier, Mémoire sur la Limace et le Colimaçon. $ SWAMMERDAM, Biblia naturæ, t, I. * LHRENBERG, Symbolæ physicæ, seu u Icones et descripliones animalium evertebrato- rum, decas prima, 1831, ® H, Mirxe-Epwarps, Leçons sur la physiologie et l'anatomie comparées de l'homme el des animaux, vol, IT, 1857, 276 J. JOYEUX-LAFFUIE. M. Vaillant!, voyant l'Oncidie vivre dans l’air et dans l’eau, pense que la respiration se fait de deux manières : par la cavité dite pul- monaire et par la peau. Il est curieux de voir comment il arrive à penser que la respiration peut être cutanée, En s'appuyant sur un fait anatomique inexact, cet auteur conclut que la respiration doit être en partie cutanée. Il dit: «Les veines dorso-latérales ramè- nent évidemment du sang hématosé de la surface cutanée, leur dis- position l'indique suffisamment. » Or, nous venons de voir dans le chapitre précédent que les veines dorso-latérales, qui ne sont autres que les vaisseaux que j'ai désignés sous le nom de vaisseaux efférents des sinus latéraux, ont pour fonction d’emporter le sang des sinus latéraux et non de leur en apporter; en un mot, ce sont des vaisseaux efférents, et non des vaisseaux afférents, comme le pense M. Vaillant. Il est du reste, je crois, bien plus porté à croire à une respiration cutanée par les mœurs de l’animal que par son organisation, c'est du moins ce que semble indiquer le reste de sa description. Albany Hancock *?, malgré ses dissections incomplètes, comme il l'annonce lui-même, indique le rein comme étant un poumon. Enfin Ihering ?, revenant aux idées d'Ehrenberg, pense comme M. Vaillant que la respiration peut se faire dans l'air par la cavité pulmonaire à l'extrémité postérieure de l'animal et dans l’eau par la peau et les appendices branchiaux. MM. Fischer et Crosse * acceptent l’opinion-de Cuvier : « La des- cription très exacte du poumon de l’Oncidium Peront donnée par Cuvier nous dispense, disent-ils, d'indiquer de nouveau une struc- ture analogue chez l'Oncrdiella celtica. » En résumé, on voit que Cuvier croit à la respiration pulmonaire seulement. Ehrenberg pense que la respiration est pulmonaire et cu- tanée ; c'est aussi l'opinion de Vaillant et Ihering ; Hancock, Crosse et Fischer semblent retourner à l'opinion de Cuvier. Enfin, H. Milne- Edwards est le seul auteur à ma connaissance qui émette des doutes sur la nature du prétendu poumon et qui inchine à le considérer plutôt comme un rein. J'espère dans le chapitre suivant prouver l'exactitude de cette idée, la seule qui doive être admise. 1 VaiLLanT, Remarques analomo-z00logiques sur l’Oncidium celticum (Comptes ren- dus de l'Acad, des sc., vol, LXXIII, 1871). 2 In Forges et HanLey, British Mollusca, 3 IHERING, Ueber die systematische Slellung von Peronia, und die Ordunng der Ne- dhropneusta, 1877. + Fiscuer et Crossr, ouvrage déjà cité, ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE. 217 L'Oncidie peut respirer dans deux milieux différents, dans l’eau et dans l'air: dans l’eau la respiration se fait par les papilles dor- sales et la peau, dans l'air par le rein ou organe de Bojanus. Il suffit d'injecter une Oncidie et d'en examiner la surface du manteau et les papilles qui la garnissent pour voir immédiatement que ces parties doivent servir à la respiration. C’est en effet là le principal organe de la respiration chez cet animal. Pour bien étudier le riche lacis vasculaire que renferment les papilles ainsi que le manteau, il faut, après avoir injecté un animal à la gélatine colorée par le bleu soluble, faire des coupes tranver- sales des papilles et d’autres perpendiculaires à la surface du manteau. On voit alors facilement que les vaisseaux efférents des sinus laté- raux qui se dirigent vers la surface externe du manteau, se ramifient peu à leur point de départ ainsi que dans l'épaisseur du manteau ; mais, arrivés près de la surface, ils se divisent en un très grand nombre de branches qui, en s’anastomosant entre elles, forment, comme nous l'avons déjà vu, ce riche lacis vasculaire superficiel qui occupe toute la surface du manteau. En étudiant une papille, on voit très nettement qu’elle renferme un vaisseau afférent (pl. XV, fig. 4, a) qui, en la parcourant de sa base au sommet, donne de nombreux rameaux qui vont former le lacis vasculaire situé près de sa surface. Le sang, après avoir circulé dans ce réseau, passe dans un autre vaisseau longitudinal situé du côté opposé au vaisseau afférent : c’est le vaisseau efférent, qui, en S'anastomosant avec d'autres vaisseaux qui comme lui recueillent le sang du lacis vasculaire superficiel, va se jeter dans un des troncs branchio-cardiaques. Evidemment, chacun reconnaît là le mode de Girculation que l’on observe habituellement dans une branchie, c’est- à-dire un vaisseau afférent et un vaisseau efférent réunis par de nombreuses et fines anastomoses. Aussi, je n’hésite pas à considérer Ces papilles comme de véritables branchies en tout comparables aux branchies de certains Nudibranches. On m'objectera, je le sais, qu’elles n'en ont pas la délicatesse et par conséquent pas la même puis- sance respiratoire. Certainement oui, elles sont plus primitives, plus charnues, moins développées, moins délicates; mais aussi elles sont en nombre bien plus considérable, puisque toute la surface du man- teau en est recouverte, et que cette surface elle-même, dans l’espace situé entre ces papilles branchiales, est admirablement organisée pour 278 J. JOYEUX-LAFFUIE. la respiration. Il faut aussi tenir compte du petit volume de l’ani- mal; dans des espèces d’une taille plus considérable, dans la Peronia verruculata Cuv., par exemple, dont Savigny ! nous a donné une bonne figure, ces papilles branchiales atteignent un volume plus considérable et présentent un grand nombre de ramifications. On ne peut objecter que la mince membrane cuticulaire qui recouvre l’épithélium du manteau soit un empêchement à la respira- tion ; des animaux à respiration beaucoup plus active, tels que cer- tains Crustacés, ont leurs branchies recouvertes par une membrane cuticulaire beaucoup plus résistante ; il suffit d’avoir examiné la cara- pace qu'abandonne un Crabe où un Homard, lorsqu'il mue, d’avoir vu le squelette extérieur quirecouvrait ses branchies, pour se convaincre que cette mince cuticule ne peut entraver la respiration. J'ajouterai même qu'il est très naturel de trouver des branchies aussi rudimen- taires, aussi résistantes chez un animal qui deux fois dans l’espace de vingt-quatre heures reste à sec pendant un certain temps: des branchies délicates, analogues à celles qu’on trouve chez plusieurs Nudibranches vivant dans de plus grandes profondeurs, n’ont ici aucune raison d'être. À marée basse, n'étant plus soutenues par l’eau qui les fait pour aïnsi dire flotter, elles s’affaisseraient et ne seraient plus d'aucune utilité; de -plus, le moindre rayon de soleil ou la plus petite brise de mer les dessécherait immédiatement. Ces papilles branchiales sont disséminées sur toute la surface du manteau, celles de la partie inférieure présentent une longueur un peu plus considérable que fcelles de la partie supérieure. Un certain nombre parmi celles qui sont situées sur le bord du manteau, offrent à leur extrémité l'orifice du canal excréteur d'une glande située à leur base dans l'épaisseur du manteau. Maintenant que nous connaissons l'appareil de la respiration aqua- tique, voyons comment et dans quelles conditions l'animal s'en sert, en un mot comment il respire. Pendant l’espace de temps où cet animal est recouvert par la mer, c'est-à-dire à marée haute, on comprend très bien qu'avec un appa- reil comme celui que nous venons de voir, il puisse ‘respirer facile- ment. La mer vient-elle à baisser, 1l reste encore, avant de sortir, un certain temps dans ses demeures, qui sont toujours remplies d'air saturé d'humidité et dont les parois imprégnées d'eau de mer iSaviGNY, Description de l'Egypte. Zool., Moll. Gastéropodes, pl. NI. ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE. 219 ruissellent constamment; pendant ce temps on concoit facilement que, toujours recouvert d'humidité, il puisse encore respirer au moyen de son manteau et des papilles branchiales qui le recouvrent. Sort-il de ces demeures, ce n'est guère, comme nous l'avons vu, en nous occupant de ses mœurs, que pendant un espace de temps de deux à trois heures ! par jour, autant que cela peut être apprécié, même je crois pendant un espace de temps moindre, car il n’est pas certain que le même individu sorte une fois toutes les vingt-quatre heures ; encore ici je ne parle que pour la belle saison, ces animaux restant l'hiver pendant fort longtemps sans sortir à l'extérieur. Enfin, si l'on observe l'animal pendant les deux ou trois heures qu il passe à ramper sur les rochers, on le voit sortir couvert d'humi- dité, et dès qu'il commence à être desséché soit par la brise, soit, pendant les beaux jours, par les rayons du soleil, il contracte ses papilles branchiales et se hâte de regagner ses retraites. Je dois ajouter ici que partout où j'ai observé l'animal, à Doun, à Morgate, aussi bien qu'à l’île aux Moutons, je l'ai vu habiter de préférence, même souvent exclusivement, les flancs des rochers exposés soit au nord, à l’est ou à l’ouest; le côté ouest est en général le plus habité, tandis qu’au contraire on ne trouve en général que de rares individus sur les côtés regardant le sud, par conséquent les plus exposés aux rayons du soleil. Malheur aux individus qui, par un temps clair et sec, ne peuvent regagner leurs retraites et demeurent trop longtemps {exposés aux rayons du soleil ! Bien vite desséchés, ils périssent inévitablement; j'en ai parfois observé qui étaient ainsi morts sur les rochers. Lorsque l’animal rampe à la surface des roches dans les interstices desquelles il habite, on le voit parfois relever le bord inférieur de son manteau dans les points voisins de l'orifice de l’organe de Bojanus, et ouvrir cet orifice à la manière d’une Limace qui ouvre son orifice pul- monaire. Tous les zoologistes qui ont observé ce fait, par analogie avec ce que l’on voit chez les Gastéropodes pulmonés, ont été entraînés à considérer l'organe de Bojanus comme étant un poumon analogue à celui qui s’observe chez les Limaces et les Hélix. Evidemment, cette simple apparence extérieure dans l’orifice de 1 Je tiens ici à rappeler que le même individu ne sort pas à toutes les basses mers; il suffit, pour s’en convaincre, d'ouvrir les fentes qui constituent les demeures de ces animaux, pour en trouver un très grand nombre disposés par petits tas et immobiles. : 280 J. JOYEUX-LAFFUIE. l'organe de Bojanus ne peut servir à établir des homologies, pas plus que des analogies, entre deux organes si différents au point de vue anatomique. On sait que les Gastéropodes pulmonés ne peuvent supporter longtemps une immersion dans l’eau douce, une Limace ou un Hélix y périssent au bout d’un à deux jours. Les Pulmonés aquatiques sont obligés de venir respirer l’air en nature à la surface du liquide. Si donc l'Oncidie est un Pulmoné, elle doit ne pouvoir supporter longtemps une immersion prolongée dans l’eau de mer. Cependant M. Vaillant uous dit: « Si l’on place dans de l'eau de mer, en l'y maintenant, un de ces animaux, contrairement à ce qu'ont avancé plusieurs auteurs, il y vit fort bien et ne peut cependant alors res- pirer que par la peau. » Afin de voir moi-même ce qu'il en est à ce sujet, J'ai fait l'expérience suivante: j'ai placé plusieurs Oncidies dans un gros tube en verre, et après l'avoir fermé à ses deux extré- mités avec de l’étamine, de façon à permettre une facile circula- tion de l’eau, je l’ai placé ! de manière à ce que, mème aux plus basses mer, il se trouvait au moins à 50 centimètres au-dessous du ni- veau de l'eau. J'ai pu ainsi, plusieurs travailleurs présents aulaboratoire de Roscoff en ont été témoins, faire vivre tous les individus contenus dans le tube pendant plus d’un mois, et cela sans qu'aucune nourri- ture leur fût donnée, et sans qu'ils en aient témoigné d'une façon quelconque la moindre atteinte à leur activité habituelle. Au bout de ce temps il m'a suffi de les sortir du tube et de les placer sur des Fucus à l'air libre, pour les voir immédiatement ramper et chercher leur nourriture. Je dois encore ajouter que, malgré toutesles précau- tions prises, ces animaux se trouvaient dans un milieu liquide beau- coup moins aéré que celui où ils vivent habituellement. Il est intéressant de faire remarquer en passant que si l'appareil de la respiration aquatique chez ces animaux présente une grande simplicité et est loin d'offrir toute la délicatesse qu'on observe chez celui de beaucoup de Nudibranches, en revanche ils vivent dans un milieu beaucoup plus aéré. La mer, venant constamment se briser sur les rochers qu'ils habitent, contient naturellement à l'état de 1 J'ai pour cette expérience trouvé au laboraloire de Roscoff une installation très favorable, Un grand vivier construit en mer par les soins de M. de Lacaze- Duthiers, en face du laboratoire, et destiné à placer les animaux dans les condi- lions où ils vivent habituellement, permet de se livrer à un grand nombre d’ex- périences sans craindre d’être dérangé par les pêcheurs qui parcourent la grève, ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE. 281 dissolution une quantité d'air beaucoup plus considérable qu'au large et que dans les grands fonds. La pauvreté anatomique, si tou- tefois elle existe, est ici largement compensée par la richesse du mi- lieu ambiant. Delle Chiaje ! a signalé dans la Méditerranée une espèce d’Oncidie qu'il a désignée sous le nom de Peronia Parthenopeia. Dans cette mer sans marées, il serait intéressant d'étudier les mœurs de ces animaux. En captivité, dans un bocal en verre contenant de l’eau de mer, comme l'ont indiqué Audouin et Milne-Edwards ?, on voit ces ani- maux ramper le long des parois, s'élever au-dessus du niveau de l’eau et venir se placer en petits tas près de l'ouverture du bocal; dans ces conditions ils sont placés dans une atmosphère saturée d'humidité et peuvent y vivre un certain temps ; quoique cependant on les voie souvent descendre vers le tiquide, y pénétrer et souvent y rester complètement recouverts par l’eau de mer pendant plusieurs Jours. Cette petite quantité d'eau, peu aérée, souvent altérée, n’est guère favorable à la respiration, et explique, jusqu'à un certain point, pourquoi ces animaux, ‘qui ont besoin d’un milieu très riche, cher- chent à se maintenir au-dessus du niveau. Les nombreux faits que je viens d’énumérer, soit anatomiques, soit physiologiques, soit sur les mœurs, prouvent suffisamment, Je crois, que le manteau et les papilles branchiales qui le recouvrent sont de véritables organes de respiration; la manière dont se fait la circulation en est une preuve confirmative. Après avoir examiné de quelle façon se fait la respiration dans l'eau, voyons maintenant comment elle s'effectue dans l'air. Il suffit d'observer des Oncidies rampant à l'air libre pour voir que très souvent ces animaux maintiennent le bord inférieur de leur manteau relevé et leur orifice rénal largeraent ouvert; c'est là un fait qui, sans aucun doute, a porté un certain nombre d'auteurs à considérer, sans plus de recherches, cet organe comme un poumon. Cependant il n’y a rien là, comme nous le verrons plus loin en étu- diant l'organe rénai ainsi que son développement, de comparable au poumon des Gastéropodes pulmonés. Il est vrai de dire que tout porte à attribuer à cet organe rénal un rôle dans la respiration, et je crois, 1 DeLLe Quiaye, Descrizione e notomia degli animali senza vertebre della Sicilia , vol. IT, p. 13, pl. XLVI, 1841. ? AUDOUIN et Mizxe-Enwarps, Recherches pour servir à l'histoire nalurelle du littoral de la France, vol. I, p. 118, 1832. 282 J. JOYEUX-LAFFUIE. en effet, que, grâce à sa cavité interne assez considérable et à sa richesse vasculaire, il remplit des fonctions de respiration en même temps que des fonctions de sécrétion; la façon dont cet animal en tient l'ouverture béante à l'air libre, etau contraire complètement fermée lorsqu'il est sous l’eau, semble l'indiquer. Chez la plupart des Gastéropodes, le rein et la cavité respiratoire sont bien développés et complètement distincts, tandis que chez l'On- cidie le rein seul se développe et cumule les fonctions de sécrétion et de respiration aérienne. J'insiste avec intention sur ce point; car il ne faudrait pas croire, comme on pourrait le penser, qu'il y a à mélange de l'organe rénal avec l'organe pulmonaire. La respiration qui s'effectue par le rein est beaucoup moins im- portante que celle qui a lieu par les papilles branchiales et par la peau, l'expérience qui consiste à maintenir des Oncidies sous l’eau le prouve. Nous avons vu, en effet, que ces animaux ainsi submergés vivent fort bien, tandis que, privés d’eau de mer, et à l'air libre, ils périssent bientôt. CHAPITRE VI. SÉCRÉTIONS. J'aurais pu, en décrivant les téguments, parler des glandes du manteau ainsi que de la glande pédieuse ; mais j'ai préféré réunir dans un même chapitre toutes les glandes à sécrétions spéciales : organe de Bojanus, glandes du manteau et glande pédieuse. Organe de Bojanus. — L'organe que l'on désigne habituellement sous ce nom chez les Mollusques est encore par beaucoup d'auteurs appelé rein, organe rénal, etc.; peu importe lequel de ces noms on adopte, tous sont synonymes et admis par tous les zoologistes. L'organe de Bojanus chez l'Oncidie est cette partie de l'animal décrite par les auteurs comme étant un poumon. H, Milne-Edwards ! est le seul qui émette des doutes sur sa nas ture etil nous dit àce sujet: « Enfin je rappellerai aussi que la poche dorsale des Oncidies, dont j'ai déjà fait mention, paraît être aussi un appareil rénal plutôt qu'un poumon. » 1 I, Minnwe-Enwanps, Leçons sur la physiologie et l'Anat. comp. de l'homme el des animaux, t. VIII, p. 382. | ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE, 283 M. Vaillant ‘ parle bien dans sa note de la cavité « dite pulmo- naire », qu'il considère comme étant un poumon, mais il n’en donne aucune description. Le seul auteur qui ait examiné cet organe avec soin est Cuvier, ceux qui l’ont suivi ont admis ses idées sans cher- cher à les vérifier. Comme je l’ai dit plus haut, Guvier n'ayant eu à sa disposition que des animaux conservés, il n’est point surprenant qu'il ait pris le rein pour un poumon. Chacun sait combien cet organe change de cou- leur et combien ses éléments se modifient, même souvent disparais- sent complètement chez les individus conservés dans les liquides que l’on emploie habituellement pour la conservation des Mollusques. Pour bien voir l'organe de Bojanus chez l’Oncidie, il faut, après avoir ouvert le manteau, enlever la masse viscérale. On voit alors, souvent par transparence, lorsque la couche interne de pigment du manteau n’est pas trop considérable, un organe de couleur jaunûtre, terre de Sienne, entourant comme un croissant la partie inférieure du pied (pl. XVI, fig. 1). Nous avons vu plus haut que le manteau, en se réfléchissant à la face antérieure de l’animal, s’accolait pour ainsi dire à lui-même et for- mait ainsi un bord épais ; c’est dans l'épaisseur de ce bord qu'est si- tué l'organe de Bojanus (pl. XV, fig. 2,B); il faut, pour bien voir quelle est sa situation, l’examiner sur des coupes transversales. Il est placé plus près de la face interne du manteau que de la face externe ; aussi faut-il, pour examiner sa disposition intérieure, avoir toujours soin de l'ouvrir du côté de la face interne. Ilest formé de deux parties, situées l’unejdu côté gauche, l’autre du côté droit, et réunies inférieurement sur la ligne médiane. A leur point de réunion se trouve un orifice qui n’est autre que l’orifice excréteur de la glande. La portion située du côté gauche est piriforme, terminée en pointe à son extrémité supérieure ; elle occupe à peu près, comme celle du côté droit, environ le quart de la longueur de l’ani- mal; beaucoup plus volumineuse vers sa partie moyenne, elle devient de plus en plus étroite à mesure qu’on descend vers le point où se trouve l'orifice extérieur. La partie située du côté droit remonte dans l'épaisseur du manteau jusqu’au cœur, et là l’extrémité supé- rieure se bifurque pour embrasser la cavité péricardique. On le voit, 1 Loc. cil. 284 J. JOYEUX-LAFFUIE. la partie droite, au lieu de se terminer en un seul cul-de-sac comme celle du côté gauche, se termine par deux extrémités. Le cul-de-sac supérieur remonte un peu à gauche de la cavité péricardique jusqu'à un niveau un peu plus élevé que celui qu’atteint la portion du côté gauche. La partie de l'organe rénal située à gauche, comme celle du côté droit, diminue de plus en plus de volume à mesure que l’on des- cend vers l'orifice extérieur, et en ce point ce n’est pour ainsi dire qu'un canal transversal faisant communiquer les deux portions de l'organe entre elles. Je comparerai volontiers l'organe de Bojanus dans son ensemble à un bissac avec son orifice pour ouverture et ses deux parties laté- rales pour culs-de-sac. Cette forme de l'organe de Bojanus n’a rien de surprenant. Le rein, en effet, chez les Gastéropodes, n’est pas toujours une glande de forme conique dont le canal excréteur vient déboucher dans la chambre respiratoire à côté de l'anus, comme cela se voit chezles Prosobran- ches et chez les Pulmonés ; bien souvent, c’est le cas chez beaucoup d’Opisthobranches, il présente des formes différentes. Chezles Pleuro- branches *, par exemple, il présente deux culs-de-sac et entoure Ja masse viscérale à droite eten haut. Enfin nous savons aussi que dans beaucoup de cas, au lieu de posséder un canal excréteur d’un faible diamètre accolé au rectum, le rein s'ouvre directement dans la cavité pulmonaire ou branchiale par un large orifice; c’est ce quia lieu chez les Natices, les Limaces, etc. Dans le cas qui nous occupe, nous ob- servons quelque chose d'analogue; mais, au lieu de s'ouvrir dans une cavité pulmonaire, il s'ouvre directement à l'extérieur, et iciiln'ya rien qui représente la cavité pulmonaire ou branchiale des Gastéro- podes pulmonés et des Prosobranches. Pour trouver quelque chose d'homologue au poumon des Pulmonés, il aurait fallu que, chez l’em- bryon, la région occupée par les ouvertures anale, génitale et rénale se fût enfoncée, invaginée, de façon à constituer une sorte de cul-de- sac entre le manteau et la tête ou le pied, C'est, en effet, ce qui se passe chez les embryons des Pulmonés. Mais ici rien d'analogue ne s'est produit et ces différents orifices se trouvent situés lexté- rieur. La position qu'occupe l'organe rénal chez l'Oncidie présente des ‘ De Lacaze-Duruiers, Histoire anatomique et physiologique du Pleurobranche orangé (Ann. sc. nal., 4° série, 1859, t. XI). ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE. 9235 rapports bien différents de celle qu'occupe le poumon chez les Pul- monés. En effet, dans une Limace ou un Hélix par exemple, le poumon est une cavité dont une portion de la paroi est formée par les tégu- ments du cou et du pied et l’autre partie par le manteau. Là rien de semblable, puisque l’organe quinous occupe est tout entier situé dans l'épaisseur du manteau, exactement comme l'organe rénal dela plu- part des Gastéropodes ; de plus, comme chez ces derniers, il possède les mêmes rapports ; il est situé dans le voisinage du cœur et son orifice est placé près de l'anus. Ces données sur la situation de l'organe que nous étudions sont de nature, à elles seules, à faire douter de sa nature pulmonaire. Sa constitution interne et sa structure vont nous donner des preuves certaines de sa nature rénale. En fendant l'organe de Bojanus dans le sens de sa longueur sur un animal frais, on voit qu'il est formé par une quantité de lames irrégulières disposées dans tous les sens et circonscrivant de petites cavités présentant un volume variable et communiquant les unes avec les autres. Une coupe transversale de l'organe faite sur un ani- mal durci montre mieux encore que sur le frais la disposition de ces cloisons (pl. XVI, fig. 2). Chaque cloison est constituée par une lame de tissu du manteau qui s'avance dans la cavité rénale et bientôt se réunit à une ou plu- sieurs autres lames venant d'autres points de la paroi et circonscri- vant ainsi incomplètement des sortes de cavités irrégulières; sou- vant dans ces cavités se trouvent des lames libres par un de leurs bords. Vue à un fort grossissement, chacune de ces lamelles se montre formée de fibres musculaires et présente de distance en dis- tance des vaisseaux (pl. XVI, fig. 3). Ses deux faces ainsi que les pa- rois de la cavité rénale sont recouvertes de cellules caractéristiques du rein des Mollusques Gastéropodes.Par conséquent, toute la sur- face interne des nombreuses petites loges qui composent le rein est tapissée par des cellules rénales qui forment une couche composée de deux ou trois assises de cellules. Un grand nombre d'auteurs ontindiquéles caractères de la cellule rénale des Gastéropodes‘. Il suffit du reste d'en avoir vu et examiné avec attention une seule fois pour ne jamais confondre cet élément avec n'importe quelle cellule que l’on puisse observer, soit chez les 1 Voir pr Lacaze-Durniens, Loc, cit, 286 J. JOYEUX-LAFFUIE. Vertébrés, soit chez les Invertébrés. Je ne connais d'éléments sem- blables dans aucun autre organe. La plupart des auteurs indiquent la présence de cils vibratiles sur la surface libre de cette couche cellulaire ; ici rien de semblable, l'assise de cellules la plus externe par rapport à la lamelle offre exac- tement les mêmes caractères que l’assise la plus interne. Cependant on observe en certains points de longs cils vibratiles très actifs ; mais, d’après ce que j'ai pu observer, j'ai lieu de croire que c'est seulement au pourtour des orifices qui font communiquer entre elles les petites cavités rénales, et dans le voisinage de l'orifice extérieur du rein. La cellule rénale est remarquable par sa délicatesse; je ne connais pas de liquide conservateur favorable à son étude, tous l'altèrent à un tel point qu'elle devient méconnaissable. Il est absolument né- cessaire de l’étudier sur le frais. Il suffit de prendre un lambeau du rein avec des pinces fines, de le porter sous le microscope et de l'examiner avec un bon objectif à immersion, pour voir nettement tous les détails. Les cellules rénales sont sphériques; placées les unes à côté des autres, elles se compriment à peine et se déforment peu ou point. De couleur jaune pâle, elles présentent un contour net, d'une très grande finesse, Dans toutes ou presque toutes on distingue dans l'intérieur de petites concrétions brunâtres (pl. XVE, fig. 4) qui ne sont autres que des concrétions renfermant de l'acide urique. Gertaines de ces cellules présentent dans leur intérieur (pl.XVE, fig.4,a), comme y étant incluse, une seconde cellule plus petite contenant une concrétion, alors que la cellule contenante n'en renferme pas; peut-être y a-t-11 1à une mul- tiplication de cellules par formation endogène, comme l'a pensé M. de Lacaze-Dnthiers. En traitant ces cellules rénales par l'acide acétique, on voit au bout d'un certain temps que les concrétions se sont dis- soutes et qu'il s'est montré dans la cellule un gros noyau qui, le plus souvent, est situé près de la paroi (pl. AVE, fig. d). Entre les cellules. | rénales ou à la surface des parois des vacuoles rénales, dans l'intés ! rieur de ces vacuoles, on trouvé des concrétions plus volumineuses et | libres. Evidemment chacune d'elles a dù prendre naissance dans l'in- ! térieur d'une cellule rénale qui, arrivée à son complet développe | ment, a cessé de vivre, s’est résorbée ou s’est rompue, laissant libre # sa concrétion interne qui n’est autre chose que la matière excrétée | par le rein. | C’est là, du reste, je crois, le procédé par lequel se fait la sécrétion | ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE. 287 dans l'organe de Bojanus, c'est-à-dire sous forme de petites concré- tions prenant naissance dans l'intérieur des cellules rénales, puis devenant libres lorsque ces cellules atteignent un volume plus con- sidérable et qu'elles sont arrivées à leur complet développement. Les concrétions que l’on rencontre soit dans les cellules rénales, soit libres dans le rein, sont constituées par plusieurs petites concrétions accolées les unes aux autres et formant ainsi une petite masse irré- gulière de couleur jaune-brunètre. Souvent, dans l'intérieur des cel- lules, on distingue de ces petites concrétions isolées à peine colorées et qui semblent avoir pris naissance depuis peu de temps. La nature de ces concrétions est facile à reconnaître; il suffit d'en recueillir une petite quantité sur une lame de verre, de les dissoudre avec une goutte d'acide azotique, de laisser évaporer, puis d’humecter avec une trace d'ammoniaque, pour voir immédiatement apparaitre la belle coloration rouge-pourpre caractéristique de l'acide urique. La présence de l'acide urique dans ces concrétions prouve la nature rénale des cellules qui les contiennent. La couche de ces cellules qui revêt toute la surface interne de l'organe qui nous occupe ici, prouve suffisamment à elle seule que nous avons affaire à un vrai rein et non à un poumon, comme l'ont avancé un grand nombre d'auteurs. Nous avons déjà vu au chapitre de la Circulation comment le sang arrive au rein et comment il en part. Je dois cependant donner ici plus de détails. | Le sang arrive à l'organe de Bojanus par des vaisseaux qui partent soit directement des sinus latéraux (pl. XV, fig. 2}, soit des vaisseaux qui vont aux papilles branchiales. Arrivés à l'organe, ils pénètrent dans les cloisons musculaires et s'y ramifient. Puis, ces nombreuses ramifications s’anastomosent entre elles pour constituer des vais- seaux efférents qui vont se jeter dans le vaisseau artériel branchio- cardiaque gauche, lequel suit et contourne le rein avant de se jeter dans l'oreillette (pl. XVI, fig. 2, a). Le réseau vasculaire ainsi consti- tué dans l’épaisseur des lamelles rénales est formé par des capillaires de diamètre inégal, qui présentent comme des sortes de sinus, de dilatations en plusieurs points. C'est bien là le mode habituel de circulation que l’on observe dans le rein des Mollusques Gastéropodes, c’est-à-dire une portion du sang veineux traversant le rein pour se rendre au cœur sans passer par l'organe respiratoire, En résumé, nous voyons que, par sa situation, par ses rapports, 288 J. JOYEUX-LAFFUIE, par sa structure anatomique et histologique, et enfin par la nature de ses sécrétions, l'organe qui nous occupe est une glande en tout comparable à la glande rénale des autres Mollusques Gastéropodes et que, par conséquent, nous devons considérer dorénavant comme un rein ce qui jusqu'ici a été pris chez l'Oncidie pour un poumon. Nous verrons plus loin, en traitant du développement de cet organe, que là encore on trouve des preuves absolument certaines de sa na- ture rénale. Si une étude approfondie de l'organe montre d'une facon certaine sa véritable nature, il n’en est point ainsi d’une étude faite à la hâte et sans le secours du microscope. Je me suis moi-même laissé in- duire en erreur en examinant superficiellement les premiers indi- vidus que j'ai eus à ma disposition. La manière dont cet animal ouvre son orifice rénal lorsqu'il est hors de l’eau est bien faite pour faire penser à un véritable poumon ; mais il suffit de voir, en l’ouvrant, la couleur jaunâtre de l'organe et son aspect spongieux pour déjà douter, et bientôt un examen microscopique vient apporter la certi- tude sur sa véritable nature. On sait que chez un grand nombre de Mollusques le rein ou organe de Bojanus communique avec la cavité péricardique ; c’est un fait normal chez l'embryon et qui souvent persiste chez l'adulte. Gette communication chez l'embryon nous explique les rapports du rein et du cœur, qui, comme on le sait, sont toujours situés dans le voi- sinage l'un de l’autre. J'ai ici beaucoup cherché pour voir s'il ny avait pas quelque communication entre l'extrémité du cul-de-sac droit du rein et la cavité péricardique qui lui est adjacente ; mais je dois dire que je n'ai pas une seule fois, soit par la dissection, soit au moyen d'injections de liquides colorés, trouvé la moindre commu- nication. Du reste, en admettant qu'il y ait communication entre le rein et le péricarde, cela ne saurait rien prouver en faveur de l'exis- tence d'un système aquifère, le cœur ne communiquant pas avec la cavité péricardique. Je n'ai pas davantage trouvé de communication entre le vaisseau branchio-cardiaque gauche et la cavité du rein, Le système aquifère qu'on à décrit ne doit être accepté qu’avee beaucoup de réserves. M. de Lacaze-Duthiers est le seul auteur qui, chez le Pleurobranche, la Thétys et le Dentale, nous ait fail connaître d’une manière précise, en en fixant les rapports et les con- nexions, les ouvertures mettant en communication le système cir« culatoire avee le milieu extérieur, NOTES ET REVUE, XVIL IX SUR L'HISTOLOGIE DES PÉDICELLAIRES ET DES MUSCLES DE L'OURSIN (ECHINUS SPHÆRA FORBES), Par P. Geppes ct H. BEppaRp. (Extrait des Transactions of the Royal Society of Edinburgh, 1880-81.) En 1788, le célèbre naturaliste danois O.-F. Müller ! a découvert ces organes remarquables sur l'extérieur du test de l'Oursin ; mais, étant d’avis qu'il avait affaire à des parasites, il a créé pour leur réception un genre et trois espèces : Pedicellaria globifera, Pedicellaria triphylla, Pedicellaria tridens. Lamarck? l’a suivi, et ce n’est qu’en 1875 que delle Chiaje * les a décrits plus exactement, comme étant des parties intégrales de l’organisation de l'Oursin. Quelques années plus tard, Valentin * les a étudiés avec beaucoup de soin dans sa monographie, et c’est lui qui a introduit les noms dont nous nous servons encore. Nous empruntons à un travail récent de M. Sladenÿ une petite table qui sert à harmoniser la nomenclature : O.-F. MULLER. VALENTIN. Pedicellaria globifera. Pédicellaire gemmiforme. — triphylla. — ophiocéphale. — tridens. - tridactyle. M. Sladen fait une réclamation de priorité pour les noms de Müller, mais nous préférons nous servir de ceux de Valentin qui ont été employés par tous les auteurs subséquents, et qui ont aussi leur priorité, comme les premiers noms donnés après qu’on les a reconnus pour des organes. Les travaux subséquents à Valentin sont ceux de Erdlf, Duvernoy’, Hérapath 5%, Perrier *, A. Agassiz !®, Stewart!!, Wyville Thomson "? et Sladen #. Renvoyant le lecteur pour tous ces détails historiques au travail original, il 1 Zoologica danica, 1188, p. 16. 2. Histoire nat. d. anim. s. vertèbres, 2e édit., 1815, t. II, p. 75. $ Mem. sulla storia e notomia d. Anim. s. vertebre d. Napoli, 1823, vol. II, p. 324. * Monographie de l Echinus. 5 On a remarkable form of Pedicellaria, etc. (Ann. Mag. nat. Hist., Aug. 1881). 6 Ueber den Bau d. Organe, etc. (Archiv f. Naturgeschichte, 1849, p. 45). T Mémoire s. l'analogie de comp., etc., des Echinodermes (Mém. de l'Institut, 1849, vol. XX, p. 611). | 8 On the Pedicellariæ of the Echinodermata (Quarterly Journ. Micr.Sc., 1865, p.185). % Recherches s. l. Pédicellaires, etc. (Ann. d. sc. nat. 300l., 1869 et 1870). ‘© Revision of the Echini (Mem. Harvard Museum, vol. 111). 1 On the Minute Structure, etc., of Cidaris (Quart. Journ. Micro. Sc., 1871, p. 51). 1? On the Echinoïidea of the « Porcupine », etc. (Phil. Trans., 1874, p. 719). 13 Loc. cit. ARCH. DE ZOOL, EXP. ET GÉN, — T. X, 1882. B XVIII NOTES ET REVUE. suffira de résumer ici en peu de mots les résultats principaux de nos propres recherches, qui ont porté presque entièrement sur les parties molles, qui n’ont pas été étudiées par la plupart de ces auteurs avec la même exactitude que les parties calcaires. : Dans le pédicellaire ophiocéphale de Valentin, les trois muscles adducteurs, disposés en forme de triangle, sont attachés, comme on sait, aux apophyses calcaires des trois valves (fig. 2) ; mais les fibres qui unissent la tête du Pédi- cellaire à la massue de la hampe ne s’insèrent pas sur les parties calcaires, mais se terminent d'une façon extrèmement remarquable, La plupart sont pliées brusquement sur elles-mêmes avant d'arriver au niveau des parties calcaires, et forment ainsi une série de ganses ou de mailles (fig. 4). Deux faisceaux seulement sont prolongés plus loin, s’entrelacent avec les ares semi-circulaires et se terminent libremeat au milieu du triangle musculaire dans une petite touffe de mailles (fig. 2, 4a) tout à fait distinctes et séparées de ces fibres pliées. Alternant avec elles, et à l’extérieur des parties calcaires, se trouvent trois parties d’une structure plus curieuse encore. Ce sont des sortes de grilles, formées de fibres pliées et repliées constituant une série de mailles (fig. 2, 3, 4). Ces organes ne sont pas attaqués par l'acide acétique dilué ; ils ont l'aspect du tissu élastique, réfringent et transparent, et il nous paraît probable qu’ils fonctionnent comme antagonistes des muscles adduc- teurs et servent à ouvrir les valves un peu comme le ligament d’une Acé- phale. L'épithélium des pédicellaires n’est pas couvert de cils, comme on l’a décrit. Traité par le nitrate d'argent, on en voit très bien les contours des cellules (fig. 5, a, 1b). Il y a de ces cellules qui possèdent des prolongements fibril- laires (fig. 5, c); il est possible qu’elles correspondent aux cellules et aux fibres nerveuses décrites par Romanes et Ewart dens leur travail sur la physiologie de l’Oursin !, publié après la présentation de ce travail à la Société royale d'Édimbourg?, et la publication d’un abrégé dans les comptes rendusÿ. En tout cas, nous n'avons pas vu autre chose d’une apparence nerveuse. Les muscles adducteurs des valves s’attachent directement sur les apo- physes des parties calcaires, sans l'intervention de tissus tendineux ; traités par de l’acide osmique, on les voit nettement striés. Les pédicellaires tridactyles et gemmiformes contiennent aussi des grilles, mais elles sont très difficiles à trouver par le procédé de dilacération, à cause de leur délicatesse extrême. Pour cette raison, nous n’avons pas pu les voir dans les coupes. La tête du pédicellaire gemmiforme est un organe extrèmement compliqué. Une masse glanduleuse se trouve au dehors de chaque valve; elle est cou- verte de deux couches de fibres musculaires et d’un épithélium qui devient cylindrique sur le côté intérieur (fig. 7, 9). Les coupes de la partie imférieure et moyenne ne montrent qu'une glande, mais à la partie supérieure de chaque 1 Observalions on the Locomolor Syslem Echinodermala (Proc. roy. Soc. Lond., mars 1881, 2 Proc. Roy. Soc. Edinb., 17 janvier 1881. # Comples rendus, 7 février 1881. NOTES ET REVUE, XIX valve se trouvent deux autres coupes (fig. 8) d’une structure semblable. Ces Pédicellaires sont peut-être des organes d’urtication, car leurs valves calcaires se terminent en pointe d’aiguille, ou bien des organes pour la sécrétion de mucus, comme pense M. Sladen !, qui a décrit récemment l'histologie de cette espèce de pédicellaire chez le Sphærechinus granularis (Lamk.). Nous n'avons rien à ajouter à l'excellente description de la quatrième espèce, le pédicellaire trifolié de M. Perrier?. Elle ne paraît posséder ni fibres pliées, ni grilles. A l’origine des recherches histologiques, les observations sur la structure des muscles des Échinodermes ont toujours été complètement contradic- toires. Wagner”, Siebold * et Johannes Müller ® ont décrit ces muscles comme étant non striés. Valentin f, au contraire, soutient que les muscles de la lan- terne et des épines de l'Oursin sont striés, et de Quatrefages7 a vu une striation sur les muscles longitudinaux des Syuaptes. Baur® a contredit ces observations, tandis que Leydig® a décrit une striation longitudinale et transversale. chez l’Échinus et chez l'Holothurie. Enfin, dans le dernier tra- vail sur ce sujet, celui de L. Frédéricq® sur les muscles de la lanterne de l'Echinus sphæra, leur striation est niée de nouveau. Comment expliquer cette confusion compiète? On peut bien dire avec Gegenbaur (Anat. comp., trad. fr., par C. Vogt, p. 298) que « des recherches correspondant aux exigences de la science actuelle sur la structure des éléments constituants des muscles des Echino- dermes nous manquent encore ». En traitant les muscles de l'Oursin par des réactifs différents et en faisant un assez grand nombre de préparations, nous avons vu tous les phénomènes qu'ont décrits ces auteurs. Souvent les muscles adducteurs des valves des pédicellaires sont nettement striés, et souvent aussi ils ne montrent pas la moindre trace de striation. Le mème fait s’observe pour les muscles de la lanterne, car nous avons des préparations qui contiennent les fibres simples de Wagner et de Frédéricq côte à côte avec d’autres dont la striation est aussi évidente que dans les dessins de Valentin. Bien plus, en suivant le long d’une seule fibre, on trouve bien souvent toutes les gradations possibles entre la plus nette striation et son absence complète {fig. 11). Notre collègue, M. Haycraft, vient de proposer une théorie nouvelle sur la Structure des muscles volontaires !!: pour lui, les fibrilles ne sont pas de simples cylindres, mais elles sont un peu étranglées à de petits intervalles, et 1 Loc. cil. 2 Loc. cit. * 3 Ueb. d. Anwendung., de: (Archiv f. Anal. u. Phys., 1835, p. 310). # Anal. comp., p. 81. $ Ueb. d. Bau d. Echinodermen (Archiv. f. Anat. u. Phys., 1853, p. 319). 6 Op. cit., p. 101, 102. | T Sur la Synapte (Ann. d. sc. nat. z001., &. XVII, 18492, p. 43). : $ Béilräge 3. Naturgesch. d. Synapla: Nova Aeta, t. XXXI, 1864, p. 75. % Kleinere Miltheilungen, etc. (Archiv. f. Anat. u. Phys., 1854, p. 305). . 1 Contributions à l'étude des Echinides (Archiv. de 3001. exp., vol. V, 1876, p. 439). 1 Proc. Roy. Soc. Lond., février 1881, zx NOTES ET REVUE. il prétend que leur striation n'indique pas une différenciation histologique, mais qu'elle est simplement un phénomène optique produit par la réfraction inégale que subit la lumière en passant à travers la fibrille. Sans vouloir nous prononcer sur cette théorie au point de vue général, et sans affirmer que la striation des muscles des Echinodermes est due à la mème cause que celle des muscles des animaux supérieurs, nous sommes convaincus que l’irrégularité de la striation chez l'Echinus peut s'expliquer de la même façon. Les fibres de la lanterne (fig. 11) montrent des étranglements en parfaite correspondance avec les stries transverses ; lorsque ces étranglements se suivent l’un l’autre très rapidement, les stries se rapprochent aussi, et, lors- qu'ils deviennent espacés, les stries montrent la même irrégularité. Finale- ment, les stries et les étranglements disparaissent ensemble. Il est probable, comme on l'a déjà soupçonné, que la striation est en quelque rapport avec l'état de contraction du muscle, mais nous espérons faire de nouvelles observations avant de nous prononcer sur cette question. Ces recherches ont été commencées par l’un de nous en 1878, auflaboratoire de zoologie expérimentale de Roscoff, etcontinuées par l'autre dans le même lieu en 1880, Nous offrons nos remerciements à M. le professeur de Lacaze- Duthiers, à M. Delage et à tout l'état-major de cette admirable station zoolo- gique. ————— 2 X NOUVELLES RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT EMBRYONNAIRE DES SALPES. Communication préliminaire du professeur SaLexsky, de l’Université de Kasan. (Zooiogischer Anzeiger.) Les premières traces de différenciation de Ja masse centrale composée de cellules de segmentation et de cellules du follicule consistent en ceci, que la paroi intérieure du follicule se sépare de la masse centrale. Par suite, il se forme à l'intérieur du follicule une cavité que nous appellerons cavité folli- culaire. Todaro lui donne un nom qui n’est pas acceptable, il l'appelle cavité de segmentation et membrane blastodermique la paroi intérieure du follicule. On doit remarquer que ni la cavité de segmentation, ni la membrane blasto- dermique de Todaro n’ont aucun rapport avec les objets de mème nom chez les autres animaux, La paroi interne du follicule devient la paroi supérieure du placenta. Lorsque la cavité folliculaire est formée, la masse centrale prend une forme cruciale très particulière, qu'on peut reconnaître simplement en regardant d'en haut l'embryon intact. Des coupes horizontales montrent que les diffé- NOTES ET REVUE. XX! rentes parties de la croix représentent l’ébauche de différents organes. L’axe transversal correspond à l’ébauche du canal intestinal, qui primitivement est formé de deux moitiés symétriques et complètement séparées l’une de l’autre. Dans l’axe longitudinal se forment l’ébauche du péricarde avec les amas de cellules suprapéricardiaques dont il sera question plus tard, et les rudiments du système nerveux qui se présente comme un canal fendu. Le rudiment du péricarde correspond à cette partie de l'embryon que Todaro désigne sous le nom de bouton vitellin. Le rudiment du système nerveux a été bien re- connu par cet auteur, mais c’est à tort qu'il le donne comme dérivant de l’ectoderme. Cette erreur est d’ailleurs en rapport avec ses idées sur la con- stitution du blastoderme. Comme la masse centrale, où prennent naissance les différents or- ganes, est formée à la fois de cellules de segmentation et de cellules follicu- laires, il est très important de distinguer lesquels de ces deux éléments pren- nent part à la formation des organes. Aux premiers stades du développement cette question ne présente pas de grandes difficultés, parce que les deux élé- ments peuvent être facilement distingués. Les cellules de segmentation, qui d'abord sont toujours beaucoup plus grosses que les cellules folliculaires, puis sont toujours plus pâles sur les préparations colorées, se trouvent tou- jours soit en dehors des organes, par exemple en dehors des ébauches du tube digestif et du système nerveux ou bien dans les parties accessoires de l’'ébauche (par exemple dans celle du péricarde). En nous fondant sur des séries de coupes transversales et longitudinales, nous regardons le nombre des cellules de segmentation comme étant de 16 à 20 aux premiers stades de la formation des organes. Bien que ces cellules se multiplient davantage par la suite, cette augmentation est si peu active qu'aux derniers stades, où il est encore possible de distinguer les cellules de segmentation d'avec les autres, leur nombre n’est pas grand. D'après la position que dès le début les cellules de segmentation prennent dans l'embryon, on peut conclure qu’elles n’ont aucun rôle actif dans ce qu'on appelle ie développement embryonnaire. Mème dans les stades plus avancés, j'ai inutilement cherché les cellules de segmentation dans l’ébauche des organes, et je suis, je crois, fondé à affirmer que toutes les cellules de segmentation sont en dehors des organes, et no- tamment dans cette couche qui produit les corpuscules sanguins et les mus- | cles. Dans S. pinnata, cette couche se forme : 1° du reste des rudiments | d'organes ; 2 aux dépens des parois de l'oviducte. L’épaississement des pa- | rois du follicule a lieu dans cette espèce un peu plus tard que dans les autres. Après la formation de l’ébauche cruciforme correspondant au tube digestif, | au système nerveux et au péricarde, la cavité du follicule se dilate d’une façon importante. L’ébauche des organes fait saillie librement dans cette cavité et est fixée à la paroi supérieure du follicule. L'épaississement de l’épithélium du | follicule commence dans $S. pinnata sur la paroi supérieure, et consiste dans | la multiplication des cellules et la production d’une masse transparente et semi-fluide dans laquelle pénètrent les cellules. Plus tard l’épaississement s'é- tend aux parois latérales ; enfin, toute la paroi folliculaire fournit une masse | de cellules amæboïdes qui remplissent complètement l’ancienne cavité du fol- XXII NOTES ET REVUE. licule. Les autres espèces de Salpes présentent, sous le rapport de ces chan- gements de la paroi folliculaire, quelques différences qui ne sont pas sans inportance. Dans S. fusiformis il ne se forme aux stades correspondants au- cune cavité folliculaire. Les changements des cellules du follicule se bornent à la transformation de cellules ordinaires en cellules amæboïdes qui se pro- duisent en grand nombre. Dans S. africana, au contraire, se forme une vaste cavité folliculaire, mais les cellules sont en nombre plus restreint. Aux dépens de ces cellules se forment dans les $S. fusiformis, punctata et africana les ébauches du ganglion et du péricarde, qui d’ailleurs se montrent beaucoup plus tard que dans $. pinnata. Après que la paroi du follicule s’est résolue en une masse de cellules amæ- boïdes, l'embryon de Salpa pinnala se compose des parties suivantes : 4° une couche superficielle unicellulaire, qui est formée par le mamelon embryon- naire et représente les rudiments de la peau ; 2° d’une masse de cellules amæboïdes qui remplit la cavité du mamelon (primitivement la cavité du fol- licule) ; 3° de l’ébauche de la cavité intestinale primitive, qui est formée de deux moitiés symétriques et se trouve dans l'axe transversal de l'embryon ; 4° des rudiments du système nerveux qui occupent la partie antérieure de l'axe longitudinal ; 5° l’ébauche du péricarde et de l’amas des cellules subpé- ricardiques, qui se dirige en arrière, à l'inverse de celle du système nerveux. Nous allons décrire brièvement le développement ultérieur de chacun de ces rudiments. La couche supérieure ou ébauche de la peau ne présente dans son développement aucune particularité remarquable. Les cellules amæboïdes se changent en partie en corpuscules sanguins, en partie en bandes museu- laires. Ces dernières sont formées par des amas en trainées de cellules amæ- boïdes qui se fixent sur la paroi de la cavité intestinale primitive, perdent leur motilité et se convertissent en cellules musculaires. La paroi de la cavité intestinale primitive est formée de cellules cylindriques qui se distinguent nettement par leur forme. Les deux moitiés de l'intestin restent séparées jusqu’à un stade assez avancé, puis finissent par se souder. Chaque moitié a une forme hémisphérique. En dessus reste, entre les deux moiliés, une ou- verture ovale à travers laquelle déjà de bonne heure des cellules folliculaires passent dans Ja cavité intestinale primitive. Todaro a vu ces cellules, mais a mal compris tout le processus. 11 désigne ces eellules comme formant l’endo- derme et prétend qu'elles prennent part à la formation du tube digestif. Quant aux cellules cylindriques qui constituent réellement la paroi du tube digestif, illes désigne comme faisant partie du mésoderme avec lequel cette couche n’a rien de commun. Enfin la paroi du follicule qui, quant à sa desti- nation, correspond au mésoderme des autres animaux, est considérée par lui comme une deuxième couche ectodermique, et il admet que cette couche s’invagine et s’ouvre dans la cavité intestinale primitive sous forme de canal (canale o collo d’invaginazione). . Toute cette manière de voir est, à mon avis, inexacte, Les cellules invagis nées demeurent complètement passives dans la formation du tube digestif, Elles servent principalement de matériaux nutritifs pour l'embryon, et l'on peut fort bien observer leur résorption. Les cellules cylindriques ne jouent nullement le rôle de mésoderme, mais forment la paroi de la cavité digestives NOTES ET REVUE. XXII Les cellules folliculaires se désagrégeant pour former les cellules amæboïdes, n'ont aucun rapport avec l’ectoderme des autres animaux. La branchie se forme autrement dans les Salpa africana et fusiformis que dans le S. democratica. Dans les deux premières espèces, elle est formée par deux bourrelets qui font saillie dans la cavité intestinale primitive sur les côtés. Ces bourrelets se soudent ensuite, puis se séparent de la paroi et for- ment ainsi une branchie cylindrique. Chez ces deux espèces de Salpes, un organe particulier mérite encore de fixer l'attention. Il a la signification provisoire de l'organe en rosette des Doliolum, qu'il rappelle par sa structure. Il se compose notamment d'un en- foncement médian de la paroi ventrale de la cavité digestive, produit par l'épaississement de la couche des cellules amæboïdes. D'après les recherches qui m'ont été communiquées verbalement par Ulianine, le développement de l'organe en rosette se fait exactement de la même manière. L'ébauche du système nerveux apparait dans S. pinnata sous la forme d’un canal fendu dont la lumière, au commencement assez étroite, s’élargit plus tard, surtout dans la région moyenne. Dans les autres espèces de Salpes, l’é- bauche du ganglion se montre comme un amas de cellules prenant naissance aux dépens des cellules folliculaires. | Le système nerveux se trouve (Salpa pinnata) dès le début en rapport avec la cavité digestive. Chez les autres Salpes, où la cavité du ganglion se produit plus tardivement dans l’ébauche solide, cette cavité se met aussi plus tard en relation avec la cavité digestive. Du canal de communication, entre la cavité de l'intestin et celle du ganglion, résulte la fossette vibratile précisément de la même manière que J'ai décrite précédemment chez Salpa democratica. La partie postérieure de l’ébauche cruciforme représente le rudiment du péricarde. Elle a la forme d’un prisme triangulaire. De très bonne heure, on voit se séparer de cette ébauche la partie extérieure et dilatée dans laquelle se trouvent exclusivement les restes des cellules de segmentation. Cette partie séparée forme un amas de cellules qui est reliée au reste de l’ébauche, et auquel je donne le nom d’amas de cellules suprapéricardites. On peut observer cet organe particulier chez toutes les espèces de Salpes et jusqu’aux stades les plus avancés. Après la formation de l’éléoblaste, cet amas se réduit en cellules isolées, animées de mouvements amæboïdes et se perdant dans la masse des corpuscules sanguins. Il est à remarquer que chez le Doliolum (d’après une communication orale d’'Ulianine), le mème organe se rencontre. La division interne de l’ébauche péricardique devient le péri- carde. 11 est d’abord solide, mais se change plus tard en un sac creux qui se trouve immédiatement sur les parois de la cavité respiratoire. À un stade plus avancé, la paroi intérieure la plus rapprochée de la cavité respiratoire s’inva- gine. Ainsi se forme le cœur. Quelques cellules de la cavité respiratoire pé- nètrent comme un prolongement solide dans l’invagination, perdent leur cohésion et se changent probablement en corpuscules sanguins. Dans les Stades plus avancés on trouve, à la place de ces cellules, un certain nombre de cellules amæboïdes qui sont complètement identiques aux corpuscules .Sanguins. | XXIV NOTES ET REVUE. Enfin, je dois parler de l'éléoblaste. Il est formé de cellules folliculaires amæboïdes qui donnent naissance aux corpuscules sanguins et aux muscles. Ces cellules se rassemblent à l'extrémité postérieure du corps et forment, par leur grande multiplication, un amas qui fait saillie extérieurement comme un mamelon. . Les cellules prennent alors leur forme caractéristique, semblable à celles de la corde dorsale et deviennent polygonales, grâce à leur pression réci- proque. Si l’on réunit les faits ici résumés, on arrive à cette conclusion que l'his- toire embryogénique des Salpes a quelque chose de si particulier, qu'elle s'é- carte largement des principes généraux d’embryogénie qui s'appliquent aux autres animaux. Après que la prolifération des cellules folliculaires a com- mencé, les phénomènes du développement prennent un caractère qui les isole. Les organes ne se forment pas comme partout aux dépens des sphères de segmentation, mais aux dépens des cellules folliculaires qui, dans tout le reste du règne animal, ne jouent aucun rôle dans le développement. Sans me laisser entrainer à des comparaisons trop précises, je ferairemarquer seule- ment que nous trouvons des phénomènes analogues dans un groupe des Tu- niciers fort voisin des Pyrosomes, chez lesquels les cellules folliculaires jouent un rôle qui n’est pas sans importance. D'après les recherches de Kowalevsky, les cellules folliculaires doivent proliférer rapidement. Kowalevsky appelle épithélium folliculaire interne ces cellules détachées de l’épithélium follicu- laire et admet qu’elles se changent en corpuscules sanguins. Les figures de Kowalevsky laissent difficilement suivre cette transformation, et il me paraît très possible que ces cellules jouent un rôle beaucoup plus considérable que celui que Kowalevsky leur attribue. Comme conclusion, je ferai remarquer que le développement embryonnaire des Salpes mérite à peine ce nom. Il ressemble beaucoup plus à un bourgeonnement, mais s’en distingue encore par des particularités importantes. Je le regarde comme une sorte de bour- geonnement que je distingue du bourgeonnement ordinaire par le nom de bourgeonnement folliculaire. LYS: XI SUR LE DÉVELOPPEMENT DE LA DOUVE DU FOIE, Par Rud. LEuCkaART. (Zoologischer Anzeiger du 12 décembre 1881.) Les nouvelles recherches, recherches de zoologie expérimentale au premier chef, qui viennent d'amener M. le professeur Leuckart à fermer le cycle si long- temps incomplet du développement de la douve du foie, sont trop intéressantes pour que nous ne traduisions ici ên extenso le résumé qu'il en donne lui-même. NOTES ET REVUE. XXV L'histoire de la vie et du développement du Distomum hepaticum m'a préoc- cupé déjà depuis de longues années. J'ai renouvelé bien des fois des tentatives pour infester à l’aide d'embryons nageants les Mollusques de nos pays, ou du moins les plus communs d’entre eux. Toutes mes peines avaient été inutiles, lorsque au milieu de l'été de 1879 je plaçai dans mes vases à expériences un certain nombre de petites Lymnées que Je trouvai dans les bassins du Jardin botanique de Dresde et que, sur les données de Rossmässler que cette localité fournissait le Lymnœus minutus(L. truncatulus), j'attribuaï à cette espèce que Je n'avais pas encore mise en expérience. Peu de jours après Je trouvai avec joie et surprise qu'une partie des Mollusques étaient habités par de petits parasites qui pouvaient être reconnus avec sûreté en les comparant aux embryons qui nageaient dans le voisinage. Ils se trouvaient surtout dans le fond de la cavité respiratoire tantôt isolés, tantôt réunis en grand nombre et ressemblaient à de petits sacs à contour net dépourvus de cils avec deux taches oculaires plus ou moins dis- tantes l’une de l’autre et une petite languette céphalique ; enfin, avec des caractères qui mettaient leur origine hors de doute. Le contour du sac était formé de cellules claires en prolifération active et qui déjà çà et là s'étaient transformées en amas de cellules plus volumineux. Je croyais pouvoir en conclure que les embryons du Distomum hepalicum après leur enkystement dans le L. minutus se convertissaient en sporocystes, qui, de leur côté, produisaient de nouveaux distomes. Mais s'il me semblait au début qu'il devait être facile de poursuivre le développement de notre parasite après sa fixation, je dus bientôt chañger d'avis. Les Lymnées que j'avais recueillies avaient été rapidement consommées, et les envois que me faisait fréquemment, sur ma demande, le professeur Drude, ne me fournissaient que bien peu de matériaux pour l'observation : les Mollusques restaient presque tous sans parasites, bien que les conditions d'infection n'eussent été en rien changées. L'année 1879 passa sans avancer mes expériences d'une manière notable, et l'année suivante fut encore moins fructueuse, car les matériaux de recherche, que je ne pouvais me procurer qu'en petite quantité, mouraient avant l’éclo- sion des embryons. Cependant il m'était venu fréquemment des doutes sur l’authenticité des L. minutus que j'employais. En les comparant avec les Jeunes des autres espèces, je fus amené à reconnaitre que J'avais eu affaire au L. percger. Or, j'avais maintes fois dans mes recherches précédentes expérimenté cette espèce à l’état adulte ou du moins à un état très avancé, et cela sans succès, comme Je l’ai déjà dit. Je fus ainsi amené à me souvenir que c’étaient princi- palement les exemplaires les plus jeunes qui étaient hantés par les parasites dans toutes mes expériences, et il me vint à l'esprit que les embryons de notre Distome pouvaient ne trouver que dans les très jeunes Mollusques les conditions nécessaires à leur enkystement et à leur métamorphose, et que le développement de la douve du foie pouvait être, comme celui du cœnure, limité à la jeunesse de l'hôte. Cette prévision s’est vérifiée complètement dans le courant de cet été ; XXVI NOTES ET REVUE. ayant repris mes expériences, j'ai pu infester plusieurs centaines de jeunes Lymnées (naturellement le L. pereger) et suivre le développement du para- site. Plus les Mollusques étaient jeunes, plus l'infection se faisait sûrement et complètement; dans des exemplaires de la grosseur d’une tête d’épingle j'ai trouvé fréquemment enkystées plusieurs douzaines d'embryons. Les animaux adultes où à moitié de leur développement sont presque complètement épargnés et même parmi les jeunes les exemplaires les plus gros sont presque tous indemnes, Les autres espèces de Lymnées avec lesquelles j'ai expérimenté (L. palus- tris, L. auricularis) se comportèrent de même. Cà et là j'ai observé chez de jeunes animaux, surtout chez la première espèce, des traces d'infection ; mais l'enkystement se faisait très rarement et le développement s’arrètait, car les parasites, ainsi qu'il arrivait d’ailleurs fréquemment chez le LL. pereger, entraient en dégénérescence. Il n'est pas dans mes intentions de faire ici un exposé complet de mes recherches et de donner l’histoire du développement du Distomum hepaticum, autant du moins que je le connais, car mes observations ne sont pas encore sans lacunes. Cela sera fait bientôt ailleurs, mais il ne sera pas sans intérêt de donner ici brièvement les principaux résultats, L'embryon, dès sa sortie de l’œuf, contient déjà toutes ses cellules germi- natives. Elles occupent la partie postérieure du corps, tandis que la partie antérieure est remplie par une masse granuleuse que l’on peut à bon droit regarder comme correspondant à un rudiment d'intestin. Quant aux cellules germinatives, elles sont probablement d’origine mésodermique. A l'endroit où cès cellules et la masse granuleuse se touchent, vers la limite de séparation des moitiés antérieure et postérieure du corps, on reconnait dans la profon- deur de la paroi du corps, à gauche et à droite, un entonnoir vibratile que J'ai déjà décrit dans le supplément au premier volume de mon ouvrage sur les parasites (1863, p. 766). L’épiderme se compose de quelques grosses cellules qui sont très régulièrement disposées sur deux rangs dans la partie postérieure du corps et portent de nombreux cils vibratiles. Au total, la structure des embryons rappelle à tant d’égards et d'une manière si frappante celle des Orthonectidés de Giard, que l'on peut difficile- ment se défendre de penser que ces animaux ne sont pas autre chose que des Trématodes qui, en dehors de leur état de maturité sexuelle, ne se sont pas développés au-delà de l’état embryonnaire des Distomes. Les changements qui pour l'embryon suivent l’enkystement, se manifestent d'abord par une exfoliation des cellules épidermiques. Les animaux perdent par suite leur motilité et la forme de leur corps, ils se ramassent en une masse ovalaire et commencent à grossir si rapidement, que la tache oculaire en forme d’X, qui appartient aux couches profondes de la paroi du corps qui s’allonge de plus en plus, se divise bientôt en deux moitiés punctiformes. C'est surtout la masse des celluies germinatives qui prend une part active à cette croissance, Elle grandit de telle sorte, que bientôt elle repousse l'intestin rudimentaire et remplit toute la cavité du sac. Les cellules elles-mêmes grandissent et plusieurs d’entre elles, surtout en avant, après s'être divisées NOTES ET REVUE. XX VII bien des fois, se convertissent en masses de cellules d’un volume notable et qui bientôt laissent voir la première ébauche du futur jeune. Mais ce qui a lieu d'étonner, c'est que ce ne sont pas de jeunes Distomes ou Cercaires qui sont ainsi produits, mais bien des Rédies, qui déjà à la seconde semaine sont faciles à reconnaitre et peu après font éclosion une à une eu brisant le sac maternel. Le nombre de ces rejetons était dans chaque sac d'environ cinq à huit. Leur corps a une forme cylindrique, et comme dans la plupart des espèces présente, au commencement de l'extrémité postérieure et amincie, deux pro- longements dentiformes qui sont dirigés du côté ventral et servent à la locomo- tion, comme deux moignons de pied. La ventouse céphalique, qui est reportée vers le milieu du corps par un épaississement en ceinture de la cuticule, jouit d’une grande mobilité qu’elle doit en grande partie aux muscles rétrac- teurs qu’elle contient et qui s’attachent sur la ceinture cuticulaire. Les bords des lèvres peuvent se dilater en écuelle et exercer ainsi une succion puis- sante. L'organisation interne des Rédies ressemble à celle des embryons, si ce n’est que les organes et en particulier lappareil digestif sont arrivés à un degré plus haut de perfection. [l en est de même pour les cellules germina- tives qui ne se séparent nullement après coup, comme on Pa dit de la paroi du corps, mais prennent naissance en même temps que les autres organes et acquièrent d’une manière indépendante l'état auquel elles arrivent plus tard. Elles prennent naissance dans le mésoderme, qui se méntre entre l’ectoderme et l’endoderme de très bonne heure quand l’amas de cellules en est au stade de gastrule épibolique. Au-dessous du pharynx les Rédies possèdent un ganglion bilobé, et dans la paroi du corps, un peu en avant des moignons pédieux, un entonnoir vibra- tile de chaque côté. Les cellules germinatives commencent leur évolution aussitôt après la mise en liberté des Rédies à une époque où celles-ci mesurent environ 0,5. Elles produisent probablement une sorte de Distome sans queue qui ne nage pas en liberté, mais reste à la place où il est né et passe sur le Mollusque qui l’a nourri à son état définitif, Je dis « probablement », car jusqu'ici il m'a été impossible de suivre jusqu’à leur complet développement ces cellules germi- natives, car toutes les Lymnées que j'avais infestées, et cela dans toutes mes expériences, mouraient dans le cours de la quatrième semaine, c’est-à-dire justement à l’époque du développement des Distomes. Pour admettre que l'être qui dérive de ces Rédies est un Distome sans queue, Je me fonde non seulement sur la présence en grande quantité de la douve du foie dans les moutons et les bœufs, mais aussi sur cette circonstance que chez le Lymnœus minutus, et il est vrai chez des exemplaires adultes que je dois à l’obligeance de M. Clessin, j'ai trouvé une Rédie qui appartenait vraisembla- blement au cycle de la douve du foie et contenait un Distome sans queue. Cet être avait déjà le revêtement de bâtonnets de l'animal adulte naturellement moins gros et avait encore le simple intestin fourchu, que Joseph a d’ailleurs déjà observé dans les jeunes douves du mouton. Si mes présomptions sont exactes, ce sont donc deux petites Lymnées : XX VIII NOTES ET REVUE. L. pereger et L. minulus, qui sont les hôtes des douves du foie, espèces qui ont une distribution un peu différente, mais se ressemblent beaucoup par la fréquence et le genre de vie. Malheureusement je n'ai pu encore mettre en expérience le L. minutus, cette espèce manquant complètement aux environs de Leipzig, et comme je compte poursuivre ces recherches ces années sui- vantes, Je termine cette communication en priant le lecteur de m'envoyer des L. minutus aussi petits et aussi nombreux que possible, voire même des pontes, afin de me permettre de compléter ces recherches, dont l'importance dépasse certainement les limites du pur intérêt scientifique. LAN: XII SUR LA NATURE ET SUR LES FONCTIONS DES « CHLLULES JAUNES » DES RADIOLAIRES ET DES COELENTÉRÉS, Par P. GEDDES. (Abrégé des Proceedings of the Royal Sociely of Edinburgh, 16 janvier 1882.) Depuis une quarantaine d'années, aucun observateur des Radiolaires n’a oublié d'étudier plus ou moins les cellules qui se trouvent presque toujours parsemées irrégulièrement dans le sarcode de ces animaux. Ces cellules, qui se multiplient très rapidement par la division transverse, ont une paroi bien définie, un grand noyau, et sont remplies de protoplasma coloré en jaune. Dans sa belle monographie des Radiolaires, M. Hæckel suggère que ce sont des glandes digestives très simples, et il les compare aux cellules hépatiques décrites par Vogt chez la Velelle. Plus tard, il constata la présence d’une grande quantité d’amidon dans ces cellules et envisagea cette découverte comme vérifiant son hypothèse de leur rapport à la fonction de nutrition. En 1871, Cieukowski trouva que ces cellules jaunes pouvaient très bien survivre à la mort du Radiolaire pendant une semaine ou plus, et il remarqua non seulement qu’elles continuaient de se multiplier, mais aussi qu'elles montraient le nouveau stade d’enkystement, suivi de mouvement amæboïde. S'appuyant principalement sur cette découverte remarquable, il soutint que ces cellules n’appartenaient pas à l'organisme du Radiolaire, mais qu'elles n'étaient que des algues parasites. Quoique M. Richard Hertwig n'ait pas con- firmé ces observations, M. Brandt, le dernier investigateur de ce sujet, les a corroborées complètement, et il ajoute de nouveaux arguments à l'appui de la théorie de parasitisme. En attendant, on découvrait de semblables corps paradoxaux chez beaucoup d'autres groupes. Les frères Hertwig avancèrent l'opinion que les corps pig- mentaires de l’endoderme des Actinies étaient aussi des algues. Leur avis fut fondé sur la distribution très irrégulière de ces cellules parmi les Acti- pies, sur leur ressemblance à celles des Radiolaires et sur leur rencontre par- NOTES ET REVUE. XXIX fois libre dans l'aquarium ; mais ces naturalistes n’ont pas réussi à démontrer la présence ou de cellulose, ou d’amidon, ou de chlorophylle. Plusieurs autres travailleurs ont décrit de semblables cellules chez les Foraminifères, les Infu- soires, et même chez la Myriothèle et les Rhizostomes. En général, on les a regardées comme étant des algues parasites, mais le dernier investigateur, M. Hamann, tout en croyant que celles des Radiolaires sont des algues, soutient que celles des Actinies et des Méduses sont des glandes unicellulaires. Dans l'espérance de poursuivre cette question, je me suis rendu à Naples au mois d'octobre dernier. Il était facile de vérifier les observations de Cien- kowski et de Brandt chez les cellules jaunes des Radiolaires, et de se con- vaincre de leur #ature véritablement algoïde. L’amidon se trouve en quan- tité remarquable, comme l'a décrit Hæckel; la paroi de la cellule est formée de cellulose ordinaire, donnant un bleu magnifique avec de l’iode et de l'acide sulfhydrique, et la matière Jaune est identique avec celle des Diatomées. De même façon chez la Velelle, chez les Actinies et chez les Rhizostomes, on peut toujours démontrer admirablement bien la présence de l’amidon, de la cellulose et de la chlorophylle. La composition chimique, aussi bien que la structure et le mode de division, étant parfaitement ceux d’une algue unicel- Julaire, je propose le nom générique de Philozoon, et j'en distingue quatre espèces : P, radiolariarum, P. siphonophorum, P. achiriarum et P. melu- sarum. Reste à décider la manière de vivre et la fonction de ces algues. Je répétai, avec une quantité de Radiolaires (Collozoum), les expériencesque j'avais faites autrefois sur les Planaires vertes de Roscoff !, en les exposant à la lumière du soleil, et j’eus bientôt le plaisir de les voir couverts avec de petites bulles de gaz riche en oxygène. En exposant une multitude de Velelles pendant quel- ques heures, j'ai pu collectionner une quantité considérable de gaz, dont l’a- nalyse donna 21 à 2% pour 100 d'oxygène. Mais les résultats les plus frap- pants furent donnés par l’Anthea cereus (Anemonia sulcata), qui donna une quantité énorme de gaz, ayant 32 à 38 pour 100 d'oxygène. Au premier abord, il semblerait impossible de concilier cette observation avec les résultats complètement négatifs des expériences de M. Krukenberg sur le même animal à Trieste ?., Mais en exposant côte à côte deux échantillons de l’Anthée, l’un de la variété plumosa, qui prédomine à Naples, l’autre de Splendida, qui est bien plus rare, j'ai pu obtenir du premier une quantité de gaz assez grande pour une analyse, et de l'autre presque aucune bulle. La va- riété plumosa doit sa coloration olive aux cellules jaunes de l’endoderme qui s'y trouvent en grande abondance; tandis que l’autre variété n’en à que très peu, mais possède plus de pigment vert en état de diffusion dans l’ectoderme. J'ai exposé ensuite avec un résultat favorable les deux variétés de Crriaclis Aurantiaca, dont l’une est remplie de cellules jaunes, et l’autre en est dé- | pourvue. La dépendance complète de l’émission de l’oxygène de la présence des algues et son indépendance des pigments propres aux Actinies furent 1 Sur la physiologie de la chlorophylle chez les Planaires vertes (Archives de z00- | logie exp., t. VIII, 1880). ? Vergleichende l'hysiologische Sludien, Heft I. de NOTES ET REVUE. démontrées plus nettement encore en exposant autant que possible des formes contenant des cellules jaunes (Aiptasia, Chamalcon, Helianthus, Troglo- dytes, etc.), côte à côte avec une série n’en ayant point (Actinia Cari, À. me- sembryanthemum, Sagartlia parasitica, Cerianthus, etc.) La première série ne manque jamais de produire beaucoup d'oxygène ; la seconde n’en montrait jamais la moindre trace. Quelle est la relation entre l’animal et les plantes curieusement associés ? Tout le monde sait que les cellules incolores d’une plante partagent l'amidon formé par les cellules vertes et subsistent à leurs dépens; et il me paraît impossible à douter que l'Actinie ou la Radiolaire profite également de l’ami- don élaboré par le Philozoon, qui passerait facilement par osmose dans la cel- lule animale qui l'entoure. Il y a encore un service final rendu par l’Algue aux besoins nutritifs de son hôte, car on en trouve souvent, spécialement chez les Radiolaires, plus ou moins complètement digérées. La cellule animale produit de l’acide carbonique et des matières azotées. Ce sont justement les matières de première nécessité pour l'algue, qui en profite beaucoup, comme le fait voir sa multiplication rapide. Mais cette fonction rénale ne termine pas la liste des services du Philozoon, car nous venons de voir que, pendant le beau jour, il fait passer de l'oxygène en quantité très considérable à travers la cellule animale; et nous voyons ainsi de la chlorophylle étrangère fonctionnant au lieu de l'hémoglobine natif. On comprend bien l'importance de cette fonction respiratoire en comparant des échantillons des Gorgoniens rouge et blanc (qu'on croit généralement n'être que des variétés de la même espèce, G. verrucosa). La variété écarlate est absolument dépourvue d'algues, qui ne pouvaient pas exister dans la lu- mière rouge; mais la blanche en est remplie; celle-ci donne beaucoup d'oxygène, celle-là n'en donne point. Avec de l'alcool, la Gorgone blanche fournit une solution de chlorophylle, la rouge une solution dans laquelle mon ami M. Merejkowski ! a trouvé le tétonérythrine, ce pigment remarquable dont il a tellement approfondi la connaissance. Nous avons ainsi deux va- riétés physiologiques fortement contrastées, sans la moindre différence mor- phologique. Quand on expose au soleil un aquarium plein d’Anthées, les animaux meu- vent leurs bras gracieusement, et paraissent être très agréablement stimulés par l'oxygène qui est développé dans leur tissu. Les Radiolaires sont toujours tués par l'exposition au soleil pendant toute la journée, et c’est probablement pour échapper à cette oxydation trop violente qu'ils ont l'habitude de quitter la surface de la mer et de s’enfoncer dans les profondeurs pendant la grande partie de la Journée. Il est facile d'obtenir une preuve directe de l'absorption de l'oxygène par les tissus animaux qu'il traverse, Le gaz donné par une Algue verte (Ulva) exposée au soleil peut contenir autant que 70 pour 100 d'oxygène, par une Algue brune (Haliseris), 45 pour 100, par des Diatomées, 42 pour 100. Les animaux qui contiennent le Philozoon donnent toujours une proportion bien plus fai- ble ; par exemple : Velella, 24 pour 100; la Gorgone blanche, 34 pour 400; 1 Comples rendus. NOTES ET REVUE. XXXI Ceriactis, 21 pour 100. L'Anthée même, qui est le plus riche en algues, ne donna jamais plus que de 32 à 38 pour 100. La différence entre la quantité d'oxygène dégagé par les algues libres et les algues emprisonnées est naturel- lement due à la respiration de l’animal. Pour une cellule végétale, on ne peut pas imaginer une existence plus idéale que dans l’intérieur &’une cellule animale, assez transparente pour ne pas exclure la lumière, et assez bien vivante pour la fournir abondamment d'acide carbonique et de matières azotées. Et réciproquement, pour une cellule ani- male, c'est l’idéal de posséder un assez grand nombre de cellules végétales en esclavage, qui servent à éliminer ses matières usées, à fournir de l'oxygène et de l'amidon, et à être digéré après leur mort. On ne peut pas appeler cette association remarquable un cas de parasitisme. La meilleure analogie est fournie par les Lichens, que nous connaissons, grâce aux recherches de Schwendener, Bornet et Stahl, pour des colonies d'algues, couvertes par les champignons qui les exploitent. Remarquons aussi le contraste que présente ce cas d'exploitation des plantes par les animaux, avec le cas inverse des plantes carnivores. Mais cette association de l’Anthée ou de la Radiolaire avec le Philozoon est la plus complexe de toutes, car nous voyons ici presque toutes les relations qui subsistent dans la nature entre le règne animal et le règne végétal. Le lecteur peut demander si les Planaires vertes ne végètent pas de mème facon, si leurs cellules vertes ne sont pas aussi des algues. Pour me préparer contre cette objectiôn, en revenant de Naples j'ai réexaminé, à Paris, des Convolutes (grâce à l’obligeance de M. de Lacaze-Duthiers), et je puis consta- ter de nouveau que ces cellules n’ont pas la moindre ressemblance avec les Al- gues, qu'elles n’ont pas de paroi, et qu’elles ne se trouvent pas en état de divi- sion transverse, mais qu'elles forment une couche bien régulière. J'espère publier bientôt des figures dans les Archives. P. GEDDES. XIH CONTRIBUTION À L'ÉTUDE DE LA STRUCTURE DE L'OVAIRE DES MAMMIFÈRES. OVAIRE DÉS PRIMATES, g Par Jules Mac LEon. (Archives de biologie, vol. If.) L'auteur a eu occasion d'examiner l'appareil reproducteur femelle de l'Orang-Outang, de l’Entelle, du Patas, d’un Macaque, d’un Cynocéphale et d’un Maki provenant du Jardin zoologique d'Anvers. L’ovaire des primates à | été Jusqu'ici fort peu étudié. Chez l’Orang la disposition des parties est fort semblable à ce qu’on ren- | Contre chez la femme, la fimbria ovarica n’est pas en continuité avec l'ovaire d’une manière constante. XXXII NOTES ET REVUE. Chez les Semnopithecus, Cercopithecus, Macacus et Cynocephalus, qui for- ment un second type, l’oviducte grêle présente de nombreuses ondulations et l’orifice de la trompe se trouve non pas, comme chez l'Orang et chez la femme, près de l'extrémité supérieure du pavillon, mais beaucoup plus bas. Il y a toujours continuité directe entre la surface de la glande génitale et celle du pavillon. Dans le Maki (Lemur nigrifrons), l'utérus est bicorne, l'ovaire n’est attaché au mésovarium que par son tiers moyen et est libre à ses deux extrémités; la capsule ovarique est beaucoup plus importante que dans les formes précédentes. Le Patas et le Macaque seuls ont présenté un parovarium. Dans l'ovaire du Macaque un grand nombre d’invaginations de lépithélium ont été observées. Plusieurs traversaient presque toute l’albuginée. Jamais l'auteur n’y à vu aucune cellule qui ressemblàt à un ovule primordial. XIV RAPPORT PRÉLIMINAIRE SUR LES TUNICIERS DU CHALLENCER, Ae partie. Par W.-A. HERDMAN. {Proceedings of the Royal Soc. of Edinburgh, sessions 79-81.) Continuant l'étude dont nous avons readu compte dans le précédent nu- méro de ces Archives, l'auteur aborde la famille des Molgulidæ, établie par de Lacaze-Duthiers en 1877. Des quatre genres alors créés : Anurella, Molgula, Ctenicella et Engyra, deux seulement, Molgula et Engyra, sont représentés dans les collections du Challenger. L'auteur ne croit pas devoir retenir le geure Anurella, qui, se distinguant de toutes les autres Molgulides par l'absence de queue chez l'embryon, ressemble tout à fait au genre Molgula à l'état adulte. En revanche, il introduit un nouveau genre, le genre Ascopera, dont les stigmates sont droits ou incurvés, mais non disposés en spirales et dont le corps est plus ou moins pédonculé. Les espèces recueillies sont les suivantes : Molgula gigantea Cunningham ; M. gregaria; M. pedunculata, n. sp.; M. horrida, n. sp.; M. Frorbesi, n.sp.; M. pyriformis, n. sp.; Engyra Kuguclenensis, n. sp.; Ascopea gigantea ; À. pe- dunculala, un. sp. Le genre Glandula de Stimpson appartient à la famille des Cynthiadæ stycline. Le directeur : M. bE LACAZE-DUTRAIERS. Le gérant: C. ReINwaLn. ! è È : Î | = > 3 pe mr AR, ie = a RE Re £ BR A - ee eq = EE JAM CIS EE 2x + FRS SR SSSR SE HR — De CMerceier se Br e Imp. Ch. Chardon ane. D é TUBE DIGESTIF ET ORGANES GENITAUX WC A.ad nat del. LEP ‘TRE to US TU UD ê 'e à | | Il mr | | À à | | É 3 | | 7 Ô | | OU [EL ER 272 | Il | | | - / ‘4 | 4 l | | | ss | | ee + Lcd L Le : ' | | | À TN | AN ca DU : | | | | | = | 1 } IP À | ‘ Ve É [a € é X # | , PA | ne |: | « Ps (1) Cv... î \ [1 | Cz pe has = ) ES = ©, F. dportolidés ad É de rat. del {mp. Ch. Chardon aine. ? Phocas se Sc ; ° R op ; \ S : : ‘ ‘ Æ | F | : = | | C à ; | Ce \ ide . | Ca à : | Pa | à 1 \ à à * Sr À À \ SL 4 \ : FM } Vis À ‘ À 1 à" s Le \ | qe pr æ e Lmp.Ch. Chardon ainé -tr r d 4 | F + 2 A 7 | h © | Te er A Ÿ j | "RQ È < < 4 S | | à - à | à ] | 1 | Cr £ S - P / | | K ALL AE en É À O S 8 K LT x | ; \ S É | \R î $ $ à te CG oO | | _ : ES nt t sé — = —- = RER CRRREREES pee ' CAR CARE AUS T ON | QUIL } "É PA TAET (AA VS u ra WOMEN D L % 2 + Lomme 0 mn r. NET" n b Br De ee eb n k Ë t i | k % | | vp À | 7 | | ; Pr F] (2) {| ‘ | | || ---2X W | à De ; (2 | LA | ct ÿ ? A... 7 IR QE EX | | n ll Il ! | m me | | vb 1 L" | — 2 " |! » Le L bolidés ad nat del ñ JP D, o) ) Ô /t b 77 Pr Phocas s € &æ « O 9 Ô 10 1 } f t | | A # aN NE 12 * & 7 A : P> 4 [2 NN \ N S LL Zur CT f à ve à ? 4 WApostolides ad . cam duc. del BR NT TE AE J VsL HZ SE 6 & OR ds) \ £ \ art BE —— à \ CAES TR 4 m ec Împ.Ch.Chardon aine e SJ Phocas s 11 e Phocas re Aid Rein Ch. Chardon aine (qe) CE! (a () =) |æ ji ep] (qu [en = = nt) à <« LS _ imp. 1 FA H 413 40 j Énairie M NEA 4 IE 0e > Lu 16 r ad. cam lus, del. DEVELOP | | Mortolide. « à £ : « : s! E re Î { ed es LE L. r - $ LP ee . LA . DT : : : be É , | À : 4 ï ‘ - * - à : Lhé ne … — mn tase td Ge DEEE = ti LA | Se. | —— a] : KA - R Ÿ ; à O k æ É Le. x LJ @ el n° °% {2} as) À | ETS à Pic à & $ è à M S & À D ss EN S | à à ? à = LS "TA T id ei WPF: L Phal | y | 5 Lx > En, Se ÿ » + \ 4 “22 + 0 N + ÿ. PTE [ 4 ) f e- DS: 4 » | H \ ÿ C net : ! Ps \ 7 3 N \ LR ) » À, j } 2 LA } ) À Ch Y 1 { ; A À \ ( ÿ4 \ { 75 à AT 6 (3 \ 4 7 : . \© y S a JE W R VAT \ | + i1U Un D i ® 4 = | Î | 7. Ÿ I to) 4 IE mp. Ch. Chardon ainé [42 = 7 I l l [ j | 1 1 1 1 ! l l 1 Ÿ = Weue-Laffuie ad nat del pe à CE 20 Ë 24 De ET dt - re PS A en at ee Rr + (EEX | Li ICI] os LE \ ; 3 TU à er) S ; Ai À ‘ ù 7 $ 1) co Pt Tr ) & { \ sie è Fe NS - -È = EX TA EN à € S ? à ù = d sd SS A IA) Ÿ = > nr M € ESS TA à u $ PA] Ÿ D AT) PA x & SA NN e : PAF Le a S ia | F k 1 8 se 4 SS Ù Q 1: : . ! & Fu { © ! Ù ! ! " { y | ï [ ] ES 1 Lt f ) RQ n =} ! ( ! > ! à) à D ; ! Pre 1 : Le S ; ! (APE 1 : 1 ét s] ff | PUR 0 * / {l 2 (l ! 4 ! à Li INF }, — " * LU x ARE NN) L k Ÿ H 4 | 113 | 1 ; | | { f SAT 1 < | ù 1 : “ Zmp.Ch. Chardon aine.. q \ \ æ ---SÈSs \ pp ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE. 289 Nous venons de démontrer d’une facon bien évidente que l'organe que nous venons d'étudier est un rein ; mais, outre sa fonction d’excrétion, j'incline à penser qu'il joue aussi un certain rôle dans la respiration ; il est, je crois, chargé de cette fonction lorsque l'animal est à l'air libre. Nous verrons plus loin, en examinant la res- piration, ce que l'on doit admettre à ce sujet. Glande pédieuse. — La glande que je désigne sous le nom de glande pédieuse est une glande située entre la bouche et le pied. Courte, peu développée, elle débouche, comme nous l'avons déjà vu en exa- minant l'extérieur de l'animal, en arrière du bord supérieur du pied par un large orifice. Ce n'est, à proprement parler, qu'une sorte de petit cul-de-sac conique libre à sa partie inférieure dans la cavité générale. Pour bien comprendre sa situation, il est nécessaire de donner quelques détails. Les téguments de la tête de l'animal se confondent à leur limite avec ceux du pied et du manteau, excepté en un point situé sur ia ligne médiane en arrière du bord supérieur du pied et en avant de la bouche; là, les téguments laissent un orifice ovale à grand diamètre transversal, qui ferait communiquer la cavité générale avec l'extérieur sans la présence de la glande pédieuse, qui s’insère sur tout son pour- tour et qui empêche ainsi toute communication. Le petit sac glandulaire qui, à lui seul, constitue toute la glande pédieuse, reçoit par son sommet, comme nous l'avons vu au chapitre de la Circulation artérielle, une petite artère qui lui vient de l'aorte après son passage à travers les centres nerveux. Sur un animal ouvert, dont on à enlevé tous les viscères, on dis- tingue très bien ce cul-de-sac glandulaire situé au-dessus du système nerveux (pl. XVII, fig. 2, a). Sur une coupe longitudinale, on se rend compte bien plus exactement de sa position et de ses rapports IbEXIV, fig. 19). . La structure de cette glande est des plus simples; elle est formée par un tissu glandulaire blanchâtre composé de cellules arrondies très claires, à parois délicates, munies d'un noyau peu volumineux, mais très net. La cavité interne de la glande, qui est aussi son canal excréteur, est tapissée par un épithélium prismatique, muni de fins cils vibratiles {pl. XVI, fig. 20). Par son aspect, le tissu de la glande pédieuse ressemble presque complètement au tissu des glandes salivaires. Si, par une légère ARCH. DE ZOOL. EXP, ET GÉNe. — T. X. 4889. _49 in ( TL DS NS Le PE nn LE Es, z- +. En e CE Ep En +2 her es EAST eee dt et +4 290 . J. JOYEUX-LAFFUIE. pression, on écrase sous le microscope une de ses cellules, on voit sortir de son intérieur une trainée de granulations réfractant forte- ment la lumière ; souvent, au milieu d'elles, se voit le noyau de la cellule. Cette glande à pour fonction de sécréter une substance que l'On- cidie laisse'sur son passage sous forme de matière glaireuse, géla- lineuse, et qui est éestinée à faire adhérer le pied aux corps sur les- quels l'animal rampe. Il suffit de faire ramper un individu sur ure plaque de verre bien nettoyée pour distinguer facilement cette trace de son passage. . M. Vaillant", dans sa note sur l'anatomie de l'Oncidie, ne signale pas la présence de cette glande ; il a, je crois, vu l'orifice extérieur sans apercevoir la glande elle-même ; c'est du moins ce qui semble ressortir de ces quelques lignes: « Le pied présente une cavité qui communique avec l’extérieur par un orifice situé, comme d'ordi- naire, en dessous et en arrière de la bouche, près de deux grosses masses musculaires dont l'animal semble se servir en guise de ten- tacules supplémentaires et qui sont peut-être les analogues des pe- lits tentacules des Gastéropodes quadritentaculés. Il est facile d'in- jecter par cette cavité les lacunes veineuses .» De plus, on pourrait penser, d’après cette description, que l'orifice fait communiquer l'extérieur avec l'appareil circulatoire, puisqu'on peut injecter en partie ce dernier par « cette cavité ». Il n’en est absolument rien; certainement, on peut injecter le système veineux par cette cavité, mais il faut pour cela percer la glande et que la canule de la seringue pénètre dans la cavité générale; età cette condition, on peut injecter l'animal par tous les points de sa surface, pourvu qu'on traverse les téguments et qu'on pénètre dans la cavité générale. Guvier *, dans son mémoire sur l'Oncidie de Péron, ne signale pas la présence d'une glande semblable. Glandes du manteau.— L'Oncidium présente dans son manteau des glandes spéciales très intéressantes. MM, Fischer et Grosse * en ont donné une description accompagnée de dessins communiqués par 1 VAILLANT, Loe, cit, 2 Cuvien, loc. cit. 3 Frscuer et Crosét, loc, cit, HAT ce ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE, 291 M. le professeur Vaillant ; ils indiquent la situation de ces glandes, mais la structure histologique est incomplète et en grande partie inexacte. _ Cuvier, dans son mémoire, n’en signale même pas la présence. Semper signale bien chez des Oncidies exotiques une grande quantité de glandes situées dans l'épaisseur du manteau et qui sé- crètent de petites concrétions que l'animal peut lancer sur ses enne- mis, mais il est difficile de savoir si ce sont des glandes comparables à celles qui nous occupent ici; leur grand nombre chez le même animal tendrait à prouver que non. Dans l’Oncidium celticum, ces glandes sont au nombre de vingt, situées dans l'épaisseur du bord du manteau. Le corps de chaque glande occupe la partie la plus épaisse de ce bord, et les canaux excréteurs viennent déboucher à lextrémité des plus grosses pa- pilles. On peut ainsi, de chaque côté, distinguer dix plus grosses papilles branchiales. Le bord du manteau est moins développé dans la région supérieure située en arrière de la tête; les glandes sont aussi moins volumineuses dans cette partie que dans les régions inférieure et latérales. Chaque glande est enveloppée d’une couche de fibres musculaires, disposées dans tous les sens et l’entourant de tous côtés (pl. XVI, fig. 8, a). Le tout, la glande et son enveloppe, est logé et remplit exactement une petite cavité située entre les faisceaux musculaires qui forment le Uissu du manteau. La glande est ainsi simplement placée au milieu des tissus (pl. XV, fig. 7); aussi est-elle très facile à énucléer. | Une de ces glandes énucléée et isolée peut être considérée comme composée de deux parties : le corps de la glande, qui est arrondi et framboisé à sa surface, et le col, à l'intérieur duquel se trouve le canal excréteur. Le col est aussi légèrement bosselé à sa surface, mais cela n’est bien apparent qu’à son origine, son extrémité termi- nale devenant plus lisse en même temps qu’elle diminue de volume. Chaque petite masse qui fait ainsi saillie à l'extérieur, et qui contri- bue à donner un aspect framboisé, n’est autre qu'un élément de la glande ou cellule glandulaire. Il suffit de faire une dissociation à l’aide d’aiguilles fines pour voir que chaque cellule isolée est formée d'une enveloppe épaisse résistante, contenant dans son intérieur une grande quantité de granulations, au milieu desquelles on dis- tingue facilement un gros noyau. Pour étudier la structure d’une de ve -&- = Es + LES Rat: SRI OS 2 ee RSR SE RSR RARES DR RE Sa RC SGPTESRES PAT FIRT PET LE PERCE 292 3. JOYEUX-LAFFUIE. ces glandes, il est indispensable de faire des coupes sur des animaux fixés, soit par l'alcool, soit par l'acide osmique. Sur une bonne coupe médiane, passant par le canal excré- teur de la glande, on voit que le corps et le col sont formés de cellules analogues, mais différentes de forme. Les cellules qui com- posent le corps sont des cellules pyramidales (pl: XVI, fig. SR base externe légèrement arrondie et à sommet dirigé vers le centre; par le fait de leur compression réciproque, Ces cellules présentent un contour en général hexagonal. Les cellules qui forment le col, au lieu d'être pyramidales, sont simplement en forme de coin et présentent des dimensions beaucoup moindres. Toutes offrent les mêmes caractères, soit qu'elles appartiennent au col, soit qu'elles fassent partie du Corps de la glande. | Leur paroi, résistante, est très nette ; leur contenu se colore en jaune rougeàtre par le picrocarminate d'ammoniaque, et en noir intense par l'acide osmique. Ce dernier caractère nous montre que nous avons affaire à une matière grasse. Non seulement le contenu cellulaire se colore ainsi en noir, mais encore, par le fait du durcis- sement, il se réunit en une Masse cassante qui parfois se brise lors- qu'on pratique des coupes sur la glande. La coloration intense du contenucellulaire par l'acide osmiqueempèche de distinguer le noyau. Les sommets des petites pyramides que forment les cellules glandu- Jaires. au lieu de se toucher au centre du corps arrondi de la glande, arrivent seulement à une certaine distance de ce centre et laissent ainsi un-canal, qui n’est autre que le canal excréteur de la glande. Ce canal, assez volumineux au centre du corps, se rétrécit en par- courant le col et débouche à l'extrémité des grosses papilles bran- chiales du bord du manteau ; presque toujours on {rouve dans son intérieur la mème matière grasse qui remplit les cellules glandu- laires. Comment cette substance est-elle sécrétée el passe-t-elle dans le canal excréteur ? Est-ce par rupture du sommet des cellules olandulaires ? ou bien y a-t-il là quelques perforations qui permet- tent un passage facile ? Je ne saurais formuler une opinion à ce sujet; mais je dois dire que, malgré toutes mes recherches, je n'ai jamais observé que des cellules glandulaires complètement closes. Ces glandes marginales du manteau sécrètent, lorsqu'on irrite fortement l'animal, une matière demi-liquide d'un blanc d'argent, peu miscible avec l'eau de mer; cependant, au bout d'un certain ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE. 293 temps, elle se mélange et disparaît à la vue. Le rôle de cette sub- stance est absolument inconnu. Est-ce un moyen de défense pour l'animal contre ses ennemis ? Cela ne semble guère admissible. Ce- pendant, si ces glandes sont les homologues de celles qui existent dans le manteau d'un grand nombre d'espèces d’Oncidies de la mer des Indes, et qui, d’après Semper, sécrètent de petits corpuscules durs avec lesquels l'animal peut bombarder ses ennemis, on pour- rait attribuer, par analogie, un rôle de défense à celles que je viens de décrire. M. le professeur Vaillant, d'après les figures qu'il à communiquées à MM. Fischer et Crosse ', ainsi que ces derniers, dans la descrip- tion qu'ils en ont donnée, ont, je crois, commis plusieurs erreurs. Ces auteurs décrivent l’enveloppe musculaire qui entoure la glande comme formant le canal excréteur, et ils ne considèrent comme glande que ce que j'ai désigné iei sous le nom de corps de la glande, c'est-à-dire la partie arrondie plus volumineuse située le plus pro- fondément dans l'épaisseur du manteau. De plus, dans la glande elle-même, ils décrivent les cellules que j ai désignées sous le nom de cellules pyramidales comme étant des acini, et pour eux chaque acini renfermerait une grosse cellule munie d'un noyau volumineux et un grand nombre d’autres petites cellules. Evidemment, ces z00- logistes ont pris l'élément glandulaire pour un acini, le noyau de cet élément comme étant le noyau d'une grosse cellule contenue dans son intérieur. Quant aux nombreuses cellules qu'ils représen- tent comme remplissant l'intérieur de leur acini,ce ne peuvent être que les granulations contenues dans les cellules glandulaires. Du reste, d'après les figures et la description, il est difficile de se rendre compte comment les nombreux acini qu'ils représentent peuvent verser au dehors le liquide qu'ils sécrètent. Il est, du reste, naturel que ces auteurs n'aient pas compris la structure de ces glandes, n'ayant pas pratiqué de coupes dans leur épaisseur. En traitant, dans la seconde partie de ce travail, le développement du manteau, j’indiquerai comment ces glandes se montrent dans son épaisseur et arrivent à la forme qu’elles ont chez l'animal adulte. Cellules épithéliales spéciales. — Je décris ici sous ce titre des cel- 1 Voir Recherches zoologiques pour servir à l’histoire de la faune de l'Amérique centrale et du Mexique, Te partie, t. I, pl. XXXI, fig. 2, 10 et 11. 294 J. JOYEUX-LAFFUIE. lules toutes particulières, que l'on rencontre dans l’épithélium qui recouvre ie manteau. Semper a décrit ces mêmes celluies chez des Oncidies de la mer des Indes comme étant des yeux; c'est parce que je ne puis accepter ici la même interprétation que j'en donne la description au chapitre des Sécrétions. Par cette manière de faire, je n’entends nullement leur attribuer une fonction de sécrétion. Je me borne simplement à leur description et me garde de me livrer à des hypothèses sur leurs fonctions, persuadé qu'en émettant des opinions hasardées on retarde la science plutôt qu'on ne la fait progresser. Sur une coupe perpendiculaire à la surface du manteau, on voit que la couche épithéliale située à la surface présente de distance en distance (pl. XIV, fig. 21) des points où les cellules sont différentes de leurs voisines. Si l’on examine cet épithélium à un fort grossis- sement (pl. XVI, fig. 9),on remarque facilement qu'en certains points les cellules épithéliales de forme conique sont remplacées par des cellules plus volumineuses, se colorant moins facilement par le picro- carminate et possédant une forme de bouteille ou de massue. Il serait fort intéressant de les étudier à l’état frais, mais leurs faibles dimen- sions ne permettent pas de les observer différemment que sur des cou- pes. Ces cellules renferment dans leur intérieur un noyau volumineux ; souvent elles sont réunies en grand nombre et forment de petits îlots arrondis ; dans d’autres points, on en observe seulement deux ou trois ainsi groupées. Dans les îlots les plus considérables, la mince cuticule qui recouvre l'épithélium du manteau, au lieu de présenter de très fins tubercules correspondant à chaque cellule, comme cela a lieu pour les cellules épithéliales, est, au contraire, complètement lisse. Par l'action de l'acide osmique, leur contenu se colore en noir, exactement comme celui des cellules qui constituent les grosses glandes marginales du manteau, que nous venons d'étudier. A ce premier caractère commun s’en Joint un second, c'est leur aspect chez le jeune animal. Si, en effet, on examine par compression un jeune Oncidium qui vient d'éclore, on voit que ces petits groupes de cellules sont, comme les glandes marginales, très transparents et réfractent fortement la lumière; le principal caractère distincuüf est la différence de volume. À Du côté interne, la grosse extrémité de ces cellules est en contact avec les tissus du manteau, qui présente à ce niveau Je réseau vascu- | ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE. 295 laire situé à sa surface, et un peu au-dessous la couche pigmentaire externe. Toute la surface du manteau présente ces points composés d'élé- ments spéciaux, même la partie située à la face antérieure de l'a- nimal. Semper! est le seul auteur qui décrive et figure ces points parti- culiers du manteau, chez des espèces de la mer des Indes, comme étant des yeux comparables aux yeux des Vertébrés. Cet auteur décrit une cornée, un cristallin et une rétine composée de trois couches: une de fibres, une de bâtonnets et la troisième de pigment ; il indique aussi un anneau ciliaire et une tache jaune, en un mot les différentes parties qu'on rencontre dans un œil de Ver- tébré, auquel il compare du reste ces yeux dorsaux des Oncidies. Il se sert même des caractères que présente la couche de bâtonnets pour caractériser les différentes espèces. Je n'ai point ici à discuter les opinions du zoologiste allemand, n'ayant pas fait de recherches sur les mêmes espèces d'animaux que lui; mais je ne puis m'empêcher de témoigner mon étonnement en le voyant chercher, dans la structure de la rétine des yeux dorsaux de ces animaux, des caractères spécifiques. De plus, abordant la théorie de l’évolution des organes, il indique comment les yeux se sont développés dans le genre Oncidium, et comment ils servent à l'animal pour apercevoir ses ennemis, dont les principaux sont les Poissons appartenant aux genres Periophthalnus et Boleophthalmus. Lorsqu'un de ces poissons approche, dit-il, d'un Oncidium, celui-ci voit son ennemi au moyen de ses yeux dorsaux, et aussitôt le hombarde avec les corpuscules que sécrètent les glandes de son manteau et le met en fuite, Malheureusement, après ces lon- gues descriptions, l'auteur ajoute que ce sont des hypothèses, n'ayant pas observé les faits. Naturellement je ne saurais m'appesantir sur ces données hypo- thétiques de M. Serper, mais je ne puis quitter ce sujet sans faire remarquer combien les figures d'yeux dorsaux qu'il donne ressenm- blent en partie aux cellules spéciales que je viens de décrire dans l’épithélium du manteau de l’Oncidium celticum ; or, chez cet animal, il est impossible de considérer ces parties comme des yeux bien déve:-npés et pouvant servir à la vision. ‘ SEMPER, Reisen in Archipel der Philippinen (Band III, Land Mollusken, 1877), — Die nalurlichen Exislenshedingungen der Thiere. Leipzig, 1880. 296 J. JOYEUX-LAFFÜUIE. CHAPITRE VIT. INNERVATION. L'Oncidium celticum, comme la plupart des Mollusques Gastéro- podes, possède : un système nerveux de la vie animale, avec des organes des sens, et un systéme nerveux de la vie végétative où stomato-gastrique. S 1. Système nerveux de la vie animale. Un grand nombre d'auteurs se sont occupés particulièrement du système nerveux des Mollusques Gastéropodes: il suffit de citer les noms bien connus de Cuvier, Carus, Moquin-Tandon,MM. de Quatre- fages, Blanchard, Huxley, Leydig, Ihering, R. Berg et enfin de M. de Lacaze-Duthiers, ! qui, dans un mémoire spécial et dans de nom- breuses monographies, a indiqué le premier d’une manière nette et précise les rapports constants des différents centres nerveux. Pour bien étudier le système nerveux de la vie animale chez Onci- dium celticum, 11 faut, après avoir ouvert l'animal, enlever complète- ment la masse viscérale ; on voit alors, reposant sur la face interne du pied, les centres nerveux concentrés en une masse placée au-dessous du bulbe buccal et de la glande pédieuse. En enlevant avec soin la grande quantité de tissu cellulaire qui environne cette masse ner- veuse et lui adhère assez fortement, on arrive facilement à distinguer les différents centres nerveux des Gastéropodes, constitués par des ganglions réunis par des commissures et des connectifs. Les centres appartenant au système nerveux de la vie animale sont au nombre de trois; ce sont: les centres postérieurs, les centres anté- rieurs et les centres inférieurs. À. Centres postérieurs. Les centres postérieurs, que l’on désigne aussi sous le nom de cen- tres post-æsophagiens où de centres cérébroides, sont constitués par deux ganglions symétriquement placés de chaque côté de l'œsophage etréunis par une commissure longue et volumineuse, 1 H. px Lacaze-Durniers, Arch. de 3o0!, exp., 1. 1, Du systeme nerveux des Mol- usques (rasleroyodcs pulmoneés aqualiques. ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE. 297 Par leur forme, ces deux ganglions, de même volume, paraissent absolument symétriques; cependant, nous allons voir, en examinant les régions auxquelles ils fournissent des nerfs, que le ganglion de droite innerve un organe qui n'existe pas du côté gauche, c’est la verge située à droite du bulbe buccal; par conséquent, il ne saurait y avoir une symétrie parfaite. Chaque ganglion postérieur est irrégulièrement arrondi (pl, XVI, fig. 3, A), de couleur jaunâtre à l'état frais et blanchâtre chez les in- dividus ayant séjourné dans les liquides conservateurs; sur le côté externe se voit un mamelon, une sorte de tubercule duquel partent, comme nous allons le voir, des nerfs spéciaux, et auquel M. de La- caze-Duthiers donne le nom de lobule de la sensibilité spéciale. Pour bien voir ce lobule, il faut l’étudier chez des animaux frais, alors que la forme des ganglions n’a pas été modifiée par la conservation. Sur des coupes transversales des ganglions postérieurs passant par la commissure, coupes faciles à faire en durcissant l'animal par le procédé que j'ai indiqué plus haut, on voit, après coloration par le picrocarminate (pl. XVII, fig. 8), que les cellules nerveuses occupent la périphérie du ganglion, tandis que le centre est formé par des fibres nerveuses qui vont constituer la commissure post-æsopha- gienne. Sur certaines coupes on peut voir cependant qu'en certains points de la périphérie (pl. XVIL fig. 8, b et c) les cellules nerveuses sont plus rares ; fort probablement ce sont là des espaces voisins des points où les nerfs prennent naissance ; si, en effet, on examine une coupe passant par les points d’origine d’un ou de plusieurs nerfs, on voit que les cellules nerveuses font complètement défaut. Il y a pour ainsi dire ici quelque chose d’analogue à ce que l’on désigne chez les animaux supérieurs sous les noms de substance grise et de substance blanche; certaines régions sont uniquement composées de cellules nerveuses, tandis que d’autres ne renferment que des fibres. J'ai eu occasion d'examiner des coupes passant par le lobule de la sensibilité spéciale, mais il ne m'a paru offrir rien de particulier comme struc- ture ; il possède, comme beaucoup d’autres points des ganglions pos- térieurs ou cérébroïdes, des cellules volumineuses. Pour étudier les cellules nerveuses, on peut examiner une coupe à un fort grossissement, ou mieux dissocier dans le sérum iodé un ganglion et observer ensuite les éléments ainsi isolés. Ces cellules, d’un volume parfois considérable, sont irrégulièrement arrondies ou ovoïdes ; elles présentent un ou plusieurs prolongements (pl. XVII, 298 J. JOYEUX-LAFFUIE. fig. 10, 11 et 12) et renferment dans leur intérieur un énorme noyau qui souvent remplit presque complètement la cellule; le proto- plasma cellulaire est finement granuleux et se colore légèrement en jaune par le sérum 1iodé, tandis que le noyau prend une couleur jaune brunâtre. Outre sa coloration et ses limites bien nettes qui le font facilement reconnaitre, le noyau offre dans son intérieur une grande quantité de granulalions plus volumineuses et plus appa- rentes que celles du protoplasma cellulaire ; certaines d’entre elles présentent même un volume beaucoup plus considérable et réfrac- tent aussi plus fortement la lumière; on peut, avec certains au- teurs, leur donner le nom de nucléoles (pl. XVII, fig. 10, 11 et 12). Les cellules nerveuses ne présentent point d’enveloppe particulière ; ce sont, à proprement parler, des petites masses protoplasmiques munies de prolongements. Les ganglions des autres centres nerveux offrent une structure analogue (pl. XVII, fig. 9). De chaque ganglion postérieur partent une commissure et trois connectifs. La commissure, volumineuse, longue, n'est autre que la commis- sure sus-æsophagienne de certains auteurs, qui, ici, vu la position de l'animal, doit être désignée sous le nom de post-æsophagienne que lui à donné M. de Lacaze-Duthiers ; elle réunit les deux ganglions postérieurs; malgré son fort volume, elle n'est cependant composée que de fibres nerveuses sans mélange de cellules nerveuses, comme on peut le voir sur une coupe mince (pl. XVI, fig. 8, a). Un des connectifs, le plus gros et le plus court des trois, réunit le ganglion postérieur au ganglion antérieur correspondant, situé du même côté. Le second connectif, plus grèle, mais aussi très court, réunit le ganglion postérieur au ganglion le plus voisin, faisant par- lie des centres inférieurs, lequel est aussi réuni par un connectf au ganglion antérieur ou pédieux; j'indique ici, en passant, ces connexions, afin de montrer que ces trois connectifs forment les trois côtés d’un triangle auquel M. de Lacaze-Duthiers a donné le nom de triangle latéral. Get espace, bien développé chez un certain nombre de Mollusques Gastéropodes, tels que les Gyclostomes, où il est relativement facile à préparer, est au contraire ici très petit el difficile à bien voir (pl. XVII fig. 3, æ, y, 5). utre la commissure et les deux connectifs que nous venons de ir ét qui relient chaque ganglion postérieur aux autres centres du ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE. 299 système nerveux de la vie animale, il existe, de chaque côté, un troi- sième connectif, très grêle et fort long, qui relie le ganglion pos- térieur au ganglion correspondant du centre stomato-gastrique ou O O O centre nerveux de la vie végétative; ce connectif (pl. XVIL fig.3, a, et fig. 1, a) part de la partie supérieure du ganglion postérieur; c'est le filet nerveux le plus.voisin du plan médian de l'animal; il remonte jusque sur les côtés du bulbe buccal, pénètre bientôt dans ses parois et se rend ainsi à un des ganglions du centre stomato-gastri- que, situé sur la face postérieure du bulbe buccal, immédiatement au-dessous du point où naît l’æœsophage. Nerfs. Les nerfs qui naissent de chaque ganglion du centre postérieur pren- nent leur origine apparente sur le côté externe de ce ganglion, par quatre troncs nerveux. Deux partent du lobule de la sensibilité spé- ciale ; ce sont le nerf acoustique et les nerfs optique et tentaculaire, qui forment un trone unique à l’origine. Deux autres naissent sur la même face, un peu plus postérieurement; ce sont le nerf de la nuque et le nerf labial, qui, du côté droit, fournit le nerf de la verge ou nerf pénial. Nerf acoustique.— Ce nerf, fort court et d'un faible diamètre, est, de tous les nerfs de l’animal, de beaucoup le plus difficile à obser- ver, et j'ai dû, pour bien m'assurer de son origine et de son trajet, consacrer à sa préparation un temps considérable. Il naît du lobule de la sensibilité spéciale (pl. XVIT, fig. 3, ?), reste accolé par du tissu cellulaire au ganglion postérieur, au connectif qui réunit ce ganglion au ganglion antérieur, enfin au ganglion anté- _ rieur lui-même, qu ‘il contourne légèrement, pour aller se terminer | à l'otocyste situé à la face inférieure et externe de ce ganglion. | Comme l’a montré le premier M. de Lacaze-Duthiers!, le nerfacous- tique des Mollusques Gastéropodes, qui se rend à l'organe de l’audi- tion ou otocyste, naît constamment du ganglion postérieur; si parfois il semble partir du ganglion antérieur, cette apparence est due à un accolement de ce nerf aux parties voisines; c'est ce qui a lieu, nous venons de le voir,-dans Oncidium celticum. 1 H, pe Lacaze-Dutuiers, Olocystes ou capsules audilives des Mollusques Gusté- ropodes (Arch. de 2001, exp., vol. I). 300 J, JOYEUX-LAFFUIE. Le nerf acoustique, toujours situé extérieurement par rapport au triangle latéral, ne le traverse jamais, comme l’a montré M. de La- caze-Duthiers ; c’est un rapport constant chez les Mollusques Gasté- ropodes, et que cet auteur a le premier déterminé. La disposition que l'on remarque chez l'Oncidie est une confirmation de ce fait. MM. Crosse et Fischer', dans leur description du système nerveux de l'O. celticum, ne signalent ni ce nerf acoustique ni l'otocyste. Il en est de même de [hering *, dans la description qu'il a donnée du sys- tème nerveux de la Peronia verruculata. D'après ces auteurs et, en un mot, tous ceux qui nous ont laissé quelques détails sur le sys- tème nerveux!des Oncidies, on pourrait penser que ces animaux ne possèdent pas d'organe de l'audition ; ïl n’en est rien, et cette lacune est due aux descriptions incomplètes et souvent erronées qu'on a faites du système nerveux de ces Mollusques. Nerfs optique et tentaculaire. — Ces deux nerfs ont pour origine un tronc commun, qui naît du lobule de la sensibilité spéciale, à côté du point d'origine du nerf acoustique, et qui se dirige Jusqu'à l'extrémité interne du tentacule rétracté (pl. XVIL fig. 3, d, et fig. 1,c). Ce tronc nerveux, constitué par le nerf optique et le nerf tentaculaire accolés l’un à l’autre, comme il est facile de s’en rendre compte à l’aide du microscope, se divise au moment où il pénètre dans le tentacule ; le nerf optique se rend à l'œil, et le nerf tentaculaire se distribue aux parois du tentacule, pour servir soit au tact, soit à l’olfaction, suivant que l’on considère, d’après des opinions différentes, le ten- tacule comme le siège de l’olfaction ou comme un organe de tact. Il est naturel de voir ce tronc nerveux présenter une grande lon- gueur, de facon à ne point subir de tiraillements lorsque le tenta- cule se dévagine à l'extérieur. Nerf labial. — C’est, de tous les nerfs partant des ganglions pos- térieurs, le plus volumineux. Son point d’origine est situé près du lobule de la sensibilité spéciale ; celui du côté droit diffère de celui de gauche en ce qu’il semble fournir à la verge le nerf pénial ; les autres branches sont les mêmes des deux côtés ; il me suffira donc d'ajouter quelques mots pour ce nerf allant à l'organe copulateur, { Crosse et Fischer, loc. cil, p. 693. ? IHERING, loc. ci. ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE. 301 lequel est simplement accolé au labial du côté droit, comme on peut s'en rendre compte par l'examen microscopique. Après un court tra- jet dans la cavité générale, ce nerf se divise en deux branches à peu près de même volume. L'une d'elles, l’externe, que je désigne sous le nom de branche labiale, se distribue aux palpes labiaux ; aussitôt après avoir pénétré dans le palpe labial, elle fournit un grand nombre de branches secondaires qui se ramifient dans l'épaisseur du palpe ; plusieurs de ces branches m'ont paru présenter de petits ganglions ; n'en ayant pas fait l'histologie, je ne puis affirmer que ce sont de véri- tables ganglions formés par des cellules nerveuses ; mais, ce que j'ai observé, c'est que, de chacun de ces petits renflements placés à l'extrémité des ramifications nerveuses, partent un grand nombre de très fines branches nerveuses; 1l y a quelque chose de compa- rable à de pelits pinceaux nerveux. Peut-être y a-t-il là des organes particuliers du tact; 1l serait nécessaire, pour se prononcer, d'en faire l’histologie ; malheureusement, il n’est guère possible de les isoler que chez des individus ayant séjourné dans les Hquides met- lant en évidence le système nerveux tout en en altérant les éléments. De toute facon, les palpes labiaux, par leur richesse en filets nerveux, sont des organes éminemment propres au {act ; leur situation et la manière dont les Oncidies s'en servent pour toucher les objets exté- rieurs tendent à prouver que c’est là leur principal usage. Quant à la question de savoir si oui ou non ces palpes labiaux re- présentent la seconde paire de tentacules des Gastéropodes quadri- tentaculés, je pense, pour plusieurs raisons, qu'il n’y a aucune ho- mologie à établir entre ces deux organes, qui, je crois, sont très différents. Je ne saurais considérer les palpes labiaux comme des tentacules aplatis et étalés transversalement, mais bien comme des lèvres fortement développées ; en traitant le sens du toucher, je don- nerai les preuves en faveur de cette opinion. La seconde branche du nerf labial, à laquelle on peut donner le nom de branche buccale, se rend aux téguments situés au pourtour de l’ori- fice buccal et à cette partie, qui chez certains Gastéropodes est plus développée et que l'on désigne sous le nom de trompe. Evidemment ici il n'y à pas, à proprement parler, de trompe, c'est-à-dire un or- gane comparable à ce que l’on voit chez certains Prosobranches, tels que les Tonnes, les Buccins, les Tritons, etc.: mais cependant il existe une région très limitée qui réunit les lèvres au bulbe buccal, que l'on est tenté de prendre pour l’origine du bulbe buccal et qui 302 J. JOYEUX-LAFFUIE. se dévagine au dehors lorsque l'animal saisit sa nourriture avec sa radula. C'est, si l’on veut, la région qui s'étend depuis les lèvres jus- qu'au niveau occupé par la mâchoire. Cetle région, de même que le pourtour de la bouche, est innervée par la branche buccale, tandis que la partie du tube digestif qui vient après, c'est-à-dire le bulbe buccal, recoit ses nerfs des centres stomato-gastriques. C'est là une con- nexion décrite par M. de Lacaze-Duthiers dans le Pleurobranche orangé ; où cet auteur a nettement précisé ce que l'on doit désigner sous le nom de #ompe. Nerf pénial ou copulateur.— Du côté droit, la branche labiale du nerf labial, en passant à côté de la verge, donne le nerf pénial, qui se dis- tribue aux différentes régions de l'organe copulateur (pl. XVII, fig. 4, d). La présence de ce nerf pénial prenant son origine dans le ganglion postérieur droit, puis s’accolant au nerf labial, empêche de pouvoir considérer les deux ganglions cérébroïdes comme parfai- tement symétriques. Deux centres nerveux qui innervent des ré- gions dissemblables et inégales, ne peuvent être symétriques ni Égaux. Certainement, il n'y à pas ici une asymétrie aussi marquée que dans les centres inférieurs, à l’ensemble desquels M. de Lacaze- Duthiers à donné, pour cette raison, le nom de centre asymétrique ; mais, d'autre part, ils ne présentent pas une symétrie aussi parfaite que les centres antérieurs et stomalo-gastriques, qui sont les seuls centres réellement symétriques. Nerf de la nuque. — C'est un des plus longs nerfs qu’émettent les eanglions postérieurs; d'un très petit diamètre, il prend son origine en un point très voisin de celui où naît le nerf labial (pl. XVII, fig. 3,0); de là, il se dirige en remontant à travers la cavité générale sur les côtés du bulbe buccal jusqu'aux téguments situés entre les tentacules et en arrière de ceux-ci, dans lesquels il se distribue. Tels sont les différents nerfs auxquels [les centres postérieurs ou cérébroïdes donnent naissance. Si maintenant nous comparons la description que nous venons de faire à celle donnée par MM. Fischer et Grosse, nous voyons qu'elles sont bien différentes l'une de l'autre. Ges auteurs indi- quent comme partant des ganglions postérieurs (sus-æsophagiens) deux nerfs: le nerf tentaculaire et le nerf du palpe labial, plus ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE. 303 deux commissures, la commissure des ganglions postérieurs et celle des stomato-gastriques ". B. Centres antérieurs. Les centres antérieurs, encore désignés sous le nom de pédieux, sont constitués par deux ganglions volumineux et symétriques, situés sur la ligne médiane, au-dessous de la glande pédieuse, sur la face postérieure du pied. Réunis l’un à l’autre par deux commissures, une volumineuse, l’autre plus grêle (pl. XVII, fig. 4, a et b), ces ganglions sont en re- lation avec les centres postérieurs ou cérébroïdes et les centres In- férieurs, au moyen de deux connectifs (pl. XVII, fig. 3, æ et z) qui forment deux des côtés du triangle latéral. Chaque ganglion possède une forme irrégulièrement arrondie et se termine inférieurement en s’allongeant en une pointe qui donne naissance à un gros nerf pédieux. Comme ceux des centres posté- rieurs, les ganglions antérieurs ou pédieux possèdent une couleur jaune orangée qui aide à les distinguer de la masse de tissu cellulaire qui les environne. Pour bien se rendre compte de la forme de ces ganglions et du nombre de nerfs qui en partent, il est utile d'enlever les centres postérieurs et les centres inférieurs et de ne pas borner, comme le font trop souvent un certain nombre d’observateurs, à porter la masse formée par les ganglions sous le microscope, à comprimer et à dessiner ; de cette facon, les ganglions se recouvrent les uns les autres, et il est impossible de prendre une idée exacte de leur forme et de leurs connexions. Il faut, pour bien faire, disséquer séparément sous la loupe et en place chaque centre, puis le porter sous le mi- croscope el, avec de fines aiguilles à dissection, l’examiner en détail sur toutes ses faces. La présence de deux commissures, une supérieure, grosse, courte, et une inférieure, plus longue et moins volumineuse, n’a rien de surprenant; on trouve quelque chose d’analogue chez l’Aplysie. C’est 1 Je dois faire remarquer en passant que ces auteurs ne semblent pas admettre la distinction entre une commissure et un connectif, puisqu'ils désignent sous le nom de commissure ce qui, pour tous, d’après la définition qu’en a donnée M. Milne- Edwards (Leçons sur la physiologie et l'anatomie de l'homme et des animaux, vol. XI, p. 154), est évidemment un connectif. 304 J. JOYEUX-LAFFUIE. un acheminement vers les formes singulières des centres antérieurs ou pédieux que l’on observe chez les Fissurelles et les Chitons, chez lesquels les deux ganglions pédieux sont réunis pa: un grand nombre de commissures distinctes. | La structure de ces centres, que l’on peut facilement étudier sur des coupes minces, ne présente rien de spécial. Sur une coupe trans- versale passant au niveau de la commissure inférieure (pl. XVII, fig. 9), on voit les cellules nerveuses situées, comme dans les gan- glhions postérieurs, à la périphérie du ganglion, tandis que le centre est occupé par les origines de la commissure. C'est dans les ganglions antérieurs que J'ai observé les cellules nerveuses les plus volumi- neuses. \ Nerfs. Les ganglions antérieurs fournissent de nombreux nerfs qui vont innerver le pied; ils naissent tous de la face antérieure du ganglion, excepté le nerf pédieux inférieur, qui naît de l'extrémité inférieure. Ces nerfs sont au nombre de quatre pour chaque côté : un nerf pédieux supérieur, deux pédieux moyens et un pédieux inférieur. Nerf pédieux supérieur. — Son point d'origine se trouve placé à la partie supérieure et antérieure du ganglion antérieur ou pédieux. I se divise bientôt après sa sortie en trois branches: deux pédieuses qui vont innerver la partie supérieure du pied, et une cervicale qui se rend aux téguments des côtés de la tête (pl. XVIL, fig. 2, b). La branche cervicale est la plus externe. Le pédieux supérieur est le seul des nerfs pédieux qui donne des rameaux à d'autres parties qu'au pied, et cela par sa branche cervicale. Nerfs pédieux moyens. — Ces deux nerfs partent de la partie antéro- externe du ganglion antérieur et se rendent dans la masse museu- lire du pied. Le supérieur (pl. X VIE fig. 2,6, et fig. 4,7), le plus volumineux, après un assez court trajet dans la cavité générale, se divise en deux bran- ches qui plongent dans le pied (pl. XVI, fig. 1, e); la supérieure re- monte en se ramifiant vers la partie supérieure du pied, l'inférieure au contraire revient vers la Hgne médiane et descend en se divisant sur les côtés du sinus médian (pl. XVII, fig. 2, d). ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE. 305 Le nerf pédieux moyen inférieur, moins volamineux que le supé- rieur, se divise aussi en deux branches, qui pénètrent dans le pied à un niveau inférieur et vont se ramifier dans les parties latérales (pl. XVII, fig. 2, e, et fig. 4. g). Outre ces deux principaux nerfs pédieux moyens, on rencontre souvent un ou plusieurs filets nerveux qui partent isolément du gan- glion antérieur et se rendent toujours dans la région supérieure du pied, souvent dans la partie située en avant des centres nerveux (pl. XVII, fig. 4, 4). Nerf pédieux inférieur. — C’est le plus volumineux de tous les nerfs pédieux, il semble n’être pour ainsi dire qu’un prolongement de l'extrémité du ganglion antérieur ou pédieux. Bientôt après son origine, il se divise en trois branches qui pénètrent dans le pied à des hauteurs différentes, la plus interne pénétrant plus inférieure- ment (pl. XVII, fig. 4, ?, et fig. 1, f, g, k), et vont ainsi se ramifier dans toute la région inférieure du pied, qu'elles innervent. Il y a un entre- croisement de la branche moyenne et de la branche interne, qui fait que la branche moyenne innerve la région médiane de la partie in- férieure du pied. La branche interne est la plus volumineuse des trois, c'est elle qui innerve l'extrémité inférieure du pied. IL importe peu, du reste, de s’appesantir sur le mode de distribu- tion des différents nerfs pédieux ainsi que sur celui de leurs branches; ce qui ressort de leur répartition, c’est que les centres pédieux ont sous leur dépendance un organe unique, le pied. C’est un fait con- stant chez les Mollusques gastéropodes. Dans le cas de l'Oncidium celéicum qui nous occupe, ces connexions ne servent qu'à confirmer la règle et à montrer comme étant le pied une région de l’animal que l’on peut reconnaître simplement à ses limites bien nettes ; mais il n’en est pas toujours ainsi, et dans quelques cas, comme l’a mon- trés M. de Lacaze-Duthiers pour l’Aplysie', ces connexions devien- nent un précieux moyen pour déterminer ce qui est réellement le pied, alors que par l'aspect extérieur il peut y avoir confusion avec les organes voisins. MM. Fischer et Crosse décrivent les ganglions antérieurs de l'On- cidium celticum, mais, comme pour les autres centres, d'une manière insuffisante ; ils ne signalent qu’une seule commissure, la supé- 1H, DE Lacaze-Duruiers, Comp. rend. Acad. des sc., 1870, ARCH. DE ZOOL, EXP, ET GËN, — T. X. 1882. 20 306 - J. JOYEUX-LAFFUIE, rieure, et se contentent d’ajouter qu'ils fournissent des nerfs au piBd) 52 M. Ihering, dans sa description du système nerveux de Peronia verruculata, donne plus de détails ; il signale trois nerfs pédieux partant de chaque ganglion, un supérieur, un moyen et un inférieur. Les ganglions antérieurs sont, d'après lui, en relation avec les posté- rieurs et les inférieurs par des commissures très courtes et non démontrables comme parties distinctes. Enfin, 1l signale l'existence d'une seule commissure réunissant les ganglions antérieurs, et qui serait composée de deux commissures distinctes réunies sous une même enveloppe. Je dois ajouter que je n'ai jamais rien observé de semblable dans l'Oncidie. C. Centres inférieurs. Ce centre, que M. de Lacaze-Duthiers désigne par les dénomina- tions de centre inférieur, de centre asymétrique, et que d’autres auteurs appellent centre moyen, centre palléo-splanchnique, doit, je crois, être désigné par le nom de centre tnférieur, qui a l'avantage de ne pas préjuger des parties que ce centre innerve. Le nom a du reste peu d'importance, tous les anatomistes connaissent le groupe de ganglions auquel on a donné ces différents noms ; si j'emploie ici la dénomination de centre inférieur de préférence, c'est afin de mettre de l’uniformité dans la nomenclature, puisque nous avons accepté, avec M. de Lacaze-Duthiers, les noms de postérieur et an- térieur pour les autres centres. Les ganglions qui forment ce centre sont au nombre de trois, réunis entre eux par des commissures ; ils forment ainsi une petite chaine transversale. Les deux ganglions situés aux extrémités sont réunis au centre antérieur et au centre postérieur par deux con nectifs que nous avons vus former deux des côtés du triangle latéral (pl. XVIL, fig. 3, y et z). Ce centre, comme le fait remarquer avec juste raison M. de Lacaze- Duthiers, est chez les Gastéropodes le centre asymétrique par excel- lence, Au lieu d’être composé par cinq ganglions comme cet au- teur l'indique chez les Gastéropodes pulmonés aquatiques, on en trouve ici, comme nous venons de le voir, trois seulement, mais l'asymétrie n'en persiste pas moins, Le ganglion placé au milieu est plus volumineux que les deux latéraux et est situé beaucoup plus à ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE. 307 droite qu'à gauche, ce qui est très naturel, puisque l’'Oncidium est un Gastéropode dextre. L'asymétrie, qui est un des grands caractères du type Gastéropode, tend ici à déplacer tous les organes à droite ; aussi voyons-nous des organes impairs situés entièrement du côté droit: tels: le cœur, la verge, etc. Ce caractère d’asymétrie est profondément imprimé sur le centre inférieur, à peine sur le centre postérieur, et fait complètement dé- faut dans les centres antérieur et stomato-gastriques. Entre le centre postérieur ei le centre inférieur passe l’æsophage, et entre le centre inférieur et le centre antérieur passe l'aorte; ce sont des rapports constants chez les Gastéropodes. Voyons maintenant en détail chaque ganglion et les nerfs qui en partent. a. Ganglion gauche. x Le ganglion situé le plus à gauche est à peu près sphérique; du moins c'est l'aspect qu'il présente lorsqu'on le retourne dans tousles sens sous le microscope, après l'avoir débarrassé du üssu cellulaire qui l'environne; parfois cependant il m'a paru légèrement ovoïde, à grand axe dirigé dans le sens fe la commissure. Comme nous l'avons déjà vu, 1] donne naissance à deux connectifs qui vont aux centres postérieur et antérieur, et à une commissure courte qui le réunit au ganglion médian du centre inférieur. Outre ces connectifs et cette commissure, ce ganglion fournit des nerfs, qui sont : Nerf palléal supérieur qauche. — Tl prend son origine sur le côté gauche de ce ganglion. Très apparent, volumineux, il se dirige vers la gauche de l’animal. Presque dès son origine il se divise en deux branches; la première remonte pour aller se ramifier dans la partie supérieure du manteau (pl. XVII, fig. 1, à), la seconde se bifurque bientôt de nouveau en deux nouvelles branches qui pénètrent et se ramifient dans la région du manteau située immédiatement au-des- sous de celle innervée par la première branche (pl. XVII, fig. 4,7). Toutes ces branches nerveuses pénètrent dans le manteau au niveau de son bord, souvent même elles s'engagent par les bouton- nières veineuses du sinus latéral gauche, Comme il est facile de s'en rendre compte par l’examen de la figure 4, pl. XVII, ce nerf 308 J. JOYEUX-LAFFUIE. innerve à lui seul plus de la moitié du côté gauche du manteau ; en haut il remonte el se perd dans la région située au-dessus de la tète. À peine ces différentes branches ont-elles pénétré dans le man- teau, qu'elles s’y ramifient un grand nombre de fois ; souventles ra- mifications s'anastomosent entre elles, et dans les points où elles se réunissent il existe souvent un très petit ganglion. Nous allons voir que tous les nerfs palléaux présentent un certain nombre de ces ganglions. Autant que j'ai pu en juger par des dissections minu- tieuses faites avec le plus grand soin, ces petits ganglions m'ont paru situés à la base des plus grosses papilles branchiales. Remplissent- ils un rôle dans la respiration dont sont chargés ces appendices si vasculaires? On ne saurait faire que des suppositions à ce sujet ; grâce à leur présence, les nerfs palléaux forment dans l'épaisseur du manteau une sorte de réseau nerveux. Chez la plupart des individus, l'origine du nerf palléal supérieur est bien distincte de celle des autres nerfs partant du même ganglion; mais aussi parfois elle est confondue avec celle du nerf suivant, le nerf palléal moyen, de sorte que les deux nerfs n'en forment qu'un seul à l’origine. Nerf palléal moyen qauche. — Nous venons de le voir, parfois ce nerf a une origine commune avec le précédent. Lorsqu'il naît séparé- ment, etc'est le cas le plus fréquent, il a son point d’origine très près de celui du palléal supérieur ; de là il se porte en dehors et inférieu- rement en traversant la cavité générale, et va pénétrer dans le man- teau, à peu près vers le milieu de la hauteur du sinus latéral gauche. I fournit des branches à la région moyenne et inférieure du manteau. Nerf palléal inférieur qauche. — Ce nerf, gros, volumineux, très apparent à l’œil nu, naît à la partie inférieure du ganglion; dès son origine il est toujours distinct des palléaux supérieur et moyen. Il se dirige obliquement en ligne droite à gauche et vers la partie infé- rieure de l'animal; arrivé environ à l'union du tiers inférieur avec les deux tiers supérieurs, il pénètre par une des fentes du sinus latéral gauche dans l'épaisseur du manteau, où il se ramifie; sa branche principale descend le long du côté externe du sinus jusqu'à l'extré- mité inférieure de l'animal. Ce nerf fournit des branches au cul-de- sac gauche de l'organe de Bojanus. ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE, 309 b. Ganglion droit, Ce ganglion possède à peu près la ‘même forme que celui de gauche, mais il présente un volume un peu plus considérable; par rapport au plan médian, il est placé symétriqauement au ganglion de gauche, et présente comme lui deux connectifs et une com- missure. Je n'insiste pas davantage sur ce ganglion, sa description est la même que celle de gauche. Il fournit deux nerfs qui vont au manteau. | Nerf palléal supérieur droit. — Ce nerf, gros, volumineux, naît de la face gauche du ganglion et se divise bientôt après en deux bran- ches importantes qui vont pénétrer dans le manteau et s'y ramifier. Ces deux branches innervent une région à peu près symétrique de celle qui est innervée à gauche par le nerf palléal supérieur (pl. XVIT, fig. 4,4). Le mode de distribution de ces deux nerfs est à peu près le même. Nerf palléal inférieur droit. — Le ganglion de droite se termine inférieurement en pointe, et le nerf palléal inférieur droit semble être la continuation de cette extrémité ; d’un fort volume, il se dirige obliquement à droite et inférieurement. Un peu avant d'arriver vers la région du cœur, il se divise en deux branches qui, par leur distri- bution, semblent représenter les nerfs palléaux moyen et inférieur de droite. La branche supérieure, après avoir pénétré dans le man- teau, passe en arrière de la cavité péricardique (pl. XVI, fig. 1, m). La branche inférieure plonge dans le manteau pour passer en arrière du cul-de-sac droit de l'organe de Bojanus. Les deux se ramifient dans la région inférieure droite du manteau, c. Ganglion médian. - Ge ganglion, le plus volumineux des trois qui forment le centre inférieur, présente un aspect piriforme à petite extrémité diri- gée inférieurement et à droite. Par rapport au plan médian, il est situé beaucoup plus à droite qu'à gauche; c’est lui qui donne au centre inférieur son caractère important d’asymétrie; les deux nerfs qu'il émet se portent à droite. Il est en relation avec les gan- glions de droite et de gauche par deux courtes commissures ; c’est 310 J. JOYEUX-LAFFUIE. au-dessous de ce ganglion et de la commissure de droite que passe l'aorte, lorsqu'elle traverse les centres nerveux. Il fournit deux nerfs: Nerf palléo-génital. — Ce nerf prend naissance sur la face gauche du ganglion médian ; puis il descend en se dirigeant du côté droit, pénètre un peu au-dessous du niveau du cœur dans les tissus et chemine en longeant la partie inférieure du sinus latéral droit (pl. XVIL, fig. 1, /). Chemin faisant, il donne quelques rares ramifica- tons au manteau, et se termine par deux branches, dont l’une va au rectum, le long duquel elle remonte, et l’autre se ramifie dans les parois du vagin et du canal déférent. Nerf génito-cardiaque. — Ge nerf, volumineux, fait suite à l’extré- mité allongée du ganglion médian. Dès son point d'origine, il s’accole à l'aorte et suit ce vaisseau, auquel il donne des rameaux Jusqu'au point où s’en détache l'artère génitale. Là, il se divise en deux bran- ches : une première continue sa direction, reste accolée à l'aorte et se rend au cœur, dans les parois duquel elle se ramifie; une seconde, plus volumineuse, s’accole à l'artère génitale et se rend avec elle aux organes génitaux, situés à la partie inférieure de l’ani- mal. Cette branche génitale, arrivée au niveau de la matrice, donne plusieurs rameaux qui vont à la glande hermaphrodite, aux glandes de l’albumine, à la matrice et à la poche copulatrice. MM. Fischer et Crosse donnent du centre inférieur une des- cription insuffisante et inexacte. Je ne puis m'y arrêter longtemps; cependant, je dois faire remarquer qu'ils signalent et figurent le ganglion médian, mais qu'ils le placent à gauche, ce qui est une erreur ; les nerfs qu'il fournit, ainsi que ceux qui partent des autres ganglions, sont décrits et figurés par ces auteurs d'une façon pure- ment fantaisiste. D'après Ihering, le système nerveux de Peronia verruculata pré- sente un centre inférieur symétrique composé de deux ganglions réunis par une commissure, de laquelle naît un gros nerf viscéral ; sans vouloir mettre en doute l'exactitude de la descriplion de cet auteur, n'ayant pas observé l'animal dont il donne une figure du sys- (ème nerveux, je ne puis passer sans faire remarquer le fait singulier d'un nerf volumineux naissant d'une commissure. Il est du reste ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE. 311 étrange de voir un système nerveux tout différent chez un animal qui possède tant d’autres points communs avec l'Oncidie. La grande concentration des centres nerveux chez Oncridium cel- ticum est un caractère commun avec les Pulmonés et les Nudibran- ches. Chez les Nudibrauches, les différents centres sont en général symétriques, quoiqu'il y ait des exceptions. Chez les Pulmonés, le centre inférieur est toujours asymétrique et est composé de cinq ganglions chez les Gastéropodes pulmonés aquatiques. Dans Onci- dium celticum, nous avons bien un centre inférieur asymétrique, ce qui est un caractère commun avec les Pulmonés ; mais le nom- . bre des ganglions est réduit à trois, ce qui est un caractère différen- tiel d'avec les Pulmonés aquatiques. Les deux ganglions qui se trouvent aux extrémités de la chaine chez les Pulmonés aqua- tiques, et qui ne fournissent jamais de nerfs, manquent chez Onci- dium celticum. D. Organes des sens. Toucher. — Les téguments de la tête, le pied, ainsi que le manteau non protégé par une coquille, comme cela se voit dans un grand nombre de Mollusques, sont, par leur richesse en ramifications ner- veuses et leur grande délicatesse, éminemment propres au toucher; il suffit, pour en acquérir la certitude, de toucher, même le plus légèrement possible, un point quelconque d’un Oncidium en mar- che pour voir immédiatement l’animal témoigner qu'il a perçu la sensation. Mais il est des parties de l'animal qui semblent plus spé- cialement destinées à cette fonction, ce sont les palpes labiaux; on voit, en effet, lorsqu'elles rampent, les Oncidies palper pour ainsi dire les objets extérieurs avec ces organes; il me suffit de rappeler leur richesse en nerfs et la manière dont ces nerfs s'y ramifent en y formant des sortes de petits pinceaux, pour immédiatement mon- trer combien ce sont là des organes propres à percevoir les sensa- tions extérieures. Plusieurs auteurs, au nombre desquels se trouve M. Vaillant ‘, se sont demandé si les palpes labiaux ne représentaient pas chez l'On- cidie la seconde paire de tentacules des Gastéropodrs pulmonés | 1 VaïzLanT, Remarques anatomo-soologiques sur l'Oncidium celticum (Comptes | rend. Acad. des sc., vol, LXXIII, 1871, p. 1173), 312 J. JOYEUX-LAFFOIE. quadritentaculés. Je me crois en mesure de répondre ici négative- ment. Dans les Gastéropodes quadritentaculés, la paire de petits tenta- cules occupe la région que l’on peut désigner sous le nom de front, et non, comme ici, le pourtour de la bouche. La forme est aussi bien différente : les petits tentacules des Gastéropodes quadritentaculés peuvent s’invaginer à l'intérieur de la cavité générale ; ici, rien de semblable ; les palpes labiaux se rétractent par simple contraction. Chez un Gastéropode possédant quatre tentacules, il y a deux nerfs spéciaux qui se rendent aux petits tentacules ; chez l’Oncidie, c'est une branche du nerf labial qui se rend au palpe du côté correspon- dant. Enfin, on trouve certains Gastéropodes, tels que les Glandines, qui possèdent quatre tentacules et de plus deux palpes Jabiaux très développés. On ne peut, dans ce cas, considérer les palpes comme étant les homologues des petits tentacules. On doit, je crois, considérer simplement les palpes labiaux comme des lèvres très développées latéralement et destinées plus spécia- lement au toucher. Goût. — Autant qu'il est possible d'en juger, je crois le sens du goût peu développé chez l'Oncidie; mais cependant il existe à un certain degré, puisque l'on voit cet animal choisir sa nourriture et manger de préférence certaines Algues, telles que les Ulves, alors qu'il n'attaque jamais d'autres espèces vivant sur les rochers où il habite. Certains auteurs ont pensé, et, je crois, avec raison, que le siège du goût est situé dans la cavité buccale chez les Gastéropodes. Dans le cas qui nous occupe, soit à la loupe par des dissections fines, soit sur les nombreuses coupes transversales que j'ai pratiquées à travers le bulbe buccal, j'ai beaucoup cherché à voir s'il n'y avait pas sur un point quelconque de la paroi buccale une partie présentant les caractères de papilles gustatives; mais je n'ai rien observé d’ana- logue. Les lèvres et les palpes labiaux ne sont peut-être pas étrangers au goût ; on voit, en effet, l'animal, avant d'attaquer avec sa radula les végétaux dont il se nourrit, les palper pendant un certain temps et mettre plusieurs fois ses lèvres en contact avec la partie qu'il veut entamer. Ndorat, — M est difficile d'indiquer chez l’Oncidium celticum quel ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE, 313 est le siège de l’odorat. Doit-on, à l'exemple de A. Moquin-Tandon, le placer à l'extrémité des tentacules ? Cela peut être ; je ne saurais rien dire de positif à ce sujet. Ouie. — Le sens de l’ouïe a pour siège, comme chez tous les Mol- lusques gastéropodes, un organe spécial auquel on a donné les noms de poche auditive, bourse auditive, capsule auditive, otocyste. C'est ce dernier nom, généralement admis, que nous adoptons. C'est M.de Lacaze-Duthiers ‘ qui, le premier, en 1872, dans un mémoire im- portant et détaillé, a crééle nom d’ofocyste pour désigner l’organe auditif des Mollusques gastéropodes. C'est aussi cet auteur qui a déterminé et fait connaître d’une manière précise les rapports et les connexions de cet organe. Les otocystes n'ont pas été observés chez l’'Oncidium celticum ni chezles animaux du même groupe. Ihering, dans Peronia verruculata, se contente de dire que les otocystes sont probablement attachés aux ganglions antérieurs ou pédieux, sans les avoir observés. Nous avons vu, en examinant les nerfs qui partent des ganglions postérieurs, qu'un d’entre eux, le nerfacoustique, serend à uu petit organe situé à la face inférieure du ganglion antérieur correspon- dant ; ce petit organe est l'otocyste. Pour le préparer, je renvoie aux procédés qu'a indiqués M. de Lacaze-Duthiers dans son mémoire spé- cial. C’est, chez l'animal qui nous occupe, une préparation longue et difficile, qui ne peut être faite qu'en disséquant sous le micros- cope, avec un faible grossissement. En comprimant les centres nerveux après les avoir préalablement débarrassés du tissu cellulaire qui les environne, on peut parfois arriver à distinguer les otocystes ; mais on ne parvient jamais à voir leurs rapports avec le nerf acoustique, et pas davantage le trajet de ce nerf. Chez des embryons placés dans de mauvaises conditions, par exem- ple dans de l’eau mal aérée, grâce à la transparence qu'ils finissent par acquérir, en même temps que bien souvent ils présentent des formes anormales qui les rendent impropres à l'étude du développe- ment, j'ai pu observer avec facilité l’otocyste et le trajet du nerf acoustique, par la simple compression. ! De Lacaze-Duruiers, Otocystes ou capsules auditives des Mollusques gastéropodes {Arch. 300l. eæp., vol. T). 314 J. JOYEUX-LAFFUIE. J'ai indiqué plus haut le trajet du nerf acoustique, il me reste à parler des otocystes. Au nombre de deux, de même volume, ils sont symétriquement placés sur les ganglions antérieurs, auxquels ils sont accolés. Chacun d'eux se compose d’une petite vésicule close remplie de liquide et dans laquelle flottent un grand nombre d'otolithes qui sont conti- nuellement en mouvement. Le nerf acoustique (pl. XVIL, fig. 5, a) se termine en épanouissant ses fibres à la surface de ce petit sac; n'ayant pas fait de coupes de cet organe, ilne m'a pasété donné de voir les terminaisons des fibres nerveuses ni la structure de la paroi de l’otocyste. Les otolithes (pl. XVIE, fig. 6) sont tous, à l'exception d’un seul, de forme ovoïde. L'action des acides, sur ces petits corps, indique qu'ils sont de nature calcaire. Chacun d'eux, vu à un fort grossissement, présente dans son centre une partie beaucoup plus claire, semblable, comme forme, à l’otolithe lui-même, et qui est de nature différente. L'unique otolithe, qui diffère des autres par sa forme qui est arron- die au lieu d’être ovoïde et par son volume qui est beaucoup plus considérable, se remarque facilement au milieu des autres. Je le désignerais volontiers sous le nom d'’ofolithe embryonnaire. C'est en effet le seul qui existe chez l’embryon, et ce n’est qu'après l’éclo- sion que les nombreux otolithes ovoïdes apparaissent à l'intérieur des otocystes. Comme ces derniers, l’otolithe embryonnaire présente en son centre une partie plus claire, arrondie ; il présente une struc- ture radiaire, et sion le comprime fortement, il se fend en rayon- nant. Quel estle mode de formation des otolithes? Je ne puis répon- dre à cette question d'une manière positive, mais il est probable qu'ils ont pour origine la partie claire que l’on observe à leur inté- rieur et qui est peut-être une cellule, ou un noyau; la diffi- culté d'observation ne me permet pas d'indiquer sa nature. Au- tour de ce pelit corps vient se déposer du carbonate de chaux qui finit par former une couche de plus en plus considérable et par conséquent des otolithes de plus en plus volumineux. Ce qui me fait penser que les choses doivent se passer ainsi, c'est qu'on observe des otolithes de volume très différent, et que ces corps sont plus nombreux chez les individus plus âgés. L'intérieur de l'otocyste est sans doute tapissé par un éptthélium vibralile, comme / ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L’'ONCIDIE. 315 chez d’autres Gastéropodes. Chez l'embryon, on aperçoit nettement les cils vibratiles sans pouvoir distinguer les cellules épithéliales. Un organe aussi simple n'est sans doute pas de nature à fournir à l'animal des renseignements bien précis sur les bruits qui peuvent se passer autour de lui ; profondément situé, il occupe une position peu favorable à la perception des ondes vibratoires ; cependant on conçoit, l'expérience le prouve pour beaucoup de Mollusques, que ces animaux puissent, au moyen de leurs otocystes, avoir conscience des ondulations qui se produisent dans les milieux où ils vivent, soit dans l’eau, soit dans l'air. Vue. — Les yeux, au nombre de deux, sont situés à l'extrémité des deux tentacules, légèrement renflés en ce point. Comme chez la plupart des Gastéropodes, l'œil est composé d’une cornée, d'une sclérotique, d’une choroïde, d’une rétine contenant un cristallin et une humeur vitrée. Malgré cette organisation de l’œil, assez complexe, la vision semble peu développée chez ces animaux; il est probable qu’elle est limitée à la distinction d’une plus ou moins grande lumière, mais qu’elle ne saurait aller jusqu’à la forme des objets. Ces animaux doivent, par conséquent, profiter de leur vue pour sortir et entrer dans leurs demeures, où règne une obscurité presque complète. Enfin, je dois rappeler ici que Semper et quelques autres auteurs ont décrit des yeux situés sur la surface du manteau des Péronies. Chez l'Oncidium celticum, je n’ai rien observé de semblable ; les seuls points dans la structure du manteau qui rappellent un peu ce que Semper décrit comme étant des yeux chez les Péronies, ne sont ici, je crois, que des cellules épithéliales différenciées qui, peut-être, jouent le rôle de glandes ; j'en ai donné plus haut la description à l’article Sécrétions. Jamais je n’ai observé la présence d’une rétine, d’une choroïde ni d’un nerf optique. Si l’on admet, il est vrai, la théorie de Semper, il est naturel de ne point voir d'yeux sur le manteau d’Oncidium celticum, puisque d’après cet auteur ces yeux sont destinés à distinguer les Poissons appartenant aux genres Periophthalmus et Baleophthalmus, genres qui ne sont point représentés dans les mers d'Europe. 316 J. JOYEUX-LAFFUIE. $ 2. Système nerveux de la vie végétative ou centre stomato-gastrique. Ce centre est constitué par deux petits ganglions situés sur le bulbe buccal, de chaque côté de la ligne médiane, immédiatement au-des- sous du point ou naît l’æœsophage. Il suffit de relever l’œsophage en haut pour les apercevoir, leur teinte jaune orangée les fait immédiatement reconnaître. Ils sont symétriques et de même volume. Chacun d'eux possède une forme ovoïde allongée transversalement (pl. XVII, fig. 4, 0), et est réuni à celui du côté opposé par une commissure courte et vo- lumineuse. Du milieu de cette commissure part un nerf qui va au cul-de-sac médian du bulbe buccal ou cul-de-sac de la radula ; ce nerf est sans doute constitué par des fibres venant des deux gan- glions stomato-gastriques. De l'extrémité externe de chaque ganglion part un connectif qui descend sur les côtés du bulbe buccal pour aller, comme nous l'avons déjà vu, au ganglion cérébroïde correspondant. Ces connectifs, au lieu d'être simplement accolés aux côtés du bulbe buccal, cheminent dans les tissus qui forment les parois de ce bulbe. Chaque ganglion, comme je l'ai indiqué, est en forme de fuseau allongé, surtout à la partie externe, qui descend jusque sur le côté du bulbe. Cette partie externe, effilée, donne supérieurement et inférieu- rement des filets nerveux qui pénètrent dans les parois latérales du bulbe buccal. De la partie supérieure de chaque ganglion part un nerf qui se porte vers le point où le canal excréteur de chaque glande salivaire pénètre dans le bulbe buccal, c'est le nerf salivaire ; il remonte le long de ce canal et se perd en se ramifiant dans la glande. Un autre nerf, plus important par son volume, part aussi de la partie supérieure de chaque ganglion stomato-gastrique et se rend à l'æsophage. Ces deux nerfs suivent l’æœsophage de chaque côté, en donnant de nombreuses ramifications ; mais bientôt ils acquièrent une extrême ténuité, qui ne permet pas de les suivre au-delà du tiers inférieur de l’æsophage. MM. Fischer et Crosse indiquent ce centre avec les principaux nerfs qui en partent. M, Ihering le mentionne chez Peronia verrucu- lata. ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L’'ONCIDIE, 317 CHAPITRE VII REPRODUCTION. L'Oncidie est androgyne. Lorsqu'on examine les organes de la re- production, on est tout d'abord frappé par la grande distance qui sépare l'orifice extérieur mâle de l'orifice extérieur femelle. Comme nous l'avons vu en examinant l'extérieur de l'animal, le pre- mier est situé à la partie supérieure, au-dessous du tentacule droit, tandis que le second se trouve à la partie inférieure, au-dessous et en arrière de 1'extrémité terminale du pied, à droiteet près de l’anus. Ce mode d'ouverture à l’extérieur des organes génitaux rappelle ce que l'on voit chez les Limnées, les Physes, etc., et est, au contraire, différent de ce que l’on rencontre chez les Hélix, les Limaces, etc., chez lesquels il existe un vestibule génital dans lequel s'ouvrent l'ori- fice mâle et l’orifice femelle. La situation des orifices extérieurs nous indique déjà qu'il doit y avoir séparation des organes génitaux ; si, en effet, après avoir ou- vert l'animal, on examine la disposition générale de ces organes, on voit qu'à la partie inférieure de la masse viscérale se trouve la glande hermaphrodite avec son canal excréteur, qui vient déboucher en partie dans l’uférus, sorte de cavité irrégulière où se déversent les glandes de l’albumine et qui débouche au dehors par l’intermé- diaire de l’oviducte et du vagin, et en partie se continue sous forme de canal déférent, qui plonge dans les tissus du pied, où il chemine jusqu’à la verge, située à la partie supérieure et à droite. Au vagin sont annexés un long cæcum et une poche copulatrice. S 1. Glande hermaphrodite. — Canal excréteur. Située inférieurement et à gauche de la masse viscérale, cette glande se reconnait facilement à sa couleur jaune bistre. Elle est un peu plus volumineuse à l’époque de la reproduction. De forme qua- drangulaire (pl. XVIII, fig.1,a, et fig. 2) et un peu bombée à sa surface externe, elle est formée par quatre lobes offrant à peu près le même volume. Chacun de ces lobes est formé par une grande quantité de culs-de-sac glandulaires, dans l’intérieur desquels prennent nais- sance les œufs et les spermatozoïdes, Tous les culs-de-sac glandu- 318 J. JOYEUX-LAFFUIE. laires de chaque lobe, ainsi que les quatre lobes eux-mêmes, sont réunis entre eux par des tractus de tissu cellulaire contenant un grand nombre de cellules calcaires (pl. XVII, fig. 2 et 3), ce qui donne à cette glande, lorsqu'on l'examine au microscope, un aspect tout spécial. Ces tractus cellulaires existent en grande abondance entre les différentes parties de l'appareil reproducteur, et ce sont eux qui les maintiennent en place’ dans une position constante ; souvent même, si l’on n'a pas soin de les diviser, il est difficile de reconnaître la vé- ritable forme de certaines de ces parties ; c’est ce qui a lieu pour les glandes de l'albumine, comme nous allons le voir. Chaque cul-de-sac glandulaire (pl. XVIIL fig. 3), comme on peut s’en rendre compte par des préparations à l’état frais et d’après des coupes faites sur la glande durcie, se compose d’une paroi qui pré- sente à sa surface externe des cellules calcaires appartenant aux tractus cellulaires qui l'entourent; sa surface interne est tapissée par un épithélium qui donne naissance aux éléments mâles et femelles. Pendant l’époque de la reproduction, il suffit de rompre sous le mi- croscope un cul-de sac pour en voir sortir, par compression, des œufs et des spermatozoïdes. Les œufs, ou éléments femelles, se re- connaissent facilement à leur volume, à leur couleur jaunâtre et à la présence dans leur intérieur d’une vésicule et d’une tache germi- native. L'œuf, tel que nous le voyons ici, c’est-à-dire à son point de for- mation, est loin d’être ce qu'il sera au moment de la ponte ; nous verrons comment, en traversant les organes génitaux, il acquiert les parties qui compliquent sa constitution : albumen, coque, ete. La formation des œufs aux dépens des cellules épithéliales est assez facile à observer ; on peut voir tous les passages entre une cel- lule épithélale et un œuf complètement développé ; mais il n'en est plus ainsi pour le développement des éléments mâles ou spermato- zoides. J'avais eu l'intention d'observer si les choses se passent chez Oncidium cellicum de la même manière que les a décrites M. Mathias Duval chez certains Gastéropodes pulmonés; mais j'ai dù bientôt abandonner ces recherches, car au moment de la reproduction les spermatozoïdes occupent en si grand nombre les culs-de-sac de la 1 M. Duvas, Recherches sur la spermalogénèse éludiée chez quelques Gastéropodes pulmondés (Revue des sciences naturelles, &. VIT, p.277, Montpellier). ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE. 319 glande hermaphrodite qu'il est impossible de suivre leur mode de développement. En même temps que d'un cul-de-sac rompu s’échappent des œufs el des spermatozoïdes libres et entièrement développés, on voit aussi, comme cela a été indiqué chez un grand nombre d’autres Gastéropodes, de nombreux spermatozoïdes réunis en faisceaux. Quelques-uns de ces faisceaux sont formés par des spermatozoïdes ayant atteint leur complet développement ; d’autres, au contraire, renferment, même quelques-uns en sont entièrement formés, des spermatozoïdes présentant des renflements, soit de la tête, soit d'un ou de plusieurs points de la queue (pl. XVIIL, fig. 8); évidemment, ce sont là des éléments mâles en voie de développement. Tout d’abord, j'avais pensé, avant d’avoir connaissance du travail de M. Math. Duval, que la cellule-mère provenant de l’épithélium du cul-de-sac donnait naissance, par étirement pour ainsi dire, au spermatozoïde; mais M. Duval a montré que la cellule-mère, pri- mitivement cellule épithéliale, donne naissance à un grand nombre de cellules-filles (spermatoblastes), qui donnent naissance chacune à un spermatozoïde. | J'ai tout lieu de penser, d’après ce que j'ai pu observer, que les choses se passent chez Oncidium celricum de la même façon que chez les Mollusques pris par M. Duval pour servir à ses recherches; ce- pendant le fait demande à être vériflé. Avec les œufs et les spermatozoïdes qui sortent d’un cul-de-sac glandulaire, se voientun grand nombre de cellules dont la plus grande partie sont des cellules qui doivent donner naissance à des sperma- tozoïdes (spermatoblastes). Ce sont de petites masses protoplasmi- ques sans enveloppe et renfermant de fines granulations; en les traitant par l'acide acétique ou par les matières colorantes, on voit apparaître dans leur intérieur un gros noyau, parfois même plusieurs (pl. XVII, fig. 5). Les spermatozoïdes complètement développés, tels qu'on les trouve, par exemple, dans le canal excréteur de la glande, présen- tent une tête en forme de fer de lance, très effilée et ordinairement légèrement courbée ; à cette tête fait suite une queue d’une grande longueur et présentant à peu près partout le même diamètre, même à l'extrémité, où elle se termine d’une facon brusque et non en pointe effilée, comme cela se voit le plus souvent. Ces spermatozoïdes sont doués d’une grande activité ; ils progressent à travers les organes gé- 320 J. JOYEUX-LAFFUIE. nitaux par leur propre mouvement d’ondulation et aussi par l’action des cils vibratiles qui tapissent intérieurement ces organes. L'œuf, au moment où il s'engage dans le canal excréteur de la glande hermaphrodite, se compose d’une membrane vitelline, d'un vitellus présentant des granulations jaunâtres, d'une vésicule germi- native et d'une tache germinative. MM. Fischer et Grosse", les seuls auteurs qui décrivent les spermatozoïdes de l'Oncidie, en ont donné une figure qui ne représente nullement la réalité. Les culs-de-sac glandulaires débouchent dans des canaux excré- teurs qui, en seréunissant les uns aux autres, forment quatre troncs principaux. Ces troncs se fusionnent pour former le canal excréteur unique de la glande hermaphrodite. Ge canal augmente légèrement de volume à mesure qu'il s’'avance vers la matrice. Il est formé par une paroi propre renfermant des fibres musculaires et tapissé à l’in- térieur par un épithélium à cils vibratiles. Un peu après son origine, ce canal se replie plusieurs fois sur lui- même (pl. XVII, fig. 1 et 2) et forme, en se contournant ainsi, une partie plus volumineuse différente par sa couleur jaune bistre du reste du canal. Ce changement de couleur est dû à la structure des parois, qui présentent en ce point un aspect glandulaire. Il est diffi- cile de dire quelles fonctions remplit cette partie du canal, on ne saurait se livrer sur ce sujet qu'à des suppositions; évidemment elle doit jouer un rôle vis-à-vis des œufs ou des spermatozoïdes, peut-être des deux à la fois. On a donné le nom d’épididyme à cette portion du canal excréteur que l’on observe chez d’autres Gastéropodes, tels que certains Zonites, Hélix, Bulimes, etc. Un peu avant d'arriver à l’utérus,le canal excréteur de la glande hermaphrodite présente en un point un cæcum court, assez volumi- neux (pl. XVII, fig. 4,c), possédant une structure semblable à celle du canal lui-même. Ce diverticule, que l’on observe chez beaucoup d'autres Gastéropodes, et auquel Saint-Simon ? a donné le nom de Lalon, est garni à l'intérieur, comme le canal excréteur lui-même, par un épithélium vibratile. Doit-on, avec Meckel, le considérer comme une vésicule séminale, ou bien accepter l'opinion de Brandt qui le regarde comme étant 1 Ces auteurs donnent des spermatozoïdes la description suivante : « Les sper- matozoïdes de l’Oncidiella celtica sont allongés, cylindriques et pourvus d’un fla- gellum aussi long que leur partie renflée. » 2 SainT-SiMon, Journal de conch., 1853, p. 115. ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE. 321 simplement un diverticule séminal. Cette dernière opinion est, je crois, d’après la disposition de l'organe, celle qui doit être acceptée du moins pour le cas qui nous occupe ici. S 2. Utérus. — Glandes de l'albumine. Oviducte. — Vagin. — Poche copulatrice. — A ppendice cæcal. Utérus. — L'’utérus, désigné sous le nom de matrice par quelques auteurs, forme avec les glandes de l’albumine une masse irrégulière : aussi est-il nécessaire, pour étudier ces différentes parties, de diviser avec soin les tractus cellulaires qui les réunissent. Cela fait, on voit facilement que l'utérus est un organe impair, irrégulier, offrant de nombreuses bosselures à sa surface et présentant un diverticule en forme de gros cæcum contourné (pl. XVII, fig. 1, d); sa couleur est jaune rougetre, ce qui permet de ne pas le confondre avec les glandes de l’albumine qui lui sont toujours accolées assez intime- ment et qui sont de couleur jaune pâle. A sa partie supérieure pénètre le canal excréteur de la glande her- maphrodite : de chaque côté de ce point, comme nous allons le voir, viennent déboucher les canaux des glandes de l’albumine (pl. XVIII, fig. 1, e). De sa partie inférieure part le canal déférent (f) et l’oviducte (g); dans le premier cheminent les spermatozoïdes; dans le second, les œufs. Nous voyons donc déjà qu'au niveau de l'utérus il se fait une séparation des éléments mâles et des éléments femelles, qui, mélangés ensemble, y sont arrivés par le canal excréteur de la glande hermaphrodite. Si l'on ouvre l'utérus, on voit qu'il présente à l'intérieur une large cavité irrégulière avec anfractuosités corres- pondant aux bosselures de la surface externe, cavité qui se prolonge dans le cul-de-sac impair en forme de cæcum. Sur une des parois de l'utérus, sur le côté qui est en rapport avec les canaux afférents et efférents de cet organe, et à la face interne, on voit, en examinant à la loupe ou au microscope avec un faible grossissement, une gout- tière formée par deux replis de la paroi. A l'extrémité supérieure de cette gouttière s'ouvre le canal excréteur de la glande hermaphrodite et de l’extrémité inférieure part le canal déférent (pl. XIX, fig. 2). Lorsque les deux lèvres de là gouttière sont accolées, il y a là un véritable canal complètement clos, et alors les produits qui arrivent par le canal excréteur de la glande hermaphrodite sont forcés de ARHC. DE ZOOL.- EXP. ET GEN — T. X. 41889. 21 322 J. JOYEUX-LAFFUIE. passer dans le canal déférent. Si au lieu de se toucher ces lèvres sont entrebâillées, on conçoit facilement que les produits qui arrivent de la glande hermaphrodite puissent tomber dans la cavité utérine au lieu de continuer leur route vers l'extrémité inférieure de la gouttière. M. Dubreuil ‘, chez le genre Hélix, compare cela à ce que l’on ob- serve dans l’estomac des mammifères ruminants, tant au point de vue anatomique qu'au point de vue physiologique. Chez ces animaux, en effet, on sait que les aliments mal triturés écartent les lèvres de la gouttière stomacale et tombent dans la panse, tandis que les aliments, mieux divisés ou liquides, n’ont pas sur les lèvres de la gouttière la même action et passent directement dans le troisième estomac. On le voir, la comparaison est facile, les œufs qui ont un volume considérable comparé au volume des spermatozoïdes écartent les lèvres de la gouttière et tombent dans la cavité utérine; les sperma- tozoïdes, au contraire, vu leur faible volume, laissent à la gouttière sa forme en tube et passent dans le canal déférent. Oncidium celticum, vu ses petites dimensions, n’est pas très favorable à ce sujet de recherches, mais j'espère plus tard étudier cette ques- tion chez d’autres Gastéropodes. De quelque facon que cela ait lieu, il est certain que les œufs arrivent dans l'utérus et les spermatozoïdes dans le canal déférent, c'est l'opinion de tous les auteurs. Sur une coupe mince de la paroi utérine on voit qu'elle est con- stituée par un tissu spécial composé de cellules polyédriques à contenu finement granuleux et renfermant un noyau très appa- rent situé en général près de la paroi cellulaire. Ce tissu est traversé par des lamelles de tissu cellulaire qui forment en s'anasto- mosant et en se divisant de larges mailles (pl. XIX, fig. 6). A la face interne se trouve un épithélium prismatique vibratile. $ Glandes de l'albumine. — Ges glandes, au nombre de deux, sont re- pliéessur elles-mêmes et entourent l'utérus, auquel elles sont accolées par des brides cellulaires. Pour les bien étudier il faut les examiner sur le frais ; chez les animaux conservés elles deviennent cassantes el il est impossible de reconnaitre ce qui appartient à l’une ou à l'autre, voire même parfois de les distinguer nettement de l'utérus. Cela ex- 1E, Duoneuiz, Elude physiologique sur l'appareil générateur du genre Heliæ (Revue des se, nat., t, II, Montpellier, 1874). ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONDICIE. 323 plique jusqu'à un certain point les erreurs de certains auteurs ! qui ont décrit une glande albuminipare unique. Ces glandes de l’albumine débouchent, dans la cavité utérine, de chaque côté et près du point où débouche lui-même le canal excré- teur de la glande hermaphrodite, c'est-à-dire près de l'extrémité su- périeure de la gouttière intra-utérine que nous avons déjà décrite (pl. XVII, fig. 4, »). Leur volume est à peu près le même, ainsi que leur aspect extérieur. Chacune d'elles est formée par une dizaine en- viron de lobules glandulaires de couleur blanchâtre ou jaune pâle, de formé très irrégulière, qui tous débouchent dans un canal excré- teur un peu plus coloré. Les cellules qui forment ces lobules sont volumineuses, irréguliè- ment ovoïdes, et contiennent une grande quantité de granulations arrondies, qui masquent le noyau, que l’on ne peut voir à l’état frais (pl. XIX, fig. 12). Sur une coupe mince, faite sur un lobule durei par la gomme et l'alcool et colorée par le picro-carminate d'ammonia- que, on distingue très nettement le noyau qui occupe, en général, le centre de chaque cellule ; il se colore fortement, tandis que les nombreuses granulations qui l'entourent absorbent peu la matière colorante (pl. XIX, fig. 7). Par compression, les cellules sont deve- nues polyédriques. La présence de deux glandes de l’albumine est un fait exception- nel particulier à l'Oncidie ; habituellement, chez les Gastéropodes, on rencontre une seule glande, présentant une structure beaucoup plus compacte que celle que nous avons rencontrée ici. L'albumine que sécrètent ces deux glandes arrive dans la cavité utérine, où elle rencontre les œufs tels qu'ils arrivent de la glande hermaphrodite ; elle leur constitue une enveloppe épaisse, destinée à servir plus tard de nourriture à l'embryon. Ainsi entouré, l'œuf s'échappe par l’oviducte. ? M. VaizzanT est très bref: « L'appareil femelle, dit-il, comprend une glande hermaphrodite avec son canal excréteur pelotonné, un vitellogène (glande de Pal- bumine des auteurs), une matrice qui ne peut se distinguer de l’organe précédent que sur le frais, et se continue en un caral auquel il convient de réserver le nom d’oviducte. » MM. Fischer et Crosse donnent une description un peu plus dé- taillée, mas aussi plus inexacte : « La glande albuminipare est très développée, lo- bulée ; ses lobules sont peu adhérents ct rendent difficile la détermination de la forme de l’organe dans son ensemble. Au contact de la glande albuminipare, on trouve la matrice, dont l'aspect est variable suivant les individus : elle consiste tantôt en une ligne contournée, tantôt en une masse lobulée, friable, mais dont la coloration diffère de celle de la glande albuminipare, » 324 J. JOYEUX-LAFFUIE. Oviducte et vagin. — Oviducte et vagin ne forment, chez Oncidium celticum, qu'un seul et même conduit, qui va de l'utérus à l’extérieur où il s'ouvre, comme nous l’avons vu, du côté droit et près de l’anus. La différence de volume, si marquée entre ces deux parties chez certains Gastéropodes, n'existe pas ici, et le vagin fait suite à l’ovi- ducte, sans aucune transition ; leurs limites respectives sont simple- ment indiquées par les insertions du conduit de la poche copulatrice et de l'appendice cæcal. L'un et l'autre ayant la même structure, leur description peut être commune. L'oviducte, qui va de l'utérus jusqu à l'insertion de la poche copu- latrice, et le vagin, qui fait suite à l’oviducte jusqu’à l'extérieur, for- ment un canal cylindrique régulier, à parois épaisses et musculeu- ses. Les fibres musculaires lisses qui le constituent sont disposées longitudinalement et circulairement ; l'intérieur est garni d’un épi- thélium prismatique vibratile. La gouttière intra-uiérine se termine, inférieurement, à la nais- sance de l’oviducte (pl. XIX, fig. 2); le canal déférent, qui lui fait suite, semble naîlre extérieurement de l'oviducte ; cette apparence est due à ce que la gouttière se prolonge un peu sur la paroi de l’ovi- ducte. Une coupe tranversale (pl. XIX, fig. 3), faite à ce niveau, montre nettement les rapports de ces différentes parties. M. Vaillant insiste avec raison sur la distinction de l’oviducte et du vagin ; si, anatomiquement, 1ls ne présentent pas de différence, il n'en est pas de mème, comme nous allons le voir plus loin, au point de vue physiologique. Poche copulatrice. — Cette partie des organes génitaux se reconnaît immédiatement à sa couleur rose pointillée de blanc et à sa forme arrondie ; elle se compose de deux parties : la poche proprement dite et son col (pl. XVII, fig. 1, 7 et k). Le col, relativement court, comparé à ce que l’on observe chez un grand nombre de Gastéropodes, vient déboucher au point de réunion du vagin avec l’oviducte et présente une structure analogue à ces derniers. La poche proprement dite, sphérique, possède à l’intérieur une cavité qui se continue avec le canal du col et, par conséquent, avec lé vagin et l'oviducte. Sur une coupe, on voit que sa paroi est con- stituée (pl. XIX, fig. 5) : par une couche musculaire (a), formée de fi- bres musculaires disposées dans tous les sens et formant une assise ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE. 325 assez résistante ; à l’intérieur, cette couche est revêtue par un épi- thélium prismatique non vibratile, constitué par des cellules très al- longées, à contenu granuleux, et renfermant dans leur intérieur un gros noyau ; à l'extérieur, la couche musculaire est revêtue par une enveloppe cellulaire renfermant de nombreuses cellules calcaires ; ce: sont ces cellules (pl. XIX, fig. 11) qui donnent à la poche son poin- tillé blanc brillant. A l'intérieur de la poche copulatrice, on trouve des spermato- zoïdes en plus ou moins grande quantité et une substance jaune rou- geâtre toute particulière, dont il est difficile de reconnaitre l'origine. Cette substance se présente sous forme de petites masses irrégu- lières (pl. XIX, fig. 8), offrant certaines parties colorées en rouge-brun. On trouve tous les passages entre les plus petites masses (a) d'aspect cellulaire et les plus volumineuses. D'après ce que l’on peut observer, il semble que les petites masses, en s'accolant les unes aux autres et en devenant de plus èn plus colorées, finissent par former des masses plus volumineuses. Appendice cæcal. — Get appendice représente ici, je crois, ce que l’on désigne habituellement chez certains Mollusques sous les noms de glandes muqueuses, vésicules multifides, etc., et qui atteignent leur summum de développement chez certaines Hélices, telles que l'Hélice vigneronne, où elles sont représentées, comme chacun le sait, par un grand nombre de tubes en cæcum réunis en deux grou- pes et débouchant au fond du vagin. Chez Oncidium ceiticum, cet appareil glandulaire n’est représenté que par un seul cæcum, qui vient déboucher à la réunion du vagin avec l’oviducte, en face du point où s'insère la vésicule copulatrice. Assez long, enroulé plusieurs fois sur lui-même, cet appendice est de couleur rosée, d'apparence glandulaire, et est creusé à son inté- rieur d’un canal tapissé par un épithélium vibratile. Il est naturel, après-avoir décrit ces différentes parties, de voir quelles fonctions elles remplissent. Je serai très sobre de détails, n'ayant pas fait de ce sujet une étude spéciale, qui, on le comprend, demanderait un temps fort long, mais dans laquelle il y aurait encore, je crois, beaucoup à glaner, malgré les beaux travaux déjà publiés. Les œufs de la cavité utérine, où nous les avons vus arriver et se recouvrir d'une couche abondante d’albumine, descendent dans 326 J. JOYEUX-LAFFUIE. l'oviducte ; à leur passage dans le vagin, ils sont fécondés par les spermatozoïdes provenant de la vésicule copulatrice, puis sont enve-: loppés par une coque sécrétée probablement par le vagin, et pon- dus. L'appendice cæcal sécrète un liquide qui doit favoriser le pas- sage en lubrifiant les parois du vagin. Je le répète, j'indique tous ces faits par analogie avec ce que les autres ont décrit chez un grand nombre de Mollusques, maïs sans prétendre d’une façon certaine que les choses se passent réellement ainsi. Pendant l’accouplement, qui est réciproque et qui a toujours lieu entre deux individus seulement, la verge de l’un, en pénétrant dans le vagin de l’autre, permet aux spermatozoïdes d'arriver dans la poche copulatrice. Là, ils demeurent, pour ainsi dire, en réserve et attendent le moment où les œufs vont s'échapper par l'oviducte et le vagin pour les féconder. S 3. Canal déférent. — Verge. On peut, je crois, considérer l'appareil génital d'Oncidium celticum, de même que celui d’un grand nombre de Mollusques androgynes. comme étant formé de trois parties : une partie hermaphrodite, une partie femelle et une partie mâle. Nous avons examiné la partie her- maphrodite, celle qui est affectée aux produits mâles et femelles, c'est-à-dire la glande hermaphrodite et son canal excréteur. Nous avons également passé en revue la partie femelle, spécialement des- tinée aux œufs et qui est composée par: l'utérus, les glandes de l'albumine, l’oviducte, le vagin, la poche copulatrice et l’appendice cæcal. Voyons maintenant le canal déférent et la verge, qui consti- tuent la partie mâle. Canal déférent. — Le canal déférent est un fin et long canal qui, libre vers ses deux extrémités dans la cavité générale, est dans sa partie médiane situé dans l'épaisseur des téguments. C'est le seul point d'union entre la portion des organes génitaux placé à la. partie inférieure de l'animal et celle qui est située à la partie supérieure, c’est-à-dire la verge. Son extrémité inférieure, qui semble se détacher de l’oviducte, fait suite à la gouttière intra- utérine, D'abord libre dans la cavité générale pendant un court tra- jet, il se dirige vers le point où le vagin se termine en fusionnant ses ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE. 927 parois avec les téguments ; là, un peu au-dessus et à droite, il pénè- tré entre les fibres musculaires du pied etchemine ainsi dans l’épais- seur de cet organe, en se plaçant sur son côté droit, immédiatement en arrière de la gouttière latérale droite. Des coupes transversales donnent une idée exacte de sa position (pl. XIX, fig. 4 a). [l parcourt ainsi toute la longueur du pied, puis, arrivé près de l’orifice exté- rieur de la verge (pl. XIX, fig. 1 e), il sort des téguments (d), reparaît de nouveau dans la cavité générale, décrit un grand nombre de cir- convolutions, et enfin pénètre dans le muscle rétracteur de la verge (b) et dans la verge elle-même, pour s'ouvrir à son extrémité. La structure du canal déférent est assez simple ; sur des coupes, on voit qu'il est formé d’une couche musculaire revêtue extérieure- ment par une couche cellulaire renfermant un grand nombre de cellules calcaires, et intérieurement par un épithélium vibratile. Tous les auteurs donnent du canal déférent une description diffé- rente de celle que je viens d'indiquer; pour eux, le Canal déférent ne cheminerait pas à travers les tissus du pied, mais déboucherait près de l’orifice extérieur du vagin et, de là, les spermatozoïdes se- raient conduits à la verge au moyen de la gouttière située sur le côté droit du pied. Il suffit d’une dissection minutieuse et attentive pour voir qu'il n’en est rien et que la gouttière latérale droite n’a rien de commun avec le canal déférent. D'après la disposition du canal déférent, on voit que les sperma- tozoïdes arrivent de la gouttière intra-utérine à la verge en suivant simplement le canal intérieur du conduit déférent, sans jamais en sortir, comme le veulent les différents auteurs qui ont écrit sur ce sujet!. 1 M. VAILLANT (loc, cit.) s'exprime ainsi sur ce sujet : « Dans l'appareil mâle le canal déférent proprement dit se rend directement à côté de l’orifice femelle, et, comme on l’a très bien observé, se continue dans une gouttière située sur le côté droit du pied et qui s’étend jusqu’à la partie antécieure, près de la masse musculaire correspondante sous-buccale (palpe labial?). Là cette gouttière aboutit à un ori- fice conduisant dans un long tube replié sur lui-même qu’on doit regarder comme un réservoir sémina!. Ce tube se termine enfin dans;un renflement musculaire creux, qui n’est autre chose que le pénis invaginé. » MM. Fiscuer et Crosse donnent de cette portion de l’appareil génital une des cription à peu près semblable à celle de M. Vaillant: « Le canal déférent, dans la première portion de son trajet, se confond avec la matrice, pour s’en séparer près du point où le col de la poche copulatrice et la vésicule muqueuse vaginale débou- chent dans le vagin. Après un court trajet parallèle à celui du vagin, il traverse les téguments en même temps que celui-ci et le rectum, et il aboutit à la rainure du manteau, placée le long du côté droit du pied. Le trajet du sperme se fait donc eu 3238 » J. JOYEUX-LAFFEUIE. Verge. — La verge, située à droite du bulbe buccal, fait saillie à l'extérieur par un orifice situé au-dessous et à droite du tentacule droit, c'est une partie musculeuse en forme de doigt de gant et à pa- rois épaisses (pl. XIX, fig. 1). Le canal déférent vient s'ouvrir à son extrémité, qui est terminée par une partie charnue de forme conique ‘pl. XIX, fig. 1 f), que l'on peut désigner sous le nom de gland. A l'extrémité inférieure de la verge invaginée s'attache le muscle rétracteur de la verge. C’est un muscle plat, en forme de ruban, qui, par son extrémité inférieure, se perd dans le pied (pl. XV, m'), au niveau du cœur. Comme son nom l'indique et comme ses attaches le montrent, il a pour fonction de retirer la verge à l'intérieur de la cavité générale, lorsqu'elle a été dévaginée au dehors, ce qui a lieu, par exemple, après l’accouplement. Le canal déférent, pour aller s'ouvrir à l'extrémité de la verge, s'insinue d’abord entre les fibres musculaires du muscle rétracteur (pl. XIX, fig. 1 b), puis traverse l'extrémité de la verge. L'animal fait saillir sa verge à l'extérieur au moyen du même mé- canisme qu'il emploie pour faire saillir ses tentacules, c’est-à-dire en se contractant et en comprimant le liquide de la cavité générale. L'invagination à l'intérieur et la dévagination au dehors se font. on le voit, par deux procédés bien différents. J’ai examiné avec beaucoup de soin s’il n'y avait pas à l'extrémité de la verge quelque chose de comparable à ce que l’on désigne chez certains Gastéropodes sous le nom de dard, mais je n’ai jamais rien rencontré de semblable, contrairement à ce qui a lieu, d'après Sem- per ‘, chez les espèces examinées par cet auteur dans l'océan Indien et qu'il distingue précisément d'après la plus ou moins grande du- reté de l'organe mâle. Sur des coupes transversales, on voit que la verge est formée par des fibres musculaires disposées cireulairementet longitudinalement: l'intérieur du cul-de-sac est tapissé par un épithélium prismatiqne non vibratile, et à l’extérieur se trouve une enveloppe de tissu cel- lulaire. partie dans un canal ouvert et accessible au liquide ambiant, circonstance qui existe chez plusieurs Opistobranches, notamment chez les Aplysia. « À l'extrémité antérieure de la rainure séminale et sur ie côté du palpe labial droit existe un onfice par lequel la rainure communique avec la portion libre an- térieure du canal déférent, » { SEMPER, Reisen in Archipel der Philippinen. ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE. 329 Lorsqu'on examine par compression au microscope Ja verge à l'état frais, on voit, même à un très faible grossissement, qu'elle con- tient dans son intérieur des concrétions cristallines nombreuses (pl. XIX, fig. 4, g). On se rend parfaitement compte de la position de ces concrétions ; car, en comprimant plus ou moins, on les fait faci- lement déplacer dans l’intérieur du cul-de-sac formé par la verge invaginée. Il est évident que, pendant la sortie de la verge à l'exté- rieur, ces concrétions doivent être expulsées au dehors ; elles occu- pent toujours la partie profonde du cul-de-sac et ne se montrent jamais près de l’orifice extérieur ; elles sont de forme et de volume variables, et de couleur jaune brünatre. Quand on les regarde à un fort grossissement (pl. XIX, fig. 9), on reconnait immédiatement les formes cristallines de l'acide urique. Les plus petites de ces concrétions sont formées par un cristal fusiforme (a), parfois ces sortes de fuseaux sont disposés en croix (4): certaines concré- tions, en forme de petites rosaces, de boules épineuses, sont consti- tuées par un amas de cristaux soit fusiformes (c), soit prismatiques (d). Enfin, les concrétions les plus volumineuses, qui sont aussi les plus colorées, ne présentent plus de cristallisation bien nette ; on dis- tingue seulement des stries allant en rayonnant du centre vers la surface qui est irrégulière, épineuse ou mamelonnée (e, f, g, h). Ces concrétions traitées par les acides acétique et chlorhydrique et par l’éther ne se dissolvent pas. Chez les individus qui ont séjourné dans la liqueur d'Owen, on ne les observe plus. Si l'on recueille sur une lame de verre les concrétions d’un certain nombre d'individus, on peut facilement obtenir, au moyen de l'acide azotique et de l’'ammoniaque, la réaction caractéristique de l'acide urique. À n'en pas douter, on a affaire ici à de l'acide urique, mais il est difficile d'expliquer comment cet acide se produit ainsi dans la verge invaginée et quel rôle il y joue. Habitués que nous sommes à voir dans les parties de l’organisme qui sécrètent de l’acide urique ou des urates des organes d’excrétion, j'ai cherché à voir s’il n'y avait pas là quelque organe peu apparent remplissant cette fonction ; mais je dois dire que je n'ai jamais rien rencontré qui soit étranger à la verge, et je dois avouer que je ne puis donner une explication satisfaisante de ce fait singulier. Contrairement à ce qu'indique M. Vaillant, l'orifice extérieur par lequel sort la verge n’est pas situé contre la terminaison de la gout- tière latérale droite qu'il nomme gouttière déférente, puisque cette 330 J. JOYEUX-LAFFUIE. gouttière se termine à la glande pédieuse, et que l’orifice de la verge se trouve plus bas et plus en arrière sur le côté de la tête, comme nous l'avons déjà indiqué. S 4. Accouplement. — Ponte. Comme l'a très bien indiqué M. Vaillant !, l'accouplement est réciproque: chez l'Oncidium celticum ; chacun des deux individus ac- couplés remplit en même temps le rôle de mâle et celui de femelle. Stoliczka?, ainsi que MM. Fischer et Grosse ?, qui partagent son opinion, malgré les observations de M. Vaillant, pense que l’un des individus joue le rôle de mâle et l’autre celui de femelle, et qu'un accouplement réciproque est impossible. J'ai moi-même plusieurs fois, dans les différentes stations où j'ai recueilli l'Oncidie, observé des individus accouplés. Il me suffisait de séparer un couple ainsi réuni pour voir très nettement que la verge de l’un était introduite dans le vagin de l’autre, et réciproque- ment. M. Vaillant a observé l’accouplement en mars et en octobre; j'aivu moi-même des individus accouplés en juillet et août, ce qui porterait à penser que l’accouplement a lieu pendant toute la belle saison ; cependant j'ai lieu de croire que c’est surtout le Printemps qui est la véritable époque de l'accouplement, car cette saison écoulée, presque toutes les pontes que l’on recueille renferment des embryons déjà très avancés dans leur développement. Pendant l’accouplement les individus sont placés dans une direc- Lion inverse, la tête de l’un étant en contact avec la partie inférieure de l’autre et réciproquement; le bord droit du manteau est légè- rement relevé, et les deux individus sont à demi contractés. 1 VAILLANT, loc. cit. 2? SroziczkA, On the Genus Onchidium with descriptions of several new species (Journ. asiat. of Bengal, part. If, pl. XIV et XV). 3 Kiscuer et Crosse (loc. cit.) s'expriment ainsi: « La disposition des orifices génitaux rend impossible un accouplement semblable à celui des Limaces et des Hélices. Stoliezka, qui l’a observé une seule fois, a vu que l’un des individus était placé en arrière de l’autre. Il n’y a donc pas imprégnation réciproque ; un individu joue le rôle de mâle et l’autre celui de femelle comme on l’a noté chez les Aplysia. Ce mode particulier d'accouplement explique assez bien l'erreur de Buchanan, qui croyait les Oncidium unisexués. | ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE. 331 Je n'ai jamais observé les individus que pendant la copulation, et par conséquent je ne saurais dire si les préparatifs auxquels ces ani- maux peuvent se livrer, comme cela se voit chez les Hélixt. par exemple, présentent quelques particularités intéressantes. La verge de chaque individu, pendant l’accouplement, est située dans le vagin de l’autre, et l'extrémité doit probablement remonter jusqu'au point d'insertion du col de la poche copulatrice, de façon à ce que la liqueur séminale puisse arriver dans Ia cavité de la poche et y rester en réserve pour la fécondation, qui s'opère beaucoup plus tard. Ponte. — La ponte de l'Oncidie n'est signalée par aucun des z0olo- gistes qui se sont occupés de cet animal. Il y à tout lieu de croire que ce manque de renseignements est dû à la difficulté que l’on éprouve à se procurer les œufs. Ces animaux pondent dans les pro- fondeurs de leurs retraites, dans les fissures étroites des rochers, et ce n’est qu'au prix d’un travail manuel considérable qu'on parvient à recueillir quelques pontes. Partout où j'ai récolté des œufs, à Duon, à Morgate et aux Sept- Iles, toujours j'ai employé la barre en fer des carriers, au moyen de laquelle on arrive à disjoindre des blocs entiers de roches. Après ce travail dur et pénible, il suffit d'examiner attentivement les faces des roches qui forment les parois des demeures où se logent les Onci- dies, pour y trouver les œufs collés et réunis en petits amas ayant environ un demi-centimètre carré. Une seule personne peut rarement récolter dans une même marée plus de cinq ou six pontes. Je n'ai jamais rencontré d’œufs à la sur- face des rochers ou des algues qui forment la nourriture habituelle de ces animaux. Dans certaines localités, à Morgate, par exemple, on trouve en abondance, sur les rochers où vit l'Oncidium celticum, la grosse balanne de nos côtes (Balanus porcatus\; l'individu mort, ilreste son enveloppe calcaire qui forme une espèce de petite cavité ; or, jai trouvé parfois, dans ces sortes de petits creux, des Oncidies y dépo- sant leurs œufs. Chaque ponte est le produit d’un seul animal : il est très rare qu’un individu dépose ses œufs sur une ponte déjà faite, de facon à former de véritables monceaux d'œufs, comme on peut l'observer parfois ! MoQuiN-TanDon, Hist, nat. des moll. terrestres et fluviatiles de France, p. 318, 332 J. JOYEUX-LAFFUIE. chez l'Aplysie, par exemple. Par contre, il est fréquent de trouver plusieurs pontes situées dans le voisinage les unes des autres. Le nombre des œufs contenus dans chaque ponte est très variable, le plus souvent on peut en compter soixante-dix à quatre-vingts, parfois seulement une cinquantaine. On peut facilement se rendre compte de la constitution de la ponte en se représentant une petite masse gélatineuse irrégulière se moulant sur les objets où elle est fixée et contenant des œufs réunis en chapelet. L'œuf se.compose (pl. XVIIL, fig. #4) du vitellus, d’un albumen, d'une coque et d’une substance gélatineuse qui l'enveloppe. Le vitellus est d'un jaune clair brillant, il est entouré par une membrane vitelline et contient une vésicule germinative ; il est constitué par une substance protoplasmique opalescente, homogène et visqueuse dans laquelle se voient un grand nombre de fines gra- nulations jaunâtres, réfractant fortement la lumière et de nature lécithique. Ge sont ces granulations qui, tenues en suspension dans la substance vitelline, donnent au vitellus sa teinte générale jaunâtre. La membrane vitelline n’est, à proprement parler, que la zone périphérique de la substance vitelline qui ne contient pas de granu- lations lécithiques ; peut-être offre-t-elle aussi des propriétés physi- ques particulières, elle est surtout bien apparente sur les œufs qui sont prêts à abandonner la glande hermaphrodite, plus tard elle dis- paraît complètement. La vésicule germinative se montre comme une partie plus claire du vitellus, ne contenant pas de granulations lécithiques. L'albumen, abondant et transparent, n'offre rien de particulier, le vitellus en occupe la partie centrale. Vitellus et albumen sont contenus dans une coque transparente, résistante, effilée à ses deux extrémités en un funicule qui relie, en une sorte de chapelet, les œufs d’une même ponte. Une couche de substance gélatineuse enveloppe les œufs. Gouttière latérale droite. — Cette gouttière, creusée assez profon- dément entre le pied et le manteau, s'étend depuis l'ouverture du vagin, à l'extérieur, jusqu à l'ouverture de la glande pédieuse située entre la tête et le pied (pl. XIV, fig. 2 et 3, s, pl. XIX, fig. 4, 6). Sa lèvre externe est formée par le manteau, et sa lèvre interne par un repli longitudinal et latéral du pied (pl. XIX, fig. 4, c). ORGANISATION: ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE, 333 DEUXIÈME PARTIE DÉVELOPPEMENT La vraie zoologie, celle qui doit conduire au groupement naturel des animaux, ne peut et ne doit se borner, comme autrefois, à l’é- tude de l'adulte, c'est-à-dire à la connaissance d’un être pendant une partie de son existence. Le zoologiste doit, aujourd’hui, suivre pas à pas l’évolution des animaux, noter les formes successives qu'ils revêtent et les modifications qu'ils subissent. De cette étude, atten- livement suivie, découlent des rapports que l'anatomie seule ne sau- rait nous donner. L'étude d’un animal n'est complète qu'autant qu'on l’a suivie depuis l'œuf jusqu'à la forme adulte. Le développement de l'Oncidie se fait tout entier à l’intérieur de l'œuf, et le jeune, au moment de l'éclosion, possède déjà la forme de l'adulte. Afin de fixer des points de repère dans l'étude du développement, nous pourrions, comme cela se fait souvent, par exemple, admettre deux périodes ; correspondant aux formes embryonnaires et lar- vaires ; les figures qui accompagnent ce mémoire montrent l'animal à ces différentes époques de son développement. J'ai préféré suivre une méthode un peu différente, employée par beaucoup d'auteurs et qui consiste à placer, dans un chapitre, sous le titre de Période em- bryonnaire, ce que l’on observe jusqu'à l'apparition des principaux organes : voile, pied, manteau, coquille, etc. Puis, dans un second chapitre, suivre séparément le développement de chaque organe ; par ce moyen, on évite, Je crois, des redites continuelles. Il Les soins à donner aux pontes, pour faire développer les œufs, sont utiles à connaître. Il ne suffit pas, comme pour la plupart des 334 : J. JOYEUX-LAFFUIE. Gastéropodes marins, de placer les œufs dans un vase contenant de l'eau de mer qu'on à soin de renouveler de temps en temps ou de les mettre sous un Courant d'eau. Si l’on opère ainsi avec les œufs de l'Oncidie, on ne tarde pas à voir les embryons prendre les formes les plus bizarres, devenir anormaux et ne point atteindre leur complet développement. On doit constamment se tenir en garde contre les embryons monstrueux ; chez l'Oncidie plus que chez aucun Gastéro- pode, ils sont d’une fréquence extrème. La moindre condition exté- rieure anormale agissant sur les œufs suffit pour produire des mons- tres, et si l’on n'était prévenu de ce fait, on risquerait fort de faire de la tératologie au lieu d'embryogénie normale. M. H. Fol, dans ses beaux mémoires sur le développement des Mollusques, insiste beaucoup, avec raison, sur ce fait, qui à été, pour beaucoup d’em- bryogénistes, la cause d'un grand nombre d'erreurs. Pour faire développer les œufs d'un animal, il est indispensable de bien observer les conditions où ils se trouvent naturellement, et de chercher à les obtenir artificiellement ; c'est ce que j'ai fait pour l’'Oncidium. Les œufs récoltés étaient placés au laboratoire sous un filet d’eau dans un appareil à pisciculture, ou dans de petites cuvettes dont j'avais soin de changer l’eau deux fois par jour. Le matin je vidais l'eau des cuvettes et les laissais de cinq à dix heures simplement recouvertes par une lame de verre afin d'empêcher le dessèchement des œufs; à dix heures je les remplissais d'eau de mer Jusqu'à quatre heures du soir, où de nouveau je les vidais pour ne les remplir qu’à dix heures. Les œufs restaient ainsi dans l’eau de mer pendant cinq heures dans la journée et sept heures dans la nuit; le reste du temps, six heures le matin et six heures le soir, ils étaient simplement dans une atmosphère très humide. Ce sont à peu près les conditions où les œufs se trouvent dans la nature ; aussi de cette façon J'ai pu faire développer complètement des œufs jusqu'à éclosion, ce que l'on ne saurait obtenir en les maintenant continuellement sous l’eau. Les faibles dimensions des œufs d'Oncédium cellècum sont un très orand obstacle, presque une impossibilité pour l'étude des embryons par la méthode des coupes. La substance gélatineuse qui recouvre la coque, molle et transparente au moment de la ponte, devient bientôt plus résistante et d'un jaune terne, c'est la partie la plus gènante pour l'observation ; aussi faut-il avoir soin d'en débarrasser, à l'aide ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE. 339 d'aiguilles à dissection et d’une loupe de Brücke, les œufs que l'on veut observer. Non seulement cette substance gêne l'observation par sa couleur légèrement opaque, mais aussi par le grand nombre de particules étrangères flottant dans l’eau qui viennent s'y accoler et souvent la pénétrer. C’est le seul travail préparatoire qu'il faille faire subir aux œufs, mais il est indispensable. J'aifaittoutes mes recherches à l’aide du compresseur de M.H. Fol, le savant embryogéniste de Genève. C’est un instrument indispen- sable et le seul qui permette d'observer au microscope, pendant des journées entières avec facilité, des embryons vivants, même avec de forts grossissements. Période embryonnaire. Bien souvent j'ai eu le désir de suivre les œufs depuis les culs-de- sac de la glande hermaphrodite, où ils se développent, jusqu'à leur sortie du vagin. Il y aurait là, on le comprend, un grand intérêt à observer les phénomènes de maturation et de fécondation. Malheu- reusement ces observations présentent les plus grandes difficultés, je n’ai même jamais pu observer des œufs immédiatement après la ponte, l'Oncidie ne pondant point en captivité. Sur le très grand nombre d'œufs que j'ai eu à ma disposition, les moins avancés étaient déjà segmentés, et une seule fois j'ai été assez heureux pour recueillir une ponte que l'animal déposait et dont les œufs possédaient seulement les vésicules de rebut, la segmenta- tion n'ayant pas encore commencé. Comme nous l'avons vu au chapitre de la reproduction, la fécon- dation doit avoir lieu dans l'oviducte, ou peut-être, comme le veu- lent certains auteurs, dans la matrice, et par conséquent il est impos- sible ou du moins fort difficile d'en observer les phénomènes intimes. J'en dirai autant de la formation des globules polaires ou vésicules de rebut, qui, s'ils ne sont déjà formés lorsque l’œuf est pondu, doi- vent prendre naissance aussitôt après. L'œuf le moins avancé que j'ai pu observer possédait ses deux vé- sicules de rebut, et j'ai pu voir nettement la segmentation en deux sphères. Les corpuscules de rebut, que je désigne indifféremment sous ce nom ou sous celui de globules polaires, sont toujours au nombre de deux; placés dans le voisinage l’un de l’autre, ils sont d’une grande 336 J. JOYEUX-LAFFUIE. transparence et paraissent composés uniquement de protoplasma. Pendant la plus grande partie du temps que j'ai consacré à ce travail, j'ai eu des Oncidies en captivité dans des aquariums; jusqu’au dernier moment javais espéré les voir pondre et peut-être pouvoir ainsi, sur des œufs fraichement pondus, voir la formation des globules polaires ; mais Je n'ai jamais pu obtenir une seule ponte dans ces conditions, ces animaux refusent en général toute nourriture et semblent n'avoir qu'un but, celui de recouvrer leur liberté. Le point occupé par les corpuscules de rebut est un guide pour observer le premier sillon de segmentation qui va se produire sur le vitellus, sillon qui va passer juste au-dessous d'eux (pl. XX, fig. 2). Au moment où l'œuf va se segmenter, il présente à peu près par- tout la même composition, excepté cependant dans le voisinage des corpuscules de rebut où les granulations lécithiques sont moins abondantes, ce qui rend cette partie plus claire que tous les autres points du vitellus. Si à ce moment on ajoute une goutte d'acide acé- tique, on voit facilement, à un fort grossissement, que cette partie claire est formée par du protoplasma finement granuleux et dont les granulations disposées en rayonnant constituent deux étoiles ou Aster, En examinant ces Aster pendant un certain temps, on voit bien- tôt, qu'ils s’éloignent l’un de l’autre, entraînant ainsi chacun avec eux une partie du vitellus, Ce sont, pour ainsi dire, deux centres d'at- traction qui divergent. Leur éloignement détermine dans le vi- tellus un sillon qui se montre d'abord au-dessous des corpuscules de rebut; au fur et à mesure que les Aster s’éloignent, ce sillon grandit en longueur et en profondeur. Son accroissement en lon- eueur fait qu'il arrive bientôt à faire complètement le tour du vitellus et son accroissement en profondeur détermine la séparation du vi- tellus en deux sphères (pl. XX, fig. 2) symétriques et de même vo- lume; à peu près sphériques, immédiatement après leur formation, elles s’aplatissent bientôt du côté où elles sont en rapport et sem- blent accolées l’une à l’autre. Enfin chaque Aster se transforme en un noyau qui se montre comme une partie plus claire, ne présentant pas de masses nutritives lécithiques et composé seulement de proto- plasma. Dans le stade suivant, chacune des nouvelles sphères se divise en deux (pl. XX, fig. 3) par le même procédé que précédemment ; on voit facilement la disparition du noyau dans les deux sphères de pre- mière formation: on peut aussi constater la présence des Aster el ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE. 337 leur disparition ainsi que leur remplacement par des noyaux dans les quatre sphères de seconde formation qui viennent de se produire Ces quatre nouvelles sphères, provenant des deux premières par di- vision de chacune de celles-ci en deux, sont de même volume, de même aspect et ne sauraient être distinguées l’une de l’autre. La ligne de division qui les a produites passe, comme pour le premier stade, par le point occupé par les corpuscules de rebut et coupe la première perpendiculairement. Jusqu'ici, il y a eu segmentation régulière ; nous avons ainsi qua- tre cellules en contact les unes avec les autres ; cet accolement leur donne, par suite de la pression qu’elles exercent les unes sur les au- tres, une forme qui, au lieu d’être sphérique, est aplatie sur les deux faces en contact avec les cellules voisines. La partie de chaque cellule voisine du pôle nutritif ‘ est bourrée de granules lécithiques, ce qui la rend très opaque, tandis que la por- tion voisine du pôle formatif en possède une moindre quantité, mais n'est cependant pas, comme chez beaucoup de Gastéropodes, uni- quement constituée par du protoplasma. Jusqu'ici, nous avons eu une segmentation régulière qui nous a donné quatre cellules égales entre elles ; mais, à partir de ce stade, la segmentation devient irrégulière ; chacune des quatre cellules, au lieu de se diviser en deux nouvelles cellules égales et de même com- position, se divise en une grande cellule et une petite, de volumee de constitution différentes. Déjà, avant la segmentation, on prévoit la partie de la grande cellule qui va se séparer d'elle, pour former une nouvelle cellule. Dans la partie voisine des globules polaires, on voit la masse cellulaire prendre une teinte moins foncée, les glo- bules lécithiques devenir moins nombreux, le noyau disparaît et cette disparition indique que la segmentation va avoir lieu. On voit, en effet, bientôt la partie la plus claire se séparer de la partie la plus foncée et venir se placer dans le sillon qui sépare deux des grosses cellules. Il se forme ainsi quatre petites cellules situées entre les corpuscules de rebut et les grosses cellules nutritives. Quatre petites cellules ainsi formées (pl. XX, fig. 4) se trouvent situées au voisinage des corpuscules de rebut, c’est-à-dire au pôle formatif, tandis que les quatre grandes sont placées au pôle opposé. 1 Le pôle formatif est le point occupé par les corpuscules de rebnt, le pôle nu- tritif lui est opposé. ARHC. DE ZO0O0L, EXP, ET GÉN = T, X, 1882, 29 338 J. JOYEUX-LAFFUIE. Ces deux pôles, auxquels on a donné les noms de pôle formatif et pôle nutritif, vont en effet avoir un rôle bien différent. Au pôle for- matif vont s'accumuler des cellules en grand nombre, qui toutes auront le même aspect que les quatre petites déjà formées; ces cel- lules sont remarquables par leur transparence plus grande que celle des cellules nutritives, ce qui est dû à ce qu'elles contiennent une plus grande quantité de protoplasma, proportionnellement aux gra- nulations lécithiques, qui sont beaucoup moins nombreuses. Les quatre cellules nutritives, au contraire, présentent une teinte plus foncée et renferment une bien plus grande proportion de gra- nules lécithiques. Le noyau, qui apparaît dans chaque ceilule après chaque division, où il est visible pendant tout le temps de repos, disparaît pendant la segmentation. Mais revenons à l'embryon, qui est composé jusqu'ici par quatre grandes cellules nutritives et quatre cellules formatives. Les quatre grosses cellules, par le même procédé que précédemment, donnent souvent naissance à quatre nouvelles petites cellules, qui viennent se placer à côté des quatre cellules formatives. Les cellules formatives continuent ainsi à se ITR soit en provenant des grandes cellules nutritives, soit en se divisant elles- mêmes en deux, et bientôt elles sont si nombreuses, qu'elles com- mencent à entourer les grosses cellules nutritives, se logeant tout d'abord dans les sillons qui les séparent et ensuite à leur surface (PLYAX, fig.!5): Les grandes cellules se multiplient aussi, mais beaucoup moins rapidement que les cellules formatives, et il en résulte que ces der- nières entourent bientôt complètement les cellules nutritives. Les cellules formatives croissent en nombre assez rapidement, et malgré cela ne diminuent que peu de volume ; il est donc probable que déjà elles se nourrissent, et cela aux dépens de la matière nutri- live qu'elles contiennent. On voit, en effet, les corpuscules lécithi- ques contenus dans leur intérieur devenir de moins en moins nom- breux et les cellules acquérir une transparence de plus en plus grande. Les quatre cellules nutritives, qui, au début, donnaient naissance à des cellules formatives, ne se divisent plus que pour leur propre compte, et dorénavant les cellules formatives ne se mulüplient que par division. À partir de ce moment, chaque feuillet est nette- ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE. 339 ment séparé, chacun croît et se multiplie pour son propre compte. Le mode d'après lequel se fait la division des cellules nutritives est difficile à observer, et c'est ici que des coupes seraient utiles et don- neraient de précieux renseignements. Tout porte à penser que cette division doit avoir lieu parallèlement à la surface de contact des cel- lules, car elles sont toujours disposées en une seule couche, qui ta- pisse pour ainsi dire la couche des cellules formatives. Le feuillet externe ou ectodermique croît beaucoup plus vite que le feuillet interne ou entodermique, par suite d’une multiplication beaucoup plus rapide de ces cellules. Le résultat de la croissance inégale de ces feuillets est l'inva- gination, qui se produit du côté du feuiilet entodermique. Le feuillet externe enveloppe complètement le feuillet interne, puis continue à croître en s invaginant en dedans (pl. XX, fig. 6, à). L'orifice qu'elles limitent ainsi est la bouche primitive ; elle présente une forme allongée, légèrement recourbée en croissant; plus tard, comme nous le verrons, elle se creuse davantage, prend la forme d'un entonnoir et en même temps s'arrondit et se couvre de cils vibratiles. La question de savoir si la bouche primitive devient la bouche définitive ou si, au contraire, cette dernière se forme au pôle opposé, au pôle formatif, est ici facile à résoudre, comme nous le verrons plus loin. | Dans certaines régions de l’ectoderme, les cellules doivent se mul- tiplier plus rapidement que dans d'autres, car l'embryon, au lieu de prendre une forme sphérique comme il devrait régulièrement le faire si les cellules se multipliaient également et avaient partout le même volume, prend, au contraire, une forme irrégulière, et, vu de profil, présente un aspect triangulaire (pl. XX, fig. 7). Je passe rapidement sur ces premières phases du développement ; | un grand nombre d'auteurs les ont, pour beaucoup d’autres Mol- lusques, décrites longuement ; il me suffit ici d'indiquer la marche | générale du développement sans insister avec détails. A ce moment du développement (pl. XX, fig. 7), on voit apparai- tre en un point à peu près opposé à la bouche une invagination ; c'est l'invagination préconchilienne, qui va donner naissance à la coquille. En ce point, les cellules ectodermiques se multiplient plus rapidement que dans les points voisins, mais, au lieu de faire saillie à l'extérieur, par exemple, comme pour le pied, elles déterminent une saillie à l'intérieur en s’invaginant. Il se creuse là une cavité qui 340 J. JOYEUX-LAFFUIE. ne tarde pas à prendre beaucoup d’extension, mais surtout en lar- geur et non en profondeur. On peut reconnaitre le point où va se faire l’invagination précon- chilienne à ce que les cellules ectodermiques, au Heu de se diviser comme dans les autres points de l'embryon, se divisent en rayon- nant, ce qui produit bientôt une sorte de rosette qui s'enfonce en son centre et forme ainsi une invaginalion. La forme allongée des cellules s’apercoit nettement lorsque l’on comprime un embryon latéralement. Ces cellules sont moins foncées que les cellules voi- sines, les granulations y sont en moins grande quantité. Peut-être cet éclaircissement est-il dù à leur rapide multiplication. Cette invagination préconchihenne, au lieu de se faire en profon- deur, s'étend parallèlement à la surface et croît ainsi en grandeur. Dans son intérieur se forme la coquille, qui grandit au fur et à me- sure que l'inmvagination augmente. Les premiers rudiments de la coquille sont difficiles à voir, et on ne la distingue nettement que lorsqu'elle à déjà attemt une certaine étendue ; cela tient fort pro- bablement à sa grande transparence. Elle se montre tout d'abord sous forme de verre de montre et située sur le dos de l’em- bryon ; puis, grandissant beaucoup plus vite du côté dorsal que du côté ventral, elle prend bientôt l'aspect d'un bonnet phrygien à som- met arrondi. Toujours elle m'a paru sensiblement symétrique ; mais je dois dire qu'il est fort difficile de reconnaître un léger degré d'asymétrie dans les conditions où on l'observe (pl. XX, fig. 8 et 9). Mais déjà l'embryon montre ses principaux organes ; étudions-les done chacun en particulier. PÉRIODE LARVAIRE Tube digestif. Les premiers rudiments du tube digestif sont représentés : par la bouche primitive, qui n'est autre, comme nous l'avons vu, que le blastophore ; par la cavité embryonnaire, bien visible par transparence (pl. XX, fig. 6 et 7), et enfin, par le canal qui met en communication la cavité embryonnaire avec la bouche. La bouche,que nous avons vue posséder primitivement une forme de croissant, s'arrondit de plus en plus en même temps qu'elle s'en- ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE. 341 fonce davantage ; elle arrive ainsi à présenter la forme d’un enton- noir ; bientôtles cellules qui la constituent, qui ne sont que des cel- lules ectodermiques, se couvrentde cils vibratiles qui, par leurs mou- vements, forment un tourbillon qui entraîne l’albumine contenue dans la coque de l’œuf vers la cavité digestive, où elle est absorbée. Vue de face (pl. XXI, fig. 4), la bouche présente l'aspect de deux cercles concentriques ; l'interne, qui n’est autre que l’œsophage vu en coupe optique, est très arrondi et montre, sur son pourtour, des cils vibratiles agités d'un mouvement rapide ; c’est le fond de l’en- tonnoir buccal. Le second cercle, périphérique, plus rapproché de l'observateur, est légèrement ovalaire et a grand diamètre transver- sal ; c’est cette partie qui, primitivement, se montrait sous forme de croissant ; au fur et à mesure que le développement se fait, elle change de forme, s'arrondit, puis s’étire transversalement, jusqu'à ce que le voile ait atteint son maximum. A partir de ce moment, à mesure que le voile diminue pour disparaitre bientôt complètement, l'embryon modifie encore sa bouche; au lieu de la forme transver- salement ovalaire qu'elle possédait, elle devient ovalaire perpendicu- lairement à cette première direction, en se comprimant, pour ainsi dire, latéralement (pl. XXII, fig. 2 et 3, b). Ces changements de forme qu'affecte successivement la bouche sont en relation avec l'accroissement et la disparition du voile. Lorsque le voile atteint son maximum de développement, les tissus qui le constituent se développent surtout dans le sens transversal, puisque ses plus grandes dimensions sont dans ce sens ; or, les parties voisines, telles que la bouche, doivent tendre aussi à se développer dans cette direction ; c'est ce qui nous explique cette forme passagère transversale. Plus tard, au contraire, le voile disparaissant, la surface circonscrite par les cils vibratiles se rétracte le pied s’allonge et la bouche devient longitudinale. Les cellules qui constituent la bouche ainsi que l'invagination qui la fait communiquer avec la cavité digestive sont fort probablement d’origine ectodermique, car primitivement la cavité embryonnaire était très voisine de la bouche, le canal qui les réunissait était fort court, etce n’est que plus tard que le canal de communication s’al- longe, et cela non seulement par accroissement de ses propres tissus, mais aussi par un enfoncement graduel des bords de la bouche. Les cils qui garnissent la bouche sont fins et serrés, ils disparais- sent au moment où l’animal commence à ramper à l'intérieur de la 342 J. JOYEUX-LAFFUIE. coque de l'œuf et à se servir de sa radula pour saisir sa nourriture. Alors, non seulement les cellules épithéliales perdent leurs cils vibra- tiles, mais elles se recouvrent d’une cuticule épaisse qui tapisse toute la paroi de la cavité du bulbe buccal chez l'adulte {pl. XIV, fig. T7, c). Le fin canal qui fait communiquer la bouche avec la cavité diges- tive croit en longueur, à mesure que l'embryon augmente de volume, ses parois acquièrent une épaisseur plus considérable ; c’est lui qui devient l'æœsophage définitif. En comprimant fortement les embryons (pl. XX, fig. 8 et9; pl. XXIL, fig. 1 et2), on voit très nettement ses parois bien limitées et les cils vibratiles qui garnissent son inté- rieur. Ces cils déterminent un courant se dirigeant vers la cavité di- gestive, ils se montrent de bonneheure chez l'embryon; j'ai pu les ob- server dès le moment où le voile et le pied commencent à s’esquisser. L'æsophage présente sur tout son parcours à peu près le même diamètre pendant toute la période larvaire, et ce n'est qu'après l’éclosion qu'il se dilate en arrière du collier nerveux. | La partie du fin canal faisant communiquer la bouche avec la cavité embryonnaire qui va subir le plus de changements est la partie antérieure située près de la bouche ; c'est elle qui formera le bulbe buccal avec ses dépendances: radula, cartilages de la radula, mâchoires, glandes salivaires, ete. Ces changements commencent à se produire peu avant la disparition complète du voile. Si l’on exa- mine un embryon de profil à cette époque du développement, on voit que cette première partie de l'œsophage s’épaissit beaucoup, devient plus opaque, et le cul-de-sac radulaire se montre. Ce n'est que quelque temps après que l'on commence à apercevoir des dents rudimentaires qui indiquent la présence de la radule. Les dents apparaissent sous forme de petits tubercules, celles de la rangée médiane les premières, puis se montrent celles des côtés en allant du milieu vers les bords. Peut-être les culs-de-sac qui donnent nais- sance aux glandes salivaires commencent-ils à se montrer aussi à cette époque. Je n'ai jamais pu les observer, ce n'est que longtemps après, lorsqu'elles ont déjà acquis un certain volume, qu'elles deviennent visibles par transparence à travers les téguments de l'em- bryon. Cette difficulté d'observation des glandes salivaires tient à leur grande transparence. Les cellules entodermiques, remarquables et reconnaissables à leur volume et à leur contenu rempli de granulations protolécithiques, entourent et limitent primitivement la cavité centrale de l'embryon. ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE. 343 IlLest probable, mais je n'ai pu le constater, qu'il se passe ici ce qui a lieu chez les Hétéropodes, les Ptéropodes et les Gastéropodes pul- monés, comme l'a indiqué M. Fol. Les cellules entodermiques doivent, en se divisant, donner naissance à des cellules ne contenant pas de granulations nutritives et qui vont constituer les parois de l'estomac et l'intestin, tandis que les cellules nutritives se groupent en deux masses distinctes. L’opacité des embryons, à cette période du développement, empêche l'observation des phénomènes qui se passent pour changer la cavité primitive en estomac et en masses nutritives. Ce n'est que plus tard, lorsque les larves deviennent plus transparentes, que l’on peut suivre les modifications qui se passent à leur intérieur ; mais déjà l'estomac et les masses nutritives sont nettement différenciés, ainsi que l'intestin. Les masses nutritives se constituent autour de deux prolonge- ments de la cavité digestive. L'estomac, ou gésier, présente une forme irrégulière, ses parois augmentent beaucoup d'épaisseur après l’éclosion ; chez les larves assez avancées qui ont atteint la forme véligère bien développée, l'estomac est situé à peu près au centre de la coquille, entre la grosse masse nutritive située à gauche et en bas, et la petite masse nutritive placée à droite eten haut (pl. XX, fig. 8 et 9; pl. XXI, fig. 2). L’intestin, qui à cette époque est bien développé, part de la partie postérieure de l'estomac, se dirige en avant, se recourbe à gauche, puis à droite, pour aller s'ouvrir à l’anus, situé sur le côté droit de l’animal, presque en dessous, dans le sillon formé par le rebord du manteau (pl. XXI, fig. 4, a). L’anus est difficile à observer, la place qu'il occupe étantprofondément située, grâce au rebord du manteau, qui est très développé et peu transparent. L'intestin se forme par un prolongement de la cavité centrale qui va se souder à l’ectoderme au point où se creusera plus tard l’anus. Ce prolongement parait primitivement plein, et ce n’est que plus tard qu'il paraît creusé d'un canal. Il est difficile, vu l'opacité des masses nutritives, de pouvoir exami- ner par transparence les détails de la formation de l'estomac, de l'intestin et des masses nutritives qui donneront naissance plus tard aux lobes du foie. Le lobe nutritif de droite débouche dans l'estomac, c’est lui qui deviendra plus tard le petit lobe du foie ; de plus, il se déplacera et, 344 J. JOYEUX -LAFFUIE. au lieu d’antérieur qu'il est par rapport à l'estomac, il deviendra postérieur. Le lobe postérieur le plus volumineux débouche au point où l’æsophage s’insère à l'estomac. C’est lui qui formera le reste de la masse hépatique de l'adulte, c’est-à-dire la plus grande partie;ilse divise, après l’éclosion, en deux portions dontchacune se transforme en un des gros lobes qui se déversent entre l'estomac et le gésier. Les deux masses nutritives donnent-elles seulement naissance aux différents lobes qui constituent la masse hépatique ou bien four- nissent-elles encore la glande hermaphrodite, comme le veulent certains auteurs ? Je discuterai cette question plus loin, en traitant de la formation des organes génitaux. Les cils vibratiles qui garnissent l’æsophage font arriver par leurs mouvements l’albumen de l'œuf dans le gésier ou estomac, oùil est absorbé, mais non complètement assimilé : une partie seulement sert immédiatement au développement des tissus qui forment les dif- férents organes, et le reste est emmagasiné sous forme de deutolé- cithe pour être assimilé plus tard. Comme le dit très bien M. H. Fol!, dans ses recherches sur le développement des Hétéropodes, « c’est une méthode pratique adoptée par ces animaux à l’âge larvaire, pour emmagasiner l’albumen et pour le rendre portatif, afin de pou- voir se l’assimiler ensuite au fur et à mesure de leurs besoins. » Ce besoin d’emmagasiner ainsi une substance assimilable est sur- tout d’une grande utilité chez les larves qui éclosent longtemps avant leur complet développement; chez les larves de l'Oncidium celticum, qui naissent à une période avancée, ce besoin se fait moins sentir; cependant, après leur sortie de l'œuf, ces jeunes animaux vivent pendant-plusieurs jours sans absorber de nourriture, et seraient fata- lement destinés à périr sans une provision nutritive. Les cellules qui composent les masses nutritives chez la larve se multiplient pendant tout le développement de l'animal. Chaque cel- lule volumineuse est formée de protoplasma contenant une grande quantité de granules de deutolécithe (pl. XX, fig. 11). Ces petits glo- bules vont en augmentant jusqu’à l’époque de l’éclosion et, à partir de ce moment, assimilés peu à peu,ils diminuent rapidement. Les masses nutritives se transforment ensuite en tissu hépatique. Le U11. Fou, Sur le développement embryonnaire el larvaire des Hétéropodes (Archiv. le 300!, exp., l. V, p. 105). ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE. 345 canal excréteur de chaque masse se ramifie un grand nombre de fois et en même temps la couleur du tissu change ; d’abord jaune päle, elle devient bientôt brun foncé; à partir de ce moment, il se fait une sécrétion biliaire. Ce moment coïncide, comme j'ai pu l’ob- server, avec l’époque où l’animal commence à absorber de la nour- riture végétale, par conséquent, quelque temps après l’éclosion. L'observation de l'anus est difficile et je ne puis rien dire de précis sur sa formation, sur son époque d'apparition et sur les modifica- tions qu'il subit. Il est probable qu'il se forme ici, comme chez un grand nombre d’autres Gastéropodes, par un enfoncement de l’ecto- derme. Situé primitivement du côté droit de l’animal, il se déplace et finit par occuper, chez l'adulte, la ligne médiane. Enfin, l'intestin s'allonge considérablement et décrit plusieurs circonvolutions. IT Vorle. Le voile est un organe essentiellement larvaire ; il se montre au moment où apparaissent les principaux organes, pied, coquille, etc, grandit rapidement pour disparaître bientôt. Tous les auteurs qui se sont occupés de l’embryogénie des Gasté- ropodes sont loin d'être d'accord sur cet organe, tant au point de vue de son origine qu’au point de vue du rôle qu'il joue chez la larve. Les premiers cils vibratiles que l’on observe chez l'embryon sont ceux qui deviendront plus tard les longs cils du bord du voile. Ils se montrent à une époque peu avancée du développement (pl. XX, fig. 7), à peu près au moment où l'embryon, arrondi et creusé de sa cavité primitive, va changer de forme et commencer à montrer l’'ébauche de ses premiers organes. Pendant la segmentation, l’inva- gination, etc., l'embryon était resté complétement immobile ; il ac- quiert peu à peu des mouvements. Tout d'abord, ce n’est qu'une sorte de balancement qui s'accentue bien vite pour constituer un mouve- ment irrégulier de rotation. L'embryon, et surtout la larve, tournent dans l’œuf sans direction marquée et avec une assez grande rapidité. Si, au stade représenté dans la figure7,on comprime suffisamment des embryons pour pouvoir les examiner avec un fort grossissement, on voit, chez presque tous, deux points du contour munis de cils vibra- tiles, animés de mouvements rapides. Par la position de l'embryon, on 346 J. JOYEUX-LAFFUIE. reconnait facilement que ces deux points sont toujours placés dans le voisinage de la partie la plus obtuse. Souvent j'ai observé des em- bryons vus complètement de profil, et toujours j'ai vu une des houp- pes de cils être placée au-dessus de la bouche (pl. XX, fig 7, a,); il est évident qu'il doit exister, à ce moment, une ligne circulaire de cils vibratiles autour de la partie supérieure de embryon; si l'on ne peut l’observer sur tout l’espace qu'elle occupe, et si elle n’est visi- ble qu'en deux points à la fois situés sur le contour, cela tient à la compression que l'on est obligé de faire subir à l'embryon, com- pression qui empêche les mouvements des cils et, par cela même, supprime la possibilité de les apercevoir. Il est évident que si l’on examine un embryon vu par sa partie supérieure, une portion plus ou moins grande de la couronne feiliaire peut être placée sur le contour et, par cela même, devient visible ; c’est ce que l’on observe parfois et ce qui a fait croire à certains auteurs que l'embryon se recouvrait entièrement de cils à une cer- taine époque de son développement. Les cils vibratiles qui forment la couronne de l'embryon ne sem- blent pas se multiplier, mais croissent assez rapidement en dimen- sions ; les cellules qui les portent ne se distinguent, au début, des cellules voisines par aucun Caractère. Un peu plus tard, elles doi- vent former un bourrelet circulaire saillant, car sur une coupe opti- que, on voit une petite saillie, une sorte de petit tubercule dans les deux points où l'on distingue des cils (pl. XX, fig. 7, e et d). Non seulement la ligne circulaire occupée par les cils se soulève, mais encore les parties de l’ectoderme avoisinantes, soit à l'in- térieur de la circonférence, soit à l'extérieur. La cause de ce sou- lèvement est due à l’inégale croissance de l’ectoderme dans ses dif- férents points. Le velum se dessine de plus en plus, devient plus saïrllant, les cel- lules qui portent les cils s’allongent et leur contenu se remplit de sranulations, ce qui les distingue facilement des cellules voisines. IT existe aussi au-dessus et au-dessous du bord du voile deux ban- des de cellales à contenu granuleux. J'ai beaucoup cherché à voir si ces cellules portaient de fins cils vibratiles, mais jamais, à aucune époque du développement, ïe n'ai pu en observer. Les fines granulations que contiennent les cellules du bord du voile et les cellules situées sur deux bandes au-dessus et au-dessous augmentent progressivement, jusqu'au complet développement du ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE. 347 voile, pour ensuite disparaître à mesure que le voile disparaîtra. Ces ‘granulations, de couleur jaunâtre, ont un aspect semblable à celui des granulations lécithiques contenues dans l’œuf, mais présentent un volume beaucoup moindre. Je ne puis rien préjuger sur leur nature, n'ayant pas recherché leurs caractères chimiques ; mais je suis porté à penser, vu leur mode et leur époque d'apparition, le moment de leur disparition, ainsi que la position des cellules qui les contiennent, que c'est là une substance nutritive de réserve pour les cellules du bord du voile qui produisent, grâce à leurs longs cils vibratiles, un travail considé- rable. Un fait en faveur de cette idée est le suivant : les larves qui se développent dans de mauvaises conditions, par exemple dans une eau insuffisamment renouvelée, présentent des cellules du voile ren- fermant un nombre beaucoup moins considérable de ces granula- tions, qui finissent par disparaitre même à peu près complètement. Au fur et à mesure de leur disparition, les cils vibratiles perdent peu à peu leurs mouvements. Chez les larves ainsi placées dans des conditions de vie insuffisantes, la disparition des granulations du bourrelet du voile coïncide avec la disparition des granulations de deutolécithe des masses nutritives. La larve devient ainsi beaucoup plus transparente que les larves normales et, souvent, on est tenté de les choisir pour l'étude, ce dont il faut bien se garder, sous peine de faire des observations inexactes. Ce qui se passe ainsi pour le voile dans des conditions anormales se produit aussi, mais beaucoup plus lentement, dans les conditions normales. Au moment où l'embryon commence à se détacher de sa coquille pour l’abandonner bientôt, comme nous le verrons plus loin, les cils du voile diminuent de longueur ; en même temps les cellules perdent leurs granulations, deviennent de plus en plus celaï- res et de moins en moins distinctes. Le voile se rétracte, les cils dis- paraissent complètement en commencant par la partie postérieure et en gagnant progressivement la partie antérieure. Mais revenons à la forme générale qu'affecte le voile. A mesure qu'il prend de l'extension 1l se déforme en deux points situés sur la ligne médiane, l’un placé sur le bord antérieur, l’autre sur le bord postérieur (pl. XXI, fig. 4, d, e). Le bourrelet voilier en ces deux points se rapproche de la région centrale; par ce fait le voile prend bientôt la forme caractéristique du voile des larves de Mollusques gastéropodes marins, forme que l'on a comparée à un 8 de chiffre, 348 J. JOYEUX-LAFFUIE. comparaison inexacte, puisque le bord postérieur n'arrive jamais à toucher le bord antérieur. L'espace qui sépare le bord antérieur du voile de la bouche croît moins vite que les autres portions du voile, c’est ce qui explique pourquoi, chez les embryons, cet espace semble assez considérable, tandis que chez les embryons plus âgés il paraît avoir diminué. Peut- être aussi est-il en partie absorbé par un enfoncement de la bouche : c'est ce que je ne saurais affirmer, n'ayant aucun point de repère qui puisse faciliter une observation précise. Get espace compris entre le bord du voile et le fond de l’entonnoir buccal, qui constitue par con- séquent la paroi supérieure de cet entonnoir, est, comme les autres parois, garni de cils vibratiles qui déterminent par leurs mouvements un tourbillon entraînant l'albumen dans l'œsophage (pl. XX, fig. 1). Après la rétraction du voile on ne voit plus au-dessus de la bouche que deux sortes de croissants garnis de cils, placés bout à bout, et . réunis l’un à l’autre au-dessus de la bouche par une de leurs extré- mités. Ces derniers cils persistent encore pendant un certain temps et ont sans doute pour rôle de faire arriver dans le tube digestif l’al- bumen. Enfin, il disparaissent aussi à leur tour etil ne reste bientôt plus du voile que deux lobes arrondis situés au-dessus et de chaque côté de la bouche. Ce sont les futurs palpes labiaux de l'animal adulte (pl. XXI, fig. 3, pl. XXI, fig. 1, 3 et 4, p). Chez Oncidium celticum, contrairement à ce qu'un grand nombre d'observateurs ont décrit chez plusieurs espèces de Mollusques gas- téropodes, je n'ai jamais observé la chute du bord du voile, toujours j'ai vu une rétraction lente et progressive amenant la disparition des cils en même temps que l’affaissement des deux lobes formant le voile. Souvent, on peut voir la chute des cellules du bord du voile quise séparent de la larve soit isolément, soit plusieurs accolées en- semble. Libres dans la coque de l'œuf, elles se meuvent dans tous les sens au moyen de leurs cils vibratiles, qui leur font parcourir un trajet indéterminé. Mais c'est là un phénomène anormal; j'ai tou- jours, dans ces cas, examiné les larves avec attention, et toujours Je les ai reconnues malades. Cependant, afin de voir si quand même elles pouvaient achever leur développement, j'en ai souvent placé dans une eau bien aérée, en leur apportant tous les soins nécessaires pour les faire vivre ; mais elles ne tardaient pas à mourir, et jamais je n'ai pu en conduire jusqu’à l'éclosion. Le moment où le voile va disparaître est une époque que j'appel- ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE, 349 lerais volontiers, pour les larves que l'on fait développer dans les cu- vettes ou dans les aquariums, une époque critique, car, si elles ne sont pas dans d'excellentes conditions de vie, elles meurent presque toujours, et un indice de cette mort prochaine, c’est précisément la chute des cellules du bord du voile. Les fibres musculaires du voile apparaissent au moment où celui- ci fait saillie ; elles ont pour origine des cellules arrondies très ré- fringentes, que l’on voit par transparence à travers l’ectoderme et qui font partie du mésoderme. D'où proviennent-elles ? Est-ce de l'ectoderme ou de l’'entoderme? J'inclinerais volontiers vers la pre- mière opinion, sans cependant pouvoir rien affirmer à cet égard, des coupes étant seules capables de donner des renseignements précis sur cette question. Mais, quelle que soit leur origine, ces cellules munies de noyau s'allongent et leurs extrémités envoient des prolon- sements ramifiés. Chaque ramification s’insère à la face interne des cellules du bourrelet du voile, et par son autre extrémité à la région nuccale de la larve. Ces fibres, qui au début semblent assez nom- breuses, ne sont bientôt plus qu’au nombre de deux pour chaque lobe du voile; y a-t-il fusion ou disparition d'une certaine quantité d’entre elles? cela est difficile à observer. Ces fibres musculaires ramifiées ont pour but de permettre au voile de pouvoir se contracter; ce sont elles qui produisent ces mouvements irréguliers du bord du voile, ainsi que les contractions d'ensemble qui alternent avec les contractions du pied. Ces contractions du voile et du pied ont pour but d’établir la circulation, alors que le cœur n'existe pas encore. III. Pied. Le pied est un des premiers organes qui apparaissent chez l'embryon, au moment où l'embryon à l’état de gastrula sphérique commence à se déformer. Il se montre sous forme d’une sorte de bosse (pl. XX. fig. 7, P) faisant saillie au-dessous de la bouche. A mesure que l’em- bryon se développe, cette protubérance s'accroît, ses dimensions ver- ticales primitivement à peu près égales aux dimensions transver- sales, augmentent beaucoup plus rapidement que ces dernières, de sorte que cette bosse en forme de cône prend bientôt une forme de langue, en même temps qu’elle se pédiculise; la face antérieure devient plane (pl. XX, fig. 9 ; pl. XXI, fig. et 2; pl. XXII, fig. 1, P), 350 J. JOYEUX-LAFFUIE. l'extrémité inférieure se termine en pointe, tandis que l'extrémité supérieure, au-dessus de laquelle se trouve la bouche, est à peine arrondie et présente un bord légèrement échancré vers le milieu. Un peu après l’apparition des longs cils du bord du voile, on voit la saillie qui doit former le pied se couvrir de cils vibratiles petits, bien visibles qu'à de forts grossissements. Ils apparaisent d’abord près de la bouche, puis gagnent progressivement toute la surface jusqu’à la pointe du pied. D'abord très petits, ils augmentent un peu en lon- gueur, Mais n’atteignent jamais que de faibles dimensions; cependant tout à fait à l'extrémité de la pointe du pied se voit une houppe de cils plus longs que les autres (pl. XX, fig. 8 et 9; pl. XXI, fig. 1 et 7). Les cils du pied persistent jusqu'au moment de la métamorphose, époque où, le voile disparaissant et la coquille tombant, l’animal commence à se servir de son pied comme organe de locomotion pour ramper à l’intérieur de l’œuf. Les cellules ectodermiques en se multipliant donnent naissance à une couche de cellules épithéliales prismatiques allongées qui con- stituent l'enveloppe extérieure du pied ; ce sont elles qui portent les cils vibratiles placés à la surface du pied. Assez volurmineuses, ces cellules sont d’une grande transparence, excepté toutefois un petit groupe situé tout à fait à l'extrémité inférieure du pied et qui se dis- tinguent facilement des autres. Ces cellules (pl. XXI, fig. 7,e), au lieu d'être claires et transparentes, possèdent une couleur jaune, sont remplies de granulations et ressemblent aux cellules du bord du voile. Ce sont ces cellules qui, munies de cils vibratiles beaucoup plus longs que ceux des cellules voisines, constituent à l'extrémité du pied une sorte de petite houppe. Quelle est la signification de ces cellules ? Quel est leur rôle? Je ne saurais émettre une opinion qui ne soit une simple supposition ; peut-être est-ce Ià les cellules qui chez les larves de certains Gastéropodes produisent l’opercule ? Toujours est-il que ces cellules, qui se caractérisent bien vite, conservent tous leurs caractères jusqu’à l’époque de la métamorphose, c'est-à-dire jusqu'au moment où elles perdent leurs cils vibratiles. Au-dessous des cellules épithéliales se trouvent en grande abon- dance dans le pied des cellules irrégulièrement arrondies, de volume variable réfractant fortement la lumière : ce sont des cellules méso- dermiques, qui en s’étirant forment la grande quantité de fibres mus- culaires qui constitueront le pied charnu de l’Oncidie. Le pied contient une cavité qui fait partie de la cavité générale et ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE. 351 qui sert à la circulation larvaire. Le liquide de la cavité générale, grâce aux contractions du pied et du voile, subit un mouvement presque continuel. Ces contractions ne sont pas comparables en étendue à ce que l’on voit chez les Gastéropodes pulmonés!, mais il y à là quelque chose d’analogue. Voyons quel est le rôle des cils vibratiles qui recouvrent la surface du pied. D'abord il est évident que ceux situés près de la bouche et sur la ligne médiane du pied conduisent à la bouche les particules alimen- taires ; il suffit, pour s’en rendre compte, de placer une larve d’Onridie, sortie de la coque de l'œuf, dans de l’eau tenant en suspension des granulations de carmin : on voitimmédiatement des courants s’établir et se diriger vers la bouche. Mais ils doivent aussi servir à renouveler l’eau en contact avec le pied et aider ainsi la résorption du liquide contenu dans sa cavité. Au moment où les cils qui recouvrent le pied disparaissent, c’est- à-dire au moment de la métamorphose, le pied lui-même change de forme. Sa face antérieure se modifie peu ou point; mais la partie étranglée qui le relie à l’animal grossit énormément, s'élargit, s'étale pour ainsi dire, et les viscères de l’animal, qui chez la larve étaient logés en arrière dans le manteau et la coquille, viennnent se placer au contact de la face interne du pied, Ainsi se produit la forme du pied que l’on voit chez l’adulte et qui, au lieu de dépasser le bord du manteau, se trouve au contraire être bordé par celui-ci. Très tard, à peu près à l’époque de la métamorphose vers la fin de la période véligère, entre le pied et la bouche, se produit une invagi- nation en cul-de-sac qui n’est autre que la glande pédieuse. Je n'ai pu observer la formation de la gouttière latérale située du côté droit du pied, et à laquelle plusieurs auteurs ont fait Jouer à tort le rôle de canal déférent. Je dois faire remarquer, en terminant le développement du pied, qu'il n’est pas seulement cilié à la face antérieure, comme beaucoup d'auteurs l’ont indiqué chez un grand nombre d’autres Gastéropodes, mais qu’il présente des cils sur toute sa surface jusqu'à la portion étranglée qui le relie à l'animal. Peut-être sont-ils un peu plus longs sur la face antérieure, mais il ne saurait y avoir une grande différence. * H. For, Mémoire sur le développement des Gastéropodes pulmonés (Arch. 300. exæp., t. VIIL, p. 103). 352 J. JOYEUX-LAFFUIE. Ceux de la face postérieure n’établissent aucun courant allant vers la bouche, leur rôle doit se borner à renouveler le liquide en contact avec la surface du pied, eten cela aider la respiration. IV Manteau et coquille. Le manteau et la coquille apparaissent immédiatement l’un après l’autre; la coquille, qui n’est qu'une production du manteau, se mon- trant la dernière. Chez un embryon qui commence à exécuter des mouvements, grâce à la couronne ciliaire qui vient d’apparaître (pl. XX, fig. 7), on voit en un point situé dans la région opposée à la bouche les cellules former une proéminence, une sorte de saillie de mamelon à base large et peu élevé. Ce mamelon, au lieu de progresser et d’aug- menter de volume, s’infléchit à son sommet et se creuse en ombilic: en un mot, il s'invagine. C’est au fond de cette invagination que va apparaître la coquille. Cette invagination coquillière, qui a été souvent prise dans l’étude du développement de certains Gastéropodes soit pour la bouche, soit pour l'anus, ne peut cependant, avec un peu d'attention, être confondue avec ces deux orifices, du moins chez Oncidium cel- ticum. Ici, comme ailleurs, on ne peut prendre cette invagination pour l'anus, qui ne se montre que beaucoup plus tard, en un point tout différent et alors que la coquille est déjà apparente. On ne peut non plus confondre cette invagination avec la bouche ou invagination primitive. D'abord cette erreur n’est possible qu’au moment ou l’in- vagination coquillière possède à peu près les mêmes dimensions que la bouche ; plus tard, elle ne peut être commise. Mème déjà à ce moment, la bouche et l’invagination coquillière ont bien à peu près la même forme allongée, mais l’une, la bouche, à son grand axe transversal, c'est-à-dire dans le sens de la couronne ciliaire, tandis que l’autre, linvagination coquillière, possède son grand axe longi- tudinal, par conséquent dans une direction perpendiculaire à celui de la bouche, et par suite à la couronne ciliaire, qui se traduit tou- jours, comme nous l'avons vu, à ce moment par deux houppes sur les bords de l'embryon, De plus, en examinant des embryons dans un ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE. 353 compresseur formé par deux lames de verre mince, on peut voir, d’un côté, la bouche, et de l’autre, l'invagination coquillière. Cette manière d'examiner les embryons et les larves des deux côtés donne souvent de précieux renseignements. Ge que l’on voit d'un côté explique souvent et sert à comprendre ce que l’on a vu de l’autre. Malheureusement les compresseurs à deux lames minces sont d’une grande fragilité, et, malgré toutes les précautions, on est obligé à de fréquentes réparations, ce qui en rend l'emploi difficile. L’invagination coquillière, en se produisant, laisse sur son pourtour une sorte de bourrelet qui va en s’accusant et qui n’est autre que le bord du manteau. C’est lui qui sécrète la coquille. 11 va, grandissant rapidement, s'étendre en haut, en bas et sur les côtés de l'embryon. Il avance plus rapidement en haut, et c’est ce qui détermine l’en- roulement de la coquille. Le fond de l’invagination, au lieu d’être profond et d'aller en se creusant de plus en plus, comme on pour- rait le penser, présente au contraire peu de profondeur et s’étale en surface. C'est sur cette surface que se voit la coquille. A une certaine époque de son développement, le bord du manteau entoure la partie postérieure de la larve comme une sorte de ceinture elliptique s'étendant beaucoup plus en haut. La surface située en arrière est recouverte par la coquille, qui présente à ce moment la forme d’un verre de montre. Dire que le bord du manteau s’avance de tous côtés pour enserrer une grande partie de la larve, c’est dire ce qui semble se passer, mais non ce qui se passe réellement. En effet, le bord du manteau ne se déplace pas à proprement parler, c’est le fond de l’enfoncement co- quillier qui croît rapidement en surface ; en même temps que le bord de cet enfoncement prend rapidement des proportions plus considé- rables, il se forme à la partie postérieure de la larve une surface arrondie que recouvre la coquille, A la région occupée par cette sur- face, qui n’est autre que le manteau, correspond intérieurement une cavité dans laquelle sont situés les différents viscères. Le manteau s'agrandit par son bord et il suffit d'ajouter que ce bord acquiert de fortes proportions en épaisseur et en largeur pour se rendre compte de ce grand rebord palléal qui entoure la larve comme une immense collerette. Arrivée à son maximum de développement, la coquille est de forme nauliloïde et d'apparence symétrique. J'ai tout lieu de penser que cette symétrie est simplement: apparente et non réelle ; car si l’on ARCH,. DE ZOOL, EXP. ET GËN, — T, X. 1889. | 23 304 J. JOYEUX-LAFFUIE. comprime dans un compresseur une certaine quantité d'embryons, on voit la plus grande partie se coucher sur le côté gauche et mon- trer ainsi leur côté droit à l'observateur. Quelle est la cause qui tend ainsi à les placer toujours dans la même position ? Evidemment, ce ne peut être qu'une cause d’asymétrie de la coquille, puisque les autres parties extérieures, voile et pied, sont parfaitement symé- triques. La coquille ne possède jamais plus d’un tour entier ; toujours c’est une mince pellicule ne s’incrustant jamais de sels calcaires ; elle est ornée de dessins rappelant un peu les dessins persillés que forment les cloisons des ammonites, mais ici on ne distingue aucune irrégu- larité, et la facon dont se forment ces dessins va nous montrer et nous expliquer leur irrégularité. Il est facile d'observer la sécrétion de la coquille ainsi que la for- mation des dessins qui en font l’ornementation. | La coquille croît par son bord, lentement vers l’ombilie, avee une assez grande rapidité relativement vers le sommet de son ouverture. Le bord du manteau sécrèle de petits globules très réfringents (pl. XXI, fig. 5 et 6) et en nombre considérable. Ces globules s’ac- collent les uns aux autres, formant des sortes de petites plaques irré- gulières qui, elles aussi,se réunissent et se soudent pour constituer la coquille. La trace de la soudure persiste et produit les dessins que l’on voit très nettement à un fort grossissement. Le manteau et la coquille restent intimement accolés jusqu'au mo- ment de la métamorphose, époque à laquelle la larve abandonne sa coquille pour toujours. A cette époque la coquille ne croît plus, et l’on peut voir à la partie postérieure le manteau, qui, jusqu'alors, lui était resté intimement accolé, se détacher en un ou plusieurs points à la fois. Cette séparation s'effectue peu à peu d’arrière en avant et arrive finalement jusqu'au bord. En même temps, le manteau se contracte, la larve fait des efforts pour abandonner la coquille, et bientôt elle s’en dégage complètement (pl. XXIL, fig. 4). Dans les mouvements continuels de reptation que la larve exécute sur la paroi interne de la coque de l'œuf, la coquille peu résistante est chiffonnée et on peut la voir encore pendant longtemps à l'inté- rieur de l'œuf, réduite à un petit volume, sous forme d'une mince pellicule froissée en boule irrégulière et où il est souvent difficile de reconnaître la coquille (pl. XXI, fig. 4, c). Après la chute de cette première coquille, jamais il ne s'en forme ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE. 355 une seconde, comme cela a été signalé par exemple chez le Zamel- laria. Ce fait de la présence d'une coquille larvaire que l’animal aban- donne avant l’éclosion est un caractère de tous les Mollusques Gasté- ropodes du groupe des Nudibranches. Le manteau, au moment où il se sépare de la coquille, est consti- tué par un épithélium et par des fibres musculaires : de plus, il est relié aux viscères par une quantité de tractus celluleux. Au moment où la larveabandonne sa coquille, le rnanteau, jusqu'alors transparent, commence à devenir opaque, grâce au dépôt de pigment dans son épaisseur. Ce pigment augmente rapidement, diminue de plus en plus la transparence, et au moment de l’éclosion on distingue à peine les différents organes. A partir de l’époque de la métamorphose, époque marquée par la disparition du voile, la chute de la coquille et le nouveau mode de déplacement, qui se fait maintenant par reptation, l’animal, par une suite de mouvements de torsion de sa partie postérieure, arrive à faire déplacer son manteau sur son dos, et avec lui les différents or- ganes qui lui adhèrent. Le manteau exécute un mouvement de rota- tion dont le sens est de gauche à droite, l’animal étant vu de dos. Je ne saurais mieux Comparer ce mouvement qu'à celui que l’on fait exécuter à un chapeau lorsque, saisissant son bord antérieur, on le fait tourner sur la tête, de façon à placer à droite le bord qui était primi- üvement antérieur. Le manteau exécute ainsiun mouvement de rota- tion qui a pour résullat d'amener en bas sur la ligne médiane l'ouver- ture de Bojanus qui est primitivement sur le côté droit. L'anus lui-même, situé un peu à droite, est entraîné dans ce mouvement en arrière du pied sur la ligne médiane. Les papilles branchiales, qui recouvrent en grand nombre le man- teau chez l'adulte, ne se montrent qu'après l’éclosion ; d’abord peu apparentes, elles s’accusent de plus en plus et finissent bientôt par acquérir des dimensions assez considérables. surtour celles des bords et de la partie inférieure de la face dorsale du manteau. Enfin, je ne puis terminer Ce qui 4 rapport au manteau sans parler du développement des glandes contenues dans l'épaisseur de son bord. Les cellules qui vont donner naissance aux glandes spéciales du bord du manteau se différencient des cellules voisines au moment où l'animal abandonne sa coquille. Chaque glande a pour origine une cellule unique située dans le point qu’occupera plus tard la partie 356 J. JOYEUX-LAFFUIE. sécrétante. Cette cellule se distingue par ses dimensions plus consi : dérables et par son contenu réfractant fortement la lumière (pl. XXI, fig. 3 et 4; pl. XXII, fig. 2 et 3). Toutes les cellules du bord du man- teau qui doivent donner naissance à une glande se différencient en même temps. Peut-être, c'est du moins ce qui m'a paru avoir lieu, celles des côtésse différencient-elles avant celles des parties inférieure et supérieure. Bientôt cette cellule unique se divise en deux (pl. XXII, fig. 7), puis en quatre, cette dernière division se faisant perpendicu- lairement à la première, et ainsi de suite.Ce qu'il y a de remarquable, c'est que chaque division se fait toujours perpendiculairement à celle qui vient d’avoir lieu, de sorte que l’on a bientôt l'aspect d’une petite framboise dont chaque cellule est une pyramide à sommet central et à base extérieure. Malgré leur multiplication, ces cellules conservent toujours de fortes dimensions et chez l'adulte on les distingue même à un très faible grossissement. A cette époque, le pigment envahit le manteau en grande quantité, masque les organes, et je n’ai pu suivre la formation du canal excré- teur, qui à leu plus tard. Un peu après la différenciation des cellules qui doivent former les glandes du bord du manteau, on voit aussi se différencier celles qui vont donner naissance aux parties de l’épithélium palléal, qui offrent une structure spéciale, comme nous l'avons vu dans la première partie de ce mémoire. Ces cellules, petites, réfrmgentes, arrondies, se montrent sur un plan superficiel, disposées sans aucun ordre ; le pig- ment qui apparait presque en même temps qu’elles empêche d'en suivre le développement (pl. XXIT, fig. 2 et 3). V Cavité générale du corps. — Muscles, — Circulation larvarre. Organes d'excrétion larvarre. La cavité générale du corps prend naissance par écartement de l’entoderme et de l’ectoderme. Au moment où l'embryon possède une bouche et une cavité digestive primitives, doit apparaître la cavité générale. Jusqu'alors, en effet, les cellules ectodermiques ou forma- livesse multiplient avec une assez grande rapidité et recouvrent les cellules entodermiques.L'ectoderme,en recouvrant ainsi l’entoderme, ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE. 397 ne se soude pas, mais lui est simplement accolé:; il y a déjà, pour ainsi dire, une cavité virtuelle : il suffit d’un léger écartement des deux feuillets pour qu'elle devienne réelle. C’est ce qui a bientôt lieu: l’ectoderme, se développant plus rapidement que l’entoderme, l’aban- donne, la cavité se forme et se remplit de liquide. C’est dans cette cavité générale que se forme le mésoderme. Je ne saurais émettre de données précises sur cette formation; des coupes seules, on doit le comprendre, sont de nature à montrer clairement les faits. Cependant, lorsque les principaux organes se sont esquissés et que les cellules ectodermiques sont devenues transparentes, on peut distinguer des cellules nucléées qui occupent la cavité générale, les unes accolées à l’ectoderme, les autres aux organes internes, d’au- tres entin semblent libres dans la cavité. Ces cellules mésodermiques donneront naissance à des fibres musculaires. C’est aussi le mode d'origine et de formation des cellules du voile. Le muscle columellaire, qui existe très développé chez un grand nombre de Mollusques Gastéropodes munis d’une coquille à l’état adulte, apparaît aussi chez l’Oncidie pendant la période larvaire, mais plus tard il devient de moins en moins visible et disparaît dans l'épaisseur du manteau. Ce muscle, situé du côté gauche de la larve (pl. XX, fig. 8 et 9; pl. XXI, fig. 2), se développe aux dépens d’un petit amas de cellules mésodermiques accolées à l’ectoderme et si- tuées dans la région postérieure de la larve. Ces cellules se mulli- plient, forment un petit mamelon saillant dans la cavité généraie, qui proémine de plus en plus, s'avance vers la partie antérieure et va finalement se perdre en divergeant dans le pied, dans la nuque et dans le bord du manteau. Il à naturellement pour action de faire rentrer à l’intérieur de la coquille toutes les parties situées à l'extérieur, mouvement que l’on peut observer fréquemment lorsque l'on examine des larves. De plus, je suis porté à penser qu’il joue un certain rôle dans les contractions qui ont pour effet de déplacer le liquide de la cavité générale et de faciliter la respiration avant la for- mation du cœur. Nous devons ici examiner des organes situés de chaque côté de la nuque chez la larve; leur position, leur structure et leur époque d'apparition et de disparition .en font des organes comparables, je 398 J,. JOYEUX-LAFFUIE. crois, au rein larvaire découvert chez les Gastéropodes pulmonés par M. Gegenbaur, et bien étudié depuis par M. H. Fol?. Vu leur situalion, ces organes pairs présentent une grande diffi- culté d'observation ; ils sont placés dans l'épaisseur des tissus de la nuque, un peu sur les côtés. Ils m'ont paru ne pas toujours occuper exactement la même position, mais peut-être cela tient-il aux dépla- cements que subissent les différentes parties de la larve pendant la compression. Placés de chaque côté, ils sont toujours situés un peu en avant du sillon palléal * (pl. XXI, fig. 3, 4 et 5). Les résultats incomplets que j'ai obtenus de l'étude de ces organes sont loin de répondre à la peine et au temps qu'il m'a fallu y consa- erer. Je vais indiquer l’idée que je me suis faite de leur structure et de leur rôle après en avoir examiné un nombre considérable. Le petit volume de ces organes oblige, pour les voir à un grossisse- ment suffisant, à comprimer fortement la larve, et par cela même on se crée des difficultés d'observation. Dans certains cas on voit un petit corps arrondi, de couleur opaline, possédant dans son intérieur de petites concrétions brunâtres rappelant à s’y méprendre les concré- tions situées dans les cellules du rein définitif ou organe de Bojanus ; le nombre de ces concrétions est variable, mais il y en a toujours environ une dizaine. Chez certaines larves c’est tout ce que l’on peut distinguer ; chez d’autres, on voit partir de ce petit corps arrondi un prolongement (pl. XXI, fig. 5) possédant la même couleur et le même aspect que le corps lui-même, sauf la présence des concrétions. Ce prolongement, qui semble se diriger vers la partie antérieure et interne, autant que l’on peut en juger chez les larves fortement com- primées, se termine en une sorte de massue portant sur un de ses côtés environ une douzaine de longs cils vibratiles qui, dans les cas où j'ai pu les bien distinguer, étaient animés d’un mouvement assez lent. On le voit, c’est un organe qui demande de nouvelles recher- ches, et j'espère pouvoir mieux l’étudier chez d’autres Gastéropodes marins. Je ne puis cependant abandonner cette courte description sans la faire suivre de quelques réflexions. Quoique n'ayant pu y distinguer une structure cellulaire, je ne 1 GEGENBAUR, Würzburg- Verhandl., II; Zeuschr. Zool., III; Manuel d'anatomie comparée, traduction française, p. 526. 2 FI. For, Mém. sur le dévelopr. des moll. Gast. pulmonés (Arch. zool. exp., 1880). 3 La figure 4 de la planche XXI indique cet organe un peu plus bas qu'il ne devrait être, ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE. 399 puis admettre que ce soient des organes unicellulaires ; chaque concré- tion doit, comme dans le rein définitif, occuper le centre d’une cellule et par conséquent il doit y avoir là environ une dizaine, peut- être davantage, de cellules rénales contenues à l'intérieur de la partie arrondie de l'organe ; l'épaisseur des parois ainsi que les tégu- ments de la larve situés entre l'organe et l'œil de l’observateur, sont sans doute les causes qui empêchent de distinguer le contour des cellules rénales. Quant au prolongement muni à son extrémité de cils vibratiles, je le crois creusé d'un canal, quoique n'ayant jamais pu m'en assurer. Il y aurait là, on le voit, quelque chose de compa- rable au rein larvaire des Gastéropodes pulmonés, si toutefois ce que je suppose existe réellement. Différents auteurs ont observé, chez des Gastéropodes marins, des organes analogues à ceux que je viens de décrire. Salensky ! a indiqué chez la Calyptrée quatre grosses cellules pos- sédant des fonctions d'’excrétion et à peu près semblablement situées. Langerhans * a vu près de l'anus, chez Acera, un corps rond consti- tué par des cellules cunéiformes remplies de gouttelettes très réfrin- sentes ; ces céllules vidant leur contenu à l'extérieur, il considère ce corps comme un organe excréteur. Enfin, chez Doris et £'olis, il à signalé un organe analogue constitué par deux vésicules symétriques placéés au côté dorsal sous le bord de la coquille. Ces deux vési- cules possèdent une cavité vibratile renfermant des concrétions jau- nâtres. Raÿ Lankester * représente, chez les embryons du Pleurobranche, des organes pairs occupant à peu près la même situation que ceux que nous venons d'examiner chez l'Oncidie; cet auteur leur donne le nom de vésicules pigmentarres à fonctions inconnues : « pigment- vesicles of unknown funetion. » | En attendant de nouvelles recherches, on ne peut considérer chez l'Oncidium celticum ces deux organes symétriquement placés que comme des organes d’excrétion ou tout au moins comme des rudi- ments d'organes d’excrétion. Ils disparaissent au moment de la mé- 1 SALENSKY, Beitr. zur Enlwick.@. Prosobr.(Zeilschr. f. wiss. Zool., vol, XXII, 1872). ? LANGERHANS, Zur Entwick. d. Gasterop. Opisthobr. (Zeitschr. f. awiss. Zool., vol. XXIII, 1873). 3 Ray Lankester, Contributions lo the Develop. mental history of the Mollusca (Phil. Trans. Roy. Soc., 1875): 360 J. JOYEUX-LAFFUIE. tamorphose, par conséquent lorsque le rein définitif s’est montré déjà depuis longtemps. VI Cœur et organe de Bojanus. Le cœur et le rein définitif sont deux organes qui se montrent as- sez tard. Ils apparaissent à peu près en même temps; cependant les premiers rudiments du rein ou organe de Bojanus précèdent ceux du cœur. Le rein se montre à droite, sur le bord du manteau, à peu près à égale distance de la partie supérieure et de la partie inférieure de ce bord. Il semble se former au fond du sillon qui sépare le manteau du corps de la larve ; mais, en réalité, il naît sur le bord du manteau, du côté droit de la cavilé générale. Tout d’abord ce n’est qu'une saillie formée par la prolifération des cellules du bord du manteau; cette saillie, constituée par des cellules claires transparentes, s’accentue de plus en plus et en même temps se creuse d’une cavité dans sa partie la plus volumineuse et d’un canal dans sa portion rétrécie. Ge canal fait communiquer la cavité de l'organe avec l'extérieur et présente des cils vibratiles. Dans la cavité centrale, on ne voit jamais apparaître de cils vibratiles; mais on distingue bientôt une couche unique de petites cellules arrondies, à contenu jaunâtre, et renfermant dans leur intérieur une concrétion (pl. XX, fig. 42); ce sont les cellules rénales, caractéristiques du rein des Mollusques ; ce sont elles qui, par leur multiplication, donneront naissance aux cellules que nous avons étudiées dans la première partie de ce travail, en examinant la structure de l’organe de Bojanus. La cavité interne du rein (pl. XX, fig. 8; pl. XXI, fig. 2; pl. XXII, fig. 1,2 et 3), chez la larve, envoie un prolongement du côté du péri- carde, avec lequel elle communique par un fin canal cilié. Cette com- munication est de courte durée ; bientôt elle disparaît, et le rein ne communique plus qu'avec l'extérieur. Le rein présente ainsi un aspect piriforme, Lout en augmentant de volume, jusqu'au moment de la métamorphose. A celte époque, il croit rapidement; mais, au lieu de s'étendre du côté du dos de animal, 1l forme deux diverticules qui se dirigent, de chaque côté, ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L’'ONCIDIE. 361 dans l'épaisseur du manteau (pl. XXII, fig. 3). L'un accompagne le cœur restant accolé au péricarde, l’autre croît dans la direction op- posée. L’organe prend ainsi, dans son ensemble, la forme d'un bissac qu'il présente, comme nous l'avons vu, chez l'adulte. Pendant que ces modifications s’opèrent, le mouvement de rota- tion du manteau, sur la larve, s’est produit et a amené l'ouverture rénale, située primitivement à droite (pl. XXI, fig. 4), à occuper la par- tie inférieure du bord du manteau, sur la ligne médiane, au-dessous de l'anus (pl. XIV, fig. 3, b). Après l’éclosion, la surface interne de la cavité rénale, qui était res- tée jusqu'alors unie et tapissée par une seule couche de cellules ren- fermant des concrétions, ne pouvant plus s’étendre suffisamment en surface, forme, dans l’intérieur de la cavité, des saillies en forme de cloisons, saillies qui circonscrivent des cavités irrégulières. Par ce moyen, l'organe acquiert, sous le même volume, une surface sécré- tante plus considérable. Les cellules rénales, qui formaient tne cou- che unique sur la paroi interne de la cavité, se multiplient et arrivent bientôt à constituer trois ou quatre couches superposées (pl. XVI, fig. 3). Le rein, ou organe de Bojanus, que les auteurs ont décrit chez l'adulte comme étant un poumon, doit désormais être considéré, j'espère l’avoir suffisamment démontré, comme un véritable rein. L'étude de son développement suffit à elle seule pour démontrer sa vraie nature. Que, chez l’adulte, il puisse parfois, dans certaines cir- constances, fonctionner comme poumon, grâce à sa grande vascularité, il ne s’ensuit pas pour cela qu’on doive le considérer comme un pou- mon comparable à l'organe que l’on désigne sous ce nom chez Îles Hélix et les Limaces. Il y a simplement ici cumul physiologique; la différenciation et la localisation des fonctions n’existent pas, comme cela a lieu chez les Gastéropodes nettement pulmonés. Mais ce sur quoi je tiens à insister, c’est que l’organe qui cumule ici est un rein et non un poumon, C’est un fait important au point de vue morpholo- gique. Le cœur, chez Oncidium celticum, se montre du côté droit, près de la région dorsale, et cela au moment où la larve possède un voile déjà nettement caractérisé. Il apparaît, dans l'épaisseur du méso- derme, sous forme de deux vésicules à parois constituées par des cel- lules musculaires brillantes et communiquant l’une avec l’autre. De temps en temps, on voit ces vésicules se contracter indépendamment 302 J. JOYEUX-LAFFUIE. l'une de l’autre et à des intervalles très éloignés ; puis ces contrac- tions se régularisent, deviennent plus fréquentes, et toujours la con- traction commence par l'oreillette, pour se poursuivre sur le ventri- cule ; en un mot, elle se produit toujours dans le même sens. Dans les premiers moments de leur apparition, les deux vésicules qui vont former le cœur en essayant, pour ainsi dire, de se contracter, ne montrent pas la limite de leurs parois ; leur cavité seule est vi- sible ; mais, en même temps que les contractions deviennent mieux caractérisées, les parois se montrent avec plus de netteté, se séparent des tissus environnants, et ainsi se forme la cavité péricardique, dans laquelle on voit nettement l'oreillette et le ventricule animés de contractions brusques. Primitivement, le ventricule et l’oreillette occupent une position inverse de celle qu'ils occuperont plus tard. La larve possède un cœur de Prosobranche, le ventricule est situé en arrière de l'oreillette; chez l'adulte, au contraire, le ventricule est situé en avant, comme nous l'avons vu, et le cœur est un cœur d'Opisthobranche. Ce changement de position se produit au moment où le manteau tourne sur le dosde l'animal. Le cœur était dorsal et presque médian, il devient latéral ; il était supérieur, il tend à devenir inférieur. Dans ce mouvement il change de direction, et cela forcément, puisque le péricarde qui l'en- veloppe et le fixeau manteau change de position en même temps que le bord du manteau. Dans ce déplacement en bloc du manteau et des organes qu'il contient, le cœur conserve toujours ses mêmes rapports avec l'organe de Bojanus ; au moment de l’éclosion (pl. XXI, fig. 3) il occupe déjà sa position définitive. Malgré tous les efforts que j'ai faits pour voir les globules du sang dans l’intérieur du cœur et obtenir quelques données sur leur forma- tion, jamais je n’y suis parvenu. On voit avec Ja plus grande netteté les contractions du cœur, mais on ne peut distinguer le liquide qu'elles mettent en mouvement, Cela est d'autant plus regrettable qu'on në6 peut pour ce motif voir la formation des vaisseaux. D’après ce qui se passe pour lecœur, il est à supposer qu'ils naissent en place et qu'ils se forment aux dépens du mésoderme; ils ne sont visibles que lorsque les cellules calcaires commencent à apparaître autour d'eux. ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L’ONCIDIE, 363 VII Système nerveux. — Organes des sens. Les différents ganglions qui composent le système nerveux central proviennent tous de l’ectoderme, mais se montrent en des points différents. Les premiers indices du système nerveux apparaissent à peu près au même moment que les yeux, mais après les otocystes. Les trois centres postérieur, antérieur et inférieur prennent nais- sance en deux points différents. Le centre postérieur ou cérébroïde est celui qui se montre le pre- mier. Dans l’espace circonserit par le voile immédiatement au-dessus de la bouche, on voit s'indiquer deux amas cellulaires placés symé- triquement par rapporlau plan médian. Ces deux groupes de cellules augmentent rapidement de volume, se pédiculisent, font saillie dans la cavité interneet bientôt abandonnent l’ectoderme.Cesontlesganglions postérieurs. Les points où ils prennent naissance sont très voisins l’un de l’autre et les deux masses cellulaires arrivent au contact en aug- mentant de volume, Les cellules qui les composent, primitivement claireset transparentes, deviennentlégèrement jaunâtres, ce quipermet de distinguer ‘acilement ces ganglions, d'autant mieux qu'ils restent pendant très longtemps voisins de l’ectoderme (pl. XX, fig. 8 et 9; pl. XXI, fig. 4, 2 et 3; pl. XXII, fig. 1, 2 et 4). En examinant les larves par la face supérieure du voile, on voit nettement les deux ganglions postérieurs où cérébroïdes situés au- dessus de l’æsophage et qui présentent une forme de biscuit à la cuiller. Après leur formation, ils sont, avec les autres ganglions, repoussés en arrière par le bulbe buccal et vont se placer plus tard, au moment de la métamorphose, sur la surface du pied. Ges gan- glions sont remarquables par leur énorme développement. Les ganglions du centre antérieur ou pédieux et du centre asymé- trique ou inférieur ont une origine identique à celle des ganglions postérieurs, mais ils se forment aux dépens de l’ectoderme du pied. Ils prennent naissance en deux points symétriquement placés, très rapprochés l’un de l’autre et situés près du bord supérieur du pied, au-dessous de l’entonnoir buccal. On voit ces masses cellulaires aug- menter de volume, s’isoler de l’ectoderme, acquérir une couleur 304 J. JOYEUX-LAFFUIE. jaunâtre ; mais je n’ai pu les voir se diviser pour donner naissance aux différents ganglions; peut-être y a-t-il, dans ces masses qui sem- blent simples, plusieurs masses distinctes correspondant à chaque gan- glion, lesquelles donneraïient à l’œ1il la sensation d'une masse unique, vu l’état de compression. C'est ce que je ne saurais décider. Chez les larves bien développées ainsi qu’à l’époque de la métamorphose, on distingue très bien les ganglions antérieurs ou pédieux des ganglions du centre inférieur. Les centres nerveux possèdent dès leur formation, un volume con- sidérable, tandis que plus tard ils se développent beaucoup plus lentement que les autres parties de l’animal et arrivent ainsi à pré- senter chez l’adulte de très faibles dimensions. Tous les ganglions présentent à peu près la même couleur jaune- paille; après leur formation, ils se mettent en rapport par des connectifs et des commissures, et restent pour ainsi dire accolés à l’æsophage qu'ils entourent pendant que l’ectoderme etles parties voisines prennent un plus grand développement et s’en éloignent de plus en plus. Les nerfs se forment sur place et mettent en communication les yeux et les otocystes avec les ganglions postérieurs ou cérébroïdes. On peut, par transparence, distinguer le nerf qui va du ganglion céré- broïde à l’otocyste, et cela beaucoup plus facilement que chezl’adulte, où sa préparation demande beaucoup de temps et de peine. On distin- gue aussi avec beaucoup de facilité un gros nerf pédieux, partant de l’extrémité du nerf pédieux et allant se perdre dans le pied. Ge sont les deux seuls nerfs facilement visibles chez la larve. Le nerf qui va à l’œil est extrêmement court, de sorte que l'œil semble accolé au ganglion cérébroïde ; plus tard, il augmentera beau - coup en longueur, lorsque le tentacule se formera. J'ai beaucoup cherché à voir si les ganglions n'apparaissent pas chez l’Oncidie par invagination de l’ectoderme, mais je dois dire que jamais je n'ai pu observer quoi que ce soit indiquant une invagina- tion quelconque. Les olocystes doivent être placés au nombre des premiers organes qui se montrent chez l'embryon. A peine le pied est-il esquissé et le voile indiqué que déjà, en comprimant fortement un embryon, on aperçoit, malgré le peu de transparence qui règne à cette époque, les € né fade sas mr PR, NT " "où ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE. 365 otocystes déjà bien formés. En examinant un embryon de face, ils se montrent sous forme de deux points brillants, situés au-dessus de la bouche, en arrière de l’extrémité supérieure du pied ; chez un em- bryon vu de profil, on voit immédiatement qu'ils sont situés sur les côtés de l'œsophage et au-dessous dans des points peu éloignés de la bouche, Chaque otocyste est composé d’une vésicule (pl. XXI, fig. 8) rem- plie de liquide, contenant un otolithe unique arrondi offrant des stries rayonnantes et une sorte de petite cavité en son centre, Cet otolithe persiste à l’état adulte et on le reconnaît facilement parmi les nombreux otolithes de forme ovoïde qui vienent se joindre à lui. Je ne saurais dire si l’otocyste se forme aux dépens de l’ectoderme ou de l’entoderme, mais on peut voir facilement que la vésicule avec son contenu liquide apparait la première et que c’est seulement ensuite que se montre dans son intérieur l’otolithe. Nous avons vu, en examinant l'otocyste chez l’adulte, la structure des otolithes et le mode probabie de leur formation ; je n’y reviens pas. Les cellules qui tapissent la cavité de l’otocyste sont munies de cils vibratiles qui impriment à l’otolithe un mouvement continuel. Les yeux se montrent beaucoup plus tard que les otocystes ; 1ls ap- paraissent dans l’espace circonscerit par le voile, lorsque celui-ci est déjà nettement indiqué. Ge ne sont tout d’abord que deux petites masses cellulaires situées au-dessous de l’ectoderme, dont elles semblent provenir. Jamais je n’ai vu ces masses se produire par invagination de l’ectoderme, comme cela a été observé par M. H. Fol chez les Hétéropodes etles Gastéropodes pulmonés. Chaque petite masse formée de cellules brillantes se creuse bientôt d’une cavité remplie de liquide; c’est dans ce liquide qu’apparaît le cristallin, par un mode de formation que je n'ai pu observer. Les parois de la vési- cule se différencient, l'interneenrétineet l’externe en cornée ; pendant ce temps il se dépose sur la paroi interne du pigment en grande abondance et bientôt ce pigment est en si grande quantité que les yeux se distinguent avec la plus grande facilité sous forme de deux gros points noirs. Jusqu'au moment de la métamorphose, les yeux restent au niveau de l’ectoderme dans le champ du voile ; mais aussitôt après ils commencent à faire saillie, grâce au développement des tenta- cules à l'extrémité desquels ils sont situés chez l'adulte. Les tenta- 366 J. JOYEUX-LAFFUIE. cules s’indiquent par un léger soulèvement de la partie occupée par l'œil; après l’éclosion ils se développent rapidemert et soulèvent ainsi les yeux. Il est à remarquer que chez Oncidium C'elticum le tentacule se forme longtemps après l’œil, et que dans son développement il entraîne l'œil à son extrémité, tandis que chez les Gastéropodes pul- monés! c’est le tentacule qui se forme d’abord ; l'œil se montre seu- lement ensuite à l’extrémité, où il prend naissance par invagination de l’ectoderme. VII Organes génitaux. La plupart des auteurs qui se sont occupés de l’'embryogénie des Gastéropodes, ont négligé en tout ou en partie le développement des organes génitaux. Peut-être en trouverait-on la raison dans ce fait, que, ces organes se développant fort tard, presque toujours après l’éclosion, il faut étudier leur formation tout spécialement à cette époque où déjà tous les autres organes sont complètement déve- loppés. H. Eisig ‘, dans son travail sur le genre Limnée, est un des rares auteurs qui nous donnent des renseignements sur la formation des organes génitaux. Cet auteur, ainsi que Semper, dans l’étude du développement de l’Ampullaria polita, pense que la glande herma- phrodite se produit aux dépens du foie, dont une partie se détacherait pour lui donner naissance. Chez Oncidium celticum, contrairement à ce qui a lieu chez les autres Gastéropodes étudiés, la glande hermaphrodite se montre de bonne heure, à peu près à la même époque que l'organe de Bojanus, près duquel elle apparaît. La formation de ces deux organes se fait par des procédés semblables ; même, au début, on peut facilement les confondre, leur couleur et leur forme étant à peu près les mêmes. La glande hermaphrodite se montre près du bord du manteau, du CÔLE droit, entre l'anus et le point où apparaît l'organe de PES au fond du sillon qui sépare le pied du manteau (pl. XX, 8 ; pl. XXI, fig. 2, et pl. XXII, fig. 4 et 2). On voit dans ce point une ue UH. Lisic, Beitr. zur Anal. und Entwick. der Geschlechtsorg. von limnæus (Zeit. schr, f. wiss. Zool., vol, XIX, 1869). ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE. 367 masse celluleuse faisant saillie à l’intérieur. Je n’ai jamais observé ni cavité ni canal dans ce petit corps, qui croît en volume en même temps qu'il change de forme. Primitivement semblable à une sorte de petit mamelon, ilse pédiculise, devient piriforme et fait de plus en plus saillie dans la cavité interne, à côté de l'intestin terminal au-dessus duquel il se place. Bientôt on voit cette petite masse prendre une couleur jaune claire qui la fait facilement distinguer du rein, qui possède une couleur plus foncée. À partir du moment où la couleur change, on voit les lobes se dessiner à la surface de cette petite masse, et devenir de plus en plus nombreux, à mesure que la glande devient de plus en plus volumineuse. Cette petite masse piriforme, lobée et adhérente par son pédicule au bord du manteau, conserve cet aspect général jusqu’au moment de l’éclosion, époque à laquelle elle revêt la forme qu’elle possède chez l’adulte. A cette époque, pour se rendre compte des modifications qui ont lieu et des nouvelles parties qui apparaissent, il faut s'adresser à de jeunes individus, soit éclos dans les cuvettes où ils rampent sur les parois, soit à ceux que l’on recueille en cherchant avec soin sur les rochers où vivent les Oncidies et plus particulièrement sur les parois de leurs retraites. De cette façon, j'ai pu obtenir quelques données sur le développement des organes génitaux, situés à la partie infé- rieure de la masse viscérale ; quant à ceux situés près de la tête (verge et une portion du canal déférent), je n’ai pu observer rien de précis sur leur formation. | Après l'éclosion, pendant que les masses nutritives font place aux différents lobes du foie, le pédicule de la glande hermaphrodite s’'étire, s’allonge considérablement. Pendant le mouvement de rota- üon du manteau, la glande hermaphrodite, de droite qu’elle était, passe du côté gauche el vient se placer au-dessous de l’estomac. Peu de temps après se montrent le vagin, l'oviducte, la matrice et la poche copulatrice ; sans en posséder la certitude absolue, d’après ce que j'ai observé, je suis porté à penser que ces différentes parties se forment aux dépens d’une nouvelle prolifération cellulaire qui est peut- être le produit d’une invagination des téguments. Ce nouveau bour- geon se mettrait en rapport avec le canal de la glande hermaphro- dite, à mesure qu'il formerait les différentes parties auxquelles il doit donner naissance. Ce qui me porte à supposer que les choses se passent ainsi, c'est que, à un moment donné, le canal de la glande 368 J. JOYEUX-LAFFUIE. hermaphrodite m'a paru libre de toute adhérence avec les organes voi- sins, alors que déjà on peut distinguer une petite masse jaunâtre qui n'est autre que les rudiments de la matrice etles glandes de l’albumine. Un peu plus tard, les lobes des glandes de l’albumine tranchent par leur teinte blanchâtre sur la matrice, à laquelle ils sont accolés, et celle-ci devient aussi beaucoup plus nette ; mais déjà elle esten rap- port avec le canal excréteur de la glande hermaphrodite. Je ne puis donner aucun renseignement touchant l’origine du canal déférent, que nous avons vu partir de la matrice, pénétrer dans le pied, pour aller ressortir de nouveau dans la cavité générale près de la verge, dans laquelle il débouche ; ilserait utile pour cela de faire des coupes sur de très jeunes individus. IX : Papilles branchiales. Un fait d’une grande importance chez lOncidie, c’est l'absence de cavité pulmonaire. On sait en effet que chez les Gastéropodes pulmo- nés, ainsi que chez ceux qui constituent le groupe des Prosobranches, il se forme à une certaine époque de leur développement, entre le manteau et le pied, au fond du sillon palléo- pédieux, un enfonce- ment des téguments qui doit constituer la future cavité respiratoire. Chez les Gastéropodes à respiration branchiale, les branchies se déve- loppent dans l’intérieur de cette cavité, tandis que chez les Pulmonés, la cavité se transforme en poumon. Chez Oncidium cellicum, 11 n’existe rien de semblable, jamais à aucune époque du développement, il ne se forme de cavité dans le sillon palléo-pédieux. Du côté droit, sur le bord du manteau, se montrent bien deux organes ; mais ce sont, comme nous l'avons vu, le rein et les organes génitaux; par leur mode de formation, les points où ils prennent naissance, leur développement ultérieur, etc., ils ne sauraient être pris pour un poumon. Ce fait seul suffit pour prouver que l’Oncidie ne peut être considérée comme un Gastéropode pulmoné. Les auteurs qui ont pris le rein pour unpoumon, n'avaient certaine- ment pas suivi l'embryogénie ; car dans ce cas ils n'auraient pu, con- naissant le développement du rein, l’homologuer avec le poumon des Gastéropodes pulmonés. ET ———————_—_—Z ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE. 369 Les papilles ou tubercules dorsaux, disséminés sur toute la surface du manteau, et qui servent, comme nous l’avons vu, à la respiration lorsque l'animal est dans l’eau, se développent après l’éclosion. A cette époque, le manteau augmente considérablement d'épaisseur, et en même temps qu'il s’épaissit, on voit apparaître à sa surface de petits mamelons contractiles qui augmentent bientôt en longueur. Les gros tubereules des bords du manteau, à l'extremité desquels viennent s’ouvrir les glandes situées dans l'épaisseur du manteau, se montrent les premiers et restent toujours les plus volumineux. Au moment de l’éclosion, les jeunes Oncidies ont environ de 14 à 2 millimètres de longueur ; elles augmentent rapidement de volume et atteignent promptement la taille des animaux adultes. CONCLUSIONS Il nous reste, après avoir examiné en détail l’organisation et le dé- veloppement de l’Oncidium celticum, à montrer quels sont les rapports de cet animal avec les autres Mollusques du groupe des Gastéropodes, à indiquer en un mot sa place dans une classification naturelle. L'Oncidie est un Mollusque Gastéropode, cela est évident et ne saurait être mis en doute par aucun zoologiste. Il est naturel de voir cet animal placé dans les Gastéropodes pul- monés par les auteurs qui ont prisle rein pour un véritable poumon, qui ne se sont pas rendu un compte exact de la respiration et de la circulation et qui, enfin, ignoraient complètement le développement ; mais, avec ce que nous connaissons maintenant sur l’Oncidie, cette position zoologique devient discutable. Cependant, malgré tout, par l’ensemble de ses caractères, comme nous allons le voir, on doil laisser l’'Oncidie, et en général le groupe des Oncidiadæ, dans les Pulmonés. Les Vaginules sont les Gastéropodes pulmonés avec lesquels l’Onei- die présente le plus de caractères communs ; malheureusement l’ana- tomie de ces animaux, malgré les recherches de de Blainville, J, Leydig et Keferstein, laisse encore beaucoup à désirer, etilsuffit d'ajouter que le développement est entièrement inconnu, pour montrer la valeur des rapprochements que l’on peut établir entre ces animaux. On ne saurait tirer des caractères d’une grande importance de l’ap- pareil digestif, qui, comme chacun le sait, est, chez les Gastéropodes, ARGICDE ZOOT. EXD ED GENS — Tu OS 94 370 J. JOYEUX-LAFFUIE. en rapport avec le régime de l'animal. Par sa disposition générale, il offre beaucoup de ressemblance avec celui des Vaginules ; comme chez ces animaux, l’anus est situé sur la ligne médiane, derrière l'extrémité inférieure du pied, sur le bord du manteau. Mais cette position de l’anus sur la ligne médiane n'existe pas seulement chez les Oncidies et les Vaginules ; on la trouve encore chez les Doris, les Phyllidies, etc. Enfin, la radula et la mâchoire offrent des points communs avec celles des Vaginules. Les caractères tirés de l’appareil circulatoire éloignent l'Oncidie des Gastéropodes pulmonés et rapprochent cet animal des Gastéro- podes nudibranches. Le cœur est situé dans une position inverse de celle qu'il occupe chez les Pulmonés, c’est un véritable cœur de Gas- téropode opisthobranche : le sang qui a respiré arrive à l'oreillette, placée inférieurement par rapport au ventricule, par deux vaisseaux branchio-cardiaques, exactement comme chez les Tritonies et les Phyllidies:; ces derniers animaux ont, du reste, beaucoup d’autres points communs avec les Oncidies. La présence de sinus latéraux, desquels partent des vaisseaux qui vont se ramifier à la surface du manteau et dans les papilles branchiales, est encore une particularité qui éloigne l’Oncidie des Pulmonés pour la rapprocher d’un grand nombre d'Opisthobranches. La disposition de l’appareil respiratoire diffère complètement de ce que l’on observe chez les Gastéropodes pulmonés. Il y a deux sortes de respiration : une respiration aquatique, qui est la plus importante, et une respiration aérienne, qui, au lieu de se faire par un organe spécial, par un poumon, comme chez les Gastéropodes pulmonés, s'effectue par le rein. Ces différents caractères de l'appareil respira- toire, joints à un grand nombre d’autres, tels que la présence de pa- pilles branchiales à la surface du manteau, font de l'Oncidium celti- cum, des Oncidies en général, et à fortiori des Péronies, des animaux bien différents des vrais Gastéropodes pulmonés, de ceux qui, en un mot, comme les Hélix, les Limaces, ete., ne peuvent respirer qué dans l'air. La présence de glandes spéciales dans l'épaisseur du manteau est un caractère particulier au groupe des Oncidiadæ ; il en est de même des yeux dorsaux que Semper a décrits chez plusieurs espèces de l'océan Indo-Pacifique, À ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE. 371 Le système nerveux de l’Oncidium cellicum, par sa disposition gé- nérale, par le nombre des ganglions qui le constituent, par la con- centration des différents centres et par les nerfs qui en partent, se rapproche incontestablement du système nerveux des Gastéropodes pulmonés et en particulier des pulmonés aquatiques. Le centre inférieur ou asymétrique diffère bien, il est vrai, par le nombre de ses ganglions, qui est de trois seulement, les deux ganglions qui ne fournissent pas de nerfs faisant iei défaut; mais il ne saurait y avoir là une différence d'une bien grande importance. La situation des yeux à l’extrémité des tentacules est un caractère spécial aux Gastéropodes pulmonés stylommatophores. Par son appareil reproducteur, l’Oncidie se rapproche des Gastéro- podes pulmonés. La disjonction des orifices sexuels est un caractère commun avec certains Pulmonés aquatiques ou terrestres, tels que ‘les Planorbes, les Limnées, les Auricules, les Vaginules, etc. Dans les Vaginules le canal déférent chemine dans l'épaisseur de la moitié supérieure du pied pour aller se terminer à la verge, quis’ouvre comme chez l’Oncidie à côté du tentacule droit. Cette disposition est chez Oncidium cellicum portée pour ainsi dire à son summum, le canal dé- férent est intra-pédieux dans toute la longueur du pied. La distance entre l’orifice mâle et l'orifice femelle est aussi beaucoup plus grande que chez les Vaginules, le vagin débouchant à l’intérieur près de l'anus, par conséquent en arrière de l'extrémité inférieure du pied. La présence de ceux glandes de l’albumine est une particularité spéciale à l’Oncidie et qui, je crois, n’a été signalée chez aucun Gasté- ropode. Le mode d’accouplement, la forme de la ponte, le petit nom- bre d’œufs et leur réunion en chapelet sont autant de caractères qui rapprochent l’Oncidie des Gastéropodes pulmonés. Le développement, complètement différent de celui des Gastéro- podes pulmonés, est identique à celui des Gastéropodes à branchies. La forme du voile et ses grandes dimensions, la forme du pied, la chute de la coquille et l'apparition ultérieure de branchies à la surface du manteau, etc., sont autant de caractères quifont du développement de l’Oncidie un développement en tous points comparable à nl des Gastéropodes nudibranches. | Enfin les mœurs, qui ne sauraient fournir que des caractères secon- 372 J. JOYEUX-LAFFUIE. daires, sont les unes celles des Gastéropodes à respiration branchiale, les autres celles des Gastéropodes pulmonés. En résumé, nous voyons que par ses appareils digestif, nerveux, et en partie par son mode de respiration et ses mœurs, l'Oncidie est un Gastéropode pulmoné; tandis que par son appareil &e la circulation, par les principaux caractères de son appareil de la respiration, par son développement tout entier et quelques-unes de ses mœurs, cet animal offre beaucoup de points communs avec certains Gastéropodes opisthobranches, tels que les Phyllidies, les Doris, les Tritonies, ete. On peut, je crois, considérer l'Oncidie comme un Mollusque marin à respiration branchiale qui tend à devenir terrestre et à acquérir une respiration pulmonaire. C’est, si l’on veut, le premier pas, dans les Mollusques Gastéropodes, vers la respiration aérienne. Si par la dénomination de Gastéropodes pulmonés on désigne les Gastéropodes qui possédent un vrai poumon, c'est-à-dire un organe tout particulier spécialement affecté à la respiration aérienne, l’On- cidie doit être justement retirée de cet ordre de Mollusques; mais si l’on comprend dans ce groupe tous les Gastéropodes susceptibles de respirer l’air en nature, il est naturel d'y placer l’Oncidie et le groupe des Oncidiadæ en général, vu que ces animaux offrent de nombreux caractères communs avec plusieurs types de Pulmonés C'est du reste de cette dernière manière que le groupe doit être en- visagé ; nous savons en effet que plusieurs Pulmonés peuvent vivre pendant un certain temps dans l’eau sans venir respirer à la surface, nous savons aussi que dans le groupe des Limnæidæ il y a des espèces à respiration aérienne que chacun connaît et d’autres, comme l’a montré M. Forel” qui habitentles eaux profondes et respirent simple- ment l’air dissous dans l'eau. Préciser la position que doivent occuper les Oncidiadæ dans le croupe des Gastéropodes pulmonés est chose impossible pour le mo- ment; il est indispensable pour cela de connaître, d’une facon beau- coup plus complète, d'abord les animaux que l’on place actuelle- ment dans les Oncidiadæ, puis certains Pulmonés tels que les Vaginules et plusieurs genres exotiques de Limacidæ. ! M. Forez, bien connu par ses belles recherches sur les glaciers, a retiré des grandes profondeurs du lac de Genève une espèce de Limnée (Limnæa abyssicola), qui y vit habituellement, ayant sa poche pulmonaire complètement remplie d'eau et s'en servant comme d'une branchie. » Sr + CF re ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE. 373 Avec les classifications actuelles, on peut, comme le fait Woodword dans son manuel de conchyliologie, placer les Oncidiadæ dans les Pulmonés entre les terrestres et les aquatiques, à la condition d’en retirer les Vaginules, que cet auteur range dans les Oncidiadæ, et qui, par leur système nerveux et beaucoup d’autres caractères, doivent prendre place dans les Limacidæ. Ihering a tenté une classification basée sur la conformation du système nerveux. C'est, je crois, le meilleur criterium à employer pour arriver à grouper les Gastéropodes d’une facon naturelle ; malheu- reusement, malgré les nombreux travaux publiés sur ce groupe, nous connaissons encore trop insuffisamment le système nerveux pour pouvoir le prendre comme base de classification. EXPLICATION DES PLANCHES. ANATOMIE. PIE XIV, XV; XVE, XVIR XVII 'el XPX. PLANCHE XIV. Extérieur, — Digestion. Fi. 1. Animal ouvert par le dos, les organes internes sont en place. b, bulbe buccal ; c, cœur vu par transparence à travers le péricarde ; f, foie, les vaisseaux artériels qui cheminent à sa surface présentent une teinte d’un blanc mat; h, glande hermaphrodite et organes génitaux occupant la partie inférieure de la masse viscérale ; s, glandes salivaires du côté gauche ; à, intestin ; m, muscles protracteurs du bulbe; a, æso- phage. 2. Partie supérieure d’un individu mort dans l’eau douce, vue de face. b, bouche; 9, orifice de la glande pédieuse ; D’, palpe labial du côté droit ; m, partie du manteau formant une sorte de marge qui encadre le pied et la tête ; p, pied dont le bord supérieur est rabattu pour montrer l'orifice de la glande pédieuse ; {, orifice de sortie du tentacule droit invaginé; , à orifice extérieur des organes génitaux mâles, par où la verge sort pendant l’accouplement. 3. Partie inférieure d’un individu vu de face. a, anus ; b, orifice extérieur du rein ou organe de Bojanus; M, marge du manteau ; p, pied dont l'extrémité inférieure est relevée pour montrer l’anus et l’orifice femelle de la reproduction ; s, goutlière la- térale droite allant de la glande pédieuse à l’orifice femelle des organes de la reproduction ;.Q, orifice femelle des organes de la ceproduction. J. JOYEUX-LAFFUIE. Tube digestif isolée et débarrassé de ses glandes. b, bulbe buccal ; e, estomac composé de deux lobes; f, terminaisons des canaux excréteurs du foie ; à, intestin ; m, muscles protracteurs du bulbe buccal ; n, collier formé par les centres nerveux ; 0, vagin; a, œsophage, qui en ce point se dilate considérablement pour former une sorte de jabot, Glandes salivaires. | a, œsophage: b, bulbe buccal; €, caual excréteur de la glande salivaire gauche ; g, glande salivaire ; m, muscles protracteurs du bulbe > n, Commissure post-æsophagienne, sur laqueile s'insèrent les glandes salivaires par leur partie inférieure terminale. Appareil radulaire vu par la face antérieure. a, ligne médiane formée pour l’accolement des deux pièces cartila- gineuses ; b, extrémité inférieure de la radula, qui se loge dans le _cul-de-sac médian du bulbe; ce, extrémité supérieure de la radula. Elle se réfléchit antérieurement sur l’extréimité des cartilages de sup- port, qu'elle coiffe complètement. Coupe transversale de la paroi du bulbe buccal. \ NET : . ocul. 1 a,couche musculaire; b, couche épithéliale; c, cuticule. Gross.= = objectif 5 Nachet. Portion de radula fortement grossie. a, dents de la rangée médiane ; b, dents des rangées latérales. Dent latérale vue de côté. Dents latérales vues en dessous. Dent latérale vue au-dessus et isolée. Coupe du fibro-cartilage radulaire. Mâchoire. Tissu des glandes salivaires coloré par le picrocarminate. 4 LEE . ocul. 1 Cellules salivaires, Gross. = —— Nachet, objectif 7 Portion d’un lobe du foie, faiblement grossie, On voit les lobules du foie, b, et les vaisseaux qui cheminent entre eux, a. ocul, 1 Eléments du foie et granulations biliaires, Gross. = => Vérick. objectif 7 ocul, 1 object..5 Nachet. Elle présente à sa surface interne une quantité de petits tu- bercules saillants, Portion de la couche chitineuse qui tapisse l'estomac. Gross. = 19. Coupe longitudinale de la glande pédieuse. a, téguments de la tête, situés au-dessous de la bonche; b, ouverture de la glande ; c, extrémité inférieure de la glande ; p, pied. oeul. 1 20, Tissu dela glande pédieuse., Gross. =" Vérick. objectif 7 a, issu de la glande; b, épithélium vibrable, ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE. 379 F16. 21. Coupe tranversale du manteau. c, cuticule ; e, épithélium ; #2, fibres musculaires transversales et longi- tudinales ; p, couches pigmentaires ; v, coupe transversale d'un vaisseau. PLANCHE XV. Circulation — Respiration. F1G. 1. Animal injecté et ouvert par le dos pour montrer les vaisseaux artériels et veineux, Les organes qui forment la masse viscérale sont écartés. a,naissance de l'aorte; b, artère viscérale ; e, cœur vu par transparence à travers le péricarde ; d, artère génitale ; e, artère radulaire; f, artère bul- baire droite ; &, centres nerveux ; g’, centres stomato-gastriques ; À, ori- gine des artères pédieuses ; &, branche de l’artère génitale se rendant à l'intestin ; 7, artère salivaire droite ; k, artère pédieuse gauche, vue par transparence ; /, division de l’artère génitale en plusieurs branches quise rendent aux différentes parties de l’organe de la reproduction; mm, artère d’une des glandes de l’albumine ; n, artère de la glande herma- phrodite ; m’, muscle rétracteur de la verge ; o, artère hépatique, c’est une des branches de j’artère viscérale ; 0’, branche intestinale de Par- ière viscérale; p, branche terminale de l'artère viscérale; q, estomac; r, petit lobe du foie; grâce au renversement de ces parties, il estsupérieur par rapport à l’estomac, alors qu’il doit normalement être inférieur; s, æsophage dilaté ; {, tentacuie gauche invaginé ; u, point de réunion des trois sinus veineux ; v, point où les deux vaisseaux branchio-cardiaques se jettent dans l’oreillette; vd, vaisseau branchio-cardiaque droit; vg, vaisseau branchio-cardiaque gauche ; #, sinus médian; y, sinus latéral gauche ; z, sinus latéral droit. 2. Coupe transversale demi-schématique d’un individu injecté, faite au- dessous du niveau du cœur. Cette figure complète et aide à comprendre la précédente. a, branches afférentes du vaisseau branchio-cardiaque gauche vd, situé à sa partie terminale du côté droit; c, cavité générale qui n’est qu'un vaste sinus veineux; d, branches afférentes du vaisseau branchio- cardiaque gauche, ramenant le sang des bords du manteau; e, vaisseaux afférents conduisant le sang des sinus latéraux à la partie dorsale de la surface du manteau; f, vaisseaux allant au bord du man- teau ; g, glandes des bords du manteau ; m, partie noire représentant la masse viscérale ; n, coupe du canal déférent contenu dans l'épaisseur du pied ; p, artère pédieuse du côté gauche ; sp, sinus pédieux : vd, partie du vaisseau branchio-cardiaque gauche située à droile; vg, vaisseau branchio-cardiaque gauche; x, sinus médian ; y, sinus latéral gauche ; z,sinus droit; B, rein ou organe de Bojanus. 3. Le péricarde fendu et rabattu pour laisser voir le cœur. a, aorte ; 0, oreillette ; p, péricorde; q, cavilé péricardique dans laquelle est logé le cœur ; v, veniricule. 4. Papilles branchiales situées à la face externe du manteau. On voit le riche lacis vasculaire placé daas leur épaisseur près de leur surface. a, vaisseau afférent ou efférent de la papille; b, lacis vasculaire à 370 FIG. 9: 9, Fi, J. JOYEUX-LAFFUIE. mailles irrégulières, faisant passer le sang du vaisseau afférent dans le vaisseau efférent. | Fine ramification artérielle vue à un fort grossissement. a, concrélions calcaires superficielles ; b, concrétions placées sur un plan plus profond. ocul. 1 Eléments figurés dusang. Gross. = ———— objectif 5 Nachet. Le même globule dessiné trois fois à un quart d'heure d'intervalle, Gross. — Jour Nachet objectif 5 SE LA Un groupe de huit globules dessinés à la chambre claire, Gross. = ocul. 1 ———. Nachet. objectif 7 La même préparation que précédemment, dessinée dans les mêmes condi- tionsaprès une demi-heure d'intervalle, Certains globules se sont divisés, d’autres se sont fusionnés. PLANCHE XVI. iSécrélions.* Reïn ou organe de Bojanus, ouvert pour montrer sa structure intéricure. a, extrémité supérieure de la partie droite ; b, cul-de-sac contournant légèrement la cavité péricardique ; c, région occupée par l'oreillette ; d, ventricule; e, vagin ; f, canal déférent ; g, partie terminale du tube di- gestif; h, extrémité du cul-de-sac gauche du rein ; à, orifice extérieur du rein ; k, cloisons intérieures circonscrivant des aréoles ; {, sinus latéraux : m, sinus médian. Coupe transversale de la partie gauche du rein. a, vaisseau branchio-cardiaque; b, sinus latéral gauche ; c, cloisons formées par du tissu musculaire du manteau et circonscrivant des aréoles; d, cellules rénales tapissant les aréoles. Coupe d’une cloison libre par un de ses bords et vue à un fort grossisse- ment. a, lumière d'un vaisseau circulant dans l'épaisseur de la cloison ; b, cellules rénales disposées sur plusieurs couches. ocul. 3 Cellules rénalesisolées. Gross. ———— Nachet. object. 7 a, grosse cellule rénale dont le noyau est apparent et volumineux ; b, concrétions contenues dans chaque cellule rénale. Cellules rénales traitées par l'acide acétique, le noyau volumineux se mon- tre très nettement, Concrétions rénales libres, vues à un fort grossissement. Préparation montrant une des glandes spéciales du bord du manteau- a, corps de la glande ; l'extrémité externe des grosses cellules glan- dulaires donne à cette partie un aspect framboisé ; b, canal excréteur de la ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE. 371 glande ; €, orifice extérieur de la glande, situé à l'extrémité d’une des grosses papilles du bord du manteau ; d, tissu du manteau creusé d'une cavilé dans laquelle est logée la glande. Fig, 8. Coupe longitudinale de la glande, traitée par l'acide osmique. a, partie centrale de la glande vers laquelle rayonnent toutes les cel- lules ; b, mince enveloppe musculaire entourant la glande tout entière ; c, canal excréteur de la glande; d, orifice extérieur du canal excréteur ; e, matière sécrétée par la glande, contenue dans les cellules glandu- laires et dans le canal excréteur ; l’acide osmique la colore en noir foncé. PLANCHE XVII. Innervation. F16. 1. Centres nerveux et nerfs qui en partent. a, connectif réunissant le centre stomato-gastrique au centre poslé- rieur; b, nerf labial ; c, nerf optique et tentaculaire ; d, nerf pénial ou de la verge; e, nerf pédieux moyen supérieur ; f, g et h, les trois bran- ches du nerf pédieux inférieur avant de pénétrer dans le pied ; #, branche supérieure du nerf palléal supérieur gauche, et j, sa branche inférieure ; k, nerf palléal supérieur droit, point où il se divise en deux branches; l, nerf palléo-génital; m, branche supérieure du nerf palléal inférieur droit; n, branche inférieure du nerf palléal inférieur droit; o, centre stomato-gastrique ; p, nerf de la nuque; g, nerf palléal moyen gauche; r, nerf palléal inférieur gauche ; s, nerf génito-cardiaque; #, nerf pédieux moyen inférieur ; w, vagin; v, portion terminale du tube digestif ; æ. commissure post-æsophagienne; y, ganglion médian du centre antérieur ou asymétrique ; z, ganglion postérieur droit; y’, ganglion antérieurs. 2. Centres antérieurs et nerfs pédieux ; les autres parties des centres nerveux ont été enlevées, a, espace occupé par la glande pédieuse; 6, nerf pédieux supé- rieur; €, nerf pédieux moyen supérieur ; d, sa principale branche; e, nerf pédieux moyen inférieur; f, canal déférent; g, portion terminale de l'intestin; k, vagin ; à, cavité péricardique; j, k, l, les trois branches du nerf pédieux inférieur ; "”, entrée du bulbe buccal ; n#, centres anté- rieurs ou pédieux. 3. Point de réunion des trois centres cérébral, pédieux et palléo-viscéral. À, ganglion postérieur ou cérébroïde du côté gauche; B, ganglion antérieur ou pédieux du côté gauche; C, ganglion latéral gauche du centre inférieur ; a, nerf de là nuque; b, connectif allant au centre sto- mato-gastrique ; ©, nerf labial; d, nerf optique et tentaculaire; e, com- missure post-æsophagienne ; f, nerf pédieux moyen; g, nerf pédieux inférieur ; k, nerf palléal moyen, le supérieur n’est pas figuré; &, lobule de la sensibilité spéciale, duquel partent le nerf optique et le nerf acoustique; #, connectif réunissant le ganglion latéral gauche du centre inférieur au ganglion médian; m, nerf palléal inférieur; n, nerf acoustique ; 0, otocyste ; x, connectif réunissant le centre postérieur au centre pédieux; y, connectif réunissant le centre antérieur au centre inférieur ; 3, counectif réunissant le centre antérieur au centre inférieur, 378 J. JOYEUX-LAFFUIE. Fi. 4. Centres antérieurs ou pédieux et nerfs qui en partent, P, ganglion antérieur du côté gauche; a, grosse commissure ou commissure supérieure réunissant les deux ganglions antérieurs; b, petite commissure ou commissure inférieure; €, connectif allant au centre postérieur; d, connectif allant au centre inférieur ; e, nerf pédieux supérieur; /, nerf pédieux moyen supérieur; g, nerf pédieux moyen inférieur ; À, petit nerf pédieux; 4, nerf pédieux inférieur. 5. Otocyste fortement grossi. a, nerf acoustique; b, cavilé de l’otocyste et les nombreux otolithes qu’elle contient. (mé ocul.3 + E 6. Otolithes fortement grossis. Gros.= Pre Vérick. object.7 a, otolithe primitif embryonnaire remarquable par sa forme arrondie; b, nombreux otolithes ovoïdes. 7. OEil isolé avec le nerf optique. a, nerf optique; b, tissu cellulaire environnant; €, rétine et choroïde; d, cristallin. 8. Coupe du ganglion postérieur ou cérébroïde gauche. a, commissure post-æsophagienne; » et ©, parties périphériques du ganglion moins riches en cellules nerveuses ; d, lobule de la sensibilité spéciale; e, cellules nerveuses situées à la périphérie ; le centre n’en pré- sente jamais. 9. Coupe transversale d’un ganglion antérieur ou pédieux passant par la com- missure inférieure ou petite commissure. à, fibres nerveuses rayonnant dans l’intérieur du ganglion et allant former la commissure; b, cellules nerveuses situées à la périphérie. 10, 11 ét 12, Cellules nerveuses dissociées et colorées par le sérum iodé. On voit dans chaque cellule des prolongements, son noyau volumineux et ses nucléoles plus ou moins nombreux. PLANCHE XVIII. Reproduction. Fi. 1. Organes génitaux situés à la partie inférieure de Panimal. a, glande hermaphrodite ; b, épididyme ; c, diverticule du canal défé- rent ou talon; d, prolongement de la matrice sous forme de cul-de-sac replié sur lui-même ; e, point de réunion du canal excréteur de la glande hermaphrodite et de la matrice; f, canal déférent; 9, oviducte ; À, canal excréteur d’une des glandes de l’albumine; 4, vagin;7, canal de la poche copulatrice; k, poche copulatrice ; /, appendice cæcal ou glande muqueuse unique; M, point où le canal déférent pénètre dans le pied; n, glandes de l’albumine ; 0, matrice ou utérus; p, région correspondant à la gouttière intra-utérine. 9. Glande hermaphrodite vue par sa face externe. a, tractus celialeux enveloppant la glande et contenant un grand nombre de cellules calcaires; b, épididyme formé par le canal excréteur plusieurs fois replié sur lui-même; ç, canal excréteur. ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE. 379 PET ocul. 1 FiG. 3, Cul-de-sac de la glande hermaphrodite, isolé et rompu. Gross. =——- object.5 Vérick. a, cellules calcaires accolées sur la face externe de la paroi du cul-de-sac ; b et ec, œufs et cellules-mères des spermatozoïdes contenus dans le cul-de-sac glandulaire et vus par transparence ; on voit les œufs, les cellules-mères des spermatozoïdes et des faisceaux de spermatozoïdes, s’échappant par compression du eul-de-sac glandulaire. 4. OEuf nouvellement pondu. a, substance gélatineuse entourant les œufs; b, coque; c, albumen; d, œuf proprement dit; e, funicule réunissant les coques les unes aux autres. 5. Cellules-mères de spermatozoïdes vues à un fort grossissement. a, examinées à l’état frais ; b, après coloration, le noyau devient très apparent. ocul. 6, Spermatozoïde.Gross.= object. 7. Spermatozoïde fortement grossi. a, tête ; b, queue se terminant brusquement. 1 Nachet. 5 8. Spermatozoïdes offrant des renflements, soit à leur extrémité, soit en cer- tains points de leur queue. PLANCHE XIX. Reproduction. FiG. 4. Portion des organes génitaux situés à la partie supérieure de l’animal. a, orifice extérieur mâle ; b, point où le canal déférent pénètre dans le muscle rétracteur pour aller s’ouvrir à l’extrémité de la verge; c, muscle rétracteur de la verge; d, canal déférent au point où il devient de nou- veau libre dans la cavité générale; e, canal déférent vu par transparence à travers les fibres musculaires du pied; f, extrémité invaginiée de la verge ; g, concrétions d’acide urique situées dans la cavité formée par invagination de la verge. 2. Extrémité supérieure de l’oviducte, gouttière intra-utérine et origine du canal déférent. a, terminaison inférieure de la gouttière intra-utérine ; b, oviducte; c, canal déférent; d, parois de l'utérus ou matrice. 3. Coupe transversale des parties représentées dans la figure précédente, faite au-dessus de la terminaison de la gouttière inira-utérine. a, gouttière formée par deux replis des tissus, l’un d’eux est beau- coup plus volumineux; b, parois de l’oviducte à son origine; €, canal de l’oviducte. 4, Coupe transversale des téguments dans la région où le canal déférent chemine dans les tissus du pied. a, canal déférent; b, gouttière latérale droite; c, repli du pied for- x mant lèvre à la gouttière; P, pied; M, manteau; GC, cavité générale. 5. Coupe transversale des parois de la vésicule copulatrice. 380 J. JOYEUX-LAFFUIE. a, couche musculaire ; b, couche celluleuse avec un grand nombre de cellules calcaires ; ce, épithélium. Fi, 6. Coupe transversale des parois de l'utérus. a, tissu formé de cellules polygonales et parcouru dans tous les sens par des cloisons de fibres musculaires et de tissu celluleux; b, épithé- lium ‘vibratile. 7. Coupe d’un lobule d’une des glandes de l’albumine. a, canal excréteur; b, une des cellules constituant le lobule ; le dur- cissement lui a donné une forme polyédrique. On voit dans son inté- rieur un noyau et une quantité de granulations. 8. Eléments et corps cellulaires contenus dans la poche copulatrice. 9. Cristaux et concrétions d’acide urique renfermés dans la cavité de la verge invaginée. 10. Concrétions calcaires contenues dans les cellules calcaires en grande abondance, très grossies. 11. Cellules calcaires de la couche celluleuse de la poche copulatrice, isolées x “ et vues à un fort grossissement. 12. Cellules glandulaires des glandes de l’albumine, isolées et vues à l’état frais. L'intérieur est rempli de granulations albumineuses qui masquent le noyau. DÉVELOPPEMENT. PI. XX, XXI et XXII. Les lettres suivantes sont les mêmes pour toutes les figures : b, bouche; c, coquille ; h, glande hermaphrodite ; i, Intestin; k, muscle rétracteur ou columellaire ; l, otocyste ; m, grosse masse nutritive ; n, petite masse nutritive; 0, œil ; r, rein ou organe de Bojanus s, estomac ou gésier; æ, vésicules de rebut ; M, manteau ; P, pied ; V, voile. PLANCHE XX. Fi. 1, Ponte de l'Oncidium cellicum grossie environ cinq fois. 9, substance gélatineuse qui entoure les œufs. 2, Segmentation du vitellus en deux sphères. d, partie formée surtout de protoplasma finement granuleux et dis- posé en rayonnant. ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE. 381 3. Deuxième stade. La masse vitelline est divisée en quatre sphères possé- dant chacune un noyau. Les corpuscules de rebut sont en place. d, une des sphères avec son noyau. F1G. 4. Troisième stade, formation de quatre grossessphères nutritives et de quatre petites formatives. Toutes possèdent un noyau bien visible. Les cor- puscules de rebut sont en place. e, une des sphères nutritives ; f, une des sphères formatives. 5. Les sphères formatives, par leur multiplication rapide, entourent les sphères nutrilives et vont bientôt les recouvrir entièrement; on peut encore voir les corpuscules de rebut en place. 6. Les cellules formatives forment une couche continue, excepté en un point b, qui est la bouche primitive, et où elles s’invaginent vers l’intérieur. On distingue la cavité centrale de l'embryon. 7. Embryon vu de profil, les principaux organes commencent à s’indiquer. La région du voile est circonscrite par une zone de cils vibratiles qui deviendront les grands cils du bord du voile. L’invagination co- quillière ec est nettement indiquée, on distingue aussi très facilement la bouche b et le fin canal qui la met en communication avec la cavité primitive f. 8. Larve bien développée vue de dos. d, œsophage ; g, ganglions céréboïdes ; u, fibres musculaires ramifiées du voile. Le rein ne présente encore qu'un faible volume. mais déjà on dis- tingue son orifice extérieur garni de cils vibratiles. 9. Larve vue du côté gauche. d, ganglion postérieur; /, ganglions du centre inférieur; g, nerf pédieux, probablement le nerf pédieux inférieur ; q, premières indications du bulbe buccal ; {, tractus reliant les organes internes à l’ectoderne. A cette époque du développement, les larves sont très actives et con- linuellement en mouvement à l'intérieur de la coque de l’œuf, 10. Cellule ectodermique d’un embryon au stade représenté par la figure 6, vue à un fort grossissement. a, noyau formé surtout par du protoplasma ; les granulations lécithi- ques semblent y faire complètement défaut; g, granulations lécithiques occupant surtout la périphérie de la cellule. 11. Cellules isolées des masses nutritives, très grossies ; elles renferment une petite quantité de petites sphérules nutritives deutolécithiques. 12. Une portion de la couche de cellules rénales qui tapissent la face interne ocul. 3 du rein. Gross. = — - object. 7 On distingue dans leur intérieur de petites concrétions, fort probable- ment d'acide urique. Nachet. PLANCHE XXI. Fic. 1. Larve vue de face. Le voile est entièrement étalé et présente son maxi- mum de grandeur. On distingue le fond de l’entonnoir buccal, b, avec ses cils vibratiles. 382 J. JOYEUX-LAFFUIE. d ete, échancrures postérieure et antérieure du voile; f, cellules du bord du voile, portant les cils vibratiles; g, fibres musculaires du voile ; q, cellules mésodermiques du pied; t, zone de cellules ectoder- miques plus foncées et renfermant une grande quantité de granulations. Fi. 2, Larve vue de profil du côté droit. On distingue le cœur, f, situé un peu du côté droit, animé de pulsations brusques et composé d’une oreil- lette et d'un ventricule: l'oreillette est placée-en avant du ventricule. d, ganglions postérieurs ou cérébroïdes ; e, masse nerveuse formée par les ganglions pédieux antérieurs et inférieurs. 3. Larve un peu plus avancée en développement que celle figurée pl. xxnt, fig. 1. La coquille complètement séparée du manteau va être abandonnée pour toujours. Le voile,complètement rétracté, formeles palpeslabiaux #p. d, organes larvaires situés de chaque côté et remplissant probable- ment des fonctions d’excretion; e, œsophage; f, premiers rudiments des glandes spéciales du manteau; g, masse constituée par le bulbe buccal et par les ganglions nerveux. x 4, Portion de larve vue à un fort grossissement et montrant l’orifice de l'organe rénal r, l'anus a et l'organe larvaire du côté droit d; le bord du manteau a été relevé pour montrer le sillon palléo-cervical e; on voit les cellules /, qui donneront naissance aux glandes du bord du manteau; g, partie antérieure de la larve. 5. Organes larvaires situés de chaque côté de la larve, vusàä un fort grossis- sement. d, organe tel qu’on l'observe chez certaines larves. Chez d’autres, au contraire, il présente un prolongement e, portant à son extrémité de longs cils vibratiles; f, concrétions renfermées dans l’intérieur de l'organe. =: € 6, Portion du voile, vue à un fort grossissement. d, cils vibratiles du bord du voile ; e, cellules du bord du voile, elles présentent un noyau très net et renferment une quantité de granula- tions; f, zone de cellules ectodermiques renfermant un grand nombre de granulations, ce qui donne aux cellules une teinte jaunûtre ; 9, fibres musculaires du voile allant s’insérer sur les cellules du bord du voile. 7. Extrémité du pied, vue à un fort grossissement. d, cellules mésodermiques ; e, cellules ectodermiques présentant dans leur intérieur un grand nombre de granulations et portant des cils vibratiles beaucoup plus longs que sur les autres parties de la surface du pied; f, cellules ectodermiques. 8. Otocyste très grossi. d, otolithe unique; e, nerf acoustique; f, cavité de l’otolithe, dont les parois sont garnies de cils vibratiles. PLANCHE XXII. Fic. 4, Larve au moment de la métamorphose. Le voile, à peu près complète- ment rétracté, va former les palpes labiaux p; le manteau commence à se détacher, v, de la coquille, qui va ètre bientôt abandonnée, et le pig- ment commence à se déposer dans les lissus du manteau, ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ONCIDIE. 383 d, œsophage ; e, ganglions du centre inférieur; f, ganglions postérieurs ou cérébroïdes; g, ganglions antérieurs ou pédieux ; é, nerf pédieux; u, apparition des cellules calcaires en plusieurs points; y, cœur et péri- carde. FiG. 2, Individu jeune après l’éclosion, fortement comprimé. d, cœur; e, œsophage; f, glandes spéciales du bord 'du manteau; g, ganglions postérieurs ou cérébroïdes; j, radula ; q, ganglions infé- rieurs ; {, ganglions antérieurs ou pédieux ; #, bulbe buccal. 3. Animal un peu plus âgé que celui représenté dans la figure précédente. Le manteau, fortement pigmenté, empêche de distinguer les organes internes. d, radula; e, ventricule ; f, oreillette dans la situation qu'ils pos- sèdent chez l'adulte. Le rein se prolonge en un cul-de-sac du côté gauche, on distingue seulement les concrétions contenues dans les cellules rénales. Les yeux, rétractés, semblent occuper une position inférieure à celle qu’ils possèdent réellement. 4. Larve après la métamorphose. La coquille, c, abandonnée et chiffonnée, forme un petit corps irrégulier dans l’intérieur de la coque. L’animal, n'ayant plus de voile pour se déplacer, commence à ramper avec son pied contre les parois de la coque de l’œuf. d, glandes spéciales du bord du manteau; e, æœsophage ; f, coque de l'œuf. 5. Coquille au moment où l’animal l’abandonne. 6. Formation de la coquille. Fort grossissement. 7. Division de la cellule qui doit donner naissance à une glande du manteau. d, première division ; e, seconde division ; f, la même à une période un peu plus avancée. RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR L'ACTION DES SUCS DIGESTIFS DES CÉPHALOPODES SUR LES MATIÈRES AMYLACÉES ET SUCRÉES (Contribution à l'étude de la diastase animale) PAR EM. BOURQUELOT, Pharmacien en chef de la Clinique d’accouchements de Paris. INTRODUCTION. Les physiologistes qui se sont occupés de définir l’action des sucs digestifs des Céphalopodes sur les matières amylacées ont émis à cet égard des opinions entièrement opposées. Pour Krukenberg, le foie de ces Mollusques renferme entre autres ferments solubles de la dias- tase animale ; pour M. Jousset de Bellesme, le même organe en est totalement dépourvu. Ces sortes de contradictions sont fréquentes en physiologie, tout en étant indépendantes de la science elle-même. Lorsque les faits ont été bien observés, s'ils paraissent contradictoires, il faut d’abord en chercher la cause dans la différence des circonstan- ces qui ont présidé aux observations. Car, et c'est un principe dont CI. Bernard conseille de ne jamais se départr!, « on ne saurait ad- mettre que, dans des conditions identiques, des phénomènes puis- sent se passer différemment. » En dehors de ces contradictions que les progrès de la physiologie font tôt ou tard disparaître, il en est d’autres qui sont plus vivaces, parce qu'elles tiennent non plus à des erreurs de faits susceptibles de rectification, mais à des appréciations, à des théories particulières que le talent de ceux qui les défendent ou attaquent fait tour à tour prévaloir ou abandonner. C’est ainsi que, relativement au rôle de la salive dansla digestion, les physiologistes se partagent en deux camps. 1 | D ARCE, DE ZOOL, EXP, ET GEN. — T, x. 1882, 386 EM. BOURQUELOT. Dans l’un on la considère comme un agent exclusivement mécanique ; dans l’autre, au contraire, on lui attribue une action chimique impor- tante sur les aliments amylacés. Le fait est qu'il est certain que la salive transforme l’amidon hydraté (empois) en sucre et qu'il est non moins certain qu'en mouillant les aliments, ce liquide favorise leur division êt leur passage dans l'æsophage. Mais, tandis que les uns, pour des raisons d'ordre un peu trop spéculatüf, estiment que la propriété chimique de la salive n'intervient pas dans la digestion, et ne reconnaissent d'importance qu'à son rôle mécanique ; les autres, sans nier absolument qu'on doive tenir compte de cette action mé- canique, en font cependant la partie négligeable du rôle du sue digestif en question et attribuent toute la prépondérance à sa puis- sance chimique. Il en résulte que les conclusions dégagées des consi- dérations qui les ont amenées sont contradictoires. En réalité, les faits observés sont identiques : seules les interprétations diffèrent. Les recherches que nous avons entreprises nous ont démontré que MM. Krukenberg et Jousset ont tous deux raison dans leur ordre d'idées, s'étant placés, peut-être par suite d’une manière différente de concevoir le phénomène physiologique de la digestion, dans des conditions différentes d’'expérimentation. Nous avons d’ailleurs ré- pété leurs expériences en ne négligeant aucune des précautions qu'elles demandaient. Puis, comme les résultats annoncés par Kru- kenberg se rapportent au foie et au prétendu pancréas réunis, nous avons essayé de fixer ce qu'on doit attribuer à chacun de ces orga- nes. D'autre part, de nouvelles connaissances ayant été acquises dans ces dernières années, relativement au dédoublement de l’ami- don sous l'influence de la diastase!, et MM. Musculus et de Mérimg ? ayant démontré que la diastase salivaire et la diastase pancréatique donnent lieu aux mêmes transformations de l'amidon que la diastase végétale, nous nous sommes demandé si la diastase des Céphalopodes devait être regardée comme identique aux précédentes. On a cherché en outre siles sucs digestifs de ces animaux contien- nent un ferment inversif; s'ils peuvent, comme cela a été avancé pour la salive de l’homme par Städeler ”, dédoubler la salicine. Enfin la présence dans le foie d’un ferment capable de transformer le gly- cogène en sucre nous a fait songer à rechercher si ce foie renfermait Dir 3 111, ® 1V. DES SUCS DIGESTIFS DES CÉPHALOPODES. 387 du glycogène, ou plutôt du sucre produit de son dédoublement. Ce travail a été fait presque entièrement à Roscoff, où notre excel- lent maître M. le professeur de Lacaze-Duthiers a bien voulu nous accueillir. Nous le prions d'agréer l'hommage de notre sincère re- connaissance, regrettant que nos recherches n'aient pas plus de va- leur ; car elles seraient une nouvelle et plus grande affirmation de l'utilité d’un laboratoire où nous avons trouvé, outre les facilités de travail dont parle M. Paul Bert! à propos d'Arcachon, « qu'il est im- possible à un homme isolé de se procurer », une organisation vrai- ment scientifique, plus en harmonie avec les besoins et les désirs de ceux qui viennent y travailler. Nous devons également remercier M. Paul Bert, dans le laboratoire duquel nous avons pu nous habituer à la recherche du sucre dans les liquides de l'organisme; et aussi M. le professeur Yungfleisch, qui nous à permis de puiser dans sa collection et nous a aidé de ses bienveillants conseils. HISTORIQUE. —— ALIMENTATION DES CÉPHALOPODES. | Si l'on ne tient pas compte de quelques tentatives isolées ?, Kru- kenberg paraît être le premier qui ait songé à étudier méthodique- . ment les propriétés des sucs digestifs des Invertébrés. La plupart des mémoires qu'il a publiés sur ce sujet — et qu'on ne connaît peut- être pas assez en France — sont de 1878*. Ils se rapportent à la diges- tion des Crustacés, des Cœlentérés, des Echinodermes, des Insectes et des Mollusques. Il semble que l’auteur se soit surtout préoccupé dans ses recherches de découvrir des caractères susceptibles de dif- férencier les ferments peptiques des divers animaux inférieurs. Tou- tes Les fois, en effet, qu'il a rencontré ces ferments, il a essayé leur action sur la fibrine crue et cuite, en solution neutre, alcaline ou acidifiée par l’un des acides chlorhydrique, acétique, oxalique et lactique. Cela constituait une série de réactions au moyen de laquelle il a tenté d'établir une sorte de classification des pepsines des Invertébrés. C’est ainsi qu'il a créé, pour exprimer la pepsine des 1 V. 2 Jl convient de citer K. Plateau, qui a publié différents mémoires sur la digestion des Insectes, Arachnides, Myriapodes, de 1874 à 1878 (Mémoires de l’Académie des sciences de Belgique), et le travail de Jousset de Bellesme sur la Blatte (1875). ‘8 VI. | 338 - EM. BOURQUELOT. Lamellibranches, le mot de conchopepsine, et celui d'hélicopepsine pour signifier celle des Céphalopodes et Gastéropodes pulmonés. Relative- ment aux ferments diastasiques, Krukenberg s’est contenté de con- stater si les sucs digestifs avaient oui ou non une action sur l’amidon hydraté. D'après lui, le foie des Céphalopodes et des Pulmonés est riche en ferment diastasique, tandis que les prétendues glandes sa- livaires de ces animaux n'en renferment aucune trace. La même année, M. Léon Frédéricq!, à propos d'une étude géné- rale sur l’organisation et la physiologie du Poulpe, à fait quelques recherches relativement à l'action des sucs digestifs de ce Céphalo- pode sur l’amidon. Ses expériences, comme celles de Krukenberg, ont été faites avec l’amidon hydraté. Il s'est même aidé d'une douce chaleur pour favoriser la réaction. Il conclut de son travail que le foie seul parmi les glandes digestives contient un ferment susceptible de transformer l'amidon en sucre. Cet expérimentateur n'a d’ailleurs pas distingué l’action du foie de celle du pancréas, en sorte que cette conclusion se rapporte vraisemblablement aux deux organes réunis. L'année suivante, M. Jousset de Bellesme, sans avoir connaissance des travaux de Krukenberg et Frédéricq, instituait une série d’expé- riences sur le rôle des glandes digestives des Céphalopodes?. L'auteur, déjà préparé à ce genre de travail par une étude délicate et conscien- cieuse de la digestion de la Blatte*, a fait ses recherches avec beau- coup de soins. Son procédé d’expérimentation est le suivant: pour le foie, il creuse dans l'organe une dépression au fond de laquelle suinte un liquide qu'il regarde comme représentant la sécrétion hépatique. Il ajoute à ce liquide de la fécule non broyée et lavée et abandonne le mélange à lui-même pendant vingt-quatre heures. Au bout de ce temps, il recherche le glucose. Pour les autres sucs di- gestifs, qu'il obtient par simple expression de la glande, il essaye directement leur action. Dans aucun cas l’amidon n'a été transformé. Sa conclusion est donc qu'il n'y à pas chez le Poulpe d’organe capable de saccharifier l'amidon. M. Jousset n’a pas non plus essayé de distinguer le pancréas du foie. Plus récemment, et alors que nous nous occupions de la question, 1 VII. 2 VIII. $ IX. DES SUCS DIGESTIFS DES CÉPHALOPODES. 389 M. Vigelius! a annoncé avoir constaté, relativement à la présence d'une diastase dans le foie des Céphalopodes, les résultats avancés par Krukenberg et Frédéricq. Il n’est guère possible de faire des recherches expérimentales sur la digestion d’un animal, si on ne peut l'avoir à son gré tantôt à jeun, tantôt en digestion, et dans ce dernier cas à toutes les phases de sa digestion. L'étatdes glandes digestives varie en effet selon quel’animal se trouve dans une de ces conditions. Ainsi, au premier moment de la digestion, la sécrétion est très active, l’arrivée des aliments appe- lant de grandes quantités de sucs digestifs. On ne saurait donc choisir de meilleur moment pour recueillir les sucs et essayer leur action. Plus tard, la sécrétion diminue, tend même à disparaître quand elle ne change pas —comme cela semble se produire chez les Poulpes, dont le liquide hépatique devient brun, d'incolore qu'il était — en sorte que, la glande ne renfermant plus qu'une très petite quantité de sucs, on n'obtient dans les essais que des effets très faibles qu'on est tenté d'attribuer à des réactions spontanées. Les Céphalopodes que l’on prend dans les excursions ? sont tantôt à jeun, surtout les Poulpes, tantôt en digestion. Les derniers seuls pourraient être utilisés; mais la plupart du temps la digestion est presque terminée au moment du retour. Il nous a donc fallu, pour réaliser les meilleures conditions d’expérimentation, rechercher les moyens de les alimenter. Il suffit d'examiner les alentours du rocher sous lequel on a pris un Poulpe pour savoir quel est son genre de nourriture. On y trouve des débris de Crabes de toutes espèces, de Vénus, de Moules et autres Bivalves. Lorsque le crabe est de petite taille, il est souvent séparé en deux parties : l’une comprenant le thorax avec la tête et ses appendices, l’autre l'abdomen avec les pattes. Le Poulpe partage sa proie à peu près comme l’homme fait d’une Ecrevisse. Si le Crabe est d’une certaine grosseur, il est divisé en un plus grand nombre de débris. Tous ces débris sont d’ailleurs complètement vides. Les Bivalves sont également vides, et la plupart de ceux qui viennent 1 X. 2 Nos recherches ont porté principalement sur trois espèces : 10 la Sèche (Sepia officinalis), que l’on pêche en abondance dans la baie de Pimpoul; 2° le Poulpe commun (Octopus vulgaris), que l’on prend à marée basse sous les rochers qui avoi- sinent la côte de Roscoff ; 3° enfin, le Calmar {Loligo vulgaris), qui commence à ap- paraître sur la côte à la fin de septembre. Nous n’avons pu nous procurer d'individu vivant de cette dernière espèce. 390 EM. BOURQUELOT, de servir au repas du Poulpe ont leurs valves rapprochées comme pendant la vie. Lorsque les Poulpes sont en captivité, ils ne se décident pas vo- lontiers à manger, au moins dans les endroits où il y a constamment du monde. Nous en avons conservé dans un aquarium jusqu’à cinq et six jours sans qu'ils aient voulu prendre la moindre nourriture, et cela bien qu'on eût mis à leur disposition des Crabes et des Bivalves. On songea alors à les transporter dans le parc dépendant du labo- raloire. Ce parc n’est jamais à see, et même dans les plus basses mers on y trouve 30 à 50 centimètres d'eau. On les enferma dans une boîte en bois percée de trous et on leur apporta chaque jour au moment de la marée basse, des Crabes de la côte. Etait-ce en raison de ce que le milieu leur convenait davantage ou parce qu'ils étaient moins dérangés ? toujours est-il que, dès le premier jour, ils se mirent à manger, et il fut dès lors possible de les avoir dans tous les états de la digestion. Quant aux Sèches, bien que l'examen de leur estomac indique qu'elles se nourrissent de petits Crustacés, ce n’est guère que de- puis un petit nombre d'années qu'on sait au juste ce qu'elles pré- fèrent. C'est M. Paul Bert !, croyons-nous, qui le premier areconnu qu'elles chassent les Crevettes. Il est également le premier à avoir observé le rôle curieux que jouent ? les bras tentaculaires durant cette chasse, 2 V: 2 Il convient pourtant de dire qu’Aristote, dont je génie observateur se révèle en- core là, comme en beaucoup d’autres choses, a eu connaissance de ce mécanisme, Il décrit, en effet, les grands bras tentaculaires de la Sèche comme les organes de préhension (a). Les observateurs qui sont venus depuis, et même des plus récents, en sont réduits relativement au rôle de ces bras à de simples conjectures. Ainsi, d’après Férussac (b), « on doit supposer que ces bras tentaculaires sont destinés à la préhension des corps éloignés et qu’ils sont d’un grand usage pour les besoins de l'animal; néanmoins nous n'avons jamais vu les Sèches s’en servir d'aucune manière, ni pour apporter la nourriture à leur bouche, ni comme moyen de résistance près des côtes, comme l'ont écrit les anciens, qui croyaient que ces mêmes bras pouvaient remplacer l’ancre des navires, etc. » Fischer, dont les observations sont antérieures seulement d’une année à celles de Paul Bert, n’a pas été plus heureux que Férussac. a Je n'ai jamais vu (c) les longs bras allongés, et j'ignore dès lors quels sont leurs usages. » « Je n’ai jamais pu observer le repas des Sèches; par conséquent, j'ignore si la préhension des aliments s'effectue chez elles au moyen des bras tentaculaires ou des bras sessiles de la première paire, » (a) XI et XIL. (b) XI. (ce) XIV, , DES SUCS DIGESTIFS DES CÉPHALOPODES. 391 On sait que les Sèches possèdent dix bras. Huit de ces bras sont à peu près égaux et garnis en dedans de ventouses sur toute la lon- gueur. Les deux autres, nommés bras tentaculaires, sont beaucoup plus longs et comprennent une partie élargie qui termine un long pédon- cule. Cette partie élargie seule est munie de ventouses. En temps ordinaire, ces bras tentaculaires ne font pas saillie au dehors ; ils sont retirés dans une cavité formée par la réunion des bras sessiles, entre la base de la troisième et de la quatrième paire. Ils sont là rétractés et roulés en crosse. A'peine a-t-on jeté la Crevette dans l'aquarium que la Sèche, par un changement presque insensible du mouve- ment de ses nageoires, se tourne vers le petit Crustacé. Ses huit bras sessiles, qui étaient auparavant un peu abaiïissés à leur pointe, se relèvent pour livrer passage aux deux bras tentaculaires. Geux-ci sortent lentement de leur cavité accolés l’un à l’autre, et quand ils dépassent d'un demi-centimètre environ l'extrémité des autres bras, ils s'allongent tout à coup. Is traversent l’espace comme une flèche qu’on décoche, pour revenir aussitôt, mais sans la moin- dre précipitation, avec la proie qui se trouve immédiatement cachée entre les bras égaux. Le premier mouvement est si rapide qu'il est difficile de l’analyser. On peut constater pourtant que les extrémités élargies des ienta- cules arrivent toujours à quelques millimètres au-dessus de la Cre- vette. Il est probable qu'à ce moment les ventouses pédiculées de ces extrémités s'allongent vers l'animal et qu'elles le retiennent par suite du vide qu'elles produisent. M. Paul Bert a essayé de repro- duire ce mouvement sur l'animal mort par le moyen de courants électriques et n’a pas réussi. Peut-être est-il dû à l’afflux subit d'une certaine quantité de liquide. En tout cas, il y a là à faire une recherche anatomique et physiologique intéressante. La Sèche se nourrit des deux espèces de Crevettes qu'on trouve sur la plage; mais elle paraît préférer la plus petite des deux, la Crevette Quant à cette opinion des anciens, d'après laquelle ces mêmes bras serviraient d'ancre pendant les grandes tempêtes, peut-être est-elle moins fondée que celle qui a rapport à leur rôle dans la prébension des aliments. En captivité, la Sèche ne laisse’ pendre ses bras que quand elle est malade. C’est même presque toujours l'indication d'une mort très prochaine. L'animal n’ayant plus la force de retenir les tentacule dans les cavités, ces ten‘acules tombent au fond de l’eau et rencontrent le sol; les ventouses s'appliquent sur celui-ci, et si peu qu’il y ait de courant ou de mouvement dans l’eau, comme la Sèche affaiblie ne peut résister par le moyen de ses nageoires, elle est un peu entrainée et les ventouses font le vide automatiquement, 392 EM. BOURQUELOT. de sable. Elle saisit aussi les petits Poissons qu'on lui met dans l'aquarium ; mais le plus souvent, après les avoir coupés en deux, elle les rejette. Elle opère d’ailleurs la mastication de sa proie sans qu'aucun signe extérieur vienne trahir le mouvement de ses mandi- bules. DESCRIPTION DES GLANDES DIGESTIVES Extraction des ferments. Les glandes digestives, ou plutôt — pour ne préjuger de rien — les glandes qui déversent le produit de leur sécrétion dans le canal digestif, ont chez les Céphalopodes, au point de vue du volume, une importance notable. Le foie est la seule glande qui parait conserver relativement à la grosseur de l'animal un volume à peu près con- stant., C'estce que l’on peutconstater chezles Poulpes, chez les Sèches et les Calmars. Les Poulpes ont des glandes salivaires antérieures assez petites et des glandes postérieures très volumineuses. Les Sèches, au contraire, ainsi que les autres Céphalopodes décapodes", ne possèdent pas de glandes salivaires supérieures et leurs glandes postérieures sont plus petites relativement à la grosseur de l'animal que chez les Octopodes. Cette constance dans la grosseur du foie peut déjà faire supposer que le liquide qu'il sécrète a un rôle chimique dans la digestion ; surtout si l’on considère que la nourriture des Céphalopodes est ex- clusivement animale, et que par conséquent le travail chimique de la digestion est sensiblement le même chez tous. Il paraît d’autre part assez naturel de penser que les glandes salivaires, qui varient d'importance et même de nombre d'une espèce à l’autre, ne rem plissent qu'un rôle physique se rapportant à la chasse, à la mastica- tion, à la déglutition ; actes qui varientselon la nourriture habituelle de ces animaux. La première paire de glandes salivaires est située chez le Poulpe contre la masse buccale, de chaque côté du pharynx. A chaque glande correspond un canal excréteur, qui pénètre dans la bouche un peu en avant de l'œsophage. La deuxième paire est située plus loin derrière le foie et est accolée contre celui-ci, Une bride relie chaque glande au jabot qui est situé en avant. Chacune donne nais- DES SUCS DIGESTIFS DES CÉPHALOPODES. 393 sance à un canal qui va se réunir à son congénère de façon à n’en former qu'un seul qui remonte derrière l’æœsophage et vient s'ou- vrir dans la bouche au-devant du bourrelet lingual. Ilest singulier que M. Jousset de Bellesme, dans le travail que nous avons cité pré- cédemment ‘, signale le canal excréteur de ces dernières glandes comme se jetant dans le jabot! Ce canal est assez gros, nettement visible. Il a d’ailleurs été décrit depuis longtemps par Cuvier ?. Peut-être M. Jousset a-t-il pris pour un canal chacune des brides indiquées plus haut qui maintiennent ces glandes au jabot. Chez les Sèches, les glandes salivaires postérieures, qui- existent seules, sont dans les mêmes rapports avec les organes environnants que chez les Poulpes. Le foie des Poulpes est constitué par une grosse masse brune si- tuée du côté du dos, fournissant à sa base deux canaux excréteurs. Le tissu qui entoure ces deux canaux à leur sortie de la masse hépa- tique est d'une couleur différente du reste de la glande. Il constitue un organe particulier enfoncé dans le foie, auquel on à donné le nom de pancréas, bien qu'il n'ait probablement aucun rapport fonctionnel avec l'organe qui porte ce nom chez les animaux verté- brés. La structure du tissu du pancréas est différente de celle du foie. Le liquide qu'il sécrète va se réunir au liquide hépatique. Les deux canaux se rapprochent et vont pénétrer ensemble dans une sorte de cæcum de l'estomac proprement dit, qu'on a appelé éntes- tin sptral. Cet appendice n’est vraisemblablement qu’un réservoir du liquide sécrété par le foie. Les aliments n'y entrent pas et, au moment de la digestion, le suc hépatique s'y amasse en abondance. On peut avec quelque soin séparer des portions de tissu pancréatique du tissu du foie, bien qu'une séparation complète des deux organes soit impossible. Dans la Sèche la difficulté est moins grande. Le foie est formé de deux lobes qui se prolongent en pointe assez loin en arrière. Ces deux lobes sont accolés l’un à l’autre et chacun d'eux donne naissance à un canal excréteur qui se rend vers l'intestin spiral; mais le pré- tendu pancréas est ici représenté par des tubes raraifiés, dont la totalité constitue une masse assez grande, qui se rattachent aux canaux hépatiques tout le long de leur parcours et ressemblent à première vue aux Corps spongieux qui entourent les veines caves du Page 288. FAR 394 EM. BOURQUELOT. même animal. On peut donc les couper et les séparer sans craindre de les avoir mélangés avec le tissu du foie. L'extraction des sucs digestifs ou des ferments qu'ils renferment présente des difficultés particulières, Il ne faut pas songer à effectuer la ligature des canaux des glandes pour adapier ensuite une canule, comme cela se pratique avec les glandes analogues des animaux supérieurs. Ges canaux sont en effet pour la plupart d'une petitesse extrême et, en raison de leur facile contractilité, une pareille opé- ration n'amènerait aucun résultat. On l'a tentée pourtant sur les canaux hépatiques du Poulpe, qui sont les plus grands de tous ceux des Céphalopodes (les Calmars peut-être exceptés), et l'essai a été suivi de succès. On en parlera plus loin avec détails. On a proposé, pour trancher ces difficultés, des procédés qui ne sont pas à l'abri de toute critique. Néanmoins, comme ce sont les seuls, et qu'il parait douteux qu'on en puisse imaginer d’autres, il n'ya pas lieu de choisir. La connaissance de tous les points faibles d’une recherche suffit d’ailleurs généralement à éviter l'erreur. Ainsi on peut remplacer le suc de la glande par le liquide obtenu en filtrant une macération du tissu de cette glande avec de l’eau. Si ce liquide transforme l’amidon en sucre, c’est que la glande pro- duit un ferment diastasique. Cependant, comme l’a déjà fait remar- quer Claude Bernard, cette propriété de donner une infusion capa- ble d'agir sur l’empois d'’amidon ne caractérise pas uniquement ces sortes de glandes; «elle appartient à beaucoup d’autres glandes et à tous les tissus muqueux en général ». Il convient de tenir compte, pour émettre une conclusion, de la rapidité de l’action du liquide et de la quantité d'amidon saccharifié. La transformation à laquelle donnent lieu les tissus muqueux est toujours faible et longue à se produire. | Une deuxième manière d'étudierles propriétés d'un sucdigestifcon- siste àrechercherle ferment dans la glandeet à l’extraire quandilexiste. On s'appuie pour cela sur ce que l'alcool le précipite de ses dissolu- tions aqueuses sans le détruire. On découpe donc la glande immédia- tement après son extraction de l'animal vivant, on l'écrase et on l’ad- ditionne de 8 à 40 volumes d'alcool à 90 degrés, On laisse déposer, on décante, on jette sur un filtre et on lave le produit par de l'alcool à 90 degrés jusqu'à ce que celui-ci passe sans retenir aucun produit Ce DES SUCS DIGESTIFS DES CÉPHALOPODES. 399 en dissolution. Ge qui reste sur le filtre renferme le ferment ainsi que d'autres matières albuminoïdes solubles dans l’eau, mais qui pour la plupart sont coagulées et rendues définitivement insolubles. On dessèche dans un fort courant d'air ou dans le vide ; on pulvérise et on met la poudre à macérer dans deux fois son poids d'eau distillée, La solution aqueuse décantée est filtrée. On traite le résidu par de nouvelle eau et l’on jette le tout sur le filtre. On obtient ainsi un liquide tenant le ferment en dissolution. On l’additionne d'alcool à 90 degrés. Il se fait un précipité qu'on laisse déposer. On décante l’al- cool, on en ajoute de nouveau, etc. Après deux ou trois décantations, suivant l'importance du précipité, on jette sur un filtre sans pli et on lave à l'alcool absolu. En dernier lieu on sèche dans un courant d'air ou dans le vide; on pulvérise et l’on conserve dans un flacon sec et bien bouché. Ce procédé est à peu près celui qu'employait Mialhe ‘ pour la pré- paration de la ptyaline. Une dernière précipitation par l'alcool donne un produit plus pur, et un dernier lavage à l’alcoo! absolu permet de dessécher complètement le produit en quelques heures. Claude Bernard ? à fait, relativement à l'emploi de ce procédé d’ex- traction du ferment des glandes, des observations qui lui enlèvent singulièrement de sa valeur. Il a découvert que tous les tissus mu- queux peuvent acquérir, lorsqu'on les a fait macérer dans l’alcool, la propriété de transformer l’amidon en sucre. Le procédé ne peut donc être mis en pratique que dans l'extraction du ferment d'un liquide, Nous l'avons cependant employé parallèlement à celui qui à été exposé en premier lieu et les résultats ont toujours été identiques : positifs ou négatifs suivant les glandes. Un troisième mode d'extraction, qui n’est qu'une modification du précédent, consiste à faire intervenir la glycérine comme dissolvant du ferment et à précipiter ensuite celui-ci par l'alcool. Ge procédé est de Wittich ÿ. On peut lui opposer les mêmes critiques qu’à celui de Mialhe. On voit par ce qui précède que le premier procédé est encore celui qui présente le plus de garanties, Les deux autres ne permettent de conclusions que lorsque le résultat est négatif : dans le cas contraire, il est difficile d'affirmer si le ferment est une sécrétion habituelle de 1 XVI. # 4 SAVIE. 396 EM. BOURQUELOT. la glande ou si le traitement lui a donné naissance. Il faudrait pour- tant y avoir recours si la glande examinée renfermait normalement du sucre ; on ne pourrait pas en effet effectuer autrement la sépara- tion du ferment de ce dernier corps et l'on comprend que cette sépa- ration doit être faite avant de rechercher si on a affaire à une glande douée de la propriété saccharifiante. Ajoutons immédiatement que nous n'avons jamais trouvé de sucre dans les glandes digestives, ce qui nous à épargné les complications que nous venons de signaler. LES GLANDES DIGESTIVES DES CÉPHALOPODES SÉCRÉTENT-ELLES UN FERMENT SUSCEPTIBLE DE SACCHARIFIER L'AMIDON BRUT ? Nous avons employé, pour résoudre cette question, la fécule de pomme de terre, de préférence aux divers amidons du commerce, par cette raison que cette fécule est préparée industriellement avec le secours de l’eau seulement, sans l'intermédiaire d'aucun agent chimique. Elle présente pourtant un inconvénient : c’est d’être tou- jours accompagnée de glucose. Pour s’en assurer, il suffit d'en pren- dre une petite quantité, de la délayer dans l'eau, de jeter sur un filtre et d'essayer la liqueur filtrée par le réactif cupro-potassique. II se produit soit sur-le-champ, soit après quelque temps de repos, un précipité rouge de sous-oxyde de cuivre. On fait d’ailleurs disparaître facilement cet inconvénient en lavant la fécule jusqu'à ce que l’eau de lavage traitée par la liqueur cupro-potassique ne donne plus de précipité. Le produit desséché dans un courant d'air se conserve ensuite indéfiniment. On peut même délayer la fécule ainsi purifiée dans l’eau froide et constater qu'après einq ou six jours il ne s’est pas encore formé trace de sucre. Ces précautions ne suffisent pas encore. Il faut, lorsqu'on recherche si la fécule à été attaquée par les sucs digestifs, tenir compte de cer- taines particularités importantes : Lo Relativement à l'essai par la teinture d'iode. On sait que ce réac- tif colore en bleu l'amidon et ne donne plus de coloration lorsque l’amidon est saccharifié. Or, lorsqu'on ajoute de la teinture d'iode à un mélange de fécule brute et de liquide provenant de la trituration du foie d'un Céphalopode avec l’eau, les premières gouttes ne pro- duisent aucune coloralion ; en sorte que si l’on s'en tenait à cetle indication, on conclurait à la transformation de la fécule, alors que, comme on peut s’en assurer au microscope, les grains sont intacts. DES SUCS DIGESTIFS DEKS CÉPHALOPODES. 397 20 Relativement à la recherche du sucre. Le foie des Céphalopodes, comme cela a été établi par Krukenberg, renferme un ferment pep- tique. Ce ferment, après la trituration du foie, se trouve en dis- solution avec diverses matières albuminoïdes qu'il ne tarde pas à transformer en peptones. Ces peptones donnent avec la liqueur cu- pro-potassique une coloration violette très intense en présence de laquelle il est difficile d'affirmer s’il y a réduction. Au reste, les fer- ments solubles, l’'émulsine en particulier, donnent lieu avec la liqueur cupro-potassique à une réaction semblable. Voici le procédé auquel nous nous sommes arrêté pour éviter cette coloration. Le mélange de fécule et de liquide hépatique est additionné de 4 volumes d'alcool à 90 degrés. On laisse reposer et l’on filtre. On éva- pore au bain-marie le liquide alcoolique ; on reprend par l'eau, on filtre et l'on essaye le liquide filtré. En traitant par l'alcool, on élimine la majeure partie des peptones ; en évaporant à 100 on précipite une matière albuminoïde que l’eau ne redissout pas. Malgré ce traitement, on n'arrive pas toujours à éviter complète- ment la coloration, Certaines peptones, en effet, sont solubles en petites proportions dans l'alcool même concentré. Aussi avons-nous dù recourir dans plusieurs cas douteux à la fermentation alcoolique. En résumé, lorsqu'au microscope les grains nous ont paru être restés intacts, lorsque la teinture d'’iode ajoutée en quantité suffi- sante nous a donné la coloration bleue caractéristique, lorsque la liqueur cupro-potassique n'a pas été réduite, ou, cette réduction élant douteuse, quand la levure de bière n'a déterminé aucune fermentation, nous avons conclu à la non-existence d’un ferment capable d'agir sur la fécule brute. Voici maintenant le détail des expériences. 1° RECHERCHES FAITES SUR UN POULPE (25 août ; température 15-20 de- grés),— Glandes salivaires supérieures. — Le liquideobtenuen triturant la glande avec l’eau est limpide, non visqueux. On le mélange avec de l'amidon. On en fait deux portions que l’on met chacune dans un petit tube fermé par un bout. Après vingt-quatre heures, le contenu de l’un des tubes est traité comme il a été dit pour la recherche du sucre. Pas de réduction, pas de coloration. Après quarante-huit heures, le contenu du deuxième tube est traité de la même manière. Même résultat. Glandes salivaires inférieures. — Le liquide résultant du traitement de la glande par l'eau est incolore, mais très visqueux, même après 398 EM. BOURQUELOT. qu'on l’a étendu d’eau. On le partage également en deux parties après l'avoir mélangé avec de la fécule. On constate, après vingt- quatre heures et aussi après quarante-huit heures, que l’amidon n'est pas transformé. À ce moment le mélange répand une odeur sulfu- reuse. Foie. — Le liquide obtenu avec la substance du foie est jaune foncé tirant sur le brun, trouble ; mélangé avec des grains de fécule, il fournit, après vingt-quatre heures comme après quarante-huit heures, un extrait alcoolique donnant avec la liqueur cupro-potassique une coloration violette, intense, due sans doute aux peptones dont nous avons expliqué plus haut la formation et suffisante pour masquer toute action réäuctrice. Il n’y a donc aucune conclusion à tirer de ce résultat. Liquide hépatique. — Avant de procéder à l’epération précédente, et immédiatement après avoir ouvert l'animal vivant, on avait lié le deux canaux biliaires à leur entrée dans l'intestin spiral. Ensuite on avait enlevé le foie en y laissant attachés les canaux et l'intestin en question pour le suspendre durant environ un quart d'heure. Dans ces conditions les deux canaux se sont remplis d’un liquide brun renfermant de petites granulations brunes. Il ne nous paraît pas que ce liquide doive être considéré comme le liquide hépatique normal, au moins tel qu'il est au moment de la digestion de l'animal. Le Poulpe sur lequel nous expérimentions était à jeun. Ce point sera d’ailleurs examiné plus loin. Quoi qu'il en soit, ce liquide est additionné de fécule. Après vingt- quatre heures, le traitement ordinaire ne révèle aucune formation de sucre. Il ne se produit pas non plus de coloration violette par la liqueur cupro-potassique , ce qui semble confirmer ce que nous avons avancé précédemment, à savoir : que cette coloration est bien due à des peptones fabriquées par le ferment peptique du foie agissant sur des matières albuminoïdes de cet organe. Pancréas. — On détache avec précaution une portion du tissu du pancréas en ayant soin de ne pas aller profondément pour ne pas s’exposer à prendre en même temps quelque partie du foie. Le liquide extrait de ce tissu ne donne lieu à aucun changement de l’amidon, ni après vingt-quatre, ni après quarante-huit heures. 29 RECHERCHES FAITES SUR UN DEUXIÈME POULPE (30 août ; tempéra- ture 45-20 degrés). — Les glandes salivaires, le pancréas, donnent les mêmes résullats que ceux qui sont indiqués ci-dessus ; c’est DES SUCS DIGESTIFS DES CÉPHALOPODES. 399 pourquoi nous n'insistons pas. Pour ce qui est du foie, on achève l’opération de la façon suivante. — On reprend l'extrait alcoolique par l’eau, on porte à l’'ébullition, il se fait un léger précipité que l’on sépare par filtration. On essaye alors le liquide : 1° avec la liqueur cupro-potassique ; il ne se produit qu'une coloration violette très faible et pas de précipité de sous-oxyde de cuivre; 2° par la fermenta- tion. Pour cela, on met dans un tube fermé par un bout la liqueur aqueuse avec de la levure de bière, préalablement lavée sur un filtre. A ce tube est adapté un bouchon que. traverse un petit tube en verre recourbé. Celui-ci se rend directement dans un petit flacon contenant de l’eau de chaux. S'il se dégage de l'acide carbonique, cet acide, en traversant l’eau de chaux, donnera un précipité de carbonate. Après quarante-huit heures, à une température de 22 degrés, il ne s’est encore produit aucun précipité : il n’y a donc pas de sucre dans le liquide essayé. Un second appareil, monté comme le précédent, mais dans lequel on ajoute à la levure de bière quelques centigrammes de suere interverti, présente, au contraire, déjà après vingt-quatre heures un précipité très apparent de carbonate de chaux. Nous ne relatons pas les autres recherches que nous avons faites avec des Poulpes à jeun ou en digestion, parce qu’elles ont toujours conduit aux mêmes résultats. Pour la même raison, nous passerons très rapidement sur les faits que nous avons observés chez la Sèche et le Calmar. 3° RECHERCHES FAITES SUR UNE SÈCHE (26 août; température 15-20 de- grés).— Les glandes salivaires uniques de la Sèche fournissent par tri- turation avec l’eau un liquide encore plus visqueux que celui qu’on obtient dans les mêmes conditions avec les glandes salivaires du Poulpe ; aussi est-on obligé de passer à travers un linge fin, la filtration étant impossible. Il ne se produit pas d’ailleurs de transformation de l’'amidon, non plus qu'avec le foie et le pancréas. Ce dernier organe étant ici plus facile à séparer, il y avait intérêt à l’essayer particuliè- rement. 4° RECHERCHES FAITES SUR UN CALMAar. — Le contenu de l'estomac d’un Calmar mort depuis quatre ou cinq heures est filtré, puis addi- tionné d’amidon. Celui-ci n’est pas attaqué pendant les vingt-quatre heures que dure l'expérience. Ainsi, aucune des diverses glandes digestives du Poulpe, de la 400 EM. BOURQUELOT. Sèche et très probablement du Calmar ne renferme de ferment capable d'agir à la température ordinaire sur la fécule de pomme de terre brute. Il était intéressant de voir si, en élevant quelque peu la température, sans trop se rapprocher toutefois de celle à la- quelle la fécule se transforme en empois, on pouvait déterminer la saccharification totale ou partielle de cette fécule. Nous avons adopté, pour résoudre la question, une marche un peu différente de ce qui précède, et nous n'avons cru utile de faire d’es- sais que relativement au foie. On a vu, dans le chapitre précédent, comment on extrait d'une glande le ferment diastasique ou plutôt un mélange de divers ferments et de certaines matières albumi- noïdes ; c’est sur ce mélange uniquement que nous avons opéré. Qu'il provienne du foie du Poulpe ou de celui de la Sèche, ïül donne une solution presque inodore, légèrement ambrée, claire, quoique un peu visqueuse. Cette solution additionnée de fécule est maintenue dans une étuve à la température de 35 degrés. Un tube renfermant de l’eau et de la fécule est placé dans les mêmes conditions. Après vingt-quatre heures, on essaye les deux pro- duits d'après le procédé ordinaire. I] n'y a aucune trace de sucre, ni dans le tube témoin, n1 dans le tube contenant le ferment, LES GLANDES DIGESTIVES DES CÉPHALOPODES PRODUISENT-ELLES UN FERMENT SUSCEPTIBLE DE SACCHARIFIER L'AMIDON HYDRATÉ ? Pour avoir de l’amidon hydraté tout à fait exempt de sucre, on prend de la fécuie purifiée : 5 grammes, qu'on délaye dans 20 cen- timètres cubes d’eau froide. On ajoute assez rapidement au mé- lange, en agitant convenablement, 280 grammes d’eau bouillante. La température extérieure étant de 18 degrés, celle du liquide à la fin de l'opération ne dépasse jamais 76 ou 77 degrés. On obtient ainsi un produit très Hquide, que l’on peut prendre avec une pipette, et qui, dès lors, se prête bien à lexpérimentation. Il ne donne aucune ré- duction de l’oxyde de cuivre. Si on l’examine au microscope, on aperçoit encore tous les grains, seulement gonflés par suite de l'ab- sorplion de l’eau. | En s'arrangeant de façon à ce qu'après refroidissement l’'empois occupe un volume déterminé, 300 centimètres cubes par exemple, il devient propre à faire des recherches quantitatives d'une préci- DES SUCS DIGESTIFS DES CÉPHALOPODES. 401 sion suffisante. On atteint ce résultat en marquant dans un vase à précipiter l'endroit où affleurent 300 grammes d’eau à 77 degrés, et en additionnant l'empois d'eau à cette température jusqu'à ce qu'il occupe le volume ainsi déterminé. En traitant la fécule comme dans la préparation ordinaire de l’em- pois, c'est-à-dire en la chauffant après l'avoir délayée dans l’eau froide jusqu'à l’ébullition, il se fait toujours un sucre réducteur, sans doute parce que certaines portions en contact avec le vase sont portées à une température élevée. — On ne peut d’ailleurs conserver longtemps sans altération l’amidon hydraté. Après cinq jours, il commence à réduire, et la réduction va ensuite en s’accroissant. Il convient donc d'en préparer toujours au moment du besoin et de ne faire aucune expérience durant au-delà de quatre ou cinq jours. Une bonne précaution consiste à mettre de côté une portion du liquide amylacé et à en faire l'essai en même temps que l’on fait celui du produit en expérimentation. Si le liquide témoin renferme du sucre, l'opération est à recommencer. 19 RECHERCHES. — Pourpre (30 août ; température 15-20 degrés). — Glandes salivaires. — Le liquide provenant de la macération des glandes salivaires inférieures ou supérieures d’un Poulpe est addi- tionné de fécule hydratée. Après vingt-quatre heures, l'essai, fait sui- vant les procédés qui ontété décrits dans le chapitre précédent, n’a donné aucune réduction. Foie. — Une partie du foie a été traitée de même. On a préparé deux tubes avec un mélange de liquide hépatique et d’amidon hy- draté, l'un pour être essayé après vingt-quatre heures, l’autre pour l'être après quarante-huit heures. Dans les deux cas on a eu le même résultat. Le liquide provenant des traitements par l'alcool a donné, avec la liqueur cupro-potassique, un précipité jaune. Les conditions de formation et l'aspect de ce précipité rappellent ce qui se passe avec certaines urines diabétiques qui ne laissent pas que d’être em- barrassantes. Tandis que le malade se présente avec tous les carac- tères d'un glycosurique, son urine ne donne lieu au polarimètre qu'à une déviation très faible, et si on la traite à l’ébullition, par la liqueur cupro-potassique, elle reste d’abord limpide, puis tout à coup il se fait un précipité jaune clair dans toute la masse. — Nous ne voulons faire ici qu'un simple rapprochement ; car nous avons considéré, bien que nous nous soyons assuré que le précipité jaune renfermait du cuivre, que l'expérience n'était pas concluante. ARCH, DE ZOO: EXP, ET GÉN.— T. x. 1889. 26 402 EM. BOURQUELOT. Pancréas. — On a séparé soigneusement une portion du tissu pancréatique, on l'a fait macérer avec de l'eau, etle liquide filtré a été abandonné avec un peu d’empois d'amidon pendant vingt- quatre heures ; après quoi l'essai, fait dans les conditions ordinaires, a donné naissance à un précipité très net d'oxydule de cuivre. Il y avait donc eu formation de sucre. | DEUXIÈMES RECHERCHES. — POULPE (8 septembre; température, 15- 20 degrés). — Dans cette seconde série derecherches, on s'est attaché non seulement à voirs'il y avait eu formation de sucre, mais encore à constater à la fin de l’expérience l’action de la teinture d'iode sur l’amidon traité. Les glandes salivaires supérieures ou inférieures n’ont donné lieu à aucune transformation, et au moment de la recherche du sucre, c'est-à-dire après vingt-quatre heures, la teinture d'iode colorait encore en bleu le mélange. Avec le foie etle pancréas la réduction de l’oxyde de cuivre a été très nette et le mélange ne se colorait plus par l'iode. TROISIÈMES RECHERCHES. — Poulpe en digestion (20 septembre; 15-18 degrés). — Glandes salivaires. — Pas d'action. Foie. — À peine le mélange du liquide hépatique a-t-il été fait avec l’amidon, que l'iode n’a plus donné lieu à aucune coloration, sauf sur quelques particules. Le lendemain réduction très nette. Intestin spiral.— On s'est d'abord assuré que le contenu de l’intes- üin spiral ne renfermait pas de sucre. Pour cela, on en a évaporé une portion au bain-marie, on a repris IC résidu par l'alcool, et on a soumis à l'essai le liquide alcoolique. Le reste, après filtration, a été additionné d’empois d'amidon. Le lendemain il s'était fait une quan- tité notable de sucre. Afin de voir si un autre liquide renfermant des matières albumi- noïdes ne pouvait pas donner lieu à une saccharification de l’amidon, on à mis ensemble du sang de Poulpe et de l'amidon. Il ne s'est pas produit trace de sucre. Il était indispensable de s'assurer si l’on obtiendrait avec un autre Céphalopode des résultats identiques aux précédents. Le 9 septembre, une Sèche à jeun est sacrifiée. Le liquide salivaire ne produit aucune action. Avec le liquide hépatique, on n'obtient qu'une réduction très fai- ble. Avec le pancréas au contraire, la réduction est nette et l'action de l’iode nulle à la fin de l'expérience. DES SUCS DIGESTIFS DES CÉPHALOPODES. 403 Deux autres Sèches à jeun nous donnent, le 12 etle 47, des résul- tats semblables. On sacrifie alors des Sèches en digestion. Les résultats sont beau- coup plus nets et un peu différents. Les liquides salivaires sont toujours inactifs ; mais le liquide hépatique, de même que le liquide pancréatique, se montre éminemment propre à transformer l’ami- don en sucre. Cette transformation, ou plutôt le commencement de cette transformation, est si rapide, que, dès après le mélange des liquides et de l'amidon, celui-ci a déjà perdu la propriété d’être coloré en bleu par l'iode. On voit par les faits qui viennent d'être exposés que, si la propriété de transformer l’amidon hydraté en sucre appartient sans conteste aux liquides provenant de deux organes: le foie et le pancréas, les expériences indiquent pour les différents individus étudiés de nota- bles variations dans la puissance saccharifiante de ces mêmes orga- nes. Ces différences doivent être attribuées à l’état de digestion des animaux en expérimentation. Si l'animal est à jeun, la saccharifica- tion est faible. Il semble, ce qui est naturel, qu'il y ait arrêt dans la sécrétion des sucs digestifs. Au contraire, si l’animal vient de pren- dre sa nourriture, l’action est rapide, considérable. Voici, en dernier lieu, une observation qui nous paraît concluante. Un Poulpe conservé dans le parc de Roscoff dans des conditions qui ont été indiquées précédemment, fut trouvé, une demi-heure envi- ron après qu'on lui avait donné des Crabes, en train de manger l’un de ceux-ci, On le rapporta, ainsi que les restes de son repas, au la- boratoire, où l'animal et sa proie furent mis dans un aquarium. Le Poulpe reprit immédiatement son repas interrompu, sans paraître autrement contrarié de son changement de domicile. Au reste, on ne voit rien de ce qui se passe. Le Poulpe entoure le Crabe de ses tentacules, et il aspire sa nourriture sans mouvementextérieur d’au- cune sorte. Sous ce rapport, Poulpes et Sèches se conduisent de même. Après trois quarts d'heure l'animal fut sacrifié. Le jabot étail plein, ainsi que l'estomac. Les deux canaux hépatiques furent liés immédiatement et sur l'animal vivant au niveau même de leur en- trée dans l'intestin spiral. Au bout de dix minutes, les deux canaux furent percés et le liquide qu'ils contenaent recueilli dans un verre de montre. On en obtint environ dix gouttes. C’est un liquide tout à fait incolore, limpide, très peu filant, rappelant la salive mixte 404 EM. BOURQUELOT. après filtration. Il est donc bien différent de ce liquide brunûtre rempli de petites granulations, qui ne tarde pas à descendre dans les canaux hépatiques et même dans l'intestin spiral lorsqu'on suspend le foie frais d'un Poulpe à jeun avec ces derniers organes (voir p. 398). Il est probable que c'est ce dernier liquide que Cuvier dé- crit lorsqu'il dit que la bile du Poulpe « est un liquide jaune orangé » Î. Quoi qu’il en soit, on a ajouté à ce liquide 5 centimètres cubes d'empois. Aussitôt le mélange fait, l'iode ne donnait plus de colora- tion, et l'examen microscopique démontrait que les grains d’ami- don, très visibles et seulement gonflés avant l'addition de la bile, avaient disparu. Le lendemain il y avait transformation manifeste de l’amidon en sucre. Cette dernière expérience démontre d’une facon péremptoire que le foie ou le pancéras, ou tous les deux — car ces deux organes pos- sèdent les deux mêmes canaux excréteurs — donnent naissance à un ferment capable de transformer, et cela aussi rapidement que le fait la salive, l’amidon en sucre. On reviendra plus loin sur l'inter- prétation qu'il faut donner à tous ces résultats. Les ferments extraits des glandes, soit par l'alcool simplement, soit par la glycérine et l'alcoo!, ne se conduisent pas tout d’abord avec l’amidon hydraté comme ie liquide sécrété naturellement, bien qu'en fait le sens de l’action et Ie résultat auquel elle mène soient identiques. Peut-être le ferment n'a-t-1l pas toute sa puissance au moment de sa dissolution dans l’eau ? Son action ne se produit pas par une disparition immédiate de la propriété qu'a l’amidon de se colorer en bleu avec l’iode. Cette propriété persiste même plusieurs heures. Ainsi avec 20 centigrammes de ferment hépatique du Poulpe et 10 centimètres cubes de liquide amylacé, l’iode donnait encore une teinte violette après quatre heures de contact. Au bout de vingt- quatre heures la coloration était seulement jaune. C'est, comme l'on sait, la teinte correspondant à l’une des dernières dextrines produites dans l’action de la diastase sur l’amidon hydraté. L'’essai à la iqueur cupro-potassique indiquait d'ailleurs à ce moment qu'il y avait beaucoup de sucre réducteur de formé. Des essais analogues ont été faits à l’aide des ferments obtenus avec le foie de la Sèche, le pancréas du Poulpe et celui de la Sèche. 1 XV. DES SUCS DIGESTIFS DES CÉPHALOPODES. 405 Les résultats ont été conformes à ceux qu'avaient donnés les glandes elles-mêmes. LES SUCS DIGESTIFS DES CÉPHALOPODES EXERCENT-ILS UNE ACTION SUR LES MATIÈRES SUCRÉES SACCHAROSE, SALICINE, INULINE ? Les physiologistes sont loin d'être d'accord relativement à l’action des diastases salivaire et pancréatique des animaux supérieurs sur ces différents corps. Peut-être cela provient-il de ce que quelques- uns d'entre eux ont expérimenté sans se préoccuper de la pureté des corps qu'ils ont employés. On éprouve d’ailleurs des difficultés à en effectuer la purification. Ainsi il est particulièrement difficile de préparer du saccharose pur. Il est inutile de songer à purifier le sucre en pain du commerce; du sucre pulvérisé, lavé un grand nombre de fois à l'alcool à 90 degrés, et en dernier lieu avec l'alcool absolu, réduit encore notablement la liqueur cupro-potassique. D'autre part, le sirop de sucre, même très cuit, ne précipite pas par l'alcool absolu, bien que le sucre soit fort peu soluble dans ce der- nier véhicule. Il y a sans doute sursaturation. Voici le procédé que nous avons suivi. Il nous a été donné par M. le professeur Jungfleisch. On commence par laver avec de l’al- cool du sucre en petits cristaux, tel qu'on l'obtient aujourd'hui di- rectement dans les sucreries. On l’essore ensuite à la turbine ou par une aspiration énergique à la trompe. Dans cette première opéralion on enlève la plus grande partie du glucose qui souille le sucre. On en met un excès dans un ballon avec de l'alcool à60 degrés, on fait bouil- br et on maintient à l'ébullition jusqu'à saturation. On met alors la solution décantée ou filtrée chaude dans un vase à large ouverture et on la porte sous une cloche à vide en. compagnie de chaux caus- tique. — Peu à peu l’eau de la solution est absorbée par la chaux ; le titre de l'alcool s'élève et la sursaturation s'accroît. Au bout d'uu ou deux jours, on refroidit le vase à une température se rapprochant dezéro, on ajoute quelquescristaux de sucre, on agiteeton détermine en général la précipitation du sucre. Celui-ci est lavé à l’alcoof à 90 degrés, puis à l'alcool absolu. On peut alors le regarder comme pur, bien qu’il produise encore une légère réduction lorsqu'on en fait une solution concentrée et qu'on en ajoute une grande quantité à de la liqueur cupro-potassique que l’on maintient quelques minutes à l'ébullition. 406 EM. BOURQUELOT. On a fait avec ce sucre et à froid une solution au trentième. On a disposé trois tubes à essai de 10 à 15 centimètres de haut dans chacun desquels on a mis d’abord 10 centimètres cubes de solution sucrée. On a ajouté dans l’un du liquide extrait des glandes salivaires, dans le deuxième, du suc hépatique, et dans le troisième, du liquide pro- venant des glandes pancréatiques. Après vingt-quatre heures, la température étant de 18 degrés, aucun des liquides ne réduisit la liqueur cupro-potassique. Les sucs digestifs des Céphalopodes ne produisent donc pas l’interversion. Nous avons obtenu le même résultat négatif en ajoutant à une solution sucrée du ferment extrait par l'alcool. Nous avons répété ces essais en portant les mélanges à l'étuve, la température de celle-ci étant maintenue entre 35 et 40 degrés. Même après un séjour de douze heures à cette température, le saccharose n'est pas interverti. [se fait bien avec la liqueur cupro-potassique une trace presque imperceptible de sous-oxyde; mais cette formation d'une si faible quantité de glucose peut bien être attribuée à l'action seule de l’eau. En produisant d’ailleurs linterversion du saccharose par le moyen du ferment inversif obtenu avec la levure de bière, il est facile de se convaincre que cette interversion n'a aucun rapport avec la formation en quelque sorte spontanée d’une (race aussi faïble de sucre réducteur. Ce qui nous a engagé à essayer la diastase des Céphalopodes sur la salicine, c’est la croyance où l’on est, d'après Städeler !, que la salive des animaux supérieurs dédouble la salicine. Il n’en est rien, comme on le verra plus loin. La salicine du commerce est presque complètement pure. Une simple cristallisation à l’eau distillée bouil- lante donne un produit sans la moindre action réductrice sur la liqueur cupro-polassique. C’est avec cette salicine que nous avons procédé à nos recherches. On a fait une solution au centième. On a mis 40 centimètres cubes de cette solution dans des tubes à essai. On a ajouté dans l’un 10 centigrammes de ferment extrait du foie de Poulpe ; dans un autre, 10 centigrammes de ferment provenant du foie de Sèche, et dans un troisième, quelques centigramimes de fer- ment extrait du pancréas de la Sèche. Dans un quatrième on à mis 5 centigrammes d'émulsine, afin de bien distinguer l’action si nette 1 IV. L] DES SUCS DIGESTIFS DES CÉPHALOPODES. 407 d'un ferment de celle que produit quelquefois l’eau seule même à la température ordinaire. Après vingt-quatre heures d'attente, l'examen des tubes a démontré que dans les trois premiers la salicine était intacte. Pas de réduction avec la liqueur cupro-potassique. Au contraire, dans le quatrième tube, le dédoublement de la salicine était complet : après avoir précipité par l'alcool l'émulsine, qui, par la coloration violette qu’elle donne avec la liqueur cupro-potassique, eût empêché tout dosage, on a recherchéla quantité de sucre produit, Le chiffre qu'on a trouvé répondait à la quantité théorique : C°? H!° 01° C'" H$ O* + EH? 0? — 12 H'2 O0!2 + C1* HS O0". Le dédoublement de la salicine en glucose et alcool salicylique par l’émulsine est donc absolument net. Les mêmes essais, répétés à une température comprise entre 35 et 40 degrés, n’ont pas donné lieu, pourles organes qui nous occupent, à plus de dédoublement. On sait que l'inuline, corps auquel on donne pour formule un mul- tiple de C® H1 O, est une sorte de matière amylacée qui se dis- sout à peine dans l'eau froide, est fort soluble dans l’eau chaude et ne se précipite de cette dissolution qu'au bout d’un temps très long. L’acide sulfurique très étendu la transforme rapidement en lévulose. La diastase n’agit pas sur elle, et cependant l’inuline est dissoute dans l'estomac. Il était donc intéressant de voir ce qui se passerait avec les sucs digestifs des Céphalopodes. L'inuline a par elle-même une action réductrice sur la liqueur cupro-potassique, mais ne subit pas la fermentation. On pourrait donc avoir recours à cette dernière opération pour rechercher si elle est transformée. Nous avons cepen- dant préféré la méthode à la liqueur cupro-potassique. On a fait avec de l’eau bouillante une solution d’inuline de topi- nambourg renfermant 2 grammes pour 66 à 70 centimètres cubes. On a laissé refroidir et l’on a ajouté de l’eau de manière à faire 100 cen- timètres cubes. La solution était donc à 2 pour 100. En examinant le pouvoir réducteur de cette solution, nous avons trouvé que 5 cen- timètres cubes de liqueur cupro-potassique normale étaient déco- lorés par 26 centimètres cubes !. En représentant par 100 le pouvoir réducteur de l'inuline transformé en lévulose, on trouve, en faisant un calcul que nous ne reproduisons pas ici, que le pouvoir réducteur de l’inuline en expérience est seulement de 5. Cela revient à dire qu 408 EM. BOURQUELOT. l'inuline transformée en lévulose décolore vingt fois plus de liqueur cupro-potassique. Ii suffisait par conséquent pour s'assurer si l’inuline est ou n'est pas transformée en lévulose par un ferment, de recher- cher après l’action de celui-ci si le pouvoir réducteur avait augmenté. On à donc mis dans différents tubes 10 centimètres cubes de la solution d'inuline, et des solutions représentant les différents sucs des animaux en expérience. Le pouvoir réducteur n'a augmenté dans aucun cas. En résumé.donc nous n'avons constaté d'action de la part des sucs digestifs des Céphalopodes, ni sur le saccharose, ni sur la salicine, ni sur l’inuline. LA DIASTASE DES CÉPHALOPODES DOIT-ELLE ÊTRE CONSIDÉRÉE COMME IDENTIQUE AUX DIASTASES SALIVAIRE ET PANCRÉATIQUE DES ANIMAUX SUPÉRIEURS ? À ne considérer que les opinions émises par les divers auteurs sur les propriétés de la diastase animale, on est fort embarrassé pour répondre à cette question. On est même tenté d'admettre, comme nous l’admettions tout d'abord, que la diastase des Céphalopodes est une diastase particulière. En effet, si Hoppe-Seyler', si Gorup-Besa- nez?, si d'autres physiologistes et chimistes affirment que la salive n’a aucune action sur le sucre de canne, quelques-uns au contraire, M. Ch. Richet* entre autres, affirment que le sucre de canne est rapi- dement transformé en glucose. D'autre part, d'après Städeler*, cité par Milne-Edwards 5, la diastase animale aurait la propriété de déter- miner le dédoublement de la salicine en glucose et saligénine. L’au- teur fait même de cette propriété la caractéristique de la diastase animale relativement à la diastase végétale qui ne la possède pas. Qu'y a-t-il de vrai dans ces assertions ? C’est ce que nous avons d'abord cherché à savoir avant d'émettre une conclusion. Pour le sucre de canne, nous nous sommes servi de sucre pur préparé d’après la méthode indiquée dans le chapitre précédent. On a fait à froid une solution renfermant 2 grammes de sucre pour 100 cen- timètres cubes, On a mélangé : 1° 1 centimètre cube de salive 1 XVIII. 2 XIX. 3 XX. AV: » XAÏ. DES SUCS DIGESTIFS DES CÉPHALOPODES. 409 filtrée, 10 centimètres cubes de solution = 20 centigrammes de sucre ; 2 2 centimètres cubes de salive filtrée, 10 centimètres cubes de solution ; 3° 3 centimètres cubes de salive filtrée, 10 centimètres cubes de solution. Après vingt-quatre heures de contact à la température ordinaire, ces trois mélanges ont été essayés à la liqueur cupro-potassique. Il ne s’est fait aucune réduction. Il n'y avait donc pas eu d'interver- siOn. | Trois autres mélanges faits de la même facon ont été maintenus à la température de 40 degrés pendant trois heures, puis abandonnés à la température ordinaire pendant quarante-huit heures. Au bout de ce temps on n'obtint qu'une réduction très faible, à peine per- ceptible avec la totalité de chaque mélange. Dix centimètres cubes de solution sucrée, conservés dans les mêmes conditions, sans addi- tion de salive, donnèrent d’ailleurs une réduction identique. L'erreur dans laquelle semble être tombé M. Richet s'expliquerait peut-être par ce fait qu’il s’est servi de sucre candi. Ce sucre, surtout quand il est en gros cristaux, renferme une proportion notable de glucose. Le sucre en grains lui-même, tel qu'on l’expédie aux raffineries et qui est réputé comme le plus pur est souvent souillé de quantités appréciables de sucre réducteur. Un échantillon que nous avons eu entre les mains nous à donné, après lavage à l'alcool, une proportion de près de 2 grammes de glucose par kilogramme. Il était donc indispensable avant de rechercher si la salive peut intervertir le sucre de canne, de purifier celui-ci; ou bien il fallait faire la recherche quantitative- ment. Pour ce qui est de la salicine, on a mis dans un tube à essai 40 centigrammes de ce corps et 10 centimètres cubes d’eau. On a ajouté 2 centimètres cubes de salive. Après vingt-quatre heures aucun dédoublement ne s'était produit. On a fait un essai analogue en maintenant d’abord le liquide pendant trois heures à 40 degrés et l'abandonnant ensuite à la température ordinaire pendant vingt- quatre heures. On n’a pas davantage constaté de formation de sucre. Enfin, en troisième lieu, nous avons vérifié ce fait, admis d’ailleurs par les physiologistes, que l’inuline n’est pas changée en lévulose par la salive. Ainsi donc, la diastase salivaire, pas plus que la diastase des Cé- { Cette proportion varie avec l’époque de la fabrication. 410 EM. BOURQUELOT. phalopodes, pas plus que la diastase végétale, n'agit sur le saccha- rose, la salicine, l'inuline. Ces diastases doivent par conséquent être regardées sous ce rapport comme possédant les mêmes propriétés. En réalité, les corps sur lesquels leur action est certaine sont : l'a- midon, le glycogène et la dextrine. Mais, si le sens de l’action est le même pour chacun de ces ferments, les résultats qu'elle produit sont-ils identiques ? Autrement, une des trois matières fermentes- cibles étant donnée, chacune des diastases mises en rapport avec elle dans les mêmes conditions, mène-t-elle aux mêmes transforma- tions? En un mot, le mécanisme de la fermentation peut-il différer avec la diastase ? Il estbhien établi depuis longtemps que le produit final de l'action des acides dilués sur l’'amidon est du glucose. Kirschoff l'avait mon- tré en 1811 en même temps quil annonçait qu'il se forme d’abord des corps intermédiaires de la famille des dextrines. Lors de la dé- couverte de l’action de la salive sur l'amidon par Leuchs (1831), on admit par analogie que cette action est identique à celle des acides, et cette opinion s'est perpétuée jusque dans ces derniers temps. Dubrunfaut avait cependant fait voir, dès 1837, qu'il n'y a pas iden- tité entre le glucose et le sucre qui se produit avec l'orge germé. Mais son opinion, émise indépendamment de la séparation de ce sucre qu'il appela maltose, fut contestée jusqu'à O’Sullivan. Ce der- nier chimiste réussit à obtenir la maltose à l'état cristallisé ; il en éta- blit les propriétés, très différentes de celles du glucose, et la dé- couverte de Dubrunfaut fut par là mise hors de doute. O’Sullivan s'était borné à l'étude de l’action de la diastase végétale, MM. Musculus et de Méring ‘ entreprirent de rechercher celle de la diastase animale. Il y avait leu de supposer que ce dernier ferment donnerait naissance au même sucre el aux mêmes transformations que le premier. C'est, en effet, la conclusion à laqueile les condui- sirent les résultats de leurs recherches. D'après ces expérimentaleurs, la salive et le suc pancréatique fournissent avec l’amidon hydraté les mêmes produits de dédouble- ment que la diastase, à savoir : dextrines réductrices, maltose et glu- cose. Lorsque la salive à achevé son action sur l’empois d'amidon, le pouvoir réducteur se trouve être de 52, si l'on représente par 100 4 III. DES SUCS DIGESTIFS DES CÉPHALOPODES. AM celui qu'’aurait eu le mème amidon transformé entièrement en glu- cose. Le mélange renferme une quantité de glucose égale à environ. 4 pour 100 de la féculs employée, et une proportion de maltose égale à 70 pour 100. D'après O0. Nasse, dont le travail parut à la même époque , les ferments salivaire et pancréatique ne produiraient pas de glucose. Il se formerait, sous leur influence, un sucre particulier, inconnu, auquel il donne le nom de ptyalose, différent de la maltose. Les fer- ments donneraient naissance en même temps à une dextrine non réductrice. En outre, le pouvoir réducteur de l’amidon n'arriverait pas au-delà de 45 ou de 47 sous l'influence de la salive. L'existence de la ptyalose est aujourd’hui niée par tout le monde. Seegen, de son côté ?, arrive à des résultats assez rapprochés de ceux de MM. Musculus et de Méring au point de vue du maltose, pro- duit auquel il donne un nom partculier. O’Sullivan, dans un mémoire postérieur à celui de MM. Musculus et de Méring *, conteste quelques points de détail, D’après lui, 100 parties d’amidon fournissent 70,37 de maltose. Marker prétend qu'il s’en fait 80,9 pour 400, et Basswitz * annonce que la plus grande proportion qu'il ait pu obtenir est de 67 pour 109. On peut encore lire sur ce sujet les mémoires de Herzfeld *, d'Ho- race Brown ‘. On voit, en définitive, que tous les chimistes qui se sont occupés de rechercher les transformations que subit l’amidon sous l'influence des ferments diastasiques ne sont pas absolument d'accord, en sorte qu'il est permis de supposer qu'il reste encore quelques points à éclaircir de ce côté. Nous ne pouvions nous arrêter, quant à nous, à chercher, à con- trôler ces résultats, dans l'espoir de comparer plus facilement et avec plus de certitude l’action de nos ferments avec celle des fer- ments diastasiques connus. Nous sommes convaincu d’ailleurs, 1 XXII. 2 XXIV. 3 XXIII. + XXV. $ XXVI. 6 XXVII. 442 EM. BOURQUELOT. comme nous l'exposerons plus loin, qu'il y a là des causes de varia- tion inhérente aux propriétés de l'amidon, et par conséquent in- dépendantes de l’habileté de l'expérimentateur. En fait, pour qu'une comparaison puisse être établie, il faut que le point de comparaison soit fixe.et non variable, autrement cela devient affaire d'impression, et chacun conclut suivant l'idée qui le mène. Il nous semble, à sup- poser que l’amidon ait un dédoublement fixe, connu ou inconnu, qu'on peut, sans se préoccuper de ce dédoublement, arriver à une comparaison à l'abri de toute critique, en opérant ainsi qu'il suit : 4° On traite pendant un excès de temps une même quantité d’ami- don hydraté, d’un côté, par de la salive, de l’autre, par du ferment diastasique des Céphalopodes, — ces ferments étant en excès, —et lon voit si l’on à communiqué à chacune des quantités d’amidon le même pouvoir réducteur ; 2° on répète les mêmes essais avec une dextrine purifiée convenablement 1. Afin d’être à même de comparer les pouvoirs réducteurs entre eux, on les a toujours établis par rapport au pouvoir qu’on com- munique à un même poids d’amidon hydraté, en le soumettant à une ébullition suffisamment prolongée avec de l'acide sulfurique étendu, c'est-à-dire en le transformant en glucose. Prenons une de nos expériences comme exemple pour fixer les idées. On met dans un tube à essai 20 centimètres cubes d’empois récemment préparé et agité préalablement au prélèvement ; on ajoute 2 centimètres cubes de salive filtrée. On mélange et l’on abandonne pendant vingt-quatre heures à la température de 20 de- grés. On en fait alors 100 centimètres cubes en y ajoutant de l'eau 1 O’Sullivan et les chimistes qui ont étudié la question après lui, se sont basés pour établir les pouvoirs réducteurs sur la quantité théorique de sucre que peut fournir par dédoublement l’amidon en expérience. Cette quantité théorique était calculée après dessiccation complète de cet amidon à 110 degrés. Nous avons pré- féré, en raison des légères variations que peut présenter l’empois, quelque soin qu'on prenne à le préparer, établir à chaque série de recherches son action sur la liqueur cupro-potassique après transformation complèle en glucose par ébullition avec l'acide sulfurique étendu. On a bien prétendu qu’on ne pouvait arriver ainsi à cette transformation complète; mais des expériences préalables nous ont démontré le contraire. C’est ainsi qu'ayant calculé la proportion théorique de glucose que pouvait fournir une fécule préalablement desséchée à 110 degrés, nous avons trouvé 96,35 pour 100, alors que la même fécule nous avait donné par ébullition avec de l'acide sulfurique étendu, et dans des conditions que nous ne relatons pas ici 96,38 pour 100 dg glucose. Ces chiffres peuvent être considérés comme iden- tiques. nn DES SUCS DIGESTIFS DES CÉPHALOPODES. 413 distillée; puis on verse ce liquide, au moyen d'une burette graduée, dans un ballon contenant 10 centimètres cubes de liqueur cupro- potassique maintenue à l’ébullition jusqu’au moment où se produit la décoloration. Il faut 34 centimètres cubes deux dixièmes de solution. Sur ce qui reste, on prélève 60 centimètres cubes et l’on achève la transformation en sucre en faisant bouillir ce liquide additionné de 4 centimètres cubes d’acide sulfurique au tiers pendant une heure environ. On ramène à 60 centimètres cubes. Cette fois il ne faut que 180 divisions pour décolorer les 40 centimètres cubes de liqueur. Représentons par 100 le pouvoir réducteur de cette dernière solu- tion. Les pouvoirs réducteurs des deux solutions sont évidemment en raison inverse de la quantité de ces solutions qu'il faut ajouter pour amener la décoloration d'une même quantité de liqueur bleue, en sorte que si l'on appelle x le pouvoir réducteur de la solution avant le traitement par l'acide sulfurique, on aura T 180 : + 100 —= 3% d'où æ —=5%6: S1 les diastases soumises à l'examen sont identiques, ces chiffres 100 et 52,6 ne doivent pas varier avec le même amidon. C'est cette identité que nous avons constatée, comme cela ressort du tableau suivant représentant un certain nombre d'essais avec la salive de l'homme et le ferment diastasique des Céphalopodes. L'empois qui nous a servi est celui dont on a décrit précédem- ment la préparation. On a toujours expérimenté sur 20 centimètres cubes de cet empois, dont on faisait 100 centimètres cubes après l'action de la diastase. Pour les ferments, on s’est servi des produits obtenus par l'intermédiaire de l'alcool (voir plus haut). La durée du contact a toujours dépassé vingt-quatre heures, et l’on a fait chaque essai sur {0 centimètres cubes de liqueur bleue. Diastase. SOS k Quantité Pouvoir Quantité Ferments, de liquide réducteur. de pour décolorer. liquide, Foie de Poulpe, 10 centigrammes.. 34.6 52.0 180 Foie de Sèche, 10 centigrammes. . 34.2 52.6 » f Pouvoir réducteur, Salive, 4 centimètres cubes.. . . . 34.9 52.6 » 100 Salive, 6 centimètres cubes.. . . . 33.9 Da47 » Dans une deuxième série d'expériences, avec un deuxième empois préparé cependant de la même manière, les chiffres de la deuxième colonne se sont rapprochés de 37.0. Dans une troisième série, ces A4 EM. BOURQUELOT. chiffres ont été de 35.0. Les chiffres de la quatrième colonne ont été de 180 ou 184, de telle sorte que les pouvoirs réducteurs étaient de 48 et de 52. Quoi qu'il en soit, l’action de la diastase des Céphalo- podes est bien la même que celle des animaux supérieurs. Néanmoins, afin qu'il ne restât pas de doute dans l'esprit, nous avons songé à essayer l’action des diastases sur la dextrine. Ce corps présente l'avantage d’être soluble et l’on est toujours certain, en prélevant des volumes égaux de solution, d'avoir des poids égaux de dextrine. On prend 250 à 400 grammes de dextrine du commerce qu'on dissout dans 600 à 700 grammes d'eau distillée ; on filtre. La solution est précipitée par de l'alcool à 90 degrés. Cette précipita- ton fournit de la dextrine sous forme d’une matière à consistance de styrax. On la redissout dans l'eau et Pon précipite une deuxième fois par l'alcool à 80 degrés. On répète la même opération une troisième fois en se servant d'alcool faible. Dans ces conditions la dextrine se précipite sous forme de flocons isolés. On laisse déposer et on lave par décantation avec de l'alcool faible d’abord, puis par de l’alcool à 80 degrés et enfin par de l'alcool absolu. Ce dernier traitement donne un produit grenu et un peu cristallin, En essayant cette dextrine à la liqueur cupro-potassique, on trouve qu'elle réduit encore faiblement. Son pouvoir réducteur, calculé dans les mêmes conditions que plus haut, est de 3. La dias- tase agit sur elle, mais dans des proportions moindres que sur l’empois d'amidon. Cela est, du reste, en accord avec ce que l’on sait de la présence de dextrines dans le produit de l'action de la dias- tase sur l’amidon. Voici un tableau fait de la même manière que celui qu'on à vu précédemment: Liquide nécessaire Liquide pour décolcrer Pouvoir nécessaire Ferment. après l’action réducteur. après l'action de la diastase. de SO#. Foie de Poulpe, 20 centigrammes.. . 460 40 185 Foie de Sèche (glycérine), 10 cent. , 456 40 » Salive, 5 centimètres cubes. . . . , 458 » » Salive, 2 centimètres cubes. . . . , 458 » » Ainsi donc il parait bien prouvé que toutes ces diastases donnent lieu aux mêmes dédoublements, puisqu'avec l'amidon, comme avec la dextrine, on obtient les mêmes résultats relatifs. DES SUCS DIGESTIFS DES CÉPHALOPODES. 415 CONCLUSIONS CONSIDÉRATIONS SUR L'ACTION DE LA DIASTASE SUR L'AMIDON ET SUR L'ABSENCE PROBABLE DE SUCRE DANS LE FOIE DES CÉPHALOPODES. Des résultats que nous ont fournis les recherches qui viennent d’être exposées, il semble que l’on puisse tirer les conclusions sui- vantes : 1° Le liquide sécrété par les glandes salivaires des Céphalopodes n’exerce d'action ni sur l’amidon brut, nisur l’amidon hydraté ; 2° Le foie de ces animaux sécrète un liquide qui n’agit pas sur l’amidon brut, mais saccharifie l’amidon hydraté ; 3° Le pancréas des Céphalopodes jouit des mêmes propriétés que le foie par rapport aux deux amidons. Cette troisième conclusion nous paraît ressortir surtout des résul- tats que nous a fournis l’étude du pancréas de la Sèche, lequel est isolé du foie. Jusqu'à présent, bien que les zoologistes considèrent le pancréas des Décapodes comme l’homologue de l'organe auquel on a donné le même nom chez les Octopodes, néanmoins on n’a pas encore, que nous sachions, démontré anatomiquement cette homologie. Et cette démonstration ne serait pas superflue, étant donnée la grande différence d’aspect qui existe entre les deux. Nous faisons remar- quer que d’après nos recherches cet organe renferme de la diastase animale chez les uns comme chez les autres. Il y aurait donc iden- tité dans la fonction. Il y a là un argument en faveur de la croyance à l’homologie de ces organes. Cet argument n’a d’ailleurs qu'une faible valeur, étant d'ordre physiologique, car des organes homolo- gues ont souvent une fonction physiologique différente. Dans l'es- pèce, la constatation d’une connexion nerveuse aurait une tout autre importance. 4° Le ferment que produisent ces deux derniers organes (foie et pancréas) est identique à la diastase salivaire des animaux supérieurs. En effet : a. Comme la diastase salivaire, ce ferment saccharifie l’amidon hydraté. b. Comme la diastase salivaire, il n’a d'action ni sur le saccharose, 16 EM. BOURQUELOT. ni sur la salicine, ni sur l'inuline. Quelques physiologistes avaient émis l'opinion que la salive intervertit le sucre de canne, et, d’après Städeler, on croyait que ce même liquide dédouble la salicine. D'après nos recherches, la salive n’a aucune action sur ces deux COTpPS. ce. Non seulement la diastase salivaire et la diastase des Céphalo- podes agissent dans le même sens sur l’empois d'amidon ; mais le dédoublement qu'elles produisent est identique. Ainsi le pouvoir réducteur susceptible d'être communiqué à une certaine quantité d’amidon par l’ébullition avec l’acide sulfurique étendu étant repré- senté par 400, le pouvoir réducteur communiqué à une même quan- tité d’un même amidon transformé en empois, par l’une ou l’autre diastase, est identique. Il a été de 52 dans un cas, de 48 dans un autre et de 51 dans un troisième. En parcourant les nombreux mémoires qui ont paru depuis le premier travail de O’Sullivan sur le dédoublement de l’amidon par la diastase, on est frappé des différences existant entre les résultats indiqués par leurs auteurs. Un seul point est accepté aujourd'hui par tout le monde: c'est la production de la maltose. Tout le monde aussi, à quelques nuances près, est d'accord sur les propriétés de ce corps. Mais personne ne s'entend relativement à la quantité de maltose produite par l’action de la diastase sur un même amidon, ou, pour parler plus justement, sur le pouvoir réducteur communiqué par la diastase à une même quantité d'amidon transformé en empois. On à vu que le chiffre indiqué par Musceulus était de 52, celui de Nasse de 45 ou 47. Nous avons trouvé 51, 48 et 52. On ne peut évidemment chercher la cause de ce désaccord dans des erreurs d'expériences. Les chimistes qui se sont occupés de la question sont nombreux, et il faudrait supposer qu'ils se sont tous trompés. On ne doit pas non plus attribuer à la diastase une activité variable avec sa provenance. On se trouve äonc forcé, pour trouver une explica- lion, de s'adresser à la matière elle-même soumise à l’expérimen- lation. Les chimistes qui se sont proposé de résoudre le problème de la saccharification de l'amidon onttoujours posé ainsi la question: étant donnée une certaine quantité d'amidon transformé en empois, chercher ce que devient cet amidon après achèvement de l'action diastasique. S’occuper également de définir le rôle du temps et de la température relativement à la rapidité de cette action. Mais il ne EEE à DES SUCS DIGESTIFS DES CÉPHALOPODES. 417 nous paraît pas qu'on se soit entendu préalablement sur la prépa- ration de l’empois essayé. L'amidon ne peut pas être considéré comme un hydrate de car- bone unique, mais comme une réunion de plusieurs hydrates de carbone ; conformément à la théorie de la constitution de la cellule en général et du grain d’amidon en particulier, d'après laquelle la matière qui constitue cet amidon est un ensemble de couches di- versement hydratées, l’hydratation allant en s’accroissant irréguliè- rement de l'extérieur vers le centre. Dans ces conditions, quoi de plus naturel que de supposer que ces divers amidons résistent différemment à l’action de l’eau prise à des températures variées? En d’autres termes, n'est-il pas logique de penser que l’on obtient des quantités variables d'empois (amidon hydraté) suivant la température à laquelle on porte la matière, sui- vant la quantité d'eau employée, et encore suivant le temps de l’opé- ration ? Et si l’on admet, comme nous l’admettons nous-même, que la diastase animale n'agit pas sur l’amidon brut, mais sur l’amidon ayant subi une première transformation, on comprendra que le résultat final de son action soit différent suivant la proportion de ce deuxième amidon intermédiaire obtenue dans la fabrication de l’em- pois. On comprendra également que les chiffres représentant ce ré- sultat soient différents avec les expérimentateurs et même dans chaque opération. Si cette manière de comprendre l’action de la diastase sur l’ami- don est la bonne ; lorsqu'on étudie cette action en portant à des températures variées, croissantes si l’on veut, un mélange d’amidon brut, de diastase et d’eau, on laisse inévitablement de côté un fac- teur important, sinon le seul de la question. C’est la quantité de cet amidon intermédiaire, susceptible d’être saccharifié, qui se fait à ces diverses températures. Le phénomène se passe en deux temps : 1° L'eau à la température de l'opération hydrate une certaine quantité d'amidon ; 2° La diastase saccharifie cette quantité d’amidon. Chacune de ces réactions a d’ailleurs ses facteurs, qui sont le temps, la dilution, et pour l’action de la diastase, la température. Pour voir si cette manière de comprendre l’action diastasique pouvait se soutenir, nous avons fait un certain nombre d’expérien- ces, nous réservant d'ailleurs d'étudier bientôt la question plus en détail. ARCH. DE ZOOL, EXP. ET GËN, = T, X. 1889, 27 418 EM. BOURQUELOT. On a maintenu pendant des temps égaux des quantités égales d’amidon purifié délayé dans une même masse d’eau à des tempé- ratures variées. Après quoi on a laissé les mélanges reprendre la température ordinaire. On les a additionnés de salive, on a attendu vingt-quatre heures, on a recherché le sucre avec la liqueur cupro- potassique. Comme on devait s’y attendre, l’action de l’eau sur Pa- midon, aux températures comprises entre 20 et 45 degrés, même après une dizaine d'heures, a été presque nulle. La diastase n’a pro- duit aucune saccharification, sauf peut-être pour l’amidon maintenu à 45 degrés, qui a donné lieu à un précipité insignifiant d’oxydule de cuivre. Il ne pouvait pas en être autrement, puisque l’amidon des plantes peut être exposé à ces températures. Mais, à partir de 50 degrés, l’action hydratante de l’eau se dessine. Voici trois résultats se rapportant aux températures 50, 55, 60 de- grés. La quantité d'amidon soumise à l'expérience était de 20 centi- grammes délayés dans 10 centimètres cubes d’eau. On fit durer l'action trois heures. Comme nous l’avons fait jusqu'ici, nous com- parons le pouvoir réducteur communiqué par la diastase à celui que l'acide sulfurique étendu communique à la même quantité d’amidon par une ébullition suffisamment prolongée. Pouvoir réducteur Température. Pouvoir réducteur par SO?. par diastase, # 50 100 3.2 39 7 100 8 60 100 25 À partir de 55 degrés le pouvoir réducteur croît très rapidement. On n'ignore pas d’ailleurs que l'action hydratante de l’eau peut ètre favorisée par certains agents chimiques, en sorte que certains résultats obtenus avec l'eau seule à une température élevée peuvent s’obtenir par le secours de ces agents à une température plus basse. Nous formulons donc à titre d'hypothèse, et comme pouvant ex- pliquer certains faits et contradictions, les propositions suivantes : 4° L'amidon, pour être saccharifié par la diastase, doit avoir subi une première action hydratante, et cette première action, quand elle est obtenue avec l'eau, s'exerce à des degrés divers, suivant la tem- péralture. 2° L'action de la diastase doit être considérée en dehors de cette hydratation ; en sorte que si dans l'économie animale l’'amidon brut DES SUCS DIGESTIFS DES CÉPHALOPODES. 419 est saccharifié par elle, ce n'est qu'après avoir été hydraté préala- blement dans des conditions encore inconnues. L'existence dans le foie des Céphalopodes d’un ferment diastasique fait involontairement songer à la question de savoir sile foie des Céphalopodes jouit dela fonction glycogénique. La diastase, en effet, jouit de la propriété de saccharifier le glycogène, et cela presque in- stantanément. Glycogène et ferment peuvent-ils se trouver ensemble dans la même glande? On répondra que dans le foie des Vertébrés on trouve du glycogène et un certain ferment hépatique se produi- sant et agissant dans des conditions déterminées. Mais si le foie des Céphalopodes renferme du glycogène, la trituration de cet organe aura pour effet certain de mettre en présence le ferment et la ma- tière sucrée, de telle sorte qu'en dernière analyse on devra pouvoir retrouver le sucre produit dans la matière. Or, d'assez grandes quan- tités de foie de Poulpes et de Sèches ont été triturées, puis traitées par l'alcool pour l'extraction du ferment. Il n’a jamais été possible de caractériser le sucre dans la solution alcoolique évaporée, puis reprise par l’eau. Il est donc assez difficile de ne pas conclure à la non-existence, au moins temporaire, du glycogène dans le foie des Céphalopodes. Ce fait serait d’ailleurs assez en rapport avec ce que l’on sait aujour- d’hui du foie des Mollusques en particulier. Get organe, que l’on a appelé fote en raison de ses rapports anatomiques, devrait être appelé plutôt pancréas en raison de ses fonctions physiologiques. Il ren- ferme du ferment peptique et un ferment diastasique. Etant sous ce rapport si différent du foie des animaux supérieurs, il n’y aurait rien d'étonnant à ce qu'il fût dépourvu de la fonction glycogénique. Enfin, en voyant des animaux carnivores pourvus d’un ferment se rapportant aux aliments herbacés, on ne manquera pas de se de- mander quel est chez ces êtres le rôle d’un pareil ferment. Mais, outre qu'anatomiquement il ne manque pas d'organes réputés inutiles, même nuisibles comme l’appendice cæcal, dont l'existence a son importance aux yeux des partisans de la théorie de la descendance, et que par conséquent on ne peut juger extraordinaire de trouver dans l'économie des fonctions sans objet, il serait hasardé de pré- tendre que le ferment diastasique ne possède qu'une action, celle qu'il exerce sur l'empois d’amidon, bien qu'actuellement on ne lui en connaisse pas d’autre. 420 EM. BOURQUELOT. L'émulsine ne jouit-elle pas de la propriété de dédoublerl’amygda- line, la salicine, la coniférine et d’autres glucosides ou leurs compo- sants? Il est donc prudent de s'en tenir au fait lui-même sans faire de généralisation au delà. En. BOURQUELOT. INDEX BIBLIOGRAPHIQUE 1. CI. BerNaro. Leçons de physiologie expérimentale, t. 17, p. 23; €. I, p. 167, 375 et suiv. . MuscuLus ET GRuger. Sur l’amidon (Bull, de la Société chimique, t. XXX p. 54). 3. MuscuLus Er DE MÉRING. De l'action de la diastase de la salive et du suc pancréalique sur l'amidon et sur le glycogène, id. (t. XXXE, p. 405-116). 4. SræÆDELER. Kleinere Miltheilungen über die Wirkung des menschlichen Spei- chels auf Glucoside (Jour. für pract. Chemie, 1857, t. LXXII, p. 250). 5. P. Berr. Physiologie de la Sèche (Mémoires de la Société des sciences phy- siques et naturelles de Bordeaux, t. V, 1867, p. 119). 6. KrRukENBERG. Vergl. physiol. Beilrage zür Kentniss der Verdangsvor- gänge (Untersuchungen aus d. physiol. Institute der Universität Heidel- berg, 2, 1, 1878. — Herausg. von D' W. Kühne). . L. FrépéricQ. Sur l’organisation et la physiologie du Poulpe (Archives, de =oologie expérimentale, 1878). 8. Jousser DE BELLESME. Recherches sur la digestion chez les Mollusques ci- phalopodes (Comptes rendus, t. LXXVII, n°9 et n° 6). 9. Jousser pe BELLESME. Recherches expérimentales sur la digestion des Insec- tes el en particulier de la Blatte (1875). 40. J. Vicenius. Ueber das sogenannte Pankreas der Cephalopoden (Zoologischen Anzeiger, 1831, no 90). 11. ARISTOTE, lib. IX, cap. Lix ; Camus, p. 596. 12. AvosroripÈs ET DELAGE. Les Mollusques d'après Aristote (Arch. de zool. expérim., vol. IX, fasc. 3). 13. Férussac ET D'ORBIGNy. Histoire nalurelle des Céphalopodes acétabuliferes, p. 259. 14. Fiscner. Annales des sciences naturelles, Ve série, t. VI. 15. Cuvier. Leçons d'anatomie comparée, publiées par Duméril. Edition belge, t. Il, p.438, 453, ou Mémoire sur les Céphalopodes, p. 27. 46. Marne. Mém. sur la digestion et l'assimilation des matières amyloïdes et sucrées, 1846, p. 13. 17. Wairnica. Kœnigsb. med. Jahrb., I, p. 196. 18. Hopre-SEyLcer. Physiol. Chemie, p. 188. to 19. GonuPp-BEsANEZ, Traité de chimie physiologique, t, Fr, trad. Schlagden- hauffen, INDEX BIBLIOGRAPHIQUE. 421 . Ch. Ricner,. Du sue gastrique chez l'homme et chez les animaux, p. 116. note ; 1878. 21. Mirne-Enwanrps. Leçons sur la physiologie, t. VIE, p. 58, note. 2, O. Nasse. 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Cette dernière, le Stylorhynchus longicollis, m'a fourni quel- ques détails complémentaires que je crois devoir publier. En écrasant un kyste, peu de temps après que le mouvement si curieux des sporcblastes a cessé et en faisant agir sur ceux-ci l'acide osmique etle picrocarmin, on voit très aisément que ces sporoblastes sont formés par un beau noyau sphérique avec un nucléole poncti- forme, le tout entouré d'une atmosphère de granules réunis sans doute par un peu de plasma. Habituellement tous ces sporoblastes s'étalent les uns à côté des autres sur le porte-objet et l'acide os- miqueles fixant dans cette position, quand on les a colorés, on croi- rait voir une couche continue de plasma fortement granuleux avec noyaux placés à intervalles réguliers (fig. 28). Prend-on les spores au moment où elles viennent de se constituer, quand leur paroi est encore incolore et vient-on à les écraser avec adresse sous le porte-objet, on reconnaîtra à leur intérieur un noyau bien coloré avec nucléole et un amas de granules logeant le noyau excentriquement. Bref, la jeune spore ne diffère du sporoblaste qui vient de nous occuper que par la production d’une paroi. Elle a dès lors ses dimensions définitives, 41 & pour la longueur et 8 y pour la hauteur (fig. 29). Si l’on prend la spore plus âgée, müre, quand le kyste l'a mise spontanément en liberté, on trouvera tout autre chose. Je termi- nais l'histoire des spores du genre Séylorhynchus dans mon ancien travail par cette remarque : « Si les premières observations que j'ai faites sont exactes, les spores gardées longtemps dans l'eau montrent à leur intérieur la différenciation de six à sept corpuscules. » Ces observations étaient exactes en vérité, et en ayant recours à l'acide 424 AIMÉ SCHNEIDER. osmique et au picrocarmin, il n'est pas même nécessaire de laisser les spores dans l'eau pendant quelque temps pour mettre hors de doute la présence, à leur intérieur, de corpuscules falciformes des plus caractérisés. Une fois les spores spontanément libérées, comme je le dis, la recherche peut être faite avec succès. Ecrasées sous la lamelle recouvrante dans une gouttelette d'acide osmique, puis colorées, elles montreront chacune une coque rompue, tantôt en un point, tantôt en l’autre, le plus ordinairement suivant un mé- ridien et 7 à 8 corpuscules falciformes, les uns entièrement sortis, les autres encore à l'intérieur. Il peut même arriver que le hasard les ait tous fait demeurer en place dans leurs rapports, tout en ayant permis aux réactifs de les fixer et de les colorer. Quand ils sont en situation naturelle, on ne peut guère en voir à l'intérieur de la spore que la coupe optique et ils se dessinent comme autant de cercles dont chacun présente une tache colorée en rouge, répondant au noyau. Quand ils sont sortis, leur configuration et leur structure se révèlent aisément. Ils sont légèrement piriformes, altténués à une extrémité, renflés à l’autre ; mais ce qui les rend surtout remar- quables, c'est la longueur de leur noyau nettement ovalaire, mesu- rant presque la moitié du grand diamètre du corpuscule. Je n'ai pas réussi à voir de nucléole dans ce noyau (fig. 30). Je crois avoir été le premier à signaler l'existence d’un noyau dans des corpuscules falciformes et cela chez le Monocystis du Lombric. J'ai attaché une certaine importance au fait de sa présence pour la critique du travail de Lieberkühn sur l’évolution. Mais il est clair qu'en dehors de cet intérêt tout.relatif, l'existence du nucléus, sinon chez les corpuscules falciformes de toutes les espèces (cela n'a pas encore été démontré), du moins chez ceux de plusieurs espèces bien étudiées offre une grande importance pour l'histoire des grégarines, pour le mécanisme de la sporulation, pour la discussion de la valeur morphologique de la spore, du corpuscule, pour l'ontogénie de la grégarine. Depuis mon travail, Bütschlit a signalé la présence d'un nucléus dans les sporoblastes de la Clepsidrina blattarum. L'habile observateur ne doute même pas que cefnoyau ne se retrouve dans la spore mûre. Le même auteur a vérifié l'existence d'un noyau dans les corpuscules ! Kleine Beilräge zur Kenntnis der Gregarinen (Zeilsch, für wiss. Zool., vol, XXXV, p. 344 et suiv., avec les planches XX et XXJ, 1881). CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES GRÉGARINES. 495 falciformes du Monocystis du Lombric et, avant la formation de ceux- ci, dans le plasma de la spore (loc. cit, pl. XXL fig. 15, 16, 47, 18). L'intérêt que ces détails, tout minimes qu'ils sont en apparence, peuvent offrir pour la science n’a pas échappé à cetauteur, qui regrette seulement que ses observations sur le sujet n'aient pu être plus complètes. Celles que je présente ici réclament, elles aussi, un double complément d’information. Il reste à démontrer, en effet, par quel mécanisme les noyaux des sporoblastes dérivent de ceux des gréga- rines enkystées et comment le nucléus sphérique du sporoblaste se comporte pour engendrer les 7 ou 8 noyaux ovalaires des cor- puscules falciformes, puis comment chacun de ceux-ci revient au noyau de la grégarine. Ce sont là autant de points dont je pense pouvoir donner bientôt la solution. En attendant, il importait de signaler sans désemparer la remarquable concordance que les spo- roblastes, les spores et les corpuscules falciformes présentent chez deux espèces aussi éloignées que le sont le Séylorhynchus longrcolles etle Monocystis du Lombric, qui marquent presque les deux extrêmes de la série des grégarines. Cette concordance est l'indice certain que nous sommes en présence d’un fait très général, dont la connais- sance importe au plus haut point à l’histoire du groupe comme à celle de ses affinités avec les psorospermies oviformes. Bien qu'il soit loisible à chacun de constater de point en point la rigoureuse exactitude de tous les détails relatifs à la formation des spores et à celle des corpuscules dans la grégarine du Zlaps, insecte si commun dans les celliers, je crois devoir encore revenir sur ce sujet pour bien établir que je n'ai pas été victime d’une de ces illu- sions que certain auteur, professant à Lille, me prête si facilement. On sait que ce savant ne croit pas aux spores corpusculées ou plutôt qu'ils les fait dériver d'une chytridie intransigeante, qui, postée quelque part à proximité de l’anus de l’insecte ou s’acharnant aux kystes après qu'ils sont déposés, n’en laisse pas un exempt d’infec- tion parasitaire, à l'exemple de ces terribles justiciers qui pondent une critique sur toute œuvre nouvellement éclose dans leur voisi- nage. Je dis pourtant qu'en dépit de cette joyeuse théorie, et non- obstant ce que l’analogie précitée peut avoir de séduisant, le genre Stylorhynchus en la personne du $. longicollis présente des corpus- cules falciformes, appartenant en propre à ses spores. C’est un fait d'une très grande importance, car j'en tire la conclusion qu’en ré- visant les spores des genres dont j'avais cru jusqu'ici les germes à 426 AIMÉ SCHNEIDER. plasma homogène, et en me plaçant dans des conditions convena- bles, j'arriverai peui être à démontrer partout la présence de ces pe- üts corpuscules. Pourquoi diable aussi les chytridies sont-elles quel- quefois si lentes à s’acharner à moi et à mes kystes, que je ne risque guère de metromper que quand je ne sais pas attendre mes invi- sibles bourreaux ? Or, il faut confesser mon erreur et j'avoue ici humblement que j'ai eu tort d'hésiter, que le genre Stylorhynchus a des spores corpusculées. J'hésite d'autant moins à faire cet aveu que le chytridisme a fait aussi une victime et une illustre en Alle- magne. Bütschli, en effet, sans se douter de l'illusion, admet l'exis- tence des spores à corpuscules dans les grégarines comme la chose du monde la plus naturelle et sans se soucier plus que moi de l'or- donnance rédigée pour la circonstance par M. Giard. Voici la copie du certificat qui m'a été délivré : À. Schneider a négligé de suivre les kystes non parasités. Il à commis la même erreur que les anciens carcinologistes qui considéraient les œufs des sacculines comme la pro- géniture des crabes ! (Bull. scientif. du départ. du Nord, 2° série, 1" an- née, n° 8 et {, p. 207). Cela s’appelle ne pas se régler sur de méchants modèles ; la ma- nière est d’un maître, la sentence d'un juge. Voyons les considérants : « L'étude complète d’une Psorospermie parasite de l’Echimocardium cordatum m'a prouvé qu'il n'existait dans l’évolution de ce champignon rien qui ressemblât à une gré- garine, et l'étude de certaines grégarines des Ascidies m'a montré, d'autre part, qu'il n'existe, chez ces animaux d’une facon normale, rien de comparable aux spores des Psorospermies. » (Loc, cit.) De quelles Psorospermies l’auteur veut-1l parler ? des Coccidies, des Myxosporidies, des Psorospermies utriculeuses? je n’en sais rien. Sa Psorospermie est un champignon une ligne plus bas ; un cham- pignon de quel groupe? I n'a vu dans sa Psorospermie ou son champignon rien qui res- semble à une grégarine. Ai-je jamais parlé des champignons ? Tout ce que J'ai dit sur les Psorospermies est relatif aux Coccidies, et si l’auteur ne voit en elles rien qui ressemble à une grégarine, je vou- drais bien qu'il expose en quoi elles se rapprochent plus des cham- pignons. On à parlé quelque part de cristaux, dont on à fait l’équi- valent d'un capillitium. L'auteur ignore donc que tous les Amibiens ont des criséaux dans leur plasma, et les Radiolaires, dont la capsule centrale est souvent gorgée de formations de ce genre, et qui don- CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES GRÉGARINES. 427 nent des spores tantôt sans, tantôt avec cristal! Capillitium, n'est-ce pas? Les Radiolaires sont des champignons marins. Le cristal de- venu capillitium, on a supposé une conjugaison entre les amibes qui pourraient dériver des .spores de ce nouveau champignon. Supposer est facile, mais cela ne suffit pas pour parler de son éfude complete. La conjugaison donnerait un plasmodium. C'est un mot magique; tout ce qui a un plasmodium ou peut être supposé l'avoir, doit être champignon. Pour moi le plasmodium n'est qu'un cas particulier de la greffe animale et je ne vois pas dans un processus physiolo- gique une base suffisante pour établir des rapprochements morpho- logiques. Les Radiolaires, les Forarminifères, les Amibiens auraient un plasmodium, deux ou plusieurs de leurs germes pourraient se fusionner ensemble que je n'y verrais pas de motif à en faire des champignons, pas plus qu’une cellule de Ficus elastica élaborant un cristal n’est une cellule de champignon. L’analogie dans le travail et les produits des organismes unicellulaires est remarquable sans doute, et elle pourrait être invoquée pour les rapprochements les plus opposés. Mais les ressemblances alléguées par l’auteur reposent _sur de simples suppositions. D'autre part, il me semble que l’auteur ne tient pas assez compte de cette similitude frappante dans les processus d'élimination, nu- trition, reproduction, quand :il dit que l'étude de certaines gréga- rines ne lui a montré rien de comparable aux spores des Psoro- spermies. Cela suppose d’abord que l’auteur sait ce que devient le kyste, ce qu'il produit à son intérieur. Or, s'il le savait, s'il tenait à cet égard le moindre fait en contradiction avec les idées régnantes, il y a longtemps qu'il l'aurait produit en lieu et place de ses cri- tiques stériles. Mais il l'ignore, ses kystes ne lui ont rien donné, il n'a rien vu, je l'affirme, et il a le devoir de me démentir, 1 a remplacé le fait absent par une supposition à son gré, et il se prend à nous dire qu'elle n’est pas comparable aux spores des Psorospermies ! Mais ici le champ de la supposition est assez restreint. Ces kystes ne sau- raient avoir la valeur d'œufs, puisque l’auteur laisse les grégarines dans les Protozoaires. Se divisent-ils purement et simplement en deux, pour donner deux nouvelles grégarines ? j'ose croire, s'il en était ainsi, que M. Giard n’eût pas été le premier à s’en apercevoir. Que peuvent-ils donc engendrer, sinon des corps reproducteurs ayant valeur et caractères de spores ? et si ce sont des spores, quelque configuration que l’auteur leur donne, c'est déjà, il me 428 AIMÉ SCHNEIDER. semble, une analogie avec les Coccidies ! I] faut que l'imagination de l’auteur soit bien féconde pour s'être tirée de cette difficulté. Nous attendons sa publication pour discuter la valeur de ces germes si cu- rieux. fl faut certaine assurance pour venir dire, sans avoir une observation positive à décrire, que tous les auteurs ont été victimes d'un fait de parasitisme. Des champignons, dit l’auteur, se dévelop- pent dans vos cultures ; mais il y a donc aussi des centaines de chy- üdies dans les testicules des Vers de terre pour que tous les kystes qu'on y recueille soient invariablement parasités ? On peut suivre toutes les phases de la formation des spores dans le kyste, et cela n'est pas une preuve que ces spores dérivent du plasma du kyste? M. Giard demandera bientôt qu’on lui prouve que le Poulet n’est pas un parasite nécessaire de l'œuf; il a peut-être à loger en lieu et place du Poulet un Vertébré de sa fabrique, un germe inconnu. J'ai affirmé que M. Giard n'a su rien ürer des kystes de ses grégarines d'Ascidies ou qu'il n'a su obtenir que des granulations molé- culaires résultant de la destruction du contenu. Veut-il la raison de son insuccès? Quand on met des kystes dans l’eau; il faut tous les jours changer cette eau et rincer le vase; sans cela, des champignons apparaissent et le kyste est perdu. J'en ai bien vu aussi de ces kystes qui étaient ainsi stérilisés, mais j'ai toujours trouvé la raison de la mort du kyste, c'était toujours un de ces cham- pignons que M. Giard patronne et dont il a été la première victime, qu'il le veuille ou non. Je demande pardon au lecteur de cette réplique. J'avais dédaigné de répondre aux critiques formulées par M. Giard dans son bulletin et rééditées par M. de Lanessan dans sa zoologie médicale. Mais M. de Lanessan reproduit encore, en 1882, le principal passage de M. Giard et il m'a semblé nécessaire d’en faire justice une lois pour toutes. Après trois ou quatre ans, la grande école zoologique de Lille nous doit autre chose sur ce sujet, que l’incessante répétition d'un refrain auquel personne n’a pris garde el qui n'a aucun sens. Déhiscence des spores.— Gràce à l’obligeance de mon préparateur et ami, M. Lemelle, qui a parcouru pour moi les celliers de plusieurs maisons de Poitiers, j'ai pu avoir assez de Plaps, cette année, pour me livrer à quelques expériences nouvelles. En voici une qui me pa- raît intéressante : Ayant fait mûrir quelques kystes du Stylorhynchus longicollis dans l'eau, comme à l'ordinaire, je ne les y laissai cependant pas Jusqu'à ALL = 1 CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES GRÉGARINES. 429 ce que la déhiscence se fût opérée. Retirés un peu avant, ces kystes furent placés dans un tube de verre de 5 centimètres de haut, à 2 cen- Fig. I. Chapelet de spores ouvertes par déhiscence naturelle sous l'influence du suc gastrique. — Fig. II. Sporozoïtes mis de la sorte.en liberté et se montrant sous leur véritable forme. — Fig. IL. Cellule épithéliale de la muqueuse du tube digestif du Blaps. On y distingue le noyau et, en outre, un corps ovoide renfermant lui-même un nucléus, corps que je regarde comme dé- rivant de la pénétration à l’intérieur de la cellule d'un sporozoïte (phase coccidienne de la gré- garine).—Fig. IV. Une autre cellule épithéliale, montrant au-dessus de son noyau une production consistant en un kyste rempli de spores et qui est un micrococcus. — Fig. V et VI. Cellule épi- théliale rompue, montrant une de ces productions sorties pour faire voir que celles-ci ne renfer- ment pas de noyau et que la méprise entre les deux ordres de corps inclus dans les cellules épithéliales est impossible, timètres environ de l’orifice extérieur, sur la paroi interne. Une goutte d’eau distillée étant mise dans le fond pour entretenir l'air humide, le tube fut soigneusement bouché et abandonné durant un 430 AIMÉ SCIINEIDER. mois dans une position inclinée. Après ce laps de temps, j'examinai les kystes, leur déhiscence avait eu lieu, mais les spores étaient en- core en une seule masse, car ce sont seulement les alternatives de sécheresse et d'humidité qui déterminent l'extension des branches des chapelets et favorisent la dissémination. Aucune végétation ne s'était établie sur ces spores, dont les pa- rois étaient nettes et luisantes. Le microscope (obj. à immersion, 9 et 10, ocul. 3 de Hartnack) me les montra dans l’état précis que j'attendais : de teinte enfumée, mais assez transparentes pourtant pour révéler à leur intérieur, au centre, un petit nucléus de reli- quat, tout autour des cercles pâles répondant aux corpuscules. Sûr du bon état de mes spores, j'allai à mes Blaps vivants, je pris le tube digestif de quatre ou cinq d’entre eux, et j'écrasai ces tubes avec leur contenu dans une petite capsule, après addition de quel- ques gouttes d'eau. Une feuille de papier à cigarettes, fixée par un caoutchouc sur l'embouchure d'un tube, et percée de quelques trous d’épingle à insectes, constitua un tamis sur lequel cette bouil- lie fut jetée. I retint les grosses impuretés et je laissai reposer le liquide trouble qui passa. Ayant pris quelques gouttes du liquide ainsi préparé, j'y déposat sur une lame porte-objet une centaine des spores dont il a été parlé. La lamelle mince recouvrante fut scellée sur les bords et la prépara- iion examinée ensuite avec la combinaison optique indiquée. Le liquide tenait en suspension un grand nombre de globules pâles à bords foncés, mais il ne renfermait, du moins au voisinage de mes chapelets de spores, aucun élément figuré ni rien qui ressemblàt, même de loin, à un corpuscule falciforme. La netteté de l’expérience ne rencontrait ainsi aucun obstacle. À ma grande surprise, au bout de quatre à cinq minutes, voilà toutes mes spores qui s'ouvrent, et qui s'ouvrent toutes du même côté, sur la même ligne. On connaît la forme de ces spores ; je la comparerais volontiers à celle d’une bourse porte-monnaie dont le fermoir décrirait un arc très saillant, dont le fond serait doucement arrondi et dont les faces latérales se- raient bombées et distendues par le contenu. C’est sans exception suivant le fermoir, c'est-à-dire par le méridien le plus long et le plus arqué, que s'ouvrent les spores, de la façon la plus spontanée. Les deux valves s’écartent de suite à des degrés variables souvent d’une manière remarquable et l'on croirait voir une enfilade de petites buitres bâillant de compagnie. Les spores ont donc une ligne de CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES GRÉGARINES. 431 déhiscence marquée à l'avance et la déhiscence se produit de suite sous l’action d'un sac gastrique artificiel. Mais il n'y a pas dissolu- tion, tant s’en faut, des parois des spores. Voilà un point qui ne de- mande qu'un peu de bonne volonté pour être vérifié par tous ceux qui le voudront et qui me paraît devoir être le point de départ de recherches fécondes sur le développement, car ce n'est pas une pe- tite affaire que de faire sortirle contenu des spores, et le suc digestif, même dilué, agit, comme par enchantement, si la spore est prise au degré voulu (voir fig. 1 du texte). De la façon dont se comportent les corpuscules après la sortie. — Le contenu peut donc se répandre au dehors ; cependant cela n'ar- rive pas immédiatement dès l’ouverture des spores, mais seulement sept ou huit minutes après. Les corpuscules doivent se redresser dès la déhiscence, à l’intérieur même de la spore, mais ils restent en- core intriqués les uns dans les autres, et c’est sous cette forme de paquet eten masse que, dans cette première observation, je les ai vus sortir et non un à un. Mais avant que d'expliquer comment cette sortie s'opère, voyons l'aspect et les caractères de ces corpuscules. Il y a loin, en effet, des corpuscules obtenus par écrasement, fixés par l'acide osmique et colorés, tels que je les ai décrits et figurés tout à l'heure(fig. 30), aux corpuscules spontanément libérés (fig. 2 du texte). Le sporozoïte, d'une longueur totale de 16: en moyenne, offre une configuration qui, au cil locomoteur près, car il manque, rappellerait assez celle de certains Flagellés. On peut y distinguer un rostre et un corps proprement dit. La longueur du rostre est le quart ou un peu plus de la longueur totale. Il est conoïde, implanté par sa base sur le corps, terminé en pointe mousse à son extré- mité libre. C'est au niveau de l'insertion du rostre que le corps offre son maximum de largeur, il déborde tout autour et s'atténue insensiblement jusqu'à lextrémité opposée qui est doucement ar: rondie. Le sporozoïte parait constitué par un plasma homogène, peu réfringent, à peine teinté en bieuâtre, sans vacuoles, mais avec un noyau qu’un œil exercé ou prévenu reconnait fort bien sur le vi- vant. Il est le plus habituellement placé dans la région antérieure, à une petite distance au-dessous de la base du rostre, c'est-à-dire dans la partie la plus large du corps. Quand on n’examine que superficiellement ou à un grossissement insuffisant ces sporozoïtes, on pourrait les croire inanimés et immo- biles. Avec le système 10 à immersion Hartnack et l'oculaire 3, 432 AIMÉ SCHNEIDER. on voit de suite, au contraire, que la pointe du rostre,souvent même le rostre tout entier et la partie adjacente du corps, sont le siège d'un mouvement lent, mais continu par lequel cette partie, sous un angle prononcé avec l'axe du corps comme un doigt recourbé, se promène alternativement à droite et à gauche, comme cherchant quelque chose. C’est à l’aide de ce mouvement limité de chaque in- dividu que le groupe est sorti de la spore. Une fois dehors, chaque _sporozoïte peut tirer à soi, mais je ne les vois doués, du moins dans cette première observation, qu à un degré très faible de la faculté de se déplacer aisément. Après un laps de temps de quatre heures, aucun de ces sporozoïtes n’était encore devenu ni une Amibe, ni un Flagellé. Voici le détail d’une seconde observation du même genre. Le 16 Juin 48892, je dispose, quelques minutes avant midi, les choses comme il vient d'être dit. Il fait notablement plus chaud que le jour de la première expérience. Le thermomètre marque dans mon ca- binet 18 degrés; je donne ce détail parce qu'il peut avoir son impor- tance. Je note aussi qu'au lieu de prendre du suc gastrique artificiel, jen prends du naturel, en ce sens qu'ayant fait choix d’un Blaps dont le tube digestif ne contenait qu'un fluide transparent, d'un beau jaune, sans aliment, dans la portion antérieure, je fis couler ce fluide sur la lame porte-objet et y déposai une dizaine de chapelets de spores. Le reste comme il a été dit. Même composition optique pour l'observation. J’assiste de visu à la déhiscence des spores et à la sortie des corpuscules. Les mouvements des corpuscules sont beau- coup plus marqués. Is sortent encore par paquets, mais il y a des pa- resseux qui, ne suivant pasle groupe, demeurent, lui parti, dans la coque et sont obligés de s’en tirer tout seuls. Ils se démènent forte- ment dans la coque, courbant leur corps en arc, l’allongeant ensuite, palpant les parois de leur extrémité antérieure fléchie en hamecçon jusqu'à ce qu'ils aient trouvé la porte. Les corpuscules sortis par groupes me semblent adopter volontiers l'attitude suivante : se te- nant par Ce que J appellerai leur queue les uns aux autres et se don- nant ainsi un pont d'appui mutuel, ils divergent de là et se portent successivement dans différentes directions, offrant, outre la ma- nœuvre déjà longuement décrite de leur extrémité antérieure, un mouvement de flexion et d'extension alternatives de leur corps. La flexion me parail toujours dirigée vers le porle-objet, comme s'ils vou- laient pénétrer dans le substralum. Je ne réponds pas entièrement de EN 7 CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES GRÉGARINES. 433 l'intention, que je leur prête ici, et je suis peut-être influencé par une idée préconçue ; d’autres décideront donc. Mais, pas plus que dans ma première observation, 7e n'en vois un capable de nager, ni même de franchir en quelques secondes quelques divisions du micromètre ocu- laire, c'est-à-dire un espace très minime. C'est ce qui me suggère l'idée que les Sporozoïtes doivent pénétrer de suite, #n loco, dans une cel- lule épithéliale. Ceux qui, comme moi, ont ouvert un nombre con- sidérable d'insectes, hôtes de grégarines, savent aussi que c'est seu- lement dans la partie la plus antérieure de l'estomac proprement dit, quelquefois dans le premier quart seulement, qu'on trouve les individus jeunes pourvus d'un épimérite. Ce fait ne concorde-t-il pas très bien avec la rapidité de la déhiscence des spores et de la sortie des corpuscules ? J'insiste beaucoup sur la lenteur et le champ limité des mouvements, parce que quelques auteurs, désireux de rattacher les grégarines aux Flagellés, ne manqueront pas de considérer ce que j'ai appelé le rostre des Sporozoïtes comme un cel. Ils pourront, évidemment, jusqu'à plus amples observations, déclarer que c’est un cil rudimentaire, avorté, ayant gardé l'existence et perdu la fonc- tion, un témoin d'un autre genre de vie. Cela se peut; cependant ni son mode d'implantation, ni ses mouvements qui commencent sou- vent au-dessous de sa base et auxquels la partie antérieure du corps participe, comme ne faisant qu'un avec lui, ne me font incliner ac- tuellement vers cette opinion. D'autres ne manqueront pas de faire du rostre un organe purement adaptatif, un perforateur destiné à percer la cuticule et le plateau des cellules épithéliales pour gagner le corps cellulaire lui-même. Au fait, ce stylet me paraît bien appro- prié au calibre des canalicules poreux des cellules cylindriques de l'estomac ! Mais revenons à l'observation actuelle. Deux heures après la mise en expérience, les mouvements des Sporozoïtes subsistent encore, mais affaiblis. Quelques corpuscules me paraissent morts. En six ou sept points différents de la préparation, les Sporozoïtes de toutes les spores occupant ces régions sont arrivés à se réunir en une masse commune formantune pelote volumineuse, de laquelle on voit detous côtés sortir ici une queue, là une tête, et à laquelle les mouvements du corps impriment un aspect de grouillement particulier; on dirait une pelote de petits serpents à demi engourdis. Il y a certainement plusieurs centaines de Sporozoïtes dans chacune de ces pelotes. A quatre heures, l’état des choses est le même : les Sporozoïtes vi- ARCH, DE ZOO. EXP, ET GËN,— T, X, 18892, 28 434 AIMÉ SCHNEIDER. vent encore en majorité; Ceux qui sont arqués, sans mouvement, ne sont du moins pas décomposés, mais la fin approche pour tous. Dans ces conditions, quatre heures donc après la première consta- tation, aucun Sporozoîte ne s'est transformé ni en une Amibe, ni en un Flagellé. Ts ont gardé jusqu'à la fin le genre de mouvement qui leur était propre au commencement. Les expériences qui restent à entreprendre sont maintenant indi- quées d'avance. Prendre des spores au degré voulu, les introduire dans un segment de tube digestif compris entre deux ligatures et ouvrir une heure et demie à deux heures après; essayer même de voir la pénétration dans une cellule sous le champ du microscope ; déterminer, enfin,les phénomènes qui s'accomplissent durant la vie intracellulaire. J'ai commencé ce dernier travail ; je sais déjà que les productions parasitaires contenues dans les cellules de la muqueuse du tube intestinal du Zlaps n’appartiennent certainement pas toutes au développement des grégarines. Le résultat de mes dissociations et de mes coupes sur les tissus durcis est actuellement le suivant : 1° presque toutes les cellules épithéliales de la portion antérieure de l’estomac ont dans le plus grand nombre de mes Blaps un et quelquefois deux corps à leur intérieur, au voisinage de leur noyau, quelquefois même au-dessous de ce noyau, c’est-à-dire entre lui et la funica propria ; ® de ces corps, les uns ont un noyau colorable et peuvent être attribués au développement de la grégarine ; les autres n'ont pas de nucléus et doivent rentrer dans le cycle d'un #icrococcus extrêmement fréquent dans le Zlaps et qu'on trouve aussi dans la larve du Z'enebrio molitor. J'espère avoir terminé mes recherches sur la fin du développement du Stylorhynchus avant la publication du présent écrit. Sur un nouvel hôte du Stylorhynchus oblongatus (Hamm.).— Puisque j'en suis à compléter l'histoire du genre, je signalerai ici que le S{ylo- rhynchus oblongatus est fréquent et nombreux dansle tube digestif de l'A sida grisea. I y a entre la grégarine de ce ténébrionide et celle de l'Opatrum sabulosum une identité de caractères si complète qu'il est impossible de songer à faire une espèce. La similitude d'habitat des deux hôtes explique facilement comment l'un à été amené à prendre la grégarine de l’autre, et l'identité dans la structure anato- mique interne explique comment le parasite à trouvé chez l’un comme chez l’autre les conditions de son existence. J'ai observé la phase du mouvement des Sporoblastes. Un kyste so st DA CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES GRÉGARINES. 435 ayant été écrasé à cette phase, ces Sporoblastes se sont offerts sous le champ de l'instrument comme de petites masses sphériques d’en- viron 7 4, dans lesquelles l'acide osmique et le picrocarmin ont ré- vélé un beau nucléus, des granules réfringents et souvent une va- cuole. Les spores sont corpusculées comme dans le S. longicollis. Les grands individus mesurent jusqu’à 1%%,5. Les spores, bien qu'irrégulières de forme, ontleurs diamètres sensiblement égaux, 7 p. LOPHORHYNCHUS (NOV. GEN.). Ce genre, si apparenté aux Stylorhynchus qu'on devra certainement le réunir avec eux dans une seule famille, se fait remarquer par la forme spéciale de l'appareil de fixation, très différent de celui des Stylorhynchus, alors que tous les traits fondamentaux de la structure du protomérite, du deutomérite, du kyste, de la sporulation, des spores se ressemblent dans les deux genres et que la similitude fait souvent place à l'identité. Sans donc entrer, à propos du genre, dont l'établissement ne re- pose encore que sur l'étude d'une seule espèce, dans des détails concordants de structure qui trouveront mieux leur place dans la des- cription de l'espèce, je dirai seulement : On peut définir les Lophorhynchus comme étant des Stylorhynchus à rostre subsessile, implanté par une large base sur le protomérite, à colépats, strié longitudinalement, à actinophore formé par une expansion membra- neuse renflée circulairement en bourrelet, déprimée au centre en ven- touse, portant à sa base une élégante couronne d'appendices vésiculeux pyriformes et garnie en outre sur sa surface de dents très petites. Lophorhynchus insignis (nov. sp.). (Fig. 1 à 3,6, 12, 13, 48 et 50.) Céphalin relativement très court et très large, pourvu d'un rostre représentant l’'épimérite, constitué comme il vient d’être dit. Sporadin à protomérite arrondi régulièrement, quelquefois légère- ment déprimé au sommet, aussi court relativement au deutomérite que chez les S'ylorhynchus (fig. 1). Epicyte extrèmement épais, longitudinalement strié à la surface. 436 AIMÉ SCHNEIDER. Sarcocyte formant une large bordure dans les deux segments, sur- tout dans le protomérite, limité en dedans par un trait net. Entocyte à grains assez gros, irréguliers. £ Septum plan, formé par le sarcocyte. Nucléus sphérique, à corps nucléolaire très variable, mesurant 544. Kystes dépourvus de zone claire, de forme irrégulière, subova- laires ou subsphériques, à tégument relevé d'éminences dessinant des aréoles. Appareil de dissémination constitué par un pseudo-kyste. Spores en chapelets, de même forme que celles des Stylorhynchus, d'un noir intense, renfermant à leur intérieur une huitaine de cor- puscules falciformes. Habitat : tube digestif de l’Æelops striatus. Je dois cette espèce au zèle de mon ami et élève M. François, qui a recueilli en abondance ces /elops dans sa sapinière, au pied des arbres, à Pressigny-le-Grand (Indre-et-Loire). Il s’en faut toutefois que tous les exemplaires aient le parasite, et ceux qui le possèdent ne l'ont, en général, qu'en très petite quantité. L’obtention des kystes est difficile ; ce qui tient à ce que les sporadins vivent très long- temps avant de s'’enkyster, et que l'hôte, tenu en captivité, a le temps de mourir de faim etses grégarines avec lui, avant que l’enkystement et l'expulsion des kystes surviennent. Les céphalins sont habituellement très courts. Le plus habi- tuellement ils perdent de très bonne heure leur appareil de fixation et l’on trouve des sporadins dont la petitesse et l’excessive largeur surprennent, et tels qu’on n’en rencontre pas de pareils dans les Stylorhynchus. Mais ils peuvent arriver jusqu'à la taille de 0°°,6 à 0,9, et même à 1 millimètre. Comme on l'a déjà vu par la caractéristique, il y a une grande similitude de traits entre cette espèce et un Stylorhynchus. Cette si- militude est telle que les sporadins des deux genres ne peuvent guère être distingués que par la forme du nucléus, qui est ovalaire dans les Stylorhynchus véritables et qui est nettement sphérique dans l'espèce qui nous occupe. Un œil exercé ne méconnaîtra pas non plus, il est vrai, que l'extrémité postérieure de l'être est largement arrondie dans le genre actuel et qu'elle est subaiguë dans les S/y- lorhynchus, que relativement le protomérite est dans notre espèce plus large, plus bas et dessine une courbe beaucoup plus douce que ne le fait celui des différents Stylorhynchus connus. 7 CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES GRÉGARINES. 437 Il est curieux aussi de voir, au point de vue de l'histoire générale du parasitisme, que ce genre si voisin des Sfylorhynchus vit également chez un ténébrionide. Toutes les grégarines jusqu'ici connues des ténébrionides adultes (Zlaps, Opatrum, Asida, Helops) me paraissent pouvoir être ramenées à une forme commune qui n’a éprouvé d'un hôte à l’autre que les plus légères modifications dans la constitution de l'appareil de fixation, l'ernementation du kyste, les dimensions des spores. Une figure, même médiocre, valant mieux, à mon sens, pour la détermination d'une grégarine, qu'une longue description, je prierai le lecteur de se reporter à celles qui concernent cette espèce et, sans fatiguer inutilement son attention, je ne reviendrai que sur quelques points qui me paraissent plus intéressants. Le nucléus mérite surtout qu'on s’y arrête. Ainsi que je l'ai dit, il est sphérique, d'environ 0,055 de diamètre ; il est de plus vésicu- leux. Mais ce qu'il a de plus remarquable, c’est son corps nucléolaire. Dans les individus jeunes, le corps nucléolaire se présente, sinon toujours, du moins très habituellement, sous l'aspect d'un ruban finement granuleux, à contours pâles, un peu irréguliers, lequel est tantôt pelotonné sur lui-même en tours nombreux et compliqués, et tantôt, plus étalé, dessine deux ou trois longues circonvolutions. Ce corps nucléolaire se colore en rouge par le picrocarmin, tandis que le noyau proprement dit se teinte à peine ou pas du tout. En dehors du corps nucléolaire, on peut trouver quelques globules qui se colorent aussi faiblement. Bref, pour donnerune idée exacte, par comparaison, de ce corps nucléolaire, je dirai qu'il rappelle complètement, à une échelle moindre, le nucléus des Paramécies, tel que Balbiani et Büts- chlil'ont dessiné au début des phénomènes de son rajeunissement. Dans d’autres individus, le corps nuciéolaire est décomposé en sphé- rules et en fragments plus ou moins irréguliers. Dans le plus grand nombre, enfin, des individus parvenus, ou à peu près, au maximum de taille, le corps nucléolaire est représenté tantôt par deux nucléo- les sphériques, de taille sensiblement égale, accompagnés ou non de quelques granules accessoires, tantôt par un nucléole unique. Si bien qu'involontairement, prenant en considération l'inconstance de la forme du corps-nucléolaire et la ressemblance si grande qu'offrent ses divers aspects avec ceux qui se rapportent au phénomène du rajeunissement du nucléus chez les infusoires, on se demande si le corps nucléolaire ne passe pas, à l'intérieur de l'enveloppe et du mi- 438 AIMÉ SCHNEIDER. lieu que lui constitue le noyau, par une série d'états analogues, et si ce n'est pas ainsi quil faut interpréter l'observation publiée par M. Ed. Van Beneden, de la disparition et de la réapparition du nucléole dans le noyau de sa Gregarina gigantea. L'observation des divers états du corps nucléolaire, dans d’autres espèces encore, me conduit à la même pensée. (Voyez plus bas noyau de Cnemidospora). Je n'ai vu que deux kystes de l'espèce qui nous occupe. Ils sont identiques à ceux du Sfylorhynchus oblongatus et donnent lieu, au cours de leur maturation, aux mêmes phénomènes. En particulier, j'ai joui pendant toute une journée du spectacle si curieux de la folle danse des sporoblastes à l’intérieur du kyste, immédiatement sous l’enveloppe de celui-ci, dans le liquide transparent qui occupe cette région. J’ajouterai que les dimensions d’un de ces kystes ré- pondant tout à fait pour la forme à la figure 6 de mon premier travail (Archives de zool. exp. et générale, t. V, pl. XVII) étaient de 0,43 pour le diamètre longitudinal et 0,33 pour les deux autres. Les spores vues par leur base sont légèrement bombées et de figure ellipsoïdale ; vues de profil, suivant le grand diamètre, elles se présentent comme dans la figure 48. Inutile de revenir sur les corpuscules falciformes et leurs noyaux, la figure donnée dans cette planche pour le Sfylorhynchus exprimant fidèlement les rapports qui s'observent dans notre Zophorhynchus. Les spores mesurent 10 |: dans leur plus grand diamètre. GENRE TRICHORHYNCHUS (NOV. GEN.). Appareil de fixation comme dans les Stylorhynchus, formé par un rostre très allongé, terminé en massue conoïde. Kyste sans enveloppe transparente, sphérique, relevé de mame- lons arrondis. Appareil de dissémination constitué par un pseudokyste. Spores transparentes, cylindroïdes ou ellipsoïdales, renfermant en général huit corpuscules falciformes. Ce genre diffère essentiellement du genre Stylorhynchus par les spores, qui ne me paraissent jamais être réunies en chapelet, qui sont transparentes, à tégument mince, dont la forme fondamentale est assez différente, CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES GRÉGARINES. 439 Trichorhynchus insignis (nov. sp.). Céphalin. Forme générale représentée figure 40; appareil de fixation très analogue à celui des Sfylorhynchus, contenant un prolon- gement de l’entocyte dans son axe (fig. 4). | Sporadin correspondant au céphalin sans le rostre, à protomérite tantôt cylindroïde, légèrement arrondi au sommet, offrant souvent un petit mucron au point où s’insérait le rostre, tantôt en cône tron- qué, presque toujours remarquable par sa hauteur ; sa surface laté- rale quelquefois sinuée transversalement. Deutomérite très large à la base, subovalaire ou lancéolé, à extrémité postérieure subaiguë. Epicyte à double contour, mince, paraissant strié longitudi- nalement comme celui de la plupart des grégarines. Sarcocyte formant un large croissant autour du protomérite, sans fibrilles différenciées à son intérieur ; peu développé dans le deuto- mérite. Septum m'ayant paru constitué par du sarcode et non par une membrane. Nucléus ovalaire, avec un beau nucléole à son intérieur (fig. 10). Kyste à paroi propre offrant un double mode d'ornementation, constitué d’abord par des éminences en mamelons, placés à interval- les assez réguliers et visibles à un faible grossissementet, d'autre part, par des ponctuations pâles, très serrées les unes contre les autres, d’une extrème régularité, visibles seulement à un fort grossissement. D'une transparence uniforme et partout incolore au début de la sporulation, le kyste présente ensuite un anneau noir équatorial résultant d’une coloration propre de son tégument et comprenant la ligne suivant laquelle se fera la déhiscence. Déhiscence s’effectuant suivant une ligne circulaire comme celle d'une pyxide. Pseudokyste comme celui des Stylorhynchus, mais assez volumineux pour remplir l'un des hémisphères du kyste, qui paraît, de la sorte, coloré en blanc à la lumière réfléchie, tandis que l’autre hémisphère, occupé par les spores, est noir ou grisâtre. Spores cylindroïdales avant complète maturation, régulièrement ellipsoïdales à maturité, offrant un nucléus de reliquat très net et sept à huit corpuscules falciformes, nucléés, en deux groupes sé- 440 AIMÉ SCHNEIDER. parés par le nucléus de reliquat. Les spores mesurent 0",0097 de long et 0®%,0058 de large. Habitat : tube digestif de la Scutigère. Cette belle espèce se trouve d'une manière constante dans toutes les Scutigères qui habitent la même maison que moi à Poitiers. Priant le lecteur de se reporter aux figures pour tout ce qui con- cerne le facies et la structure, je n'ajouterai qu'un petit nombre de détails sur des points isolés. Les kystes ne sont, je crois pouvoir le dire, jamais sphériques, mais un peu aplatis aux pôles. Voici, par exemple, les dimensions de l'un d'eux :0%%,316 pour le grand diamètre et0"",303 pour le petit axe. Ils paraissent d'un blanc encore plus vif que ceux des autres espèces, à la lumière refléchie. Le double mode d’ornementation deces kystes, par une fine sculpture punctiforme répartie sur toute la surface et par des mamelons assez volumineux placés à intervalles réguliers, a été signalée déjà et fournit un des meilleurs caractères de l'espèce. J'ajouterai seulement que le diamètre des mamelons, à la base, varie de 221 à 281. Quand les kystes viennent d’être recueillis et qu’on les place sur l’eau, ils commencent par se mainte- nir à sa surface, mais ne tardent cependant pas à s'enfoncer, pourvu qu'on les y sollicite un peu en appuyant légèrement sur eux avec un pinceau. Cette aptitude à flotter paraît une conséquence de la forme aplatie des kystes, et peut être aussi du fin chagrin dont le tégument est orné, qui le rend apte à retenir adhérents de très petits globules d'air. Mais ce qu'il importe de signaler, c'est que, dès que la maturation est arrivée, tous les kystes qui étaient au fond de l'eau remontent à sa surface, en se présentant alors sous un aspect nouveau. Effectivement, la ligne de leur équateur est marquée d'une belle bande noire, et des deux hémisphères qu'elle sépare, l'un, celui qui regarde le fond du vase, est d’un blanc vif, l’autre, tourné en haut, d’un noir gris ou cendré, mais d'un éclat argentin tout spécial, dù certainement à une mince couche d'air sous le tégument de cet hémisphère. L'arrivée du kyste à la surface, quand la maturation est accomplie, est la preuve la plus nette qu’on puisse donner du chan- gement de densité qui s'est produit au fur et à mesure de la forma- tion des spores à l'intérieur. D’autres kystes que ceux qui nous occu- pent, ceux desS{ylorhynchus, des Clepsidrina, remontent souvent aussi, au même instant; mais la question pleine d'intérêt qui se pose 1ci, est de savoir si l'air emprisonné sous le tégument de notre kyste CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES GRÉGARINES. 275 n'est pas un résultat du travail sporogénique et de la vie propre du kyste. J'inclinerais assez à le penser, car, d'une part, on a déjà si- gnalé dans des protozoaires la formation de vacuoles pleines d'air et, d'autre part, la durée assez longue qu'emploient les spores à se constituer, les phénomènes incontestables d'activité qui entrent en jeu, n’excluent pas cette idée. Toutefois, je n'ai eu à ma disposition qu'un trop petit nombre de kystes pour avoir pu contrôler ce soupçon par une expérience facile, et il demeure possible que l’air, dont la présence n'est pas douteuse, ne soit apparu qu'après que le kyste était déjà venu en contact avec l'atmosphère et qu'il se soit introduit à travers une fissure des deux hémisphères, suivant la ligne de dé- hiscence. Les premiers kystes que j'obtiendrai maintenant, me met- tront en mesure de trancher la question en les faisant mürir sous une petite éprouvette pleine d’eau dressée sur une cuvette contenant le même liquide. Revenons à la triple coloration de nos kystes. L'hé- misphère tourné en bas et qui est teinté en blanc, doit cette colora- tion à la présence d’un volumineux pseudokyste renfermant le résidu des granules primitifs de l’entocyte de la grégarine ; quant au tégu- ment lui-même de cette région du kyste, il est demeuré incolore et transparent comme au début. La bande noire équatoriale, au con- traire, résulte de la coloration propre de la paroi du kyste ; la preuve en est, qu'après la déhiscence, cette bande se retrouve avec la même teinte, sur les deux hémisphères écartés, bordant d’un mince liséré la marge de chacun d'eux (fig. 18, 19, 20). Enfin, l'hémisphère tourné en haut et qui paraît d'un gris cendré ou bistré est celui qu'occupent les spores. C'est à l’amas de celles-ci, avec de l'air interposé, suivant nous, qu'est due la teinte spéciale à cette moitié du kyste, dont la paroi est par elle-même restée telle qu'elle était au début. C'est suivant la bande noire équatoriale que sans exception se fait la déhiscence par une fente circulaire, d'une absolue régularité, par- tageant la bande suivant le milieu de sa hauteur, telle que se fait l'ouverture d’une pyxide (même figure). Les spores varient légèrement dans leur forme, suivant qu'on les examine un peu avant la déhiscence spontanée, ou après. Prises avant, elles sont cylindroïdes, à bases légèrement arrondies, à sur- face latérale un peu bombée, tendant ainsi à la forme d'un fuseau. Prises après, elles sont, en coupe optique, régulièrement ellipsoïda- les (fig. 22). Ces spores mûres montrent le plus nettement du 442 AIMÉ SCHNEIDER. monde les corpuscules falciformes, tels qu’ils sont dessinés dans la planche (fig. 22, 23), formant deux groupes de quatre chacun, dans la règle, séparés par le nucléus de reliquat. On les fait sortir aisé- ment par pression et les réactifs permettent alors de constater la présence d'un beau noyau dans chacun d’eux. Leur longueur est d'environ 02",0048. GENRE CLEPSIDRINA (EMEN. SCIL.). Clepsidrina macrocephala (Sch.). (Fig. 42, 43 et 49.) J'ai marqué dans ma thèse la place de cette espèce", maïs sans en donner ni description ni dessin. Il me paraît utile de combler ici cette lacune, d'autant plus que cette forme est très intéressante, à raison du remarquable développement de l’épimérite. Le dessin que je donne de cette espèce étant suffisant pour la faire reconnaitre, je me bornerai à ajouter quelques indications rapides. L'épicyte est à double contour ; le sarcocyte peu développé, sans fibrilles différenciées, ce qui permet de classer cette espèce dans la section des Clepsidrinæ lisses ou à sarcocyte homogène, à côté des Clepsidrina ovata, blattarum, etc. ; l'entocyte est à grain assez gros, irrégulier, peu lié. Les kystes, dont j'ai eu cinq en ma possession, sont sphériques, pourvus d’une assez large zone transparente, déhiscents par sporc- ductes constitués comme dans les autres espèces du même genre. Les spores sont doliformes, à parois un peu plus épaisses suivant les bases du tonneau que suivant sa surface latérale. En examinant ces spores quelque temps après la déhiscence spon- tanée des kystes, je fus agréablement surpris en constatant à l'inté- rieur l'existence de corpuscules. Déjà Bütschli ?, dans une autre espèce, a reconnu le noyau de ces spores à une phase nécessaire- ment antérieure à celle qui nous occupe. Ici, comme dans le cas des Stylorhynchus, ce noyau doit se diviser pour fournir une fraction à chaque corpuscule en voie d’individualisation. 1 Loc. cil., p. 574, 2 Kleine Beitræge zur Kenntnis der Gregarinen, in Zeitsch. f. w. Z.,t, XXXV, p. 398, CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES GRÉGARINES. 443 Jeregrette de n’avoir reconnu ces corpuscules qu'après avoir donné ma planche au graveur ; une figure eût été nécessaire. Les spores, qui ont complètement gardé leur physionomie et qui paraissent même remplies par un plasma homogène, à un premier examen, attirent pourtant l'attention d’un observateur exercé par deux petits points foncés dont chacun occupe le milieu d’une des bases de la spore. C’est autour de ces points comme centres que sont groupés les corpuscules, qui tantôt sont rectilignement étendus, mais qui souvent aussi sont obliquement orientés et de telle facon que l'obli- quité étant en sens inverse pour les deux groupes de corpuscules, ceux-ci dessinent sur les parois de la spore l’image d'un treillis ou celle de deux spires croisées. Il y a au moins quatre à cinq corpus- cules à chaque groupe; je n'ai pu savoir encore s'il existe des noyaux; mais, comme je viens de le dire, la chose est probable, d’a- près l’analogie. Cette espèce habite d’une manière très constante le tube digestif du Gryllus sylvestris. Je l'ai trouvée dans l'Aisne, dans l'Indre-et-Loire, dans la Vienne. GENRE GAMOCYSTIS (SCH.). Voir mon premier travail dans ces Archives, t. IV, p. 586. En publiant ce genre dans ma thèse, j'ai eu le soin d'indiquer que je n'avais eu sous les yeux que deux ou trois spécimens et j'ai cru pouvoir dire que les couples étaient formés par deux individus réunis en apposition, c'est-à-dire par les extrémités antérieures. Dans l'unique espèce que je connusse alors, la forme des deux individus, atténuée en pointe aux extrémités libres (voyez loc. cit., pl. XIX, fig. 10), autorisait cette conclusion, et l’analogie avec les Zygocystis de Stein la fortifiait encore. Toutefois, si la grégarine dont il s’agil dans cet article doit, par la suite, être maintenue dans ce genre, J'ai commis une inexactitude dans la caractéristique donnée précé- demment, car je me suis assuré que les individus sont, dans l'espèce actuelle, unis en opposition comme ceux qui constituent les couples des Clepsidrinæ et autres genres. Effectivement, dans cette nouvelle espèce, les couples se meuvent sous le microscope, et quand les individus viennent à être détachés l’un de l’autre et qu'ils mar- chent isolément, ils dirigent en avant l'extrémité par laquelle ils étaient tout à l'heure adhérents. 444 AIMÉ SCHNEIDER. Gamocystis francisei (nov. sp.). (Fig. 31 et 32.) Primile. Tantôt presque ovalaire, tantôt carrément tronqué en arrière, à sa surface de jonction avec le satellite, puis très renflé dans ses deux tiers postérieurs, atténué sinueusement dans le tiers antérieur et doucement arrondi en avant. Diamètres longitudinal et transverse dans le rapport de 3 à 2 environ. Satellite. Plus allongé en général que le primite, tantôt cylin- droïde, tantôt renflé dans son tiers antérieur, doucement atténué dans les deux tiers postérieurs, terminé en arrière par une surface large peu ou très peu bombée. E picyte à double contour. Sarcocyte très. puissant en avant dans le primite. Il y figure un épais croissant ou une sorte de fer à cheval, dont les branches, sur la coupe optique, vont en diminuant gra- duellement de largeur au fur et à mesure qu'elles se rapprochent de l'extrémité postérieure. Dans le satellite, le sarcocvte est également épais en avant, mais moins que chez le primite ; en revanche il est assez développé à l'extrémité postérieure. Dans les points où le sarcocyte est le plus puissant, 1l présente souvent de fines granula- Uons moléculaires qui lui donnent une teinte grisàtre. Myocyte (?) non moins net dans cette espèce que dans le G.tenax. Il présente très nettement ici cette particularité remarquable que la série des points, semblables à ceux d'une piqûre mécanique et aussi réguliers, par lesquels il se révèle en coupe optique, est situé à la limite entre le sarcocyte etl’entocyte et non sous le tégument même, ainsi que j'ai déjà indiqué le fait pour d'autres espèces. Ici aussi, comme dans d'autres espèces, la série de ces points va en diminuant de netteté de l’extrémité antérieure vers la postérieure. Entocyle à grains assez gros, irréguliers, masquant le nucléus, qui ne se révèle que comme une tache claire assez vague. Nucléus sphérique, avec un nucléole central, présentant plusieurs petites taches claires à l'intérieur. Dimensions : un couple de taille moyenne m'a donné 0"",11 pour la longueur du primite, 0%",13 pour celle du satellite ; le pre- mier offrait à sa région la plus renflée une largeur de O"",08. Le satellite n'était guère plus large. Le nucléus mesurait 0®",03 et le nucléole 0%",007. CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES GRÉGARINES. 445 Les couples examinés dans leur milieu naturel, liquide intestinal de l'hôte, se meuvent à l’aide de contractions très fortes. Il y a même ce fait très curieux qu'on voit la contraction commencer à la partie antérieure du primite par une constriction circulaire inter- posée à deux renflements et que cette constriction se propage de là en arrière, jusqu’à ce que, parvenue à la fin du primite, elle passe surle satellite, sur lequel elle coniinue ni plus ni moins que s'il était partie intégrante du primite et qu'il n'y eût qu’une volonté commune aux deux cellules. Kystes et spores inconnus. C'est cette lacune regrettable qui m'em- pêche de décider si la forme est vraiment un Gamocystis. En présence de la si remarquable identité dans la forme et la structure avec ce que j'observe dans le Gamocystis tenax, on peut trouver mes scru- pules exagérés. Je crois bon, néanmoins, de ne pas porter un ju- gement décisif. Habitat : tube digestif des larves d'Ephémères. J’ai trouvé l’es- pèce dans des larves recueillies à Lamothe, à la Cassette et surtout à Pressigny-le-Grand (Indre-et-Loire), grâce à l’obligeance de mon élève et ami M. François, auquel je dédie l'espèce. Mais, malgré {ous nos soins, nous n'avons jamais pu obtenir les kystes. Une remarque s'impose ici. On sait que presque partout à l'étran- ger, surtout en Allemagne, une partie des Névroptères des anciens auteurs est rattachée, sous le nom de Pseudo-Névropteres, aux Or- thoptères, surtout en raison d2 ce qu'ils ont comme ces derniers des métamorphoses incomplètes. Il n'est pas sans intérêt de signaler que la distribution des deux espèces du genre Gamocystis semble donner raison à ce rapprochement, le Gamocystis tenax vivant dans un Orthoptère. GENRE HYALOSPORA (SCI. ). Hyalospora affinis (nov. sp.). (Fig. 33 à 41.) Cette espèce offre une très grande ressemblance avec l’Æyalospora roscoviana. Cette dernière espèce habite le tube digestif du Petrobrius maritimus; l'espèce actuelle, l'intestin du Wachilus cylindrica. Les deux espèces ontun entocyte coloré en jaunâtre. Les céphalins, dont je n'avais vu aucun représentant pour l'espèce 446 AIMÉ SCHNEIDER. de Roscoff, se présentent ici caractérisés par un petit bouton de l'épimérite, tout à fait analogue à celui des Clepsidrina. Renvoyant à la figure qui accompagne ce travail pour le facies, j'ajouterai quelques données numériques. | La longueur des céphalins atteint jusqu'à 0,3, dont 0,01 pour le bouton de l'épimérite, 0,03 à 0%%,04 pour le protomérite, et 0,9% à 0,95 pour le deutomérite. La largeur du septum, qui est aussi la largeur maxima du protomérite, vaut 0"®,092, Le nucléus, ovalaire, mesure 0%%,05 de long sur 0%*,035 de large. Le nucléole, qui est sphérique, mesure 0®*,01 de diamètre. Quand l’épimérite est tombé et qu’au lieu d’avoir affaire à des céphalins, on n'a plus devant soi que des primites ou des satellites, la taille devient notablement supérieure et le protomérite est relati- vement moins élevé que dans le céphalin. Lenucléus, mesuré dans un cas, m'a donné 0%%,03 pour le grand axe et O®%,01 pour le petit. Le nucléole est sensiblement central, quand il est unique, et fixe intensément le carmin. [ei aussi il est susceptible de se présenter sous des aspects variables d’un individu à un autre. Les kystes sont sphériques ou subsphériques. Le diamètre vaut en moyenne 02,06, sans compter la zone transparente, qui est nette. Ces kystes sont colorés en jaune. J'ai eu deux fois les spores; elles se sont offertes à moi avec des aspects un peu différents dans les deux cas, ce qui tient à ce que j'ai écrasé les kystes à des moments différents de la maturation. Dans un cas, je les trouve comme dans les figures 35 et 37. Elles sont con- stituées par une enveloppe extérieure très pâle, renfermant à son in- térieur la spore proprement dite, à contour masqué par un trait non foncé, indice d’une forte réfringence, à plasma verdâtre, à la lumière transmise, contenant un certain nombre de granules. Me- surée, la spore donne 0"%,0087 pour le grand axe e1 0,006 pour le petit. Dans le second cas, les spores s'offrent sous la forme des fi- gures 38 à 41. Dans deux d’entre elles, l'enveloppe lâche a disparu ; dans les deux autres elle est en train de se flétrir. La spore propre- ment dite a pris en même temps une configuration spéciale. Les fi- gures 40 et 41 me paraissent correspondre à la spore mûre. GENRE CNEMIDOSPORA (NOV, GEN.). Ce genre joint à l'absence de rostre, à celle de tout appareil de dissémination, une constitution du protomérite que je n'ai encore CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES GRÉGARINES. 447 rencontrée que là et que je dois, en conséquence, analyser avec soin. Le contenu de ce segment est formé par deux masses que dis- tinguent leur coloration et l’ensemble de tous leurs caractères. La portion inférieure est de l’entocyte normal à grains fins, de couleur jaune ou brune, suivant le moins ou le plus de granules; la portion supérieure, dépourvue des granulations caractéristiques de l’entocyte, a une teinte légèrement verdâtre et jouit d'une réfringence très grande. Elle semble formée par une substance grasse. Dans les indi- vidus tués par l'acide osmique, elle se colore assez intensément en noir, bien plus que l’entocyte. Elle est séparée par une ligne sinueuse de la portion inférieure, et, autant qu'il me semble, sans la moindre interposition de sarcode. D'autre part, latéralement et supérieure- ment elle s'étend jusqu'à l'épicyte ; elle déborde donc l’entocyte de la portion inférieure de toute la largeur que le sarcocyte a de chaque côté. Dans les sporadins de certaines Clepsidrinæ, par exemple dans la C. Munieri', nous avons trouvé quelque chose d’analogue à ce que je viens de décrire, mais dans ce cas c’est de l'entocyte encore qui forme la portion supérieure, et de l’entocyte dérivant de l’épimé- rite, séparé du reste par un septum et respectant aussi-le sarco- cyte périphérique. Dans le cas actuel il m’a toujours été impossible de rattacher la calotte réfringente du protomérite à un reste d’un° épimérite quelconque. Les spores, dans l'unique espèce connue de ce genre, sont ellipsoï- dales à tégument assez épais, entourant lâchement un contenu dans lequel se différencient des corpuscules falciformes. Cnemidospora lutea (nov. sp.). (Fig. 44 à 47, fig. 4, fig. 6à 9.) Individus toujours solitaires. Céphalin inconnu. Sporadin allongé, cylindroïde, mesurant en moyenne 9,5. : Sporadin à deutomérite contenant dans sa longueur douze fois le protomérite. Protomérite subglobuleux, plus large que haut, dans le rapport de 4 à 3. Deutomérite cylindrique, un peu rétréci au niveau du septum, à # Voir mon précédent travail, loc. cil., p. 574, pl. XVII, fig. 1,2 et 3. 448 AIMË SCHNEIDER. peine atténué à l'extrémité inférieure, qui est largement arrondie. Sa largeur au milieu est contenue quatre fois environ dans sa lon- gueur,. Septum formé de sarcocyte. Nucléus ovalaire allongé, offrant tantôt un nucléole, tantôt plu- sieurs. E’picyte à double contour. Sarcocyte bien développé, offrant dans la portion antérieure du pro- tomérite des fibrilles différenciées (myocyte) très apparentes, mais qui perdent en netteté, au fur et à mesure qu'on recule vers l’extrémité postérieure. Entocyte à grains fins, bien lié, d’une teinte jaune ou orange dans les jeunes individus, devenant brunâtre dans les exemplaires âgés. Spores. Je n'en ai vu qu'un petit nombre; elles sont représentées figures 45 à 47. Les plusrégulières sont ellipsoïdales. Ici comme dans le genre précédent, la paroi externe (épéspore) n’adhère que lâächement au contenu, qui semble avoir un autre tégument ou au moins une couche limitante, et dans lequel se constituent des Sporozoites. Habitat. Tube digestif des Glomeris, où elle vit en compagnie d'une Psorospermie intéressante du genre Cyclospora *. La grégarine æst commune, mais il est extrêmement difficile d'en avoir les kystes. Aussi ne puis-je rien dire des phénomènes de la maturation des spores. Les lignes qui précèdent et les figures annexées suffiront à faire reconnaitre cette espèce. La spore nécessitera une nouvelle étude. Tout ce que je veux ajouter ici, c'est que le nucléus offre un corps nucléolaire dans lequel on peut relever tous les aspects décrits à propos du Lophorhynchus. La figure 4, les figures 6 à 9 reproduisent à une faible échelle quelques-uns de ces aspects. Aujourd'hui que les beaux trayaux de Flemming? et de * Pfitzner ont montré de si singuliers phénomènes dans le corps nucléolaire d’un grand nombre de noyaux, il ne serait pas sans intérêt de scruter les nucléus des grégarines à ce point de vue. Ils ne sont presque jamais à l'état de repos, mais leur corps nucléolaire semble sans cesse en voie de transformation. 1 Voyez ces A4rch., t. IX, p. 392, fig. 19 à 43. ? Flemming, Leitræge zur Kenntnis der Zelle und ihren Lebenserscheinungen. (Arch. f. m, Anal,, XVI, 1878.) # Plitzner, Die Epidermis den Amphibien. (Morph, Jahrbuch, 1880.) F1G. 4. 2. 28 29, 30. CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES GRÉGARINES. 449 EXPLICATION DE LA PLANCHE. Lophorhynchus insignis, sporadin de taille moyenne. Même espèce. L’actinophore très grossi, avec le rostre très court et strié longitudinalement qui le supporte. Même espèce. Le céphalin. Les granules de l’entocyte, qui laissent voir le noyau par transparence, ont été dessinés avec trop de régularité et donneraient à croire qu’ils appartiennent au noyau lui-même. . Nucléus du Cnemidospora lutea. Corps nucléolaire, forme deux amas. . Nucléus du Lophorhynchus. Un nucléole principal et plusieurs nuciéoles accessoires. . Nucléus du Cnemidospora lutea. Corps nucléolaire fragmenté. id. . id. Deux amas nucléolaires. . id. Deux gros nucléoles, entourés d’une foule de segments plus petits qui semblent en voie de se souder à eux. . Nucléus du Trichorhynchus pulcher. . Nucléus du Lophorhynchus insignis. Nucléus du Lophorhynchus insignis. Le corps nucléolaire forme un ruban pelotonné, dont les circonvolutions et l’aspect général rappellent le nu cléus se préparant au rajeunissement d’une Paramicie. Le mème, en partie déroulé, en partie décomposé en petites sphé- rules. Trichorhynchus pulcher. Un céphalin. Extrémité du rostre d’un autre individu de la même espèce. Kyste de cette espèce, vu de côté pour montrer l'hémisphère noir, l’hé- misphère blanc, la bande équatoriale noire intense. Le même kyste vu par l'hémisphère blanc. 19 et 20. Le mème, la déhiscence opérée. Les deux valves écartées, mar- quées chacune d’unliseré noir, sont incolores etitransparentes. Entre elles (19 et 20) se trouve le pseudokyste (18) et un certain nombre de spores, . Le même kyste vu par l‘hémisphère noir. Spore du Trichorhynchus pulcher complètement mûre, montrant à son in- térieur deux groupes de corpuscules nucléés. La même spore, avec arrangement plus régulier de corpuscules,. . La même, avant complète maturité. 5. Le nucléus de reliquat et trois corpuscules, Un morceau de la paroi du mème kyste, pour montrer le fin chagrin qui la couvre à un fort grossissement. Fragment de la paroi d'un kyste de Stylorhynchus lingicollis du Blap pour montrer à un fort grossissement la forme des éminences à aspect spécial qui l’ornent,. Sporoblastes provenant d’un kyste du même Stylorhynchus pour montrer le noyau de chacun d’eux avec l’atmosphère ambiante, de granules maintenus par du plasma interposé. Spores de la mème espèce, au moment où elles commencent à présenter une paroi mince, incolore et encore transparente. Spores définitivement constituées de la même espèce, écrasées sous le ARCH,. DE ZOOL. EXP, ET GÉN. == T, X, 1882. 29 450 AIMÉ SCHNEIDER. microscope,ffixées par acide osmique et colorées pour montrer les Spo- rozoïtes. 31. Un couple de Gamocyslis Francisoi, des larves d’éphémères. 32. Nucléus du même. 33. Un couple de Hyalospora affinis, du Machilus cylindrica. 34. Nucléus de la même espèce, 35 à 41. Spores du précédent. j 42, 43 et 49. (Ce dernier chiffre mis par erreur.) Deux céphalins de la Clepsi- drina macrocephala du Gryllus sylvestris. 44. Cnemidospora lulea du Gloméris. 45, 46, 47. Spores du précédent. 48 et 50. Deux spores du Lophorhynchus insignis. 49. (Voyez fig. 42.) RECHERCHES SUR LA STRUCTURE ET LA FORMATION DES TÉGUMENTS CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES PAR ALEXANDRE-NICOLAS VITZOU Licencié ès sciences naturelles des Facultés des sciences de Jassy et de Paris. INTRODUCTION. L'histoire des recherches qui ont été faites sur les téguments des Crustacés Décapodes peut être divisée en deux périodes, selon qu’on a eu en vue l'étude macroscopique ou l'étude microscopique. La période macroscopique comprend un nombre considérable de travaux, tous inspirés par les idées de Geoffroy Saint-Hilaire, l’au- teur de la philosophie anatomique. Lorsque Geoffroy Saint-Hilaire, voulant appliquer aux animaux articulés la théorie des analogues, annonça pour la première fois qu'il existe des rapports d’analogie entre le squelette tégumentaire des articulés et le squelette des animaux supérieurs, de ce jour l’é- tude du test des Insectes, des Arachnides et des Crustacés, en parti- culier, prit une importance considérable et s’imposa à l'attention des zoologistes. Les nombreux travaux de MM. Geoffroy Saint-Hilaire, Savigny, Meckel, Dugès, Ampère, H. Milne-Edwards, etc,, sur la structure et le nombre des pièces qui forment l'enveloppe solide des Crustacés, sur les modifications qu'elles éprouvent dans leur développement pour s'adapter à de nouveaux usages, etc., ont conduit à des résul- tats devenus classiques, et trop connus pour que nous ayons besoin de les rappeler. Ces recherches, qui forment la période macroscopique, ont porté 452 ALEXANDRE-NICOLAS VITZOU. nos connaissances à un degré de perfectionnement vraiment remar- quable. Tandis que l’on apportait tant d'empressement à ces études ma- croscopiques, les études microscopiques furent presque complète- ment négligées. Lorsque, en 1833, M. Hasse et, en 1847, M. Lavalle abordaient pour la première fois, à notre connaissance, cette étude, et qu'ils ouvraient ainsi la seconde période ou la période microscopique, le der- nier surtout pouvait avec raison signaler l'état de délaissement où avait été laissée la question qu'il traitait. « Alors‘! qu'on cherchait, dit-il, avec tant de soin le nombre de pièces qui entraient dans la composition des anneaux du test et de chacun des organes les plus délicats ; alors qu'on s'efforçait de re- trouver leurs analogues dans les espèces voisines ou éloignées, peu de travaux furent entrepris dans le but d’étudier l'organisation in- time de ces mêmes pièces. » | De cette absence de faits relatifs à la structure intime résultait une obscurité profonde sur la nature physiologique du test des Crus- tacés. Les hypothèses les plus contradictoires à ce sujet régnèrent parmi les zoologistes les plus autorisés. Le squelette tégumentaire des Crustacés, vu la position extérieure de la carapace, ses usages de protection, la présence du pigment, etc., fut considéré comme une peau véritable pénétrée de sels calcaires et, en ce cas, comparable à la peau des Zatous. D'autres fois on le regardait comme un squelette véritable à cause du nombre des pièces, de leur mode d'articulation, de leur position extérieure, etc.; squelette qui, comme celui du tronc des Zortues, serait placé en dehors des parties molles. On l’a envisagé d’une autre manière encore et cette fois-ci, les mues périodiques de la carapace fournissaient la base d'une autre hypothèse. On considérait la carapace comme un produit de sécrétion, comme un épiderme comparable à l'épiderme écailleux des serpents et des lézards. Est-ce à dire qué les études microscopiques résolurent d'emblée 1 LavaALLe, Recherches d'anatomie microscopique sur le test des Crustacés Décapodes (Ann. des sc. nalurelles, 3e série, t VIT, p. 353, 1857). 2 1 nés RÉ Ale ef e TÉGUMENTS DES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 453 la question de la signification anatomique et physiologique du test? En aucune façon. Comme nous allons le voir en faisant l'historique, cette étude a fait connaître des détails d'autant plus précis que les moyens d'in- vestigation étaient plus perfectionnés. — Malgré cela, la signifi- cation morphologique du test restait incertaine ; les travaux ne comportaient pas de conclusion à cet égard. La cause de cette insuffisance tient à ce qu'on ne suivait pas l'é- volution des téguments, qu'on ne prenait pas l'étude au moment de leur formation et lorsqu'ils ne sont pas encore durcis par les sels calcaires, c'est-à-dire à l'époque de la mue. C'est dans le but de combler cette lacune et pour apporter de nouveaux faits sur la formation et la nature morphologique de la carapace, ou pour employer une expression plus générale, des tégu- ments, que nous avons entrepris ces recherches. Nous y avons été engagés par notre savant maître M. le profes- seur Paul Bert dans le laboratoire duquel nous avons fait une grande partie de ce travail. — Pour mener à bonne fin nos recher- ches, nous avons dû profiter des ressources que l’on ne peut ren- contrer que dans une station zoologique maritime. — Grâce à l’ac- cueil favorable de M. le professeur de Lacaze-Duthiers nous avons trouvé dans le laboratoire de Roscoff toutes les facilités désirables pour nos études ; nous le prions de bien vouloir agréer ici nos vifs remerciements. Pendant le cours de notre travail nous avons été constamment soutenu et encouragé par la bienveillante direction de nos maîtres, MM. les professeurs Paul Bert et A. Dastre, à qui nous adressons ici les témoignages de notre profonde gratitude. HISTORIQUE. L'analyse bibliographique de nos connaissances sur la structure des téguments des Crustacés n'exige pas que l’on remonte au-delà d'une cinquantaiñe d'années. Dans l'ordre chronologique le premier auteur, à notre connais- sance, qui se soit occupé de la question est Hasse !. Il distingua dans les téguments des Crustacés quatre couches dont les deux premières 1E.-C. Hasss, Observationes de scelelo Astaci fluviatilis el marini. 1833. Lipsiæ, 454 ALEXANDRE-NICOLAS VITZOÙ. forment la partie chitineuse et les deux dernières constituent les par- ties molles sous-jacentes. 4° La première couche est désignée par Hasse sous le nom d'épi- derme ; elle correspond, en réalité, aux parties que l’on distingue anjourd'hui en cuticule et couche pigmentaire, qui ont été confondues par l’auteur en une seule couche. | 2° La deuxième couche correspond à la troisième et à la qua- trième couche des auteurs plus récents. — Hasse les à réunies en une seule sous la dénomination de chorion ou derme. Elle est for- mée de plusieurs membranes:fibreuses.qui se superposent les unes aux autres de telle sorte que les fibres se séparent dans toutes les directions. C'est la couche la plus épaisse et la plus interne de la carapace; elle ne renferme pas de pigment. Les assises externes renferment du carbonate de chaux, tandis que les internes ‘n’en contiennent pas et par cela même sont plus élastiques. 3° La troisième couche est formée d'une matière molle, jaunâtre, tantôt muqueuse, tantôt gélatineuse, et qui, selon Hasse, rougit par l’ébullition; elle contient aussi des vaisseaux. Cette assise cor- respond à la couche de tissu conjonctif des auteurs plus récents. 4° La quatrième couche est formée d’une membrane très délicate, elle devient fibreuse à l'approche de la mue et ne peut être distin- guée qu'à cette époque. Selon Hasse ce sont les deux dernières couches qui, après la mue, formeront l'épiderme et le derme, c'est-à-dire les deux premières. L'année suivante, M. H. Milne Edwards résumait les connaissances que l’on possédait sur la structure des téguments. Pour montrer quel était l'état des connaissances sur cette ques- tion, nous ne pouvons mieux faire que de laisser parler l'éminent naturaliste Ÿ : « Pour se former une idée exacte de la composition anatomique des téguments, il faut les étudier à l’époque de la mue sur des individus qui sont sur le point de se dépouiller de leur en- veloppe extérieure. On voit alors que la peau de ces animaux se compose de trois couches membraneuses principales. La plus pro- fonde ressemble aux tuniques séreuses des animaux supérieurs ; dans certaines parties du corps, dans les membres, par exemple, elle est à peine visible; mais autour des grandes cavités du tronc elle constitue une membrane bien distincte, et se continue sur tous les viscères, de 1 Mie-Epwanps, Histoire nalurelle des Crustacés, 1834, t, Ier, p. 8 et 9, TÉGUMENTS DES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 455 manière à former autour de chacun d'eux une gaine particulière, en même temps qu'elle leur fournit une enveloppe commune. La face interne de cette tunique mince et transparente est libre etlisse; mais sa surface externe est, au contraire, unie à la couche tégumentaire moyenne. Cette dernière membrane est molle, plus ou moins spon- gieuse, en général assez épaisse et vasculaire ; sa surface est ordi- nairement colorée et on pourrait la comparer au chorion ou derme, Enfin, la couche la plus externe est formée par une membrane mince, mais dense et consistante, qui ne présente pas de ramifications vas- culaires ; elle enveloppe le corps de toute part et forme dans di- vers endroits des replis qui pénètrent plus ou moins profondément entre les organes intérieurs. « Cette tunique superficielle se trouve, entre le chorion et la cara- pace, prête à tomber, etelle est évidemment sécrétée par la première de ces enveloppes, car à toute autre époque qu'à celle de la mue on. n’en voit aucune trace; et, en effet, c’est elle qui doit former le nou- veau test. Bientôt après la chute de l’ancienne carapace, on la voit acquérir une consistance plus grande : dans certaines espèces elle reste toujours dans un état semi-corné ; mais dans d’autres elle s'épaissit davantage et s’encroûte de particules calcaires, de façon à devenir très solide et très dure. Lorsqu'on l’examine là où elle a déjà pris cette consistance osseuse, on voit que son épaisseur est assez grande, et que sa surface interne est revêtue d’une couche mince de tissu cellulaire membraneux; dans une partie de son épais- seur, et à sa surface externe, elle est en général plus où moins co- lorée; enfin, on y remarque souvent des prolongements filiformes, qu’au premier abord on prendrait pour des poils semblables à ceux des Mammifères, mais quien diffèrent entièrement parleur structure, et qui ne sont autre chose que des appendices de cette dns épi- dermoïde ». Comme on le voit, la peau de ces animaux, au moment de-la mue, se compose de trois couches, sans compter la carapace, prête à tomber: | 1° Couche interne, représentée par une membrane séreuse. 2° Couche moyenne, c’est le chorion ou derme, vasculaire ; 3° Couche externe formée d’une membrane dense et consistante et ne représentant pas de ramifications vasculaires. Cette dernière assise se trouve, au moment de la mue, entre la je rapace prête à tomber etle chorion; c'est elle quiconstituera le sque- 456 ALEXANDRE-NICOLAS VITZOU. lette tégumentaire du crustacé. Pour M. Milne-Edwards le revête- ment extérieur ou squelette tégumentaire correspond à l’épiderme des animaux supérieurs, et il est produit par la sécrétion de la couche profonde ou derme. Nous verrons par la suite qu'il y a entre la nouvelle carapace en voie de formation et le derme une autre couche composée d’un épi- thélium cylindrique qu'il ne faut pas confondre avec le derme dont elle est nettement distincte. De plus nous verrons que la nouvelle carapace est formée par les cellules qui constituent l’épithélium cy- lindrique et non par le derme, comme l'indique le savant natura- liste, et que le processus de formation consiste dans l’épaississement successif de la paroi supérieure des cellules épithéliales. Quant à la structure de la carapace, prête à tomber, l’auteur ne nous en dit rien en 1834. En 1874 !, il donne un résumé succinct du travail de M. Lavalle. En 1847,M.Lavalle ? a étudié seulement les téguments qui doivent être‘rejetés par l'animal au moment de la mue.Sur la nature de cette enveloppe coriace durcie, il avait été impossible de baser une opi- nion suffisamment fondée. C'est pour combler cette lacune que M. Lavalle a entrepris le travail que nous allons résumer. Pour lui le test des Crustacés se compose de trois couches : 4° La couche externe, ou couche épidermique, extrèmement mince, translucide, d'un jaune de corne, sans organisation appréciable et recouvrant tout le test. Gette couche représente la cuticule des au- tres auteurs. 2° La couche moyenne ou pigmentare, sillonnée d’un nombre va- riable de lignes extrémement fines, disposées suivant la surface du test, parfaitement parallèles entre elles et sans anastomoses appa- rentes. Cette couche est colorée, d'où le nom de couche pigmen- taire qui lui a été donné par l’auteur; elle est imprégnée de sels calcaires et contient dans son épaisseur la base arrondie des poils. La présence de cette couche ne manque presque jamais, et on peut la constater facilement, grâce aux matières qui la colorent. L'épaisseur de cette couche est intermédiaire à celle de deux autres qu'elle sépare. 1 Mizne-Enwarps, Leçon sur la physiologie et l'anatomie de l'homme et des ani- maux, 1874,t. X, p. 183. 2 LavaLr.e, Recherches d'anatomie microscopique sur le lest des Crustacés Décapodes (Ann. des sc. nalurelles, 3e série, t, VII, 1847). TÉGUMENTS DES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 457 3° La couche nterne ou dermique, la plus développée des trois, constitue à elle seule presque toute la carapace; elle est blanche, formée, comme la précédente, de lamelles parallèles à la surface du test, traversée par des fibrilles et imprégnée de sels calcaires. Lorsque nous reprendrons la description des téguments, nous re- viendrons sur la valeur qu'il faut accorder à ces divisions et sur les faits qui ont échappé à l'auteur. C'est à dessein que nous avons donné du travail de M. Lavalle ce résumé un peu détaillé. Il sem- ble, en effet, qu'il n'ait pas été bien compris; ainsi, dans un travail récenti, on reproche à l’auteur de n'avoir pas pris en considération, dans les divisions qu'il établit, la cuticule. Or, sans faire aucun effort, on voit que la couche épidermique n’est autre chose que la cuticule des auteurs subséquents. Pour Siebold et Stannius ?, le squelette cutané des Crustacés, qu'il soit dur ou mou, est composé d’un nombre plus ou moins grand de couches extrêmement minces et composées de fibres très fines. Très souvent, ces couches sont parcourues par des canaux très petits. La surface interne du test est revêtue d’une membrane particu- lière mince, fibreuse et analogue à un périoste interne. Cette mem- brane joue dans la mue, à laquelle tous les Crustacés sont sujets, un rôle important, car c'est probablement elle qui sécrète, couche par couche, les matériaux de l'enveloppe de nouvelle formation. Nous voyons donc que Siebold et Stannius admettent deux cou- ches : l'externe, formant la carapace, et l’interne, représentant les tissus mous sous-Jacents à la carapace. En 1848, Carpenter *, dans un rapport qu'il a lu devant la Société britannique pour l'avancement des sciences, dit que la carapace des crabes est formée de trois couches : 1° Une couche cornée, sans struc- ture, couvrant l'extérieur; 2° Un «cellular stratum » ou couche cellulaire ; 3° Une substance tubulaire laminée. Quekett*, en 1855, dans son Traité d'histologie, en parlant de l’en- veloppe tégumentaire des Crustacés supérieurs, partage l'opinion du 1 Max BRAUN, Ueber die Histologischen Vorgänge bei der Häulung von Astacus fluvialilis (in Arbeiten aus dem Zool.-Zoot. Institut in Würzburg, 1875, Bd. II, p. 126). ? SiEBOLD et STANNIUS, Anatomie comparée, trad. française (1850, t. Ier, p. 411). 3 CARPENTER, Report on the Microscopic Structure of Shells, part. II, 1858, p. 127 (British Associat. for the Advancement of Science for 1847). J. QuEkeTT, Lectures on Hislolagy, 1854, t. IT, p. 393, avec fig. 458 | ALEXANDRE-NICOLAS VITZOU: docteur Carpenter en ce qui concerne la structure cellulaire de la carapace. Gette idée a été rejetée ensuite par MM. Huxley et Wil- Hamson. | Les stries verticales de la carapace sont considérées par Quekett comme étant de petits tubes, et les lignes horizontales comme des lignes d’accroissement, En 1859, M. Huxley!, dans un article sur les organes tégumen- taires des animaux, étudie aussi ceux des Crustacés. Pour se rendre compte de la structure des téguments des Crus- tacés Décapodes, l'auteur examine les parties molles des articula- tions des pattes, qui sont en continuité avec les parties durcies, et que l’on peut étudier sans attendre que l'animal soit mou. Sur une coupe transversale en allant du dedans au dehors ,: M. Huxley a rencontré : {4° Le derme (enderon) composé de tissu conjonctif traversé par des canaux vasculaires et contenant de nombreux amas de pigment jaune et rose, fréquemment disposé en corps étoilés ou même for- mant des réseaux le long des fibres élastiques rudimentaires. 2 Le protomorphic layer, consistant en une substance contenant des noyaux (endoplastes); cette couche protomorphique adhére- rait tantôt à l’enderon, tantôt aux téguments durcis, quand ceux-ci étaient détachés. Cette couche, il l'appelle aussi ecderon, par opposition à la couche la plus interne, qu'il a appelée enderon. 3° Extérieurement à la couche protomorphique ou à l'ecderon, on trouve la couche chitineuse du tégument (chrfinous layer) composée d'un grand nombre de lamelles d’une finesse extrême. Pour M. Huxley, les lamelles successives de chitime tirent leur ori- gine de l'épiderme sous-jacent par un processus d'excrétion. Gomme on le verra, la présence, entre les téguments chitineux et le tissu con- jonctif, d'un épithélium nettement caractérisé, a échappé à l’auteur. En 1880 *, dans un livre intitulé l'Zcrevrisse, M. Huxley donne plus de détails sur la couche qu'il appelait en 1859 chtinous layer, et qu'en 1880 il désigne sous le nom d’exosquelette. Dans les parties calcifiées de l’exosquelette 1l distingue, en procé- dant de dehors en dedans: 1 Iluxcey, Tegumentary Organs (Todd's Encyclopedia of Anatomy und Phiysiol., Suppl., vol. 1859, p. 486). 2 HuxLey, Bibliothèque scientifique internationale : l’'Ecrevisse, 1880, p. 141-143, TÉGUMENTS DES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 459 {° Un épiostracum, 2° un ectostracum et 3° un endostracum. D'après les figures qu'il donne, il n’y a pas de ligne de démarca- tion nettement indiquée entre les trois couches successives. Quant aux canaux poreux, nous y reviendrons au moment où nous étudierons la structure des téguments, et nous discuterons les diffé- rentes idées émises à ce propos. En 1860, M. Williamson !, dans un mémoire sur les téguments des Crustacés, est arrivé aux conclusions suivantes: \ Dans tous les Crustacés podophthalmaires, les téguments parais- sent être composés de quatre couches : | 4° Couche superficielle sans structure, /a pellicule, représentant une petite portion du véritable tissu épidermal des crabes; 9° Une couche aréolée (areolated layer); | 3° Un chorion calcifié (calcrfied corium) ; 4° Un chorion non calcifié, qui peut s'imprégner de calcaire au fur et à mesure que de nouvelles couches se forment au-dessous. Plus loin l’auteur ajoute : « Une étude soigneuse du Crabe m'a mon- tré qu'une membrane basale bien marquée s'interpose à tous les stades de développement, entre l'endoderme cellulaire ou derme et les couches tubulées calcifiées ou non, et que par conséquent les cellules de lPendoderme ne peuvent pas entrer histologiquement dans les couches externes tégumentaires, qui forment la carapace des Crustacés.» Pour M. Williamson, la carapace est un produit de sécrétion du derme cellulaire, lequel traverse par exosmose la mem- brane basale, quand il est à l’état fluide, et se consolide en une cou- che sans structure en dehors de la membrane basale. | Nous devons faire remarquer qu’en suivant le développement des téguments, nous n'avons jamais remarqué la présence d'une membrane basale interposée entre les téguments chitineux et les tis- sus mous sous-jacents. Il résulte de ces indications que l’auteur n’a pas eu connaissance de la présence d'un épithélium chitinogène in- terposé entre le derme et la carapace, non plus que de l’existence de la véritable membrane basale qui sépare l’épithélium chitinogène d'avec le tissu conjonctif sous-jacent. | Leydig ? divise la peau des Crustacés en deux couches : 1 WiLLIAMSON, On some Histological Features in the Shells of the Crustacea, in / Quart. Journ. Microsc. Sc., vol. VIII, p. 44, avec 1 pl., 1860. 2 Leypic, Traité d'histologie, trad. française, 1866, p. 119. 460 ALEXANDRE-NICOLAS VITZOU. 4° Une couche externe chitènisée, qui forme la carapace (ou épi- derme des auteurs) ; 2° Une membrane molle, non chitinisée (ou chorion des auteurs). Les caractères de la carapace sont d'être formée de lamelles régu- lièrementstratifiées et de présenter des canaux poreux partout où ce squelette cutané chitinisé atteint une certaine épaisseur. Quant à la nature de la carapace, l'auteur ajoute qu'elle est formée de la substance conjonctive chitinisée; les canalicules poreux sont pour lui les équivalents des corpuscules du tissu conjonctif. La cou- che molle, non chitinisée, qui se trouve au-dessous de la carapace est formée par de la substance conjonctive qui peut présenter toutes les variations que peut subir le tissu conjonctif, surtout chez les Invertébrés. La figure que l’auteur donne de la structure de la couche molle de l’Ecrevisse à l'appui de ses explications est fort éloignée de la réalité des choses. En regardant de près la figure 54 on n'est pas étonné que l’auteur ait considéré la carapace comme formée par la substance conjonc- tive chitinisée. En effet, la partie supérieure de la couche molle chez l'Ecrevisse est sillonnée par une série de lignes horizontales très rapprochées. La simple inspection de cette figure montre que la pré- sence d’un épithélium chitinogène, interposé entre le derme et la carapace, avait échappé à Leydig. La connaissance de ce détail de stucture aurait empêché l'auteur de contester la division de la peau des Crustacés en un épiderme et un derme comme chez les animaux supérieurs. Gegenbaur!, abordant d'une manière générale les téguments des Arthropodes, ditqu’ «ils sont composés de deux couches distinctes.» La couche cuticulaire « recouvre toute la surface du corps et se continue dans les organes internes par les ouvertures de ces derniers débouchant à la surface ; elle forme, grâce à sa puissance, la partie la plus importante des téguments et l'emporte toujours sur la cou- che cellulaire sous-jacente. » Et plus loin il ajoute : « En raison du mode de leur naissance, ces couches cuticulaires sont formées de lamelles distinctes, disposées par couches, dont les inférieures ont une consistance plus molle. Elles sont ordinairement traversées par des canaux poreux, dans lesquels s'enfoncent des prolongements de 1 GEGENBAUR, Manuel d'anatomie comparée, trad. française, 1874, p. 331-333. TÉGUMENTS DES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 461 la matrice. L'enveloppe molle qui produit ces couches extérieures plus fermes est toujours composée de cellules. Elle est l’homologue de l’épiderme des autres groupes, et n’a chez les Arthropodes qu'une puissance relativement faible. En dedans de ces couches épithéliales proprement dites, il y a encore une couche de tissu connectif, qui cependant, comparée à la couche cuticulaire et à la matrice, n’est que peu développée. » Il résulte de ce résumé succinct que les couches cuticulaires et la matrice molle qui leur donne naissance seraient l’homologue de l'épiderme des autres groupes ; cependant il esttrès curieux de voir, dans la traduction française, une réelle contradiction entre cette interprétation et ce qui va suivre : « L’enveloppe chitineuse des Ar- thropodes qui, ensuite de la rigidité plus grande des couches qui la composent, devient un squelette dermique, constitue non seulement une protection pour les organes qu'elle renferme, mais sert aussi d'appareil de support et, comme tel, fournit des points d'insertion à l'ensemble du système musculaire !, » D’après ce passage l'enveloppe chitineuse des Arthropodes, en gé- néral, et celle des Crustacés, en particulier, sont considérées comme un squelette dermique. Nous avons cherché dans le texte allemand et nous avons trouvé le mot hautskelett, qui a été traduit à tort, en français, par les mots squelette dermique, au lieu de squelette téqumentaire. Nous devons faire remarquer que ce que nous entendons par sque- lette tégumentaire chez les Crustacés n’est formé que par une par- tie de l’épiderme, à savoir : par les couches chitineuses, tandis que la matrice ou l'épithélium chitinogène qui constitue la couche infé- rieure de l’épiderme, comme on le verra plus loin, ne rentre pas dans la constitution du squelette tégumentaire. Il ne nous reste plus à parler que d’un mémoire publié en 1875 et dans lequel M. Max Braun? reprend dans le premier chapitre la des- cription des téguments externes chez l'Ecrevisse. Comme ses prédécesseurs, l’auteur admet que les téguments de l’Ecrevisse sont composés de deux couches : 1° Une couche externe cuticulaire formée de chitine et calcifée, 1 GEGENBAUR, loc. cil., p. 334. ? Max BRAUN, Ueber die Histologischen Vorgänge bei der Hautung von Astacus flu- vialilis, in Arbeiten aus dem Zool.-Zoot. Institut in Würzburg, 1875, Bd. II, p. 120, 462 ALEXANDRE-NICOLAS VITZOU. c'est la carapace, et 2° une couche interne molle, c’est la matrice ou le tissu chitimogène. Pour la carapace, M. Max Braun distingue trois couches, et en ceci sa description se rapproche beaucoup de celle que Lavalle a donnée en 4847. Ainsi il admet : a. une couche externe, la cuticule ; b. une couche moyenne renfermant du pigment et des sels calcaires, c'est la couche pigmentaire de Lavalle, et enfin çe. une troisième cou- che interne beaucoup plus épaisse que les autres, non colorée, et renfermant des sels calcaires, c’est l'équivalent de notre troisième et quatrième couche. En ce qui concerne le tissu chitinogène, l’auteur a le mérite d’a- voir précisé pour l'Ecrevisse la présence d’un épithélium chitinogène sous les téguments chitineux. Cet épithélium était confondu par ses prédécesseurs avec le tissu conjonctif sous-jacent. En parcourant le mémoire que nous analysons on voit que l’auteur semble repousser l'idée d'une homologie entre les téguments des Crustacés et la peau des animaux supérieurs. En ce point il partage les idées de Leydig. Peut-être aurait-il été amené à accepter cette homologie, si ses re- cherches avaient embrassé, comme 1l le dit très bien, un grand nom- bre de Crustacés supérieurs. Plus loin l’auteur étudie la formation pendant la mue des pierres d’Ecrevisse (yeux d'Ecrevisse), des poils, la provenance de la ca- rapace, la formation de la chine de l'intestin et finalement il re- produit quelques observations sur la croissance ultérieure de la carapace. M. Max Braun a senti l'intérêt qu'il faut attacher aux formations chitineuses qui constituent les téguments et spécia- lement la carapace ; seulement, quand il s’agit de savoir quel est le processus suivant lequel a lieu la constitution des couches chitineu- ses, l’auteur reste muet. Il annonce que la formation des nouveaux téguments chitineux commence par la sécrétion des poils cuticu- laires et qu'ensuite de nouvelles couches chitineuses se forment entre les poils cuticulaires et l’épithélium chitinogène; mais il n'indique pas nettement si cette nouvelle formation a pour ori- gine la sécrétion d'une matière chitineuse ou un processus différent. Cet aperçu historique sur la structure des téguments des Crusta- cés Décapodes nous montre quel était l'état de la question au mo- ment où nous avons abordé notre travail. On savait d’une manière TÉGUMENTS DES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 462 générale que les téguments des Crustacés supérieurs se composent de deux couches : 4 Une couche externe formée de chitine durcie par les sels cal- caires, enveloppant l'animal et servant en même temps non seule- ment à la protection des parties molles qu'elle renferme, mais jouant aussi le rôle d'un appareil de support et, comme tel, four- nissant des points d'insertion à l'ensemble du système musculaire ; 9° Une couche interne molle qui, en raison du rôle qu'elle rem- plit dans la formation de la couche externe, a reçu le nom de ma- trice ou tissu chitinogène. Une telle division des téguments en deux £ouches était facile à observer. Tous les auteurs qui essayaient d'établir une homologie entre les téguments des Crustacés et ceux des animaux supérieurs ont pris la couche externe chitineuse pour un épiderme ; quant à la couche interne, on ne lui a pas trouvé de représentant certain dans les tégu- ments des animaux supérieurs. Certains anatomistes!, n'ayant pas connu l'existence de la couche molle sous-jacente au squelette tégumentaire et cependant voulant établir une homologie entre les téguments des Crustacés et la peau des animaux supérieurs, ont considéré le squelette extérieur des Crustacés comme représentant la totalité de la peau et comnie étant composé de deux couches soudées entre elles et formées l’une par l’épiderme, l’autre par le derme. | L'application du microscope à l'étude des téguments a fait admet- tre dans la zone externe, qui forme le squelette tégumentaire, trois couches. La couche interne caractérisée par la présence du pigment et des vaisseaux reçut le nom de couche dermique par comparaison à l’assise inférieure de la peau des animaux supérieurs. L'étude microscopique de la couche externe a fait voir, soit à sa sur- face, soit dans son épaisseur, des dessins rappelant les contours de cellules polyédriques ; de là le nom de couche cellulaire qui fut donné par Carpenter et Quekett aux portions superficielles du squelette tégumentaire. Cette dénomination fut rejetée par M. Huxley en 1859, après qu'il eut constaté l'absence de noyaux dans les téguments chi- tineux. Il proposa une autre explication pour les dessins polygonaux - 4 De BLaNviLce, De l'organisation des animaux ou Principes d'anatomie comparée, 4829, t. Ier, p. 174. : ; Te 464 ALEXANDRE-NICOLAS VITZOU. que l’on observe à la surface des téguments ; selon lui, ils seraient dus à un dépôt de matières calcaires. Nous pouvons en dire autant des canalicules poreux qui traversent les couches de chitine et dont le mode de formation reçut différentes interprétations. D'autre part, les auteurs hostiles à la théorie cellulaire, Leydig en tête, se refusèrent à reconnaître dans les téguments des Crustacés un épiderme celluleux et un derme congonctif, comparable à la peau des animaux supérieurs. Pour Leydig, la carapace des Crustacés était formée d’une sub- stance conjonctive chitinisée et les canalicules poreux étaient les équi- valents des corpuscules du tissu conjonetif. L'autorité de Leydig eut assez d'influence pour que, même après la notion précise d’un épithélium bien caractérisé dans la couche molle de l'Ecrevisse, on continuât d'admettre l’ancienne division en deux couches, à savoir : une couche externe formant la carapace, et une couche interne molle à laquelle était réuni l’épithélium chitinogène. Quant à la formation de la carapace et, en un mot, de tous les téguments chitineux, on n'en savait rien de précis. Pour les partisans de la théorie cellulaire, la carapace était formée par l’aplatissement et la soudure des cellules superficielles de la couche molle (Lereboullet) et, dans cette hypothèse, elle représentait l’é- piderme des autres animaux; les autres, ne sachant comment expliquer la formation des téguments chitineux, se contentaient tout simplement d'admettre que la carapace était un produit de sé- crétion de la couche molle ou de la matrice. Or, comme la matrice était désignée sous le nom de chorion ou derme, il n’est pas étonnant de voir Lavalle et Williamson, dans cette dernière hypothèse, consi- dérer la moitié inférieure de la carapace comme une couche der- mique. Tel était l'état de la question au moment où nous avons com- mencé nos recherches. Pour ce qui concerne la nature morpholo- gique des téguments, en général, et leur mode de formation, on peut dire que l’on n'avait que des idées vagues à ce sujet et des hy- pothèses nombreuses. Il était indispensable de voir ce qu’il y avait de vrai dans les nombreuses interprétations qui avaient été don- nées au tégument des Crustacés. Pour trancher la question, il fallait suivre pas à pas le développe- ment des téguments, et, à ce point de vue, les mues périodiques NOTES ET REVUE. XXXHII XV ETUDES SUR LES NEOMENIA !, Par A. KowaLevsky et A.-F. Marion, à Marseille. Plusieurs mémoires ont été publiés récemment sur l'organisation des Neomenia et cependant, si l’on se borne à leur lecture, il est impossible d'ar- river à la conception bien nette d’un plan anatomique commun à toutes les espèces décrites. Le travail que Hubrecht vient de faire paraître nous donne des détails pré- cieux et d’une exactitude incontestable sur l'animal pour lequel le naturaliste de Leyde crée le genre Proneomenia, mais la belle monographie de notre con- frère et ami ne dissipe pas le doute qui enveloppe encore les formes primitives du groupe. Qu’on veuille bien se reporter au mémoire de Tycho Tullberg, à ceux de Græff, de Ihering, de Koren et Danielssen, et à celui rédigé récem- ment par l’un de nous. Comparant les descriptions de ces divers auteurs et nous fondant sur nos recherches actuelles, nous sommes amenés à dire que la Neomenia décrite par Tullberg a été placée dans une attitude inverse de la position naturelle, la tète ayant été considérée comme la région postérieure du corps. Cette erreur n'a pasété relevée jusqu'ici. Kowalevsky a suivi, à propos du Neomenia gorgonophila l'orientation de Tullberg et les auteurs qui ont discuté l’organi- sation de ces curieux mollusques primitifs ont été nécessairement entraînés à des interprétations anatomiques tout à fait inexactes. Tel est le cas de Græff qui, sous l'influence de cette erreur de position, attribue aux glandes salivaires le rôle de testicules. Koren et Danielssen ne nous semblent pas avoir surmonté les difficultés du sujet et, bien qu’il soit assez malaisé de se rendre compte des descriptions qu’ils donnent, très différentes souvent de celles de Tullberg, nous sommes portés à croire qu'ils ont vu les organes de l'animal, tantôt dans une position renversée, tantôt dans leurs relations naturelles. Toutes ces confusions sont à nos yeux éclaircies par les recherches que nous venons de faire sur les petites Neomenia découvertes depuis quelque temps déjà par l’un de nous dans le golfe de Marseille. Notre étude a porté sur des individus dont la taille variait de 5 à 25 millimètres. Les uns ont été recueillis errants sur les rhizomes des Posidonies; les autres, en plus grand nombre, étaientenroulésautour des hydrorhizes del’Aglaophenia myriophyllum. Le premier fait important que nous ayons constaté est relatif aux organes dé- signés par Tullberg sous le nom de lateral glands. Ces deux tubes sont des 1 Les animaux découverts nouvellement et décrits sous le nom de Neomenia sont trop intéressants pour que les lecteurs des Archives ne soient heureux de trouver réunies les idées si opposées qui ont été émises sur leur organisation par les natu- ralistes les plus éminents. — Nous empruntons au Zoologischer Anzeiger les deux notes suivantes. : H. ne L.-D. ARCH. DE ZOOL, EXP. ET GEN. = T. X. 1882. C XXXIV NOTES ET REVUE. glandes salivaires. Le corps décrit comme un pénis avec ses différents appen- dices, n’est qu'une radula parfaitement reconnaissable. Il est donc évident que la région dans laquelle ces appareils sont disposés est un véritable pha- rynx et non pas un rectum. Ce point éclairci, il devient facile de se rendre compte de la signification des autres parties de l’animal. Celles désignées par Tullberg comme une bouche et ses dépendances, représentent un véritable rectum et des organes conduc- teurs des produits sexuels. Ces derniers comprennent une matrice et les deux conduits de la glande génitale. La glande elle-même occupe la partie dorsale du corps et elle est hermaphrodite. Elle s'étend en avant jusqu’au- dessus du pharynx et peut même, chez nos bêtes marseillaises, s’y dilater de manière à reproduire l'aspect de cet egg-bag que Tullberg plaçait dans la por- tion postérieure du corps de son animal renversé. On voit que notre description concorde avec celle du Proneomenia de Hu- brecht. Elle tend, entre autres choses, à faire attribuer une radula plus ou moins développée à la plupart des Néoméniées, sinon à toutes. Dans un mémoire détaillé nous décrirons bientôt les caractères spécifiques des Neomenia du golfe de Marseille et nous donnerons de nombreux détails anatomiques et histologiques. L'animal vivant, lorsqu'il se déplace, rampe lentement à la manière des Némertes. Il peut projeter en dehors de son ou- verture buccale un petit appareil sensitif en forme de bouton hérissé de poils tactiles. Nous l'avons vu faisant saillir aussi hors la bouche les franges vibratiles du pharynx, assez longues pour se montrer en avant de la tête comme de petites languettes en massue. Cette particularité peut avoir déter- miné quelques auteurs à prendre ces franges pharyngiennes pour des bran- chies, alors que la bouche était considérée comme un anus. Dans la véritable région postérieure nous trouvons un petit organe sensitif cupuliforme, situé dans la peau, au milieu même de la cuticule et analogue à celui que Hubrecht décrit dans la Proneomenia Sluiteri. | Le tube digestif, dans sa région moyenne, pousse des cæcums latéraux bien réguliers, séparés les uns des autres par des tractus fibreux verticaux, émanés de la musculature générale. Sur les coupes transversales, on voit que la partie dorsale de cet intestin est seule vibratile, tandis que le reste du canal est ta- pissé par de grandes cellules allongées, protéiformes, pleines de granulations grasses. L'intestin se rétrécit pour déboucher dans le cloaque, passant entre les deux conduits; sexuels et au-dessus de la matrice. En avant, l'intestin pousse un cæcum dorsal qui se prolonge dans la tête. La masse buccale est disposée au-dessous de ce cæcum. On voit dans le pharynx la radula, moins développée sans doute chez la Proneomenia Sluiteri, mais encore nettement armée chez les animaux errants, plus réduite et moins distincte dans ses di- verses parties, chez les individus parasites des Aglaophénies. Nous aurons peut-être par la suite à distinguer spécifiquement ces deux sortes d'individus. Le cœur nous a paru consister en deux chambres, la plus petite placée en arrière. Le péricarde l'entoure, bien reconnaissable dans les coupes trans- versales au-dessus du cloaque. Du système circulatoire périphérique nous ne connaissons que le vaisseau dorsal, qui sur les animaux vivants parait coloré en rouge. Nous rapportons au même système organique le sinus pédieux NOTES ET REVUE. -XXXV dans lequel le sang pénètre incontestablement et qui se trouve en relation directe avec le sillon vibratile (pied), c'est-à-dire avec la partie du corps où l'échange respiratoire doit s'effectuer le plus sûrement. Les glandes sexuelles dépendent du vaisseau dorsal. Chez les jeunes, on voit le vaisseau dans une sorte de gouttière en V, sur les flancs externes de laquelle se trouvent les deux canaux sexuels. La portion de ces canaux accolée à la gouttière produit des ovules, tandis que la région inférieure appliquée contre l'intestin donne naissance aux spermatozoïdes. En arrière, ces tubes sexuels débouchent dans le péricarde ainsi que Hu- brecht l’a vu chez la Proncomenia. Du péricarde lui-même naissent deux canaux conducteurs des produits sexuels. Ces conduits se dirigent d’arrière en avant le long des flancs pour déboucher, en se recourbant en dessous et en arrière, dans les deux cornes de la matrice. Celle-ci est un grand organe à peu près cylindrique, disposé sous le rectum. Elle a des parois très épaisses, constituées par de longues cel- lules cylindriques entourées, dans la région ventrale, par des éléments glandu- laires. Cette matrice, nous venons de le dire, se prolonge en avant en se bifurquant, et les deux cornes ainsi formées ont la même structure histologi- que que la matrice elle-même. Il n’existe pas entre ces deux cornes un pro- longement impair médian qu’on pourrait regarder comme une vésicule sémi- nale, et il est évident pour nous qu'une confusion avec les glandes salivaires et le sac de la radula a conduit Koren et Danielssen à décrire un receptacu- lum seminis. Nulle part on ne voit d'appareil pénial, pas plus que chez la Proneomenia de Hubrecht. Le pénis de la Neomenia de Tullberg est incontestablement une radula. On doit attribuer la même nature à l'organe désigné comme spicule mâle par Koren et Danielssen. La matrice débouche en arrière dans le rectum qu’elle peut refouler légè- rement. Nous n'avons rien à ajouter pour le moment à ce que Hubrecht a dit du système nerveux de la Proneomenia Sluiteri. XVI NOTE RELATIVE AUX ÉTUDES SUR LES NEOMENIA DE MM. KOWALEVYSKY ! ET MARION DANS LE ZOOLOGISCHER ANZEIGER, N° 103, P. 61, Par À. À. W. HuBrecxT, Leyde. Quand une confusion déjà assez considérable est encore augmentée par une tentative d’éclaircissement reposant sur un nouveau malentendu, il importe de 1 Voir Proneomenia Sluiteri, with remarks on the affinities of the Amphineura (Niederl. Arch. f. Zoologie, Supnl.-Bd. 1881, p. 4), XX &YI NOTES ET REVUE. signaler l’erreur le plus tôt possible, afin d'éviter que l'embrouillement ne devienne inextricable. MM. Kowalevsky et Marion, dans l’article susmentionné, publié dans le der- nier numéro du Zoologischer Anzeiger, sont tombés dans une erreur que moi- même j'ai failli commettre et dont, pour cette raison, je sais apprécier les aspects séduisants. En commençant mes recherches sur la Proneomenia, j'ai été bien longtemps à me demander laquelle des deux ouvertures subtermi- nales était la bouche, laquelle l'anus. A la fin, je suis parvenu à décider la question pour ce qui concerne la Proneomenia, du moment que j'eus trouvé la radula microscopique, et, pour ce qui concerne la Neomenia curinata Tullb. après avoir pu étudier cette même espèce dans les séries de coupes longitu- nales et transversales que MM. Ray Lankester et Spengel, avec une libéralité pour laquelle je ne pourrai pas leur être assez reconnaissant, avaient mises à ma disposition. MM. Kowalevsky et Marion soutiennent que Tullverg a con- sidéré comme la région postérieure du corps ce qui était en vérité Ja tête. J'ai, au contraire, la certitude qu'il n'en est rien, et que, dans les descriptions de Neomenia Carinata Tullb., que nous devons successivement à cet auteur même, à Græff et à Koren et Danielssen, il n’y a nulle part confusion entre les extrémités antérieures et postérieures, ni entre les organes qui s’ytrouvent. Puis, contrairement à ce que présument MM. Kowalevsky et Marion, les stylets calcaires doubles de Neomenia carinata, que Koren et Danielssen rapportent à l'appareil génital mâle de cette espèce, s’y trouvent indubitablement et sont situés dans l'extrémité postérieure. Ils correspondent très bien avec la figure donnée par Tullberg, et ne peuvent nullement être confondus avec une radula, comme le veulent Kowalesky et Marion, qui ont trouvé une radula rudimen- taire dans leurs espèces marseillaises. Ensuite j'ai pu constater que le egg bag de Ja NeomeniaCarinata de Tullberg est en vérité le péricarde, tandis que J'ai pu démontrer, au moyen des séries de coupes de M. Ray Lankester, qu'il existe dans cette espèce, comme dans la Proneomenia, une communication entre le péricarde et l'extérieur, communication que j'ai bien distinctement vue et que j'ai mentionnée à la page 51 de mon mémoire sur la Proneomentia. Jus- qu'ici il n’y a donc aucunement raison de se plaindre de « toutes ces confu- sions», comme le font MM. Kowalevsky et Marion à la page 61 de ce journal. Le premier pas vers la confusion a été fait par M. Kowalevsky lui-même, qui, dans la description de la Neomenia gorgonophila (Zoologischer Anzeiger, n° 53, et un travail russe in-4°, avec deux planches), a confondu les glandes salivaires de sa Neomenia avec les «lateral glands » de la Neomenia Carinata Tullb. 1l avoue cette confusion à la page 61 de ce journal ; mais, en corri- geant sa méprise, il veut y entrainer Tullberg, qui pourtant avait parfaitement bien observé, qui n'avait point trouvé Ge glandes salivaires dans la Neomenia carinata (ni Græf, ni moi non plus), qui n’y avait trouvé aucune trace de radula (ni Græff, ni moi non plus), et qui décrit (bien que son interprétation ne soit pas toujours juste) le péricarde, les penes calcaires, les «lateral glands » (nephridia) et les branchies dans la partie postérieure de l'animal, tous organes dont Koren et Danielssen, Græff et moi-même nous avons pu confirmer la présence dans la Neomenia carinala. | Kowalevsky etMarion, qui jusqu'ici n'ont pas examiné la Neomenia carinata NOTES ET REVUE. XXXVIL eux-mêmes, me paraissent avoir été induits en erreur par la difficulté qu'ils ont trouvée à admettre l'existence d’une aussi grande différence entre deux espèces du même genre, différence qu’ils ont voulu amoindrir, en proposant de prendre la description de Tullberg, etc., en sens inverse. Pourtant cette difficulté disparaît d’une manière bien plus simple quand on regarde les formes marseillaises, nou comme des Neomenia, mais comme de vraies Pro- neomenia. Les détails qu'ils donnent sur l’anatomie de leurs spécimens nous fournissent les meilleurs arguments pour cette manière de voir. Je constate avec le genre Proneomenia les points suivants de rapprochement, qui sont tous en même temps autant de points de divergenre avec le genre Neomenia : 4° La présence de la radula (Proneomenia Sluileri, p. 30) et des glandes salivaires ; 2° La présence de franges pharyngiennes rétractiles (2. c., p. 28, fig. 29); 3° La présence d'un cæcum digestif au-dessus du pharynx (l. c., p. 32, fig. 12 et 14); | 4° La présence d’un organe sensitif cupuliforme (1. e., p. 9, fig. 9-11); 5° L'absence de branchies (2. e., p. 57); 6° L'absence de penes calcaires (/. e., p. 53) ; 7° La forme allongée. Finalement les détails de la structure des « lateral glands » (nephridia) les rapprochent décidément de la Proneomenia,\quoique nous ne connaissions pas assez cette structure chez la Neomenia carinata pour pouvoir dire s’il y a ou non divergence sous ce rapport avec celle-ci. Ces quelques lignes suffiront pour mettre les lecteurs de ce journal sur leurs gardes pour les empècher d'adopter sur ce point la manière de voir de deux auteurs dont l'autorité dans notre science est aussi incontestable que bien mé- ritée, mais qui, en cette occasion, ont été entraînés à une méprise pour la- quelle j'ai déjà tout d’abord plaidé les circonstances atténuantes, Pour un aperçu plus complet de l'anatomie comparée des Amphineura (Chæ- toderma, Neumenia, Proneomenia et Chilon), je me permets de renvoyer le lecteur à un article qui est sous presse et qui paraïtra dans le numéro d'avril du Quarterly Journal of Microscopical Science. XVII SUR LES VARIATIONS INDIVIDUELLES DANS LE SAC BRANCHIAL DES ASCIDIES SIMPLES, Par W.-A. HERDMAN. (Linn. Soc. Journ. Zoology, vol. XV.) La difficulté de déterminer la valeur des caractères spécifiques dans les Ascidiens est bien connue de tous ceux qui ont étudié ce groupe. Il est main- tenant universellement admis que l’ancienne méthode consistant à décrire XXX Vu NOTES ET REVUE. simplement l'apparence extérieure est insuffisante; aussi la plupart des auteurs dans ces dernières années ont-ils décrit avec plus ou moins de détails certains caractères internes, tels que le sac branchial, le cercle des tentacules, la lame dorsale et le tubercule olfactif. Ces organes importants fournissent des caractères génériques et spécifiques de la plus grande valeur et leur description doit incontestablement être faite dans chaque Ascidie. Mais on ne doit pas oublier que plusieurs de ces caractères däns beaucoup d’espèces varient considérablement suivant les individus; en d’autres termes, non seu- lement il existe des variétés, mais la plupart des individus différent légè- rement les uns des autres sur des points qui sont donnés comme caractères spécifiques. Cela a eu lieu, il est vrai, seulement pour certaines espèces ; mais lorsque le nombre des individus qu'on a comparés est faible, il est sou- vent difficile de décider si espèce est valable. Mon attention fut dirigée d’abord vers ces phénomènes de variation par la lecture de la description que fait de Lacaze-Duthiers, dans son grand ouvrage sur les Molgulidés, de trois variétés bien distinctes du sac banchial dans la Ctenicella Lanceplaini. C’est là, il est vrai, plutôt un exemple de variétés marquantes et permanentes, et non simplement de variation individuelle. Pour déterminer l'amplitude des variations individuelles du sac branchial, j'ai examiné minutieusement le sac branchial de plusieurs de nos Ascidies les plus communes ; la conclusion à laquelle je suis arrivé est intéressante, mais peu satisfaisante : certains caractères, tels que les grandeurs relatives et l'arrangement des vaisseaux transverses, le nombre et la position des cordons longitudinaux internes, la forme des mailles et le nombre des stigmates qu’elles contiennent sont très caractéristiques chez certaines espèces et pas du tout chez d’autres. Un remarquable exemple de ce dernier cas est la Stye!'a grossularia van Beneden, dont le sac branchial est si variable qu'il est tout à fait impossible de tirer de ses détails aucun caractère spécifique. Cette espèce appartient aux Cynthidæ, qui ont pour caractère d’avoir le sac branchial plissé longitudi- nalement. Le nombre normal de plis dans le genre Styela est de huit : quatre de chaque côté; mais dans cette espèce les plis sont tout à fait confondus, car ils manquent entièrement du côté gauche et sont réduits à un seul du côté droit ; encore est-il difficile d'appeler cela un pli, c'est plutôt une légère saillie interne de la branchie. Cet unique représentant des plis profonds des Cyn- thiidæ et Molgulidæ est situé dans la partie dorsale du côté droit et séparé de la lame dorsale par un large espace dépourvu de cordons longitudinaux internes. — Un espace semblable se trouve du côté gauche de la lame dorsale et deux autres au côté ventral du sac, un de chaque côté de l'endostyle. Les espaces sont toujours plus grands que les mailles ordinaires, mais ils varient grandement pour la taille dans les différents individus. Les stig- mates sont, en règle, à peu près de la même largeur; nous pouvons donc prendre le nombre des stigmates dans ces espaces comme mesure de leur étendue. Le nombre de stigmates le plus fréquemment observé est de seize, mais ce nombre est fréquemment descendu à dope; une seule fois il dépassa seize et ec fut pour atteindre vingt-trois. NOTES ET REVUE. XXXIX Le nombre des cordons longitudinaux internes sur le pli variait de six à neuf, ordinairement huit à neuf. Le reste du côté droit du sac branchial, entre le pli et l’espace clair ventral, est divisé par les cordons longitudinaux internes en mailles de taille variable et contenant chacune de deux à huit stigmates. Les chiffres dominants sont six, sept ou huit, mais çà et là on rencontre des séries de deux ou trois mailles qni contiennent trois ou quatre stigmates (ordinairement trois, rarement deux). Du côté gauche du sac branchial, après l’espace clair dorsal, et par consé- quent dans une position correspondant au pli du côté droit, nous tombons invariablement sur une, ou plus généralement trois de ces mailles étroites ; et elles se rencontrent plusieurs fois entre ce point et l’espace clair ventral, absolument comme du côté droit ; on ne peut guère douter, je pense, que ces mailles étroites ne soient les représentants atrophiés et rudimentaires des plis manquants. Dans plusieurs nouvelles espèces de Styela du Challenger, les plis du sac branchial sont dans une condition encore plus rudimentaire que le pli unique de la Styela grossularia. Ce sont de simples bandes dans lesquelles les cor- dons longitudinaux internes sont nombreux et serrés. La présence de bandes semblables à mailles étroites et au nombre de trois ou quatre du côté gauche semble donc bien indiquer qu’elles représentent le pli qui occupe une position symétrique du côté droit. Enfin, elles forment généralement trois ou quatre lignes longitudinales sur chaque côté du sac branchial, et quatre (dont l'un est généralement très léger) est le nombre normal des plis dans ce genre. Le sac branchial de l’Ascidia plebeia de Alder a une apparence très carac- téristique et est très uniforme pour la taille des mailles, pour les papilles, etc. Mais il y a un point qui semble particulièrement sujet à variation. En règle, les vaisseaux transverses sont du même calibre; mais, dans plusieurs échan- tillons que j'ai examinés, chaque quatrième vaisseau est plus grand de beau- coup que les trois intermédiaires. Dans Ciona intestinalis, les mailles varient quelque peu pour la taille dans les différents individus, mais sans ordre apparent. Cinq stigmates par maille semblent le nombre le plus ordinaire, mais quatre ou six s’observent fréquem- ment, plus rarement davantage, et dix est le plus que j'aie observé. Une forme de variation reste à mentionner, c’est la présence de vaisseaux horizontaux délicats placés irrégulièrement entre les vaisseaux transversaux et divisant les mailles en deux parties. L'Ascidia aspersa de O.-F. Müller est un exemple d’une espèce dans laquelle ces vaisseaux se méntrent comme une variation individuelle. Dans les échan- tillons types, les vaisseaux transversaux sont tous de la même taille et les mailles sont indivises, mais dans quelques individus plusieurs des mailles (pas toutes) sont traversées par ces vaisseaux horizontaux délicats et divisées ainsi en paires d’aréas allongées transversalement. Malgré l'aptitude à la variation individuelle dans le sac branchial de quelques espèces, cet organe n’en est pas moins d'une grande valeur pour la classification. Par conséquent, quand on ne possède, pour établir une espèce, qu'un petit nombre d'individus, il faut décrire minutieusement le sac bran- XE NOTES ET REVUE. chial et quelques autres organes importants, afin que les observateurs venir, si quelques caractères viennent à manquer, puissent être guidés par un en- semble suffisant. Lt XVIII NOUVELLES CONTRIBUTIONS A L’HISTOIRE NATURELLE DES ASCIDIES COMPOSÉES DU GOLFE DE NAPLES, Par le docteur Antonio della VALLE. (Reale Accademia dei Lincei, 1880-1881.) M. Della Valle décrit un genre nouveau trouvé par lui dans la baie de Na- ples, le genre Distaplia ; puis il résume, d’après les travaux précédents com- plétés par ses propres recherches, l’organisation générale des Ascidies com- posées; enfin, il étudie le bourgeonnement dans plusieurs types. — Nous traduisons intégralement les conclusions générales de son intéressant mé- moire : I. Le nouveau genre Distaplia est un type d’Ascidies composées, intermé- diaire entre les Distomidi, les Didemnidi et les Aplididi. Il ressemble aux Didemnidi par la forme du corps des individus, par le nombre limité des fentes branchiales, l'estomac lisse, la position du cœur au niveau de l’anse intestinale et celle des organes reproducteurs au même niveau que le cœur. En outre de ces caractères qui sont communs aux Didemnidi et aux Listomidi, le genre Distaplia ressemble encore à ces derniers par la forme des follicules composés du testicule et par les prolongements tubuleux de l’ectoderme. Enfin, il se rapproche des Aplididi par l'aspect général des colonies et par sa disposition régulière en cénobiums rameux avec des cloaques communs bien développés. En outre, les individus n’ont pas de siphon cloacal spécial, mais simplement une languette cloacale. Le caractère particulier de ces Synascidies se trouve dans le diverticulum cylindrique très particulier de la paroi cloacale, dans lequel s'accumulent les œufs et où ils se développent jusqu’à l'état larvaire. Ces tubes ovifères sont très grands et se trouvent détachés des individus. Les larves sont de grandes dimensions et avant la fixation présentent déjà deux ou trois bourgeons libres dans le manteau commun et nés d’une évagination du feuillet pariétal du péritoine au voisinage de l’endostyle. L'évagination ne semble produire qu'un seul bourgeon; les autres se produisent ensuite par division du premier, et tous servent à augmenter la population de la colonie, qui n'a pas d'autre mode d’accroissement, Les individus produits par les bourgeons ne sont pas gemmipares, mais ovi- pares, 11 y à donc dimorphisme et génération alternante. Le cylindre médian de la queue de la larve n’est pas un bâtonnet solide et gelatineux, mais un tube creux rempli d'un liquide aqueux. NOTES ET REVUE. XLI De même le cylindre médian de la queue des Appendiculaires (tout au moins de l’Oikopleura cophocerca) est un tube creux et non une baguette solide. IL. Le manteau commun des Ascidies composées est une production de cel- lules amæboïdes qui émigrent de l’épiderme et des tubes épidermiques. Tout individu est composé de deux sacs emboîtés l’un dans l’autre, l’ecto- derme et l’endoderme. Dans l’espace qui reste entre eux se trouve interposé, comme une véritable membrane séreuse, un sac péritonéal ou pleuro-péritonéal qui, d’une part, ap- plique sa paroi sur la face interne de l’ectoderme (feuillet pariétal), de l’autre revêt la surface intérieure de l'endoderme (feuillet viscéral). Tous les autres organes (systèmes nerveux, musculaire, circulatoire et sexuel) sont situés ou dans les interstices qui restent entre l’ectoderme et l’endoderme, soit dans ceux qui existent entre ces membranes et les feuillets pariétaux qui les tapissent. L’ectoderme est une simple membrane épithéliale formée par une seule couche de cellules aplaties. Les tubes qui en dérivent n’ont pas une struc- ture différente et ont simplement une fonction palléogène. Le sac péritonéal résulte de l’union de deux sacs primitifs, recouvre presque tout l’endoderme et forme un mésentère au tube digestif. Il présente plu- sieurs ouvertures qui sont les fentes branchiales et l'orifice cloacal. Sa cavité est même traversée par des tubes anastomotiques. Ses parois sont formées par une simple couche de cellules ; souvent le follicule externe est gemmipare. L'endoderme se divise en sac branchial et tube* digestif. Les fentes ne se trouvent que là où existe le ’revêtement péritonéal. L’endostyle a la même structure que l'estomac, c’est-à-dire qu’il est formé par une couche de cellules très allongées. La glande hépato-pancréatique est un appendice de l’estomac et se trouve placée entre l'intestin et le feuillet pariétal du péritoine. La cir- culation est tout interstitielle. Le cœur est un tube dont les parois formées de fibres musculaires se continuent directement avec celles d’un autre tube qui lui est extérieur et qu'on appelle le péricarde. Ce péricarde n’est pas une séreuse. Le sang est un liquide incolore pourvu de globules de formes et de couleur variées provenant de l’émigration de cellules péritonéales et dans la larve de la désagrégation de la queue. Ils ont de l’analogie avec les corpuscules graisseux qui se trouvent spécialement dans le post-abdomen des Aplidiens. Les individus sont hermaphrodites, mais le plus souvent les éléments mâles sont mûrs les premiers. A l'exception des Botrylles, où ils sont bilatéraux, les vrganes sexuels sont seulement du côté droit. Le testicule est tubulaire (Diazona, Clavelina) ou formé d'un seul follicule (Trididemni, Telradidemni), de deux (pseudolidemni) ou plus (Distaplia, Distoma). Les spermatozoïdes sont formés d’un bâtonnet cylindrique pourvu des deux côtés d’un filament extrêmement ténu. L'ovaire est toujours représenté par une masse cellulaire et n’a jamais d’oviducte pro- prement dit; pour chaque œuf se développe un pédoncule spécial canaliculé, Les œufs, excepté chez les seuls Diuzona, se développent dans la colonie, soit dans le cloaque, soit dans des tubes ovigères particuliers (Distaplia ma- XLI NOTES ET REVUE. gnilarva), ou hors de l'animal, mais toujours dans la colonie (Didemnidi). Ils ont pour origine des cellules détachées de la surface extérieure du feuillet pariétal du péritoine. Le système nerveux est formé d’un ganglion et de nerfs. Le ganglion est composé de cellules munies de prolongements et de fibres ; les nerfs sont des faisceaux de fibres. La fossette vibratile est un tube communiquant avec le sac branchial ; elle n’a, dans l'adulte, aucun rapport avec le ganglion. Dans le très jeune âge, il est cependant possible de constater la continuité de ces deux organes. La fossette vibratile, dans les Ascidies composées, n’est jamais un organe glandulaire. Les fibres musculaires sont toujours sous l’ectoderme, leur forme varie. Elles ne présentent jamais une disposition régulière. | Les colonies de Didemnidi se reproduisent par gemmation et non de larves qui, nées d'œufs, seraient emprisonnées dans le manteau commun. Chaque individu est formé par la réunion de deux bourgeons, un péritonéal, qui dérive du feuillet pariétal du péritoine et produit le sac branchial, le rectum, le ganglion nerveux; l'autre, œsophagien, produit par l’œsophage et donnant naissance au tube digestif, au cœur, aux organes sexuels ainsi qu'aux nouveaux bourgeons. L'union des deux gemmes se produit : 4° par un tube œsophagien spécial qui se forme sur le côté de l’æœsophage qui regarde l'endostyle dans l'individu gemmifère, et qui réunit les deux œsophages des deux bourgeons; 2 par la rencontre des deux rectums qui s'unissent sur le rectum de la mère. Souvent la production d’un bourgeon n’est pas accompagnée de celle du bourgeon complémentaire. Il en résulte des monstres à deux thorax et à deux ventres. D’autres complications peuvent provenir de l’atrophie de par- ties déjà existantes de l'individu producteur ou de nouveaux bourgeons pui- nés qui naissent sur les bourgeons de premier rang ou sur l'individu produe- teur. L'individu peut se rajeunir par la substitution d’un bourgeon œsophagien ou péritonéal aux parties anciennes. Dans les Botrylles, la seule partie bourgeonnante est le feuillet externe du péritoine, qui recouvre la partie supérieure du sac branchial et qui possède cette propriété blastogénétique tant à droite qu'à gauche. Ce qu’on nomme les tubes marginaux ne produit jamais de nouveaux individus, mais ce sont de simples productions ectodermiques. L'ectoderme ne prend pas une part essentielle à la formation du nouvel individu, si ce n’est qu'il en constitue l'enveloppe extérieure. Tout l’'endoderme et les autres organes dérivent de l'évagination du feuillet pariétal du péritoine. Cette évagination s’étrangle et il en résulte un sac qui, par la suite, se trouve divisé à son tour en trois parties par deux sillons qui s’'approfondissent progressivement. Le sac moyen devient le sac branchial et le tube digestif. Les sacs latéraux, en s’établissant sur les côtes du premier, constituent le sac pleuro-péritonéal. Les Ascidies sont des animaux à type entéro-cœlique. Le développement des sacs péritonéaux aux dépens de l'intestin primitif se voit clairement dans les jeunes individus nés d'œufs (4. mentula). Li dk NOTES ET REVUE. XLHI XIX SUR UNE NOUVELLE MÉTHODE D’INCLUSION DES PRÉPARATIONS PROPRE A FACILITER LES COUPES, par L. Jozier, docteur ès sciences. Durant les recherches que J2 poursuivais cet hiver sur le bourgeonnement du Pyrosome, obligé de faire de nombreuses coupes, j'étais arrêté par un très grave obstacle ; le savon, que j'avais l'habitude d'employer et qui réussissait parfaitement avec les Salpes, me donnait, avec le Pyrosome, les plus mauvais résultats. Il n'arrivait pas à pénétrer la substance transparente commune qui enveloppe tous les ascidiozoïdes, de sorte que ceux-ci se déformaient rapide- ment et ne pouvaient être coupes. Je cherchai alors quelque autre substance plus capable de bien pénétrer les préparations, et après plusieurs essais Je im'arrêtai à la combinaison suivante, qui m’a rendu les plus grands services. Je fais fondre dans ua peu d’eau de la gomme arabique bien pure, de ma- nière à obtenir un liquide ayant la consistance d’un sirop épais 1. Je verse un peu de cette gomme liquide dans un verre de montre de ma- nière à ne pas l’emplir tout à fait. Puis, pour un verre de montre ainsi à peu près plein de gomme, j'ajoute environ 6 à 10 gouttes de glycérine pure. Avec un petit agitateur, je mêle bien exactement la gomme avec la glycé- rine, de manière que le tout ne fasse plus qu'une même masse bien ho- mogène. Je prends alors mes préparations avec des pinces, je les dépose sur la sur- face du liquide, puis je les y enfonce avec des aiguilles. Cela fait, je laisse sécher le tout, ce qui dure de un à quatre jours, suivant l'état hygrométrique de l'air. Au bout de ce temps, la gomme a pris la con- sistance du cartilage; sans être molle, elle est souple et cède sous le doigt: A l’aide d'un canif, on découpe alors ce gâteau de gomme en champs ou en lanières correspondant aux préparations qui ont été déposées, on soulève l'un des bouts de la lanière avec le canif, on saisit ce bout avec une pince ou avec les doigts et on enlève ; une lame de gomme renfermant la préparation se détache alors sans peine du fond du verre de montre. On retourne ces lames et on les laisse sécher encore jusqu’à ce qu'on les trouve bonnes à être coupées ou jusqu’à ce qu’on ait besoin de s’en servir, car elles peuvent se conserver presque indéfiniment en bon état, la gomme additionnée de glycérine en quantité suffisante ne devenant jamais dure ni cassante. 1 On peut encore se servir des solutions de gomme qu’on trouve toutes faites dans le commerce sous le nom de colles fortes blanches liquides. Elles ont l’avantage d’avoir une consistance uniforme. Je me suis surtout servi avec succès de celle de M. Antoine, à Paris. Je n’en connais pas exactement la composition, mais Ja gomme y domine certainement et y joue le principal rôle. XLIV NOTES ET REVUE. Voici maintenant les précautions que je recommande : J'ai dit d'ajouter pour un verre de montre presque plein de gomme de 6 à 10 gouttes de glycérine. Entre ces limites, c’est à chaque personne d'ar- river par tâtonnement à la proportion la plus convenable suivant l’objet étudié et la saison où l'on se trouve. Trop de glycérine empèche la gomme d'arriver à un état suffisamment coriace, pas assez la laisse devenir cassante. On devra mettre un peu moins de glycérine en hiver ou par un temps pluvieux, qu’en été et par un temps sec. Souvent ;je me suis bien trouvé d’imbiber l'objet, une tranche de Pvrosome, par exemple, dans la glycérine avant de le porter dans la gomme ; il faut alors tenir compte de la quantité de glycérine que l'objet porte avec lui et en mèler d'autant moins à la gomme directement. Avec une étuve ou le secours du soleil, on peut arriver à dessécher la gomme très vite ; mais dans la plupart des cas je recommande la patience. C’est préci- sément l’un des grands avantages de la gomme glycérinée de ne sécher que peu à peu; elle reste ordinairement liquide tout le premier Jour, pâteuse le second, cartilagineuse le troisième. L'objet resté dans ce liquide pendant vingt-quatre heures est parfaitement imbibé, la gomme a pénétré dans tous les interstices des cellules; aussi les coupes qu’on obtient par cette méthode sont-elles extrèmement belles et laissent-elles subsister les rapports d'organes qui ne sont pas reliés directement. Par le savon ou la gélatine, l’imbibition est certainement, dans beaucoup de cas, moins parfaite, parce que, à moins qu'on ne maintienne longtemps une température élevée, la solidification de la masse:a lieu trop vite et ne permet pas au liquide de pénétrer les tissus d’une manière aussi intime. Quand, après avoir découpé les lanières, on les a enlevées du verre de montre, on pourra certainement les soumettre au rasoir peu de temps après. Cependant, j'engage à attendre que ces lames de gomme aient pris assez de consistance pour qu'on ne puisse les plier facilement. C’est après avoir at- tendu à peu près huit jours que j'ai toujours obtenu les meilleures sections ; d’ailleurs, tous ceux qui ont pratiqué les coupes savent qu'il en est de même pour le savon. La gomme seule devient rapidement dure et cassante et ne peut plus être coupée, la glycérine a pour effet de Pempècher de devenir cassante et de lui conserver presque indéfiniment une consistance cartilagineuse qui est très favorable au travail du rasoir. Je conserve depuis deux mois dans une boite de fer-blanc des préparations dans la gomme, et elles sont encore dans un très bon état pour être coupées, Un autre avantage de la méthode que je préconise est la parfaite transpa- rence de la matière dans laquelle se trouve l'objet à couper. Cette transpa- rence de la gomme, augmentée par la présence de la glycérine, est telle qu'il est facile, comme je l'ai fait le plus souvent, d'examiner la préparation au microscope avant de la couper ; on distingue les moindres détails et, avec un objectif faible, on peut orienter l'objet d'une manière très précise et fairv, grace à cela, passer la coupe exactement par le point voulu. Eulin, les sections étant faites, leur observation et leur conservation sont des plus faciles; on reçoit les fines tranches de gomme sur un verre où sur une surface bien sèche, puis on les reprend avec une aiguille ou un pinceau NOTES ET REVUE. XLV fin et humide, et on les dépose sur le porte-objet au milieu d'une goutte d’eau ; la gomme fond et laisse la préparation en place ; on pose alors dessus une lamelle couvre-objet, et si l’on veut conserver la préparation, il suflit de déposer une goutte de glycérine dans un angle du couvre-objet, sous lequel elle ne tarde pas à pénétrer, à se substituer à l’eau qui s’évapore et à se mêler à la gomme fondue avec laquelle elle forme un excellent liquide con- servateur. Quand on pratique les coupes dans le savon, il faut, ou laisser la coupe en place avec le savon qui l'entoure dans la glycérine, ou bien laver la prépara- tion en dissolvant le savon par l'alcool. Dans le premier cas, il se produit souvent dans le savon des cristallisations qui le rendent opaque et masquent la préparation. Dans le second, on risque, par ces manipulations, de détruire ou d'altérer une section délicate. On appréciera certainement une méthode qui met à l'abri de ces deux inconvénients, et qui, tout en présentant plus d’un rapport avee la méthode d'inclusion dans la colle à bouche déjà préco- nisée et décrite dans ces archives par M. de Lacaze-Duthiers, constitue en- core à plusieurs égards un perfectionnement. Outre le Pyrosome, j'ai employé avec le même succès ce mode d’inclusion pour des Salpes, des Ascidies et autres animaux ; il m'a donné toujours, pour de petits objets, les meilleurs résultats. Les principaux avantages de cette matière sont : de s’employer à froid, d'imbiber et de pénétrer parfaitement les objets, d'être parfaitement transparente et d’une bonne consistance pour le maniement du rasoir, enfin de permettre, quand la section est obtenue, de la laisser en place sans aucune manipulation ni chance d’altération. L. JOLIET. XX LES OEUFS DE L'ÉCHIDNA HYSTRIN, Par le professeur Owen. ( Philosophic. Trans., 1880.) En février 1880, M. le professeur Richard Owen reçut du docteur Bennett, de Sydney, quatre exemplaires d'Echidnés tués du 30 août au 10 octobre précédents et dans un très bon état de conservation. Les organes génitaux étaient intacts. Deux des utérus n'étaient pas fécondés. Dans un troisième, appartenant à une femelle tuée le 30 août, trois œufs étaient logés dans les plis profonds de l'utérus gauche. Il n’y avait rien dans l'utérus droit. Les œufs étaient de forme sphérique et de tailles différentes ; le plus petit avait un diamètre de 2 millimètres et demi, un autre mesurait 4 millimètres, le plus grand 6 millimètres. Chacun d’eux était logé dans une dépression lisse du revêtement utérin interne épais et mou, et plusieurs filaments de mucus s’étendaient sur l'œuf le plus grand. Au microscope, on pouvait reconnaitre XLVI NOTES ET REVUE. que ce n'étaient nullement des vaisseaux, mais des tractus d’une sécrétion uté- rine probablement coagulée par le liquide conservateur. Dans l’utérus droit du quatrième individu tué le 14 septembre, il y avait un œuf de la taille du plus grand des trois précédents, placé comme lui dansune sorte de loge unie d’où le léger attouchement d’un pinceau suffit pour le déloger et montrer qu'il n’y avait aucune adhésion organique entre l’œuf et l'utérus. La particularité la plus intéressante présentée par cet œuf était une fente linéaire s'étendant à peu près sur un tiers de la surface et pénétrant un peu dans le vitellus. Cette fente, indique le commencement de la première parti- tion de l’œuf. Aucune trace de structure embryonnaire ne pouvait être dis- tinguée auprès de cette fente ni en aucun point de la masse. Il résulte de ces faits que la plus grande ressemblance existe entre l'Echidné et l’Ornithorhynque au point de vue de l’œuf et de son augmentation de vo- lume antérieurement à la fécondation. Le développement des deux utérus est d’ailleurs plus égal chez l'Echidné, où tous deux reçoivent des œufs. Enfin, on trouve encore ici la confirmation de ce fait que les Monotrèmes sont vivipares, mais mettent bas au commencement de la segmentation. Li XXI MEGALANIA PRISCA, LÉZARD GIGANTESQUE D'AUSTRALIE, Par le professeur OWEN. (Philos. Transact., 1881.) M. le professeur Owen a déjà reçu à plusieurs reprises d’un correspondant d'Australie, M. Georges-Frédérick Bennett, des débris provenant d’un Lézard gigantesque, Megalania prisca. Par plusieurs caractères et en particulier par ses plaques dermiques caudales, il ressemble tellement aux Armadillo, que Pauteur déclare qu'il l'aurait considéré comme un mammifère voisin de ce genre, s’il n'avait eu que ces seules pièces entre les mains. Après avoir décrit les fragments de vertèbres, de crâne et de plaques dermiques en sa posses- sion, l’éminent professeur arrive aux conclusions suivantes : «Les Pangolins offrent, relativement aux autres mammifères, une exception singulière par la nature écailleuse de leur tégument dans lequel on voit se reproduire la dis- position imbriquée propre au revêtement corné des Lézards. » Ce caractère, Joint à l’absence des dents, à la présence d’un gésier et de glandes gastriques, à la position des testicules dans l'intérieur de la cavité abdominale, semble avoir plus de valeur pour la classification que la forme ou la nature des appendices fæœtaux. Nous savons maintenant qu'un arrangement annulaire d'os dermiques tels que ceux des Armadillo, soutenant un revêtement d'écailles ou de pointes cornées, existe dans une classe antérieurement existante de reptiles. La NOTES ET REVUE. XLVI XXII SEPIADARIUM ET 1DIOSEPIUS, Par Japetus STEENSTRUP. (Copenhague, 1881.) M. Steenstrup montre que dans la grande division des Céphalopodes Myo- psides de d'Orbigny le groupe des petits Céphalopodes comprenant les genres Rossia et Sepiola forme, par son mode de reproduction, un contraste bien marqué avec les autres Myopsides de d’Orbigny, c’est-à-dire les genres Sepia et Lohgo et ceux qui les avoisinent. Comme se rattachant à cette observa- tion, l’auteur établit que plusieurs petits Céphalopodes non décrits jusqu’à présent qui, au premier coup d'œil, ressemblent beaucoup plus aux Sépioles et aux Rossies qu’aux Sépiens et aux Loligiens, ne peuvent néanmoins, d’après leur mode de reproduction, être rangés qu'à côté ou très près du genre Sepia. L'un d’eux est le Sepiadarium Kochii. Au premier coup d'œil, il a tout à fait la physionomie des Sépioles, mais il présente le mode de reproduction qui caractérise la famille des Sépiens, un des bras de la quatrième paire ven- trale chez le mâle étant hectocotylisé et la femelle recevant les spermato- phores sur la face interne de la membrane buccale. Plusieurs caractères in- téressants le distinguent d’ailleurs de tous les Sépiens connus. Il habite l'océan Indien. Le second est l’Idiosepius pygmeus, également originaire de l'océan Indien. C’est un véritable nain, car, adulte, il ne dépasse pas 12 à 15 millimètres de long. Il présente aussi les caractères propres aux Sépiens. Le plus naturel est de réunir les deux genres Sepioloïdea d'Orb. et Spirula Lamk. avec les deux nouveaux genres Sepiadarium Stp. et Idiosepius Stp. et de les ranger tous les quatre dans la famille des Sepia-Loligo de la grande division des Myopsides ou Céphalopodes littoraux. Cette famille, qui il y a peu de temps ne comprenait que les genres Sepia, Sepioteuthis, Loligo et Lo- livlus, mais qui, en 1876, s’est accrue d’un genre tout nouveau, l’Hemisepius, et en 1880, encore d’un petit genre Sepiella, est devenue beaucoup plus riche en formes. Dans la famille des Rossia, Sépiola, Sepiolina, les bras dorsaux (bras de la première paire) des mâles sont hectocotylisés. Y sont compris les genres Rossia, Sepiolu, Heteroteuthis. Les femelles ont les parties voisines de l’orifice de l’oviducte fortement plissées et formant un vestibule infundibuliforme où les mâles déposent les masses spermatiques qui, de là, passent dans l’oviducte (Rossia, Sepiola), ou elles n’ont pas ce vestibule et semblent recevoir directement dans l’oviducte les masses spermatiques contenues dans les spermatophores, qui sont alors gigantesques (Heteroteuthis). Les œufs (du moins chez les Rossia et les Sepiola) ne sont pas pondus en masses mucilagineuses cohérentes leur servant d’enveloppe commune, mais XLVIII NOTES ET REVUE. isolément l’un à côté de l’autre et fixés les uns aux autres ou aux corps étran- sers seulement par leur surface visqueuse. Dans la famille des Sepia-Loligo-Sepio-Loliginei, les bras ventraux (de la quatrième paire) des mâles sont hectocotylisés. Elle comprend, d'une part, les genres Sepia, Sepiella, Hemisepius, Sepia- darium, Sepioloïda, Idiosepius et Spirula, et de l’autre Sepioteuthis, Loligo et Loliolus. Ces femelles reçoivent les spermatophores des mâles sur la membrane buc- cale et principalement sur sa face interne, qui est même modifiée spéciale- ment dans ce but. Les œufs sont ou fixés isolément à des corps étrangers (Sepia) ou pondus plusieurs à la fois sous forme de masses mucilagineuses fixées en grappe à des objets sur le fond de la mer ou à des rochers (Sepioteuthis, Loligo). L. 5 Le directeur : H. bE LACAZE-DUTHIERS. Le gérant : G. REINWALD. le E PT UT CUT Fch. de Zool. Exp et Gen Vol. API XVI LA n' s S S ss RÉNRRIRRNNT) « }| i | + FR « } | F2 œ 4 / 4 A CUS, - U. > 3 ; Ho a a D Pr em D 72 L2 6e . «a à. 7 L L La ; 4 i LEE T4 | L \ L « TÉL 6° ÿ Ë s S { di 1 F1 . ” , , pe = R ‘. | APT TE T7 AS ‘ C7 ARC 9 b---sù QUEX L BRES ec d Î ne D À Ê De À È S$ RE PR yeux -laffure ad nat. del. SEE SE TT RP ES PRE) Ÿ } | I l i FE PES PERSO ER AT Ÿ l 1 l L # PERS PE EE, — 00 mn tt EE e- R … V4 x « F x 4 >? à { LAN] \ v] # m'a" CRU * Li 4 nn me em me H e Le ER, nr, + à | _ Î = » | PS mm me mm me LD) à OA SN) nn. NN RL. sd er D — e 9 Ÿ " » CRE LEE —— Lé AE L (U, PRENLU HE 4 fifi LH! { 4 Hi} EETEL Ï ns Ÿ Ve “4 Cd J Joyeux -Laffue ad. nat. del. mp. Ch. Char don ainé CMereter re. À DÉVELOPPEMENT TÉGUMENTS DES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 465 nous offraient de grandes facilités. — Cette étude nous a permis de constater la généralité d’un épithélium chilinogène chez tous les Crustacés supérieurs que nous avons pu avoir sous la main, se pré- sentant avec une telle clarté qu'on ne pouvait le confondre ni avec les tissus sous-jacents ni avec les couches chitineuses qui le sur- montent. — La présence constante de cet épithélium, et certains détails que nous avons constatés sur la structure des téguments chi- tineux en voie de formation, nous ont permis d'établir : 1° L'homologie entre les téguments des Crustacés et ceux des ani- maux supérieurs. La division en un épiderme et un derme est exacte ; mais elle doit être entendue d'une manière tout à fait differente de celle proposée par nos prédécesseurs ; 2 Le processus suivant lequel a lieu la formation des téguments chitineux. Nous avons établi une liaison étroite entre les formations nouvelles et l'abondance du glycogène à l'époque de la mue. Le fait avait été signalé déjà par Claude Bernard, nous nous sommes attaché surtout à préciser la place occupée par les granulations gly- cogènes dans les couches tégumentaires. Nos recherches ne se sont pas bornées à l’étude des téguments extérieurs; l'appareil digestif est recouvert intérieurement par une couche de chitine, et l'étude de celle-ci nous a amené à recon- naître que le même processus préside à la formation de ces cou- ches chitineuses. Inçidemment nous avons été amené à constater l'existence de glandes dans les parois de l’œsophage et de l'intestin terminal chez tous les Crustacés qui font l’objet de nos recherches. La formation de nouvelles enveloppes chitineuses constitue la pre- mière partie du phénomène intime de la mue ; la seconde partie est marquée parle rejet des anciennes enveloppes. Nous avons été forcé, pour combler les lacunes des descriptions actuelles, de repren- dre l'étude de cette seconde phase, c’est-à-dire du rejet des couches chitineuses extérieures ou intérieures. Nous avons particulièrement précisé le mécanisme suivant lequel a lieu la mue du tube di- gestif. Les matières de réserve, organiques et inorganiques, étant appe- lées à jouer un grand rôle pendant les formations nouvelles, nous ont préoccupé à plus d'un titre. Pour faire ressortir l'intérêt qui s'attache à cette étude, nous l'exposons dans un chapitre à part. Malgré les répétitions forcées auxquelles nous serons entraîné par la ressemblance des faits, il nous paraît utile d'exposer en détail la ARCH, DE ZOOLe EXP. ET GÉN, æT, X. 1882, 30 466 ALEXANDRE-NICOLAS VITZOU. structure des téguments des différents genres des Crustacés supérieurs. Nous les avons étudiés à des époques éloignées de celle de la mue et pendant la mue elfe-même. Nous espérons compenser la mono- tonie inhérente à ces sortes de descriptions par la facilité que trou- vera celui qui serait tenté de reprendre cette étude ou qui désirerait les étendre aux Crustacés inférieurs dont l'examen n'entre pas dans notre cadre, Notre mémoire sera divisé de la manière suivante : 4° Dans un premier chapitre, nous étudions la structure des té- guments à des époques éloignées de la mue; 2° Dans un second chapitre, nous nous occupons de la structure des téguments externes et internes pendant la mue ; 3° Dans le troisième chapitre, nous indiquons la formation du squelette tégumentaire pendant et après la mue ; 4° Le quatrième chapitre est consacré à l'étude du mécanisme de la mue ; 5° Enfin dans le cinquième chapitre, nous exposons les recherches expérimentales sur le glycogène considéré comme matière de ré- serves organique, et sur les matières calcaires ou matières inorga- niques. Avant d'aborder l'exposé de nos résultats, nous devons indiquer la méthode et les procédés dont nous nous sommes servi dans Île cours de nos recherches, Méthode, — Nous avons eu recours aux coupes pratiquées selon les méthodes familières aux histologistes. Le succès dépend, d’une manière générale, du choix convenable de la masse dans laquelle on enchâsse les préparations que l’on veut couper. Il faut avoir soin de varier les procédés, pour obtenir de bons résultats. Procédés. — Les procédés diffèrent beaucoup selon que l'on a en vue une étude d'ensemble des téguments ou que l'on veut étudier seulement ceux qui sont calcifiés et qui forment le squelette tégu- mentaire de l’animal. Dans le premier cas il faut d'abord fixer les éléments des tissus mous par l'alcool et choisir ensuite un acide qui produise ja décal- cification, sans détruire l’organisation des tissus. Dans le deuxième cas il faut avoir recours à deux procédés : 1° Décalcifier la carapace par un acide ; nous avons essayé l'acide chlorhydrique étendu, l'acide acétique au tiers et l'acide picrique, TÉGUMENTS DES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 467 De tous, c'est l'acide acétique au tiers qui convient le mieux pour décalcifier les téguments durcis ; 2 Faire des préparations de la carapace non décalcifiée et, à cet effet, nous nous sommes servi du petit tour en usage dans les labora- toires de minéralogie pour la préparation des coupes des minéraux. On prend un fragment de carapace que l'on fixe au moyen de la cire ou de la résine à une petite rondelle en verre et que l’on maintient fixe avec les doigts de la main droite sur un disque métallique. Le disque est mis en action par une transmission de mouvements de manivelle. Avec un peu d'habitude, on réussit facilement à faire des préparations bonnes pour l'examen microscopique : on les monte ensuite soit dans la glycérine, soit dans le baume. Il est préférable de les monter dans le baume pour leur donner plus de transparence: Lorsque l’on étudie la carapace molle ou toute autre partie des té- guments au moment de la mue, l'opération se trouve simplifiée ; il n'y a plus qu à s occuper du durcissement des pièces par la méthode en usage dans les laboratoires d’histologie. Après bien des essais nous avons préféré l'alcool à la liqueur de Müller, surtout pour les pièces assez épaisses dont les parties centrales se détruisent au bout de quelque temps par le séjour prolongé dans cette liqueur. Du reste, cet inconvénient a été signalé par beaucoup d’his- tologistes dans les cas où ils voulaient conserver des pièces un peu épaisses. D'ordinaire, nous avons coloré les pièces avant de les débiter : les résultats ont toujours été supérieurs à ceux que nous obtenions en colorant après avoir fait les coupes. Après coloration par le picro- carminate, nous laissons la pièce dans l'alcool à 90 degrés jusqu'à ce que l'alcool ne se colore plus, après quoi nous la plongeons dans l'al- cool absolu pendant douze heures pour compléter la déshydratation. Nous mettions les pièces, avant de pratiquer les coupes, dans l'es- sence de girofle pendant un temps variable, mais qui ne dépassait pas douze à quinze heures, jusqu à ce qu’elles fussent devenues transparentes. On constate aisément la transparence par simple inspection. La pièce préparée, 1l faut choisir une masse convenable pour la monter et faire les coupes. Comme nous l'avons dit au commencement, le succès des prépa- rations microscopiques dans les recherches de cette nature dépend du choix de la masse dans laquelle on fait les coupes, 11 ne suffit pas 468 ALEXANDRE-NICOLAS VITZOU. que la pièce à couper soit durcie par les réactifs, il faut encore que les éléments soient maintenus en place ; c’est ce qui arrive avec une masse pénétrante. Lorsqu'on réfléchit à la différence de consis- tance, entre la chitine et les tissus sous-jacents, on comprend l'im- portance qu'il y a à choisir une gangue qui n'écrase pas les tissus mous et qui ne soit pas elle-même écrasée par les tissus durs. Après essai de toutes les masses que lon emploie en histologie, nous avons donné la préférence à la paraffine. Voici comment on procède : après avoir fondu la paraffine dans une capsule de porcelaine, on la laisse refroidir jusqu’à ce que l’on puisse supporter au doigt la température de la masse fondue ; on peut alors y plonger la pièce à couper. La température doit être main- tenue environ pendant cinq minutes, temps indispensable pour que le tissu soit entièrement pénétré; on atteint ce résultat en plaçant la capsule dans un bain-marie. Après un séjour suffisant, on verse le liquide et la pièce dans un verre de montre chauffé préalablement pour retarder la solidification. Au bout de quelque temps, la masse étant bien consolidée, on peut la détacher facilement du verre de montre et faire les coupes. La paraffine enlevée par l'essence de té- rébenthine, on monte les préparations dans le baume dissous dans la créosote. Veut-on examiner les préparations dans la glycérine, il faut se débarrasser par l'alcool absolu de l'essence de térébenthine qui im- prègne les pièces, après quoi on monte la pièce dans la glycérine étendue. Ce dernier procédé convient très bien pour voir les détails de structure concernant seulement les téguments chitineux ; mais les autres tissus perdeut de leur coloration et l’ensemble de la prépa- ration n'est pas aussi clair qu'avec le procédé au baume. CHAPITRE PREMIER. STRUCTURE DES TÉGUMENTS DES CRUSTACÉS DÉCAPODES A DES ÉPOQUES ÉLOIGNÉES DE LA MUE. Il est nécessaire, avant d'aller plus loin, d'ètre fixé sur le sens que l'on doit donner au mot {égqument. On sait que le corps des Crustacés, et pour le moment nous ne parlons que des Crustacés supérieurs, est enfermé dans une enveloppe dure, qui, en raison de sa consis- TÉGUMENTS DES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 469 tance et du rôle qu'elle est appelée à remplir, soit pour la protection des parties molles, soit pour fournir des points d'attache aux mus- cles de la locomotion, a reçu le nom de squelette extérieur où exo- squelette (Huxley), par comparaison avec le squelette des animaux supérieurs. La portion de l’exosquelette, qui chez les Décapodes macroures et brachyures, recouvre comme un bouclier la région dorsale du cé- phalothorax, porte le nom de carapace; elle est formée par le déve- loppement considérable de la partie supérieure du troisième ou du quatrième somile céphalique; la portion inférieure du même exo- squelette porte le nom de sfernum. On sait encore que l’exosquelette n'est pas continu. Les somites qui entrent dans sa constitution sont reliés entre eux par des membranes qui ne diffèrent des autres par- ties que par l'absence de sels calcaires. Or, comme nos recherches portent sur l'enveloppe tout entière, qu’elle soit durcie ou non, nous avons préféré, pour la désigner, le nom de : féquments, qui n'implique rien, ni sur la nature, ni sur la consistance des parties, et qui d'ailleurs à l'avantage de simplifier le langage. Ainsi nous entendons par téquments, les enveloppes chitineuses de l'ani- mal, durcies ou non par les sels calcaires, et les parties molles sous-Ja- centes qu? leur donnent naissance. Ces téguments peuvent être comparés à la peau des animaux su- périeurs et l’on peut y distinguer, comme dans la peau, un éprderme et un derme. À. Structure des téquments chez les Décapodes Macroures. Nous prendrons comme type le Homard (/omarus vulgaris) ; il offre des facilités particulières pour la constatation des détails de structure concernant les téguments. Nous indiquerons en temps et lieu les différences, peu marquées du reste, que l’on rencontre chez d'autres Crustacés du même groupe. Sans employer d'instruments grossissants, on peut facilement dis- tinguer, dans les téguments du Homard et des autres Macroures, deux couches distinctes : 1° Une couche externe formée de chitine, durcie ou non par des sels calcaires, et qui forme à elle seule le squelette tégumentaire de l'animal ; 470 ALEXANDRE-NICOLAS VITZOU. 29 Une couche interne molle, sous-jacente à la première, et qui,en raison du rôle qu’elle est appelée à jouer dans la formation du squelette tégumentaire, a été appelée du nom de matrice. Les auteurs, et ils sont nombreux, qui ont voulu établir une ho- mologie entre les téguments des Crustacés et la peau des animaux supérieurs, ont désigné la couche externe sous le nom d’épiderme et la couche interne sous le nom de chorion ou derme. La division du tégument en un épiderme} et un derme ainsi conçue s'éloigne de la réalité; ainsi n'est-il pas étonnant que Leydig !, ayant en vue cette attribution défectueuse, ait refusé d'accepter la compa- raison entre les téguments des Crustacés et la peau des animaux su- périeurs. Cependant, la comparaison n'est pas inexacte en principe : elle l’est seulement dans l'application. On peut, en effet, établir par des arguments tirés soit de l’embryologie, soit de l'analyse histolo- gique, que l'enveloppe des Crustacés représente morphologiquement l'épiderme et le chorion ou derme des animaux supérieurs. Pour nous l’épiderme est formé de deux couches : a. Une couche externe formée de chitine, durcie ou non par des sels calcaires ; b. Un épithélium chitinogène formé de cellules plus ou moins cylin- driques et placé à la partie supérieure de la couche molle que les auteurs ont désignée sous le nom de matrice. Le derme est formé de tissu conjonctif, qui varie énormément ici, comme chez tous les animaux inférieurs ; 1l renferme du pigment, des vaisseaux et des nerfs, qui font défaut dans la couche précé- dente et, par contre, caractérisent celle-cr. Structure des téguments du Homard (Homarus vulgaris). — Un examen attentif nous fait reconnaitre dans la couche externe formée de chitine et surtout dans les parties durcies par les sels calcaires, plusieurs couches. Cette division en plusieurs assises, au point de vue morphologique, est purement artificielle; et en effet, dans les endroits où la couche externe n'est pas durcie par les sels calcaires, par exemple dans les articulations, 1l devient impossible d'établir une séparation nette entre les différentes couches élémentaires. 1 Leyp1G, Trailé d'histologie, trad, française, 1866, p. 119, TÉGUMENTS DES CRUSTACÉS DÉCAPODES. AT Pour étudier cette couche externe et ses divisions, on peut, comme nous l'avons dit, pratiquer des coupes de la carapace décalei- fiée par l'acide acétique étendu, ou faire des coupes transversales de Ja même carapace sans l'avoir décalcifiée. Dans les deux cas, nous trouvons, en procédant de l'extérieur vers l'intérieur, les détails suivants : 4° Une couche externe (fig. 2. a. pl. XXIIT), extrêmement mince, d'une couleur jaunâtre plus ou moins marquée et sans structure ap- préciable; elle est partout continue et ne présente d'interruption que pour le passage des soies. Cette couche à un rôle de protection évidente : elle oppose une grande résistance à l’action des acides ; car si l’on met une goutte d'acide sur la surface de la carapace, on observe que ce n’est qu'avec beaucoup de lenteur que l'acide par- vient à faire passer au rouge les éléments de la couche immédiate- ment sous-jacente. La position tout à fait extérieure et les caractères qu'elle présente, nous engagent à désigner cette couche sous le nom de cuticule ; elle correspond à la couche épidermique de Lavalle 1 et à la pellicule de M. Williamson ?. 2° Immédiatement au-dessous de la cuticule on trouve une cou- che (fig. 2, 4, pl. XXII) beaucoup plus épaisse que la première, Elle est formée d’un grand nombre de lamelles superposées et paral- lèles à la surface des téguments, Des stries longitudinales, noires, très étroites, traduisent à l’œil cette stratification. L’épaisseur de cha- que lamelle est de beaucoup inférieure à l'épaisseur des lamelles qui forment la couche suivante. Sur des coupes transversales très fines, quand on regarde avec un fort grossissement, on voit que chaque lamelle est traversée perpen- diculairement par un nombre considérable de lignes verticales (fig. 2, €. pl. XXIIT) peu marquées, et fort serrées, et donnant à la lamelle un aspect strié ; les stries se continuent d’une lamelle à l’au- tre jusque vers la face supérieure de cette deuxième couche. Nous devons nous demander quelle est la nature de ces stries perpendi- culaires à la direction des lamelles. Sont-ce des fibres, comme l'a pré. 1 LavaLLe, Recherches d'anatomie microscopique sur le test des Crustacés Décapodes (Ann. des sc. naturelles, 3° série, t, VII, p. 358, 1847). 2? WILLIAMSON, On some .Histological Features in the Shells of the Crustacea, in Quart. Journ. Microsc, Sc., vol. VIII, p. 44, avec 1 pl., 1860, 472 ALEXANDRE-NICOLAS VITZOU. tendu Lavalle ! dans son mémoire sur la structure du test des Crus- tacés Décapodes, ou bien des canalicules poreux? Examinons des préparations faites parallèlement à la surface des téguments. Sur des coupes très fines, on voit dans le champ du microscope un nombre considérable de petites perforations régulièrement espa- cées et correspondant précisément aux stries verticales des lamelles. Cette observation répond à la question et montre clairement que l'apparence striée des lamelles de la seconde couche est due à des canalicules poreux. La présence des canalicules poreux a été constatée d’ailleurs par beaucoup d'auteurs qui nous ont précédé dans cette étude. Un fait particulier et qui caractérise la seconde couche, c’est sa co- loration, due à la présence du pigment. La simple inspection de la carapace fraîche du Homard nous montre une coloration bleue, ou bleu foncé. L'examen microscopique prouve, et nous insistons sur ce fait, que jamais la matière bleue foncée du test du Homard n'est répandue dans l’épaisseur des téguments, ni, comme on l'a dit, simplement accumulée à la surface ; nous avons constaté toujours sa présence dans une couche spéciale et facile à reconnaitre. Par l'action des acides et de l’eau bouillante la coloration bleue passe au rouge. La présence constante du pigment limitée exactement à cette couche lui a valu le nom de couche pigmentaire, qui lui à été donné en 4847 par Lavalle! et que nous conserverons, parce qu'il rappelle un fait constant et écarte toute confusion. Nous devons rappeler que cette couche a reçu de la part de Car- penter? et Quekett? Ie nom de couche cellulare, et de la partde Wil- liamson“ le nom de couche aréolaire. Nous nous empressons d'ajouter qu'il nous a été impossible, en faisant usage des réactifs, de constater la présence-de noyaux. Les dessins que l'on voit à la surface du test rappellent une origine cel- lulaire ; mais le processus par lequel il dérive d’une formation cel- 1 LAVALLE, loc. cit. 2 CarpenTer, Report on the Microscopie Structure of Shelts, part. IT, 1848, p. 1 (Brilish. Associal. for the Advancement of Science for 1847). 3 Quexerr, Lectures on Histology, 1854, t. IT, p. 393, avec figures. * WVILLIAMSON, On some Histological Features in the Shells of the Crustacea, in Quart, Journ. Microsc. Sc., vol. VIII, p. 44, avec 1 planche, 1860, oo" 27 Ed TÉGUMENTS DES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 473 lulaire diffère de celui qui a été imaginé par les auteurs précités. Nous reviendrons sur ce fait quand nous parlerons de la structure des téguments chez les Crabes et chez les Portunes. Pour compléter la description nous devons ajouter que la couche pigmentaire est imprégnée de sels minéraux, qui se retrouveront dans la troisième couche qui forme presque à elle seule l'épaisseur du squelette tégumentaire. La présence des carbonates est mise en évidence par l'emploi des acides même étendus. Si l'on met sur le porte-objet du microscope une préparation de carapace non décalcifiée et si l’on ajoute quel- ques gouttes d’un acide étendu, on voit se dégager des bulles de gaz dont le nombre augmente au fur et à mesure que l’action de l’acide se prolonge. 3° La troisième couche (fig.2, c, pl. XXIID) est celle qui est de beau- coup la plus importante, car elle forme à elle seule presque toute la carapace, c'est la couche dermique de Lavalle' ou le chorion calcifié de Williamson?, Elle est blanche et formée d'un grand nombre de la- melles qui se superposent les unes aux autres. Nous ne trouvons au- cun intérêt à indiquer le nombre des lamelles parallèles qui forment cette couche, car il est très variable sur le même animal. Tout ce que nous pouvons dire à cet égard, c'est que les variations de nom- bre sont en rapport avec l’âge et les différentes parties des tégu- ments. Plus l’animal sera âgé, plus le nombre des lamelles sera consi- dérable. Les différentes parties des téguments qui seront appelées à Jouer un grand rôle comme organes de préhension ou comme or- ganes de défense seront dans le même cas. Il nous suffit pour citer à l'appui de cette assertion l'épaisseur du dernier article des pinces, qui prend des proportions relativement considérables. L'épaisseur de chaque lamelle est là de 5 y environ, tandis que pour la couche pigmentaire, l'épaisseur ne dépasse pas 2 1. Sur des coupes transversales très fines on remarque, comme dans la couche pigmentaire, un nombre extrèmement considérable de li- gnes verticales très serrées et donnant un aspect strié aux lamelles parallèles qui forment la troisième couche. Les lignes verticales se continuent sans interruption, des lamelles les plus inférieures jusque dans la couche pigmentaire, et nous nous 1 LAVALLE, loc. cit. ? WILLIAMSON, loc. cit, 474 ALEXANDRE-NICOLAS VITZOU. sommes assuré que les canalicules poreux de la couche pigmentaire sont la continuation des lignes verticales de la troisième couche. Ces derniers sont, par conséquent, de même nature et de même origine que les canalicules poreux, Les mêmes caractères que nous a révélés l'étude microscopique et l'emploi des réactifs pour les cana- licules poreux de la couche pigmentaire, nous les trouvons aussi pour les lignes verticales de la troisième, c'est pourquoi nous les désignerons dorénavant sous le nom de canalicules poreux. On trouve dans cette troisième couche, de distance en distance, des grands canaux (fig. 2, ec. s, pl. XXII) qui traversent les lamelles parallèles, et qui vont jusqu'à la partie supérieure de la couche pig- mentaire pour se rendre à la base des soies qui les surmontent, Nous reviendrons avec plus de détails sur la nature et la disposition de ces Canaux quand nous parlerons des'sotes. Pour compléter les détails de structure concernant la troisième couche, nous devons indiquer encore un autre fait, à savoir: que les lamelles parallèles diminuent considérablement d'épaisseur vers la partie la plus interne de cette couche. Il arrive un moment où l'é- paisseur de ces lamelles égale l'épaisseur des lamelles de la couche pigmentaire avec cette seule différence que les dernières sont colo- rées par le pigment, tandis que les premières sont incolores. Les carbonates sont en plus grande abondance dans cette couche que dans la couche pigmentaire. 4° Immédiatement au-dessous de la troisième couche, on en trouve une quatrième {fig. 2, d, pl. XXIIT) dont l'épaisseur est peu considérable. Elle est blanche et formée d’un nombre plus ou moins grand de très petites lamelles délicates disposées parallèlement à la surface des téguments, Cette couche est nettement indiquée sur les préparations décalciliées et elle diffère, tant par sa structure que par son contenu, des autres couches, L'examen microscopique de cette couche montre la disposition lamellaire, l'absence presque complète des canalicules poreux et des sels calcaires. On constate, sur les parties internes, les contours des cellules cylindriques qui se trouvent immédiatement en dessous. Cette apparence a été constatée aussi pour lEcrevisse par Max Braun‘. 1 Max Braun, Ueber die Histologischen Vorgänge bei der Häulung von Aslacus flu- viatilis, in Arbeiten aus dem Zool.-Zoot. Inst. in Würzburg, 1875, Bd, IT, p. 128. TÉGUMENTS DES CRUSTACÉS DÉCAPODES, 475 La présence de cette couche est constante dans toutes les parties durcies des téguments du Homard et l’on peut facilement la déta- cher du reste de la carapace. Tels sont les détails que l’on aperçoit sur les téguments durcis du Homard. Si maintenant nous passons à l'étude des téguments chitineux, mais non calcifiés des articulations etsurtout des téguments non cal- cifiés de la partie inférieure des anneaux abdominaux du Homard, nous ne pouvons pas reconnaître les séparations nettes entre les dif- férentes couches que nous venons de décrire dans les téguments calcifiés. On reconnaît très facilement la présence de la cuticule, tandis que les autres couches sont représentées par des lamelles pa- rallèles à la surface, plus ou moins serrées entre elles et dont le nom- bre varie considérablement. L'examen microscopique nous montre l'absence complète de la matière colorante dans la couche sous-jacente à la cuticule et que nous avons appelée couche pigmentaire. Si dans les téguments mous des articulations on ne peut pas dis- tinguer les quatre couches que nous avons vues former les téguments durcis, il existe pourtant des points où l’on peut très bien constater le passage des couches qui forment les téguments calcifiés à celles qui forment les téguments mous, A cet effet, il faut mettre à profit une disposition spéciale que nous offrent le troisième et le quatrième article des pinces du Ho- mard. Sur la face supéro-interne du troisième et du quatrième article, on voit que les téguments ne sont pas complètement calcifiés ; au milieu de la face supéro-interne du quatrième article des pinces, on voit une petite partie des téguments qui est complètement calcifiée. Cette partie calcifiée est entourée de téguments chitinisés mous, présentant la même coloration. On peut faire, dans cet endroit, des coupes transversales qui intéresseront la partie calcifiée et la partie non calcifiée. Dans la partie calcifiée on reconnaît facilement les quatre couches ordinaires. La troisième et la quatrième couche se confondent plus ou moins ; néanmoins on arrive à établir une sépa- ration entre elles, et cette séparation est indiquée par une différence d'épaisseur. Les lamelles de la troisième couche sont plus épaisses, et par conséquent moins serrées que celies de la quatrième couche. 476 ALEXANDRE-NICOLAS VITZOU. En suivant la coupe on voit que les assises calcifiées se continuent dans les téguments non calcifiés ; ainsi on distingue facilement la cu- ticule, la couche pigmentaire et une troisième couche blanche, formée de lamelles de chitine superposées. Gelle- ci résulte de la fusion de la troisième et de la quatrième couche. Gette impossibilité de dis- tinguer les deux assises ne nous surprend pas, car les sels calcaires qui établissaient ailleurs la différence, font ici complètement défaut. Conclusion. — De cette étude il résulte, d’une manière générale, que la première partie de l'épiderme constituant les téquments, durcis ou non, est formée de quatre couches qui se superposent, à savoir : 4° Une couche externe sans structure, la cuticule; 2° Une couche pigmentaire formée de lamelles parallèles traversées par des canalicules poreux, renfermant des carbonates et du pig- ment qui lui donne une coloration spéciale ; 3° Une couche calcifiée formée comme la précédente de lamelles parallèles avec des canalicules poreux, et ne renfermant jamais de pigment; elle est très épaisse et forme à elle seule presque toute la carapace ; 4° Une couche non calcifiée formée de très petites lamelles. Nous n'avons pas donné de dénomination spéciale, ni à la troi- sième couche, ni à la quatrième, parce qu'il n’y avait aucun intérêt ; néanmoins les auteurs qui nous ont précédé dans ces recherches n’ont pas manqué de créer des noms pour les différentes couches. Ces désignations, sans présenter d'avantage pour la description, ont introduit des idées erronées sur la nature morphologique des tégu- ments. Pour ne parler que de la troisième et de la quatrième couche, nous rappellerons qu'elles ont été réunies par Lavalle ! sous le nom de couche dermique. Williamson? a donné à la troisième couche le nom de chorion cal- cifié (calcified chorion), et à la quatrième couche le nom de chorion non calcifié (uncalcified chorion). Nous verrons par la suite qu'il existe, entre le derme véritable et les téguments formés de chitine, un épithélium cylindrique nettement caractérisé. C’est de cet épithélium et non du derme véritable, c'est- 1 LavaLLr, Recherches d'anatomie microscopique sur le test des Crustacés Décapodes (Ann. des sciences naturelles, 3° série, t. VII, p. 358 et 362, 1847). 2 WWILLIAMSON, On some Histological Features of the Shells of the Crustacea, in Quart’. Journ, of Microsc. Sc., vol, VIII, p. 44, pl, III, 1860. TÉGUMENTS DES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 411 à-dire du tissu conjonctif sous-jacent, que proviennent les diffé- rentes couches de chitine ; c’est pourquoi nous ne pouvons pas ad- mettre les dénominations données par Lavalle et Williamson à des couches qui sont placées au-dessus de cet épithélium. Pour nous, les quatre couches qui constituent le squelette téqumentaire du Homard forment la première partie de l'épiderme ; la deuxième partie étant représentée par l'épithélium cylindrique, que nous allons abor- der et qui représente la couche de Malpighi des animaux supérieurs. Voyons maintenant la structure des couches molles, qui se trou- vent à la partie inférieure des téguments chitineux. En procédant de dehors en dedans, nous trouvons en première ligne un épithélium cylindrique, et à sa partie inférieure le tissu conjonctif. Ces deux couches ont été réunies par les auteurs en une seule, à laquelle on a donné le nom de matrice. Pour des raisons que nous indiquerons, l’épithélium cylindrique formera pour nous la deuxième couche de l'épiderme. Epithélium chitinogène. — En raison du rèle que cet épithélium joue dans la formation des enveloppes chitineuses, nous l’appel- lerons dorénavant : épêthélium chitinogène. Cet épithélium, qui se trouve à la partie inférieure soit de la carapace, soit des téguments chitineux non calcifiés, est formé de grandes cellules plus ou . moins cylindriques. La longueur des cellules varie beaucoup; ainsi, on en trouve ayant un diamètre longitudinal de 24 p, et d’autres dont le même diamètre est deux fois plus grand. Chez le Homard les cellules cylindriques se terminent en cône et les prolongements ainsi formés vont s'unir aux fibres du tissu conjonctif sous-jacent. Le protoplasma des cellules est granuleux et renferme un noyau régulièrement ovalaire avec des granulations fortement ré- fringentes, et un ou plusieurs nucléoles. Le picrocarminate .d’am- moniaque colore en rose pâle le protoplasma des cellules, tandis que les noyaux et les nucléoles sont fortement colorés en rouge par le mème réactif, A côté de ces cellules, qui forment l’épithélium chitinogène, on en trouve d'autres ayant la forme parfaitement cylindrique, et, dans ce cas, on peut distinguer facilement, surtout sur des préparations colorées, une membrane formé de fibres con- jonctives, La position de cette membrane à la partie inférieure des 178 ALEXANDRE-NICOLAS VITZOU. cellules cylindriques, lui a valu le nom de membrane basale, qui lui a été donné par différents auteurs. On peut se convaincre, non sans difficulté, de l'existence de cet épithélum à l'état frais, en examinant la préparation dans la lymphe de l’animal ; mais bien des détails échappent à l'observateur. Pour avoir de bonnes préparations, il faut durcir les tissus par l'alcool et les couper ensuite dans la paraffine. Dans ces conditions, sur des coupes transversales, on voit très bien l'épithélium chitinogène formé de cellules cylindriques. Dans les replis des téguments on trouve une disposition différente. On sait que les épimères sont énormément développés chez les Macroures et contribuent à former à eux seuls la moitié posté: rieure du céphalothorax. En faisant une coupe des épimères on voit que les parties chitineuses des téguments se sont repliées en dessous pour couvrir la cavité où sont logées les branchies. Un repli de même nature se trouve dans les lobes de la nageoire caudale. il est utile de rechercher quelle est la forme que prennent les cel- lules de l’épithélium chitinogène dans ces replis. Si la coupe porte sur les épimères, on voit de distance en distance, entre les replis de la carapace, des faisceaux de fibres traversant le tissu conjonctif et aboutissant aux deux faces en regard de l'épithé- lium chitinogène. Ces faisceaux de fibres sont formés par les prolon- gements des cellules chitinogènes : ils renferment des noyaux de même grandeur que ceux des cellules de l'épithélium cylindrique. Ces fibres ne sont donc pas de nature conjonctive, comme on l'a dit : en faisant des coupes très fines, nous n'avons jamais trouvé de séparation entre ces faisceaux et les cellules épithéliales. Le fait devient très évident sila coupe porte sur un lobe de la na- geoire caudale. Nous reviendrons sur ces faits quand nous étudierons la mue, époque à laquelle ces détails se montrent avec une netteté parfaite, grâce -à la longueur considérable que prennent les cellules de l'épi- thélium chitinogène. La couche d’épithélium chitinogène est parfaitement constante, et ne peut pas être confondue avec le tissu conjonctif qui lui est sous-jacent, Tissu conjonctif. — Le Uissu conjonctif forme la couche la plus in- terne des téguments, son épaisseur varie selon les endroits ; ainsi TÉGUMENTS DES CRUSTACÉS DEFCAPODÉS. 479 dans les replis des téguments et vers le bord postérieur du céphalo- thorax, il atteint un développement maximum; tandis que dans les pattes et même, pour le céphalothorax, dans les endroits où les muscles s'insèrent directement aux téguments, son épais- seur diminue considérablement. Il est formé de grandes cellules arrondies renfermant un noyau régulièrement ovalaire; chaque noyau renferme de petites granulations fortement réfringentes, et dans la grande majorité des cas un seul nucléole, se colorant en rouge par le picrocarminate. Parmi les cellules on trouve aussi des faisceaux de fibres du tissu conjonctif qui cheminent dans toutes les directions. Vers la partie la plus interne, le tissu conjonctif n’est plus représenté que par des fibres et il se continue avec les autres tissus du corps. On trouve dans le tissu conjonctif, de distance en distance, des vaisseaux très petits et dans la partie la plus superficielle du pigment, Quand on dépouille un homard de sa carapace, à toute autre époque que celle de la mue, on voit dans le tissu conjonctif le pigment rouge se présentant tantôt sous forme de granulations, tantôt sous forme de cellules étoilées. Sur des Homards vivants que l'on peut se procurer sur les marchés, si l’on touche les parties molles sous-ja- centés aux téguments calcifiés, après avoir enlevé préalablement la carapace, on voit se déposer sur les doigts des taches rouges qui ne disparaissent que par un lavage à l'alcool. Le pigment se dissout en effet dans l'alcool à 90 degrés centigrades, et après vingt-quatre ou quarante-huit heures il disparaît presque complètement des tégu: ments qui sont conservés dans l'alcool. Dans les replis des téguments, l’espace compris entre deux couches d'épithélium chitinogène est rempli de grandes cellules plus ou moins arrondies, qui forment le tissu conjonctif. Il faut noter pourtant de distance en distance de petites lacunes remplies par la lymphe de l'animal; on y trouve des corpuscules sanguins qui se colorent for- tement par le picrocarminate d’ammoniaque. Nous n'avons pas réussi à mettre les nerfs en évidence ; néan: moins, ils doivent exister. On peut du reste s'assurer de leur pré- sence par une expérience très simple. Si l’on vient à exciter par des moyens physiques ou chimiques les téguments mous des Crus- tacés, au moment de la mue, on voit l'animal réagir par des mou- vements et, si l'excitation est forte, les mouvements sont très accen- tués, | 480 ALE XANDRE-NICOLAS VITZOU. L'étude de la structure des téguments des autres Crustacés du groupe des Macroures ne nous a pas offert de différences sensi- bles. Ainsi, chez l’Ecrevisse (Astacus fluviatilis), on constate que les téguments chitineux sont formés de quatre couches, comme chez le Homard. La figure 1, planche XXIIT, représente la coupe trans- versale des téguments chitineux de la carapace. On y voit les quatre couches superposées : la cuticule (a), la couche pigmentaire (b), la troisième couche calcifiée (ec), et enfin la quatrième couche interne non calcifiée (d). La séparation entre la troisième et la quatrième couche est peu marquée; c’est pourquoi MM. Lavalle ! et Max Braun ? les ont réunies en une seule. Néanmoins, on arrive à con- stater l’existence des quatre couches que nous avons indiquée, et la séparation entre la troisième et la quatrième couche devient plus prononcée par ce fait que les lamelles parallèles de la quatrième couche sont plus serrées entre elles et ne renferment pas de sels calcaires. On observe les mêmes caractères pour les différentes couches que forment les téguments chitineux de la Langouste el des autres Macroures. Immédiatement après les couches chitineuses, on trouve chez l'Ecrevisse un épithélium chitinogène formé de cellules plus ou moins cylindriques. Nous croyons devoir faire remarquer que les cellules de l’épithélium chitinogène de l'Ecrevisse sont peu déve- loppées à des époques éloignées de la mue, et la même chose s’ob- serve chez les Langoustes. Le tissu conjonctif qui se trouve à la partie inférieure de l’épithé- lium chilinogène est formé de cellules et de fibres renfermant des noyaux avec un ou plusieurs nucléoles se colorant en rouge par le picrocarminate. Entre le tissu conjonctif et l’épithélium chitinogène, on remarque l'existence d’une membrane fibreuse analogue à la membrane basale que nous avons trouvée à la base des cellules de l'épithélium chitinogène du Homard. Dans le tissu conjonctif, on trouve des vaisseaux et du pigment. En somme, les téguments des Décapodes Macroures présentent une grande uniformité de structure, et les différences ne portent que sur leur épaisseur plus ou moins grande, dans la carapace ou dans les pinces. 1 LavaLLe, Recherches d'anatomie microscopique sur le test des Crustacés Décapodes (Ann. des sciences naturelles, 30 série, t, VIT, p. 357 et 358, 1847). ? Max Braun, Veber die Hislologischèen Vorgänge bei der Häutung von Astacus flu- vialilis, in Arbeilen aus dem Zoo! -Zoo!, Institut in Würzburg, 1875, Bd. II, p. 198, TÉGUMENTS DES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 481 Nous devons rappeler en passant que l’on observe, à la surface de la carapace des Langoustes, des piquants dont la structure rappelle celle des téguments chitineux. Les différentes couches chitineuses qui forment la carapace se sont soulevées pour former ces produc- tions. L'épithélium chitinogène et le tissu conjonctif ont suivi le soulèvement imprimé aux téguments chitineux. B. Structure des téquments des Décapodes Brachyures. Les téguments des Crustacés Décapodes du groupe des Bra- chyures se composent de deux parties distinctes : un épiderme et un derme, comme nous l’avons établi pour les Décapodes Macroures. L’épiderme est formé de deux couches nettement indiquées : une couche externe formée de chitine et une couche interne formée par l’épi- thélium chitinogène. Le derme est représenté par le tissu conjonctif renfermant du pig- ment et des vaisseaux. — On sait que chez les Crabes la carapace est formée par le développement considérable du tergum qui couvre toute la région du céphalothorax, tandis que les épimères sont rudi- mentaires et sont placés en dessous et sur les côtés de la carapace. Pour rendre compréhensible la structure des téguments des Dé- capodes Brachyures, nous prendrons pour base de notre description le Crabe Tourteau (Platycarcinus pagurus), en indiquant ensuite les différences peu marquées que présentent les autres Brachyures. Structure des téquments du Crabe Tourteau (Platycarcinus pagurus). Si l’on fait une coupe transversale des téguments du Crabe Tour- leau, dans la région postérieure de la carapace, on trouve, en par- tant de dehors en dedans, les parties suivantes : 4° Une couche de chitiné, qui forme le squelette tégumentaire ; 2 Un éptthélium chiti- nogène; 3° Le tissu congonctif. La couche de chitine formant le squelette tégumentaire se com- pose de de quatre assises, comme chez le Homard. Les divisions que nous admettons pour cette première couche sont indiquées par la différence de structure et de contenu, mais elles n’ont pas un grand intérêt. La première couche chitineuse qui forme le squelette tégumen- taire se compose des parties suivantes : a, Une couche externe extrêmement mince, sans structure et ARCH, DE ZOOL, EKP, ET GËN, — T, x, 1889. 31 459 ALEXANDRE-NICOLAS VITZOU. d’une couleur plus ou moins jaunâtre, c'est la cuticule. Quand on regarde la cuticule de face, sur une coupe parallèle à la surface des téguments, on voit de distance en distance de petits tubercules blan- châtres, et l’espace compris entre les tubercules est occupé par des contours polygonaux. Ce fait nous indique l'origine cellulaire des téguments chitineux, carl, comme nous nous en sommes assuré par des mensurations, les dimensions de ces dessins correspondent précisément à celles des cellules cylindriques de l’épithélium chiti- nogene. Au niveau des tubercules, la cuticule est très mince; elle laisse apercevoir par transparence des cercles concentriques correspon- dant aux lamelles de la troisième couche, déprimées en quelque sorte et soulevées pour occuper l’espace conique laissé libre par la couche pigmentaire. | On ne voit pas dans la cuticule les petits trous correspondant aux canalicules poreux, ce qui nous démontre que ces canalicules s’ar- rêtent à la partie supérieure de la couche sous-jacente dont nous allons aborder l'étude. b. Après la cuticule, on trouve une seconde couche beaucoup plus épaisse ; elle correspond à la couche pigmentarre du Homard et, comme chez lui, elle présente les mêmes caractères. Cette couche est formée d’un nombre plus ou moins grand de lamelles parallèles à la surface de la carapace, traversées par des canalicules poreux. On trouve aussi des sels calcaires dont la présence est mise en évi- dence par les acides qui font dégager des bulles de gaz et du pig- ment qui donne, à travers la cuticule, sa couleur à la carapace. Le traitement par les acides et même par l'eau bouillante fait passer au rouge la teinte de cette couche. Il n’y a donc pas de diffé- rénces sensibles entre la couche pigmentaire du Homard et, par conséquent, des Macroures en général, et la couche pigmentaire du Crabe Tourteau. Néanmoins, on trouve quelques traits diffé- rentiels, nous devons en signaler un qui, précisément, est carac- téristique pour la couche pigmentaire des Brachyures. Cette couche ne présente pas partout la même épaisseur, on voit de distance en distance qu'elle laisse des espaces libres plus ou moins coniques, dus à l'interruption des lamelles parallèles et qui sont occupés par les lamelles soulevées de la troisième couche, Il faut remarquer cependant que l'interruption de la couche pigmentaire n'est pas absolue, car on retrouve à la partie supérieure des lacunes ou des TÉGUMENTS DES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 483 espaces coniques quelques petites lamelles, qui sont le prolongement des lamelles soulevées de la couche pigmentaire. Ce fait est plus ou moins caractéristique pour la carapace des Crabes et se présente surtout chez les Tourteaux avec une netteté parfaite. La couche pigmentaire est parcourue aussi par de grands canaux qui vont se rendre à la base des soies. Ces canaux ne traversent ja- mais les lacunes de la couche pigmentaire ; ils passent toujours dans les intervalles des lacunes. On remarque dans la couche pigmentaire des espaces en formé de tubes, qui simulent jusqu'à un certain point les canalicules po- reux, mais qui sont un peu plus grands. Quand nous étudierons la formation des téguments chitineux au moment de la mue, nous reviendrons sur la nature de ces espaces. Tout ce que nous pouvons dire pour le moment, c'est qu'ils limitent des portions de la couche pigmentaire, en leur donnant l'aspect de prismes. Sur une coupe parallèle à la surface, on voit des dessins dont les contours corres- pondent précisément aux espaces dont nous parlons; l'aspect des dessins est celui de polygones hexagonaux. Ces dessins sont bien visibles non seulement sur la cuticule, mais aussi sur la couche pigmentaire, soit dans son tiers supérieur, soit dans toute son épaisseur, comme le cas se présente chez le Portu- nus puber et mème chez les Platycarcinus pagurus. Ces faits ont été constatés aussi par Carpenter‘ et par Quekett? et ces auteurs ont, à cause de cela, donné le nom de couche cellulaire à la couche pigmentarre. Nous nous empressons d'ajouter que cette dénomination a été re- poussée en 1859 par Huxleyÿ, par la raison qu'il n’y a pas trouvé de noyaux. Pour lui, ces dessins semblables aux cellules hexagonales « résultent d’un dépôt additionnel de matière calcaire dans les cou- ches les plus superficielles de la coquille ». L'année suivante, M. Williamson * a appelé la couche pigmentaire couche aréolaireetaccepté complètement les explications de M. Huxley, 1 CaRPENTER, Report on the Microscopic Slructure of Shells, part. II, 1848, p, 127. (British Assoriat. for the Advancement of Science, for 1847). +2 Quexerr, Lectures on Histology, 1854, t. 11, p. 392 et 393, fig. 252. 8 HuxLey, Tegumentary organs (Todd's Encyclopedia of Anat. and Physiol,, suppl., vol: 1859, p. 486). # WiLuiamson, On some Hislological Features in the Shells of the Crustacea, in Quart, Journ. Microse, Sc., vol. VIII, p, 85-47, pl, TITI, 1860, 454 ALEXANDRE-NICOLAS VITZOU. Quand nous nous occuperons de la formation des téguments pen- dant la mue, nous verrons jusqu à quel point ces hypothèses peu- vent être soutenues. Pour le moment, nous pouvons dire que ces dessins rappellent l'origine cellulaire des téguments, ils sont dus à l’épaississement successif de la paroi supérieure des cellules qui forment l'épithélium chitinogène. c. Après la couche pigmentaire, on trouve vers la partie interne la troisième couche calcifiée constituant à elle seule presque toute la ca- rapace. Son épaisseur varie selon les différents endroits et selon l’âge de l’animal. Ainsi sur la carapace des grands Tourteaux, cette couche atteint jusqu'à 2 millimètres, et dans les pinces son épaisseur est beaucoup plus grande. Elle est blanche et formée de plusieurs la- melles parallèles, comme chezle Homard, et traversées par d’innom- brablescanalicules poreux, dontla présence peut êtreaisémentmiseen évidence, ens’y prenant comme nous l'avons indiqué pour le Homard. d. Tout à fait à la partie interne des téguments chitineux, on trouve la quatrième couche non calcrifiée formée de plusieurs lamelles parallèles à la surface interne de la carapace. On arrive facilement à la détacher de la troisième couche calcifiée et l’on peut mettre à profit la facilité que l’on a de séparer cette couche des trois autres, pour étudier les parties molles qui se trouvent à la partie inférieure de la carapace et que les auteurs ont désignées à tort sous le nom de malrice. Epitiélium chitinogène. — Les téguments chitineux du Platycarcri- nus pagurus et des Brachyures en général présentent, à la partie interne, une couche molle à cellules plus ou moins cylindriques qui représente morphologiquement l'épithélium chitinogène que nous avons vu chez le Homard. On trouve d’une manière constante cet épithélium chez le C'arcinus mœnas, chez le Portunus puber, Maia squi- nado, Xantho, eic., et l’on peut dire d'une manière générale chez tous les Brachyures. Il présente, comme nous l'avons dit, des cellules plus ou moins cylindriques; ces cellules se terminent vers la partie inférieure en pointe, et offrent des prolongements qui s'unissent aux fibres du tissu conjonctif sous-jacent. Le protoplasma des cellules est granu- TÉGUMENTS DES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 485 leux et renferme un noyau régulièrement ovalaire avec des granula- tions fortement réfringentes, et un ou plusieurs nucléoles se colorant en rouge par le picrocarminate, tandis que le protoplasma granuleux se colore en rose pâle par le même réactif. Je crois devoir faire re- marquer que ce n'est pas sans difficulté que l'on arrive à mettre en évidence cet épithélium ; les éléments qui le constituent sont, en cffet, beaucoup plus petits que ceux du Homard, surtout à des épo- ques éloignées de la mue. Pour se rendre compte de la disposition, de la forme et, en un mot, de tout ce qui caractérise cet épithélium, il faut tirer profit de la facilité que l'on a de séparer la quatrième couche non calcifiée des trois autres qui forment les téguments chitineux durcis par les sels calcaires. | On arrive à isoler quelques lamelles non calcifiées de la quatrième couche avec tous les éléments qui forment le tissu mou et qui se trou- vent à la partie inférieure. Une fois cette cpération terminée, on procède au durcissement des tissus par l'alcool à 60 et à 90 degrés, après quoi on les colore par le picrocarminate et on les coupe dans la paraffine. Sur des coupes pratiquées perpendiculairement à la surface des téguments, on voit tous les détails que nous venons d'indiquer. On trouve assez souvent à la base de cet épithélium une mem- brane de soutien analogue à la membrane basale du Homard. Chez le Platycarcinus pagurus, cette membrane indique la séparation entre l’épithélium chitinogène et le tissu conjonctif sous-jacent. Tissu conjonctif. — Le tissu conjonctif offre, comme celui des Macroures, de grandes cellules plus ou moins arrondies et ren- fermant un noyau de même grandeur que celui des cellules de l’épithélium chitinogène. Parmi les cellules du tissu conjonctif, on trouve aussi des fibres, des vaisseaux et du pigment, se présentant sous l'aspect de granulations vers la partie supérieure où se constitue la zone pigmentaire. | Vers la partie interne, le tissu conjonctif présente seulement des fibres qui se continuent avec les autres tissus du corps de l’animal. Dans les endroits où les muscles s'attachent à la carapace, on voit les faisceaux musculaires s’insérer non directement à la carapace, comme on l'a soutenu jusqu’en ce moment, mais à la partie infé- rieure des cellules qui forment l’épithélium chitinogène. Les cel- 186 © ALEXANDRE-NICOLAS VITZOU. lules sont dans ce cas parfaitement cylindriques : entre elles et les faisceaux musculaires qu'elles surmontent, on trouve la membrane basilaire qui sert pour l'insertion des fibres des muscles striés!. Si nous passons maintenant en revue la structure des téguments des autres Brachyures, nous. verrons les mêmes couches chitineuses que nous avons signalées chez le Platycarcinus pagurus. La carapace des Waïa Squinado présente à sa face externe de nombreux piquants. La nature de ces piquants ou plutôt leur struc- ture est celle de la carapace ; et en effet, ils sont formés par la pre- mière, la deuxième et la troisième couche des téguments chitineux du squelette tégumentaire, c'est-à-dire par la cuficule, la couche pig- mentaire et par la éroisième couche calcifiée, qui se sont soulevées pour former les piquants. Assez souvent on trouve des piquants plus ou moins gros, et le cas n’est pas rare chez les Waia Squinado. Des faits de même nature ont été rencontrés aussi chez la Lan- gouste (Palinurus vulgaris). Nous avons vu que la couche pigmentaire du Platycarcinus pagu- rus est interrompue de distance en distance par des espaces dont la forme est plus ou moins conique et quelquefois semi-ovalaire, et qui sont occupés par le soulèvement des lamelles de la troisième couche. Ces interruptions, que l'on constate avec une grande fa- cilité sur &es coupes transversales, correspondent précisément aux tubercules blanchâtres que l’on voit à la surface des téguments chi- tineux de la carapace; leur couleur blanche à travers la cuti- cule est due aux lamelles soulevées de la troisième couche. Ce fait, qui caractérise la couche pigmentaire du Platycarcinus pagurus et des Crabes en général, manque chez les autres Brachyures, ou tout au moins on ne voit que de petits espaces coniques limités par le soulèvement des lamelles qui entrent dans la composition des tégu- ments chitineux, Pour ce qui concerne l'épithélium chitinogène etle tissu conjonctif 1 Nous n'avons pas donné une figure à part, représentant la coupe transversale des téguments des Brachyures à des époques éloignées de la mue, Pour se rendre compte de la structure du tégument de ces animaux'il suffit de regarder les figures 4 et 5, pl. XXIIT, et la figure 28, pl, XX VII. La seule différence qui existe entre les téguments de ces animaux au moment de la mue et à des époques éloignées, consiste en ce que les éléments de l’épithélium chitinogène sont plus développés pendant la mue qu'à toute autre époque, et que les différentes couches chitineuses ne sont pas complètement développées. TÉGUMENTS DES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 487 des autres Brachyures, nous n'avons rien à ajouter; chez tous les Décapodes Brachyures ils se présentent avec les mêmes caractères que chez le Platycarcinus paqurus, que nous avons choisi comme type pour faciliter l'exposé des faits. Il nous reste maintenant à nous occuper des soies, qui, comme nous le verrons, ne sont que des dépendances du tégument. Des soies. — En regardant attentivement les téguments chitineux, on voit à leur surface des prolongements piliformes, dont le nombre, la grandeur et la forme varient considérablement. Nous nous propo- sons ici de montrer la structure de ces prolongements, qu’on appelle des soies, laissant de côté les questions concernant le nombre et la grandeur, qui, à notre avis, ne présentent pas un grand intérêt. On a désigné à tour de rôle ces prolongements, tantôt sous le nom de poils, tantôt sous le nom de sotes. Ajoutons que les auteurs qui se sont occupés de la question ne voient dans ces prolongements cuticulaires rien d’analogue aux poils des animaux supérieurs. Leur structure écarte toute assimilation de ce genre. L'étude de ces pro- longements présente un certain intérêt. Nous nous sommes demandé s’il y avait moyen de reconnaitre, dans ces prolongements, les couches de chitine que nous avons vues former les téguments et, dans ce cas, quelles sont les couches qui sont représentées dans ces prolongements. Avant d'aborder l'étude de la structure intime de ces productions culiculaires, il faut établir d'abord le fait suivant : Parmiles nombreux prolongements, il y en a qui présentent un canal central, et d'autres qui en sont complètement dépourvus ; ces derniers sont, en général; plus petits que les autres, cependant à la surface interne de la cou- che de chitine qui tapisse l’estomac on en trouve qui présentent toutes les grandeurs. Notre intention n’est pas d'établir ici une classi- fication de ces prolongements. Lorsque l'on fait une coupe transversale de la carapace du Platy- carcinus paqurus, on voit à la surface de petits prolongements for- més uniquement par la cuticule et présentant, par conséquent, les mêmes caractères. Nous les appellerons dorénavant : prolongements cuticulaires. Sur la surface de la carapace du Portunus puber on voit un nombre considérable de ces petits prolongements cuticulaires sans canal in- térieur et qui présentent absolument les mèmes caractères que ceux 488 ALEXANDRE-NICOLAS VITZOU. du Crabe Tourteau, avec cette seule différence que ceux du Portunus puber sont plus longs et extrêmement nombreux. On rencontre ces prolongements cuticulaires sur les bords des épimères, des nageoires et sur la surface interne de la couche de chitine qui tapisse l'estomac. Leur caractère principal est d’être dépourvus d’un canal central ; de plus, qu'ils soient petits ou grands, ils ne présentent jamais de ramifications latérales. Les prolongements qui présentent un canal dans leur intérieur varient beaucoup par leur forme et par leur grandeur. Nous appel- lerons ces prolongements, à l'exemple de M. Huxley, du nom de sotes, dénomination qui n implique rien sur leur structure intime. D'une manière générale, les soies prennent naissance dans une ca- vité des couches chitineuses des téguments, où elles commencent par un anneau formant l'articulation basilaire. En faisant des coupes transversales des téguments chitineux dans la région céphalothora- cique, on peut se rendre facilement compte de leur structure. On voit au milieu de la dépression l’article basilaire, formé uniquement par la cuticule. Si la coupe intéresse la partie centrale de la soie, on voit la cuticule suivre la dépression, constituer l'articulation, et puis remonter de nouveau et former les parois dont l'épaisseur varie beaucoup; ceci confirme l'observation de M. Milne-Ed- wards!, à propos des soies du Maïa Squinado. Ainsi on trouve des soies dont le diamètre transversal varie de 20 à à 35 1; nous pou- vons citer les soies du Portunus puber que l'on voit dans la figure 4,5, pl. XXIIT; l'épaisseur seule de la paroi atteint jusqu'à 5 y. La grandeur des soies peut varier beaucoup; et, en effet, on en trouve de très petites, comme on peut le voir dans la figure 2, pl. XXIIL, et d’autres qui présentent une longueur plus ou moins grande. Parmi les soies qui présentent un canal, il y en à qui sont glabres (fig. 2 et5, pl. XXIID) et d’autres qui présentent des barbes sur les côtés. Ainsi la plus grande partie des soies du Portunus puber (His. 4, pl. XXII), des Galatées (fig. 20, pl. XXV), etc., présentent sur les côtés des barbes br et jamais de barbules. Nous avons dit que ces soies présentent un canal central et diffèrent par cela des prolonge- ments cuticulaires qne nous avons étudiés. 1 Mrcue-Epwanps, Leçons de physiologie el analomie comparée de l'homme el des animaux, t. X, p. 191, 1874, TÉGUMENTS DES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 489 Le canal est limité à la tige des soies et ne se continue pas dans les ramifications barbulaires ; il renferme une matière granuleuse qui se colore en rose par le picrocarminate, tandis que les parois sont jau- nes comme la cuticule des téguments. Contrairement à ce que croyait Lavalle !, le contenu granuleux des soies n’a rien d’analogue avec celui des poils des animaux supé- rieurs; il est de même nature que le contenu des canaux qui traver- sent les couches chitineuses pour arriver à la base des soies et se continuer avec leur canal. De cette étude, il résulte que la structure des parois des soies et des barbes est celle de la cuticule; les soies sont formées, comme la cuticule, d'une substance homogène d'apparence cornée, ne se colo- rant pas par les réactifs et ne renfermant pas de sels calcaires. En suivant la continuité du revêtement extérieur on ne peut se tromper sur la nature cuticulaire de ces appendices et si nous in- sistons, c'est que Lavalle dans son mémoire sur le test des Crustacés Décapodes a soutenu l'opinion contraire. Pour lui les soies ne sont pas un prolongement de la cuticule, qu'il appelle couche épidermique, mais elles naissent au-dessous de l'épiderme par une masse arrondie ayant la plus grande analogie avec un bulbe qui aurait été envahi par la matière cornée. Pour se faire une idée exacte de ce que Lavalle pensait de la nature des soies, nous lui emprunterons le passage suivant : « Les barbes sont formées, ainsi que les poils, d’une substance ho- mogène d'apparence cornée et évidemment inorganisée. Cette sub- stance parait en tout semblable à celle qui compose la couche épi- dermique et les ongles. « Mais s'il y a similitude et peut-être identité de nature chimique, on ne saurait admettre qu'il y ait continuité entre ces différentes parties : les poils naissent au-dessous de l’épiderme par une masse arrondie, qui à la plus grande analogie avec un bulbe qui aurait été envahi par la matière cornée. » Et plus loin il ajoute : « Ce qui s'opposerait encore à faire regarder les poils comme des prolongements de l'épiderme, c’est la présence dans leur intérieur d'un canal central qui en occupe toute la longueur ? " LavaLLe, Recherches d'anatomie microscopique sur le test des Crustacés Décapudes (Ann. des sciences naturelles, 3e série, t. VII, p. 369 et 370, 1847). 2 LavaLLe, loc, cit, 490 ALEXANDRE-NICOLAS VITZOU. La manière dont l'auteur justifie son interprétation est sans intérêt. D'après tout ce que nous avons vu, il n’y a pas à hésiter sur la nature cuticulaire des soies. La masse arrondie dont parle Lavalle et d’où naïîtraient ces organes est représentée par l'articulation basilaire creuse, toujours cuticulaire, et ne présentant rien d’analogue à un bulbe. Des canaux. — Lorsque nous nous sommes occupé des prolonge- ments cuticulaires, nous avons établi une division selon qu'ils ren- fermaient ou non un canal central dans leur intérieur. Nous avons dit aussi que les prolongements cuticulaires canaliculés étaient en communication avec des canaux qui traversent les téguments chiti- neux. C'est de ces canaux que nous voulons nous occuper en ce moment. L'étude des coupes transversales destéguments soit complè- tement développés, soit en état de formation, nous montre des con- duits qui traversent des couches de chitine de bas en haut pour arriver à la base des soies et se mettre en continuité, dans la majo- rité des cas, avec leur canal central. Sur de bonnes préparations on arrive à reconnaitre une paroi propre et un contenu. Si les téguments ont été desséchés pendant quelque temps, il arrive assez souvent que les cananx soit remplis d'air ; si, au contraire, on fait des coupes sur des téguments décalcifiés et non desséchés, on arrive à leur reconnaître un contenu plus ou moins granuleux qui se colore par le picrocarminate d’ammoniaque. Les canaux, par leur partie périphérique, se mettent en communi- cation avec le canal de la soie et par leur partie basilaire avec l'épithélium cylindrique sous-jacent aux téguments chitineux. En étudiant le tégument au moment de sa formation, on trouve une ou plusieurs cellules à leur base ; quelquefois une seule cellule de l'épithélium chitinogène se continue avec le canal. Les canaux dont nous nous occupons en ce moment ne présentent Jamais de prolon- gements latéraux, ils traversent en ligne droite, perpendiculairement à la surface, les téguments chitineux. La grandeur du diamètre ransversal de ces canaux empêche de les confondre avec les cana- licules poreux, qui, sur des coupes transversales, se montrent sous l'aspect de lignes ondulées. Ces faits sont généraux et on les constate chez tous les Crustacés Décapodes. | x Lt | | Chez le Portunus puber nous avons vu que le canal central des soies TÉGUMENTS DES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 491 présentait un diamètre transversal plus ou moins grand. Ces canaux deviennent plus étroits vers la base des soies dans la majorité des cas. Ce fait est constant chez le Portunus puber. Les canaux tégumentaires, en traversant les différentes couches chitineuses, semblent soulever sur leurs côtés les lamelles parallèles, comme ils les refoulaient dans leur passage. En parlant de la couche pigmentaire du Platycarcinus paqurus, nous avons dit que les lamelles parallèles de cette couche s’in- terrompent de distance en distance pour former des lacunes ou des espaces libres plus ou moins coniques et que les soies correspon- daient toujours aux intervalles de ces lacunes. La figure 5, pl. XXIIT, montre cette disposition: on y voitles canaux tégumentaires €. s se continuer par les soies s et occuper les inter- valles des lacunes g. CHAPITRE IL STRUCTURÉ DES TÉGUMENTS EXTERNES ET INTERNES CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES AU MOMENT DE LA MUE. Au moment où les anciennes enveloppes chitineuses sont prêtes à être rejetées par l’animal, les nouvelles enveloppes qui doivent les remplacer ne sont pas entièrement formées, On ne peut pas distin- guer dans les téguments nouveaux les différentes couches de chitine qu'on observait dans les anciennes enveloppes à des époques éloi- gnées de la mue. Pour comprendre le processus de formation des nouvelles couches chitineuses, il faut suivre leur développement. On comparera donc l’état des téguments dans la période qui précède immédiatement la mue et dans celle qui la suit. | Nous exposerons d’abord, pour cette première période prépara- toire, la structure des téguments externes de quelques types choisis parmi les Décapodes Macroures, et ensuite nous insisterons sur la structure des parties du tube digestifqui prennent part aussi à la mue. A. Structure des téquments chez les Décapodes Macroures. Les types que nous avons choisis sont l'Ecrevisse (Astacus fluvia- hs) et le Homard (Æomarus vulgaris). | 492 ALEXANDRE-NICOLAS VITZOU. $ 1. Structure des téquments chez l'Ecrevisse (Astacus fluviatihs) dans la période préparatoire de la mue. Il est difficile de savoir par la simple inspection si l’animal est ou non dans la période préparatoire. Les téguments chitineux ont, il est vrai, perdu un peu de leur consistance, mais ce caractère phy- sique peut induire en erreur. Il faut, pour être assuré que l'animal se trouve dans cette condition, recourir aux dissections. Si l’on trouve sur les parois latérales de la portion renflée du tube digestif, c'est-à-dire sur l'estomac, les productions calcaires qu'on appelle yeux d'écrevisse, on est certain d'avoir sous la main une Ecrevisse dans la période préparatoire. Ces productions calcaires n'existent, en effet, que dans cette période, et elles disparaissent immédiatement après le rejet des anciennes enveloppes. On peut tenir compte encore du caractère suivant : si sous les téguments chitineux durcis par les sels calcaires on trouve de nouvelles couches de chitine en voie de formation, c’est la preuve que l'animal qu'on à sous la main se pré- pare pour la mue. Nous avons choisi un animal qui réalisait les conditions que nous venons d'indiquer. Une coupe transversale des téguments, dans la région postérieure du céphalothorax, montre les faits suivants : 4° L'ancienne carapace, près de tomber, est formée de quatre cou- ches qui se superposent, à savoir : la cuticule, la couche pigmentaire, la troisième couche calcifiée, etenfin la quatrième couche non calcifiée. Ces couches chitineuses présentent les caractères que nous avons indi- qués pour des époques éloignées de la mue ; 29 Immédiatement au-dessous, c'est-à-dire entre l’ancienne cara- pace et l’épithélium chitinogène, se trouve la nouvelle carapace, in- complètement développée ; 3° A la partie inférieure de la nouvelle carapace, on trouve l'épe- thélium chitinogène, formé de cellules plus ou moins cylindriques ; 4° Sous l’épithélium chitinogène, on trouve le {issu congonctif. Voici la constitution de ces différentes couches : Nouvelle carapace. — On distingue dans la nouvelle carapace, en procédant du dehors au dedans, deux couches qui se superposent : a. Une couche externe extrêmement mince et dont l'épaisseur ne dépasse pas { millième de millimètre, c'est la cuticule (fig. 21, a, TÉGUMENTS DES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 493 pl. XXVI);: elle est sans structure appréciable, d'un aspect corné et présente une coloration plus ou moins jaunâtre. b. Immédiatement après Ja cuticule, on trouve une couche de chitine assez développée et qui forme presque, à elle seule, la nou- velle carapace. Cette couche est divisée en deux autres : une couche supérieure b et une couche inférieure Ÿ'. La couche supérieure est formée de lamelles chitineuses paral- lèles à la surface. La couche inférieure est formée de chitine comme la précédente et nous présente un fait très important pour l'intelligence du pro- cessus de formation des couches successives de la carapace. Dans sa partie inférieure elle offre, en effet, des lignes ou plutôt des es- paces s' (fig. 21, pl. XXVI) dont la direction est perpendiculaire à la surface de la carapace. Ces espaces correspondent aux espaces inter- cellulaires des cellules formant l'épithélium chitinogène, qui se trouve immédiatement au dessous. Ces espaces se colorent en rose par le picrocarminate d'ammo- niaque; entre eux l’on voit de très petites lamelles parallèles à la surface supérieure de chaque cellule épithéliale chitinogène. Ces lamelles parallèles ne sont autre chose que les lamelles d’accroisse- ment de la nouvelle carapace. Nous verrons le même fait se présenter chez les autres Crusta- cés, non seulement pour les téguments externes, mais aussi pour la couche de chitine qui tapisse intérieurement le tube digestif et l'intestin en particulier. C'est en observant ce fait sur la couche chitineuse de la portion renflée de l'intestin terminal que nous avons été amené à le chercher dans les téguments. La nouvelle carapace dont nous venons d'étudier la structure ne présente pas partout la même épaisseur. Le plus grand développe- ment en épaisseur se trouve vers le bord postérieur du céphalo- thorax. Sur la même coupe, on voit diminuer insensiblement l'épais- seur de la nouvelle carapace, et les couches de chitine finissent par n'être plus représentées que par la cuticule doublée d'une très mince couche chitineuse à strates parallèles. L'épithélium., — Immédiatement au-dessous des nouvelles couches de chitine on voit un épithélium Z, formé de cellules plus ou moins cylindriques, En raison du rôle que doit remplir cet épithélium, 494 ALEXANDRE-NICOLAS VITZOU. pour la formation des téguments chitineux, nous l'appellerons : ép- thélium chitinogène. Je crois devoir faire remarquer que cette déno- mination à été aussi employée par M. Max Braun ' dans son mé- moire sur l'histologie des üssus de l’Ecrevisse, et encore par d’autres auteurs. Les cellules de l'épithélilum chitimogène sont plus ou moins cy- lindriques ; dans la grande majorité des cas, elles se terminent infé- rieurement par des prolongements qui se continuent avec les fibres du tissu conjonctif sous-jacent. Dans leur moitié supérieure, les cel- lules sont parfaitement cylindriques et renferment dans leur milieu un grand noyau #, régulièrement ovalaire. Ce qui frappe d'abord, lorsque l’on fait une coupe transversale des téguments de l’'Ecrevisse, c'est la grandeur considérable des noyaux, soit des cellules qui forment l’épithélum chitinogène, soit des cellules et des fibres du tissu conjonctüf. Les noyaux de cet épithélium renferment un grand nombre de granulations fortement réfringentes et un ou plu- sieurs nucléoles »', le tout se colorant fortement en rouge par le pi- crocarminate d'ammoniaque, tandis que le protoplasma est à peine coloré en rose par le même réactif. L'épithélium chitinogène ne présente point partout celte même régularité. Dans les replis des téguments, on voit de distance en distance les cellules cylindriques s’allonger et prendre la forme d'un cône renversé (fig. 23, K{, pl. XXVI). Les prolongements des cellules de l’épithélium chitinogène, d’un des feuillets traversent la couche du tissu conjonctif, pour se continuer avec des prolongements de même nature des cellules de l'épithélium de la partie repliée, c'est- à-dire de l’autre feuillet. La figure 26, pl. XXVI, représente une coupe transversale des tégu- ments de la partie postérieure du céphalothorax, formée par les épimères extrèmement développés et réunis sur la ligne médiane. Dans cette figure, on voit supérieurement la cuticule a, une petite couche de chitine b et l’épithélium chitinogène E; vers la partie infé- rieure, on distingue aussi la cuticule, la couche de chitène el l'épe- thélium chitinogène. Entre l’épithélium chitinogène supérieur et inférieur, on voit des faisceaux du tissu conjonctif formant des sortes de colonnades KT et qui ne sont autre chose que des prolonge- ments des cellules de deux épithéliums chitinogènes, 1 Max Braun, Ueber die [islologischen Vorgünge bei der Häutung von Astacus fluviatilis, in Arbeiten aus dem Zool.-Zoot, Institut in Würaburg, 1875, Bd, IT, p.132, TÉGUMENTS DES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 495 Ces faisceaux ont été signalés chez l'Ecrevisse par Max Braun !, et selon cet auteur une disposition de même genre aurait été décrite par Kosmann*danslesreplis du C'onchoderma viryatum et par Leydigÿ, chez les Daphnides et en particulier chez la Sida crystallina. Nous pouvons ajouter que ce fait est général, qu'on le rencontre non seulement chez l'Ecrevisse, mais aussi chez tous les Crustacés Décapodes que nous avons étudiés. La structure de ces faisceaux ou colonnades est très simple; ils sont formés uniquement de fibres renfermant un pelit noyau se co- lorant en rouge par le picrocarminate. Nous avons dit que ces fais- : ceaux n'étaient pas autre chose que les prolongements des cellules de l'épithélium chitinogène ; nous n'avons, en effet, jamais aperçu de ligne de séparation entre les fibres de ces faisceaux et les cellules cylindriques. Le rôle de ces faisceaux est de renforcer les deux feuil- lets repliés des téguments chitineux ; aussi Leydig * les a-t-il nom- més colonnes de soufien. Il existe encore une disposition parüculière pour l'épithélium chitinogène de l’Ecrevisse. On aperçoit, en effet, chez cet animal une couche de protaplasma granuleux E, renfermant de grands noyaux (fig. 23 et24E, pl. XXVI). Elle se trouve dans les intervalles des groupes des cellules coniques formant les faisceaux transversaux de renforcement. En suivant la couche d’épithélium chitinogène, on voit qu'elle se continue avec la couche protoplasmique. Cette der- nière est donc l’analogue de l’épithélium chitinogène ; seulement le protoplasma n’est pas assez épaissi autour des noyaux pour limiter exactement les cellules. Tissu conjonctif, — On sait que le tissu conjonctif varie beaucoup. chez les animaux inférieurs ; Chez l'Ecrevisse il est représenté par de grandes cellules renfermant un noyau volumineux avec des nom- breuses granulations fortement réfringentes et un ou plusieurs nu- cléoles. | | A côté des grandes cellules on trouve aussi des fibres: dans la 1 Max. BRAUN, loc, cit, (Arbeiten aus dem Zool.-Zoot, Institut in Würzburg, 1875, Bd. Il, p. 133), re # 2 KosmanN, Beilräge zur Anatomie der Schmarolzenden Rankenfüsser, p. 113, u, tab. V, fig. 21, Suetoria und Lepadidæ, p. 183, tab, X, fig. 12 u, 13. ÿ Leypic, Naturgeschichte der ANS: p, 90. .* Levypic, loc cil;: : 496 ALEXANDRE-NICOLAS VITZOU. figure 21, pl. XXVI, le tissu conjonctif n’est représenté que par des fibres qui cheminent dans tous les sens et qui se mettent en commu- nication avec les prolongements des cellules de l’épithélium chitino- gène.On ne peut pas dire pourtant que cette disposition existe par- tout; dans d’autres parties des téguments les grandes cellules forment presque à elles seules le tissu conjonctif. Cela se voit sur les coupes transversales faites en dehors du bord postérieur du céphalothorax. Dans les replis des téguments et surtout dans les intervalles des faisceaux transversaux dont nous avons parlé, le tissu conjonctif est représenté par les cellules volumineuses Æ à gros noyaux, représen- tées dans la figure 26, Æ, pl. XXVI. Dans les lacunes du tissu conjonctif, on trouve aussi des glandes et des vaisseaux et, selon Max Braun !, des nerfs. S 2, Structure des téquments au moment de la mue chez le Homard (Homarus vulgaris). Les téguments chitineux du Homard, au moment où il vient de rejeter ses anciennes enveloppes, sont mieux développés que chez l’Ecrevisse. Avant d’en aborder l'étude, nous devons rappeler que les téguments des Macroures, formés par les épi- mères extrêmement développés dans la région du céphalothorax, se replient sur les côtés et en dessous pour former la paroi supéro- latérale ? de la cavité où sont logées les branchies. Quand on fait une coupe transversale d’un des épimères on trouve la répétition des élé- ments tégumentaires quisont disposés en une couche supérieure el une couche inférieure. C'est la région postérieure du céphalothorax qui est la plus favorable à l'examen, parce que les éléments y sont mieux développés. Sur une coupe transversale représentée dans la figure 7, pl. XXIV, en procédant de dehors en dedans, nous trouvons, comme pour l'Ecrevisse, les couches suivantes : 4° La nouvelle carapace ; 2° L’épithélium chitinogène ; 3° Le tissu conponctif. 1 Max BRAUN, loc. cil. 2 Note. La portion du céphalothorax des Macroures couvrant les branchies, for- mée parles épimères extrêmement développés, est désignée par M. Huxley sous le nom de branchiostégite et représente morphologiquement les pleurons du somile supérieur, Voir Bibliothèque scientifique internationale: l'Ecrevisse, par Huxley, 1880, TÉGUMENTS DES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 497 La nouvelle carapace en voie de formation se compose, au moment du rejet des anciennes enveloppes, de deux couches : a. Une couche externe a extrèmement mince, c'est la cuéicule, rappelant, par son aspect et sa composition, la cuticule de l'Ecrevisse; b. Une couche interne b, beaucoup plus épaisse que la première et formant à elle seule presque toute l’enveloppe chitineuse. Elle est constituée par des lamelles disposées parallèlement à la surface. Les lamelles sont traversées par les canalicules poreux, qui peuvent être mis en évidence sur des coupes fines montées dans la glycérine éten- due d’eau. Outre les canalicules poreux on trouve dans cette couche des grands canaux qui la traversent perpendiculairement pour arri- ver à la base des soies. Vers la partie interne de cette couche on ne trouve plus les espa- ces tubuleux correspondant aux interstices intercellulaires de l'épi- thélium chitinogène qui existaient chez l’'Ecrevisse. Il est vraisem- blable que ces interstices sont simplement masqués par le cément chitineux qui les remplit. Cette couche correspond par sa position à la couche pigmentaire des téguments chitineux durcis ; et si nous n’avons pu constater dans cette couche une coloration appréciable, cela tient à ce que nous fai- sions durcir les préparations dans l'alcool qui dissout le pigment; néanmoins, on ne peut douter de sa présence sur les coupes à l’état frais. D'après ces observations, la nouvelle carapace, au moment de la mue,n'est représentée que par la cuficule a et par une couche externe chitineuse b, qui correspond par sa position et par sa structure à la couche pigmentaire, qui sera évidente plus tard à des époques éloi- gnées de la mue. Dans la figure 9, pl. XXIV, vers la partie la plus interne de la cou- che chitineuse à on voit une nouvelle couche ec, en voie de forma- tion, qui se différencie de la couche supérieure par l'épaisseur des lamelles qui la composent. Cette figure représente la coupe transver- sale des téguments huit jours après la mue. Quand on colore la préparation par le picrocarminate, cette der- nière couche se colore plus fortement que la couche de chitine 4 qui lui est supérieure, et ce fait est caractéristique des couches de for- mation récente. Les canalicules poreux de la couche c sont très bien représentés ARCH, DE ZOOI, EXP, ET GÉN.=m= T, X. 1889, 32 498 ALEXANDRE-NICOLAS VITZOU. et se mettent en communication avec les canalicules de la couche supérieure. Epilhélium chitinogène. — À la partie inférieure de la nouvelle ca- rapace, on trouve un épithélum chitimogène E. Ce qui frappe d’abord sur une coupe transversale des téguments du Homard, c'est la gran- deur gigantesque des cellules qui forment cette assise. Le diamètre longitudinal de ces cellules varie de 120 à 150 p, tandis que le dia- mètre transversal ne dépasse pas 3 . Les cellules de l’épithélium chitinogène sont plus ou moins cylindriques et présentent à leur partie inférieure des prolongements qui se continuent avec les fibres du tissu conjonctif sous-jacent. Le protoplasma des cellules est gra- nuleux et se colore en rose par le picrocarminate ; chaque cellule offre un noyau régulièrement ovalaire avec un ou rarement deux nucléoles se colorant en rouge par le même réactif. Avec un fort grossissement, on aperçoit dans le tiers supérieur de chaque cellule des striations parallèles à la surface, ce qui indique une transforma- tion du protoplasma qui passe à la chitine. La présence de cet épithélium est constante et sur de bonnes pré- parations il se présente avec une régularité parfaite. Dans les replis des téguments on voit très bien les faisceaux du tissu conjonctif que nous avons appelés, d'accord avec les auteurs qui nous ont précédé : faisceaux de renforcement. La figure 10, pl. XXIV, représente la coupe transversale de la na- geoire Ccaudale ; on y voit la parfaite régularité des cellules cylindri- ques de l'épithélium chitinogène et les prolongements de ces mêmes cellules formant les faisceaux de renforcement (fig. 10, pl. XXIV, Æ?). Il nous -a été impossible d'apercevoir aucune limite de séparation entre les cellules cylindriques et les faisceaux. Ces faisceaux ne sont autre chose, pour nous, que des prolongements des cellules qui for- ment l’épithélium chitinogène. Comme le montre la figure 10, pl. XXIV, les téguments de la partie inférieure se présentent avec les mêmes caractères que ceux de la partie supérieure. Le fait est facile à comprendre si l'on se rappelle que les téguments chitineux supé- rieurs se sont repliés pour former la nageoire. Sur des coupes transversales des téguments du Homard, il est moins facile de constater la présence d'une membrane basilaire à la partie inférieure de l’épithélium chilinogène; néanmoins, la distinc- tion entre les cellules de l'épithélium chitinogène et le tissu conjonctif TÉGUMENTS DES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 499 sous-jacent est nettement indiquée, de sorte qu'il n’est pas légitime de les confondre en une seule couche, comme l'ont fait presque tous les auteurs qui nous ont précédé. Tissu conjonctif. — Le tissu conjonctif se trouve à la partie infé- rieure de l’épithélium chitinogène; il est représenté, chez le Homard comme chez l'Ecrevisse, par de grandes cellules arrondies et par des fibres à noyaux régulièrement ovalaires. La grandeur des noyaux, soit des cellules, soit des fibres conjonctives, est, à peu de chose près, la même que celle des noyaux de l’épithélium chitinogène. Les cel- lules arrondies du tissu conjonctif renferment de nombreuses granu- lations. Nous avons voulu nous rendre compte de la nature de ces granu- lations et, à cet effet, nous avons employé l’acide osmique en solu- tion à 4 pour 100. On constate alors que ces granulations ne sont point de nature graisseuse. En traitant les téguments à l’état frais par le sérum fortement iodé, ou par la teinture alcoolique d'iode, on voit les cellules et les granulations qu’elles renferment se colorer en rouge vineux. Ce caractère indique que nous avons affaire à des granula- tions glycogéniques. Pour avoir un terme de comparaison, nous avons essayé préala- blement l’action du sérum iodé et de la teinture d'iode sur les pla- ques renfermées dans les annexes du fœtus de veau, et dont la nature glycogénique a été démontrée, pour la première fois, par Claude Ber- nard ‘ ; elles se coloraient en rouge vineux. Si le sérum iodé était plus concentré, les plaques présentaient une coloration plus foncée. En répétant la même expérience pour les téguments frais du Ho- mard, nous avons observé la même coloration pour les granulations des cellules du tissu conjonctif, qu’on trouve en abondance au mo- ment de la mue. Cet examen comparatif nous démontre que les granulations renfer- mées dans les cellules volumineuses du tissu conjonctif sont de nature gly- cogénique. Le nombre des cellules est très considérable, on pourrait dire que le tissu conjonctif forme une assise nutritive qui mériterait vérita- blement le nom de blastoderme. La présence du glycogène dans les cellules volumineuses, dont { Claude BERNARD, Ann. des sciences naturelles, 1859, 500 ALEXANDRE-NICOLAS VITZOU. nous venons de préciser la place, nous rappelle un fait d’une très grande importance au point de vue de la physiologie générale ; nous voulons parler de la formation, à certaines époques, de réserves nu- tritives qui sont dispersées dans les formations nouvelles. En fait, la production du glycogène et son accumulation en très grande quantité coïncident chez les Crustacés avec la formation des nouvelles enveloppes chitineuses. Cette observation n'est pas particulière au Homard ; on peut la reproduire, au contraire, chez tous les Crustacés pendant la mue, comme nous le verrons en abordant l'étude des Brachyures. Il n’est pas étonnant que la nature glycogénique des granulations renfermées dans les cellules volumineuses du tissu conjonctif ait échappé aux naturalites qui se sont occupés des téguments des Crus- cés, car, comme nous l'avons dit, ce fait coïncide avec la mue. Claude Bernard', cherchant à démontrer la généralité de la fonc- tion glycogéuique, est arrivé à trouver chez les Crustacés, à l'époque de la mue, autour du corps de l’animal et au-dessous de la carapace, une couche très nette de matière glycogène. La place de cette cou- che n'était pas rigoureusement déterminée. À priori ce dépôt pourrait être attribué aussi bien à l'épithélium chitinogène ou au tissu conjonctif formé de fibres et de grandes cel- lules. L'observation nous a appris que les granulations glycogéniques ne se trouvent que dans les cellules volumineuses du tissu conjonctif. Le glycogène du tissu conjonctif sert à la nutrition, pendant la mue, des cellules de l’épithélium chitinogène. Ces cellules prennent, en effet, un développement considérable à cette époque pour con- stituer les assises chitineuses des téguments, par l’épaississement successif de leur paroi supérieure. Les autres Décapodes Macroures présentent les mêmes faits que l'Ecrevisse et le Homard. 1 Claude BERNARD, Leçons sur les phénoménes de la vie communs aux animaux el aux végétaux, t. II, p. 111, 1879; publiées sous la direction de M. Dastre, profes seur suppléant de physiologie expérimentale à la Faculté des sciences de Paris. TÉGUMENTS DES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 901 B. Structure des téquments chez les Décapodes Brachyures au moment de la mue. Nous prendrons comme type de Décapode Brachyure Ile Carcin menade (Carcinus mœnas), que l'on peut se procurer avec une grande facilité au bord de la mer. Nous indiquerons ensuite les différences peu marquées que pré- sentent les téguments des autres Crustacés du même groupe. S 1. Structure des téquments du Carcinus mœnas au moment de la mue. Les Carcinus mænas, selon la couleur de leurs téguments, sont appelés vulgairement par les pêcheurs Crabes verts et Crabes rouges. Ces deux variétés se trouvent en grand nombre sur les côtes et on peut se les procurer très facilement dans les ports, où ils sont attirés soit par l'odeur des intestins des poissons jetés par les pè- cheurs, soit par les restes de l'alimentation des marins. Leur vora- cité permet de les capturer facilement. [suffit de lier au bout d’une corde des morceaux d'’intestin ou de foie de poissons ; les Crabes viennent s’y accrocher avec force, et l’on peut tirer la corûe sans qu’ils abandonnent leur proie. C'est par ce moyen que nous arri- vions à nous procurer les Crabes en très grand nombre, pendant notre séjour dans la station zoologique de Roscoff. | Lorsque l’on a sous la main un Crabe vert, et que la carapace, formée uniquement du tergum extrêmement développé, se montre désarticulée d'avec les épimères, on est certain que le Crabe va muer. On peut hâter mécaniquement la désarticulation, et l’on voit alors sous l’ancienne carapace le tégument nouvellement formé. On ne trouve à cette époque, comme nous l'avons vu pour l’Ecrevisse et le Homard, que la cuticule et une couche de chitine sous-jacente qui représentera plus tard la couche pigmentaire. On trouve, en procédant de dehors en dedans, les couches sui- vantes : 1° L'ancienne carapace prête à tomber et formée de quatre cou- ches déjà décrites; 2° Une couche de matière gélatineuse, interposée entre l’ancienne 502 ALEXANDRE-NICOLAS VITZOU. carapace et la nouvelle en voie de formation. Cette assise joue un grand rôle dans le mécanisme de la mue; 3° Une couche molle de chitine et qui représente la nouvelle ca- rapace ; 4 Un épithélum chitinogène; > Une couche représentant le issu conjonctif et renfermant du pigment et des vaisseaux. Nous ne parlerons que des trois dernières couches, la première nous étant connue par les études antérieures, et la deuxième étant formée d’une matière gélatineuse sans structure. La figure 32, pl. XX VIT, représente la coupe transversale des tégu- ments mous du Carcinus mœænas dans la région postérieure du cé- phalothorax. On y voit la troisième, la quatrième et la cinquième couche, c'est-à-dire : la nouvelle carapace, l'épithélium chitinogène et le tissu conjonctif. | La nouvelle carapace à cette époque est formée de deux couches : a. Une couche externe a extrêmement mince, dont l'épaisseur ne dépasse pas 1 L.; elle rappelle par son aspect et par ses caractères la cuticule ; b. La deuxième couche chitineuse à est de beaucoup supérieure en épaisseur à la première, et constitue à elle seule presque toute l’en- veloppe chitineuse en voie de formation. On reconnaît très facilement la disposition lamellaire que nous avons trouvée dans les téguments chitineux de l'Ecrevisse, du Ho- mard, etc., et l'on voit en même temps que chaque lamelle est tra- versée par des stries verticales qui rappellent les canalicules po- reux {. Les lamelles parallèles ne se continuent pas en ligne droite; elles s'interrompent de distance en distance pour former des cavités coniques. Ce fait est caractéristique pour les téguments chitineux du Carcinus mœnas et il devient plus accentué pour le Crabe Tourteau (Platycarcinus pagurus). Sila coupe porte sur une des pattes, dont les téguments chitineux sont mous, comme dans la figure 33, pl. XXVII, on voit dans la deuxième couche à des espacees verticaux s' correspondant précisé- ment aux espaces intercellulaires de l'épithélium chitinogène; entre ces espaces on trouve un nombre considérable de lignes parallèles à la face supérieure des cellules qu'elles surmontent : ce sont des lignes d'accroissement constituant les prismes pr. TÉGUMENTS DES CRUSTACÉS DÉCAPODES. | 503 C'est là une observation générale. Nous insistons sur ce fait parce qu'il nous permet de comprendre le processus de formation des couches de chitine. Sur des coupes parallèles à la surface du céphalothorax et surtout des pattes, on voit des dessins polygonaux qui rappellent les contours des cellules polyédriques de l’épithélium chitinogène. Sur des coupes un peu obliques des mêmes téguments, on voit que les espaces verticaux en forme de tubes, qui traversent perpendiculairement les couches de chitine, correspondent par leur extrémité supérieure aux contours des dessins polygonaux et par l'extrémité inférieure aux espaces intercellulaires. Il résulte de là que les téguments chitineux des Crabes sont for- més d’un nombre considérable de prismes surmontant les cellules de l'épithélium chitinogène. Les lamelles parallèles qui constituent, par leur superposition, ces prismes contigus proviennent de l'épaissis- sement successif de la paroi supérieure des cellules épithéliales. Ceci démontre de la manière la plus claire l’origine cellulaire du té- gument. Le fait peut être mis en évidence par l'emploi du réactif dont on se sert en histologie précisément pour démontrer les ci- ments cellulaires : je veux parler du nitrate d'argent. L'emploi de ce réactif en solution à 4 pour 100 fait apercevoir des dessins poly- gonaux très nets, parallèles à la surface des téguments. On constate la même disposition dans l'épaisseur des téguments chitineux de tous les Cructacés. En résumé, les téguments chitineux du Carcinus mœnas sont formés à cette époque de deux couches : une couche externe a:la cuticule, etune couche interne 4, qui représentera plus tard la couche pigmentarre. L'épithélium chitinogène E se montre à la partie interne des cou- ches qui forment le tégument chitineux. il est formé de cellules plus ou moins cylindriques avec un noyau régulièrement ovalaire, renfermant un nucléole. Les cellules se terminent à la partie infé- rieure par des prolongements dirigés dans tous les sens, les uns for- mant une membrane basilaire et les autres se confondant avec les fibres du tissu conjonctif qui se trouve plus bas. On constate très facilement chez les Crabes la présence de la mem- brane basilaire dans les pattes. La figure 33, pl. XX VII, nous révèle un 904 ALEXANDRE-NICOLAS VITZOU. fait particulier : à la partie inférieure des cellules de l’épithélium chitinogène se trouve la membrane basilaire mb, à laquelle abou- tissent les fibres striées des faisceaux musculaires ; on voit à la partie supérieure de chaque faisceau, deux cellules cylindriques, qui se colorent fortement par le picrocarminate; le contenu de ces cel- lules est granuleux. Vers la partie supérieure des cellules, on aperçoit des stries paral- lèles à l'axe longitudinal. On rencontre la même disposition pour les cellules de l’épithélium chitinogène de la nouvelle carapace, dans les endroits où les faisceaux musculaires s'insèrent directement aux té- guments. De chaque côté de l'estomac il existe deux colonnes musculaires qui viennent s’insérer par leur extrémité supérieure à la carapace. Dans ces endroits, on trouve l’épithélium chitinogène interposé en- tre les téguments chitineux et les muscles; ainsi la présence de l'é- pithélium chitinogène sous les téguments est un fait constant et général. Nous avons constaté ce fait pour les pattes et pour la cara- pace, et nous verrons qu’on le retrouve aussi pour les lames chiti- neuses des pattes qui ont été prises à tour de rôle soit pour des ten- dons, soit pour des cartilages. Ces tissus ne sont que des replis du tégument et présentent par conséquent la même structure, Tissu conjonctif. — Le tissu conjonctif du Crabe commun (Carei- nus mænas) ne diffère en rien de celui du Homard. Il présente des fibres avec des noyaux ovalaires, de grandes cellules arrondies g/ à noyau ovalaire et à granulations nombreuses, dont la nature glyco- génique se démontre facilement soit par le sérum fortement 1odé,, soit par la teinture alcoolique diode. Vers la partie la plus interne, le tissu conjonctif se termine par une membrane composée de fibres qui se confondent avec les autres tissus de l'organisme. Il résulte des descriptions des auteurs que cette membrane fibreuse a été prise pour une membrane séreuse : elle n’est qu'une portion du tissu con- Jonctif, S 2, Structure des téquments du Crabe Tourteau (Platycarinus pagarus) au moment de la mue, Les procédés qu'on emploie pour avoir en grand nombre les C'arcinus mænas sont absolument insuffisants pour les Crabes Tour- TÉGUMENTS DES CRUSTACÉS DÉCAVPODES. 505 teaux, parce qu'ils restent cachés dans le sable sous de grandes pierres. C’est dans des endroits sableux, couverts ou non, que l’on doit chercher ceux-ci. On choisit de préférence les herbiers laissés à découvert à chaque marée basse, et sous les pierres on est presque certain de rencontrer des Crabes Tourteaux plus ou moins grands. Le caractère que nous avons indiqué pour les Carcinus mœnas, à savoir : la désarticulation du tergum d'avec les épimères, qui nous permet de reconnaître que l’animal se dégagera dans peu de temps de sa carapace, est exact aussi pour les Crabes Tourteaux. Lorsque l’on examine les téguments du Crabe Tourteau au mo- ment de la mue, on voit qu'ils sont composés du même nombre de couches que ceux du Carcinus mœnas. La figure 928, pl. XXVII, re- présente la coupe transversale, au moment de la mue, de la partie postérieure des téguments qui forment le céphalothorax. Pour les téguments chitineux, on ne trouve que deux couches : a. Une couche externe a, rappelant par son aspect et sa composi- tion la cuticule ; b. Une couche interne chitineuse à beaucoup plus épaisse et con- stituant à elle seule presque toute l'enveloppe dure; elle repré- sente morphologiquement, par sa structure et par son contenu, la couche pigmentaire que nous avons trouvée dans les téguments calcifiés ou non à des époques éloignées de celle de la mue ; comme la couche pigmentaire, elle comprend un grand nombre de la- melles parallèles, traversées perpendiculairement par des canalicules poreux f. La présence du pigment dans la couche sous-jacente à la cuticule est moins évidente qu'à d’autres époques; néanmoins, dans la moi- tié supérieure, on constate une coloration plus ou moins caracté- ristique, due précisément au pigment diffus. On trouve dans cette couche des cavités plus ou moins coniques ou ovoïdes formées par le soulèvement des lamelles de la moitié su- périeure, et par l'interruption de celles de la moitié inférieure. La présence de ces cavités dans cette couche est un fait constant et caractérise le tégument chitineux du Crabe Tourteau. Nous avons dit que ces cavités étaient remplies, à des époques éloignées de celle de la mue, par les lamelles soulevées de la troi- sième couche sous-jacente; or, comme cette couche n’est pas encore formée au moment de la mue, nous voyons les cavités occu- 206 ALEXANDRE-NICOLAS VITZOU. pées par l’épithélium chitinogène dont les cellules prennent des pros portions gigantesques, comme on peut le voir dans la figure 98, pl. XX VIL. Si l'on étudie les téguments chitineux du Crabe Tourteau quel- que temps après la mue, on voit à la partie la plus interne un commencement de formation de la troisième couche, comme l’in- dique la figure 5, c, pl. XXIHIT ; la séparation entre les trois couches est si bien indiquée, que l’on ne peut se tromper sur leur présence et leur nature. Sur des coupes parallèles à la surface des téguments, on trouve les mêmes dessins polygonaux que chez le Carcinus mænas, rappelant l’origine cellulaire des téguments. ÆEpithélium chitinogène. — Les cellules qui forment l’épithélium chitinogène du Crabe Tourteau ne diffèrent en rien des cellules for- mant le même épithélium chez le Carcinus mœnas. Tissu congonchf. — A la partie inférieure de l'épithélium chitino- gène, on trouve une couche formée presque uniquement de celluies arrondies renfermant un noyau ovalaire et un nombre considérable de granulations qui se colorent en rouge vineux soit par le sérum iodé, soit par la teinture alcoolique d’iode. Il arrive assez souvent que les granulations prennent une coloration plus foncée, due à l'état de concentration plus ou moins grande de la teinture d'iode. Ces caractères nous indiquent que les granulations renfermées dans les cellules du tissu conjonctif sont de nature glycogénique. C'est la présence en grand nombre des cellules et des granulations de gly- cogène dans le tissu conjonctif du Crabe Tourteau, qui nous à amené à les chercher aussi chez les autres Crustacés. Le tissu conjonctif renferme, outre les cellules dont nous venons de parler, des faisceaux de fibres localisés à la partie inférieure de l'épithélium chitinogène ou traversant l’assise cellulaire et la divi- sant même quelquefois en plusieurs couches secondaires. Vers la partie supérieure du tissu conjoncüf, on trouve le pigment disposé en granulations ou en traînées. La zone qu'il forme à la partie supérieure du tissu conjoncüf est si'nettement indiquée, qu'on pour- rait l'appeler zone pigmentaire. Ge fait est très prononcé chez le Crabe Tourteau, et nous le rencontrerons aussi chez le Portunus puber et chez le Maia Squinado. TÉGUMENTS DES CRUSTACÉS DÉCAPODES, 507 S 3, Structure des téquments du Maiïa Squinado au moment de la mue, Les Maia Squinado sont connus par les pêcheurs sous le nom d'Araignées de mer, et ils interviennent dans l'alimentation des populations pauvres qui habitent les côtes. Les Maïa sont des ani- maux de bas-fonds et, pour les avoir, il faut s'adresser aux marins qui en font la pêche. Néanmoins, à l’époque de la mue, qui a lieu vers le commencement du mois d'août, on peut se les procurer plus facilement et en grand nombre, car ils s’approchent de la côte pour fuir les animaux qui peuvent leur être dangereux à ce mo- ment où leurs téguments ne sont pas encore durcis. Nous avons pu nous en procurer, avec une très grande facilité, dans la baie de Pempoul, près de Saint-Pol de Léon, où ils sont en très grand nom- bre à chaque marée basse, soit dans les herbiers, soit dans les pe- tites flaques d’eau. Les téguments des Maïa Squinado ont la même composition, au moment de la mue, que ceux des Carcinus mœnas et des Platycarcinus pagurus. La différence entre les téguments des Maïa et ceux des Crabes communs et des Crabes Tourteaux est peu marquée. La couche chi- tineuse bd’, qui se trouve à la partie inférieure de la cuticule a'(fig. 55, pl. XXVIIT), ne présente pas les cavités coniques que nous avons trouvées chez les Crabes et qui étaient marquées soit par le soulève- ment, soit par l'interruption des lamelles parallèles. Dans les endroits correspondant aux piquants, toutes les couches sont soulevées et s’amincissent de plus en plus. Ce qui caractérise les téguments des Maïa, c'est la régularité de l’é- pithélium chitinogène composé de cellules parfaitementcylindriques, comme on peut Je voir dans les figures 34 E, et 35, E', pl. XX VIII. Ce fait est si net que, pour avoir une bonne idée de la présence et de la forme des cellules qui constituent l’épithélium chitinogène, il faut commencer précisément par l'étude de cet animal. Nous verrons, lorsque nous étudierons la structure du tube di- gestif, que la même régularité s’y rencontre. La figure 34 représente la moitié supérieure d’une coupe transver- sale des téguments d’un Maïa, au moment où il venait de quitter ses anciennes enveloppes. Comme chez tous les autres Crustacés, on 908 ALEXANDRE-NICOLAS VITZOU. trouve une couche de matière gélatineuse, interposée entre l’an- cienne et la nouvelle carapace. Dans la figure 34, pl. XXVIIT, les téguments chitineux ne sont pas encore constitués à la partie supérieure de l’épithélium chitino- gène, tandis que dans la figure 35, pl. XXXIIH, qui représente la moitié inférieure de la même coupe, on trouve les deux couches de chitine représentées par la cuticule a’ et par une autre couche chiti- neuse b', beaucoup plus épaisse. La répétition de l’épithélium chi- tinogène E dans les figures 34 et 35, qui représentent la même coupe, nous montre que les téguments de la partie supérieure se sont repliés en dessous. Nous savons que pour les Maïa la carapace est formée par le développement considérable du tergum qui s’é- tend même sur les côtés pour recouvrir les branchies, tandis que les épimères sont presque rudimentaires. Ç Nous n'avons rien de nouveau à ajouter sur le tissu conjonctif, formé en grande partie des fibres et renfermant aussi des cellules volumineuses à granulations glycogéniques ; néanmoins, il est indis- pensable d'indiquer la présence de la zone pigmentarre P, quise trouve à la partie supérieure du tissu conJonctif, comme le représente la figure 34, P, pl. XXVIIL. Nous avons rencontré une disposition pa- reille chez les Crabes Tourteaux (fig. 28, P, pl. XX VIT). S 4. Structure des téquments chez le Portunus puber quelque temps après la mue. Il était intéressant de suivre le développement de l'enveloppe après la mue, pour compléter le cycle de nos recherches sur la struc- ture et la formation des téguments chitineux. Nous avons choisi pour cette étude le Portunus puber dont la cara- pace se durcit moins vite que celle des Grabes. La figure 4, pl. XXII, représente la coupe transversale des téguments pris sur les côtés et comprenant la partie supérieure et la partie inférieure de l'abdomen (pleurons et épimères des somites de l'abdomen, d'après M. Huxley). Comme le montre la figure 4, pl. XXIIL, les téguments chitineux du Portunus puber sont formés à la partie supérieure par trois couches qui se superposent. La couche la plus externe «a rappelle par son aspect et sa com- position la cuticule, la deuxième couche à correspond à la couche TÉGUMENTS DES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 509 pigmentaire, et à la partie inférieure de celle-ci on trouve une frot- sième couche ©, en voie de formation et dont la limite de séparation d'avec la deuxième couche est très bien indiquée. La troisième cou- che correspond au chorion calcifié de Williamson *. Dans la deuxième couche, on voit les espaces verticaux v, sous forme de tubes qui correspondent aux interstices cellulaires de l’épi- thélium chitinogène. Comme le montre la figure 4, pl. XXIIL, v, ces espaces ne se conti- nuent pas dans la troisième couche, et ce fait est dû probable- ment à ce que les lamelles parallèles de cette couche sont reliées entre elles par le ciment chitineux. Lorsque l’on fait des coupes parallèles à la surface, on voit que ces espaces verticaux correspon- dent précisément aux contours des dessins polygonaux et rappellent l'origine cellulaire des téguments de la deuxième couche. L'épithélium chitinogène et le tissu conjonctif se présentent avec les mêmes caractères que chez les Crabes; néanmoins, il y a un fait intéressant qui concerne les cellules de cet épithélium : le dia- mètre longitudinal des cellules perd beaucoup de sa grandeur et cette diminution, est en rapport avec l'accroissement en épaisseur des couches chitineuses, qui se forment, au détriment des cellules de l’épithélium chitinogéne, par l’épaissement successif de leur pa- roi supérieure. Ce fait est constant pour les Crustacés qui ont fait l’objet de nos recherches : il se montre avec la plus grande évidence chez le Ho- mard, dont les cellules de l’épithélium chitinogène atteignent une longueur gigantesque pendant la mue, pour diminuer plus tard, après la formation des enveloppes chitineuses. Nous devons maintenant nous demander quelle est la conclusion que l’on peut tirer de cette étude ? Peut-on établir un rapproche- ment entre les téguments des Crustacés et la peau des animaux supérieurs ; en d’autres termes, peut-on trouver quelque chose d’ana- logue à l’épiderme et au derme ? Ce qui nous frappe d’abord dans l'étude de la structure des tégu- ments des Crustacés avant et pendant la mue, c'est la présence constante d'un épithélium chitinogène formé de grandes cellules plus ou 1 WWILLIAMSON, On some Histologicul Feaiures in the Shelis of the Crustacea, in Quart, Journ, Microsc. Sc, vol, VIII, p. 44, pl. III, 1860 510 ALEXANDRE-NICOLAS VITZOU. moins cylindriques ; les limites de séparation entre cet épithélium et le tissu conjonctif sous-jacent sontfsi bien indiquées, que l'on ne doit pas les confondre, comme l'ont fait presque tous les auteurs. Au point de vue de la morphologie générale, il faut rattacher l’épi- thélium chitinogène aux couches formées de chitine et faire de tout un épiderme. | Ce rapprochement très naturel est confirmé par l'étude des tégu- ments au moment de la mue. Nous avobs vu ensuite que le tissu sous-jacent à lépithélium chiti- nogène, est formé de cellules et de fibres du üssu conjonctif, qu'il renferme des vaisseaux et du pigment. On peut reconnaitre l’exis- tence des nerfs, comme nous l'avons dit et comme Max Braun l’in- dique aussi pour l'Ecrevisse. Il en résulte que ce tissu peut être com- paré au derme. La séparation nettement indiquée entre le tissu conjonctif et l’épithélium chitinogène confirme encore la comparaison que nous faisons entre ce tissu et le derme. Enfin, cette comparaison entre les téguments des Crustacés et la peau des animaux supérieurs est légitimée par l’'embryologie. M. Huxley !, en faisant l'embryologie de l'Ecrevisse, arrive à dis- tinguer, à un certain moment du développement de l'œuf de cet ani- mal, trois feuillets : l’épiblaste ou feuillet externe, le mésoblaste ou feuillet moyen et l’Aypoblaste ou feuillet interne. Pour l’auteur, l’épt- blaste (qui répond à l’ectoderme de l’adulte) donnera naissance aux épitheliums de l'intestin antérieur (œsophage et estomac) et posté- rieur, à l’'épiderme et au système nerveux central ; le mésoblaste formera le tissu connectif, les vaisseaux, les muscles et les organes de la reproduction, qui sont situés entre l’ectoderme et l’endoderme ; et enfin l'hypoblaste Aonnera naissance au revêtement épithélial de l'intestin moyen (archentère). M. Plateau ? est conduit aux mêmes conclusions embryologiques et il indique plus explicitement la formation des téguments dérivant de l’épiblaste. | « Si l'on fait des coupes des œufs durcis des Crustacés, dit-il, on reconnaît l'existence de trois feuillets embryonnaires: un externe, l'ectoderme, formé en général de cellules allongées, serrées en pa- 1 HuxreY, Bibliothèque scientifique internationale, trad, frauç., 1880 ; V Ecrevisse, ? PLarTEau, Bibliothèque belge: Zoologie, 1880, p. 322, TÉGUMENTS DES CRUSTACÉS DÉCAPODES. SO1 lissade, un feuillet moyen ou mésoderme, et un feuillet interne ou endoderme. « L’ectoderme produit la couche chitinogene destinée à sécréter ultérieurement le squelette chitineux ; en se reployant vers l’intérieur de l'embryon, c’est-à-dire en s’invaginant, il donne lieu à la bouche, au revêtement interne de l'intestin antérieur et postérieur. « Du mésoderme proviennent les muscles, les vaisseaux et les globules sanguins, et enfin, de l’endoderme proviennent les parties sécrétoires de l'intestin moyen et certaines glandes annexes (telle que la glande digestive ou le foie).» M. F.-M. Balfour !, dans son traité d'embryologie comparée, résu- mant d’une façon magistrale les travaux de Reichenbach sur le déve- loppement de l'Ecrevisse (Asfacus) et ceux de Bobretzky sur le même animal et sur le Palæmon, arrive aux mêmes conclusions que les auteurs précités, concernant les feuillets de l'embryon du Crustacé Décapode et les organes qui en dérivent. Ces quelques mots sur le développement des Crustacés Décapodes nous rappellent l’origine de l’épiderme et du derme de ces animaux. Les données de l’ernbryologie comparée sur le développement des animaux supérieurs nous amènent aux mêmes conclusions, en ce qui concerne l'origine du derme et de l’épiderme. Il suit de là que Île rapprochement que nous faisons entre les tégu- ments des Crustacés Décapodes et la peau des animaux supérieurs est justifié soit par l'embryologie, soit par l'étude du développement pendant la mue. Conclusion, — De ce qui précède, il résulte que les téguments des Crustacés Décapodes peuvent être divisés en un épiderme et un derme comparables à l'épiderme et au derme des animaux supérieurs. L'épithélium chitinogène formé de cellules plus ou moins cylindriques et les différentes couches de chitine, calcifiées ou non, qui se trouvent à sa partie supérieure, sont l’homoloque de l’épiderme : les couches de chiline représentent la couche cornée, et l'épithélium chitinogène la couche de Malpighi. Le tissu conjonctif sous-jacent avec le pigment, les vaisseaux et les nerfs qu'il renferme, est l'homoloque du derme des animaux supérieurs, 1 FM, Bazrour, Comparative Embryology, p. 125 et suiv., vol, 1, 1880, 512 ALEXANDRE-NICOLAS VITZOU. C. Structure du tube digestif des Crustacés Décapodes au moment de la mue. Nousnous occuperons ici de l’état, des formations chitineuses qui, au moment de la mue, tapissent intérieurement le tube digestif, et sont rejetées, comme les téguments extérieurs. Nous prendrons pour base de notre description le tube digestif du Maia Squinado, et nous indiquerons les différences peu marquées que nous offrent les autres Crustacés. La régularité des éléments anatomiques constitu- tifs et la facilité que l’animal offre pour l'observation des faits recom- mandent spécialement le Maia pour une étude de ce genre. Au moment où a lieu le rejet des téguments externes, en même temps le tube digestif se débarrasse de la couche de chitine qui le tapissait intérieurement. Nous nous occuperons plus loin du méca- nisme par lequel se fait le rejet de cette couche chitineuse du tube di- gestif. Pour le moment nous n'avons en vue que la structure de l'enveloppe en voie de formation et de la couche épithéliale qui lui donne naissance. On sait que le tube digestif des Crustacés se compose de trois par- ties : | , 1° Une partie antérieure courte, quisuit immédiatement la bouche : c'est l'œsophage ; 2 Une partie moyenne renflée, l'estomac ; 3° Une partie postérieure rétrécie, l'intestin, se terminant par une portion plus ou moins dilatée, le rectum. S4, L'œsophage. — L'œsophage présente à sa face interne trois replis extrèmement développés. La coupe transversale d’un de ces replis montre que la paroi se compose de dedans en dehors : 1° D'une couche de chitine ; 2 d’un épithélium chitinogène ; 3° du tissu conponctif, et 4 des muscles. Lorsque l’on parle du tube digestif des Crustacés, on dit habituel- lement qu'il est recouvert intérieurement d'une cuticule, décrite comme une membrane unique. Un examen attentif amène pourtant à reconnaître l'existence de deux couches bien distinctes par leur aspect et leur structure: TÉGUMENTS DES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 513 a. Une couche externe a (fig. 37, pl. XXVIIT), extrêmement mince, d'une couleur plus ou moins Jaunâtre, rappelant, par son aspect el sa composition, la cuticule, que nous avons trouvée dans les té- guments externes de l'animal ; b. Une coucheinterne b beaucoup plus épaisse que la cuticule etqui forme à elle seule presque toute l'épaisseur de l'enveloppe chitineuse de l'œsophage ; elle est composée d'un nombre plus ou moins grand de lamelles parallèles. Sur des préparations montées dans la glycérine étendue d'eau, on aperçoit facilement la présence des canalicules poreux ; on ne les trouve que lorsque la couche de chitine atteint une épaisseur plus ou moins grande. Immédiatement sous la couche de chitine on trouve un épithélium chitinogène formé de cellules parfaitement cylindriques (fig. 37, E, pl. XXVIIT). Les cellules de cet épithélilum présentent des pro- portions énormes, leur diamètre longitudinal dépasse 95 1, tan- dis que le diamètre transversal n’est que de 2 à 3 1. Le protoplasma des cellules est granuleux et se colore en rose par le picrocarminate d'ammoniaque. Dans le tiers inférieur des cellules cylindriques on trouve un noyau ovalaire renfermant des granulations fortement ré- fringentes et un ou plusieurs nucléoles se colorant en rouge par le même réactif. A la partie inférieure de ces cellules on voit une membrane com- posée de fibres, c'est la membrane basilaire mb des auteurs; elle est très bien représentée et établit nettement la séparation entre l’épi- thélium chitinogène et le tissu conjonctif sous-jacent, avec lequel on ne peut la confondre. Nous devons remarquer que les cellules de l’épithélium chitinogène de l’æsophage et du tube digestif tout entier ne donnent pas nais- sance, par leur extrémité inférieure, à des prolongements, comme les cellules des tégaments externes. Ge fait est trop général chezles Crustacés Décapodes pour que nous Je laissions dans l'oubli. Lorsque les cellules de l’épithélium chitinogène sont un peu plus colorées, ce qui arrive dans les replis où la couche de chitine est moins épaisse, on remarque la régularité parfaite des cellules cylin- driques dont le diamètre longitudinal ne dépasse pas 70 u: à la par- tie inférieure de ces cellules parfaitement cylindriques on trouve la membrane basilaire. ARCH, DE ZOOI, EXP, ET GÉN, — T, x, 1889, 83 ol4 ALEXANDRE-NICOLAS VITZOU. Tissu congonctif., — Nous avons dit qu’à la partie externe des cel- Jules cylindriques qui forment l'épithélium chitinogène de l’æso- phage on trouve le tissu conjoncüf. Chez les Maïa Squinado, ce tissu est formé presque uniquement de cellules arrondies (fig. 37, K, pl. XXVIIT) renfermant un noyau ovalaire plus petit que celui des cellules cylindriques de l’épithélium chitinogène. On trouve dans l'épaisseur du üssu conjonctif de nombreuses glandes G, dont le conduit excréteur z traverse la couche de chitine. Nous reviendrons plus tard sur la structure de ces glandes. Le tissu conjonctif est traversé perpendiculairement, de distance en distance, par des fibres musculaires striées fs qui viennent s’insé- rer sur la membrane basilaire de l’épithélium chitinogène. Sur des coupes fines, examinées à de forts grossissements, on remarque dans chaque fibrille musculaire l'existence de disques obscurs et de disques clairs ; les disques clairs sont divisés par le disque mince obscur qui se colore fortement par le picrocarminate. Nous ne som- mes pas arrivé à voir au mien du disque obscur la bande de Hen- sen, que l’on trouve dans les fibres striées des autres animaux. Dans les endroits où les fibres musculaires striées viennent s'insérer à la membrane basilaire des cellules chitinogènes, on voit les cellules s’allonger plus que dans les autres parties. La figure 37, pl. XXVIIT, représente la coupe transversale d’un repli de l’œsophage du Maia Squinado au moment de la mue, à savoir : la couche externe ou Ja cuticule a ; la couche interne à, formée de chitine ; puis l’épithélium chitinogène #7, et ensuite le tissu conjonctüf #, renfermant les glan- des G et les fibres musculaires striées /s. L'aspect sous lequel se présentent les replis de Pœsophage du Waïa Squinado est le même que chez les autres Crustacés. La figure 29, pl. XX VI, représente la coupe transversale d’un repli de l’æœsophage du Tourteau (Platycarcinus paqurus); on y distingue les mêmes couches : une couche externe &, la cuticule ; une couche interne b, compoée de lamelles chitineuses ; puis l’épithélium chitinogène £’, et le tissu conjonctif À avec les glandes & et les fibres musculaires striées /s, qui s'insèrent à la membrane basilaire mô. Dans la partie inférieure de la même figure on voit des faisceaux de muscles striés fin, représentant les fibres annulaires de l'æsophage. On remarque les mèmes faits chez le Homard et la Langouste, avec cette seule différence que les glandes renfermées dans le tissu con- jonctif sont plus nombreuses ; de plus, le tissu conjonctif est formé TÉGUMENTS DES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 518 non seulement de cellules arrondies, comme chez le Maia, mais aussi de fibres. La figure 15, pl. XXV, représente la coupe transver- sale de la paroi de l'œsophage du Homard pendant la mue, et la fi= gure 14, pl. XXV, représente la coupe transversale de la paroi de l’æsophage de la Langouste quelque temps après la mue. Ces deux figures n'offrent pas de différences sensibles. La figure 22, pl. XXVI, représente une coupe transversale de la paroi de l’æœsophage de l'Ecrevisse (Astacus fluviatilis) dans la période préparatoire de la mue, lorsque l’ancienne couche chitineuse n’est pas encore rejetée. On remarque que le tégument chitineux est sé- paré dans son tiers inférieur en deux autres assises : vers la partie supérieure, on trouve l’ancienne enveloppe, qui doit être rejetée pendant la mue, et qui est représentée par la cuficule a et par une couche de chitine à plus épaisse. A la partie supérieure des cellules de l’épithélium chitinogène on trouve la nouvelle couche c, en voie de formation, constituée par la superposition des lamelles pa- rallèles. Entre ces deux couches on trouve une petite assise renfer- mant des corpuscules et des prolongements réfringents colorés en rose par le picrocarminate. En suivant la même préparation on voit les deux couches constitutives s’écarter ; les petits prolonge- ments prennent alors une direction oblique ou même perpendicu- laire entre les deux couches. Ces corpuscules et prolongements sont de nature chitineuse; ils ne disparaissent pas quand on les traite, soit par la potasse, soit par l'acide chlorhydrique. Ils ont été considérés par M. Max Braun! comme étant de petits poils cuticulaires ayant pour rôle d’écarter l'ancienne enveloppe de la nouvelle. Cependant il n'y à pas de réelle ressemblance entre ces corpuscules et les poils cuticulaires véritables. | L'épithélium chitinogène est représenté par des cellules gigantes- ques renfermant de très grands noyaux ovalaires avec des granula- tions réfringentes et un ou plusieurs nucléoles. Le tissu conjonctif de l’æœsophage de l’Ecrevisse ressemble beau- coup à celui du Maiïa Squinado. S 2. L'estomac.— Les parois de l'estomac se composent des mêmes couches que celles de l’œsophage : 1° l'enveloppe chitineuse ; 2° l'épi- 1 Max BRauN, Ueber die Histologischen Vorgænge bei der Häutung von Astacus flu- viatiis, in Arbeilen aus dem Zoo!.-Zoot, Inslilut in Würzburg, 1875, Bd, IT, p, 165, 516 ALEXANDRE-NICOLAS VITZOU. thélium chitinogène ; 3° le tissu conjonctif, dans l'épaisseur duquel on trouve des fibres musculaires longitudinales et circulaires, et 4° une membrane fibreuse. L'enveloppe chitineuse est composée intérieurement de la cuticule, qui rappelle par sa structure et son aspect la cuticule de l'œsophage dont elle est la continuation et, extérieurement, d'une couche beau- coup plus'épaisse, constituée de plusieurs lamelles parallèles de chi- tine qui se superposent les unes aux autres. La couche chitineuse qui tapisse intérieurement l'estomac des Crustacés ne reste pas simple, elle s'épaissit par places, se dureit par infiltration de matières calcaires et forme une armature stoma- cale qui a été très bien étudiée par M. Milne-Edwards‘ et OEster- lein ?. Les pièces de l’armature stomacale présentent la même struc- ture que les téguments externes. La figure 39, pl. XXVIIE, représente une coupe transversale de la pa- roi membraneuse de l'estomac du Maia Squinado au moment de la mue. On y voit l'enveloppe formée intérieurement par la cuticule à, et, extérieurement, par la couche lamellaire chitineuse 6. A la face interne, on voit assez souvent des sotes formées comme celles des té- guments externes par le prolongement de la cuticule a; le canal cen- tral c. s communique avec le conduit qui traverse la couche lamel- laire sous-jacente. On ne voit de canalicules poreux que dans les endroits où la couche de chitine acquiert plus d'épaisseur, comme, par exemple, dans les pièces dures de l’armature stomacale. Après l'enveloppe chitineuse, on trouve extérieurement un éprthé- lium chitinogène E, à cellules parfaitement cylindriques. Ces cellules, qui forment l'épithélium chitinogène de l'estomac du Waia, se pré- sentent avec une régularité telle, que lon croit se trouver en pré- sence d’un dessin schématique. Le protoplasma de ces cellules cylindriques est granuleux et se colore en rose par le picrocarminate, surtout dans la moitié supé- rieure, tandis que la moitié inférieure est à peine colorée, ‘ Mizwe-Enwanos, Histoire nalurelle des Crustacés, 1854, t. Ier, p. 67 el suiv., pl, IV, fig. 1, 6,7, 8, 9 et 10; Leçons sur la physiologie et l'anatomie de l'homme el des animaux, 1859, L. V, p. 55% et suiv. - 2 OËsrenLcein, Ueber den Magen des Flusskrebses, in Mül'er’s Archiv, für, Anal, und Physiol., 1840, p, 390, pl. AIT, TÉGUMENTS DES CRUSTACÉS DÉCAPODES, 517 Dans le milieu de chaque cellule, on trouve un noyau régulière- ment ovalaire renfermant des granulations fortement réfringentes et un ou plusieurs nucléoles. A la partie inférieure des cellules de l’épi- thélium chitinogène, on trouve la membrane basilaire mb, très bien caractérisée et qui indique la séparation entre l’épithélium et le tissu conjonctif sous-jacent. Tissu conjonctif. — Le tissu conjonctif est formé presque unique- ment de fibres (fig. 39, pl. XXVIIT) renfermant des noyaux avec un ou plusieurs nucléoles. Son épaisseur varie selon les endroits; dans les points où elle est considérable, on trouve des fibres musculaires longitudinales. Vers la partie la plus externe du tissu conjonctif, on trouve une membrane formée de fibres, c’est la séreuse des auteurs. Elle se compose de fibres réunies et tassées, présentant les caractères du tissu conjonctif. L'estomac du Carcinus mœnas (fig. 31, pl. XXVIT) ou du Crabe Tourteau (Platycarcinus paqurus) présente les mêmes couches, avec cette seule différence que les cellules de l’épithélium chitinogène n'ont pas la régularité extrême que nous avons observée chez les Maïa. Chez tous les Décapodes Brachyures on trouve une membrane basilaire à la partie inférieure de l’épithélium chitinogène dans toute l'étendue du tube digestif. La présence de cette membrane est plus facile à reconnaître au niveau de l'estomac que partout ailleurs. La figure 11, pl. XXIV, représente la coupe transversale de la paroi membraneuse de l'estomac du Homard au moment de la mue. On y voit une cuticule a, une couche de chiline b, beaucoup plus épaisse et formant à elle seule presque toute l'épaisseur du tégument chiti- neux de l’estomac, un éptéthélium chitinogène E et le tissu conponc- tif K. Les cellules de lépithélium chitinogène de l'estomac du Homard offrent les mêmes caractères que dans les téguments externes. Elles donnent naissance, vers la partie inférieure, à des prolongements qui se dirigent dans tous les sens, soit pour consti- tuer une membrane basilaire, moins caractéristique que celle des Brachyures, soit pour se mettre en communication avec les fibres du tissu conjJonctif. 8 3. L'intestin. — L'intestin du Maia Squinado présente, comme 518 ALEXANDRE-NICOLAS VITZOU. chez tous les autres Crustacés, une portion renflée, le rectum. C'est sur cette portion terminale qu'ont porté plus spécialement nos recherches, en raison de l'épaisseur de la couche de chitine qu'elle présente. Comme le reste de l'intestin, le rectum présente à sa partie interne des plis longitudinaux très développés. La figure 36, pl. XXVIIT, représente la coupe transversale de la paroi de l'intestin terminal du Maia Squinado avec la couche de chitine, l'épithélium chitinogène et une partie seulement du fissu conjonctif. En procédant de dedans en dehors, nous rencontrons l'enveloppe chitineuse formée de deux couches distinctes : a. Une couche interne, extrèmement mince, de couleur jaunâtre et qui représente la cuticule a ; b. Une couche externe chitineuse 4 beaucoup plus épaisse que la première. Dans toute l'épaisseur de cette couche et perpen- diculairement à sa surface on trouve des espaces verticaux tu- bulés s’: ils correspondent aux interstices cellulaires de l’épithélium chitinogène. Lorsqu'on baisse davantage le tube du microscope, ces espaces se présentent sous l'aspect de lignes noires: ces stries ne sont autre chose que les intervalles des prismes qui forment cette dernière couche chitineuse. La présence de ces lignes verticales est un fait constant dans toute la longueur de l'intestin terminal et peut être mise en évidence sur des coupes fines montées soit dans le baume, soit dans la glycérine étendue d’eau. Les prismes chitineux pr sont formés par la superposition d’un grand nombre de lamelles parallèles soit à la surface de la couche de chitine, soit à la paroi supérieure des cellules cylindriques chitino- gènes. Ce sont autant de couches d’accroissement. Ces faits sonttrès caractéristiques pour Pintelligence de la formation des téguments chitineux. C'est après que nous nous sommes assurés de cette disposition dans l'intestin du Maia Squinado, que nous avons été amené à les chercher aussi dans les téguments externes. Nos prévisions ont été confirmées, ainsi qu'il a 6t6 dit précédemment, chez l'Ecrevisse, le C'arcinus mœnas, le Platycarcinus pagürus, le Por- tunus puber, ete., auxquels on peut ajouter les Xantho et les Galathea squammifera (Leach). Epithélium chitinogène. — TYmmédiatement après la couche de TÉGUMENTS DES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 519 chitine que nous venons d'étudier, on trouve une couche de cellules parfaitement cylindriques dont le diamètre longitudinal atteint 30 y, et qui forme l'épithélium chitinogène. Le protoplasma est granuleux et les granulations sont beaucoup plus nombreuses dans la moitié supérieure des cellules où elles se colorent en rouge par le picrocar- minate comme les noyaux, tandis que dans la moitié inférieure elles se colorent en rose pâle par le même réactif. Ce fait nous indique une transformation spéciale du protaplasma de la zone supérieure, et peut-être le commencement de formation de la matière chiti- neuse. Vers le milieu des cellules cylindriques on trouve comme d’ordi- naire un noyau et des granulations. La forme desnoyaux est ovalaire, leur grand diamètre est de 4 k, tandis que le diamètre transversal est de 2 à 3 L (fig. 36, pl. XX VII). A la partie inférieure de l’épithélium chitinogène, on trouve la membrane basilaire. Tissu conjonctif. — Dans la figure 36, pl. XXVIIE, le tissu conjonctif n'est représenté qu’en partie. [se compose de grandes cellules arron- dies renfermant un noyau ovalaire avec un nucléole. Les noyaux des cellules du tissu conjonctif sont plus petits que ceux des cellules chi- tinogènes. Sur les tissus frais ou conservés dans l'alcool, on voit que les cellules du tissu conjonctif renferment des granulations dont la nature glycogénique est mise en évidence par l’action du sérum iodé ou de la teinture d'iode. Nous devons indiquer aussi la présence des glandes, en nombre considérable, dans le tissu conjonctif de l'intestin terminal du Maria Squinado. Ces glandes n'avaient pas été encore, décrites à notre connaissance. Pour compléter la structure de l’intes- ün terminal, il nous reste à mentionner les fibres striées longitudi- nales et circulaires, et tout à fait vers l'extérieur une membrane fibreuse, considérée par les auteurs comme l’analogue d’une séreuse. La structure des parois de l’intestin des autres Crustacés offre, à peu de chose près, les mêmes couches, Il y a cependantdes différen- ces légères qu’il importe de connaître. Ainsi, l'intestin de la Langouste (Palinurus vulgaris) ne présente pas de lignes verticales correspondant aux intervalles des cellules chitinogènes, comme cela avait lieu chez le Maia Squinado. Nous devons faire remarquer que la figure 16, pl. XXV, représente une coupe 520 ALEXANDRE-NICOLAS VITZOU. de la paroi de l'intestin terminal de la Langouste quelque temps après la mue. Les téguments externes sont durcis en partie, et il n’est pas étonnant que les parois supérieures des cellules chitino- gènes épaissies successivement en lamelles chitineuses se soient soudées entre elles. | Pour ce qui concerne l’épithélium chitinogène, il présente les mêmes caractères que Chez le Maïa, avec cette différence que les cellules cylindriques se terminent à la partie inférieure par des pro- longements qui se mettent en communication avec les fibres du tissu conjonctif. Gette disposition contribue beaucoup à rendre l’apparence de la membrane basilaire moins claire que chez le Maia Squinado. Le tissu conjonctif de l'intestin de la Langouste se compose presque uniquement de fibres. Au milieu de ces fibres on trouve un nombre considérable de glandes L dont on aperçoit les conduits excréteurs traversant les couches sus-Jacentes pour s'ouvrir dans l'intestin. Nous insisterons avec plus de détails sur la structure des glandes dans un paragraphe à part; pour le moment nous signalons seulement leur présence au milieu du tissu conjonctif. Pour la partie renflée de l'intestin terminal de l'Ecrevisse (Astacus fluviatiles), nous trouvons sur une coupe transversale : la culicule, la couche de chitine plus ou moins épaisse, puis un épithélium chitino- gène etle éssu conjonctif, comme l'indique la figure 25,pl. XXVI. A la partie interne de la cuticule a on trouve de petits prolongements cu- ticulaires p que l’on ne peut apercevoir qu'avec de forts grossisse- ments; à chaque cellule de l’épithélium chitinogène correspondent deux ou trois de ces prolongements cuticulaires. M. Max Braun! a insisté longuement sur la présence, l’origine et le rôle de ces prolongements cuticulaires. Pour l'auteur que nous venons de citer, ils seraient sécrétés par chaque cellule de l'épi- thélium chitinogène ; puis, après leur production, un certain nom- bre de lamelles parallèles s'interposeraient entre eux et les cellules génératrices. Le rôle de ces prolongements serait alors purement mécanique : ils serviraient à séparer l’ancienne couche chitineuse qui doit être rejetée à chaque mue d'avec la nouvelle en voie de formatiou. Les 1 Max BRAUN, Ueber die Histologischen Vorgænge bei der Häutung von Astacus flu- vialilis, in Arbeilen aus dem Zool.-Zoot. Inst. in Würzburg, 1875, Bd, II, p. 155, TÉGUMENTS DES CRUSTACÉS DÉGAPODES. 521 cellules chitinogènes de l'intestin de l'Ecrevisse sont remarquables par la grandeur de leur diamètre longitudinal et par la grosseur des noyaux qu’elles renferment. Le tissu conjonctif est formé de grandes cellules qui se présentent avec les mêmes caractères que chez le Waia. S 4. Les glandes salivaires.— On dit dans tous les traités de zoologie, d'anatomie comparée et d’histologie que les Crustacés supérieurs ne présentent aucun organe qui puisse être considéré comme une glande salivaire ; cependant Carus ‘ avait pensé que l'on pouvait attribuer une fonction de ce genre à un organe verdâtre qui se voit de chaque côté de l’œsophage de l'Ecrevisse, et qui est beaucoup plus développé chez le Homard. Cette assertion fut bientôt combat- tue par Lereboullet et par M. Milne-Edwards ?, qui ont démontré que les glandes en question n'avaient aucun rapport avec l'appareil digestif,et ne sauraient en aucune façon en être considérées comme des annexes. K.-E. von Baer * avait conclu de l’analyse des pierres, qui, selon Dulk, contiendraient des matières analogues à celles de la salive (?), que celles-ci sont des pierres salivaires, et que la poche dans laquelle elles sont formées doit être considérée comme une cavité glandu- laire. Sans trop insister sur cette assertion, nous dirons qu’elle n’a pas rencontré un accueil favorable de la part des auteurs qui se sont occupés de la formation des gastrolithes (Huxley) ou yeux d’Ecre- visse, Il faut arriver à une date tout à fait récente pour voir signalée l'existence des glandes salivaires. En 1875, Max Braun * indique pour la première fois, à notre con- naissance, l'existence, dans les parois de l'æœsophage de l’Ecrevisse, de glandes, qu’il croit, d’après les analogies, être de véritables glandes salivaires. Pendant le cours de nos recherches histologiques sur la structure 1 Carus, Trailé élémentaire d'anatomie comparée, t. II, p. 240. ? Mice-Epwaros, Histoire naturelle des Crustacés, 1854, t. Ier; Leçons sur la phy- siologie et l'anatomie comparée de l’homme et des animaux, 1859, t. V, p. 556. 5 K.-E. von BAER, Ueber die sogennante Erneuerung des Magens der Krebse und die Bedeutung der Krebssteine, in Müller's Arch. f. Anal., 1834, p. 510-543. * Max BRAUN, Ueber die Histologischen Vorgænge bei der Häutung von Astacus flu- viatilis (Arbeiten aus dem Zool.-Zoot. Instilut in Würzburg, 1875, Bd. II, p. 141). 522 ALEXANDRE-NICOLAS VITZOU. et la formation des couches chitineuses du tube digestif des Crus- tacés, nous sommes arrivé à découvrir des glandes renfermées dans les parois de l’æsophage chez tous les Crustacés nous que avons examinés. Il nous serait assez difficile de nous prononcer catégoriquement sur la fonction de ces glandes; cependant, anatomiquement par- Jant, et tenant compte des rapports qu’elles présentent avec l’ap- pareil digestif, il serait légitime de les considérer, comme étant des glandes salivaires. On peut étudier ces organes indifféremment chez un Macroure ou un Brachyure, car chez tous ils se présentent avec les mêmes caractères. Chez le Platycarinus pagqurus, au milieu du tissu conjonctif de la paroi de l’æsophage on voit un nombre considérable de glandules tubulaires. Une coupe transversale peut donner une idée exacte de ia forme des éléments cellulaires. La figure 13%, pl. XXIV, montre précisément celte préparation chez le Homard ; on voit que les cellules A sont plus où moins coniques, et renferment du protoplasma granuleux et un noyau ovalaire avec un ou plusieurs nucléoles et des granula- tions fortement réfringentes. Sur des préparations montées, on voit presque toujours les noyaux refoulés vers la périphérie des cellules. Ces cellules se groupent et déversent leur produit dans un canal dont la paroi ne laisse pas apercevoir de structure. Ces amas glandulaires sont entourés de tissu conjonctif; les fibres de ce tissu se continuent jusqu’à une certaine distance sur le con- duit excréteur. On voit assez souvent plusieurs glandes réunies dans une enveloppe fibreuse commune d'où part un canal excréteur plus grand, quise dirige vers la couche de chitine, la traverse et débouche dans l’intérieur de l’œsophage, comme on peut le voir dans la fi- gure 30, pl. XXVIL et fig. 37, pl. XXVIIT. Les fibres musculaires striées divisent le tissu conjonctif environ- nant les glandes, et viennent s’insérer à la membrane basilaire de l'épithélium chitinogène. Chez le Homard et la Langouste ces glandes sont extrèmement abondantes. La figure 45, pl. XXV, montre très bien cette disposition dans les parois de l'æœsophage du Homard. La figure 14, pl. XXV, montre la même disposition chez la Langouste. TÉGUMENTS DES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 593 Sur des coupes fines on arrive non sans difficulté à reconnaitre la présence des conduits excréteurs z dans les couches chitineuses. Pour mettre en évidence leur trajet, il faut monter la préparation dans la glycérine étendue d’eau, et l’on voit alors les conduits réunis par groupes de cinq à six. En regardant attentivement avec de forts grossissements, on aperçoit assez souvent, à la surface de la couche de chitine, de pe- tits poils dans les intervalles qui séparent les groupes de conduits excréteurs. La présence des glandes dans les parois de l'æœsophage est un fait constant chez tous les Crustacés supérieurs. Notre embarras pour définir la signification véritable de ces glandes provient de ce que des formations présentant exactement la même structure anatomique se trouvent dans les parois de la portion ren- flée de l'intestin terminal, comme on peut le voir dans la figure 16, pl. XXV. Celles-ci sont aussi constantes que celles-là. On peut con- stater leur présence et leurs conduits excréteurs chez tous les Crus- tacés Décapodes sans exception. Nous appellerions ces dernières glandes glandes intestinales. CHAPITRE III À. FORMATION DU SQUELETTE TÉGUMENTAIRE PENDANT ET APRÈS LA MUE. La formation du squelette tégumentaire des Arthropodes et, en particulier, des Crustacés Décapodes chez qui il prend une grande consistance, a préoccupé de tout temps les naturalistes. Beaucoup de mémoires ont été publiés à ce sujet et tous arrivent à cette con- clusion que les téguments chitineux des Crustacés sont formés par la sécrétion des parties molles sous-jacentes. Pour résoudre d’une manière définitive la question, il fallait assis- ter pour ainsi dire à la formation des téguments pendant le déve- loppement de l'animal. C'est ce que fit M. Lereboullet; il étudia la formation de la carapace de l’Ecrevisse pendant l’état embryonnaire. Pour rendre le lecteur juge du résultat auquel est arrivé M. Lere- boullet, nous ne pouvons mieux faire que de reproduire ici les pas- sages suivants de son Mémoire sur l’embryologie comparée du Bro- D24 ALEXANDRE-NICOLAS VITZOU. chet, de la Perche et de l’Ecrevisse ! : « La carapace de l'Ecrevisse, quelque temps avant l’éclosion, est formée de deux membranes : une interne, amorphe et très mince, et l’autre externe, granuleuse, composée de plusieurs couches de cellules granulées. Les cellules qui forment les couches inférieures sont petites, globuleuses, com- posées d'un gros noyau qui remplit la cellule presque entièrement; elles ont, en un mot, l'aspect et la composition des jeunes cellules épithéliales. Les autres cellules, au contraire, qui sont rapprochées de la surface, ont des dimensions plus grandes et un noyau relative- ment plus petit; en sorte que la membrane propre de la cellule, qu'on distingue à peine dans les précédentes, est icitrès apparente. « Les jeunes cellules sont de beaucoup plus nombreuses: elles constituent le corps de la membrane, tandis que les autres ne for- ment qu'un très petit nombre de couches superficielles. « Nous avons sous les yeux une disposition parfaitement analogue à ce que l’on observe dans la structure de la peau des animaux su- périeurs, c’est-à-dire une succession de cellules qui végètent et se développent de bas en haut. « À mesure que l'époque de l'éclosion approche, les cellules su- perficielles s’aplatissent et se soudent les unes aux autres; on voit encore quelque temps les lignes de soudure indiquant le contour des cellules aplaties et devenues polygonales, puis ces contours dispa- raissent, la lame cornée superficielle devient homogène. La cara- pace se compose alors de trois couches : la pellicule interne, amor- phe; la couche granuleuse, moyenne, ou membrane génératrice, et la lamelle cornée extérieure produite par la soudure des cellules les plus superficielles de cette couche moyenne. » Ainsi, la carapace, selon M. Lereboullet, est produite par l'aplatrs- sement et la soudure des cellules les plus superficielles de la couche moyenne. Si cette vue est exacte, on devra constater forcément la présence des noyaux qui appartiennent aux cellules de cette couche moyenne. Grâce aux différents réactifs dont on se sert aujourd'hui en histologie, on a pu trouver dans la couche cornée de l’épiderme des animaux supérieurs les noyaux renfermés dans les cellules apla- ties. Pour les téguments chitineux des Crustacés, les tentatives ont 1 LanepouLLer, Recherches d’embryologie comparée sur le développement du Bro- chet, de la Perche et de l'Écrevisse (Mém. de l'Académie, savants étrangers, 1862, vol, XVII, p. 756), TÉGUMENTS DES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 5925 complètement échoué ou, pour mieux dire, les recherches ont dé- montré l'absence complète de noyaux. Il suffit de citer les recherches de M. Huxley', entre autres natu- ralistes, qui démontrèrent l'absence de noyaux dans les téguments chitineux des Crustacés. Les observations que nous avons faites sur la structure des téguments, soit à des époques éloignées de celle de la mue, soit même pendant la mue, nous ont amené aux mêmes ré- sultats. Quelle était la conclusion de ces observations tant anciennes que récentes jusqu’au moment où nous avons commencé notre étude? Pour tous les auteurs qui nous ont précédé, à l'exception de Le- reboullet, qui y voit une sorte de mosaïque, la carapace était un produit de sécrétion des parties molles sous-jacentes. | Cette hypothèse est inexacte, à moins que l’on entende le mot sé- crétion comme synonyme de produit de cellule. La constitution de la couche chitineuse est telle, en effet (et c'est là un des principaux résultats de notre travail), que chacune des parties reste individua- lisée et peut être rapportée à une cellule correspondante de la couche chitinogène. Si l'on veut considérer cet ensemble de parties chitineuses comme une sécrétion, il faut ajouter que cette sécrétion n'a pas le même caractère que les sécrétions en général, et en particulier que celle qui donne naissance à la cuticule. Une matière plus ou moins fluide, sortant d'une cellule pour s'unir à celle qui sort des cellules voisines, fondue avec celle-ci de manière à former un tout homo- gène, d'une seule coulée, sans divisions distinctes correspondant aux cellules génératrices, voilà le caractère de la cuticule. Ce n'est pas du tout le caractère de la carapace. Celle-ci n’est pas une ma- tière de coulée, ultérieurement durcie. C’est une série de fragments cellulaires juxtaposés, durcis et conservant chacun la forme, l’appa- rence et le caractère de la cellule génératrice. Si l'on conserve le nom de sécrétion à cette production, il faut expiiquer ce nom comme nous venons de le faire. C’est là, précisément, ce que n'avaient pas compris nos prédécesseurs. Les recherches de M. Lereboullet nous ont appris un point très 1 Huxiey, Tegumentary Organs (Todd’s Encyclopedia of Anatomy and Physiology, Supplem., p. 486, avec figures, 1859), 526 ALEXANDRE-NICOLAS VITZOU. intéressant et que nous conserverons, à savoir : l'origine cellulaire de la carapace; seulement le processus selon lequel a lieu cette forma- tion est bien différent de celui que M. Lereboullet à imaginé, à sa- voir que la carapace serait formée par l’aplatissement et la soudure des cellules superficielles. Pour saisir la formation des enveloppes chitineuses, il n’était pas indispensable de reprendre l'étude pendant le développement em- bryonnaire, comme l’a fait M. Lereboullet; il suffisait de suivre le développement des téguments dans la période préparatoire et pen- dant la mue. | Une étude de ce genre a été faite en 1875 par M. Max Braun!‘ chez l'Ecrevisse. Le savant que nous venons de citer donne une description exacte de la structure des téguments de l'Ecrevisse à des époques éloi- gnées dela mue et nos recherches sur ce point, chez les autres Crustacés, concordent avec les siennes. C'est le seul qui, à notre connaissance, ait établi d’une manière précise l'existence d'un épithélium chitinogène entre la carapace et le tissu conjonctif sous-jacent; quant à la nature morphologique de la carapace et de l’épithélium chitinogène, l’auteur n'en dit rien ; peut-être s'est-il abstenu de tirer les conclusions parce que ses recherches n’embrassaient qu'un type particulier, l’Ecrevisse ? Nos recherches sur la structure des téguments des Crustacés, avan et pendant la mue, nous ont conduit à établir une homologie mor- phologique entre les téguments des Crustacés et la peau des ani- maux supérieurs. Gette conclusion a été corroborée par les données de l’'Embryologie, comme nous l'avons fait voir. Pour ce qui concerne la formation des téguments chitineux, il est curieux de voir que Max Braun? arrive aux mêmes conclusions que ses prédécesseurs. Pour lui, en effet, la formation de la carapace commencerait par la sécrétion de petits poils de nature chitineuse dont le rôle, pure- ment mécanique, consisierait à écarter l'ancienne carapace de la nouveile ; après la sécrétion de ces petits poils par les cellules chi- tinogènes, il se produit entre eux et les cellules épithéliales de nou- 1 Max BRAUN, Ueber die Histologischen Vorgænge bei der UHüulung von Aslacus flu- vialilis, in Arbeiten aus dem Zool.-Zoot, Instilut in Würzburg, 1875, Bd, II, p. 198, 3 Max Braun, loc, cit, p, 152, TÉGUMENTS DES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 927 velles couches chitineuses. Les productions de ces petits poils, de perpendiculaires à la surface qu'elles étaient auparavant, devien- draient, par la pression, parallèles à la direction des lamelles chiti- neuses, se souderaient à elles et formeraient à la partie supérieure de la nouvelle carapace des crêtes sur lesquelles l’auteur insiste lon- guement. Comment a lieu la formation des lamelles chitineuses placées entre l’épithélium chitinogène et les petites soies? L'auteur ne nous en dit rien. C'était là pourtant le point principal. De ce qui précède il ressort clairement que nos connaissances sur la formation des nouveaux téguments chitineux n'étaient guère plus avancées qu'auparavant. Nous croyons avoir éclairei la question en montrant que la formation des téquments chitineux est due à un épais- sissement successif de la parot supérieure des cellules qui forment l’épithé- lium chitinogène. En donnant la description des téguments de l'Ecrevisse dans la période préparatoire de la mue, nous avons constaté à la partie in- férieure de la couche chitineuse qui forme la carapace (fig. 21, 4”, pl. XXVI) des espaces s' se présentant sous l'aspect de lignes verticales et correspondant aux intervalles intercellulaires des cellules chitino- gènes sous-jacentes ; entre ces lignes verticales, à la partie supé- rieure de chaque cellule de l’épithélium chitinogène, on voit un nombre plus ou moins grand de petites lamelles parallèles qui ne sont autre chose que les couches d’accroissement du tégument. La présence de ces espaces verticaux était mise en évidence sur des pré- parations par la coloration plus vive qu'ils prennent sous l'influence du picrocarminate. On remarque le même fait chez tous les autres ‘ Crustacés ; chez le Carcinus mœænas, par exemple, on voit, soit dans la moitié supérieure des téguments nouvellement formés, soit dans toute leur épaisseur, ces stries verticales correspondant précisément aux intersüces cellulaires de l’épithélium chitinogène. Sur des coupes transversales des téguments en voie de formation qui entourent les pattes des Crabes, on constate l'existence de petits prismes (fig. 33, pr, pl. XXVIT) superposés aux cellules chitinogènes ; les prismes sont séparés entre eux par des espaces ou stries verti- cales s’ correspondant aux intervalles des cellules de l’épithélium sous-jacent. Les lignes noires, qui ne sont autre chose que les limi- tes de séparation des prismes chitineux, traversent perpendiculai- 528 ALEXANDRE-NICOLAS VITZOU. rement le revêtement dans toute son épaisseur. Chaque prisme comprend un nombre considérable de petites lamelles parallèles soit à la surface des téguments, soit à la paroi supérieure de chaque cellule chitinogène. On observe le même fait, encore mieux, sur la carapace de la Ga- lathea Squammifera (Leach), comme on peut le voir dans la figure 27, pr, pl. XXVI. La deuxième couche qui vient après la cuticule a est formée d'un nombre considérable de prismes chitineux pr surmon- tant les cellules de l’épithélium cylindrique; les lignes verticales à la surface de la carapace correspondent aux intervalles des cellules de l’'épithélium sous-jacent et représentent les espaces de séparation de différents prismes. Pour les prismes, on constate aussi qu'ils sont constitués par la superposition d’un grand nombre de lamelles hori- zontales, parallèles à la surface de la paroi supérieure des cellules sous-jacentes et représentant, par conséquent, les lamelles d'ac- croissement. Lorsque nous avons décrit la structure des téguments du Portunus puber quelque temps après la mue, nous avons vu que la deuxième couche chitineuse, qui correspondra plus tard à la couche pigmen- taire, est formée d’un grand nombre de prismes (fig. 4, pr, pl. XXII) dont le diamètre transversal présente le même diamètre que Jes cellules de l’épithélium chitinogène. S 1. L'origine cellulaire des téguments chitineux. — Lorsque l’on fait des coupes parallèles à la surface des téguments des Crabes, on aperçoit des dessins polygonaux, qui rappellent les contours des cel- lules polyédriques de l’épithélium chitinogène. Ce fait présente un très grand intérêt comme indice de l’origine cellulaire des téquments chitineux des Crustacés. La constatation de ces dessins est facile. Il suffit d'employer le ni- trate d'argent ; ce réactif en solution à 4 pour 100 montre nettement, sur des coupes parallèles à la surface des téguments, les contours polygonaux, qui rappellent les sections normales des cellules chiti- nogènes. Les mesures micrométriques ne laissent aucun doute à cet égard. En résumé, nous avons constaté la présence d'espaces verticaux se présentant sous l'aspect de stries noirâtres traversant perpendicu- lairement les couches de chitine de nouvelle formation. Quelquefois TÉGUMENTS DES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 529 cesstries sont cantonnées à la partie supérieure de la carapace, d’au- tres fois elles traversent les couches de chitine dans toute leur épais- seur et correspondent inférieurement aux intervalles cellulaires de l’épithélium chitinogène. Nous avons vu, d'autre part, que les lignes verticales ne sont autre chose que les lignes de séparation des prismes chitineux qui sur- montent les cellules chitinogènes. Ces faits nous indiquaient déjà l'origine cellulaire des téguments chitineux. Pour que la démonstration fût complète il fallait s'assurer si les lignes verticales aboutissaient par leur extrémité supérieure aux con= tours des dessins polygonaux. Nous nous en sommes convaincu en examinant des coupes trans- versales ou obliques. En promenant la préparation sur le porte-objet du microscope, on voit d'abord quelques dessins polygonaux, puis des lignes verti- cales aboutissant, en haut, aux contours polygonaux, et en bas, aux intervalles cellulaires de l’épithélium chitinogène. $ 2. Le processus de formation des téquments chitineux. — T1 s’agit maintenant de comprendre par quel processus a eu lieu la formation du tégument. Ce processus consiste-t-1l dans l’aplatissement et la soudure des cel- lules les plus superficielles de l’épithélium? comme l’a prétendu M. Lereboullet, pour l’Ecrevisse, ou bien dans la sécrétion d’une ma- tière chitineuse, matière de coulée sécrétoire, comme l'ont soutenu tous nos prédécesseurs? Ni l’une ni l’autre de deux suppositions n'est valable. La formation du tégument chitineux n’a lieu par aucun de ces deux processus. D'abord l'absence de noyaux dans la couche de chitine nouvelle- ment formée exclut catégoriquement la première hypothèse. Quant à l'hypothèse que la carapace serait formée par la sécrétion d’une matière chitineuse, elle représente quelque chose de très vague ; mais comme elle restait seule, à défaut de toute autre, les natura- listes l’acceptaient plutôt comme un moyen d'éviter la difficulté que de la résoudre, La présence de lamelles parallèles formant par leur superposi- tion des prismes chitineux sus-jacents aux cellules chitinogènes, et, par là, la couche de chitine tégumentaire, nous conduisent à ARCH, DE ZOOL, EXP, ET GÉN. == T, X, 1889, 34 530 ALEXANDRE-NICOLAS VITZOU. admettre que le proressus de formation des téquments chitineux consiste dans l'épaississement successif de la paroi supérieure des cellules de l'épi- thélium chitinogène. Notre conclusion ne saurait être infirmée par l'absence quelque- fois constatée des lignes verticales, correspondant aux interstices cellulaires de l’épithélium chitinogène, comme le cas se présente pour la carapace des Homards. Il est évident que dans ce cas les parois supérieures des cellules se sont fasionnées de bonne heure. On pourrait comparer ce processus chez les animaux au proces- sus analogue que nous offrent les plantes soit dans le cas des forma- tions cuticulaires, soit dans le cas des formations libériennes, et cet exemple ne serait pas unique dans les deux règnes. Si la formation de la carapace des Crustacés est due à l’épaississe- ment de la paroi supérieure des cellules de l’épithélium chitinogène, il en résulte forcément que le diamètre longitudinal de ces cellules doit diminuer par le progrès de la formation des nouvelles couches chitineuses. En observant de près des animaux de même taille à des époques différentes, nous nous sommes assuré qu'en effet les cellules chi- tinogènes, qui présentaient à l’époque de la mue des proportions gigantesques, étaient réduites plus tard au tiers de leur diamètre longitucinal. On peut constater ce fait chez tous les Décapodes et plus spéciale- ment chezle Homard. Nous devons faire remarquer que l’étendue suivant laquelle sont décapitées les cellules chitimnogènes, pendant la mue, n’est pas pro- portionnelle à l'épaisseur de la carapace; car cette diminution est compensée par l’utilisation des matières de réserve emmagasinées dans la couche sous-jacente. La plus importante de ces matières est le glycogène existant, à cette époque, dans les cellules volumineuses du tissu conjonctif. Ce fait est un nouvel exemple, très convaincant, de la relation qui existe entre l’activité de la nutrition et l'apparition du glycogène. En regardant attentivement et avec de forts grossissements les la- melles parallèles de la couche chitineuse, on voit que les lamelles qui se superposent ne présentent pas le même aspect. Les unes sont plus claires, et les autres plus obscures, et ces deux catégories al- ternent entre elles, Cette différence d'aspect indique une différence de densité ; les la- TÉGUMENTS DES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 531 melles qui sont moins claires sont celles qui sont plus denses et, par conséquent, plus réfringentes. Nous avons dit que chaque lamelle chitineuse des téguments qui constituent la carapace est traversée perpendiculairement par de petits canalicules poreux. Ceux-ci affectent sur une coupe transversale l'aspect de lignes on- dulées, très visibles si la préparation est montée dans la glycérine étendue d’eau. Cet aspect fibrillaire des lamelles parallèles a recu diverses inter- prétations de la part des auteurs. Voici comment M. Huxley expliquait, en 1859, cette striation fibreuse due à la présence des canalicules qu'il appelait {ubulures : « Je crois, dit-il, que la structure tubulaire est produite par ce fait que les lamelles horizontales sont remplacées, au fur et à me- sure que la matière calcaire se dépose, par une fibrillation perpen- diculaire de la matière chitineuse, et qu'enfin les fibrilles non cal- cifiées disparaissent et laissent des tubulures à leur place. » Il nous suffit d'opposer à cette conclusion le fait suivant: dans les téguments qui ne sont pas encore envahis par les sels calcaires, on constate la présence de ces canalicules poreux, qui peuvent être mis en évidence sur des préparations montées dans la glycérine étendue d’eau. En 1880, l’auteur ? revient sur cette idée ; il dit, en effet, que l’on peut trouver ces canalicules poreux aussi dans les membranes chiti- neuses des articulations. B. Formation de la couche chitineuse du tube digestif. La couche de chitine, qui tapisse intérieurement le tube digestif, se formé de la même manière que les téguments externes. Si l'on fait la coupe transversale de la portion renflée de l'intestin terminal du Maia squinado (fig. 36 et 38, pl, XXVIIT), on voit dans l'épaisseur de la couche chitineuse & les mêmes lignes verticales s’, correspondant aux intervalles intercellulaires de l'épithélium chiti- nogène que nous avons rencontrés dans les téguments externes de 1 Huxzey, Tegumentary orgens (Todd’'s Encyclopedia of Anatomy and Physiolosy, suppl., vol. 1859, p, 487), 4 ? HuxLey, Bibliothèque scientifique internationale: l'Ecrevisse, 1880, 532 ALEXANDRE-NICOLAS VITZOU. beaucoup des Crustacés. Les lignes verticales sont les lignes de sé- paration des prismes chitineux qui surmontent les cellules chitino- gènes. _ Chaque prisme se compose d'un grand nombre de lamelles paral- lèles superposées, différentes d'aspect, les unes plus claires, les au- tres plus obscures et plus réfringentes. Le processus de formation est, comme on pouvait le prévoir, le même que tout à l'heure: c'est l'épaississement successif de la paroi supérieure des cellules chitinogènes. Si l’on n’observe pas partout les'lignes verticales, c’est que les pa- rois supérieures des cellules chitinogènes se sont soudées de bonne heure et se sont épaissies en bloc pour ainsi dire, sans conserver leur individualité. Ce processus diffère de celui qui a été décrit par M. Lereboullett, à savoir : l’aplatissement et la soudure des cellules épi- théliales. Les auteurs ne pouvaient pas séparer, dans leurs explications, le tube digestif du tégument externe et Max Braun* admet pour la for- mation de la couche de chitine du tube digestif le même processus que pour la carapace. Ce serait peut-être le moment de parler de la formation des pier- res ou des yeux d’'Ecrevisse; mais nous réservons ce point particu- lier pour l'étude des matières de réserve. Quant à l’armature stomacale qui constitue ce que l'on appelle les dents de l'estomac, elle présente la même structure que la carapace. Il faut noter que les canalicules poreux ne se trouvent que dans les couches chitineuses épaisses; les pièces qui composent l’armature de l'estomac sont dans ce cas; pour Île reste du tube digestif les canali- cules poreux manquent presque complètement. Résumé.— 1° Les couches de chitine qui constituent extérieurement les téguments durcis ou non par les sels calcaires; et celles qui ta- pissent intérieurement le tube digestif ont une origine cellulaire. 2° Les couches chitineuses externes ou internes proviennent tou- jours d’un épithélium chitinogène, à cellules plus ou moin 1 LereBoULLET, Recherches d'embryclogie comparée sur le développement du Brochet, de la Perche et de l'Ecrevisse (Mém. de l'Académie, savants étrangers, 1862, vol. XVII, p. 761), 2 Max Braun, Ueber die Hislologischen Vorgänge bei der Häutung von Astacus flu- vialilis (Arbeilen aus dem Zool,-Zoot, Inst, in Würzburg, 1875, Bd, II, p, 155), TÉGUMENTS DES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 533 cylindriques dont la présence est constante sous les couches de chitine. 3° Les cellules de l'épithélium chitinogène prennent des propor- tions gigantesques pendant la mue, pour diminuer ensuite après la constitution des couches chitineuses. 4° La diminution en longueur des cellules de l’épithélium chitino- gène n’est pas proportionnelle à l'épaisseur des nouvelles couches chitineuses, parce que cette diminution est compensée par l’utilisa- ton des matières glycogéniques renfermées dans les cellules volumi- neuses du tissu conjonctif. 5° Le processus selon lequel a lieu la formation des couches chiti- neuses externes ou internes, ne consiste pas dans l’aplatissement et la soudure des cellules épithéliales, comme l’a prétendu Lereboullet, ilne consiste pas non plus dans la sécrétion d'une matière chitineuse des cellules de l’épithélium chitinogène, matière de coulée, ultérieu- rement durcie, comme l'ont soutenu nos prédécesseurs. C'est un processus plus simple ; il consiste dans l’épaëssissement successif de la portion supérieure des cellules de l’épithélium chitinogène, qui se sépare du corps cellulaire. Ces portions forment ainsi des lamelles parallèles, d'aspect variable, selon la densité des matières qui entrent dans leur con- shitulion. Un exemple d’un processus pareilse rencontre dans le rè- gne végétal dans le cas des formations cuticulaires et libériennes. 6° Ce processus d'ordre physique a dû être précédé d’un autre processus de nature chimique consistant dans la transformation des matières albumimoïdes en chine. Comment a lieu cette transformation, nous le soupçonnons à peine ; une étude de ce genre ne pouvait pas rentrer dans nos recher- ches histologiques. CHAPITRE IV. A. LA MUE DES CRUSTACÉS. Le phénomène de la mue des Crustacés supérieurs, c’est-à-dire le rejet périodique des téguments chitineux, n'avait pas échappé aux observateurs de la plus haute antiquité. Aristote dit à ce propos: « Des animaux marins, (comme) les Lan- goustes et les Homards, muent tantôt le printemps, tantôt l'au- 534 ALEXANDRE-NICOLAS VITZOU. tomne, après la ponte. Souvent on pêchait des Homards dont les parties voisines du thorax étaient molles ; la coquille (carapace) était ouverte à cet endroit; les parties inférieures étaient dures et la co- quille à cet endroit était encore intacte. « Ces animaux ne muent pas de la même manière que les ser- pents. Les Homards hibernent pendant cinq mois. « Les Crabes muent aussi ; la chose est indiscutable pour les Crabes communs ;. mais on dit aussi que les vieux Haïa éprouvent la même chose. « La coquille, après la mue, devient complètement molle et les animaux ne peuvent pas marcher. Chez ces animaux, la mue n’a pas lieu une seule fois, mais plusieurs fois. » Mais il faut arriver jusqu'à une époque voisine de la nôtre pour trouver une description un peu détaillée de la mue des Crustacés. C’est à Réaumur que nous la devons. Dans deux Mémoires com- muniqués à l’Académie des sciences, Réaumur? décrit d'une manière détaillée la manière dont s’accomplit le changement des téguments chitineux chez l'Ecrevisse. Ses observations ont été à peu près textuellement reproduites par les naturalistes qui lui ont succédé, entre autres par Bosc* et par M. H. Milne-Edwards*. Les détails donnés par J. Couch * et Jones Th, Rymer° sur le même sujet ne sont que la confirmation des observations de Réaumur. A la vérité, J. Couch parle aussi de la mue chez les Macroures et les Brachyures; mais il n'a pas su mettre en relief la différence qui existe dans le mécanisme de la mue chez ces animaux. Les dernières observations sur la mue de l’Ecrevisse sont dues à l ARISTOTE, De animalibus historiæ, lib, VIII, cap. x1x. 2? RéAuUMUR, Sur les diverses reproductions qui se font chez l’Ecrevisse, etc. (Mém. de l’Académie des sciences, Paris, 1712, p. 226). — Observations sur la mue de l'Ecre- visse, elc. (Même recueil, 1718, p. 263). 3 Bosc, Histoire naturelle des Crustacés, t. Ier, p. 136. k# Mine-Epwanps, Hisloire naturelle des Crustacés, 1834, t. Ier, p. 54. 5 J. Coucu, Bemerkungen über den Häutungsprocess der Krebse und Kraben, in Archiv. [. Nalurgesch. von Wiegmann, 1838, p. 337. 6 Jones Th, Rymer, Ueber die Häutung der Krebse, in Frorieps Notizen, Bd. XII, 1839, p. 83-85, — Ueber das Hauten des Krebses, in Isis, 1844, p. 912-913. - TÉGUMENTS DES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 535 M. Chantran'. L'auteur compte le nombre des mues annuelles à partir des premiers jours après l’éclosion; il montre que la première mue a lieu dix jours après l’éclosion; la deuxième, la troisième, la quatrième et la cinquième mue ont lieu après un intervalle de vingt à vingt-cinq jours. Le jeune animal mue céng fois dans l’espace de quatre-vingts à cent jours dans les mois de juillet, août et septembre. La sixième mue a lieu en mai de l’année suivante; la septième en juin et la huitième en juillet. Il y a donc huit mues dans le courant de la première année. Dans la seconde année, il y a cinq mues : la première et la deuxième en août et septembre; la troisième, la quatrième et la cinquième en mai, juin et juillet de l’année suivante. Dans la troisième année, il y a deux mues : la première en juillet et la deuxième en septembre. A l’âge adulte, il y aurait, selon M. Chantran, deux mues par an pour le mâle et une seule pour la femelle. La première mue pour les mâles adultes a lieu en juin et juillet, et la seconde entre les mois d'août et septembre. Quant aux femelles, leur unique mue s'effectue aussi vers la même époque, c'est-à-dire entre le mois d'août et le mois de septembre. Il résulte de ces observations que le plus grand nombre de mues correspond précisément au moment où le développement est le plus actif. ; Ces exemples comportent de nombreuses exceptions ; il y a des Crustacés qui ont atteint l’âge adulte et dont les téguments ne su- bissent aucune mue dans l’espace d’une ou de plusieurs années. Ce fait a été indiqué par Quekett? pour les Crabes, sur les téguments desquels on avait trouvé des Huîtres âgées de trois ans; pendant cet intervalle de temps, l'animal n'avait pas rejeté ses enveloppes chiti- neuses. Probablement, l’auteur, en parlant de ces Crabes, qui restent plusieurs années sans changer de tégument, a eu en vue les Crabes Tourteaux (Platycarcinus paqurus) qui atteignent de grandes propor- tions et dont les téguments chitineux présentent une épaisseur de 2 à 3 millimètres à la carapace et aux pinces. 1 CHANTRAN, Observations sur l’histoire naturelle de l’Ecrevisse (Comptes rendus de l’Académie des sciences, 1870, p. 43). 2 Quexerr, Lectures on Hystology, 1854, t. II, p. 399. 036 ALEXANDRE-NICOLAS VITZOU. Pendant le cours de nos recherches sur la structure et la forma- tion des téguments, nous avons observé de près l'acte du rejet des enveloppes chitineuses, et nous avons pu ainsi combler les lacunes qui subsistaient à ce sujet tant pour les téguments externes qu'internes. Notre préoccupation était plutôt d'observer le mécanisme de la mue chez les Décapodes à l’état adulte que de compter, à l'exemple de M. Chantran, le nombre des mues de l’animal pendant les années successives. Les Crustacés sont couverts d’une enveloppe durcie par des sels calcaires, constituant un squelette extérieur, également incapable de s'étendre et de s’accroitre par additions interstitielles, comme les os des animaux supérieurs. Pour que le corps de l’animal puisse re- cevoir son développement, il est indispensable que les anciens tégu- ments soient rejetés et successivement remplacés par d’autres. De là, la division en deux parties du phénomène de la mue. La première partie est caractérisée par la formation de nouvelles enve- loppes chitineuses, et la deuxième partie, caractérisée par le rejet des anciens téguments, également chitineux. Ici, nous ne nous occuperons que de la seconde partie. Pour les Crustacés Décapodes, qui forment le sujet de nos études, le rejet de l’ancienne enveloppe a lieu périodiquement. M. Huxley, dans son livre !, appelle ce changement des téguments ou cette mue ecdysis Où exuviation. Pour comprendre le phénomène de la mue chez les Crustacés Dé- capodes, il faut l'étudier isolément chez les Macroures et chez les Brachyures, où elle est différente. S 1. Le mécanisme de la mue chez les Décapodes Macroures. — Nous prendrons pour type le Homard (Æomarus vulgaris), en lui compa- rant, quand il y aura lieu, les autres Crustacés du même groupe. Nos études sur la mue des Homards et des Langoustes ont été faites au laboratoire de Roscoff, où nous avons pu nous les procurer à toutes les époques. Disons tout de suite que la mue chez le Homard et chez tous les Macroures s'annonce par la déchirure du tégument non calcifié qui se trouve entre le bord postérieur du céphalo-thorax et le premier article de l'abdomen. ! HuxLey, Bibliothèque scientifique internationale : l'Ecrevisse, 1880, p. 24. TÉGUMENTS DES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 937 Cette déchirure est suivie, au bout de peu de temps, du rem- placement des anciennes enveloppes. Voici quelques observations à ce sujet. Le 21 juillet, nous apportons du vivier au laboratoire de Roscoff un Homard vigoureux; il était sur le point de muer : nous en étions assurés, parce que la membrane interposée au céphalothorax et à l'abdomen était déchirée. L'animal, placé dans l'aquarium du laboratoire, paraît agité; il se déplace dans toutes les directions, comme s’il cherchait un endroit favorable où il puisse se dégager de ses anciens téguments. Au bout de dix minutes, il s'arrête dans un coin et, à la suite d'un mouve- ment brusquement exécuté, il se couche sur le flanc. Presque tous les auteurs, en parlant de la mue de l'Ecrevisse, ra- content que l’animal se renverse sur le dos pour abandonner son an- cien squelette. C'est une erreur; si le Crustacé Macroure était cou- ché sur le dos, il se trouverait dans l'impossibilité de se dégager de sa carapace ; le dégagement de l’animal s'exécute, en effet, par l’es- pace laissé libre entre le bord postérieur du céphalothorax et le pre- mier article de l'abdomen. Ainsi placé latéralement, le Homard exécute de petits mouve- ments. Les antennes, les pattes ambulatoires, les fausses pattes et l'abdomen prennent part à ces mouvements. Pendant que l’animal s'agite, on voit que la carapace, qui ne reste plus adhérente que dans la région buccale, est soulevée, en haut et en avant, pour la sortie du corps. La tête est tirée en arrière; les yeux et les autres appendices sont dégagés de leur ancien revêtement. Rien de plus facile que de saisir le moment où les yeux sont débarrassés de leur enveloppe. On s’en aperçoit à la couleur blanche et à la transparence du tégument chitineux qui couvrait la cornée colorée en noir. La sortie des pattes ambulatoires se fait de deux côtés à la fois, pour ce qui concerne la sortie des pinces, elle est facilitée, du moins chez le Homard, par l’élasticité du revêtement membraneux du troi- sième et du quatrième article, et par la rétraction des masses mus- culaires du dernier article. A la suite de ces efforts, l'animal finit par dégager à moitié ses pattes ; la carapace, à ce moment, est tellement soulevée, qu’elle fait un angle droit avec le céphalothorax; le rostre mou vient buter contre le bord postérieur de la carapace ancienne. Dans cette position, l'animal, étant toujours conché sur le flanc, 538 ALEXANDRE-NICOLAS VITZOU. finit par dégager complètement ses pattes, ses branchies, ses an- tennes et ses pinces; il ne lui reste qu’à tirer son abdomen. Il exé- cute pour cela un saut brusque en avant, étend son abdomen et l'arrache de ses anciennes enveloppes. A ce moment, la mue est achevée: la carapace, éliminée, reprend, en vertu de l’élasticité des articulations, sa figure ordinaire, et l’on croirait que l’on se trouve en présence de deux Homards. Si l’on examine avec un peu plus d'attention le squelette du Ho- mard qui vient de muer, on est étonné de l'intégrité de ses diffé- rentes parties. Les enveloppes des branchies, les apodèmes, les tendons, en un mot tout ce qui est formé de chitine, a conservé ses rapports ordinaires. Il faut maintenant nous demander ce qui arrive pour la couche de chitine qui tapisse intérieurement le tube digestif. Mais avant d’a- border cette question, il faut dire deux mots d’un autre sujet qui se lie intimement au premier ; 1l s’agit du dégainement de l’ancienne carapace d'avec la carapace nouvellement formée. Au moment de la mue, la nouvelle carapace est déjà constituée en partie ; entre elle et l'ancienne carapace se trouve interposée une substance d’une transparence parfaite, que l'on pourrait prendre pour une membrane à cause de sa faible épaisseur et de sa transpa- rence. Après la mue; l’on voit très bien cette substance adhérer à l’ancienne carapace et l’on peuten faire l'étude avec une grande faci- lité. L'examen microscopique démontre l'absence complète de cel- lules et de noyaux, et l'on reconnait que l’on a affaire à une substance homogène, gluante, présentant les caractères physiques de la géla- tine. Cette substance est un produit de sécrétion des couches sous-ja- centes à la nouvelle carapace qui la traverse par endosmose et vient s'interposer entre l’ancienne et la nouvelle carapace pour faciliter le dégainement. La mue des autres Décapodes Macroures se fait dans les mêmes conditions que chez le Homard. S2. Le mécanisme de la mue chez les Décapodes Brachyures. — Notre type sera le Crabe (Careinus mœnas); nous l’étudierons en détail, puis nous lui comparerons, quand il y aura lieu, les autres espèces du groupe. TÉGUMENTS DES CRUSTACÉS DÉCAPODES, 539 On sait, par les savantes recherches de M. Milne-Edwards! sur la morphologie des téguments des Crustacés Décapodes, que le corps de ces animaux est formé d’une répétition d’anneaux; que chaque anneau est formé d'un arceau supérieur et d’un arceau inférieur; que l’arceau supérieur est formé de deux pièces centrales, réunies sur la ligne médiane et qui forment le tergum, et de deux parties lg- térales ou les épimères. La nature morphologique des pièces qui con- stituent la carapace a été établie très exactement. Pour en donner une idée rapide, nous ne saurions mieux faire que de reproduire textuel- lement les lignes suivantes de M. Milne-Edwards? : « Dans l'œuf de l'Ecrevisse, comme l’a fait voir M. Rathke, elle (carapace) est d’a- bord formée de trois parties distinctes qui viennent se réunir entre elles pour constituer une seule lame continue; une de ces pièces occupe la ligne médiane, et représente évidemment les deux ter- gums réunis qui occupent la même place dans l’arceau supérieur des anneaux thoraciques des Edriophthalmes; les autres sont laté- rales et doivent être regardées comme les analogues des épimères. Dans l'Ecrevisse adulte, ces pièces sont complètement soudées entre elles ; mais on peut encore les distinguer par les sillons qui occu- pent leur point de jonction. Les autres deux pièces latérales sont très développées et se réunissent sur la ligne médiane dans la moitié postérieure de la carapace, tandis qu'antérieurement elles sont sé- parées par le tergum. « Chez d’autres Décapodes de la famille des Brachyures, la dispo- sition qui est transitoire dans l’Ecrevisse, devient permanente, et la carapace reste formée de trois pièces distinctes ; mais, chez tous ces Crustacés, les épimères sont très peu développées, tandis que le tergum prend une extension énorme ; il s’étend jusqu’à l'abdomen. et constitue la presque totalité de la carapace. » Ainsi, la grande partie de la carapace de l’Ecrevisse et, par consé- quent, des Macroures en général est constituée par les épimères ex- trèmement développés et réunis sur la ligne médiane du dos, tandis que le tergum est peu développé et séparé d'avec les épimères par le sillon cervical cg (fig. 2). 4 MiznEe-Epwanrps, Observations sur le squelette téqumentaire des Crustacés Déca- podes et sur la morphologie de ces animaux (Ann. des sc. naturelles, 3° série, 1851, p. 221-230). ? Mixe-Evwanps, Histoire nâlurelle des Crustacés, 1834, t. Ier, p. 27. 940 ALEXANDRE-NICOLAS VITZOU. Chez les Brachyures c’est le contraire qui a lieu. On peut serendre compte de cette disposition parles figures jointes. Fig. 1. — Carapace d'un Décapode Brachyure(atélécycle) vu en dessous pour montrer la suture qui réunit les épimères à à la portion tergale a extrèmement développée. (D'après M. H. Milne- Edwards). Ces notions nous permettent maintenant d'aborder plus fructueu- sement la description de la mue des Brachyures. F1G. 2. — Astacus fluviatilis. Vue de profil d'un mâle (gr. nat.); bg, épimère ou branchiostégite (Huxley), séparée antérieurement du tergum par le sillon cervical cg ; r, rostre; t, telson ; 1, pé- doncule de l'œil; 2, antennule; 3, antenne ; 9, patte-mächoire externe; 10, pince; 14, dernière patte-ambulatoire ; 17, fausse patte abdominale ; 20, lobe latéral de la nageoire caudale ; XV, pre- mier article de l'abdomen. (D'après M. Huxley.) La mue immédiate du Crabe commun (Carcènus mœnas) ou du Crabe Tourteau (Platycarcinus pagurus) s'annonce par l’écartement du bouclier dorsal ou carapace d'avec les épimères ; cet écartement laisse voir un espace circulaire tout autour de la carapace ; et entre les bords de celle-ci et des épimères écartés on voit les téguments mous de l'animal. TÉGUMENTS DES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 541 Ce fait, tel que nous l'avons indiqué, est caractéristique pour le groupe des Décapodes Brachyures. Les Tourteaux (Platycarcinus pagurus), les Xantho florida (Leach) et Xantho rivulosus (M. Edw.), les Portunes (Portunus puber), les Maia squinado, etc., présentent cette fente circülaire ; pourtant chez ces derniers elle n’est pas complète. Les Décapodes Macroures n'’offrent pas cette désarticulation cir- culaire ; la chose n'a pas lieu d’étonner, si l’on se rappelle le déve- loppement considérable, chez les Macroures, des épimères et leur union sur la ligne médiane du dos pour former la carapace. Tout ce que nous pouvons dire des épimères de ces animaux, C’est que pen- dant la mue, ils sont un peu écartés sur la ligne médiane ; mais on ne voit 7amais leur désarticulation d’avec le tergum, qui forme la partie antérieure de la carapace. | Chez les Macroures, la carapace tout entière: le tergum etles épi- mères, est soulevée pendant que l'animal fait des efforts pour se dégager de ses enveloppes, tandis que chez les Brachyures, il n'y a de soulevé que le bouclier dorsal, formé par le tergum, et qui est écarté d’avec les épimères. Etudions maintenant ce qui se passe avec un Crabe qui se pré- pare à sortir de ses anciens téguments. Quelques jours après la désarticulation du bouclier dorsal d'avec les épimères, le Crabe commence à faire des efforts pour abandon- ner ses enveloppes. Les mouvements des pattes et des antennes sont semblables à ceux exécutés par le Homard. Pendant qu'ont lieu ces mouvements alternatifs des pattes, on voit sortir les deux premiers articles de l’abdomen, par l’espace laissé libre entre le bord postérieur de la carapace et le premier an- neau de l’abdomen. Après vingt minutes de travail, le Crabe est “très courbé, comme s’il se préparait à culbuter, et à ce moment, la carapace étant forte- ment soulevée, l’animal réussit à dégager complètement les pattes ambulatoires et l'abdomen. Il ne reste plus à dégager que les pinces qui sont emprisonnées dans leurs fourreaux. A cet effet, l'animal prend cette fois-ci la po- sition horizontale, et après plusieurs tentatives il réussit enfin à dé- barrasser les pinces. 542 ALEXANDRE-NICOLAS VITZOU. Il abandonne alors les anciens téguments, qui restent sur placé dans un état parfait de conservation. Il arrive quelquefois que le Crabe perd une ou plusieurs de ses pattes, pendant la mue, ce qui peut arriver aussi pour les Ma- croures, On peut résumer de la manière suivante les différences qui exis- tent, au point de vue du mécanisme de la mue, entre les Macroures et les Brachyures. 4° Les Brachyures présentent une désarticulation circulaire de la carapace d'avec les épimères, ce qui n'a pas lieu pour les Ma- Croures. 2 Position horizontale de l’animal pendant la mue, pour les Bra- chyures, tandis que les Macroures sont couchés sur les côtés. 3° Dégagement complet, pour les Brachyures, de l'abdomen avant le céphalothorax et les pinces, tandis que, chez les Macroures, c’est le céphalothorax qui est dégagé en premier lieu. Le temps que les Crabes mettent à opérer leur mue dépend de la force de l'animal et varie entre 20 et 30 minutes. Ce sont les Crabes Tourteaux qui mettent plus de temps à exécuter cette opé- ration ; Ie minimum est d’une heure. Il paraît que tous les Crustacés qui ont subi la mue ont conscience de leur faiblesse ; pour se dérober à leurs ennemis, parmi lesquels ils peuvent compter même leurs semblables, ils cherchent les en- droits les plus retirés. On peut observer ces habitudes dans des viviers, où les Homards et les Langoustes sont conservés en grande quantité; pour obtenir des Homards sur le point de muer, il faut les chercher dans les en- droits où il y a moins d'eau et qui sont moins fréquentés par leurs semblables, En mer,les Crustacés se tiennent cachés dans quelques réduits qui les protègent contre leurs ennemis. Il nous est arrivé plus d'une fois de voir une Galatée, un Crabe menade ou un Crabe Tour- teau, etc., en élat de mue, devenir la proie de ses semblables. I faut donc, pour conserver un Crabe ou n'importe quel autre Crustacé mou, le séquestrer, l'isoler des autres Crustacés. Il arrive cependant qu'une femelle tout à fait molle ne soit pasmo- lestée ni inquiétée par les animaux de même espèce ; en cherchant TÉGUMENTS DES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 543 la cause de cette abstention inusitée de la part des Crustacés, on la trouve dans la protection exercée sur elle par le mâle prêt à l’ac- coupler. On sait qu'en général le mâle est plus petit que la femelle, cepen- dant nous avons remarqué bien des fois des mâles accouplés à des femelles plus petites qu'eux, et cela seulement pendant la mue de la femelle. La chose s'explique dans ce cas très facilement ; les té- guments de la femelle n'étant pas encore durcis, l’intromission des appendices copulateurs du mâle se fait avec une plus grande facilité. Les Crabes, après avoir quitté leurs téguments, sont lout à fait mous ; après vingt-quatre heures, la carapace commence déjà à prendre plus de consistance, mais ce n’est qu'après soixante-douze ou quatre-vingts heures que le tégument du Crabe mou est complè- tement durci. Les Tourteaux mettent plus longtemps à consolider leur enveloppe, et les Homards et les Langoustes encore davantage. B. Le mécanisme de la mue du tube digestif chez les Crustacés Décapodes. Le tube digestif des Crustacés Décapodes est tapissé intérieure- ment par une couche de chitine présentant à peu de chose près la même structure que l'enveloppe externe de l'animal. Partout la cou che chitineuse du tube digestif présente une grande uniformité, ex- cepté pour l'estomac, où elle constitue un appareil triturant dont la nature et le nombre des pièces ont fait l’objet des recherches de plusieurs naturalistes !, Ce qu'il importe de savoir, c’est que l’armature stomacale des Crus- tacés Décapodes est sujette à des mues périodiques, comme les au- tres parties du squelette de ces animaux. - Le phénomène de la mue de l'estomac des Crustacés a été connu 1 Rose, Inseclen-Belustigung, t. IT, pl. LVIII, fig. 12 et 13. SUCKOW, Anatomisch-physiologische Untersuchungen der Insecten und Krustenthiere, 1818, p. 52, pl. X, fig. 11 et 12. H. Micxe -Epwanps, Histoire naturelle des Crustacés, 1834, t. 1“r, p. 67 et suiv., pl. IV, fig. 1, 6, 7, 8, 9 et 10. Leçons sur la physiologie et l'anatomie comparée de l'homme et des animaux, 1859, t. V, p. 554 et suiv. F. OESTERLEIN, Ueber den Magen des Flusskrebses, in Müller's Archiv, für Anat, und Physiol., 1819, p. 390, pl. XII, 544 ALEXANDRE-NICOLAS VITZOU. de van Helmont!, et observé ensuite par Geoffroy le jeune?, Réau- mur’, K.-E. von Baer*', OEsterleinÿ, Quekettf, Lereboullet? et par d’autres. Quant au mécanisme du rejet de cette armature stomacale et de la couche de chitine qui tapisse intérieurement l’æœsophage et l'intestin, on n'en savait rien. Nous devons appeler aussi l'attention sur les pierres calcaires qui se trouvent sur les côtés de l'estomac et qui sont rejetées à chaque mue. Pour donner une idée de l'opinion qu'on se formait du temps de van Helmont, soit des pierres calcaires, soit de l’armature stomacale rejetée à chaque mue, nous reproduisons le passage suivant d’a- près Geoffroy le jeune : « L'opinion la plus commune sur les pierres des Ecrevisses est qu'elles se trouvent dans le cerveau des Ecrevisses de rivière ; c'était l'opinion de Gesner, d'Agricola et de Belon. Van Helmont paraît être le premier qui se soit aperçu de la présence des pierres autour de l'estomac; mais comme il s’est rendu suspect en bien des rencon- tres, son sentiment n'a pas pu prévaloir sur celui qui était déjà recu. Van Helmont avait observé que vers la mi-juin les Ecrevisses sont malades ; elles demeurent pendant neuf jours et davantage lan- guissantes et comme mortes, et il prétend que dans cet espace de temps il se forme une nouvelle membrane qui enveloppe leur esto- mac, et qu'entre les deux il s'épanche une liqueur laiteuse, qui, descendant aux deux côtés, se durcit en pierre. Cette nouvelle membrane lui semble naître de la pellicule qui se forme sur cette liqueur laiteuse, comme il a coutume de s’en former une sur du lait chaud. « Elle devient le nouvel estomac, et le vieux qui est au dedans avec le reste de cette liqueur et les pierres mêmes, se résout peu à peu et sert de nourriture à l'animal pendant vingt-sept jours que du- 1 Van Hezmonr, Tractatus de lithiasi (Opuscula medica, 1648, cap. vir, p. 67). 2 GeorrRoy, Observations sur les Ecrevisses de rivière (Mém. de l'Acadéinie des sciences, 1709, p. 309). 8 RÉAUMUR, Sur les diverses reproductions qui se font dans les Ecrevisses, elc., (Mém. de l’'Acad. des sciences, 1712, p. 239). * K.-E. von BAER, l’eber die Sbpéchante Erneuerung des Magens der Krebse (Muller's Archiv. für Anatom. und Physiol., 1834, p. 510). 5 OESTERLEIN, Op. cit. (Müller’s Arch. für Anat. und Physiol., p. 419). 6 QuekerT, Lectures on Hislology, 1854, t. IT, p. 399, 7 LenepouLLerT, Recherches d'embryologie comparée sur le développement du Bro+ ohet, de la Perche et de l'Ecrevisse (Mém. de l'Acad. des sciences, Paris, savants étran- gers, t, XVII, 1862, p. 761), TÉGUMENTS DES CRUSTACÉS DÉCAPODES. D45 rent ces pierres ; Car alors il ne mange point et on ne lui trouve au- cune autre chose dans l'estomac. » Trois faits résultent de cette citation : 4° que les pierres de l’Ecre- visse se forment sur les parois de l'estomac et non dans le cerveau; 2° que les pierres et les membranes du vieil estomac sont rejetées à chaque mue ; 3° qu’elles servent de nourriture à l'animal pendant la maladie que lui cause la mue. Geoffroy reprenant la question en 1709 ne fait que confirmer Îles idées de van Helmont, publiées au siècle précédent, en 1648 ; il ar- rive aux mêmes conclusions qui lui inspiraient d’abord un peu de défiance, sans qu'il ajoute des nouvelles observations. Geoffroy, Réaumur, K.-E. von Baer, CEsterlein, Quekett, Lere- boullet, etc., ont donc établi clairement que les membranes stoma- cales sont rejetées à chaque mue. Comment se fait ce rejet? on ne le disait point. Pour van Hel- mont, Geoffroy et Réaumur le premier estomac servait de nourriture à l'animal pendant la maladie que lui causait la mue. Nous verrons que cette assertion n'a rien de vrai n'ayant pas été fondée sur une observation exacte. Quant à la couche de chitine qui tapisse inté- rieurement l’æsophage et le canal intestinal, on ne savait pas exacte- ment ce qu’elle devient pendant la mue. Comme on le voit, le mécanisme de la mue du tube digestif des Crustacés était fort peu connu, il était nécessaire que de nouvelles observations vinssent combler les lacunes. C’est le sentiment de cette nécessité qui nous a déterminé aux recherches que nous expo- sons actuellement. Auparavant il nous paraît utile de résumer en quelques lignes les connaissances embryologiques que nous possédons sur le dévelop- pement de l'appareil digestif. Lorsque l’Ecrevisse, pendant le cours de son développement, se présente sous la forme d’un sac sphérique, les parois minces de ce sac sont composées d’une seule couche de cellules nucléées ; cette paroi représente le blastoderme vésiculaire. Le blastoderme s’épaissit sur sa face tournée vers le pédoncule de l’œuf et forme l'are germinative. Bientôt après il se produit une in- vagination du blastoderme dans le tiers postérieur de l’aire germi- native. Par cette première invagination se produit l'appareil alimens taire primitif, ou archentere (B. mg); et les parois de l’archentère portent le nom d’hypoblaste ; le reste du blastoderme formant l'épi- ARCH. DE ZOO! EXP, ET GÉN. = T. X, 1889, 35 546 ALEKANDRE-NICOLAS VITZOU. derme primitif recoit le nom d'épiblaste (epb) ou feuillet externe. Cet état correspond à la phase de Gastrula et l'embryon d'Ecrevisse n'y FiG. 3, — Astacus fluviatilis, Coupes schématiques d'embryoh; en partie d'après Reichenbach, en partie d'après Huxley (X 20). A, un œuf dans lequel le blastoderme vient à peine de se for- mer, B, première invagination du blastoderme, qui constitue l'hypoblaste ou rudiment de l'in- testin moyen. C, coupe longitudinale d'un œuf dans lequel ont apparu les rudiments de l'abdomen, de l'intestin postérieur et de l'intestin antérieur, D. coupe semblable d'un embryon, à peu près à la même phase de développement que celui représenté en C. E, coupe longitudinale d'un em- bryon qui vient d'éclore, a, anus: 0, blastoderme; bp, blastopore; e, œil; ebp, épiblaste ; {g, intestin antérieur ; /g', sa portion œæsophagienne ; /g*, sa portion gastrique ; À, cœur; Ag, in- testin postérieur; », bouche; mg, hypoblaste, archentère où intestin moyen; v, vitellus; les parties poncluées en D et en E représentent le système nerveux, (D'après M. Huxley.) demeure que peu de temps; car l'ouverture de l'invagination primi- tive, ou le blastopore (bp), se ferme bientôt et l'archentère prend la forme d'un sac aplati entre l'épiblaste et le vitellus nutritif (v), TÉGUMENTS DÈS CRÜSTACÉS DÉCAPODES. 547 Au fur et à mesure que l’Ecrevisse avance dans son développe- ment, il se produit une autre invagination de l’épiblaste qui donnera lieu à l'intestin antérieur (C. /g). L'intestin antérieur formera, par son développement ultérieur, l'œsophage et l'estomac (D. E. fg', fg°), qui se mettront en communication avec l’archentère ou l'intestin moyen. À la même époque, il se produit une autre invagination de l’épiblaste qui couvre la face sternale de la papille abdominale. Par cette invagination se forme tout l'intestin postérieur, et celui-ci, comme l'intestin antérieur, aveugle d’abord, se met en communica- tion avec la paroi postérieure de l'archentère ou intestin moyen. (C. D. E. Ag.) C'est ainsi que se forme le canal alimentaire complet, composé d'un intestin antérieur et d’un intestin postérieur, tubulaires, déri- vés de l’épiblaste, et d’un intestin moyen (archentère), constitué par l'hypoblaste tout entier. Ceci explique la grande ressemblance qui existe entre l’épithélium chitinogène des téguments externes et l’épi- thélium qui garnit intérieurement le canal alimentaire. Nous avons vu aussi que les couches chitineuses externes consti- tuant le squelette tégumentaire, et les couches de chitine qui tapissent intérieurement le canal alimentaire, proviennent de l’épithélium chi- tinogène par le même processus. Nous avons étudié jusqu’à présent la mue de l’épiblaste ou du feuillet externe, constituant l'enveloppe externe des Crustacés, ilnous reste maintenant à étudier la mue du canal alimentaire qui, comme nous venons de le voir, est formé par l’invagination du même feuillet externe ou épiblaste. On peut prendre indifféremment un Macroure ou un Brachyure, parce qu'il n’y a entre eux aucune différence au point de vue du mécanisme de la mue de l’appareil digestif, la des- cription donnée d’un type s’appliquera donc à tous les Crustacés Dé- capodes. Le Homard (Zomarus vulgaris) permet une étude facile; c’est au même moment où l'animal s’est dégagé de ses anciennes enve- loppes qu'il rejette la couche de chitine qui tapisse intérieurement le tube digestif. Après le rejet du squelette tégumentaire, on trouve toujours la couche chitineuse qui garnit intérieurement l’estomac et l'œsophage reliée aux téguments externes. L’armature stomacale était brisée en parte, et la chose se conçoit aisément si l’on réfléchit que, pour être expulsée, elle est obligée de traverser l’æœsophage, dont le diamètre transversal est de beaucoup inférieur à celui de l’esto- 548 ALEXANDRE-NICOLAS VITZOU. mac. D'après cela, les couches chitineuses qui tapissent l'estomac et l’æsophage sont vomies par l'animal au moment où il se dégage de Jl'enveloppe chitineuse externe. Ge fait ne subit d'exception chez au- cun Crustacé Décapode; chez tous, il présente les mêmes caractères que l’on voit chez le Homard. Le rejet de la couche chitineuse de l'estomac et de l'æœsophage par la bouche s'explique aisément, si l’on se rappelle que l'animal, pour se dégager de ses enveloppes, sort par l’espace laissé libre entre le bouclier céphalothoracique qui forme la carapace et le premier an- neau de l'abdomen. Le rejet par la bouche des couches chitineuses qui tapissent l’es- tomac et l'œsophage, et leur union intime avec les téguments externes, s’explique aussi par des raisons tirées du développement de l'animal. En effet, nous avons vu que la formation de l'intestin antérieur, c’est-à-dire de l’æsophage et de l'estomac, est due à une invagination de l’épiblaste qui constitue, extérieurement, le squelette tégumentaire et intérieurement la couche chitineuse de l'intestin antérieur ; il y a donc continuité de la couche chitineuse externe avec l'intestin antérieur. L’estomac et l’æœsophage étant rejetés par l'animal au moment de la mue ne servent donc pas de nourriture à l'animal comme l'ont cru Van Helmont!, Geoffroy ?, Réaumur , etc. Quant aux pierres qui se trouvent sur les parois de l'estomac, elles tombent dans l'intérieur du nouvel estomac, où elles sont dissoutes probablement par l'action des sucs digestifs pour se répandre dans la lymphe de l'animal, et de là, dans les couches chitineuses molles, qui se durcissent, quelque temps après la mue, dans un intervalle de trois à quatre jours. Il nous reste à nous demander ce qu'il advient de la couche chi- tineuse qui tapisse intérieurement l'intestin proprement dit. Au commencement de nos observations, nous fûmes un peu em- barrassé en ne sachant pas le sort de cette couche de chitine pen- dant la mue, On voyait très bien sur les carapaces rejetées des Car- 1 Van Hecmonr Op. cit. (Opuscula medica, 1648, cap. vit, p. 67). 2 Georrroy, Observations sur les Ecrevisses de riviére (Mém. äe l'Acad, des scien= ces, 1709, p. 309), à RéauMun, Sur diverses reproduclions qui se funt dans les Ecrevisses, etc, (Mém, de l'Acad, des sciences, 1712, p. 239), TÉGUMENTS DES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 049 cinus mœnas, du Platycarcinus pagurus et des autres Crustacés la couche de chitine qui tapisse intérieurement l'estomac et l'æœsophage, tandis que nous ne retrouvions point celle qui tapisse l'intestin; l'idée nous est venue alors de faire une injection d’eau dans le moule tégumentaire rejeté; nous avons poussé l'injection par l'o- rifice anal de cette carapace inerte, et nous avons ainsi déplissé la membrane chitineuse revenue sur elle-même et tassée aux en- virons de l’orifice anal. Nous avons vu ainsi l'enveloppe intestinale, tout à l'heure masquée par son tassement même aux environs de l’anus. La couche chitineuse intestinale est donc rejetée sans perdre son lien de continuité avec le tégument externe au pourtour de l'anus. Ce fait est plus facile à constater chez les Décapodes Macroures que chez les Brachyures. Comment peut-on expliquer le rejet par l'anus de la couche de chitine qui tapisse intérieurement l'intestin ? Les mêmes conditions que nous avons fait intervenir pour la mue de l’estomac et de l’æœso- phage, expliquent la mue de l'intestin telle que nous venons de l'in- diquer, à savoir : 4° Une condition d'ordre physique et qui consiste en ceci qu'au moment de la mue l’animal sort de ses anciennes enveloppes par l’espace laissé libre entre le bouclier céphalothoracique qui constitue la carapace et le premier anneau de l’abdomen; 2° Une autre condition tirée du développement de l'animal. En effet, lorsque nous avons résumé les faits embryologiques con- cernant la formation du canal alimentaire, nous avons dit que la formation de l'intestin postérieur est due à l’invagination de l’épi- blaste; que, par cette invagination, il se produit un canal éiroit aveugle qui finit par se mettre en communication avec l’archentère ou intestin moyen formé par l’hypoblaste. Il suit de là que l’épi- blaste, qui forme extérieurement l'enveloppe chitineuse externe, se continue par l'anus dans l'intestin postérieur jusque près de l’esto- mac pour former l’épithélium chitinogène intestinal et la couche de chitine qui sera rejetée par l’anus à chaque mue. De cette manière, on conçoit aisément la continuité des tégu- ments chitineux externes avec la couche de chitine intestinale jusque près de l'estomac et le rejet par l’anus de cette dernière couche chi- tineuse. En résumé, en disant que Les Crustacés Décapodes vomissent pen- 550 ALEXANDRE-NICOLAS VITZOU. dant la mue les anciennes enveloppes chitineuses de l'estomac et de l'œso- phage, et déféèquent la couche de chitine qui tapisse intérieurement l’intes- lin, on caractérise le mécanisme de la mue de l’appareil alimentaire. C. L'accroissement des Crustaces. On a prétendu, et c'est l'opinion admise dans presque tous les mémoires et les livres devenus classiques, que l’accroissement des Crustacés avait lieu immédiatement après la mue, pendant que le nouveau revêtement du corps de l'animal n'était pas encore consolidé par les sels calcaires. Disons tout de suite que cette affir- mation n'est pas confirmée par des observalions rigoureuses. L'accroissement de l'animal a lieu dans la période préparatoire de la mue, et c'est précisément en raison de cet accroissement que les téguments du squelette extérieur commencent à se désarticuler, ne pouvant plus contenir l'animal devenu beaucoup plus gros que son enveloppe. En énonçant ce fait, que l’accroissement des Crustacés a lieu dans la période de la mue, lorsqu'ils sont encore enfermés dans cette en- veloppe durcie, qui constitue le squelette tégumentaire, on semble soutenir un fait paradoxal. L'objection qu’on peut nous opposer, c'est précisément l'exis- tence d’une enveloppe dure qui s'oppose à tout agrandissement. Il nous semble que la meilleure réponse à cette objection est fournie par les faits. En étudiant la structure des téguments dans la période prépara- toire et au moment de la mue, nous avons vu à la partie interne des teguments chitineux : 4° Une couche de cellules allongées formant l'épithélium chitino- gène ; les cellules de cet épithélium prennent un développement considérable en longueur, atteignant des proportions gigantesques dans la période préparatoire et au moment de la mue, pour dimi- nuer de moitié après la constitution des couches chitineuses. Nous nous sommes assuré de ce fait en suivant ces productions à diffé- rentes épouues,. 2° Quelques jours avant la mue, lorsque les anciens téguments se TÉGUMENTS DES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 551 désarticulent, on trouve déjà, à leur partie interne, lesnouveaux té- guments formés en partie. La présence de l’enveloppe externe solide n’est pas, d'après cela, un obstacle insurmontable pour la formation des nouvelles couches chitineuses et pour le développement en longueur des cellules de l'épithélium chitinogène dans la période préparatoire de la mue. Ajoutons que le foie de l'animal est beaucoup plus volumineux vers la fin de la période préparatoire de la mue qu'à toute autre épo- que ; le même phénomène d’accroissement se produit pour le reste de l'organisme. Lorsque, à la suite de cet accroissement, les anciennes enveloppes deviennent incapables de renfermer l'animal, leur désarticulation ne tarde pas à se produire. Dès l'instant où commence la désarticulation et jusqu'au rejet de l’ancien tégument, il s'écoule deux ou trois jours; dans cet inter- valle l'animal est énormément gonflé par la quantité d’eau qui tra- verse par endosmose les nouvelles enveloppes et s’y mêle aux liqui- des de l'organisme : la quantité de la lymphe est beaucoup plus considérable et moins coagulable, étant plus étendue d’eau à l’é- poque de la mue qu'à toute autre époque. Beaucoup d’autres arguments militent en faveur de la théorie que nous soutenons. Il suffit de mesurer les dimensions de la carapace rejetée, et de l'animal mou immédiatement et quelque temps après la mue. Les dimensions de l’animal mou nous étant connues, nous tâche- rons de voir en prenant les mesures les jours qui suivent la mue, si l'animal gagne quelque chose en longueur et en largeur. Voici les dimensions de la carapace du Homard(#omarus vulgaris) rejeté pendant la mue : Longueur du céphalo-thorax jusqu’à l'extrémité du rostre. 0,119 _— de l'abdomen. 25 dan. Re se este 107,146 — du dernier article de la pince droite........,.. 0 ,121 = du dernier article de la pince gauche...,...... 0 ,113 Le même Homard, immédiatement!après la mue, présentait les dimensions suivantes : Longueur du céphalo-thorax jusqu’à l'extrémité du rostre. 0®,130 — ADO se uses ds s D 128 — du dernier article de la pince droite....,....... 0 ,118 —_ du dernier article de la pince gauche...... ec. 0 ,115 On voit par les chiffres de ce tableau que l'agrandissement de l'a- 292 ALEXANDRE-NICOLAS VITZOU. nimal pendant la période préparatoire de la mue est fort nettement établi. En examinant les chiffres donnés, nous constatons que le Homard, au moment de la mue, avait grandi de 11 millimètres pour le cé- phalothorax et de 8 millimètres pour l'abdomen ; quant au dernier article de la pince droite, on remarque une différence en moins de 3 millimètres, et cette différence en moins s'explique : 1° Par l'épaisseur de la couche chitineuse du dernier article de la pince en question ; 20 Par l'absence presque absolue de la lymphe dans la pince au moment de la mue. C’est là une condition forcée, car si le dernier article de la pince en question s'était agrandi, il aurait été presque impossible que la- nimal puisse retirer sa pince de l’étui qui la renferme. Ajoutons que les membranes chitineuses de la face supéro-interne du troisième et du quatrième article des pinces facilitent de beaucoup par leur élasticité la sortie des pinces. Réaumur!, en parlant de la mue de l'Ecrevisse (Astacus fluviatilis), dit : « Les pinces se fendent longitudinalement, ce qui permet la sortie des parties internes.» Pour le Homard, nous n'avons pas remar- qué cette fente longitudinale. Le même Homard, dix-sept heures après la mue, présentait les dimensions suivantes : Longueur du céphalothorax:,..2...5...... és este NOIR — dé TaAbTOmMENT PA RAR esters etes ss) 00 185 — du dernier article de la pince droite......... SOON TON — du dernier ariicle de la pince gauche.......... 0 129 Comme on le voit, le céphalothorax et l'abdomen n'ont rien gagné en longueur, mais en échange on remarque que les pinces se sont accrues de 12 millimètres. Cette différence en plus s'explique par l'énorme quantité de lymphe qui s’accumule dans les organes ; il s'agit ici moins d’un accroissement que d'un gonflement. Du reste, ou comprendrait difficilement un accroissement aussi considérable dans l’espace de dix-sept heures. Les dimensions du même Homard, prises le troisième, le qua- trième, le cinquième et le sixième jour, restent les mêmes que le lendemain de la mue. L'animal n'avait donc rien gagné quant à ses 1 Réaumur, Observations sur la mue des Ecrevisses, etc., etc. (Mém. de l'Acad. des sciences, 1718, p. 239). TÉGUMENTS DES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 093 dimensions, mais en échange il avait gagné en poids, et, en effet : Immédiatement après la mue le Homard pesalk. ...: é Vols SOA Seins de °.... 500 grammes. Le lendemain.....,...vs.rsorssooses 610 gr., soit une augmentation de 100 gr, Le (troisième jJour.:..%...........:: . 619 — 9 Le quatrième jour......... UP 642 — 23 Le cinquième jour... .t4lo scans) 642 — Ô Le sixième: Jour. .:.:...... Sie cadet De — 0 Le sixième jour l'animal est malade, et dans le milieu de la jour- née on le trouve mort. En le disséquant, on trouve dans l'estomac un nombre considérable de petits prismes calcaires ; ce sont les matiè- res de réserve inorganiques qui n’ont pas été dissoutes. Un deuxième Homard présentait les dimensions suivantes : : : Homard, Ancierne enveloppe rejetée pendant la mue. trois heures Accroissement, après la mue. Longueur du céphalo-thorax.........,... 0,119 0,125 0,006 _ de lahdomen.::.:21.::2. 0 ,120 0 ,126 0 ,006 — du dernier article, pince droite. 0 ,122 0 ,140 0 ,018 _ du dernier article,pince gauche 0 ,129 0 ,149 W,029 Troisième Homard : Longueur du céphalothorax.. ....... ee 140 0 ,153 0 ,007 —1 dde Fahdomen.-::...1.110: 1 0 ,150 0,153 0 ,003 Les jours qui suivent les dimensions de l'animal ne changent pas. On voit, de tous ces tableaux, que nous n’avons pas donné les dimensions du Homard en largeur, pour la raison que la moitié pos- térieure de la carapace, formée par les épimères extrèmement déve- loppés, étant molle, la largeur de l’animal était très variable quand on le mettait sur une table pour prendre les mesures. Nous avons rencontré pour les Brachyures les mêmes faits que nous avons vus pour le Homard. Agrandissement. Carapace molle de l’animal Carapace rejetée immédiatement au moment pendant la mue. après la mue. de la mue. Long. Larg. Long. Larg. Long. Larg. 19 Carcinus mœnas. ..... 0m,025 0m,033 0m,030 (m,038 0m,005 0=,005 29 LÉ RATER RER OR 0 ,031 0 ,040 0 ,035 0 ,045 0 ,604 0 ,005 3° Platycarcinus pagurus, 0 ,019 0 ,028 0 ,023 0 ,035 0,034 0 ,007 4o Ed Era he sde 02,039! 005%: 0 ,043% 0,070, 0,004 ,,,0.,,043 50 Id: és #tar 0,068" 07077. "0°,057,. 0. ,0905 0,009: - 0 ,0435 69 LC PERTE SE 6,036 000-056 0,046 0° ,07% ‘0 ,010= 0! ,618 À Id, SN SET "06m." (SES 0,078 : 0,128 tr ® ,0147, CON023 Be Hantho, es vies. 0,046. 0 ,022%% 0.047 0,024 O0 ,001 : 0:,002 RS IS 2 GT US 9,016 0 ,023 0 ,0185 0 ,0265 0 ,0025 0 ,0035 RO RS Eee ON2027. 0 03070: 7.628. @ 0347 0.002000 094 ALEXANDRE-NICOLAS VITZOU. En prenant les mesures de la nouvelle carapace dans les jours qui suivent la mue, on ne pouvait constater aucune différence en plus. Pour les Araignées de mer (Maïa squinado), nous ne pouvons pas donner les dimensions de l’animal immédiatement après Ja mue, par cette même raison que nous avons donnée pour le Homard mou. Par la simple inspection on pouvait constater une grande diffé- rence entre l’ancienne carapace rejetée et l'animal mou. Tous les faits que nous venons d'exposer ont pu être observés par les personnes qui se trouvaient au laboratoire de Roscoff lorsque nous faisions nos observations sur le mécanisme de la mue des Crustacés. Conclusion. — L'étude des téguments dans la période préparatoire de la mue, les mesures de la carapace rejetée, la mensuration compa- rative de l’animal immédiatement et quelque temps après la mue, démontrent clairement que l'accroissement des Crustacés a lieu dans la période préparatoire de la mue et non apres cette opération. Le fait paradoxal que nous avons énoncé recoit donc son expli- cation. CHAPITRE V. A, RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR LE GLYCOGÈNE, COMME MATIÈRE DE RÉSERVE PENDANT LA MUE, CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES. Les recherches histochimiques sur les téguments des Crustacés supérieurs, dans la période préparatoire et pendant la mue, nous ont permis de constater la présence, en grande abondance, de la matière glycogène renfermée dans les cellules volumineuses du tissu con- jonctif. Nous avons été amené à chercher cette matière dans les autres parties du corps de ces animaux. Par analogie avec ce que l’on sait des animaux supérieurs, nous nous sommes adressé d’abord au foie. Nous avons examiné ensuite la lymphe et les autres organes ; nous nous proposions de savoir si la fonction glycogénique est, au moment de la mue, localisée ou non dans le foie, TÉGUMENTS DES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 535 Nous indiquerons d’abord le procédé opératoire dont nous nous sommes servi dans le courant de nos expériences. Procédé, — Pour extraire le glycogène renfermé dans le foie, nous avons eu recours au procédé Claude Bernard. A cet effet, on jette le foie du crustacé, divisé en petits fragments, dans une capsule en por- celaine contenant de l’eau à l’ébullition ; on ajoute au liquide chaud une petite quantité de noir animal’ lavé, destiné à retenir les ma- tières colorantes ainsi que la plus grande portion des substances al- buminoïdes. On jette ensuite le tout sur un filtre, et l’on recueille un liquide blanchâtre, laclescent, qui renferme le glycogène avec un peu de sucre. Pour séparer le glycogène du sucre, on ajoute à la liqueur envi- ron les deux tiers de son volume d’alcoo! à 90 degrés ; la matière glycogène se précipite en flocons blancs, et le sucre reste en disso- lution dans le liquide alcoolique affaibli. Le précipité blanc, recueilli sur un filtre, lavé à plusieurs reprises avec l'alcool et desséché ensuite à l’étuve, se présente sous la forme d’une matière blanche granuleuse. La matière blanche est du glycogène brut ; elle contient encore des produits azotés, qu’on peut mettre en évidence en chauffant avec de la potasse. On constate alors une odeur caractéristique de méthy- lamine. On peut avoir le glycogène exempt d’azote : pour cela, on fait bouillir la substance obtenue avec une solution concentrée de potasse pendant une demi-heure environ, jusqu’à ce qu'ait cessé tout déga- gement de méthylamine ; on neutralise la potasse par l'acide acé- tique, et l’on précipite par l’alcool absolu ; on a alors le glycogène sensiblement pur. Le précipité est recueilli sur un filtre, lavé à plu- sieurs reprises par l’alcool absolu et desséché à l’étuve ; on obtient ainsi une matière blanche dont on peut étudier les propriétés physi- ques et chimiques. Constatation des propriétés de la matière glycogène. — La matière obtenue et purifiée d’après les procédés qui viennent d’être indiqués présente les caractères suivants : couleur blanche, saveur sucrée, consistance granuleuse, aspect de la solution aqueuse opalescent. 1 Le noir animal retient, comme on le sait, une certaine quantité de glycogène, proportionnelle à la masse de charbon employée. Ici la quantité de glycogène re- tenu est négligée parce qu’il s’agit, non d’un dosage, mais de l’extraction d’une ma- tière assez abondante. 096 ALEXANDRE-NICOLAS VITZOU. Lorsque l’on fait en une dissolution aqueuse assez concentrée et qu’à cette dissolution on ajoute de la teinture d'iode, il se produit une coloration rouge vineux caractéristique, identique à celle que produit, dans les mêmes conditions, le glycogène des animaux su- périeurs. Si l’on en délaye une petite quantité dans de la salive, on constate, au bout d’un temps très court, au moyen de la liqueur cupropotas- sique, sa transformation en sucre. Enfin, l’ébullition de cette matière avec l'acide sulfurique étendu la transforme entièrement en glucose. Toutes ces propriétés sont bien celles du glycogène. Toutefois, comme certaines dextrines les possèdent également, nous avons voulu pousser plus avant l’étude de ce produit, en recourant, pour cela, aux procédés employés dans ces derniers temps par divers expé- rimentateurs ‘. Les recherches de O’Sullivan et celles plus récentes de MM. Mus- culus et de Mering ont démontré, comme on sait, que, contrairement à ce que l’on admettait généralement, lempois d’amidon, traité par la diastase animale ou végétale, ne donne pas simplement du glu- cose, mais un mélange de dextrines réductrices, de maltose et de glucose. Les deux derniers chimistes que nous avons nommés ont constaté, en outre, que le glycogène (amidon animal, CI. Bernard) se trans- forme sous l'influence du même ferment en les mêmes produits. Ainsi donc, le glycogène, soumis à l’action de la diastase, donne naissance, de même que l'empois d’amidon, aux trois corps suivants : dextrines réductrices, maltose et glucose. Il eût été intéressant de voir si notre matière glycogénique, traitée par le ferment diastasique, donnait les mêmes produits de dédouble- ment que le glycogène (du chien), examiné par les auteurs précités. Malheureusement, la quantité de matière dont nous disposions 1 O’SULLIVAN, Sur les produils de la transformation de l'amidon (Bulletin de la So- ciélé chimique, Paris, 1880, t. XXXII, p. 493-499). Muscuzus et GruBer, Sur l'amidon (Bulletin de la Société chimique, t. XXX, p. 54). Muscuzus et be MERING, De l'action de la diastase de la salive et du suc pancréa- tique sur l'amidon et sur le glycogène (id., t. XXI, p. 105-116). E. BourqueLor, Recherches expérimentales sur l'action des sucs digestifs des Cépha- lopodes sur les matières amylacées et sucrées, Paris, 1882, et Arch, de zoologie expéri- mentale, t. X. TÉGUMENTS DES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 957 était trop faible pour nous permettre de conduire à bien ces re- cherches ; il y avait, d’ailleurs, une autre manière de résoudre le pro- blème. En effet, si l’on traite par un excès de diastase et dans un excès de temps, c’est-à-dire de manière à parfaire l’action chimique, une cer- taine quantité de glycogène, on communique à cette matière, rela- tivement à la liqueur cupropotassique, un pouvoir réducteur qui ne variera qu'avec la quantité de glycogène et proportionnellement à cette matière. Ce pouvoir réducteur peut, d’ailleurs, être comparé à celui qu’au- rait acquis la même quantité de matière transformée totalement en glucose. Ce dernier pouvoir s’établira soit théoriquement, d’après l'équation de dédoublement du glycogène en glucose, soit, et mieux, en transformant totalement un poids donné de glycogène en glucose par l’action suffisamment prolongée de l’acide sulfurique étendu, comme l'ont fait M. Seegent, pour le glycogène des animaux, et M. Bourquelot?, pour l’amidon végétal. MM. Musculus et de Mering n’ont pas négligé ce côté de leurs re- cherches. Représentant par 100 le pouvoir réducteur fixe, c’est-à-dire celui qu'aurait acquis un certain poids de glycogène transformé to- talement en glucose, ils ont trouvé, pour le pouvoir réducteur d’un même poids de glycogène traité par la diastase animale, des chiffres compris entre 36 et 46. Nous avons soumis aux mêmes recherches ? la matière glycogène des Crustacés Décapodes, obtenue et purifiée comme on l’a dit précé- demment. Expérience I. — On traite 10 centigrammes de glycogène par 3 cen- timètres cubes de salive ; après quarante-huit heures de contact, l'examen du} produit avec la liqueur cupropotassique nous a donné, comme pouvoir réducteur, le chiffre de 33. Expérience 11. — M. Bourquelot ayant mis à notre disposition quel- ques décigrammes de ferment extrait du foie de Poulpe, nous avons traité 10 centigrammes de glycogène par 5 centigrammes de ce fer- 1 SEEGEN, Ueber die Unmondlung von Glycogen durch Speichel-und Pancreas ferment (Archiv. für die gesammte Physiologie von Flüger, t. XIX, pl. 106), 2 Em, BourQUuELoOT, loc. cit., p. 32. 3 Nous avons été aidé dans ces recherches par le concours bienveillant de notre excellent ami M. Em. Bourquelot, pharmacien en chef de la clinique d’accouche- ment, que nous prions de bien vouloir agréer ici nos remerciements, 58 ALEXANDRE-NICOLAS VITZOU. ment; après deux jours de contact, l'examen du produit nous à donné, comme pouvoir réducteur, le chiffre de 46. Cette deuxième expérience a son intérêt, puisque, comme on le sait, les Crabes constituent la nourriture ordinaire des Poulpes. Nous avons répété un grand nombre de fois ces expériences, et l'examen du produit nous a donné, comme pouvoir réducteur, des chiffres variant entre 33 et 46. Conclusions. — I] résulte des recherches qui viennent d’être expo- sées et de celles qui vont suivre que : 1° La matière blanche que l’on extrait, par les procédés indiqués, du foie, de la lymphe et des ovaires pendant la mue et à des époques éloignées, représente, par ses propriétés physiques et chimiques, le glycogène ; 2° Le glycogène des Crustacés est identique à celui des animaux supérieurs. CE Pour l’analyse qualitative du sucre renfermé dans le foie, nous nous sommes servi de la liqueur de Fehling. Le procédé employé était le suivant : on traite par l’eau bouillante le foie récemment extrait d’un Crustacé, on ajoute à la liqueur du noir animal destiné à retenir les matières albuminoïdes et les matières colorantes, et l’on filtre ensuite la liqueur hépatique. Le liquide clair ainsi obtenu est rassemblé dans une pipette gra- duée, D'autre part, on verse dans un tube de verre un centimètre cube de la liqueur bleue titrée, à laquelle on ajoute un peu d’eau distillée. On fait bouillir à la flamme d’une lampe à alcool ou d'un bec de gaz. Lorsquela liqueur bleue entre en ébullition, on verse goutte à goutte la solution sucrée jusqu'à décoloration complète. On peut juger de la quantité de sucre renfermé dans la solution en lisant le nombre de divisions de la burette graduée. Expérience 111, --26 mai 1881. On prépare une décoction hépati- que du foie de Platycarcinus pagurus de taille moyenne, la liqueur hépatique filtrée, après avoir passé sur du noir animal, est opalescente. On ajoute à cette liqueur environ deux tiers de son volume d’alcoo! à 90 degrés ; on a un abondant précipité floconneux blanc. Au moment de l'extraction du foie, on avait constaté que la nou- velle carapace était formée en partie, ce qui indiquait que l'animal se trouvait dans la période préparatoire de la mue, TÉGUMENTS DES CRUSTACÉS DÉCAPODES. | 8sy La liqueur alcoolique, examinée au point de vue du sucre, monire la présence d'une très petite quantité de cette matière. Expérience IV. — 30 mai. On prend le foie de deux Platycarcinus pagurus de petite taille. On fait bouillir un poids de quatorze gram- mes de foie mêlé avec de la lymphe ; la liqueur hépatique, décolo- rée par le noir animal lavé, et ensuite filtrée, est peu opalescente. Si l’on ajoute de l'alcool à 90 degrés, on obtient un précipité de ma- tière blanche. Expérience V. — 31 mai. Carcinus mœnas mou. La liqueur hépa- tique, préparée selon les procédés indiqués, est peu opalescente. Si l'on ajoute de l'alcool à 90 degrés, on n'obtient que le lendemain un petit précipité de matière blanche. Expérience VI. — 1% juin. On prend le foie de deux Carcinus mænas qui avaient mué depuis douze heures. On remarque les mêmes caractères pour la liqueur hépatique que dans l'expérience n° V, à savoir : liqueur peu opalescente ; l’alcool donne un précipité blanc très peu abondant. Expérience VII. — 9 juin. Carcinus mœnas avant la mue. La liqueur hépatique de deux foies du C'arcinus mœnas pris avant la mue est claire lorsqu'on l’a filtrée. L'analyse avec la liqueur de Fehling montre la présence du sucre. Expérience VIII. — 10 juin. Platycarcinus pagurus dépouillé de sa carapace depuis quelque temps; la nouvelle enveloppe n'était pas complètement consolidée. La liqueur hépatique, passée sur dunoir ani- mal et filtrée ensuite, est opalescente ; traitée par l'alcool à 90 degrés, elle dépose au fond de l’éprouvette, après quelque temps, une matière blanche en assez grande abondance pour être recueillie sur le filtre et séchée à l’étuve pour un examen ultérieur. Expérience IX. — 11 juin. On traite par l’eau bouillantele foie d’un Tourteau (Platycarcinus pagurus) de taille moyenne (les plus grands que l’on trouve à marée basse). La solution hépatique filtrée est c/aire ; avec l'alcool elle ne donne pas de précipité. La solution hépatique est analysée au point de vue du sucre: on voit qu'il faut verser jusqu’à 40 centimètres cubes de la liqueur sucrée pour décolorer un centimètre cube de la liqueur de Fehling. Expérience À. — 143 juin. On apporte de la grève deux Maëa squi- nado, un mâle et une femelle. On prend le foie de la femelle, qui pèse 16 grammes; on le fait bouillir dans 50 centimètres cu- bes d’eau. La liqueur hépatique après avoir été passée sur du noir 360 ALEXANDRE-NICOLAS VITZOU. animal et ensuite filtrée, donne 43 centimètres cubes d’un liquide clair. En traitant par l'alcool on n'obtient pas de précipité de glyco- gène. En l’examinant au point de vue du sucre, on voit dans une pre- mière analyse qu'il faut soixante-dix-sept divisions pour décolorer complètement un centimètre cube de la liqueur de Fehling. Dans une seconde analyse on doit verser jusqu’à quatre-vingts divi- sions pour la même quantité de liqueur de Fehling. Expérience XI. — 13 juin. Maïa squinado (mâle). On prend 17 grammes de foie que l’on jette dans l’eau bouillante; après deux filtrations sur du noir animal on obtient 45 centimètres cubes d’une liqueur parfaitement claire. En l’examinant au point de vue du su- cre, on voit dans une première analyse qu'il faut cent dix-sept divi- sions de la liqueur sucrée pour décolorer un centimètre cube de la liqueur de Fehling. Dans une seconde analyse il faut cent-dix divisions pour décolorer ja même quantité de la liqueur bleue. Expérience XII. — 14 juin. On apporte de la grève au laboratoire un grand Tourteau (Platycarcinus pagurus) et l'on procède immédia- tement à la recherche du glycogène et du sucre. La carapace de l'animal ne présentait pas la désarticulation du tergum d’avecles épimères, laquelle est un signe précurseur de la mue. Le foie est très volumineux et d’une couleur jaune orangée. On prend 8 grammes de foie, qui sont jetés dans l’eau bouillante; la liqueur hépatique est passée trois fois sur du noir animal et l’on obtient 46 centimètres cubes d’un liquide opalescent. Une partie de ce liquide est traitée par l’alcool à 90 degrés et l’on ob- tient un précipité floconneux blanc ; trois ou quatre heures suffisent pour que le précipité se dépose au fond de l’éprouvette sous la forme d'une matière blanche. On analyse ensuite le reste de la liqueur hépa- tique opalescente au point de vue de la présence du sucre et l’on voit qu'il faut trois cent dix divisions de la burette pour décolorer à peine 1 centimètre cube de liqueur bleue. Expérience XIII. — 15 juin. On prend 10 grammes de foie prove- nant de deux Tourteaux récemment apportés de la grève. Ces Tourteaux se trouvaient dans les mêmes conditions que celui de l'expérience X, c’est-à-dire à une période antérieure à Ja mue, La liqueur hépatique, passée trois fois sur du noir animal, devient opalescente ; on lui ajoute environ les deux tiers de son volume d'al- TÉGUMENTS DES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 901 cool à 90 degrés et l’on obtient un abondant précipité, qui se dépose au fond du vase sous la forme d’une matière blanche. Le précipité ainsi formé est en assez grande abondance pour être recueilli et étudié ultérieurement. Des analyses consignées dans les expériences IE, IV, V, VI, VIT, il résulte que le foie des Carcinus mœnas et des Platycarcinus pagurus dans la période préparatoire et pendant la mue, renferme du glyco- gène en plus ou moins grande abondance, tandis que le sucre est extrêmement rare. Il reste à comprendre l’absence du glycogène dans le foie des Cra- bes communs et des Crabes Tourteaux, consignée dans les expérien- ces VIT et IX. On observe le même fait dans les expériences X et XI sur deux Â/aia squinado. Ces animaux, au moment où nous faisions nos analyses, ne présen- taient aucun signe d’une mue prochaine. Cependant d’autres Crabes Tourteaux, se trouvant dans les mêmes conditions, c’est-à-dire sans présenter la désarticulation du tergum d’avec les épimères, ont montré la présence en abondance du glycogène dans leur foie et coïncidant avec l’absence presque complète du sucre. La présence du glycogène dans le foie des Tourteaux rapportés dans les expériences XII et XIII s'explique par ce fait, que ces ani- maux se trouvaient dans la période préparatoire de la mue; on voyait sous la carapace la nouvelle enveloppe en voie de formation. Ce qui est plus difficile à comprendre pour le moment, c’est l’absence du glycogène dans je foie des Haia squinado. I faut dire qu’à l’épo- que où nous faisions ces analyses on ne trouvait aucun Maïa en état de mue, tandis que les Crabes communs, les Crabes tourteaux, les Portunus puber se trouvaient en pleine période de la mue. Expérience XIV, — 19 juillet. Homard qui a mué dans la mali- née dans un grand aquarium du laboratoire. On prend 17 grammes de foie que l’on jette dans l’eau bouillante. Le liquide verdâtre est passé à plusieurs reprises sur du noir animal; on obtient ainsi un liquide opalescent donnant avec l'alcool à 90 degrés un précipité blanc très abondant, qui se dépose au fond du vase. L'étude ultérieure de ce précipité blanc nous a montré que c’était du glycogène. Une partie de la liqueur hépatique est analysée au point de vue du sucre ; il faut plus de 250 divisions pour décolorer 4 centimètre cube de la liqueur bleue. ARCH, DE OOOL, EXP. ET GÉN. — T, X, 18892, 36 862 ALEXANDRE-NICOLAS VITZOU. Il résulte de là que le glycogène est en abondance et le sucre en petite quantité pendant la mue. Expérience XV.—12 août. On prend le foie de deux Maia squinado (femelles), rapportés la veille de la baie de Pempoul; on les jette dans l’eau bouillante. Après avoir fait passer la liqueur hépatique, à plusieurs reprises, sur du noir animal à gros grains, on obtient un liquide érès opalescent, qui donne, avec l'alcool à 90 degrés, un pré- cipité extrémement abondant de matière blanche. Nous avons répété cette expérience un grand nombre de fois sur des Maïa qui ne s'étaient pas dépouillés de leurs enveloppes, et sur des Maïa qui se trouvaient pendant et après la mue, et dont la cara- pace n’était pourtant pas complètement durcie ; dans les deux cas, nous avons toujours trouvé le glycogène en très grande abondance dans le foie de ces animaux. | Nous avons profité de cetie circonstance pour nous procurer du glycogène en quantité suffisante pour en étudier ensuite les pro- priétés. Il nous faut dire quelques mots de la présence du glycogène en grande quantité dans le foie des Maïa. Dans le mois de juin, nous n’avons rencontré aucun Maïa qui ren- fermât dans son foie la substance blanche qu'un examen ultérieur nous à appris être du glycogène. La présence de cette substance dans le foie de ces animaux au mois d’août coïncidait avec la mue. Il était indifférent de prendre des animaux dont la carapace fût durcie ou molle ; on trouvait toujours le glycogène en grande quan- tité. Ce fait nous permet de comprendre la présence du glycogène dans le foie des Tourteaux consignés dans les expériences XII et XIII, lors- que leur carapace ne présentait encore aucune trace de désarticula- tion, c’est-à-dire aucun signe précurseur d'une mue prochaine. Si les Tourteaux renfermaient du glycogène en abondance dans le foie, c’est qu'ils se trouvaient dans la période préparatoire de la mue. Si, dans les expériences X et XI, les analyses ne nous ont pas fait voir la présence du glycogène dans le foie des Maïa vers le 13 juin et les jours précédents, c'est la preuve que ces animaux n'avaient pas en- core commencé à se préparer pour la mue, Nous avons fait un plus grand nombre d'examens du foie des Crustacés dans la période préparatoire et pendant la mue ; tous nous ont donné des résultats concordants, Ils obligent à admettre la TÉGUMENTS DES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 563 conclusion suivante : la présence du glycogène en grande quantité dans le foie des Crustacés coincide avec la mue de ces animaux. A ce point de vue, nos recherches sont confirmatives de celles de Claude Bernard sur le même sujet. Il se dégage de ces études une conclusion importante : depuis les travaux de Hoppe Seyler ‘ et Krukenberg* sur le foie des Crustacés, on admet que la glande en question serait un pancréas comparable jusqu’à un certain point au pancréas des Vertébrés. Sans entrer dans des détails étrangers à notre sujet, nous dirons que /a glande en question, outre d'autres fonctions qui lui ont été reconnues par les auteurs précités, possède aussi la propriété de produire du glycogène en grande abondance pendant la mue. Nous avons voulu nous assurer si la fonction glycogénique est limitée au foie ou bien si elle est diffuse et en ce cas comparable à ce qu’elle est chez les fœtus des mammifères et les embryons de pou- let (CI. Bernard) ; à cet effet, nous avons cherché le glycogène dans la lymphe et dans les autres tissus. Les examens de la lymphe des Homards, des Langoustes et des Maïa, au point de vue du glycogène dans la période préparatoire et pendant la mue, nous ont montré la présence de cette substance en moindre abondance que dans le foie. Les études histochimiques des téguments nous ont montré aussi la présence des granulations renfermées dans des cellules volumi- neuses dont nous avons précisé la place; les autres tissus, et en par- ticulier le tissu musculaire, en sont également imprégnés. Ceci nous amène à la conclusion que /a fonction glycogénique, chez les Crustacés, est diffuse et se présente dans les mêmes conditions qu'à l'état embryon- naire chez les Ruminants et le Poulet. Ce rapprochement que nous faisons, entre la condition physiologique de la mue et celle de l’état embryonnaire, est corroboré par ce que l’on sait de la constitution des nouvelles enveloppes : nous sommes donc autorisé à regarder le glycogène comme une matière de réserve organique ; comme telle, elle fournit des matériaux à la nutrition des tissus. 1 Hoppe SEYLER, Ueber Unterschiede im chemischen Bau und der Verdauung hühe= rer und niederer thiere (Arch. für die gesammte Physiologie de Plüger, Bd. XIV, 1877, p. 395). ? KRUKENBERG, Beilr. 3. Kenntniss der Verdauungsvorgänge et Zur Verdauung bei den Krebsen (Unters der Physiol, Instituts der Univ, Heidelberg, Bd, Il), 564 ALEXANDRE-NICOLAS VITZOU. Entrons dans le détail du phénomène : nous avons montré que dans la période préparatoire et pendant la mue les cellules cylin- driques de la couche chitinogène prennent un développement consi- dérable pour diminuer ensuite. Get accroissement des éléments, qui produisent par l’épaississement successif de leur paroi supérieure les nouvelles couches chitineuses, est en relation évidente avec l’ap- parition du glycogène. Quant à l’évolution ultérieure de cette matière glycogène, nous n’en savons rien de précis. Cependant, M. Schmidt (de Dorpat) et M. Berthelot ! ont montré que la chitine des Crustacés contient un principe appartenant au même groupe que la cellulose et le ligneux ; cette matière, sous l'influence de l’acide sulfurique, peut, comme le ligneux, se transformer en un corps analogue à la glucose. Claude Bernard? disait à ce propos : « Sans trop forcer la méta- phore, on pourrait dire que les Crustacés sont enveloppés d’une ca- rapace de bois. » La production du glycogène chez les Crustacés, dans la période qui précède la mue, est en rapport avec une alimentation suffisante. Nous avons remarqué le fait suivant : les Crabes qui se trouvaient dans le voisinage du port changeaient plus souvent de carapace que ceux qu'on trouvait à marée basse dans des endroits éloignés des villages. Les premiers étaient mieux nourris ; ils trouvaient en abon- dance dans le port les restes d’intestins des poissons jetés à la mer par les pêcheurs. Nous avons fait la contre-épreuve : nous avons mis dans un grand aquarium une trentaine de Crabes à qui l’on ne donnait de ration que tous les trois ou quatre Jours, l’eau étant constamment renou- velée. Pendant un mois et demi, nous n'avons eu aucun Crabe qui ait changé de carapace ; cependant à l’époque où nous faisions cette expérience, on trouvait à chaque instant à la marée basse des Crabes qui se dépouillaient de leurs enveloppes. Pour compléter notre étude de la fonction glycogénique, il fallait chercher le glycogène pendant l'hiver, à des époques éloignées de la mue et voir si l’on retrouverait ou non cette matière. 1 BenrneLor, Sur la transformation en sucre de la chiline et de la Tunicine (Journal de Physiologie, 1859, t, Il, p 577). 3 CI, Benxano, Leçons sur les phénomènes de la vie, 1879, t. II, p. 113, TÉGUMENTS DES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 565 À cet effet, nous avons examiné des Homards et des grands Tour- teaux vivants, que l’on trouve sur les marchés de Paris. Expérience X VI, 3 février 1882. — Homard vivant venant de Cher- bourg. On traite le foie par l’eau bouillante, on fait passer le liquide à plusieurs reprises sur du noir animal à gros grains et l’on obtient une liqueur hépatique opalescente ; on ajoute à cette liqueur environ deux tiers de son volume d’alcool à 90 degrés et l'on voit se former un précipité floconneux, qui se dépose au bout de quelques heures au fond du vase. L'étude ultérieure de cette substance purifiée des matières azotées par les procédés que nous avons mentionnés, nous a montré: la coloration rouge vineux avec l’iode, la transformation par l’action de la salive en un corps sucré réduisant la liqueur de Fehling et fermen- tant en présence de la levure de bière; nous sommes en droit de conclure que la substance blanche en question était du glycogène. Expérience XVII, 10 février. — Platycarcinus pagurus vivant, de grande taille, pris sur les marchés de Paris. On traite par l’eau bouillante d’un côté le foie et d’un autre côté les ovaires ; on obtient ainsi deux liqueurs qui, étant passées à plu- sieurs reprises sur du noir animal à gros grains, sont opalescentes. On ajoute à chaque liqueur environ deux tiers de son volume d'alcool à 90 degrés et l’on obtient pour chacune un préripité floconneux. Le précipité floconneux des deux liqueurs, hépatique et ovarique, se dépose au bout de quelque temps au fond du vase, sous la forme d'une matière blanche granuleuse ; il est en assez grande abondance pour être recueilli et étudié ensuite, A quoi faut-il attribuer la présence du glycogène dans le foie des Homards et des Tourteaux pendant l'hiver? Disons tout de suite que les animaux ne se trouvaient. pas dans la période préparatoire de la mue. L'examen des tissus nous a montré que les cellules de l’épithé- hum chitinogène n'étaient pas agrandies. On serait tenté d'expliquer la présence de cette matière par l’action du froid, qui rend inefficace l'action du ferment destructeur du gly- cogène ; on assimilerait alors cet état avec l'hibernalion des animaux supérieurs ; mais il n’est pas prouvé que les Crustacés hibernent. On sait que les animaux marins se déplacent à différentes époques en suivant les courants chauds, circonstance qui a précisément pour effet d'éviter l'hibernation, 566 ALEXANDRE-NICOLAS VITZOU. Pour éclairer la question, il fallait suivre les mêmes animaux à différentes époques. Nous avons donc repris les expériences au mois de mai, époque éloignée de la mue, pour les animaux en expé- rience. Expérience XVIII. — 10 mai. Palinurus vulgaris (Langouste) bien vivant, apporté des Halles. On traite le foie et les ovaires par la mé- thode ordinaire, et l’on trouve du glycogène en faible quantité. Expérience XIX. — 10 mai. On prend le foie et les ovaires de deux Maia squinado, et l'on trouve du glycogène. L'expérience, répétée le lendemain sur des Langoustes et des Maïa vivants, nous a donné les mêmes résultats. Quelle est la conclusion de ces expériences? On ne peut faire inter- venir, pour l'explication du phénomène, ni l’action du froid ni l’ap- proche de la mue. Nous avons appris que les Maïa ne se dépouillent pas de leurs enveloppes avant le commencement du mois d'août, et les Langoustes avant le commencement du mois de juillet. On ne constate non plus aucun caractère qui puisse indiquer que les ani- maux en expérience se seraient trouvés dans la période qui précède la mue. Peul-on accuser un état asphyxique ou demi asphyxique ? ces ani- maux étant tirés de la mer depuis environ trente-six à quarante-huit heures. Nous ne le croyons pas, pour la raison que les Crustacés, comme par exemple les Maïa, les Crabes Tourteaux, les Homards et les Langoustes, peuvent se conserver hors de l’eau assez longtemps, si l’on a soin de les maintenir dans des endroits humides; la dispo- sition spéciale de l’appareil respiratoire empêche la dessiccation ra- pide des branchies. L'asphyxie, d’ailleurs, aurait produit l'effet contraire, c’est-à-dire la disparition du glycogène et du sucre. A l'appui de cette as- sertion, nous pouvons citer l'expérience de Claude Bernard sur le foie de la Carpe ‘ en demi-asphyxie, qui ne contenait plus ni glyco- gène nisucre. Il nous semble plus naturel d'admettre un ralentissement dans la nutrition et dans l’usure du matériel organique, pendant l'hiver et au commencement du printemps ; le glycogène ne serait pas complè- tement utilisé. Nous avons tenté plusieurs expériences pour savoir si la propriété 1 CI, BEenNanD, Leçons sur les phénomènes de la vie, 1879, t. 11, p. 99. TÉGUMENTS DES CRUSTACÉS DÉCAPODES,. 067 de reproduction des tissus présentait la même intensité pendant la saison froide que pendant la belle saison. Nous avons enlevé une patte à plusieurs Ecrevisses au commencement du mois de novem- bre 1881. Après cinq mois d'attente, aucun néoplasme n'avait apparu à la place de la patte enlevée, si ce n’est une production membra- neuse arrêtant l'hémorrhagie. On sait pourtant que les Crustacés ont la faculté de reproduire les pattes enlevées ou cassées avec une grande rapidité. Cette reproduction n’a lieu que pendant l'été et à l'époque du changement des téguments. Durant notre séjour au laboratoire de Roscoff, nous avons eu l'oc- casion plus d’une fois de constater cette activité de reproduction des pattes. / Afin que l'expérience fût plus démonstrative, nous avons extrait de petits morceaux de la carapace; tout en conservant le tissu chiti- nogène sous-jacent; l'opération fut faite au mois de janvier sur plusieurs Ecrevisses ; on couvrait ensuite la plaie avec du collodion. Après trois mois d'attente, rien ne s’était formé à la place des parties enlevées. Le résultat négatif de toutes les expériences de ce genre prouve que la faculté de reproduction des téguments chez les Ecrevisses pendant la saison froide, est faible. Cette inmaction est en rappor avec un ralentissement dans le fonctionnement de l’organisme, causé par l’engourdissement des animaux; car s'il n’est pas démontré que les Crustacés marins hibernent, nous pouvons affirmer que les Ecre- visses hibernent réellement. Ces animaux, conservés dans des grands cristallisoirs, au milieu d’un courant d’eau continuellement renou- velée, restaient engourdis pendant plusieurs jours, lorsque la tempé- rature de l’eau était abaissée. Pour revenir à la matière glycogène, disons que sa disparition temporaire coïncide avec la plus grande activité organique qui pré- cède la période préparatoire de la mue, comme nous le démontrent les expériences VI, IX et XI. La présence du glycogène dans les tissus des Crustacés presque à toutes les époques, nous amène à généraliser la fonction glycogénique pour ces animaux, comme pour les animaux supérieurs. Claude Bernard, à la suite de ses expériences, avait conclu que « l'appareil glycogénique est, chez les Crustacés, un organe tempo- 568 ALEXANDRE-NICOLAS VITZOU. raire, embryonnaire, n'existant qu'à l'époque de la mue !. » Les faits que nous venons de rapporter montrent que cette fonction est plus générale qu’on ne le croyait. | Pendant la mue, la matière glycogénique est en plus grande abon- dance qu'à toute autre époque. Nous sommes donc en droit de la considérer comme une réserve organique qui sera utilisée pour les nouvelles formations. B. Matières de réserve inorganiques. A l’époque de la mue, lorsque le squelette tégumentaire va être rejeté, celui qui doit le remplacer est tout à fait mou. Cet état ne dure pas longtemps, car après trois ou quatre jours les nouvelles enveloppes commencent à durcir, et après ce temps elles sont tellement consistantes, qu'on hésiterait à affirmer si l’on se trouve ou non en présence d’un Crustacé qui vient de muer. Il était tout naturel de rechercher l’origine des matériaux employés à ce durcissement rapide des téguments. C’est à une époque relative- ment récente que la question a reçu quelque éclaircissement. On s’est aperçu que sur les parois latérales de la portion cardiaque de l'estomac de l’Ecrevisse il y avait deux masses discoïdes de nature calcaire (carbonates et phosphates); elles ont reçu le nom de pierres de l'estomac ou Gastrolithes (Huxley), ou yeux d'Ecrevisse. On a remarqué ensuite que l’apparition de ces productions calcu- res coïncide avec la mue. Geoffroy? et Réaumur* n’ont pas hésité à penser que les yeux d’'Ecrevisse, de concert avec les matériaux de l'estomac rejeté, servent de nourriture à l’animal pendant la mue. D’autres auteurs" n'ont attribué aucune signification à ces Gastro- lithes, parce qu'ils prétendaient avoir observé qu'ils sont expulsés par l’æsophage ou bien qu'ils sortent par une déchirure de la paroi 1 CI, BernarpD, Leçons sur les phénomènes de la vie, p. 113. Nota. C’est par erreur que l’on voit dans le texte : « Appareil glycogénique n’exis- sant que dans l'intervalle de deux mues. » C’est le contraire qui est vrai, comme on peut s’en assurer à la page 3, où l’auteur dit que, pendant ces intervalles (des mues , on n’y rencontre pas de matière glycogène. 2 GxxorrRoY, Observations sur les écrevisses de rivière (Mém. de l'Acad, des sciences, 1709, p. 309). 3 Réaumunr, Sur les diverses reproductions qui se font dans les Ecrevisses, etc, (Mém. de l'Acad. des sciences, 1712, p. 239). * BRANDT U, RATZEBURG, Medic. Zoologie, Bd, IT, p. 67. pro, PCT TÉGUMENTS DES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 069 externe de l'estomac et sont rejetés en dehors par les fentes branchia- les. Ce n'est que plus tard que l’on à appris le véritable rôle de ces masses discoïdales. Leur évolution coïncide avec la formation des téguments nouveaux; d’après Chantran ‘ elles commencent à se former environ quarante jours avant la mue, chez l'Ecrevisse âgée de quatre ans; pour les jeunes cet intervalle est beaucoup moindre. Ces Gastrolithes chez l’Ecrevisse se trouvent entre la couche de chitine et l’épithélium chitinogène. Il résulte des recherches de M. Max Braun*? sur leur mode de for- mation que ce sont des productions cuticulaires analogues aux téguments et présentant la même structure. Lorsque les Gastrolithes sont complètement développés, il se forme une nouvelle couche de chitine qui s’interpose entre eux et l'épithé- lium chitinogène. Lorsque arrive la mue, les Gastrolithes sont rejetés en même temps que l’armature gastrique, dans la cavité de l'estomac, où ils se dissolvent; ils passent ainsi dans la lymphe et de là dans les téguments chitineux pour les durcir. L'évolution et le rôle physiologique de ces Gastrolithes les font regarder comme une matiere de réserve inorganique, et à ce point de vue comparable avec les plaques phosphatées que l’on trouve dans les annexes du fœtus des Ruminants et dont la découverte est due à M. A. Dastre*. Chez le Homard on trouve aussi des productions semblables sur les parois de l’estomac entre la couche de chitine qui va être rejetée et la nouvelle paroi. Il faut remarquer que chez cet animal ces matières de réserve ne sont pas réunies en une masse discoïde comme chez l'Ecrevisse ; elles se présentent sous la forme de deux masses consti- tuées de petits bâtonnets oblongs, tronqués ; quelquefois les bâton- nets sont indépendants, d’autres fois ils sont reliés entre eux par un filament excessivement ténu ; après la mue on trouve dans la cavité de l’estomac un nombre considérable de ces productions séparées les unes des autres. 1 CHANTRAN, Observations sur la formation des pierres chez l'écrevisse (Comptes rendus de l’Acad. des sciences, 1874, p. 655). 2 Max BRAUN, Ueber die Hislologischen Vorgänge bei der [äuluna von Aslacus flu- viatilis (Arbeilen aus dem Zool.-Zoot., Institut in Würzburg, 1875, B. II, p. 144-148). 3 A. DasrTRe, Thèse de dociorat ès-sciences naturelles, 1876, p. 88-94 (Ann. des Sc, naturelles, 1876). : 570 ALEXANDRE-NICOLAS VITZOU. La résorption de ces matières a toujours lieu, à moins que l’ani- mal ne vienne à mourir dans l'intervalle, que l'absence de résorption soit d'ailleurs la cause ou l’effet des accidents auxquels l'animal suc- eombe. C'est ainsi que nous avons trouvé dans l’estomac d’un Ho- mard qui est mort le sixième jour après la mue une très grande quantité de ces petits corps de nature calcaire. En poursuivant nos recherches chez les autres Crustacés, nous avons été surpris de l’absence, pendant la mue, de ces productions calcaires. Chez les Brachyures que nous avons examinés, soit dans la pé- riode préparatoire, soit au moment même de la mue, nous n'avons jamais rencontré sur les parois de l’estomac rien d’analogue aux Gastrolithes des Ecrevisses et aux bâtonnets calcaires des Homards. Cependant nous voyons que le durcissement des téguments se pro- duisait rapidement après la mue, c’est-à-dire après quarante-huit à soixante heures. Chez les Waïa squinado la carapace met plus longtemps pour pren- dre la consistance habituelle et ce n’est qu'après huit à dix jours qu'elle est complètement durcie. Conclusion. 1] résulte de ces recherches que la matière de réserve inorganisée est accumulée danses parois latérales de la portion appe- lée improprement portion cardiaque de l'estomac, chez l'Ecrevisse et chez le Homard ; tandis que chez tous les Brachyures elle se trouve dans la lymphe de l'animal pendant la mue. TÉGUMENTS DES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 571 EXPLICATION DES PLANCHES, Les lettres suivantes sont les mêmes pour toutes les figures ; a, première couche, la cuficule. b, deuxième couche ou couche pigmentaire, c, troisième couche. d, quatrième couche. mb, membrane basilaire, s, Soie. cs, canal de la soie. n, noyau. n’, nucléoles. fm, faisceau musculaire. fs, fibre striée. z, conduit excréteur des glandes salivaire E, épithélium chitinogène. G, glandes salivaires. K, tissu conjonctif. gl, cellule renfermant des granu!ations glycogéniques. KI, colonnade de soutien. P, zone pigmentaire. PLANCHE XXIII. Structure des léyuments de l’Ecrevisse, du Tourteau, du Homard et du Portunus puber. Fic, 1. Coupetransversale de la couche chitineuse de la pince de l’Ecrevisse à des époques éloignées de la mue, montrant les lamelles qui constituent les différentes couches et les canalicules poreux qui les traversent perpendi- culairement. ocul. 1 3 : Gross. = - . ... Vérick, Chambre claire Nachet. objectif 7 2. Coupe transversale du bord postérieur du céphalo-thorax du Homard à des époques éloignées de la mue, montrant les quatre couches nette- ment ind'quées, les canalicules poreux et une soie avec son canal. Gross. — a, Vérick. Chambre claire Nachet. objectif 2 3. Coupe transversale de la carapace du Homard montrant les canalicules po- reux. So, espaces sombres très réfringents correspondant aux lamelles pa- rallèles qui constituent la carapace. CI, espaces clairs, moins réfringents, des mêmes lamelles. Gross. — Ro Lie Vérick. Chambre claire Nachet. objectif 7 4. Coupe transversale des parties latérales de l'abdomen du Portlunus puber quelque temps après la mue, lorsque les téguments ckitineux ne sont pas encore complètement calcifiés. En c et c’ on voit le commence- ment de formation de la iroisième couche chilineuse. s' représente une soie invaginée, v indique les espaces de séparation des prismes chi- tineux de la couche pigmentaire ; a’, b', c', E' représentent la répétition des couches tégumentaires à la partie inférieure. d12 ALEXANDRE-NICOLAS VITZOU. 5. Coupe transversale de la carapace du Tourteau quelque temps après la mue, qui montre le commencement de formation de la troisième couche chitineuse et les espaces g en forme de godet de la couche pigmentaire, pr, prolongements cuticulaires. 6. Coupe parallèle à la surface de la carapace du Carcinus mœnas à des épo- ques éloignées de la mue, montrant les contours prolygonaux des cellules qui forment la carapace; les perforations que l'on voit daus les contours hexagonaux indiquent la seclion transversale des canalicules poreux. ocul. 3 objectif 7 Gross. = Vérick. Chambre claire Nachet. PLANCHE XXIV. Structure des téguments externes et internes du Homarus vulgaris pendant la mue. Fic. 7 et 8. Représentent la coupe transversale du bord postérieur des épimères qui forment les parties latérales du céphalothorax couvrant les bran- chies, La fixure 7 représente la partie externe des téguments du Ho- mard immédiatement après le rejet des anciennes enveloppes; la figure 8 représente la partie interne du tégument replié (de la même prépara- tion). Les deux figures montrent les nouvelles couches de chiline, l’épi- thélium chitinogène extrêmement développé pendant la mue, et le tissu conjonctif formé de fibres et de cellules. gl, cellules du tissu conjonctif renfermant des granulalions glycogéniques. il dt , 1: Gross = pe ___- Vérick. Chambre claire Nachet. objectif 6 RE J 8. Gross. = ms Vérick. Chambre claire Nachet. objectif 2 9. Partie supérieure d'une coupe transversale des épimères du Homard quelque temps après la mue, montrant le commencement de formation ocul. 1 objectif 6 Vérick. Chanm- de la troisième couche chitir” "se. Gross. —= bre claire Nachet. 10. Coupe transversale d’un lobe de la nageoïire caudale du Homard immé- diatement après la mue; a’, b', E', c’est la répétition des couches de la partie supérieure, et ayant par conséquent la même signification. Xl, co- lonnade de soutien formée par le prolongement des cellules chiti- nogènes. 11. Section transversale de la paroi membraneuse de l'estomac du Homard au moment de la mue. 12, Coupe transversale de l’æœsophage vers le milieu de sa longueur, Homard ocu). 1 7 } mou, Gross. = ———— Vérick. Chambre claire Nachet. objectif 3 13. Coupe transversale d’une glande salivaire qui se trouve dans l'épaisseur du tissu conjonctif de l’œsophage. N, cellule conique de la glande. ocul. 1 Gross. = ———— Vérick. Chambre claire Nachet, chjectif 7 TÉGUMENTS DES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 573 PLANCHE XXV. Langouste, Homard, Xantho, Galatée, Tourteau. FiG. 14. Coupe transversale de la paroi de l’œsophage de la Langouste quelque temps après la mue, montrant les glandes salivaires G avec leurs con- duits excréteurs 3, qui traversent le tissu conjonctif, lépithélium chiti- nogène, la couche de chitine et la cuticule, pour s’ouvrir dans la cavité ocul. 3 objectif 2 15. Section transversale de la paroi de l’æœsophage du Homard mou, vers le milieu de sa longueur, montrant les conduits excréteurs des glandes sa- livai suni upes de quatre ou six. Gross A ro . DS EL ivaires réunis par group q objectif 2 digestive. Gross. = Vérick. Chambre claire Nachet. rick. Chambre claire Nachet. 16. Coupe transversale de la paroi de la portion renflèe de l'intestin terminal de la Langouste quelque temps après la mue. L, réunion de plusieurs glandes présentant un conduit excréteur commun. 17. Coupe transversale du bord postérieur du céphalothorax du Xantho im- ’ médiatement après le rejet des anciens téguments. s', les lignes de séparation de différents prismes chitineux de la carapace, correspondant aux intervalles intercellulaires. gl, cellules du tissu conjonctif renfer- mant des granulations glycogéniques. On voit dans cette préparation les faisceaux musculaires striés (fm) s’insérer directement à la mem- brane basilaire qui les sépare des cellules cylindriques de l’épithélium chitinogène. Gross, — vont Vérick. Chambre claire Nachet,. objectif 6 18. Section parallèle à la surface des téguments chitineux du Tourteau, à des époques éloignées de la mue, montrant les contours polygonaux N et les : ocul. 3 : coupes transversales des canalicules poreux {, Gross. = ——— Vé- objectif 7 rick. Chambre claire Nachet. £ 19. Section parallèle de la couche chitineuse de la portion renflée de l'intestin terminal du Maïa squinado immédiatement après la mue. p, proionge- ments cuticulaires dans le champ des contours polygonaux. Gross. = RE HE Vérick. Chambre claire Nachet. objectif 7 20. Carapace de la Galatea squammifera (Leach) immédiatement après la mue, s’, les lignes de séparation des prismes chitineux de la deuxième couche, correspondant aux intervalles intercellulaires de l’épithélium ocul. 1 chitinogène, Gross. = ——— Vérick. Chambre claire Nachet. objectif 6 PLANCHE XVI. Structure des téguments exlernes el internes de l’Ecrevisse (Astacus flnviatilis) dans la période préparatoire de la mue, et des téquments exlernes de la Galatée aprés la mue. Fia. 21. Coupe transversale du bord postérieur des épimères qui forment la partie latérale du céphalothorax couvrant les branchies et que l'on nomme 574 ALEKANDRE-NICOLAS VITZOU. aussi branchiostegile (Huxley) ; b représente ia partie inférieure de la nouvelle couche chitineuse et dans laquelle on aperçoit les lignes s’ correspondant aux intervalles cellulaires de lépithélium chitinogène. Gross. — CRUE RR £ Vérick. Chambre claire Nachet. objectif 7 22, Coupe transversale de la paroi de l’œsophage du mème animal avant la mue : a, cuticule; b, couche de chitine ancienne; ce, nouvelle couche chitineuse séparée de l’ancienne par une sorte de prolongements chiti- neux dirigés dans toutes les directions. Sr, stries parallèles au diamètre ne : ocul. 1 - ‘longitudinal des cellules chitinogènes. Gross. = —————— Vérick. objec‘if 7 Chambre claire Nachet. 23. Mème coupe transversale que dans la figure 21, dans les endroits où la couche de chitine est moins développée. On voit dans cette prépara- tion que la couche épithéliale forme de distance en distance les colonnades de soutien Xl; entre les colonnades, cette couche n'est représentée que par le protoplasma granuleux renfermant des noyaux. ocul. 3 Gross. = - ,——— Vérick. Chambre claire Nachet. objectif 2 4 û An À ocul. 3 : 24. Même coupe transversale que dans la figure 23. Gross. = objectif 6 é- rick. Chambre claire Nachet. 25, Section transversale de la portion renflée de l'intestin terminal de l’Ecre- visse; p, prolongements cuticulaires réunis en groupes de deux, trois ou quatre, et chaque groupe correspondant à une cellule chitinogène. Grosses ta te, Vérick. Chambre claire Nachet. objectif 7 26. Coupe transversale d’un branchiostégite représentant, à la partie inférieure, la répétition des éléments de la partie;supérieure et montrant les colon- nades de soutien KI, qui les réunit. Gross. — PEL: L: = Vérick. Cham- objectif 2 bre claire Nachet. 27. Section transversale de la carapace molle de la Galatée. s', lignes de sé- paration des prismes pr. Chaque prisme chitineux correspond à une ocul. 1 cellule chitinogène. Gross. = —— Vérick.Chambreclaire Nachet, objectif 6 PLANCHE XXVIL. Structure des téguments exlernes et internes du Tourteau (Platycarcinus pagurus), et du Crabe commun (Carcinus mœnas\ pendant la mue. F1G. 28. Coupe transversale de la carapace molle du Plaltycarcinus pagurus. p, pro- longements cuticulaires; gl, cellules arrondies renfermant des granula- tions glycogéniques. 29, Figure demi-schématique représentant la coupe transversale d’un repli de l’æsophage du Tourteau mou. Le tissu conjonctif K est traversé par de fibres striées (fs) qui s'insèrent à la membrane basilaire (mb). Au mi= lieu du tissu conjonctif on trouve les glandes salivaires G, dont les con- duits excréteurs (3) traversent l’épithélium chitinogène E, la couche de TÉGUMENTS DES CRUSTACÉS DÉCAPODES. 575 chitine (b) et la cuticule (a), pour s'ouvrir dans la cavité digestive ; fm, 2 ocul. 1 2 faisceau musculaire longitudinal. Gross. = ———— Vérick. Chambre chjectif 1 claire Nachet. 30, Coupe transversale comme dans la figure 29, vue à un plus fort grossisse- ment. Gross. = À A à Vérick. Chambre claire Nachet. objectif 2 31. Section transversale de la paroi membraneuse .de l’estomac du Carcinus ocul. 1! mœnas immédiatement après la mue. Gross. = ——— Vérick. objectif 7 Chambre claire Nachet. 32. Section transversale de la carapace du Carcinus mœnas immédiate- ment après la mue. Au milieu du tissu conjonctif (K) on voit de grandes cellules (gl) renfermant des granulations glycogéniques. Gross. = sn : Vérick. Chambre claire Nachet. objectif 6 33. Coupe transversale des téguments de la patte du Carcinus mœnas immé- diatement après la mue. On voit dans la couche de chitine (b) les prismes (pr) correspondant aux cellules chitinogènes desquelles ils pro- viennent par l’épaississement successif de la paroi supérieure. s", les ocul. 1 objectif 7 71 espaces de séparation des prismes chitineux. Gross. = rick, Chambre claire Nachet, PLANCHE XVIII. Structure des téguments externes et internes du Maïa squinado, immédialement après la mue. Fic. 34 et 35. Représente la coupe transversale de la carapace molle couvrant les branchies. 34. Partie externe du tégument. Les couches de chitine ne sont pas encore - PER 2 ocul. 1 : formées à l’extérieur au moment de la mue. Gross. = ———— Vé- objectif 6 rick. Chambre claire Nachet. 35. La partie interne du tégument replié et couvrant les branchies. a’, la cu- ticule; b’, la deuxième couche de chitine; E", épithélium chitinogène ; v, section transversale d’un vaisseau qui se trouve au milieu du tissu conjonctif K. Gross. — ALL Ca - Vérick. Chambre claire Nachet. objectif 3 86, Coupetransversale de la paroi de la portion renflée de l'intestin terminal du Maïa squinado immédiatement après la mue. pr, prismes de chitine;s", les lignes de séparation des prismes chitineux correspondant aux inter- valles des cellules chitinogènes ; p, prolongements cuticulaires réunis par groupe de deux ou trois et correspondant à chaque cellule de l’épithé- ocul. 1 objectif 7 #7. Coupe transversale de la paroi de l’œsophage du même animal, immédia- tement après la mue, montrant une glande salivaire (G), formée par Ja lium chitinogène, Gross, = Vérick. Chambre claire Nachet, 516 ALEXANDRE-NICOLAS VITZOU. réunion de plusieurs glandes et présentant toutes un conduit excréteur Lo commun (3). Gross. = TT _ Vérick. Chambre claire Nachet. objectif 2 38. Même coupe transversale, comme dans la figure 36, dans des endroits où les éléments sont plus développés (la préparation étant montée dans la glycérine étendue d’eau). Les lettres ont la même signification que dans ocul. 4 la figure 36. Gross. — LS Vérick. Chambre claire Nachet. objectif 7 39. Section transversale de la paroi membraneuse de l'estomac du même : ; he N ; LA animal immédiatement après la mue. Gross. = Re objectif 2 Chambre claire Nachet. DÉVELOPPEMENT DES SPERMATOZOIDES DANS LA MÉDUSE CASSIOPEA BORBONICA PAR C. DE MÉREJKOWSKY (PI. XXIX B, fig. 14-20.) Les organes génitaux mâles de Cassiopea et de Rhizostoma, dont nous ne dirons que deux mots avant de parler du développement des spermatozoïdes, ont dans leur structure microscopique des ana- logies avec ce qui à été décrit, il y a quelques années, par les frères Hertwig! pour la Pelagia noctiluca, quoique, en même temps, ils en diffèrent sensiblement sous certains rapports. Voici en quelques mots ces ressemblances et ces distinctions. Les spermatozoïdes se développent, dans la Cassiopea borbonica qu'on rencontre assez fréquemment dans le golfe de Naples où nous l’avons observée, dans l'intérieur des follicules qui se forment aux dépens de l’endoderme des sinus génitaux, absolument comme l’ont démontré MM. Hertwig pour la Pelagia ?. Nous représentons sur la figure 44 de la planche XXIX B une par- tie de la couche endodermique avec deux de ces follicules (A et B) d'âge différent. On voit d’abord une couche de cellules assez plates, au- dessus de laquelle se trouvent les sinus génitaux, dans lesquels les produits génitaux arrivés à leur maturité seront rejetés. Au- dessous de cette couche, et adhérents à elle, se développent, aux dé- pens de ces cellules, des follicules globulaires d’abord (B) et très petits, ovales ensuite (A), et augmentant énormément en volume, de sorte que le follicule adulte (A) surpasse de plusieurs fois en volume les plus jeunes que nous avons observés. 1 0. et R. HerTwiG, Die Aclinien, Jena, 1879, p. 145. HOBIC., pr1531 ARCH, DE ZOOL. EXP, ETGEN. —= T. X. 4882. 35 578 C. DE MÉREJKOWSKY. Primitivement, les jeunes follicules constituent des sphères avec une cavité et sans ouverture aucune qui fasse communiquer cette cavité avec les sinus génitaux; mais, plus tard, à l’époque où les spermatozoïdes acquièrent leur développement complet, il se forme une ouverture à l'endroit où Île follicule adhère à la couche endo- dermique qui lui a donné naissance. Il s'établit alors une communi- cation entre la cayité du follicule et le sinus génital (fig. 44, À, a), qui permet aux spermatozoïdes mûrs de s’introduire dans ce sinus. Si on compare cette organisation avec celle qui a été décrite par les frères Hertwig pour la Pelagia, on constate une grande analogie avec les follicules très jeunes de cette dernière, tandis que sur l’adulte les distinctions s’accentuent considérablement. Ainsi, en comparant notre figure 14 avec les figures 2 et 3 de la planche IX de l'ouvrage cité plus haut, on reconnaît de suite que les jeunes follicules (K), qui y sont représentés, ont une ressemblance frappante avec les nôtres ; dans la figure 3, k, ce follicule a également la forme ovalaire et est également constitué par des cellules plus grandes que celles de la couche endodermique (e»x”) qui lui a donné naissance, et il n'y a pas jusqu’à l’ouverture qui fait communiquer sa cavité avec la cavité du sinus génital qui lui fasse défaut. Seulement, sur cette figure, nous avons affaire à un follicule très jeune encore, qui ne contient pas de trace de spermatozoïdes, tandis que dans la nôtre (fig. 14, A) le follicule est tout rempli de spermatozoïdes mûrs qui, en partie, commencent à sortir de l’organe où ils ont pris naissance pour s'in- troduire dans le sinus génital. C'est donc la fin du développement dans Cassiopea qui correspond au début dans Pelagia. Et plus les follicules de Pelagia avancent en développement, plus ils se distinguent de ceux de Cassiopea. Is se transforment, d'après les frères Hertwig, en longs sacs de forme irrégulière, avec des ra- mifications tortueuses qui s’entrelacent et forment un tout indéchif- frable. (Voir pl. IX, fig. 4 et 6, de l'ouvrage de MM. Hertwig.) Les fol- licules de Cassiopea, au contraire, restent toujours simples et ovoïdes, et se détachent facilement, quand ils sont mûrs, de leurs parois endo- dermiques lorsqu'on dissèque un animal. Tout ce que nous venons de dire se rapporte aussi bien au genre Cassiopea qu'au genre Ahizostoma, à cette différence près, que les follicules de cette dernière Méduse sont plus allongés et plutôt py- riformes qu'ovoides. Sur la figure 48, nous avons présenté, sous un grossissement beaucoup moins considérable, un pareil follicule DÉVELOPPEMENT DES SPERMATOZOIDES DANS LA MÉDUSE. 579 adhérent à la couche endodermique, de laquelle il a pris naissance(c). Le follicule étant déjà mûr et tout rempli de spermatozoïdes bien développés, il s’est formé une ouverture, par laquelle certains d’en- tre eux ressortent déjà, toujours la queue en avant. Nous croyons bien probable que les follicules de Pelagia, aussi tortueux qu'ils soient, pourraient former également une ouverture à l’époque de la maturité, par laquelle les spermatozoïdes auraient pu sortir, et si les frères Hertwig ne sont pas parvenus à découvrir ces ouvertures, ce serait peut-être grâce aux difficultés que présente la forme si irrégulière de ces follicules dans le genre Pelagia. En cas que notre prévision se justfierait, il y aurait une analogie de plus entre les organes génitaux de ces deux Méduses. Passant maintenant au développement même des spermatozoïdes, nous avons d’abord à les décrire tels qu'ils se présentent dans leur état définitif. La figure 19 de la planche XXIX B nous en donne une idée ; il y a deux parties à distinguer, la tête qui est très allongée, très mince, arrondie à son extrémité antérieure et élargie un peu vers l'extrémité postérieure, et puis la queue. Rien qui pourrait être rap- porté à une partie moyenne. Mais tel nous apparaît le spermatozoïde quand on l’observe dans l’état vivant; si on le traite au moyen de carmin boraté, on voit fa- cilement que la tête qui apparaissait uniforme partout est consti- tuée par deux parties à peu près égales qui se distinguent par la différente action de la matière colorante sur chacune d'elles. Tandis que la moitié antérieure est fortement colorée en rouge, la partie postérieure est restée entièrement incolore (fig. 20, n et o). Le même résultat est obtenu par le traitement avec l'acide acétique suivi par la coloration ; seulement ici, la partie antérieure, sous l'influence de l'acide, se gonfle et devient presque globulaire, tout en se colorant en rouge, landis que la moitié inférieure reste à la fois cylindrique et incolore (pl. XXIX B, fig. 20, p). Nous verrons tout à l'heure quelle est la valeur de chacune de ces deux moitiés. Les spermatozoïdes, avons-nous dit, se développent dans des fol- licules formés par des cellules endodermiques. Le premier phéno- mène qu'on observe dans un follicule, c’est un dédoublement de la paroi qui le constitue. Sur la figure 45 de la planche XXX B, nous re- présentons une partie de cette paroi à couche double, dont la cou- che interne se transforme en spermatozoïdes, tandis que l’extérieure reste pour former le follicule. Déjà les follicules très jeunes nous ont 580 C. DE MÉREJKOWSKY. présenté la couche interne couverte par des cils vibratiles que nous considérons comme étant les premiers rudiments des queues des spermatozoïdes. Pour bien pouvoir suivre les différentes évolutions que subissent les cellules de la couche intérieure avant d'arriver dé- finitivement à un spermatozoïde mûr, nous avons dû recourir au procédé de la dissociation ; nous avons employé la méthode des frères Hertwig, qui consiste dans l’action sur le tissu d’abord d’une solution extrêmement faible d'acide osmique mélangé d'acide acé- tique, qui consolide un peu les éléments histologiques, puis nous avons laissé les tissus ainsi traités dans l'acide acétique très dilué pendant douze à vingt-quatre heures, et enfin, comme coloration, nous avons employé le carmin boraté. Les tissus, ainsi traités, se désagrègent facilement en éléments - au moyen d'une aiguille, ou même sous l'influence de petits coups répétés portés sur le verre couvre-objet, sous lequel l'objet est placé. On constate d’abord, dans les follicules les plus jeunes, des cellules très grandes avec un grand nucléus au milieu et sans aucune trace de cil ou de vestige de la queue (fig. 20, a); puis ces cellules, à mesure qu'on étudie des follicules plus avancés en développement en se divisant (fig. 20, 4, c), deviennent de plus en plus petites, ainsi que leur nucléus, qui, à cette époque, est toujours rond. À un mo: ment donné, à un endroit de la cellale, apparaît un cil qui devient de plus en plus long, pour se développer ensuite en queue du spermatozoïde (fig. 20, d). Dans cette période, les cellules restent encore en contact entre elles et avec la paroi du follicule, de sorte qu’on obtient le tableau que nous présente la figure 14, B, où toute la surface interne du follicule est recouverte par une grande quantité de cils, vibrant avec beaucoup d'intensité. Ce n’est que par le procédé de dissociation qu'on parvient à isoler les éléments, tels qu'ils sont figurés dans la figure 20, d. Plus tard, la couche in- térieure de la paroi du folicule se détache par lambeaux qui, au moyen de leurs cils, se meuvent à l'intérieur du follicule, en se con- tournant sur eux-mêmes. Les follicules dans ce stade de développe- ment sont parfois tout remplis de ces lambeaux de cellules vibratiles et se distinguent par cela, sans parler de leur volume plus grand des follicules plus jeunes qui n'ont encore rien à leur intérieur, excepté les cils, tous dirigés vers le centre (fig. 14, B). Les amas de cellules détachés des parois internes des follicules sont de grandeur et de forme très variable, et comme les cellules DÉVELOPPEMENT DES SPERMATOZOIDES DANS LA MEÉDUSE. 581 qui les constituent continuent à se diviser et à se subdiviser, il ar- rive que ces lambeaux primitivement en forme de plaque s'enrou- lent, leurs bords s'infléchissent, et il se produit des amas excessive- ment curieux, creux à l'intérieur, affectant des formes de blastula, de cylindre, quelquefois très longs et tortueux, tous se mouvant avec plus ou moins de vitesse. La coupe optique d’un pareil amas, traité par l'acide osmique et coloré par le carmin boraté, se trouve repré- sentée sur la figure 47 de la planche XXIX B. Les cellules qui le con- stituent ont chacune un nucléus et un cil vibratile ; plus tard, les cellules, se divisant toujours, deviennent de plus en plus petites, ces amas se désagrègent en plus petits amas, et on obtient définiti- vement l’aspect de l’intérieur d’un follicule, tel qu'il est représenté sur la figure 44, A. Enfin, chaque spermatozoïde devient libre, et par l'ouverture, située en haut (a), s'en va dans le sinus génital. Un groupe de spermatozoïdes déjà mürs nous est représenté sur la figure 16. Les têtes sont réunies ordinairement en une petite plaque (a), de laquelle se dirigent, de deux côtés, deux faisceaux de queues qui se réunissent ordinairement à leur extrémité — particu- larité pour laquelle nous ne saurions pas trouver d'explication satis- faisante. Il est certain, néanmoins, qu'il n'existe pas de cellules à cet endroit. Revenons aux spermatozoïdes isolés par la dissociation; la figure 20, d, en se divisant, produit des cellules plus petites encore, avec un nucléus qui n’est plus que le tiers ou le quart de ce qu'il était dès le début (fig. 20, e); mais il devient bien plus petit encore par ses divisions répétées, et se dirige en même temps vers l’extré- mité antérieure du jeune spermatozoïde (fig. 20, f, g) ; le grossisse- ment pour ces figures, ainsi que pour toutes les suivantes, est beau- coup plus considérable que pour les précédentes. Dans la figure 20, 4, nous voyons déjà un changement de forme du nucléus. La tête du jeune spermatozoïde est, à cette époque, si petite, que, même à l’aide d’un système à immersion, il n’est pas facile de constater les changements qui s'y produisent, à mesure que le développement avance. Le carmin boraté nous est ici d’une grande utilité ; en co- lorant d'un rouge vif le nucléus, il laisse presque incolore la partie protoplasmatique, dans laquelle ce dernier est disposé. C'est ainsi que nous constatons que ce nucléus, qui, jusqu'ici, était globuleux et devient ensuite, comme nous l'avons dit, plus allongé, se courbe presque en un demi-cerclé, et un bout de l'arc qu'il forme se dirige 82 C. DE MÉREJKOWSKY. vers l'extrémité antérieure de la cellule (fig. 20, 2); c'est à cet endroit qu'ensuite ce nucléus, qui reprend peu à peu de nouveau sa forme rectiligne, fait saillie, en entraînant avec lui le protoplasme de la cellule. La future tête du spermatozoïde s’allonge à cause de cela, acquiert de plus en plus une forme de fuseau, dont le bout antérieur est occupé par le nucléus et le bout postérieur par le protoplasme seul, resté presque incolore, comme nous l'avons dit (fig. 20, 7, k, £, m). Il ne reste plus à la tête que de poursuivre cet allongement, cet effilement pour arriver au stade définitif (fig. 20, », o) que nous avons déjà décrit. Ainsi, le spermatozoïde, qui sur le vivant ne paraissait être consti- tué que par deux parties, se décompose en trois quand on l’étudie au moyen de méthodes de coloration. Ces trois sont : le bout de la tête, ou sa moitié antérieure, composée par le nucléus ; la moitié postérieure de la tête, représentant une partie du protoplasme de la cellule primitive ; et enfin la queue, développée aux dépens d’une autre partie de ce même protoplasme. Dans l'acte de la fécondation, c’est donc le nucléus qui pénètre le premier dans l’œuf. re EXPLICATION DES PLANCHES. (PI. XXIX B, fig. 14-90.) Fi. 14. Cassiopea borbonica. Deux follicules dont l’un (B) est encore jeune et l'autre (A) adulte; a, ouverture qui fait communiquer Ja cavité du fol- Jicule avec le sinus génital; b, un petit amas de spermalozoïdes dont les têtes sont unies en une plaque. Coupe optique d’après le vivant. 15. Paroi d’un jeune follicule à double couche de cellules, dont l’interne ser- vira au développement des spermatozoïdes. 16. Un groupe de spermatozoïdes réunis encore par leurs têtes (a) et le bout de leur queue. 17. Un amas de spermatozoïdes très jeunes encore, formant un cylindre creux ; coupe optique. 18, Rhizostoma Cuvieri. Un follicule mûr; e, couche erdodermique à laquelle il adhère et aux dépens de laquelle il se développe ; 4, paroi du follicule ; b, couche formée par les têtes des spermatozoïdes qui dans cette Mé- duse restent réunis sans former de ces amas nageant librement, comme dans le genre Cassiopea. 19. Cassiopea borbonica. Spermatozoïdes mûrs, d’après le vivant. 20. a-0, divers stades de développement des spermatozoïdes depuis une cel- lule grande et ronde (a) jusqu'au spermatozoïde mûr (n, 0), dans lequel on peut distinguer trois parties. Le nucléus est représenté plus foncé que le reste, traité par l'acide osmique et le carmin boraté; p, sperma- tozoïde mûr dont la partie antérieure (nucléus) s’est dilatée sous l'ac- tion de l'acide acétique. STRUCTURE ET DÉVELOPPEMENT DES NÉMATOPHORES CHEZ LES HYDROIDES PAR C. DE MÉREJKOWSKY PI''XXIX À et XXIX DB, 1 à 13. HISTORIQUE. Il existe chez certains Hydroïdes, à côté des polypes ou hydranthes, de singuliers appendices du cænosarque, auxquels M. Busk! à donné le nom de nématophores. Déjà Huxley, dans un travail sur lanatomie et les affinités des Méduses ?, décrivit des nématophores apparte- nant aux corubules ou organes génitaux d’une Plumularide exotique ; mais ce n'est qu'en 1864 qu'Allman * les a étudiés sur l'animal vi- vant et à pu ainsi arriver à une découverte qui, si elle était vraie, aurait une grande signification pour la biologie. Allman a étudié deux espèces d'Hydroïdes, Aglaophenia pluma et Antennularia anten- nina, et voici ce qu'il a pu observer : « Le contenu du nématophore, dit-il (/. c., p. 20), est formé par une substance granuleuse qui communique à sa partie inférieure avecl'ectoderme du cœnosarque.» A travers ung ouverture établissant une communication du calice du polype avec le calice du nématophore, « la masse granuleuse et molle, qui remplit le calice du nématophore, a le pouvoir d'émettre de longues excroissances qui entrent à l’intérieur de l’hydrothèque. 1 Busx, Hunterian Lectures (M. S.) delivered at the Royal Colledge of Surgeons, London, 1857. 2 HuxLey, On the Anatomy and Affinilies of the Medusæ (Philosophical Transac- tions, 1849, p. 427). 3 ALLMAN, On the occurence of Amæbiform protoplasm and the emission of Pseudo- podia among the Hydroida (Annals and Magaz. of Natural History, march 1864, p. 208). Voir aussi Allman, Report on (he reproductive system of the Hydroida, dans 455. Rep. pour l’année 1863, 84 C. DE MÉREJKOWSKY. Ges excroissances consistent en une matière finement granuleuse, changeant continuellement de forme, apparaissant tantôt sous forme de larges lobes, tantôt en forme de massues, devenant ensuite plus minces et cylindriques, enfin irrégulièrement divisées en branches ; d’autres fois, ces excroissances peuvent êtreentièrement retirées sans laisser de trace de leur existence. Bref, elles se comportent, sous tous les rapports, exactement comme les pseudopodes d’une Amibe, à laquelle elles ressemblent également par leur structure, car elles ne sont composées que de simple protoplasme avec des granulations contenues dans une substance demi-liquide hyaline et transparente. « Il paraît donc, ajoute Allman, que le contenu des nématophores dans Aglaophenia n’est autre chose qu'un véritable sarcode ou pro- toplasme qui, à l’exception de ce fait qu'il contient un paquet de nématocystes, ne diffère en rien de ce qui constitue le corps d'une Amibe. » Les mêmes excroissances contractiles composées de pro- toplasme non organisé se retrouvent, d'après Allman, dans Anfen- nularia antennina, et il attribue cette particularité à toute la famille des Plumularudaæ. Hincks ‘ confirme les observations d'Allman, et y ajoute les siennes propres,concernantlesespèces Plumularia setaceael Plumularia frutes- cens.« Sur un jeune exemplaire de cette dernière espèce, dit-1l (p. xvin), les nématocystes étaient dans un état d'activité très intense; ils envoyaient de longs filaments qui se dirigeaient les uns en haut, les autres en bas, en se collant aux branches, de sorte que le zoophyte se trouvait entièrement enveloppé par une quantité de ces fila- ments. » M. Hincks partage avec Allman la manière de considérer ces filaments comme étant de nature protoplasmatique; il croit même que non seulement le contenu des nématophores, mais encore tout l'ectoderme « est d'une structure homogène des plus simples : c’est une substance contractile sans aucune structure et pareille à du sarcode ». Enfin, en 1871, dans sa Monographie des Hydroides tubulariens, Allman reprend la question des nématophores et expose ses obser- vations ultérieures sans y ajouter beaucoup de nouveau *. « La substance, dit-il, qui remplit les calyces chitineux des nématophores, est formée par une matière demi-fluide et transparente, contenant U Hincxs, À History of the British Hydroide Zoophytes, London, 1868, vol. [, p. xvr. 2? ALLMax, À Monograph of the Gymnoblastic or Tubularian Hydroids, 1871, Lou- don, D: ll. DÉVELOPPEMENT DES NÉMATOPHORES CHEZ LES HYDROIDES. 585 des granules et souvent encore des nématocystes, mais sans la moindre trace de structure. Cette matière ne diffère absolument pas de la matière sarcodique dont est formé le corps des Rhizopodes, et peut, comme celle-ci, émettre des pseudopodes. » Quant à la nature de ces organes, à leur rôle et leur valeur mor- phologique, Allman ‘ croit qu'on doit leur attribuer la signification d'organes de défense. Mais Hincks ? fait remarquer que les némato- cystes sont toujours renfermées dans le calyce et ne sont jamais entraînées en dehors par les pseudopodes; quelquefois même, les nématophores ne mériteraient pas leur nom, étant entièrement dé- pourvus de nématocystes, ce qui, disons-le en passant, n'est pas exact, comme nous allons le voir. M. Hincks croit, par conséquent, plutôt pouvoir attribuer à ces organes un rôle dans la nutrition de la colonie *. Il STRUCTURE DES NÉMATOPHORES. Passons maintenant aux observations propres que j'ai faites en étudiant ces organes, lors de mon séjour à Naplès, en automne 1881. Je les ai étudiés sous le rapport de la structure et du développement dans plusieurs représentants de la famille des Plumularudæ, comme Aglaophenia pluma, et une autre espèce du même genre que je n'ai pas pu déterminer, et qui peut-être formera une nouvelle espèce, ensuite Plumularia halecioides, Antennularia antennina et Antennu- laria ramosa. Gomme la structure des nématophores est très diffé- rente dans ces différents genres et que même dans leur développe- ment ils présentent deux types entièrement distincts, nous allons les décrire séparément et commencerons par le genre Aglaophenia. 1 Annals a. Magaz. Natur. History, 1864. OPA; p'xix. > Lorsque ces lignes étaient déjà écrites et le jour de mon départ de Naples, M. le professeur Weïissmann a bien voulu me donner un petit et très intéressant tra- vail sur certains points de l'anatomie d’un Hydroïde (Eudendrium racemosum), dans lequel, en passant, il fait remarquer qu’il a également étudié la structure des né- matophores et est arrivé, comme moi, à des résultats contradictoires à ceux des observateurs antérieurs qui se sont occupés de la question. Je suis content de voir ainsi les résultats des recherches de M. Weissmann et les miens se confirmer mu- tueillement. Voir Weis.mann, Ueber eigenthümliche Organe Lei Eudendrium racemo- sun (iltheil. aus d. zool. Stat. zu Neapel, t. LIT). FE 986 C. DE MÉREJKOWSKY. 4. Aglaophenia. — Les nématophores entièrement développés sont dans cet Hydroïde au nombre de trois, appartenant à chaque indi- vidu ou Polype, dont l’un est placé au-devant du Polype, au niveau de son calyce et dans le plan médian (pl. XXIX A, fig. 3, e, o) etles deux autres (fig. 3, b), un peu au-dessus du Polype du côté opposé, c’est- à-dire près de la tige commune et des deux côtés du plan médian. Le premier {ainsi que les deux autres) se compose d'une matière organique, du sarcode, comme le supposaient Hincks et Allman, et se trouve être renfermé dans un petit calyce cylindrique qui n'est qu'un appendice du grand calyce, dans lequel se trouve le Polype ; il y a une ouverture à l’extrémité de ce calice (fig. 3, o), et cette ouverture se prolonge en fente sur le bord intérieur. Seul le bout du nématophore ou son calyce est libre, le reste est soudé à l’'hydro- thèqueetse trouve séparé par une cloison du périsarque (fig. 3 et7,m); cette cloison sépare, d'un côté, la grande cavité de l’hydrothèque (fig. 3, f), qui renferme le polype, et de l’autre, un long canal, qui renferme la partie molle, protoplasmatique du nématophore, et no- tamment sa tige (fig. 3, {). La partie molle du nématophore, qu'on peut appeler tout courtnémalophore, ne se réunit avec le cænosarque du reste de la colonie qu’à la base (fig. 3, d). Nous avons représenté sur la figure 6 la partie supérieure d’un nématophore entièrement développé, avec ses nématocystes, son calyce, sa membrane (m) qui le sépare de l’hydrothèque, situé ici à gauche. Quand on examine l'animal vivant (fig. 6), on remarque dans ces nématophores les parties suivantes : d’abord, dans le calyce cylin- drique se trouve une masse protoplasmatique (fig. 6, d), granuleuse, absolument immobile, ne sortant jamais par l'ouverture supérieure, et renfermant divers corps. et corpuscules, et surtout un groupe de nématocystes allongés qui se font voir facilement, à cause de leur forte réfringence. Cette partie immobile se prolonge en bas, dans une tige protoplasmatique qui la réunit au cœnosarque de la colo- nie (fig. 3,{); elle donne en outre naissance à une excroissance protoplasmatique (fig. 6, a) d’une mobilité très grande ; cette dernière change continuellement de forme, elle se meut lente- ment, mais à vue d'œil, à l'instar d'une Amibe ; mais ces mouve- ments ne s’observent que lorsque l'animal est dans des conditions favorables ; aussitôt qu'il est irrité, aussitôt que les conditions ne lui conviennent pas, ou bien, parce qu'il ne trouve pas assez d'oxy- gène, où bien qu'il se trouve trop comprimé par un couvre-objet, 1] DÉVELOPPEMENT DES NÉMATOPHORES CHEZ LES HYDROIDES. 587 commence à se contracter, à se confondre avec la partie immobile du nématophore, pour disparaître entièrement si l'irritation continue ; dans le cas contraire, il s'étale de nouveau, prend les différentes formes qui sont représentées dans les figures 6, 7 et 9, tantôt ve- nant s’introduire dans le calyce occupé par le Polype (fig. 6), tantôt ressortant de l'ouverture latérale pour aller ramper le long de la tige commune ou sur la surface extérieure du calyce. Cette partie, mobile par excellence et inconstante dans ses formes, diffèredonc sensiblement de la première partie, qui, elle, ne change jamais ni de formeni de position. Mais, outre celle-ci, il y a d’autres différences encore qui distinguent ces deux parties, c’est leur struc- ture; la partie mobile n’est formée à première vue que par un proto- plasme finement granuleux, sans aucune différenciation etsans aucun corps distinct (fig. 6,a),etje ne m'étonne point que Hincks et Allman, qui ont observé ces organes sur le vivant exclusivement sans em- ployer de réactif quelconque, les aient pu croire formés par un pro- toplasme sans structure. L'autre partie, la partie immobile du néma- tophore, ‘fait entrevoir certaines particularités ; nous avons déjà mentionné le groupe des nématocystes (fig. 6), très allongées, en forme de cylindre un peu recourbé; le bout de chaque némato- cyste est surmonté par un petit cône se terminant en un enydocile ou filament, absolument comme cela se voit en général chez les Cœlentérés (fig. 5). Nous avons figuré trois de ces nématocystes (fig. 8), dont l’une par l’action de l'acide acétique à projeté en avant un long filament avec des barbelures à sa base ; par l'effet d’une irri- tation, surtout produite par l'action d'un acide, les nématocystes peuvent donc devenir des organes de défense très dangereux; et, en effet, on voit alors ressortir de l’ouverture du calyce contenant le nématophore tout un faisceau de ces longs filaments se dirigeant en avant. Outre ces nématocystes qui ne manquent jamais, et que, d’ailleurs, Allman et Hincks ont déjà observées également, on re- marque encore, quoique pas si constamment, des amas de granules souvent réunis en corpuscules ayant la forme d’une fiole (fig. 6, g), et que nous n’hésitons pas, à cause de l’analogie qu'ils présentent avec ce que nous avons observé chez beaucoup d’autres Cœlen- térés, de qualifier de glandes unicellulaires. Nous retrouverons, du reste, ces mêmes glandes dans d’autres tissus de ces mêmes Hy- droïdes. Enfin, ce qui se remarque, mais très imparfaitement, sans l’auxiliaire de réactifs, c'est une masse centrale (fig. 6, d) moins 088 C,. DE MEREJKOWSKY. transparente qui se prolonge en bas pour passer dans la tige, Voilà tout ce qu'on peut observer sur l’animal vivant, Vivement intéressé par ces singularités, surtout par le mouve- ment de la masse protoplasmatique paraissant être sans structure, j'entrepris l'étude de la question au moyen de différentes sub- stances employées dans ces cas. Déjà, l'acide acétique m'a démon- tré que les appendices mobiles des nématophores étaient formés par un tissu de cellules, comme le reste de l'organisme. Sur la figure 47 à, j'ai représenté un pareil appendice fixé comme il se trouvait dans sa position dilatée par l’action brusque de l'acide acétique ; on peut parfaitement voir les limites des cellules et, quoique moins bien, les nucléus de chaque cellule. Mais ce qu’on pouvait encore constater, ce sont d'assez minces filaments au bout de l’appendice qui nous faisaient supposer qu'il y avait là quelque chose d’analogue aux pseudopodes des Amibes fixés, comme le tout, par l'acide. Nous avons pu, en observant attentivement les nématophores sur le vivant, nous convaincre qu'en réalité ces organes peuvent projeter de petits pseudopodes contractiles et mobiles, ne différant absolument en rien de ceux des Rhizopodes, des Amibes, par exemple (voir pl. XXIX A, fig. 9 et 10). Nous n'insisterons pas ici sur ce fait d'un grand intérêt, parce que nous y reviendrons encore dans un chapitre suivant. Ce qui nous importe ici de savoir avant tout, c'est si ces parties mobiles d'apparence protoplasmatique sont effectivement privées de structure, si, en effet, c’est un sarcode ou bien un tissu cellu- laire. La figure 17 nous a déjà fait entrevoir la vérité dans la seconde supposition, et la figure 41 nous la confirme; c'est une partie d’un lobe mobile du nématophore traité, comme précédemment, par l'acide acétique, où la présence des cellules avec leurs nucléus res- pecüfs n’est plus douteuse. Enfin, nous avons traité notre animal par le carmin boraté, que nous ne saurions trop recommander aux naturalistes faisant des recherches histologiques, et 1à encore, nous avons constaté d'une manière plus nette cette fois la constitution des nématophores de cellules (fig. 3 et fig. 4). Par ces procédés, nous avons acquis la certitude que les némato- phores, la partie immobile aussi bien que la mobile, n'étaient pas lormés par un protoplasme sans structure, comme on l'assurait et copame on pourrait facilement le croire, en observant Fanimal vivant DÉVELOPPEMENT DES NÉMATOPHORES CHEZ LES HYDROIDES. 589 seulement, mais que cet organe avait la même organisation cellu- laire que tout le reste de lorganisme. Il était tout logique à présent de rechercher quel était le tissu dont les nématophores étaient composés, c'est-à-dire de décider s'il appartenait à l’ecto- derme, ou bien si l'endoderme y prenait aussi une part, et enfin de décider la question sur le mécanisme des étranges phénomènes de mouvements que présentent ces amas de cellules ; on pourrait se demander s’il n'y avait pas là des fibres musculaires qui entraient dans la composition des nématophores et produiraient les mouve- ments, ou sices derniers étaient dus à une contractilhité générale des tissus, et par conséquent pourraient ‘être rangés dans le même ordre de faits que certams mouvements dans les Eponges que nous avons décrits dans un mémoire antérieur 1. é Quant à la question de l’origine des tissus, l'espèce que nous ve- nons d'étudier ne nous présente pas un objet très commode ; tout ce qu on pouvait voir, c'est que l'endoderme de la tige de la colonie hydraire s'infléchissait un peu dans l'intérieur du nématophore, là où celui-ci prenait naissance, et que la cavité générale suivait cet infléchissement. Il y avait lieu, par conséquent, de supposer que l'endoderme entrait dans la constitution du nématophore, d'autant plus qu'à l'intérieur de ce dernier, au-dessous du petit amas de néma- tocystes, comme nous l'avons déjà fait remarquer, on distinguait une masse qui se différenciait de la masse environnante, et qui se prolongeait dans la tige du nématophore. C'est alors que nous nous sommes adressé à l'étude d’autres espèces de Plumularides, et ici, grâce à certaines conditions favorables, nous avons pu décider la question avec certitude. Nous passerons donc à la description des nématophores d’une autre espèce, appartenant au genre Aglaophe- ñ#ia, dont l'espèce probablement nouvelle n’a pas pu être déter- miné. Pour la forme générale et la disposition des nématophores, l'espèce en question ne se distingue nullement de l'espèce précédente. Les deux nématophores asymétriques situés au-dessus de chaque hy- drothèque, ainsi que le troisième au-dessous de l’hydrothèque, dans le plan médian, ne manquent pas ici. lei aussi, comme dans le cas précédent, la partie molle est placée dans un calyce formé par le 1 C. ne Ménrekowsky, fludes sur les Eponges de la mer Blanche, 1879, Saint- Pétersbourg, in-4°. j 590 C. DE MÉREJKOWSKY. périsarque ou enveloppe cutanée, avec un orifice à l'extrémité, qui se prolonge en une fente du côté intérieur (fig. 7). Le nématophore, contenant également un amas de nématocystes, se continue en un long pédoncule, qui va tout le long de l’hydrothèque, duquel il se trouve séparé par une cloison (fig, 7, m). Jei aussi, le nématophore est composé de deux parties, une mobile, ressortant ordinairement par la fente latérale (fig. 7, a), et une autre, toujours immobile et contenant des nématocystes. La partie mobile change continuelle- ment de forme et peut absolument disparaître, en se confondant avec la partie immobile. En observant un animal vivant, on ne re- marque pas davantage de cellules dans la partie mobile; on ne voit encore qu’un protoplasme finement granuleux, rappelant sous tous les rapports une Amibe en mouvement. Mais dans la partie immo- bile nous voyons même sur le vivant des particularités qui nous éclairent sur la nature de cet organe, Et ceci est principalement dû à l'étrange singularité de notre Hydroïde de servir de ré- sidu à d'innombrables corpuscules parasitaires jaunes, qui ne sont autre chose que des Algues unicellulaires très communes dans diffé- rents Cœlentérés !, et si caractéristiques pour les Radiolaires, où elles sont connues sous le nom de cellules jaunes. On ne peut plus douter que ces organismes parasitaires ne soient de vraies Algues, après les remarquables expériences de notre ami M. Geddes faites au labora- toire de Naples, et auxquelles nous avons eu le plaisir d'assister. Ces cellules jaunes, comme le démontre leur nom, ont une couleur d’un jaune brunâtre dans l'Hydroïde que nous étudions, analogue à la coloration des Diatomées, et qui devient verte par l’action de certaines substances détruisant le pigment jaune par lequel la chlo- rophylle se trouve masquée. Or, ces cellules tout à fait constantes dans l'espèce présente ne se rencontrent qu'exclusivement dans l’'endoderme de l'animal. Ayant pu observer une grande quantité d’in- dividus de cette espèce, nous n'avons jamais trouvé une seule cellule jaune dans l'ectoderme, tandis que l’endoderme en était ordinai- rement tellement bourré que sous leur quantité prodigieuse on 1 Nous-mêmes avons retrouvé ces cellules jaunes comme élément constant dans les siphonophores Velella spirans, Porpila mediterranea, la Méduse Cassiopæa bor - bonica, et enfin dans un nouvel infusoire (Vorticella Aglaopheniæ, nov. spec.). Rap- pelons ici qu’il y a quelques années, dans notre Mémoire sur les Eponges, que nous venons de citer, nous avons constaté le fait curieux d’une Diatomée vivant en para site dans les tissus d’une Eponge (Halisarca). DÉVELOPPEMENT DES NÉMATOPHORES CHEZ LES HYDROIDES. 591 n'apercevail plus le protoplasme des cellules endodermiques, et que cette couche paraissait uniformément colorée en jaune. Sur les fi- gures 42 et 13 de la planche [, nous avons représenté le bout de deux branches d’une pareille colonie, dont l’'endoderme est tout rempli de petits ronds représentant les Algues parasites ; du reste, nous donnons un dessin (fig. 16) de cette Algue à un grossissement plus fort. On peut facilement se convaincre de la présence d’une membrane qui entoure un contenu granuleux, avec des corpuscules très réfringents, et, en employant le carmin boraté, on peut en outre constater la présence d’un nucléus au centre de chaque cellule. Quelquefois ces cellules s’observent en voie de division et avec deux nucléus. La présence de ces cellules est donc un excellent moyen de re- chercher l’endoderme là où il n’est pas facile autrement de le consta- ter, et, comme nous allons le voir tout de suite, il nous a donné de bons résultats. La figure 7 (pl. XXIX A) nous présente un nématophore qui en bas vient se confondre, avec la tige commune de la colonie; l’ectoderme recouvert par le périsarque se distingue parfaitement, il apparaît finement granuleux sur le vivant et peut être poursuivi avec la plus grande facilité jusqu’à l'endroit où il se confond avec l’ectoderme du nématophore. Mais, de plus, àl'intérieur de la tige en- veloppée par l’ectoderme, nous apercevons un axe central (fig. 7, d) nettement séparé, qui va jusqu’au bout du nématophore en finissant au-dessous de l’amas des nématocystes dans la partie immobile de l'organe. Cette tige centrale, cet axe va se confondre en bas avec l’endoderme général de la colonie et doit par conséquent être de la même origine. Les cellules jaunes, si abondantes dans l’endoderme de la colonie entière, s’introduisent en grande quantité dans l’axe du nématophore, et on en peut voir encore quelques-unes jusqu’au- dessous des nématocystes (fig. 7, d). Tout ceci, nous le répétons, se voit avec la plus grande netteté sur le vivant même, il n’y a donc pas de doute que l’axe est d’origine endodermique. Par contre, la partie mobile du nématophore n'a de rapport qu'avec ce que nous sommes autorisé maintenant d'appeler ectoderme, l’endoderme n'y entre pour rien. Jamais nous n'avons pu observer que la cavité générale du corps fasse saillie dans le nématophore. Voici donc le résultat auquel nous ont conduit les faits précédents : c'est que le nématophore doit être considéré comme un organe solide, massif, sans cavité, constitué par un axe endodermique et une couche 592 C. DE MÉREJKOWSKY. ectodermique ; la partie mobile prend naissance exclusivement aux dépens de l’ectoderme. L'emploi de réactifs ne nous à que confirmé dans ce résultat, et a démontré en outre, comme on pouvait s’y attendre déjà, que l’ecto- derme du nématophore, sa partie mobile y comprise, n’avait rien à faire avec un protoplasme ou sarcode sans structure, mais qu'il était formé comme partout ailleurs par un tissu cellulaire. Passons maintenant à l'étude du même organe sur un autre Hydroïde appartenant au genre Plumularia (P. halecioides), qui dif- fère beaucoup de celui du genre précédent et dont l'étude histo- logique nous donnera de nouveaux renseignements. 2 Plumularia halecioïdes. — Lorsqu'on observe l’animal vivant et se trouvant à son aise, voici ce qu'on observe : au-dessous de l’hy- dranthe ou polype se trouve un calyce très, petit et évasé ayant la forme d’une coupe (pl. XXIX B, fig. 3, c), et de cette coupe on voit sor- ürunnématophore assez volumineux (fig. 3, «b), qui consiste d’abord en une masse cylindrique (fig. 3, a), dirigée en haut et presque im- mobile, et ensuite en un lobe demi-fluide se détachant de la première et ordinairement dirigé en bas (fig. 3, b). Cette dernière est la partie mobile du nématophore et sa mobilité esttrès grande; constamment elle change de forme en s’accolant ordinairement à la tige de l'Hy- droïde en rampant sur sa surface, comme le ferait une Amibe; le con- tenu est finement granuleux et tout ce qu'on peut y apercevoir, £e sont de temps en temps quelques nématocystes. La première partie a une constitution plus complexe : outre ies nématocystes en assez grande abondance, on aperçoit quelque chose comme une segmen- tation dont l'explication nous sera donnée plus tard et, en outre, au centre on distingue un axe qui va jusqu'au bout de l'organe (fig. 3, d) et peut être poursuivi en bas jusqu'à l'endroit où le nématophore se confond avec la tige; ici l’axe central se relie d’une manière très nette avec l’endoderme, tandis que l’ectoderme se continue dans la partie environnant l'axe ainsi que dans la partie mobile. Mais tout ceci ne s’observe que sur Panimal laissé dans un repos absolu. Aussitôt qu'on le touche où même qu’on remue le vase dans lequel il est contenu, la partie supérieure immobile jusqu'ici s’inflé- chitassez brusquement en dedans, et d’un seul coup, ou plus souvent par une série de petits coups « nerveux » répétés, de petites contrac- tions (fig. 4, a), se recourbe sur soi-même et reste dans cet état quel- que temps pour s'élaler de nouveau quand lirritation a fini. En même DÉVELOPPEMENT DES NÉMATOPHORES CHEZ LES HYDROIDES. 593 temps le lobe mobile commence à se contracter, mais plus lentement, plus régulièrement et toujours en rampant le long de la tige (fig. 4, b). Enfin si l'irritation continue toujours, si par exemple l’eau ne circule pas dans le vase où il se trouve et que l’animal ne trouve pas assez d'oxygène, tout le nématophore commence à rentrer par l'ouverture du calyce à l'intérieur (fig. 5) en formant un épaississement de l’ecto- derme (fig. 5, ab). Un jour, oubliant de placer l’animal pendant la nuit sous la circulation, je ne retrouvai le lendemain plus de traces de nématophores ; lescalycesétaientvides (fig.6)et l’ectodermede la tige à son niveau (fig. 6, é) ne présentait même pas d’épaississement, il était absolument le même que partout ailleurs. Les cellules ecto- dermiques du nématophore se sont confondues avec l’ectoderme de la colonie, et l’axe endodermique s’est fusionné avec la couche mère qui lui à donné naissance. Ce n’estpourtantpas toujours sous la forme présentée par la figure 3 que le nématophore apparaît; parfois la partie mobile, au lieu de descendre en bas et ramper le long de la tige, choisit comme son support la partie immobile et alors on obtient cette forme qui est re- produite sur notre figure 22 de la planche XXIX A; l’endoderme (d) occupant l'axe se voit encore plus distinctement ici, on y peut même distinguer les cellules dont il est composé, mais il n’y à pas ici de partie mobile, ou plutôt cette partie est répartie à la surface de la partie immobile. Dans la figure 23 de la même planche on aperçoit un pareil organe contracté par suite d’un attouchement ou un choc un peu violent. On y voit encore la segmentation que nous avons déjà mentionnée. Enfin la troisième forme que cet organe peut affecter est celle d'une mince et large plaque, d’une feuille de différentes formes (pl. XXIX A, fig. 20), qui est produite par l’étalement de la partie mo- bile au-dessus de la partie immobile. Sur la figure citée on voit une partie inférieure avec un axe endodermique au milieu (d), c’est celle qui correspond à la partie immobile, et puis une large feuille qui n’est composée que d’une seule couche de cellules de provenance ectodermique. Les cellules sont parfaitement délimitées et les nucléus colorés par le carmin boraté sont distincts; le tout a été obtenu en tuant brusquement la colonie par l’acide osmique qui a fixé l'organe dans l’état où il était au moment de sa mort, ensuite il a été traité par le carmin boraté. La figure 19 présente le bout d’un autre pareil nématophore à une plus grande échelle, il présente ARCH. DE ZOOI. EXP, ET GENe = T, X, 1889, 38 594 : C. DE MÉREJKOWSKY. certaines particularités de structure dont nous parlerons plus tard et qui nous serviront beaucoup pour expliquer les phénomènes de mouvement de ces organes. C’est cette masse intercellulaire qui n’est que du protoplasme contractile, capable, comme nous l'avons vu, d'émettre les pseudopodes dont nous parlons. En faisant subir le traitement de l'acide osmique et du carmin boraté à un nématophore comme celui qui est représenté sur la planche XXIX A, fig. 22, nous obtenons des préparations qui, rendues transparentes à l’aide du baume de Canada, nous donnent des coupes optiques parfaites dans lesquelles on peut apercevoir nettement cha- que cellule (pl. XXIX B, fig. 143). Les organes que,nous étudions sont si petits, qu'il n'y a pas à penser à pratiquer de vraies coupes. Voici ce qu'on voit sur une pareille coupe optique : d'abord un axe ecto- dermique dont les cellules ne sont pourtant pas toutes très faciles à voir; ensuite le reste des cellules appartenant à l’ectoderme sont de nature ei surtout de grandeur très différentes. Celles du côté gauche sont assez petites, celles du côté droit, au contraire, d’une grandeur énorme avec des nucléus ovales d’une grandeur qui parfois égale celle des petites cellules ; ces grandes cellules sont disposées avec une régularité admirable, elles diminuent un peu aux deux extrémités de l’organe et en haut se transforment insensiblement dans les cellules terminales. Ces dernières constituent la partie mobile de l'organe, ce sont elles qui ici, ramassées dans un tas, peu- vent donner naissance à une lamelle très large et très mince, formée, comme nous venons de le voir, par une seule couche de cellules. Quant à la segmentation dont nous avons déjà parlé et qui s’observe sur le nématophore vivant, elle n’est due qu'à la présence dans la partie immobile de la série de ces cellules gigantesques alignées en fil qui sont représentées sur la figure 43. Nous avons donc dans Plumularia halecioides un type de némato- phore qui se distingue de celui du genre Aglaophenia par la plus grande complication dans ses parties, et le développement de cet organe, qui est tout autre que le développement de celui du genre précédent, comme nous allons le voir, augmentera encore la diffé- rence que nous présente sa structure. Mais ce qu'ils ont de com- mun, c'est leur composition de deux couches : d’ectoderme et d'endoderme, et leur division en deux parties, dont l’une est plus mobile que l’autre. Dans Plumularia halecioides, 4éjà cette dernière distinction est moins marquée, parce que le nématophore peut dans DÉVELOPPEMENT DES NÉMATOPHORES CHEZ LES HYDROIDES. 395 certains cas n'être formé que d’une seule partie, et cette distinction s’affacera encore davantage dans le genre suivant, à l'étude sommaire duquel nous passerons à présent, 3° Antennularia antennina et ramosa. — Les nématophores du genre Antennularia sont construits d’après un tout autre type que ceux des genres précédents. La distinction consiste d’abord dans le calyce dans lequel il est renfermé, celui-ci ayant la forme d’un cornet (pl. XXIX B, fig. 4,2, 7, 8), qui se trouve au-dessous de chaque hydranthe avec lequel il n’a, comme dans le genre précédent aussi aucun rapport : il prend naissance sur la tige commune. C’est un organe absolument indépendant et son calyce est même plus déve- loppé que celui du Polype ; il est séparé en deux loges par une cloison horizontale avec une large ouverture circulaire au milieu, par où se fait une communication entre ces deux loges. Nous avons figuré sur la planche XXIX B trois de ces nématophores (fig. 1, 7, 8), dans les différentes phases d’extrusions comme elles se présentent sur le vi- vant. La figure 7 représente l'organe dans un état très allongé. Sur le vivant, on croirait encore avoir affaire à du protoplasme sans structure, sans cellules ; mais ce qui se remarque dans ce pro- toplasme apparent, ce sont des cristaux de différentes grandeurs et formes dont nous avons représenté quelques échantillons sur Îa figure. Ces cristaux, dont la forme la plus ordinaire est celle de la figure 10, pl. XXIX B, 4, c, d,sontrenfermés dans une goutte oléagi- neuse, fortement réfringente, et colorés en rouge plus ou moins foncé, selon la grandeur de la goutte, ce qui fait que le cristal ne sevoit quel- quefois qu'avec beaucoup de difficulté ; d’autres fois, lorsque la gout- telette d'huile est petite et ne forme qu'une mince couche recouvrant le cristal, les formes de ce dernier se dessinentlavec netteté (fig. 10, pl. XXIX B, 4, c, d).Il arrive qu’un bout seulement du cristal estren- fermé dans la gouttelette et que l’autre reste libre. Nous avons pu con- stater que la coloration rouge, qui, du reste, se répartit dans tout le protoplasme, dans tous les tissus de l’animal, est due à cette curieuse substance trouvée pour la première fois par l'éminent zoologue russe A. Bogdanow et appelée par lui Zoonérythrine ; elle est, du reste, con- nue aussisous le nom de T'étronérythrine. Cette substance, ce pigment, dont nous avons pu tout récemment constater la grande fréquence dans le règne animal!, est répartie en petits granules ou plutôt en 1 C, ne MÉREIKOWSKkYy, Sur la tétronérythrine dans le règne animal et son rôle physiologique (Comptes rendus de l’Acadérnie des sciences, 1881). 596 C. DE MÉREJKOWSKY. petites gouttelettes, qui de très grandes deviennent si petites, qu’à la fin le protoplasme parait être coloré uniformément. Si le pigment réside également dans les cristaux, qui se rapprochent d’une ma- nière étrange des cristaux d’hémoglobine, ou s’il n’est renfermé que dans les gouttelettes oléagineuses et dans le protoplasme même, c'est une question que nous ne pouvons pas décider avec certitude. Nous avons bien observé parfois des cristaux d’une teinte rougeâtre et qui ne paraissaient pas être enveloppés de substance oléagineuse rouge ; mais comme il est excessivement difficile de s'assurer avec certitude de l’absence d’une pareille couche, surtout dans le cas où elle serait très insignifiante, nous ne pouvons qu'exprimer notre conviction personnelle sur la possibilité d'une coloration rougeûtre propre à la substance cristalline elle-même, sans y pouvoir apporter des preuves suffisantes. Outre ces cristaux, sur lesquels nous reviendrons dans un travail sur la coloration des animaux, on remarque, comme dans les cas précédents, des glandes unicellulaires à contenu granuleux, et enfin, dans l’Antennularia antennina des nématocystes, qui ici sont dis- poséesn on comme dans les genres précédents, dans une partieimmo- bile, mais dans la partie, au contraire, la plus mobile, au sommet du nématophore. Il n’y a, du reste, dans le genre Antennularia pas de division en deux parties, et c’est la seconde différence qui distingue les nématophores de ce genre de ceux des genres Plumularia et Aglaophenia. Ici le cornet ne contient qu’une seule masse ; mais celle-ci n’est mobile principalement qu'au sommet qui peut ressor- ür du cornet (fig. 7) ou bien y rentrer complètement (fig. 8), tandis que le reste est beaucoup moins sujet à des changements, de sorte qu'à la rigueur on pourrait parler d’une partie immobile et d’une autre mobile. Déjà, sur le vivant, on peut constater avec beaucoup de précision la composition de ces deux nématophores des deux couches, dont l’une, l’ectoderme, est en rapport avec l’ectoderme de la colonie (fig. 7) et l’autre, l’endoderme, se confond également avec le tissu correspondant de la tige. Sur les figures 1, 7 et 8, on voit parfaitement l’endoderme, muni de cils vibratiles, se continuer dans le nématophore et constituer un axe central nettement déli- mité du tissu environnant ; la membrana propria, qui, dans la tige, sépare les deux couches, s’infléchit (fig. 7 et 8) également dans la base du nématophore et supprime ainsi tout doute sur la signii- calionde l'axe central. Quant à la partie que nous avons rapportée DÉVELOPPEMENT DES NÉMATOPHORES CHEZ LES HYDROIDES. 597 à l’'ectoderme, on n'y peut entrevoir sur le vivant aucune trace de cellules ; pourtant déjà au moment de la mort de l'animal, trop long- temps tenu sous le couvre-objet, on voit le bout du nématophore se décomposer en sphères régulières, absolument comme cela a lieu avec l’ectoderme des Hydroïdes en général (fig. 9). Mais c'est encore la méthode de l’acide osmique, avec la coloration ultérieure par le carmin boraté, qui nous a donné de parfaits résultats. Sur la figure 2, nous présentons un nématophore, brusquement tué par l'acide osmique, qui ne laisse rien à désirer sous le rapport de la netteté avec laquelle on aperçoit les limites des cellules qui consti- tuent l’organe et les nucléus fortement colorés en rouge. En comparant les trois genres entre eux, nous voyons que chacun d'eux représente un type assez particulier du nématophore. Dans le genre Aglaophenia, il se caractérise surtout par son intime liaison avec l’hydrothèque et, comme nous le verrons plus tard, par son mode de développement. Dans le genre Plumularia, il se distingue par l'absence de cette liaison et par la conformation de la partie immobile ; les deux ont cela de commun qu'on y distingue deux par- ties, dont une très mobile et l’autre moins ou tout à fait immobile. Enfin, le troisième genre : Antennularia, est également indépen- dant du Polype, mais ne présente pas cette division en deux parties. C’est le type le plus opposé à celui du genre Aglaophenia, et le genre Plumularia occupe une place intermédiaire. IlT DÉVELOPPEMENT DES NÉMATOPHORES. Après avoir exposé les faits concernant la structure, nous abor- derons les questions qui se rapportent au développement de ces organes; ici, comme dans la structure, on peut distinguer deux types de développements absolument différents : l’un a lieu dans le genre Aglaophenia; l’autre dans les deux autres Plumularia et pro- bablement aussi Antennularia. Commençons par le premier type. Sur la planche XXIX A, fig. 1-3, nous avons présenté le développement du nématophore chez l'Aglao- phenia pluma. La figure 1 représente le bout d’une branche de la colo- nie, avec un élargissement et un renflement qui n’est qu'un jeune bydranthe en voie de: formation; à droite, on voit un bourgeon qui 098 C. DE MÉREJKOWSKY. représente le bout de la tige, qui va s’allonger en laissant à gauche un hydranthe et donnera ensuite, au-dessus de cet hydranthe, un deuxième, puis un troisième, et ainsi de suite. Attirons notre attention sur l'angle gauche del’hydranthe futur; cette partie se caractérise par un épaississement de l’ectoderme, qui, pourtant, ici comrne ailleurs, n’est composé que d’une seule couche de cellules très allongées, dont les nucléus, colorés en rouge par le carmin boraté, se dessinent avec netteté ; au-dessous de la couche ectodermique, nous voyons la couche interne ou l’endoderme. Le premier fait qui se produit, c'est l'apparition dans l’'ectoderme d'une fente qui se forme par une sorte de déchirure (fig. 4, f) et qui va le long du côté gauche du futur hydranthe sans arriver jusqu à l'angle susmentionné et en divisant ainsi l’ectoderme en deux couches. Cette fente s’élargit de plus en plus, et ses bords internes deviennent irrégulièrement dentelés; on voit le long de ces bords des fils protoplasmatiques qui font le même effet commes'il y avait euunedéchirure etnonunedivision de cellules. Du reste, l'existence de nucléus en dehors ét en dedans de la fente prouve bien qu'il y à eu un vrai dédoublement de la couche ectoder- male. En même temps, il se forme une encoche dans le bord supé- rieur du bourgeon, qui fait que l'angle gauche, où, commenous l'avons vu, l’ectoderme s'était considérablement épaissi, se sépare du reste du bourgeon; ce dernier parcourt son développement régulier abou- tissant à la formation d’un hydranthe avec tentacules (fig. 3). Quant à l’angle ainsi séparé et toute la partie de l’ectoderne au-delà de la fente, ils se transformeront en nématophores. La tête du némato- phore ou sa partie immobile sera constituée par l'angle même; la partie mobile proviendra de la tige qui réunit l’angle au Polype et qui persistera encore longtemps (fig. 3, a). Dans le stade représenté par la figure 2, on peut bien voir que tout le nématophore n'est con- stitué que par l’ectoderme seul. Plus tard (fig. 3), le périsarque, qui recouvre toutes les parties molles, se développe en un petit calyce avec une ouverture au bout (0), dans lequel la partie immobile du nématophore (e), qui déjà renferme un faisceau de nématocyste, se trouve être enfermée.Au bas de cette partie se trouve une longue tige exclusivement constituée par l'ectoderme, qui réunit le nématophore à la colonie; mais, dans ce stade, déjà l’on voit, à l'endroit de cette réunion, l’endoderme s’infléchir dans la lige et la cavité mème suivre quelque peu cette inflexion (d). Il se forme en outre une membrane du périsarque (#7) qui sépare la tige de la cavité du calyce dans le- DÉVELOPPEMENT DES NÉMATOPHORES CHEZ LES HYDROIDES. 599 quel est logé l'animal avec ses tentacules déjàdéveloppés. La fente pri- mitive se trouve donc être ici confondue avec la cavité du calyce (f), en constitue une partie, et la tige du nématophore se trouve logée dans un tube séparé (pl. XXIX A, fig. 3, ?). À celte époque encore, le nématophore (e) se trouve être inti- mement lié avec le corps du polype au moyen d’une tige horizon- tale (a), et il suffit que cette liaison disparaisse pour que le néma- tophore prenne sa disposition définitive ; la tige se transforme alors dans cette partie mobile du nématophore qui peut sortir par l’ou- verture du calyce et ramper le long de ses parois ext2rnes en affectant ces formes lobées et variables que nous avons décrites. Ce même type de développement par dédoublement de l’ectoderme d’un côté du bourgeon terminal, nous l'avons observé sur un autre Hydroïde, encore une espèce restée indéterminée du genre Aglaophe- nia également; elle présentait cette particularité que tout l’en- doderme était bourré de cellules jaunes ou Algues unicellulaires parasites ; ce qui fait que l'endoderme étant coloré par ces Algues d'un jaune brun, il se distingue très facilement de l’ectoderme, absolument incolore et transparent. Le premier stade estreprésenté sur la figure 12 dela planche XXIX A. Ici aussi, à l’angle droit du futur polype, l’'ectoderme s'épaissit sensi- blement et au-dessous de cet angle, dans l’épaisseur même de l’ecto- derme il se forme une longue fente (f), qui devient ensuite de plus en plus large, et enfin acquiert des proportions telles qu'elles sont représentées dans la figure 13 (f). On remarquera les bords internes irrégulièrement dentelés, comme déchirés de la fente, et l’on consta- tera qu'elle n’est enfermée que dans l'ectoderme. Enfin, l'angle (fig. 13, e) se sépare de l'hydranthe qui commence déjà à développer ses tentacules et à l'intérieur de cet angle, qui est le nématophore futur, apparaissent les némaiocystes ; la réunion du nématophore se fait au moyen d’une tige ectodermique (a) comme dans le cas précédent, et, comme dans ce dernier cas, cette tige (a) donnera la partie mobile du nématophore. Jusqu'ici le nématophore lui-même n’a aucun rapport avec l’endoderme, mais dans sa partie inférieure, là où au moyen d’un long pédoncule (également ecto- dermique) il s’unit à la tige de la colonie, on aperçoit, grâce à la présence des algues parasites, que l’endoderme s'infléchit dans ce pédoncule ainsi que la cavité même, mais cet infléchissement ne va pas très loin. Ensuite et peu à peu, l'endoderme, avec les cellules 600 C. DE MÉREJKOWSKY. jaunes qui le trahissent, monte de plus en plus vers le sommet du nématophore et s'arrête au-dessous de l’amas des nématocystes (fig. 7, d). La formation d'une couche de périsarque (m), qui sépare le pédoncule du nématophore de la cavité dans laquelle se trouve le po- lype, et enfin la séparation du nématophore de ce dernier complètent la constitution définitive du nématophore. Nous l'avons représenté dans cet état de développement accompli sur la figure 7. La partie immobile avec nématocystes et glandes unicellulaires est renfermée dans un petit calyce, et à gauche se trouve la partie mobile dans son état de pleine activité, enfin la longue tige ou le pédoncule ayantun axe central composé de cellules endodermiques avec les parasites qui les caractérisent, réunit le tout à la colonie entière, et à l'endroit de cette réunion l'ectoderme et l'endoderme du nématophore se confondent avec les tissus correspondants de toute la colonie. Les faits que nous venons de décrire se rapportent au premier tvpe de développement. Ce qu'il y a de caractéristique dans ce déve- loppement, c'est d'abord l'apparition d'une fente dans l’ectoderme et la formation du nématophore primitivement aux dépens de cette couche seulement; ce n'est que plus tard que l’endoderme entre dans la tige du nématophore et prend ainsi part à sa constitution. Le deuxième type a été observé par nous dans Plumularia hale- cioides, et probablement il existe également dans le genre Antennu- laria. Sur la planche XXIX B, fig. 2,nous avons représenté une partie de la paroi de la tige, au-dessous de l’hydranthe, avec l’endoderme et l'ectoderme qui la constituent. L'action de l'acide osmique avec la coloration par le carmin boraté laisse facilement entrevoir chaque cellule avec son nucléus. Là où, plus tard, apparaîtra le nématophore, une ou deux cellules ectodermiques se divisent transversalement et forment ainsi un petit bourgeon (fig. 44, [, {) qui s’allonge de plus en plus; il se forme au-dessous du bourgeon une petite coupe aux dépens du périsarque (fig. 3, b, c), qui n'est qu'un calyce rudimen- taire ; du reste le calyce du Polype lui-même n'est représenté dans l'espèce en question qu'en état très rudimentaire, le Polype ne pou- vant point s'y cacher. Primitivement ici aussi, comme on peut le voir, le nématophore n'est formé que par l’ectoderme et ce n’est qu'ensuite que l'endo- derme prend part à sa formation pour aboutir à cet organe assez compliqué que nous avons déjà décrit plus haut (fig. 3, 4, 13). Mais ce qui distingue essentiellement ce type du précédent, c'est qu'ici DÉVELOPPEMENT DES NÉMATOPHORES CHEZ LES HYDROIDES. 601 le nématophore ne se forme pas par voie de division de la couche ectodermique du Polype lui-même, qu'il n’y a par conséquent pas de lien si intime entre l'organe et le Polype, ici il se forme par un bourgeonnement. IV. TYPE HISTOLOGIQUE SPÉCIAL CHEZ CERTAINS HYDROIDES. L! » Nous avons déjà mentionné à deux reprises la particulière et si curieuse structure histologique des nématophores de certains Hy- droïdes. Nous nous arrêterons ici sur ce sujet et tâcherons d'exposer l'intérêt que ces faits présentent pour l’histologie comparée en général et plus spécialement pour l'explication des singuliers phé- nomènes que nous présentent les mouvements et les changements des formes des nématophores. Il arrive parfois, en fixant au moyen de l'acide acétique les néma- tophores en mouvement, d’y observer des filaments assez minces et variables en forme, qui rappellent des pseudopodes de certaines Amibes et autres Rhizopodes. Un cas pareil est représenté sur la plan- che XXIX A, fig. 17, où l’on peut voir, au bout d’un nématophore étalé (a), deux appendices filamenteux (4). Nous nous mimes alors à la recherche de ces filaments sur le vivant, sur lequel seul on pouvait s'assurer si c’étaient de vrais pseudopodes ou non, et nous ne tar- dàmes pas à trouver des cas où, à la surface des lobes ordinairement arrondis et changeant lentement de forme, on apercevait de petites excroissances du protoplasme, des filaments très minces à bout arrondi ou tronqué, qui tantôt apparaissaient à la surface, tantôt rentraient dans la masse protoplasmatique commune, s’allongeaient, se raccourcissaient, se recourbaient et exécutaient tous ces mou- vements avec une assez grande agilité, plus grande que celle avec laquelle se produisaient les changements de forme du lobe entier. Sur la figure 9 (pl. XXIX A), nous avons présenté un nématophore avec un lobe (a) en mouvement et le bord de ce lobe qui, comme nous l’avons vu, est constitué de cellules, nous présente en quantité de ces petits pseudopodes en état de mouvement assez rapide. Sur la figure 10, nous avons représenté à un grossissement plus fort une portion de ce même nématophore avec cinq de ces pseudopodes, on peut voir que le protoplasme est au bord plus clair et presque sans sranule, et que c’est cette partie qui produit les petits pseudopodes 602 C. DE MÉREJKOWSKY. dont il est question ; à l’intérieur la masse organique dont la consti- tution en cellules ne se voit pas sur le vivant est plus trouble, plus granuleuse. Il n’y avait plus aucun doute que ce que j'avais sous les yeux étaient de vrais pseudopodes indiquant la présence d’un vrai protoplasme, et ce fait, si Hincks ou Allman l'avait observé, les aurait con- firmés dans leur manière de considérer les nématophores comme étant composés de protoplasme sans structure. Mais comme nous avons pu constater avec pleine évidence la présence de cellules dans ces nématophores, il fallait trouver une autre explication pour expli- quer la présence des pseudopodes et supposer, par exemple, que ce sont les cellules mêmes appartenant à l'organe, qui peuvent émettre, comme de vrais Amibes, de petits pseudopodes. Or, voici des faits qui s’opposent à cette explication et qui en donnent une tout autre. En agissant sur l'animal au moyen de l'acide acétique, nous avons constaté que les cellules des nématophores étaient immergées dans une substance commune qui les séparait les unes des autres et recouvrait tout l'organe par une mince couche. Sur la figure 11, par exemple, nous représentons un morceau d’un nématophore dans lequel nous distinguons cette couche superficielle et intercellulaire après le traitement par l'acide acétique. Les cellules et le nucléus de chacune d’elles se distinguent parfaitement et l’on voit également que ces cellules ne se touchent pas, qu'il existe un intervalle entre elles et que cet intervalle est rempli par une substance moins trouble quele reste; ce protoplasme intercellulaire est le même que celui qui forme une mince couche à la surface du nématophore. | Mais ces faits deviennent beaucoup plus évidents encore dans une autre espèce : Plumularia halecioïdes ; ici nous avons employé l'acide osmiquefpour fixer les tissus et le carmin boraté pour les. colorer, et ces deux procédés nous ont beaucoup aidé dans nos recherches. La figure19 de la planche XXIX A présente le bout d’un nématophore très dilaté brusquement tué et fixé par l'acide osmique. C'est une mince lame composée d’une seule couche de cellules, et ces cellules, bien limitées par des contours nets, ne se touchent pas, comme on peut le voir; il y a une substance intercellulaire moins granuleuse que le protoplasme des cellules et qui — circonstance très essentielle à noter — ne se colore pas de la même façon que les cellules. Il y a trois parties quise colorent avec une intensité très différente : les nucléus très fortement en rouge foncé, le protoplasme des cellules DÉVELOPPEMENT DES NÉMATOPHORES CHEZ LES HYDROIDES. 603 moins fortement, ayant une couleur rose assez intense encore, et enfin la masse intercellulaire, qui ne se colore que fort peu, ayant une teinte légèrement rose. Sur la figure 19 nous avons marqué la différence de la coloration en rouge par la différence de ton. Qu'est-ce que cette couche qui renferme les cellules ? se demande- t-on. Peut-on la considérer comme des membranes de cellules? Non, et pour deux causes : d’abord parce que cette couche nous à montré des mouvements, la formation de pseudopodes rétractiles et mobiles qui ne peuvent être produits que par du protoplasme ; ensuite parce que, s'il y avait autour de chaque cellule une membrane aussi forte, on ne pourrait pas avoir cette grande mobilité du nématophore, ce changement continuel de forme, d'autant plus que les limites entre les cellules ne se voyant plus, il faudrait supposer que ces membranes se seraient soudées entre elles. L'existence de fortes membranes n'aurait pu donner naissance qu'à un organe très rigide, analogue à quelque partie d’une plante. Enfin, lorsque, comme nous l’avons vu, le nématophore se retire entièrement à l’intérieur, se confond avec les autres tissus de la colonie et disparaît, où serait donc restée la membrane qui ne se voit nulle part? Tout nous mène donc à admettre que cette substance intercellu- laire des nématophores n’est autre chose qu'une substance proto- plasmatique sans structure, contractile comme tout protoplasme, susceptible de donner lieu à des mouvements et à l'émission de pseu- dopodes. C’est dans cette masse contractile d’un protoplasme com- mun que les cellules se trouvaient immergées comme le sont les granulations d’une Amibe, et comme ces granulations ne se meuvent et ne changent de disposition que grâce à la contractilité de la masse générale, de même le mouvement extraordinaire des cellules du nématophore et les formes bizarres que l'organe peut affecter, s'ex- pliqueraient par la présence d’une substance protoplasmatique très contractile dans laquelle ces cellules se trouvent immergées. Reste à savoir si dans les autres parties de l’animal, dans les autres tissus, on ne retrouve pas la même structure que nous venons de décrire, et comme la partie du nématophore qui se caractérise par cette structure n’est formée que par l’ectoderme, c’est sur l’ecto- derme surtout que nous devons attirer notre attention. En employant le même procédé de coloration que celui qui nous a démontré la présencede la masse intercellulaire dansle nématophore, nousn'’avons pas trouvé de trace de cette masse dans l'ectoderme du Polype ou 604 C. DE MÉREJKOWSKY. de la tige commune de la colonie. Sur la planche XXIXB, fig. 192, nous avons représenté une partie de la cavité du corps du Polype avec l’'ectoderme en dehors et l’'endoderme rempli de Diatomée en dedans, et, comme on peutle voir, les cellules ectodermiques se touchent sans former d'intervalle et la surface des cellules non plus, ne montre pas de trace de cette substance protoplasmatique qui se voit avec tant de netteté sur le nématophore (pl. XXIX A, fig. 19).La coloration en rose foncé qui, comme nous l'avons vu, caractérise le protoplasme des cellules, arrive ici jusqu’au bord même (voir aussi pl. XXIX A, fig. 21); il n’y a donc pas de doute possible sur l'absence de la masse protoplas- matique intercellulaire dans l’ectoderme du corps du polype, et ce fait est en coïncidence avec l'absence presque complète de mouve- ment de ce tissu dans cette partie de l'organisme. C’est une preuve de plus en faveur de la théorie, d'après laquelle les singuliers mouve- ments des nématophores ne sont dus qu'à la présence d'une masse de protoplasme contractile environnant les cellules. Qu'est-ce que cette substance intercellulaire d’où est venu ce protoplasme sans structure ? Il y aurait deux moyens d'expliquer son origine. D'abord, on pourrait supposer que les cellules ectoder- miques, qui forment le nématophore par quelque cause inconnue, excrètent cette substance, comme une glande donne son produit, et que cette sécrétion de nature protoplasmatique appartenantàächaque cellule, en se réunissant, formerait la masse générale. On pourrait encore supposer que les cellules du nématophore sont formées par deux couches de protoplasme, à l'instar de ce qui s'observe chez les Amibes, d'un ectoplasme ou couche corticale, plus transparente, moins granuleuse en même temps que plus contractile, et d’une autre couche interne, ou endoplasme plus granuleux, plus passif, qui constituerait ce que dans le nématophore nous avons appelé cellules. La première couche ou l’ectoplasme de chaque cellule, en se con- fluant, formerait alors la masse essentiellement contractile qui revê- tirait toutes les cellules et provoquerait leur déplacement. Il se for- merait une sorte de syncitium à l'instar des üssus de l'Eponge, qui aussi, comme nous le savons, ont la faculté de produire des phéno- mènes de mouvements, et parfois assez intenses, comme, par exem- ple,dans Suberites Glasenappü, que j'ai décrit dans un travail antérieur. Il se pourrait même que les cellules ectodermiques du Polype et de la tige aient aussi, à un certain degré, cette couche ectoplasmique, mais, vu sa grande ténuité, elle ne serait pas facile à constater, el ce DÉVELOPPLMENT DES NÉMATOPHORES CHEZ LES HYDROIÏIDES. 605 qui confirmerait cette opinion, c’est le fait, déjà bien connu, que l’ec- toderme peut affecter des mouvements qui parfois, il est vrai, sont dus aux mouvements amœæboïdes de chaque cellule, mais d’autres fois ne pourraient être expliqués qu'au moyen d’une substance con- tractile intercellulaire. C'est, par exemple, dans le cas, sur lequel nous reviendrons encore, où le polype se transforme en némato- phore et l’ectoderme de l’ancien polype effectue les mêmes mouve- ments, quoique plus lents, que nous présentent les vrais némato- phores (pl. XXIX A, fig. 22, k). Nous croyons donc, en réalité, avoir trouvé un type histologique spécial qu'on n’a pas encore observé chez les Hydroïdes et qui ne saurait trouver son analogie que parmi les Eponges. Un rapproche- ment de ce type histologique à ce qu'on observe sur l'organisme protozoaire si intéressant, décrit par Cienkowski sous le nom de Labyrinthula, serait également utile à faire. Dans cet organisme nous avons des cellules fusiformes qui sont immergées dans une masse protoplasmatique très contractile, pouvant produire de longs pseudopodes, et que tous les auteurs soat d'accord à considérer comme la cause des mouvements que présentent les cellules. Nous avons observé nous-même cet organisme si curieux, et nous trou- vons une ressemblance frappante entre lui et la partie mobile d’un nématophore, tant sous le rapport de la structure que sous le rap- port dynamique. Nous nous somme alors efforcé d'expliquer les singuliers mouvements des nématophores en se basant sur la struc- ture de ces organes et en supposant que c’est dans la masse contrac- tile protoplasmatique intercellulaire que siège la faculté de ces mou- vements. y RÉSUMÉ. Voici les résultats auxquels nous sommes arrivé par cette étude, quant à la structure et au développement de l’organe en question : 1. Les nématophores sont composés non de sarcode, mais de cellules appartenant à deux couches, l’endoderme en forme d’axe central et l'ectoderme entourant cet axe, divisées par la membrane propre; 2. On peut distinguer. ordinairement deux parties du némato- 606 C. DE MÉREJKOWSKY. phore, l’une immobile, l’autre mobile, et changeant de forme comme une Amibe ; cette dernière est composée exclusivement d'ectoderme ; 3. La partie mobile du nématophore présente un type histologique particulier, dans lequel les cellules sont immergées dans un proto- plasme contractile commun et sans structure, dont la contractilité occasionne les phénomènes de mouvement. Ce protoplasme intercel- lulaire peut produire des pseudopodes. Nous avons comparé cette structure à ce qu'on observe chez les Eponges, et nous avons trouvé encore plus d’analogie avec la structure d’un Protozoaire colonial que le savant russe Cienkowski a décrit sous le nom de Labyrinthula ; 4. Quant au développement, il se forme de deux manières. Dans le genre Aglaophentia, il se forme un dédoublement d’une partie de l’'ectoderme appartenant au Polype futur ; l’endoderme s'infléchit plus tard seulement dans l’intérieur d’un nématophore ainsi formé. Dans le genre Plumularia et probablement Antennularia aussi, le nématophore se forme par un bourgeonnement de l’ectoderme, qui est suivi après par une invagination de l’endoderme. Il reste maintenant à traiter la question de savoir quelle est la si- gnification de ces organes, et leur rôle dans la vie coloniale. Allman, comme nous l'avons vu, a cru devoir leur attribuer le rôle d'organes spéciaux de défense; Huxley les prenait pour des organes destinés à la nutrition de la colonie. Notre opinion est que ce ne sont point des organes spéciaux que l'animal serait parvenu à s’acquérir dans le but de servir à telle ou telle autre fonction, mais que ce sont desindividus, des Polypes dégénérés. Cette opinion n'est au fond que le résultat de tous les faits que nous avons reproduits. Nous avons bien vu que ces soi-disantorganes étaient souvent absolument indépendantsdes Poly- pes ; que, comme eux, ils étaient renfermés dans des calyces souvent (Antennularia) plus développés même que les calyces des Polypes. Nous avons vu également que leur structure était analogue à la structure des Polypes, qu'ils étaient formés de l’ectoderme, ainsi que de l'en- doderme : quant à l’absence de cavité, elle découle logiquement de l’état rudimentaire, dans lequel ces prétendus organes sont tombés, c’est le résultat de leur dégénérescence. Nous ne voulons pas dire par là que les nématophores n’ont aucune valeur pour la colonie, bien au contraire. La présence de nématocystes qui, contrairement à l'opinion de M. Huxley, peuvent être amenés au dehors des calyces par les pseudopodes, prouvent bien que ces organes peuvent servir à la défense de la colonie, et la possibilité de servir à la nutrition ne DÉVELOPPEMENT DES NÉMATOPHORES CHEZ LES HYDROIDES. 607 doit non plus être mise de côté, car il est très probable que, dans les Hydroïdes, l’ectoderme a la possibilité de se nourrir aux dépens des substances organiques dissoutes dans l’eau de mer ‘. Mais la preuve la plus concluante que les nématophores sont de vrais polypes dégénérés est donnée par un fait très curieux, qui montre que les polypes, dans certaines conditions, peuvent se trans- former en nématophores. Cette transformation, nous avons eu la chance de l’observer, et bien des fois. En laissant une colonie de Plumularia halecioides dans un vase sans le mettre sous l’eau courante pendant la nuit, nous avons ob- servé, à notre grand étonnement, que les Polypes avaient entièrement changé d'aspect (pl. XXIX A, fig. 22). Les tentacules avaient dis- paru, l'ouverture buccale également, tout le corps a sensiblement diminué en volume, et le tout présentait une analogie frappante avec un nématophore. Même les mouvements si caractéristiques pour ces derniers ne manquaient pas. L’ectoderme, qui seul prenait part à ces mouvements, formait de longs filaments des pseudopodes qui changeaient continuellement de forme, s’infléchissaient et venaient parfois s'accoler aux parois du calyce (fig. 22, 4) pour ramper à l'in- star des Amibes ; tout rappelait les nématophores ; seulement, l’in- tensité du mouvement était un peu plus faible. Nous croyons qu'après ces faits, on est bien autorisé de considérer les nématophores comme des individus dégénérés. Deux mots encor? qui serviront d'explication aux figures 14,15et 18 de la planche XXIX A, et de la figure 12, planche XXIX B. Quant aux premières, la figure 14 représente un morceau d’un tentacule de Plu- mularia halecioïdes, dans l’ectoderme duquel nous apercevons des corpuscules (a) d'un vert bleuâtre intense, qui ne sont autre chose que des Algues parasites appartenant au groupe des Phycochromaceæ. Elles sont si nombreuses, que les tentacules paraissent légèrement colorés en vert, et se retrouvent également dans l’ectoderme de la tige (fig. 14, a, 18, a) et des Polypes ; elles sont surtout nombreuses dans les Jeunes Polypes encore en formation, où les actes vitaux se 1 C. ne MÉREJKOwWSKI, On an anomaly among the Hydromedusæ, and on their mode … Ofnutrition by means of the ectoderm (Ann. and Magaz. of nalur. hist., 1879, p. 177.) 608 C. DE MÉREJKOWSKY. font avec plus d'intensité, où se développe plus d'acide carbonique nécessaire aux Algues qui, de leur côté, rendent l'oxygène immédia- tement consommé par les tissus avides de ce gaz. C'est un échange mutuel de services rendus, et lorsqu'on considère qu'outre ces Algues phycochromacées qu'on ne trouve que dans l’ectoderme, d’autres Algues de couleur jaune remplissent le tissu de l’endoderme jaune (fig. 42, d), on ne pourra se refuser de comparer un organisme ainsi constitué moitié d'Algues parasites, moitié de cellules animales, avec des exemples empruntés dans le règne végétal, notamment avec les Lichens. La planche XXIX B, fig. 42, représente une partie de la paroi de l'estomac du mème Hydroïde ; d est l'endoderme, l’autre couche est l'ectoderme. Nous ne connaissons pas d'autre exemple parmi les Hydroïdes, où la différenciation du corps du Polype en deux parties soit plus nette que la Plumularia halecioides. Toute la partie supé- rieure du corps en forme d’entonnoir, avec ses tentacules, son péri- stome et son ouverture buccale, ne fonctionne pas comme organe de digestion, du moins jamais n’y avons-nous rencontré des matières qui puissent servir de nourriture. Au contraire, la partie inférieure et globuleuse du corps est presque toujours remplie d'Algues et d'autres débris organiques. Mais c’est l'examen de l’endoderme de ces deux parties qui le prouve encore mieux; tandis que l'endo- derme de la partie supérieure est comme partout ailleurs, l'endo- derme de l'estomac est tout rempli de différents corps, et surtout de Diatomées, dont les carapaces siliceuses se voient parfaitement dans des préparations conservées dans du baume de Canada; une par- üe d’un pareil endoderme est représentée dans la figure 12, dans laquelle on voit que les Diatomées (a) sont renfermées dans le tissu même. Nous aurions donc là encore un exemple de nutrition inter- cellulaire parmi les Cœlentérés qui a été observé déjà dans beaucoup d'animaux inférieurs. Enfin, nous attirons encore une fois l'attention sur la présence de glandes unicellulaires dans l’ectoderme de plusieurs Hydroïdes ; on peut s’en assurer par l'examen des figures 7 (g),8 de Ia planche XXIX B, et surtout des figures 12 (g), 413 et {4 de la planche XXIX A. DÉVELOPPEMENT DES NÉMATOPHORES CHEZ LES HYDROIDES. 609 EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE XXIX, A. FiG. 1-3. Aglaophenia pluma. Trois différents stades de développement du né- 4. 5 40: AL: matophore; f, fente formée par une scissure de l’ectoderme !; b, futurs nématophores silués au-dessus du polype; e, nématophore médian; o, ouverture du calyce dans lequel le nématophore médian se trouve placé ; a, tige eclodermique qui réunit le nématophore à l’ectoderme du polype ; »m, membrane du périsarque qui sépare la tige du nématophore de la cavité du calyce occupé par le polype; d, endoderme s’infléchissant à l’intérieur de la tige du nématophore. La partie a de la figure 3 fortement grossie. Trailé par l’acide osmique et le carmin boraté. Bord supérieur d’un nématophore, d'après le vivant, pour montrer les cnidocils. Un nématophore adulte, d’après le vivant; a, partie mobile; d,entoderme m, membrane du périsarque ; g, glande unicellulaire. Aglaophenia sp. Un nématophore médian adulte; d, l'endoderme avec les cellules jaunes {algues). D’après le vivant. . Nématocystes (Agl. pluma). . Partie supérieure du nématophore; a, lobe mobile avec les pseudopodes en mouvement. D’après le vivant. Partie d’un lobe mobile avec les pseudopodes, fortement grossi. Une partie d’ün lobe mobile traité par l'acide acétique (4gl. plumal). 12-13, Le bout d’une branche dans deux s'ades de développement; d, endo- 14. 15. 16. 4171. 18. derme rempli de cellules jaunes; f, fente dans l’ectoderme ; g, glandes unicellulaires; b, bout de la tige commune; a, correspond à la même partie de la figure 3; e, nématophore jeune. Un côté de la tige commune; p, périsarque; t, ectoderme en mouvement, dédocblé en deux couches entre lesquelles se trouve un espace; d, en- doderme ; ec, cellules jaunes; a, algues vertes, parasites dans l’ectoderme. Morceau d’un tentacule; {, ectoderme; a, algucs vertes. Cellules jaunes dont une en voie de division. Un nématophore médian, traité par l'acide acétique; e, partie immobiie; a, partie mobile; a’, deux pseudopodes (Agl. pluma). L’ectoderme dilaté en mince couche recouvrant la surface intérieure du périsarque; vue de face (voir la figure 14); a, algue verte. 49-20. Plumularia halccivides. Nématophores étalés ; d, endoderme; p, calyce 21. 22. 23. ou coupe du némalophore. Acide osmique et carmin boraté. Partie de l’ectoderme du polype, trailé comme le précédent. Calyce d’un polype qui s’est transformé en némalophore h; e, nématophore non étalé. D’après le vivant. Nématophore recourbé par suite d’une irrilation. D'après le vivant. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN, — T. X, 1882, 39 610 CG. DE MÉREJKOWSKY. PLANCHE XXIX, B. Fic. 1-2. Antennularia antennina. Deux nématophores, un d’après le vivant, l’autre traité par l'acide osmique et le carmin boraté; g, glande unicellulaire: .t, ectoderme ; d, endoderme. ; 3-6. Plumularia halecioides. D’après le vivant et le les divers états de con- traction, jusqu’à disparition complète (fig. 5); a, partie immobile, mais flexible ; d, partie mobile; d, endoderme ; p, calyce du polype; f{, ecto- derme. 7-8. Antennularia ramosa. D’après le vivant; r, cristaux. 9. Bout d’un nématophore après sa mort ; les cellules se séparent (Ant. antenn.\ 10. Cristaux de l’Antennularia ramosa. 11. Développement du nématophore dans Plumularia halecioides ; t, ectoderme. 12. Partie de la paroi du corps du même hydroïde avec Le carapaces de dia- tomées a, renfermées dans l’endoderme d. 13. Coupe optique d’un nématophore du même hydroïde, traité par l’acide os- mique et le carmin boralé ; m, endoderme. RECHERCHES SUR LA REPRODUCTION DES POLYPES HYDRAIRES PAR ANDRÉ DE VARENNE Préparateur au laboratoire de physiologie générale du Muséum. INTRODUCTION. Le nombre des auteurs qui se sont occupés des Hydraires est très considérable. Cela tient sans doute à l'intérêt qui s'attache à l'histoire de ces animaux, à l'importance et à l'originalité des pre- mières découvertes dont ils ont été l’objet, et aussi à l'élégance de leurs formes et à la profusion avec laquelle ils sont répandus sur les rivages de la mer. Il est impossible, en effet, quand on parle des Hy- draires, de ne pas rappeler les fameuses expériences de Trembley sur l'hydre d’eau douce. D'un autre côté, quoi de plus intéressant que ces animaux qui se présentent sous des aspects si différents, puisque tantôt ce sont d'élégantes colonies fixées à des algues, aux rochers ou à d’autres corps étrangers, tantôt des méduses d’une délicatesse inimaginable ? I y a bien là de quoi passionner l'esprit d’un naturaliste dans la question des générations alternantes. Mais s'il a été publié beaucoup de travaux sur ces animaux, je dois ajouter que les opinions les plus diverses et les plus opposées ont été soutenues partout dans ces dernières années : il y a donc encore à faire. D'ailleurs, quel est le sujet quelque épuisé qu'il paraisse, qui ne puisse fournir encore des résultats intéressants, lorsqu'on le re- prend d’une facon sérieuse et qu’on l’envisage sous un point de vue différent de ceux traités jusqu'alors ? C'est donc avec empressement que j'ai accepté de m'occuper de ce groupe, lorsque M. le professeur de Lacaze-Duthiers a bien voulu 612 ANDRÉ DE VARENNE. me le proposer. Les Hydraires sont, comme bien d’autres animaux d’ailleurs, très richement représentés à Roscoff. A quelques pas du laboratoire, on trouve à marée basse plusieurs espèces de Campanu- laires fixées sur les fucus et les rochers, ainsi que des Hydractinies et d’autres Tubulaires qui vivent en parasites sur les coquilles des Nasses. | Pendant les grandes marées, la moisson est bien autrement riche : on trouve alors en abondance des Campanulaires, des Plumulaires, des Hydractinies, etc.; au bout de quelques minutes on a facilement rempli ses bocaux et l’on a des matériaux pour plusieurs jours de travail. Les espèces que l’on ne peut pas récolter à marée basse sont retirées, soit à l’aide de la gaffe avec les algues sur lesquelles elles sont fixées dans les endroits où l’eau est peu profonde, soit au moyen de la drague et du faubert, lorsque la profondeur est plus considé- rable. J'ai obtenu ainsi à plusieurs reprises des ZLafoëa et autres es- pèces fort rares. On trouve d’ailleurs réunies à Roscoff les espèces les plus variées. La pêche pélagique m'a aussi donné des résultats intéressants. J'étais donc admirablement pourvu au point de vue des matériaux de travail: je ne l’étais pas moins bien au point de vue de l’installa- tion du laboratoire. C'est dans ces conditions exceptionnellement favorables que j'ai entrepris ce travail: je l'ai fait pendant les étés de 1880 et 1881. Pendant la saison d'hiver j'ai travaillé au laboratoire de la Sor- bonne, et grâce aux envois réguliers faits de Roscoff, j'ai eu pendant tout le temps des animaux vivants dans des cuvettes. C’est donc avec bien du plaisir que je saisis l'occasion d'exprimer ici à M. le professeur de Lacaze-Duthiers toute ma reconnaissance. Pendant ces deux années, mes recherches ont porté principale- ment sur l’origine et le développement des éléments sexuels mâles et femelles étudiés parallèlement chez plusieurs espèces qui avaient les unes des sporosacs toujours fixés à la colonie, les autres des demi-méduses, c’est-à-dire des méduses bien développées, mais restant toujours fixées à la colonie, les autres enfin des méduses libres. J'ai suivi le développement de l'œuf fourni par la méduse chez une espèce abondante qui vit en parasite sur la coquille de la Nasse SUR LA REPRODUCTION DES POLYPES HYDRATRES. 613 et qui possède des méduses libres ; car si l’on connait tout le déve- loppement de l’œuf chez les espèces qui ont des sporosacs toujours fixés au polype, il n’en est pas de même chez les espèces qui ont des méduses. Le cycle complet du développement n’a dans ce cas été fermé que pour un très petit nombre d'espèces et encore reste-t-il bien des lacunes. J'ai consacré aussi quelque temps à l'étude de l'organe appendi- culaire de la C'ampanularia angulata, et à quelques autres questions secondaires. CHAPITRE PREMIER. DE L'ORIGINE ET DU DÉVELOPPEMENT DE L'ŒUF. La plupart des naturalistes qui se sont occupés des Hydraires dans ces dernières années, ont abordé la question de l’origine des éléments sexuels', Malgré cela, la diversité d'opinions la plus com- plète règne encore à ce sujet. Je pourrais exposer les divers travaux qui ont paru par ordre chronologique : je préfère grouper ensemble les opinions qui se rapprochent le plus. Je serai bref dans cet aperçu historique : je m'étendrai davantage sur ces travaux en exposant mes recherches personnelles. Voici quelle est la question: les œufs et les spermatozoïdes pro- viennent-ils de l’endoderme ou bien de l’ectoderme, ou bien enfin proviennent-ils les uns de l’endoderme, les autres de l’ecto- derme ? Kolliker? est d'avis que les œufs et les spermatozoïdes proviennent tous deux de lendoderme. Hæckel partage la même opinion à la suite de ses recherches sur les Géryonides. Allman‘* pense que les ‘ Quoique dans ce chapitre je ne parle que de l’œuf, je trouve plus logique et plus clair de ne pas séparer la bibliographie des éléments sexuels mâles et femelles ; j'exposerai donc aussi l'historique des recherches faites sur l’origine des spermato- zoïdes. 2 KoLuIKER, Jrones hislologicæ, part. 11, 1866. 3 HzæckeL, Die Familie der Russelquallen (Medusæ Geryonidæ), Jenaïsche Zeitschrift für Naturwissenschaft, Bd. I, 1864. # ALLMAN, À Monograph of the Gymnoblastic or Tubularian Hydroids, Ray. Society, part. I, 1871, p. 149. 614 ANDRÉ DE VARENNE. éléments sexuels mâles et femelles sont d'origine endodérmique: «Il n'est pas facile, écrit-il, de dire d’abord si les éléments sexuels ont leur origine dans l’ectoderme ou dans l’'endoderme... Cependant, par de favorables observations que j'ai réussi à faire sur certaines espè- ces d'Hydraires, je me suis convaincu que la vraie origine des œufs et des spermatozoïdes est dans l'endoderme, tandis que l’ectoderme sert seulement comme un sac qui enveloppe et protège les éléments sexuels jusqu au moment où ils atteignent une maturité suffisante pour être mis en hberté. » Claus ‘, après avoir étudié les Acalèphes, partage la même opi- nion. | Korotneff ?, dans ses recherches sur la Lucernaire, pense que la couche endodermique fournit les éléments reproducteurs. Merejkowsky *, qui a étudié le développement de l'œuf dans les méduses du genre Æucope, pense qu’il provient de l’endoderme. Voici maintenant quels sont les partisans de l'origine ectoder- mique des éléments sexuels. Ce sont: Huxley, qui ne se prononce pas positivement dans un premier travail *, mais qui, quelques années plus tard, dans un second travail ÿ, semble incliner en faveur de l’origine ectodermique des œufs et des spermatozoïdes ; Kefer- stein et Ehlers 6 ; Claus, chez les Siphonophores’, Kleinenberg, dans sa belle monographie de l'Hydre; F. E. Schultze, chez le Cordylo- phora lacustris et la Syncoryne Sarsii*; Grobben ”, chez la Podoco- 1 CLaus, Studien über Polypen und Quallen der Adria. L Acaleyhen. Denkschriflen der Wiener Akad. Math. nat., XXX VIII, Bd. [. 2 Konornerr, Histoloyie de l'Hydre et de la Lucernaire (Arch. de Zool. erpér., t.V, 1976). 3 MEREIKOwWSKY, Sur l’origine et le développement de l'œuf dans la Méduse Eucope avant la fécondation (Comptes rendus, XC, 1880). * HuxLey, On the Anatomy and Affinilies of the Medusæ (Philosophical Transactions, 1819), traduit par J. Haime, dans les Ann. sc. nat., 3° série, t. XV, 1851). 5 HuxLey, The Oceanic Hydrozoa (Ray. Sociely, 1858). 6 KerensTEeIN et EuLers, Zoologische Beiträge. 7 CLaus, Neue Beobachtungen über die structur und Entwickelung der Siphonopho- ren (Zeitsch. für wiss., Zool., Bd. XII), et dans Ueber Physaloplera hydrostatica (Zeitschr. für wiss. Zool., Bd. X). 8 KLEINENBERG, Hydra, Eine anatomisch-entwickelungsgeschichtliche Untersuchung, Leipzig, 1872. 9 F.-E. Scnuurzr, Ueber den Bau und die Entwickelung von Cordylophora lacustris, Leipzig, 14871, e‘ Ueberden Bau von Syncoryne Sarsii, Leipzig, 1873. 0 Gaoppen, Ueber Podocoryne carnea (Sitsungs berichte der Wiener Akademie der Wissenschaften, LXXITI). SUR LA REPRODUCTION DES POLYPES HYDRAIRES. 615 ryne carnea, O. et R. Hertwig, chez les Méduses !; enfin, Ciamician dans la Z'ubularia mesembryanthemum ?. En 1874, paraît un très intéressant mémoire de E. van Beneden$. Ses recherches ont principalement porté sur l'Hydractinia echinata et la Clava squamata. I conclut de ses observations : que les œufs proviennent de l’endoderme et sont primitivement de simples cellules endodermiques ; que le testicule etles spermatozoïdes se développent aux dépens d’un organe qui est un bourgeon de l’ectoderme qui s'étend en forme de croissant et refoule l’endoderme au sommet du sporosac. Cet organe testiculaire se forme par invagination : son pédicule se rompt bientôt et il finit par se trouver entouré de toutes parts par les éléments endodermiques. Dans le gonosome femelle, on rencontre un organe testiculaire rudimentaire qui parait au som- met du sporosac, lorsque tous les œufs sont formés, Dans le gono- some mâle, on trouve certaines cellules qui tendent à se différencier ; les ovules sé trouvent donc aussi chez le mâle. De là, l’auteur con- clut à l'hermaphrodisme morphologique de chaque gonosome. Il généralise ensuite et étend ses observations aux animaux supérieurs. Pour Ed. van Beneden, l’endoderme représente le feuillet femelle, l’ectoderme lé feuillet mâle, et la fécondation consiste dans l’union d'une cellule de l’endoderme différenciée avec un certain nombre de spermatozoïdes provenant de l’ectoderme. Pour le moment, j'expose seulement les recherches qui ont été faites et je n'entre dans aucune discussion : je me réserve de revenir plus tard sur ces observations et sur les conclusions qu'on peut en tirer. Koch partage l'avis de E. van Beneden #. Bergh, chez la Guno- thyræa Loveni $, pense que les œufs proviennent de l’endoderme et les spermatozoïdes de l’ectoderme. Enfin, en 1880, M. Fraipont étu- 1 O.et R. Herrwic, Der organismus der Medusen und seine Siellung zur Keimblät- tertheorie, Iena, 1878. ? CraMicrAN, Zur Frage über die Entstehung der Gesch'echtsstoffe bei den Hydroiden {Zeilsch. fur wiss. Zool., XXX, 1878), et Ueber den eneren Bau und die Entwickelung von Tubularia mesembryanthemum (Zeitsch. fur wiss. Zool., XXXII, 1879). 3 Ed. van Beneoen, De la distinction originelle du testicule et de l'ovaire; caractère sexuel des deux feuillets primordiaux de l'embryon ; hermaphrodisme morphologique de toute individualité animale; essai d’une théorie de la fécondation (Bull. de l’Acad. de Bruxelles, t. XXX VII, 1874). * Kocx, Hiltheilungen über Cæœlenteraten (Morph. Jahrb., 11, 1876). 5 BerGu, Sludien über die erste Entwickelung des Eies von Gonothyræa Loveni (Mor- phologisches Jahrbuch, Leipzig, V, 1879). 616 ANDRE DE VARENNE. die la Campanularia angulata et la C. fleæuosa ; il conclut que les œufs se développent aux dépens de l’endoderme, les spermatozoïdes aux dépens de l’ectoderme ". La quatrième opinion a été soutenue par Ciomician ?. Il prétend que, chez l'Endendrium ramosum, les œufs proviennent de l’ecto- derme et les spermatozoïdes de l'endoderme. Korotneff a cherché à concilier ces différentes opinions, et pour lui les éléments reproducteurs mâles et femelles proviennent du mésoderme « en tant que les éléments du dernier feuillet se trou- vent indifféremment d’un côté et de l’autre de la membrane élastique.» M. Fraipont fait remarquer avec beaucoup de raison que c'est enlever à Ja lamelle intermédiaire toute signification, et que c'est une manière peu heureuse d'expliquer les divergences d'opi- nions auxquelles on est arrivé. Jusqu'à ce moment c'est toujours dans les gonophores, c'est- à-dire dans les bourgeons sexuels considérés comme représentant les individus sexués, que l'on a observé l'origine et le dévelop- pement des œufs et des spermatozoïdes, Ces gonophores restent tantôt toujours fixés au polype sur lequel ils ont bourgeonné et sont alors de simples sporosacs, comme Allman les appelle, tantôt au contraire, ils se détachent à un moment donné du polype, devien- nent ainsi indépendants, nagent librement et constituent une vérita- ble méduse. C'est sur eux que tous les efforts se sont concentrés jusqu'à présent, et c'est à leur sujet que toutes les discussions et toutes les divergences d'opinions signalées plus haut se sont élevées. Cela se conçoit aisément, puisque tandis que l'on considère ces bourgeons sexuels (sporosacs où méduses) comme représentant la génération -sexuée, les polypes ou les formes polypoïdes sur les- quelles ils bourgeonnentsontregardés commereprésentant la généra- tion asexuée. Ce sont là les deux termes des générations alternantes, etil est tout naturel que l’on ne se soit pas attaché à observer l’ori- eine et le développement des produits sexuels ailleurs que chez les individus considérés comme sexués. Cependant quelques auteurs avaient déjà signalé la présence 1 FrarponT, Recherches sur l'organisation histologique et le développement de la Campanularia angulata (Archives de Zool. exp., t. VIII, 1880. ? CiamicrAN, Zur Frage über die Entstehung der Geschlechtsstoffe bei den Hydroiden (Zeilsch. f. wiss. Zool., XXX, p. 507, 1878), KOROTNEFF, op. cil,, p. 399, à ie ml SUR LA REPRODUCTION DES POLYPES HYDRAIRES. 617 d'œufs ailleurs que dans l'intérieur de ces bourgeons sexuels ; mais ils n'avaient attaché à ce fait qu'un médiocre intérêt. En effet, F.-E. Schulze ‘, dans un travail sur le Cordylophora lacustris, dit qu'il a observé dans les tissus des rameaux et du tronc d’une colonie femelle, de très grosses cellules à protoplasma granu- leux renfermant un très gros noyau et ressemblant beaucoup à de véritables œufs. Allman, dans sa magnifique monographie des Tubulaires ?, dit que chez tous les Hydraires les éléments sexuels naissent entre l’en- doderme et l’ectoderme, et, sauf une seule exception, sont toujours formés dans les parois d’un organe strictement homologue avec le manubrium d’une méduse gymnophthalme. L’exception à laquelle il fait allusion se rapporte à la Sertularia pumila et à une ou deux autres espèces du même genre chez lesquelles des œufs naissent dans le blastostyle. En effet, d’après cet auteur, dans la Sertularia pumila un gonophore solitaire qui renferme comme d'habitude des œufs ou des spermatozoïdes bourgeonne comme dans les autres cas, sur un blastostyle. Cependant, dans les colonies femelles, des corps sphériques renfermant un noyau et qui ressemblent énormément à de jeunes œufs, se rencontrent dans les parois du blastostyle lui- même, et semblent se trouver entre l'endoderme et l’ectoderme. L'auteur n’a pas réussi à suivre d’une manière satisfaisante le déve- loppement de ces corps ni leur destination ; mais il pense que les vrais gonophores bourgeonnent sur cette partie du blastostyle dans laquelle on rencontre ces corps à noyau, et que ceux-ci, comme de jeunes œufs, passent du blastostyle dans l’intérieur du gonophore qui bourgeonne où ils occupent naturellement leur position normale, entre l’endoderme et l’ectoderme d’une organe qui représente le manubrium d'une méduse. Un peu plus tard, Ed. van Beneden signale chez l'Aydractinia echi- nata %, la présence d’ovules dans la région germinative, c’est-à-dire dans la partie du polype où doivent se développer les bourgeons sexués, avant l'apparition des premiers sporosacs. Ces ovules sont dans l’épaisseur de l’endoderme. Au début les sporosacs ne sont que de simples diverticulums des parois du corps du polype: puis l’œuf 1 F.-E, SCHULZE, op. cit. 2? ALLMAN, Op. Cêl., p. 148 et suiv. 3 Ed. van BENEDEN, op. cit. 618 ANDRE DE VARENNE. est expulsé de l’endoderme et refoulé entre celui-ci et la membrane sans structure qui le sépare de l’ectoderme. Il faut remarquer que les deux auteurs que je viens de citer signalent la présence d’ovules non pas dans les tissus mêmes de la colonie, dans le cænosarc, mais seulement dans les parois du blastostyle. En tous cas, Ed. van Bene- den indique très nettement que les œufs sont primitivement de simples cellules endodermiques et qu'ils se trouvent déjà différenciés dans l'épaisseur de l’'endoderme avant que les sporosacs aient com- mencé à se former. Mais, pour ce naturaliste, une partie seulement des jeunes œufs qui se trouvent primitivement dans le sporosac atteignent leur maturité : les autres sont des œufs avortés. M. Fraipont signale la présence d'œufs, en voie de développement dans l’endoderme du pédicule du gonangium femelle et même dans l'endoderme des rameaux primaires etsecondaireset des stolons dans la Campanularia anqgulata et la C. flexzuosa. Maïs, pour cet auteur, ces œufs, en voie de développement dansle pédicule du gonangium, dans les rameaux et les stolons, n'arrivent jamais à maturité, ou plutôt se trouvent dans de telles conditions que la fécondation ne serait pas possible alors même qu'ils arriveraient à maturité !. Tout en tirant la conclusion que la sexualité n’est pas exclusivement dévelue à un point déterminé de l’endoderme, mais comporte tout le feuillet, il semble dire que ces œufs sont constamment destinés à avorter. A partir de ce moment la question change de face et semble ra- menée à sa voie véritable. En 4880, M.Goette ? signale une espèce nouvelle de polype hydraire, l’'Aydrella ovipera, qui présente la particularité de développer ses œufs aux dépens des cellules endodermiques dans la tige elle-même. C’est là qu'ils arrivent à leur développement ultérieur, au lieu d’être entrainés dans un gonophore, tandis que la partie qui reste de l’en- doderme s'atrophie. À la même époque, M. Weisthann étudiait cette question de l'ori- gine des éléments sexuels chez plusieurs espèces d'Hydraires et tiraib la conciusion que tandis que les œufs proviennent de l'endoderme, les spermatozoïdes proviennent tantôt de l’'endoderme et tantôt de l'ectoderme, suivant les espèces?. Très peu de temps après, il publiait 1 FRAIPONT, op. cil., p. 454. 2 GoeTTE, Zool. Anzeiger, 1880, p. 352. 3 WV£IsMANN, Zur Frage nach dem Ursprung der Geschlechtszellen bei den Hydroiden Zaol, Anz., III, n° 55, p. 226, 1880). SUR LA REPRODUCTION DES POLYPES HYDRAIRES. 619 une nouvelle note dans laquelle il exposait le résultat de ses recher- ches sur la Plumulariaà echinulata". Suivant ce naturaliste les gonanges mâles ou femelles se déve- loppent en certains points de la tige. On rencontre avant tout un petit nombre de cellules ovariennes ou séminales dans l’endoderme, avant que rien indique la présence d'un organe reproducteur. Au- tour de ces organes reproducteurs primitifs, l’ectoderme se modifie d'une manière remarquable: il se développe des cellules spéciales qui contiennent dans leur portion extérieure un fluide qui probable- ment est le produit d’une sécrétion et détermine un gonflement des parties voisines du périsarc. Il apparaît en un point une fente qui grandit et à travers celle-ci croissent des cellules ectodermiques et endodermiques recouvertes par le périsare. Un gonangium se trouve ainsi développé. Weismann ajoute que ce mode de formation n'existe pas chez tous les Hydraires : dans un cas, les cellules sexuelles naissent dans le parenchyme de la colonie, dans le cœnosarc d'Allman, et les in- dividus reproducteurs sont ainsi d'origine secondaire : il appelle origine cœnosarcale cette formation de cellules sexuelles dans le cœnosarc, et il désigne sous lé nom d'Hydraires cœnogones les espèces qui appartiennent à ce premier type. Dans un second cas, les cellules sexuelles se forment seulement dans les bourgeons sexués et ces individus reproducteurs sont par conséquent d’origine primaire ; il appelle origine blastoïdale cette formation de cellules sexuelles dans les bourgeons sexués, et Hydraires blastogones les espèces qui appartiennent à ce second type. Dans une note encore plus récente, le même auteur indique que dans le genre Z'udendrium les œufs se développent dans le cœænosarc de la tige aux dépens des cellules de l’endoderme?. Pendant l'été de l’année 1880, en étudiant les Campanulaires et les Plumulaires sur les côtes de Bretagne, au laboratoire de Roscoff, j'ai été amené à m occuper de la question de l’origine des éléments sexuels chez ces animaux : sans avoir connaissance des recherches deM. Weismann qui ne furent, en effet, publiés qu’un peu plus tard, je suis arrivé en même temps que ce naturaliste à des résultats identiques pour deuxespèces, 1 WEISMANN, Ueber den Ursprung der Geschiechlszellen Hydroiden (Zoo!. Anzeiger, no 61, 1880, p. 367). ? WeiSMANN, Dei Entstekung der Eïzellen in der Gatlltung Endendrium (Zool. Anzeig., mars 1881, n° 77), 620 ANDRÉ DE VARENKNE. la C'ampanularia flezuosa et pour une variété de la Plumularra echinu- lata, que j'ai trouvée à Roscoff. Je n'ai pas publié mes observations dès 1880, voulant les étendre à d’autres espèces, à cause de l'intérêt qu'il me semblait y avoir à étudier parallèlement des espèces qui avaient leur génération sexuée représentée par des sporosacs tou- jours fixés au polype et d’autres qui avaient des méduses libres. Pendant que j'étais occupé à la rédaction de ce travail, à paru un nouveau mémoire de M. Weismann!'. C’est le développement des observations contenues dans les trois notes que je viens de citer auxquelles il a ajouté quelques autres observations : je ne m'arrête pas pour le moment sur ce travail, car J'ai communiqué à l'Académie des sciences, avant qu'il paraisse, les principaux résultats auxquels m'ont conduit mes recherches sur le même sujet? Ma première note a été insérée aux Comptes rendus de l'Académie des sciences le 16 août 1881. Je me permets de rappeler ce détail, car M. Weis- mann n’en parle pas dans son mémoire. Je vais maintenant exposer mes recherches personnelles en sui- vant l’ordre des espèces que j'ai successivement observées: j'ai en effet commencé par des espèces qui ont leurs individus sexués tou jours fixés à la colonie sur laquelle ils bourgeonnent : ce sont de simples sporosacs; j'ai ensuite étudié une espèce fort intéressante par ce fait que ces individus sexués ne sont plus seulement des di- verticulums en cul-de-sac de la paroi du corps du polype comme dans le cas précédent ; ici la complication est bien plus grande; les individus reproducteurs présentent une ombrelle, des canaux rayonnants dans les parois de cette ombrelle, des tentacules fili- formes et, après avoir passé un certain temps dans l’intérieur de la gonothèque ou capsule, c’est-à-dire dans cette enveloppe chitineuse commune à un certain nombre de ces individus reproducteurs, finis- sent par sortir de cette capsule quand les produits sexuels qu'ils renferment approchent de leur maturité. On les trouve, en effet, à ce moment en dehors de la capsule et à son sommet, où ils ne sont plus retenus que par une sorte de pédicule qui les relie au blasto- style et par l'intermédiaire duquel ils sont en communication avec le reste de la colonie. Dans ce cas, ces individus sexués ou gono- 1 \WV£ISMANN, Observations sur l'origine des cellules sexuelles des Hydroïdes (Ann. sc. nat., 6e série, t. XI). » " ? Comptes rendus de l’Académie des sciences, 1881, 2 semestre, nts 7 ct 24, p. 345 et 1032 SUR LA REPRODUCTION DES POLYPES HYDRAIRES. 621 phores sont presque des méduses; mais ils restent encore fixés pen- dant toute leur existence au sommet du gonange, ils ne deviennent jamais libres: on leur a donné le nom de demi-méduses pour rap- peler cette particularité ; c’est une forme intermédiaire entre les espèces qui ont des gonophores toujours fixés ou des sporosacs or- dinaires et celles qui ont des méduses libres ; ce sont ces dernières que j'ai étudiées en dernier lieu. S 1. Campanularia flexuosa. Cette espèce dont les colonies ont habituellement 1 centimètre de hauteur, quelquefois 1 centimètre et demi ou 2 centimètres, est extrèmement commune. À Roscoff on la trouve à la grève sur presque toutes les touffes de fucus en très nombreuses colonies ; souvent encore, mais plus rarement cependant, elle est directe- ment fixée sur les cailloux et les blocs de granit. Son abondance me l’a rendue extrèmement précieuse : je pouvais me la procurer soit à la basse mer, à la grève, soit même presque en tout temps, excepté au moment de la haute mer, sur la petite jetée qui sert de lieu d'embarquement pour aller à l'ile de Batz. Là, je n'avais qu'à cueillir presque au hasard quelques feuilles de fucus fixées sur les blocs de granit qui forment la base de cette jetée et je revenais tou- jours avec une riche moisson. Rien n'est plus gracieux que cette espèce observée au microscope à un faible grossissement, lorsque les individus nourriciers sont épanouis et étendent leurs tentacules en les agitant lentement. La transparence admirable de la colonie permet de suivre les phénomènes les plus intimes qui se passent à l'intérieur. Les bourgeons sexués naissent sur la tige à l’aisselle des rameaux et restent toujours fixés à la colonie : ce sont des sporosacs, pour se servir de la nomenclature introduite dans la science par Allman. Un gonangium contient en général 8 ou 10 sporosacs alter- nant de côté et d'autre du blastostyle et renfermant chacun un œuf. Is sont situés par ordre de maturité sur le blastostyle, les plus mûrs au sommet, les moins mürs à la base. Une enveloppe commune chitineuse (gonothèque ou capsule) protège ces sporosacs". 1 J'emploie ici le mot gonangium dans le même sens que M. Fraipont et M Weis- maun pour désigner un ensemble qui comprend le blastostyle, les gonophores qui bourgeonnent sur ce blastostyle et.une enveloppe chitineuse commune qui recouvre 622 ANDRÉ DE VARENNE. Jusqu'à présent on pense que les œufs prennent naissance dans l'intérieur de ces sporosacs, que l’on considère, en effet, comme les individus sexués. Cependant, en m’occupant de l’histologie de cette espèce, jai trouvé en très grande abondance, non seulement dans les gonangiums, mais dans les tissus de la tige elle-même et dans les stolons qui fixent les colonies aux corps étrangers, des cellules volumineuses à contenu granuleux avec un énorme noyau plus clair et plus réfringent. Ce sont de véritables œufs. C’estau moyen de disso- ciations que l’on arrive à mettre ces cellules particulières en évidence ; on peut, avecun peu d'attention, les observer, sans aucun réactif, dans les tissus vivants ; mais elles échappent cependant souvent à cause de leur très grande transparence, et il faut, dans ce cas, que ce soit leur noyau volumineux qui révèle leur présence. La méthode qui m'a donné les meilleurs résultats a été l'emploi de l'acide acétique extrêmement étendu. Au bout de quelques heures, les éléments cellulaires sont parfaite- ment isolés; il suffit d’agiter légèrement la préparation à l’aide d'une aiguille à dissection, et l'on a une bonne dissociation. Il est alors très facile de retrouver les éléments dont je parlais plus haut; on les dis- tingue d’abord à cause de leur grandeur, bien plus considérable que celle des autres cellules, et ensuite par l'aspect opaque qu'elles ont pris sous l'intluence du réactif. I n'y a plus aucun doute possible ; ce sont de véritables œufs en voie de développement, avec une vési- cule germinative et une tache germinative très nettes. M. Fraipont a déjà indiqué! la présence de ces œufs dans le pédicule des gonangiums, dans l'endoderme des stolons au voi- sinage de ces pédicules et même dans l’endoderme des rameaux primaires et secondaires chez l'espèce dont nous nous occu- pons; mais, bien qu'il reconnaisse parfaitement que ces cellules plus volumineuses sont des œufs en voie de développement, il dit que ces œufs situés soit dans le pédicule du gonangium, soit dans les stolons au voisinage du pédicule des gonangiums, soit enfin dans les rameaux, n’arriveront jamais à maturité, ou plutôt qu'ils se trouvent dans des conditions telles, que la fécondation ne serait pas le tout; car pour Allman, le gonangium désigne uniquement une enveloppe chi- tineuse et serait par conséquent synonyme des mots gonothèque ou capsule, Nous n’emploierons pas ce mot dans ce sens, bien qu’en général nous nous servions de la nomenclature d’Allman. { Fraipont, op. ct!,, p. 454. SUR LA REPRODUCTION DES POLYPES HYDRAIRES. 623 possible, alors même qu'ils arriveraient à maturité. J'avoue que, même à première vue, il m'a été impossible de partager cette opi- nion. Si l’on trouvait quelques œufs seulement isolés dans les tissus de la colonie, on pourrait peut-être admettre avec l’auteur que Je cite cette conclusion que « la sexualité n'est pas exclusivement dé- volue à un point déterminé et restreint de l'endoderme, mais com- porte tout le feuillet ; » mais la présence de ces œufs dans les pédi- cules des gonangiums et dans l’endoderme de la tige, bien loin d'être un fait exceptionnel, est, au contraire, un fait absolument constant, et c’est en très grande quantité que l’on trouve ces œufs en voie de développement ailleurs que dans les gonangiums. En faisant les dissociations dont je viens de parler à l’aide de l'acide acétique très étendu, je trouvais des œufs en telle quantité dans les tissus de la colonie, que j'ai commencé par me demander si réellement ces œufs appartenaient bien à l'espèce que nous étu- dions ou s'ils n'auraient pas été déposés là par quelques animaux parasites de ces colonies. J'avais un moyen bien simple de vérifier ce fait ; en effet, en prenant des colonies de €’. flexuosa mâles et fe- melles, je me suis assuré, chez un grand nombre de ces colonies, que l’on rencontrait constamment ces œufs en voie de développe- ment dans les colonies femelles, tandis qu'ils manquaient toujours dans les colonies mâles, ce qui n'aurait pas eu lieu si ces œufs ap- partenaient à d’autres animaux parasites, puisque, au point de vue de la taille, de l'habitat, etc., les colonies mâles et femelles sont semblables et offriraient, par conséquent, les mêmes avantages à des animaux parasites. De plus, au lieu de faire des dissociations comme celles que j'ai indiquées qui isolaient les éléments cellu- laires les uns des autres, mais sans conserver leurs rapports entre eux, j'ai eu recours à des dissociations sur place, c'est-à-dire qu'a- près avoir placé une colonie femelle vivante sur une lame de verre et l'avoir recouverte d'un couvre-objet, je faisais agir le réactif sous le microscope même, de telle facon que les divers éléments, sans être complètement isolés, devenaient très faciles à distinguer et restaient cependant à la place qu’ils occupaient primitivement dans la colonie vivante. En opérant ainsi, le doute n’est plus possible, et j'ai de nombreuses préparations microscopiques dans lesquelles on voit ces jeunes œufs en place à divers états de développement, qui occupent une partie considérable de la couche endodermique de la colonie. 624 ANDRÉ DE VARENNE. Un fait absolument incontestable est que ces jeunes œufs sont des cellules de l'endoderme différenciées et que l’on trouve tous les pas- sages entre une cellule de l'endoderme ordinaire et un œuf bien déve- loppé. Les cellules ordinaires de l’endoderme sont cylindriques ou cubi- ques; le protoplasma est granuleux et elles renferment un noyau ovale pourvu lui-même d’un ou deux nucléoles. Ces cellules de l’endoderme sont terminées par une surface plane à l'extrémité par laquelle elles s'appliquent contre la lamelle intermédiaire ; au con- traire, à leur extrémité libre elles sont arrondies et terminées par un flagellum qui s’agite librement dans la cavité digestive de la colonie, Ce sont ces flagellums des cellules de l'endoderme qui produisent cette circulation fort aetive que l'on remarque aussitôt que l’on observe une de ces colonies à un grossissement suffisant. Le premier degré dans la différenciation de ces cellules est une augmentation dans leur volume; en même temps la cellule perd son flagellum, tend à s’arrondir et à prendre des dimensions à peu près égales dans tous les sens, tandis qu'avant elles étaient plus hautes que larges. On rencontre encore cependant à cet état des contours anguleux et l’on reconnait encore la forme générale d'une cellule endodermique. Le noyau prend des proportions beaucoup plus grandes et devient plus réfringent. A des étais de différenciation plus avancés, le volume augmente dans des proportions très consi- dérables; la cellule s’arrondit et devient à peu près sphérique; le noyau, devenu la vésicule germinative, est énorme et très brillant ; il renferme la tache germinative. On comprend qu'entre une des cellules ordinaires de l’'endoderme dont le volume estextrèmement faible et un œuf arrivé à maturité et relativement d'une taille considérable, il y ait une foule d'états inter- médiaires sur lesquels je ne puis insister; qu'il me suffise d'établir que ces œufs en voie de développement proviennent d’une cellule endo- dermique différenciée et que la vésicule germinative semble prove- nir du noyau transformé, et la tache germinative du nucléole. Ces cellules de l'endoderme différenciées se rencontrent à divers états de développement dans la tige des colonies et même, mais plus rarement, dans la partie qui fixe la colonie aux corps étrangers, et qu'Allman appelle l’Aydrorhize. Dans la tige elles sont très abondantes, dans les deux tiers infé- rieurs, c'est-à-dire dans la partie sur laquelle bourgeonnent surtout SUR LA REPRODUCTION DES POLYPES HYDRAIRES. 625 les gonangiums. J'ai représenté! un des articles de la tige centrale d'une colonie sur laquelle on ne trouve pas de gonangiums, mais qui, cependant, a son endoderme presque complètement occupé par de jeunes œufs de tailles diverses. Ce fait n'est pas rare, et souvent j'ai trouvé dans une colonie qui ne portait qu'un ou deux gonan- giums la tige occupée dans la plus grande partie de sa longueur par des ovules. Dans la figure que je donne, on peut voir des œufs en voie de développement à plusieurs états différents ; mais ils sont bien join d'avoir atteint leur taille définitive; quand ils seront arri- vés à maturité ils seront douze ou quinze fois plus considérables. La formation de ces cellules-œufs a lieu de bas en haut : elle commence dans les articles de la colonie situés en bas, et se continue en remontant dans la tige. Un fait très intéressant est que l'on rencontre ces œufs dans la tige des colonies avant qu'elles ne présentent aucune trace de bourgeons reproducteurs ou de gonangiums. Au moment où les gonangiums pa- raissent, 1l y a toujours des œufs en voie de développement dans l’'endoderme de la tige. Je n'ai jamais observé une seule exception à cette règle. J’insiste beaucoup sur ce fait, qui me permet de donner une explication nouvelle et que je crois seule exacte de l’origine des œufs et du développement des gonophores dans cette espèce. Il ne faut pas, en effet, oublier qu’un gonophore n’est d'abord qu’un cul- de-sac formé par les parois du corps du polype. Or, c'est dans la région du corps sur laquelle paraissent ces culs-de-sac que ces jeu- nes œufs sont le plus abondants dans la paroi endodermique du corps du polype. Si donc, au moment où les gonophores commencent à paraitre, c’est-à-dire au moment où l'endoderme et l’ectoderme du polype commencent à former un diverticulum en cul-de-sac, qui grandira ensuite de plus en plus, l’'endoderme de cette région du corps est en partie constituée par des cellules différenciées, ce diver- ticulum en cul-de-sac entraîne en se formant un certain nombre de ces Jeunes œufs qui, primitivement, occupaient la paroi endoder- mique du corps du polype : ces jeunes œufs contribuent maintenant à former la couche interne, c'est-à-dire l’endoderme des jeunes gonophores qui se développent. Le même phénomène se reproduit chaque fois qu'il se forme un nouveau gonophore : le même endo- derme, qui auparavant formait la couche interne des parois du corps 1 PI. XXXIIL, fig. 1. ARCH. DE ZOO! EXP. ET GEN. == T. X, 1889. 40 626 ANDRE DE VARENNE. du polype, constitue maintenant la couche interne du diverticulum en cul-de-sac, c'est-à-dire du nouveau gonophore, et naturellement on y retrouve les mêmes cellules différenciées qui se trouvaient avant dans la couche interne du corps du polype lui-même. Telle est, sans aucun doute, l'origine des œufs que l’on rencontre dans les gono- phores. On voit que ce phénomène est essentiellement différent de l’origine et des développements de l'œuf, tels qu’on les décrivait jusqu'ici. En effet, on admettait bien jusqu’à présent que le gono- phore n’était primitivement qu’un diverticulum des parois du corps du polype; mais on admettait aussi d’une manière formelle que les éléments sexuels se formaient toujours dans l’intérieur des gono- phores et aux dépens de leurs tissus, et ne pouvaient se former que là. Le gonophore était l'individu sexué et comme je l'ai dit dans la partie historique de ce travail, la divergence d'opinions la plus complète existait au sujet de cette origine des éléments sexuels dans l'intérieur des gonophores ; car c'était toujours dans l’intérieur de ces gonophores bien développés que l’on cherchait à suivre l’origine et le développement des œufs par des coupes ou par l'observation directe : c'est pour cela que l’on regarde les gonophores comme les individus sexués, puisque l'on croit que ce sont eux qui seraient seuls capables de développer les éléments sexuels dans leur intérieur, aux dépens de leurs tissus, par opposition aux individus asexués ou aux polypes proprement dits, qui, eux, ne pourraient se reproduire que par bourgeonnement et seraient incapables de développer des œufs ou des spermatozoïdes. Tels sont, en effet, Les deux termes des générations alternantes : le polype, qui représente la génération asexuée, et le gonophore (sporosac ou méduse), qui représente la gé- nération sexuée. Il me semble que, si ces observations sont exactes, elles doivent apporter une modification importante aux idées admises sur les gé- nérations alternantes : je crois que l’on ne peut pas admettre dans ce cas la génération alternante, telle, du moins, qu’on l'entend en opposant la sexualité des gonophores à la non-sexualité des po- lypes. Après les phénomènes que je viens de décrire, 1l n’est pas éton- nant que nous trouvions des œufs dans la tige au voisinage des gonangiums. Ceux qui se trouvent là sont même plus avancés que dans le reste de la tige, ce qui se conçoit, puisqu'ils passeront pro- chainement dans l'intérieur d’un gonangium pour achever leur dé- SUR LA REPRODUCTION DES POLYPES HYDRAIRES. 627 veloppement. Il n’est pas rare même de trouver dans le pédicule des gonangiums de jeunes œufs quisont en train de passer dans leur in- térieur. Ge sont alors les témoins de l'exactitude des faits que j'avance ; car, en suivant ces jeunes œufs qui se trouvent dans le pédicule d'un gonangium, on voit bientôt qu'ils ne restent pas là sta- tionnaires, mais qu'ils sont entrainés avec les tissus environnants dans l'intérieur même des gonophores, où ils achèvent leur déve- loppement. Comme je l'ai déjà dit, dans l'intérieur d’un gonangium les œufs sont situés : les moins mürs à la base et les plus mûrs au sommet. Souvent on rencontre au sommet des œufs fécondés et segmentés, tandis que ceux situés à la base du gonangium ne sont guère plus mûrs que ceux qui sont dans la tige. J’appelle l'attention sur le fait suivant: les œufs situés dans la tige et les rameaux, étant des cellules de l’endoderme modifiées, ne cessent pas par le fait même de leur différenciation de faire partie de cette couche endodermique. Ils contribuent à former, chacun suivant son volume et son développement, cette couche qui ne com- prend qu'une seule cellule en épaisseur. Chaque œuf est donc là en rapport d’un côté par sa face externe avec la lamelle intermédiaire, de l’autre par sa face interne avec la cavité digestive de la colonie qu'il contribue à délimiter. Dans le pédicule du gonangium, il en est encore de même et la cellule-æœuf contribue encore à la délimitation de la cavité gastro-vasculaire. Mais à partir de la base du gonan- gium il n’en est plus ainsi: le jeune œuf est encore en contact avec la lamelle intermédiaire par sa face externe ; mais par sa face interne iln'est plus en contact immédiat avec le cavité gastro-vasculaire. On trouve au-dessous de lui et le séparant de cette cavité gastro- vasculaire une assise de cellules que nous ne rencontrions pas jusqu'alors. M. Fraipont signale! la présence de cette assise de cellules dans la C. angulata ; mais il n'indique pas son origine. D’après les obser- vations que j'ai faites, je crois que cette couche de cellules qui sépare l'œuf de la cavité gastro-vasculaire provient de la multiplication par division des cellules endodermiques non différenciées voisines et qui contribuaient à former avec lui la paroi endodermique du corps du polype. Les nouvelles cellules provenant de cette division conti- 1 FRAIPONT, Op. cil., p. 455, 628 ANDRÉ DE VARENNE. nuent sous l'œuf une couche endodermique de cellules non diffé- renciées et l'œuf se trouve ainsi isolé à sa face interne par cette couche de cellules endodermiques de nouvelle formation, et à sa face externe par la lamelle intermédiaire qui le contourne. Cette modification est intéressante, car, à partir de ce moment, cette assise endodermique nouvelle qui débute par une ou deux cel- lules quand l’œuf est à la base du gonangium, s'étend à mesure que son volume devient plus considérable, et elle ne cessera pas, jusqu’au moment où il sera mür, de former une assise qui le sépare de la ca- vité gastro-vasculaire ‘. Nous trouvons donc dans le gonangium, au niveau de chaque go- nophore, l’endoderme constitué par deux couches : 4° l'œuf ou la cellule endodermique différenciée qui primitivement constituait seule la couche endodermique à ce point; 2° la couche endodermique de nouvelle formation au-dessous de l'œuf; tandis que dans la tige, et même dans le pédicule du gonangium, la cellule-æuf constitue encore à elle toute seule la paroi endodermique à ce niveau ? et intervient dans la délimitation de la cavité gastro-vasculaire. J'insiste sur ce point; nous en verrons toute l'importance surtout quand nous nous occuperons de l’origine des éléments sexuels mâles. L'œuf, en grandissant, comprime de plus en plus la lamelle inter- médiaire et l’ectoderme, qui finit dans la partie supérieure du gonan- gium par former une couche extrêmement mince ; cet ectoderme émet des prolongements qui le réunissent à la face interne du périsarc. Dans les observations que je viens de citer, les unes sont beaucoup plus faciles à faire que les autres; il est aisé, en effet, de constater la. présence des œufs dans l’endoderme de la tige et à la base des gonan- giums arrivés déjà à un certain développement; mais, à cause de la rapidité très grande avec laquelle ces gonangiums se développent, il est difficile d’assister à l'apparition et aux premiers moments de la formation de ces gonophores, qui sont cependant les plus intéres- sants, puisqu'ils permettent seuls d'affirmer que les œufs que l'on trouve dans les gonangiums et les gonophores ne sont pas nés dans leur intérieur, mais proviennent de cellules endodermiques diffé- 1 PI, XXXIII, fig. 2. 2 FrarPonr, op. cit., pl. XXXIII, Ag, 9 et 10. SUR LA REPRODUCTION DES POLYPES HYDRAIRES. 629 renciées du cœnosarc du polype lui-même. Nous allons voir mainte- nant une autre espèce chez laquelle il est beaucoup plus facile d'assister aux premiers débuts de la formation d'un gonangium. S 2. Plumularia echinulata. J'ai trouvé abondamment à Roscoff une espèce qui ressemble beau- coup, à première vue, à la Plumularia echinulata (Lam.) décrite par Hincks!, mais qui, lorsqu'on l'observe attentivement, en diffère cependant par certains caractères bien tranchés. Je ne trouve pas ces caractères assez importants pour en faire une espèce nouvelle, mais je crois quil y a lieu de créer une variété. Cette espèce ? a trois nématophores comme dans l'espèce décrite par Hincks, un au-dessous de chaque calyce, un au-dessus et un à l'aisselle de chaque rameau ; de plus, les articles sont effilés en fuseau à la base et semblent s'emboiter dans l'extrémité supérieure élargie de l'article précédent. Les calyces ont la même forme que ceux de la Plumularia echinulata ordinaire ; mais nous trouvons dans l’espèce que nous rencontrons abondamment à Roscoff, surles lami- naires de l’herbier et sur les fucus, un article intermédiaire entre deux calyces comme celui que l’on rencontre dans la Plumularia similis. De plus, les capsules sont plus allongées et plus ovoïdes que dans la P. echinulata ordinaire, mais ces deux caractères distinctifs ne sont pas constants. En effet, sur la même colonie et jusque sur les mêmes rameaux, tantôt on trouve cet article intermédiaire entre deux calyces, tantôt il est absent ou peu accusé. De plus, dans une 2. echinulata bien caractérisée trouvée dans la baie de Paimpol, et qui, elle, ne présente pas cetarticle intermédiaire, on trouve de jeunes colonies de cette même Plumulaire qui présen- tent encore le disque aplati de la Planula, chez lesquelles on ren- contre cet article intermédiaire entre deux calyces. Quant aux capsules, la forme est très variée et rappelle tantôt celles de Ja ?. echinulata, tantôt celles de la P. pinnata, tantôt enfin, celles de la P. sëmils. Notons aussi que ces capsules ont deux formes prédominantes entre lesquelles il y a une foule d'intermé- diaires * : l'une est jeune, ovoïde, et sans prolongements en épines, 1 Hixcks, Brilish Hydroid Zoophytes, p. 302 et pl. LXV, fig. 2. 2 PI. XXXI, fig. 6. 3 PI. XXXI, fig. 8 et 9. 630 ANDRÉ DE VARENNE. l’autre est adulte, plus grande, et présente plusieurs prolongements en forme de pointes. Ces capsules sont fixées sur la tige et sur l’hy- drorhize ; celles qui sont situées à la base de la tige et sur l’hy- drorhize ont des pointes plus fortes et plus nombreuses, sans doute parce qu'elles ont à assurer la sortie des éléments sexuels et à les protéger contre les corps étrangers plus nombreux en ces points. Les capsules situées sur la tige centrale sont le plus souvent dépourvues de pointes. En résumé, cette espèce ressemble à la P. pinnata par ses capsules, mais en diffère par le nombre de ses nématophores et par l’article intermédiaire entre deux calyces qui manque chez cette dernière ; elle ressemble à la P. echinulata par le nombre et la posi- tion des nématophores; elle en diffère par l’article intermédiaire entre deux calyces et par ses capsules plus allongées et ovoïdes; enfin, elle ressemble à la P. similis par l’article intermédiaire entre deux calyces; elle en diffère par le nombre de ses nématophores et la forme de ses capsules qui ont des prolongements en pointes. Je la regarde de préférence comme une variété de la seconde de ces trois espèces, c’est-à-dire de la 2. echinulata, parce qu'elle est semblable à cette espèce par le nombre et la position des némato- phores, seul caractère qui me paraisse constant, tandis que la pré- sence ou l'absence de l’article intermédiaire et la forme des capsules ne me semblent pas être des caractères constants. J'ajoute que, comme je n'ai pas trouvé à Roscoff la P. echinulata décrite par Hincks, tout ce qui suit s'applique à la variété dont je parle ici. Les observations qui suivent ont été faites à Roscoff au commen- cement de 1880, c’est-à-dire en même temps que celles de M. Weis- mann sur la Plumularia echinulata de Lamarck. Je n'ai eu connais- sance de son travail que plus tard, lorsqu'il publia un résumé de ses recherches !; nous sommes donc arrivés à peu près en même temps, chacun de notre côté, à des résultats absolument identiques, sauf quelques points secondaires. C’est pour cela que je me permets de donner mes observations personnelles, bien que M. Weismann ait indiqué brièvement pour cette espèce, dans la note que je viens de citer, la plupart des résultats que je vais exposer dans ce paragraphe. On trouve à Roscoff cette espèce, soit sur les laminaires de l'her- bier, soit fixée directement sur les pierres à la grève. J'avais remar- 1 Zoologischer Anzeiger, 1880, n° 61. SUR LA REPRODUCTION DES POLYPES HYDRAIRES. 631 qué plusieurs fois l’admirable transparence des tissus qui permettait de suivre ce qui se passait à l'intérieur de la colonie, et c’est pour cela que je l’ai choisie pour vérifier ce que j'avais observé quelques mois auparavant chez la Campanularia flexuosa. Dans cette espèce les gonangiums sont de deux sortes : les uns sont situés sur l’hydrorhize, les autres sur les tiges centrales qui s'élèvent de distance en distance sur l’hydrorhize. La forme générale des gonangiums varie un peu suivant qu'ils occupent l’une ou l’autre de ces positions, comme je l'ai déjà dit un peu plus haut. En mettant une colonie sous le microscope, on voit dans l’hydro- rhize un certain nombre de cellules endodermiques plus volumi- neuses que les autres ; elles ont un noyau très gros et très brillant. Ce sont de jeunes œufs qui se développent. Ce sont des cellules de l'endoderme différenciées : ces cellules se rencontrent dans l'hy- drorhize surtout dans le voisinage des gonangiums. Dans la tige centrale on trouve un très grand nombre de ces cel- lules-œufs à divers états de développement‘, depuis le bas de cette tige presque jusqu'aux derniers articles placés à son sommet. Lorsque ces cellules-æufs sont très jeunes, on les distingue par leur taille un peu plus grande que celle des cellules endodermiques voisines et par leur réfringence ; plus tard, à mesure qu’elles gran- dissent, elles font saillie dans l’intérieur de la cavité gastro-vascu- laire, qui se trouve ainsi rétrécie en ces points, car elles sont retenues extérieurement par la lamelle intermédiaire qui les empêche de gagner dans ce sens, Dès le moment où ces cellules-æufs commencent à se différencier, je les ai trouvées dépourvues de flagellum. Comme dans la Campa- nularia flezuosa, dans les premiers temps de la différenciation on trouve encore la forme générale d’une cellule endodermique; mais, à mesure qu'elles grandissent, elles s’arrondissent et on a bientôt un œuf semblable à ceux que l’on retrouve dans l’intérieur des gonan- giums. J'ai rencontré plusieurs fois des ovules dans l’endoderme des rameaux qui naissent alternativement sur les côtés de la tige centrale. Ces ovules se trouvaient à la base d’un calyce ?; c’est un fait à 1 PI. XXXIL fig. 1. 2 PI. XXXII, fig. 6. 632 ANDRÉ DE VARENNE. remarquer, Car on ne rencontre pas de gonangiums sur ces rameaux. Il ést vrai que, dans les cas que je cite, les œufs se trou- vaient toujours dans les articles des rameaux les plus rapprochés de la tige centrale et même dans les rameaux placés le plus bas sur la tige centrale, là où nous savons que les cellules différenciées sont les pius abondantes. Il est facile de constater la présence d'ovules non seulement dans l'endoderme de l'hydrorhize et des tiges qui portent de nombreux gonangiums, mais encore dans l'endoderme de colonies qui ne pré- sentent aucune trace de gonangiums. L'acide acétique très étendu m'a encore rendu des services très considérables : il permet soit d'isoler les éléments, soit de distinguer bien plus aisément, sans les dissocier, les divers éléments que l’on ne verrait pas dans la colonie vivante. En observant la tige d'une colonie avant le moment où les gonan- giums ont commencé à paraitre, on voit dans les points où ces bourgeons reproducteurs se produisent une réunion d'œufs assez développés qui occupentla paroi endodermique du corps du polype. J'ai figuré un des articles de la base de la tige centrale pour montrer l'endoderme occupé sur une longueur assez grande par de jeunes œufs ‘ : ils se touchent presque, et les parties d'endoderme non dif- férenciées sont peu étendues. Pour obtenir une semblable prépara- tion, il faut isoler une colonie bien vivante à l’aide de pinces fines et la plonger pendant quelques heures dans une solution très faible d'acide acétique. Les divers éléments et principalement les œufs sont très faciles à distinguer sans être dissociés, et on peut les observer en place. La première modification que l’on observe au point où doit se développer un gonangium sur la tige centrale est la formation sur l’ectoderme d'une petite saillie en forme de mamelon, d'un petit tubercule circulaire, suivant l'expression de Weismann, dù à des changements qui s’opèrent dans l'arrangement et la forme des cel- lules ectodermiques des couches superficielles ; ce petit tubercule ectodermique est clair et transparent et il sécrète un liquide qui est destiné à perforer en ce point le périsarc. Bientôt, en effet, on aperçoit en face de ce petit mamelon ectodermique une fente dans le périsarc. Cette fente se moule sur le tubercule ectodermique et 1 PI, XXXII, fig. 1. SUR LA REPRODUCTION DES POLYPES HYDRAIRES. 633 elle provient en effet de la dissolution du périsare par le liquide sécrété par ce tubercule. Elle est d'abord peu accentuée et ressemble, lorsqu'on la regarde de face, à un verre de montre : celte fente gran- dit et perce bientôt au dehors par une ouverture circulaire. J'ai figuré deux états différents de la formation de cette fente dans le périsarc ‘. On ne voit pas dans ces deux figures d'œufs dans l’en- doderme de la tige au niveau du tubercule ectodermique, là où il va se former un gonangium; cela tient à ce que ces préparations ont été dessinées à l’état vivant, et que les différents éléments cellulaires ne pouvaient être distingués sans le secours d'un réactif, à cause de la transparence des tissus; mais je me suis assuré que c'était au niveau de ces tubercules ectodermiques que l'on rencontre les cel- lules différenciées de l’endoderme les plus nombreuses et les plus développées : plus ces œufs sont mûrs, plus ils sont rapprochés du point où se forme le gonangium. Lorsque le périsarc est ainsi perforé, le tubercule ectodermique fait saillie par cette ouverture circulaire : il est suivi par l’ectoderme avoisinant et par l’endoderme qui se trouve au-dessous, et qui font, pour ainsi dire, hernie à travers cette fente. J'ai représenté un des articles de la tige centrale sur laquelle on voit bourgeonner un très jeune gonangium ?. L’ectoderme et l’en- doderme font hernie à travers la fente du périsarc, et plusieurs cellules différenciées de l’endoderme de la tige se présentent devant cette ouverture pour sortir au dehors avec les tissus qui les environ- nent. Ce mouvement de dedans en dehors du bourgeon qui se déve- loppe est dû à la croissance des tissus : il y a, pour ainsi dire, un courant des cellules, et des éléments cellulaires que l’on trouvait à un point donné de la tige, à un certain moment, se retrouvent ensuite plus haut ou même dans l’intérieur du jeune bourgeon qui fait her- nie par suite de ce courant des tissus. Il est donc naturel de retrouver dans l’intérieur de ce jeune bourgeon les cellules endodermiques différenciées, qui ont été entrainées par les tissus environnants; mais il y a encore un autre phénomène, car il semble que les ovules aient la faculté de se déplacer et de progresser indépendamment des tissus qui les entourent. En effet, tandis qu'avant la formation du gonangium on trouvait ces cellules-œufs séparées les unes des autres "PL'XXXII, fige: 2abtshiy. 2/PI: XXXIN, fer 634 ANDRÉ DE VARENNE. par des cellules de l'endoderme non différenciées (ce que l’on peut observer dans des articles de la tige voisins qui n’ont pas encore de gonangium), ils sont maintenant réunis par groupes pour passer dans l'intérieur du gonangium. La formation du gonangium semble donc due à un cheminement, à une progression générale des tissus due à leur accroissement, qui entraîne dans ce mouvement les cel- lules différenciées voisines, et ensuite à une locomotion propre des ovules eux-mêmes ; mais ce dernier mouvement doit être peu impor- tant et probablement il permet seulement aux ovules très voisins les uns des autres de se grouper. Le premier de ces mouvements, la progression générale des tissus due àleur croissance est facile à constater : comme je l'ai déjà dit,en effet, les cellules différenciées que l’on trouvait à un certain point à un moment donné se trouvent plus haut peu de temps après, et ce cheminement des tissus permet d'expliquer comment les œufs qui se trouvaient par exemple dans des rameaux secondaires ou dans des articles sur lesquels il ne se développe pas de gonangium, finissent par se trouver en face d’un jeune gonangium et par passer dans son intérieur. Quant à la locomotion propre des ovules, elle est plus difficile à constater directement. Aussitôt que le jeune gonangium fait hernie au travers de la fente du périsare, il est recouvert par une nouvelle enveloppe chitineuse qui le suivra dans son développement: c’est un fait très remarquable que ce bourgeon qui, il y a quelques instants, produisait un liquide capable de dissoudre le périsarc de la tige centrale sécrète mainte- nant une enveloppe chitineuse d’une extrême délicatesse. Ainsi les cellules des couches superficielles de l’ectoderme sont capables de dissoudre l’ancien périsare qui est souvent fort épais, et en même temps elles sécrètent, à leur surface libre, une nouvelle couche chitineuse molle et très mince qui se moule sur le bourgeon et gran- dit avec lui. Cette couche nouvelle n’est pas attaquée par le liquide qui dissout rapidement l'ancien périsarc. Nous venons de voir un peu plus haut les tissus du corps du polype qui font saillie à travers la fente du périsare : ce sont les premiers débuts de la formation d’un gonangium. Ce n'est d'abord, comme dansla Campanularia flezuosa, qu'un simple diverliculum en cul-de-sac formé par les deux couches endoderme et ectoderme qui constituent le corps du polype. Dans l'endoderme de ce cul-de-sac, on retrouve les cellules différenciées qui étaient primitivement dans les parois AS SUR LA REPRODUCTION DES POLYPES HYDRAIRES. 635 du corps du polype. Ce diverticulum en cul-de-sac grandit rapide- ment, en même temps que le nouveau périsarc qui le protège, et, par la croissance des tissus, un certain nombre de jeunes œufs passent encore des parois du corps du polype dans l’endoderme de ce diverticulum. J'ai figuré ! un gonangium arrivé à un certain dé- veloppement: c’est un grand diverticulum en cul-de-sac formé par l’ectoderme et l'endoderme, qui primitivement constituaient les parois du corps du polype. On voit l'endoderme et l’ectoderme du gonangium qui se continuent avec les tissus de la colonie. On voit plusieurs ovules qui se développent dans l'épaisseur de l’endoderme; l'ectoderme a pris un assez grand développement: il est fluide et transparent surtout à sa partie périphérique, où il est en contact avec le jeune périsarc qui est encore très mince, mais dont l’épais- seur augmente par suite des couches successives qui sont sécrélées par cette partie fluide et transparente de l’ectoderme. En effet, les stries que l’on trouve dans un périsarc un peu épais indiquent les différentes couches qui ont été successivement sécrétées par l’ecto- derme. Dans ce gonangium il faut remarquer un très jeune œuf qui est dans l’endoderme du pédicule ? et qui, par suite de la croissance des tissus et du courant de cellules qui a lieu des parois du corps du polype dans le gonangium qui se développe, est en train de passer dans l’intérieur de ce gonangium. J’ai observé souvent un semblable phénomène chez l'espèce qui nous occupe ici, etilest intéressant, car il prouve que ies œufs quise trouvent dans le gonangium naissent dans les parois du corps du polype lui-même. La forme du gonangium change pendant son développement : il est d’abord piriforme; mais il s’allonge et la gonothèque ou la cap- sule porte à sa partie supérieure des prolongements en forme de pointes développés surtout chez les gonangiums fixés sur l’hy- drorhize et à la base de la tige centrale. Jusqu'à présent le jeune go- nangium dont nous suivons le développement n’est qu'un diverticu- lum en cul-de-sac limité intérieurement par l’endoderme avec ses cellules différenciées *; mais à partir de ce moment, à la place où les ovules se trouvent dans l’endoderme, il se produit autant de culs- de-sac secondaires dans lesquels les ovules s’enfoncent: chacun de 1 PL XXXIL, fig. 5. ® PI. XXXII, fig. 5, 0’. 3 PI. XXXII, fig. 5. 636 ANDRÉ DE VARENNE. ces culs-de-sac secondaires devient un gonophore ; les ovules, en grandissant alors très rapidement, s'enfoncent davantage dans ce go- nophore, qui se sépare de plus en plus de la partie centrale sur la- quelle il s’est formé et n'y est bientôt plus rattaché que par un pé- dicule assez court. La partie centrale sur laquelle viennent s'insérer les gonophores est le blastostyle : il s’allonge suivant le grand axe de la capsule à mesure qu'elle se développe ; sa partie supérieure, située au sommet du gonangium, s'étale en forme de tête de marteau. Nous retrouvons ici ce que nous avons indiqué pour la Campa- nularia flexuosa, c'est-à-dire que dans la tige centrale, au niveau de chaque cellule endodermique différenciée, la paroi endodermique n'est constituée que par l’ovule qui est en contact immédiat par sa face externe avec la lamelle intermédiaire et par sa face interne avec la cavité gastro-vasculaire. Il en est de même dans le pédicule du gonangium et même dans le gonangium tant qu'il n'y a qu'un cul-de-sac unique‘'et que le blastostyle etles gonophores ne se sont pas formés distinctement. Les ovules interviennent encore dans la délimitation de la cavité gastro-vasculaire; mais lorsque les diver- ticulums secondaires paraissent, les cellules de l’endoderme non différenciées voisines des ovules se multiplient par division et for- ment sous l’ovule qui s'enfonce dans le gonophore une couche d'en- doderme ordinaire non interrompue qui sépare cet œuf de la cavité gastro-vasculaire. Nous trouvons donc maintenant au niveau de chaque gonophore l’endoderme constitué par deux couches : l'œuf ou la cellule endodermique différenciée et l’endoderme de nouvelle formation au-dessous de cet œuf. Telles sont les observations que j'ai faites sur l’origine de l'œuf et le développément du gonangium chez cette espèce : elles s'accordent parfaitement avec celles de M. Weismann ? et j'en avais déjà donné le résumé dans les Comptes rendus de l'Académie des sciences *. De- puis ce moment M. Weismann a donné dans un nouveau mémoire * des détails importants sur la formation d’un second et mème parfois d'un troisième gonophore ; le mème auteur fait aussi des considéra- tions intéressantes sur la perforation du périsare et la locomotion propre des ovules qui se réunissent pour former le gonangium. 1 PI. XXXII, fig. 5. ? Zoologischer Anzeiger, 1880, n° 61, p. 367. 3 Comptes rendus de l’Académie des sciences, 2° semestre, 1881, n° 7, * Ann. sc. nal., t. XI, 1881, nos 5 et 6. SUR LA REPRODUCTION DES POLYPES HYDRAIRES. 637 $ 3. Sertularia pumila. J'ai déjà, au commencement de ce chapitre, cité à peu près tex- tuellement les paroles d’Allman au sujet de l'origine des éléments sexuels des Hydraires et de la Sertularia pumila en particulier. Pour Allmann, chez tousles Hyäraires les éléments sexuels naissent entre l’endoderme et l’ectoderme et, sauf l’exception que nous allons in- diquer, sont toujours formés dans les parois d'un organe strictement homologue avec le manubrium d’une méduse gymnophthalme. Cet organe forme soit le diverticulum qui occupe l’axe d’un jeune sporosac, soit le manubrium de la méduse sexuée, tandis qu'il est représenté par le bourgeon sexué qui se produit dans les canaux rayonnants de la méduse non sexuée (blastochème)'. Suivantle même auteur, 1l est facile de voir les éléments sexuels occupant l’espace situé entre l'endoderme et l’ectoderme de cet organe ; en augmen- tant de volume, la masse des œufs ou des spermatozoïdes sépare même de plus en plus ces deux couches l'une de l’autre; maisil n'est pas facile de dire si les éléments sexuels ont leur origine dans l’ectoderme ou dans l’endoderme de ce corps. Cependant il a réussi à voir chez certaines espèces d'Hydraires que les œufs et les sper- matozoïdes ont leur origine véritable dans l’endoderme, tandis que l'ectoderme sert'uniquement, comme le ferait un sac, à renfermer et à protéger les éléments sexuels jusqu’à leur maturité : ils sont alors mis en liberté par la rupture de ce sac formé par l’ectoderme. Quant à l'exception à ce fait absolument universel queles éléments sexuels sont engendrés entre l’ectoderme et l’endoderme d’un corps homologue avec le manubrium d’une méduse gymnophthalme, elle a rapport à la formation d'œufs dans le blastostyle, comme on peut le voir dans la Sertularia pumila et dans une ou deux autres espèces de Serfularia. En effet, dans la Sertularia pumila un gonophore soli- taire de la forme ordinaire et renfermant comme d'habitude des œufs ou des spermatozoïdes, bourgeonne comme dans les autres cas sur le blastostyle. Cependant, dans les colonies femelles, des corps sphériques renfermant un noyau ettout à fait semblables à de jeunes œufs, se rencontrent dans les parois du blastostyle lui-même, entre l’ectoderme et l’'endoderme?. Allmann reconnaît qu'il n’a pas 1 ALLMAN, Op. Cit., p. 149. 2 ALLMAN, op. cil.. fig. 21, k. 638 ANDRÉ DE VARENNE. réussi à suivre d'une façon satisfaisante la destination de ces corps ; mais il pense que les vrais gonophores bourgeonnent sur cette partie du blastostyle dans laquelle on rencontre ces corps à noyau, et queceux-ci, comme de jeunes œufs, passent des parois du blasto- style dans le gonophore qui bourgeonne, où ils occupent naturelle- ment leur position normale entre l'endoderme et l’ectoderme d’un organe qui représente le manubrium d’une méduse: ils arrivent là à un certain degré de développement avant d'être évacués dans l’acrocyste, C'est-à-dire dans un sac que l’on trouve à l'extérieur et au sommet du gonangium et qui constitue un réceptacle dans lequel les œufs passent les dernières phases de leur développement, et que l’on rencontre dans cette espèce et quelques autres. Chaque gonophore, après avoir rempli ainsi les fonctions d’un ré- ceptacle dans lequel certaines phases intermédiaires du développe- ment s’accomplissent, semble disparaître et être remplacé par un autre, qui reçoit par un procédé semblable à celui que nous venons de décrire, ses œufs du blastostyle sur lequel il bourgeonne. Ainsi, pour Allmann, chez tous les Hydraires, excepté la Sertularia pumila et une ou deux autres espèces de Sertularia, les éléments sexuels sont toujours formés dans les parois d'un organe exacte- ment homologue au manubrium d’une méduse gymnophthalme, c'est-à-dire, soit dans le diverticulum qui occupe l'axe d'un sporo- sac, soit dans le manubrium de la méduse sexuée, soit dans le bour- geon sexué qui se forme dans les canaux rayonnants de la méduse non sexuée (blastochème). Mais chez la Sertularia pumila il indique d'une façon très nette la présence d'œufs dans les parois du blasto- style lui-même, entre l’endoderme et l'ectoderme : ces œufs passe- ront ensuite dans les gonophores qui bourgeonnent sur le blastostyle ; mais il considère ce fait comme absolument exceptionnel. Comme, à Roscoff, on peut très facilement se procurer la Sertularia pumila, puisque c'est l'espèce des Hydraires la plus abondamment répandue et qu'elle se trouve à peu près partout, j'ai voulu vérifier les faits indiqués par Allman, voir si, loin d'être une exception, ils ne viendraient pas à l'appui des faits que j'avais observés chez la Cam- panularia flezuosa et la Plumularia echinulata et si même on ne trou- verait pas de jeunes œufs non seulement dans les parois du blasto- style, mais encore dans les parois de la tige elle-même, comme dans les espèces que Je viens de citer. Assez souventles colonies de la $, pumila sont recouvertes par de SUR LA REPRODUCTION DES POLYPES HYDRAIRES. 639 petites Diatomées ou par d’autres petites Algues qui empêchent de voir à l’intérieur du périsarc. J'ai eu recours au procédé que j'ai in- diqué plus haut, à l'acide acétique très dilué. En examinant une co- lonie femelle après l'avoir laissée pendant quelques heures dans ce réactif, on voit en effet de grandes cellules à noyau réfringent et volumineux dans les parois du blastostyle : elles occupent la couche endodermique et interviennent dans la délimitation de la cavité gastro-vasculaire : ce sont des ovules arrivés à un certain degré de développement. Mais ce n’est pas tout: en observant les tissus de la tige elle-même, surtout dans le voisinage des points où viennent s’insérer les gonangiums ‘, on trouve l’'endoderme rempli de cellules différenciées plus petites que celles qui sont dans les parois du blas- tostyle, mais présentant cependant le même aspect général : ce sont des œufs encore plus jeunes. Ils proviennent de cellules de l'endoderme de la tige différenciée ; ils interviennent directement dans la délimitation de la cavité gastro-vasculaire, car, quelle que soit leur taille, ils sont toujours en contact par leur face interne avec la cavité gastro-vasculaire et par leur face externe avec la la- melle intermédiaire. Comme dans les espèces dont j'ai déjà parlé, ces cellules endodermiques différenciées sont dépourvues de fouet vibratile. Je n’ai pas suivi le passage de l'œuf de l’endoderme de la tige dans l’intérieur du blastostyle etensuite dansles parois du gonophore; mais il est probable qu'il se passe dans ce cas les mêmes phéno- mènes que ceux que nous avons déjà observés, que les ovules pro- viennent d’une cellule différenciée de l'endoderme de la tige, qu'ils passent de l’intérieur de la tige dans le blastostyle et ensuite dans le gonophore, entraînés par un mouvement de locomotion propre et par la croissance des tissus. Ainsi nous avons trois points à examiner dans l'opinion d'Allman : d’abord, ce n’est pas seulement dans les parois du blastostyle de la Sertularia pumila que se forment les œufs, comme il le pense, mais bien dans l’endoderme de la tige elle-même, dans le cœnosarc de la colonie ; de plus, ce fait, loin d’être une exception à une loi géné- rale, ne fait que confirmer ce que nous avons vu déjà pour d’autres espèces. Pour Allmann, en effet, les éléments sexuels sont toujours formés, sauf l'exception que nous venons de citer, dans les parois, 1 Pi. XXXIII, fig. 3. 610 ANDRÉ DE VARENNE. soit du diverticulum qui occupe l’axe du sporosac, soit du manu- brium d'une méduse sexuée, soit enfin du bourgeon qui paraît dans les canaux rayonnants dela méduse non sexuée (blastochème). Ce sont là pour lui les individus sexués qui seuls sont capables de don- ner naissance aux éléments sexuels : ils représentent la génération sexuée par opposition aux individus asexués, c'est-à-dire aux po- lypes qui ne peuvent se reproduire que par simple bourgeonnement. Nous savons déjà ce qu'il faut penser de cette opinion: les deux espèces que nous ‘avons étudiées avant la Sertularia pumila nous ont montré que les œufs se formaient, au contraire, dans le cœnosarc de la colonie. Nous trouvons la même chose chez la Sertularia pumila : les œufs proviennent là aussi des cellules de l’en- doderme du cœnosare de la colonie qui se différencient. Nous ver- rons qu'il en est de mème chez les espèces qu'il nous reste à étudier. Ainsi, chez toutes ces espèces, bienloin d'être de l'opinion d’Allman, que les éléments sexuels se forment toujours dans les parois d’un organe exactement homologue au manubrium d’une méduse gymnophthalme, c'est-à-dire dans les parois des gonophores ou des individus considérés comme sexués (sporosacs ou méduses), nous trouvons au contraire que les œufs proviennent toujours d’une cellule de l’'endoderme du cœnosarc du polype lui-même, qu’ils passent dans l'intérieur du gonangium et ensuite des gonophores en voie de dé- veloppement, et que c’est la présence de ces œufs en certains points du corps du polype qui détermine en ces points la formation des go- nophores. Nous savons qu'Allman admet que les éléments sexuels ont leur origine véritable dans l'endoderme, tandis que l'ectoderme ne sert qu'à les renfermer et à les protéger; nous partageons complètement cette manière de voir; mais ce n’est pas sur les mêmes preuves que nous nous appuyons. En effet, comme Allman pense que les élé- ments sexuels sont toujours formés dans les parois du gonophore ou de la méduse, c'est là qu'il cherche l'origine des œufs et des sper- matozoïdes. Le motif qui le décide à croire que l'origine des élé- ments sexuels est réellement endodermique, c'est que, dans certains gonophores qu'il a observés, le plasma granuleux qui est situé entre l’ectoderme etl’endoderme du gonophore et sépare ces deux couches, et qui, suivant lui, est destiné à fournir les éléments sexuels, com- mence à mûrir par la périphérie, et que l'on trouve dans la partie périphérique de ce plasma (c’est-à-dire dans la partie qui est en con- SUR LA REPRODUCTION DES POLYPES HYDRAIRES. 641 tact avec l’ectoderme du gonophore) des œufs ou des spermatozoïdes bien mûrs, tandis que dans la partie du plasma qui est en contact avec l’endoderme les œufs ou les spermatozoïdes sont beaucoup moins avancés en maturité. La plus jeune partie du plasma est donc celle qui est en contact avec l’'endoderme du gonophore, la plus âgée celle qui est en contact avec l’ectoderme, et, par conséquent, c’est l’endoderme qui doit donner naissance aux œufs ou aux spermato- zoïdes. Si nous admettons, de notre côté, que les œufs — pour ne pas par- ler des spermatozoïdes dans ce moment, quoique les choses se pas- sentabsolument de lamêème manière—ontune origineendodermique, c'est que, dans les espèces que nous avons observées, nous trouvons dans l’endoderme du cœnosarc du polype, avant l'apparition de tout gonophore, de jeunes œufs en voie de développement ; que nous avons trouvé tous les passages intermédiaires entre une cellule de l'endoderme ordinaire du cœnosarc et un œuf bien développé et que nous avons vu qu'un œuf provient d’une de ces cellules endodermi- ques différenciées ; nous avons de plus suivi ces jeunes œufs des pa- rois du corps du polype dans l'intérieur du gonangium et des gono- phores. $S 4. Gonothyræa Lovent. Jusqu'à présent nous avons suivi l’origine de l'œuf dans des espè- ces qui ont leur génération sexuée représentée par des gonophores qui restent constamment fixés au polype hydraire sur lequel ils ont bourgeonné. Nous allons maintenant passer à une autre espèce qui présente un intérêt tout particulier pour la question qne nous étu- dions et qui est une forme de transition à des espèces dont nous nous occuperons ensuite. Dans la Gonothyræa Loveni, les bourgeons sexuels restent bien en- core fixés constamment à la colonie sur laquelle ils ont bourgeonné; mais ils ont une organisation plus compliquée que dans tous ceux que nous avons étudiés jusqu'ici. On voit dans les gonophores, non pas lorsqu'ils sont situés à la base du gonangium, car ils ressem- blent alors beaucoup à de jeunes gonophores de la Campanularia flexuosa, mais dans ceux qui sont situés un peu plus haut sur le blastostyle et qui sont un peu plus âgés, des tentacules qui se déve- loppent au sommet de ces gonophores; ces tentacules sont encore ARCH. DE ZOOL, EXP, ET GÉN. — T. X. 18892. 41 642 ANDRE DE VARENNE. plus développés dans les gonophores situés au sommet du gonan- gium. Ces gonophores sont ensuite entraînés par le développement et la croissance des tissus au dehors de la capsule ; dans un gonangium bien développé, on en trouve, en général, plusieurs au sommet de la capsule et à son extérieur. Ces gonophores sont des demi-méduses ; ils présentent une ombrelle dans l'épaisseur de laquelle on rencon- ire des canaux rayonnants unis entre eux par un Canal circulaire et un cercle de tentacules au bord libre de l’ombrelle. C'est là une particularité importante, car, bien que ces gonopho- res restent encore fixés constamment à la colonie sur laquelle ils ont bourgeonné, ils présentent les parties essentielles que l’on ren- contre dans les méduses véritables, dans celles qui deviendront hbres à un certain moment. Cette espèce se rencontre assez abondamment dans les environs de Roscoff; on la trouve, à marée basse, fixée sur les fucus dans la baie de Saint-Pol. Beaucoup d'auteurs s’en sont occupés à cause de l’in- térêt qu’elle présente, et parmi les travaux récents il faut citer ceux de Bergh' et de Weismann”*. Bergh admet que les œufs proviennent de l’endoderme et les sper- matozoïdes de l’ectoderme et M. Weismann partage la même opi- nion. De plus, ce dernier naturaliste montre que les œufs prennent naissance non pas dans les gonophores ni même dans les gonan- giums, mais dans le cœnosarc de la tige et que c’est dans les points de la tige où ces œufs se rencontrent que les gonangiums se déve- loppent. Je ne m'occupe pas pour le moment de l’origine des spermato- zoïdes, j'en parlerai dans le chapitre suivant ; quant à l'origine des œufs, je partage complètement l'avis de M. Weismann. En examinant au microscope la tige centrale d’une colonie fe- melle, on voit dans l’endoderme des cellules brillantes; ce sont des cellules différenciées qui sont devenues plus grosses que leurs voi- sines. Les plus grosses d’entre elles font même saillie dans l’intérieur de la cavité gastro-vasculaire, car elles interviennent dans sa délimi- tation, Ces cellules différenciées sont de jeunes œufs qui se développent 1 Benon, Sludien über!die erste Entwickelung des Eïies von Gonothyræa Loveni (Morph. Jahrb., V, 1, Leipzig, 1879). 2 WrisMANN, Zoologischer Anzeiger, 1880, n9 55, et Ann. sc. nat., t. XI, 1881. SUR LA REPRODUCTION DES POLYPES HYDRAIRES. 643 on voit dans l'intérieur une vésicule germinative réfringente avec sa tache germinative plus sombre". On voit assez facilement ces cellules-œufs dans l'intérieur de la tige centrale de la colonie sans avoir besoin de réactif; cependant, lorsque l’on veut étudier les détails de la différenciation des cellules de l’endoderme, il est nécessaire de recourir au réactif que j'ai indi- qué plus haut pour dissocier et isoler les éléments cellulaires les uns des autres. On voit ainsi que l’œuf est bien une cellule de l’en- doderme différenciée et on trouve tous les passages intermédiaires entre une cellule endodermique ordinaire et un œuf bien carac- térisé. C'est toujours dans les points où doivent naître les gonangiums que l’on voit accumulées en plus grande quantité ces cellules-œufs avant même que le gonangium ait commencé à paraître. Comment ces ovules se trouvent-ils réunis en ces points? C’est un fait que je n'ai pu observer directement ; mais je crois que l’on peut admettre, comme d’ailleurs M. Weismann en parle déjà dans les travaux que j'ai cités, que, indépendamment du mouvement qui tient à la crois- sance des tissus et qui entraine les ovules, ces ovules sont animés d'un mouvement propre de locomotion et qu'ils émigrent d’un article dans l’autre pour se rapprocher et se réunir. C’est la seule facon d'expliquer comment on rencontre à côté l’une de l’autre deux ou plusieurs cellules différenciées, qui d’abord étaient éloi- gnées les unes des autres. J'ai déjà dit un peu plus haut que l'on trouvait dans le cœnosarc de la tige centrale des ovules à tous les états de développement, de- puis le moment où ils sont à peine différenciés jusqu’à celui où ils atteignent une taille considérable et font saillie à l’intérieur de la cavité gastro-vasculaire, car de l’autre côté ils sont maintenus par la lamelle intermédiaire. Je n'ai pas assisté, pour cette espèce, à la perforation du périsarc et aux premiers moments de la formation du gonangium ; il est pro- bable cependant que les phénomènes que nous avons décrits pour la Plumularia echinulata se passent ici de la même manière. Dans un jeune gonangium, on retrouve dans l’endoderme du blas- tostyle les œufs qui primitivement occupaient l’endoderme de la tige centrale. 1 PI. XXXIII, fig. 4. y }°4 hi Lu 14 IR In |; } EST ET ET SE es mt re Lie us sde Tu 644 ANDRÉ DE VARENNE. J'ai représenté le blastostyle d’un jeune gonangium'; sur ce blastostyle on voit un très jeune gonophore qui commence à se for- mer et quirenferme trois ovules à des états différents de développe- ment : l’un est beaucoup plus gros que les'‘autres. Sur la figure on ne voit que deux ovules, le troisième étant situé dans un autre plan. Ces ovules occupaient d’abord l’'endoderme de la tige centrale de la colonie; ils ont été entraînés pendant la formation du gonan- gium et maintenant nous les retrouvons dans l’endoderme du blastostyle. On voit très facilement la lamelle intermédiaire qui passe par-dessus ces ovules. On ne voit pas d'autres gonophores dans ce gonangium ; son extrémité supérieure est étalée en forme de tête de marteau, et dans cette région l’ectoderme renferme de nombreux nématocystes très petits. Chaque gonophore se développera pour cette espèce comme je l’ai décrit pour la Plumularia echinulata : au niveau du point où doit se former un gonophore, les cellules diffé- renciées de l’endoderme du blastostyle vont être entraînées dans un diverticulum en cul-de-sac formé par les deux couches du blasto- style ; les ovules occupent l'endoderme de ce diverticulum ; ils inter- viennent d’abord dans la délimitation de la cavité gastro-vasculaire avec laquelle ïls sont en contact immédiat, étant rnaintenus de l’autre côté par la lamelle intermédiaire qui les sépare de l’ecto- derme. Mais ensuite les cellules de l’endoderme du diverticulum qui ne sont pas différenciées, se multiplient et reconstituent une couche endodermique ordinaire non interrompue qui passe au-dessous de ces ovules et les sépare de la cavité gastro-vasculaire. Les ovules sont donc maintenant entre la lamelle intermédiaire à l'extérieur et cette couche endodermique de nouvelle formation à l’intérieur. Dans cet état, les gonophores ressemblent beaucoup à ceux de la C'ampanularia fleruosa *. Les œufs vont augmenter considérable- ment de volume et écarter de plus en plus les deux couches l’une de l’autre. Bientôt au sommet des gonophores on voit apparaître un cercle de tentacules de plus en plus développés à mesure que lon observe des gonophores plus âgés, c'est-à-dire situés plus haut sur le blastostyle : ces gonophores sont entraînés par la croissance des Lissus au sommet de la capsule et finissent par en sortir sous forme de demi-méduses fixées par un pédicule qui les rattache au sommet 1 PI, XXXILL, fig. 5. 2 PJ, XXXIIL, fig. 2. SUR LA REPRODUCTION DES POLYPES HYDRAIRES. 645 du gonangium. Je ne m'arrête pas sur tous ces détails, qui sont fort bien décrits par Allman'. J'insiste seulement sur ce fait que, dans cette espèce comme dans celles déjà étudiées, les ovules proviennent de cellules endodermiques du polype différenciées, que ces cellules passent dans un premier diverticulum en cul-de-sac qui deviendra le blastostyle. Sur ce blastostyle se forment des diverticulums secon- daires dans lesquels passent les ovules et qui deviendront les gono- phores. Dans cette espèce, les gonophores sont entraînés de bas en haut en dehors de la capsule et là ils sont arrivés à l’état de demi- méduses avec ombrelle, canaux rayonnants et circulaire, tentacu- les, etc., mais qui restent toujours fixées au sommet du gonangium : c'est dans cette demi-méduse que s’accomplissent les dernières phases du développement des œufs et les embryons s’échappent de son intérieur à l’état de larves ciliées. S 5. Podocoryne carnea. Origine de l'œuf et développement de la méduse. Nous arrivons à une des espèces les plus intéressantes que nous ayons à étudier : elle n'appartient pas, comme les précédentes, au sous-ordre des Campanulaires, dans lequel les ramifications de la co- lonie sont revêtues d’un tube chitineux qui s’élargit en calyce autour de chaque individu nourricier, mais au sous-ordre des Tubulaires, dans lequel les colonies sont nulles ou recouvertes d’un périderme chitineux sans cellules calyciformes autour de chaque polype. Nous verrons plus loin en quoi cette distinction peut nous intéresser. De plus, cette espèce présente des bourgeons reproducteurs qui deviennent des méduses complètes et libres: c’est là le motif princi- pal qui m'a fait choisir cette espèce afin d’avoir des observations suivies depuis les espèces qui ont des bourgeons reproducteurs qui restent toujours fixés au polype sur lequelils bourgeonnent, jusqu’à celles qui ont des méduses qui se détachent du polype et nagent librement. Je l’ai rencontrée abondamment à Roscoff: elle vit en parasite sur la coquille des Nasses, et pour se la procurer il suffit de recueillir à marée basse un certain nombre de Nasses vivantes : on est à peu près certain que sur la moitié des coquilles, sinon plus, on trouve 1 ALLMAN, Op. cit., p. 57, fig. 28. 646 ANDRE DE VARENNE. de nombreuses colonies fixées et présentant pendant la belle saison des bourgeons reproducteurs à tous les états de développement. Je les ai toujours rencontrées fixées sur des coquilles de Nasses bien vivantes et jamais sur des coquilles vides, et je crois que dans ce dernier Cas' elles ne peuvent pas vivre. Elles semblent avoir besoin de la vie errante que leur procure leur parasitisme sur des Nasses vivantes et ne sont nullement incommodées, malgré la délicatesse de leurs tissus, lorsque les Mollusques sur lesquels elles vivent s’en- fouissent assez profondément à marée basse dans le sable pres- que sec. Grobben à publié un mémoire sur cette espèce; pour lui, l'origine des éléments sexuels est ectodermique. Il m'est difficile de compren- dre comment l’on peut soutenir cette opinion surtout pour les œufs, car pour les spermatozoïdes les choses sont beaucoup plus difficiles à voir, comme je le montrerai un peu plus loin. Je pense que cela tient à ce que l’on a toujours considéré la méduse comme lindividu sexué et que l’on croit que les éléments sexuels prennent naissance dans l’intérieur de cette méduse une fois qu'elle est complètement développée : la méduse représenterait la génération sexuée par op- position au polype qui représenterait la génération agame ou asexuée et qui ne pourrait se reproduire que par bourgeonnement. Il est donc naturel que, pensant que les éléments sexuels naïssent dans l’intérieur de la méduse complètement développée, ce soit là seulement qu'on ait eu l’idée de rechercher leur origine et de suivre leur développement. C'est après avoir constaté que, dans les espèces qui ont des gono- phores toujours fixés au polype, les éléments sexuels naissent dans le cæœnosarc du polype hydraire lui-même et proviennent de cellules endodermiques de ce cæœnosarc différenciées, et après avoir confirmé ce fait dans une espèce qui possède des demi-méduses et forme par conséquent une transition aux espèces qui ont des méduses libres, que j'ai pensé qu'il serait intéressant de voir ce qui se passe chez ces dernières espèces. Je puis dire dès maintenant que je suis arrivé à des résultats absolument analogues à ceux que j'ai déjà décrits. Un premier fait facile à observer, c'est que dans les méduses très jeunes, alors qu’elles ne sont encore constituées que par un simple diverticulum formé par les parois du corps du polype, on trouve 1 GinOBBEN, Ucber Podocoryne carnea (Sitsungsberichle der Wiener Akademie der Wissenschaften, LXXII, 1875), SUR LA REPRODUCTION DES POLYPES HYDRAIRES. 647 déjà des ovules à divers états de développement. Ce fait, rapproché de ce que nous avons vu chez les espèces qui ont des gonophores toujours fixés, est caractéristique, et ce n’est pas en tous cas dans la méduse complètement développée que les éléments sexuels prennent naissance. Je me suis donc demandé si les ovules ne proviendraientpas, dans cette espèce comme dans les autres que nous avons déjà étudiées, du cœnosarc du polype lui-même et ne passeraient pas dans l'inté- rieur du bourgeon destiné à devenir une méduse au moment où il commence à paraître, puisque dans ces bourgeons aussi jeunes que possible on trouve invariablement dans les colonies femelles des ovules dans la couche interne, c’est-à-dire dans l'endoderme de ce bourgeon. On sait que les bourgeons destinés à devenir des méduses se forment autour du corps du polype dans une région assez limitée, un peu au-dessous de la région du corps qui porte les tentacules. C'est donc surtout dans cette région où doivent bourgeonner les mé duses que j'ai cherché à voir si on ne trouverait pas dans l’intérieur des tissus des cellules différenciées. Il est presque impossible d’arri- ver à trancher cette question si l’on n'a pas recours aux réactifs; les tissus sont beaucoup plus épais ici que pour les espèces précéden- tes : celles-ci ont en effet un ectoderme et un endoderme excessive- ment minces, car ils sont protégés par une enveloppe chitineuse résistante et solide, mais transparente comme le cristal. Dans le cas qui nous occupe, au contraire, il n’y a pas d’enveloppe chitineuse et l’'ectoderme et l’endoderme acquièrent une plus grande épaisseur et deviennent plus opaques. Les procédés qui m'ont donné les meilleurs résultats sont: soit les coupes après fixation par l'acide osmique et ensuite durcissement par la gomme et l’alcoo!, soit les dissociations par l’action de l’acide acétique très étendu. C’est sur- tout cette dernière méthode que j'ai employée, et lorsque l'acide acétique est suffisamment étendu et qu’on le fait agir un temps con- venable, il donne des résultats excellents. Il est aussi indispensable de faire des dissociations sous le microscope même, afin de dissocier les éléments, mais sans changer les rapports qu'ils ont entre eux à l’état vivant ; car, sans cette précaution, on s'expose à retrouver les jeunes œufs que j'ai signalés dans l’intérieur des méduses qui com- mencent à bourgeonner, partout ailleurs que dans leur position nor- male, et c'est là une cause d’erreur grave. 648 ANDRÉ DE VARENNE. En agissant ainsi, on voit dans la région du corps du polype lui- même où bourgeonnent les méduses, un peu plus bas que les tenta- cules, des cellules de l'endoderme beaucoup plus grosses que leurs voisines. Elles ont un noyau très gros et très réfrimgent avec un nu- cléole. Ce sont de jeunes ovules et ils proviennent de cellules de l’en- doderme du cœnosarc du polype lui-même différenciées. On en trouve à tous les degrés de développement. Ce n’est pas seulement dans la partie du corps du polype sur laquelle s’insèrent les jeunes méduses que l’on trouve ces cellules différenciées, mais aussi un peu plus haut, dans la région du corps du polype située entre les tenta- cules et la base des méduses et aussi dans la région du corps située un peu plus bas que les pédicules de ces méduses. J'ai figuré! la région du corps de la Podocoryne carnea située entre la partie qui porte les tentacules et celle qui porte les méduses : on voit dans l’endoderme et accolées contre la lamelle intermédiaire, de grosses cellules réfringentes qui sont de jeunes ovules. Elles sont d’une taille bien plus considérable que les cellules ordinaires de l'endoderme. Elles sont arrondies et possèdent un noyau très réfrin- gent et très gros, la vésicule germinative, avec un nucléole, la tache germinative. Dans la partie même du corps du polype sur laquelle viennent s’insérer les méduses, ces ovules sont plus nombreux et encore plus gros. Ainsi dans cette espèce nous retrouvons ce que nous avons déjà observé, des œufs dans l’endoderme du polype hydraire lui-même. J'ai observé tous les passages entre une cellule ordinaire de l’en- doderme du polype etun œuf bien développé ”?. Les cellules endodermiques non différenciées sont cylindriques et beaucoup plus hautes que larges : elles sont terminées par une sur- face à peu près plane à l'extrémité par laquelle elles touchent à ja lamelle intermédiaire ; à l’autre extrémité en contact avec la cavité gastro-vasculaire de la colonie, elles se terminent en s'effilant et en s'arrondissant et elles portent un flagellum vibratile à leur extrémité libre : le noyau est elliptique et petit, le nucléole est plus obscur. La première modification qui se remarque dans une cellule qui se différencie, est une augmentation dans la largeur de la cellule ; au lieu d’être beaucoup plus haute que large, elle est seulement main- 1 PI, XXXIII, fig. 6 2 PI. XXXIII, fig. 10 et suiv. As A RE SUR LA REPRODUCTION DES POLYPES HYDRAIRES. 649 tenant deux fois environ plus haute que large: le noyau grandit, de plus le flagellum a disparu. Dans les états suivants, la cellule, au lieu d'être cylindrique, devient de plus en plus irrégulière et tend à s’élar- gir et à s’arrondir. Elle est aussi large que haute. Le noyau s’arrondit, devient plus réfringent et bien plus gros. A un état plus avancé encore, la cellule grandit et s’arrondit ; en outre, le noyau devenu énorme a un aspect brillant tout particu- lier, et l’on reconnait tout de suite un œuf. Le noyau de la cellule est devenu la vésicule germinative claire et brillante, et le nucléole a formé la tache germinative. Ainsi on trouve des ovules dans l’endoderme du polype hydraire lui-même avant l'apparition de tout bourgeon reproducteur. Voyons maintenant comment se forme une méduse. Dans la région du corps du polype située un peu plus bas que les tentacules et qui ne pré- sente d'abord rien de particulier, estérieurement du moins, mais dans l’endoderme de laquelle se rencontrent les cellules différen- ciées dont nous venons de parler, on voit apparaître une sorte de proéminence : c'est ‘un diverticulum en cul-de-sac formé par les parois du corps du polype ? ; ce diverticulum a d’abord la forme d’un doigt de gant et sa cavité intérieure est en communication avec la cavité digestive de la colonie. Lorsque le polype ne présente encore qu'un ou deux de ces jeunes bourgeons, il suffit, pour les observer convenablement, de les recou- vrir d’un couvre-objet: la pression de cette lamelle de verre rabat ces jeunes bourgeons sur les côtés du corps du polype, et ils sont alors placés de profil : on peut observer très facilement dans ce cas tous les détails de leur organisation *. On voit bien alors tout ce que je viens de décrire : l’'endoderme et l’ectoderme des parois du corps sont en continuation directe avec ceux qui forment les parois du diverticulum et les tissus présentent la même constitution. La cavité gastro-vasculaire du polype est en communication avec la cavité qui occupe le centre du diverticulum, et l'on observe un courant assez vif de granulations dù aux cils vibratiles de l’endoderme de ce diver- ticulum “. En observant attentivement l'endoderme du diverticulum, on voit en certains points de grosses cellules plus claires et plus bril- 1 PI. XXXIIL, fig. 14 et 15. MEL AAXNIE, he 7. $ PI. XXXIII, fig. 7 et suiv. 'PEIAX XII fie, 7 et 8. = ET er ms FT ré Ces © es LE ur: < - = ex = — = ser ee Em age ms "+ mt © den 650 ANDRÉ DE VARENNE. lantes : nous reconnaissons immédiatement les ovules que nous avons déjà observés dans l’'endoderme du polype avant qu'il y ait aucune trace de bourgeon reproducteur. La lamelle intermédiaire passe par-dessus ces ovules et les sépare de l’ectoderme qui forme une enveloppe protectrice ‘. Dans la figure que j'ai donnée, on voit, dans le diverticulum formé par les parois du corps du polype, des ovules qui occupent le sommet de ce bourgeon : à la base du bourgeon, on voit un ovulé qui est encore dans les parois du corps du polype lui-même, mais qui est en train de passer dans le jeune bourgeon. C’est ce que nous avons observé pour les espèces précédentes : les ovules sont des cellules de l'endoderme différenciées du polype lui-même, qui passent à un cer- tain moment dans l’intérieur d’un diverticulum en cul-de-sac formé par les parois du corps de ce polype, et ce diverticulum en se déve- loppant deviendra une méduse. | Il y à loin de ce que nous décrivons à ce que l’on croyait jusqu'à présent, puisque l’on pensait que c'était dans la méduse bien déve- loppée que naissaient les éléments sexuels. Comment les ovules arri- vent-ils des parois du corps du polype dans l'intérieur du diverticu- lum ? Je crois que les cellules différenciées qui se rencontrent dans l’endoderme du polype sont entrainées, au moment de la formation du diverticulum, avec les tissus euvironnants par la croissance de ces tissus. Mais je crois en outre que ces ovules ont, comme l’a déjà soutenu M. Weismann pour d’autres espèces, un mouvement de locomotion propre, car les ovules qui primitivement se trouvaient isolés et éloignés les uns des autres finissent par se trouver réunis ensemble dans l'intérieur du diverticulum et la progression des tissus due à leur accroissement ne peut pas expliquer à elle seule comment des éléments primitivement écartés les uns des autres peu- vent finir par être groupés les uns à côté des autres. Ainsi le passage des ovules de l'intérieur du polype lui-même dans la jeune méduse ne peut pas être mis en doute: j'ai observé un fait qui m'a encore éclairé sur ce point. J'ai trouvé un individu de l'espèce qui nous occupe dans lequel une partie des organes avaient avorté pour un motif que je ne connais pas : il ne possédait pas d'ou- verture ou d'orifice buccal à son extrémité supérieure ; les tenta- cules étaient absents et toute la partie supérieure du corps, tenta- 3 PI, XXXIII, fig. 7 et suiv. SUR LA REPRODUCTION DES POLYPES HYDRAIRES. 651 cules, hypostome, etc., était représentée par un simple petit tubercule fermé à son sommet, qui surmontait la région du corps sur laquelle bourgeonnent les méduses. À gauche, on trouvait dans cette région une méduse : au-dessus et au-dessous du pédicule de cette méduse, l’endoderme du polype était rempli de cellules diffé- renciées assez petites, qui n'étaient pas encore passées dans cette méduse ; mais à droite il ne s'était pas formé de méduse et on voyait de ce côté, dans l’intérieur du polype lui-même, des œufs très gros et presque complètement développés, qui, n'ayant pu passer dans une méduse, avaient continué à se développer sur place dans l’intérieur du polype lui-même et avaient atteint là leur développement presque complet. Je regrette de n’avoir pu suivre ce phénomène plus loin ; j'aurais voulu voir aussi si ces œufs seraient arrivés dans l'intérieur du polype lui-même à leur maturité complète, ou si, au contraire, il est néces- saire, pour qu'ils soient aptes à être fécondés et à se développer ensuite, qu'ils émigrent et abandonnent les parois du corps du polype où ils ont pris naissance. Voyons maintenant comment la méduse continue à se développer, car il y à une très grande différence entre le diverticulum en cul- de-sac que nous venons de voir et une méduse complète. Dans un bourgeon encore très jeune, mais cependant un peu plus avancé que celui que nous avons vu précédemment, on commence à voir au sommet du diverticulum un léger enfoncement de l’endo- derme: cette couche se sépare en ce point de l’ectoderme et s’en- fonce en s’invaginant légèrement !. À partir de ce moment, cet enfoncement de l’endoderme va s’accentuer de plus en plus ?; car, en même temps que cet enfoncement de la partie centrale de l’endo- derme s'effectue, sur les bords du sommet du diverticulum, là où l'endoderme et l’ectoderme sont accolés comme auparavant, il se produit en quatre points différents symétriques et placés à angles droits par rapport les uns aux autres des sortes de processus de l’en- doderme qui tendent au contraire à entraîner l’ectoderme en dehors. On comprend facilement que, à cause de ces deux phéno- mènes différents, d’un côté l’enfoncement centripète de la partie centrale de l’endoderme au sommet du diverticulum, et de l’autre 1 PI. XXXIII, fig. S. 2 PI, XXXIII, fig. 9. 652 ANDRÉ DE VARENNE. côté les processus centrifuges de ce même endoderme en quatre points différents sur les bords du sommet du diverticulum qui entrainent l'ectoderme en dehors, l'endoderme du sommet du jeune bourgeon soit de plus en plus séparé de l’ectoderme. On peut déjà reconnaître à cet état quelques-unes des parties essentielles qui constitueront la méduse : la partie centrale de l’en- doderme qui s'invagine et s'enfonce de plus en plus, représente ce qui sera un peu plus tard la couche interne ou l’endoderme du manubrium : quant aux quatre processus qui se forment sur les bords du sommet du bourgeon, ils représentent l’origine de la for- mation des canaux rayonnants ‘. Les mêmes phénomènes se continuent, d'un côté l’enfoncement de la partie centrale qui doit former le manubrium, de l’autre la formation des quatre processus latéraux qui indiquent la formation des canaux rayonnants. On peut voir dans un état plus avancé la partie centrale du sommet du bourgeon enfoncée et renfermant plu- sieurs ovules, et sur les côtés deux processus en forme de doigt de gant ; c'est le commencement des canaux rayonnanis et l'endoderme de ce processus est la couche interne ou l’endoderme qui plus tard délimitera les canaux rayonnants. Il va sans dire que puisque le plan de la figure passe par deux de ces canaux rayonnants, les deux autres ne peuvent être figurés et sont situés à angle droit en avant et en arrière du plan du dessin. Puisque nous avons déjà dans ce jeune bourgeon quelques-unes des parties essentielles qui constituent la méduse bien développée, nous devons remarquer un fait intéres- sant : c’est qu'à ce moment les ovules qui occupent l'endoderme sont situés aussi bien dans l’endoderme de ce qui sera plus tard le manu- brium, que dans l’endoderme des canaux rayonnants. Or, nous savons que dans les espèces qui ont un polype nu ou recouvert seu- lement par un périderme chitineux sans calyce autour de chaque polype,espèces qui constituent le sous-ordre des Tubulaires, c'est un caractère presque constant que les œufs, ou d'une manière plus gé- nérale les éléments sexuels, occupent seulement les parois du manu- brium de la méduse de ces espèces, et non pas les parois des canaux rayonnants: c'est un des caractères sur lesquels est basée la classifi- cation des Hydraires. Que sont donc devenus dans la méduse adulte les ovules qui occupaient primitivement les parois des canaux ‘ PI XXXIV, fig. 2, et pl. XXXILL, fig. 9. SUR LA REPRODUCTION DES POLYPES HYDRAIRES. 653 rayonnants? Retenons bien ce fait pour le moment ; j'en donnerai plus tard l'explication, lorsque nous aurons étudié parallèlement ce qui se passe dans les méduses chez lesquelles les éléments sexuels se rencontrent au contraire seulement dans les canaux rayonnants et non dans le manubrium : c’est, nous le savons, un des caractères distinctifs du sous-ordre des Campanulaires, qui comprend les espèces qui sont revêtues par un périsarc chitineux qui forme un calyce autour de chaque polype. Jusqu'à présent nous avons vu l’ectoderme favoriser par la crois- sance de ses tissus le développement de l’'endoderme des canaux rayonnants sans participer encore au mouvement d'invagination de la partie centrale qui doit former l’endoderme du manubrium. Nous savons même que l’endoderme de ce manubrium et l’ectoderme de la partie centrale du sommet du jeune bourgeon se sont séparés de plus en plus. Bientôt sur toute la surface du bourgeon, et sans que j'aie pu voir exactement à quei moment ce phénomène se pas- sait, l'ectoderme se divise en deux couches distinctes, l’une exté- rieure, fort mince, transparente etsans structure apparente; c’est une sorte de cuticule ; l’autre interne, épaisse et comprenant la plus grande partie de l’ectoderme primitüf. Ces deux couches ont des fonctions très différentes : la couche externe, la plus mince, est seulement destinée à envelopper et à protéger la jeune méduse jusqu'au moment où elle se sépare du polype qui la porte : elle se détruit alors à son extrémité, laisse échapper la jeune méduse et reste adhérente au polype hydraire, tandis que la méduse devient hbre et indépendante. J’ai souvent trouvé sur des polypes, aux points où des méduses s'étaient détachées, une membrane transparente flétrie etratatinée: ce n’est pas autre chose que cette couche externe de l’ectoderme vide, après que la méduse qu’elle renfermait s’est échappée. Avant même que la méduse soit bien développée, cette couche externe n’est en général plus adhérente avec elle; un inter- valle la sépare des tissus vivants de la méduse sur toute sa sur- face, et elle n’est plus adhérente que sur le pédicule de la méduse au point où elle se rattache au polype. La couche interne de l’ectoderme a une fonction toute différente : elle est destinée àse mouler extérieurement contre l’endoderme qui s'est invaginé et contre les processus endodermiques qui sont l’en- 1 PI. XXXIV, fig. 5 et suiv. 654 ANDRÉ DE VARENNE. doderme des canaux rayonnants, ei elle formera l’ectoderme du manubrium, des canaux rayonnants ei de l’ombrelle. En effet, à parür du moment où l’ectoderme s’est divisé en deux couches, la pius interne suit exactement les contours de l’endoderme en s’ap- pliquant et en se moulant contre lui, au lieu d’en être séparée comme l'était jusqu'à ce moment l'ectoderme au sommet du diverticulum. On peut voir, sur la figure 3, l’'endoderme et la couche interne de l'ectoderme accolés dans toute leur longueur, tandis que la couche externe de l'ectoderme est séparée dela couche interne précisément au sommet du bourgeon, là où l’ectoderme tout entier étaitséparé de l’endoderme avant sa division en deux couches. De plus,le manubrium constitué maintenant par ses deux couches, au lieu de rester déprimé au fond du bourgeon, comme il l'était jusqu'alors, se relève et prend la forme d’un cône dontle sommet est dirigé vers l'extrémité libre du bourgeon.C’estau sommet de ce cône que se formera tard plus un ori- fice qui traverse l’ectoderme et Pendoderme et qui sera la bouche de la méduse ‘. Nous avons maintenant une méduse dans laquelle on peut reconnaître toutes les parties principales qui se rencontreront dans la méduse complètement développée. On trouve les canaux rayonnants dont la cavité se continue avec la cavité digestive de la méduse et du polype et on voit les cils vibratiles de l’endoderme de ces Canaux rayonnants qui produisent un courant assez vif de gra- nulations à leur intérieur, absolument comme dans la cavité cen- trale de la méduse et la cavité gastro-vasculaire du polype ?. J'ai indiqué comment se forment le manubrium de la méduseetles canaux rayonnants par l'invagination successive de l’endoderme et de la couche interne de l’ectoderme, et par le développement dans une direction centrifuge de quatre processus qui sont l’origine des canaux rayonnants: ces quatre processus placés symétriquement et à angles droits par rapport les uns aux autres sont d'abord indé- pendants; ce sont des cæcums qui ne communiquent entre eux que par leur base, où ils débouchent dans la cavité centrale de la méduse. Plus tard il s’établira à leur sommet une communication qui les mettra en rapport les uns avec les autres : cette communi- cation sera le canal circulaire que l’on rencontrera au bord libre de l’ombrelle ; mais il faut que je dise maintenant quelques mots su 1 PI, XXXIV, fig. 3. 2 PI, XXXIV, fig. 5 et suiv. SUR LA REPRODUCTION DES POLYPES HYDRAIRES. 655 la manière dontseforme l'ombrelle, car jusqu'à présent je n’ai parlé que de la partie de l’ombrelle qui renferme les canaux rayonnants. En effet, nous n’avons pas oublié que, avant que la couche interne de l’ectoderme vienne se mouler sur. l'endoderme et s’invagine à son tour, les quatre canaux rayonnants avaient débuté par quatre processus de l’endoderme qui s'étaient avancés vers le sommet du bourgeon en repoussant l’ectoderme devant ‘eux. On voit, sur la figure 2, deux de ces processus de profil *. Lorsque l’ectoderme, après s’être divisé en deux couches, s’est in- vaginé à son tour, 1l suit exactement les contours de l’endoderme et par conséquent les contours de l’endoderme des quatre canaux rayonnants. Mais nous savons que ces quatre canaux rayonnants sont indépendants les uns des autres et forment quatre processus qui s’avancent vers le sommet du bourgeon : donc, dans les inter- valles qui séparent les canaux rayonnants, la partie de l’ectoderme qui s’est invaginée se trouve en contact avec la partie de l'ectoderme non invaginée située en face et en dehors d'elle et elle s’accole avec elle, tandis que dans les quatre parties où se trouvent les canaux rayonnants, la portion de l’ectoderme invaginée a été séparée de la portion non inyvaginée située en face par l’endoderme des canaux rayonnants. J'ai figuré deux bourgeons reproducteurs à deux états différents de développement, pour bien montrer commentles choses se passent?. Dans la figure 1, la jeune méduse n’est encore qu'un simple diverticu- lum des parois du corps du polype; elle correspond à peu près à la figure 7 de la planche précédente, où on voit ce diverticulum de profil. On voit simplement l’ectoderme, la lamelle intermédiaire et l’endo- derme avec ses cils vibratiles dans la cavité centrale. La figure 4 re- présente en coupe optique une méduse vue de face lorsque l’ecto- derme s’est divisé en deux couches secondaires, que l’endoderme et la couche interne de l’ectoderme se sont invaginés pour former les canaux rayonnants et le manubrium. Avant que l’ectoderme s'invagine, les canaux rayonnants n’é- taient délimités que par les quatre processus de l’endoderme; lors- que la couche interne de l’ectoderme s’est invaginée à son tour, elle a recouvert ces quatre canaux rayonnants qui se sont ainsi trouvés 1 PI. XXXIV, fig. 2. 2 PI. XXXIV, fig. 1 et 4. 636 ANDRÉ DE VARENNE. délimités par une couche endodermique et plus extérieurement par une couche ectodermique ; mais dans les intervalles, entre les canaux rayonnants, la partie de l’ectoderme qui s’est invaginée s’est trouvé en contact avec la partie de l’ectoderme non invaginée et s’est ac- colée avec elle; ce sont ces deux couches ectodermiques accolées qui forment l’ombrelle dans les intervalles situés entre les canaux rayonnants. Allman a donné des noms différents aux différentes parties de l’ectoderme de la méduse suivant que cette couche constitue telle ou telle partie de la méduse. On appelle ectothèque la couche externe de l’ectoderme qui sert d'enveloppe à la méduse jusqu'au moment où elle deviendra libre. Quant à la couche interne de ce même ecto- derme qui s'est invaginé, on appelle mésothèque la partie de cette couche interne qui forme l’ectoderme des canaux rayonnants et de l’ombrelle : la partie de cette même couche interne de l’ectoderme qui forme l’ectoderme du manubrium s'appelle endothèque. Nous voyons que les œufs constituent une grande partie de l’épais- seur de l’endoderme du manubrium et qu'ils contribuent à délimiter la cavité centrale de la méduse': ces œufs sont en effet en contact par leur face externe avec la lamelle intermédiaire et par leur face interne directement avec la cavité gastro-vasculaire. Mais la méduse est encore loin d’être complètement développée et nous allons main- tenant observer ce que nous avons déjà vu dans les espèces précé- dentes : les œufs vont cesser d'intervenir dans la délimitation de la cavité gastro-vasculaire, parce que les cellules de l’endoderme non différenciées se multiplient par division, très rapidement, et consti- tuent au-dessous de ces œufs une couche endodermique non diffé- renciée continue, qui les sépare de la cavité gastro-vasculaire*”. On voitdéjà cette coucheendodermique denouvelle formation au-dessous des œufs dans la figure 5; on la voit encore bien mieux dans la figure 6, où elle est séparée des œufs par une sorte de membrane qu'elle a sécrétée par sa face externe et qui est en contact avec les œufs. Cette membrane ressemble tout à fait à la lamelle intermé- diaire. En même temps, par la formation de cette couche endoder- mique de nouvelle formation et par le développement des œufs qui atteignent une taille considérable, l’'ectoderme du manubrium, ce 1 PI, XXXIV, fig. 3. 2 PI, XXXIV, fig. 5. SUR LA REPRODUCTION DES POLYPES HYDRAIRES. 657 que nous avons appelé il y a un instant l’endothèque’, est comprimé de plus en plus, et cet endothèque se réduit bientôt à une simple couche très mince, très transparente, qui se confond avec la lamelle intermédiaire et passe avec elle par-dessus les œufs et les recouvre ?. Il en résulte que si l’on ne tient pas compte des phénomènes que nous venons de décrire et que l’on observe par exemple une méduse à l’état représenté par la figure 6, on est exposé à prendre l'endo- derme de nouvelle formation qui passe sous les œufs pour le véri- table endoderme et les œufs pour la couche ectodermique ; car, dans ce cas, le véritable ectoderme et la lamelle intermédiaire ne forment plus qu’une couche très mince qui passe par-dessus les œufs, et l’on croirait bien plus que la lamelle intermédiaire est représentée par la membrane qui sépare les œufs et l’'endoderme de nouvelle forma- tion situé au dessous. C’est là, je pense, ce qui a induit en erreur Grobben et qui le porte à croire que les œufs, comme les sperma- tozoïdes, proviennent de l’ectoderme : il a sans doute observé seule- ment des méduses bien développées et avec les apparences que nous venons d'étudier; car je crois que si l’on suit le développement d’une méduse, il est impossible de ne pas reconnaître que les œufs sont des cellules de l’endoderme différenciées: mais 1l faut, pour cela, observer de très jeunes méduses, car sans cela, dans des méduses bien développées, la division des couches primitives en couches se- condaires et le développement prédominant de certaines parties exposent à des erreurs d'interprétation. J'aurais encore beaucoup de détails à ajouter relativement au déve- loppement de la méduse ; mais je ne puis pas cependant m'étendre davantage. Je dois ajouter cependant que lorsque le développement de la méduse commence à être assez avancé, les œufs atteignent dans les parois du manubrium une taille considérable : de plus les œufs et la couche d'endoderme de nouvelle formation située au dessous deviennent de plus en plus nettement séparés par la mem- brane que cet endoderme sécrète par sa face externe. Quant à l’ecto- derme et à la lamelle intermédiaire du manubrium, ils sont réduits à une simple membrane qui passe par-dessus les œufs ?. En même temps, la cavité des canaux rayonnants, comprimés par le développement des tissus, devient plus étroite et le diamètre de 1 PI, XXXIV, fig. 5. 2 PI. XXXIV, fig. 8. 3 PI. XXXIV, fig. 5 el 6. ARCH. DE ZOOL, EXP. ET GEN. = T, X. 1889, 49 MEET RERE el ES . DRE RES SEL TRS du LEZ ... qe ki 658 ANDRÉ DE VARENNE. ces canaux est à peu près égal dans toute leur longueur: les tenta- cules commencent à paraître sur les bords libres de l’ombrelle, en même temps que les bords internes de l’ombrelle s'avancent à la ren- contre l’un de l’autre et indiquent le commencement de la formation du voile. I faut aussi noter que, à partir de cemoment, on ne trouve plus les ovules qui, dans les premiers temps de la formation de la méduse, se rencontraient dans l’endoderme des canaux rayonnants : on ne voit plus actuellement des œufs que dans les parois du manu- brium. Le manubrium se perfore à son extrémité libre pour former la bouche. L'ectothèque se sépare de la méduse et il n’adhère plus qu'au point où son pédicule se rattache au polype. La couche interne de l’ectoderme qui forme l’ombrelle, le mésothèque, est remplie de petits nématocystes. La figure 6 représente une méduse sur le point de se séparer du polype et de sortir de l’ectothèque. A cet état, on observe des mou- vements saccadés de la méduse qui contracte son ombrelle dans l'in- térieur de l’ectothèque ; son pédicule se rompt, elle déchire l’ecto- thèque qui la protégeait et s'échappe pour mener maintenant une vie indépendante. J'ai représenté une méduse libre! qui vient de se séparer du polype: elle n’a encore que quatre tentacules, plus tard il s’en déve- loppera quatre autres dans les intervalles situés entre les premiers. On voit les œufs qui occupent les parois du manubrium : l'endothè- que, c’est-à-dire l’ectoderme du manubrium, et la lamelle intermé- diaire sont réduits à une simple membrane très mince qui passe par- dessus les œufs. A la base du manubrium, vers la bouche, on trouve quatre prolongements très contractiles qui forment comme quatre lèvres munies chacune d’une sorte de pelote de nématocystes : ces nématocystes sont supportés chacun par une petite baguette qui s’agite sans cesse, et ils sont ainsi presque toujours en mouve- ment?. On reconnaît sur le polype le point où s'est détachée la méduse par un petit mamelon qui est un restant du pédicule, et sur la méduse on trouve une légère dépression au sommet de l'ombrelle. Quelque- fois aussi, lorsqu'une méduse vient de se séparer du polype, on re- trouve sur celui-ci, au point où elle était fixée, l’ectothèque qui 1 PI. .XXXIV, fig. 7. 2 PI, XXXIV, fig. 9. SUR LA REPRODUCTION DES POLYPES HYDRAIRES. 659 enveloppait la méduse et qui est resté fixé au polype après que la méduse est devenue libre; mais son adhérence est peu considérable et se détache très facilement. S 6. Obelia geniculata. Origine de l’œuf et développement de la méduse. Cette espèce appartient au sous-ordre des Campanulaires : elle est reyêtue d'une enveloppe chitineuse qui forme un calyce autour de chaque polype. Elle ressemble beaucoup comme aspect général à la Campanularia flezuosa ou à la C. angulata ; mais les bourgeons re- producteurs sont des méduses qui deviennent libres et se détachent du polype sur lequel elles ont bourgeonné. On la trouve à Roscoff, fixée sur les grandes Laminaires de l'herbier, pendant l'été, en colonies très nombreuses. Je ne connais pas de travail spécial sur l’origine des éléments sexuels de cette espèce. On considère cependant jusqu'ici que les éléments sexuels prennent toujours naissance dans la méduse même. Weismann, qui a souvent examiné plusieurs espèces d'Obelia en voie de produire des méduses, pour voir si les ramifications contenaient dans le cæœnosarc des cellules sexuelles, n’a jamais pu observer rien de semblable et il soutient que les produits sexuels se forment tou- jours dans la méduse : pour cet auteur, c’est sans aucun doute un hydroïde blastogone, c’est-à-dire qu’elle appartient aux hydroïdes chez lesquels les cellules sexuelles se forment dans les bourgeons sexués. Il ne dit pas si c'est aux dépens de l’endoderme ou de l’ecto- derme que ces cellules sexuelles se forment. Pendant l'été dernier, après avoir terminé les observations que je viens de décrire dans le paragraphe précédent sur la Podocoryne carnea, j'ai songé à étudier l’Obelia geniculata, que je pouvais me procurer très facilement, afin d’avoir un type d'Hydraires ayant une méduse libre et appartenant au groupe des Campanulaires. Je dois dire dès maintenant que je ne puis partager en rien l'opinion de M. Weismann, Ce que j'avais trouvé dans la Podocoryne carnea, je l'ai revu dans l'espèce qui nous occupe maintenant à tous les points de vue : je ue m'étendrai donc pas longuement surles détails, puisque sur lasplupart des points je pourrais répéter exactement ce que j'ai déjà dit. Dans le cœnosarc de la tige,avant l’apparition de tout bourgeon 660 ANDRÉ DE VARENNE. sexué, on trouve dans l’endoderme des cellules différenciées ’. Elles contribuent à délimiter la cavité gastro-vasculaire avec laquelle elles sont en contact immédiat par leur face interne, tandis que par leur face externe elles sont en contact avec la lamelle intermédiaire. Ce sont des ovules. On rencontre dans le cœnosarc de la tige de ces ovules à différents degrés de développement ; ils sont cependant, en général, plus petits que ceux de la Podocoryne carnea : je n'ai jamais rencontré,. même dans les points où allait se former un bourgeon sexué, des ovules aussi développés que dans les espèces précédentes. On peut voir dans la figure que je viens d'indiquer plus haut, dans l'endoderme de la tige centrale, trois cellules différenciées plus bril- lantes et plus claires que les tissus voisins et qui font un peu saillie dans l’intérieur de la cavité gastro-vasculaire de la colonie, étant retenues du côté extérieur par la lamelle intermédiaire. Ces cellules différenciées, éparses d'abord dans une grande partie de la colonie, se réunissent, à cause probablement d’un mouvement indépendant de locomotion propre à elles-mêmes, dans les points où doivent se former les gonangiums, c’est-à-dire à l’aisselle d’un ra- meau secondaire. Dans l’espèce précédente, chaque bourgeon sexué était destiné à former une méduse: ici il n’en est pas de même; le bourgeon qui va se former nous donnera non pas une méduse unique, mais un blastostyle, c'est-à-dire un axe central, sur les côtés duquel bour- geonnent un certain nombre de méduses. Je n'insiste pas sur la manière dont se développe le blastostyle: je me suis étendu sur ce sujet à propos de la Plumalaria échinulata et les choses se passent de la même façon. Je dirai simplement que c'est un diverticulum en cul-de-sac des parois du corps du polype. Ce diverticulum s’allonge en entraînant par la croissance de ses tissus les cellules de l’endo- derme différenciées: ces cellules différenciées, ou pour mieux dire ces ovules, occupent l’endoderme du blastostyle, et c'est sur les côtés de ce blastostyle, aux points où ces ovules se rassemblent en certain nombre que se formeront des diverticulums en culs-de-sac secon- daires qui seront les vrais bourgeons sexués, destinés à devenir des méduses. Sur le blastostyle, les bourgeons sexués les plus mûrs sont situés au sommet, et les plus jeunes à la base. On a quelquefois ainsi dans un même gonangium à peu près tous les états de déve- loppement d'une méduse. ! PI, XXXV, Mg. 1. SUR LA REPRODUCTION DES POLYPES HYDRAIRES. 661 En observant donc un gonangium à sa base, on trouve de très jeunes méduses qui se développent sur le blastostyle. C’est d’abord un diverticulum des parois de ce blastostyle : l’endoderme renferme de nombreuses cellules différenciées à ce niveau. On peut voir sur une figure que j'ai donnée du pédicule d’un gonangium, l’endo- derme et l'ectoderme du blastostyle qui forment un diverticulum : on voit plusieurs ovules dans l’endoderme de ce diverticulum ; c’est un bourgeon aussi jeune que possible, destiné à devenir une méduse. Nous pouvons déjà tirer une conclusion de ce que nous venons de voir. Dans la Podocoryne carnea et dans l'Obelia geniculata la méduse n'a été au début qu’un simple diverticulum de l’ectoderme et de l’'endoderme; mais dans la première espèce ce diverticulum est formé directement par les parois du corps du polype, dans la seconde il est formé par les parois du blastostyle. Nous savons, d’un autre côté, que chez la Podocoryne carnea le polype qui est destiné à porter des méduses diffère du polype nourricier soit par la taille, soit par le nombre des tentacules qui est moins considérable ; c’est un individu qui est destiné à la reproduction et adapté à cette fonction: le blas- tostyle que nous rencontrons chez l'Obelia geniculata n'est pas autre chose non plus qu'un individu adapté à la reproduction et qui n’est plus capable de remplir les fonctions d’individu nourricier. Il ne faut par conséquent pas croire que dans l'Obelia geniculata 11 y ait un terme de plus que dans la Podocoryne carnea, à savoir le blastostyle. Non: les individus nourriciers proprement dits et dépourvus de bour- geons reproducteurs de la Podocoryne carnea correspondent aux po- lypes nourriciers de l'Obelia geniculata; les individus qui portent les bourgeons reproducteurs et qui sont plus ou moins rudimentaires comme individus nourriciers sont de véritables blastostyles et cor- respondent au blastostyle de l’Obelia geniculata sur lequel bourgeon- nent les méduses : seulement dans un cas, celui de la Podocoryne carnea, les différents individus adaptés à des fonctions différentes se dressent isolément en divers points de l’hydrorhize, tandis que chez l'Obelia geniculata, ils viennent se rattacher à une même tige cen- trale. Revenons maintenant au développement de la méduse: dans une méduse un peu plus âgée que celle que nous venons de voir tout à fait à la base du gonangium, le diverticulum en cul-de-sac s’accen- tue. La cavité centrale de ce diverticulum est en communication avec celle de la cavité gastro-vasculaire de la colonie, et l’on observe 662 ANDRE DE VARENNE. un courant très vif de granulations dû aux cils vibratiles de l’endo- dérme de ce cul-de-sac. L’endoderme renferme un certain nombre d'ovules par-dessus lesquels passe la lamelle intermédiaire : l'ecto- derme atteint une certaine épaisseur; il est recouvert par une cou- che ectodermique qu'Allman appelle la membrane commune, qui se distingue de la couche précédente, et qui recouvre dans toute l'étendue du gonangium l'ensemble des jeunes bourgeons. Gette couche envoie de nombreux prolongements très délicats à la face interne de la capsule chitineuse qui enveloppe tout le gonangium *. Nous allons retrouver dans les divers états du développement de la méduse absolument ce que nous avons observé chez la Podoco- ryne carnea. Jusqu'à ce moment l’ectoderme et l’endoderme du diverticulum sont accolés l’un à l’autre. Mais bientôt l'endoderme, tout en restant accolé en grande partie à l'ectoderme, s'enfonce au sommet du bour- geon reproducteur et s'mvagine ; en même temps, sur les bords des parties qui restent accolées à l’ectoderme, paraissent à angles droits quatre processus qui repoussent devant eux l’ectoderme : ces quatre processus formés par l’'endoderme sont la première apparition des canaux rayonnants ét la partie centrale de l’endoderme qui s'in- vagine formera l'endoderme du manubrium. Cet endoderme du ma- nubrium après être resté un certain temps situé dans un même plan perpendiculaire au grand axe du diverticulum, se recourbe sur lui- même en forme de cône dont le sommet est dirigé vers le sommet du bourgeon : il délimite une cavité qui est en communication di- recte avec la cavité gastro-vasculaire et qui sera plus tard la cavité digestive proprement dite de la méduse. On peut voir sur les figures que j'ai données les divers phénomènes du développement de la méduse ?: c’est tout à fait ce que nous avons observé chez la Podo- coryne carnea. [ faut remarquer qu'ici comme dans cette dernière espèce on voit, dans la jeune méduse, les ovüules dans l'endoderme, et aussi bien dans l'endoderme de ce qui sera le manubriutm, que dans l'endoderme des canaux rayonnants. Nous avons déjà appelé l'attention sur ce fait dans le paragraphe précédent au sujet du dé- veloppement de la méduse de la Podocoryne carnea : or, la Podoco- ryne carnea appartient, nous le savons, au sous-ordre des Tubu- SUR LA REPRODUCTION DES POLYPES HYDRAIRES. 663 laires : les méduses dés espèces qui appartiennent à ce groupe ont les éléménts sexuels situés dans l'épaisseur des parois du manu- brium. L'Obelia geniculata, au contraire, appartient au sous-ordre des Campanulaires et les miéduses des espèces qui appartiennent à ce groupe ont leurs éléments sexuels situés dans les parois des canaux raÿonnants: ce sont là des caractères importants sur les- quels reposent les grandes divisions des Hydraires. Ainsi un des principaux caractères distinctifs de ces deux grands groupes est que dans un cas les éléments sexuels occupent l'épaisseur des parois du manubrium, dans l’autre cas, l'épaisseur des parois des canaux rayonnants, et cependant dans des méduses très jeunes appartenant à des espèces de ces deux groupes on trouve des ovules, aussi bien dans l'endoderme du manubrium que dans l'endoderme des canaux rayonnants. Comment cela se fait-il? Que sont devenus d’un autre côté les œufs qui dans la méduse de la Podocoryne carnea se trouvaient dans l’endoderme des canaux rayonnants, puisque dans la méduse adulte il n’y en a plus que dans les parois du manubrium; et dans la méduse de l’Obelia geniculata, que sont devenus les œufs qui se trou- vaient dans l’endoderme du manubrium, puisque dans la méduse adulte on n’en trouve plus que dans les parois des canaux rayonnants? Je crois pouvoir conclure de mes observations qu’au début les mé- duses de ces deux espèces, et par conséquent de ces deux sous-ordres, sont semblables : on trouve chez chacune d'elles des ovules dans l’en- doderme du manubrium et des canaux rayonnants ; seulement dans la méduse de la Podocoryne carnea ou, pour parler d’une façon plus générale, dans la méduse des espèces qui appartiennent au sous- ordre des Tubulaires, les œufs qui sont situés ailleurs que dans le manubrium n'arrivent pas à maturité et dans la méduse de l'Obelia geniculata ou plutôt dans les méduses qui appartiennent au sous- ordre des Campanulaires, les ovules situés ailleurs que dans les ca- naux rayonnants n'arrivent pas à maturité : de telle sorte qu'après avoir été semblables à leur origine, les méduses de ces deux grands groupes finissent par différer essentiellement. Lorsque par l’invagination de l’endoderme et la formation des pro- cessus placés symétriquement à angles droits, on a déjà l’'ébauche de ce qui sera plus tard le manubrium et les canaux rayonnants, l’ecto- derme qui, jusqu'ici, n'a pas suivi l'invagination de l’endoderme, se divise en deux couches, l’une externe fort mince, très transpa- rente et sans structure apparente ; elle ne sert qu'à protéger la jeune 664 ANDRÉ DE VARENNE. méduse jusqu'au moment où elle se séparera du polype et elle res- tera, comme nous l'avons déjà vu pour la Podocoryne carnea, fixée au polype, après que la méduse est devenue libre; dans l'espèce qui nous occupe ici, elle reste adhérente à la membrane commune, dont nous avons parlé plus haut et qui recouvre l’ensemble des jeunes méduses dans un gonangium; elle forme avec cette mem- brane commune une sorte de sac clos après la sortie de la méduse. Cette couche est l'ectothèque. La couche interne de l’ectoderme est plus importante, elle double exactement l'invagination de l'endoderme en se moulant sur lui : elle formera l’ectoderme de l'ombrelle et des canaux rayonnants (mésothèque) et l'ectoderme du manubrium (endothèque). Je ne m'arrête pas plus longtemps sur tous ces détails que j'ai décrits lon- guement au sujet de la Podocoryne carnea et que montrent suffisam- ment les figures ‘. A cet état, on rencontre encore des ovules aussi bien dans l’endoderme du manubrium, que dans l’endoderme des canaux rayonnants; nous venons de voir que dans la méduse bien développée, on n'en trouve plus que dans l'épaisseur des parois des canaux rayonnants. Lorsque la méduse est bien développée, elle s’agite dans l’inté- rieur de l’ectothèque qui l'emprisonne encore; elle finit par la rompre, ainsi que la membrane commune qui recouvre l’ensemble des méduses d’un même gonangium et s'échappe pour nager libre- ment à partir de ce moment. À un fuible grossissement on n’aperçoit pas d'œufs dans son inté- rieur ?; mais à un grossissement un peu plus fort on voit très bien les ovules dans l’endoderme des canaux rayonnants %. Ces ovules sont généralement en plus grand nombre et plus développés en un certain point des canaux rayonnants, et à ce point, ils déterminent un renflement, une dilatation considérable des parois des canaux ; ils peuvent aussi être dispersés dans presque toute la longueur des canaux et alors à la place de la dilatation, du renflement en question il y a seulement un ou deux œufs plus gros que les autres *. A l'intérieur du canal rayonnant les cils vibratiles déterminent un courant très vif de granulations et de particules nutritives. Il arrive 1 PI. XXXV, fig. 5. 2 PI. XXXV, fig. 6. " 3 PI, XXXV, fig. * PI, XXX , fig 1 SUR LA REPRODUCTION DES POLYPES HYDRAIRES. 665 parfois que les ovules sont fort difficiles à apercevoir dans les parois des canaux rayonnants de la méduse à cause de leur réfringence qui est à peu près la même que celle de l'ombrelle et de plus parce qu'ils sont d’une taille très petite relativement à ce que nous avons vu dans les espèces précédentes. J'ai dit plus haut que pour l’espèce qui nous occupe ici et, en gé- néral, pour toutes celles qui appartiennent au sous-ordre des Cam- panulaires, c’est un caractère presque constant que les éléments sexuels occupent dans la méduse bien développée les parois des ca- naux rayonnants. On voit cependant dans la figure que je donne d'une méduse vue par en haut pour montrer les canaux rayonnants et les œufs, des œufs très petits et très jeunes qui occupent les pa- rois du manubrium situées entre deux canaux rayonnants ‘; il est vrai que c'est dans la partie tout à fait supérieure de la paroi du ma- nubrium, dans cette partie qui forme comme un vestibule aux quatre canaux rayonnants. Je n'ai pu suivre ces œufs et voir s'ils arrivent à maturité. | RÉSUMÉ. Nous pouvons résumer les faits que nous venons de décrire, en di- sant que dans les espèces que nous avons étudiées et qui ont leur génération sexuée représentée soit par des gonophores qui restent toujours fixés au polype (sporosacs), soit par une demi-méduse. c'est-à-dire un bourgeon sexué qui présente presque toutes les par- ties essentielles de la méduse complète {ombrelle, canaux rayon- nants, etc.);, mais qui reste encore fixée constamment au polype, soit enfin par une méduse complète, et qui nage librement, les œufs prennent naissance dans le cœænosarc du polype lui-même avant l'apparition de tout bourgeon reproducteur; ce n’est donc pas, comme on le croit jusqu'à présent, dans l’intérieur de ces gono phores, de ces demi-méduses ou de ces méduses que naissent les œufs. Ces œufs sont des cellules de l’endoderme du cœnosarc du polype différenciées, et l’on observe tous les passages entre une cellule en- dodermique ordinaire et un œuf bien développé. Ces œufs sont entraînés par la croissance des tissus, et aussi par un mouvement de locomotion qui leur est propre, dans un diverti- 1 PI. XXXV, fig. 7. mx = 3 î ji ÿ Pres 666 ANDRÉ DE VARENNE. culum en cul-de-sac formé par les parois du corps du polype ; ce diverticulum devient, en se développant, soit un gonophore destiné à être toujours fixé au polype (sporosac ou demi-méduse), ou une méduse libre: Ainsi, je crois avoir démontré que; non seulement, dans les es- pèces qui ont des sporosacs qui restent toujours fixés au polype sur lequel ils ont bourgeonné, maïs encore dans celles qui ont des mé- duses libres, ce n'est pas, comme on le croit, dans les gonophores ou les méduses que naissent les œufs, mais bien dans l'endoderme du cœnosarc du polype lui-même et les ovules ne sont que des cel- lules de cet endoderme différenciées. Si les œufs ne prennent pas naissance dans les sporosacs et les méduses comme on le croit, il semble difficile de considérer ces in- dividus comme les individus sexués et comme représentant la géné- ration sexuée : le fait est surtout important pour les méduses que l'on considère par excellence comme représentant la génération sexuée, par opposition au polype que l’on considère comme repré- sentant la génération asexuée. Il semble donc que, puisque les œufs naissent dans l’endoderme du cœnosarc du polype lui-même, les mé- duses et les sporosacs ne peuvent pas être considérés comme les in- dividus sexués et comme représentant la génération sexuée dans les générations alternantes. On doit apporter des modifications dans les idées admises sur les générations alternantes et sur les deux termes de ces générations alternantes, à savoir : les individus que lon consi- dère comme représentant la génération asexuée (polypes), et ceux que l’on considère comme représentant la génération sexuée (sporo- sacs et méduses). Depuis que ces observations ont été faites et terminées, j'ai voulu les vérifier par Pexpérience et voir si ce ne serait même pas les élé- ments sexuels qui détermineraient la formation des gonophores et des méduses. Pour cette expérience, j'ai eu recours à une espèce très abondante et dont j'ai parlé plus haut, la Campanularria flexuosa. Je l'ai observée et suivie en hiver, à un moment où, à cause de la témpératurée du milieu où elle vit, elle ne présentait pas d'indi- vidus reproducteurs, mais seulement des individus nourriciers. Or, en la conservant dans des cuvettes de vérre, dans une salle où la température est suffisimment élevée, et en la replaçant ainsi dans des conditions où elle peut produire par bourgeonnement des indi- SUR LA REPRODUCTION DES POLYPES HYDRAIRES. 667 vidus reproducteurs, j'ai vu au bout de quelques jours certaines cel- lules dé l'endoderme changer d'aspect et se transformer ; bientôt j'ai reconnu des ovules qui se sont développés. Comme dans les condi- tions normales, ces cellules de l’endoderme différenciées sont deve- nuës des œufs. La présence d'un certain nombre de ces ovüules en certains points de la colonie a déterminé en ces mêmes points la formation d'un bourgeon en cul-de-sac qui est devenu un gonophore dans lequel ces produits sexuels ont fini par passer. Il me semble donc bien démontré, qûe non ‘seulement les pro- duits sexuels ne naissent pas dans l’intérieur des gonophores et des méduses et que ces individus ne peuvent pas être considérés comme représentant la génération sexuée chez ces animaux, comme je l'ai déjà dit, mais que même c’est la présence d’un certain nombre d'éléments sexuels dans les parois de la colonie qui détermine en ces points la formation des gonophores et des méduses. Ainsi, loin d'être antérieurs aux œufs et aux spermatozoïdes, les gonophores et les méduses leur sont postérieurs. CHAPITRE IT. ORIGINE ET DÉVELOPPEMENT DES SPERMATOZOIDES. $ 1. Origine des spermatozoïdes de la Campanularia flexuosa. Je ne reviens pas sur les diverses opinions relatives à l’origine en- dodermique ou ectodermique des éléments sexuels mâles. J'ai, au commencement du chapitre précédent, donné l'historique de la question au sujet de l’origine des éléments sexüels mâles ou femel- les, et je n'y reviens pas ,.je dois cependant rappeler que la diversité des opinions, déjà si complète lorsqu'il s’agit de l’origine de l'œuf, est poussée enCore bien plus loin lorsqu'il s’agit de l’origine des éléments sexuels mâles. M. Fraipont a étudié l’origine des éléments sexuels chez la Campanu- laria flezuosa et une espèce très voisine, la €, angulata; il tire de ses observations la conclusion que les œufs se développent aux dépens de l'endoderme et les spermatozoïdes aux dépens de i'ectoderme. Nous sommes de l’avis de M.Fraipont pour l'œuf,en ce sens que nous pen- 668 ANDRÉ DE VARENNE. sons comme lui qu'il provient de l’endoderme ; mais avec cette diffé- rence capitale que pour M. Fraipont les ovules naissent dans l’inté- rieur du gonangium et que les œufs que l’on rencontre dans l’endo- derme de la tige n’arriveront jamais à maturité, tandis que pour nous c’est, au contraire, dans l'endoderme de la tige quenaissent les œufs et qu'ils passent ensuite dans le gonangium et les gonophores., Quant à l'origine des spermatozoïdes nous ne pouvons en aucune façon partager l'opinion de M. Fraipont. Pour "cet auteur, en effet, il suffit, pour résoudre la question de l’origine et du développement des produits sexuels mâles, d'étudier un gonangium mûr de la base au sommet, parce que l’on trouve des gonophores à tous les états de développement; les plus jeunes de ces gonophores situés à la base du gonangium sont constitués par un diverticulum des parois du cœnosare, c'est-à-dire par l’endo- derme, l’ectoderme, et entre les deux la lamelle intermédiaire ; mais les cellules ectodermiques de ce diverticulum présentent des carac- tères spéciaux. Ces cellules ectodermiques différenciées constituent les premières cellules mères des spermatozoïdes. En résumé, pour cet auteur, les spermatozoïdes proviennent de l’ectoderme et nais- sent dans le gonangium. Nous allons maintenant exposer nos recher- ches personnelles ; nous verrons ensuite quelles conclusions nous pouvons en tirer. Pour nous, les cellules mères des spermatozoïdes ne naissent pas dans le gonangium. Dans une colonie mâle, on trouve dans l’endoderme de la tige, avant l'apparition de tout gonophore, de grosses cellules plus claires et plus brillantes qui contribuent à délimiter la cavité gastro-vasculaire de la colonie’; ces cellules sont rondes et possèdent un gros noyau réfringent avec nucléole. Elles nous rappellent absolument comme situation dans l’'endoderme de la colonie et comme aspect général les ovules dont nous avons parlé plus haut; ce sont les cellules mères primaires des spermatozoïdes. Elles sont plus difficiles à observer que les ovules, car les ovules at- teiguent souvent, même dans l'intérieur de la tige d’une colonie, une taille assez considérable qui attire l'attention; de plus, ils sont reconnaissables à cause de la vésicule germinative. C'est surtout dans la région du corps où doivent se développer les gonangiums que ces cellules endodermiques différenciées sont abondantes. 1 PI. XXXVI, fig, 1. SUR LA REPRODUCTION DES POLYPES HYDRAIRES, 669 Si nous voulons maintenant suivre le développement d’un gono- phore mâle,nous pouvons observer ce qui se passe à la base d’un go- nangium; dans le pédicule du gonangium nous retrouvons dans l’endoderme les mêmes cellules différenciées dont nous avons signalé la présence dans l’endoderme de la tige. Un peu plus haut, à la base du gonangium, on voit un diverticulum formé par l'endoderme, l’ectoderme et, entre les deux, la lamelle intermédiaire; l’endoderme du diverticulum est occupé par les cellules différenciées et la lamelle intermédiaire passe par-dessus ces cellules et les sépare nettement de l’ectoderme’. Ces cellules mères des spermatozoïdes sont encore en contact immédiatavec la cavité gastro-vasculaire du diverticulum qu'elles contribuent à délimiter. On voit sur les figures plusieurs cel- lules mères primaires occupant l’endoderme du diverticulum : à la base du diverticulum dans l’endoderme du blastostyle, on voit deux cellules endodermiques différenciées qui passent dans le diverticulum entrainées par la croissance des tissus et probablement aussi par un mouvement de locomotion propre à ces cellules. Donc les cellules mères primaires sont des cellules de l’endoderme différenciées, et naissent dans la tige. Dans un gonophore un peu plus avancé, on trouve que les cellules mères primaires, au lieu d'occuper une partie plus ou moins considé- rable de l’endoderme du diverticulum, comme cela avait lieu jusqu’à présent, sont en beaucoup plus grand nombre et, se touchant les unes les autres, forment une couche différenciée non interrompue ; cette couche endodermique différenciée, qui forme la paroi endoder- mique du diverticulum, représente le testicule très jeune et prend la forme d’un fer à cheval ?;:mais en même temps que se forme le tes- ücule aux dépens de la paroi endodermique du diverticulum, l’en- doderme non différencié situé à la base du diverticulum, et qui est interrompu par la partie différenciée, se continue par la multiplica- tion par division de ces cellules sous cet endoderme différencié de- venu le testicule et reconstitue au-dessous de lui une couche endo- dermique continue non différenciée qui est la couche la plusinterne du diverticulum. Cela était absolument nécessaire, car, puisque dans le diverticulum toute la paroi endodermique en forme de fer à che- val était différenciée pour former le testicule, comment ce testicule 1 PI, XXXVL, fig. 2. 2 PI. XXXVI, fig. 3. pt 670 ANDRÉ DE VARENNE. aurait-il pu se nourrir et se développer? Il n'y avait plus, en effet, dans le diverticulum ou dans le jeune gonophore, d’endoderme non différencié pouvant remplir les fonctions digestives et nutritives, qui cependant sont absolument nécessaires au développement du testicule. : Ainsi maintenant ce testicule est compris entre cet endoderme de nouvelle formation qui le sépare de la cavité gastro-vasculaire et la lamelle intermédiaire qui passe complètement par-dessus la masse testiculaire. On voit bien ces détails dans la figure que j'ai donnée d'un gonophore mâle de la €. flexuosa situé à la base d'un gonan- gium'. On voit bien l’endoderme de nouvelle formation qui sépare le testicule de la cavité gastro-vasculaire et forme la couche la plus interne du diverticulum et la lamelle intermédiaire qui passe par- dessus le testicule. Lorsque l'on suit les phénomènes comme nous venons de le faire, il n’est pas possible de conserver des doutes sur l’origine des élé- ments sexuels mâles; mais si l’on n'observe pas des gonophores aussi jeunes que possible, on s'expose à des erreurs d'interprétation. En effet, lorsque l’endoderme s'est reconstitué au-dessous du testi- cule, et le sépare de la cavité gastro-vasculaire, les cellules qui constituent cet endoderme sécrètent par leur face externe, celle qui est en contact avec le testicule, une membrane amorphe et transpa- rente tout à fait semblable à la lamelle intermédiaire et qui se continue avec elle sur les bords du fer à cheval. Il en résulte que déjà à ce moment le testicule est compris entre deux membranes semblables, la vraie lamelle intermédiaire qui passe par-dessus et la membrane sécrétée par l’endoderme de nouvelle formation qui passe par-dessous. Si nous n'avions pas vu comment les choses se passent, nous hésiterions déjà pour reconnaître, dans ces deux membranes qui passent l’une par-dessus et l'autre par-dessous le testicule, quelle est la lamelle intermédiaire véritable. Mais les choses vont encore se compliquer, car le testicule augmente considérablement de volume ; la masse testiculaire comprime par son augmentation de volume la lamelle intermédiaire, et cette lamelle intermédiaire ainsi Compri- mée devient de moins en moins visible ; de telle sorte qu'en suivant la lamelle intermédiaire à la base d'un gonangium et en tàchant de la voir se continuer dans un gonophore, on dirait qu'elle se continue 1 PI, XXX VI, fig. 3 et 4. SUR LA REPRODUCTION DES POLYPES HYDRATRES. 671 non pas avec la vraie lamelle intermédiaire qui passe par-dessus la masse testiculaire, mais avec la membrane dont nous venons de parler qui est sécrétée par l'endoderme de nouvelle formation et qui passe par-dessous la masse testiculaire. Si l’on s'en tenait donc à ces apparences, on dirait que la lamelle intermédiaire passe dans le gonophore par-dessous la masse testiculaire et que par conséquent l'origine du testicule est ectodermique. Voilà, je crois, quelles sont les apparences qui ont induit en erreur les auteurs qui prétendent que les spermatozoïdes sont d’ori- gine ectodermique: ils ont observé des gonophores déjà trop avancés, et à cet état l'erreur est très facile à expliquer. Mais je crois que si l’on suit les phénomènes comme nous l'avons fait, on est obligé de reconnaître que les cellules mères des spermatozoïdes pro- viennent, comme les ovules, de cellules de l’endoderme du cœnosarc du polype lui-même, et que ces cellules endodermiques différenciées passent ensuite dans un diverticulum qui deviendra un gonophore. J'ai donné une figure qui montre bien ces phénomènes !: on voit à la base du gonangium un gonophore dans lecuel la masse testicu- laire a atteint un certain développement et est séparée de la cavité gastro-vasculaire par l’endoderme de nouvelle formation qui s’est reconstitué. Si l’on s’en tenait aux apparences, nous pourrions hési- ter dans cette figure pour savoir si la lamelle intermédiaire du reste du gonangium se continue avec la vraie lamelle intermédiaire qui passe par-dessus la masse testiculaire ou avec la membrane sécrétée par l’'endoderme reconstitué au-dessous de cette masse testiculaire, et qui passe par-dessous. Or, un peu plus bas que le gonophore, dans le pédicule du gonangium, nous voyons une cellule de l’endo- derme plus claire et plus brillante qui n’est autre chose qu’une cel- lule mère primaire qui occupe sa position véritable dans l'endo- derme et est un témoin que le testicule est bien endodermique. Nous venons de parler d’une membrane sécrétée par l’endoderme qui s’est reconstitué au-dessous du testicule, et qui est tout à fait semblable à la lamelle intermédiaire : j'ajouterai en passant que, d'après différents faits du même ordre que j'ai eu l’occasion d’obser- ver, je crois que la lamelle intermédiaire n’est pas autre chose qu'un produit de sécrétion provenant de'l’ectoderme et de l’endoderme accolés et dû pour une plus grande part à l’endoderme. 1 PI. XXXVI, fig. 3 et 4. 672 ANDRÉ DE VARENNE. Nous avons vu que les cellules mères primaires des spermato- zoïdes, après avoir formé une simple couche en forme de fer à cheval, sont arrivées à constituer une masse testiculaire: qui aug- mente de plus en plus. Je crois que ce phénomène est dù à la divi- sion très rapide de ces cellules mères primaires : chacune d’elles, en effet, renferme plusieurs noyaux. Nous verrons plus loin comment se passent les autres phénomènes de la formation des sperma- tozoïdes, S 2. Gonothyræa Loveni. Origine des spermatozoïdes. Suivant Bergh, les éléments sexuels mâles naissent dans cette espèce aux dépens de l'ectoderme ‘ : à l'extrémité de très jeunes go- nangiums apparait un bourrelet constitué par des cellules ectoder- miques, qui croit vers l’intérieur en refoulant l’endoderme devant lui. C’est ce qui constitue le testicule. M. Weismann, qui a étudié la même espèce, confirme ces observa- tions : il ajoute qu'il n'a pu poursuivre plus loin ces études, mais qu'il peut affirmer avec certitude que les cellules sexuelles mâles n'apparaissent pas dans le cœænosarc et naissent seulement dans les gonophores. Ainsi, pour ces deux auteurs, les éléments sexuels mâles proviennent de cellules ectodermiques et naissent seulement dans les gonophores. Je regrette de ne pouvoir en rien partager cette opinion. Pour moi les éléments sexuels mâles proviennent de cellules endodermiques dif- férenciées et naïssent dans le cœnosarc. Ge que j'ai dit dans le chapitre précédent au sujet de la C'ampanularia flexuosa, je pourrais le répé- ter mot pour mot pour la Gonothyræa Loveni. On trouve dans l’'endoderme de la tige des colonies mâles, des cellules claires et brillantes plus grosses que les cellules environ- nantes ; ce sont les cellules mères primitives des spermatozoïdes. Elles possèdent un noyau réfringent avec nucléole ?. Elles pro- viennent de cellules endodermiques différenciées, On les rencontre dans l’endoderme de la tige avant l'apparition de tout gonangium. Ces cellules mères sont entraînées dans un diverticulum formé par 1‘ BerGn, Studien über die erste Entwickelung der Eïer von Gonothyræ Loveni (Morph. Jahrb., V, 1, 1879). 2 bp], XXX VI, fig. 6. SUR LA REPRODUCTION DES POLYPES HYDRAIRES. 673 les parois du corps du polype et qui deviendra un gonangium. On peut voir dans un gonangium des gonophores à tous les états de développement: les plus mürs sont situés au sommet, les plus jeunes à la base du gonangium ; dans le pédicule du gonangium, on trouve dans l’endoderme des cellules différenciées semblables à celles que nous avons observées dans l’endoderme de la tige. Un gonophore très jeune est formé par un diverticulum des parois du blastostyle : l’'endoderme du diverticulum est occupé par des cellules différenciées qui sont là encore, comme elles l’étaient dans l’endoderme de la tige, directement en contact avec la cavité gastro- vasculaire par leur face interne et avec la lamelle intermédiaire par leur face externe‘. Bientôt, ces cellules différenciées constituent une masse en forme de fer à cheval qui est la masse testiculaire. Cette masse testiculaire est encore en contact direct par sa face interne avec la cavité gastro-vasculaire ; mais l'endoderme non différencié du diverticulum se multiplie rapidement par la division de ses cel- lules et reconstitue sous la masse testiculaire une couche d’endo- derme non différencié continue qui passe par-dessous la masse testi- culaire ?; cette couche d'endoderme de nouvelle formation est destinée à séparer la masse testiculaire de la cavité gastro-vasculaire ; c'est par l'intermédiaire de cette couche que s'effectueront les échanges de nutrition nécessaires au développement du testicule. La couche endodermique de nouvelle formation qui passe par- dessous la masse testiculaire sécrète une membrane qui la sépare du testicule et qui est semblable à la lamelle intermédiaire *. Comme, d’un autre côté, la lamelle intermédiaire et l'ectoderme sont de plus en plus comprimés et diminués par la pression qu'’exerce sur eux le testicule en augmentant de volume, il est très facile, si l'on s’en tient aux apparences, de prendre la membrane sécrétée par l’endoderme de nouvelle formation au-dessous du testicule pour la vraie lamelle intermédiaire, et de croire par conséquent que le testicule est d’ori- gine ectodermique. C’est là, je pense, ce qui peut faire croire que les éléments sexuels mâles proviennent de l’ectoderme. La masse testiculaire augmente rapidement de volume par la multiplication par division des cellules mères#. Elle continue à être renfermée entre 1 PI. XXXVI, fig. 6. 2 PI. XXX VI, fig. 7. s PI. XXXVL fig. 7 et suiv. # pl. XXX VI, fig. 8 et 9. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN.— T. X. 1882. 43 674 ANDRÉ DE VARENNE. la membrane sécrétée par l'endoderme de nouvelle formation qui passe par-dessous, et la lamelle intermédiaire qui passe par-dessus. Dans un gonophore complètement mr, il est facile d'observer ces phénomènes ; on voit la membrane sécrétée par l’endoderme de nouvelle formation qui passe par-dessous la masse testiculaire et la lamelle intermédiaire qui passe complètement par-dessus cette même masse testiculaire"; il est fort difficile à cemoment de dire quelle est la vraie origine des éléments sexuels et cela explique la divergence des opinions. Au sommet du testicule on voit une formation cellulaire toute particulière qui apparaît lorsque le testicule est arrivé à maturité et que les spermatozoïdes sont sur le point de s'échapper. Ce sont des cellules réfringentes apparaissant au sommet du testicule et qui sont, je crois, destinées à ramollir et à dissoudre la lamelle intermé- diaire en ce point; c’est par là, en effet, que l'évacuation des sper- matozoïdes a lieu ?. S 3. Podocoryne carnea. Origine des spermatozoïdes. Nous avons vu, en nous occupant de l’origine de l'œuf de cette espèce, que Grobben avait observé l'origine ectodermique des élé- ments sexuels. Nous savons ce qu'il faut en penser pour l'œuf: nous allons voir maintenant ce que nous avons observé pour les éléments sexuels mâles. On trouve avant l'apparition de tout bourgeon reproducteur dans l’endoderme des polypes, surtout dans la région du corps où doivent bourgeonner les méduses, de grosses cellules brillantes et plus claires que les autres cellules de l’endoderme. Ges cellules contribuent à délimiter la cavité gastro-vasculaire avec laquelle elles sont en contact par leur face interne, tandis que leur face externe est en con- tact avec la lamelle intermédiaire. Ces cellules différenciées sont les cellules mères primaires des spermatozoïdes. On peut les dissocier ainsi que les cellules environnantes par l'acide acétique très étendu. Elles ressemblent absolument comme aspect et comme position à ce que nous avons vu pour les ovules,-et à ce moment, si ce n'est leur taille qui est plus petite que celle des ovules, on ne pourrait savoir si l’on a affaire à des ovules ou à des cellules mères de spermatozoïdes. 1 PI, XXX VI, fig. 9. 2 PI, XXX VI, fig. 9, a. SUR LA REPRODUCTION DES POLYPES HYDRAIRES. 675 Lorsqu'une méduse commence à paraître, c'est d’abord un simple diverticulum des parois du corps du polype : les cellules différen- ciées de l’endoderme passent dans ce diverticulum et en occupent l’endoderme. On peut voir dans un jeune bourgeon reproducteur des cellules mères primaires qui occupent la couche interne du cul-de- sac, et dansles parois du corps du polype lui-même, d’autres cellules endodermiques différenciées qui ne sont pas encore passées dans le diverticulum ou qui sont destinées à passer dans un autre bourgeon sexué!. La lamelle intermédiaire sépare nettement ces cellules diffé- renciées de l’ectoderme et assurément on est forcé de reconnaître à ce moment que les cellules mères proviennent d’une cellule de l’en- doderme différenciée. La cavité centrale du cul-de-sac est en communication directe avec la cavité gastro-vasculaire et l’on voit un courant très vif de granula- tions dans son intérieur. Les diverses phases du développement de la méduse sont absolu- ment les mêmes que celles que nous avons décrites en parlant du développement de la méduse femelle de la même espèce ; nous ne _nous étendrons donc pas longuement sur les détails. Dans le cul-de-sac dont nous venons de parler et qui représente une méduse aussi jeune que possible, les deux couches des parois du corps, l'endoderme et l’ectoderme sont accolées l’une à l’autre dans toute leur étendue. Bientôt au sommet du bourgeon, l’endo- derme se sépare de l'ectoderme et s'enfonce en s'invaginant: en même temps, sur les bords du bourgeon, à son sommet, se forment quatre processus de l'endoderme placés à angles droits, les uns par rapport aux autres. C'est le commencement des canaux rayonnants?. Ces processus s’avancent de plus en plus en repoussant devant eux l’ectoderme, tandis que la partie centrale s'enfonce et s’invagine davantage. Cette partie centrale représente ce qui formera l’endo- derme du manubrium. À un moment, elle revient sur elle-même et forme un cône dont le sommet est dirigé vers le sommet du cul-de- sac. Les cellules différenciées que nous avons signalées se retrouvent dans l'endoderme, soit dans les parties accolées à l’ectoderme, soit dans la partie centrale qui s'est invaginée. Jusqu'à ce moment, l'ectoderme n’a pas participé à cette invagi- 1 PI. XXX VII, fig. 1 et 2. EL XXVIE fe. 676 ANDRÉ DE VARENNE. nation de l’enüoderme ; mais nous allons voir maintenant se séparer en deux couches, l’une externe très mince et amorphe:l’ectothèque, qui enveloppera complètement la méduse jusqu'au moment où elle deviendra libre, et reste alors adhérente au polype; l’autre, plus épaisse : lé mésothèque, qui en s'invaginant se moule exactement sur l'endoderme; dans les points où se trouvent les canaux rayonnants formés par l’'endoderme, la partie de l’ectoderme invaginée est sépa- rée de la partie de l’ectoderme non invaginée, située en dehors et en face, par l'endoderme des quatre canaux rayonnants. Dans les inter- valles intermédiaires entre les canaux rayonnants, la partie de l’ecto- derme invaginée se trouve en contact avec la partie de l’ectoderme non invaginée, et ces deux couches s’accolent et se confondent pour former les parties de l’ombrelle intermédiaires entre les canaux rayonnants. Comme nous le savons déjà, on donne le nom de mésothèque à l’ectoderme des canaux rayonnants et de l’ombrelle ; quant à la partie de l'ectoderme qui deviendra l’ectoderme du manubrium, on l'appelle lendothèque. La méduse continue à se développer enfermée dans l'ectothèque. Jusqu'à ce moment, la masse testiculaire qui occupe l'endoderme du manubrium est en contact immédiat avec la cavité gastro-vascu- laire ; mais l’endoderme non différencié se reconstitue au-dessous de cette masse testiculaire par la multiplication de ses cellules et forme sous cette masse testiculaire une couche d’endoderme non différen- ciée qui la sépare de la cavité gastro-vasculairet. Cette couche en- dodermique de nouvelle formation sécrète bientôt une membrane qui ressemble tout à fait à la lamelle intermédiaire et qui passe au- dessous de la masse testiculaire?. En même temps l’endothèque, c’est-à-dire l’ectoderme du manubrium et la lamelle intermédiaire, deviennent fort minces par suite de la pression exercée par la masse esticulaire qui augmente de volume ; elles finissent par former une simple membrane qui passe par-dessus ce testicule. Il en résulte que, grâce à cette couche d'endoderme non diffé- renciée qui se reconstitue au-dessous de la masse testiculaire et qui sécrète au-dessous du testicule une-membrane semblable à la la- melle intermédiaire; gràce aussi à la diminution progressive de la 1 PI, XXX VIL, Mig. 4, 5,6. 1 PI, XXXVIL, fig, 6 et 7, SUR LA REPRODUCTION DES POLYPES HYDRAIRES. 077 lamelle intermédiaire et de l’ectoderme du manubrium, on peut très facilement croire, si l’on n’a pas suivi ces phénomènes dès leur début, que l’endoderme non différencié reconstitué au-dessous du testicule est le vrai endoderme, que la membrane que cet endo- derme nouveau a sécrétée et qui passe par-dessous le testicule est la lamelle intermédiaire et que par conséquent cette masse testicu- laire représente l'ectoderme du manubrium ‘: d'autant plus que l'on ne retrouve plus rien qui représente la lamelle intermédiaire et l’ectoderme du manubrium. Voilà, je crois, comment on a pu soutenir que l'origine des élé- ments sexuels mâles est ectodermique ; nous avons vu plus haut que pour les œufs il en était de même. Bientôt le pédicule de la méduse se rompt: elle se détache du polype, quitte l'enveloppe qui lui était formée par l’ectothèque et nage librement. La masse testiculaire forme une sorte de bourrelet épais autour du manubrium?. On dirait à ce moment qu’elle est complètement d’origine ectodermique: l’ectoderme et la lamelle intermédiaire du manubrium ne sont plus représentés que par une membrane très mince qui passepar-dessus la masse testiculaire : de plus, cette masse testiculaire est séparée nettement de l’endoderme de nouvelle for- mation par une membrane réfringente qui ressemble absolument à la lamelle intermédiaire : c'est la membrane sécrétée par cet endo- derme reconstitué au-dessous du testicule. Cet endoderme non dif- férencié reconstitué au-dessous de la masse testiculaire est en con- tact immédiat avec la cavité digestive de la méduse et accomplit les phénomènes nécessaires à la nutrition de cet individu. S 4. Développement des spermatozoïdes. Nous venons de voir que les cellules mères primaires des sperma- tozoïdes proviennent, chez lesespèces que nous avons étudiées, de cel- lulesendodermiques du cænosarc du polype différenciées; nous savons encore que ces cellules mères primaires renferment plusieurs noyaux qui semblent devoir former autant de cellules mères secondaires. Ces cellules mères secondaires se sont divisées à leur tourde la même 1 PI. XXX VIL, fig. 6 et 7. ? PI. XXX VII, fig. 7. 678 ANDRÉ DE VARENNE. facon plusieurs fois et nous sommes ainsi arrivé à une masse testiculaire d'un volume considérable. Cette masse testiculaire est formée à un certain moment par une réunion d’un nombre énorme de cellules mères qui possèdent plusieurs noyaux et qui sont desti- nées à donner naissance à plusieurs spermatozoïdes : chaque noyau formera la tête d'un spermatozoïde et la queue se formera aux dé- pens du protoplasma qui entoure ces noyaux : c'est à partir de ce moment que. nous voudrions suivre cette cellule mère pour voir le développement des spermatozoïdes jusqu'à maturité complète. Les observations suivantes ont été faites chez la Campanularra fleœuosa, la C. angulata, V'Antennularia antennina et la Podocoryne carnea. En mettant sous le microscope un gonangium de la C'ampanularia flexuosa, ce gonangium renferme en général plusieurs gonophores à divers états de développement. Les uns, ceux du sommet, ren- ferment des spermatozoïdes complètement mûrs; les autres, des cel- lules mères plus ou moins développées. On peutsous le microscopedis- socier au moyend'aiguilles un de ces gonophores situés vers la partie moyenne du gonangiumetquirenfermentdes cellules mères; ellessont d'une taille relativement considérable, présentent des mouvements amiboïdes prononcés et sont animées d’un mouvement d’oscillation bien marqué qui fait qu’elles se choquent les unes contre les autres. Ce mouvement des cellules mères ne doit pas être confondu avec celui que peuvent leur communiquer les spermatozoïdes complètement mûrs qui se trouvent dans le voisinage ; souvent, en effet, les sper- matozoïdes dans leurs mouvements rapides déplacent les cellules mères qui les environnent, soit par l'intermédiaire du liquide dans lequel ils sont plongés, soit au moyen de leurlongue queue qui vient les frapper; et parfois même, sans qu'il y ait dans le champ du mi- croscope un seul spermatozoïde mûr, on voit les cellules mères s’a- oiter : si l’on observe avec attention, on découvre un fin filament qui est animé de mouvements d'ondulalion rapides et déplace les cellules mères environnantes : c’est la queue d’un spermatozoïde dont la tète est en dehors du champ du microscope. Ce mouvement, je le répète, n’est pas celui qui nous occupe; nous voulons parler d'un mouvement propre aux cellules mères elles- mêmes, La meilleure facon de Ie constater est d'isoler sous le mi- croscope, au moyen des aiguilles, un gonophore mâle situé à la partie moyenne d'un gonangium et dont les produits ne sont pas encore SUR LA REPRODUCTION DES POLYPES HYDRAIRES. 679 mûrs et ensuite de le recouvrir d’un couvre-objet. La pression fait rompre la paroi du gonophore, si l'application des aiguilles n’a pas déjà produit ce résultat, et alors le contenu de ce gonophore est mis en liberté. On voit alors les cellules mères de formes plus ou moins irrégulières animées d’un mouvement d’oscillation qui lui est parti- culier. Allman a constaté ce phénomène! : il dit qu’à un certain moment la masse spermatique est formée par la réunion d’une multitude de corps de forme irrégulière qui sont animés, lorsqu'ils sont en liberté, d'un mouvement d’oscillation bien marqué qui semble distinct d’un mouvement moléculaire, quoiqu’on ne puisse découvrir ni filament ni aucune autre source de ce mouvement. Dans des spermatozoïdes presque mûrs, il a observé le même mouvement sans pouvoir cepen- dant découvrir encore aucun filament. M’occupant de la même question et en examinant ce mouvement des cellules mères chez plusieurs espèces, j'ai observé un fait qui permet de lui donner une explication et qui me paraît intéressant au point de vue du déve- loppement des spermatozoïdes chez ces animaux. En observant à un très fort grossissement une capsule mâle de l'Antennularia antennina, qui par suite de la pression de la lamelle laissait échapper son contenu dans le liquide environnant, j'ai re- connu que les cellules mères étaient pourvues chacune d’un ou de plusieurs filaments courts qui faisaient des mouvements d’ondula- tion beaucoup plus lents que ceux du filament des spermatozoïdes bien mûrs. En observant plus attentivement, et en prenant les pré- cautions que J'ai indiquées pour obtenir, isolées sur le porte-objet, des cellules mères toutes seules sans spermatozoïde müûr, je suis arrivé à voir que chaque cellule mère qui était animée d’un mouve- ment d’oscillation sur eile-même devait ce mouvement à un ou plu- sieurs filaments très fins qu’elle laissait échapper et qui lui apparte- nait complètement ?. Ces filaments sont très fins et très difficiles à observer. Lorsque les cellules mères sont peu nombreuses dans le champ du microscope et qu'elles ont entre elles un intervalle plus considé- rable, la queue du spermatozoïde en voie de développement, ne rencontrant plus l'obstacle des cellules mères voisines, s’agite vive- 1 ALLMAN, OP. Cié., p. 65. 2 PI. XXX, fig. 4 et suiv. À hi Lis ll he La | {| 14 D nn 680 ANDRE DE VARENNE. ment et la cellule mère a alors un mouvement rapide et nage comme un infusoire muni d’un flagellum., Lorsqu'on à affaire à des cellules mères très jeunes, on n’observe pas encore de filament qui s’en échappe. Ces cellules sont alors à leur grandeur maximum, comme ilest facile de s’en convaincre quand on observe un gonangium renfermant des gonophores à divers états de maturité. Ces cellules, une fois qu'elles se sont échap- pées de l'intérieur du gonophore rompu par la pression du couvre- objet, présentent des mouvements amiboïdes très prononcés et que l’on rencontre égalementchez les cellules mères de presque tous les âges. Elles envoient dans une ou plusieurs directions des prolonge- ments protoplasmiques qui s'allongent et se raccourcissent alterna- tivement et finissent par disparaître pour faire place à d'autres. La cellule change ainsi continuellement de forme. A un état un peu plus avancé, lorsque les filaments qui sont le commencement de la queue des spermatozoïdes font un peu saillie, ils sont entourés cha- cun par un de ces prolongements protoplasmiques très effilés ; ils servent d'axe pour ainsi dire à ces prolongements et ne les dépassent que fort peu en longueur. Ces phénomènes peuventse constater chez l'Antennularia anten- nina, la C'ampanularia flexuosa et la €. angulata ; on les voit bien sur les figures que j'ai données: on voit d'abord une cellule mère très jeune avec ses prolongements protoplasmiques et ses mouve- ments amiboïdes, et des cellules un peu plus avancées dans lesquelles ces prolongements protoplasmiques très effilés recouvrent le com- mencement de la queue des spermatozoïdes *. A cet état très jeune on ne voit pas en général les noyaux des cel- lules mères, mais seulement un protoplasma finement granuleux ; mais en ajoutant un peu d'acide acétique, on voit promptement pa- raître plusieurs points très réfringents qui semblent être des noyaux. Ces noyaux ne changent pas de volume dans la suite, et semblent être en continuation directe avec les filaments qui font saillie hors de la cellule mère. Je pense qu'ils forment la tête du spermatozoïde et que la queue duspermatozoïde se développe aux dépens du proto- plasma qui entoure ce noyau et qui, en effet, diminue à mesure que la queue du spermatozoïde s'allonge. Le noyau, au contraire, ne di- minue pas pendant toute la durée du développement du spermato- » PI. XAX. SUR LA REPRODUCTION DES POLYPES HYDRAIRES. 681 zoïde ; le filament caudal s'allonge beaucoup à mesure que le pro- toplasma qui entoure le noyau diminue. Dans un spermatozoïde complètement mür, il ne reste plus que le noyau entouré d’une très petite masse de protoplasma et le filament caudal. Je pense donc que le noyau entouré d'une très petite masse de protoplasma forme la tête du spermatozoïde et que la queue provient du protoplasma du reste de la cellule. Le fait qui me paraît intéressant et sur lequel j'insiste est que, dans toute la durée du développement des sperma- tozoïdes, en prenant la cellule mère dès son début, le noyau n’a pas changé ; le protoplasma qui l’entourait a, au contraire, continuelle- ment diminué à mesure que la queue du spermatozoïde s'allongeait, et dans le spermatozoïde bien mûr il ne reste plus que le noyau qui forme la tête et le filament ,caudal qui provient du protoplasma qui entourait ce noyau dans la cellule mère. Les mouvements amiboïdes du protoplasma qui entoure le noyau se sont continués même jusqu'au moment où il n'en restait qu'une faible couche. Il change sans cesse de forme. Dans les figures que je donne, je n'ai représenté qu'un seul fila- mentet un seul noyau dans chaque cellule mère: il est, en effet, fort difficile d'en apercevoir plusieurs. La cellule mère renferme cepen- daniplusieurs noyaux et chaque filament aboutit à un de ces noyaux: chaque cellule mère secondaire forme donc plusieurs spermato- zoïdes ; la tête de chaque spermatozoïde provient d’un noyau et la queue provient du protoplasma qui entoure ce noyau. RESUMÉ. Nous avons étudié l'origine des éléments sexuels mâles d’une fa- çon parallèle à celle de l'œuf: nous avons choisi trois espèces dont la première a sa génération sexuée, représentée par des gonophores qui restent toujours fixés au polype, la seconde par des demi-médu- ses, la troisième par des méduses libres. Dans ces trois espèces, les produits sexuels mâles naissent non pas dans les gonophores, les bourgeons médusoïdes ou les méduses, comme on le croit, mais dans les tissus de la colonie elle-même, dans le cœnosarc du polype, comme nous l'avons montré pour l’œuf. Weismann ‘ a décrit dernièrement le même phénomène pour le 1 VVEISMANN, Ann. sc. nat.,t. XI, 18S1. y grrr ptrrt r ipt Li (4 h 682 ANDRÉ DE VARENNE. genre Plumularia, mais il pense que tandis qu'il y a un grand nom- bre de genres cæœnogones en ce qui touche les ovules, il n'y a que le genre Plumularia qui le soit pour les cellules spermatiques. Il nous est impossible de partager son opinion, Les cellules mères pri- maires des spermatozoïdes proviennent, comme les œufs, des cellules endodermiques du cœnosarc du polype différenciées ; la lamelle in- termédiaire passe par-dessus ces cellules mères. Comme les œufs, ces cellules mères passent dans un diverticulum en cul-de-sac formé par les parois du corps du polype. Elle occupent l’endoderme de ce cul-de-sac, qui devient en se développant un gonophore destiné à être toujours fixé au polype (sporosac), une demi-méduse ou une méduse libre. Ainsi, dans les trois espèces que nous avons étu- diées, l’origine des éléments sexuels mâles et leur développement présentent une analogie frappante avec ce que nous avons vu pour l'origine et le développement de l'œuf. Ge que nous avons décrit pour l'origine de l’œuf pourrait se répéter mot pour mot pour l'ori- gine des éléments sexuels mâles. Si l’on admet ces faits comme démontrés, dans les colonies mâles comme dans les colonies femelles, les gonophores, les demi-méduses et les méduses ne peuvent être considérés comme représentant les individus sexués ni la génération sexuée ; il semble par conséquent que la génération alternante ne peut être admise pour ces espèces. J'ajoute que si au lieu de suivre les phénomènes dès leur début, comme nous l'avons fait, on observe des gonophores ou des méduses déjà assez développés, on peut facilement être trompé parles appa- rences et croire que l’origine des éléments sexuels est ectodermique; on prend, en effet, l'endoderme non différencié qui se reconstitue au- dessous de la masse testiculaire pour le vrai endoderme, et la mem- brane que cet endoderme de nouvelle formation sécrète au-dessous du testicule pour la lamelle intermédiaire. Comme de plus l’ecto- derme et la lamelle intermédiaire diminuent de plus en plus à cause de la pression exercée par la masse testiculaire en se développant, on croirait que c'est cette masse testiculaire qui représente l'ectlo- derme. Enfin nous avons vu que les cellules mères des spermatozoïdes se multiplient très rapidement par division : à un certain moment elles renferment plusieurs noyaux qui deviendront chacun la tête d'un spermatozoïde, tandis que la queue se forme aux dépens du prolo- plasma qui entoure ces noyaux. SUR LA REPRODUCTION DES POLYPES HYDRAIRES, 083 CHAPITRE IT. DÉVELOPPEMENT DE L'OŒUF DE LA PODOCORYNE CARNEA. Nous avons vu dans un des chapitres précédents comment a lieu l'origine de l'œuf de cette espèce ; les œufs ne naissent pas, comme on le croyait, dans l’intérieur de la méduse ; mais ils proviennent d'une cellule endodermique du cœnosarc du polype hydraire lui- même. Cette cellule se différencie et passe ensuite dans un diverticu- lum en cul-de-sac, qui devient une méduse en se développant ; cette méduse se détache à un certain moment du polype et nage libre- ment en emportant les œufs qui occupent les parois du manubrium et arrivent là à maturité. Je veux maintenant présenter le résultat de mes observations sur le développement de ces œufs ; car, si l’on con- naît bien le développement de l'œuf chez les espèces d'Hydraires qui ont des sporosacs qui restent toujours fixés à la colonie, on n'a, jusqu’à présent, qu’un assez petit nombre d'observations, relative- ment au développement de l'œuf chez les espèces qui ont des mé- duses libres, et il est très intéressant de connaître quel est le résul- tat du développement de l’œuf produit par la méduse et comment ce développement correspond à celui de l’œuf qui est produit par un sporosac sans l'intervention d'une méduse. Voici, d’ailleurs, d’après Allman, un aperçu historique de l’état de la question : Dujardin a observé que la petite méduse à laquelle il avait donné le nom de C/adonema bourgeonnait sur un polype hy- draire qu'il avait appelé Sfauridium. 11 observa des œufs produits par cette Cladonema et de jeunes Stauridies se développèrent de ces œufs!. | Krohn ?, ayant placé dans un vase plein d’eau de mer des méduses de la même espèce, des Cladonema, observa au bout de quelque ‘temps qu'elles avaient déposé leurs œufs et que ces œufs étaient at- tachés aux parois et au fond du vase. Il put suivre la segmentation de l'œuf, qui se changea bientôt en larve ciliée (planula). Krohn décrivit les différentes phases du développement de cet embryon, la disparition des cils, la fixation de l'embryon contre les parois du 1 DUJARDIN, Ann. sc. nal., 3e série, vol. IV, 1845. 2 Muzrer’s Archiv, 1852. 684 ANDRÉ DE VARENNE. vase par une de ses extrémités qui s'aplatissait en une sorte de disque, tandis que l'autre extrémité formait une sorte de colonne qui s'élevait du centre de ce disque, enfin, la transformation de cet embryon en un polype hydraire semblable au Stauridium qui avait donné naissance aux Cladonema. | Gosse ! a vu la méduse appelée Turris neglecta laisser échapper des planulas ciliées des parois de son manubrium ; ces larves ciliées se fixaient au bout d'un certain temps aux parois du vase et donnaient naissance à un polype hydraire ressemblant à une Clava. Wright * a suivi le développement de l’œuf de la même méduse. Gegenbaur ? à décrit le développement d'une méduse qu'il appelle Lizzsia Küllikeri; 11 a vu la segmentation de l'œuf, la formation d'une planula ciliée qui, après avoir erré librement pendant quelque temps, a perdu ses cils, s’est fixée par une de ses extrémités, s'est entourée d'un polypier chitineux et a donné naissance à un polype hydraire. Le même auteur a observé également le développement de l’œuf d’une autre méduse, de l'Oceania armata ; il a vu la segmen- tation de l'œuf, la formation d'une planula ciliée, la fixation de cette planula, qui s’est développée en une sorte de stolon #. Wright a signalé la présence de nombreuses planula dans un vase dans lequel il avait placé des méduses appelées 7haumantias incon- spicua; il pense que ces planula ont été produites par ces méduses ; il les a vues se fixer et développer à leur sommet un hydranthe res- semblant beaucoup à la Campanularia raridentata*. Wright a aussi observé des planulas ciliées qui s'échappaient d’une méduse appelée la Zogodactyla vitrina; iles a vues se fixer et se dé- velopper en un polype ressemblant beaucoup à la Zaomedea acu- minala 5. Alexandre Agassiz a suivi le développement de l'œuf de deux mé- duses, le Melicertum campanula et le Tima formosa; 11 a vu dans ces deux cas la formation de la planula ciliée, sa fixation et son change- ment en un polype hydraire ressemblant à une Campanularia T. En- fin, Allman a suivi le développement de l'œuf d’une Zyaropsis en 1 Gosse, À naturalist’s Rambles on the Devonshire coast, 1853. 2 Edimb. New. Phil, Journal, 1859. 3 Generalionswechsel, 1854, p. 23. + {bid., p. 28. > Micr. Journal, vol. II, new ser. 5 Mic, Journal, vol, IT. 7 Illustrated Catologue of the Museum of comp. Zool. of Harvard College. -e SUR LA REPRODUCTION DES POLYPES HYDRAIRES. 685 une planula ciliée, mais il n'a pas observé les autres phases du dé- veloppement. Arrivons maintenant à nos observations personnelles. Il est fort difficile de pouvoir conserver vivantes ces méduses après qu’elles se sont détachées du polype sur lequel elles ont bour- geonné. L Je suis arrivé, cependant, avec beaucoup de précautions, à con- server l'été dernier les petites méduses qui bourgeonnent sur la Po- docoryne carnea assez longtemps pour pouvoir obtenir la féconda- tion de l'œuf et suivre son développement. J'avais dans des cuvettes de verre des colonies mâles et dans d’au- tres des colonies femelles et il m'était facile de recueillir les méduses mâles et femelles à mesure qu’elles se détachaient du polype. Je mettais alors dans une cuvette de verre quelques méduses femelles et une ou deux méduses mâles. Après avoir nagé pendant quelques heures, les méduses diminuent d'activité ; elles ne contractent plus leur ombrelle qu'à des intervalles de plus en plus éloignés et finissent par tomber au fond de la cuvette. Elles retournent alors complètement leur ombrelle et les œufs et les spermatozoïdes contenus dans les parois du manubrium sont mis en liberté par la rupture de l’ectoderme du manubrium, devenu fort mince par suite de la pression exercée sur lui par les produits sexuels, à mesure qu'ils augmentent de volume en se développant. La fécondation a alors lieu. Je ne pense pas que dans les conditions normales il en soit ainsi; je suppose qu'alors les méduses nagent librement plus longtemps, que les œufs sont fécondés dans l'inté- rieur de la méduse et qu'ils ne s'échappentmème de cette méduse qu'à l'état de planula. Quoi qu'il en soit, après la fécondation la vésicule germinative disparait'et l'œuf présente des mouvements amiboïdes très prononcés; il se forme ensuite un globule polaire très réfrin- gent*®. Il se produit alors, à la surface de l'œuf et sur la ligne mé- diane, un sillon qui s'enfonce de plus en plus et sépare ainsi l’œuf en deux sphères plus petites accolées l’une à l’autre : l'œuf est fractionné en deux”. On voitensuite un sillon perpendiculaire au premier, qui en s'enfonçant de plus en plus sépare en deux chacune des sphères précédentes; l'œuf est ainsi segmenté en quatre. La segmentation PI. XXX VII, fig. T: PI. XXX VIII, fig. 2. PI. XXX VIIL, fig. 3, © ca 686 ANDRÉ DE VARENNE. continue, chacune des sphères nouvelles étant à son tour fractionnée en deux par un sillon médian’. Le nombre des sphères devient ainsi de plus en plus considérable et nous arrivons à avoir une masse cellulaire de forme ovale allongée *,. Pendant tout le temps de la segmentation les mouvements ami- boïdes sont très accentués et les différentes sphères peuvent même cheminer les unes sur les autres*. La division des cellules se conti- nue très activement; en se multipliant, elles se disposent de façon à former deux couches, en même temps qu'il se creuse à l'intérieur une cavité. Nous avons maintenant une cavité centrale entourée par l’endoderme et l’ectoderme. C'est la phase de Planula. Les cel- lules de l’ectoderme sont beaucoup plus petites que celles de l’en- doderme. Les cils vibratiles apparaissent à la surface de l’ectoderme et,il me semble, aussi à la surface de l’endoderme dans la cavité cen- trale. En même temps l'embryon s'allonge ; on trouve à ce moment les premiers nématocystes*!. À l'aide de ses cils vibratiles, l'em- bryon nage, animé d’un mouvement de rotation autour de son grand axe. Après avoir nagé pendant quelques heures, la Planula perd ses eils vibratiles, se fixe par son extrémité antérieure qui s’élargit et s'étale en forme de disque, tandis que la partie du corps restée libre est diri- gée perpendiculairement à la surface de ce disque. D'abord cireu- laire et régulier, ce disque se découpe en plusieurs languettes qui s'allongent et forment l’hydrorhize destinée à fixer le polype aux corps étrangers; on voit sur l'hydrorhize un mince revêtement chi- tineux. Quant à l’extrémité libre de l'embryon fixé, elle s’allonge encore, se termine en une sorte de cône qui se perfore à son sommet pour former la bouche, tandis qu’un peu plus bas, à la base de ce cône, on voit un cercle de petits tubercules qui s’allongent et deviennent les tentacules. | Nous avons maintenant un polype à peu près semblable à ceux sur lesquels nous avons vu bourgeonner les méduses qui nous ont fourni les œufs dont nous avons suivi le développement. Je n'ai pu pousser plus loin mes observations à cause de la mort 1 Fig. 4 et suiv. 2 Fig. 6. 3 Fig, 7 et8, » Fig. 48. SUR LA REPRODUCTION DES POLYPES HYDRAIRES. 687 x des polypes; mais nous pouvons conclure que, chez les Hydraires qui ont des méduses libres, l’œuf présente exactement le même dé- veloppement que chez les espèces qui ont des sporosacs qui restent toujours fixés à la colonie. CHAPITRE IV. S 1. Organe en forme de vrille de la C'ampanularia angulata. Tous les auteurs qui ont étudié la Campanularia angulata ont été frappés de l'existence, à l’extrémité de la tige de certaines colonies, d'un organe appendiculaire spécial auquel Hincks à donné le nom d’organe en forme de vrille '. C’est qu’en effet cet organe, qui est par- fois très développé et dépasse souvent la longueur de la colonie à laquelle il appartient, est d’abord droit, mais, lorsqu'il est arrivé à son complet développement, il se termine à son extrémité en une sorte de crosse recourbée. M. Fraipont s’est aussi occupé de cet organe dont il a étudié l’his- tologie et a cherché à en déterminer la signification ?. Ayant eu l'occasion d'étudier la Campanularia angulata, et continuant à être abondamment fourni pendant toute l’année de cette espèce, mon attention a été attirée sur cet organe, qui atteint un développement si considérable relativement à la taille de la colonie entière, et j'ai observé certains détails qui permettent peut-être d'expliquer le rôle et la fonction de cet organe. Pour cette étude, j'ai eu recours principalement à deux procédés : j'ai observé le plus attentivement et le plus longtemps possible des colonies de cette espèce que je conservais dans des cuvettes, afin de les suivre dans leur développement et leur évolution; j'ai aussi repris l'histologie de cet organe en me conformant exactement aux procédés indiqués par les auteurs ou en introduisant certaines modifications qui me paraissent fournir de meilleurs résultats. L’organe en forme de vrille se trouve à l'extrémité de la tige. A l'origine, il ressemble beaucoup à un bourgeon qui doit se dilater à son extrémité en un calyce et donner naissance à un individu nour- ricier. Mais il s’en distingue bientôt par son accroissement, qui est 1 Hincxs, À History of the Brit. Zooph. 2 FRAIPONT, Op. cit. L G88E ANDRÉ DE VARENNE. très rapide, puisqu’en deux ou trois jours il peut atteindre 1 centi- mètre de longueur, et parce que, s’il s’élargit quelquefois à son extré- mité, il n'arrive pas cependant, dans les conditions ordinaires, à don- ner un Calyce et un hydranthe à son extrémité. Le périsarc de cet organe est pourvu d’étranglements très nets et très accusés vers sa base; plus haut, ces étranglements du périsare sont plus écartés les uns des autres et moins réguliers dans leur pro- fondeur et leur écartement. Ils peuvent même manquer vers la partie médiane de cet organe. Enfin, à son extrémité supérieure, ils font en général défaut. Ce périsarce, qui est d’une épaisseur moyenne dans la plus grande longueur de l'organe, est extrèmement mince vers son extrémité. Cela tient à ce que dans ce point il est toujours plus jeune qu'ailleurs, puisque l’organe s'accroît par son extrémité et que ce périsarc n’a pas encore atteint son épaisseur ; avec l’âge, il se dépo- sera de nouvelles couches chitimeuses et le périsarc arrivera à son épaisseur définitive. Il en est d’ailleurs absolument de même dans tous les autres bourgeons chez les Hydraires; le périsarc qui entoure l'extrémité est toujours fort mince, car, comme le bourgeon s'accroît par son extrémité, la mince enveloppe de chitine qui la protège vient toujours d’être sécrétée et n’atteimdra jamais son développement que lorsque l’ectoderme aura sécrété plusieurs couches successives et que le bourgeon continuant à s'accroître aura déjà son extrémité loin de ce point; par conséquent, ce n’est jamais à l'extrémité de l'organe, mais assez loin en arrière, que le périsare atteint sa plus grande épaisseur. L'ectoderme est en contact avec le périsare sur une assez grande longueur de l’organe et principalement à l'extrémité, et c’est ce qui explique le dépôt de nouvelles couches qui viennent augmenter l’é- paisseur du périsarc. Souvent même dans toute la longueur de lor- sane l’ectoderme est en contact avec le périrare; nous savons qu'au contraire dans les bourgeons ordinaires l’ectoderme est bien en con- tact avec le périsare à l'extrémité, mais que bientôt ils ne sont plus reliés ensemble que par de minces filaments ou de minces expansions en forme de lames. L'aspect général des tissus n’est pas le même que dans le reste de la colonie, En effet, au lieu de présenter une très grande transparence, il est opaque, ce qui est un obstacle à l'étude de cet organe. J'ai eu principalement recours à des dissociations pour l'étude de ses tissus, el voici la méthode qui m'a donné les résultats les plus satisfaisants : SUR LA REPRODUCTION DES POLYPES HYDRAIRES. 684 il est d’abord important de prendre des colonies bien vivantes et bien vigoureuses; j'entends par là des animaux qui sortent depuis peu de temps de la mer; car on peut, grâce à la vitalité extrême de ces ani- maux et à la facilité avec laquelle ils bourgeonnent et reproduisent leurs tissus, avoir pendant fort longtemps des colonies vivantes dans des cuvettes ; mais elles sont beaucoup moins propres à l’étude his- tologique que celles qui sortent depuis peu de la mer. Je fixais les colonies par l’acide osmique très faible, au millième par exemple; puis je les mettais dans l'acide acétique très étendu; au bout de quelques heures, en agitant légèrement au moyen d’ai- guilles ou même seulement en déposant la lamelle de verre pour re- couvrir ces objets, j’obtenais les éléments dissociés avec une grande netteté. Au lieu d'employer successivement l'acide osmique et l’acide acétique, j'ai obtenu de bons éléments en mélangeant les deux solu- tions et en y déposant pendant quelques heures les tissus que je vou- lais dissocier. On peut aussi supprimer l’acide osmique, qui a cepen- dant l’avantage de conserver la forme des éléments et de leur donner une teinte qui permet de bien voir les détails; dans ce cas, il faut examiner immédiatement les éléments à leur sortie de la solution d'acide acétique, car au bout de très peu de temps les éléments se ratatinent. On peut colorer soit par le picrocarminate, soit par l’hé- matoxyline. Si l'on conserve les préparations dans la glycérine, elle doit être étendue d’eau. On rencontre dans l'organe en forme de vrille les mêmes couches fondamentales que dans le reste de la colonie, mais avec quelques modifications qui méritent d’être notées. L’ectoderme se compose de cellules assez grandes qui sont polyé- driques lorsqu'on les regarde de face, et qui sont allongées et amin- cies à leur extrémité lorsqu'on les regarde de profil. Elles sont remplies d’un protoplasma granuleux, et l’on voit un noyau elliptique avec un nucléole. Ces cellules sont loin d'être semblables dans toute la longueur de l'organe en vrille. A son extrémité, elles présentent une grande longueur et c'est à cela qu'est dû l'élargissement parti- culier que l’on trouve au sommet de l'organe en vrille. Dans ce même point, elles sont très minces et appliquées les unes contre les autres ; elles ont l’aspect d’une palissade'. Un peu plus loin du som- 1 PI. XXIX, fig. 6. ARCH. DE ZOOL- EXP. ET GEN. — T. XI. 1882. 44 - 690 ANDRÉ DE VARENNE. met, leur longueur est un peu moins grande et leur épaisseur plus considérable. Vers la partie moyenne de l’organe, ces cellules ont à peine la moitié de la longueur qu’elles avaient à l’extrémité, eten effet, à cette hauteur l’ectoderme a une épaisseur bien moins considérable. Elles se terminent en s’amincissant sensiblement. Enfin, vers la base de l'organe, leur longeur diminuant toujours, elles arrivent à être pres- que aussi larges que hautes. Elles sont arrondies à leurs deux extré- mités. On rencontre dans l’ectoderme de l'organe en vrille des nématocystes très petits. Schultze, dans le Cordylophora lacustris, et M. Fraipont, dans l’es- pèce que nous étudions ici, ont signalé que la surface libre des cellules ectodermiques semble s’épaissir et former un plateau. J’ai eu l’occasion de faire la même observation: ce fait se présente surtout dans les cellules de l’extrémité de l’organe en vrille. Là la sur- face libre des cellules présente un épaississement cuticulaire et une sorte de plateau qui rappelle celui que l’on rencontre chez certaines cellules à cils vibratiles chez les vertébrés. M. Fraipont signale dans l'épaisseur de l’ectoderme de l'extrémité libre de l'organe en vrille des éléments particuliers. Ges éléments sont fort intéressants et méritent de nous arrêter un instant. [ls sont relativement volumineux et très irréguliers dans leur forme: ils ren- ferment de nombreux corpuscules très réfringents. En mettant le microscope au point sur l’ectoderme de l'extrémité de l’organe en vrille, à un assez fort grossissement, on voit un grand nombre de ces éléments: comme le fait fort bien remarquer M. Frai- pont, ils affectent souvent une forme de larme ou sont tout à fait irréguliers. On peut les apercevoir de profil dans l’ectoderme sur les bords de la préparation, et l’on voit bien alors les nombreuses granu- lations réfringentes qu'ils renferment. Je crois que l’on n’a pas encore signalé les mouvements amiboïdes très prononcés, mais lents, que présentent ces corps. Ils changent continuellement de forme et semblent même se déplacer dans l’inté- rieur des tissus, J’ai dessiné cinq fois à la chambre claire et à des intervalles de temps très rapprochés un de ces éléments, et l’on peul voir sur la figure cinq formes bien différentes les unes des autres. 1 PI. XXXI, fig.1 et 2, SUR LA REPRODUCTION DES POLYPES HYDRAIRES. 691 C'est ce qui explique ces formes si irrégulières dont je parlais il y a un instant, et que l’on peut observer surtout à l'extrémité libre de l'organe en vrille. Souvent ces éléments passent d’une forme arrondie ou à peu près à la forme d’une larme en s’effilant à une de leurs ex- trémités. Lorsqu'on les traite par l’acide acétique même très étendu, ils deviennent excessivement transparents : un noyau fort petit avec son nucléole se détache nettement dans la préparation. Ce noyau est peu visible tant que la cellule est vivante ; cependant, avec un certain jeu de lumière, on voit apparaître un corps central ovoïde et plus gros que les granulations réfringentes, qui semble être le noyau. J'ai dissocié sous le microscope au moyen des aiguilles un organe en vrille, et j'ai de la sorte isolé un certain nombre de ces éléments. Les mouvements amiboïdes dont j'ai parlé continuaient alors qu'ils élaient complètement isolés ; ils changeaient même assez rapidement de place et au bout de quelques minutes ils étaient assez éloignés du point qu'ils occupaient auparavant. Ces éléments particuliers occupent d’abord l'extrémité libre de organe en vrille ; mais bientôt leur nombre augmente considérable- ment et on les rencontre dans l’ectoderme de l'organe en vrille en entier, ils peuvent même envahir ainsi toute la colonie. J’ignore quels peuvent être le rôle et la nature de ces éléments particu- liers. Les cellules ectodermiques ont quelquefois à leur extrémité pro- fonde des prolongements fibrillaires contractiles ; ils sont cependant assez rares, et cela se conçoit aisément, quand on songe que cet organe en vrille, renfermé dans une enveloppe chitineuse, ne présente que bien peu de mouvements de contraction. Dans une cellule ecto- dermique que j'ai figurée, on voit la partie profonde qui présente deux prolongements réfringents ; c’est une fibrille musculaire contractile. La lamelle intermédiaire est mince et on la voit facilement de profil sur une coupe optique à un assez fort grossissement. L'endoderme acquiert une assez grande épaisseur: les cellules sont allongées dans le sens de leur grand axe. Ces cellules s’amincissent légèrement à leur extrémité libre. Vues de face, elles sont polyédri- ques. Elles renferment un noyau avec un nucléole. On voit à leur intérieur un grand nombre de corpuscules très réfringents et assez volumineux qui jouent probablement un rôle important dans la nutri- tion de la colonie. Ce sont sans doute ees granulations très nombreu- 692 ANDRÉ DE VARENNE. ses de l’endoderme qui donnent à l’organe en vrille cet aspect opaque que l’on ne rencontre pas dans les autres parties de la colonie. Nous verrons bientôt quelles conclusions on peut en tirer. À l'intérieur de l'organe en vrille, il y a un mouvement très vif de eranulations; nous pouvons déjà soupçonner la présence d’un fouet vibratile à la face interne des cellules endodermiques. C’est ce que montre une bonne dissociation. Au bout d’un certain temps, les granulations réfringentes dont nou venons de parler et contenues dans l’intérieur des cellules endoder- miques disparaissent et on voit à leur place des corpuscules brunâtres qui occupent la partie profonde des cellules de l’endoderme dans le voisinage du fouet vibratile. Ges corpuscules brunâtres sont analogues à ceux que l’on rencontre dans les cellules de l'endoderme chaque fois qu'il y à un travail de digestion de matières nutritives. On les rencontre en particulier dans l’endoderme des individus nourriciers et de leur voisinage, là précisément où le travail nutritif est le plus actif. Les matières brunâtres qui sont la preuve d'un travail de digestion dans les parties où elles se rencontrent, vont nous aider à expliquer la fonction de cet organe en forme de vrille. En effet, lorsqu'on conserve pendant un certain temps des colo- nies de cette espèce dans des cuvettes de verre, il arrive parfois que les tissus de l’organe en vrille se déchirent en un certain point par suite du grand allongement de cet organe; mais, par suite de leur très grande vitalité, les tissus se cicatrisent aussi bien à l’extrémité qui appartient à la colonie qu'à celle qui dépend de l’organe en vrille qui reste ainsi isolé. À son intérieur, nous remarquons un Courant de granulations aussi vif que dans une colonie intacte; l'organe est donc bien vivant. Il faut qu’il se nourrisse: or il ne peut le faire au moyen de ses relations avec le monde extérieur, puisqu'il est clos de toutes parts et enfermé dans son enveloppe chitineuse. N’étant plus en rapport et en relation avec le reste de la colonie, il ne peut pas davantage en recevoir ses aliments comme dans le cas normal; il faut donc qu'il se nourrisse aux dépens de ses propres tissus. En effet, cet organe présentait d’abord un ectoderme et un endoderme épais et beaucoup moins transparent que le reste de la colonie; à la suite de la rupture de ses tissus et de son isolement, les tissus diminuent d'épaisseur, et en même temps ont commencé à apparaitre ces Corps brunätres dans l'endoderme, peu nombreux d’abord, mais dont la SUR LA REPRODUCTION DES POLYPES HYDRAIRES. 693 quantité augmente chaque jour. Pendant que ces matières brunâtres augmentent d'importance, c’est-à-dire pendant que la digestion s'opère, les tissus continuent à diminuer et maigrissent pour ainsi dire. Quant à l’extrémité libre de l'organe en vrille, elle renferme peu ou point de ces matières brunâtres dans son endoderme, et ses tissus présentent tous les caractères de l'organe en vrille ordinaire ; c'est que, grandissant par son sommet, les tissus de l'extrémité sont toujours les plus jeunes en ce point et n’ont pas eu le temps de subir les modifications du reste de l’organe. A mesure que les matières brunâtres apparaissent dans les cellules endodermiques et que le travail de digestion s’accomplit, les corpuscules réfringents qui pri- mitivement remplissaient la plus grande partie des cellules de l’en- doderme disparaissent complètement. Ainsi, lorsque l'organe en vrille est en communication avec le reste de la colonie qui le nourrit, puisque nous voyons un courant rapide de granulations à son intérieur qui lui arrivent par l’intermé- diaire de la cavité générale, ses tissus sont épais, opaques et remplis de granulations réfringentes particulières. Lorsque, au contraire, par suite de sa séparation du reste de la colonie, il est obligé de se nourrir aux dépens de ses propres tissus, nous voyons ces tissus di- minuer d'épaisseur et ces granulations réfringentes disparaître com- plètement. Il me semble que ces corpuscules réfringents sont des matières nutritives propres à alimenter l'Hydraire, et je pense que l'organe en vrille tout entier n’est qu’un réservoir de matières nutritives pour toute la colonie. Une autre observation qui tend à confirmer ces idées est la sui- vante : tant que la colonie fonctionne d’une manière normale et que nous rencontrons des hydranthes ou des individus nourriciers qui digèrent pour toute la colonie, l'organe en vrille conserve ses carac- tères propres et particuliers. Mais bientôt les individus nourriciers tombent; nous voyons alors se renouveler la série des phénomènes décrits plus haut au sujet d’un organe en vrille séparé du reste de la colonie, à savoir : amincissement et amaigrissement des tissus de l'organe en vrille ; apparition dans les cellules de l’endoderme de matières brunâtres primitivement localisées dans l’endoderme des in- dividus nourriciers et dans leur voisinage; enfin disparition des cor- * PI. XXIX, fig. 5. EF 1 694% ANDRÉ DE VARENNE. puseules réfringents des cellules de l’endoderme. C'est qu’alors la colonie ne pouvant plus se nourrir par l'intermédiaire des individus exclusivement chargés de cette fonction qui ont disparu, elle con- somme les matériaux déposés dans les tissus de l'organe en vrille. J'ai même vu souvent que lorsque cet organe nourrissant ainsi la colo- nie avait beaucoup diminué, il arrivait un moment où son extrémité se dilatait et développait un hydranthe enveloppé dans son calyce. Les matières nutritives en réserve étant épuisées, l'animal a besoin de recourir de nouveau au monde extérieur pour se nourrir, et il doit développer dans ce but un individu nourricier. Je crois donc que l’on peut considérer l'organe en vrille comme un organe destiné à emmagasiner des matières nutritives qui doivent servir à un moment donné à toute la colonie. Il faut d’ailleurs con- sidérer que la Campanularia angulata qui porte cet appendice, est une espèce qui reste bien développée pendant tout l'hiver, saison où les animaux qui servent de proie aux individus nourriciers sont rares et où par conséquent une réserve de matériaux nutritifs ne peut être que fort utile ; de plus, lorsque l’on conserve des colonies de cette espèce dans une cuvette sans renouveler l’eau, les animaux dont elle se nourrit deviennent de plus en plus rares; les colonies sont alors obligées de vivre au jour le jour pour ainsi dire et ne peuvent plus emmagasiner des matériaux de réserve ; à mesure qu'elles trou- vent des aliments, elles les dépensent : aussi les organes en vrille diminuent de plus en plus d'importance dans ces conditions, et dans les colonies nouvelles qui bourgeonnent, ils manquent souvent; ou bien, quand on les rencontre, au bout de peu de temps ils déve- loppent un hydranthe à leur extrémité. J'ai dit que lorsque l’organe en vrille ne pouvait plus servir de magasin de réserve pour les aliments de toute la colonie, cet organe pouvait développer à son extrémité libre un hydranthe ou un indi- vidu nourricier qui saisit les proies et les digère pour toute la co- lonie. J'ai figuré deux organes en vrille qui portent à leur sommet, l’un un individu nourricier encore très jeune, l’autre un calyce bien développé qui renferme le reste d’un hydranthe. On voit dans l'endo- derme de ce dernier les corpuscules brunâtres qui indiquent qu'un travail de digestion a eu lieu dans ces points. Les corps particuliers dont j'ai parlé plus haut et qui sont habituellement localisés à l'extrémité de l'organe en vrille et qui changent continuellement SUR LA REPRODUCTION DES POLYPES HYDRAIRES. 695 de forme sont ici répandus abondamment dans toute l'étendue de l’ectoderme. J'ai trouvé des organes en vrille qui à un certain point portaient un calyce qui avait été dépassé et traversé par les tissus qui au delà avaient repris la forme d’organe en vrille, Ge calyce indique qu’à un moment donné l'organe en vrille avait développé à son sommet un individu nourricier qui s’était flétri et qui. dans la suite, l’organe en vrille reprenant le dessus, avait continué à se développer. L'organe en vrille se rencontre-t-il exclusivement dans la C’ampa- nularia angulata ? Je ne Le pense pas; j'ai trouvé dans une colonie de C'ampanularia flezuosa un stolon qui, d’abord à l’état d’hydrorhize, se redresse une fois arrivé au bord de la feuille de fucus qui porte la colonie. Cette partie, examinée à un fort grossissement, présente absolument la même apparence que l'organe en vrille de la Campa- nularia angulata. Les tissus sont plus épais et plus opaques; l’ecto- derme acquiert une grande épaisseur, principalement à l'extrémité de l’organe, qui a également une tendance à se recourber en forme de crosse. Enfin, cet ectoderme renferme ces corps particuliers remplis de corpuscules jréfringents qui changent continuellement de forme comme je l’ai dit plus haut. Ces corps particuliers peuvent être isolés par la rupture du périsarc au moyen des aiguilles sous le microscope. et continuent à changer de forme à chaque instant. J’ai aussi trouvé quelque chose d'analogue dans une espèce de Perigonimus. Il ne me semble donc pas qu'on puisse regarder cet organe comme particulier à la C. angulata, puisqu'on le rencontre avec tous ses caractères chez d’autres espèces. C’est un stolon qui a un rôle dans la reproduction et la nutrition de la colonie et qui apparaît principalement à certains moments. S 2. Organes de fixation de l'hydranthe à l’intérieur du calyce. Nous savons que chez les espèces qui appartiennent au sous-ordre des Campanulaires, c’est-à-dire dans les espèces dont les ramifica- tions de la colonie sont recouvertes d’un périsarc chitineux qui s'élargit en calyce autour de chaque polype, ce polype peut rétracter presque toujours complètement sa trompe et ses tentacules dans l’in- térieur de ce calyce. Ce phénomène est bien facile à constater quand on observe des Campanulaires épanouies et que l’on vient à agiter le vase qui les renferme ; on voit alors chaque polype se rétracter plus 696 ANDRE DE VARENNE. ou moins rapidement et rentrer dans l'intérieur du calyce. Ce mou- vement de rétraction est dû à la contraction des fibrilles musculaires de l’ectoderme ; mais il faut, pour que le polype rentre son extrémité libre dans l’intérieur du calyce, que l’autre extrémité soit fixée et trouve un point d'appui. Ce point d'appui lui est fourni par le fond du calyce, qui, comme une sorte de plancher, présente une vaste sur- face sur laquelle les tissus vivants du polype viennent s’insérer. Ce fond du calyce présente seulement un orifice rétréci par lequel la cavité digestive de chaque individu nourricier est mise en communi- cation avec la cavité générale de la colonie. Mais il y a au fond du calyce de véritables organes de fixation dont on n'a pas parlé et que je veux signaler ici. Ce sont de petits prolongements du périsarc, de petits crochets saillants situés en cercle tout autour du fond du calyce. Leur nombre varie beaucoup et semble être en rapport avec l'importance des mouvements de rétraction opérés par l'individu nourriCier !. Plus ces mouvements de rétraction sont rapides et puissants, plus on rencontre sur le fond du calyce de ces petits appendices chiti- neux qui sont dus, comme le reste du périsare, à une secrétion de l’ectoderme. Dans le calyce de l’Obelia geniculata on rencontre de trente à quarante de ces petits crochets sur le fond de chaque ca- lyce ; ils sont rangés en cercle et placés obliquement, de façon à ce que leurs extrémités libres convergent vers le centre du calyce; la base de chacun de ces petits appendices s'étale sur le fond du calyce et leur extrémité libre présente de petits tubercules destinés sans doute à augmenter la surface d'insertion sur laquelle les individus nourriciers viennent se fixer. Quand on observe un calyce vide, ces détails sont très faciles à vérifier ; si l’on observe un calyce qui ren- ferme un individu nourricier, on voit, en mettant très exactement au point du microscope, que ce cercle formé par ses petits organes de fixation sur le fond du calyce correspond au cercle formé par l’in- sertion de la base du polype sur la même surface. Ces petits appen- dices, vus de profil à la base de l'individu nourricier, sont renfermés dans l’ectoderme et arrivent presque en contact avec la lamelle in- termédiaire ?. Quand les fibrilles contractiles se raccourcissent, le cercle de ces petits crochets forme un point d'appui fixe au fond du 1 PI. XXXV, fig. 8et 9. 2 P], XXXV. fig. 9. SUR LA REPRODUCTION DES POLYPES HYDRAIRES. 697 calyce, et l'individu nourricier se rétracte dans l'intérieur de ce ca- lyce. Chez la Campanularia fleruosa ces organes de fixation sont un peu moins nombreux; mais 1ls sont plus puissants, ce sont autant de dents irrégulières dont les extrémités libres convergent vers le centre du calyce ; elles portent de petits tubercules ou de petits crochets irréguliers qui servent à augmenter la surface de fixation. On ne voit ces organes que quand les calyces sont vides. Chez la Plumularia echinulata on trouve sur le fond du calyce une quinzaine de ces organes ; mais ils sont beaucoup moins proéminents, ce sont de simples épaississements du périsare sur lesquels viennent s’insérer les tissus vivants de l'individu nourricier. Chez la Clytia Johnstoni et l'Halecium halecinum, j'ai observé des organes de fixation à peu près semblables à ceux de l’espèce précé- dente. Ces appendices manquent complètement dans les capsules qui renferment les bourgeons reproducteurs; c’est qu'en effet, ici, il n’y a pas de mouvements de rétraction comme dans les individus nourriCiers. S 3. Chute et renaissance des hydranthes. Lorsque l’on conserve des colonies d'Hydraires dans des cuvettes, malgré toutes les précautions que l'on peut prendre pour aérer et renouveler l’eau, il se produit rapidement un phénomène qui con- siste dans la chute des hydranthes, ou des individus nourriciers, qui se séparent spontanément du reste de la colonie. Ainsi, en mettant dans des cuvettes des colonies de Clava squamata fixées sur des fucus, au bout de quelques jours on trouve les individus nourriciers tom- bés au fond du vase et continuant à vivre parfaitement. Les {issus semblaient s'être complètement cicatrisés au point où la rupture avait eu lieu. Ces individus vivent ainsi assez longtemps au fond des cuvettes, Lorsqu'ils portent des bourgeons reproducteurs, ils con- tinuent à se développer et les éléments sexuels arrivent là à ma- turité. J'ai fait des observations analogues sur l'Aydractinia echinata et la Podocoryne carnea. En même temps que l'individu séparé reconstitue ses tissus, il en est de même du côté de la colonie. Au point où l’individu nourricier s'est détaché, on voit bientôt un jeune bourgeon qui se développe et donnera un individu semblable à celui qui est tombé. 698 ANDRÉ DE VARENNE. Lorsque les colonies sont recouvertes d’un nérisarc, les choses se compliquent un peu et donnent lieu parfois à d’assez curieux phéno- mènes. Ainsi, dans une colonie de Campanularia flexuosa que l’on conserve dans des cuvettes, les hydranthes ne tardent pas à tomber en entraînant avec eux le calyce qui les protège ; les rameaux secon- daires se sont ainsi rompus un peu au-dessous du calyce, et l’on ne trouve parfois plus un seul de ces organes sur toute une tige de Cam- panulaire. Les individus nourriciers ainsi séparés continuent à vivre plus ou moins longtemps; en général, cependant, dans les espèces ainsi recouvertes d’un périsarc, les individus nourriciers tombés se détruisent rapidement ; le cœnosarc de la colonie reste, au contraire, bien vivant et reconstitue par des bourgeons les individus nourri- ciers qui se sont détachés. On voit ainsi les rameaux secondaires donner un nouveau bourgeon au point où ils se sont rompus et une couche très mince de nouveau périsarc sécrétée par le nouveau bour- geon vient continuer l’ancien périsarc beaucoup plus épais, au point où le calyce s’est séparé du reste du rameau. Je n'ai jamais observé le même phénomène pour les capsules ren- fermant les bourgeons reproducteurs. Les gonangiums et leurs élé- ments sexuels arrivent à maturité même lorsque les individus nour- riciers et le reste du cœnosarc se détruisent. J'ai dit que dans les espèces qui ont un calyce, lorsque l'individu nourricier se détachait, il entraînaït le calyce. Quelquefois cependant Je calyce reste attaché à la colonie et devient vide par la chute ou la destruction de l’individu nourricier qu'il renfermait. Il se passe alors, au moment où le cænosare de la colonie va se reconstituer par un nouveau bourgeon, d'assez curieux phénomènes. Quelquefois, par exemple, on a deux Calyces emboîtés l’un dans l’autre. Voici l’expli- cation de ce fait: le cœnosarc, en se reconstituant, a commencé par remplir le périsarc devenu vide par la chute de l’hydranthe. Arrivé dans le calyce de cet hydranthe, qui est tombé, il l’a dépassé ; son extrémité qui s’élargit pour former le nouvel individu nourricier à sécrété un calyce à son tour, el ce nouveau calyce se trouve emboîté par son extrémité inférieure dans celui de l’ancien hydranthe. Dans d’autres circonstances, le nouveau bourgeon, au lieu de remplir l’an- cien périsarc et l’ancien calyce,se forme sur les côtés du rameau, qui est ainsi terminé par une bifurcation formée par ces deux calyces, l’ancien et le nouveau. J'ai trouvé une fois un calyce vide à l'intérieur d'un gonangium femelle c’est un rameau qui, primitivement, était SUR LA REPRODUCTION DES POLYPES HYDRAIRES. 699 terminé par un hydranthe; cet hydranthe est mort, le calyce est de- venu vide, mais ne s’est pas séparé de la colonie; le cœnosarc a donné un nouveau bourgeon qui, au lieu de former un individu nour- ricier, a donné un blastostyle sur lequel se sont formés des gono- phores ; le gonangium a sécrété une enveloppe chitineuse (capsule) dans laquelle le calyce vide se trouve ainsi renfermé. CHAPITRE V. RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS GÉNÉRALES. Nous avons suivi l’origine et le développement de l’œuf chez plu- sieurs espèces différentes ; les unes ont des sporosacs qui restent tou- jours fixés à la colonie sur laquelle ils ont bourgeonné ; les autres ont des demi-méduses, c’est-à-dire des gonophores présentant bien les caractères de la méduse (ombrelle, canaux rayonnants, etc.), mais restant encore toujours fixés à la colonie ; les autres, enfin, des mé- duses complètes et qui nagent librement, après s'être séparées du polype sur lequel elles ont bourgeonné. Dans toutes ces espèces, nous sommes arrivé à des résultats absolument constants : d’abord l'œuf provient d’une cellule de l’endoderme du cœnosarc du polype différenciée, et l’on trouve, dans l’endoderme de la colonie elle-même, des œufs en voie de développement avant l'apparition de tout gono- phore ou de toute méduse, c’est-à-dire de tout bourgeon reproducteur. Entre une cellule endodermique ordinaire du cœnosarc du polype et un œuf bien développé, on trouve tous les états intermédiaires. Ces cellules endodermiques différenciées passent dans un bourgeon qui n'est d’abord qu’un diverticulum en cul-de-sac formé par l’endo- derme et l’ectoderme du corps du polype; elles y sont entraînées par la croissance des tissus et par un mouvement de locomotion pro- pre; Car ces cellules différenciées, qui d’abord étaient écartées et éloignées les unes des autres dans l’endoderme de la colonie, finissent par être réunies et groupées les unes à côté des autres. Elles occupent | l’'endoderme du diverticulum et sont directement en contact avec la cavité gastro-vasculaire. Ce diverticulum en cul-de-sac grandit et devient finalement un sporosac, une demi-méduse ou une méduse libre. Ainsi, dans ces espèces, qui ont leur génération sexuée représentée 100 ANDRÉ DE VARENNE. par des sporosacs, des demi-méduses et des méduses libres, les œufs naissent dans l’intérieur du polype lui-même et non dans ces gono- phores et dans ces méduses, comme on le croit. Nous savons même, par des expériences que nous avons faites, que c'est la présence en certains points de la colonie d’un certain nombre d’ovules ou de cel- lules endodermiques différenciées qui détermine en ces mêmes points la formation des gonophores et des méduses, et que, loin d’être anté- rieurs aux œufs et aux spermatozoïdes, les gonophores et les méduses leur sont postérieurs. Ce fait que les œufs naissent non pas dans les gonophores et les mé- duses, mais dans l’endoderme de la colonie elle-même, est important, car enfin on considère jusqu'ici les gonophores et les méduses comme les individus sexués, par opposition aux polypes eux-mêmes, que l'on regarde comme les individus asexués et qui ne seraient capables de se reproduire que par bourgeonnement. Ce sont là les deux termes des générations alternantes. Il me semble que si les œufs naissent, contrairement à ce que l’on croit, dans l’intérieur du polype lui-même, il est impossible de regarder ce polype comme un individu asexué, puisque c’est aux dépens de son endoderme que se développent les œufs. D'un autre côté, si les œufs ne naissent pas dans l’intérieur des gonophores ou de la mé- duse et aux dépens de ces tissus, mais y arrivent tout différenciés, il n’est plus possible, il me semble, de regarder ce gonophore ou cette méduse comme l'individu sexué et comme représentant la généra- tion sexuée. On pouvait considérer ces gonophores et ces méduses comme les individus sexués tant que l’on a cru que les éléments sexuels se développaient dans ces bourgeons et aux dépens de leurs tissus. Si l’on admet, comme je crois l'avoir montré, que ces éléments sexuels naissent dans le polype lui-même et arrivent ensuite tout for- més dans le gonophore et la méduse, ces individus ne peuvent plus être considérés comme des individus sexués et comme représentant la génération sexuée. Ces faits, qui sont intéressants lorsqu'il s’agit d’un individu considéré comme sexué, mais qui reste toujours fixé à la colonie sur laquelle il à bourgeonné, le sont bien davantage lors - qu'il s’agit d’une méduse libre, c'est-à-dire d'un individu que l'on considère comme représentant la génération sexuée par excellence, par opposition à la génération asexuée, au polype lui-même. Tout le monde croit que dans une colonie la méduse est seule capable de produire les éléments sexuels, qui naîtraient dans son intérieur aux SUR LA REPRODUCTION DES POLYPES HYDRAIRES. 101 dépens de ses tissus. Nous avons vu cependant que, pour les espèces qui ont des méduses libres absolument comme pour celles qui ont des sonophores toujours fixés à la colonie, les œufs naissent dans l’en- doderme de cette colonie et passent ensuite dans un diverticulum en cul-de-sac qui devient soit un sporosac, soit une méduse. La méduse qui nage librement n’est donc, pas plus que le sporosac qui reste toujours fixé, un individu sexué, puisque les œufs naissent dans la colonie elle-même. Les faits que nous avons observés nous montrent encore qu'entre un sporosac qui reste toujours fixé et une méduse libre, 1l n’y à que - des degrés dans la différenciation ; ce sont des individus rnorphologi- quement semblables. Dans le cas le plus simple (sporosac), le bour- geon, restant toujours fixé, est réduit aux parties essentielies, pour que les éléments sexuels puissent se développer et arriver à maturité. Dans le cas de la méduse, c’est un individu destiné à devenir libre ; il y a, en outre, des organes de locomotion, de digestion et de nutri- tion, puisqu'elle est séparée du reste de la colonie et ne reçoit plus rien d’elle ; il lui faut, en outre, des organes des sens. Entre ces deux points, nous avons un intermédiaire fort intéressant dans la demi-mé- duse de la Gonothyræa Loveni, qui est une méduse bien développée, présentant presque toutes les parties de la méduse libre, mais qui reste encore toujours fixée à la colonie ; aussi, chez cette espèce, les organes des sens font-ils défaut. C’est un passage entre le sporosac toujours fixé et la méduse libre, entre lesquels, je le répète, il n’y a que des degrés dans la différenciation. Les fonctions sont absolument les mêmes, et la méduse, pas plus que le sporosac, ne donne nais- sance aux éléments sexuels. Si les œufs naissent dans le polype lui-même et non dans les bour- geons considérés comme sexués, que sont alors les sporosacs et les méduses ? Ce sont des individus plus spécialement affectés à la repro- duction, qui recoivent les éléments sexuels et assurent leur dévelop- pement, mais qui ne leur donnent pas naissance. Les éléments sexuels naissent dans la colonie elle-même, et il est impossibie, par consé- quent, de regarder les gonophores et les méduses comme les indivi- dus exclusivement sexués et représentant la génération sexuée, par opposition au polype, qui, lui, représenterait la génération asexuée, puisque c'est le polype, en réalité, qui donne naissance aux éléments sexuels. On ne peut donc pas admettre, pour les espèces que j'ai étu- diées, les deux termes des générations alternantes tels qu'on les ad- 702 ANDRÉ DE VARENNE. met. Cette alternance et le retour des mêmes phénomènes de deux en deux générations (une génération sexuée ayant suivi une généra- tion asexuée, à laquelle succède une génération sexuée, et ainsi de suite) sont des apparences. Ces faits rentrent, au contraire, dans les lois ordinaires de la reproduction. Pour l'origine des éléments sexuels mâles, nous pourrions répéter mot pour mot ce que nous avons dit pour l’origine de l’œuf. Les cel- lules mères primaires naissent non pas dans les gonophores et les méduses, comme on le croit, mais dans l’intérieur du polype lui- même ; elles proviennent d’une cellule endodermique différenciée du cœnosare du polype lui-même. Elles sont entraînées dans un bour- geon qui n'est d’abord qu’un cul-de-sac formé par les parois du corps du polype ; ce cul-de-sac deviendra, en se développant, soit un spo- rosac toujours fixé, soit une demi-méduse, soit une méduse libre. Ainsi nous sommes bien loin de cette complication et de cette confusion extrêmes que nous avons déjà signalées dans la partie his- torique de ce travail ; car les différents auteurs admettaient, les uns que les œufs et les spermatozoïdes naissent de l’endoderme, d’autres que les œufs et les spermatozoïdes naissent de l’ectoderme, d’au- tres que les œufs dérivent de l'endoderme et les spermatozoïdes de l’'ectoderme ; d’autres enfin font venir les œufs de l’ectoderme et les spermatozoïdes de l'endoderme ; de plus, les mêmes auteurs admet- tent que, dans des espèces très voisines, les œufs ou les spermato- zoïdes proviennent tantôt de l’endoderme, tantôt de l’ectoderme. Nous arrivons, au contraire, pour les espèces que nous avons étu- diées, à des résultats absolument constants et uniformes. Dans toutes les espèces que nous avons observées, les œufs et les cellules mères primaires des spermatozoïdes proviennent de l'endoderme ; ces œufs et ces cellules mères naissent non pas dans les bourgeons considérés comme sexués, c'est-à-dire dans les gonophores et les méduses, mais dans le cœnosarc du polype hydraire lui-même ; ces œufs et ces cellules mères proviennent d'une cellule endodermique du cœnosarc du polype différenciée. Ils passent dans un diverticulum formé par les parois du corps du polype; ce diverticulum devient, en se développant, un sporosac toujours fixé, une demi-méduse ou une méduse libre. Ainsi, nous trouvons une très grande uniformité chez ces différentes espèces, soit pour l’origine et le développement de l'œuf, soit pour l’origine et le développement des spermatozoïdes, Pour le développement des élé- SUR LA REPRODUCTION DES POLYPES HYDRAIRES. 703 ments sexuels mâles et femelles, les choses se passent absolument de la même façon. J'ai dit plus haut comment je crois pouvoir expliquer l'origine ec- todermique des éléments sexuels soutenue par certains auteurs. Si l’on n’a pas suivi, en effet, ces phénomènes dès leur début, on peut croire, en observant un gonophore ou une méduse, que les éléments sexuels représentent l’ectoderme de ce bourgeon reproducteur, à cause de l’endoderme qui se reconstitue au-dessous des œufs et des spermatozoïdes et à cause de la membrane sécrétée par cette couche endodermique de nouvelle formation, que l’on peut prendre pour la lamelle intermédiaire et qui passe au-dessous des éléments sexuels. En même temps, la lamelle intermédiaire véritable et l’ectodermne sont réduits, à cause de la pression exercée par les œufs ou les sper- matozoïdes en se développant, à une simple couche fort mince qui passe par-dessus ces éléments sexuels. J’insiste tout particulièrement sur la ressemblance absolue que nous avons trouvée, chez les espèces que nous avons étudiées, pour l’origine et le développement des éléments sexuels mâles et fe- melles. Nous savons que Weismann admet que chez les Hydraires il y a des espèces blastogones, c’est-à-dire celles dans lesquelles les cellules sexuelles naissent dans les bourgeons ou les individus sexués (gono- phores, méduses), et des espèces cæœnogones, c’est-à-dire celles chez lesquelles les cellules sexuelles naissent dans le cœnosarc du polype lui-même, dans le parenchyme de la colonie. Le premier de ces modes de formation des cellules sexuelles était le seul connu depuis long- temps. Pour Weismann, il existe un assez grand nombre d'espèces cœnogones en ce qui touche les ovules ; mais beaucoup d’espèces sont blastogones, et en particulier toutes celles qui ont des méduses libres. Je ne puis admettre cette opinion et j'affirme que toutes les espèces que j'ai observées, qu’elles aient des sporosacs toujours fixés, des demi-méduses ou des méduses libres, sont cœnogones et que les ovules naissent dans le cœnosarc de la colonie. J’ai observé la même chose pour l’origine des éléments sexuels mâles, et toutes les espèces que j'ai observées, qu'elles aient des sporosacs, des demi-méduses ou des méduses libres, sont aussi cænogones. Cependant M. Weismann pense qu’il n’y a que le genre Plumularia qui soit cæœnogone en ce qui touche les cellules sexuelles mâles. Je n'ai pas la prétention de conclure qu’il n’y à pas d'Hydraires blastogones ; ce que je soutiens, | | | | | | 104 ANDRÉ DE VARENNE. c’est que toutes les espèces que j'ai observées sont cænogones, même celles qui ont des méduses libres. Nous avons étudié le développement des spermatozoïdes, nous pen- sons que la tête est formée par le noyau de la cellule mère, et la queue par le protoplasma qui entoure ce noyau. Enfin, nous avons suivi le développement de l’œuf fourni par la méduse de la Podocoryne carnea et fermé le cycle complet du déve- loppement de cette espèce. Nous pouvons conclure que, dans les es- pèces qui ont des méduses libres, le développement de l’œuf est abso- lument semblable à celui des espèces qui ont des gonophores toujours fixés à la colonie. EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE XXIX. 2 FiG. 1. Hart. —. Extrémilé libre de l'organe en forme de vrille de la Campanularia / angulata. L'objec‘if est mis au point sur l’ectoderme pour montrer les corps particuliers €, p, très nombreux, qu’il renferme dans son épais- seur; n, petits nématocystes très nombreux. 3 3. Har£- F . Coupe optique de l'organe en forme de vrille de la Campanu- laria angulata pour montrer la constitution des tissus vers l'extrémité de l’organe. p, périsarc; ect, ectoderme, renfermant de nombreux corps particuliers €, p ; {,i, lamelle intermédiaire; end, endoderme; €.e, cavité centrale ou gastro-vasculaire. 3. Pour montrer un organe en forme de vrille qui s’élargit à son extrémité et est en voie de développer un individu nourricier. 4. L'organe en forme de vrille porte un individu nourricier à son extrémité libre ; cet individu nourricier est actuellement flétri, mais il reste le calyce dans lequel il était renfermé. b, individu nourricier actuellement flétri, dans lequel on voit les cellules endodermiques remplies de cor- puseules brunâtres provenant des produits de la digestion ; €, calyce. 3 D: r'HArt: F#. Extrémité d’un organe en vrille dont les tissus ont été rompus au point # et se sont ensuite cicatrisés et qui se trouvent maintenant isolés du reste de la colonie ; 4, corps brunâtre renfermé dans les cellules de l’endoderme. 7 6, Hart. it Cellules endodermiques du sommet de l'organe. /, dl x ; à sv a 7. Hart, —. Les mêmes plus fortement grossies. #, noyau; a, extrémité libre 0 en contact avec le périsare et qui semble épaissie et former un plateau SUR LA REPRODUCTION DES POLYPES HYDRAIRES. 705 {on ne voit pas ce plateau sur la figure); b, extrémité profonde en con- tact avec la lamelle intermédiaire. Fi. 8. Une des cellules de l’ectoderme du sommet de l'organe isolée. 4 9. Cellule de l’ectoderme de la partie moyenne de l'organe. Hart. —. 10. Une cellule ectodermique de la base de l’organe. 11. Cellule endodermique du sommet de l'organe en vrille pour montrer l’é- paississement de la surface libre a de la cellule, de façon à constituer k une sorte de plateau. jf, prolongements fibrillaires contractiles. Hart.— . 12. Corps particulers renfermés dans l’intérieur de l'ectoderme de l'organe en vrille et changeant continuellement de forme. €, r, corpuscules réfrin- re k gents contenus dans l’intérieur de ces corps. Hart.— / 13. Le même corps après l’action de l’acide acétique très étendu. A : Re 14. Hart,— . Cellules de l’endoderme de l’organe en vrille à son extrémité isolées par l'acide acétique très étendu. a, extrémité en contact avec la lamelle intermédiaire ; b, extrémité profonde en contact avec la cavité générale ; le flagellum vibratile n’a pas été représenté ; €, r, corps réfrin- gents très nombreux qui semblent avoir un rôle important dans la nutri- tion de la colonie. 15. Cellules de l’endoderme de l’organe en vrille isolées par l'acide acétique très élendu pour montrer le flagellum vibratile f à leur extrémité libre b. On voit dans l’intérieur de la cellule vers sa partie profonde b des corps brunâtres qui proviennent de particules alimentaires digérées. PLANCHE XXX. Fig. 1. Un gonangium mâle de la Campanularia flexuosa pour montrer les diffé- rents gonophores g 1, g 2, etc., etc., etles divers états de maturité des éléments sexuels. Dans les gonophores inférieurs on voit encore nette- ment les cellules mères ; dans ceux qui sont silués au sommet du gonan- gium, les spermatozoïdes sont complètement mûrs ; p, pédicule du gonangium, ect, ectoderme; /,i, lamelle intermédiaire; end, endoderme ; C, C, cavité gastro-vasculaire ; c, capsule ; a, ectoderme du sommet du gonangium étalé en forme de tête de marteau. 2, Cellules mères des spermatozoïdes de la mème espèce, isolées par suite de la compression exercée sur un gonophore qui n’est pas encore mûr ; ces cellules mères envoient des prolongements protoplasmiques et sont animées de mouvements amiboïdes continuels. 3. Les prolongements protoplasmiques se réduisent bientôt à un seul principal, effilé, qui semble être l’origine de ja queue du spermatozoïde, 4. Cellule mère à un état un peu plus avancé. On commence à voir la queue q, et aussi un noyau distinct dans l’intérieur de la cellule mère 7. 5. Etat intermédiaire entre une cellule mère de forme plus ou moins irré- gulière et un spermatozoïde bien mür. 6. Cellules mères des spermatozoïdes de la Campanularia angulata pour montrer le commencement de la queue du sperma‘ozoïde, Hart. — 7. Les mêmes à un plus fort grossissement; n, noyau destiné à former la tête ARCH DO ZDDD. CNE EDVGEN — Tu Xe 1889, 45 706 Pic: Fie. 8. 4. &, ANDRÉ DE VARENNE. du spermatozoïde ; q,'queue du spermatozoïde et provenant du proto- plasma qui entoure le noyau. Les mêmes pour montrer les mouvements amiboïdes du protoplasma. PLANCHE XXXI. Suite du développement des spermatozoïdes de la Campanularia angulata: 4, filament caudal ; n, noyau. 4 A » A 6 Spermatozoïdes de la même espèce complètement mûrs. Hart. —. 7 Cellules mères des spermatozoïdes de l’Antennularia antennina présentant des mouvements amiboïdes ; on ne voit pas encore de filament caudal. 2 Hart. tes Cellules mères plus müres et à un très fort grossissement imm. 4, flament caudal qui commerce à paraître ; 7, noyau. Spermatozoïdes de la même espèce presque mûrs, La tige centrale et un rameau de la variété de la Plumularia echinulata. t, c, un des articles de la tige centrale ; », rameau fixé sur celte tige ; 22, 2 némalophore ; a, article intermédiaire. Hart, re Une colonie de la variété de la Plumularia echinulata de grandeur na- turelle. Une capsule c, fixée sur la tige centrale f, €. Une capsule de la même espèce fixée sur l'hydrorhize, PLANCHE XXXII. 9 Hart. — . Un des articles de la tige centrale de la Plumularia echinulala Le] pour montrer l’origine de l'œuf. p, périsarc; ect, ectoderme; L, 1, lamelle intermédiaire ; end, endoderme; €, ce, cavité gastro-vasculaire. On voit dans l’endoderme un certain nombre d'œufs à divers états de dévelop- pement. [9] , Hart. —— ,Pour montrer le périsare qui commence à être perforé au point où y doit se développer un gonangium, perf. À ce même point commence à faire saillie une sorte de tubercule tub formé par l’ectoderme et qui sé- crète un liquide qui dissout le périsarc ; ect, ectoderme ; exd, endoderme. 2 ; ; A Hart. Ft Un article de la tige centrale de la même espèce pour montrer le périsarc qui est à peu près perforé au point où le gonangium doit se développer. Un arlicle de la tige centrale de la même espèce pour montrer un très jeune gonangium qui commence à paraître, g. Les tissus font saillie à travers la fente du périsarc qui est complètement perforé ; o, œufs dans l’'endoderme qui passent dans le gonangium ; *, p, nouvelle enveloppe chitineuse qui recouvre le jeune gonangium; &, partie claire au som- met du jeune gonangium qui semble constitué par le restant du liquide © destiné à ramollir et à dissoudre le périsarc. Hart. mA Un gonangium fixé sur l'hydrorhize À et plus développé que dans la figure Fig. 19 Cr 10. SUR LA REPRODUCTION DES POLYPES HYDRAIRES. 707 précédente. 0’, dans le pédicule du gonangium on voit un très jeune œuf qui y pénètre. . Unrameau secondaire pour montrer les cellules endodermiques différen- ciées qui deviennent de jeunes œufs 0. PLANCHE XXXIII. 2 à : Hart . Une portion de la tige centrale de la Campanularia flexuosa pour montrer les œufs o dans l’endoderme de cette tige. 3 . Hart. SE Un gonophore femelle de la même espèce pour montrer l’en- doderme non différencié qui s’est reconstitué au-dessous de l'œuf; end’, endoderme de nouvelle formation. Tige centrale de la colonie de la Sertularia pumila pour montrer les œufs dans l'endoderme. 9 . Hart. al Tige centrale de la Gonothyræa Loveni pour montrer les cel- lules de l’endoderme différenciées et devenues des ovules 0. . Blastostyle d’un gonangium femelle de la même espèce pour montrer un 2 très jeune gonophore g avec deux œufs. Hart. —. | 5 k " . Hart. me Polype de la Podocoryne carnea vu entre la région des tenta- cules { et celle où bourgeonnent les méduses m, pour montrerles œufs dans l’endoderme de la colonie, 4 x . A N . . . Pure: Un très-jeuue bourgeon de la même espèce qui deviendra une méduse et qui n’est encore qu’un cul-de-sac formé par les parois du corps. 0’, œufs en train de passer des parois du polype dans l’intérieur du cul-de-sac; v, endoderme cilié de la cavité du cul-de-sac. . Bourgeon de la même espèce ur peu plus avancé ; on commence à voir l’invagination de l’endoderme; a, parois du corps du polype. . Très jeune méduse pour montrer l'invagination de l’endoderme et la for- P mation du manubrium et des canaux rayonnants ; #, tentacules ; à, inva- gination de l'endoderme; c, r, première apparition des canaux rayon- nants. Une cellule ordinaire de l’'endoderme du cœnosare de la même espèce et x ; : L une autre, qui commence à se différencier, Hart, 7 12, 13, 14. Différencialion de plus en plus accentuée de ces cellules de l'endoderme du polype pour montrer le passage à un ovule. . OEuf bien développé. PLANCHE XXXIV. Coupe optique d’un très jeune bourgeon de la Podocoryne carnea lorsque ce n'est encore qu'un simple cul-de-sac. k Hart. . Très jeune méduse de la même espèce pour montrer la forma- 08 F1c: 4. — ANDRE DE VARENNE. tion du manubrium et des canaux rayonnants; l’ectoderme n'a pas encore commencé à s’invaginer, mais il s’est déjà séparé en deux cou- ches distinctes ; 0, œufs dans les parois du manubrium; o', œufs dans l’endoderme des canaux rayonnants. Jeune méduse de la même espèce plus développée, la couche interne de J’ectoderme s’est invaginée à son tour ; ecto, eclothèque ; méso, méso- thèque ; endo, endothèque ; m, manubrium. Coupe optique du bourgeon précédent ; end, endoderme du manubrium ; end',endoderme des canaux rayonnants ; ©, », cavité du manubrium. Une méduse plus développée de la même espèce pour montrer l’endo- derme end', reconstitué au-dessous des œufs ; om, ombrelle; é, tenta- cule ; p, pédicule de la méduse qui la rattache au polype. 2} 4 L Lä Hart. —: Méduse presque complètement développée, mais encore enfermée 2 dans l’ectothèque. On voit l’endoderme qui s’est reconstitué au-dessous de ses œufs end', et la membrane à, que cet endoderme de nouvelle formation a sécrétée et qui ressemble à la lamelle intermédiaire, tandis que la lamelle intermédiaire et l'ectoderme véritables sont réduits à une couche très-mince, ect. | Une méduse libre de la même espèce pour montrer les œufs dans les parois du manubrium #2: v, voile. Une portion plus grossie de la même méduse pour montrer les œufs dans les parois du manubrium ; exd',endoderme de nouvelle formation; ect, lamelle intermédiaire et ectoderme ; a, lobe contractile des bords de la bouche portant des pelotes de nématocystes. Un des lobes contractiles des bords de la bouche a, pour montrer les nématocysles D, portés chacun sur une petite baguette qui s’agite sans cesse, PLANCHE XXXV. Origine de l'œuf de l'Obelia geniculata. Hart. + . Une portion de la tige centrale pour montrerles œufs dans l’en- doderme. Base d’un gonangium pour montrer un très jeune gonophore et les ovules dans l’endoderme ; b, blastostyle. Base d’un gonangium pour montrer un très jeune gonophore destiné à devenir une méduse. 4 r . . . Hart. —, Un gonophore un peu plus avancé pour montrer l'invagination 7 de l’endoderme et la formation du manubrium et des canaux rayonnants. Gonophore encore plus développé; ecto, ectothèque ; méso, mésothèque ; endo, endothèque; ect, membrane ectodermique commune qui recou- vre l’ensemble des gonophores d’un même gonangium. Une méduse libre vue par en haut; m, manubrium vu par transparence de l’ombrelle. Partie centrale de l’ombrelle de la méduse vue par en haut à un plus fort grossissement, pour montrer les ovules dans l’endoderme des canaux rayonnants. Hart; Base d'un calyce vide de l'Obelia geniculata pour montrer les 7 | 9. Bic. #. + . SUR LA REPRODUCTION DES POLYPES HYDRAIRES. 709 organes de fixation chilineux f, sur le fond du calyce ; a, partie étroite qui fait communiquer la cavité de l’hydranthe avec le reste de la colonie. Base d’un calyce de la même espèce pour montrer les rapports de l’indi- vidu nourricier avec ses organes de fixation /; /, à, lamelle intermédiaire. PLANCHE XXXVI. Une portion de la tige centrale de la Campanularia flexuosa pour mon- trer les cellules mères primaires c, m, dans l’endoderme. k Hart. +: Un très jeune gonophore de la même espèce à la base d’un gonangium; à, blastostyle. 2 . Hart. LT Base d’un gonangium de la même espèce pour montrer un très jeune gonophore; m, t, masse testiculaire; end’, endoderme de nouvelle formation; g', gonophore plus avancé vu de face. 3 Hart. re Un gonophore mâle de la même espèce pour montrer la couche d’endoderme non différenciée end' reconstituée au-dessous de la masse testiculaire », {, et la membrane m, que cette couche d’endoderme de nouvelle formation a sécrétée et qu’il ne faut pas confondre avec la lamelle intermédiaire 4, i. 3 : . Hart: Fé Une portion de la tige centrale de la Gonothyræa Loveni, pour montrer les cellules mères primaires c, m, dans l’endod erme. . Un jeune gonophore mâle de la même espèce situé à la base d’un gonan- gium; ”, {, masse testiculaire par-dessus laquelle passe la lamelle intermédiaire /, it; end', endoderme de nouvelle formation. . Un gonophore de la même espèce encore très jeune; m, t, masse testi- culaire en forme de fer à cheval, et séparée de la cavité gastro-vascu- laire par une couche d’endoderme non différenciée reconstituée au-des- sous d’elle, . Un gonophore un peu plus avancé de la même espèce. . Un gonophore complètement mûr; », membrane sécrétée par l’endoderme de nouvelle formation ; a, formation cellulaire spéciale pour dissoudre la lamelle intermédiaire au moment de l’évacuation des spermatozcides, PLANCHE XXXVII. Origine des spermatozoïdes de la Podocoryne carnea. 3 Fic, 4. Hart. ni Un cul-de-sac formé par les parois du corps du polype et qui deviendra une méduse; a, parois du corps du polype; c, m, cellules mères primaires. 2, Le même plus grossi. Hart. —+ ; 3. Bourgeon un peu plus avancé pour montrer l’invagination ? de l’endo- derme et la formation des canaux rayonnants, re Le er Te FR - meer MT > Ee TS tE: 710 PIE, ._ ANDRÉ DE VARENNE. + : Lt ; 3 L'invagination de l’endoderme continue. Hart. _ 5. La couche interne de l’ectoderme s'est invaginée à son tour; ecto, ectothè- ; 4 3 que; méso, mésothèque ; endo, endothèque. Hart. Eu 6. Une méduse presque complètement müre, mais encore enfermée dans l'ectothèque; », {, masse testiculaire ; end’, endoderme de nouvelle for- mation reconstitué au-dessous de la masse testiculaire ; 4, membrane sécrétée par cette couche de nouvelle formation et qu'il ne faut pas confondre avec la lamelle intermédiaire. Portion plus grossie d’une méduse devenue libre; ect, ectoderme et lamelle intermédiaire réduits à une couche fort mince qui passe par- dessus la masse testiculaire. CS | . PLANCHE XXX VIII. Développement de l'œuf de la Podocoryne carnea. 3 1, IAE, Be Un ovule immédiatement après la fécondation. 2. Formation du globule polaire à. 3. Segmentation en deux parties. 4. Segmentation en huit ; on voit seulement les quatre sphères supérieures. 5. Segmentation en seize parties. 6, 7, 8,9. Continuationde la segmentation ; mouvements amiboïdes très pro- noncés des différentes sphères qui cheminent les unes sur les autres. 10, 11, 12. On commence à reconnaître la forme de la planula. Les cellules se multiplient par division et deviennent de plus en plus petites. 13. Planula ciliée présentant en deux couches l’endoderme end et l’ecto- derme ect; elle nage librement à l’aide de ses cils vibratiles. 14. Colonie de la Podocoryne carnea, vue à un faible grossissement. À, indi- vidu nourricier; b, individu reproducteur ; A, hydrorhize. TABLE DES PLANCHES DU TOME X Ja V. — Poche du noir des Céphalopodes. VI. — Lamippe Duthiersi. VII à XII. — Anatomie et développement des Ophiures. XIII. — Seconde contribution à l'étude des Grégarines. XIV à XXII. — Organisation et développement de l'Oncidie. XXII à XXVIIT. — Structure et formation des téguments chez les Crustacés dé- capodes, XXIX (A), XXIX (B). — Développement des spermatozoïdes des Méduses; des Nématophorces, des Hydroïdes. XXIX à XXXVIIT. -— Recherches sur la reproduction des Polypes hydraires. NOTES ET REVUE. XLIX XXII SUR LE SYSTÈME NERVEUX ET LA LOCOMOTION DES MOLLUSQUES DE L’ALLEMAGNE CENTRALE, Par le docteur SIMROTH. (Programm. der Realschule II. Ordnung zu Leipgig, 1882.) La connaissance exacte du système nerveux est l'A et l'A de l'anatomie. Non seulement elle jette une vive lumière sur la signification et les rapports des différents organes, mais elle permet de répondre à la question toute moderne de savoir quels sont le nombre et l'importance des métamères qui entrent dans la composition du corps. Si le système nerveux du pied est le plus important au point de vue de l'étude du mouvement, la chaîne viscérale présente chez les Mollusques un intérêt tout particulier et a servi à l’auteur pour rassembler les matériaux accumulés par ses devanciers, et pour réunir, dans un ordre méthodique, les genres et les espèces des Mollusques terrestres de la faune allemande. « L'œæsophage et le pharynx sont entourés par un collier nerveux formé de ganglions et de fibres. « Les deux ganglions qui se trouvent au-dessus de l’æsophage forment le cerveau, l’homologue du cerveau des Arthropodes et des Vers. Les deux moitiés du cerveau sont reliées par la commissure sus-œæsophagienne; trois cordons partent du cerveau pour entourer l’œsophage : deux connectifs vont à la paire de ganglions pédieux et une commissure aux deux petits ganglions buccaux reliés eux-mêmes, sous l'œsophage, par la commissure buccale. « La première paire des connectifs qui se rendent aux ganglions pédieux reste uniquement composée de fibres, tandis que la seconde se charge de chaque côté d'un ganglion, le ganglion pleural. Les ganglions pleuraux, enfin, donnent naissance à une anse nerveuse tantôt courte et tantôt longue et qui passe au-dessous de l'intestin : c’est la commissure viscérale. « Tandis que le cerveau et les ganglions pédieux, constituant l'héritage des ancêtres vermiformes, si l’on ne tient pas compte seulement des nerfs géni- taux, restent symétriques ; au contraire, le nouvel acquêt qui caractérise le corps des Mollusques, la commissure viscérale prend part à la torsion du sac palléal et constitue la preuve fondamentale et la mesure de la déformation unilatérale. « Sur cette commissure, qui, primivement, contient un mélange confus de fibres et de cellules, se voient, dans les exemples les plus perfectionnés, quatre ganglions ; tout en arrière, deux ganglions abdominaux; entre eux et les ganglions pleuraux, deux ganglions palléaux. On ne peut rapporter au sympathique que les ganglions buccaux et un réseau nerveux particulier qui occupe le pied. » Les stylommatophores. — Au maximum de dissociation, par exemple dans le genre Balea, dans le collier œsophagien des Pulmonés terrestres, on peut ARCH. DE ZOOL, EXP. ET GÉN. — T. x. 1882. D L NOTES ET REVUE. distinguer les parties suivantes : deux ganglions cérébraux, deux pédieux, deux buccaux, deux pleuraux n’émettant aucun nerf; enfin, sur la commis- sure viscérale, de chaque côté, un ganglion palléal, et, au milieu, le ganglion abdominal impair : en tout, cinq paires de ganglions et un impair, que nous démontrerons être pair lui-même, du moins par sa situation. De ces ganglions partent principalement les nerfs suivants : Cerveau : 1° un nerf supérieur fin, 2° un autre bientôt bifurqué ; 3° le nerf du tentacule oculaire avec le nerf optique; 4° et 5° deux petits nerfs latéraux qui se rendent à l'insertion du tentacule oculaire; 6° un nerf céphalique ou labial donnant une branche au petit tentacule ; 7° le gros nerf labial inférieur ou nerf du goût; 8° le petit nerf acoustique ; enfin, dans quelques espèces, un nerf pénial impair à droite. Ganglions buccaux. Des nerfs au pharynx à droite et à gauche. Ganglions pleuraux. Pas de nerfs. Ganglions palléaux. De chaque côté, un nerf au manteau. Dans les espèces senestres, le nerf gauche se distribue largement à la moitié gauche du man- teau ; le nerf droit se divise de bonne heure dans le voisinage du sac respira- toire en deux branches inégales, dont la plus forte reste indivise jusques en avant de l’orifice pulmonaire au milieu d’un tissu très dense. C’est, sans aucun doute, le nerf olfactif de Spengel !, sans que j'aie pu toutefois Jusqu'ici recon- naître une dilatation ganglionnaire. Il est à remarquer que celui des ganglions palléaux qui donne le nerf olfactif est plus fort que son congénère et jamais symétrique ; il doit donc prendre le nom de ganglion olfactif. Ganglions abdominaux. De ces deux ganglioñs impairs partent deux nerfs que von Jhering désigne à tort sous lesnoms de pallialis medius et nervus geni- talis. Le premier, ou nerf anal, court, il est vrai, au-dessous du nerf olfactif vers le manteau, mais il appartient au rectum et à l'anus. L'autre, ou nerf intestinal, monte avec l'aorte jusqu’à l'utérus et à la glande de l’albumine, mais il fournit aussi aux viscères des branches plus profondes, notamment au rein et au péricarde. Si l'on remarque l’innervation asymétrique des organes génitaux; si l’on observe encore que les deux nerfs naissent non l’un à côté de l’autre, mais l'un au-dessus de l’autre ; si l'on tient compte enfin de l’enroulement du sac viscéral, il devient très vraisemblable que ces deux nerfs viscéraux étaient primitivement symétriques, l’un à droite, l’autre à gauche. Comme pour les nerfs palléaux, il est arrivé que l’un d'eux, le gauche, dans les espèces dextres, a pris un développement et une extension plus grands. Pour rétablir la symétrie bilatérale, il faut supposer ces deux nerfs se distribuant des deux côtés à l’intestin et à l'anus. Au plus haut degré de concentration, on remarque, naissant du ganglion abdominal ou plutôt de la partie abdominale de la commissure viscérale, un petit nerf qu’on trouve très généralement (excepté chez l'Arion) et qui n'a pas de symétrique, c’est le nerf cutaneus de von Jhering. Il se rend au bord postérieur du manteau, entre les deux moitiés du muscle columellaire, et on 1 L'auteur semble ignorer que l’origine des nerfs de la sensibilité spéciale a été découverte et décrite pour la première fois par M. de Lacaze-Duthiers. NOTES ET REVUE. LI peut lui donner le nom de nerf caudal postérieur. Il se trouve toujours du côté du nerf dilaté par l’enroulement de la coquille, par conséquent du côté opposé au nerf olfactif. Ganglions pédieux. On doit tout d’abord remarquer qu'ils sont toujours réunis par une double commissure : une antérieure très courte et une posté- rieure fine et longue. Dans chaque ganglion, il faut distinguer deux parties, car les ganglions pédieux n'innervent pas seulement le pied, mais aussi les côtés du corps. Ainsi les nerfs latéraux, 1-4, naissent de la partie antérieure et supérieure du ganglion, immédiatement en arrière du connectif, et se dirigent horizon- talement en dehors. Tout autrement naissent les nerfs 5-10, qui sont les nerfs du pied proprement dits; ils partent sur une ligne droite ou arquée, l’un derrière l’autre, de la surface inférieure du ganglion, et se rendent dans le pied des deux côtés de la glande pédieuse. Entre leurs extrémités se déve- joppe le réseau ganglionnaire sympathique, qui commande les ondulations locomotrices. Il correspond à la largeur des ondulations, occupant chez l'hélix toute la surface du pied, tandis que, chez les Limax et Arion, il est limité à la zone médiane. Observable seulement chez les grandes espèces, ce système doit exister partout où on observe des ondulations coordonnées. Les ganglions pédieux étant, comme représentants de la chaîne nerveuse ventrale des vers, d’une importance particulière, je les choisis pour servir de base à la classification suivante : A. Pulmonés pourvus d’une double commissure pédieuse bien marquée; ganglions bien séparés ; ganglions abdominal et olfactif tout à fait confondus. Les deux moitiés du cerveau ne se touchent pas. Pupes. Balea perversa, Clausilia biplicata, Buliminus tridens, B. obscurus, Steno- gyra decollata, Cochlicopa lubrica, Pupa frumentum, Pupa muscorum. B. Pulmonés pourvus d’une double commissure pédieuse apparente et de ganglions viscéraux confondus. Les moitiés du cerveau ne se touchent pas. Succi nea Succinea amphibia, S. oblonge. C. Pulmonés pourvus d’une double commissure pédieuse raccourcie ou à ganglions pédieux confondus et avec un nerf caudal postérieur unilatéral. Deux familles. Première famille. — Zonitoïdes nitidus, Hyalina, Zonites verticillus, Daude- bardia Heydeni, D. rufa, Vitrina diaphana, Limax, Amalia marginata. Deuxième famille. — Hélices. — On observe, dans cette famille, tous les degrés de concentration du système nerveux, depuis celui du genre Patula, où presque tous les ganglions sont distincts, jusqu’à celui de l’escargot de vignes, qui est tout à fait compacte. Patula rotundata. Hélix. Premier groupe. Wallonia, H. pulchella. Deuxième groupe. Trigonostoma, H. obvoluta. Troisième groupe. Fruticola, H. hispida, H. fruticum, H, cantiana, H. car- thusiana, H. incarnata. Quatrième groupe. Chilotrema; H. Lapicida. Cinquième groupe. Xerophila, H. candicans, 2 — D de detre he , t | ‘ | ll LII NOTES ET REVUE. Sixième groupe. Arionta, H. arbustorum. Septième groupe. Tachea, H. Hortensis, H. nemoralis, H. austriaca. Huitième groupe. Helitogena, H. pomatia, H. pisana, H. vermiculata. D. Pulmonés pourvus d’une commissure cérébrale libre de ganglions pédieux tout à fait confondus, de ganglions pleuro-viscéraux confondus, d’un nerf caudal postérieur double et de deux rétracteurs. Arion. Ce genre présente des caractères si tranchés qu’il doit être regardé comme une branche détachée du trone des Stylommatophores. Arion empiricorum, Arion subfuscus. BRANCHIOPNEUSTES. LIMNÉES. Au sujet du système nerveux des Planorbes, Limnées et Physes, nous pos- sédons, dans le travail de de Lacaze-Duthiers, la monographie la plus complète qui ait été donnée de ce système chez aucun Mollusque. L’anneau œsophagien correspond au fond à la forme primitive des Stylom- matophores. | Auriculidés (Carychium minimum). — Ce nain des Mollusques allemands serait, d’après Jhering, plus rapproché des Bulles que des Limnées et des Auricules parmi lesquelles on le place. « La commissure cérébrale dans l’Au- ricule est assez longue et la commissure pédieuse très courte. » C’est juste l'inverse dans le Carychium. Aux deux moitiés confondues du cerveau se rat- tache un petit ganglion qui ne donne qu'un petit nerf à la peau de la tête; en dehors, le nerf tentaculaire et le nerf optique en portent encore, et, en dessous, un gros tronc qui se distribue dans la lèvre. Ganglions pleuraux petits. Les trois ganglions viscéraux inégaux. Ganglions pédieux reliés par une forte commissure. Ancylidés. -— Récemment, Dall a séparé davantage les Ancyles d'avec les Limnées. Le système nerveux me paraît justifier complètement cette division. Les deux moitiés du cerveau sont, dans l’Ancyle fluviatile, séparées par une courte commissure ; dans l’Ancyle lacustre, elles se touchent. Les ganglions pédieux sont allongés, reliés directement en avant et en arrière, je crois, par une commissure délicate. Trois nerfs pédieux. En cela, il y a ressemblance avec les Limnées, mais les ganglions pleuraux et viscéraux s’en écartent ; car il n’y a en tout que trois ganglions : deux arrondis pairs et un impair triangulaire. PROSOBRANCHES. Neritina fluviatilis. — Les ganglions cérébraux pyriformes sont reliés par une forte commissure sus-æsophagienne et par une autre sous-æsophagienne plus faible et plus petite. Du cerveau partent, de chaque côté, le gros nerf tentaculaire et le nerf optique, plus petit; plusieurs nerfs destinés aux côtés de la tête et à la lèvre supérieure en forme de voile; enfin, en dedans, plu- sicurs nerfs au volumineux pharynx en relation avec des ganglions. Les gan- glions buccaux ne sont que de légers renflements de la commissure. Les NOTES ET REVUE. LIL connectifs ne contiennent pas de cellules ; cependant, fait unique parmi les Mollusques allemands, ils émettent chacun un nerf sous un angle très aigu. Les ganglions pédieux sont plutôt deux troncs glangliiformes arqués, en forme de lyre, et se prolongeant dans chaque nerf comme chez la Paludine. Les com- _missures qui relient ces nerfs dans la Paludine ne manquent pas non plus : la iongue commissure moyenne et la première des postérieures ont été obser- vées. Les ganglions viscéraux (pleuro-palléaux), reliés par une commissure spéciale, se rattachent étroitement à la partie antérieure des ganglions pédieux. De chaque côté, ils émettent des nerfs nombreux ; le plus fort d’entre eux du côté droit se dirige d’abord tout droit en arrière et s’incurve ensuite du côté gauche, présentant alors plusieurs dilatations et plusieurs nerfs. Je considère comme un point très important à éclaircir par des dissections futures, de démontrer l’union de l’extrémité gauche de ce nerf avec le ganglion pleuro- palléal gauche, car il y a toutes raisons de croire que ce nerf n’est autre chose qu'une commissure très allongée. Paludina vivipara. — Deux ganglions cérébraux à peu près comme ceux de la Bythinie; deux ganglions pleuraux presque directement placés sur le cerveau et émettant quelques nerfs fins; une longue commissure viscérale en forme de demi-ellipse et dont le plan, d’abord horizontal, se tord de plus de 90 degrés pour former une anse, dont le point culminant est formé par le gan- glion abdominal; la partie droite de la commissure passe au-dessus de l'æsophage et la gauche au-dessous. Les parties les plus déformées sont les ganglions palléaux ; celui de droite, reporté par la torsion à gauche, au-dessus de l’æso- phage, fournit le nerf olfactif. Les ganglions pédieux sont en forme de cor- dons nerveux, comme dans la Nérite; ils sont reliés par une forte commissure antérieure, et une autre, plus faible et plus longue, située vers le milieu du corps ; en arrière, entre les deux troncs qui se rapprochent, existent encore plusieurs anastomoses, aussi bien qu’entre les branches centrales des deux rameaux antérieurs. Cyclostoma elegans. — De Lacaze-Duthiers a décrit le système nerveux. Il ressemble beaucoup à celui de la Paludine. Melania hollandri. — Cerveau comme dans le Cyclostome. Commissure viscérale présentant la torsion habituelle. Ganglions pédieux ovalaires avec une forte commissure. Lithogiyphus fluviatilis. — Ressemble, pour le système nerveux, aux Mélanies. Bithynia tentaculata. — Ressemble beaucoup aux Mélanies. Les ganglions pédieux sont plus ramassés et arrondis. - Valvata piscinalis. — Le collier œsophagien diffère de celui de tous les Prosobranches et même de celui de tous les Mollusques. Les ganglions céré- braux, reliés par une très courte commissure, sont confondus avec les gan- glions pleuraux et palléaux en une seule masse située au-dessus de l’æso- phage. J'ai cru reconnaître en arrière un ganglion abdominal aussi bien que l'indice d'une torsion de la commissure viscérale, mais ces données sont incertaines. Les ganglions pédieux ressemblent à ceux du Cyclostome, avec une commissure antérieure plus courte et une postérieure plus longue. Von Jhering admet que ces Néphropneustes ou Pulmonés sont issus des ‘ie | © NOTES ET REVUE. Branchiopneustes et que les premiers d’entre eux ont été des Mollusques nus dérivés des Opisthobranches marins. Cette opinion se trouvait corroborée par ce fait qu'aucune coquille ressemblant à celle d’une Pupe n’avait encore été rencontrée dans les terrains paléozoïques. Or, Dawson a récemment trouvé en Amérique, au milieu des Sigillaria carbonifères, de véritables Pupes avec l'orifice de la coquille garni de dents. Les Pupes sont donc fort anciennes, et cette donnée est parfaitement en harmonie avec celles fournies par le système nerveux. Les Pulmonés doivent avoir pour origine des Mollusques à coquille spiralée et probablement fort voisins du genre Balea. Les Branchiopneustes s’y relient peut-être par les Zonites. L’'Ancyle doit occuper une place à part de ces derniers, à cause de la confusion des ganglions pleuraux et palléaux. Parmi les Prosobranches, la Valvata occupe une place tout à fait à part; les autres genres : Néritina, Paludina, Mélania, Mélanopsis, Cyclostoma, Bithynia et Lithoglyphus forment une série bien continue. L. J. XXIV SUR L’HISTOIRE NATURELLE DU DOLIOLUM, Par B. UzxraniN, de Moscou. (Traduit du Zoologischer Anzeiger du 14 août'1882.) Dans le travail récemment paru de Grobben sur le Doliolum, l'observation de beaucoup la plus importante est que l’organe connu sous le nom « d'organe en rosette » est un stolon prolifère dont se séparent un certain nombre de parties. Grobben est d'avis que ces parties ne se développent pas au delà, mais se décomposent. Il les appelle « bourgeons avortés ». Les bourgeons de deux sortes qui, comme on sait, se trouvent sur le stolon dorsal de la pre- mière génération asexuée, naissent, d’après Grobben, de corps particuliers, en forme de saucisson, qu'il appelle « bourgeons primitifs ». Quant à l’origine de ces « bourgeons primitifs », Grobben n’en a rien pu reconnaître. Les bour- geons sexués, qui se trouvent sur le stolon ventral du Doliolum de la seconde génération asexuée, naissent également d'un bourgeon primitif, dont le déve- loppement n’a pas encore été observé. Grobben arrive à conclure que, dans le cycle embryonnaire du Doliolum, sont comprises deux générations agames, dont l’une possède deux stolons, un ventral, l'organe en rosette, produisant des « bourgeons avortés », et un dorsal, qui fournit deux sortes de bourgeons : les bourgeons latéraux, qui restent sans postérité et paraissent ne servir qu'à la nutrition de l'individu qui les porte, et les bourgeons médians, d'où se développent des Doliolum de la seconde génération agame avec un seul stolon ventral, Cette deuxième génération asexuée produit sur son stolon ventral un bourgeon primitif dont se détachent un certain nombre de parties qui se transforment en PDoliolum -exués NOTES ET REVUE. LY Ces résultats, que Grobben a déduits de ses recherches, diffèrent peu, comme on le voit, des données admises généralement depuis les travaux de Gegenbaur. Je ne peux cependant les confirmer que partiellement, Ce que que je veux d’abord établir, c’est que les prolongements auxquels on donne habituellement le nom de stolons chez les Doliolum asexués ne méritent pas ce nom. Les stolons dorsal et ventral ne sont pas des stolons, car ils ne bourgeonnent jamais, mais servent seulement temporairement de support à des jeunes qui ont une autre origine. Dans tout le cycle embryon- naire des Doliolum, une seule génération possède un véritable stolon proli- fère, et ce stolon est l'organe en rosette. Le stolon, ou organe en rosette, qui, comme je l’ai fait voir dans une pré- cédente communication, apparaît de très bonne heure dans la larve, se résout, lorsque l'individu est complètement développé, en un certain nombre de corps en forme de saucisson qui se séparent aussitôt. Ces parties séparées du stolon ne périssent pas, comme le prétend Grobben, mais continuent bien à vivre et fournissent les éléments d’un grand nombre de bourgeons d'où naïîtront toutes les formes suivantes de Doliolum, c’est-à-dire les bourgeons latéraux, les individus agames dits de la deuxième génération, enfin aussi les individus sexués. Ces différentes formes sont toutes produites par l'organe en rosette, le véritable stolon prolifère. Je vais exposer brièvement les observations qui m'ont conduit à ces conclusions; je commence par la formation des bour- geons latéraux et moyens pour finir par celle des individus sexués. Si l’on observe un individu frais et intact de Doliolum Mulleri dans lequel le stolon se soit partagé en un certain nombre de fragments encore réunis, on peut constater facilement que ces fragments sont en pleine activité vitale se manifestant par des mouvements évidents, On peut, notamment, observer que les cellules ectodermiques, qui revêtent tout le stolon, envoient des prolongements amæboïdes qui semblent maintenir tout le stolon sur la surface de l'animal. Après la séparation des parties du stolon, ces mêmes prolongements amœæ- boïdes servent à les fixer sur la surface du corps et à les déplacer. Il n’est pas rare de trouver des individus agames, dont la surface porte un assez grand nombre de semblables corps se déplaçant librement ; il peut arriver encore qu'on voie ces corps se détacher du stolon et se mettre en mouvement. Le fait de la persistance de la vie dans les parties détachées du stolon et de leur émigration étant établi, la pensée me vint bientôt de les comparer avec les « bourgeons primitifs » observés par Grobben. J’eus bientôt la preuve que cette conjecture était fondée. Ces mêmes parties détachées du stolon que j'avais observées sur la surface du corps de l'individu agame, je les retrouvai à la base du stolon dorsal, où ils se métamorphosaient en bourgeons. Déjà, sur les fragments de stolon en mouvement à la surface de l'individu ageme, j'ai pu quelquefois observer la division de ces corps en deux moitiés, le plus souvent d’inégale grosseur; la division se fait assez rapidement; les fragments plus petits, résultant de la division, conservaient la faculté de se mouvoir à l’aide de prolongements amæboïdes des cellules ectodermiques. Une division semblable des bourgeons primitifs s’accomplit avec beaucoup plus de rapidité sur le prolongement dorsal. Les corps qui sont parvenus sur LVI NOTES ET REVUE. ce prolongement se divisent en deux parties inégales, jusqu’à ce que tout le bourgeon primitif se soit résolu en un certain nombre de bourgeons petits, arrondis, en forme de pomme. Ces bourgeons conservent encore un certain temps leur motilité, qui dispa- rait seulement lorsque se produit un épaississement local des cellules ecto- dermiques, qui forme une sorte de socle au pédoncule qui soutient le bourgeon. Je n'ai jamais pu voir, comme Grobben le décrit, le bourgeon primitif donner des bourgeons alternativement à ses deux extrémités. Dans tous les cas que J'ai observés, il n’y avait rien de régulier dans la situation du bour- geon primitif; ce fait s'accorde avec l'irrégularité qui se remarque dans la disposition des bourgeons. Le nombre des bourgeons qui se trouvent sur le prolongement dorsal de la nourrice est tout à fait indéterminé et variable; quelquefois, on ne rencontre qu’un seul bourgeon primitif en voie de division, tandis que, dans d’autres cas, on en trouve six ou davantage; sur un très grand individu du Doliolum denticulatum, dont il sera parlé plus loin, les bour- geons primitifs étaient en si grand nombre sur le prolongement dorsal qu'il y en avait peut-être un millier. | Comme Grobben le remarque parfaitement, les premiers bourgeons pro- düits chez le Doliolum Mulleri donnent naissance aux bourgeons latéraux ; les bourgeons médians ne commencent à se produire qu'un peu plus tard. Cette espèce est très défavorable pour l'étude des bourgeons médians, car il est très rare de rencontrer des nourrices assez âgées pour porter des bourgeons en bon état. Pour mes observations sur l’origine des bourgeons médians, j'ai utilisé un remarquable échantillon qui appartient probablement au Doliolum denticulatum et qui portait un prolongement dorsal de 18 centimètres de long couvert de bourgeons pressés, Ce magnifique exemplaire, trouvé dans le golfe de Villefranche, me fut confié par l’obligeance de M. le professeur Kowalevsky. N'ayant eu ainsi à ma disposition que des matériaux conservés, Je n’ai pu établir l’origine des bourgeons médians aussi sûrement que je l'avais fait pour les bourgeons latéraux. Cependant, les faits que J'ai réunis me paraissent imposer d’une manière assez forte cette conclusion que ces bourgeons déri- vent aussi du stolon. Sur ce Doliolum dont il vient d'être question, et qui était parfaitement conservé dans l’acide chromique, voici ce que j'ai pu observer : les bourgeons latéraux étaient, comme d'habitude, disposés sur deux rangées simples des deux côtés du prolongement dorsal et étaient d'autant plus jeunes qu'ils étaient plus rapprochés de sa base. Les bourgeons médians étaient situés sur le milieu de la surface supérieure du même prolongement et disposés suivant une ligne sinueuse ; là aussi les bourgeons les plus âgés se trouvaient à l'ex- trémité d’un support. Ils étaient assez écartés les uns des autres, surtout les plus âgés, et chaque bourgeon était entouré d’un cercle de bourgeons plus petits à différents états de développement. Un examen plus attentif de parties du support bien colorées, avec de forts grossissements, donna les résultats suivants : chaque groupe se composait, autour du bourgeon central le plus âgé, de bourgeons plus jeunes, en nombre d'autant plus grand que le groupe se trouvait plus éloigné de la base du sup- NOTES ET REVUE. LVII port. Les différents groupes de bourgeons médians n'étaient point isolés les uns des autres, mais reliés par une large trainée qui se composait de corps allongés en forme de saucisson, qui, par leur structure, rappelaient complè- tement les bourgeons primitifs des bourgeons latéraux. Parmi ces bourgeons primitifs, beaucoup de ceux qui se trouvaient près de la base du support présentaient des dimensions plus grandes que ceux qui, situés à l'extrémité, s'étaient déjà divisés plusieurs fois. Ces bourgeons pri- mitifs étaient plus pressés à la base du support. N'ayant pu étudier vivant aucun spécimen de cette taille, j'ai dû me con- tenter de ces observations. Bien qu’elles ne soient pas suffisantes, elles peuvent conduire à quelques conclusions au sujet de l’origine des bourgeons médians. De ces observations, on peut, en effet, ce me semble, conclure avec une entière sûreté que les bourgeons médians naissent de corps en forme de sau- cisson, mobiles, aptes à se diviser, qui rappellent complètement pour la struc- ture les bourgeons primitifs des bourgeons médians, et qui ont avec eux une commune origine. Ces corps en forme de saucisson sont bien les bour- geons primitifs des bourgeons médians. Cette conclusion ressort de ces deux faits : qu'il se trouve, surtout à la base du support dorsal, point ou très peu de bourgeons médians encore formés, et qu’en ce point, ils sont plus gros que ceux situés à l’extrémité de l'organe. Les bourgeons latéraux comme les bourgeons médians sont tous, à mes veux, les produits d’un même organe, le stolon prolifère de l'individu agame. L'étude du même spécimen de Doliolum m'a fourni encore certains faits qui jettent quelque lumière sur la question de la formation de la forme sexuée, qui, comme on sait, se développe sur le prolongement ventral de la deuxième génération agame. Ainsi qu'il a été dit plus haut, Grobben décrit les bourgeons sexués comme se séparant d’un bourgeon primitif, situé sur le stolon ventral du Doliolum de la deuxième génération agame. L'origine de ce bourgeon primitif n’a pas été étudiée par Grobben. Quelquefois, le même auteur a observé, sur le mème stolon ventral, plusieurs bourgeons primitifs. Les Doliolum (de l'espèce D. Mulleri kr.) pourvus d’un stolon ventral étaient si communs à Naples, pendant les mois d'hiver, que j’ai eu l’occasion d'en examiner plusieurs centaines, si ce n’est un millier. Chez tous les exemplaires que j'ai étudiés, le bourgeon primitif (il n’y en avait jamais qu'un) était toujours présent. Il y avait des exemplaires sur les- quels un plus ou moins grand nombre de bourgeons s’étaient détachés du bourgeon primitif. Chez d’autres, ce bourgeon était encore intact, mais tou- jours et partout il était complètement formé. L'absence aussi constante des stades embryonnaires du bourgeon primitif ne pouvait pas être mise sur le compte du hasard, mais elle pouvait servir à prouver que le bourgeon primitif se fixe à l’époque où le bourgeon médian qui le porte est encore attaché au prolongement dorsal de sa nourrice. Comme il a été dit, je n'ai pas eu occasion d'observer des nourrices.du Dolio- lum Mulleri portant des bourgeons médians frais et en bon état. Je ne puis donc pas établir sur des faits positifs ma manière de voir en ce qui concerne cette espèce, J'ai pu, en revanche, faire une étude minutieuse du bourgeon LVIII NOTES ET REVUE, primitif, qui donne naissance aux bourgeons sexués, et reconnaître ses rap- ports avec l'individu qui le porte. J'ai été conduit à ce résultat que le bour- geon primitif ne fait pas partie de l'organisme qui le porte, mais n’est pour lui qu’un corps étranger, et que ce bourgeon primitif, comme ceux qui donnent naissance aux bourgeons médians et latéraux, a la faculté d'émettre des pro- longements amæboïdes et, par ce moyen, de changer de place. Pour la struc- ture, tous ces bourgeons sont tellement semblables, que Grobben s’est servi du dessin de l’un pour décrire l’autre. L'individu conservé du Doliolum denticulatum de Villefranche, dont j'ai déjà parlé, m'a permis d’asseoir mon Jugement en ce qui concerne l’origine des bourgeons primitifs de l'individu sexué dans cette espèce. Nous avons vu que la partie médiane du prolongement dorsal est parcourue par une trainée de bourgeons primitifs qui relient les différents groupes de bourgeons médians. En étudiant attentivement ces derniers, je vis que le bourgeon pri- mitif, qui donnera naissance par la suite aux individus sexués, est déjà présent sur tous ceux des bourgeons médians qui présentent un prolongement ventral. Ils ne présentaient rien qui rappelât un état embryonnaire; mais toutes les fois qu’ils étaient présents, c'était avec leur plein développement. Cette circonstance, jointe à la complète similitude qu'ils présentaient avec ceux qui se trouvaient en foule disséminés autour des bourgeons médians, me donna la conviction que ces bourgeons primitifs qui produisent les individus sexués dérivent, eux aussi, du stolon prolifère. Tout ce qui précède me conduit forcément à la conclusion suivante : Dans le cycle embryonnaire du Doliolum, deux générations seulement se succèdent : l’une est la génération agame ; elle résulte du développement de l’œuf et se distingue par la présence d’un stolon prolifère ; l’autre est produite par le stolon par voie asexuée. Cette dernière génération est polymorphe; ses difré- rentes formes ont été désignées jusqu'ici par les noms de « bourgeons laté- raux, deuxième génération agame et génération sexuée ». De ces trois formes que revêtent les individus de la deuxième génération, la troisième seule se reproduit et acquiert des organes sexuels. Les deux premières (bourgeons latéraux et médians) ont bien dans leur jeu- nesse des rudiments d'organes sexués, mais ils s'atrophient dans le cours du développement; les Doliolum de ces deux formes demeurent sans postérité ; ils rendent cependant de grands services pour la conservation de l'espèce. Comme Fol, le premier, l’a supposé et comme Grobben l’a montré avec détail, les bourgeons latéraux servent à nourrir l'individu agame, qui sert de sup- port provisoire aux nombreux jeunes qui abandonnent le stolon, et qui, comme on sait, perd son canal digestif et sa branchie à l’époque de son complet développement; quant aux bourgeons médians, ils ont à élever les individus sexués et à les disperser. Ce qui m'amène à penser que les bourgeons latéraux et médians restent sans postérité, ce n’est pas seulement ce fait que, malgré les nombreuses recherches faites à leur endroit par les observateurs les plus distingués, leur mode de reproduction est encore ignoré, c’est surtout cet autre fait que, dans les bourgeons de ces formes de Doliolum aussi bien que dans les bourgeons sexués, on trouve l’ébauche des organes génitaux. Mais ces rudiments se déve- NOTES ET REVUE. LIX loppent seulement chez les individus sexués, tandis qu'ils s'atrophient chez les autres. Il est donc peu probable que ces organes atrophiés se développent de nouveau par la suite. Je regarde donc les bourgeons latéraux comme res- tant sans postérité, malgré une observation qui, pendant quelque temps, m'avait fait croire que les bourgeons médians sont, eux aussi, aptes à arriver à la maturité sexuelle. L, 3, XXV NOTE SUR L’ASTERIAS GLACIALIS ET LES ESPÈCES QUI LUI SONT ALLIÉES, Par le docteur Jeffrey Bezz, M. Ad. Londres. (Zoologischer Anzeiger, juin 1882.) Je dois, tout d'abord, exprimer ma satisfaction de ce que le professeur Graff ait porté son attention sur la question difficile de la détermination soi- gneuse des espèces du genre Asterias. A première vue, la définition des limites d’une espèce particulière peut sembler un sujet d'un intérêt trop restreint pour motiver une note dans un journal de zoologie générale ; toutefois ce que j'ai à dire a trait à la question beaucoup plus large de la variabilité de ses formes. Si nous rangeons par ca- tégories les espèces d’Asterias glacialis appartenant au British Museum, nous arriverons à en former au moins six séries. a. La forme type : on ne rencontre jamais plus d’une seule épine petite et isolée se trouvant de temps en temps de chaque côté de la rangée médiane et bien marquée qui s'étend tout le long du rayon (Açores). b. Trois à six épines pourront se trouver disposées en série régulière sur lun des côtés de la rangée médiane ou sur les deux. Ces épines pourront exister sur plusieurs rayons sans se trouver sur les autres et elles sont tou- jours cantonnées dans la moitié centrale du rayon (Acçures). c. De chaque côté de la rangée médiane s'étend une série régulière sur plus de la moitié du rayon (Madère). d. Une rangée d’épines bien marquée s'étend tout du long du rayon de chaque côté de la rangée médiane; celle-ci est maintenant moins saillante (Portugal). e. Il y a deux rangées d’épines au lieu d’une (Madère). [. Deux rangées complètes se trouvent de chaque côté de la rangée mé- diane et sont à peu près aussi marquées (Portugal). L'existence de variations aussi étendues me semble retirer toute valeur au nombre des rangées d’épines comme caractère spécifique, et ces variations ont une portée encore plus grande quand nous les comparons à ce que nous savons de la variation d’épines semblablement placées dans 4. Muelleri. Le professeur Graff trouve: que deux autres caractères distinguent l'A. Glacialis et l’A. Africana. Quant à ce qui concerne les caractères des pédi- LX NOTES ET REVUE. cellaires, je lui ferai remarquer que, de même qu'il doit y avoir une relation entre la solidité des pièces du squelette et la force des épines défensives, de même il doit y avoir une étroite relation d’un côté entre la concentration des grandes épines et le développement autour d'elles d’un grand nombre de ces épines modifiées que nous appelons des pédicellaires, et de l’autre entre la distribution diffuse d’épines plus petites, moins hautement différenciées, et la concentration moins marquée de ces pédicellaires en certains points. En d'autres termes, l’arrangement des pédicellaires dépend de celui des épines. Les deux exemplaires d'A. Africana que comprend la collection du British Museum sont secs et dans de mauvaises conditions pour ètre examinés avec détail. Cependant j'ai pu constater et suis disposé à croire qu'il y a plus de variations dans la forme des épines que le docteur Graff n’a pu être conduit à penser d’après les collections entre ses mains. Cette forme peut donc être difficilement regardée comme ayant quelque importance. Il faut, probablement, conclure que l’A. Africana est seulement une forme extrème de l'A. Glacialis ; mais, quelles que puissent être leurs relations dans la classification, le fait le plus important et le plus instructif est d’avoir re- marqué combien ces êtres peuvent différer largement et par des caractères qu'on est habitué à regarder comme très importants. Ce qu'il faudrait main- tenant étudier, c’est la nature des fonds sur lesquels vivent ces variétés, les circonstances environnantes, leur nourriture et leurs ennemis et les rapports que peuvent avoir ces circonstances avec la force, la taille et la disposition des épines abactinales. J'espère qu’un naturaliste de la valeur du docteur Graff dirigera bientôt son attention sur ces questions. L. J: XXVI DESCRIPTION DE QUELQUES CÉPHALOPODES, Par le professeur OWwENx. (Transact. of the Zoological Soc. of London, XI, V,1881.) Dans ce mémoire, huit espèces nouvelles de Céphalopodes, dont plusieurs remarquables à divers points de vue, sont décrites soigneusement. Une seule appartient à la division des Octopodes : c’est le Tritaxeopus cor- nutus. Les Poulpes ou Céphalopodes à huit bras, en règle générale, portent leurs sucoirs sur deux rangs, le long de chaque bras. Mais bien que, lorsqu'ils sont nombreux, ils semblent opposés par leur disposition, ils sont alternes en réalité, et cette disposition apparait avec d'autant plus de netteté que les ventouses sont moins nombreuses et plus éloignées les unes des autres. Il ya même des espèces où la ligne brisée qui les joint toutes est si tendue qu'elles paraissent ne plus former qu’une seule série, sur la moitié du bras la plus éloignée, comme dans l'Octopus Lechenaullii, et même tout du long du bras, comme cela à lieu dans l’Élédone, où ce caractère est générique. D'autres genres ou sous-genres &’Octopodes ont été établis d'après l'exten- NOTES ET REVUE. LXI sion des membranes brachiales sur les côtés (Cistopus, Pinnoctopus, etc.), mais jusqu'ici on n’a jamais mentionné d’Octopodes caractérisés par la disposition des ventouses suivant trois séries s'étendant plus ou moins loin sur chaque bras. Or, tel est le caractère constant d’une espèce australienne qui, d’ailleurs, à plusieurs égards, rappelle beaucoup notre Poulpe commun. La série accessoire des ventouses du Tritaxeopus constitue un trait d'union entre les Octopodes et les Décapodes, et spécialement les Seiches. Ommastrephes ensifer.— Cette espèce présente tous les caractères du genre Ommastrèphe, et elle rappelle les O. Bartramii et Onalensis par le dévelop- pement d’une membrane bordant, du côté ventral, la rangée de ventouses du second et du troisième bras. Mais, outre que le développement de cette mem- brane est considérable, on voit, sur le bord externe du troisième bras, une expansion membraneuse qui, combinée avec la membrane du côté opposé, donne au bras la forme d’un cimeterre oriental. Si ce caractère était suffisant pour motiver l'établissement d’un genre nouveau, on devrait l’appeler Æipho- teuthas. Enoploteuthis Cookii. — Chaque ventouse est composée d’un pédicule et d'une coupe, avec un revêtement circulaire corné, prolongé d’un côté pour former un crochet. Dans tous les Décapodes, l'anneau ou revêtement corné du suçoir est ordinairement plus ou moins denticulé sur son bord libre et le plus souvent finement denticulé. Dans quelques Seiches, les dents acquièrent de la longueur sur le bord externe et deviennent de véritables épines (Loligo Plei). Leur développement est encore plus grand dans le Loligo Brongniarti. Dans l’'Ommastrephes ensifer, un petit nombre d’épines seulement sont déve- loppées, mais elles le sont énormément. Dans le Loligopsis gultata, quatre des épines du bord externe de la ventouse sont beaucoup plus longues que les autres. Dans l’Enoploteuthis Cookü, enfin, le développement est concentré sur un seul point de l'anneau, mais il est extrème, et l’unique crochet produit forme le caractère du groupe. Sur quelques Céphalopodes de grande taille. — Le British Museum possède le bras d'un Céphalopode qui doit être rapporté au Plectoteuthis grandis. Ce bras a une longueur de 9 pieds. Le tronc, d’après les proportions ordi- naires, atteindrait 18 pieds, et, en estimant la tête au tiers, soit 6 pieds, on arriverait à un total de 33 pieds. Le Mouchezis observé à Saint-Paul et décrit par M. Vélain mesurait 22 pieds 10 pouces. Il était donc probablement inférieur enitaille. Un exemplaire de l’Archileuthis princeps, trouvé par M. Harvey dans l’At- lantique nord, mesurait 16 pieds de long, 10 pour le corps et 6 pour les bras. Le tentacule était de 42 pieds. Dans un autre spécimen, les dimensions étaient, pour le corps, 9 pieds; pour les bras, 11 ; pour le tentacule, 30. Dans les relations des voyages de la frégate l’Alecton et de Péron sont men- gionnés des Céphalopodes de la grosseur d’un tonneau et assez forts pour qu'une embarcation à rames hésitât à entrer en lutte. Eschricht a trouvé à Marseille un Calmar mesurant 4%,85 (Ommastrephe ropus). LXI NOTES ET REVUE. Les dimensions qu'atteignent certains Décapodes sont done véritablement très grandes ; malgré les légendes en circulation, on n’a pas d'exemple d'Oc- topode parvenu à un semblable développement, Le. CT PE XX VII ORIGINE DES OEUFS DANS LE SALPE, Par W.-K. Brooks. (Johns Hopkins University. Studies from the Biological laboratory, IT, n° 2, 1882.) Dans un précédent travail, M. Brooks a déjà émis l'opinion que, des deux formes sous lesquelles est connue chaque espèce de Salpes, l’une, la forme dite agame est en réalité la femelle ; l’autre, la forme agrégée, considérée comme hermaphrodite, représenterait le mâle, qui serait simplement nour- ricier de l'œuf qu'il porte et qui est déposé en lui pendant le bourgeonne- ment. M. Brooks confirme son opinion et s'appuie sur ce fait que les œufs sont déjà tout formés dans le stolon de la forme agame, alors même que ce stolon est encore indivis et que les Salpes qui vont s’y développer n’ont encore aucune individualité. Puisque ces œufs existent, et sont bien reconnaissables, avant l'individu qui doit les porter, c'est que, conclut l’auteur, ils appar- tiennent non à cet individu, mais à celui qui les a produits, c’est-à-dire à la forme agame; or, l'individu qui produit l’œuf est évidemment la femelle. M. Brooks, en outre, contredit les observations de Salensky, relativement à la formation du tube digestif, que ce dernier observateur fait dériver du mésoderme, n’attribuant à l’'endoderme du stolon, constituant le tube central ou athemrohr, qu'un rôle transitoire. L'auteur américain a reconnu, sur des coupes longitudinales, que, dans chacun des anneaux qui apparaissent sur le stolon, le tube endodermique cen- tral émet sur les côtés deux diverticulums qui correspondent aux deux futurs individus couplés et constituent l’origine de leur tube digestif. L. J, ee te XX VII SUR L'ORIGINE DES « CELLULES DU TEST » DANS L'OŒUF D'ASCIDIE, Par J. PLayrair, Munich. (Johns Hopkins University. Studies from the Biological Laboratory, mars 18892.) L'auteur, après avoir exposé les différentes opinions qui ont été émises sur les « cellules du test », sur leur origine et sur leur rôle, prend parti pour ceux qui les regardent comme Île résultat de la contraction du vitellus. Ayant laissé séjourner des œufs mûrs d’Ascidia amphora et de Cynthia ocel- lala, les uns dans l’eau de mer, les autres dans l'acide acétique, l'acide NOTES ET REVUE. LXIII picrique et l'acide osmique, il a vu les cellules en question se former dans le sein du vitellus et en sortir dans le premier cas et dans le second, se former, mais rester dans le vitellus quandil s’agit de l'acide picrique; enfin, aucun changement ne se produisait dans l'œuf placé dans l'acide osmique. Ces résultats suggèrent deux questions : 4° Que sont les « cellules du test » ? 2° Pourquoi les phénomènes produits par les différents réactifs sont-ils diffé- rents ? À cette deuxième question, la réponse la plus simple et la plus satis- faisante semble être que ces phénomènes résultent de ce que les réactifs agissent différemment pour produire la contraction du protoplasme vitellin. Ainsi, l'acide osmique fixe immédiatement le protoplasme et ne permet que peu ou point de contraction, ce qui fait qu'aucune « cellule du test » n’appa- raît ; avec l’acide picrique, on peut avoir une légère contraction avant que le protoplasme soit fixé. Aussi, les « cellules du test » apparaissent-elles, mais elles ne peuvent sortir du vitellus. En dernier lieu, l'acide acétique et l’eau de mer permettent à la contraction de se produire assez complètement pour chasser ces cellules hors du vitellus. On trouve un argument sérieux, pour cette explication, dans la variété des effets produits par l’acide picrique, suivant son degré de concentration. En effet, lorsqu'on n’emploie qu’une solution diluée, une partie des cellules sortent du vitellus. Si l’on admet que la formation des « cellules du test » est due à la contrac- tion du protoplasme de l’œuf, on peut facilement comprendre qu’elles suient produites dans le développement de l’œuf, car les contractions qui ont lieu pendant la segmentation sont certainement suffisantes pour expliquer leur expulsion hors du vitellus. Nous pouvons maintenant discuter sur la valeur de ces cellules. Semper les regarde comme des globules polaires et les compare, quant à leur nombre, à ceux des Mollusques. Cette théorie toutefois n’est plus soutenable depuis que les recherches de Hertwig, sur la formation de ces globules dans les œufs de Hæmopis, Néphélis, Astéracanthion, Mytilus et autres formes, nous ont appris qu’ils résultent d’une véritable division cellulaire et sont eux-mêmes de véritables cellules pourvues d’un anneau. Rien de semblable ne s’observe lors de la formation des « cellules du test »; je m'en suis assuré, et Semper lui-même déclare que ces cellules ne sont pas de vraies cellules, mais de simples gouttelettes. De plus, Fol nous apprend que, dans la Phallusia intestinalis, deux globules se forment après la disparition du nucléus primitif et après la formation des « cellules du test ». Il n’y a donc rien de commun, au point de vue morpho- logique, entre ces cellules et les globules polaires. Cependant, dans les œufs de certains animaux, tels que la Grenouille et la Fruite, après la disparition de la vésicule germinative, on voit apparaître des corps particuliers qui se déta- chent du vitellus sans qu’il y ait division cellulaire. Hertwig propose de les appeler « corpuscules d’excrétion », par opposition avec les véritables glo- bules polaires. On a supposé que ces corpuscules représentent les restes de la vésicule germinative; à cet égard, iis ne peuvent être comparés aux « cel- lules du test », mais ils s’en rapprochent en ce que leur présence dans l’œuf n’est pas nécessaire à son développement ultérieur et en ce que la cause de leur apparition est évidemment la même, c’est-à-dire la contraction du vitellus LXIV NOTES ET REVUE. sous l'influence d’un excitant; je pense donc qu'on peut aussi qualifier les « cellules du test » de corpuscules d’excrétion. Toutefois, Wyville-Thomson a décrit, dans l'œuf de l’Antedon rosaceus, des corps qui présentent avec les « cellules du test » une homologie encore plus frappante. Il dit, en effet : « Par suite de la contraction du vitellus, un cer- tain nombre de petits globules d'huile sphériques et d’un jaune pâle paraissent être rejetés dans l’espace compris entre le vitellus et sa membrane. » Ces corps diffèrent des « cellules du test » seulement par ce fait que ce sont des globules huileux, tandis que ces dernières sont de nature protoplasmique et contiennent plusieurs globules huileux. Cette différence toutefois est de peu d'importance, et, par leur aspect comme par leur origine, ces deux sortes de « corpuscules d’excrétion » (car tel est le nom qui leur convient) sont très analogues, sinon identiques. Je considère les « cellules du test » comme de simples masses de matières albumineuses contenant trois ou quatre granules de vitellus nutritif, et je pense que ce sont des parties du protoplasme de l'œuf qui ont été expulsées par la contraction. Si un œuf dans lequel les « cellules du test » ont éte reje- tées hors du vitellus est soumis à une compression suffisante pour rompre la membrane vitelline, permettant aux vitellus d'entrer en contact avec les «cel- lules du test », celles-ci s’y fondent aussitôt et ne peuvent plus être distin- guées. Les granules qu'on observe dans une « cellule du test » ressemblent complètement pour la forme et l’apparence à ceux qui restent dans le vitellus ; il est donc à présumer qu'ils n’en sont pas différents, qu'ils appartenaient à cette portion du protoplasme qui est devenue la « cellule du test » et qu'ils ont été expulsés avec elle. Pourquoi maintenant des parties du vitellus primitivement utiles à l’em- bryon sont-elles devenues sans usage et ont-elles été expulsées? C’est ce qui ne pourra être connu que lorsque l’histoire biologique des types d'Ascidies inférieures aura été faite complètement; mais il est probable qu’on doit attri- buer ce phénomène à un changement de vie de quelque ancienne forme ancestrale, changement ayant pour effet de produire un développement plus rapide et d'exiger moins de vitellus nutritif, alors qu'aucune diminution dans la quantité de ce vitellus ne se produisait dans l’œuf. L. J. Le directeur : H. pe LACAZE-DUTRHIERS. Le gérant : G. REINWALD. | | | | TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES TOME X. Apostlolidès (Nicolas-Christo). Anatomie et développement des Ophiures, p.121. Ascidia compressa (voir Julin). Ascidies composées (voir Vulle). Ascidies simples (voir Herdman). Asterias glacialis (voir Bell). Bell (docteur Jeffrey). Note sur l’Aste- rias glacialis et les espèces qui lui sont alliées, N. et R., p. Lix. Born (docteur G. B.). Recherches expé- rimentales sur l'origine de la diffé- rence.des sexes, N. et R., p. 1. Bourquelot. Recherches expérimentales sur l’action des sucs digestifs des Cé- phalopodes sur les matières amyla- cées et sucrées, p. 385. Brooks (W. K.). Origine des œufs dans le Salpe, N. et R., p. 1x1. Bryozoaires (voir Waters). Cellules jaunes des Radiolaires et Cœæ- lentérés (voir Geddes). Céphalopodes {voir P. Girod, Bourquelot et Owen). Chat. Glandes mésentériques (voir Har- ris). Cristatelle (voir Reinhard). Crustacés (voir L. Joliet, Hartog et Vitzou). Doliolum (voir Ulianin). Douve du foie (voir Leuckart). Echidna (voir Owen). Geddes (P.). et Beddard. Sur l'histologie des pédicellaires et des muscles de l’'Oursin (Echinus sphæra Forbes), N. ét. DSi. Geddes (P.). Sur la nature et sur les fonctions des cellules jaunes des Ra- diolaires et des Cœlentérés, N. et R., p. XXVIII. ARCH. DE ZOOL, EXP, ET GEN. = T. Girod (docteur P.). Recherches sur la poche du noir des Céphalopodes des côtes de France, p. 1. Grégarines (voir Schneider Aimé). Harris (Vincent M. D.). Sur la présence des corpuscules de Pacini dans les glandes mésentériques du Chat, N. et R., p. 1v. Hartog (Marens M.). Note sur la nature de l'œil impair des Crustacés, N.et R., Dave Herdman. Rapport préliminaire sur les Tuniciers du Challenger, N. et R., D: xxxt; Herdman (W.4.). Sur les variations in- dividuelles dans le sac branchial des Ascidies simples, N. et R., p. xxxvI1. Hubrecht (4. 4. W.)\. Note relative aux études sur les Neomenia de MM. Ko- walewsky et Marion dans le Zoologis- che Anzeiger, N. et R., p. xXXxvY. Idiosepius (voir Séeenstrup). Inclusion des préparations (voir Joliet). Joliet (docteur Lucien). Observations sur quelques Crustacés de la Méditer- ranée, np. 101. Joliet (docteur Lucien). Sur une nou- velle méthode d’inclusion des prépa- rations propre à faciliter les coupes, N.etR., p. xLHI. Joyeuxr-Laffuie (docteur J.). Organisa- tion et développement de l’Oncidie, p. 225. Julin (Charles). Sur l'hypophyse chez Ascidia compressa et Phallusia mam- millata, N. et R,, p. vi. Kowalevsky et Marion. Etudes sur les Neomenia, N. etR., p. xxx111. Lamippe (voir L. Joliet, Crustacés). x, 1882. E LEXVI Leuckart (Rud.). Sur le développement de la Douve du foie, N. et R., p. xxIv. Locomotion des Mollusques (voir Sim- roth). Macé. De la structure du tube des Sa- belles, N. et R., p. 1x. Mac-Leod (Jules). Contribution à l'étude de la structure de l'ovaire des Mam- mifères, ovaire des Primates, N.ctR., D- 299. Claus (docteur C.), I, N.etR, p. Lxrtr. — Traité de zoologie conforme à l’état présent de la zoologie (trad. franc. de Moquin-Tandon), VII, N. et R., p. VI. Coagulation du sang (voir Fredericq), VI. Coccidies (voir Schneider), IX. Cœur (voir Yung), IX. Collin. Instrument destiné à la transfu- sion du sang, II, N. et R., p. xxx. — (Appareil à injections fines exécuté par) IEP Nef D: LxE Comatula (voir L. Graff), IV. Comatula rosacea (voir Ed. Perrier). Conil. Nouveaux cas de myiasis observé dans la province de Cordova (rép. Argentine) et dans la république de Venezuela, IX, p. 276. Contractilité (voir Engelmann), VII. Corail. Un mot sur la pêche du corail en Afrique en 1873 (voir A. de Lacaze- Dufhiers EP Nivét Ep. XLVIr- Coralliaires. Leur parenté avec les éponges (voir Giard, Hæckel, Lacaze- Duthiers), I. Coralliaires (Développement des) (voir de Lacaze-Duthiers), 1, p.289. Cordylophora lacustris (v. Ed. Perrier). Coréthra plumicornis (voir Pouchet). Corneilles (Sur les rejections des), par l'auber2UEENTeLPR,1 D: xx VIT: CorreLNletrE D ExExT. Cosmetira (voir Duplessis), IX. Cosmovici. Glandes génitales et organes segmentaires des Annélides poly- chèves OVNI, p: 233. Cossat-Ewart. Recherches récentes sur les bactéries, VIIT, N. et R., p: xv. Coupes (voir de Lacaze-Duthiers). Création des êtres organisés d’après les lois naturelles (Histoire de la), par Ernst Haæckel), 11, NN. etuR; D: XEIX, Criodilus (voir Vejdowsky, VIII. Cristatelle (voir Reinhard). Crustacés (voir Hartog). Crustacés (voir L. Joliet). Crustacés (voir Vréfzou). Crustacés décapodes (voir Yung), VIL. Crustacés divers et Poissons des dépôts siluriens (voir J. Barrande). Crustacés édriophthalmes (voir Y. De- lage), IX. Crustacés parasites inférieurs (voir C. Vogt), VI. : En En = = EN — — + | RASE LXX Cucullanus elegans (voir Bütschli), IV. Culcite (voir Perrier), VI. Cunines (voir Fessenko et Oulianine), V. Cuterebra (Note sur une larve de Dip- tère du genre), II, N. et R., im. Cyanœæa (OEufs de), (voir Harting), V, NPC. D RIx Cyclostomes (voir Simroth), IX, Cynipides (voir Adler), IX. D Dall. Rapport sur les résultats des dra- gages faits sous la direction d'Alexan- dre Agassiz dans le golfe du Mexique en 1877-1878 par le steamer Blake, commandant Sigsbée. Conclusion gé- nérale résultant d'un premier examen des Mollusques, VIII, N.etR., p. Lvr. Danielssen et Karen. Géphyriens ; expé- dition norwégienne dans le nord de l'Atlantique, IX, N.. st LD e = K S EE D = 2 2. 7 Er) Imp. Ch. Chardorn aine Phocas ve. ; EANGOUSTE, HOMARD, XANTHO, GALATHEE, TOU KR VENU \ Pa At mc + I Vol. X P “ = à Phoeas ve Znp.(h.Chardon arne AL.N. Vitxouw del - Zool, Exp ° t Génl® Vol. X. PI XXVI 2% *apsane Û ss NN N 4e : WE t 4 ft " |; 4 vi. ‘ È | ” | 770 9 r a | TAC) ré m Eco: nt a a °| LASER £ YTY 5 Val GO Re RE ù ”f 4 Le 2 ee © fnfoioll:s RE ee 7? C\.) « X nn : ji Ut EEE te te mb le EU nl IN - 1 .V. Titxou del. Imp. Ch, Chardon aine À Phocar ve L ' n s ] y er ren de OO1i, f' V7 Vi 5e CS l'OT | | R'ihete [TT (l we n 4 RE | FI : » D. _ à | J # rs = mb" ; 3 Fe Ç nn SORTE ren de « tes @— - .@ g À | æ Re + | Ce” Es? z = ae “e- * œ © © 144 LE o o j' NN à y, 7" y J Lo ë d'a ; / Ag o À 0 PONS | pue { Œ Fa 5 : :8 = \ 2 Hi | (9 o VA &; | Le) , = E | 2 o Æ 0 ==: 4 —— sr DE (es) A | | n-0f 9 )£ D æz = p ) =+-----pr [74 pal s FFE ae FE rer jésosante 80e" 529012208350 do9o J £ ji Le = | s æ = ec in =— > S mb 1S &- ® Te — æ = © =: re n 30 (o) Sos | CE @ SA > m S se œ 7 = = XL = = = | @ (y 6 Le 1© K = > = ter = K 2 4 (CS) 5) ‘) «> 2 Tr fm ME | @g RTE > 6 3 ne AC, litxoi del Imp.Chk Chardon aine MAÏTA GOIIINADN se | msn mun, 9004, EEE 0 ; ns : : 009300 Q 09 CEE +“ — = : 7 299902 LEE D DNS PRIE EE AN ES a Fo HS ee . ES PO : Fa 2) PSS KL À 0 AR PAIE EX 077 on nana ° J. Mk MEL A ET ON b m b --E ÿ Si T3 LES se a me PAT : Arch. de Zool. Exple et Genis Fr Phocas se- Împ. Ch. 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