imivïï ARCHIVES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE PARIS — TYPOGRAPHIE A. HENNUYER, RDE DARCET, ARCHIVES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE HISTOIRE NATURELLE - MORPHOLOGIE —HISTOLOGIE ÉVOLUTION DES ANIMAUX PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION DE HENRI de LACAZE-DUTHIERS MEMBRE DE L'iNSTITUT DE FRANCE (Académie des sciences) PROFESSEUR DANATOMIE COMPARÉE ET DE ZOOLOGIE A LA SORBONNE (Faculté des sciences) FONDATEUR ET DIRECTEUR DES LABORATOIRES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE DE ROSCOFF (FINISTÈRE) ET DE LA STATION MARITIME DE BANYULS-SUR-MER (PYRÉNÉES-ORIENTALES) (Laboratoire Arago) PRÉSIDENT DE LA SECTION DES SCIENCES NATURELLES (Ecole de9 hautes études) DEUXIEME SERIE TOME HUITIÈME 1890 PARIS LIBRAIRIE DE C. REINWALD & Cil 15, RUE DES SAINTS-PÈRES, 15 Tous droits réservée. NOTES ET REVUE 1 ÉTUDES SUR LES ROTATEURS (PARASITISME ET ANATOMIE DU D1SCOPUS SYNAPTM Par le docteur Cari Zelinka, Privât Docent au der Université Graz. (Studien ùber Râler (hier en. Der Raumparasitismus und die Anatomie von Discopus sypnatœ, u. g., n. sp.) Dans l'année 1868, E. Ray-Lankester trouva un Rotateur particulier muni d'une ventouse caudale qui, selon lui, devait vivre en parasite dans la cavité générale des Synaptes de la Manche. Sur son organisation, il ne put donner presque aucun renseignement. Ce Rotateur se trouve aussi dans l'Adriatique, mais non pas, comme le croyait Lankester, comme endoparasite. Il s'attache simplement au tégument cutané de la Synapte, comme un parasite superficiel libre, ne produit aucune lésion des tissus de son hôte, respecte même abso- lument leur intégrité ne demandant à celui-ci qu'un lieu de fixation qu'il est libre de changer à volonté. La fixation a lieu par la grosse ventouse de l'extré- mité postérieure du corps. L'avantage que l'animalcule retire de cette sym- biose consiste en ce qu'il prend, au moyen de son appareil rotateur, sa nour- riture dans la vase extrêmement fine que produit la Synapte en labourant le fond de la mer. Les mouvements du Rotateur sont paresseux. Sa reptation rappelle tout à fait, grâce à la ventouse, celle de la sangsue. Quand il est fixé, son extrémité antérieure est, ou irrégulièrement étendue, ou rétractée, ou se balance rytli- miquement à droite et à gauche. Très rarement, l'animal se met à nager, l'organe rotateur, entièrement étendu, après avoir fait cesser l'adhésion de son pied au point de fixation. Méthodes. — Pour l'étude de la biologie de l'animal, il faut détacher un morceau de peau de la Synapte, l'étendre sur une plaquette de liège et le placer dans l'eau de mer. Pour la conservation, il convient de traiter par le sublimé et l'acide picrochromique, puis par les alcools; pour la coloration, le carmin d'alun et l'hématoxyline d'Ezler conviennent parfaitement. Les coupes en série ont été faites dans la paraffine, collées au moyen de l'albu- mine, et montées dans la glycérine. Diagnose du genre. — Le Discopus appartient aux Philodinides aveugles; il se distingue delà Gallidina par des caractères importants. Voici les diagn Genre Discopus : aveugle, dernier et avant-dernier article du pied trans- formés en une grosse ve7ilouse} glandes visqueuses disposées en deux r ARCII. DE ZOOL. EXP. ET 6ÉN. — T. VIII. 1890. A Ht H il NOTES ET KEVUK. transversales sur les parties ventrale et latérale du corps; conduits excréteurs de ces glandes isolés dans une capsule allant au dernier article du pied. Genre Callidina : aveugle, dernier et avant-dernier article du pied non remarquablement développés et ne formant pas de ventouse, glandes visqueuses disposées en quatre séries longitudinales annexées au dernier article du pied; conduits excréteurs de ces glandes étroitement rapprochés, mais non réunis, dans une gaine commune. Voici le tableau dichotomique de Pliilodinides. PIIILODIMDEA. i Yeux sur le cou, en arrière du tentacule. Philodina. ,, ■ ,, ) f Pied court Fiotifer. Munies d yeux ! \ ' ) i eux sur la trompe.. ] Pied très long.. J f f r> • l Actinurus. \ \ Lorps maigre . . . ) iPied avec une grosse ventouse. Glandes visqueuses sur deux rangées transver- sales Discovus. Pied sans ventouse. Glandes visqueuses en quatre rangées longitudinales, atta- chées au dernier article du pied Callidina. Forme du corps. — Le corps ne peut jamais se contracter tout à fait, mais il peut se raccourcir par une contraction partielle du pied et de l'extrémité antérieure. Cela dépend des conditions de vie et de la nature du lieu qu'habite l'animal. Le corps, étendu, mesure de 0mm,149 à 0mm,248 de long, sur 0mni,048 de largeur maxima ; le rapport est 3 onzièmes ; dans l'état de demi-contraction, il devient 2 cinquièmes. La peau possède de chaque côté six replis longitudinaux; sur les parties dorsale et ventrale, elle est lisse. Le plasma de la peau est très mince et pourvu de noyaux qui sont, en général, distribués irrégulièrement. On ne peut les voir qu'après coloration. Du côté dorsal, entre les deux muscles cutanés longitu- dinaux, sont six paires de noyaux régulièrement distribués en deux séries longitudinales. Les limites des cellules ne sont pas distinctes. Musculature. — Comme chez la Callidina, on peut distinguer un système musculaire cutané et un système musculaire de la cavité générale. Dans le premier, on trouve une paire de muscles longitudinaux dorsaux et douze muscles transversaux. Leur constitution histologique est iibrillaire. Les muscles de la cavité générale forment vingt et une paires, qui se distribuent : deux à la trompe, trois au pied, les autres au corps, en formant deux groupes de direc- tion différente. Le groupe antérieur commence en avant du septième muscle transversal; le groupe postérieur, au-dessous de ce même muscle. Le premier comprend quatre paires dorsales et quatre ventrales, qui vont d'arrière en avant, et deux ventrales qui vont, au contraire, d'avant en arrière. L'insertion des muscles de ce groupe est la suivante : la paire médiane va au tentacule et lui sert de rétracteur; la paire voisine se divise en trois faisceaux qui vont à la peau de la base de la trompe à celle du segment tentaculaire et à celle du segment suivant; la troisième paire se rend au pharynx; la quatrième se divise aussi en trois chefs pour l'organe rotateur et ses prolongements protoplas- NOTES ET REVUE. ,„ miqucs. Là, commencent les muscles ventraux. Les suivant dans le même sens, on trouve d'abord une paire qui pénètre dans l'organe rotateur, et qui, sous sa voûte, s'épanouit en quatre branches; puis, viennent trois paires ventrales également bifurquées et destinées à la peau. Les deux paires de petits muscles ventraux, dirigés d'avant en arrière, servent d'antagonistes pour les mouve- ments du pharynx et pour la rétraction de l'organe rotateur. Le groupe postérieur comprend trois paires destinées au pied. C'est à lui qu'appartiennent aussi deux muscles cl or so -venir aux, qui vont obliquement de haut en bas, et un muscle pour l'intestin terminal. La ventouse a un appa- reil musculaire formé de trois paires externes, de deux paires internes, et d'un sphincter. Le pied a deux muscles propres; la trompe en possède un. Cette division des muscles de la cavité générale en deux groupes, se retrouve chez beaucoup d'autres Rotiïères : Euchlanis, Brachionus,Callidina, Nolomata, Friophlhalmus, Eosphora, Pedalion, Asplanchtia. Quelques fibres appartiennent aux deux groupes : ainsi, dans le groupe antérieur, un muscle dorsal et un ventral pour la peau, deux paires des muscles de l'organe rotateur et un moteur du pharynx; dans le postérieur, un muscle pour l'intestin postérieur et des muscles pour le pied. Les muscles cutanés et ceux de la cavité générale diffèrent dans leur con- stitution histologique; les premiers sont formés d'une seule couche de fines fibrilles. Ces fibrilles ne s'étendent pas dans toute la longueur du muscle; elles vont seulement d'un pli cutané au suivant, et divisent le muscle en nombreuses parties distinctes. Les muscles de la cavité générale sont, au contraire, con- tinus; ils se montrent soit lisses, soit striés, avec toutes les transitions entre ces deux états. Les fibres lisses ont une partie centrale granuleuse, avec un revêtement contractile, ou sont homogènes, c'est-a-dire contractiles dans toute leur masse. Plate décrit encore deux modifications des fibres striées avec partie périphérique granuleuse et un axe contractile, et des cellules musculaires stelliformes (vésicule contractile de Asplanchna). Système nerveux. — Le Discopus possède un système nerveux central et un système nerveux périphérique compliqué. L'organe central consiste en un cerveau piriforme, placé comme une selle sur le pharynx. 11 est formé d'une couche superficielle de cellules et d'une masse centrale ponctuée. Sur les coupes transversales, on constate que les cellules forment deux masses symétriques. Dans le système périphérique, il y a à distinguer deux groupes de nerfs. Les uns se dirigent en avant vers la trompe et le tentacule. Ils vont directement du cerveau au ganglion de l'organe sensitif correspondant. Les autres se portent en arrière et sont destinés aux muscles, à l'intestin, aux organes re- producteurs, au pied, etc. Ils ne partent pas directement du cerveau, mais lui sont reliés par des cellules ganglionnaires lentement rattachées à l'organe cen- tral. Ces cellules périencéphaUqucs forment de nombreux groupes autour du cerveau; elles sont attachées médiatement ou directement au cerveau par leur prolongement, et donnent origine aux nerfs. Ces derniers forment trois grosses paires : une dorsale, une latérale et une ventrale, cette dernière divisée en deux branches. La paire dorsale va à l'intestin et aux organes génitaux, où elle se termine à des cellules ganglionnaires. Les nerfs latéraux ont ceci iv NOTES ET REVUE. de particulier qu'ils s'attachent à des cellules ganglionnaires qui sont disposées l'une derrière l'autre, entre les cinquième et onzième muscles transversaux ; elles sont réunies entre elles et à d'autres organes par des prolongements. Après avoir couru sur les parties latérales du corps, ces nerfs se détournent à la partie postérieure, vers la ligne médiane, et se jettent dans un ganglion impair situé entre les glandes visqueuses. Les cellules ganglionnaires qui se trouvent sur l'intestin se mettent aussi en rapport par un prolongement avec ce ganglion pédieux impair. La plupart de ces cellules ganglionnaires sont placées directement sur les muscles et constituent un système neuro-muscu- laire. La paire nerveuse ventrale se rend d'abord à un petit ganglion formé de deux cellules annexé à l'un des muscles ventraux antérieurs, puis envoie trois rameaux en avant et un au nerf latéral. En arrière, elle envoie deux rameaux, dont un est moteur et dessert les trois muscles ventraux postérieurs, pour se perdre ensuite dans un ganglion pédieux latéral, tandis que l'autre se rend au ganglion pédieux médian. Outre ces cellules ganglionnaires, on trouve encore trois ganglions impairs : un, moteur, au bord postérieur du cerveau ; un, unicel- lulaire, à la partie inférieure du pharynx, avec six prolongements pour la trompe, pour un muscle et pour un ganglion sons-œsophagien multicellulaire, placé sous l'œsophage, derrière le pharynx. Les nerfs dorsaux, latéraux et ventraux, forment un système rayonnant de nerfs longitudinaux. Le système nerveux du Discopus est plus primitif que celui de la Callidina, qui en dérive par la réunion des faisceaux nerveux et des cellules ganglion- naires. Aussi, celui de la Callidina paraît-il moins compliqué et plus éloigné de l'état primitif du système neuro-musculaire. La Callidina montre cependant les mêmes nerfs ventraux et latéraux que le Discopus. Chez les Brachionus, Hydalina, Notomata clavulata et Diglena, on trouve des cellules ganglion- naires comme chez le Discopus. Les cellules périencéphaliques paraissent se continuer dans les cordons cellulaires latéraux, conformément à ce que Yejdovsky a décrit chez la Nais elinguis. Le cerveau de la Callidina manque de cellules périencéphaliques, et, comme il est plus gros, on peut penser que ces cellules sont confondues avec l'organe central. La terminaison des nerfs dans les muscles a lieu par un mélange direct du plasma nerveux avec celui du muscle. Le nerf se jette dans une masse plasmatique grenue triangulaire appartenant au muscle, tout à fait de la même manière que chez les Cténo- phores. Il n'y a pas de cônes de Doyère ; on n'en a trouvé, d'ailleurs, chez aucun Rotateur. Organes des sens. — L'extrémité antérieure du corps, la trompe, est divisée en deux articles et son extrémité terminale est recouverte de cils très actifs. Cette extrémité possède des cellules sensitives et des éléments de sou- tien. Ces derniers sont en relation avec le plasma de l'organe rotateur et avec un cordon plasmatique qui vient du tube buccal. Les cellules sensitives sont disposées en deux groupes symétriques et unies à deux ganglions latéraux pluricellulaires, qui se rattachent au cerveau par trois paires de nerfs. En outre, il y a une masse ganglionnaire médiane qui s'adosse à la plus élevée de ces paires de nerfs, et s'unit aussi bien à la trompe qu'à la peau de la face NOTES ET REVUE. v dorsale de cet organe. La trompe ànDiscopus a une organisation moins parfaite que celle de la Callidina, chez laquelle tous les ganglions sont unis en une masse unique impaire. Chez toutes les Philodinides, la trompe sert à ramper. Le tentacule est un tube à deux anneaux, muni à l'extrémité terminale de quelques soies courtes et raides. Du cerveau part une nerf aplati destiné au tentacule et muni d'un ganglion tentaculaire pluricellulaire. A la base du tentacule se trouvent, vers la partie antérieure, deux cellules de chacune desquelles part une fibre nerveuse pour la partie médiane du ganglion probos- cidien, tout comme chez la Callidina. Une autre paire de cellules correspond au gros sphincter, placé en avant du tentacule, et se termine par un angle effilé dans le tentacule. Ce sont aussi des cellules ganglionnaires étendues directe- ment entre le muscle et l'organe sensoriel. Du tentacule, part enfin une paire de fibres, du côté de la face ventrale. Chez la Callidina, le cordon dorsal est, en outre, fixé au ganglion. Comme chez beaucoup de Rotateurs il y a deux tentacules dorsaux, tandis que, chez d'autres, il n'existe qu'un tentacule simple ou bifurqué, mais muni de deux nerfs, il est à croire que le tentacule unique, avec un seul nerf, représente la réunion de deux tentacules symétriques. L'organe rotateur est presque identique à celui de la Callidina, h cette différence près, que le prolongement n'est pas formé d'un seul lobe, mais consiste en plusieurs lobes dont la structure est syncytiale. Il est enveloppé d'une membrane rattachée par deux faisceaux à la partie dorsale. Tube digestif. — Entre les intestins moyen et terminal existe un sphincter. L'intestin terminal est, comme chez la Callidina, divisé en deux parties : un renflement vésiculeux et le rectum. Les intestins moyen et terminal ne sont pas vibratiles. Système excréteur. — Il n'y a pas de vésicule contractile. Les deux canaux se portent vers la paroi latérale du corps, puis vers le pharynx, au niveau du- quel se trouvent quatre entonnoirs vibratiles. Ils sont innervés par les cellules ganglionnaires du huitième muscle transversal, conformément à ce qui existe chez la Callidina. L'opinion de Gosse que les glandes digestives appartiennent au système aquifère, et que cela forme un appareil respiratoire est inexacte. Organes génitaux. — L'auteur n'a trouvé que des femelles. Les ovaires sont pairs, les vitellogènes contiennent quatre noyaux comme chez beaucoup d'autres Rotateurs. Pied. — Le deuxième article du pied est transformé en ventouse, le troisième en une sorte de piston. L'appareil des glandes visqueuses consiste en deux séries transversales de cellules grenues dont chacune émet un canalicule excréteur, lequel pénètre dans une capsule qui cache le piston. Ces canalicules courent, en subissant diverses modifications, jusqu'à l'extrémité des pistons, où ils s'ouvrent. Remarques générales. - La trompe correspond à cette partie de la tro- chosphère qui contient les organes des sens et qui formera le ganglion cépha- lique. L'organe rotateur des Philodinides doit être rapporté aux couronnes ciliaires de la trochosphère, mais il correspond seulement en partie à ces vi NOTES ET REVUE. couronnes. Là, se trouve dans le mémoire, une critique approfondie des vues théoriques de Tessiu, sur la parenté des Rotateurs avec la trochosphère, et des opinions de Reinhardt, sur la position tU^ Echinodères. Les Echinodères ne sont pas, comme le voudrait Reinhardt, proches parents des Archianné- liilcs. Toutes les raisons que fait valoir Reinhardt. contre leur parenté avec les Uotateurs sont réfutées, en sorte que les Echinodères doivent être laissés à la place qu'ils occupent actuellement dans la classification. II LA MISSION DE M. FRANÇOIS, Docteur es sciences naturelles, maître de conférences de zoologie dans les facultés des sciences. CORRESPONDANCE DE M. FRANÇOIS. Sixième lettre. Nouméa, 20 juin 1889. Mon cher Maître, Mes dernières lettres vous arriveront quand vous serez sur le point de partir ou déjà parti en vacances. Les vôtres me parviennent toujours régulièrement et me font le plus grand plaisir. Je vais vous parler de mon installation et de mes occupations. Comme je vous le disais dans ma dernière lettre, grâce à l'ohligeance du directeur de l'artillerie, j'ai une installation des plus confortables et extrê- mement pratique, sauf en ce que je n'habite pas à mon laboratoire. Mais c'est ce qui m'est arrivé continuellement en France, sauf à Roscoff; c'est aussi ce que font vos élèves à Banyuls, et j'ai le même trajet à faire. Du reste, l'existence est exactement la même ici pour moi que dans votre station méditerranéenne, et avec un peu moins de cocotiers et de coraux, quelques camarades zoologisant en plus, je pourrais me croire encore à Fontaulé. Pour que vous en jugiez, je vous envoie deux petits croquis, qui, mieux qu'une description, vous serviront à voir ce que devient votre élève et quelles sont ses occupations. L'un est la rade de Nouméa et ses environs. Le résultat de mes explorations est marqué à l'encre rouge, et vous voyez que je suis entouré d'un nombre respectable de bancs de coraux qui sont sous ma main à chaque marée. Je n'ai qu'à me baisser pour en prendre. Malheureusement ceux de l'île Non me sont interdits. On ne peut pas débar- quer dans ce quartier général de MM. les forçats ; une dépêche de France vient encore de donner des ordres plus sévères à cet égard. Mais il m'en reste quand même assez pour ne jamais manquer de matériaux. NOTES ET REVUE. vu Vous savez que la Calédonic est entourée d'une barrière de récifs et vous vous disiez sans doute que c'était là que j'étais en train de travailler. Mais ce diable de récif est en face de Nouméa, à ti milles marins (plus de 23 kilo- mètres), et on a les vents contraires pour revenir; ce sont de vrais voyages, que ne supporteraient pas des animaux aussi délicats que les coraux. Heureu- sement qu'entre le récif et la côte, il y a des séries de bancs et îlots coralliens, dont chacun suffirait à faire le bonheur d'une génération de zoologistes. L'îlot aux Canards est en ce moment mon champ d'exploration; à 2 milles plus au large, un autre, plus considérable, est entouré d'un plateau raadré- porique de 1 kilomètre. Je n'irai au grand récif que pour faire des excursions comparatives et placer des marques; pour cela je m'installerai une semaine au phare, avec les pilotes, et je choisirai une période de grandes marées et de temps calme. Je vous envoie un petit plan de mon laboratoire. J'aurais voulu vous en envoyer des photographies, mais toutes les plaques que j'ai apportées de France sont avariées, et j'ai perdu de cette façon tous les clichés que j'avais faits en Australie et aux Nouvelles-Hébrides. J'avais, dans ces îles, pris une collection de types et de villages canaques unique, ayant une grande valeur pour moi si je publie un jour, comme j'en ai l'intention, quelque chose sur cet archipel, dépendance naturelle de notre colonie. Aussi ai-je été navré. Depuis la dernière lettre que je vous ai écrite, j'ai complété mon installation, mis en train la fabrication d'aquaria, dragues, fauberts; fait le menuisier, cimentier, vitrier, ferblantier-zingueur, tout, en uu mot, ce qui concerne l'état du zoologiste voyageur, et le temps passe avec une rapidité vertigi- neuse, sans qu'on voie le résultat arriver. Je vais chercher des coraux à mer basse. Il faut chercher avec soin les échantillons, petits, bien vivants, fixés sur un substratum transportable ou faciles à détacher sans avaries; les emballer dans des algues (que l'on ne trouve pas toujours sur les récifs), puis, une fois arrivé au laboratoire, mettre tout ce personnel dans les cuvettes et constater avec effroi que les Madrépores ont leurs pointes plus ou moins éraillées, changer et renouveler l'eau, etc. A peine me reste-t-il le temps de prendre quelques notes et croquis. Je suis obligé de faire tout moi-même, car les braves artilleurs qui sont à ma disposition sont, pour cause de service, renouvelés tous les matins et manquent de la délicatesse de doigts nécessaire pour manier les coraux. Je suis en ce moment à la recherche d'un Canaque, que je dresserai à faire un préparateur; l'éducation une fois faite, celam'aidera beaucoup et me permettra de me mettre à dessiner un type de chaque genre bien vivant et épanoui, ce qui n'existe nulle part, et qui permettrait de faire des planches admirables. J'hésite entre deux choses : ou un Canaque pris à la mission, déjà bien dis- posé, instruit et quelque peu vicié; ou un enfant tout à fait nature, que j'irai acheter dans son village, aux Hébrides. Mes coraux vivent assez bien en cuvette; il n'y a que les Madrépores qui soient rétifs. Je n'en ai qu'une branche qui ait résisté; les autres sont vigou- reux et réparent leurs cassures, mais persoune ne poud. VI„ NOTES ET REVUE. Les Madrépore» sont d'une beauté ('tonnante, et le dimorpliisme des polypes et l'asymétrie de ceux-ci sont bien intéressants. J'ai de superbes Fongies vivantes ! J'ai lu un peu partout que, sur leur disque, les tentacules étaient disposés sans ordre ; c'est faux. Si vous prenez une Fongic qui ne soit ni complètement rétractée naturellement, ni complètement épanouie, mais dans une situation intermédiaire, vous voyez que sur chaque cloison et à l'extré- mité interne de celle-ci s'élève un tentacule ; les plus grands superposés aux plus grandes cloisons sont les plus rapprochés de la bouche, et sur les indi- vidus et les espèces bien régulières de forme, on peut les voir rangés en cercles concentriques de taille décroissante, de la bouche à la périphérie. Ce qui me gêne un peu, c'est de ne pas pouvoir déterminer tout ce que je trouve, parmi les perforés surtout, qui sont les plus nombreux ici. 11 y a, je suis sûr, beaucoup de genres à créer. Vous me dites de faire un journal. J'en fais deux. Depuis mon départ de Marseille, j'ai noté jour par jour ce que j'ai fait et vu, et j'ai ainsi un gros volume de voyage, dans lequel je pourrai puiser au retour des narrations pittoresques. De plus, depuis ma fixation à Nouméa, je fais un journal spécial des excursions zoologiques, avec description des récifs, etc. Dans ma prochaine lettre, je vous décrirai l'îlot aux Canards. 11 y a de si jolies choses ! Mais il faudrait être trois ou quatre pour mettre cela en œuvre. Je suis toujours privé d'alcool et d'une partie de mon matériel verrerie ; tout cela est parti de Bordeaux par un voilier, il y a plusieurs mois. Je crains ce silence : ou le bateau a fait naufrage, ou bien tout est à Tahiti ! Mon bobo à la main est complètement guéri, mais que c'est dangereux de se promener dans les prairies de Madrépores qui s'effondrent sous les pas, sans compter que l'on y rencontre à chaque instant des serpents (Hydrophis platyurus), qui n'ont pas l'idée de mordre heureusement, mais dont la mor- sure est mortelle ; et ça produit un certain froid lorsqu'on sait cela et qu'on a les jambes nues. Vous me prêchez l'embryologie. Je ne demande pas mieux; mais mes bêtes ne pondent pas en ce moment. Je n'ai eu que des pontes d'Annélides et de Gastéropodes, semblables à celles de France. Je vous ramasse des Mollusques. J'ai en bocal Spondyle, Marteau, Peme, quelques grosses Chames. Mais c'est terrible à extraire, tous ces gens-là. Je vous aurai, comme gros Gastéropodes : Strombes, Turbo, Trochus, Ptero- cère. Je n'ai encore pu mettre la main que sur de toutes petites Tridacnes. Elles sont fixées par un faisceau de fibres blanches et souples qui ne ressem- blent pas à un byssus, il est vrai, et que je ne saurais mieux comparer qu'à des fibres musculaires dissociées. Est-ce un produit de la glande à byssus? Je ferai des coupes pour me rendre compte. Je vous ai envoyé une liste de Mollusques des Hébrides ; il n'en faut pas conclure qu'on peut se procurer facilement tous ces types. Il y en a beau- coup dont on n'a que la coquille par l'intermédiaire des indigènes. Le Nautile est dans ce cas ; je pourrais en avoir dans l'alcool, mais je ne suis pas certain de pouvoir m'en procurer vivant. NOTES ET REVU! ix L'huître perlièrc est dans co cas, pour Nouméa du moins ; mais je ramasse tout ce que je peux; seulement je mettrai du temps à vous fournir tout ce que vous me demandez. Je ferai au mieux. Je bavarde comme toujours, à bâtons rompus. J'ai reçu dos lettres des camarades du laboratoire; il en est de paresseux. Et dire que j'ai cependant la constance de mettre en bouteille pour eux ce qui me tombe sous la main. Au prochain courrier, mon cher maître. Votre, etc. Pb. François. P. S. Jugez si je suis plein d'ardeur en ce moment: j'ai refusé avant-hier de partir pour une bien belle excursion. Un ingénieur de la Société du nickel de Galédonie, qui partait avec un bateau à lui pour faire de la géologie aux Hébrides, voulait m'emmener. De là, j'avais une occasion peut-être unique pour aller faire une excursion aux îles Salomon, et où se trouvent des indi- gènes féroces et très intéressants, qui ont les plus belles armes, arcs, flèches, casse-tête, qu'on puisse se procurer dans le Pacifique. J'ai refusé tout cela pour le moment, afin de rester tout à mes petites bêtes jusqu'à ce que j'aie des résultats. Septième lettre. Nouméa, le 30 juin 1889. J'arrive, mon cher maître, d'une excursion sur des petites îles de coraux, et je suis encore dans l'enchantement. Je vais tacher de vous conter ce que j'ai vu. Entre le grand récif barrière qui entoure la Nouvelle-Calédonie et la côte, se trouve une large lagune (14 milles devant Nouméa) dont la profondeur n'excède jamais 35 à 45 mètres, parsemée de bancs et îlots coralliens; deux d'entre eux : l'îlot aux Canards, à 1 mille, et l'îlot Maître, à une distance à peu près double, sont, avec les récifs frangeants de la côte, mes champs ordi- naires de recherche et d'observation. Le premier est porté sur le croquis que je vous ai envoyé par l'un des der- niers courriers ; le second, beaucoup plus intéressant parce qu'à marée basse il laisse à découvert plusieurs kilomètres de récif, se trouve plus au large. Mais la structure de l'un et de l'autre est la même. Je ne vous parierai que de ma première exploration à l'îlot Maître. La marée étant basse à 4 heures ce jour-là,'je pars à 2 heures en baleinière, avec six artilleurs et un Canaque des Loyalty, domestique d'un capitaine, et dont le rôle est particulièrement de ramasser des coquillages ; il répond au nom de Kateï. 11 y a un peu de brise, mais très peu, et, avec toute notre voilure, nous n'avançons que très lentement sur une mer unie comme un miroir ; nous dou- blons la pointe de l'Artillerie tout ébréchée par une carrière, où une escouade de forçats extraient un calcaire très dur, sorte de pierre lithographique, qui sert à la construction et à la fabrication de la chaux, et nous sortons de la rade x NOTES ET REVUE. par la fausse passe, entre l'îlot Brun ou île aux Lapins et la pointe Chalcix. Cette passe est barrée par un seuil de polypiers et de sable, sur lequel il n'y a que lm,riO d'eau. Sans le courant, qui balaie la passe ù chaque marée, je crois que cette entrée serait bientôt fermée, même aux plus petites embarcations. Sur le sable du fond, on voit éparpillés de gros bouquets de Madrépores, Pocil- Iopores, Turbinaria, gris, roses, verts; d'énormes Holothuries e tetoiles de mer (Pentaceros, de Culcite) se promènent sur le sable. Il est facile, avec une gaffe un peu longue, d'en accrocher des échantillons; mais nous n'avons pas le temps aujourd'hui . Nous continuons à avancer lentement. Autour de nous, à la surface, je regarde s'il y a de la Pélagique; mais rien. Il y a quelques mois, nous avions la mer couverte de Méduses, auxquelles donnaient la chasse des bandes de Carangues; maintenant, plus rien, c'est l'hiver avec ses rigueurs, -f- 25 degrés centigrades. Je n'aperçois qu'un serpent de mer (rien de celui du Constitutionnel), un grand Platyurus de 4m,50à2 mètres de long, à anneaux alternativement d'un noir intense et bleu pâle, qui nage gracieusement la tête hors de l'eau à la façon des couleuvres. Ces serpents, très communs ici avec les Hydrophis qui sont plus rares, quoique armés de crochets à venin, ne cherchent pas à mordre, et on peut les manier impunément; il n'y a pas d'exemple qu'un Platyurus ait mordu une personne, et c'est fort heureux, car, sur certains récifs et certains îlots, on en rencontre une quantité prodigieuse. Il n'en est pas de même pour l'Hydrophis. A mon arrivée à Nouméa, on parlait beaucoup d'un forçat qui, ayant pris à la main un de ces derniers, avait été mordu et mourait quelques heures après. La peau de l'animal est encore à l'hôpital (c'est du serpent que je parle). Un peu plus loin, j'aperçois une tortue de mer; je gouverne dessus, mais elle plonge en entendant le clapotis de l'embarcation ; elle n'était pas assez profondément endormie. Mais nous approchons de notre but. Je fais amener les voiles, démâter et armer les avirons; c'est plus commode pour accoster, et nous abordons bien- tôt sur une belle plage de sable blanc (sable, calcaire formé de débris de coraux), après avoir passé entre de gros pâtés de polypiers affleurant à marée basse, découpés à pic et séparés par des fonds de sable de 6 à 8 mètres déter- minant un petit chenal tortueux. L'îlot est constitué par du sable rassemblé par la mer et le vent, élevé de quelques pieds au centre, et sur lequel un peu de végétation, des Casuarinas surtout, se développe. Nous avons abordé l'île par le nord-est, et le récif s'étend vers le sud; il commence à découvrir; nous avons encore devant nous une heure de descente de marée et ensuite une heure de remontée, pendant lesquelles nous pourrons chercher. Les marées sont, dans le Pacifique, malheureusement très faibles ; à Nouméa, les plus fortes atteignent lm,20 ou lm,30. Elles suivent du reste des variations régulières, comme dans l'Atlantique, et changent naturellement d'heure tous les jours. NOTES ET REVUE. xi A Tahiti, par un phénomène hizarre et dont je ne vois pas d'explication satisfaisante, les marées, beaucoup plus faibles (30 à 40 centimètres), ont lieu tous les jours à la même heure, dit-on, vers midi. Mais revenons à notre excursion. Je me dirige immédiatement vers le sud, pour atteindre le bord du récif, dans la région où il est battu par les vents dominants; c'est là que la production corallienne est le plus abondante. Nous traversons une région de sable parsemée de petites touffes deCoraux, de Pocillopores d'un rouge vineux et de Madrépores en bouquets variant du gris terne au vert le plus brillant. Au delà de cette grève, nous voici sur le récif même, sur le plateau, dans ce que j'appellerai la « région morte ancienne». C'est là le plus vaste champ et le plus facile pour la recherche; car, sur ce plateau irrégulier, parsemé de gros blocs de polypiers et de vieilles coquilles de Tridacnes énormes, sous les- quels se réfugient Mollusques, Crustacés, Annélides, etc., et entrecoupé de flaques d'eau plus ou moins considérables dans lesquelles vivent de nom- breuses espèces de Coralliaires, on peut faire en peu de temps une récolte abondante. Autour de nous fuient des nuées de Crabes et de Bernard-l'her- mite; il y en a sous tous les cailloux, dans toutes les coquilles, dans tous les trous, de toute taille, de toute forme, de toute couleur. Des Crabes, il y en a par- tout, sur terre, dans les arbres, dans l'eau douce ou la mer. C'est le pays du Crabe. Mais les Holothuries leur disputent la place; dans toutes les flaques d'eau, elles s'étalent, grosses comme le bras, longues parfois de 1 mètre. Il y a là les quatre espèces, ou plutôt genres, qui donnent les différentes qualités de trépang. Que ne suis-je Chinois! je me régalerais. La plus grande, la plus commune et la moins estimée est une grande Holothurie, semblable à notre Holothuria Poli, probablement la même ; on la rencontre partout, plongeant ses courts tentacules dans le sable ou la vase et les retirant successivement ; elle a l'air d'un gros ruminant en train de brouter. Mais quel est ce bruit de castagnettes ? Nous sommes pourtant bien loin de Séville et Malaga ! Et, en effet, ce ne sont point de brunes Andalouses, mais de bien vulgaires et peu poétiques Acéphales qui nous régalent de cette mu- sique : les Chaînes et Spondyles, qui vivent en foule fixés sur le plateau. Ils sont à sec depuis pas mal de temps, les pauvres diables, et à, force d'être fermés, ils doivent avoir des courbatures dans leurs muscles, qui petit à petit se détendent et, sous l'influence de leur ligament énergique, la coquille s'en- tr'ouvre ; mais l'air produit une impression désagréable sur les tissus délicats et on se ferme brusquement. «Clac» font les Spondyles; « clic » répondent les Chames ; et ce clic clac forme un roulement continu sur le plateau, d'au- tant plus bruyant que le soleil est plus vif. Je retourne un gros débris de Tridacne, qui pèse bien 2o kilogrammes : deux superbes Porcelaines tigrées, grosses comme le poing, étaient cachées dessous, en compagnie d'une énorme Annélide toute hérissée de soies bril- lantes. Je me dépêche de mettre la main dessus... mais « aïe! » ça pique, et j'ai le bout des doigts aussi joliment hérissé maintenant que l'était PAnné- lide tout à l'heure; le résultat est exactement le même que si j'avais pris à poignée une raquette de Nopal. Je me venge en plongeant mon ennemie dans xu NOTES ET REVUE. un bocal. C'esl l'ami Pruvot qui en bénéficiera. J'entre dans une flaque d'eau jusqu'à mi-corps; là, de tous côtés, des Coraux acérés qui ne demandent qu'à vous écorcher les jambes si vous vous frôlez contre, tandis que, sur lo plateau, de bonnes et honnêtes grosses boules d'Astrécs ou Méandrines com- plètement à sec montrent à perle de vue leurs têtes arrondies, qui se trans- forment en galettes épaisses lorsque, ce qui arrive souvent, le sommet mou- rant d'un coup de soleil, un jour de grande marée, la croissance n'est plus active que dans la région équatorialc. Je recueille des Alcyonnaires plumeux extrêmement gracieux, de nombreux petits échantillons de Coraux : Madrépores, Pocillopores, Montipores, Porites astrœides, Lcphoseris, etc., quelques petites Fongies, et tout au fond, sur ou dans le sable, des quantités d'Oursins plats (Clypeastres?), des Mollusques, Strombes, Pterocères, Arches, etc. 11 faut maintenant emballer toutes ces ri- chesses dans mes seaux de pompier; il faudrait quelques algues, et ça manque d'une façon presque absolue dans ce corail. Cependant voicilà,tout au fond, une belle touffe de 1 pied de diamètre et de haut, à rameaux lins et délicats, qui pourra faire mon affaire, Je l'empoigne et... tiens, c'est moi qui suis pris. Ce que j'ai cru être une touffe d'algues n'est autre chose que le panache d'une énorme Actinie à tentacules ramifiés, enfoncée dans le sable ; ces milliers de petits bras se sont refermés sur ma main et y adhèrent assez fortement. Un léger effort suffit toutefois à me dégager ; un certain nombre de tentacules restent même fixés à mes doigts; mais il suffit de frotter un peu pour s'en débarrasser. C'est égal, dorénavant je me défierai de tout ce qui a une appa- rence végétale et je n'y porterai la main qu'après examen attentif. Mais qu'est-ce qui se passe encore? Je suis entouré d'un nuage de pourpre qui obscurcit l'eau. Je n'ai pourtant pas vu la moindre Aplysie dans les environs? Ce n'est pas une Aplysie, en effet, mais quelque chose de très voisin : des Dolabelles, sur lesquelles je viens de marcher. Elles vivent tapies sous les pierres ou dans le sable dont elles ont la couleur, ne laissant dépasser que leur clos où les bords du manteau ménagent deux orifices pour la respiration. Arrivons enfin au bord du plateau et du récif. Nous voici dans la région de grande activité, ce que j'appellerai la prairie de Madrépores ; deux ou trois es- pèces la constituent: grises, vertes et surtout noirâtres à branches assez fines, verticales, aussi nombreuses que les brins d'herbe dans un pré, et ces Madré- pores sont les seuls Coralliaires de cette région; mais entre leurs branches grouillent les éternels Crabes et parfois des Serpents de mer, rencontre peu agréable. Je traverse rapidement; à chaque pas on enfonce dans cette prairie peu résistante, qui s'écrase en craquant sous les pieds et recouvre parfois des trous dans lesquels on peut s'enfoncer jusqu'à mi-jambe, au milieu de débris acérés ou coupants qui font de mauvaises blessures. Ces Madrépores vivent tellement serrés les uns contre les autres que la partie terminale seule des branches est vivante et s'accroît verticalement ; le reste du polypier est encroûté d'algues calcaires; les anfractuosités se garnis- sent de débris, soit de Coraux mêmes, soit de Mollusques et Crustacés, et l'ensemble atteint rapidement le niveau des marées moyennes où cesse la vie NOTES ET REVUE. xni corallienne. Dans cette région, je vais disposer des champs d'expérience, qui me donneront, je crois, des résultats intéressants. La prairie traversée, nous avons une sorte de remblai formé de branches mortes de Madrépores rejetées par la lame, qui les accumule en se brisant. Entre ces branches s'enfoncent, à mon approche, d'énormes Annélides grosses comme le doigt et longues de près de 2 pieds, qui mangeaient tranquillement au sec. Elles ont des mouvements si rapides, que je ne puis eu attraper une seule. De l'autre côté du remblai, c'est enfin le bord du récif à pic, parfois sur- plombant avec des anfractuosités plus ou moins irrégulières des pointes en forme de cap entre lesquelles la lame s'engouffre et vient briser en écumant, pour retomber en cascade sur d'énormes corbeilles de Madrépores fixées par un pédoncule et formant des coupes de 1 mètre de diamètre parfois, et un autre Madrépore à grandes branches, d'un vert superbe. Ce sont ces Madré- pores qui constituent le gros de l'armée des Coralliaires ; mais, avec eux, tous les autres genres du récif sont représentés par des espèces plus fortes, plus brillantes que sur le plateau. Là aussi se trouvent les plus beaux échantillons des Tridacnes, enfonces dans leurs blocs de calcaire corallien, laissant voir entre leurs valves bâillantes le rebord festonné de leur manteau, qui revêt toutes les combinaisons de cou- leurs les plus brillantes. Sur un bloc, vous pouvez voir cinq ou six de ces magnifiques Acéphales, et bien rarement deux sont de la même couleur, l'un bleu, l'autre vert, un troisième rouge sang, un dernier noir piqueté de points d'or, tous ornés de petits dessins, arabesques, zébrures, de teintes toujours harmonieuses et d'un brillant absolument éblouissant. Le Tridacne est certainement un des animaux les plus merveilleux de cou- leur du récif. Il n'y a à lui disputer la palme de la splendeur que l'essaim des petits poissons qui papillonnent autour des branches des Coraux. L'un, que l'on rencontre très fréquemment, est d'un bleu métallique tellement intense que l'on a mal aux yeux à le fixer ; d'autres ont des formes baroques, des dessins bizarres. Ce ne sont plus des animaux, mais des chinoiseries fabri- quées à plaisir. Mais voici dans un trou quelque chose de rouge : c'est un Oursin à gros piquants, un Acrocladia, hérissé de baguettes grosses comme le doigt. L'ex- traire de sa logette n'est pas chose facile, il est cramponné pur ses ambu- lacres, arc-bouté solidement par ses bâtonnets ; il faut, pendant un quart d'heure, jouer d'un gros marteau qui ne me quitte jamais sur le récif, pour arriver à l'extraire. C'est un superbe échantillon ; mais, à peine hors de l'eau, il commence à se ternir et à perdre sa belle couleur rouge. Pour lui, comme pour tous les habitants du récif, il est impossible de fixer ces splendides colo- rations aussi fugaces que brillantes. Je trouve plusieurs genres d'Oursins à la côte, entre les pierres; un surtout, le plus commun de tous, est remarquable par la longueur de ses piquants,qui atteignent parfois 30 centimètres de longueur; fins et souples avec cela, bar- belés et cassants, on s'en enfonce avec la plus grande facilité des morceaux dans les pieds ou les mains. Avec eux, sous les pierres,je rencontre en abon- xiv NOTES ET HEVUE. dance de splendides Comatules et d'immenses Ophiures bigarrées de vert, gris et noir, dont le disque atteint la taille d'une pièce de 5 francs. Mais revenons à notre récif. J'entre dans une grande flaque d'eau d'une dizaine de mètres de longueur. Là, plusieurs gros poissons tournent désespé- rément sans trouver d'issue. Avec eux circule une Murène; mais celle-ci ne se sauve pas, elle me lixe et semble décidée à défendre son domaine. Je bats prudemment en retraite, non sans avoir ramassé un splendide Nudibranche, un Hexabranche, sorte de grosse Doris de 20 centimètres de longueur, rouge sang sur le dos, à bords du manteau violacés très développés, qui servent à l'animal à nager en ondulant gracieusement dans l'eau. Ce mode de progres- sion est adopté aussi par de grosses Planaires, que je rencontre ça et là fuyant dans l'eau comme des papillons à l'allure un peu lourde. Mais il commence à se faire tard ; voici pas mal de temps que la mer re- monte, nous n'arriverons pas à Nouméa avant la nuit. On regagne; le plus vite possible la baleinière pliant sous le poids de la récolte. Chemin faisant, je ra- masse sur le plateau encore quelques Mollusques, des Pterocères, d'énormes Trocbus (T. niloticus), une sorte d'Oncidie (Peronia). On embarque avec soin le produit de la pêche qui, malgré cela, n'arrivera pas tout en bon état; ces Coralliaires sont d'une délicatesse qui fait mon désespoir. La brise est tombée, il faut rentrer à l'aviron. 11 fait nuit noire quand je suis de retour. Voilà, mon cher maître, un après-midi de votre élève péchant le corail par 22 degrés de latitude australe. III MANUEL D'ANATOMIE COMPARÉE DES VERTÉBRÉS, Par M. Wiedersheim. (Traduction par M. Moquiu-Tandon.) Le Manuel d'analomie comparée des Vertébrés, de M. Wiedersheim, vient d'être traduit en français. C'est une bonne fortune, non seulement pour nos étudiants, mais aussi pour ceux des pays voisins qui lisent moins facilement l'allemand que le français. Nous possédions jusqu'ici, pour ne parler que des ouvrages consultés cou- ramment par les élèves, trois traités importants d'anatomie comparée, le Manuel de Siebold et Stannius, celui de M. Gegenbaur et les Leçons de M. Milne Edwards. Le premier de ces ouvrages, excellent sous bien des rapports, est un peu ancien, et, à chaque instant, les étudiants pouvaient se demander si les faits avancés n'avaient pas été modifiés par des travaux plus récents. Le traité de M. Gegenbaur, si intéressant pour les personnes déjà versées dans l'anatomie, est d'une lecture pénible pour les étudiants qui demandent NOTES ET REVUE. xv des faits précis, clairement exposés, avant d'aborder les considérations gén4- rales élevées qu'ils ne sont pas encore à même de saisir toujours bien com- plètement. Les Leçons de pbysiologie et d'anatomie comparée de M. Milno Edwards se distinguent, au contraire, par une clarté admirable et une lecture facile', attrayante même. Les idées développées dans le gros texte, avec tant d'art et dans un style si parfait, les innombrables renseignements accumulés dans le petit texte, la bibliographie très complète, en font un monument scientifique si remarquable, que, de longtemps, il sera difficile de faire mieux. Aussi, un traité nouveau d'anatomie comparée ne pouvait rendre de réels services qu'en changeant de point de vue. L'idée dominante dans l'ouvrage de M. Milne Edwards est la subordination de l'organe à la fonction combinée avec le perfectionnement graduel par la division du travail. Co point de vue, un peu métaphysique, bien qu'il contienne une part de vérité, n'est plus à la mode aujourd'hui. Les préoccupations des naturalistes ont changé d'objet et l'on s'efforce maintenant, avec raison, de fonder une science morphologique positive, fondée principalement sur l'embryogénie. Le manuel de M. Wiedersheim est fait dans cet esprit. Il ne contient pas seulement un exposé très au courant et fort bien fait de la structure des organes ; il rappelle leur origine embryogénique, trace une sorte de schéma de leur structure fondamentale chez les types inférieurs et dans les stades peu avancées du développement ; il expose, s'il y a lieu, les diverses théories émises à leur sujet ; en un mot, il ne se contente pas de décrire, il fait com- prendre. La traduction est de M. Moquin-Tandon, c'est dire qu'elle est excellente. Cependant, il semble qu'une critique doit être adressée, non pas à l'ou- vrage, mais à la préférence qui a été donnée pour cette traduction au manuel sur le traité. Pourquoi avoir traduit et publié le manuel, c'est-à-dire l'abrégé, au lieu du traité complet qui, contenant un nombre double de pages et de figures, est naturellement beaucoup plus complet? Ce choix peut être très judicieux sous un certain rapport, et ne se justifie guère au point do vue scientifique. Espérons que, dans un avenir prochain, l'éditeur publiera aussi la traduction du traité complet, à laquelle le publie fera certainement le meilleur accueil. IV SUR LA STRUCTURE INTIME DU NOYAU DU LOXOPHYLLILU MELEAGIUS, Par Balbiani. (In Zool. Ans., n°s 329 et 330, 1890.) La question de savoir si le noyau des ciliés est ou non homologue des noyaux des cellules des métazoaires était encore indécise et tranchée de ditléroiitcs xvi NOTES ET REVUE. manières par les divers auteurs. Les adversaires de cette homologie objec- taienl la différence fondamentale de structure entre les deux noyaux, et sur- tout le fait (jue l'on n'avait pas retrouvé, dans le noyau des infusoires,les cor- dons nucléaires caractéristiques des noyaux des cellules ordinaires. M. Balbiani a fait, du noyau de Loxophylluin meleagris, une étude fort intéressante de laquelle il résulte que les cordons en question se retrouvent chez cet infu- soire très nettement et avec des caractères qui ne permettent pas de mettre en doute l'homologie de ce noyau avec celui des cellules des métazoaires. Voici d'ailleurs comment il résume lui-même ses observations : 1° Le noyau du Loxophyllutn meleagris est formé d'un nombre variable d'articles ou segments (jusqu'à vingt et plus), reliés les uns aux autres par la membrane d'enveloppe, mais entièrement distincts quant au contenu; 2° Le contenu de chaque article est constitué par un ou plusieurs cordons nucléaires formant des circonvolutions plus ou moins nombreuses, et par une substance intermédiaire ou suc nucléaire très riche en granulations ; 3° En présence de la question encore discutée de savoir si le noyau cellu- laire, envisagé d'une manière générale, renferme, à l'état de repos, un fila- ment chromatique unique ou plusieurs filaments libres et distincts, la disposition ci-dessus indiquée du noyau du Loxophyllum meleagris prouve que, dans certains cas au moins, cette dernière condition est réalisée; 4° Les cordons nucléaires présentent une striation transversale1 très fine, analogue à celle que l'on observe dans les noyaux des cellules de la larve de Chironomus, striation probablement due, comme dans les derniers noyaux, à des disques de chromatine alternant avec des couches de substance achroma- tique ; 5° Une solution faible d'ammoniaque détermine, en les gonflant, la frag- mentation des cordons nucléaires en tronçons plus ou moins nombreux dont l'axe est occupé par un filament chromatique homogène, ou une rangée de granulations chromatiques, et la périphérie par une couche assez épaisse de substance achromatique homogène; 6° 11 n'existe pas dans le noyau d'éléments figurés comparables à des nu- cléoles; ceux-ci sont probablement représentés par les granulations abondantes du suc nucléaire, si l'on en juge par la propriété que présentent ces granula- tions de retenir assez fortement les matières colorantes. 1 Le procédé technique employé pour mettre ces faits en évidence est simplement la fixation par l'acide osmique à un demi pour 100 et la coloration par le vert de méthyle acidulé d'acide acétique. On examine à l'immersion ordinaire ou homogène. Le directeur : H. de Lacaze-Duthiers. Le gérant : G. Reinwald. NOTES ET REVUE. xmi DÉVELOPPEMENT DES POISSONS OSSEUX HISTOIRE DE L'ŒUF DEPUIS LA FÉCONDATION JUSQU'A LA SEGMENTATION, Par Alexander Agassiz et C.-O. Wiiitman. (AIcmoirs ofthe Muséum of Comparative Zoology al Harvard Collège, vol. XIV, no 1 part. 8-1. Cambridge, juin 1889.) Les recherches de MM. Agassiz et Whitman ont été faites sur les œufs d'au moins douze espèces de poissons. Ces œufs se développent tous de la même façon, et si les auteurs ont choisi le Cténolabre pour type, c'est que les œufs de cet animal sont particulièrement faciles à se procurer. Le temps qui s'écoule entre la ponte de l'œuf et l'apparition du premier sillon de segmentation ne dépasse pas quarante à cinquante minutes. Dans ce court espace de temps se déroulent tous les phénomènes qui précèdent la segmentation, savoir : la pénétration du spermatozoïde, le rejet de deux glo- bules polaires, le développement du pronucléus et la formation du blasto- disque. Ces phénomènes sont habituellement classés sous trois chefs : la copulation, la maturation et la fécondation; mais cette division est des plus arbitraires, car dans l'état actuel de nos connaissances, il est tout à fait im- possible de tracer les limites exactes de ces groupes. Il était permis d'espérer que les œufs parthénogénétiques fourniraient d'utiles renseignements pour la distinction des divers processus cités plus haut; mais Platner, en découvrant deux globules polaires dans l'œuf du Liparis dispar , qui peut se développer sans fécondation, a montré qu'il faut chercher la solution de la question des globules polaires dans une autre direction. Tant que le processus de la fécondation ne sera pas mieux connu, il sera impossible de trouver aucun critérium qui établisse nettement les limites de tous les phénomènes qui précèdent la segmentation. Les auteurs divisent leur mémoire en trois parties : La formation du blastodisque, l'histoire des pronucléus et l'histoire du nucléus de segmen- tation. A. Formation du blastodisque. — L'œuf mûr non fécondé du Cténolabre, qui mesure de 0mm,8o à 0mm,92, est plus ou moins opaque, suivant l'abon- dance des petits granules réfringents logés dans la couche périphérique do son protoplasma. Dans les œufs extraits par la pression du corps du poisson, on observe différents degrés d'opacité qui correspondent à des phases diverses delà maturité. Les œufs les plus opaques sont les moins avancés. Dès qu'ils touchent l'eau, les plus mûrs s'éclaircissent dans toute leur étendue, tandis AUCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — T. VIII. lS'JO. xvi NOTES ET REVUE. manières par les divers auteurs. Les adversaires de cette homologic objec- taient la différence fondamentale de structure entre les deux noyaux, et sur- tout le l'ait que l'on n'avait pas retrouvé, dans le noyau des infusoires, les cor- dons nucléaires caractéristiques des noyaux des cellules ordinaires. AI. Balbiani a fait, du novau de Loxophyllum meleagris, une étude fort intéressante de laquelle il résulte que les cordons en question se retrouvent chez cet infu- soire très nettement et avec des caractères qui ne permettent pas de mettre en doute l'homologie de ce noyau avec celui des cellules des métazoaires. Voici d'ailleurs comment il résume lui-même ses observations : 1° Le noyau du Loxophyllum meleagris est formé d'un nombre variable d'articles ou segments (jusqu'à vingt et plus), reliés les uns aux autres par la membrane d'enveloppe, mais entièrement distincts quant au contenu; 2° Le contenu de chaque article est constitué par un ou plusieurs cordons nucléaires formant des circonvolutions plus ou moins nombreuses, et par une substance intermédiaire ou suc nucléaire très riche en granulations ; 3° En présence de la question encore discutée de savoir si le noyau cellu- laire, envisagé d'une manière générale, renferme, à l'état de repos, un fila- ment chromatique unique ou plusieurs filaments libres et distincts, la disposition ci-dessus indiquée du noyau du Loxophyllum meleagris prouve que, dans certains cas au moins, cette dernière condition est réalisée; 4° Les cordons nucléaires présentent une striation transversale l très fine, analogue à celle que l'on observe dans les noyaux des cellules de la larve de Chironomus, striation probablement due, comme dans les derniers noyaux, à des disques de ebromatine alternant avec des couches de substance achroma- tique ; 5° Une solution faible d'ammoniaque détermine, en les gonflant, la frag- mentation des cordons nucléaires en tronçons plus ou moins nombreux dont l'axe est occupé par un filament chromatique homogène, ou une rangée de granulations chromatiques, et la périphérie par une couche assez épaisse de substance achromatique homogène; 0° Il n'existe pas dans le noyau d'éléments figurés comparables à des nu- cléoles; ceux-ci sont probablement représentés par les granulations abondantes du suc nucléaire, si l'on en juge par la propriété que présentent ces granula- tions de retenir assez fortement les matières colorantes. 1 Le procédé technique employé pour mettre ces faits en évidence est simplement la fixation par l'acide osmique à un demi pour -100 et la coloration par le vert de méthyle acidulé d'acide acétique. On examine à l'immersion ordinaire ou homogène. Le directeur : H. de Lacaze-Duthiers. L<> gérant : G. Reinwald. NOTES ET KEVUE. xmi DÉVELOPPEMENT DES POISSONS OSSEUX HISTOIRE DE L'ŒUF DEPUIS LA FÉCONDATION JUSQU'A LA SEGMENTATION, Par Alexander Agassiz et C.-O. Whitman. (Mcmoirs ofthe Muséum of Comparative Zoology al Harvard Collège, vol. XIV, n» 1 part. 2-1. Cambridge, juin 1889.) Les recherches de MM. Agassiz et Whitman ont été faites sur les œufs d'au moins douze espèces de poissons. Ces œufs se développent tous de la même façon, et si les auteurs ont choisi le Cténolabre pour type, c'est que les œufs de cet animal sont particulièrement faciles à se procurer. Le temps qui s'écoule entre la ponte de l'œuf et l'apparition du premier sillon de segmentation ne dépasse pas quarante à cinquante minutes. Dans ce court espace de temps se déroulent tous les phénomènes qui précèdent la segmentation, savoir : la pénétration du spermatozoïde, le rejet de deux glo- bules polaires, le développement du pronucléus et la formation du blasto- disque. Ces phénomènes sont habituellement classés sous trois chefs : la copulation, la maturation et la fécondation; mais cette division est des plus arbitraires, car dans l'état actuel de nos connaissances, il est tout à fait im- possible de tracer les limites exactes de ces groupes. Il était permis d'espérer que les œufs parthénogénétiques fourniraient d'utiles renseignements pour la distinction des divers processus cités plus haut; mais Platner, en découvrant deux globules polaires dans l'œuf du Liparis dispar , qui peut se développer sans fécondation, a montré qu'il faut chercher la solution de la question des globules polaires dans une autre direction. Tant que le processus de la fécondation ne sera pas mieux connu, il sera impossible de trouver aucun critérium qui établisse nettement les limites de tous les phénomènes qui précèdent la segmentation. Les auteurs divisent leur mémoire en trois parties : La formation du blastodisque, l'histoire des pronucléus et l'histoire du nucléus de segmen- tation. A. Formation du blastodisque. — L'œuf mûr non fécondé du Cténolabre, qui mesure de 0llim,8o à 0mm,92, est plus ou moins opaque, suivant l'abon- dance des petits granules réfringents logés dans la couche périphérique de son protoplasma. Dans les œufs extraits par la pression du corps du poisson, on observe différents degrés d'opacité qui correspondent à des phases diverses delà maturité. Les œufs les plus opaques sont les moins avancés. Dès qu'il- touchent l'eau, les plus mûrs s'éclaircissent dans toute leur étendue, tandis ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — T. VIII. 1890. U xvin NOTES ET KEVUE. que les autres s'éclaircissent plus lentement et échappent en plus grand nombre à la fécondation. L'observation directe montre que les petits granules réfringents se gon- flent d'abord un peu, puis se dissolvent in situ. Les matériaux formatifs constituent un feuillet cortical distinct, d'épaisseur à peu près uniforme. La membrane de l'œuf paraît être partout en contact avec le feuillet cortical au moment de la ponte; mais la possibilité de l'existence d'un très petit espace périvitellin ne peut être niée. Quelques moments après la fécondation, quoique le disque propre n'existe pas encore, le feuillet cortical est déjà considérablement plus épais au pôle formatif qu'au pôle opposé. L'œuf non fécondé ne présente aucune trace de disque; mais le feuillet cortical est épais de 15 y. au pôle micropylaire, tandis qu'il n'a que 3 à 5 y. au pôle opposé. Cinq minutes après la fécondation, il n'y a pas encore de disque; une area polaire considérable est en contact intime avec la membrane de l'œuf, tandis que, partout ailleurs, il existe un espace périvitellin. Au stade suivant, l'épaississement discoïdal apparaît; il cesse de rester accolé au micropyle et en même temps apparaît le premier globule polaire. Plus tard, le blastodisque s'épaissit considérablement, et au bout de trente minutes il atteint sa plus grande convexité du côté interne. A ce moment, le second globule polaire est nettement formé; mais il ne devient jamais aussi visible que le premier. Dans les stades suivants, le volume du disque continue de s'accroître ; sa face in- terne s'aplatit, tandis que l'externe devient de plus en plus convexe; en même temps, le disque se met de nouveau en contact avec la membrane. Dans l'œuf fécondé normalement, l'aplatissement de sa face interne est suivi d'un enfon- cement qu'on peut appeler sillon inférieur de segmentation pour le distinguer du sillon supérieur qui apparaît quelques minutes après. Les auteurs n'ont jamais pu voiries très intéressants phénomènes amiboïdes qu'on dit accom- pagner la formation du blastodisque dans certains œufs. Quand arrive le moment de la formation du disque, le mouvement des ma- tériaux formatifs vers le pôle de l'œuf devient général. Ce mouvement consiste, ou bien en un transport égal et assuré complètement imperceptible, ou bien en courants très visibles qui convergent vers le disque. Ces courants ne sem- blent pas pouvoir être assimilés à des mouvements amiboïdes. Il n'y a jamais que deux globules polaires habituellement situés à une cer- taine distance du micropyle, et l'apparition du premier globule est toujours précédée du retrait du pôle formatif par rapport à la membrane de l'œuf. Il est clair que, dans ces conditions, ce globule ne peut passer par le micropyle. Cependant, l'un des auteurs a fait une observation qui montre que ce cas peut se présenter, mais il n'est pas normal, et l'idée que les globules polaires, logés dans le micropyle, servent à empêcher mécaniquement l'entrée d'un second spermatozoïde est absolument insoutenable. Calberla prétend que la queue du spermatozoïde reste dans le canal micro- pylaire pour remplir le même rôle, et Fol dit que la fécondation polysperma- tique est empêchée chez les Échinodermes par la formation d'une membrane vitelline impénétrable au moment où le spermatozoïde entre en contact avec NOTES ET REVUE. xix le vitellus. Les objections qu'on peut faire à ces théories ont été passées en revue par l'un des auteurs1, et il conclut que la réceptivité de l'œuf poorlea spermatozoïdes est réglée par des conditions physiologiques et non par des combinaisons mécaniques. B. Histoire des pronuclêus. — Comme on ne peut employer avec les œufs vivants un grossissement supérieur à 300 diamètres, les pronuclêus restent in- visibles jusqu'au moment de leur conjugation. Ils se présentent alors sous la forme de deux vésicules égales, tangentes l'une à l'autre, qui ne tardent pas à se confondre en une seule. Cette vésicule devient bientôt le premier am- phiaster de segmentation. La seule méthode qui ait permis à MM. Agassiz et Whitman de découvrir le pôle germinatif dans les œufs tués avant la formation du blastodisque, con- siste à dissocier les œufs traités successivement par l'acide osmique et par le liquide de Merkel. Quand on regarde le pôle germinatif immédiatement après la fécondation, on aperçoit le micropyle et le fuseau polaire dont la distance varie entre 40 et 140 [t.. La plupart des préparations montrent aussi une petite tache très constante dont la forme est extrêmement variable et qui est généralement plus près du micropyle que le fuseau polaire. Cette tache est probablement le corps spermatique. Les œufs dont le blastodisque est déjà formé avant la fécondation ont le micropyle central. Dans ceux qu'ont étudiés les auteurs du présent mémoire, le micropyle est excentrique, ce qui s'accorde avec les observations de Ilis. Comme les deux premiers fuseaux nucléaires donnent naissance aux glo- bules polaires, MM. Agassiz et Whitman les ont désignés sous le nom de fu- seaux polaires, nom qu'ils préfèrent à ceux de fuseau de direction et de fuseau de maturation. Le premier fuseau polaire occupe généralement une position verticale, et ses éléments chromatiques sont arrangés, plus ou moins régu- lièrement, en deux plaques situées à ses deux extrémités. La plaque externe se trouve à la surface du blastodisque. Le second fuseau présente la même apparence que le premier. Dix minutes après la fécondation, l'élément spermatique apparaît comme un petit corpuscule chromatique situé dans une area claire qui est le centre d'une étoile et en même temps le centre du blastodisque. L'étoile est d'abord plus près de la face externe du blastodisque que de sa face interne; mais bientôt elle plonge et atteint ou dépasse le milieu de l'axe vertical de ce dernier. Les auteurs ont trouvé le corpuscule chromatique di- visé en quatre ou cinq parties, qui sont : les spermalomerites, de Bohm2, et les caryosomes, dePlatner3. Actuellement, ils affirment que le pronuclêus mâle devient le centre autour duquel prend place l'agrégation disco'idale de proto- 1 C.-O. Whitman, Oôkinesis (Journ. Morph., 1, 2, 1887). 2 A.-A. Bohm, Ueber Beifung und Befruchtung des Eies von Pctromyzon Planeri {Arch. f. Mikr. Anat., XXXII, 1888). 3 G. Platner, Ueier die Befruchtung bei Arion empiricorum (Arch. f. Mikr. Anat., XXVII, 1886, p. 54). xx NOTES ET REVDE. plasma et vers lequel gravile le pronucléus femelle après la formation du second globule polaire. Quinze minâtes après la fécondation, la séparation du premier globule po- laire est terminée et le second fuseau formé. Le mode de formation de ce se- cond fuseau a complètement échappé aux auteurs. Vingt minutes après la fécondation, le pronucléus femelle est très avancé et déjà en route pour re- joindre le pronucléus mâle; ses éléments chromatiques sont en même nombre, de même dimension et de môme apparence que chez ce dernier; mais l'étoile qui l'entoure est beaucoup moins évidente. De vingt à trente minutes après la fécondation, les corps nucléaires se conjugent; leur plan de jonction est quelconque, mais dans sa position d'équi- libre ultime, il est horizontal, de telle sorte que le pronucléus femelle forme l'hémisphère supérieur du nucléus de segmentation, et le pronucléus mâle son hémisphère inférieur. L'œuf des poissons se prête peu à l'étude des mouvements des pronucléus; cependant, d'après ce qui se passe dans VAsterias glacialis (Fol) et dans la Grenouille (Roux), MM. Agassiz et Whitman reconnaissent deux sortes d'at- traction : l'une, s'opérant entre les deux nucléus, et l'autre entre les nucléus et le cytoplasma. Ces deux savants observateurs ont annoncé brièvement, dans The Pélagie Stages ofYoung Fishes, que le pronucléus mâle joue un rôle important dans l'œuf des poissons; mais ils reconnaissent qu'on doit à Vejdovsky, Boveri et Bôhm, d'avoir découvert que ce pronucléus a un rôle prépondérant dans les premiers phénomènes de la segmentation. Malgré cela, ils pensent que les deux pronucléus sont morphologiquement et physiologiquement équivalents, et qu'on doit attendre de nouvelles observations avant d'admettre définiti- vement que les fonctions nucléaires sont monopolisées par le pronucléus mâle. C. Histoire du nucléus de segmentation. — Environ trente-cinq à quarante minutes après la fécondation, suivant la température, le premier amphiaster de segmentation apparaît. Il est d'abord sphérique, mais ne tarde pas à s'al- longer dans le sens horizontal; son grand axe mesure alors de 15 à 20 ^ et son axe vertical de 10 à 12 y. En même temps que le nucléus s'allonge, la face interne du blastodisque s'aplatit. C'est au moment où les contours du nucléus deviennent invisibles surl'œu vivant qu'on obtient les premières phases de l'amphiaster. A ce stade, les élé- ments chromatiques produisent une striation indistincte, et il n'y a aucune indication de plaque équatoriale. Chaque aster consiste en une petite area claire circulaire , tangente au nucléus et de laquelle partent de courts rayons. Au centre de cette area se trouve un corps homogène à peine noirci par l'acide osmique que MM. Agassiz et Whitman ont découvert dès 1886, long- temps avant qu'on ait fait connaître l'histoire du centrosome. Us pensent que ce corps, qu'ils n'hésitent pas à identifier avec le centro- some, est d'origine nucléaire, tandis que Boveri lui assigne une origine cyto- phismique. Dans la plupart de leurs préparations, les auteurs distinguent, non seule- NOTES ET REVUE. xxi ment le centrosome, mais encore une sphère claire qui lui est concentrique et d'où partent les rayons de l'aster ; c'est la sphère (Callractinn de Van Bene- den, Varchoplasma de Boveri, qu'avec Vejdovsky, Agassiz et Wliitman appel- lent periplast. Quarante-cinq minutes après la fécondation, la plaque équatoriale devient très distincte ; les asters s'éloignent des pôles du nucléus d'une distance égale à leur diamètre. Le nucléus a la forme d'un barillet si caractéristique de ce stade, et le nucléoplasma, qui est fortement teinté par l'acide osmique, se -réunit vers la plaque équatoriale. Cinquante minutes après la fécondation, les éléments chromatiques sont divisés en deux plaques entre lesquelles se trouve le nucléoplasma qui se par- tage en même temps que la plaque nucléaire; puis les deux nucléus prennent la forme de deux hémisphères dont les bases sont constituées par les plaques chromatiques ; la ligne de segmentation apparaît sur le blaslodisque, et fina- lement les éléments chromatiques passent de la forme de plaque à celle d'un corps irrégulier. Les deux nucléus se dirigent alors vers leurs asters respec- tifs et atteignent le bord de ceux-ci en même temps que commence l'allon- gement du périplaste préparatoire d'une nouvelle division. VI SUR QUELQUES NÉOMÉNIÉES NOUVELLES DE LA MÉDITERRANÉE, Par G. Pruvot, Maître de conférences de zoologie 5. la Sorbonne. Les Néoméniées sont jusqu'ici des animaux rares; le nombre des genres et des espèces est encore fort restreint; dans chaque on compte les individus étudiés. Or, Banyuls se montre à cet égard encore une station exceptionnel- lement favorisée. Moins de trois semaines après que mon attention eût été at- tirée sur ce sujet, j'étais en possession de tous les animaux qui font l'objet de cette note. Chaque coup de chalut dans la localité favorable les ramène au jour par dizaines. Dans le nord-est de Banyuls, les eaux de la chaîne des Albères, amenées par un certain nombre de petites rivières dont la plus importante est le Tech, ont déterminé la formation d'un fond vaseux qui s'étend au large d'Argelès.à 6 milles environ. Vers la limite, là où la vase va céder la place d'abord à une ligne de rochers, puis à du sable fin faiblement vaseux, par une profondeur de 60 à 80 mètres, se plaisent les grands Hydraires, Antennularia, Lafoëu, Sertularella, Aglaophenia, qui y atteignent un développement considérable, et c'est au milieu de leurs touffes, dans le chevelu formé par les hydrorhizes surtout, que vivent les Néoméniées.5' Le nombre des formes que j'ai rencontrées jusqu'ici s'élève à huit, el & l'exception des Proneomenia aglaopheniœ (Kow. et Mar.) et desiderata (Kow. xxii NOTES ET REVUE. et Mar.), toutes sont nouvelles, au moins spécifiquement. Trois peuvent se rap- porter, en élargissant un peu la diagnose, au genre Dondersia, établi récem- ment par llubrecht pour une espèce du golfe de Naples. Ce sont: Dondersia banyulensis, n. sp. — Corps long et grêle, atteignant 4 centimè- tres de long sur 1 millimètre de large, s'enroulant volontiers en spirale, d'un rouge pourpre éclatant, glacé de blanc d'argent aux plis et sur les bords par la transparence du revêtement spiculaire. Pas de carène dorsale vraie, mais une ligne dorsale saillante formée par les spicules dressés et convergents. Bouche subterminale avec deux épais bourrelets labiaux, surmontée de quel- ques soies rigides, fines et droites. Infundibulum delà glande pédieuse vaste, fortement cilié et entouré de spicules rayonnants qui l'élargissent encore. Cloaque dépourvu de papilles branchiales, à orifice étroit, ventral, au-dessous duquel le corps se termine en pointe. Un crypte sensitif dorso-terminal. Pas de spicules péniaux. Revêtement cuticulaire mince, hérissé de spicules aplatis en forme de feuille lancéolée aiguë et s'imbriquant de haut en bas ; l'extrémité basilaire simple chez les uns est bifide chez la plupart. Ils sont plus étroits et plus longs sur les bords du sillon pédieux. Pas de radula, mais au fond du pharynx un cône saillant au sommet duquel débouchent l'œsophage et les glandes salivaires, et recouvert d'une cuticule qui, sur tout son pourtour, se boursoufle en replis transversaux. Commune dans les fonds indiqués plus haut, par 40 à 80 mètres. Rencontrée aussi au bord de la grande falaise littorale, par 300 mètres de profondeur. Vit exclusivement sur un Hydraire que je ne puis rapporter qu'au Lafoëa dumosa (Sars). Dondersia flavens, n.sp. — Même forme, mêmes dimensions, mêmes carac- tères que l'espèce précédente; mais le corps est d'un beau jaune citron, l'ori- fice cloacal est plus large et transversal, et l'extrémité du corps au-dessous est aplatie et recourbée en cuiller. Les spicules sont presque semblables, mais n'ont jamais l'extrémité basilaire bifide- Présente des différences anatomiques importantes avec l'espèce précédente : entre autres l'absence du cône pharyngien et la présence de deux longues vésicules séminales débouchant dans les oviductes. Rencontrée une seule fois : dix-sept individus sur une même touffe de Lafoëa dumosa. Même localité ; profondeur, 80 mètres. Dondersia ichthyodes, n. sp. — Corps rose jaunâtre, de 12 millimètres de long, s'élargissant progressivement jusqu'à l'extrémité inférieure. Bouche petite, de la forme ordinaire, surmontée de quelques soies rigides; au-dessous, les bords de l'infundibulum pédieux font une saillie relativement énorme. Orifice cloacal transversal, compris entre deux lèvres épaisses, une ventrale où se termine le sillon pédieux et une dorsale formée par l'extrémité même du corps. L'ensemble, avec les spicules qui en hérissent les bords, simule d'une manière frappante une gueule de reptile. Revêtement cuticulaire très caractéristique; le sillon pédieux est bordé de chaque côté par une ligne de larges spicules foliacés, puis une bande de spi- cules allongés en lame de couteau les recouvre en convergeant légèrement NOTES ET REVUE. xxm vers la ligne médiane; tout le reste du corps est recouvert de petits Bpiculea imbriqués, discoïdes, minces, pectines dans leur partie adhérente et épaissit en un bourrelet demi-circulaire lisse dans leur partie libre. Ils rappellent abso- lument les écailles cténoïdes des poissons. Cette espèce ne m'est connue que parmi seul exemplaire venant des même fonds que les précédentes. Elle montre, en somme, des caractères bien par- ticuliers et méritera vraisemblablement d'être érigée en genre distinct quand la capture d'autres individus en aura permis une étude comparative. Paramenia (n. g., délaça, auprès de, et pivin, un des radicaux de Neomeniatt Proneomenia). — Montre un mélange remarquable des caractères de ces deux genres. Cloaque à orifice circulaire absolument terminal, éebancré sur la ligne ven- trale par la terminaison du sillon pédieux; renferme un cercle de papilles branchiales ciliées, rétractiles. Un faisceau de spicules péniaux(?) fins et droits naissant dans un profond cul-de-sac de chaque côté de la terminaison du sillon pédieux. Radula et glandes salivaires bien développées. Un cul-de-sac intestinal supra-pharyngien. Paramenia impexa, n. sp. — Corps d'un blanc crémeux, trapu, variant de 4 à 10 millimètres de long, et de 1 à 1,5 de large, cylindrique, sans carène dorsale, obtus aux deux extrémités. Bouche relativement très grande. Dix- huit branchies cloacales. Les spicules forts, donnant à l'animal un aspect particulièrement hirsute, sont sur la ligne ventrale et les flancs simplement aciculaires; mais ils s'ad- joignent sur le dos d'autres spicules de forme particulière, recourbés en hameçon, à extrémité libre mousse et surmontés d'une petite pointe aiguë au point de recourbement. Les uns et les autres sont enfoncés par leur base dans une couche cuticulaire épaisse. Une dizaine d'individus trouvés rampant sur différents Bryozoaires et Hydraires provenant des mêmes fonds vaseux par 80 mètres de profondeur environ . Paramenia sierra, n. sp. — Blanc jaunâtre, long de 11 millimètres sur 2 de large. Présente une forte carène dorsale non continue, mais découpée en quinze ou seize lobes comprimés, un peu irréguliers de forme et de dimen- sions. Vingt-huit branchies cloacales. Revêtement spiculaire comme dans l'espèce précédente. Un seul individu bien adulte sur les hydrorhizes d'une Aglaophenia myrio- phyllum draguée sur la côte d'Espagne, au large de l'île Pultelo,par 75 mètres de profondeur. Paramenia palifera,n. sp. — Blanc-jaunâtre, de 8 millimètres de long sur 7 dixièmes de millimètre de large, pouvant, par la contraction, se réduire de moitié. Pas de carène dorsale. Quinze branchies cloacales; au-dessus d'elles, les spicules terminaux convergent en autant de saillies longitudinales un peu irrégulières. Deux profonds culs-de-sac latéraux en avant du cloaque, mais ne renfermant pas les faisceaux de spicules péniaux des deux espèces Spicules aciculaires sur les bords du sillon pédieux. Sur tout le re xxiv NOTES ET REVUE. corps, ils sont petits et d'une forme très caractéristique qu'on ne peut mieux comparer qu'à la pelle arrondie et à manche recourbé des terrassiers. Ils reposent sur la cuticule très mince et s'imbriquent par leur extrémité aplatie ; le manche effilé en pointe se prolonge librement au dehors. Glandes salivaires bien développées. Iladula extrêmement petite, visible à peine sous un grossissement de 400 diamètres. Un seul exemplaire adulte trouvé dans le fond vaseux précité du nord-est de Banyuls, par 80 mètres de fond, rampant sur un tube de Myxicola infun- dibulum. 11 faut faire ici les mêmes réserves que pour D. ichthyodes. Par la forme et la répartition de ses spicules, l'absence de spicules péniaux et la réduction de sa radula, cette espèce altère sensiblement l'homogénéité du genre Para- menia, et devra probablement en être séparée plus tard. Les nécessités de la publication me forcent à remettre à une date ulté- rieure les dessins qui doivent compléter et justifier les descriptions précé- dentes. Ils paraîtront prochainement avec l'étude anatomique détaillée des types que j'ai dû, pour le moment, me bornera présenter sommairement aux lecteurs de ces Archives. VII LES ENCHAINEMENTS DU MONDE ANIMAL DANS LES TEMPS GÉOLOGIQUES. FOSSILES SECONDAIRES, Par Albert Gaudry, Membre de l'Institut, professeur au Muséum. RÉSUMÉ. Ceux d'entre nous qui ont longtemps vécu pleurent la perte de beaucoup d'amis; ils ont vu mourir, en dépit de leurs soins, des êtres charmants qui étaient encore dans toute leur force. Quand nous promenons nos regards à travers les temps géologiques, passant du primaire au trias, du trias au juras- sique, du jurassique au crétacé, du crétacé au tertiaire et à l'époque actuelle, nous comptons aussi bien des absents. Une multitude de créatures se sont évanouies ; les plus puissantes, les plus fécondes n'ont pas été plus épargnées que les autres. Il y a quelque tristesse dans le spectacle de tant d'inexplicables disparitions. Cependant, si nombreuses qu'aient été ces disparitions, il ne faut pas nous les exagérer. Elles peuvent n'être qu'apparentes; s'il y a eu des destructions, il y a eu encore plus de transformations. Beaucoup de types que nous ne retrouvons plus, quand nous passons d'un terrain à un autre, ne sont pas éteints; mais ils ont tellement changé que tout d'abord ils sont méconnais- sables. En cherchant patiemment leur trace, nous finissons quelquefois par les reconnaître. Lorsque nous soupçonnons qu'un vieil ami dont nous pensions avoir à déplorer la mort est encore en vie, nous n'épargnons pas notre peine NOTES ET REVUE. m pour le découvrir. Le paléontologiste peut faite quelque chose d'analogue ; après avoir étudié les créatures des anciens jours du mon le, je m'efforce de les suivre dans les époques plus récentes, et si j'arrive à les retrouver sous les changements que les siècles leur ont imprimés, j'éprouve un vif plaisir, car à l'idée triste de la mort se substitue l'idée heureuse de la vie. C'est cette recherche que j'appelle des Enchaînements du monde animal. Histoire des grands types. — La vie de tout individu est éphémère, mais la vie des espèces est plus longue; plus longue encore est la vie des genres; plus longue encore la vie des familles; plus longue encore la durée des temps qui ont vu le développement des principaux types du momie organique. L'his- toire de ces types à travers l'immensité des âges a une grandeur qui captive. Ils ont eu des destinées différentes. Quelques-uns ont à peine changé; ils ont assisté impassibles aux diverses révolutions; on peut les appeler type* permanents ou panchroniques, puisqu'ils appartiennent à tous les temps. D'autres types se sont légèrement modifiés et ensuite sont revenus à leurs points de départ; j'ai dit qu'ils méritent le nom de types élastiques. On les trouve surtout parmi les êtres inférieurs. Le plus souvent, les grands types du monde organique ont continué leur marche sans rétrograder, se développant peu à peu. A mesure qu'ils s'avan- çaient dans les temps géologiques, quelques-uns ont pris une direction paral- lèle, quelques autres, éloignés d'abord, se sont peu à peu rapprochés; mais, sans doute, la plupart ont eu des caractères différentiels de plus en plus ac- centués; nous pouvons ainsi les classer en types parallèles, convergents et divergents. L'unité de la nature apparaît dans ce fait que le développement des grands types paléontologiques semble souvent reproduire en raccourci le développe- ment des individus. Quand nous les suivons à travers les âges, nous distin- guons dans leur histoire trois phases principales : une phase ascendante, la phase de leur apogée, et une phase descendante. Nous reconnaissons qu'un type est parvenu à son apogée parce que les êtres qui le composent ont atteint leur plus grande taille, ont eu le plus de com- plication, sont devenus le plus abondants et surtout parce qu'ils ont présenté ces nombreuses variations qu'on appelle des espèces et des genres ; il y a des moments où l'on dirait qu'ils ont eu à dépasser une somme exubérante de vie et où ils ont produit les formes les plus diversifiée s en môme temps que les plus belles. Beaucoup de grands types du monde animal ont eu leur apogée dans les périodes secondaires. On s'en rendra compte en regardant le tableau ci-des- sous, où j'ai réuni quelques-uns des groupes les plus importants de ces pé- riodes. Je les ai représentés par un rameau plus ou moins fourni, selon que leur développement a été plus ou moins considérable. Si l'on compare ce tableau avec celui que j'ai donné pour les temps pri- maires1 ou avec ceux qu'on pourrait dresser pour les temps tertiaires et ac- tuels, on trouve de notables différences. i Enchaînements du monde animal, fossiles primaires, p. 296. XXVI NOTES ET REVUE. Mais il s'en dégage également cette remarque curieuse, que les animaux les mieux doués ou les plus féconds sont quelquefois ceux-là mêmes qui ont disparu le plus rapidement. Si ce qu'on a appelé la lutte pour la vie avait été la cause principale de la destruction ou de la survivance, ils auraient dû persister plus que les autres. L'Ammonite a cessé de vivre au moment de son plus Quaternaire (actuel). Tertiaire. Crétacé. Jurassique. Trias. Primaire. magnifique épanouissement, lorsqu'elle a atteint son maximum de grandeur1 et l'extrême luxe de l'ornementation 2. La Bélemnite, si commune dans le commencement de l'époque crétacée, a décliné vers la fin de cette époque, sans que nous en sachions la cause. Au moment de disparaître, les Rudistes3 ont tellement pullulé, qu'on trouve leurs coquilles serrées les unes contre les autres dans les derniers étages crétacés. Quand vont s'éteindre au sein des océans secondaires les étranges Mosasauriens, et, sur les continents, les Dinosauriens plus étranges encore, ces géants avaient gardé une grande puis- sance 4. Les reptiles volants, petits dans le jurassique, ont pris des dimensions 1 Pachydiscus lewesiensis et peramclus du turonien de la France. On vient de signaler, dans la craie supérieure des environs de Munster, la plus grande Ammo- nite connue jusqu'à ce jour; bien qu'incomplète, elle mesure l^O de diamètre. 2 Acanthoceras Dewerianus du turinien. 3 flippurites et liadiolites. * L'Ichthyosaurus, le Mosasaurus et un Dinosaurien,le Rhàbdodon, ont été trouvés dans l'étage danien. NOTES ET REVUE. xXVll énormes à la fin du crétacé, en Amérique comme en Europe ; alors ils ont dis- paru. Pendant que de chétives créatures persistaient, les princes du monde animal s'évanouissaient sans retour. Ainsi la force et la fécondité n'ont pas toujours empoché la destruction des êtres. L'évolution s'est avancée à travers les âges en souveraine que rien ne pouvait arrêter dans sa marche majestueuse. La concurrence vitale, la sélec- tion naturelle, les influences de milieu, les migrations l'ont sans doute aidée. Mais son principe a résidé dans une région supérieure trop haute pour que nous puissions, quant à présent, le bien saisir. Enchaînements. — Si plusieurs types se sont éteints après les temps secon- daires, beaucoup d'autres se sont continués; nous avons eu des preuves de leurs enchaînements. Les Foraminifères secondaires ressemblent bien à ceux de l'époque actuelle. Nous avons vu que, selon M. Rupert Jones, des espèces de la craie existent encore dans l'Atlantique. Nous avons dit, en outre, que les meilleurs paléon- tologistes admettent, chez les Foraminifères, des passages entre les espèces, entre les genres et même entre les ordres. Plusieurs genres actuels de Polypes vivaient déjà pendant la période juras- sique et construisaient des récifs comme ils en construisent aujourd'hui. Il y a eu, dans les mers secondaires, des Crinoïdes, des Etoiles de mer et de nombreux Oursins de même genre que les animaux de nos mers. Je ne connais pas d'exemple plus frappant que celui des Oursins pour montrer à quel degré de diversité un même type peut arriver : l'anus passe de dessus en dessous, les pièces discales manquent ou se substituent à l'une des génitales, le nombre des pores respiratoires diminue, les pièces ambulacraires se sou- dent, la forme rayonnée passe à la symétrie bilatérale, etc.; en dépit de ces changements, la boîte de l'Oursin a toujours le même type fondamental. Les Mollusques secondaires offrent de nombreuses marques de transition. Quand on passe d'étage en étage, on voit des espèces du même genre qui se ressemblent tellement qu'il est difficile de ne pas croire à leur parenté ; j'ai cité, par exemple, les espèces d'Huîtres étagées les unes au-dessus des autres, les espèces de Moules, celles des Trigonies, celles des Nérinées, celles des Pleu- rotomaires. Non seulement il y a eu des enchaînements entre les espèces d'un même genre, mais, sans doute, il y en a eu entre les espèces de genres diffé- rents. On considérait autrefois les Ammonites comme des fossiles qui déli- mitent très bien les âges géologiques, car, tandis qu'on les trouvait en abon- dance dans le crétacé et le jurassique, on en voyait très peu dans le trias, ef. elles semblaient manquer absolument dans le primaire. Mais M. de Mojsisovics en a décrit une multitude qui viennent du trias des Alpes; M. Waagen en a trouvé dans le carbonifère de l'Inde; M. Gemmellaro vient d'en découvrir de nombreuses espèces dans le carbonifère de la Sicile, pendant que M. Karpinsky en signalait dans le permo-carbonifère de Russie. Les Brachiopodes secondaires ont été très différents de ceux du primnire ; cela est résulté surtout de la disparition des formes anciennes. Cette dispari- tion ne s'est pas faite brusquement; quelques-uns des types primaires se sont éteints peu à peu dans le commencement du secondaire. Plusieurs des xxvm NOTES ET RKVDE. Térébratules et des Uliynchonelles secondaires ont des liens étroits avec les espèces qui vivent encore. Le Limule trouvé àSolenliofcn a établi nn enchaînement entre les Crustacés mérostomes du primaire et ceux des temps actuels. Les Crustacés décapodes du secondaire ont des ressemblances avec les Crevettes et les Langoustes de nos mers. Les Insectes du lias et de l'oolithc ont une frappante analogie avec ceux de notre époque. Quoique les Poissons cartilagineux ne soient guère de nature à se conserver dans leur intégrité à l'état fossile, j'ai dit qu'on avait découvert des squelettes entiers de quelques-uns d'entre eux, et j'en ai figuré un dont les diverses parties ont une extrême ressemblance avec les Haies et lesHbinobates actuels. Les Cestraciontes et les Dipnoés, tels que le Ceratodus, qui ont caractérisé la lin du primaire et le commencement du secondaire, vivent encore dans les régions australes; les Anglais établis à Port-Jackson, sur la table desquels on sert du Ceratodus, comme en Ecosse on leur servirait du saumon, ont la preuve que les êtres d'autrefois ont persisté jusqu'à nos jours. Le passage de l'état ancien des poissons osseux à leur état actuel est un des faits les plus frappants en faveur de l'idée de l'évolution. Ces animaux ont été d'abord protégés par une cuirasse d'écaillés osseuses ; au milieu du secondaire, les écailles de beaucoup d'entre eux ont cessé d'être osseuses; à la fin du secondaire, presque tous les poissons avaient des écailles molles comme ceux de nos mers. Les Poissons ont eu primitivement leur colonne vertébrale ter- minée en pointe, ainsi que les autres Vertébrés; dans le milieu du secondaire, leur colonne vertébrale s'est raccourcie et condensée, ses aresbémaux se sont rapprochés pour prendre la disposition appelée stégoure; puis les arcs, se rap- prochant de plus en plus, ont formé la palette caudale des Poissons actuels. Enfin les Poissons avaient à l'origine une colonne vertébrale à l'état de noto- corde; nous en avons vu dans le secondaire dont les vertèbres étaient à divers états de développement. J'ai figuré, par exemple, Pycnodus Ponsoni, qui est sur le point d'achever l'ossification de sa colonne vertébrale. Si je n'admets pas l'évolution et que je regarde chaque espèce comme une entité distincte, isolée dans la nature, les organes incomplètement formés sont incompréhen- sibles. Pycnodus Ponsorti me semble un être inachevé, quand je le considère isolément; il n'est plus choquant pour ma raison, lorsque que je pense qu'il représente un stade de développement d'un type qui poursuit son évolution à travers les âges. Notre passage sur la terre est si court, la durée d'une espèce est déjà si considérable, comparativement à celle de notre vie, que nous sommes portés à lui attribuer beaucoup de valeur; mais la paléontologie nous apprend qu'il faut embrasser une plus longue durée que celle de l'espèce. La plupart des Reptiles ont été confinés dans les temps secondaires, et nous devons avouer que nous ne savons pas quels ont été leurs prédécesseurs et leurs successeurs; cependant il n'en a pas été ainsi pour tous. Il semble na- turel de regarder les Labyrinthodontes du trias comme les descendants de ceux du permien qui ont grandi, chez lesquels la structure intime des dents s'est compliquée, les condyles occipitaux et les vertèbres ont achevé de s'ossifier. Leurs écailles ventrales ont disparu comme chez les Poissons ganoïdes, en NOTES ET REVUE. un même temps que l'ossification de l'endosquelette a rendu l'exosquelette inu- tile. Plusieurs des Tortues secondaires ont beaucoup ressemblé aux Tortues actuelles. Malgré les différences qui séparent nos Gavials des réléosauriene secondaires, Etienne Geoffroy-Saint-llilaire a deviné qu'ils sonl leurs descen- dants; généralement les Téléosauriens se distinguent des Gavials par l'orifice postérieur de leurs narines moins en arrière, leurs fosses sustemporales plus grandes, leurs vertèbres à corps biplan, leurs écailles dorsales imbriquées sur deux rangs et leurs écailles ventrales ossifiées; mais, quand on réunit les di- verses espèces, on voit des différences s'atténuer graduellement. Tout en s'étonnant des singularités de Wlrchœopteryx, il faut reconnaître que la jeune Autruche, par ses pattes de devant à doigts séparés et par sa longue queue à vertèbres non soudées, diminue un peu la distance qui existe entre le fameux oiseau de Solenbofen et les formes actuelles. Enfin, quand nous voyons les Mammifères précédés dans notre pays par des Marsupiaux secondaires, nous pouvons croire que ce sunt les descendants de ces animaux dont l'ail antoïde s'est développée pour former le placenta. Ainsi, nous apercevons de nombreux indices d'enchaînements qui nous font penser que, dans une même classe, il y a eu des transitions d'espèce à espèce, de genre à genre, de famille à famille, d'ordre à ordre. Pouvons-nous aller plus loin? Trouvons-nous des preuves que, dans un même embranchement, des animaux de classes différentes ont passé le^ un ! aux autres? Je me suis déjà posé cette question dans le résumé de mon livre sur les êtres primaires, et j'ai dû répondre négativement. En étudiant les êtres secondaires, je m'adresse encore la même question et j'y réponds aussi négativement. 11 est manifeste que les Thériodontes, les Ichthyosaures, les Ptérodactyles ont diminué l'intervalle qui existe entre les Reptiles et les Mam- mifères; mais ils ne l'ont pas comblé de telle sorte qu'on ait la preuve du passage entre ces deux classes si distinctes dans la nature actuelle. Les Laby- rinthodontes ont atténué la distance qui sépare les Batraciens des Reptiles allantoïdiens; cependant nous ne pouvons pas dire qu'ils aient été les ancêtres communs de ces deux sous-classes; encore moins oserions-nous prétendre qu'ils établissent un lien entre les Batraciens et les Poissons. L'indice le plus frappant de rapprochement entre des classes aujourd'hui distinctes, c'est celui des Dinosauriens, reptiles dont plusieurs os ont de grands rapports avec ceux des oiseaux; toutefois, nous avons vu, à côté dc<, ressemblances, des différences trop considérables pour oser affirmer que les Oiseaux ont passé par l'état de Dinosauriens. Le plus raisonnable me paraît être de croire que les Dinosauriens et les Oiseaux ont eu de communs ancêtres, qui n'étaient encore ni vrais Dinosauriens ni vrais Oiseaux. Je suppose qu'en général il n'y a eu qu'une parenté très éloignée entre les animaux de classes différentes appartenant à un même embranchement. Leur union doit remonter à une époque reculée, où ils n'avaient pas encore pris les caractères distinctifs des classes dans lesquelles nous les rangeons actuellement. Quels sont-ils, ces ancêtres présumés, d'où sont sortis des êtres qui ont abouti à des classes différentes ? Nous l'ignorons. Assurément il nous plairait de ne plus voir tant de lacunes et de comprendre la synthèse de l'ensemble xxx NOTES ET REVUE. du momie organique. Mais notre science est encore trop jeune. Ouvriers de la première heure, nous ne pouvons apercevoir que vaguement, dans le loin- tain, le tableau magnifique de la nature, où, sous la direction du Divin Artiste, tout se coordonne, se pénètre, s'enchainc à travers les espaces et les âges. Développement progressif. — L'étude comparative des êtres secondaires révèle un développement progressif. Ce mot ne veut pas dire que les animaux, dans l'ère secondaire, avaient leurs organes mieux appropriés à leurs fonc- tions que dans les âges antérieurs ; dès les temps primaires, il y a eu beau- coup d'êtres admirablement adaptés pour remplir les humbles fonctions qui leur étaient dévolues. Mais, quand je dis qu'il y a eu progrès, j'entends indi- quer que les fonctions sont devenues plus élevées et plus nombreuses; la somme d'activité a augmenté dans le inonde en intensité et en diversité. Cette augmentation de puissance a eu un résultat esthétique : une nature où les rois sont des Crustacés tels que les Trilobites et les Plerygolus, a moins de majesté que celle où régnent les Iguanodons; une terre silencieuse n'égale pas en beauté un théâtre où se meuvent des quadrupèdes variés. Le progrès s'est produit d'une manière inégale; souvent, dans le même embranchement, les types inférieurs sont restés stationnaires ou quelquefois même ont diminué d'importance pendant que les types supérieurs ont gagné. En parcourant les principaux types secondaires, nous allons voir ceux qui ont gagné et ceux qui ont perdu. Il n'y a nulle raison de prétendre que lesForaminifères ont été plus parfaits dans les temps secondaires que dans les temps primaires; mais il semble qu'ils sont devenus plus nombreux. Les Spongiaires ont eu des formes plus variées et plus élégantes que leurs prédécesseurs primaires. Les Polypes se sont davantage rapprochés des formes actuelles; je ne crois pas qu'on puisse dire qu'en cela ils ont marqué un perfectionnement. Plusieurs classes d'Echinodermes se sont amoindries ou même ont disparu; les élégants Crinoïdes, si abondants pendant les temps primaires, ont été moins diversifiés. Au contraire, les Oursins ont pris un immense développe- ment. Cela montre que si, à certains égards, les Ecbinodermes ont subi une diminution, à d'autres égards, ils marquent un progrès, car l'Oursin occupe dans l'échelle des êtres un rang plus élevé que les Crinoïdes, créatures qui ne peuvent en général se déplacer, étant fixées par une tige au fond des mers. 11 en a été des Articulés marins comme des Ecbinodermes ; quelques-uns de leurs groupes, qui étaient très répandus dans le primaire, se sont atténués ou même éteints dans le secondaire ; mais le groupe le plus élevé, celui des Décapodes, a pris une grande extension. J'ai rappelé déjà que les Bracbiopodes ont beaucoup perdu en passant des temps primaires aux temps secondaires ; ils ont subi, au lieu d'un développe- ment progressif, un amoindrissement successif. Les ouvrages de Barrande, de M. Hall et de plusieurs autres paléontolo- gistes, renferment de longues listes de Mollusques primaires. Cependant, la NOTES ET REVUE. xxxi richesse des Gastéropodes et des Bivalves secondaires a été encore plus grande que celle de leurs prédécesseurs ; quoique les Nautilidés aient été très nom- breux dans les terrains primaires, leur diversité et leur ornementation n'ont pas égalé celles des Ammonitidés secondaires. Au premier abord, on peut mettre en doute que les Poissons aient fait des progrès, car déjà, à l'époque dévonienne, ils étaient abondants, variés, et même on voyait des formes telles que Cephalaspis, Plerichthys, qui n'ont plus d'équivalents dans les époques plus récentes. Mais il faut reconnaître qu'en perdant leur belle cuirasse ganoïde, ils ont eu des mouvements plus libres et que leur sens du toucher a pu beaucoup se développer; lorsque leurs ver- tèbres se sont ossifiées, leurs muscles ont trouvé de plus solides points d'appui et alors ont acquis plus d'énergie; enfin, quand l'extrémité de leur colonne vertébrale, d'abord terminée en pointe, s'est disposée en une palette capable de donner de forts coups de queue, il a dû en résulter un avantage pour la locomotion; il est donc probable que les Poissons de la fin du secondaire ont eu plus de force et de vivacité que les Poissons primaires. Evidemment, les Reptiles ont eu leur règne dans l'ère secondaire; ceux qui ont vécu dans les temps primaires et ceux des périodes tertiaires ou actuelles ont été comparativement peu importants. Le développement des Vertébrés à sang froid marque un grand progrès sur les époques antérieures. Si gigantesques, si nombreux qu'aient été les reptiles secondaires, ils ne représentent pas l'apogée du monde organique ; ce sont les animaux à sang chaud, Oiseaux et Mammifères, qui occupent le haut de l'échelle animale. Or, nous avons vu qu'on n'en avait encore trouvé aucun vestige dans le primaire. Dans le secondaire, ils sont peu abondants et chélifs. Si les Mammifères et les Oiseaux eussent été nombreux et volumineux pendant l'ère secondaire, on ne conçoit pas pourquoi leurs restes se rencontreraient rarement à côté de ceux des reptiles. Il est vrai que les formations continentales de l'ère secondaire sont encore peu connues, mais les terrains marins ont été bien explorés, on n'y a jamais observé de mammifères à côté des Ichlhyosaurus, des Teleo- saurus, des Mosasaurus. Nous pouvons donc dire qu'à en juger par l'état actuel de la science, le règne des Mammifères et des Oiseaux a eu lieu plus tard que celui des animaux à sang froid. Notre croyance à l'arrivée tardive des animaux à sang chaud n'est point basée seulement sur la rareté des Oiseaux et des Mammifères dans les ter- rains secondaires, mais sur leur état d'évolution. Les Mammifères secondaires semblent avoir été pour la plupart des Marsupiaux, c'est-à-dire des animaux où l'allantoïde était encore à l'état rudimentaire, comme dans les fœtus peu avancés des placentaires actuels de nos pays ; en les voyant, on ne peut résister à la pensée qu'on est en face de créatures qui n'ont pas eu le temps de grandir, de se multiplier, de se développer. Les Oiseaux ont aussi des carac- tères de jeunesse; lorsqu'on regarde l'Archœopleryx avec ses dents, sa longue queue, ses os des doigts non atrophiés, non soudés, on est tenté dédire que l'auteur du monde n'a pas encore tout à fait achevé d'en faire un oiseau ; les Oiseaux munis de dents, trouvés dans la craie du Kansas par M. Marsh, ont montré que jusqu'à la lin des temps secondaires, les Oiseaux ont gardé des xxxn NOTES ET REVUE. traces do leur état primitif. Ainsi, il est vraisemblable que les découvertes futures ne renverseront pas notre croyance que le règne des animaux à sang chaud est plus récent que le règne des animaux à sang froid. D'après ce que nous venons de dire, on voit que le monde organique pris dans son ensemble a progressé. Supposons un voyageur naviguant sur les océans des âges : dans les temps cambriens, sa barque rencontre desTrilo- bites, mais aucun Poisson ; il aborde à un rivage : silence de mort, pas même des Reptiles. Ayant repris sa barque et longtemps erré, il se trouve transporté à la fin de l'ère primaire : le règne des Poissons a succédé à celui des Trilobites ; sur la terre ferme, il n'y a plus le même silence, quelques Reptiles préparent l'avè- nement des Vertébrés à sang froid. Puis notre voyageur recommence sa navigation, et le voici qui, après avoir été ballotté d'âge en âge, atteint le milieu de l'ère secondaire; des Ammonites variées, charmantes, se jouent autour de lui. des légions de vives Bélemnites se mêlent avec elles; les Ichthyosaures, les Plésiosaures, les Téléosaures lui font cortège. Il débarque au rivage pourvoir si le progrès s'est accentué sur la terre ainsi que dans les océans : devant lui apparaissent de gigantesques Dinosauriens qui ouvrent leurs bras en s'appuyant sur leur énorme train de derrière; des Ptérodactyles et des Rhamphorynchus s'élèvent dans les airs; le premier oiseau, YArchœopteryx, essaye ses ailes, et même quelques petits Mammifères se montrent timidement. Le témoin de ces étonnants spectacles pourra se dire : Comment tout a-t-il grandi sur les continents et dans le sein des mers? Comment tout s'est-il paré? Dans l'agitation des créatures de la terre ferme, ainsi que dans celle des flots où se pressent des êtres si divers^ l'activité divine a mis son empreinte. La nature, merveilleuse déjà dans les jours primaires, est devenue plus merveilleuse encore; il y a eu progrès. Si notre voyageur n'était pas fatigué de sa longue course à travers les âges, il trouverait dans le tertiaire Je Dryopithecus, le Dinothcrium et mille autres Mammifères; dans le quaternaire et dans l'âge actuel, il rencontrerait l'homme artiste et poète, l'homme qui pense et qui prie. Vraiment l'histoire du monde dans sou ensemble est l'histoire d'un développement progressif. Où ce déve- loppement s'arrètera-t-il ? Le directeur : H. de Lacaze-Dutuiers. Le gérant : G. Reinwald. NOTES ET REVUE. VIII xxxm SUR LA STRUCTURE DE LA PEAU DE LA BAUDROIE {LOPIIWS P1SCATOIUUS) ET DES TERMINAISONS NERVEUSES DE SA LIGNE LATÉRALE, Par Frédéric Guitel, Préparateur au Laboratoire de zoologie expérimentale de Roscoiï. Dans une note que mon illustre maître M. de Lacaze-Duthiers a bien voulu présenter en mon nom à l'Académie des sciences (Comptes rendus du 6 jan- vier 1890), j'ai donné une description succincte de certaines terminaisons ner- veuses de la peau de la Raudroie, qui doivent être considérées comme repré- sentant sa ligne latérale. Les faits sur lesquels je me suis appuyé pour établir cette homologie sont tous empruntés à l'anatomie et sont de deux ordres : les premiers se rappor- tent à la distribution topographique des organites nerveux à la surface du corps, et les seconds aux nerfs qu'ils reçoivent. L'homologie de la ligne latérale dejla Raudroie s'appuie encore sur un troi- sième ordre de faits sur lequel il est nécessaire d'appeler l'attention; je veux parler de la structure histologique de ses terminaisons nerveuses. Avant d'entrer dans la description de celte structure, il est bon de dire un mot de celle de la peau, qui présente certains caractères particuliers. Elle se compose, comme toujours, d'un derme plus ou moins épais sur lequel repose le revêtement épidermique. Le tissu du derme est d'autant plus serré qu'on le considère plus près de sa face superficielle, tandis que, du côté profond, il devient de plus en plus lâche et passe insensiblement au tissu conjonctif hypo- dermique. Les chromatophores ne sont pas placés sous le derme, ils se trou- vent dans son épaisseur, très près de sa face superficielle. L'épiderme est composé de deux sortes de cellules bien différentes ; les unes, petites, à noyau très net, doivent, en se transformant, donner naissance aux autres, très volumineuses, qui sont des cellules muqueuses parfaitement caractérisées. Les premières forment à la base de l'épiderme une mince lame continue, surmontée par une, deux ou trois assises de cellules muqueuses qui, par places, laissent entre elles des intervalles dans lesquels on retrouve de petites cellules analogues à'celles de la lame basilaire. L'examen du lambeau cutané central de chaque organite nerveux montre qu'il est constitué par un prolongement du derme, que recouvre l'épiderme. Sur les faces latérales, celui-ci se compose de l'assise basilaire, surmontée d'une seule couche de cellules muqueuses d'autant plus petites qu'elles sont plus éloignées de la base du lambeau cutané. A l'extrémité libre de ce der- nier se trouve la terminaison nerveuse, dont la constitution est la suivante : c'est un bouton affectant à peu près la forme d'un hémisphère aplati au pôle, ARCH. DE ZO0L. EXP. ET GÉN. — T. VIII. 1890. C xxxiv NOTES ET REVUE. constitué par des cellules en forme de massue, dont la plus grosse extrémité est proximale «;t la plus petite distale. Chacune de ces cellules, au moins dans la région centrale de l'organe, se termine par un cil libre d'une extrême ténuité, qui ne peut être bien vu qu'avec un bon objectif à immersion. On reconnaît là la structure habituelle des terminaisons nerveuses de la ligne latérale, de sorte qu'en résumé les organites de la peau de la Baudroie, par leur distribution à la surface du corps, par leur innervation et par leur structure, rappellent absolument la ligne latérale des autres poissons ; mais cette ligne latérale présente ceci de particulier, qu'elle est constituée par des terminaisons libres, en saillie à la surface de la peau, et toujours accompa- gnées de lambeaux cutanés plus ou moins nombreux, disposés d'une manière parfaitement déterminée. IX LE DRYOPITHECUS, Par Albert Gaudry, Membre de l'Institut, professeur au Muséum. Le Dryopithecus est le seul Singe anthropomorphe fossile qu'on ait comparé avec l'homme. Le miocène de Sansan a fourni un anthropomorphe, le Plio- pithecus; mais ce singe est si petit que personne n'a eu la pensée d'un rap- prochement avec l'espèce humaine. La découverte de la mâchoire inférieure du Dryopithecus, faite dans le miocène moyen de Saint-Gaudens par Fontan et annoncée par Edouard Lartet à l'Académie en 1856, a eu un grand retentissement. Ses molaires ont ia même dimension que chez l'homme. On a cru remarquer que la canine, au lieu d'être proclive comme chez les singes, avait une position droite qui devait entraîner une semblable position des incisives, et on en a conclu que la face avait un notable raccourcissement : sous ce rapport, a dit M. Lartet, le Dryopithecus se rapprochait beaucoup du type nègre. On vient de trouver à Saint-Gaudens une seconde mâchoire inférieure de Dryopithecus ; elle appartient, à M. Félix Regnault, de Toulouse, connu déjà par plusieurs importantes découvertes paléontologiques. M. Félix Regnault m'a prié de l'étudier. J'ai été surpris en la recevant; car, bien qu'elle appar- tienne à la même espèce que l'échantillon de 1856, elle conduit à des conclu- sions très différentes. Nos confrères, MM. de Quatrefages et Hamy, ont bien voulu me communiquer les mâchoires humaines du Muséum qui passent pour avoir les tendances les plus bestiales. Je mets sous les yeux de l'Académie l'une d'elles, la mâchoire de la Vénus hottentote, et je place à côté la pièce envoyée par M. Regnault. Chacun peut voir combien la mâchoire fossile diffère de la mâchoire humaine. NOTES ET REVUE. xxxv Ce qu'on remarque tout d'abord dans la nouvelle mâchoire inférieur.: du Dryopithecw, c'est son allongement qui, nécessairement, coïncidait avec l'al- longement (li> la mâchoire supérieure et, par conséquent, de la face. La face devait être aussi proéminente que celle du Gorille, plus proéminente que celle de l'Orang-Outang, du Chimpanzé, beaucoup plus proéminente que celle de la Vénus hottentote *. Une seconde différence qui me frappe encore davantage est celle de la place laissée à la langue. C'est quelque chose assurément d'avoir une belle figure ; mais il y a pour nous quelque chose de plus important, c'est d'avoir la puissance d'exprimer nos pensées par la parole. La comparaison de la mâ- choire du Dryopithecus avec celle des autres grands singes et de l'homme me semble fournir un commencement d'indication pour ce qu'on pourrait appeler {'histoire de la langue. La langue humaine peut s'étendre beaucoup en largeur, parce que la mâ- choire inférieure, en forme d'arc, laisse un grand espace entre les rangées des arrière-molaires; elle s'étend aussi beaucoup en longueur, parce que la paroi du menton est très amincie; elle l'est quelquefois à un tel point qu'elle est translucide au-dessous des incisives; en outre, dans les races élevées, sa partie inférieure se porte en avant, formant un bombement très caractérisé dans la partie où s'insère le muscle nommé la houppe du menton. Comme chacun peut le constater sur soi-même, l'extrémité antérieure de la langue est habituelle- ment courbée en bas, de sorte que l'avance de la partie inférieure du menton sert à lui laisser plus de place. Souvent, dans les mâchoires des races humaines les moins élevées dites prognathes, comme par exemple dans celle de la Vénus hottentote, le menton laisse un peu moins de place pour les mouvements de la partie antérieure de la langue et l'espace entre les arrière-molaires est un peu moins large; mais la différence n'est pas très grande. Chez le Chimpanzé, le bas du menton est porté en arrière; en outre, le râtelier cesse de former l'arc, les deux rangées de molaires deviennent paral- lèles. La langue a donc moins de place pour s'allonger en avant, pour s'élargir en arrière. Chez l'Orang-Outang et le Gibbon, il y a proportionnellement moins d'in- tervalle que chez le Chimpanzé entre les mandibules ; la langue est donc for- cément encore plus étroite. Chez le Gorille, il en est de même. En outre, le menton s'est beaucoup épaissi et porté en arrière; le bas de la symphyse se prolonge jusqu'à l'aplomb des premières arrière-molaires. Ainsi la langue a moins de place en avant que dans l'Orang-Outang et surtout dans le Chimpanzé. Chez le DryopitMecux, l'intervalle entre les mandibules était aussi resserre 1 Voici quelques chiffres : le râtelier de la nouvelle mâchoire du Dryopithccus a 0",011 de long sur O^OIO de large; celui du Gorille a 0m,100 sur 0m,060; celui de l'Orang-Outang, O'n,08o surOm,059; celui du Chimpanzé, 0"n,070 sur 0«>,05i; celui delà Vénus hottentote, 0m,055 sur 0m,056. Ce dernier n'est donc pas plus long qui' large. xxxvi NOTES ET REVUE. que chez le Gorille; par conséquent, la langue était aussi étroite; les os tlu menton étaient encore plus épaissis; leur paroi postérieure restait sur un plan élevé jusqu'à l'aplomb des arrière-molaires, de sorte que la langue avait encore moins de place en avant. Je ne vois quelque chose d'analogue que dans les Singes non anthropomorphes, tels que ceux du groupe des Macaques. M. Sau- vinet, qui est .chargé, sous l'habile direction de notre confrère M. Milne Edwards, de la ménagerie du Muséum, a bien voulu me mettre à même d'étu- dier quelques-uns de ces Singes. J'ai remarqué avec lui que les Macaques, les Magots avaient la langue étroite, très épaisse en arrière, mince en avant ; même en tenant compte de la mauvaise volonté que ces animaux mettaient à montrer leur langue, il nous a semblé qu'ils ne la tiraient pas aussi loin ni avec autant de souplesse que les hommes ; cet instrument a chez eux des mouvements bien plus bornés. Il devait en être de même chez le Dr yopilhecus. Certainement, ce n'est pas lui qui nous éclairera sur l'origine de la parole. 11 existe encore plusieurs autres différences entre la mâchoire du Dryopi- thecus et les mâchoires humaines. Je les exposerai dans un travail accompagné de figures que je prépare pour la Société géologique de France. J'y signalerai en même temps les différences qui séparent notre fossile des Singes anthro- pomorphes vivants. En résumé, le Dryopithecus, à en juger par ce que nous en possédons, non seulement est éloigné de l'homme, mais encore est inférieur à plusieurs Singes actuels. Comme c'est le plus élevé des grands Singes fossiles, nous devons reconnaître que, jusqu'à présent, la Paléontologie n'a pas fourni d'intermé- diaire entre l'homme et les animaux. DU SENS DE L'ODORAT CHEZ LES ÉTOILES DE MER. Note de M. Prouho, Préparateur au laboratoire Arago. Étant données nos connaissances anatomiques sur les Étoiles de mer, il est légitime de penser que le sens de la vue n'est pas assez développé chez elles pour leur permettre de reconnaître et d'atteindre leur proie, et l'on est naturellement conduit à admettre que l'odorat est leur seul guide dans la recherche de leur nourriture. Toutefois, il m'a paru utile de préciser nos connaissances à ce sujet par quelques expériences dirigées dans le but : 1° d'observer les allures d'une Astérie selon les conditions dans lesquelles une proie lui est offerte; 2° de démontrer l'inutilité de l'organe de la vision dans la recherche de leur proie ; 3° de rechercher si leur odorat est diffus, ou bien s'il est localisé dans certains organes. Toutes mes observations ont été faites sur des Asterias glacialis acclimatées depuis un an dans l'aqua- rium du laboratoire Arago. NOTES ET REVUE. xxxv„ i. a. Une Astérie étant isolée dans un l>ae bien propre, attendons qu'elle soit parfaitement immobile et que ses tentacules ambulacraires inaptes à la locomotion, voisins du point oculiforme, tentacules que nous désignerons sous le nom de palpes, soient rétractés. Lorsque cel état de parfaite immo- bilité persiste depuis quelques temps, plaçons un poisson mort à 50 centi- mètres environ de l'Astérie. Après un temps très court (30 secondes à 1 mi- nute), les palpes les plus voisins du poisson se redressent, et l'extrémité du bras qui les porte se relève ; c'est là le premier indice que l'Etoile a senti la présencede l'appât. Des mouvements identiques se produisent à l'extrémité des autres bras, et l'on voit alors l'excitation, partie de l'extrémité, s com- muniquer de proche en proche jusqu'au xambulacres qui entourent la bouche. L'Astérie se met en marebe vers le poisson. Certains sujets se dirigent direc- tement vers l'appât, d'autres hésitent quelques instants. Lorsque l'Astérie est sur le point de saisir le poisson, je le soustrais à ses atteintes et je le présente à une petite distance du bras postérieur par rapport au mouve- ment. Emportée par sa vitesse acquise, l'Astérie semble alors fuir l'appât, mais bientôt son allure se modifie, et la voici qui recule en se dirigeant vers le nouveau centre d'attraction. On peut ainsi, pendant quelque temps, diri- ger certains sujets dans tous les sens; mais, à la longue, l'animal1 acquiert une telle excitation, qu'il devient. incapable de se diriger avec sûreté. b. On observe identiquement les mêmes phénomènes lorsqu'on présente à l'Astérie un poisson vivant, et, si l'on suspend ce poisson à une distance du fond inférieure à la longueur des rayons de l'Etoile, celle-ci parvient à le saisir ; elle enroule autour du poisson un de ses bras sur lequel elle se haie pour se soulever et appliquer sa bouche sur sa proie. En somme, l'observation attentive d'une Astérie excitée par un appât nous fait prévoir que les sensations auxquelles elle obéit sont perçues par l'extrémité de ses bras où une sensibilité délicate a été depuis longtemps mentionnée. L'animal est-il guidé par la vue lorsqu'il se dirige sur l'appât? Les expériences suivantes nous donnent la réponse. 2. c. J'ai enlevé les taches oculaires à quatre bras d'une Astérie, en respec- tant le plus possible les palpes voisins, et j'ai vu cette Astérie se diriger sûre- ment vers sa proie, mais de telle façon que son seul bras intact était orienté en sens inverse du mouvement. d. Un bac est divisé en deux compartiments à l'aide d'une planche qui laisse sur le fond un jour d'environ 3 millimètres. Dans l'un des comparti- ments, je place une Astérie et, lorsqu'elle est parfaitement immobile, je mets dans l'autre un poisson mort.iJe dirige ensuite'un faible courant allant du poisson vers le compartiment où se trouve l'Astérie; celle-ci mani- feste aussitôt l'excitation particulière, notée dans l'observation a. Elle allonge ses palpes et se dirige vers sa proie invisible, puis, parvenue contre la cloison qui la sépare de l'appât, elle essaye d'engager un bras sous cette cloison. Je soulève alors un peu celle-ci; l'Astérie en profite aussitôt; au prix de pénibles efforts, elle glisse son bras sous la planche et saisit le poisson placé de l'autre côté. Il devient ainsi évident que l'organe très rudimentaire de la vue ne sert xxxvm NOTES ET REVUE. pas à l'Astérie dans la recherche de sa nourriture, et que l'odorat seul lui sert de guide. e. Dans un bac renfermant une Astérie au repos, versons, en évitant d'a- giter l'eau, quelques gouttes d'eau fie mer dans laquelle un morceau de poisson a été écrasé ; nous voyons l'Astérie manifester la munie excitation et exécuter les mêmes mouvements que si le poisson lui-même lui avait été présenté. 3. f. J'ai coupé les quatre vertèbres extrêmes des cinq bras d'une Astérie, de manière à priver l'animal de toutes ses palpes. Plus d'un mois est aujour- d'hui écoulé depuis l'opération, et je n'ai jamais pu obtenir de cette Astérie, qui, avant d'être opérée, s'était montrée très habile à rechercher sa proie, la moindre excitation à l'approche d'un appât mort ou vivant. 8 — 7 Orthoptères 4 — Platyptères 2 Coléoptères J 11 — 4 — Diptères 8 — 8 - i Ce nombre relativement considérable est à remarquer. 1 Le genre Anophtalmes comprend à lui seul 9 espèces. xl NOTES ET REVUE. Bien entendu, nombre rlc genres et d'espèces ne sont dénommés qu'avec certaines réserves. La plupart sont figurés en détail. Vieil! ensuite une liste comparative des animaux des cavernes des États- Unis et de ceux des cavernes d'Europe, puis une longue liste des êtres aveu- gles n'habitant pas les cavernes. Le chapitre VIII est consacré à l'anatomie du cerveau et de l'œil de certains Arthropodes aveugles, avec de nombreux dessins dans les planches. Le chapitre IX est relatif à l'origine de la faune des cavernes dans ses rela- tions avec la théorie de l'évolution. L'auteur y montre d'abord l'influence des conditions spéciales de vie dans les cavernes sur leurs habitants : cou- leur, perte de la vue, compensation de la perte de la vue par le développe- ment exagéré d'organes du toucher ou de l'odorat, etc.; il y cherche l'explica- tion de l'origine des formes abyssales aveugles, examine l'influence de l'isole- ment comme facteur de l'évolution, etc., etc. Tous ces chapitres sont pleins de renseignements intéressants, mais il serait impossible d'en donner une analyse même succincte. Enfin l'ouvrage se termine par une bibliographie très complète de la faune des cavernes et de toutes les questions qui se rat- tachent à son élude. 11 contient vingt-sept planches et de nombreuses ligures dans le texle. L'auteur a rendu à la science un service important, non seulement par ses propres découvertes, mais aussi en écrivant cet ouvrage qui fixe l'état actuel de nos connaissances sur une question dont les éléments étaient jusqu'ici dispersés. XII DISPERSION DU SÀLMO QUINNAT SUR LES COTES MÉDITERRANÉENNES DU SUD-OUEST DE LA FRANCE. Note de MM. A. -F. Marion et F. Guitel. Durant notre séjour à Banyuls-sur-iMer, au magnifique laboratoire Arago, dont M. le professeur de Lacaze-Duthiers a doté la science zoologique, les pêcheurs de la localité nous ont présenté un poisson qui leur était inconnu, et qui s'était engagé, pendant la nuit du 24 au 25 mai, dans les Irémails posés entre l'île Grosse et le Troc. Nous avons constaté que cet animal est un Saumon quinnat ' ou Saumon de Californie (Salmo quinnat Richardson, Oncorhynchus quinnat Gûnther). Cette espèce exotique est assez mal connue. Gûnther ne lui consacre, dans son Catalogue of the fishes in the British Muséum, qu'une trop courte dia- 1 Quinnat est le nom donné à ce poisson, et probablement aux autres Salmonidés, par les Indiens; il signifie brillant, éclatant. (Gûnther, loc. cit., vol. VI, p. 158). NOTES ET REVUE. xu gnose, et nous n'avons pas à notre disposition l'article que M. Ravcret Watel a donné sur ce Saumon en janvier 1878, dans le Bulletin tir lu Société d'ac- climatation. Quoi qu'il en soit, voici les caractères génériques et spécifiques du seul individu que nous ayons eu à notre disposition, et sur lesquels est basée notre détermination. Le maxillaire supérieur est presque droit ; il dépasse en arrière la tangente verticale au bord postérieur de l'œil. Les dents, qui sont coniques et légère- ment recourbées en arrière, sont plus fortes à la mâchoire inférieure qu'à la supérieure. Aux deux mâchoires, les dents antérieures sont à très peu près de la même dimension que les postérieures, ce qui tient sans doute au jeune âge du poisson. Les dents vomérinos sont disposées en une seule série longitudinale, le chevron du vomer en est complètement dépourvu. Chaque palatin porte également une seule série de dents, et il y en a une sur cha- cun des bords de la langue. 11 n'y a aucune dent sur l'hyoïde. La nageoire pectorale compte quinze rayons, la ventrale dix, la dorsale quatorze, l'anale seize; il y a treize rayons braucliiostèges, soixante-dix ver- tèbres, cent trente à cent trente-cinq écailles de la ligne latérale et cent quatre-vingt-dix appendices pyloriques. Le préopercule est plus étroit que le diamètre de l'œil ; le museau dépasse sensiblement la mandibule. L'appendice, en forme d'écaillé, de la ventrale ne fait pas la moitié de la longueur de cette nageoire, mais l'ait plus du tiers. La caudale est fourchue, la longueur de ses rayons médians ne faisant pas tout à fait le quart de celle des rayons les plus longs. Les proportions de l'animal sont les suivantes : longueur totale, 213 milli- mètres; hauteur du corps au niveau du premier rayon de la dorsale, 43 mil- limètres ; largeur de la tète, 47 millimètres ; plus grande épaisseur de la tête, 20 millimètres ; hauteur du tronçon de la queue au niveau de la base des rayons extrêmes de la caudale, 15mm,5; épaisseur du tronçon de la queue au même niveau, 5 millimètres; distance entre l'extrémité du mu- seau et le bord antérieur de l'œil, 12 millimètres ; diamètre de l'œil, 8mm,S ; largeur du maxillaire supérieur , 20 millimètres ; distance du centre de l'œil à l'angle postérieur du préopercule, 22 millimètres; plus grande hauteur du préopercule, 18 millimètres; plus grande largeur du préopercule, 6 millimètres; distance entre le bout du museau et l'origine de la dorsale, 85 millimètres ; distance entre le dernier rayon de la dor- sale et le premier de la caudale, 8omm,5; longueur de la base de la dor- sale, 21mm,5; plus grande hauteur de la dorsale, 13 millimètres; lon- gueur de la pectorale, 24 millimètres; distance entre la racine de la pectorale et celle de la ventrale, 50 millimètres; longueur de la ventrale, 22 milli- mètres; distance entre le premier rayon de la ventrale et le premier rayon de l'anale, 31mm,o; longueur de l'anale, 24mm,!j ; longueur des plus longs rayons de la caudale, 33 millimètres; longueur des rayons médians de la caudale, 7:nm,o. La couleur de l'animal est d'un blanc brillant argenté sur la moitié infé- rieure du corps et de la tête; à partir de la ligne latérale, la teinte de- vient grisâtre et se fonce de plus en plus à mesure qu'on s'avance vers le xlii NOTFS ET REVUE. haut pour devenir tout à fait noire sur le dessus du corps et de la tête. Les pectorales sont noirâtres, excepté sur leur bord inférieur, tandis que les ventrales sont absolument dépourvues de pigment. Nous n'avons trouvé dans le tube digestif qu'une matière molle, facile à dissocier, qui a sans doute été coagulée par l'alcool, et qui ne renfermait que des débris absolument indéterminables même au microscope. La capture du Salmo quinnat, dont nous venons de donner la description, offre un intérêt tout particulier, car elle se lie aux essais d'acclimatation qui ont été faits récemment dans le bassin de la Méditerranée. On sait qu'à la suite de tentatives infructueuses pour introduire notre Saumon commun dans les cours d'eau tributaires de la Méditerranée, les services des tra- vaux publics, de concert avec la Société d'acclimatation, ont entrepris dans l'Aude l'élevage du Salmo quinnat. De nombreux alevins ont été obte- nus pendant l'hiver 1888-1889, et ont dû être lâchés depuis. Il importe d'être renseigné sur la destinée de ces poissons, et nous pensons que, dans l'intérêt de l'expérience en voie d'exécution, toutes les personnes compé- tentes de nos régions méridionales voudront s'unir pour constater en divers lieux, d'une manière exacte, l'apparition des Saumoneaux nés aux labora- toires de Quillan et de Gesse. Les documents ainsi recueillis pourront seuls nous fixer sur les allures que ces colons prennent dans notre pays; ils per- mettront d'assurer leur propagation soit par des règlements spéciaux de pêche fluviale, soit par des travaux d'aménagement dans ceux de nos cours d'eau qu'ils préféreront. Nous ignorons si des observations du genre de celle que nous venons de faire à Banyuls ont été déjà enregistrées. Nous avons cru, en tout cas, utile d'attirer sur ce sujet l'attention de nos confrères du midi de la France. Nous constatons, pour notre part, que dans les derniers jours de mai 1890, de petits Saumons quinnat se sont dispersés du nord au sud jusqu'à 4 milles environ de l'embouchure de l'Aude. Il sera intéressant de rechercher si d'autres individus, faisant dans une direction différente, vers l'est, un trajet semblable, ne se sont point rapprochés des embouchures du Rhône. Les administrations compétentes peuvent, dans ce but, organiser un ser- vice d'observations auquel nous sommes tout disposés à nous associer. XIII DU ROLE DES PÉDICELLAIRES GEMMIFORMES DES OURSINS. Note de M. Henri Prouho. Depuis que O.-F. Muller a décrit les pédicellaires des Oursins, la nature et les fonctions de ces singuliers organes ont été interprétées de façons très diverses. Dans une étude sur quelques Echinoïdes de nos côtes ', je me 1 Archives de zoologie expérimentale, 1887. NOTES ET REVUE. xli„ suis moi-même posé la question du rôle des pédicellaires, et, ne pouvant a ce moment appuyer une affirmation sur une observation précise, j'ai dû m'arrêtera la seule hypothèse vraisemblable, celle qui consiste h considérer les pédicellaires comme des organes de défense. J'ai l'honneur de soumettre aujourd'hui à l'Académie une observation faite dans l'aquarium du laboratoire Arago et facile à répéter. Les pédicellaires des Oursins latistellés ont été depuis longtemps divisés en trois catégories, savoir : les ophicéphales, les tridactylea e1 les getnmi- formes. Il ne s'agit, dans cette note, que des derniers, c'est-à-dire di qui présentent des mâchoires munies chacune d'une poche musculeuse, glandulaire, dont la sécrétion vient sourdre à l'extrémité qui est terminée par une sorte de crochet à venin. La tête des pédicellaires gemmiformes du Slrongylocenlrotus lividus est directement attachée à une tige calcaire articulée sur le test; elle est mobile sur l'extrémité de cette tige, mais ne peut pas se rapprocher de sa base, de telle sorte qu'un animal de petite taille qui parviendrait à se glisser jusqu'au pied du pédicellaire serait à l'abri de ses atteintes. Le pédicellaire gemmiforme ne peut pas se baisser pour saisir son ennemi, il se trouve donc dans de mauvaises conditions pour pro- téger le test. D'autre part, ces pédicellaires qui, chez le Strg. lividus, ont une longueur de 1 centimètre, sont dissémines au milieu d'une forêt de piquants dont un très grand nombre atteignent 3 à 4 centimètres de longueur. Si donc un animal de grande taille s'approche de l'Oursin pour l'attaquer, il semble que cet animal sera protégé par les piquants eux-mêmes contre les morsures des pédicellaires. En un mot la zone d'action de ces organes, qui est au- dessus du test et. au-dessous de l'extrémité des piquants nous parait, a priori, mal placée, et il y a là un ensemble de raisons bien l'ait pour nous faire hé- siter à considérer les pédicellaires gemmiformes comme des armes bien re- doutables, malgré leurs glandes et leurs crochets à venin. Cette hésitation disparaît complètement lorsqu'on voit de quelle façon l'Oursin se défend à l'aide de ses pédicellaires gemmiformes. Si, dans un bac renfermant une ou plusieurs Aslerias glacialis préalable- ment soumises à un jeûne prolongé, nous plaçons un Strg. lividus », nous ne tarderons pas à le voir attaqué par les Astéries. Dès que l'Oursin ressent le contact des tubes ambulacraires de l'Etoile qui essaye de le saisir, on le voit rabattre vivement les piquants de la partie menacée. Ces piquants s'in- clinent en rayonnant autour du centre de l'attaque, et ils s'inclinent si com- plètement que la plupart d'entre eux deviennent presque tangents au test. En rabattant ainsi ses piquants, l'Oursin démasque ses pédicellaires gemmi- formes que l'on aperçoit alors tendus vers le bras de l'Astérie, auquel ils présentent leurs mâchoires largement ouvertes. L'Astérie continue son atta- que; mais, dès qu'un de ses ambulacres vient à toucher la tête d'un pédi- cellaire, il est immédiatement mordu, et il faut croire que la douleur pro- voquée par cette morsure est très vive, car le bras de l'Etoile se retire 1 L'expérience que je rapporte ici, je l'ai répétée avec le Sph. granularis, et les résultats ont été identiquement les mêmes. xliv NOTES FT REVUE. précipitamment. En se retirant, le tube ambulacrairo mordu emporte tou- jours le pédicellaire fixé dans la plaie. Parfois, les premières morsures suffisent pour éloigner l'Astérie, mais parfois aussi celle-ci prolonge son attaque, et c'est alors un spectacle vrai- ment intéressant de voir l'Oursin démasquer ses pédicellaires sur tous les points attaqués, ut, que l'on me passe l'expression, suivre ainsi les mouve- ments de son ennemi en lui montrant les dents. Dans une première lutte, l'avantage reste toujours à l'Oursin, et l'Astérie se retire criblée de blessures; mais comme chaque pédicellaire ne sert qu'une fois dans la défense de l'Our- sin, puisqu'il laisse ses mâchoires dans la morsure, celui-ci épuise peu à peu ses moyens de défense. Si donc on enferme un Oursin dans un bac avec plusieurs Astéries, et que celles-ci n'abandonnent pas définitivement la lutte, l'Oursin succombe fatalement; mais l'issue de la lutte est pour nous d'un intérêt secondaire. La manière dont l'Oursin démasque ses armes ordinai- rement cachées et protégées par les piquants me paraît, au contraire, par- ticulièrement digne d'attention. Dès que l'Oursin est averti, par son système nerveux périphérique, du danger qui le menace, il imprime à ses piquants un mouvement qui n'a rien de commun avec les mouvements habituels de ces organes, et dont le seul but est d'opposer à l'ennemi les mâchoires de ses pédicellaires gemmi- formes. Il est intéressant de remarquer que ce mouvement des piquants est exactement l'inverse de celui qui se produit lorsqu'on blesse la surface du test, avec la pointe d'une aiguille par exemple. Dans ce cas, piquants et pé- dicellaires s'inclinent vers le point blessé. Au contraire, quand l'Oursin prend sa position de défense, il éloigne les piquants du point menacé, en même temps qu'il dirige vers son ennemi ses pédicellaires ainsi démasqués, et dont les mâchoires se tiennent prêtes à mordre. Ici, ce n'est point une douleur locale, mais une sensation plus complexe que nous ne pouvons ana- lyser, qui provoque une combinaison de mouvements assurément intéressante chez un être aussi inférieur. XIV LE SYSTÈME NERVEUX DU PAMIOPHOPUS AUSTRALIS DANS SES RAPPORTS AVEC LE MANTEAU, LA COLLERETTE ET LE PIED, Par L. Boutan, Maître de conférences à la Faculté des sciences de Lille. Dans un récent mémoire publié dans la Revue biologique du nord de la France, M. Routan vient d'étudier le système nerveux du Parmophore au point de vue de la masse nerveuse ventrale qui a donné lieu à tant de discussions entre quelques auteurs. NOTES ET REVUE. XLV Une dissection attentive est venue confirmer les résultats déjà obtenus par M. de Lacaze-Dutliiers pour YHaliotis, et le système nerveux du Parmophore a fourni une preuve directe intéressante établissant d'une manière indiscutable que la masse nerveuse ventrale est bien formée tout entière par les ganglions pédieux et les ganglions du centre asymétrique fusionnés sur une assez longue étendue. M. Spengel, Bêla Haller et plus tard M. Pclsencer avaient développé dans plusieurs mémoires une série d'arguments pour réfuter cette manière de voir et, constatant à l'aide des coupes qu'il n'existait pas une séparation histolo- Cette figure représente une coupe schématique de Parmophorus passant par le milieu de la masse nerveuse ventrale (cordons palléaux-pédieux) et est destinée à montrer les trois ordres de nerfs a, [3, 7, qui dérivent de cette masse nerveuse ventrale. c, coquille ; M, les trois lobes du manteau, le supérieur rabattu sur la coquille, l'inférieur formant le plancher sur lequel repose la coquille, l'inférieur étalé de chaque cote du corps; Mj, collerette ou manteau inférieur coupée au niveau d'un des tentacules latéraux ; '/, portion palléale de la masse nerveuse ventrale ; e, portion pédieuse de la môme ; a, nerf pédieux ramifié dans le pied ; p, nerf de la collerette ou du manteau inférieur; 7, nerf palléal dérivant de la masse nerveuse ventrale et se ramifiant dans le lobe supérieur et inférieur. gique dans la masse nerveuse, mais un simple sillon peu profond, ils en concluaient, malgré la présence de deux ordres de nerfs, les uns se ren- dant à la collerette ou manteau inférieur et les autres dans le pied, qu'il n'y avait là qu'un seul et même centre constitué par les glanglions pédieux étirés sous forme de chaîne. Or la dissection du système'nerveux du Parmophore montre que de cette masse nerveuse ventrale partent trois ordres de nerfs : 1° A la face inférieure, des nerfs qui se rendent exclusivement dans le pied; 2° Latéralement, des nerfs qui se rendent à la collerette ou manteau inférieur ; 3° Entre ces derniers, des nerfs qui se rendent directement au manteau. Il est donc logique d'en conclure que cette masse nerveuse ventral' la fois un centre pédieux et palléal puisqu'il en dérive des nerfs qui se rendent xlvi NOIES ET REVUE. dans le pied et dans le manteau. La niasse nerveuse est par conséquent un centre formé des ganglions pédieua et dos ganglions palléaui. Pour bien faire comprendre la disposition du système nerveux dans le Par- mopliore, l"auteur a donné une coupe schématique, pour résumer les faits établis par son travail. C'est cette ligure que nous reproduisons dans ce ré- sumé. Voici quelques-uns des passages les plus saillants du mémoire: « Une des causes qui ont amené cette longue discussion est une idée théo- rique séduisante a priori, mais que je crois fausse en réalité. « Les naturalistes, constatant que certains Rhipidoglosses, tels que la Fissurelle et le Parmophore, présentent à l'état adulte une symétrie beaucoup plusgrande que les autres, ont voulu y voir le terme de passage, un groupe intermédiaire, entre les Lamellibranches d'une part, le Chiton et même les Vers d'autre part. « Je crois que l'étude embryogénique réfute absolument cette idée théo- rique. Pour mieux faire comprendre ma pensée, j'emploierai la comparaison suivante : il me parait aussi difficile de passer des Gastéropodes normaux aux Lamellibranches par la Fissurelle ou les types voisins, que de passer des Mam- mifères aux Poisso7is par l'intermédiaire des Célacès. Assurément si l'on s'en tient à l'adulte, comme l'a fait M. Thicleçar exemple, on trouve des rapports curieux, séduisants, des caractères communs qui semblent établir le bien fondé de riiypotbèse,mais il suffit d'interroger les stades larvaires pour se convaincre que l'on fait fausse route. « Cette symétrie apparente de l'adulte, de même que les apparences piscifor- mes des cétacés, sont des caractères acquis, des dérivations du type primitif, poursuivis pendant une longue série de siècles. « A mesure que nous remontons le cours du développement, nous retrouvons l'asymétrie primitive, et quand nous arrivons à un stade larvaire, très jeune, nous trouvons une larve enroulée aussi typique que celle des Gastéropodes normaux. a Cela ne veut pas dire que la Fissurelle et les types voisins soient des Gasté- ropodes élevés en organisation. Tout en se différenciant plus que les autres dans le sens de la symétrie des divers organes, ils ont gardé des caractères d'infériorité visibles que personne ne songe maintenant à contester. » M. Boutan tire ensuite les conclusions suivantes : « 1° L'étude de la masse nerveuse du Parmophore montre qu'il se détache de cette masse nerveuse trois sortes de nerfs se rendant clans des parties dif- férentes du corps. « 2° Ces trois sortes de nerfs sont : les nerfs qui se rendent dans le pied, 1rs nerfs qui se rendent dans la collerette, manteau inférieur ou épipodium, et les nerfs qui se rendent dans le manteau. « 3° Les premiers, ou nerfs pédieux, naissent de la face ventrale et inférieure de la masse nerveuse, au niveau d'un sillon inférieur bien marqué chez le Parmophore. Les autres naissent des faces latérales de la masse nerveuse dans la partie dorsale de celle-ci, en avant d'un sillon qui permet de distinguer deux cordons dans cette région dorsale de la masse nerveuse. NOTES ET REVUE. xlvii « A° La masse nerveuse du Parmophore, dans imite son étendue, innerve donc le pied par sa position inférieure, la collerette et le manteau par ses races latérales et dorsales. « 5° On doit en conclure que la masse nerveuse ventrale du Parmophnre est à la fois centre d'innervation pédieux et palléal, puisque cette masse nerveuse fournit des nerfs au pied et au manteau. « 0° On doit en conclure également que le manteau inférieur, collerette ou épipodium, est de même nature que le manteau, puisque les nerfs qui l'inner- vent prennent leur origine dans les mêmes parties du centre que les nerfs du manteau. « 7° On doit en conclure également que les deux premiers ganglions du centre asymétrique (ganglions sous-abdominaux de certains auteurs) ne se limitent pas à la partie supérieure delà chaîne nerveuse qui fournit des nerfs au manteau et au manteau inférieur. a 8° 11 dérive de là que le sillon qui permet de reconnaître deux portions distinctes et parallèles dans la masse nerveuse n'est pas un sillon sans impor- tance comme l'a prétendu M. bêla Haller, et a, au contraire, une signification morphologique d'un haut intérêt, puisqu'il indique le point de contact, le point d'union du centre pédieux et palléal. « 9° Les conclusions tirées de l'étude du système nerveux du Parmophorc peuvent s'appliquer également à la Fissurelle dont le système nerveux est semblable, dans tous ses grands traits, à celui du Parmophorc, mais où les nerfs palléaux dérivant de la masse nerveuse n'ont été jusqu'à présent mis en évidence dans la partie supérieure. « 10° Ces conclusions peuvent s'étendre non seulement à la Fissurelle, mais encore aux animaux voisins, Haliotis, etc., et confirment les vues expri- mées depuis longtemps par M. de Lacazc-Duthicrs pour le Trochus, V Haliotis et la Fissurelle. « 11° L'étude du système nerveux du Parmophore montre le rapport outo- génétique et phylogénétique qui existe entre le Parmophore, VHaliotide et la Fissurelle par la formation, chez ce dernier type, des deux anneaux nerveux qui se constituent dans le manteau et qui remplacent les anastomoses palléales latérales que M. Bouvier a mises en lumière dans les deux types précé- dents. « 12° Enfin la présence d'un tortillon, dernier vestige de la coquille enroulée, et la présence de cette même coquille dans la larve de la Fissurelle, montrent qu'il est illusoire de vouloir rapprocher ces animaux des Chitons ou des Acé- phales, en se basant sur les ressemblances que peuvent présenter ces animaux adultes sans tenir compte des divergences fondamentales de leur développe- ment. Le Chiton est symétrique di-^ l'origine ; la Fissurelle, le Parmophore et les types voisins sont, au contraire, asymétriques dès les premiers stades larvaires, et ne prennent (pie tardivement une apparente symétrie qui masque superficiellement leur asymétrie originelle. » il est inutile d'insister plus longuement et les deux extraits que nous venons de donner du travail suffisent a montrer que chez le Parmophore, la nerveuse ventrale est bien formée dans toute son étendue de deux parties dif- XLYiii NOTES ET KEVUE. férentes, l'une appartenant aux deux premiers ganglions du centre asymétri- que, l'autre aux ganglions pédieux. L'épipodium à' Huxley, ou mieux la collerette ou le manteau inférieur, ainsi nommé par M. de Lacazv-lhttliicrs, est innervé exclusivement par le centre pailéal et constitue, dans YHaliolis, la Fissurellc aussi bien que dans le l'ar- mophore, une dépendance du manteau. Nota. — Ce résumé fournit l'occasion de relever plusieurs erreurs biblio- graphiques qui se sont glissées dans le mémoire de M. Boutan, qui fait lui- même la rectification suivante : 1° Le renvoi de la citation qui se trouve page 466 et page 467, a été placé par erreur page 465. 2° L'indication bibliographique page 478 est erronée; au lieu de Morph. Jabrh., t. IX, le lecteur doit lire : Morph. Jahrb., t. XI. 3° La ligure 5 de la planche a été inexactement reproduite en l'un de ses points par le dessinateur : cette figure, extraite d'un mémoire de M. Bella Haller {Morph. Jahrb.,. planche XVIII, figure 19), représente les nerfs on et ce, continus, alors que, dans le mémoire original, on et ce sont distincts et séparés. Le directeur : H. de Lacaze-Duthiers. Le gérant : C. Relwald. ARCHIVES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE ÉTUDES ANATOMIQUES ET HISTOLOGIQUES SUR LE TUBE DIGESTIF DES CRYPTOPS E.-G. BA.LBIANI Ce n'est point le hasard qui m'a conduit à traiter le sujet indiqué par le titre de ce travail. Occupé, il y a quelques années, de re- cherches sur les organismes qui vivent en parasites dans le tube digestif des Myriapodes, je fus frappé de ce fait que, chez les Cryp- tops, c'est l'œsophage qui est le lieu d'élection de la plupart de leurs parasites1, tandis que, ainsi qu'on le sait, c'est l'intestin qui, d'ordinaire, est le séjour de prédilection des. parasites de toute espèce du canal alimentaire. Pensant que la cause de cette déroga- tion à la règle devait être cherchée dans les conditions anatomiques et physiologiques de l'appareil digestif des Cryptops, je consultai le beau mémoire de M. Plateau sur les phénomènes de la digestion chez les Myriapodes, et j'y lus les lignes suivantes : « L'intérêt que 1 Voyez mon mémoire intitulé: Sur Irois Entophytcs nouveaux du tubcdigestifdes Myriapodes [Journal de l'anatomie et de la physiologie, publié par G. Pouchet et Mathias Duval, t. XXV, 1889, p. 1). ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉM. — 2e SÉRTE- — T. VIII. 1 S'JO. 2 E.-G. BALBIANt. j'attachais à cet appareil (chez le Oyplops) s'est accru tout à coup considérablement dès qu'une première dissection m'eut révélé une composition spéciale et, j'ose le dire, toute nouvelle pour un Myria- pode » (42, p. 35). Les particularités intéressantes que M. Plateau nous a fait connaître dans la structure de l'appareil digestif des Gryptops, structure entièrement inconnue avant lui, m'inspirèrent le désir de me livrer, de mon côté, à quelques recherches sur le même sujet, et c'est le fruit de ce travail que je présente ici au lec- teur. Mes observations ont porté sur nos deux espèces communes de Cryptops indigènes, que je désignerai sous les noms de C. hortensis et C. punctatas, en choisissant, parmi une synonymie assez compli- quée, les dénominations employées par les classificateurs modernes les plus autorisés. A moins de désignation spéciale, mes descriptions s'appliqueront indifféremment à l'une ou à l'autre de ces deux espèces1. Malgré l'importance des résultats obtenus par M. Plateau, l'habile observateur n'a employé dans ses recherches que les méthodes de dissection ordinaires, par les aiguilles et le scalpel, dont l'usage ne répond plus aux exigences de la science, surtout pour l'examen histologique. La méthode des coupes en série trouvait, au contraire; ici une heureuse application pour l'étude des changements dans sa structure intime que le canal digestif éprouve d'une de ses portions à l'autre. J'ai employé avec beaucoup d'avantage le procédé recom- 1 II n'est pas toujours facile, à moins d'être un spécialiste exercé, de distinguer entre elles nos différentes espèces de Cryptops indigènes, surtout lorsqu'on a affaire à de jeunes individus. C'est sans doute la raison de la confusion qui règne dans les dénominations employées par les auteurs. Ainsi, tandis que M. Plateau fait des C. hortensis, Savignyi, agilis autant d'espèces distinctes (40, 42, p. 33), Berlese les rapporte à un seul et même type spécifique, le C. hortensis, Leach (3). Une autre espèce commune de nos pays, le C. yunctalus, Kocli, est quelquefois aussi confondue avec les précédentes, dont elle se distingue, entre autres caractères, par sa taille double. M. Plateau (42, p. 36) parle d'un C. Savignyi long de 46 millimètres ; or, cette taille n'est atteinte, chez nos espèces indigènes, que par le punctatus. J'ai même observé un individu de cette dernière espèce qui n'avait pas moins de 49 mil- limètres de long. ÉTUDES SUR LE TUBE DIGESTIF DES CRYPÎOPS. J mandé par Frenzel dans son mémoire sur l'intestin mnyrn des in- sectes (12), savoir : l'immersion des pièces dans la Solution alcoolique de sublimé, additionnée de quelques gouttes d'acide nitrique, sui- vie dedurcissementdans l'alcool à 90 pour 100. La colorati<»u double des coupes a été faite parle rougë Congo eU'héiuatoxyline, ou parle carmin borique et le violet de gentiane. Je n'ai pas àégligé mm plus les préparations par dissociation des pièces fraîches ; les dëlli mé- thodes se complètent et se servent mutuellement de contrôle. Je diviserai ce travail en deux parties : dans la première, je m'oc- cuperai de la disposition anatomique ou topographique du lube digestif; dans la deuxième, j'examinerai sa structure hislologique. I. ANATOMIE DU TUBE DIGESTIF. Gomme pour tous les Myriapodes, nous distinguerons, avec M. Pla- teau, dans le tube digestif des Gryptops, trois portions successives, que nous désignerons sous les noms d'intestin antérieur ou préin- testin, d'intestin moyen ou médiintestin, et d'intestin postérieur ou postintestin1. Ces trois portions s'étendent presque en ligne droite de la bouche à l'anus, et ne présentent que quelques légères flexuo- sités. On remarque quelquefois une circonvolution plus ou moins prononcée, enferme d'anse ou de boucle, sur le trajet du postin- testin. Ne l'ayant observée qu'un petit nombre de fois, nous ne l'avons pas représentée dans notre Figure d'ensemble du tube digestif. M. Pla- 1 Avec leur facilité de créer des noms composés, les Allemands désignent ces trois portions par les mots de Vorderdarm, Mitteldartn et Hinterdarm. En français, on s'est servi quelquefois des expressions de préintestin et de postintestin pour dési- gner plus brièvement l'intestin antérieur et l'intestin postérieur. Dans le même but, nous proposons celle de médiintestin, qui correspond exactement a Mitteldartn, comme synonyme d'intestin moyen. Les anciens auteurs se servaient des mots œsophage, estomac et rectum pour désigner respectivement ces trois portions du tube digestif. Comme ils sont d'un usage familier et d'un emploi commode, il nous arrivera aussi de nous en quelquefois, bien qu'ils ne soient pas d'une exactitude rigoureuse appliqués aux Arthropodes. 4 Jï.-G. BALBIANI. teau, qui la croit, au contraire, constante, l'a indiquée dans la fi- gure 2 de son mémoire. Cette divergence est d'autant plus singulière, que nos deux figures se rapportent à la même espèce, le C. panc- tatus1. Les trois portions du tube digestif sont très inégalement déve- loppées en longueur : chez un exemplaire de C. punctalus, où la longueur totale du canal alimentaire était de 56 millimètres, il en revenait 38 au préintestin, 12 au médiintestin, et 6 au postintestin. Traduits en fractions simples de la longueur totale, ces chiffres nous donnent approximativement les proportions suivantes : deux tiers pour le préintestin, un cinquième pour le médiintestin; un neu- vième pour le postintestin. Nous allons décrire successivement chacune de ces trois portions du tube digestif. PRÉINTESTIN. i En raison de la longueur et de l'ampleur exceptionnelles que cette portion du tube digestif présente chez les Gryptops, on conçoit aisé- ment qu'elle ait attiré, d'une manière toute spéciale, l'attention de M. Plateau. Il l'évalue aux deux tiers de la longueur totale du tube di- gestif, ce qui concorde, comme on l'a vu plus haut, avec nos propres données (fig. 1, Pr 1 et Pr /'). Chez aucune autre espèce de Myria- podes, l'intestin antérieur n'atteint pareille proportion, pas même chez les Géophilides, qui sont, avec les Cryptops, les espèces qui ont l'œsophage le plus long. L'aspect du préintestin varie suivant qu'on le considère à l'état de vacuité ou de réplétion. Chez l'animal à jeun, il affecte la forme d'un cordon mince, blanchâtre, plus ou moins aplati, dont les parois, revenues sur elles-mêmes, présentent un grand nombre de plis longitudinaux. Parmi ces plis, les uns traduisent au dehors la structure interne, cloisonnée, de l'œsophage, dont il sera question 1 C'e9t notre grande espèce indigène, que M. Plateau désigne sous le nom de C. Savignyi (voir la note de la page 2). ÉTUDES SUR LE TUBE DIGESTIF DES CHYPTOPS. plus loin, tandis que les autres, plus irréguliers, sont de simples plis- sements dus à la rétraction de sa paroi élastique. L'intestin antérieur commence à la bouche par une partie plus étroite, presque filiforme (fig. 1, Pr /); il devient graducllemenl plus large jusqu'à sa partie moyenne, pour diminuer de nouveau de diamètre jusqu'à sa terminaison, où il présente une dilatation en forme d'ampoule, le gésier ou l'appareil valvulaire de M. Plateau, dont il sera parlé plus loin en détail. Chez l'animal repu, les aliments s'accumulent dans la partie moyenne de l'œsophage, et y déterminent un renflement fusiforme, allongé, comparé fort justement par M. Plateau au jabot des In- sectes (/). Cette comparaison avec le jabot peut se soutenir aussi, suivant le savant auteur belge, au point de vue physiologique, car, ainsi qu'il l'a montré pour les Insectes, les aliments y sont en partie digérés avant de passer dans la section suivante, l'intestin moyen. Grâce à la minceur et à la transparence des parois de ce réservoir, on peut reconnaître facilement la nature des aliments ingérés, ali- ments consistant presque toujours en débris d'Articulés, de Vers, dont le choix paraît varier pour chaque espèce, d'après les observa- tions faites par M. Plateau sur l'alimentation des Cryptops. Chez le C. punctatus, j'ai observé fréquemment dans l'intérieur dujabot des débris d'individus de sa propre espèce, car ces animaux carnassiers s'attaquent mutuellement et se dévorent, surtout lorsqu'on les tient emprisonnés dans un espace trop étroit. Les aliments sont souvent mêlés de grains de sable, qu'ils avalent avec leur proie, et qu'on retrouve dans toutes les parties du tube digestif. Enfin, il n'est pas rare de voir le jabot entièrement rempli d'Acariens du genre Ty- roglyphus, qui couvrent parfois en grande quantité le corps et les pattes des Cryptops, et que ceux-ci vont saisir sur leur propre corps ou sur celui de leurs congénères et avalent tout entiers. La structure interne de l'œsophage présente plus de conqplication que sa surface externe, qui est lisse et n'offre d'autres reliefs que ceux déterminés par la saillie des fibres musculaires puissantes qui (i K.-G. BALB1ANI. encerclent l'œsophage dans tonte sa longueur. Nous renvoyons l'étude de la surface interne à la partie histologique de ce travail. Avant sa terminaison à l'intestin moyen, l'œsophage présente une dilatation, qui, par sastructure et ses fonctions, peut être considérée comme un organe particulier ; elle mérite, par conséquent, une description spéciale : c'est le gésier ou appareil valvulaire de M. Pla- teau. Qésier. — Nous avons vu que l'intestin antérieur se dilate à sa partie moyenne en une vaste poche piriforme, qui correspond au jabot des Insectes. Le renflement terminal, plus court, plus constant dans sa forme, plus différencié du reste de l'œsophage, peut être comparé au gésier de ces mêmes animaux ou à l'estomac triturant des Crustacés décapodes. L'examen d'un grand nombre de types divers de Myriapodes, Chilopodes et Chilognathes, a conduit M. Pla- teau à considérer le gésier comme un organe spécial au genre Cryptops, et qu'on ne retrouverait même pas dans le genre voisin Scolopendre, qui a tant d'affinités avec ce dernier1. Le savant auteur belge signale une différence dans la forme exté- rieure du gésier chez les Cryptops hortensis et agilis*, d'une part, et le C. Savignyi, d'autre part : il serait ovoïde chez les deux premiers, et sphérique chez le dernier. Cette distinction ne me paraît pas fondée comme caractère spécifique, car j'ai constaté l'une et l'autre forme chez la même espèce, où elles me paraissent être en rapport 1 Nous pensons que cette dernière assertion mérite vérification, M. Plateau ne s'étant pas assuré de visu de l'absence du gésier chez les Scolopendres, et ne s'en rapportant qu'à une ancienne observation de Kutorga remontant à 1834.— Depuis que ces lignes ont été écrites, M.Vayssière a publié, dans son Atlas d'anatomie comparée des invertébrés, 3e fascicule, 1886, une figure anatomique du Scolopendra morsitans (pi. XXIX; fig. 4). Dans l'explication de cette figure, il est dit que le jabot (appelé improprement par l'auteur grande poche stomacale fusiforme) présente inférieu- rement des plis longitudinaux munis de nombreuses petites plaques chitineuses cou- vertes d'épines. On doit voir dans cette disposition une sorte de gésier rudimentaire, qui est loin de présenter le grand développement que cet organe nous offre chez les Cryptops. » Nous ne connaissons pas' le C. agHis de M. Plateau ; cetle espèce se confond probablement avec l' hortensis , comme il est dit dans la note de la page 2. ÉTUDES SUR LE TUBE DIGESTIF DES CRYPT0P6. 7 avec l'état de contraction ou de relâchement fie l'ur-anc. Le gésier est, en effet, très musculeux, comme chez tous les animaux qui le présentent, et il peut modifier sa forme suivant les conditions phy- siologiques de l'appareil digestif. Nous étudierons la disposition dos muscles du gésier dans la partie histologique. La structure intérieure de cet organe des Cryptops justifie pleine- ment la comparaison homologique établie par M. Plateau outre lui et le gésier des Insectes. De tous les points de sa paroi interne partent des prolongements ou appendices, qui s'imhriquent par leur base et font saillie par leur partie libre à l'intérieur de la cavité (fig. 2, ri). Leur longueur est assez considérable pour que leurs extrémités atteignent jusqu'à l'axe longitudinal du gésier, qu'ils remplissent entièrement. La forme de ces appendices n'est pas la même chez nos deux espèces communes de Cryptops, de sorte qu'il suffirait d'avoir sous les yeux le gésier seul pour reconnaître à quelle espèce on a affaire. Chez le C. hortensis, tous les appendices sont semblables et ont l'aspect de longues lamelles écailleuses, dont le bord anté- rieur arrondi porte une rangée de longues soies simples, effilées au bout (fig. 5, 6). Chez le C. punctatus, on peut distinguer trois formes différentes d'appendices, dont deux ont été parfaitement reconnues et figurées par M. Plateau. Les plus nombreux sont des lamelles triangulaires, imbriquées à leur base, garnies, à leur partie anté- rieure libre, de longues soies inégales, insérées à différentes hau- teurs (fig. 2, ap.m; fig. 3, ap. m). Ces lamelles sont incolores et transparentes, très flexibles et élastiques, comme nous en aurons la preuve plus loin. En avant de ces appendices, au pourtour de l'ori- fice antérieur du gésier, se trouvent, disposés en une seule rangée circulaire, des appendices conoïdes, brunâtres, hérissés, à leur partie antérieure, de petites pointes épineuses, insérées irrégulièrem.ni (fig. 2, ap. a; fig. 3, ap.a). M. Plateau les compare fort justement aux massues garnies de pointes dont on se servait anciennement. Il estime leur nombre à trente-huit ou quarante, ce qui est parfeite- ment exact pour les individus adultes ; mais chez ceux qui n'ont pas 8 E.-G. BALBIANI. encore atteint toute leur croissance, je n'en ai compté que vingt à vingt-quatre. Leur nombre paraît donc augmenter avec l'âge, c'est- à-diro avec les mues périodiques de l'appareil digestif. A ce point de vue, le gésier des Cryptops se distingue de l'organe que l'on peut considérer comme son homologue chez les Crustacés décapodes, l'estomac triturant, dont la constitution intérieure, si nous en croyons les observations de M. Mocquard (36) ne subit aucune mo- dification avec les progrès de l'âge. Au pourtour de l'orifice postérieur du gésier, se trouve un second cercle d'appendices échinés, de forme plus régulièrement conique, et colorés, à leur sommet, en brun plus clair que les précédents, couverts aussi d'épines plus courtes, quelquefois à peine marquées (fig. 2, ap.p ; fîg. 3, ap.p). Leur nombre est moins considérable que celui des appendices du cercle antérieur ; je n'en ai compté que dix à douze chez un individu arrivé à la plénitude de sa taille ; ils sont aussi plus espacés entre eux, en raison de leur nombre moindre, et naissent à des hauteurs un peu inégales sur la paroi du gésier. M. Plateau ne paraît pas avoir aperçu cette couronne postérieure de prolongements, ou bien il les a confondus avec les appendices lamel- leux, nombreux, placés en avant d'eux. Pour compléter la description de l'armature interne du gésier, je dois mentionner encore un fait qui se rapporte probablement à sa néoformation chez un individu venant de muer. Chez cet individu, long de 2 centimètres, et appartenant, comme j'ai tout lieu de le croire, au C. punctatus, les appendices du cercle antérieur présen- taient la forme conoïde qu'ils ont chez les sujets adultes; mais leur surface était entièrement dégarnie des petites pointes qu'elle porte chez ceux-ci, et le sommet se prolongeait brusquement en un petit mamelon allongé, étroit, formé d'une substance d'apparence molle, finement granuleuse (fig. 7, ap.a; fig. 8). Les autres appendices étaient à peu près de môme forme, mais plus longs et plus larges, et, au lieu de la longue frange de soies qui les garnit chez l'adulte, ils se terminaient par une extrémité allongée, bi ou trifurquée, à ÉTUDES SUR LE TUBE DIGESTIF DES CRYPTOPS. 9 pointes inégales, effilées au bout (fig. 9). Ce qui me porte à croire qu'il s'agissait d'appendices jeunes, en voie de régénération, c'est le réseau de champs hexagonaux qu'ils montraient à leur surface (fig. 8 et 9), réseau semblable à celui qu'on remarque sur le chorion de certains œufs d'Insectes, et qui est formé par les empreintes des cellules de la couche matricielle ou chitinogène du follicule ovarien. Tous les appendices, quels qu'ils soient, de l'armature interne du gésier sont dirigés en avant ou vers l'œsophage, par conséquent, en sens contraire de la direction que prennent les aliments dans le tube digestif (fig. 2, 5, 6, H, g). Il en résulte, ainsi que M. Plateau l'a fait remarquer, qu'au point de vue fonctionnel on doit considérer le gésier du Cryptops comme agissant à la manière d'une valvule, qui retient les aliments temporairement dans le jabot. D'autre part, il se comporte aussi comme un tamis à travers lequel les liquides diges- tifs élaborés dans l'intestin moyen filtrent et passent dans l'œso- phage, où ils vont imbiber et dissoudre les matières albuminoïdes des aliments. Lorsque, par le travail de la digestion, tous les prin- cipes alibiles en ont été extraits, le gésier se dilate, ses appendices s'écartent les uns des autres, et les résidus de la digestion trouvent un libre passage pour continuer leur parcours dans les portions sui- vantes du tube digestif. Telle est la théorie par laquelle M. Plateau cherche à expliquer le rôle physiologique du gésier chez le Cryptops ; ce rôle est celui d'une valvule et non d'un organe servant à triturer les aliments, comme on l'admet généralement pour le gésier des Insectes. Du reste, avant de discuter sa signification chez le Cryptops, M. Plateau avait cher- ché à établir, antérieurement, la même manière de voir à l'égard des Insectes. Ses nombreuses observations sur ces animaux lui oui dé- montré que le gésier « n'est point un organe triturateur auxiliaire des pièces de la bouche, car, chez les Coléoptères carnassiers cl Les Locustiens, où il affecte une forme classique, les matières animales ou végétales qui l'ont traversé se retrouvent, après le passage, en ¥> 10 K-u a un plus faible degré sur les préparations montées dans la glycérine; aussi faut-il donnai à ces dernières la préférence, lorsqu'on tient à conserver aux nuis clés leur aspect normal. Il est probable que c'est par une erreur due au mode de préparation que quelques auteurs anciens ou modernes; tels queFrey et Leuckart (12 bis), Sirodot (53), Minot (35), List (31), ont soutenu l'existence de fibres musculaires lisses chez les Arthro- podes, principalement dans leur appareil digestif. D'après les obser- vations que j'ai pu l'aire sur un grand nombre d'espèces appartenant à toutes les classes de cet embranchement, je partage l'opinion de la plupart des histologistes, suivant laquelle leur système muscu- laire de la vie animale, aussi bien que de la vie végétative, appartient au type des muscles striés, et mes observations sur le Gryptops ne sont pas de nature à modifier ma manière de voir l. Pour terminer la description de la tunique musculaire, j'ajouterai qu'elle se sépare très facilement des couches sous-jacentes, lors- qu'on cherche à isoler le tube digestif sans faire une dissection mé- thodique: par exemple, en essayant de l'attirer au dehors à l'aide d'une traction opérée par la tête, seul moyen à employer chez les très jeunes individus, qui, en raison de leur petitesse, ne se prêtent pas à une dissection régulière du tube digestif. Par suite de l'adhé- rence intime de sa gaine musculeuse avec le tissu adipeux abon- dant qui l'environne, cette gaine se rompt et reste partiellement en place, tandis que le tube formé par la muqueuse s'en retire comme d'un étui. En dedans de la double tunique musculaire, nous trouvons une mince couche de tissu conjonctif sur laquelle repose l'épilhéliuin : 1 Aux auteurs précités qui admettent un mélange de fibres striées etde dans la tunique musculaire de l'insertion chez les Arthropodes, je joindrai encore MM. Vogt et Yung (61), et Mingazzini (Ricerche sul canale digerente délie larve dei Lamellicomi /llofagi (MUtheU. nus der zool. Station su Neapel, IX, 1 Heft, 1689, !'• 0- 20 E.-G. BALBIAM. c'est la tunique propre. Elle est bien visible sur les coupes comme une ligne claire, interposée entre la musculeuse et l'épithélium, et qui reste incolore après le traitement des coupes par le carmin, l'héma- toxyline, le violetde gentiane et autres réactifs colorants (fig. 11, 12, 13, Ip). Cette résistance de la tunique propre à l'action des agents tinctoriaux a été remarquée aussi par Frenzcl (12, p. 241) et L. Wer- theimer (65, p. 531) chez les Insectes. Suivant les régions de l'œso- phage, peut-être aussi selon la manière dont le réactif durcissant a agi sur cette couche, elle se présente tantôt avec un aspect (ibrillaire, tantôt comme une membrane homogène et réfringente : dans ce dernier cas, elle constitue une véritable membrane basilaire, comme celle qu'on observe dans les glandes. Dans toute l'étendue de l'œsophage, la tunique propre entre dans la constitution des replis longitudinaux de la face interne de ce con- duit, ainsi que des appendices intérieurs du gésier (fig. 11, 13, tp). Unie à la tunique épithéliale, à laquelle elle est indissolublement liée et dont elle suit tout le parcours, ces deux couches n'en forment, en quelque sorte, qu'une seule, que l'on peut considérer comme ana- logue à la muqueuse des animaux supérieurs, et que nous décrirons sous ce nom. Mais avant de parler de la disposition de cette mu- queuse œsophagienne, examinons d'abord lescaractères desa couche cellulaire ou épithéliale. Lorsqu'on passe en revue les opinions des auteurs même récents sur l'épithélium œsophagien chez les Arthropodes, on constate qu'ils sont loin d'être d'accord sur la nature et même sur l'existence de cette couche. Leydig avait indiqué anciennement, comme un ca- ractère général des Arthropodes, l'absence d'un épithélium dans l'œsophage (26, p. 330). C'est probablement un reflet de cette opinion que nous trouvons dans les Gliederfuessler de Bronn's Klassen und Ordnungen des Thier-Reichs ; nous y lisons, en effet, que l'épithé- lium manque d'une manière générale dans l'œsophage de ces ani- maux (15, p. 91). M. Sirodot (53, p. 154) pense que, chez les Insectes, la muqueuse de l'œsophage se réduit à la couche chitineuse dou- ÉTUDES SUR LE TUBE DIGESTIF DES CRYPTOPS. 5! blant directement la membrane conjonctive propre. M. Plateau (42, p. 37) n'a pas réussi à retrouver cette couche cellulaire chez les Cryptops, et parmi les autres types de Myriapodes, il no l'a ren- contrée que chez les Lithobics. Chez celles-ci, Sograff (55) la décrit comme une couche protoplasmique très mince, renfermanl de nombreux noyaux, où l'on ne parvient qu'à l'aide de grossissements très forts à apercevoir des contours cellulaires distincts1. Cependant, la plupart des observateurs qui ont examiné le tube digestif des Insectes et des Crustacés s'accordent à décrire un épithélium dans l'œsophage, bien qu'ils ne soient pas unanimes sur le mode de con- stitution de cette couche. Ainsi, MaxBraun(4) a observé des cellules chitinogènes et des cellules glandulaires bien développées dans l'œsophage de l'Écrevisse. Alex. Vitzou (60) constate ces mêmes cel- lules chez tous les Décapodes en général. Chez les Insectes, la présence de cellules épithéliales est signalée dans le jabot de la Blatte par Miall et Denny (34, p. 116); dans celui de VEremobia, par Faussek (8, p. 694) ; dans l'œsophage de YOrthezia cataphracta, par List (31, p. 51) ; dans le même organe, chez la larve et l'imago de YOryctes nasicornis, parL. Wertheimer(65). M.Beauregard (2, p. 257), chez YEpicauta verticalis, a réussi à mettre en évidence les cellules épithéliales dans toute l'étendue du préintestin, sauf dans sa partie tout à fait antérieure. Fritze (13) n'a pas été moins heureux chez les Ephémérides. Emery (7) a observé une couche de cellules épithéliales dans le jabot et le gésier (Pumpmagcn) des Fourmis2. D'autres auteurs n'ont réussi, au contraire, à apercevoir que les ■ Je dois à l'amabilité de Mme Metschnikoff la connaissance de la partie du mémoire de Sograff qui traite du tube digestif du Lithobius. 2 Dans le travail tout récent de Mingazzini, cité dans la note de la page 19, cet auteur a observé deux sortes de cellules épithéliales dans l'œsophage de l'Oryctes et daPhyUognathus, savoir de petites cellules à noyaux relativement volumineux, et do grandes cellules à noyaux relativement petits. Ce dimorphisme des cellules épithé- liales a pour cause le grand développement que prennent ça et là les cellules à petits noyaux. Dans la partie postérieure de ce conduit, léBeellulesbypertrophi et compriment entre elles les cellules non modifiées de manière à les faire apparalti comme de minces lamelles placées dans leurs intervalles. 21 B.-G. BALBIANI. noyaux do l'épithélium œsophagien, soit que les contours cellulaires leur aient échappé, soit qu'ils admettent, comme Anton Schneider (49, p. 8-2), chez la chenille du Satwnia, que les noyaux sontplon^ dans une couche protoplasmique commune, un syncytium, résul- tant de cellules fusionnées ensemble. Schiemenz (48), chez l'Abeille, et Raschke (46), chez la larve du Culex nemorosus, n'ont vu égale- ment que les noyaux de l'épilhélium œsophagien. Ces divergences d'opinions tiennent, suivant nous, en grande par- tie à la différence des méthodes employées dans l'étude du tube digestif. Suivant le procédé mis en usage, on peut ou nier d'une manière absolue la présence d'unépithélium dansl'intestin antérieur, ou n'apercevoir que des noyaux isolés, ou bien enfin reconnaître des cellules parfaitement délimitées les unes des autres. L'examen à l'état frais conduit presque toujours à la première conclusion ; l'emploi des réactifs et des matières colorantes ne fait apparaître souvent que de nombreux petits noyaux parsemant toute la sur- face de l'œsophage. Emploic-t-on, au contraire, la méthode des coupes minces, l'épithélium apparaît dès lors sous son véritable aspect, c'est-à-dire sous celui d'une couche de cellules bien distinctes délimitées par des contours nets. Ces mômes coupes permettent de constater que l'épithélium ne forme pas une surface unie à l'intérieur de l'œsophage. Dès les pre- mières sections du tube digestif à la partie antérieure du corps, on constate que l'épithélium, ou plus exactement la muqueuse, en réu- nissant sous cette dénomination l'épithélium et la tunique propre, on constate, disons-nous, que la muqueuse se projette à l'intérieur du canal œsophagien sous la forme de replis ou bourrelets longitu- dinaux parallèles, dont les sections triangulaires sont disposées en un cercle sur la coupe, la base du triangle étant placée à la péri- phérie et le sommet regardant le centre de la coupe (fig. il). Tous les replis ont à peu près la même hauteur sur une môme coupe, et cette hauteur augmente à mesure qu'on se rapproche de la partie postérieure du conduit. Sur les coupes passant un peu en avant de ÉTUDES SUR LE TUBE DIGESTIF DES CRYPT0P6. 18 la portion moyenne dilatée qui forme le jabot, j'ai compté quatorze replis. Ceux-ci ne s'avancent pas beaucoup au delà d'une demi-lon- gueur de rayon, et laissent, par conséquent, au centre de la Cûupe, un espace libre assez large, qui communique avec les sillons placés entre les replis, ce qui donne à la coupe un aspect étoile (flg. H). Sous l'influence d'une contraction énergique des muscles circulaires de l'œsophage, les replis de la muqueuse doivent se rapprocher les uns des autres et rétrécir d'autant la lumière du canal en avant du jabot, ce qui a pour effet de retenir les aliments dans l'intérieur de ce réservoir et d'empêcher leur reflux vers la partie antérieure de l'œsophage. Au niveau même du jabot, je n'ai pas pu reconnaître d'une manière exacte la disposition des replis, en raison de la diffi- culté de pratiquer de bonnes coupes à travers cet organe. Les parties chitineuses des aliments et les grains de sable que le jabot renferme presque constamment fuient devant le rasoir et produisent des dé- chirures qui désorganisent plus ou moins complètement les coupes. Au delà du jabot, nous retrouvons les replis avec les caractères qu'ils présentent en avant de cette poche et qu'ils conservent jus- qu'à l'orifice antérieur du gésier, où la muqueuse se modifie considé- rablement, comme nous le décrirons en détail à propos de la struc- ture histologique de ce dernier organe, Enfin, au delà du gésier, dans la portion tout à fait terminale qui confine à l'intestin moyen, la muqueuse forme six gros replis longitudinaux, que nous décrirons plus loin sous le nom de valvule cardiaque ou mieux œsophagienne (flg- *3). La constitution de tous les replis de la muqueuse de l'œsophage est la même. L'axe du repli est formé par une cloison conjonctive, pro- longement intérieur de la tunique propre, qui se montre ici distinctement fîbrillaire. Cette cloison est formée elle-même dedeux feuillets intimement juxtaposés et passant l'un dans l'autre au som- met du repli. On voit quelquefois sur les coupes les deux feuillets plus ou moins écartés l'un de l'autre et formant un angle ouv< dehors, tantôt sur toute la hauteur du repli, tantôt dans une étendue 21 E.-G. BALBIANI. variables de sa base sculemont. Cet écarlenient des deux feuillets, s'il n'est pas une production artificielle due à l'action des réactifs, «at probablement destiné à permettre l'agrandissement du diamètre transversal de l'œsophage, sous l'influence des aliments qui s'accu- mulent dans son intérieur, principalement dans le jabot. L'épithélium, qui forme le revêtement intérieur de la muqueuse, dont il suit toutes les circonvolutions, se compose de hautes cel- lules cylindriques sur les replis, de cellules plus basses dans les sillons qui les séparent (fig. 11, ep). Elles renferment un protoplasma clair et transparent, presque homogène, ce qui les rend difficiles à apercevoir à l'état frais, et un jnoyau, ovalaire dans les cellules hautes, plus ou moins arrondi dans les cellules basses. A la face in- terne de l'épithélium, et suivant celui-ci dans tous ses détours, s'applique une membrane anhiste ou cuticule chitineuse f (intima), qui doit être considérée, ainsi que Leydig l'a soutenu le premier, non comme un produit de sécrétion des cellules sous-jacentes, mais comme lacouche superficielle, solidifiée (chitinisée) en une membrane continue, du protoplasma des cellules épithéliales 1. Cette cuticule est lisse et ne présente rien de particulier dans la portion de l'in- testin antérieur qui forme l'œsophage proprement dit et le jabot ; sa disposition est beaucoup plus intéressante dans la portion in- férieure, qui constitue le gésier ou appareil valvulaire, où elle se soulève pour former les appendices internes que nous avons décrits dans la partie anatomique. L'examen des coupes est particulièrement instructif pour recon- naître la disposition de l'épithélium et de la cuticule dans l'appareil valvulaire. Les sections transversales faites à travers la région moyenne de cet organe montrent que l'épithélium envoie de tous les points delà paroi intérieure vers le centre des prolongements triangulaires, longs et étroits, qui constituent la matrice des appendices (fig. 12, 1 La couche des cellules chitinogènes ou matricielles est appelée aussi par quel- ques auteurs hypode?-me, car elle n'est que le prolongement à l'intérieur du corps de l'iiypodcrme extérieur ou tégumentaire. (Voyez G. Schneider, 49, p. 82.) ÉTUDES SUR LE TUBE DIGESTIF DES CttYPTUP» 23 13, 14). Mes préparations dans le baume, où, comme cela a souvenl lieu, les limites cellulaires deviennent indistinctes, ne laissent pas apercevoir les cellules isolées delà matrice (fig. 12); peut-être sont- elles réellement fusionnées par leurs protoplasmas, ou, si elles sont restées indépendantes, elles doivent être petites et nombreuses, si l'on en juge parles noyaux, petits et rapprochés les uns des autres, que l'on y observe sur les coupes colorées par le carmin et autres réactifs colorants. J'ai parlé dans la partie anatomique d'un jeune Cryptops punc- tatus chez lequel les appendices du gésier me paraissaient être en voie de régénération, à la suite d'une mue, et dont la cuticule jeune et, molle laissait apercevoir, à sa surface, la mosaïque formée par les empreintes polygonales des cellules matricielles intérieures (fig. 8, 9,10). Cette observation démontre qu'à l'état jeune du moins, la matrice des appendices est formée de cellules distinctes, et que leur fusion, si elle a réellement lieu, ne s'opère que lorsque les ap- pendices sont complètement développés. Sur une vue superficielle du gésier de ce jeune individu, les bases d'insertion de ces appendices à la paroi offraient la disposition représentée figure 7, ap; elles forment de petites surfaces ovales, allongées transversalement et disposées en rangées alternes, paral- lèles à l'axe transversal du gésier. Les coupes pratiquées à la partie postérieure du gésier, dans la région des six gros replis longitudinaux disposés circulairemcnt et formant ce que nous décrirons tout à l'heure sous le nom de val- vule œsophagienne., offrent un aspect sensiblement différent des coupes précédentes. La coupe figure une sorte de rosace, formée de six lobes triangulaires à bords élégamment découpés, s'avançant de la périphérie vers le centre de la coupe (fig. 13). Les deux lames de chaque repli restent écartées et forment une gouttière longitudi- nale dans laquelle s'avancent quelques fibres musculaires provenant de la tunique musculeuse de l'œsophage. On y observe aussi de minces fibrilles, probablement détachées de la membrane conjonc- 26 Ii-G. BALBIAM. tive propre de la muqueuse, et quelques troncs do muscles longitu- dinaux, s'avançant plus en dedans de la couche qu'ils forment à l'ex- térieur des replis. Quelques autres troncs longitudinaux se voient à la périphérie de la coupe, séparés des troncs internes par la couche des muscles circulaires. Ces troncs longitudinaux externes (fig. 13, mie) sont ceux qui, ainsi que nous l'avons dit précédemment, ont passé entre les fibres circulaires de la partie postérieure du gésier, et, de profonds qu'ils étaient, sont devenus superficiels. Signalons enfin l'absence de toute trachée parmi les éléments de la coupe; les trachées manquent aussi dans toutes les coupes des parties anté- rieures de l'œsophage. Valvule cardiaque. — Sous le nom de valvule cardiaque, ou mieux de valvule œsophagienne, on connaît, depuis longtemps, chez divers Arthropodes, notamment les Crustacés décapodes et les Insectes, une conformation particulière de l'intestin antérieur à son point de jonction avec l'intestin moyen, qui a pour but d'empêcher le reflux des matières alimentaires de cette seconde portion du tube digestif dans la première. Elle consiste surtout dans la présence de replis de la muqueuse œsophagienne, plus ou moins nombreux et plus ou moins prononcés, souvent indurés à leur surface par un épaississe- ment de la cuticule chitineuse. Ces replis sont en rapport avec un dé- veloppement plus considérable de la musculeuse à fibres circulaires, qui forme un véritable sphincter dans la région qu'ils occupent. Ajoutons que, chez certaines espèces, toute cette portion de l'œso- phage, au lieu de se continuer directement avec l'intestin moyen, est refoulée plus ou moins profondément dans celui-ci, de manière à produire une véritable invagination du premier dans le second. Cette portion invaginée de l'œsophage se compose de toutes les couches qui entrent dans la constitution de sa paroi, c'est-à-dire de la muqueuse et des musculeuses externe et interne. Quelquefois même, des trachées s'insinuent entre la paroi directe et la paroi ré- fléchie de la portion invaginée. Cette dernière paroi, après avoir remonté plus ou moins haut vers la partie antérieure et s'être ré- ÉTUDES SUR LE TUBE DIGESTIF DES CRYPTOPS. 27 duite, chemin faisant, par épuisement graduel de ses muscles, à son tube muqueux, vient se mettre en contact et se continuer directe- ment avec la muqueuse de l'intestin moyen. Je ne puis pas m 'ar- rêter ici sur toutes les particularités que présente la valvule car- diaque chez les Insectes, et je vais actuellement faire connaître la disposition que, chez le Gryptops, je considère comme l'équivalent de cette valvule \ Nous avons déjà parlé des gros replis longitudinaux que la mu- queuse forme en arrière du gésier. Ces six replis s'étendent jus- qu'à l'orifice postérieur de l'œsophage et se terminent, au bord de cet orifice, par un gros renflement convexe qui dépasse un peu ce bord (fig. 14, 45, 16, r). Les six renflements ainsi formés, avec les échancrures qui les séparent, donnent au contour de l'orifice un aspect régulièrement festonné (fig. 13). Le renflement terminal du repli est dû à l'épaississement de sa couche épithéliale, dont les cel- lules atteignent jusqu'à 0mm,05 de long (fig. 16, ep). La cuticule elle-même est plus épaisse sur la partie renflée du repli que sur le reste de l'étendue de celui-ci. Les longues cellules sous-ja- centes de la matrice épithéliale ont un aspect particulier, qui est très probablement en rapport avec la production plus active de sub- stance cuticulaire dont elles sont le siège : leur protoplasma est très finement strié dans le sens de la longueur de la cellule (fig. 16, ep). Cette striation rend difficiles à apercevoir les lignes qui délimitent les cellules les unes des autres; mais leur peu de largeur peut être appréciée par leurs noyaux rapprochés presque jusqu'à se toucher 1 Parmi les auteurs récents qui ont étudié avec le plus de soin la valvule car- diaque des Insectes, je citerai : Kowalevsky (Muscides, 25, p. 558); Beaureganl (Insectes vésicants, 2, p. 246); Miall et Denny (Blatte, 343 p. 119); L. Wertheimer [Oryctes nasicornis, 65, p. 591); Raschke ( Culex nemorosus, 46, 47, p. 63); Frilze (Éphémé rides, 13, p. 13); Oudemans (tlachilis marilima, 38).'; Ant. Schneider (un grand nombre d'Insectes, 49, p. 95). Schneider désigne la valvule cardiaque sous le nom de trompe (Russel), et pense, bien à tort, être lo premier à avoir signalé cette conformation de l'œsophage des Insectes, déjà parfaitement connue de L. Dufour el d'Audoin. Enfin, une bonne étude de la valvule cardiaque chez les larves des Lamel- licornes a été faite récemment par Mingazzini,{oc. cit. 28 E.-G. BALBIANl. mutuellement. Ces noyaux, fort étroits, comme les cellules elles- mêmes, ont la forme d'une ellipse allongée et renferment de nom- breuses et fines granulations, qui absorbent fortement les matières colorantes. Ils sont placés dans la partie de la cellule qui touche à la tunique propre, et s'alignent régulièrement le long de cette mem- brane en une rangée qui se continuesans interruption avec les noyaux de l'épithélium des replis (fig. 14, 15, 16). Dans leur partie libre sous-cuticulaire, les cellules du renflement épithélial sont plus ou moins confondues entre elles et comme in- filtrées d'une substance homogène et réfringente, qui paraît être de la substance cuticulaire non encore chitinisée ; elle se dissout dans une solution de potasse caustique et absorbe les matières colorantes avec plus de facilité que la cuticule parfaitement formée. En désignant sous le nom de valvule cardiaque la partie postérieure de l'œsophage (fig. 14, 15, vc, r) qui porte les gros replis que nous venons de décrire, nous avons vu que, chez les Insectes, cette valvule est ordinairement invaginée dans la partie antérieure de l'intestin moyen, qui l'embrasse extérieurement à la manière d'un anneau, et nous avons fait connaître de quelle façon a lieu, au niveau de la val- vule, la continuité entre l'intestin antérieur et l'intestin moyen. Les rapports entre ces deux portions du tube digestif sont beaucoup plus simples chez les Gryptops. A proprement parler, il n'y a pas chez ceux-ci invagination d'une portion du tube alimentaire dans l'autre, ou du moins, s'il y a invagination, celle-ci est fort peu pro- noncée et se réduit à une légère proéminence du bord libre de la valvule dans l'intestin moyen (fig. 14, r). La couche épithéliale de ce dernier vient s'appliquer directement contre la face postérieure de la valvule, ainsi qu'on le voit très bien sur une coupe longitudi- nale de cette région du tube digestif (fig. 14, 15, 16, ep). A leur point de contact, les deux épithéliums présentent une opposition aussi tranchée que possible ; il n'y a point passage graduel de l'un à l'autre, et la continuité des deux muqueuses ne s'établit que par leurs tuniques propres (fig. 16, tp, lp). Ce remplacement brusque ÉTUDES SUIt LE TUBE DIGESTIF DES CIUÏ'TOI'S. 2g de l'épithélium de l'œsophage par l'épithélium de l'intestin moyen est intéressant au point de vue embryologique; il s'explique par l'origine différente des deux portions du tube digestif, la première provenant de l'ectoderme, tandis que la seconde dérive de l'endo- derme. Nous constaterons plus bas le môme changement brusque de l'épithélium à l'autre extrémité de l'intestin moyen, au point où celui-ci vient se réunir à l'intestin postérieur; et la raison en est aussi la même, savoir : la provenance de ces deux portions du tube digestif de feuillets embryonnaires différents. Nous reviendrons sur cette question à propos de l'histologie de l'intestin postérieur. Pour compléter la description des parties qui entrent dans la cons- titution de la valvule cardiaque, il ne nous reste plus qu'à mention- ner l'appareil musculaire qui met cette valvule en mouvement. Cet appareil est constitué surtout par le sphincter de fibres musculaires qui entoure la région des replis valvulaires (fig. 14, 15, s). Ce sphinc- ter forme le plan musculaire profond de cette région, tandis que le plan superficiel est constitué par les fibres longitudinales. Les deux couches occupent, par conséquent, dans la région de la valvule une situation inverse de celle qu'elles présentent sur la partie de l'œso- phage placée en avant de la valvule. Nous en avons indiqué anté- rieurement la raison et n'y reviendrons pas ici. Il est aisé de comprendre le mécanisme du jeu de la valvule. Par sa constriction, le sphincter musculaire, qui l'entoure à la manière d'un anneau, rapproche les uns des autres les replis de la muqueuse, jusqu'à les amener au contact et môme à les comprimer les uns contre les autres ; la lumière de l'œsophage se trouve, par suite, oblitérée, et le retour, dans ce dernier, des matières alimentaires déjà engagées dans l'intestin moyen est rendu impossible. En résumé, la valvule cardiaque des Cryptops est construite sur un plan très analogue à celle des Insectes, sauf que cette valvule n'est pas invaginée dans l'intestin moyen, comme cela paraît être fréquent chez ces derniers animaux. Nous devons noter toutefois que cette invagination a été constatée dans un genre voisin des .10 E.-G. BALBIANI. Cryplops, et appartenant connue ceux-oî a Tordre des Chilopodes, le Scutif/era. Eric Hanse décrit, dans les termes suivants, lastructurc de cette valvule chez le Scutigera. « Der OEsophagus verengt sich allmahlieh und sliilpt sich als cinc Art Verschlusstheil in ciner Breitevon 0mm,I3 in den Chylusdarm ein. Die Chilinhaut des Ver- schlusstheils sowie seine Ringmuscularisistbedcutend vcrstaerkt,die vorspringendenoft stark gebraeunten Falten persistiren und es ent- sprechen ihnen gegcniiberliegende Einsenkungen. » Une figure re- présentant la partie antérieure du corps du Scutigera est destinée à illustrer cette description (20, p. 101, pi. XVI, fig. 5). Bien que je ne l'aie pas observée chez les Cryptops, je crois devoir dire ici un mot d'une disposition que l'on rencontre chez un certain nombre d'Insectes et probablement aussi chez d'autres Arthropodes, et sur laquelle le professeur Schneider, de Breslau, a appelé l'atten- tion dans ces dernières années. Elle accompagne fréquemment la disposition où l'on observe une valvule cardiaque invaginée dans l'intestin moyen, et peut être considérée comme une invagination de cette valvule prolongée jusqu'à la partie postérieure du tube di- gestif. Plus exactement, c'est la membrane cuticulaire de la valvule qui se prolonge sous la forme d'un tube libre, inclus dans le canal alimentaire jusqu'à sa terminaison à l'anus. Entrevu d'abord par Ramdohr chez V Hemerobius perla (43, p. 152, pi. XVII, fig. 7), ob- servé ensuite par Nicolas Wagner (62, p. 518), Mecznikow (33, p. 407) et Pagenstecher (39, p. 408), chez les larves vivipares de Cecidomyies, ce tube membraneux interne du canal alimentaire des Insectes a été retrouvé récemment par Schneider chez un grand nombre d'espèces, dont on trouve la liste clans le mémoire de cet auteur (49, p. 95). Schneider le désigne sous le nom d'entonnoir (Trichter). 11 pense qu'il a pour rôle physiologique de garantir l'épithélium délicat de l'intestin moyen du contact direct des parties dures des aliments qui pourraient le blesser, telles que débris de plantes, de chitine, etc., ou des corps inorganiques, grains de sable, etc., qui pourraient être introduits avec les aliments. L'entonnoir se régénère sans cesse à ÉTUDES SUR LE TUBE DIGESTIF DES CRYPTOPS. .il sa partie antérieure «adhérente ù l'œsophage, tandis que sa partie postérieure se sépare du reste pour former une enveloppe lui taasseg fécales, avec lesquelles elle est expulsée. Ces sortes de bdhdins fécaux ont été vus aussi par M. Plateau chez quelques Myriapodes {Lithobim, Himantarium) (42, p. 2-i, 52) ; il pense que la membrane d'enveloppe se forme sur place comme résultat d'une sécrétion spé- ciale de la muqueuse ; mais il n'a pu déterminer les éléments histo- logiques qui en sont le siège. Gibson-Carmichael s'exprime ainsi qu'il suit au sujet de cette membrane chez le Lithobim : « Th< seamsto remain in it (the stomach) for a considérable time. A pe- culiar feature of it is, that towards its posterior end the remains of the completely digested food form a solid column which becomes entirely surrounded with a structureless membrane, from which portions break off, to pass out of the stomach from time to time as fœces. This membrane, which invests the faeces, was first pointedout by Plateau. It yet remains to be discovered whence it originates. » (16, p. 379). Mes observations personnelles chez les Cryptops me portent à partager la manière de voir de M. Plateau au sujet de l'origine de la membrane qui entoure les masses fécales au moment de leur expulsion. Je pense, commelui, qu'elle estime sécrétion de l'intestin moyen, et j'ajoute, bien que M. Plateau ne semble pas disposé à admettre cette opinion, qu'elle se forme à la surface des cellules épithéliales proprement dites. Sur les coupes transversales de l'in- testin moyen, colorées par le carmin, on trouve autour de la masse alimentaire une fine membrane plissée, assez vivement colorée, tantôt partout en contact avecl'épithélium, tantôt séparée par places de celui-ci. Sur certains points de cette membrane, surtout là où elle est vue à plat, on observe des plaques plus ou moins étendues, qui semblent formées de petits éléments cellulaires, probablement détachées delà couche épithéliale sous-jacente (tig. 22, mp). Sur les coupes de l'intestin postérieur, on constate la môme membrane formant une enveloppe aux masses fécales rassemblées au centre de 32 E.-G. BALBIÀNI. la coupe (iig. 39). Je l'ai observée également chez le Lithobius. Si ce mode de formation se confirme, on devra en conclure que la mem- brane périlrophique i peut se produire de deux manières différentes : 1° elle peut être formée par un prolongement dans l'intestin moyen de la membrane cuticulaire de la valvule cardiaque, comme Schnei- der l'admet ; 2° elle peut se former directement sur place comme un produit de sécrétion de la muqueuse de l'intestin moyen, sui- vant l'opinion de M. Plateau. Ajoutons enfin que la membrane péri- trophique a été constatée chez les animaux les plus divers. Chez les Phalangides, Tulk (57) a observé, depuis longtemps, que les résidus de la digestion sont entourés dans l'estomac d'une enveloppe mem- braniforme que cet auteur suppose sécrétée sur place. Chez les Cir- ripèdes (Anatifes et Balanes), Darwin (6) parle d'un sac membraneux qui enveloppe les aliments dans le tube digestif, et qui est évacué au dehors par l'anus avec les résidus alimentaires. Nous avons vu plus haut|que Schneider dit avoir observé le Trichter chez un grand nombre d'Insectes de tous les ordres. Il l'aurait constaté aussi chez les Crustacés {Daphnia), chez un Myriapode chilopode, l'Iule, et même chez des Mollusques (Lymnxus, Hélix, Limax). Je n'ai pas besoin de faire remarquer l'intérêt que présenteraient les recherches destinées à nous renseigner plus complètement sur la signification de la membrane péritrophique, son mode de formation et le rôle qu'elle joue dans les phénomènes de la digestion chez les animaux où son existence a été constatée -. 1 C'est le nom que je propose de donner à l'espèce de sac membraneux qui ren- ferme directement la masse alimentaire dans l'intérieur de l'intestin. 2 L'observation de cette membrane est des plus faciles chez certains Insectes. Chez la larve du Chironomus plumosus, il suffit, après avoir isolé le tube digestif dans toute son étendue, de traiter celui-ci par une solution de potasse caustique pour la mettre en évidence. A la partie postérieure de l'œsophage, on aperçoit la membrane cuticulaire de la valvule cardiaque invaginée dans la partie antérieure de l'intestin moyen. Cette membrane se compose d'une partie directe et d'une partie réfléchie. Celle-ci, après avoir remonté jusque vers l'insertion des glandes gastri- ques, se réfléchit de nouveau en arrière jusque vers l'extrémité de la valvule, s'en- gage dans l'intestin moyen et prend l'aspect d'un tube étroit, à parois chiffonnées, flottant librement dans la cavité de l'estomac. De celui-ci, la membrane péritro- ÉTUDES SUR LE TUBE DIGESTIF DES CRVPTOPS. 33 MEDIJNTESTIN. Dans la structure intime de l'intestin moyen, nous avons à consi- dérer, comme pour l'intestin antérieur, trois sortes de tissus : 1° les muscles ; 2° le tissu conjonctif ou la tunique propre ; 3° l'épithé- lium. Muscles. — Les muscles de l'intestin moyen forment, comme dans l'intestin antérieur, deux couches superposées ; mais, à l'inverse do ce qui a lieu dans ce dernier, ce sont les fibres longitudinales qui forment le plan superficiel, et les fibres transversales le plan pro- fond. Tous les auteurs, depuis Leydig, ont signalé cette disposition des couches musculaires de l'intestin moyen, qui se retrouve chez la plupart des Arthropodes; mais aucun, que je sache, n'a encore essayé d'expliquer la cause de ce renversement de position des deux couches musculaires. En décrivant les muscles de l'intestin antérieur, nous avons vu que, arrivées vers l'extrémité postérieure de l'œsophage, les fibres longitu- dinales, placées sous les fibres musculaires, émergent, à différentes hauteurs, entre celles-ci, pour devenir superficielles et recouvrir à leur tour les fibres circulaires de la fin de l'œsophage (fig. 18, 20). Arrivées à la surface de l'intestin moyen, elles continuent leur trajet superficiel, placées parallèlement les unes aux autres, séparées par plaque passe dans l'intestin postérieur, où on peut la suivre dans une certaine éten- due, mais devenue de plus en plus fine et transparente, elle se dérobe à la vue avant d'avoir atteint l'extrémité terminale de l'intestin postérieur. Chez les chenilles, la membrane péritrophique est encore plus facile à observer et peut être isolée dans toute son étendue. Elle constitue le tube chitineux intérieur du tube digestif, souvent décrit sous le nom d'intima ou d'anhiste. Après avoir fendu l'intestin dans toute sa longueur, on peut enlever cette membrane tout d'une pièce à l'aide de la pince, à cause de son défaut d'adhérence aux parois du tube digestif. Aux époques de mue et lors de la transformation de la chenille en chrysalide, la membrane péritrophique est expulsée par fragments enveloppant les masses .fécales. Chez les Vers à soie envahis par la ûacherie, elle subit, suivant mes observations, des altérations fort intéressantes, dont le caractère varie suivant la nature des microorganismes qui se sont développés dans l'intestin. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 2e 9ÉHIE. — T. VIII. 1890. 31 E.-F. BAÏ.BÎANI. des intervalles égaux à la largeur d'un tronc musculaire et s'envoyant réciproquement quelques anastomoses. Tout près delà terminaison de l'intestin, un grand nombre de troncs musculaires se divisent en deux ou trois troncs plus petits, qui s'anastomosent entre eux cl avec les troncs non divisés, et forment un véritable plexus muscu- laire autour de la partie postérieure de l'intestin moyen (fîg. 19, pi). A leur émergence de ce plexus, les fibres longitudinales, redevenues parallèles, sont plus étroites et plus nombreuses qu'avant leur entrée dans le plexus, mais elles ont alors franchi la limite qui sépare l'in- testin moyen de l'intestin postérieur, limite indiquée par une ligne idéale placée transversalement en avant des insertions des tubes de Malpighi. Elles appartiennent, par conséquent, à la couche muscu- laire de l'intestin postérieur, et nous les retrouverons en nous occu- pant de l'étude histologique de cette dernière portion du tube di- gestif. La disposition qui vient d'être décrite est celle qu'on observe chez le Cryptops punctatus. Chez son congénère, Yhortensis, les muscles longitudinaux se comportent d'une manière plus simple. Vers la partie terminale de l'intestin moyen, quelques-uns s'anastomosent entre eux et forment un petit plexus (fîg. 21, pi), tandis que la plu- part continuent leur trajet rectiligne jusqu'à la fin de l'intestin pour s'étendre ensuite sur le rectum. La couche musculaire longitudinale passe donc presque sans changement d'une portion à l'autre du tube digestif. Au-dessous de la couche des muscles longitudinaux, nous trou- vons celle des muscles transversaux ou circulaires. Ceux-ci présen- tent une finesse beaucoup plus grande que sur les autres portions du tube digestif ; ils ne dépassent que peu ou point en grosseur les muscles longitudinaux ; et, comme, d'un autre côté, les intervalles qui les séparent sont à peu près les mêmes que ceux qui existent entre les muscles longitudinaux, il en résulte que les deux plans musculaires forment, en s'entre-croisant perpendiculairement, un réseau à mailles régulières, carrées ou rectangulaires. A la partie ÉTUDES SUR LE TUBE DIGESTIF DES CRYPTOPS. 3B postérieure seulement, ce réseau devient irrégulier par suite de la disposition plexiforme, déjà décrite, que prennent les muscles longi- tudinaux dans cette région. Notons, à ce propos, que, chez les In- sectes, on a signalé aussi une modification particulière des tronci longitudinaux à la partie postérieure de l'intestin moyen. Ainsi, chez un Acridien, VEremobia muricata, Faussek(8) a vu ces trou diviser en pinceaux, par suite de l'écartenienl de leurs fibres cons- titutives. Fritze (13), chez la larve et l'imago des Éphémérides, a constaté que la couche musculeuse longitudinale devient plus puis- sante au voisinage de l'insertion des tubes de Malpighi ; mais il n'in- dique pas s'il faut attribuer ce fait à la multiplication des fibres musculaires ou à la grosseur plus considérable qu'elles acquièrent dans cette région. La largeur moyenne des muscles longitudinaux de l'intestin moyen, chez le C. punctatus, estdeOmm,003àOmm,004; celle des muscles trans- versaux, de 0mm,003 à 0mm,006. La différence de grosseur des deux sortes de muscles est, par conséquent, beaucoup moindre que dans l'intestin antérieur, où les troncs transversaux sont souvent trois et quatre fois plus épais que les troncs longitudinaux. Tunique propre. — La tunique propre ou conjonctive de l'intestin moyen est une mince membrane homogène, qui ne se colore que difficilement par les réactifs, comme chez les Arthropodes en géné- ral. Sur les coupes transversales ou longitudinales de l'intestin, elle apparaît comme une ligne claire et brillante, qui sépare la couche épithéliale, placée en dedans, de la couche musculaire, située en dehors (fig. 23, 24, 25, tp). C'est, dans toute la force du terme, un a basement membrane », servant de soutien et d'insertion aux cel- lules épithéliales. On obtient quelquefois, par dissociation, des lam- beaux de la tunique propre, débarrassés de la majeure partie de l'épithélium qu'ils supportaient, et dont l'examen est forl instructil pour l'étude de ce dernier tissu, ainsi que nous le verrons. Épithélium. — En raison du rôle important que joue l'épithélium de l'intestin moyen dans les phénomènes de la digestion, 36 E.-G. BALBIANI. presque toujours sur cette couche que s'est concentrée plus parti- culièrement l'attention des observateurs qui se sont occupés de la structure du tube digestif des Arthropodes. Frenzel a même public récemment une monographie de l'épithélium de l'intestin moyen chez les Insectes (12). Les fonctions de cette couche cellulaire ne se bornent, en effet, pas seulement à la production des ferments diges- tifs, mais quelques auteurs la font intervenir aussi, d'une manière fort active, dans l'absorption des principes alibiles des aliments. Pour les Myriapodes en particulier, M. Plateau a cherché à établir, qu'à l'exception du genre Gryptops, où la digestion commence déjà dans le vaste intestin buccal de ces animaux, tous les phénomènes essen- tiels de cette fonction ont pour siège l'intestin moyen. Chez cer- taines espèces seulement, l'intestin postérieur vient en aide, comme organe absorbant, à l'intestin moyen. Ses expériences sur les In- sectes (41) l'ont conduit à la même conclusion *. L'étude physiolo- gique de l'épithélium ne rentre pas dans le cadre de ce travail ; néanmoins, quelques déductions intéressantes pour son rôle fonc- tionnel pourront ressortir de cette étude purement morphologique. J'examinerai successivement : 1° la structure de l'épithélium ; 2° les phénomènes de sa régénération. J'aurai plus particulièrement en vue le C. punctatus, dont les élé- ments histologiques, en raison de leur plus grand volume, se prê- tent mieux à cette étude que ceux de Yho?Hensis. a. Structure de l'épithélium. Ce qui frappe tout d'abord, lorsqu'on examine l'épithélium sur une coupe transversale ou longitudinale de l'intestin moyen, c'est la grande épaisseur relative de cette couche : elle mesure environ le quart du diamètre total de l'intestin, soit 0mm,17, sur un ani- mal long de 4 centimètres, taille moyenne des individus adultes deC. punctatus. Dans l'espèce, plus petite de moitié, du C. hortensis, 1 Voir aussi sur ce sujet Frenzel (12, p. 303). ÉTUDES SUR LE TUBE DIGESTIF DES CRYPTOPS. 31 le diamètre de l'épithélium n'est que de Omm,o:>s. celui de l'in- testin étant de 0mm,23, ce qui constitue encore le quart de ce der- nier. Ce grand développement de l'épithélium paraît être commun à tous les Myriapodes chilopodes, car, chez le Lithobius forfîca- tus, Sograff (55) estime à 0mm,i6 la largeur de l'épithélium don- nant lieu à une réduction proportionnelle de la lumière de l'intestin moyen. Considéré dans son ensemble ou comme couche constitutive de l'intestin moyen, l'épithélium représente un tube cylindrique à sur- face externe ou interne parfaitement lisse, c'est-à-dire ne s'élevant nulle part en dedans sous forme de replis, bourrelets ou villosités, ni ne s' avançant en dehors pour constituer des cryptes ou caecums, comme on l'observe chez beaucoup d'Arthropodes (fig. 22, 23, 24, ep). Pour établir des points de comparaison avec d'autres animaux de cet embranchement, c'est avec l'épithélium de certaines larves d'Insectes, celles des Abeilles, des Éphémérides, des Lépidoptè- res, etc., qu'il présente le plus de ressemblance. De même que chez ces dernières, l'épithélium affecte dans toute son étendue une hau- teur sensiblement uniforme, sauf les inégalités qui tiennent à des états d'évolution de cette couche cellulaire. Les éléments qui constituent l'épithélium de l'intestin moyen des Cryptops appartiennent à deux ordres différents : 1° les cellules épi- théliales ordinaires ; 2° les cellules muqueuses ou caliciformes. Nous commencerons par l'étude des cellules épithéliales ordinaires ou éléments fondamentaux de l'épithélium. Cellules épithéliales ordinaires. — Quelle que soit la méthode em- ployée pour l'étude de l'épithélium, qu'on l'examine sur des coupes ou sur des préparations obtenues par dissociation, on ne parvienl d'abord que difficilement à déchiffrer la structure de cette couche. Si c'est une coupe qu'on examine, au lieu des hautes cellules rectangu- laires, régulièrement alignées les unes à côté des autres et bien dé- limitées entre elles, de manière à représenter un type d'épithélium cylindrique, tel qu'on l'observe chez beaucoup d'Arthropodes, on 38 E.*G. MLBIANI. n'aperçoit d'abord qu'une surface finement striée dans le sens de sa hauteur, et, si la coupe a été convenablement colorée, parsemée de petits noyaux allongés, fort nombreux et placés sans ordre dans tous les points de la couche (fig. 22, ep). Ce n'est qu'à l'aide de forts grossissements et en contrôlant les unes par les autres les images of- fertes par les coupes et celles obtenues par dissociation qu'on par- vient à se faire une idée exacte de la structure de l'épithélium. On reconnaît ainsi que les stries longitudinales radiaires des coupes transversales marquent les limites des cellules longues et étroites, ayant l'aspect de fuseaux étirés à chaque extrémité en un prolonge- ment grêle (fig. 23, 24, ep). Le noyau est placé dans la partie renflée du fuseau; il a la forme d'une ellipse plus ou moins allongée, d'une longueur moyenne de 0mm,009, sur 0mm,002 de largeur; il renferme un nombre variable de globules réfringents (nucléoles ?) mêlés à des granulations plus fines, qui, vues à de forts grossisse- ments, paraissent être l'expression d'un fin reticulum intranucléaire (fig. 25 Hs). Ces noyaux sont placés à toutes les hauteurs de la cou- che, principalement dans sa moitié externe, ce qui indique que nous avons affaire à un épithélium irrégulièrement stratifié. Suivant la hauteur qu'occupe le corps cellulaire qui le renferme, c'est tantôt le prolongement externe, tantôt le prolongement interne de la cel- lule qui l'emporte en longueur. Le prolongement externe ou basi- iairc, plus grêle que l'interne, se fixe, sans s'étaler à sa base, sur la tunique propre. Le prolongement interne, plus large que le premier, s'étend, en s'élargissant un peu à son extrémité, jusqu'à la surface libre de l'épithélium. Dans son ensemble, la cellule rappelle les cel- lules delà muqueuse olfactive des Vertébrés, comparaison qui a déjà été faite par Sograff pour les cellules épithéliales de l'intestin moyen du Lithobius. A sa surface interne, l'épithélium est revêtu d'une mince couche striée perpendiculairement, comme celle qu'on observe chez une foule d'animaux (fig. 23), couche généralement interprétée, depuis Leydig, comme une cuticule à canalicules poreux, mais qui, suivant ÉTUDES SUR LE TUBE DIGESTIF DES CRYPTOPS. 30 quelques observateurs plus modernes, serait formée par des cils dis- posés en brosse sur la surface libre de la cellule (8,10, 13). La ténuité de cette couche, chez le Cryptops, et sa conservation imparfaite dans la plupart de nos préparations ne me permettent pas de me prononcer entre ces deux manières de voir. Si la méthode des coupes est excellente pour l'étude de la forme extérieure et l'agencement réciproque des éléments de l'épithélium, elle est fort défectueuse pour en reconnaître le contenu. Le trai- tement des pièces par l'alcool fort, la paraffine chaude et les huiles essentielles détermine bien des changements dans les cellules épithéliales : les matières grasses sont dissoutes, les concrétions perdent leur couleur, etc. C'est ici que les vieilles méthodes d'inves- tigation, la dilacération, la dissociation, auxquelles nous avons dû, pendant si longtemps, tous nos progrès dans l'anatomie fine des Arthropodes, reprend tous ses avantages. La dissociation doit se faire dans un liquide indifférent, tel que l'eau salée, ou légèrement coa- gulant, tel qu'une solution d'acide acétique à 1 ou 2 pour 100, ou mieux, un mélange salino-acétique. D'autres réactifs, tels que les solutions de sublimé, d'acide osmique, conservent très bien la forme des éléments, mais ont l'inconvénient d'empâter dans le plasma les produits de sécrétion que celui-ci renferme et d'empêcher de les isoler. Quel que soit le liquide employé, il est toujours difficile d'obtenir de bonnes dissociations de l'épithélium, d'isoler ses cellules les unes des autres, la consistance glutineuse de leur plasma les laissant intimement adhérer entre elles; aussi n'obtient-on le plus souvent que des groupes formés d'un plus ou moins grand nombre de ces éléments. Examinées à l'état à frais, dans l'eau salée, les cellules épithéliales ont un aspect blanc jaunâtre dû à une multitude de très fines granu- lations réfringentes qui remplissent le corps cellulaire, principale- ment autour du noyau, mais qui existent aussi en grand nombre dans le prolongement interne de la cellule. Le prolongement externe n'en 40 E.-G. BALBIANI. renferme qu'une petite quantité, et paraît, par suite, plus homogène que le reste de la cellule. Ces granulations fines et brillantes, jau- nâtres, du plasma, ont été observées aussi par M. Plateau dans les cellules épithélialcs de l'intestin moyen du Cryptops. En traitant celles-ci par une solution d'acide osmique à 1 pour 100, les granu- lations prennent au bout de peu de temps une coloration brune per- sistante, qui ne prend jamais l'intensité de noir que l'on observe dans les granulations graisseuses traitées par le même réactif. Les autres éléments de l'intestin, les fibres musculaires, la tunique propre, restent parfaitement incolores et ne prennent qu'au bout de plusieurs jours une teinte légèrement bistrée. Il en est de même du plasma des cellules épithéliales examinées en place, ou des globules plasmiques qui se séparent de celles-ci pendant la dissociation en entraînant avec elles des amas plus ou moins considérables de gra- nulations colorées par l'acide osmique. Si, suivant l'opinion généra- lement admise et défendue encore récemment par M. Plateau, c'est dans les cellules épithéliales de l'intestin moyen que s'élaborent les ferments digestifs, on ne sera pas éloigné d'admettre que les granu- lations dont nous parlons représentent ces ferments. Cette opinion peut s'appuyer sur une observation de Moritz Nussbaum, qui croit avoir découvert une réaction caractéristique des cellules à fonction zymotique : c'est précisément la coloration brune que celles-ci pren- nent, comme nous venons de le voir, sous l'influence de l'acide osmique à 1 pour 100. Toutefois, la théorie de Nussbaum ne doit être acceptée qu'avec réserve, car elle aurait besoin d'être con- firmée1. 1 Récemment, M. Ranvier (44, p. 211) et Frenzel (10, p. 7 et 35) ont cité des faits qui ne lui paraissent pas favorables. Suivant ce dernier auteur, les cellules de l'in- testin moyen de la larve du Tenebrio molitor ne se coloreraient pas en brun par le réactif de Nussbaum,, malgré les ferments (trypsine et dlastase) qu'elles renferment. Voulant vérifier cette assertion de Frenzel, j'ai constaté au contraire que ces cellules prennent, sous l'influence de l'acide osmique, une coloration brune parfaitement caractérisée. J'ai observé la même réaction sur les cellules épithéliales des appen- dices (bourses venlriculaircs de Léon Dufour) du ventricule cliylifique du Gryllotalpa. ÉTUDES SUR LE TUBE DIGESTIF DES CRVPTOPS. 41 Outre les fines granulations que nous venons de décrire, les cel- lules épithéliales renferment des globules graisseux plus ou moins gros, que l'on reconnaît immédiatement à la teinte noire, se fon- çant rapidement, qu'ils prennent dans les préparations traitées par l'acide osmique. Ils siègent principalement dans le prolongement interne des cellules, et les variations que l'on observe dans leur quantité, d'un individu à l'autre, paraissent être en rapport avec l'activité du travail digestif dans l'intestin moyen. L'étude des coupes, à laquelle nous revenons, nous offre des dé- tails intéressants sur le mode d'agencement des cellules épithéliales. Ces cellules, en effet, ne sont pas implantées isolément les unes à côté des autres, à la face interne de la tunique propre, comme on les décrit généralement chez les Arthropodes et autres types d'ani- maux. Elles sont disposées par groupes ou bouquets serrés les uns contre les autres, mais parfaitement reconnaissables sur les coupes convenablement préparées (fig. 23, ep). Dans quelques régions seu- lement, peut-être par un effet de préparation, elles paraissent former une masse compacte, striée suivant son épaisseur, où l'on ne recon- naît pas les lignes qui délimitent les groupes, ni même les cellules isolées. Chaque bouquet épithélial se compose d'un grand nombre de ces longues et étroites cellules fusiformes que nous avons décrites, et dont les corps cellulaires, avec les noyaux qu'ils contiennent, sont placés à des hauteurs inégales. Nous verrons plus tard, en étudiant la régénération de l'épithélium, comment la disposition fasciculée de ses éléments s'explique par le mode de développement des cel- lules en voie de néoformation1. Cellules muqueuses ou calici formes. — La seconde sorte d'éléments que renferme l'épithélium de l'intestin moyen du Cryptops sont les cellules muqueuses ou caliciformes. Ces éléments, si répandus dans l'intestin des animaux vertébrés, ont été rencontrés aussi fréquem- 1 J'ai observé également cliez des Insectes, la Blatte, le Gryllotalpa, cette struc- ture fasciculée de l'épithélium de l'intestin moyen. 42 Iî. -G. BALBIANI. ment dans le tube digestif des Invertébrés : Échinodermes (21), Vers (23), Mollusques (26), Arthropodes. Dans ce dernier groupe, qui nous intéresse plus particulièrement, on les connaît surtout chez les Insectes, dont l'appareil digestif a été plus souvent étudié que celui des autres Arthropodes. On ne doit Cependant pas considérer les cellules muqueuses comme des éléments constitutifs ordinaires de l'intestin moyen des Insectes. Sauf les larves des Lépidoptères, où elles paraissent exister d'une manière à peu près constante, on ne les a encore rencontrées que chez quelques espèces isolées des autres ordres. Leydig les mentionne chez la larve du Cetonia au- rata (26); Frenzel (10, 12), chez celle du Tenebrio molitor, chez le Dermestes lardarius; M. Beauregard (2), dans l'intestin de la Cantha- ride; Korotneff (24), dans celui du Grillotalpa; Faussek(8), chez les larves d'Eremobia et d'Aeschna %. Chez les Myriapodes, en particu- lier, on pourrait croire, au premier abord, que Sograff les a aperçues chez le Lithobius. Dans sa communication préliminaire sur l'organi- sation des Myriapodes (54), il parle de deux sortes de cellules que contiendrait l'épithélium de l'intestin moyen du Lithobius: les unes très longues et étroites, ou cellules épithéliales ordinaires; les autres ovales ou arrondies, et contenant dans leur intérieur des granulations brunâtres. Mais, si l'on se réfère à son grand mémoire sur YAnatomie du Lithobius (55), on voit que ces dernières formes de cellules résultent de l'action exercée par l'acide acétique sur cer- taines des cellules épithéliales, qui diffèrent des autres par leur grande délicatesse et leur contenu formé de granulations brunes et de gouttelettes graisseuses. Or, il est difficile de reconnaître, à ces caractères, de véritables cellules muqueuses, et nous devons en con- clure que Sograff n'a pas aperçu celles-ci chez le Lithobius. Gibson- Carmichael(16) ne parle pas d'une manière plus explicite des cellules muqueuses du Lithobius lorsqu'il dit : « Throughout this epithelium there appear lo be a number of small glands, whose structure I hâve 1 Récemment, Mingazzini (loc. cit.) a décrit des cellules muqueuses chez la larve à'Oryctes et des autres Lamellicornes phytophages. ÉTUDES SUIl LF TUBE DIGESTIF DES CRYFTOPS. i.t not been able to détermine, which secrète a brownish fluid by means of which the food is digested. » Les cellules muqueuses ou caliciformes du Cryptops ne peuvent être bien étudiées que sur des coupes. L'inspection des coupes en série, colorées, de l'intestin moyen, soit transversales, soit longitu- dinales, montre immédiatement que les cellules muqueuses ne sont pas régulièrement distribuées dans toute l'étenduo de celte portion du tube digestif (fîg. 23, 24, cm). Elles sont rares ou peuvent môme manquer totalement dans certaines régions, tandis que dans d'autres elles sont nombreuses et se pressent les unes à côté des autres. Ja- mais elles ne se groupent ensemble de manière à former une petite glande composée, mais sont toujours isolées et entremêlées aux cel- lules ordinaires de l'épithélium ; ce sont, en un mot, de véritables glandes unicellulaires, ainsi que les ont définies, il y a longtemps, Leydig (26) et F.-E. Schulze (50), après avoir découvert ces éléments chez une foule d'espèces animales *. Dans l'intestin moyen du Cryp- tops, ils offrent des différences d'aspect dont les unes se rapportent à des états d'évolution de l'élément, et dont les autres sont proba- blement en rapport avec les variations saisonnières. Laissant de côté, pour le moment, leur mode de naissance, dont nous parlerons en décrivant les phénomènes de régénération de l'épithélium, nous les envisagerons ici à l'état d'éléments bien constitués. Nous les décri- rons d'abord tels que nous les montrent nos préparations faites en été ; nous examinerons ensuite l'aspect qu'ils présentent chez des animaux capturés en automne. Sur les coupes faites à travers l'intestin des individus d'été, et colorées par le carmin borique, on reconnaît immédiatement les cellules muqueuses à leur forme arrondie ou ovalaire ; elles sont beaucoup plus grosses que les cellules épithéliales parmi lesquelles elles sont placées (fig. 23, 24, cm). La plupart siègent dans la partie profonde de l'épithélium, soit au contact delà tunique propre, soit 1 Le nom de cellules muqueuses (Schleimzellen) leur a été donné par Leydig (27) ; celui de cellules caliciformes (Bechcrzcllcn), par F.-E. Schulze (50). U li.-G. BALBIANI. à une certaine distance au-dessus de celle-ci. Quelques-unes s'élèvent môme jusque dans la région formée par les prolongements internes des cellules épithéliales. On peut conclure par analogie avec les observations faites chez d'autres Arthropodes, les chenilles par exemple (12, 28), qu'elles s'élèvent jusqu'au niveau de la surface in- terne libre de l'épithélium; toutefois, sur aucune de mes coupes, je n'en ai observé dans cette dernière situation, circonstance due peut- être au hasard, mais qui peut s'expliquer aussi par la faible activité du travail digestif chez les animaux qui m'ont fourni les préparations. Tout indique que les variations de forme que présentent ces élé- ments sont en rapport avec le mouvement ascensionnel qu'ils exé- cutent pour se porter du fond de l'épithélium vers sa surface libre. Les plus profondément situés sont sphériques et touchent à la tu- nique propre par un point de leur surface ; d'autres sont plus ou moins fortement aplatis contre celle-ci et ont la forme d'un ovale allongé transversalement. On y reconnaît très nettement une mem- brane d'enveloppe fine entourant aune petite distance le contenu, formé par une substance homogène et réfringente, le mucus inté- rieur de la cellule. Ni le plasma ni le noyau ne sont généralement visibles dans cette situation de la cellule muqueuse, qui paraît tout entière remplie par la masse réfringente intérieure. A une phase plus avancée, la cellule commence à pénétrer dans l'épithélium ; elle s'allonge parallèlement aux cellules épithéliales et se pédi- culise, mais reste toujours adhérente par son pédicule à la tunique propre. La partie renflée, qui contient le mucus, constitue la vési- cule sécrétoire ou thèque (theca) de F.-E. Schulze ; le pédicule, clair et transparent, renferme un plasma pâle et peu abondant, dans lequel on distingue, immédiatement au-dessous de la masse muqueuse, un petit noyau finement granuleux, peu apparent, mal- gré la faible densité du plasma qui l'entoure et légèrement coloré parle carmin (fig. 23, 24, n). La cellule s'élève déplus en plus entre les cellules épithéliales, son pédicule s'étire graduellement davan- tage et se termine par une extrémité effilée, qui se perd parmi les ÉTUDES SUIl LE TUBE DIGESTIF DES CRYPTOPS. M éléments environnants. Se prolonge-t-il, quoique invisible, au milieu de ceux-ci jusqu'à la tunique propre, de manière à maintenir encore la connexion de la cellule muqueuse avec cette tunique, ou bien se produit-il dans le pédicule fortement aminci une rupture qui rend la cellule libre au sein de l'épithélium? c'est ce qu'il ne m'a pas été possible de décider. On n'est, en effet, jamais sûr que la coupe ait divisé la cellule épithéliale dans toute l'étendue de son axe longitudi- nal, ou qu'ellen'ait pas tranché le pédicule sur un point variable de sa longueur, de manière à rompre ses connexions avec la tunique propre. J'ai déjà dit que, par une circonstance assez singulière, je n'ai jamais observé de cellules muqueuses dont la thèque fût arrivée au niveau delà surface libre de l'épithélium. Je ne saurais dire, par conséquent, s'il se produit à ce moment, au sommet de la thèque, une ouverture de la membrane, un stoma, par laquelle le produit de sécrétion s'épanche à la surface de l'épithélium, suivant le mode habituel de décharge de ces petits éléments, qu'on observe si bien chez les chenilles par exemple. Il se pourrait aussi que la thèque se rompît avant d'avoir atteint le niveau de la surface intérieure de l'épithélium, et que le contenu épanché se frayât un chemin entre les cellules épithéliales jusqu'à cette surface. Ce qui donne une certaine plausibilité à cette opinion, c'est que la thèque de nos cellules caliciformes est déjà entièrement remplie, chez la plupart, du produit de sécrétion, alors que ces cellules sont encore placées tout au fond de l'épithélium, tandis que, habituellement, la sécrétion ne commence dans la cellule que lorsque celle-ci est arrivée au niveau de l'épithélium et qu'il s'y est formé un stoma. Ce point mérite, par conséquent, de nouvelles recherches. Malgré le nom de cellules muqueuses que, pour suivre l'exemple de la plupart des auteurs, nous avons donné aux éléments dont nous venons de présenter la description, nous ne savons pas si leur con- tenu est réellement formé de mucine. Je n'ai pas fait, à cet égard, de recherches spéciales, et me contente d'indiquer quelques-unes des réactions de cette substance que j'ai observées. Elle résiste par- 40 E.-G. BALBIANI. faitement aux dissolvants des matières grasses et a la chaleur, puisque, sur nos coupes préparées par l'alcool fort, la paraffine chaude et les huiles essentielles, elle n'avait pas disparu. Elle se colore d'une manière intense, sur les coupes ou les préparations fraîches, par tous les agents tinctoriaux que nous avons mis en usage : carmin borique, safraninc, violet de gentiane, vert de mé- thyle. J'ai malheureusement négligé de noter l'action que l'acide osmique exerce sur cette substance ; je le regrette d'autant plus que j'ai manqué par là l'occasion de vérifier l'observation faite par M. Beauregard touchant l'action de ce réactif sur les cellules mu- queuses de l'intestin moyen de la Cantharide : celles-ci se colorent très rapidement en noir par l'acide osmique (2). 11 eût été intéressant aussi de rapprocher nos résultats des observations de M. Ramier (45) sur l'action de l'acide osmique sur les cellules caliciformes de la membrane rétrolinguale de la grenouille. Après avoir décrit les cellules muqueuses telles que je les ai ob- servées chez nos Cryptops pendant les mois de l'été, je dois dire quelques mots de l'aspect qu'elles m'ont présenté chez les animaux capturés en automne. A cette époque de l'année, ceux-ci commen- cent à s'enfoncer plus profondément en terre pour y hiverner, et leur tube digestif renferme d'ordinaire une moins grande quantité d'aliments que pendant la saison chaude. Est-ce à ce ralentissement des fonctions digestives qu'il faut attribuer les modifications que j'ai observées à ce moment dans les cellules muqueuses de l'intes- tin moyen? Cela est possible, bien que je ne veuille rien affirmer à cet égard. Peut-être ne s'agit-il que de simples variations indivi- duelles; cependant, comme je ne les ai point observées en été, je ne suis pas éloigné de croire à une influence saisonnière. Quoi qu'il en soit, voici l'aspect que ces éléments ont présenté chez les ani- maux en question. Examinés sur des coupes, on les aperçoit encore pour la plupart au fond de lépithélium, en contact avec la tunique propre contre laquelle ils sont rangés. On n'en voit presque point dans les régions ÉTUDES SUR LE TUBE DIGESTIF DES CRYPTOPS. 11 plus élevées de l'épithélium (fig. 28, ont; fig. 31, a-^). Leur forme est généralement arrondie on elliptique, le grand axe de l'ellipse placé perpendiculairement à la tunique propre. Ce grand axe mesure de 1 à 2 centièmes de millimètre. Aucun ne présente le pédicule d'in- sertion sur cette membrane que nous avons décrit chez les individus d'été. Mais c'est surtout par l'aspect de leur contenu qu'ils diffèrent des cellules muqueuses de ces derniers individus. Dans toutes les cellules, le contenu est divisé en trois zones superposées, plus ou moins égales ou inégales. La zone supérieure ou du sommet de la cellule est formée par une substance homogène et réfringente, qui retient vivement les matières colorantes. Ces caractères nous indi- quent qu'elle est constituée par le produit de sécrétion de la cellule (mucine?). La zone intermédiaire est formée par un plasma pâle et transparent, dans lequel on aperçoit tantôt de fines granulations (fig. 31, a, £), tantôt des filaments anastomosés en un réseau plus ou moins développé {c-g). Les filaments les plus gros partent de la masse placée au sommet de la cellule; et du pourtour de cette masse, qui a généralement une forme discoïde ou lenticulaire, s'étend une mince couche de la même substance, qui forme comme une enveloppe autour du plasma clair de la zone intermédiaire. Cette couche, de même que les granulations et les filaments inté- rieurs, se colorent avec autant d'intensité que la masse précédente. La troisième zone, enfin, placée à la base de la cellule, est claire et transparente comme de l'eau; elle ne contient aucun corpuscule solide, reste totalement incolore sur les coupes traitées par le carmin et les autres réactifs colorants ; tous ses caractères sont ceux d'une grande vacuole placée au-dessous des deux couches précédentes. Je n'ai pas toujours réussi à apercevoir le noyau de la cellule mu- queuse, mais, quand il était visible, c'est dans la couche médiane de plasma qu'il était situé. Il se colorait toujours plus faiblement que la masse homogène du sommet et le réseau intermédiaire de la cellule. Je crois qu'il est assez facile d'interpréter cette apparence des cel- 18 E.-G. BALBIANI. Iules muqueuses par la connaissance du processus de sécrétion qui se passe dans leur intérieur, tel que List nous l'a décrit dans son beau travail : Ueber Becherzellen (29). D'après les observations de List, le protoplasma des cellules caliciformes se compose essentiellement d'une masse filamenteuse réticulée (Filarmasse), dont les mailles sont remplies par une substance homogène moins dense {Inter filarmasse). La masse filamenteuse est très avide de matières colorantes, tandis que la substance interfilamenteuse a beaucoup moins d'affinité pour celles-ci. Le travail sécrétoire consiste, suivant List, en un gonflement de la substance filamenteuse, par suite duquel les mailles du réseau sont d'abord distendues, puis rompues. Ce gonflement débute dans la partie supérieure de la cellule et s'étend graduellement vers sa partie inférieure. Sous l'influence de l'augmentation de la pression intérieure, il se produit, au sommet de la cellule, une ouverture dans la membrane de la thèque, ouverture qui constitue le stoma, et par laquelle le contenu de la thèque s'épanche au dehors. En examinant nos figures, on voit que l'explication de List tou- chant la transformation du contenu des cellules caliciformes, s'y applique assez bien. La partie supérieure de la thèque renferme déjà une certaine quantité de mucus, reconnaissable à son aspect homo- gène et réfringent et l'affinité qu'il manifeste pour les agents colo- rants. La partie moyenne de la cellule contient du protoplasma non encore transformé en mucus, ou dans lequel la transformation com- mence à se produire à sa surface. Dans ce protoplasma, on voit plus ou moins distinctement le réticulum, ou la masse filamenteuse de List, moins vivement coloré que la substance muqueuse de la partie supé- rieure. Quant à la base claire et transparente, restée incolore, de la cellule, elle correspond à la région qui s'étirera en unpédicule, lorsque la cellule commenceraà s'élever dans l'épithélium. J'ai déjà dit qu'elle représente probablement une vacuole, comme celle que List (29) a observée dans la thèque de certaines cellules caliciformes ; on peut lui comparer aussi les vacuoles multiples que M. Ranvier (45) a dé- crites dans celles de la membrane rétrolinguale de la Grenouille, ÉTUDES SUR LE TUBE DIGESTIF DES CRYPTOPS. 49 vacuoles qu'il suppose ne renfermer que de l'eau el des sels inorga- niques. C'est sur ces mêmes coupes que je décris ici que j'ai observé, à la partie interne de L'épithélium, de grandes vacuoles elliptiques si- mulant, parla régularité de leur disposition, des cellules muqueuses superficielles (fig. 25, v, v). Dans certaines régions de l'épithélium, elles étaient tellement pressées les unes à côté des autres qu'elles formaient une couche continue à la surface de l'épithélium. Chaque vacuole était placée dans l'extrémité élargie d'une cellule épithéliale, et comme creusée dans le protoplasma de la cellule. Ce qui contri- buait encore à leur ressemblance avec de vraies cellules muqueuses, c'est que le noyau de la cellule épithéliale, placée fréquemment à une petite distance au-dessous de la vacuole, pouvait facilement être pris pour celui de la cellule muqueuse. L'aspect pâle et clair de ces vacuoles, restées parfaitement incolores sur les coupes colorées, pouvait en imposer pour des thèques de cellules muqueuses, émi- grées à la surface de l'épithélium et y ayant déversé leur contenu. Telle était effectivement l'idée à laquelle je m'étais d'abord arrêté, mais je finis par me convaincre que ces images étaient des produc- tions artificielles, de simples vacuoles, déterminées par l'action du liquide durcissant sur le protoplasma des cellules épithéliales. Ce- pendant, comme dans d'autres circonstances, où les pièces avaient été traitées exactement de la même façon, il n'y avait aucune trace de cette vacuolisation du protoplasma, j'ignore quelle est la cause qui a pu y donner lieu sur les préparations que nous examinons. Je rappellerai seulement que celles-ci proviennent d'animaux recueillis en automne, tandis que celles fournies par des animaux pris en été ne présentaient rien de semblable, quoique tous les Cryptops pro- vinssent de la même localité. Il n'est, par conséquent, pas impos- sible que les conditions physiologiques de l'intestin, variant avec les saisons, aient joué un rôle dans la production des altérations dont nous parlons. Je dois noter, du reste, que List (29, 30) a observé aussi fréquemment cette transformation des cellules épithéliales en ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 2e SÉRIE. — T. VIII. 1800. :;0 E.-G. BALBIAM. fausses cellules caliciformes, sous riuilueucc de certains réactifs, par exemplefen faisant macérer pendant vingt-quatre heures, dans l'alcool au tiers, la vessie de la Grenouille. Celle-ci ne contient nor- malement qu'un petit nombre de cellules caliciformes, tandis que, après l'action de ce liquide, leur nombre paraît très augmenté, par suite de quelque altération des cellules épithéliales simulant des cel- lules caliciformes. b. Régénération de l'épit hélium de l'intestin moyen. De même que tous les épithéliums stratifiés, l'épithélium de l'in- testin moyen du Cryptops est dans un état de rénovation continu, les cellules anciennes se détruisant à la surface de cette couche, tandis que de nouvelles cellules naissent dans le fond et viennent remplacer les cellules disparues. Le processus de cette régénération a été étudié par divers auteurs chez les Arthropodes, notamment par Frenzel (10, 11, 12), qui l'a décrit chez les Insectes et les Crustacés. Avant d'exposer les opinions des auteurs sur le renouvellement de l'épithélium de l'intestin moyen chez ces animaux, je vais présenter d'abord mes propres observations sur le Cryptops, en y joignant celles que j'ai faites comparativement chez quelques autres Arthro- podes. On peut étudier le processus de régénération, soit par la méthode des coupes, soit par dissociation ; mais il sera toujours bon d'em- ployer concurremment les deux procédés, afin de les contrôler l'un par l'autre. Pour plus de clarté dans l'exposition, j'ai réuni dans une même figure — qui n'a de schématique que cette réunion même — les différentes phases de la régénération disposées dans leur ordre sériaire (fig. 30, a-h). Dans la partie la plus profonde de l'épithélium, immédiatement en contact avec la tunique propre, s'étend une couche renfermant de nombreux petits noyaux granuleux. Cette couche ne paraît pas formée de cellules délimitées les unes des autres ; du moins, je n'ai pu réussir à y apercevoir des contours cellulaires ; on peut se la ÉTUDES SUR LE TUBE DIGESTIF DES CRYPTOPS. 51 représenter, soit comme formée de cellules confondues secondaire- ment par leur protoplasma, soit comme une couche primitive do plasma, dans laquelle sont plongés de nombreux noyaux. Je la dési- gnerai sous le nom de couche germinative. C'est sur elle que s'im- plantent, par leurs prolongements basilaires, les cellules épithéliales et les cellules caliciformes de l'épithélium. Lorsqu'on laisse macérer pendant vingt-quatre heures une portion de l'intestin moyen dans un mélange d'eau salée et d'acide acétique faible, l'épi thélium se détache souvent en bloc de la paroi de l'intestin, et il est alors facile, à l'aide de quelques petits chocs sur la lamelle couvre-objet, de le désagréger et de le faire sortir du canal intestinal. On aperçoit alors facilement, sur la coupe optique de la paroi, la ligne de contour de la tunique propre, doublée en dedans par celle, plus épaisse et iné- gale, de la couche germinative. On reconnaît les nombreux petits noyaux renfermés dans celle-ci, et l'on s'assure, en outre, que cette couche ne présente pas une surface unie, mais est comme bosselée aux points correspondants aux noyaux'(fig. 30, a, a). Le premier in- dice de la régénération de l'épithélium est une saillie plus forte de la bosselure et une multiplication du noyau qu'elle contient (b, c). Ce noyau se divise d'abord en deux, puis en quatre noyaux nouveaux. A un stade plus avancé, les noyaux sont devenus encore plus nom- breux, et la protubérance protoplasmique s'est transformée en un groupe de petites cellules, six, huit et davantage. Ces cellules sont piriformes, bien distinctes les unes des autres par leurs grosses extré- mités dirigées en dedans, confondues entre elles par leurs extrémités atténuées, qui regardent en dehors et fixent le groupe sur la couche germinative (d,e,f). Le groupe lui-même est plus ou moins sphériq lie ou piriforme, les cellules composantes se pressant ou se recourbant même les unes contre les autres par leur sommet arrondi. Mais, à mesure que les cellules s'allongent vers l'épithélium, elles s'éiaihnl entre elles, se séparent de plus en plus les unes des autres par leur partie postérieure, tout en restant groupées sous la forme d'un bou- quet ou d'un faisceau. Chaque bouquet ou faisceau de lï-pilhélium 52 E.-G. BALBIANI. représente donc une môme famille cellulaire, ayant pour origine une cellule mère commune née de la couche germinative de l'in- testin moyen. Tout en grandissant, les cellules continuent encore à se multiplier, surtout dans la partie postérieure et interne du fais- ceau, composée de cellules généralement plus courtes que celles de la partie périphérique et antérieure (g, h). Le noyau des jeunes cel- lules est sphérique et placé dans la partie renflée ; il renferme un petit nucléole, qui a l'aspect d'un granule brillant situé au centre du noyau. Les caractères du noyau changent avec l'âge, car nous avons vu que, dans les cellules épithéliales adultes, cet élément est ovalaire et renferme de nombreuses granulations, parmi lesquelles une ou plusieurs se distinguent par leur volume plus considérable et représentent de véritables nucléoles (fig. 25 bis). Un point intéressant de l'histoire de la régénération des cellules épithéliales de l'intestin moyen est le mode de division de ces cel- lules. Cette division a-t-elle lieu par voie directe ou indirecte (karyo- kinèse)? Garnoy (5) a observé le premier mode chez YAphrophora spumaria et plusieurs Crustacés (Oniscus, Ligia, Armadillo, etc.). Récemment, Prenzel a cru pouvoir ériger en loi que la division de ces éléments est toujours directe chez les Insectes. Chez les Crus- tacés, elle serait également directe chez la majorité des espèces de cette classe, d'après le même auteur1. Pour les Myriapodes, nous manquons encore de données sur le mode de division des cellules épithéliales de l'intestin moyen. Si je m'en rapporte à mes observa- tions personnelles, chez le Cryptops, la division a lieu, sinon tou- jours, du moins dans un certain nombre de cas, par karyokinèse ; j'ai observé effectivement plusieurs fois, dans la région de l'épithé- lium où se forment les jeunes cellules de remplacement, des figures de division karyokinétique (fig. 30, g\ fig. 32, a,b, c). Je ne veux pas nier pour cela qu'elles ne puissent se multiplier aussi par voie di- recte, bien que je n'aie jamais réussi à le constater d'une façon cer- 1 Frenzel a trouvé une exception chez le Phronima où la division est indirecte (11, p. 176). ÉTUDES SUR LE TUBE DIGESTIF DES CRYPTOPS. 83 taine. J'avais pensé d'abord que l'observation que je vais rapporter avait trait à une multiplication des cellules épilhéliales par mode direct ; mais après plus ample informé j'ai dû l'interpréter autrement. On observe fréquemment sur les coupes, dans tous les points de l'épithélium, de petites vésicules sphériques claires, larges en moyenne de 0mm,006, renfermant une masse centrale granuleuse, qui se colore d'une manière intense par le carmin et les autres réactifs colorants que l'on fait agir sur les coupes (fig. 23, 24, nd; 32, nd). Ces vésicules sont tantôt isolées, tantôt rapprochées par paires, quelquefois jusqu'à se toucher ou même s'aplatir par pres- sion réciproque. Jamais je n'ai observé dans leur intérieur, même à l'aide des plus forts grossissements, de figures nucléaires, et j'en avais conclu qu'elles étaient issues d'une division directe des noyaux épithéliaux. J'ai dû, néanmoins, abandonner cette explication pour adopter la suivante, à laquelle je me suis arrêté : c'est qu'il s'agit ici de noyaux en voie de dégénérescence, dont le contenu chromatique s'est concentré et fragmenté en petits grains vivement colorés. Nous aurions donc ici un processus de régression du noyau analogue à celui que Flemming (9) a décrit dans les cellules de la couche gra- nuleuse des follicules ovariens de la Lapine, et qui a été signalé aussi, plus tard, par Henneguy, dans les noyaux du parablaste des Poissons osseux (18) et dans ceux des kystes des Grégarines en voie de sporulation (19). Les faits qui viennent d'être exposés résultent de l'examen des coupes microscopiques durcies et colorées. Les observations faites par dissociation de préparations fraîches ne sont pas moins instruc- tives pour étudier les phénomènes de la régénération de l'épithé- lium. C'est ainsi qu'on obtient fréquemment des lambeaux d'épi- thélium, où l'on observe des cellules épithéliales bien développées, et des groupes plus ou moins nombreux de jeunes cellules en voie de régénération (fig. 26, gep). D'autres fois, les cellules épithéliales ayant été enlevées par la manœuvre de la préparation, la tunique propre ne se montre plus recouverte que par des groupes de jeunes M E.-G. BALBIANI. cellules pressées les unes contre les autres, et que leur adhérence plus forte à la membrane qui les supporte a empêchées de suivre le sort de leurs congénères adultes (fig. 28). D'autres fois, enfin, la couche des petites cellules ayant elle-même disparu en grande partie, on n'observe plus que çà et là, à la surface de la tunique propre, quelques jeunes cellules isolées ou groupées ensemble en plus ou moins grand nombre (fig. 27, ep, ep), et, parmi celles-ci, les pédicules, restés fixés à la membrane, des grandes cellules arra- chées de leurs connexions avec les tissus sous-jacents. Après avoir parlé de la régénération des cellules épithéliales, il faut examiner aussi comment se reproduisent les cellules muqueuses, au fur et à mesure qu'elles sont détruites par l'activité sécrétoire de l'épithélium. Les cellules muqueuses ont la même origine que les cellules épi- théliales ordinaires : comme celles-ci, elles prennent naissance dans la couche germinative qui forme le fond, mais au lieu de se pro- duire par groupes nombreux, comme les jeunes cellules épithéliales, les jeunes cellules muqueuses se comportent comme les éléments adultes qu'elles sont destinées à remplacer, c'est-à-dire, naissent isolément, sporadiquement en quelque sorte, à la surface de la couche germinative (fig. 24, cm). Les jeunes cellules muqueuses se distinguent de bonne heure des jeunes cellules épithéliales, malgré la communauté d'origine des deux sortes d'éléments, par leur structure et leur évolution : 1° leur contenu est beaucoup plus clair et plus homogène que celui des jeunes cellules épithéliales ; le noyau, toujours très pâle et peu vi- sible, reste plus petit que celui de ces dernières ; 2° elles ne se di- visent jamais en un groupe ou famille de cellules filles, comme font les cellules épithéliales, mais restent toujours simples; 3° au lieu de pousser en longueur, elles prennent la forme d'une sphère ou d'un ovoïde avant de s'élever au-dessus de la tunique propre; 4° enfin, elles sont de bonne heure le siège d'une sécrétion muqueuse, qui s'effectue par le dépôt, dans la partie supérieure de la cellule dilatée ÉTUDES SUR LE TUBE DIGESTIF DES CRYPTOPS. .7; en thèque, d'une substance homogène et réfringente, se colorant facilement par les réactifs tinctoriaux. J'ai déjà parlé, précédemment, des transformations ultérieures des cellules muqueuses ; je n'y reviendrai pas ici. Frenzel (12) a décrit la régénération de ces cellules chez les chenilles. Il admet qu'elles proviennent de cellules mères différentes de celles qui pro- duisent les cellules épithéliales, mais sans indiquer ni pour les unes ni pour les autres l'origine. Leurs noyaux se ressemblent d'abord complètement pour la structure elle volume ; plus tard, les noyaux des cellules épithéliales continuent à s'accroître, tandis que ceux des cellules muqueuses augmentent à peine de volume. Il admet, enfin, que celles-ci se multiplient par division directe, comme les cellules épithéliales. c. Opinions des auteurs stir la régénération de l'épithélium de l'intestin moyen chez les Arthropodes. Prétendues glandes composées de Frenzel et autres auteurs. Après avoir exposé dans ce qui précède mes observations person- nelles sur la régénération de l'épithélium chez les Cryptops, il n'est pas sans intérêt d'examiner comment mes prédécesseurs ont décrit le processus de cette régénération. Il est incontestable que la plupart des auteurs qui se sont oc- cupés de la structure fine du tube digestif des Arthropodes ont aperçu les jeunes cellules en voie de régénération dans l'épithélium de l'intestin moyen, et, s'ils ne les ont pas décrites comme telles, c'est qu'ils ont méconnu leur véritable nature. Trompés par les complexus qu'elles forment souvent à la base de l'épithélium, ils ont cru avoir affaire à des glandes intestinales composées1. Le pre- 1 II est bien entendu qu'il ne s'agit ici que des éléments cellulaires qui sont mêlés aux cellules ordinaires de l'épithélium, et non de ceux qui sont localisés dans les appendices variés de forme qu'on observe sur l'intestin moyen d'un grand nombre d'Arthropodes, et qui portent les noms de cryptes glandulaires, caecums ou vdlosilés gastriques. Ces organes appendiculaires de l'intestin sont bien de véritables glandes qui sécrètent un liquide digestif, ainsi que cela résulte des expériences physiolo- 56 K-G. BALBIANI. mier qui, à ma connaissance, ait parle d'une manière un peu nette de ces cellules est Basch. Dans son travail déjà assez ancien sur le système chylo et uropoiétiquede la Blatte (1), Basch décrit et figure, à la base de l'épilhélium de l'intestin moyen, une couche formée par des agglomérations de petites cellules irrégulières, reposant dans de légères dépressions de la tunique propre. Dans la croyance qu'il a affaire à des éléments glandulaires, il les décrit sous le nom de cryptes. Benchérissant sur cette interprétation de Basch, Fren- zel (12) décrit et représente un conduit excréteur fin qui, du som- met de la prétendue glande, aboutit à la surface de l'épilhélium. Chez d'autres Insectes, Apis, Bombus, dont l'intestin moyen est lisse exté- rieurement, c'est-à-dire dépourvu de villosités gastriques, comme chez la Blatte, Frenzel décrit également des petits groupes cellu- laires bien circonscrits, auxquels il attribue une signification glan- dulaire. Entre autres caractères par lesquels ces cellules diffèrent des cellules épithéliales ordinaires, Frenzel met au premier rang- leur mode de multiplication. Celle-ci aurait toujours lieu parkaryoki- nèse, tandis que, dans ces dernières, elle s'effectuerait sans exception, chez les Insectes au moins, par division directe, ainsi que nous l'avons déjà rapporté. Pour avoir interprété comme des glandes les groupes cellulaires auxquels j'attribue la signification déjeunes cellules épithéliales en voie de régénération, Frenzel n'en admet pas moins, chez les In- sectes et les Crustacés, la rénovation de l'épilhélium par un pro- cessus qu'il décrit dans ses divers mémoires sur le tube digestif de ces animaux (10, 11, 12). Il fait naître, comme nous-même, les jeunes cellules de remplacement à la face profonde de l'épithélium, mais sans indiquer aux dépens de quels éléments de cette couche elles prennent naissance. Ces cellules mères, ainsi qu'il les désigne, se divisent ensuite en deux ou en quatre cellules filles, lesquelles se giques de M. Plateau et de M. Jousset de Bellesme(22) sur les ca>cums glandulaires do la Blatte. Mais l'étude anatomique de ces organes n'a pas encore été faite d'une manière satisfaisante. ÉTUDES SUR LE TUBE DIGESTIF DES CRYPTOPS. o7 séparent les unes des autres, s'allongent et deviennent cunéiformes, puis s'enfoncent comme des coins entre les bases des cellules épi- théliales adultes. Frenzel a décrit d'abord en détail ce processus chez la larve du Tenebrio molitor (10), puis chez les larves de Cimbex, d'Apis et des Lépidoptères (12). Or, il est à remarquer que, chez ces divers types, Frenzel ne parle pas des cryptes glandulaires qu'il a observées chez d'autres espèces {Hydrophilus, Blatlo), et que, à l'inverse, ses observations sur la régénération de l'épithélium chez ces dernières sont fort incomplètes, pour ne pas dire presque nulles. N'est-il pas, dès lors, à supposer que ce que Frenzel a pris pour des cryptes glandulaires n'est autre chose que ces groupes ou familles de jeunes cellules épithéliales que j'ai décrits chez le Cryptops ? Les observations de Faussek (8) sur les larves d'Eremobia et d'Aesckna sont presque la répétition exacte de celles de Frenzel. Comme Frenzel, Faussek décrit des amas de petites cellules glan- dulaires (Drusenkryplen) placées entre les bases des cellules épithé- liales. Il les fait se multiplier aussi par division indirecte. Enfin, comme Frenzel, il décrit autour du groupe une membrane d'enve- loppe, qui se continue au sommet en un conduit excréteur étroit, débouchant dans le canal de l'intestin. Schiemenz, auquel nous devons une bonne étude histologique de l'appareil digestif de l'Abeille (48), ne va pas aussi loin que les auteurs précédents, en admettant dans l'épithélium de l'intestin moyen deux catégories distinctes de cellules, les unes épithéliales, les autres glandulaires. Pour Schiemenz, toutes les cellules appartiennent à un même type; elles sont toutes de nature épithéliale, et présentent seulement quelques différences de forme et d'aspect suivant qu'elles sont placées au fond ou sur le bord des replis que forme la mu- queuse de l'intestin moyen de l'Abeille. Ces différences correspondent peut-être, suivant Schiemenz, à une divergence de fonctions, les cellules basilaires représentant des cellules sécrétantes; celles des bords, des cellules absorbantes. On peut se demander s'il ne s'agit 58 Jb\-G. BALBIAM. pas là plutôt de simples variations d'état d'un môme élément en voie d'évolution. En est-il aussi de môme des éléments observés par M. Sirodot (53) chez YOryctes nasicornis, et par M. Deauregard (2) chez les Insectes vésicants? Tous deux décrivent dans la muqueuse de l'intestin moyen des amas bien circonscrits de petites cellules (ou noyaux polyédriques, Beauregard), placés dans les mailles d'un réseau formé parla couche conjonctive. Ils les désignent sous le nom de follicules, et M. Sirodot les considère comme des glandes gastriques (pep- siques). Je ne fais que poser ici la question, en regrettant de ne rien trouver, dans les observations de ces deux auteurs, qui soit relatif à la régénération de l'épi théliurri. Bien différente de l'opinion de Basch, Frenzel et Faussek, sur la nature glandulaire des petits groupes cellulaires entremêlés aux cel- lules épithéliales, est celle que Miall et Denny, d'une part, Oude- mans, d'autre part, se sont formée de ces agrégations de petites cellules. S'appuyant sur les observations de Wàtney (63) qui, en 1877, si- gnala, à la base de l'épithélium intestinal des Mammifères, des groupes déjeunes cellules, qu'il interpréta comme des bourgeons épithéliaux (epithelial buds), destinés à remplacer les vieilles cellules épithéliales desquamées, Miall et Denny (34) attribuent une signification ana- logue aux agglomérations de petites cellules placées à la base de l'épithélium de l'intestin moyen de la Blatte : « Thèse epithelial buds, disent-ils, havebeen described as glands andwho only saw their significance after comparing them with Dr. Watney's account. » Il est inutile d'ajouter qu'ils ne disent mot du prétendu conduit excré- teur que Frenzel aurait vu déboucher de cette glande dans le canal intestinal, chez la Blatte. Oudemans (38) se prononce d'une manière tout à fait analogue à Miall et Deuny dans ses observations sur le Machilis maritima. De fait, ces groupes de petites cellules n'ont nullement la cons- titution de glandes composées. Leur aspect est le même que celui ÉTUDES SUR LE TUBE DIGESTIF DES CRYPTOPS. .V.l des cellules épithéliales, el l'on observe Imites les transitions do forme et de grandeur entre Be9 petites cellules et les cellules épithé- liales adultes, ainsi que j'ai pu m'en assurer chez la Blatte, le Grilla, talpa et le Cryptops. La membrane d'enveloppe ci le conduit excré- teur, que Frenzel et Faussek prétendent avoir vus chez les Insectes examinés par eux. n'existent pas; je n'en ai aperçu aucune trace chez les espèces précitées, ni chez le Gryplops. Enfin, le caractère tiré du mode de division, auquel Frenzel attache une si grande im- portance pour distinguer les cellules glandulaires et les cellules épi- théliales, n'a aucune valeur, puisque nous avons vu, chez le Cryp- tops, les jeunes cellules de remplacement se diviser par karyokinèse, contrairement à l'opinion de Frenzel, qui n'admet chez elles que la division directe. Pour résumer ma manière de voir, les prétendues cellules glandulaires de Frenzel (et des auteurs qui partagent son opinion), et les jeunes cellules épithéliales en voie de régénération ne sont qu'une seule et même chose ; elles ne peuvent avoir, par consé- quent, qu'un seul et même mode de reproduction. Je me range donc entièrement à l'avis de Miall et Denny et de Oudemans, qui, les pre- miers, ont soutenu l'identité des deux sortes d'éléments1. POSTINTESTIN. L'étude histologique de l'intestin postérieur nous occupera moins longtemps que celle de l'intestin moyen. Dans la description anato- mique que nous avons faite antérieurement de cette portion du tube digestif, nous avons constaté son extrême brièveté et la simpli- 1 Mingazzini (loc. cit.) décrit un mode tout particulier de régénération des cellules épithéliales de l'intestin moyen chez les larves des Lamellicornes phytophages. L'épi- thélium se compose de deux couches cellulaires superposées, l'une supérieure, for- mée de cellules hien développées, l'autre inférieure ou basilaire (cellule di mafricr), composée de cellules beaucoup plus petites que les précédentes. A mesure que ces dernières disparaissent par régression, les cellules de la couche inférieure s'accrois- sent et viennent les remplacer dans la couche supérieure. Dans le genre Tro/>inn!a, l'épilhélium est expulsé par lambeaux plus ou moins volumineux, et les vicies qui en résultent dans cette couche cellulaire sont comblés, non par les cellule di ma- trice, mais par l'accroissement des cellules adultes adjacentes (p. 55). 60 E.-G. BALBIANI. cité de sa forme extérieure. Le postintestin des Cryptops ne présente, en effet, extérieurement aucune trace de ces sections multiples, plus ou moins différenciées, qui ont élé distinguées chez d'autres Arthro- podes, les Insectes par exemple, sous les noms d'intestin grêle, de gros intestin, de rectum, etc. A cette simplicité anatomique, corres- pond une uniformité non moins remarquable de la structure histo- logique, qui ne présente que de très légères différences d'un point à l'autre du postintestin. Comme dans les portions précédentes, nous retrouvons dans sa constitution élémentaire nos trois couches ordinaires : les muscles, le tissu conjonctif, ou tunique propre, et l'épithélium. Muscles. — Contrairement à l'œsophage et à l'intestin moyen, où les muscles ne forment que deux plans: l'un externe, composé de fibres longitudinales, l'autre interne, formé de fibres circulaires, les muscles de l'intestin postérieur se superposent en trois couches, dont deux, la couche moyenne (fîg. 46, ml) et la couche interne (mei) ne sont que la continuation des deux tuniques musculaires de l'in- testin moyen-, tandis que la couche externe (mee) est un revêtement musculaire spécial, surajouté aux deux précédents dans l'intestin postérieur. De même que la couche interne, elle est formée de fibres circulaires, mais beaucoup plus puissantes que celles de cette der- nière. Il en résulte que l'appareil musculaire du postintestin se com- pose d'un plan médian de fibres longitudinales compris entre deux plans de fibres circulaires inégalement développés. Examinons de plus près les rapports de ce plan médian avec les deux autres. En décrivant les muscles de l'intestin moyen chez le Cryptops punctatus, nous avons vu que les fibres longitudinales, qui forment la couche musculaire superficielle, prennent une disposition plexi- forme à la terminaison de l'intestin (fig. 19, pi), et qu'à leur sortie de ce plexus les fibres sont plus fines et plus nombreuses qu'à leur entrée dans le plexus. Ces fibres efférentes s'étendent parallèlement et en ligne droite sur l'intestin postérieur (fig. 46, ml), au-dessus de la couche des fibres circulaires internes (met), qui ne présente aucune ÉTUDES SUR LE TUBE DIGESTIF DUS CRYPTOPS. Cl modification en passant sur le poslintestin, leur minceur et les in- tervalles qui les séparent entre elles restant les mômes que sur l'intestin moyen. Immédiatement en arriére de l'insertion des deux tubes de Malpighi, c'est-à-dire, à la limite précise où commence le postintestin, on voit apparaître les premières libres de la couche des muscles circulaires externes (fig. 46, 47, mce). Gec libres, d'abord pâles et plates, peu visibles, s'épaississent presque brusquement et deviennent très puissantes à une petite distance en arrière des tubes de Malpighi. Elles s'y superposent en plusieurs rangs et forment un véritable sphincter musculaire au point où le postintestin commence à se rétrécir, après l'élargissement initial qu'il présente derrière les tubes de Malpighi. On ne voit bien ce sphincter que sur les coupes longitudinales passant par l'axe de l'intestin postérieur (fig. 46, mce). Au delà du sphincter, les fibres circulaires externes restent toujours très puissantes et étroitement serrées les unes contre les autres, mais ne sont plus disposées qu'en une seule couche jusqu'à la ter- minaison du postintestin à l'anus. Leur diamètre varie de 0mm,0T24 à0mm,0i5o. La couche des fibres longitudinales, sous-jacente à la précédente, présente aussi quelques particularités qui méritent d'être signalées. Au niveau de l'insertion des tubes de Malpighi, ces fibres s'écartent entre elles, en contournant la base de ces tubes, qui ne reçoivent aucune fibre musculaire du postintestin, bien qu'ils ne soient que de simples diverticules de ce dernier, ainsi que le prouve leur mode de développement. Nous reviendrons encore, plus loin, sur les rapports des tubes de Malpighi avec l'intestin postérieur. Lorsque celui-ci est fortement contracté dans le sens de son diamètre transversal, par suite de l'action des deux couches de fibres circulaires, mais princi- palement de la couche externe, les fibres longitudinales sont pressées les unes contre les autres et se superposent même irrégulièrement sur plusieurs plans, formant ainsi une couche dont l'épaisseur égala celle des muscles externes (fig. 42, 43, ml). Les fibres longitudinales paraissent s'épuiser, en partie, dans leur trajet sur le postintestin, «2 E.-G. BALBIANI. car elles tonnent, dans la région postérieure de celui-ci, une couche où elles sont fortement écartées les unes des autres, comme on peut s'en assurer sur les coupes transversales de celte région (fig, 43, 45, ml). C'est au milieu de ce plan musculaire médian que rampent la plupart des gros troncs trachéens qui se distribuent à l'in- térieur du postintestin, en fournissant des ramifications aux muscles et à l'épithélium (fig. 41, 42, 43, f, l ; fig. 46, t, t). Leur direction est généralement parallèle à celle des fibres musculaires longitudinales, aussi, sur les coupes transversales, on voit leurs sections circulaires béantes, larges jusqu'à Om,04 et au delà, parmi les coupes des fibres longitudinales (fig. 42, 43, l, l). Ces grosses trachées intra-intestinales proviennent de plusieurs troncs volumineux, qui, après avoir rampé à la surface de la partie postérieure du postintestin, percent la tu- nique musculaire externe vers la région moyenne, et continuent leur trajet ascendant entre cette tunique et celle des fibres longitu- dinales (fig. 46, t, t), La couche des fibres circulaires internes est la plus faible des trois tuniques musculaires de l'intestin postérieur. Les fibres, assez grêles, ne dépassent généralement pas Qmm,G06 de large. Sur les coupes, on ne voit ordinairement qu'une ou deux fibres sur un même plan (fig. 41, 42, 43, ?na), alors que les fibres longitudinales {ml) et les fibres circulaires externes (meo) se superposent en trois ou quatre couches sur la même coupe. On voit aussi, souvent, des coupes de trachées plus ou moins fortes entre la couche moyenne et la couche interne des muscles. Quelques auteurs, tels que Schiemenz(48) chez l'Abeille, Faussek(8) chez la larve d'Fremobia, Raschke (46) chez celle de Culex nemurosus, ont signalé l'existence de fibrilles musculaires qui se détachent de la couche musculaire interne pour pénétrer par la base des replis de la muqueuse et s'insérer à la tunique propre. D'après Faussek, ces fibrilles auraient une direction presque parallèle à celle des replis de la muqueuse, dont elles détermineraient, en se contrac- tant, le rapprochement mutuel, et produiraient ainsi le rétré- ÉTUDES SUR LE TUBE Dlf.ESTÏF DES CRYPTOPS. t;:« cissement de la lumière de l'intestin postérieur. Chez lus Unifiai >.$% décapodes, ces fibres musculaires intra-muqueuses forment un sy- tème bien développé dans les gros replis, en forme de buniTelels, de l'intestin terminal de ces animaux1. Je reviendrai sur ce point en décrivant la muqueuse du posl in- testin chez les Gryptops, mais je puis dire ici, par avance, que je n'ai point observé chez ceux-ci les muscles intra-muqueux signalés chez les Insectes et les Crustacés. J'ai déjà dit quelques mots de l'épaississement annulaire, en forme de sphincter, que présente la couche musculeuse externe dans la portion initiale de l'intestin postérieur (fig. 46, s). Ce sphinc- ter, qui existe aussi chez beaucoup d'Insectes, est en corrélation anatomique et physiologique avec une disposition particulière de la muqueuse de cette région, qui constitue un appareil destiné à in- terrompre ou du moins à ralentir le passage des masses alimen- taires de l'intestin moyen dans l'intestin postérieur. Nous revenons plus amplement sur cet appareil dans la description, qui suit, de la muqueuse. Muqueuse. — Nous comprenons sous le nom de muqueuse les deux couches internes de l'intestin postérieur, formées par la tu- nique propre ou conjonctive et l'épithélium. Ces deux couches s'accompagnent d'une manière constante dans toute l'étendue du postintestin, tapissent la paroi interne du tube musculaire, et se projettent ensemble dans la lumière de l'intestin sous la forme de dix à douze gros replis longitudinaux, dont nous décrirons plus loin en détail la disposition. La couche conjonctive ou basilaire consti- tue, comme dans les autres sections du tube digestif, une mem- brane homogène, ou fibrillaire par places, contre laquelle s'adosscul les cellules épilhéliales. Sur les coupes transversales qui n'ont pas été déformées par les manœuvres de la préparation, les deux feuil- lets de chaque repli de la muqueuse sont étroitement applique- i Voir Freniel (11, pi. VIII, fig. 1, % 3, S, 9). 04 H. -G. BALBIANI. l'un contre l'autre par leur membrane basilaire, qui forme dans l'axe du repli une cloison d'apparence simple, mais composée en réalité de deux minces lamelles de tissu conjonclif adossées (fig. 42, 43, 44, 45, tp). On observe tout au plus, à la base du repli, un léger écartement des deux feuillets, dans lequel la couche musculaire ne pénètre point ni n'envoie de fibrilles, comme nous l'avons déjà re- marqué précédemment, mais sur lequel il passe comme un pont. Dans cet espace libre, en forme de gouttière triangulaire, on ne voit que quelques trachées assez grosses; d'autres trachées plus fines, ou trachéoles, montrent leurs coupes dans l'épaisseur même de la mince cloison axiale, comme de petits trous clairs et ronds (fig. 43,£'). Sur les coupes longitudinales des replis (fig. 46, n>; 47), la cloison conjonctive .figure une sorte de raphé médian séparant les deux rangées de cellules épithéliales qui se trouvent à chacun de ses côtés (fig. 46, 47). La couche épithéliale, qui suit toutes les sinuosités de la couche conjonctive, s'enfonçant dans ses parties rentrantes ou s'élevant avec ses parties saillantes, est formée d'éléments de même forme et aspect que dans l'intestin antérieur (fig. 33, 34, etc.). Sa surface libre est de même revêtue d'une cuticule homogène, assez mince, mais dont la surface interne, parfaitement lisse, ne présente ni dents ni épines ou appendices quelconques, comme nous l'avons constaté dans l'appareil valvulaire de l'œsophage. Les cellules épi- théliales, semblables à celles de ce dernier conduit, sont cylindriques, allongées, étroites, à contenu clair et peu granuleux. Elles sont plus longues sur les replis de la muqueuse que dans les intervalles qui les séparent. Leur noyau, en forme d'ovale allongé, long de 0mm,0i sur 0mm,003 à 0mm,006 de large, est placé dans la partie interne de la cellule. Dans la partie antérieure des replis, les noyaux reculent peu à peu vers la base de la cellule, et prennent alors la même disposition que dans l'épithélium de l'œsopbage (fig. 46, au niveau des lettres x, x'). Outre les cellules épithéliales ordinaires ou cellules cylindriques, ÉTUDES SUR LE TUBE DIGESTIF DES CKYPTOPS. 63 l'épithélium du postintestin ne renferme pas d'autres éléments cellu- laires; on n'y observe ni les prétendues cryptes glandulaires que certains auteurs ont décrites dans l'épithélium de l'intestin moyen, et dont nous avons fait connaître la véritable nature, ni cellules mu- queuses ou caliciformes, comme celles qu'on voit dans l'intestin moyen. Je n'ai pas vu davantage ces dernières dans l'intestin ter- minal du Lithobius, où elles sont pourtant mentionnées et figurées dans l'excellent Traité d'anatomie comparée pratique de MM. Vogt et Yung, tome II, page 107 (fig. 47). Nous croyons que ces habiles obser- vateurs se sont laissé tromper par une transformation artificielle des cellules épithéliales en pseudo-cellules caliciformes, sous l'in- fluence de divers réactifs, comme nous l'avons déjà fait remarquer à propos de l'épithélium de l'intestin moyen. Cette cause d'erreur avait déjà été parfaitement reconnue, chez le Lithobius môme, par Sograff, ainsi que cela résulte du passage suivant (55) de son mé- moire : « Les coupes obtenues de préparations durcies dans l'acide chromique ou l'alcool nous font voir entre les cellules épithéliales des cavités en forme de sacs rappelant les cellules caliciformes, niais vides de leur contenu, de la muqueuse. Ces cavités n'existent point à l'état frais des tissus, et ne sont par suite qu'une production due à l'emploi de divers réactifs. » La particularité la plus intéressante peut-être de l'épithélium de l'intestin terminal est la disposition qu'il présente à son point d'union avec celui de l'intestin moyen. Il n'y a point passage graduel entre les deux épithéliums, mais la couche des longues cellules fili- formes, granuleuses, de l'intestin moyen (fig. 46, 47), s'arrête brus- quement à la terminaison de celui-ci en avant de l'insertion des tubes de Malpighi (t M), pour faire place, non moins brusquement, aux petites cellules cylindriques claires de l'intestin postérieur {Pol). A ce niveau se place l'appareil d'occlusion, connu chez divers Arthro- podes, Crustacés et Insectes, sous le nom impropre de valvule pylorique, et qui consiste en un certain nombre de replis dis- posés en cercle, plus ou moins développés et de forme variée, que AKCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — l2e SÉRIE. — T. VIII. 1890. OG E.-G. BALBIANI. la muqueuse de l'intestin terminal présente à sa partie antérieure '. Chez le Cryptops, les coupes longitudinales pratiquées par cette région montrent les dispositions suivantes. Au léger rétrécissement que présente à sa terminaison le canal de l'intestin moyen, par suite de l'étranglement que le tube digestif éprouve à ce niveau (fig. 46, 47, MI) succède un évasement en forme de rigole circulaire, étroite, de la partie antérieure du canal rectal (fig. 46, Pol), évase- ment qui a pour parois la couche épithéliale seule. Vers le fond de la rigole, les parois épithéliales se rapprochent, de manière à rétrécir de nouveau légèrement la lumière intérieure, après quoi elles s'écartent bientôt de nouveau, et la lumière du tube demeure cylin- drique jusque vers sa terminaison. Le détroit antérieur du canal rectal est formé par le relief plus grand que prennent à ce niveau les replis de la muqueuse. Ces saillies de la muqueuse, au nombre de dix à douze, comme on le voit sur les coupes transversales de cette région (fig. 42, 43), constituent la valvule rectale du Cryptops. A cette valvule est annexé, comme chez les Insectes, un appareil mus- culaire, en forme de double sphincter, dont les contractions rap- prochent les uns des autres les replis valvulaires, et déterminent par suite un rétrécissement du canal pouvant aller jusqu'à une oblitération presque complète de sa lumière (fig. 43). Nous avons déjà parlé du sphincter, formé par les grosses fibres circulaires anté- rieures de la musculeuse externe (fig. 42, 43, 46, mcé). Un second anneau musculaire, constitué par les fibres circulaires internes, est logé dans l'épaisseur même des replis valvulaires (fig. 46, 5) ; il 1 C'est assez improprement que cet appareil de rétention a été désigné sous le nom de valvule pylorique. En effet, il est toujours situé en arrière de la ligne d'in- sertion dus tubes de Malpighi, qui forme la démarcation entre l'intestin moyen et l'intestin postérieur. En outre, sa structure rappelle plutôt celle du dernier que celle du premier. Le nom de valvule rectale lui conviendrait par conséquent mieux que celui de valvule pylorique, au même titre que le nom de valvule œsophagienne devrait être préféré à celui de valvule cardiaque, donné à l'appareil de rétention antérieur. Dans ces derniers temps, M. Beauregard a donné une fort bonne description de la valvule rectale chez les Insectes vésicants (2), et Fritze a décrit ses modifications pendant les métamorphoses de» Ephémérides (13). ÉTUDES SUR LE TUBE DIGESTIF DES CRYPTOPS. 07 contribue, en agissant directement sur ces derniers, à produire, l'occlusion du tube digestif et l'arrêt des matières alimentaires dans l'intestin moyen. Les coupes longitudinales passant par les points où les tubfli de Malpighi débouchent dans l'intestin postérieur sont aussi fort in- structives pour montrer la disposition élémentaire des parties à ce niveau. La figure 47 présente une de ces coupes. Sur la partie droite de la figure, la coupe a passé exactement par l'axe longitudinal de l'embouchure du tube malpighien correspondant et de la portion initiale de ce dernier (t M). On voit très nettement que le tube est formé par une exsertion de l'épithélium de l'intestin postérieur, la couche musculeuse s'arrêtant à la base du tube, qu'elle contourne, ainsi que nous l'avons déjà décrit. Cependant, quelques fibres longitudinales se réfléchissent de l'intestin moyen sur les tubes de Malpighi et les accompagnent dans une certaine étendue, sinon jusqu'à leur extrémité libre. La paroi de ces tubes est formée des mêmes petites cellules cylindriques qui composent l'épithélium de l'intestin postérieur, mais au lieu de contenir un plasma trans- parent, presque homogène, comme ces dernières, elles sont forte- ment granuleuses à leur extrémité interne. Notons, comme une réaction curieuse, la coloration jaune brun que prennent les petites granulations de ces cellules sous l'influence de la safranine, tandis que le reste de la cellule, avec le noyau, prend la teinte rouge orangé que cette matière colorante communique d'ordinaire aux tissus. Placés à la limite de l'intestin moyen et de l'intestin postérieur, les tubes de Malpighi présentent à leur embouchure des rapports intéressants avec l'une et l'autre de ces deux portions du tube di- gestif (flg. 47, t M). La paroi antérieure de l'embouchure est eu simple rapport de contiguïté avec le tube épithélial de l'intestin moyen. Elle se recourbe en avant et en dehors, en diminuant gra- duellement d'épaisseur, etvient s'appliquer contre le bord postérieur du tube épithélial. La paroi postérieure, au contraire, est en conti- nuité directe de tissu avec le tube épithélial de l'intestin postérieur. GR E.-G. BALBIANI. Ces conditions anatomiques suffiraient à prouver que les tubes de Malpighi sont des dépendances de l'intestin postérieur, si le déve- loppement embryonnaire ne levait tout doute à cet égard. L'intestin postérieur est lui-même, comme on sait, d'origine ectodermique, tandis que l'intestin moyen est de provenance endodermique. Cette indépendance originelle des deux portions du tube digestif se mani- feste, chez l'adulte, par le changement brusque des caractères de leur épithélium. Nous trouvons ici des conditions entièrement ana- logues à celles que nous avons constatées à l'extrémité antérieure du tube digestif, où nous avons vu l'épithélium de l'intestin anté- rieur remplacé, sans transition, par l'épithélium de l'intestin moyen. Ce passage brusque d'un épithélium à l'autre, dans deux portions adjacentes du tube digestif n'avait pas manqué de frapper les au- teurs antérieurs. On le trouve déjà nettement indiqué dans le mé- moire de Verson sur ÏAnatotnie du Bombyx Yama-maï (59, p. 56) : « Der Uebergang des Magenepithels in jenes der anstossenden Darm- theile ist ein plutzlicher, indem sowohl gegen die Speiserohre als gegen den Diinndarm zu, sich das Pflasterepithel ohne Zwischen- stufen anschliesst. » On trouve aussi, dans les auteurs plus récents, des indications plus ou moins explicites à cet égard, ou bien, à défaut d'une mention spéciale, leurs ligures laissent parfaitement reconnaître ce changement brusque de l'épithélium d'une portion à l'autre du tube digestif l. Nous devons revenir avec plus de détails sur les replis de la mu- queuse, dont nous n'avons encore dit qu'un mot, ainsi que sur la valvule qu'ils forment dans leur portion la plus saillante vers la lu- mière de l'intestin postérieur. Lorsque celui-ci était fortement con- tracté au moment de l'immersion du tube digestif dans le liquide durcissant, on trouve, sur les coupes, sa lumière presque complète- 1 Par exemple, chez les Éphémérides (13, pi. III, fig. 17 et 18); chez le Cukx nemo rosus (46, pi. VI, fig. 17); chez le Macrostuma plumbea ^56, pi. XXXIV, fig. 1-2 et 17); chez lEcrevisbe (11, pi. VIII, fig. 3). — Chez les Mollusques eux-mêmes, par exemple le Cyclvsloma elegans, on a constaté des faits analogues (14, p. 19J. ÉTUDES SUR LE TUBE DIGESTIF DES CRYPTOPS. 69 ment oblitérée, au niveau de la valvule, par les replis rapprochés les uns des autres presque jusqu'au contact (fig. 42, 43). Ces replis val- vulaires sont, comme nous l'avons dit, généralement au nombre de dix à douze ; sur les coupes transversales, leurs sections, irréguliè- rement triangulaires, sont disposées en une couronne formée alter- nativement d'un repli plus bas et d'un repli plus élevé. On comprend que ces derniers seuls arrivent à se toucher par leurs sommets au centre de la coupe, lorsque l'intestin est contracté, tandis qu'ils laissent entre leurs bases un espace que comble le repli plus court qui naît dans leur intervalle. Cette disposition produit une occlusion aussi complète que possible du canal intestinal. Le contour des replis est plus ou moins inégal, sinueux ; quelques-uns sont bilobés à leur sommet (fig. 42), mais, presque toujours, leurs inégalités sont disposées de manière que la dépression d'un repli correspond à une saillie du repli adjacent, ce qui donne lieu à un contact presque parfait des surfaces par lesquelles deux replis se regardent, quand les muscles puissants annexés à l'appareil valvulairc viennent à se contracter. En avant de cet appareil, c'est-à-dire dans la partie antérieure, élargie en forme de rigole circulaire, de l'intestin terminal (fig. 46, /W),les coupes transversales qui passent par cette région nous mon- trent les replis d'autant plus bas que ces coupes se rapprochent da- vantage de l'intestin moyen (fig. 41 : niveau de a?', fig. 46). Ils finissent par ne plus constituer que de simples sinuosités de la surface interne de l'épithélium, plutôt que des soulèvements proprement dits de la muqueuse tout entière (fig. 40: niveau de x, fig. 46). Si nous examinons, au contraire, les coupes faites de plus en plus en arrière de l'appareil valvulaire, nous constatons que, jusque vers la partie moyenne de l'intestin postérieur et même au delà, les plis- sures longitudinales de la muqueuse sont encore fortement conni- ventes et permettent, par leur rapprochement, une obturation assez complète du canal rectal (fig. 44). Plus en arrière encore, elles deviennent moins élevées, n'atteignent qu'au tiers ou au quart du 70 E.-G. BALBIAKI. diamètre de ce canal, leur nombre restant le môme et leurs diffé- rence de hauteur tendant à s'égaliser (ftg. 45). Enfin, vers la termi- naison du rectum, elles ne présentent plus qu'un relief assez faible, et, comme l'intestin s'élargit en même temps dans cette région, la saillie qu'elles forment à la surface de la muqueuse en paraît encore plus diminuée. Les faits qui précédent se rapportent, ainsi que nous l'avons dit, au Cryptops punctatus. Chez Yhorlensis, les replis de la muqueuse présentent quelques particularités qu'il nous suffira d'indiquer en peu de mots, nos figures parlant assez d'elles-mêmes pour nous dis- penser de longues explications. La figure 33 est une coupe transver- sale passant exactement par le point de contact des deux épithéliums de l'intestin moyen et de l'intestin postérieur. On voit, à la droite de la coupe, une mince lamelle du premier épithélium qui a été em- portée par l'instrument tranchant, et, au-dessous, vus par transpa- rence, les replis de l'épithélium du rectum se continuant avec l'épi- thélium du tube de Malpighi correspondant, coupé à son embouchure dans le rectum (fig. 33, (M). On peut constater que ces replis dif- fèrent par leur nombre (de 14 à 16) et leur contour, élégamment festonné chez la plupart, des replis moins nombreux et plus simples du rectum du C. punctatus (fig. 40, 41). Après quelques coupes peu différentes de la précédente (fig. 34), les replis deviennent graduel- lement plus hauts et s'avancent davantage vers le centre de la coupe, ce qui est dû aussi en partie à ce que le calibre de l'intestin s'est ré- tréci (0mm,14). Enfin, quelques coupes plus en arrière nous amènent dans la région moyenne, la plus étroite (0mm,ll); les replis, sans avoir augmenté de longueur, ferment presque complètement la lu- mière du canal (fig. 36) ; quelques-uns des replis les plus courts des coupes précédentes ont disparu, et les duplicatures de la muqueuse ne sont plus qu'au nombre de dix à douze, comme dans la région correspondante de l'intestin postérieur du C. punctatus. En appro- chant de sa terminaison, l'intestin s'élargit un peu (0mm,17); les replis, devenus plus irréguliers, inégaux, s'écartent les uns des autres ÉTUDES SUR LE TUBE DIGESTIF DES CRYPTOPS. 71 (fig. 37, 38) et atteignent enfin l'anus, au pourtour duquel ils s'ar- rêtent, après avoir un peu diminué de hauteur (fig. 3(J). Une question intéressante pour la physiologie de l'intestin posté- rieur est celle de savoir si les replis intérieurs de la muqueuse sont des structures fixes ou variables dans leur forme, c'est-à-dire si cette forme est indépendante ou non des étals fonctionnels de l'intes- tin. Les auteurs qui se sont occupés de l'étude du tube digestif des Arthropodes paraissent tous considérer les replis de la muqueuse rectale comme ne changeant pas de forme, suivant l'état de con- traction ou de relâchement de l'intestin. Cependant, en examinant les figures qu'ils donnent, principalement celles des coupes de l'in- testin postérieur, on voit qu'ils représentent les deux branches des replis, tantôt étroitement adossées entre elles dans toute leur hau- teur, tantôt plus ou moins écartées dans une étendue variable, parfois jusqu'au sommet du repli. J'ai constaté fréquemment moi- même ces variations d'aspect des replis. Je conclus de là que ceux-ci n'ont pas une forme invariable, mais qu'ils se modifient sui- vant que l'intestin est plus ou moins contracté ou distendu. Dans le premier cas, les deux branches du repli s'appliquent l'une contre l'autre, et celui-ci prend toute la hauteur dont il est susceptible ; dans le second cas, les branches s'écartent de manière à former entre elles un angle plus ou moins ouvert, et le repli s'abaisse, peut-être même s'efface plus ou moins complètement. C'est sans doute grâce à ces oscillations de ses replis que le tube muqueux de l'intestin s'adapte toujours parfaitement sur le tube musculaire qui l'entoure de toute part, et l'accompagne dans ses mouvements alternatifs d'expansion et de resserrement. Un autre résultat de ces changements de forme des replis est de modifier le calibre de l'intestin postérieur, de manière à le rendre plus ou moins perméable aux masses ali- mentaires ou même à arrêter celles-ci complètement dans leur pro- gression vers l'extérieur. A ce point de vue, les replis muqueux du rectum, surtout dans la portion que nous avons désignée sous. le nom de valvule rectale, jouent un rôle analogue à celui de l'appareil 72 E.-G. BALB1ÀN1. valvulaire de l'intestin antérieur du Gryptops, savoir celui d'un ap- pareil régulateur de la marche des aliments dans la portion posté- rieure du tube digestif, les retenant ou les laissant passer librement, suivant que leur élaboration se continue ou est entièrement achevée. On ne saurait, d'ailleurs, voir dans les replis du rectum une dispo- sition destinée à augmenter la surface absorbante de celui-ci. Par son extrême brièveté, il ne paraît guère apte à jouer d'autre rôle que celui d'un canal pour le passage des matières excrémentiticlles ; c'est aussi Tunique fonction que M. Plateau lui assigne chez les Cryptops. Pour terminer cette étude histologique du tube digestif des Cryp- tops, je signalerai une altération particulière que m'ont présentée les tissus de cet organe pendant l'hiver. Cette altération portait sur- tout sur les éléments de l'intestin moyen. Les cellules épithéliales s'étaient presque partout détachées de la paroi et transformées en une masse amorphe de granulations et de globules réfringents, qui remplissait la cavité de l'intestin. Les muscles eux-mêmes avaient pris l'aspect qu'ils présentent dans la dégénérescence cireuse ; ils avaient perdu leur cohésion et s'étaient divisés, suivant leur striation longitudinale ou transversale, en fibrilles ou en disques, tantôt isolés, tantôt groupés en plus ou moins grand nombre. Par suite de cette désagrégation générale des tissus de l'intestin moyen, les coupes microscopiques que l'on essayait de faire de cet organe étaient presque toutes réduites en fragments, que la moindre pression ache- vait de détruire. Dans l'intestin postérieur, la désorganisation des tissus était moins prononcée ; les muscles étaient presque partout restés en place, bien que leur substance eût subi plus ou moins complètement la trans- formation cireuse. L'épithélium était également conservé, grâce à la cuticule qui empêchait ses cellules de se dissocier; mais ces cellules ne montraient que leurs contours et paraissaient comme vidées de eur protoplasma. Dans un grand nombre, le noyau avait pris un aspect homogène et brillant, et avait cessé d'absorber les matières ÉTUDES SUR LE TUBE DIGESTIF DES CRYPTOPS. 73 colorantes. Je dois dire, d'ailleurs, que les animaux qui montraient cette altération de leur tube digestif présentaient extérieurement un aspect parfaitement normal et avaient conservé toute la vivacité de leurs mouvements. Le tube digestif renfermait encore quelques débris alimentaires, mêlés au détritus de ses tissus désorganisés. Ce processus de régression du tube digestif des Cryptops pendant la saison froide est à rapprocher des observations de Semper (51) sur la chute de l'épithélium des Gastéropodes pulmonés pendant l'hiber- nation, et de celles de Sommer (56) sur la mue de l'épithélium de l'intestin chez le Macrotoma plumbea. On peut lui comparer aussi les phénomènes décrits par Kowalevsky (25) touchant la destruction de l'appareil digestif chez les larves des Muscidés au moment de leur transformation en pupe. Des processus très analogues rattachent par conséquent les phénomènes de la métamorphose à ceux de la simple mue chez divers types d'Invertébrés. INDEX BIBLIOGRAPHIQUE. 1 . Basch (S.), Untersuckungen ûber dus chylopoetische und uropoetische System der Blatta orientalis (Sitzungsberichte der mathem.-natunviss. Classe der Kais. Acad. d. Wissenschaften zu Wien, XXXIII, 1858, p. 234). 2. Beauregard (H.), Recherches sur les Insectes vésicants. 11. 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Vitzou (A.), Recherches sur la structure et la formation des téguments chez les Crustacés décapodes (Archives de zoologie expérimentale et générale, X, 1882, p. 451). 61. Vogt (C.) et Yung (E ). Traité d' anatomie comparée pratique, II, 1889. 62. Wagner (N.), Beitrsege zur Lehre von der Fortpflanzung der Jnsektenlarven (Zeitschr. f. Wiss. Zool, XIII, 1863, p. 513). 63. Watney (H.), The minute Anatomy of the Alimentary Canal. (Philos. Trans., 1877, Part. II. — Quart. Journal of Microsc. Science. New Séries, XVII, 1877, p. 213). ÉTUDES SUR LE TUBE DIGESTIF DES CRYPTOPS. 77 G4. Weismaïsn (A.), Die Métamorphose von Corethra plumicornis [Zeitschr. f. Wiss. ZooL, XVI, 1866, p. 45). 63. Wertheimer. (L.), Sur la structure du tube digestif de /'Oryctes nasicornis (Comptes rendus de la Société de biologie, séance du 30 juillet \ 887). 66, Yung (E.). — Voir Vogt. 78 E.-G. BALB1ANÎ. EXPLICATION DES PLANCHES I-VI. Fig. 1. Tube digestif du Cryptops punctatus. Pr/f intestin antérieur ou préintestin; Pr I', sa limite postérieure; j, jabot; g, gésier; Ml, intestin moyen ou médiintestin ; Po l, intestin postérieur ou postintestin; gis, première paire de glandes salivaires ; gis', deuxième paire de glandes salivaires ; tM, tubes de Malpighi. Gross. 25. 2. Gésier du Cryptops punctatus, comprimé et traité par la potasse caustique, qui n'a laissé subsister que la cuticule interne avec ses divers appendices ; ap a, appendices antérieurs ; ap m, appendices moyens; ap p, appen- dices postérieurs; eut, bord postérieur du revêtement cbitineux du pré- intestin. 3. Les trois sortes d'appendices du gésier, plus fortement grossis; même signification des lettres que dans la figure précédente. 4. Variété de forme des appendices antérieurs. 5. Gésier du Cryptops hortensis, traité par la potasse caustique, qui n'a res- pecté que la cuticule avec les appendices cbitineux intérieurs ; eut, cuti- cule ; eut', sa limite postérieure dans le préintestin. 6. Appendices fortement grossis du gésier du même. 7. Gésier d'un jeune Cryptops punctatus venant de muer. État frais, com- pression légère. Le foyer du microscope est placé sur les surfaces d'in- sertion des appendices moyens, ap m, à la paroi interne du gésier ; ap a, appendices antérieurs après la mue du revêtement cbitineux de l'œsophage. 8. Appendices antérieurs fortement grossis du précédent; la surface de la jeune culicule montre encore la mosaïque formée par les empreintes des cellules matricielles intérieures. 9. Appendices moyens très grossis du même. 10. Appendices moyens du gésier d'un grand exemplaire de Cryptops punctatus pendant la mue ; A, appendice venant de se dépouiller de son ancienne cuticule ; B, appendice encore coiffé par la vieille cuticule, soulevée à sa surface. 11. Coupe transversale à travers la partie moyenne ou jabot du préintestin; me, muscles circulaires; ml, muscles longitudinaux; tp, tunique propre; ep, épitbélium. Gross. 100. 12. Coupe transversale à travers la région moyenne du gésier ; ap m, appen- dices moyens; me, ml, comme dans la précédente figure. Gross. 100. 13. Coupe transversale a travers la partie postérieure du préintestin dite val- vule cardiaque ; me, muscles circulaires ; mie, muscles longitudinaux externes ; mli, muscles longitudinaux internes ; tp, tunique propre ; v c, replis de la muqueuse delà valvule cardiaque (comp. les figures 18 et 22, pi. II). Gross. 100. 14. Coupe longitudinale passant par l'axe médian de la partie postérieure de l'œsophage, oes, du gésier, g, de la valvule cardiaque, vc, et de la partie antérieure du médiintestin, MI ; s, sphincter musculaire de la valvule ÉTUDES SUR LE TUBE DIGESTIF DES CRYPTOPS. 79 cardiaque; r, orifice postérieur de l'œsophage s'ouvrant dans l'intestin moyen ; Pr I, Pr /', portion du préintestin intéressée par la coupe. Gross. 60. Fig. 15. Coupe longitudinale des mêmes parties passant en dehors de l'axe médian et rasant la paroi interne du tube digestif. Même signification des lettres que dans la figure 14. Gross. 60. 16. Montrant la jonction brusque des épithéliums du préintestin (ep) et du médiintestin (ep'). 17. Destinée à montrer comment les masses alimentaires, en traversant le gésier, refoulent en arrière les appendices de l'armature interne de celui-ci; j, jabot ; g, gésier; Ml, intestin moyen. 18. Montrant le changement qui s'opère dans le système musculaire du tube digestif du Cryptops punctatus au niveau de la jonction du préintestin, Pr I, avec le médiintestin, Ml. A ce niveau, les libres longitudinales du préintestin, qui, jusque-là, occupaient le plan profond, passent entre les fibres circulaires et deviennent superficielles, pour s'étendre en- suite au-dessus de la couche des fibres circulaires du médiintestin ; me, muscles circulaires du préintestin; ml, muscles longitudinaux deve- nus superficiels. 19. Région de la jonction du médiintestin avec le postintestin. Au moment de passer de l'intestin moyen sur l'intestin postérieur, les fibres longitudi- nales du premier forment un plexus anastomotique, pi, d'où elles émer- gent, plus fines et plus nombreuses, pour se continuer sur l'intestin pos- térieur. A la surface de celui-ci, elles recouvrent la couche des fibres cir- culaires internes, continuation de celle du préintestin et du médiintestin, et est recouverte h son tour par la couche puissante des muscles circu- laires externes, mee, spéciale au postintestin; tM, tubes de Malpighi. Préparation fraîche. 20 et 21. Montrent la même disposition des fibres musculaires longitudinales à leur passage du préintestin au médiintestin (fig. 20), et de celui-ci au postintestin (fig. 21), chez le Cryptops hortensis ; g, gésier. Les autres lettres ont la même signification que dans les figures 18 et 19. Prépara- tion fraîche. 22. Coupe transversale par la région moyenne du médiintestin du Cryptops punctatus ; ml, muscles longitudinaux (formant ici la couche musculaire externe); me, muscles circulaires; ep, épithélium ; cm, cellules mu- queuses oucaliciformes ; mp, membrane péritrophique entourant le con- tenu de l'intestin. Elle présente par places des éléments cellulaires, sans doute détachés de l'épithélium. Gross. 100. 23. Portion plus grossie d'une autre coupe de l'intestin moyen du même exem- plaire ; ep, cellules épithéliales; cm, cellules muqueuses ; n, leur noyau ; tp, tunique propre; nd, noyaux de cellule épilhéliale en voie de dégé- nération. Les antres lettres comme dans la figure 22. Gross. 300. 24. Portion d'une autre coupe particulièrement riche en cellules muqueuses à différents états de développement. Voir, pour la signification des lettres, les explications des figures 22 et 23. Gross. 300. 80 K.-G. BALBIANI. Fia, 25. Fragment d'une coupe longitudinale de l'intestin moyen d'un exemplaire du Ciyp'ops punctalus pris en octobre. La disposition faseiculée des cel- lules épithéliales y est particulièrement visible; ep', groupe de cellules épithéliales jeunes. On remarquera aussi l'aspect des cellules mu- queuses, cm, placées toutes au fond de l'épithélium (comp. les figures plus grossies de ces cellules, fig. 31) ; vt v, v, vacuoles produites par l'action des réactifs dans le protoplasma de la partie interne des cellules épithéliales adultes, ep. Gross. 300. 25 bis. Noyaux des cellules épithéliales adultes. 26. Portion de l'épithélium de l'intestin moyen d'un Cryptops hortensis. On voit, au fond de la couche, en ep, deux groupes de cellules épithéliales en voie de régénération reposant sur la tunique propre. Préparation fraîche par dilacération dans l'eau salée acidulée. 27. Lambeau de la paroi de l'intestin moyen de la même préparation. Toutes les couches de l'intestin y sont représentées, sauf l'épithélium, dont toutes les grandes cellules ont été arrachées ; on n'aperçoit que leurs pédicules p, p restés adhérents à la tunique propre, tp. Quelques groupes de jeunes cellules épithéliales, ep, ep, et quelques jeunes cellules mu- queuses, cm, restés en place, se voient çà et là à la face interne du lam- beau ; ml, muscles longitudinaux, et me, muscles circulaires s'entrecroi- sant à angle droit et formant un réseau régulier à la face externe de la tunique propre. 28. Groupes de jeunes cellules épithéliales en voie de régénération, pressés les uns contre les autres à la face interne d'un lambeau de muqueuse dont les grandes cellules sont tombées. Même préparation. 29. Petit lambeau de muqueuse portant à sa face interne un groupe déjeunes cellules épithéliales à différents degrés de développement. Même prépa- ration. 30. Succession de figures pour montrer les différents stades de la régénération des cellules épithéliales de l'intestin moyen, a-a, soulèvements de la couche germinative du fond de l'épithélium par un accroissement de volume des noyaux contenus dans cette couche; b, c, multiplication du noyau par division ; d, e, segmentation du protoplasma autour des noyaux filles et formation d'un groupe ou famille de petites cellules fusionnées par leur base; f, allongement du groupe cellulaire vers la sur- face interne de l'épithélium ; g, le groupe s'est transformé en un faisceau de jeunes cellules, qui se séparent de plus en plus les unes des autres, tout en continuant à se multiplier. On voit à la ba3e du faisceau un noyau présentant une figure de division indirecte; h, le faisceau s'est allongé et atteint presque la surface libre de la muqueuse ; les cellules sont encore en partie fusionnées par leurs prolongements internes, tandis qu'elles tendent de plus en plus a se séparer par leurs corps; tout le faisceau tend en même temps à prendre une direction plus rectiligne. "Voyez pour les stades plus avancés de la régénération les cellules ep' et ep de la figure 25. 31. a-g, différents aspects et états de développement des cellules muqueuses ÉTUDES SUR LE TUBE DIGESTIF DES CRYPTOPS. 81 du même intestin que celui d'où provient la coupe figure 25. Les cellules sont vues à un grossissement plus fort (G00 diam.) que dans cette der- nière figure; on voit dans plusieurs, e,f,g, la masse filamenteuse (Filar- masse de List) et la substance muqueuse ramassée au sommet de la cellule. Fig. 32. a,b,c, figures nucléaires observées dans l'épithélium de l'intestin moyen et prouvant que les cellules épithéliales se multiplient par division indi- recte ; nd, noyaux en voie de dégénération. 33. Coupe transversale un peu oblique du tube digestif d'un Cryptops hor- tensis, faite au niveau de la jonction du médiintestin avec le post- intestin, et passant par le point où l'un des tubes de Malpighi, l M, dé- bouche dans ce dernier. On voit les replis de la muqueuse du postintestin en partie recouverts par une mince couche d'épithélium de l'intestin moyen ; me, muscles circulaires; ml, muscles longitudinaux. Gross. 250. 34. Coupe transversale un peu oblique du postintestin du même individu pas- sant un peu en arrière de la coupe précédente. Elle montre la communi- cation de la lumière du tube de Malpighi, intéressé par la coupe, t M, avec la lumière du postintestin, ainsi que la continuité de la couche épi- théliale de ce dernier avec l'épithélium du tube de Malpighi. Gross. 250. 35 à 37. Coupes transversales du postintestin du même individu se succédant d'avant en arrière et passant à trois niveaux différents de la région où les replis de la muqueuse ont la plus grande élévation (valvule rectale). Dans la coupe 36, les replis très rapprochés, sans doute par suite de la contraction des muscles circulaires, oblitèrent presque complètement la lumière du rectum. Même grossissement. 38 et 39. Coupes transversales à travers la région postérieure du postintestin du même. Les replis de la muqueuse diminuent graduellement de hau- teur. Au centre de la coupe 39, on aperçoit la section d'une colonne de matière fécale au milieu de laquelle se trouvent quelques conidies de Rhabdomyces Lobjoyi, R, champignon qui vit en parasite dans l'intestin antérieur du Cryptops horlensis. Même grossissement. 40. Coupe transversale du postintestin d'un Cryptops punctalus faite immédia- tement en arrière de l'insertion des tubes de Malpighi (comp. figure 46, niveau de la lettre x) ; mee, muscles circulaires externes ; ml, muscles longitudinaux ; met, muscles circulaires internes ; t, t, section de quelques petites trachées rampant entre la muqueuse et les tuniques musculeuses Gross. 100. 41. Coupe transversale du même, passant par la région où les replis de la mu queuse commencent à s'accentuer davantage (comp. figure 46, niveau de x'); mee, ml, mei, t, comme dans la figure précédente. Gross, 100. 42 et 43. Deux coupes transversales par la région de la valvule rectale. L'in- testin était à l'état de contraction dans cette région, ce qui explique l'épaisseur que les tuniques musculeuses présentent sur la coupe, ainsi que l'oblitération de la lumière du rectum par les replis valvulaires, rap- prochés presque jusqu'au contact. Dans la musculeuse longitudinale, m?, on observe la coupe de gros troncs trachéens, t, t, et celle de fins ïamus- ARCU. DE ZOOL. EXP. ET GÊN. — 2e SÉRIE. — "T. VIII. 1890. 6 82 E.-G. BALBIANI. cules V, l', dans la muqueuse et ses replis ; wice, met, comme dans les figures précédentes. Même grossissement. Fig. 44. Coupe transversale du même intestin, plus rapprochée de la partie posté- rieure. État de dilatation. Les replis de la muqueuse sont encore très prononcés, mais les musculeuses commencent à perdre beaucoup de leur puissance. Même grossissement. 45. Coupe transversale par la partie postérieure du rectum. A partir de ce point, les replis de la muqueuse vont en diminuant de hauteur jusqu'à l'anus. État de dilatation. Même grossissement. 46 . Coupe longitudinale dorso-ventrale de la partie postérieure du médiintestin et de la partie antérieure du postintestin. Dans le médiintestin, MI : ml, muscles longitudinaux; me, muscles circulaires ; ep, épithélium. Dans le postintestin, Pol, Po /': mee, muscles circulaires externes; met, muscles circulaires internes; ml, muscles longitudinaux; s, sphincter de la valvule rectale ; ep, épithélium ; rv, rv, replis valvulaires de la mu- queuse; t,t, gros troncs trachéens; x, niveau delà coupe figure 40 ; x', ni- veau de la coupe figure 41. Gross. 60. 47. Coupe longitudinale des mêmes parties, passant par les insertions des tubes de Malpighi. Sur la partie droite de la figure, la coupe passe par l'axe médian de l'insertion du tube de Malpighi de ce côté; sur la partie gauche, elle passe en dehors de l'axe médian du tube correspondant. Même signification des lettres que dans la figure 46. Gross. 60. REMARQUES SUR L'ORIGINE DES CENTRES NERVEUX CHEZ LES COELOMATES PAU LOUIS ROULE Maître de conférences à la Faculté des sciences de Toulouse, Professeur suppléant à l'École de médecine. I Je m'occupe, depuis plusieurs années, du développement des Vers annelés, et j'ai souvent eu l'occasion d'étudier les procédés par les- quels les centres nerveux prennent naissance. Ces procédés m'ont paru, du moins chez les animaux que je viens de nommer, ne pré- senter jamais entre eux de bien grandes différences, et m'ont tou- jours semblé découler d'un même mode fondamental. Les centres nerveux sont impairs et médians dès leur origine, dès leur première apparition ; et c'est ensuite, mais seulement après qu'ils sont ébau- chés en tant que centres nerveux, que des indices manifestes de bilatéralité se manifestent en eux-mêmes. Une telle évolution ne concorde guère avec celle qui devrait exister d'après la théorie de Balfour ', car ce naturaliste tend à accorder aux centres nerveux de la plupart des Métazoaires une origine double. Dans l'esprit de Balfour, le corps des premiers Métazoaires apparus 1 Balfouu, Traité d'embryogénie comparée. 8l LOUIS ROULE. à l.i surface du globe était disposé suivant une symétrie radiaire, comme l'est encore le corps des Cœlentérés actuels ; étant donnée cette forme plus ou moins sphérique de l'individu, les centres ner- veux devaient eux-mêmes présenter un aspect annulaire. Puis, à mesure que ce corps sphérique s'allongeait et se modifiait suivant une symétrie bilatérale, les centres s'allongeaient aussi. Leur ensemble devenait ovalaire ; le grand axe de l'ovale augmentait en dimensions pendant que le petit axe diminuait ; et, finalement, ces centres devenaient constitués par deux bandes parallèles réunies en avant et en arrière. A mesure qu'ils subissaient de pareilles transformations, des changements s'opéraient dans leur structuie; des ganglions apparaissaient, des commissures s'établissaient ; bref, le système nerveux central de la plupart des Cœlomates s'ébauchait tel que nous le connaissons, et présentait une symétrie bilatérale évidente, de radiale qu'elle était d'abord. Telle est, résumée à grands traits, l'opinion de Balfour. Cet auteur, du reste, afin de préciser davantage et de ne point en rester aux généralités, considérait le Pilidium de certaines Némertes comme une persistance du type larvaire primitif des Cœlomates, et le rap- prochait des Méduses. On le voit d'après cette assertion, Balfour ne devait pas être éloigné d'adopter l'idée, acceptée depuis par un cer- tain nombre de naturalistes, que les Cœlomates dérivent de Cœlen- térés déjà très évolués. J'ai déjà exposé ailleurs J, en me basant sur le développement du mésoderme et de la cavité générale, com- bien cette appréciation de parenté me semble peu en rapport avec les laits ; mais je tiens à revenir quelque peu sur cette discussion, car plusieurs zoologistes, et notamment MM. Sedgwick 2 et Klei- nenberg \ acceptent cette opinion en se basant de préférence sur la disposition des centres nerveux. Sedgwick serait môme plus explicite que Balfour. 11 admet que 1 Louis Houle, Annales des sciences naturelles, Zoologie, 1889. - Sedgwick, Quart. Journ. of Mie. Se, 1883. 3 Kluhbnberg, Zeittehrifî f. Wiss. Zool.t 188C. DES CENTRES NERVEUX CHEZ LES CŒLOMATES. 85 les centres nerveux des Cœlomates proviennent de l'anneau nerveux qui, chez la plupart des Cœlentérés à organisation complexe, entoure le corps à une certaine distance de la bouche. Pour cela, cette région buccale s'agrandit peu à peu, mais dans un seul sens, de façon à devenir ovalaire. La bouche, d'abord arrondie, prend l'aspect d'une fente ; le cordon nerveux qui l'entoure devient ovalaire à son tour. Puis, les deux bords de la fente buccale se soudent l'un à l'autre, sauf à leurs deux extrémités, qui restent séparées et limitent ainsi deux ouvertures ; l'une de ces ouvertures sera la bouche de l'orga- nisme qui a ainsi pris naissance, et l'autre sera l'anus de ce même organisme. Les deux parties du cordon nerveux primitif, qui se trou- vent juxtaposées dans la région de soudure, ne sont donc plus sépa- rées par une cavité, et se rejoignent pour se fusionner. Les centres nerveux des Cœlomates seraient donc produits par la jonction plus ou moins complète de moitiés d'abord séparées. Cette hypothèse prête le flanc à deux critiques, dont l'une porte sur l'évolution de la bouche, et la seconde sur l'évolution des centres nerveux. Si l'opinion de Sedgwick est exacte, si vraiment la bouche et l'anus de la plupart des Cœlomates bilatéraux dérivent d'une seule ouverture homologue de la bouche des Cœlentérés, on devrait retrouver les traces d'une telle origine dans le développement des Cœlomates. Or, sauf chez les Péripates, on n'a jamais signalé, du moins à ma connaissance, aucun fait permettant d'admettre une vue pareille. Quant à la deuxième critique, elle constitue le sujet même de ce travail. M. Kleinenberg, dans sa remarquable étude sur le développe- ment des Annélides appartenant au genre Lopadorhynchus, montre que les centres nerveux des larves sont d'abord disposés suivant une symétrie radiale ; puis une partie de ces centres disparaît à mesure que la larve se transforme en individu adulte, et la portion persis- tante continue à proliférer, en s'accroissant surtout suivant un seul sens de manière à présenter une symétrie bilatérale. Les faits ainsi exposés sont exacts, et mes propres recherches sur les embryons LOUIS Knri.K. d'autres tanélides me permettent de les confirmer; mais les con- clusions qu'en lire Kleinenberg me semblent dépagier de beaucoup les observations acquises. Pour ce zoologiste, le système nerveux des Annélides dériverail d'un système radiaire primitif, elles larves de ces mêmes Vnnélides devraient être rapprochées, à cause môme de cette disposition radiaire de leurs centres nerveux, de Cœlentérés tels que Les Méduses. D'où la conclusion suivante : les Annélides sont des organismes médusoïdes transformés par une symétrie bila- térale il une complexité plus grande du corps, puisque, dans leur développement, elles passent par des phases larvaires dont la struc- ture rappelle celle des Méduses. Il y aurait beaucoup à dire sur cette opinion, et je me borne à renvoyer à mon mémoire déjà indiqué. Il me suffira d'ajouter que les larves des Annélides, possédant un ccelome et un vrai méso- blaste, s'éloignent par là de tous les Cœlentérés. La ressemblance de disposition des centres nerveux n'est pas suffisante pour auto- riser à rapprocher l'un de l'autre deux types aussi disparates, car les centres se modèlent toujours sur la forme de l'organisme et ne dirigent pas les modifications subies par cette forme. Du reste, leur apparition a suivi, selon toute probabilité, dans la série des phénomènes évolutifs, celle du cœlome, et ne l'a pas précédée ; aussi est-il nécessaire, pour établir les relations naturelles qui exis- tent entre les groupes d'animaux, d'accorder à la première la supé- riorité sur la seconde. îl Celte disrussion était nécessaire pour bien comprendre l'impor- tanee de la question traitée dans ce mémoire. S'il était permis de eonsidérer les neuraxes des Métazoaires bilatéraux comme dérivant d'un anneau nerveux semblable à celui des Cœlentérés actuels, on pourrait eonclure peut-être, sauf les réserves élevées plus haut, que les Cœlomales proviennent de Cœlentérés déjà bien évolués. Mais les DES CENTRES NERVEUX CHEZ LES COELOMATES. 87 recherches auxquelles je me suis livré sur les Annélides ne me per- mettent pas d'accepter une pareille opinion. Les espèces sur lesquelles ont porté mes études sont un Oligo- chœte {fînchytrœïdcs Marioni, nov. sp.), et un Polychœte (Dasychone lucullana, D. Ch.). Les résultats sont les mêmes dans les deux cas. Lorsque les premiers feuillets blastodermiques, l'ectoblaste et le mésendoblaste, apparaissent distincts l'un de l'autre et avec leurs caractères propres, on observe, sur la ligne médiane dorsale et dans la région qui correspondra à l'extrémité céphalique de l'individu, une prolifération assez active des éléments de l'ectoblaste. Ensuite, au moment où le mésendoblaste lui-même commence à se diviser en mésoblaste et endoblaste, et où la cavité digestive se creuse dans l'amas des blastomères de l'embryon, une deuxième prolifération d'éléments ectoblastiques se manifeste encore sur la ligne médiane, mais dans la région ventrale du corps. Ces deux zones de crois- sance sont les ébauches du système nerveux ; l'ébauche antérieure et dorsale, ou plaque céphalique, produira les ganglions cérébraux; l'ébauche ventrale, ou plaque médullaire, donnera la moelle, en forme de cordon ou de chaîne, placée sur la face inférieure du corps. Cette seconde zone neurique s'accroît plus rapidement que la première. L'ectoblaste est d'abord constitué par une seule rangée de cellules à peu près cubiques. Ces éléments s'allongent dans les lieux de pro- lifération mentionnés ci-dessus, deviennent cylindriques, et leurs noyaux se multiplient. En même temps, les limites des cellules ten- dent à se confondre ; les parois latérales, d'abord bien nettes, dis- paraissent peu à peu, et les masses protoplasmiques de tous ces éléments se confondent en un syncytium, dans lequel sont plongés les noyaux. Une telle multiplication ne va pas sans un accroissement de taille; peu après leur apparition, les ébauches nerveuses sont plus épaisses que l'ectoblaste non modifié, et cette différence permet de les recon- 88 LOUIS ROULE. naître avec facilité. Mais cette amplification n'est pas égale partout ; elle esl plusgrande sur la ligne médiane que sur les côtés. Aussi, les coupes transversales montrent-elles chacune de ces ébauches comme un petit mamelon bombé en son milieu, et se rapetissant sur les côtés pour se confondre avec l'ectoblaste voisin. Il est donc indis- cutable (jne chaque ébauche est unique, et ne provient nullement de la fusion sur la ligne médiane de moitiés d'abord distinctes et séparées. L'accroissement continue ensuite, et toujours avec les mêmes caractères ; les éléments restent confondus en un syncytium conte- nant de nombreux noyaux, et la quantité de ces derniers augmente constamment. Les régions nerveuses deviennent de plus en plus grandes, tout en restant plus épaisses sur la ligne médiane que sur les côtés ; aussi proéminent-elles beaucoup dans l'intérieur du corps de l'embryon, en refoulant le mésoblaste devant elles. Si les deux ébauches primitives se ressemblent par la structure et le mode de développement, elles diffèrent l'une de l'autre par la forme. L'ébauche antérieure, située en avant du point où la bouche se percera, est ovalaire, son grand axe étant parallèle à l'axe longi- tudinal du corps ; l'ébauche ventrale, par contre, offre l'aspect d'un cordon allongé, étendu de l'extrémité postérieure du corps à la ré- gion buccale. Elle cesse brusquement, presque à pic, en ce dernier point, tandis qu'elle diminue progressivement d'épaisseur en arrière, jusqu'à se confondre peu à peu avec l'ectoblaste environnant. Mais ces différences portent seulement sur la forme, et n'atteignent en rien la structure histologique ni l'évolution ultérieure ; aussi suf- fira-t-il d'exposer ici les processus génétiques du cordon ventral. Lorsque l'épaisseur de ce dernier égale presque le cinquième du diamètre (axe transversal) du corps embryonnaire, des modifications se produisent en son intérieur. Jusqu'à ce moment, le syncitium était constitué par un hyaloplasme finement granuleux, contenant de nombreux noyaux disposés sans ordre ; dès l'instant actuel, on voit, en certains points, les noyaux s'écarter les uns des autres pour DES CENTRES NERVEUX CHEZ LES CŒLOMÂTES. 89 laisser ainsi le hyaloplasme seul ; et de plus, ce dernier, perdant son aspect homogène, paraît se différencier [en fines fibrilles qui s'enchevêtrent dans tous les sens. Ce hyaloplasme se transforme en substance fibrillaire. Il faut donc distinguer deux périodes dans le développement des centres nerveux : une première époque, durant laquelle l'ébauche est simplement constituée par du protoplasme renfermant des noyaux, et une seconde époque, au cours de laquelle apparaissent des traînées de substance fibrillaire. En faisant abstraction de. la fusion des éléments qui constituent les centres nerveux de l'em- bryon, car cette fusion résulte de la grande activité des processus kinétiques (les membranes cellulaires ne prenant pas le temps 'd'ap- paraître), ces deux périodes reviennent aux suivantes : Dès l'abord, les centres nerveux sont formés par des cellules d'origine ectoblastique, qui se bornent à proliférer pour augmenter en nombre; et ensuite certaines de ces cellules, placées dans des régions déterminées, émettent de longs prolongements fibrillaires, tandis que leurs voisines restent intactes ou ne produisent que des prolongements fort courts. Les fibres nerveuses, ainsi développées, sont les points de départ des nerfs qui vont se répandre dans le corps entier; les éléments du second groupe persistent comme cel- lules ganglionnaires appartenant en propre aux centres nerveux. Cette différenciation fibrillaire d'une partie de l'ébauche se pro- duit seulement en deux régions symétriques, placées de part et d'autre de la ligne médiane. Comme ces régions s'étendent dans toute la longueur de l'ébauche, elles forment donc deux bandes parallèles de substance fibrillaire. Les faits sont les mêmes dans la plaque céphalique ; l'aspect seul diffère, car les bandes sont courtes et ramassées, au lieu d'être allongées. Ensuite les zones fibrillaires s'accroissent plus vite que les parties restées strictement cellulaires; leur importance devient prépondé- rante, et les points qu'elles occupent sont plus épais que les autres. Aussi les ébauches neuriques, au lieu de rester bombées en leur M LOUIS ROULE. milieu, présentent-elles peu à pou, sur les coupes transversales, un aspecl en croissant, Les bords étant surélevés et le milieu déprimé. Cette région médiane, considérable au début, continue toujours a perdre de sa valeur première, et cela surtout dans le cordon ven- tral. Chez les Bnchytrceïdes adultes, elle reste encore très déve- loppée : mais, chez d'autres Annélides, et surtout chez les Polychœtes libres, elle est plus petite, tout en étant encore assez développée pour joindre l'une à l'autre les deux bandes fibrillaires et produire ainsi un unique cordon ventral ; enfin, chez la plupart des Poly- ohœtes errants, elle devient très mince, et les deux bandes semblent séparées l'une de l'autre. Aussi, dans ce dernier cas, paraissent- elles former deux nerfs latéraux situés de part et d'autre de la ligne médiane, et réunis, de place en place, par des commissures trans- verses qui correspondent à des restes de la région médiane primi- tive ; mais, à part cette union, elles sont distinctes, bien que toutes deux aiont pris naissance en même temps dans l'intérieur d'une ébauche primordiale simple. C'est donc la prépondérance acquise par les zones de substance librillaire qui donne aux centres nerveux de la plupart des Annélides cet aspect bien connu de deux masses symétriques plus ou moins soudées sur la ligne médiane. Bien que l'ébauche première soit simple, les organes dérivés sont doubles et symétriques; et cette symétrie est encore rendue plus nette par la présence de ganglions situés à égale distance les uns des autres. Chacune des zones paraît devenir un centre distinct, ayant son autonomie, et s 'épaississant dans les segments du corps, aux points d'émergence des ramifica- lions nerveuses. Ces régions renferment, en effet, plus de cellules nerveuses que les autres, et la présence de ces éléments surajoutés détermine un accroissement d'épaisseur. Les phénomènes principaux sont seuls indiqués dans ce résumé rapide, car il existe beaucoup de variations à cet égard. Les faits les plus constants portent sur la grande extension des zones qui contiennent la substance fibrillaire. La région médiane, par contre, DES CENTRES NERVEUX CHEZ LES CGELOMATES. 01 change beaucoup d'aspect, suivant les types d'Annélidea considérés. On a vu plus haut les trois modes principaux sous lesquels elle se présente ; il en existerait encore un quatrième, que l'on trouve chez certaines Hirudinées; cette région médiane persiste alors, tout en perdant la plupart de ses relations d'adhérence avec les cordons latéraux, et renferme même une certaine quantité de substance flbrillaire ; elle forme ainsi un petit axe longitudinal, placé sur la ligne médiane ventrale, et situé entre les cordons latéraux. Les faits sont les mêmes pour les ganglions cérébraux. Tantôt les deux masses latérales restent unies l'une à l'autre, grâce à la persis- tance de la région médiane ; tantôt, cette dernière s'atténue plus ou moins, ou disparaît même, de sorte que les deux masses restent séparées et distinctes. Entre ces deux extrêmes existent tous les intermédiaires; mais, quel que soit le cas, les zones fibrillaires sont plus développées que le reste de l'organe; et ce dernier, dans son ensemble, paraît formé de deux parties latérales et symétriques, plus ou moins confondues sur la ligne médiane. Il résulte de cet exposé que l'on commet une pétition de princi- pes en disant, comme on le fait très souvent : « les deux ganglions cérébraux, au lieu d'être séparés, sont réunis en un seul ganglion médian », ou bien encore « les deux cordons ganglionnaires ven- traux sont soudés sur la ligne médiane en une seule bande conti- nue ». Il semble, en s'exprimant ainsi, que l'on considère comme primitif l'état double, et comme dérivé l'état simple, puisqu'on admet que cet état simple provient du premier par la réunion de deux parties d'abord séparées. Or, le contraire seul est vrai. Cha- cune des ébauches nerveuses débute par être simple ; puis, dans son intérieur, apparaissent deux bandes symétriques de tissu flbrillaire, et comme ces bandes grandissent beaucoup, comme elles finissent par acquérir la plus grande importance, chacune d'elles parait fournir un organe distinct. Mais cette dualité résulte de la simpli- cité primitive, et ne la précède pas. 91 LOUIS ROULE. Il est permis rie pressentirpour quelle raison les bandes fibrillai- acquiôrent ainsi une importance dominante dans les centres nerveux. Il faut se souvenir d'abord que ces bandes sont consti- tuées surtout par des fibres dont les unes parcourent le centre neu- nque sur une certaine longueur, tandis que les autres divergent latéralement et deviennent les origines des nerfs. Ces derniers se rendent aux organes voisins; or, chez les Annélides comme chez tous les Bilatéraux, ces organes sont, pour la plupart, soit doubles et symétriquement placés de part et d'autre de la ligne médiane, soit simples et divisés alors en deux parties symétriques également situées de part et d'autre de la ligne médiane. Il faut donc, pour innerver ces organes, deux séries de rameaux nerveux : l'une émer- geant sur la droite, et l'autre sur la gauche, afin que chaque région du corps reçoive l'influx nerveux par le trajet le plus direct. A cha- que série correspondra forcément, dans l'intérieur du centre, une bande fibrillaire, puisque celle-ci n'est pas autre chose que la réu- nion des fibres qui constituent les nerfs ; et, comme il existe deux séries de rameaux nerveux, il se trouve aussi deux zones de sub- stance fibrillaire. Quant à l'importance prépondérante acquise par ces zones, il est aisé de se la représenter, puisqu'elles contiennent les bases de tous les nerfs du corps ; leur importance fonctionnelle est donc plus grande que celle de la région médiane, qui n'émet point ou presque pas de rameaux, et ne sert sans doute qu'à réunir les deux ban- des fibrillaires, afin de coordonner leurs actions et d'assurer ainsi l'unité physiologique. Ainsi, en résumé, les ébauches des centres nerveux commencent par être simples, et ne deviennent doubles que par la suite. Ce procédé est donc en opposition formelle avec celui qui devrait exis- ter si les opinions de Balfour et de Sedgwick étaient exactes. Dans ce dernier cas, il faudrait que chaque centre dérive d'une ébauche double, dont les deux moitiés resteraient séparées ou se réuniraient sur la ligne médiane, et qui correspondraient aux régions latérales DES CENTRES NERVEUX CHEZ LES CŒLOMATES. 93 de l'anneau nerveux primitif en voie d'allongement. Or, mes recherches vont à rencontre de ses suppositions. On objectera, il est vrai, que le développement des Enchytrœïdes et des Dasychone est condensé; parlant que les processus généti- ques sont altérés. 11 suffira de soumettre à un examen critique les recherches faites sur le développement des larves de Polygordius pour en arriver aux mômes conclusions. III L'évolution des larves de Polygordius a été suivie à diverses reprises par deux naturalistes, Hatschek * en premier lieu, et Frai- pont2 ensuite ; les résultats obtenus par ces deux auteurs concordent au point de vue qui m'occupe. Les embryons mènent une vie libre et nagent à la surface de la mer ; un système nerveux s'organise aux dépens de l'ectoblaste, et se dispose suivant une symétrie radiaire. Un épaississement médian de l'ectoblaste, situé dans la région supérieure du corps, produit une petite plaque nerveuse, ou plaque céphalique, et, vers la région équatoriale, existe un grand nombre de tractus nerveux, également formés par l'ectoblaste et placés au-desous de lui, qui s'anastomosent en un réseau annulaire entourant le corps entier. Ce réseau, qui entre en relation avec la plaque céphalique, cor- respond évidemment à l'anneau nerveux des Cœlentérés visé par Sedgwick dans son mémoire ; il montre le même aspect, présente à peu de chose près les mêmes rapports; mais une telle symétrie radiaire dérive simplement de la disposition du corps, qui est presque sphérique. Les Polygordius adultes présentent, comme toutes les Annélides, deux centres neuriques principaux : les ganglions cérébraux places 1 Hatschek, Arbeiten aus der... Wienn, 1878. 4 Fraipont, Monographie des Polygordius, in Fauna und Flora des Golfes von Neapel. L001S ROULE. dans la tète, et la moelle ventrale divisée en deux bandes parallèles. Si l'opinion de Sedgwick était vraie, on devrait assister, dans le cours du développement de ces êtres, au phénomène déjà mentionné : rallongement de l'anneau jusqu'à sa transformation en un ovale allongé, puis le rapprochement des moitiés de l'ovale pour pro- duire les deux bandes de la moelle ventrale. Or, tel n'est pas le cas. Lorsque ce système nerveux embryonnaire a pris une extension complète, le corps de la larve, auquel il est permis de donner le nom de prosoma, est à peu près globuleux. Ensuite le développe- ment continue, et les organes de l'adulte commencent à apparaître. Pour cela, il se manifeste en un point diamétralement opposé à la plaque céphalique un petit diverticule qui tend à grossir avec ra- pidité. Si l'on joint par une ligne droite la plaque au fond de ce diverticule, on aura l'axe suivant lequel se produit surtout la crois- sance de la nouvelle partie du corps. Cette dernière sera nommée métasoma, par opposition au prosoma, car seule elle deviendra, ou à peu de chose près, le corps de l'animal adulte. Ce diverticule con- tinue à grandir ; le tube digestif de la larve pénètre dans sa cavité de manière à constituer l'intestin de l'adulte ; l'espace compris entre la paroi intestinale et celle du diverticule, espace correspondant au blastocœle, est peu à peu rempli par les cellules mésoblastiques en voie d'apparition ; et, en somme, l'adulte, avec tous ses organes, dérive presque en entier du métasoma, tandis que le prosoma ne produit qu'une minime partie de l'extrémité antérieure. Les centres nerveux larvaires se modifient durant cette évolution. La plaque céphalique, peu importante ici à considérer, grossit, et donne naissance au cerveau. L'anneau équatorial, qui entoure le corps de la larve suivant un plan perpendiculaire à l'axe d'accrois- sement du métasoma, est plus intéressant à suivre. Cet anneau dis- paraît presque en entier sans laisser aucune trace, et ne passe point dans les centres neuraux de l'adulte; une très minime partie, située sur la face ventrale du corps, entre en connexion avec un DES CENTRES NEKVEUX CHEZ LES CŒLOMATES. 95 cordon nerveux qui apparaît dans le métasoma, et se trouve seule conservée. Ce cordon du métasoma est lui-même situé sur la ligne médiane ventrale, et se forme directement aux dépens de l'ecto- blaste sans rien emprunter à l'anneau équatorial ; il ne provient donc point de ce dernier. Il est situé à la même place que celui des Enchytrœïdes et des Dasychone; il affecte les mêmes relations, lui est homologue, et produira la moelle. Cette ressemblance porte non seulement sur l'origine première et les rapports, mais aussi sur la suite de l'évolution. L'épaississe- ment médian et longitudinal, qui constitue la première ébauche de la moelle, commence par être simple, et, à ce stade, il est con- stitué par de nombreuses cellules fusionnées en un syncitium. Puis, dans l'intérieur de cet amas cellulaire, et de part et d'autre delà ligne médiane, apparaissent deux bandes fibrillaires symétri- ques qui croissent avec rapidité et s'épaississent beaucoup. Le cordon primordial est donc divisé en trois bandes parallèles : les deux zones fibrillaires latérales et la zone médiane. Celles-là ac- quièrent bientôt une grande taille relativement à cette dernière, et ainsi se trouve réalisé l'aspect des centres médullaires de l'adulte : deux cordons symétriques et paraissant être distincts, bien qu'en réalité ils fassent partie d'un seul et même organe, au sein duquel ils se sont différenciés. M. Fraipont accorde à la moelle dumétasomaune origine double, car il n'attribue de l'importance qu'à l'apparition de la substance fibrillaire. Tel n'est pas mon avis ; la présence d'une substance fibril- laire indique déjà un haut degré de complexité dans les centres ner- veux; le stade larvaire caractérisé par la présence d'une bande nerveuse, simple et médiane, correspond sans doute à un type an- cestral qui possédait cette bande seule ; et cette dernière, consti- tuée par des éléments neurépithéliaux, fonctionnait probablement comme centre nerveux. Nous voyons encore des exemples du même fait — centres nerveux fonctionnant comme tels, bien que formés par des masses épithéliales dépourvues de substance fibrillaire — 96 LOUIS ROULE. «liez les larves de Tuniciers et de YAmphioxus. Le cordon unique du métasoma est vraiment un centre d'abord simple, qui se divise en deux parties par la suite, au moment de l'apparition de la sub- stance fibrillaire. Si l'on résume maintenant cette évolution, on en arrive aux con- clusions suivantes : les larves possèdent un système nerveux dis- posé suivant une symétrie radiaire, et divisé en deux parties, une plaque cépbalique et un réseau annulaire équatorial. La plaque ecphalique produit le cerveau par le même procédé que cbez les Enchylrœïdes. L'anneau équatorial disparaît presque en entier, et à sa place, afin que les nouvelles régions du corps soient innervées, apparaît dans le métasoma une moelle, simple d'abord, qui se di- vise ensuite en cordons longitudinaux et parallèles, disposés symé- triquement de part et d'autre de la ligne médiane. On en venait donc à conclure, d'après l'étude des développements condensés d'Annélides, que les ébauches des centres nerveux sont uniques d'abord et ne se divisent que dans le cours de l'évolution. L'étude des larves ajoute à cette conclusion une autre notion qui la complète : lorsqu'il existe des centres nerveux embryonnaires disposés suivant une symétrie radiaire, ces centres sont spé- ciaux à la larve et ne s'accroissent jamais, suivant une marche ré- gulière et sans perdre aucune de leurs parties, pour produire les centres nerveux de l'adulte. IV Si, quittant les Annélides, on s'adresse à d'autres animaux faisant partie du même groupe naturel des Trochozoaires, aux Mollusques par exemple, on aboutit aux mêmes résultats. Les centres nerveux des Mollusques n'ont point l'aspect de ceux des Annélides; ils affectent de préférence la forme de ganglions symétriques et distincts, réunis les uns aux autres par des commis- sures. Les études embryogéniques publiées jusqu'à ces derniers temps tendent à montrer que chacun de ces ganglions possède une DES CENTRES NERVEUX CHEZ LES COELOMATES. 07 origine indépendante; il y aurait donc là une grande différence avec les faits signalés plus haut, puisque l'on ne voit point d'ébauche simple primordiale devenant double par la suite; chaque ganglion naîtrait indépendamment de son symétrique. Ces observations ne confirmeraient pas tout à fait les opinions de Balfour, mais elles iraient pourtant à rencontre de mon appréciation personnelle, puisque, à mon avis, les centres nerveux des Trochozoaires dérivent d'ébauches uniques et médianes. Le mieux, pour résoudre une pareille question, est de s'adresser aux formes les moins élevées du groupe des Mollusques, à celles qu'il est permis de considérer comme primitives, et de voir la ma- nière suivant laquelle s'effectue chez elles l'évolution du système nerveux. Le mémoire, publié récemment par M. Kowalevsky 1 sur l'embryogénie des Dentales, permet de montrer qu'il en est chez ces Prémollusques comme chez les Annélides, surtout en ce qui touche la plaque céphalique. Chacun des deux ganglions cérébraux dérive d'une dépression tubulaire formée par l'ectoblaste, et nommée par Kowalevsky tube syncipital. Ces tubes sont de très bonne heure distincts l'un de l'autre, et leurs orifices externes, placés au niveau des téguments, sont séparés par un grand espace. Mais les stades jeunes, examinés au moment où les tubes sont encore des cavités peu profondes, permettent de voir que les cellules ectoblastiques de cet espace res- semblent tout à fait à celles qui constituent la paroi même des ébauches nerveuses, Cette ressemblance est telle, qu'il est permis de conclure que les ganglions cérébraux proviennent d'une plaque unique et médiane, homologue de la plaque céphalique des larves d' Annélides, et qui s'accroît plus vite sur les côtés qu'en son milieu. Cette extension rapide des côtés existe chez les Annélides, mais elle intervient assez tard dans l'évolution; tandis qu'elle est hâtive chez les Dentales, et se produit presque de suite après la genèse 1 Kowalevsky, Embryogénie du Dentale [Annales du Musée d'histoire naturelle de Marseille, 1884). ARCH. HE ZOOL. F.XP. ET GÉN — 2e SÉRIE. — T. VIIIi 1890. 7 • is LOUIS ROULE. de la plaque aux dépens de l'ectoblaste. Le résultat est tout indi- ns latérales, dont l'accroissement est rapide et hâtif, deviennent de bonne heure distinctes l'une de l'autre, et distinctes aussi de la région médiane, qui reste peu développée et finit par disparaître. Ces dissemblances mises à part, les ganglions cérébraux des Dentales proviennent, de même que ceux des Annélides, d'une ébauche simple qui se divise en deux parties à mesure qu'elle évo- lue. Et il est bon de remarquer que d'autres larves de Mollusques, celles des IHéropodcs par exemple, montrent les mômes faits, d'a- près les recherches d'H. Fol '. Ces larves présentent les processus évolutifs primordiaux, et ('(■pendant les deux parties latérales apparaissent de fort bonne heure et grandissent rapidement, alors que la zone médiane s'a- trophie. Il est aisé de comprendre que les embryogénies condensées amèneront une rapidité encore plus grande dans ces phénomènes, et une simplification très prononcée; les masses latérales prendront naissance directement aux dépens de l'ectoblaste, et la région mé- diane ne se développera que fort peu, ou même ne se développera pas du tout. Dans ce cas, les deux parties latérales semblent être séparées et distinctes, bien qu'en réalité elles appartiennent à une seule ébauche primordiale dont elles ne sont que des différencia- tions. Il en est sans doute ainsi pour les autres paires de ganglions ; mais des faits probants et indiscutables manquent encore, telle- ment les résultats obtenus par les divers naturalistes qui se sont occupés de cette question renferment des contradictions. La simplicité primitive des ébauches se retrouve chez d'autres Cœlomates, les Chordés par exemple. En se basant sur l'évolution 1 H. Fol, Archives de zoologie expérimentale, 1875-1876. DES CENTRES NERVEUX CHEZ LES CCELOMATES. 99 des Ghordés les moins complexes, des Tuniciers et des Vertébrés acrâniens par exemple, il est indiscutable que l'axe nerveux dorsal est simple originellement, et ne provient en aucune façon de la soudure sur la ligne médiane de deux cordons d'abord séparés. Balfour essaie bien d'établir le contraire en se basant sur le déve- loppement des racines rachidiennes cbez des types à embryogénie condensée ; mais ces faits doivent céder le pas à ceux qui résultent de l'examen des larves les plus simples ayant un caractère d'ancestralité évident. Les considérations avancées par Balfour, comme les obser- vations de M, Chabry1, montrent seulement que ce cordon simple et médian présente de bonne heure une symétrie bilatérale par l'ac- croissement exagéré des côtés et la production des racines nerveuses aux dépens de ces dernières régions, et n'indiquent pas du tout que le cordon dérive de la jonction de deux axes d'abord distincts. Il serait possible de faire pressentir une semblable origine sim- ple des centres nerveux chez les Plathelminthes et les Némathelmin- thes, mais on n'arriverait au but qu'au moyen de déductions ti- rées de l'étude anatomique des individus adultes, et non grâce à des faits évolutifs dûment constatés ; le mieux est donc de se tenir sur la réserve jusqu'à plus ample informé. Quant aux Arthropodes et aux Échinodermes, les observations faites jusqu'ici sont telle- ment différentes les unes des autres, qu'il est préférable d'attendre aussi de nouvelles recherches. VI CONCLUSIONS. En somme, chez les Trochozoaires (Annélides et Mollusques) et aussi sans doute chez les Ghordés, les centres nerveux de l'adulte, disposés suivant une symétrie bilatérale , dérivent toujours d'é- bauches simples et médianes qui se divisent par la suite en deux portions latérales symétriques , et ne proviennent point de la jonc- tion de deux ébauches primitivement distinctes. 1 Chabry, Journal de l'anatomie, 1887. <00 LOUIS ROULE. Lorsque la larve possède un système nerveux à elle propre, ce système est tantôt disposé suivant une symétrie radiaire (Trocho- soaires), et tantôl étendu suivant un axe longitudinal (Chordés). Dans le premier cas, ce système disparaît en majeure partie, et les portions restantes s'accroissent seules pour devenir les ébauches des centres nerveux de l'adulte, ou se mettre en rapport avec de nouvelles ébauches produites directement par l'ectoblaste. Dans le second cas, le système larvaire est conservé en entier, sauf atrophie ultérieure de certains organes qui en contiennent des fragments (queue des Tuniciers caducichordes). ÉTUDES SUR LES ANIMAUX INFÉRIEURS DE LA RAIE DAM, Eli LE D' CAMILLE VIGUIER Directeur de la Station zooloyique d'Alger, professeur à l'École des Sciences. IV LE TÉTRAPTÈRE [Tetraplatia volitans, Busch.) Le Tétraptère est un petit être blanchâtre, ou blanc bleuâtre, dont la longueur varie dans des limites assez étendues, de 0mm,9 à i et parfois 5 millimètres pour les sujets qui me sont passés sous les yeux; Krohn dit même en avoir observé un de quatre lignes. Un examen des plus superficiels, même avec une simple loupe, permet de le reconnaître pour un Cœlentéré, grâce aux nombreux nématocystes dont il est pourvu. Mais sa forme est tellement étrange, qu'il a vivement attiré l'attention des naturalistes qui ont eu la chance de l'observer. C'est, du reste, un animal fort rare, si l'on en juge par le petit nombre de publications dont il a été l'objet jusqu'à ce jour. Vu, d'abord, près de Malaga, par Busch, qui lui a assigné son nom zoo- logique, et qui a publié sur lui deux mauvaises figures et des notes fort défectueuses, dans ses Beobachtungen ', parues en 1831, il a été i W. Busch, Beobachtungen iiber Anatomie und Entwickl. einiger uirbellos. Thitre, 1851, p. 110, pi. X. flç. 3 et 4. 102 CAMILLE VIGU1ER. observé de nouveau, à Messine, d'abord par Krohn, en 1853, puis par Claus, en 1877. Il n'avait encore été signalé qu'en ces deux points, lorsque j'en recueillis quelques exemplaires à Alger, dans le courant de jan- vier 1885. Busch dit n'avoir observé l'animal qu'une seule fois, et sans doute un seul sujet, qu'il conserva vivant deux jours. Il n'est donc pas étonnant que son travail soit fort imparfait; mais, ce qui est plus étrange, c'est qu'il n'ait même pas reconnu les nématocystes, qu'il appelle des noyaux (Ktirner) ; aussi n'émet-il aucune opinion sur la nature de l'animal. Quant à Krohn, il vit seulement quatre Tétraptères, en deux hivers, et se contenta alors de publier à leur sujet quelques lignes, dans une lettre traitant du développement de quelques Échinoder- mes1. 11 attendit ensuite fort longtemps, espérant toujours en retrou- ver d'autres ; et, de guerre lasse, fit paraître, onze ans après, sans y rien pouvoir ajouter, ses observations premières, qui se rapportent exclusivement à l'animal vivant, mais sont presque toutes fort exac- tes 2. Malheureusement, elles ne sont accompagnées que de trois dessins, ou plutôt de trois schémas fort peu satisfaisants ; car le bon observateur était doublé, chez Krohn, d'un dessinateur des plus médiocres. Claus, qui ne nous dit rien du nombre des sujets observés par lui, paraît avoir été, sous ce rapport, beaucoup mieux favorisé que ses deux prédécesseurs; du moins si l'on en juge par la perfection rela- tive de son travail 3, et surtout si l'on considère que, des observations déjà faites, le savant viennois n'a connu celles de Busch qu'après avoir terminé les siennes, et ignorait encore celles de Krohn au mo- ment où il a publié son mémoire. 1 Krohn, Ueber die Enlwickelung der Seesleme und Holothurien (Archiv f. Anat., 1833, p. 317). 2 Krohn, Ueber Telraplatia volilans (Archiv f. Naturg., 1865, p. 337. pi. XIV). » Clai s, V$ber Tetrapleron (Telraplatia) volitans (Archiv fiir Mikroscopische Ana- tomie, XV, lS7e>, p. 3i'J et suiv., pi, XXII). ANIMAUX INFÉRIEURS DE LA BAIE D'ALGER. 103 En analysant le travail de Glaus, Leuckart x a relevé cet oubli ; mais il ne parle (en 1879) que des quelques lignes publiées par Krohn en 1853; et semble avoir oublié l'analyse qu'il avait donnée lui- même2, en 1866, du mémoire principal de cet auteur. Haeckel, non plus, ne cite pas ce mémoire de Krohn, dans les deux lignes qu'il consacre au Tétraptère à la fin de son System derMedusen*. L'exemple de ces trois savants, qui, tous, se sont certainement livrés à de vastes recherches bibliographiques, et passent sous si- lence le plus important travail paru jusque-là sur le sujet dont ils s'occupent, travail publié par un de leurs compatriotes dans une de leurs revues les plus répandues ; cet exemple, dis-je, montre que les Français, si âprement critiqués parfois sous ce rapport par leurs confrères étrangers , n'ont aucunement le monopole des crimes contre la bibliographie. Ce n'est pas, du reste, une critique que je me permets ici; tout au plus une circonstance atténuante que j'invoque, pour le cas où quelque note relative au Tétraptère aurait échappé à mes re- cherches. Bien qu'il eût, avant l'impression de son mémoire, retrouvé le travail de Busch, Claus ne semble pas vouloir adopter le nom de Tetraplatia volilans, donné par cet auteur, et nomme l'animal Tetrap- teron volitans, mettant seulement Tetraplatia en synonymie. Les règles de la nomenclature zoologique s'opposent à ce que l'on aban- donne le nom imposé par Busch ; mais, comme je le disais dans ma première note4, le nom de Glaus, beaucoup mieux choisi, me parait préférable dans le langage courant ; et, ici comme alors, je ne dési- gnerai jamais l'animal que sous le nom de Tétraptère. 1 Leuckart, Derichte ùber d. wiss. Lei&tungen ind. Naturgmhiçhte d, nied, Thiere, wahrend cl. Jahre 1876-1879 {Archiv. f. Naturg., 1879, p. 626). 2 Leuckart, Bericht iiber d. wiss. Leistungen in d. Naturgeschichte d. nied. Thiere, wahrend d. Jahre 1864-1868 {Archiv f. Naturg., 1866, p. 100). 3 H.-eckgl, Das System der Medusen, p. 655. 4 C. Viguier, Sur le Tétraptère (Tetraplatia volitans, Busch) ; Comptes rendus de l'Académie des sciences, 9 février 1885. U)i CAMILLE VIGUIER. Le mémoire de Claus, inférieur à celui de Krohn pour les observa- tions sur le vivant, est le seul qui pouvait, jusqu'ici, donner quelque idée de l'organisation de cet être remarquable. Mais le vague des descriptions que donne l'auteur quand il s'agit de la disposition de la lamelle de soutien et des quatre chambres gastriques accessoires (gastrale Ncbenraihne), comme il appelle les quatre canaux dérivés de La cavité gastrique, prouve qu'il n'avait pu parvenir à l'élucider. C'est ce que démontre, du reste, jusqu'à l'évidence, sa figure 9, où il n'a pas indiqué la moindre trace des quatre canaux en question. Sa figure 8 montre qu'il n'a pas réussi non plus à se rendre compte de la pénélrationderendodermedansles ailes. Enfin, l'on peutreprocher à tous ses dessins, surtout à ses deux figures d'ensemble, d'être beau- coup trop schématisés. On y voit à la fois la surface et l'intérieur, avec une égale netteté, et cela sur un animal dont les tissus sont loin d'être bien transparents. Je ne pense pas que les ailes puissent jamais apparaître comme elles sont représentées sur la figure i. L'extrémité orale ne se comprend guère ; les nématocystes, et sur- tout les cils vibratiles, sont représentés tout à fait arbitrairement, et, pour ainsi dire, pour montrer qu'ils existent. Mais, avec tout cela, on trouve dans ce mémoire une étude presque parfaite des éléments histologiques. J'aurai, plus encore que celui de Krohn, à le citer fréquemment; et ce n'est que pour ne point laisser le présent travail incomplet que je me verrai obligé de revenir, même sur quelques points où j'aurai fort peu à ajouter. Ce qui m'a surtout déterminé à entreprendre cette étude appro- fondie, et que l'on peut, je crois, considérer comme définitive, du moins pour la période d'existence à laquelle elle se rapporte, c'est l'intérêt tout spécial qui s'attache aux types isolés dans la classe à laquelle ils appartiennent. Il faut les connaître dans les moindres détails avant de pouvoir se livrer à des comparaisons ; et c'est pour n'avoir point observé cette règle de prudence que l'on a émis les opinions diverses que j'aurai à examiner à la fin du présent tra- vail. ANIMAUX INFERIEURS DE LA BAIE D'ALGER. 103 Le Tétraptère est un être pélagique, du moins sous la forme où nous le connaissons. Mais l'uniformité môme des sujets recueillis, tant par moi que par mes prédécesseurs, quelle que soit du reste la différence de taille, parfois considérable, qu'ils présentent, amè- nerait déjà à supposer que l'animal n'est pélagique, et pcut-ôlre môme qu'il n'est libre, que pendant une phase déterminée de son existence. Mes premières observations datent de janvier 1885 ; et j'ai public à leur sujet, dans les Comptes rendus de l'Académie des sciences du 9 février, une note à laquelle j'aurai plus loin à apporter quelques rectifications. Pendant cinq hivers successifs, j'ai vu reparaître les Tétraptères vers la même époque, de la fin de décembre jusque vers la fin du mois de mars, ordinairement isolés ou fort peu nom- breux, mais parfois en petites troupes, et une fois môme, le 24 dé- cembe 1888, en nombre considérable. J'ai maintes fois remarqué qu'ils ne se rencontraient pas dans les mêmes pêches que les animaux de haute mer. Par exemple, à la fin du mois de février 1886, un coup de vent du sud (vent de terre) m'en fit prendre dix-huit dans la même pêche, alors que je n'en avais pas recueilli depuis fort longtemps. Presque tous étaient petits et avaient les cordons ectodermiques peu développés. Les vents du large dominèrent ensuite pendant tout le mois de mars, et je ne revis pas de Tétraptères. Les pêches du 28 au 3! mars et du I™ avril furent fort riches en Péridinicns de formes très variées ; elles pré- sentaient aussi des Cténophores, de petites Salpes, des Hétéro- podes, etc. Dans la soirée du 1er avril, le vent tourna et se mit à souffler du sud assez vif. La pêche du 2 au matin donna une eau trouble, manifestement souillée par l'égout qui débouche sur la plage de l'Agha. Plus un seul Pélagique vrai. Par contre, deux Tétraptères et quelques Tornarias. Il en a été de même cette année, lors de ma pêche la plus heu- reuse. Depuis plusieurs jours, les vents du large régnaient el nous amenaient des eaux claires, peuplées de nombreux Schizopodes, 106 CAMILLE VIGUIER. mais où ne se rencontrait pas un seul Tétraptère. Le 23 décembre au soir, lèvent tourna, et, le 24 au malin, je ne trouvais plus dans la poche que des quantités d'Isopodes cramponnés à une multitude de débris de souche de Zostère, et au milieu desquels se trouvaient plus de deux cents exemplaires de notre petit Cœlentéré. Les Zostères poussent en assez grande abondance dans le fond de notre baie, et la plage de Mustapha est souvent couverte de leurs débris. Les eaux venaient donc très probablement de là; et, malgré la difficulté qu'il y a toujours à distinguer ce qui, dans une pêche de surface, appartient proprement à la faune pélagique ou à la faune côtière, il est tout à fait légitime de supposer que le Tétraptère est une phase pélagique de l'existence d'un animal qui, aux autres périodes de sa vie, habite le fond ; ou peut être même fixé, comme tant d'autres membres de la classe à laquelle il appar- tient. Le problème le plus intéressant à résoudre serait donc de retrouver les autres états sous lesquels il peut se présenter ; et c'est pour cela que, n'ayant encore jamais rencontré dans mes dragages rien qui put se rapporter à une autre période d'existence de cet animal, je me suis efforcé de faire vivre en captivité les sujets fournis par la pêche de surface, en variant le plus possible leurs conditions d'existence. Mais j'ai le regret de n'avoir jamais pu réussir à con- server mes prisonniers au delà de quelques jours, et je ne compte plus désormais que sur un hasard heureux pour ajouter quelque chose à ce que contient le présent mémoire, et qui n'était, dans ma pensée, que la première partie du travail à faire. Mais, comme l'on pense, tout en perdant en tentatives d'élevage un nombre très grand de sujets, j'en avais préparé de diverses manières pour vérifier les points qui me paraissaient peu satisfaisants dans le mémoire de Glaus; et c'est ainsi que j'ai pu obtenir des séries abso- lument complètes de coupes, comme celles dont les plus intéres- santes se trouvent représentées sur la planche VIII. Je n'avais point non plus négligé les observations et les photo- ANIMAUX INFÉRIEURS DE LA BAIE D'ALGER. 107 graphies sur le vivant, comme on peut le voir sur la planche VII, et c'est par là que je commencerai ma description. Nous parlerons ensuite de la disposition de la lamelle de soutien, de l'histologie et de la disposition de l'ectoderme, de l'histologie et de la disposition de l'endoderme, enfin des affinités zoologiques. La meilleure manière dont on puisse faire comprendre la forme extérieure du Tétraptère est de le comparer, comme je le faisais en 1885, et comme l'avait déjà fait Busch, dont je ne connaissais alors le travail que de nom, à un octaèdre régulier, formé de deux pyramides allongées, à base carrée, et dont les angles, et surtout les sommets, seraient arrondis. Cette forme, presque absolument géométrique, s'observe assez fréquemment sur les animaux bien fixés, soit par le sublimé bouillant, soit surtout par le liquide de Kleinenberg. Quant à l'animal vivant, il est tellement contractile en tous sens, qu'il peut présenter les déformations les plus variées, ainsi qu'on le voit sur la figure 1 . Il ne reprend guère la forme octaédrique que pendant la natation ; mais les mouvements des ailes sont alors si rapides qu'il est impossible d'en prendre un cro- quis au microscope, et la figure 4 n'aurait pu être dressée que d'imagination sans le secours de l'appareil à photographie micros- copique instantanée que j'ai fait construire pour la station. Cette figure 4, reproduite d'après une épreuve, choisie, comme l'on pense, au milieu d'un grand nombre d'autres, représente le Tétraptère nageant librement à la surface d'une cuvette d'eau, et donne pres- que exactement la projection horizontale de l'octaèdre. C'est, du reste, un hasard heureux qui m'a donné cette photographie ; l'ani- mal nageant d'ordinaire obliquement, comme on voit le sujet a de la figure 1. Pour la vue latérale, j'ai choisi un sujet en repos, pres- que exactement régulier, et avec les ailes repliées, mais non con- tractées à l'extrême. Cet animal, un peu plus gros que celui de la figure 4, se trouve représenté sur la figure 3, qui montre de face une des ailes, et deux l08 CAMILLE VIGUIER. antres de profil. C'esl La position de la ligure 2 du travail deGlaus; el c'esl égalemenl la projection de l'octaèdre sur un plan parallèle à ce que j'appellerai au cours de ce travail : plan vertical droit1. L'octaèdre nous offre à considérer deux sommets, dont l'un est percé d'un ..ri lice de forme très variable, et capable de se dilater beaucoup (fig. 1, c) ; mais d'ordinaire à peu près fermé. En état de demi-dilatation, on constate, lorsqu'on réussit à le voir bien eu l'ace, que sa forme est souvent exactement quadran- gulaire comme on le voit sur la figure o. Cet orifice avait été vu par Busch ; mais cet auteur ne se prononce pas sur sa signification, el tend à regarder comme la bouche une ouverture artificielle que la compression avait, sur son sujet, déterminée à l'extrémité opposée. Krohn, puis Claus, l'ont au contraire bien reconnu pour la bouche. Le sommet en question sera donc le pôle ou extrémité orale, et toute la pyramide correspondante, la moitié orale du corps. Comme elle est toujours tournée en bas ou en arrière dans les mouvements de natation, il m'arrivera aussi de la désigner sous le nom de moitié inférieure. Je ne sais trop pourquoi Krohn, qui a pourtant vu nager l'animal, la désigne comme moitié antérieure, ce qui est contraire aux faits. L'autre extrémité, où Busch avait cru constater une ouver- ture naturelle dans ce qui n'était qu'une déchirure des tissus, est close^ comme l'ont vu les deux autres auteurs. Je la désignerai sous le nom ({'extrémité aborale ou supérieure. Les quatre arêtes, qui vont d'une extrémité à l'autre de l'octaèdre, seront désignées ordinairement sous le nom d'angles ou de bourrelets angulaires. En effet, sauf aux extrémités, où ils sont peu marqués, • Par L'axe principal de l'octaèdre, on peut faire passer quatre plans, perpendicu- laires deux à deux, dont les uns passent aussi par les diagonales du carré qui sert de base commune aux deux pyramides de l'octaèdre, et les autres par les perpendi- culaires au milieu des côtés du même carré. J'appellerai les deux premiers : plans verticaux diagonaux (fig. 35), et les autres : plans verticaux droits (fig. 3G). Enfin, les plans horizontaux ou transversaux sont perpendiculaires au grand axe de l'octaèdre, et par conséquent aux quatre plans pré- cédents (fig. 20 ù 34). ANIMAUX INTÉRIEURS DE LA BAIE D'ALGER. 109 ces angles font une saillie de plus en plus forte en approchant de la région médiane; et là, sur une petite longueur, ils se séparent entiè- rement du reste du corps, de façon à former quatre arcs-boutants, dont nous verrons l'effet tout à l'heure. Les faces de l'octaèdre diffèrent assez fortement sur la pyramide aborale de ce qu'elles sont sur l'autre. Sur cette dernière, en effet, elles sont à peu près planes, et môme un peu excavées en appro- chant de la région médiane; tandis que, sur la première, elles sont assez fortement convexes (fig. 4), jusqu'au point où elles s'enfoncent brusquement, pour se continuer avec la face correspondante de la pyramide orale, au fond de ce que les observateurs précédents ont désigné sous le nom de niches ou de fossettes. Il n'y a pas, à proprement parler, des niches bien délimitées ; mais cette apparence est produite par une véritable division du corps en cinq parties : les quatre arcs-boutants dont je parlais tout à l'heure, et la portion médiane qui, en s'étranglant dans cette région , forme, avec les arcs en question, des espèces d'alvéoles, communi- quant entre elles en dedans des arcs (fig. 28, 41 et 42). Sans la pré- sence des quatre arcs-boutants, le rétrécissement brusque du corps donnerait une très grande fragilité à la région où viennent justement s'insérer les organes de locomotion. C'est, en effet, à la partie supérieure de ces sortes d'alvéoles que s'attachent, par un pédoncule dont nous verrons tout à l'heure la nature exacte, les quatre nageoires, ou ailes membraneuses, qui ont valu à l'animal ses noms de Tetraplatia et de Tetrapteron. A l'état de repos, ces ailes sont repliées dans les loges, de manière à ne faire que très peu saillie, ou peuvent même être entièrement rétractées, et sont alors efficacement protégées par les nématocystes qui couvrent les arcs-boutants. En cet état, l'animal peut se mou- voir par le jeu des cils vibratiles dont son corps est recouvert ; mais ceux-ci ne sont point assez puissants pour déterminer une véri- table natation, et le Tétraptère ne fait que glisser lentement sur le fond de la cuvette. Mais, ordinairement, il y rampe d'une façon très J10 CAMILLE VIGUIER. active, grâce à la contractilité extrême de tout son corps, et, dans celle attitude comme dans la précédente, il rappelle tout à fait, à première vue, un Turbcllarié, comme l'a fort justement dit Glaus. Les déformations qu'il peut présenter alors sont très considérables, ainsi qu'on le voit sur la figure 1 ; et je signalerai tout particulière- ment le sujet marqué g, où, non seulement la face de la pyramide aborale qui se trouvait alors inférieure, mais les deux qui se trou- vaient latérales, prenaient une part active à la reptation; celles-ci formant des expansions dont j'avais d'abord peine à comprendre la nature. De temps en temps, mais surtout dans les premières heures de la capture, on voit les mouvements de reptation s'arrêter, la forme du corps redevenir, non pas toujours, mais presque toujours, absolu- ment régulière, et les nageoires se déployer assez lentement hors de leurs alvéoles. On constate alors qu'elles sont composées de deux moitiés, parfaitement symétriques, et libres seulement sur un tiers environ de leur longueur. Lorsqu'elles sont bien étalées, elles ont, vues en place, une forme d'ensemble à peu près carrée, déjà indiquée grossièrement par Krohn. Le bord libre est festonné, et présente, pour chacune des moitiés, quatre lobes membraneux, dont les deux médians sont séparés par une incisure un peu plus profonde. Ces lobes sont ourlés d'un petit bourrelet, déjà vaguement esquissé sur la figure 1 de Glaus, et dont l'élasticité détermine le plissement du bord de l'aile, excepté lorsque celui-ci se trouve déployé par la réaction de l'eau, pendant les mouvements de natation. En regardant, exactement de profil, une aile bien étalée, comme celle qui est représentée sur la figure 7, on voit que la face supé- rieure de l'aile n'est point plane, ni régulièrement convexe comme l'a représentée Glaus dans sa figure 1, mais présente, au contraire, deux fortes saillies, déterminées par un épaississement des tissus, comme on le constate en coupe optique sur le vivant (fig. 8), ou sur les coupes histologiques bien réussies (fig. 48). C'est en dessous de ANIMAUX INFÉRIEURS DE LA BAIE D'ALGER. Hl ces saillies que sont suspendus les sacs qui renferment les organes sensoriels, dont on voit le corps réfringent briller fortement à tra- vers les tissus. Ordinairement, sur les animaux non fatigués, les ailes sont à peine étalées qu'elles commencent à battre d'avant en arrière ; et leurs mouvements rappellent tout à fait les contractions brusques de l'ombrelle d'une Méduse. Le nombre des battements varie de 80 à 120 par minute, et ils déterminent une propulsion à peu près exac- tement rectiligne lorsque l'animal est bien régulier. Les inflexions dans un sens ou dans l'autre de la pyramide aborale lui permettent du reste de se diriger en tous sens. L'attitude de natation est celle, un peu oblique, que l'on voit au sujet a de la figure I. Sur un ani- mal de moyenne taille, la vitesse obtenue était de 40 millimètres environ à la minute, pour 120 battements. Aussitôt que les mouve- ments s'arrêtent, le Tétraptère retombe sur le fond de la cuvette. Pendant la natation, les contractions des quatre nageoires semblent toujours simultanées ; mais il peut y avoir une petite différence, comme l'a manifesté la photographie instantanée reproduite sur la figure 4. On voit, en effet, que les ailes situées du côté supérieur de la figure sont bien étalées par la réaction de l'eau et, par conséquent, saisies pendant le mouvement en arrière ; tandis que les autres ont déjà leur bord replié, ce qui indique l'arrêt du mouvement, mais non toutefois le commencement du retour. Lorsque l'animal repose sur le fond, on constate souvent des battements d'une ou deux ailes, les autres restant en repos. Ces battements n'ont, du reste, qu'une étendue très limitée, et sont sans importance pour la propulsion. Enfin Krohn dit avoir observé des battements sur une aile détachée du corps par un coup de ciseaux (ce qui, pour le dire en passant, prouve une habileté peu commune, servie par un hasard bien extra- ordinaire). Ce fait serait une preuve expérimentale que les ailes ne battent pas en vertu d'excitations provenant d'organes situés en dehors d'elles, mais contiennent les éléments excitateurs. L'élude anatomique de l'animal ne fait, du reste, comme nous le verrons, H-2 CAMILLE VIGUIEK. que confirmer cette idée; et, d'après ce qui se passe chez les Méduses, il étail naturel de le supposer. Quand le Télraptère rentre ses ailes, chaque moitié se replie sur elle-même à peu près comme une aile d'oiseau, suivant la compa- raison très juste de Glaus. Pour finir d'exposer l'apparence extérieure de notre petit Cœlen- il faudrait parler ici de la répartition des nématocystes, et décrire les organes sensoriels que portent les nageoires. Mais cela sera mieux ù sa place dans la description de l'cctoderme. Les tissus du Télraptère sont peu transparents ; ils permettent toutefois d'apercevoir, sur l'animal comprimé, les cordons ectoder- miques dont nous allons parler tout à l'heure ; mais il n'est point étonnant que Krohn n'ait pu reconnaître ainsi leur exacte disposi- tion ; et, pour avoir des notions précises sur la structure de l'animal, il faut absolument recourir à la méthode des coupes. Les réactifs qui m'ont le mieux réussi pour fixer les tissus sont la solution bouillante et saturée de sublimé dans l'eau de mer et le liquide picro-sulfurique de Kleinenberg. Le premier a l'inconvénient de contracter un peu trop fortement les éléments ; mais cela permet de se rendre parfaitement compte de la disposition si curieuse de la cavité générale. Le second réactif, au contraire, en rétractant moins fortement les tissus, fait que, le plus souvent, la lumière de cette cavité disparaît plus ou moins complètement. Pareil accident est arrivé à Claus, je ne sais avec quel réactif. Sur sa figure S, il a encore vaguement indiqué, par un trait plus noir, au milieu de l'entoderme, une fente cruciforme; mais sur la coupe qui lui a donné sa figure 9, et qui correspond à peu près à ma figure 24, les quatre canaux déri- vés étaient évidemment tout à fait dissimulés, puisqu'il représente à leur place un tissu entodermique continu. Si la fixation des tissus est relativement facile, l'inclusion dans la paraffine est au contraire fort souvent imparfaite dans la région mé- diane du corps, si singulièrement compliquée, et celle-ci présente alors une telle fragilité qu'il est impossible de s'y reconnaître. ANIMAUX INFÉRIEURS DE LA BAIE D'ALGER. 113 La plupart de mes coupes ont été faites à 1 deux-centième de mil- limètre; mais, pour avoir des séries absolument continues, j'étais obligé d'augmenter leur épaisseur jusqu'à l centième de millimètre. Les coupes transversales sont, du reste, beaucoup plus faciles à obtenir que les longitudinales, et surtout que celles qui passent par le plan diagonal (fig. 35). Mais tous les dessins de coupes que je donne, même ceux sim- plifiés de la planche VIII, sont des reproductions rigoureuses de photographies. La diversité de taille des sujets, les manières diffé- rentes dont ils sont contractés sous l'action des réactifs, expliquent les différences et les petites irrégularités des dessins, qu'il eût été très aisé de rendre absolument concordants (et tout à fait symé- triques pour la planche YU1) si l'on avait cédé à la tentation de les schématiser un peu l. Lamelle de soutien. — La lamelle cuticulaire qui sépare l'ento- derme de l'ectoderme, et qui porte, suivant les divers auteurs qui se sont occupés des Cœlentérés, les noms de lamelle mésodermique, lamelle squelettique ou lamelle de soutien, ne peut être bien obser- vée que sur des coupes. Aussi Glaus a-t-il été le premier à la décrire d'une manière assez correcte, quoiqu'il l'ait représentée d'une façon peu satisfaisante. On peut diviser sa description en trois parties : la première, a, traitant de la portion principale de la lamelle, de celle qui présente la forme générale du corps; la deuxième, b, se rapportant aux lames des ailes ; enfin la troisième, c, décrivant la portion mince, réfléchie sur les cordons ectodermiques qui sont enfouis dans l'ento- derme. a. Ce n'est qu'à cette première que se rapporte la description donnée par Claus. Elle est, comme il le dit, ferme et coriace ; mais elle n'atteint jamais, sur le vivant, l'épaisseur de l'ectoderme, i L'artiste chargé de la reproduction de mes planches n'a pas su, autant que je l'aurais désiré, résister à celle tentation. Son travail est plus régulier que le mien, et cela est surtout visible pour les crêtes de la lamelle de soutien. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET C-ÉN. — 2e SÉIUE. — T. Mil. 1890. ,14 CAMILLE V1GDIER. comme on peut le voir sur la figure 12, où elle est représentée eu coupe optique. Cet auteur, du reste, ne l'a nulle part Bgurée aussi épaisse, et môme ordinairement trop réduite. Comme il l'a reconnu, elle est absolument dépourvue de cellules, et même de tout élément fibrillaire; mais semble se composer de deux parties distinctes, du reste intimement unies, et que je n'ai jamais vu se séparer sur les préparations. Intérieurement, ainsi qu'on le voit sur les figures de la planche IX, et surtout sur la figure 37, se trouve une portion à contours peu définis, et qui présente des empreintes correspondant aux cellules enlodcrmiques qui y sont fixées. Cette couche intérieure s'épaissit beaucoup le long des quatre arêtes ou bourrelets angu- laires, un peu moins le long des lignes médianes des faces de la pyramide aborale, et demeure assez mince dans les autres régions ; mais elle semble absolument continue. Sur celte couche interne s'applique une lamelle qui semble plus résistante et se colore plus fortement par le picro-carminate. Celle-ci présente une épaisseur à peu près constante, partout où on l'observe, et se replie de façon à former des plis ou crêtes longitudinales qui donnent, sur le vivant, l'apparence d'un plan de fibres musculaires, et que Krohn avait pris pour telles. Dans les endroits où l'ensemble de la lamelle squeletti- que est fort réduit, on n'aperçoit plus qu'à peine cette couche exté- rieure, comme une ligne plus fortement colorée. La disposition générale de toute cette portion de la lamelle de soutien se voit fort bien sur les coupes de la planche VIII. On y cons- tate, ainsi que sur les figures 41-43 de la planche IX, que, au point où les bourrelets angulaires se séparent pour former les quatre arcs- boutants dont j'ai parlé plus haut, la lamelle de soutien se referme en arrière d'eux, en les isolant complètement, comme l'avait, du reste, vu Claus. On peut, somme toute, comparer l'ensemble des cavités limitées par cette partie delà lamelle squelcttiqueàun vase, fermé à l'une de ses extrémités et ouvert à l'autre, et rétréci brus- quement dans son milieu, comme ceux qui sont si fréquemment employés pour les norias des maraîchers de nos environs. Seule- ANIMAUX INFÉRIEURS DE LA 13AIE D'ALGER. HB ment, dans la région rétrécie, le vase serait muni de quatre bns*0B creuses, légèrement arquées, et ouvertes, à leurs deux extrémités, dans la cavité principale. Les deux moitiés de cette cavité princi- pale communiquent ainsi par cinq canaux différents, un médian et quatre latéraux. b. Entre les arcs-boutants, ou les anses du vase pour continuer notre comparaison, se trouvent quatre ouvertures en forme d'arc de cercle à convexité tournée en haut, c'est-à-dire vers le pôle aboral. C'est par là que l'entoderme pénètre dans le pédicule des ailes. Ce pédicule, au point où il s'attache au corps, peut être som- mairement comparé à un quart de sphère, dont une des faces planes serait adhérente au corps. C'est sur les figures 26 et 40 que se voit le mieux sa disposition. Les deux lèvres de l'ouverture en question donnent attache à deux feuillets accessoires, qui soutiennent les tissus de l'aile, et dont l'importance est fort différente. La lame supérieure est épaisse, et se distingue toujours par une ligne de démarcation fort nette de la lamelle de soutien du corps proprement dit. Celle-ci est épaissie en cette région, de façon à enchâsser le bord de la lame de l'aile, comme la boîte d'une montre en enchâsse le verre. (Voy. flg. 26, 36, 40, 44 et 47.) Mais il n'y a point continuité absolue de substance, et l'on voit quelquefois, sur les coupes déchirées, la lame de l'aile se détacher de celle du corps. Du reste, malgré son épaisseur, cette lame de l'aile ne présente point nettement la division en deux cou- ches que nous avons reconnue sur la partie principale; ses deux faces sont également lisses, et c'est à peine si la partie extérieure se colore un peu plus fortement que le reste. Elle mérite donc, à tous égards, d'être considérée comme une formation de même nature que la partie a, mais bien distincte d'elle. Cette lame s'étend au-dessous du plan ectodermique supérieur, dans toute l'étendue de l'aile, et fournit par conséquent à celle-ci son appui principal ; mais elle n'est point la seule, comme l'avait cru Claus, et ne se trouve que tout à fait vers son extrémité libre doublée en dessous 116 CAMILLE VIGUllilt. KJtnme en dessus par des cellules ectodermiques. Le bord inférieur de la fente en arc, dont nous parlions plus haut, donne attache, en effet, à un mince feuillet, qui ne tranche point d'une manière aussi distincte que la lame supérieure, et que l'on peut considérer comme en continuité avec la lamelle de soutien des parois du corps, qui se sciait brusquement réiléchie en cet endroit. (Voyez surtout la figure 44.) ("elle lamelle inférieure de l'aile est, en son milieu, légè- rement repliée en haut, de façon à laisser plus d'espace entre elle et la lame supérieure sur les côtés de l'aile qu'au milieu. Cette dispo- sition est surtout visible sur les coupes frontales du pédicule de l'aile, c'est-à-dire sur les coupes parallèles à un plan vertical droit (fig. 47). La lamelle inférieure, beaucoup moins étendue que la supérieure, se rapproche assez vite de celle-ci, et forme avec elle un angle fort aigu. Un peu au delà du milieu de l'aile, elle s'amincit extrêmement, et finit par disparaître sans qu'il me soit possible d'af- firmer qu'elle se soude à la lamelle supérieure, comme cela me paraît cependant fort probable. Sa face inférieure présente de légères crêtes longitudinales, pour l'insertion des grosses cellules ectodermiques dont nous parlerons plus loin. c. Le corps du Tétraptère renferme, comme nous l'avons dit pré- cédemment, des cordons cellulaires, déjà reconnus, sur l'un de ses sujets, par Krohn, qui ne put du reste se rendre aucun compte de leur disposition avec les moyens qu'il employait. Claus, qui les a étudiés avec soin, et les considère comme des rudiments génitaux (Genitalanlagen), se prononce nettement pour leur origine ectodermique ; mais il n'a cependant pas reconnu leur continuité avec l'ectoderme, comme l'indique la forme dubitative de cette phrase : « In der mittlern Korpergegend, in der Hohe der Nisehen, erscheincn die schmaleren Strânge stark verjûngt, und so vollstândig in die Peripherie geriickt, dass man, am Querschnitt, die Einschaltung derselbcn in das verdickte Ectodcrm wahrzuneh- men glaubt. » 11 a cependant eu sous les yeux le point où se lait l'invagination de l'ectoderme et où la gaine adiculaire des cordons, ANIMAUX INFÉRIEURS DE LA BAIE D'ALGER. 117 comme il l'appelle, est largement ouverte. Sa figure 8 est, à cet égard, presque aussi démonstrative que mes figures 28 et 42 ; mais je ne sais pourquoi il a donné une teinte différente aux cordons et à l'ectoderme, que rien ne distingue en ce point, lui l'ait, la gaine cuticulaire, ou enveloppe des cordons, n'est autre chose, comme je le disais plus haut, qu'un mince feuillet réfléchi de la lamelle de soutien. Il y a, en tout, quatre cordons simples et fort étroits dans la région médiane du corps, et situés, sur une faible longueur, en dehors de la portion principale de la lamelle de soutien, dans les plans diagonaux, et, par conséquent, en dedans des quatre arcs- boutants (fig. 28, 29, 35, 42 et 43). Dans cet endroit, la gaine des cordons est fendue, avec ses deux lèvres écartées, comme on le voit surtout sur la figure 42, de sorte que le contenu des cordons est en continuité parfaite avec l'ectoderme. Au-dessus et au-dessous, la gaine se referme, et le cordon, toujours simple, pénètre oblique- ment à l'intérieur de la partie a de la lamelle de soutien; et, par conséquent, s'enfouit dans l'entoderme. Chacun des cordons se divise ensuite en deux parties symétriques, situées, non plus dans le plan diagonal, mais dans les plans intermédiaires entre celui-ci et les deux plans droits voisins; et donne ainsi une paire de ca'cums assez longs dans la partie aborale, et une paire de cœcums très courts dans la moitié orale du corps. (V. fig. 6.) Les figures 3o cl 43, représentant des coupes passant par un plan diagonal, n'inté- ressent que la partie simple des cordons. La figure 43 est surtout destinée à bien faire voir que la gaine des cordons n'est en réalité qu'une dépendance de la lame de soutien. Si je me suis étendu un peu longuement sur la disposition de ces formations cuticulaires, c'est qu'elles nous donnent la clef de l'ana- tomie du Tétraptère; et que la disposition des épithéliums sera par suite très facile à saisir. Ectoderme. — Sur la plus grande partie du corps, l'ectoderme se compose d'un seul plan de cellules épaisses, à base irrégulièrement us CAMILLE VIGUIEB. polygonale, à noyau ovale allongé, dirigé d'ordinaire perpendiculai- rement à la lamelle de soutien, et dont les limites se voient fort bien lurlts mjets imprégnés à l'argent. On constate aisément (fig. 13 ot i4) que ces cellules, qui portent des cils vibratilcs fort courts, et contiennent assez fréquemment des gouttelettes huileuses, forment la surface entière de l'animal, les cnidoblastes et les cellules glan- dulaires, donl nous parlerons tout à l'heure, intercalés entre elles, ne faisant qu'affleurer la surface en un point, sur une des lignes interstitielles. Ces grandes cellules ectodermiqnes ont une épaisseur moindre et des bords moins sinueux sur les faces de l'animal (lig. 14) que le long des bourrelets angulaires, où elles atteignent une grande hauteur, et s'engrènent par leurs bords pour offrir plus de résistance. Bien que tout à fait semblables aux éléments qui, chez d'autres Cœlentérés, produisent par leur face profonde de véri- tables fibres musculaires, ces cellules en sont dépourvues; et c'est à leur contractilité propre que l'on doit attribuer la contractilité du corps. Clans a déjà reconnu que c'était les crêtes de la lamelle de soutien que Krohn avait prises pour un plan de fibres musculaires. 11 dit, néanmoins, avoir observé, sur des cellules isolées, des prolon- gements basilaires, qui, sans former sans doute une couche régu- lière de fibres, représentent les éléments musculaires. Ces pro- longements basilaires sont très visibles sur les cnidoblastes, surtout sur les petits, et aussi sur les cellules glandulaires, et nous en parle- rons tout à l'heure; mais je ne les ai jamais vus sur les cellules vibraliles. Entre ces grandes cellules, mais entièrement enveloppées par elles, sauf à leurs deux extrémités, se trouvent les cellules glandu- laires et les cnidoblastes, que l'on peut comparer sommairement à des fuseaux, attachés par une de leurs extrémités à la lamelle do soutien, sur laquelle ils s'insèrent à peu près perpendiculai- rement. Ils écartent les parois de deux cellules vibratiles, sur la limite desquelles vient affleurer, à la surface, l'autre extrémité du fuseau. ANIMAUX INFÉRIEURS DE LA BAIE D'ALGER. 119 Les cellules glandulaires, bien vues par Clans à l'état d'éléments isolés, n'ont point été représentées par lui d'une façon satisfaisante, surtout pour ce qui concerne leur position. Elles sont, comme on le voit sur la figure 50, amincies en pointe à leur extrémité pro- fonde, et élargies au contraire à leur sommet. Elles se divisent nettement en deux parties : la cellule proprement dite, avec son noyau très reconnaissais ; et la glande, tout à fait périphérique, et qui présente un fort petit orifice excréteur, percé sur une petit" saillie qui arrive seule à la surface du corps, en refoulant le coin de l'une des cellules vibratiles (lig. 14). On voit fort bien la glande par transparence ; mais, sur les sujets bien imprégnés à l'argent, il est facile de s'assurer que la figure 4 de Glaus n'est point exacte, et qu'il a confondu ensemble les cellules glandulaires et les cellules vibratiles qui les recouvrent. Pour le reste, sa description est fort exacte. Ces cellules sont disposées par petits groupes irréguliers, principalement sur les faces de la pyramide aborale. Les cnidoblastes sont de deux sortes : les uns, petits, et presque exactement sphériques ; les autres, deux fois et demie ou trois fois plus gros, parfois un peu allongés dans le sens vertical, parfois aussi presque sphériques ; en sorte que je ne crois pas qu'il y ait lieu de les distinguer comme ovales des petits, ou sphériques, comme fait Claus. Les petits cnidoblastes se trouvent sur toute la surface du mrps, et même parfois sur la face supérieure des ailes, mais fort clair- semés. Ils forment, au contraire, des lignes assez régulières sur le milieu des faces de la pyramide aborale, et recouvrent complète- ment les quatre bourrelets angulaires, en formant quatre aires lon- gitudinales qui se réunissent aux deux pôles. Les gros cnidoblastes ne se rencontrent qu'en fort petit nombre sur les lignes médiane des faces de la pyramide aborale. Ils sont, au contraire, mêlés en grand nombre aux petits sur les bourrelets longitudinaux, surtout vers le milieu de ceux-ci, où ils sont très serrés ; mais ils dispa- raissent peu à peu, et l'on n'en trouve plus aux extrémités. 120 CAMILLE VIGU1EB. Les cnidoblastes occupent, par rapport aux cellules vibratiles, une position semblable à celle que je décrivais tout à l'heure pour les cellules glandulaires. Ils s'attachent par leur extrémité profonde, allongée en un filament grêle, et fort long pour les petits cnido- blastes, beaucoup plus court pour les gros, à l'une des crêtes de la lamelle de soutien; ils écartent les parois de deux cellules vibratiles, a travers lesquelles on les aperçoit, môme avant qu'ils n'arrivent à la surface; et, lorsqu'ils sont complètement développés, leur extré- mité périphérique vient se faire jour sur la ligne d'union des deux cellules, où l'orifice de la capsule urticante apparaît comme une petite ouverture, souvent ovalaire (fig. 43). Sur le bord de cette ouverture, on distingue, à de forts grossissements, le cnidocil, plus grêle et plus long pour les petits nématocystes, comme l'avait vu Glaus, mais auquel je n'ai pu constater l'espèce de gaine figurée parfSchulze1 chez la Syncoryne, et par Jickeli 2 chez l'Hydre grise. La structure et le mode d'action des nématocystes ont été, dans ces dernières années, l'objet de recherches assez nombreuses, que von Lendenfeld, qui y avait pris part, a résumées, en les discutant, dans une courte note * accompagnée d'un schéma. D'après cet au- teur, dans le type le plus parfait de cnidoblaste, il y aurait, à la cel- lule qui produit la capsule urticante, deux prolongements bien distincts. L'un de ces pédoncules, sans structure, pourrait cepen- dant se contracter de manière à enfoncer le cnidoblaste dans les tissus, surtout lorsque ceux-ci vont se contracter, et à soustraire ainsi le cnidocil aux causes d'excitation. Ses mouvements seraient réglés par une couche nerveuse subépithéliale, située au-dessous des cnidoblastes. L'autre pédoncule, granuleux, ne serait autre chose qu'une véritable fibre nerveuse, reliant au système nerveux de l'ani- 1 F.-E. Schulze, Ueber den Bau von Syncoryne Sarsii, 1873. * C. Jickeu, Der Bau der Hydroidpolypen (Morphologisches Jahrbuch, vol. VIII, 1888). 5 Lendenfi:ld, The fonctions of Nelilecells (Quarlerly Journal of Microscopical Science, nouvelle série, vol. XXVII, 18S7, p. 393). ANIMAUX INFÉRIEURS DE LA BAIE D'ALGER. 121 mal le manteau protoplasmique du cnidoblaste, c'est-à-dire le resta de la cellule qui a produit la capsule urticante. Ce manteau proto- plasmique, parfois converti en un réseau de fibrilles musculaires, déterminerait par ses contractions l'explosion du nématocyste ; et ces contractions seraient directement provoquées par l'excitation du enidoeil, à moins que le système nerveux ne vienne exercer, à la volonté de l'animal, une véritable inhibition. Nussbaum1 a fait valoir, avec raison selon moi, qu'il n'est aucu- nement besoin de supposer un mécanisme nerveux aussi compliqué pour comprendre que les nématocystes n'éclatent pas au moindre choc que peut subir le enidoeil (de la part de grains de sable, par exemple). Il suffit, en effet, de supposer que le enidoeil a besoin, pour déterminer la contraction du corps cellulaire, d'un excitant approprié, et qui peut même différer suivant la forme du néma- tocyste, pour les animaux qui en possèdent de plusieurs sorti-., comme l'hydre observée par Nussbaum. Du reste, pas plus que Claus, je n'ai réussi à découvrir, en aucun point du Tétraptère, des formations que l'on put interpréter comme cellules nerveuses ; et, comme il est par suite à peu près certain qu'il n'existe pas de sys- tème nerveux différencié, on pouvait au moins prévoir que, des deux prolongements mentionnés par Lendenfeld, les cnidoblaslcs du Té- traptère n'en possédaient qu'un seul. C'est en effet ce que l'on trouve; mais ainsi que, dans une autre publication2, cet auteur dit l'avoir observé sur des préparations de la Cyanea annaskala, les pro- longements centripètes des cnidoblastes ne sont pas hyalins comme la lamelle de soutien, mais granuleux (fig. 49) et ne se distinguent en rien de la partie du plasma de la cellule qui entoure la capsule (sans, du reste, être aucunement différenciée en fibres musculaires), et se voit surtout autour du noyau. Si donc je regarde comme plus que problématique, au moins chez notre Cœlentéré, l'action inhibi- i Ueber die Tfieilbarkeit der lebendige Materie {Archiv f. Mikroscopische Analomie, 1887, p. 30SJ. 2 Lendenfeld, Ueber Cœlenteraten der Sudsee 1 1 1 ; Ueber Wehrpolypen uni Sessel- zellen (Zeilsclirifl f. Wiss. Zool., vol. XXXVIII, 1883, p. 366). in CAMILLE VIGUŒR. trice dont nous parlions tout à L'heure, je suis tout à fait disposé à Admettre la nature contractile du pédoncule unique; d'autant plus que, sur les préparations où l'ccloderme est modérément contracté, on voit toujours un petit enfoncement au niveau de chaque enido- blaste (fig. 53). Cette contracl.ilité explique du reste que le prolonge- ment du cnidoblaste soit toujours gros et court dans les dissociations que l'on fait avant la mort complète des éléments ; au lieu qu'on le trouve long et grêle lorsqu'on ne fait les macérations que longtemps après la mort. Comparez les figures 15, lGet 51. Il est encore un point dans la note de von Lendenfeld qu'il me paraît utile de relever ici. Cet auteur considère comme probable que le filament urticant est clos à son extrémité, et semble, par suite, estimer que le nématocyste ne saurait inoculer que le liquide ren- fermé avant l'explosion dans la cavité même du lil invaginé, et qui se trouve, au moment où ce fil se déroule, porté à sa surface exté- rieure. Si l'on devait accepter cette opinion, le liquide venimeux ne serait qu'en quantité absolument insignifiante, et l'on ne comprendrait guère que, dans le brusque déroulement du fil, il ne soit point lavé de sa surface. En outre, le liquide qui remplit la capsule et qui, en transmettant la pression du manteau protoplasmique, détermine l'explosion, n'aurait-il donc que cet usage? Nussbaum, clans le tra- vail cité plus haut, dit bien avoir observé (chez l'hydre) l'ouverture du filament; mais il a l'air de la considérer comme toujours due à une rupture. Je serais très porté à croire qu'en réalité cette ouver- ture terminale du fd se produit pendant le développement du néma- tocyste. Cela expliquerait fort bien la présence du liquide dans la capsule, qui ne peut être produit que par la cellule, qui augmente certainement de quantité à mesure que l'appareil urticant se déve- loppe, et qui ne saurait certainement non plus passer à travers les parois épaisses de la capsule. Il doit être fort difficile, sinon impos- sible, de constater cette ouverture, si elle existe réellement, sur le filament encore invaginé, et j'avoue n'y avoir pas réussi. Mais il est ANIMAUX INFÉRIEURS DE LÀ BAIE D'ALGER. 123 certain que, si elle existe, elle ne saurait être, vu SOU ÔtroitesgQ, un obstacle au déroulement du (il. L'action est du reste si brusque, que tout doit se passer comme si le filament était absolument clos. Seu- lement, môme sans rupture, l'arme est toute prête à inoculer toute la quantité de liquide contenu dans la vésicule, et l'on comprend beaucoup mieux que dans l'hypothèse de Lendenfeld toute l'éncrgio de son action. En tout cas, lorsqu'on traite par l'acide osmique trè dilué un Tétraptère placé sur une lame de verre et sans aucun autro corps à proximité, la plupart des nématocystes, en éclatant, ne ren- contrent aucun obstacle; et cependant, à de forts grossissements, on constate très nettement l'ouverture terminale des fils. On voit alors fort souvent, en regard de leur pointe, de fines granulations brune-, comme si le liquide sorti par elle avait éprouvé un certain degré de coagulation par l'action du réactif. La figure 18, dessinée à la chambre claire à une échelle triple de la dimension à laquelle elle se trouve portée sur la planche VII, me semble tout à fait démonstrative ; et si l'ouverture n'était point fermée avant l'explosion, il faudrait sup- poser que la pression intérieure suffit à la déterminer ; ce qui serait ajouter une difficulté de plus à celle qu'il y aurait à expliquer la pré- sence du liquide dans la capsule. Sur cette figure 18, on voit aussi que, chez le Tétraptère, le fil est absolument dépourvu des pointes ou crochets qu'il présente si fréquemment à sa base chez d'autres Cœlentérés. La figure 17 montre la longueur extraordinaire de ces fils, longueur qui avait déjà frappé les observateurs précédents. Lendenfeld dit que la longueur du fil est en moyenne vingt fois le diamètre de la capsule. On voit qu'ici elle est plus de trois fois plus considérable, et je ne pense pas, du reste, qu'on puisse établir de règle à cet égard. Sur toute la surface extérieure du corps, l'ectodermc est composé des éléments dont nous venons de parler; mais, dans la région où les quatre arcs-boutauts se séparent de la partie médiane, les ném.i- tocystesfont absolument défaut à la face interne des bourrelets angulaires ainsi détachés, ainsi que sur la ligne correspondante «lu IM CAMILLE VIGUIER. corps. Les cellules épithéliales sonl ici très réduites de volume j ce qUi paii que l'ectoderme de la race interne des arcs-boutants pré- sente une épaisseur quatre ou cinq fois moindre que celui du milieu de leur face extérieure fig. 11-42). Sur le corps, ces petites cellules se montrent en plusieurs couches ; leur forme devient à peu près sphéroïdale, le corps cellulaire est très réduit, tandis que le noyau, qui présente un nucléole tort distinct, maintient à peu près son volume. Ce sonl ces cellules sphéroïdales qui se continuent à travers l'orifice de la gaine cuticulaire, et sans ligne de démarcation, dans toute l'étendue des cordons cellulaires que Clans a désignés, comme je le dirais plus haut, sous le nom de cordons génitaux; et que, pour ne rien préjuger, je nommerai simplement les cordons ectodermi- ques. Je considère, néanmoins, son opinion comme tout à fait vrai- semblable; mais, comme tous les sujets examinés, tant par moi que par mes devanciers, nous ont montré ces cordons à peu près au même état de développement, et sans différenciation de leur con- tenu, il me parait mieux de ne pas trancher absolument la ques- tion. Sur la ligure 9 de Clans, les quatre arcs-boutants sont presque entièrement détachés, mais pourtant encore réunis au corps par l'ectoderme. L'auteur ne semble pas, du reste, avoir reconnu leur séparation complète, souvent en effet fort difficile à vérifier. Mais il y a bien, en réalité, formation d'un orifice comme celui que montre la figure 43; et, sur un court espace, ces arcs sont complètement isolés du corps, comme on le voit sur les figures 28, il et 42. L'ectoderme présente encore, à la face supérieure et surtout à la face inférieure des ailes, des caractères particuliers sur lesquels il faut s'arrêter un moment. A la face supérieure, l'épilhélium, assez épais au niveau de l'insertion du pédoncule de l'aile, diminue rapi- dement de hauteur, et ses cellules aplaties présentent une imbri- cation que l'on voit bien sur la figure 44, et que l'on peut suivre jusque vers le milieu de l'aile, où elles deviennent tout à fait lamel- leuses. ANIMAUX INFÉRIEURS DE LA BAIE D'ALGER. 125 A la face inférieure, les cellules ectodermiques offrent un aspect remarquable, que l'on voit fort bien sur les figures 40-42, 44 et 47. Ces hautes cellules, qui présentent un beau noyau, ordinairement placé près de leur face libre, forment à la face inférieure du pédon- cule de l'aile une couche qui ne tarde pas à se diviser en deux moitiés correspondantes aux deux moitiés de l'aile, et dans l'inter- valle desquelles répithélium présente beaucoup moins de hauteur. Ces grosses cellules sont évidemment les cellules motrices de l'aile; et c'est à leurs contractions (pie sont dus les mouvements de l'organe; mais, malgré tous mes efforts, il m'a été impossible de reconnaître à leur face profonde des fibres différenciées, comme celles (pie Claus dit avoir vues. Cet auteur a, sans nul doute, commis ici le môme genre d'erreur que Krohn avait commis pour la surface du corps, et qu'il avait, à ce propos, justement critiqué. Les stries brillantes que l'on observe assez souvent sur les coupes et qui se colorent vivement par le carmin ne sont autre chose, à mon avis, que les petites crêtes queprésente, à sa face inférieure, la lamelle inférieure de soutien de l'aile, lamelle qui est parfois comme feuilletée. Klles ne présentent aucunement l'apparence finement granuleuse des cellules ; et jamais on n'en voit d'entraînées par ces cellules qui sont, très fréquemment, plus ou moins déplacées sur les coupes. Du reste, Claus a si mal vu cette région qu'il n'a reconnu ni le feuillet entodermique, ni cette lamelle de soutien inférieure, et croit que les grosses cellules sont appliquées immédiatement en dessous de l'épaisse lamelle supé- rieure. Les contractions brusques des ailes sont donc, de même que les mouvements si étendus et si variés du corps, exclusivement produits par des cellules sans formations fibrillaires. Ces grosses cellules diminuent rapidement d'épaisseur à partir du milieu de l'aile ; et l'épithélium présente bientôt à peu près les mêmes caractères à la face inférieure qu'à la face supérieure. An delà du bord de la grosse lamelle de soutien, les deux plans de cel- lules s'accolent intimement, comme on le voit sur la figure 48, et le bord libre de l'aile est formé par quelques cellules plus épaisses, I2t CAMILLE ViGUIER. disposées sur un seul plan, et dont la coniractililé détermine le plissement de ce bord, comme nous l'avons dit plus haut. Pour en finir avec notre description de l'ectoderme, il nous faut maintenant parler des organes sensoriels des ailes, organes qui ont si vivement attiré l'attention de tous les observateurs. Ainsi que nous l'avons dit précédemment, la face supérieure des ailes présente, au milieu de chaque lobe, une saillie arrondie en forme de calotte sphérique. A ce niveau, la lamelle supérieure du soutien existe seule ; et, comme on le voit sur la figure 48, elle est soulevée en forme de coupe renversée, ordinairement perforée au sommet. La cavité de cette sorte de coupe est remplie de cellules à parois épaisses ; et, vers le milieu, elles se continuent avec un petit sac allongé qui pend librement à la face inférieure de l'aile (tig. 8). Ce sac est formé de cellules d'inégale épaisseur, celles du côté extérieur étant beaucoup moins hautes (fig. 8, 42 et 48). Au point où cette paroi amincie se continue avec les cellules de la coupe, par conséquent en haut de la paroi extérieure de la petite poche cellulaire, est attachée, par un court pédicule, une petite sphère cellulaire, librement suspendue dans la poche, qu'elle est loin de remplir. Cette sphère, que l'on voit fort bien sur la figure 8, et surtout sur la figure 9, se trouve déjà décrite dans ma première note sur le Tétraptère. Les cellules qui la composent, épaisses du côté où se trouve le petit pédicule d'insertion, sont beaucoup moins hautes de l'autre côté, en sorte qu'elles laissent un vide cen- tral, en partie occupé par la tige d'un corps réfringent en forme de champignon parfois un peu irrégulier. La portion principale du corps réfringent est donc tournée en dedans, et non en dehors comme le dit Glaus, dont la figure 1 est à cet égard plus exacte que le texte. La surface convexe du chapeau du champignon semble faire partie de la surface de la petite sphère cellulaire; mais elle est évidem- ment recouverte d'une mince enveloppe, peut être formée de cel- lules très aplaties, mais qu'il m'a été impossible de distinguer. Cette enveloppe brunit fortement lorsqu'on traite la préparation ANIMAUX INFÉRIEURS DE LA BAIE D'ALGER. 127 par l'acide acétique, et protège assez longtemps le corps calcaire contre l'action du réactif pour que j'aie cru devoir, dans ma pre- mière note, faire des réserves au sujet de sa nature. Par ce carac- tère, comme par la double réfraction que présentent ces corpus- cules calcaires, les organes sensoriels du Tétraptère se rapprochent de ceux des Acraspôdes et des Cténophores, et s'éloignent de ceux des Vésiculates et des Trachyméduscs, dont les otolithes se dissui- vent aisément dans les acides dilués. Du reste, le champignon calcaire du Tétraptère ne se montre point comme une concrétion simple. Traité par un acide énergique, on le voit, au lieu de fondre régulièrement, se diviser d'abord en une masse de petits cristaux rayonnants (fig. 11), et la complexité de sa structure peut même parfois s'entrevoir sans l'aide de réac- tifs (tig. 10). Sur les sujets préparés à l'acide picrosulfurique, il a entièrement disparu, et la petite sphère celluleuse s'est contractée comme on le voit sur les figures 42 et 48. A quoi faut-il comparer ces organes sensoriels ? Il est certain qu'au premier coup d'oeil ils font penser aux corps marginaux des Méduses. Busch, qui n'avait même pas reconnu son animal pour un Cœlentéré, ne dit rien à leur sujet, bien que les ayant grossièrement indiqués ; mais Krohn s'exprime fort nettement à cet égard. Il est vrai que cet auteur ne les a pas examinés d'une manière bien satisfaisante, même pour lui, puisqu'il dit que le corps réfringent, qu'il appelle otolithenartùje Kern, parait avoir la forme d'un prisme court, irrégulièrement hexagonal. Il croit, du reste, que l'organe est situé tout à fait superficiellement près de la face externe (c'est-à-dire supérieure de l'aile). Glaus s'exprime aussi avec une certaine réserve sur leur compte : Soweit ich dieselben iris Détail verfolgen konnte, etc. Il les a poin- tant rencontrés dans ses coupes, et en donne en outre, à part, deux figures, sur lesquelles on peut très bien constater l'inégalité d'épais- seur des parois de la poche ; mais il figure Yotolithe comme hexa- gonal, et dit qu'il est situé du côté externe de la petite sphère cel- I js CAMILLE VIGU1EK. lulaire ; il a sans doute été trompé par sa coupe (fig. 8), où l'organe se trouve renverse" par le reploiement de l'aile, comme sur ma coupe 12. La position représentée sur sa figure \ est beaucoup plus exacte. On sait que les corps marginaux munis de concrétions calcaires se présentent sous trois types bien différents : chez les Méduses craspédotes, dites Vésiculates, chez les Trachyméduscs, et chez les Acraspèdes. Il est évident que l'on ne saurait tenter utilement une comparaison des organes sensoriels du Tétraptère, ni avec ceux des Vésiculates, où les corpuscules calcaires sont toujours fixés sur la paroi de la petite vésicule qui les renferme, ni avec ceux des Acalèphes, où la petite massue cellulaire, qui porte les concrétions, bien que plus ou moins abritée, n'est jamais enclose dans une poche fermée, et contient, en outre, dans son pédicule, un diverti- eulum de la cavité générale. Restent les Trachyméduses, qui présentent en effet, au premier abord, une assez grande analogie. Aussi, est-ce aux corps margi- naux d'une Trachynémijdc, le Rhopalonema velalwn, que Claus croit pouvoir comparer les organes sensoriels du Tétraptère; et c'est sans doute là-dessus que s'appuie aussi Hseckcl, pour dire que notre animal est peut-être une larve de Narcoméduse. Examinons cependant la question d'un peu plus près. Les corps réfringents des Vésiculates ne présentent pas le phéno- mène de la double réfraction, que l'on constate chez les Acalèphes, les Gténophores et le Tétraptère. Je n'ai pu examiner à cet égard ceux des Trachynémides ; mais il y a tout lieu de croire qu'ils se comportent de même que ceux des Vésiculates, comme cela a lieu aussi en présence des acides. Lorsqu'on traite, par un acide même très dilué, les concrétions d'uni' Vésiculate (et nous savons par les llcrtwig qu'il en est de même pour celles des Trachynémides et des ^ginides), on les voit fondre rapidement en diminuant de volume, mais demeurant jus- qu'au bout parfaitement claires. ANIMAUX INFÉRIEURS DE LA BAIE D'ALGER. 129 Au contraire, les sphères à cristaux des Acalèphes et des Cténo- phores brunissent, et résistent longtemps à l'action du réactif; et la concrétion du Tétraptère, à la phase d'attaque représentée figure 11 , présente un aspect tout à fait semblable. Voilà, outre ce que je disais plus haut de la forme même du pré- tendu otolithc, de quoi le différencier nettement de celui du Rho- palonema. Quant à la forme générale de l'organe, elle ne me semble pas davantage permettre une assimilation. Les corps marginaux de cette Méduse se trouvent représentés, à diverses phases de leur évolution, sur la planche III du grand travail de 0. et R. Hertwig1. On y voit que la petite massue celluleuse, qui porte la concrétion, pend d'abord librement; puis, qu'il se forme, tout autour, un repli qui s'élève peu à peu et finit par se clore, en enfermant la massue dans une petite poche. Claus croit avoir vu la poche du Tétraptère présenter aussi un petit orifice chez les sujets jeunes. Je n'ai, pour mon compte, jamais rien aperçu de tel ; mais ce qui est plus impor- tant : 1° la sphère celluleuse du Tétraptère ne pend pas du fond de la poche, mais est attachée sur l'un des côtés. Si donc l'on compare les cellules de la coupe au coussinet auditif (Hôrpolster, Hertwig), le pédicule de la massue cellulaire ne part pas du centre de ce cous- sinet, mais occupe une position absolument excentrique ; 2° les parois de la poche ne sont pas formées de deux assises de cellules, séparées par une lamelle comme on le voit sur la figure 12 d'Hertwig; mais, comme l'a représenté Claus, d'une seule assise de cellules trois ou quatre fois plus épaisses du côté interne que du côté externe. Ces cellules sont parfois disposées un peu irrégulièrement sur les coupes, mais il ne m'a jamais été possible de distinguer deux plans ; 3° je n'ai jamais rien vu d'analogue aux longs poils auditifs que portent les cellules de la massue du Rhopaloncma ; il n'en existe pas non plus, à ma connaissance, sur les cellules de la coupe ni sur les 1 Das Nervensystem und die Sinnesorganes der Medusen, Leipzig, 1878. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 2e SÉIUE. — T. VIII. 1890. 130 CAMILLE V1GU1ER. parois de la pocho; cL Claus non pins n'a rien porté de Ici sur sa ligure •'!; 4" enfin, l'observation attentive de la petite sphère, soit sur le vivant, soit sur les coupes, ne permet de reconnaître ni la por- tion axiale de la massue des Rhopalonema, ni la mince gaine qui enveloppe cette partie et va se fixer à la face la plus voisine de la lamelle de soutien. Les figures de Claus sont, à cet égard, aussi dé- monstratives que les miennes. 11 faut encore remarquer que cette portion axiale est considérée, par les auteurs qui se sont occupés du sujet, comme de nature entodermique, et que, chez le Tétraptère, l'entoderme paraît s'arrêter assez loin de l'endroit où se trouvent les organes sensoriels. Cette objection aurait dû paraître encore bien plus sérieuse à Claus, qui avait absolument méconnu la péné- tration de l'entoderme dans les ailes. Quoi qu'il en soit, les différences me semblent assez importantes pour que l'on ne puisse invoquer des considérations de cet ordre dans la discussion des affinités zoologiques. L'absence des longs poils si caractéristique des organes dits auditifs rend assez difficile l'interprétation comme tels des organes sensoriels du Tétraptère. D'autre part, la forme assez régulière du champignon calcaire lui permettrait, dans une certaine mesure, d'agir comme une sorte de lentille cristallinienne. Mais il faut bien observer que l'absence complète de pigment rend fort problématique l'interprétation des organes comme visuels. Pas plus que Claus, je n'ai pu arriver à découvrir des cellules nerveuses ou sensorielles dans l'organe en question; mais il est à supposer néanmoins que c'est là que se trouve le centre excitateur des battements de l'aile. L'analogie avec ce qui existe chez les Méduses nous porterait déjà à le croire; et cette opinion se trouve confirmée par l'observation déjà citée de Krohn, qui dit avoir vu une aile continuer à battre après qu'il l'eut séparée du corps par un coup de ciseaux. Quant à la phosphorescence que je signalais en 1885, et qui évi- ANIMAUX INFÉRIEURS DE LA BAIE D'ALGER. 131 demment, d'après ce que je viens de dire, ne saurait être attribuée au corps réfringent lui-môme, j'ai maintes fois cherché à la revoir, sans jamais pouvoir la constater de nouveau. Gomme mon obser- vation avait été faite avec soin, je dois supposer que le phénomène était dû à un commencement de décomposition des cellules de la petite sphère, et que le corps réfringent ne faisait que mettre en valeur la lumière ainsi produite. Entoderme. — Les cellules entodermiques, bien décrites par Claus, sont généralement fort grandes. Elles possèdent un beau noyau nucléole, ordinairement appliqué contre la lamelle de sou- tien et fort souvent exactement en regard de celui de la cellule voi- sine. De ce noyau, enveloppé d'une mince gaine protoplasmique, partent des traînées de même nature qui s'anastomosent de ma- nière à former un élégant réseau et vont se terminer à la couche, fort mince également, qui revêt la paroi interne de la cellule. La cavité de la cellule est donc presque entièrement remplie par un suc cellulaire clair. La figure 19 représente, vue sur le frais, à travers l'ectoderme et la lamelle de soutien, la face adhérente à cette lamelle d'une des cellules entodermiques et d'une partie de la cellule voisine. Sur la planche IX, et principalement sur la ligure 37, ces cellules se voient fort bien en coupe; mais les traînées protoplasmiques se sont rompues pour la plupart. Dans les mailles formées par ces traînées, on observe assez fréquemment, sur le frais, de petits amas de cristaux que Claus a désignés comme des produits d'excrétion urinaire. On en voit un groupe, figure 54. Les cristaux tabulaires ont tout à fait les caractères de l'acide urique, et les cristaux aciculaires doivent sans doute être formés par quelque urate. Enfin, quelques cellules éparses de la moitié aborale du corps présentent un caractère qui se retrouve, beaucoup plus accentué, dans la moitié orale, surtout vers la partie inférieure de cette ré- gion. On voit, sur les figures 45 et 46, que la moitié environ des cellules ont, en cet endroit, leur extrémité libre remplie d'une [St CAMILLE VIGU1ER. ma lion- probablement albumineuse, qui se colore très fortement par le picrocarmin, et que Claus regardait comme produite par la résorption des aliments digérés. Les cellules en question diffèrent des cellules entodermiques ordinaires, avec lesquelles elles alternent assez régulièrement dans la moitié inférieure de la pyramide orale, en ce que ces dernières ont, ainsi que je le disais tout à l'heure, leur noyau (enveloppé d'une portion du protoplasma) situé fort près de la lamelle de soutien, tandis que les autres, qui paraissent se terminer en pointe du côté de cette lamelle, ont leur noyau, deux ou trois fois plus petit, tout près de la surface libre de l'entoderme, à la limite de l'amas gra- nuleux dont je parlais plus haut, et qui se montre bien plus volu- mineux que l'enveloppe protoplasmique du noyau des cellules ordinaires. Bien que l'opinion de Claus soit assez probable, c'est pourtant le lieu de remarquer que, sur le très grand nombre d'animaux observés, je n'en ai jamais vu un seul qui contînt dans sa cavité digestive la moindre parcelle de substance étrangère. Ainsi que les Cténophores Eurystomes, le Tétraptère est absolument dépourvu de tout organe de préhension ; et comme, chez lui, la bouche est tournée en arrière pendant les mouvements de natation et de reptation, on voit que notre animal est, à cet égard, dans des con- ditions tellement défavorables, que l'on pourrait se demander s'il s'alimente sous cette forme. Dans ce cas, l'apport des particules nutritives serait sans doute attribuable au mouvement vibratile, que l'on voit encore plus actif autour de la bouche que sur le reste du corps, et qui est dû sans doute aux cellules entodermiques, ordinairement saillantes en ce point, comme on le voit sur la figure 45. L'épithélium entodermique est normalement formé d'une seule assise de cellules, parfois très hautes; mais leur obliquité ferait souvent croire à l'existence de plusieurs couches, surtout dans la région buccale (fig. 45 et 46). Les cellules deviennent au contraire ANIMAUX INFÉRIEURS DE LA BAIE D'ALGER. 133 très courtes et petites dans les quatre canaux dérivés, et surtout autour des cordons ectodermiques. La cavité limitée par l'épithélium entodermique est fort compli- quée. 11 est d'autant moins surprenant qu'elle n'ait point été bien décrite jusqu'ici que, sur le vivant, et sur un très grand nombre de préparations, il est impossible de la constater. Ainsi que je le disais tout à l'heure, on n'y trouve jamais d'ingesta; et les surfaces oppo- sées viennent d'ordinaire s'appuyer les unes contre les autres, de manière à réduire les ouvertures à de simples fentes, comme on le voit dans la portion médiane de la figure 8 de Claus. Ce sont prin- cipalement les sujets tués par le sublimé bouillant qui m'ont permis de constater, avec une certitude absolue, ce que l'on voit sur les planches VIII et IX. En partant du pôle aboral, les coupes transversales montrent d'abord une étroite ouverture circulaire (fig. 20), qui ne tarde pas à prendre la forme d'un quadrilatère, à côtés formés par des arcs à convexité interne, et dont les coins se trouvent dans les plans dia- gonaux (fig. 21). Un peu au-dessous, les angles de cette ouverture se prolongent presque jusqu'à la rencontre de la lamelle de soutien ; et, comme il s'est formé quatre fentes alternant avec les premières, on a une ouverture étoilée, limitée par huit coins entodermiques (fig. 22). C'est dans ces coins, ou bourrelets entodermiques, que sont logés les huit cordons cellulaires provenant de la bifurcation des quatre cordons ectodermiques dont nous avons vu l'origine. La figure 23 montre que, dans la région où ces huit cordons sont bien séparés, les branches de la fente étoilée se comportent déjà diffé- remment dans les plans droits et dans les plans diagonaux. Dans ces derniers, en effet, la lumière des fentes s'élargit fortement vers la périphérie ; et, lorsque les cordons se sont réunis deux à deux dans les plans diagonaux, on trouve, en dehors d'eux (fig. 24), quatre canaux, dérivés de la cavité principale, et qui ont, dans cette région, absolument échappé à Claus. 11 ne reste plus, au milieu des coupes, Ktl CAMILLE VIGUIER. qtl'une fento crucirormc, qu'il avait assez bien représentée sur sa figure 9. Comme on le voit sur les figures 25 h 31, les cinq ouvertures, ou canaux, gardent exactement la même disposition dans toute la région médiane du corps. Au-dessous, dans la région où les cordons eolodcrmiques se sont de nouveau bifurques, les quatre canaux dérivés so rouvrent dans la cavité centrale, de la môme manière qu'à leur extrémité supérieure, c'est-à-dire par une fente entre les deux branches d'un même cordon (fîg. 32). Mais la cavité ne prend pas pour cela une forme d'étoile à huit branches, comme dans la moitié aborale du corps; et les branches en regard de deux cordons voisins sont réunies dans un même coin entodermique, qui se con- tinue au-dessous d'eux jusqu'à la bouche. La lumière de la cavité, dans toute la région orale, est donc une fente cruciforme, dont les branches sont dirigées dans les plans diagonaux. Suivant le plus ou moins de contraction des cellules qui la limi- tent, cette ouverture, ainsi, du reste, que l'ouverture cruciforme médiane de la région moyenne du corps, peut prendre une forme presque carrée; mais, d'ordinaire, elle est réduite à une fente fort étroite. Pour terminer la description de l'entoderme, il ne reste plus qu'à parler du feuillet moyen de l'aile. Celui-ci est formé de cellules d'un caractère un peu différent, dont le noyau est généralement à peu près central (fîg. 40, 42, 44 et 47). De môme que dans les autres cellules de l'entoderme, l'enveloppe protoplasmique du noyau émet des prolongements étoiles, plus faciles à voir ici que les limites mêmes des cellules; mais cependant beaucoup trop accentués par l'artiste qui a gravé la planche IX. D'après ce que nous avons dit plus haut de la disposition des deux lamelles de soutien de l'aile, on com- prend que les cellules de cette couche entodermique soient plus épaisses sur les côtés que sur la ligne médiane, ainsi que le montre la coupe frontale (fîg. 47). Ce pédicule ontodermique de l'aile, qui avait été entièrement ANIMAUX INFÉRIEURS DE LA BAIE D'ALGER. 135 méconnu parClaus, présente une importance physiologique consi- dérable. C'est, en effet, à lui que lien au point de vue de la con- ennl.inee phylogéniqllc et ontogénique qu'au point de vue des conditions mécaniques dans lesquelles se trouvent l'œuf et l'em- bryon, et nous ne rencontrons plus ces difficultés qui frappaient encore Cunningham (13), il y a peu de temps, quand il voulait rap- procher d'une vraie gastrulation l'invagination de la paroi intestinale dorsale, aussi bien chez les Élasmobranches que chez les Amphi- biens. «11 y a, dit-il, encore une grande obscurité sur l'histoire des changements successifs dans le développement de l'embryon, par lesquels l'invagination, dans les deux types mentionnés, a dérivé de l'invagination primitive d'une gastrula typique. » Le savant anglais trouvai l la comparaison difficile entre les deux invaginations, avec d'autant plus de raison que la première n'existe pas. Arrivons maintenant au dernier point qui doit nous occuper, à savoir : la formation de la chorde dorsale. Chez les Ampbibiens, la question a été très controversée, et elle se lie d'ailleurs un peu à celle de la gastrula. Nous avons bien montré que, dès le stade (3, le mésoblaste existe presque tout autour de l'embryon et qu'il se dé- veloppe d'abord sur l'axe dorsal. Il n'abandonne jamais cet axe dorsal, et c'est dans cette portion du troisième feuillet que s'orga- nise la chorde. C'est bien ce que d'abord avait dit Gôtte (31). Attaqué par Cal- bei la (12), qui attribuait à la chorde une origine hypoblastique, à savoir : une dérivation de cette partie de l'hypoblaste, qui, suivant l'idée régnante, proviendrait de l'épiblaste, il défendit énergique- ment sa manière de voir. Calberla avait étudié des stades trop avaneés ; de là son erreur. Schultze (60) a récemment démontré, satifc réplique p"— ible, la vérité de l'idée de Gôtte. Sur l'Axolotl, je suis à même de constater identiquement les mêmes faits. Je crois ÉTUDES D'EMBRYOLOGIE SUR LES VERTÉBRÉS. 179 bien que Scott et Osborn (63), qui l'ont dériver, chez le Triton, la chorde de l'hypoblaste, sont tombés dans la même erreur que Gal- berla et pour la même raison. Lassés de ces discussions, beaucoup d'cmbryologistes arrivent à ne plus leur accorder qu'un médiocre intérêt, et pourtant elles en ont. C'est en admettant que le mésoblaste n'existait {tas sur la ligne médiane dorsale que Hertwig (33) a été amené à établir sa singulière tbéorie de la gastrula existant, chez les Batraciens, seulement sur la ligne médiane. L'étude dé l'Axolotl confirme donc tout ce qui a été dit par Gotte et Schultze, à propos des Anoures. Je ne décris pas à nouveau les faits, et je renvoie seulement à mes ligures pour établir la concor- dance avec leurs données (pi. XI, fig. 22,24, 2S et 20; pi. XII, fig. 31, 32, 36 et 40). Ces phénomènes sont si nets chez les Amphibiens qu'ils ne permettent aucune espèce de doute. Il y a même des stades tardifs (s) où l'on voit déjà, dans la région du tronc, la chorde orga- nisée et les plaques latérales divisées en myotomes, tandis que, dans les deux extrémités céphaliques et caudales, le mésoblaste forme encore une seule lame continue et indivise* aussi bien longi- tudinalement que transversalement. Assurément, rien ne s'oppose à ce que la chorde s'organise directement aux dépens de l'hypo- blaste ; mais alors elle doit le taire en même temps que les plaques latérales, comme cela arrive pour l'Amphioxus, et non longtemps après, comme l'ont cru Calberla et Hertwig. L'idée de l'organisation directe aux dépens de l'hypoblaste est encore tellement en faveur, que H. Orr (51) n'a pas su s'en dégager à propos de l'Amblystome, où les faits doivent être aussi nets que sur les embryons d'Axolotl. « Directement au-dessous de la gout- tière médullaire, dit-il, il y a un pli longitudinal dans l'hypoblaste. La partie dorsale de ce pli hypoblastique touche l'épi blaStË le long de la ligne médiane, et la portion adjacente à L'épiblaste est celle qui, plus tard, forme la uotocborde. De chaque côté du pli 176 FRÉDÉRIC IIOUSSAY. hypoblastique, et en apparence fondues avec lui1, s'étendent les deux couches du mésoblaste. » D'abord H. Orr envisage un stade trop âgé, puisque la gouttière médullaire existe déjà. C'est la formation de la ligne primitive qui lui a l'ait méconnaître le passage du mésoblaste, sans discontinuité, sur la ligne dorsale ; son repli hypoblastique n'est pas seulement apparenlly fused loith (le mésoblaste), c'est le mésoblaste lui-même. Au stade dont il parle, il existe effectivement dans l'hypoblaste une sorte de gouttière évaginée de l'intestin (pi. XII, fig. 40) ; mais elle est due au pincement produit par les bourrelets médullaires, et n'a rien à voir avec la chorde dont les matériaux existent bien avant qu'elle apparaisse. A la suite du travail de Gôtte (31), il paraissait acquis que, chez les Anoures, le blastopore était enclos dans la gouttière nerveuse pour former un canal neurentérique, et qu'il se produisait un anus définitif secondaire. La question est remise en litige, sinon tranchée dans le sens contraire, par les recherches de Spencer (66). Quant aux Urodèles, les observations les plus récentes tendent à prouver que le blastopore devient l'anus, malgré les opinions anté- rieures émises par Glarke 2 (Amblystome), par van Bambecke (67) (Axolotl), par Scott et Osborn (63) (Triton), qui, tous, croient le blas- topore fermé d'assez bonne heure. Miss A. Johnson (41) a, la première, montré que, chez le Triton, le blastopore persiste comme anus ; et le même fait fut établi, chez l'Axolotl, par Houssay et Bataillon (37). Quand il est devenu très petit et que, à la loupe, il semble avoir disparu, on le retrouve en- core, avec la plus grande évidence, sur toutes les coupes horizontales ou longitudinales (pi. XIII, fig. 55). 11 n'y a jamais de canal neurentérique, à proprement parler. Quant à interpréter la ligne primitive dans la région voisine du blas- topore comme le représentant plein de ce canal, ainsi que le pro- 1 Les italiques ne sont pas dans le texte anglais. 8 Sludiesfrom Zoological Laboratory of John' s Hopkins University (1880). ETUDES D'EMBRYOLOGIE SUR LES VERTÉBRÉS. 177 posent misses A. Johnson et L. Sheldon (42), ceci me paraît absolu- ment inutile. Comment peut-il y avoir canal neurentérique, sans enclosion du blastopore? Et pourquoi rechercher les traces d'une chose qui, par sa définition môme, n'a pas pu exister dans ce cas? La ligne primitive a la même signification d'un bout à l'autre de l'embryon. Au demeurant, l'enclosion du blastopore par les replis médullaires ne me semble pas du tout un phénomène primitif. Bien qu'il soit peut-être le plus répandu chez les Vertébrés, c'est ren- verser les choses de le considérer comme typique, puisqu'il néces- site une formation de plus : celle de l'anus définitif. Le cas le plus simple, et qui me paraît primitif, est celui où le blastopore persiste et fonctionne comme anus, sans production supplémentaire. Ce cordon plein pourrait tout au plus être homologué à la communi- cation signalée par Durham (24), et aussi par Sidebotham (65), chez les Anoures. — Cette communication s'établit entre le tube nerveux et le canal digestif, sans que le blastopore soit enclos, et je ne sais pas jusqu'à quel point elle représente un canal neurentérique. Donc, pour résumer brièvement les principaux résultats de cette étude : 1° L'œuf des Batraciens possède une coquille et, par suite, ren- ferme des matériaux nutritifs denses ; il est très gros et, comme ré- sultat, sa segmentation est inégale ; 2° Il n'y a pas de pôles déterminés à l'avance ; 3° Il n'y a pas épibolie ; autrement dit, l'épiblaste ne provient pas des quatre cellules supérieures initiales, mais de toutes les cellules périphériques; 4° Le pigment et la grosseur des granules ne peuvent jamais ca- ractériser des éléments; 5° Il existe une gastrula au stade a seulement; plus tard, on ne la retrouve plus, l'embryon étant devenu un organisme à trois feuil- lets. Les phénomènes suivants sont sans rapport avec elle ; 6° Il n'y a pas d'hypoblaste d'invagination, c'est-à-dire la paroi dorsale de l'intestin ne vient pas du dehors, mais s'organise sur place ; ARCII. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 2« SÉRIE. — T. VIII. 1890. 12 178 FRÉDÉRIC HOUSSAY. 7» La multiplication des cellules de celle paroi et leur différen- ciation précoce sont le résultat de la diminution de pression, causée par la multiplication de l'épiblaste dorsal, qui se prépare à donner le système nerveux. La même cause n'existant pas du côté ventral et latéral ne peut avoir de résultat; de là la différence entre les parois dorsale cl ventrale de l'intestin; H5 La multiplication des éléments de la paroi dorsale de l'intestin a pour effet de former une lame qui s'incurve, en laissant au-dessous d'elle un vide, « l'intestin », et en s' accolant dorsalement aux deux autres feuillets (ligne primitive); 9° La courbure de la paroi dorsale de l'intestin a pour conséquence celle du blastoporc, qui devient d'abord semi-lunaire, puis circu- laire ; 10° La notochorde dérive du mésoblaste ; il0 Le blastopore est persistant et devient l'anus définitif. H ORIGINE ET DÉVELOPPEMENT DU SYSTÈME NERVEUX PÉRIPHÉRIQUE. Nos connaissances sur le début du système nerveux périphérique étaient, jusqu'à ces dernières années, entièrement tirées des études de His, Marshall, Gotte, Spencer, Balfour. Leurs travaux sont trop connus pour qu'il soit utile de les analyser à nouveau; il suffira, pour préciser les modifications qu'il convient d'apporter à leurs conceptions, d'en parler quand l'occasion se présentera. Je n'insis- terai pas davantage sur les recherches deBedot (9) et deBéraneck (10), dans lesquelles il est question d'embryons beaucoup plus âgés que ceux où il est possible de saisir le début des phénomènes. Au reste, la partie bibliographique n'a pas varié depuis le travail de Beard sur la question, très récemment publié; on y trouvera, si on le désire, un complément d'informations. 11 a établi d'une manière très nette et que j'adopte complètement la naissance des racines dorsales ÉTUDES D'EMBRYOLOGIE SUR LES VERTÉBRÉS. 179 par séparation de l'épiblaslc, qu'il s'agisse des nerfs crâniens ou spinaux. Entre ces deux sortes de nerfs existe une différence qu'il fait ressortir. Les premiers, après leur sortie del'épiblaste, viennent s'y souder de nouveau par leur extrémité et lui emprunter une se- conde fois un supplément de matériaux, à savoir : leur ganglion et leurs branches distales. Les nerfs spinaux, au contraire, une fois séparés de la périphérie n'y reviennent plus, et ne lui font pas le second emprunt dont il a été question plus haut. Beard (7) a étudié les Élasmobranches et les Oiseaux qui lui ont fourni des résultats identiques. Il les applique aux Batraciens, mais d'une façon un peu rapide ; il reconnaît avoir fait erreur dans une précédente étude, en adoptant la manière de voir de Spencer, au sujet de la Grenouille. Ces deux auteurs pensaient que la racine dorsale du nerf crânien était clivée de l'épiblastc, sur toute sa lon- gueur, et d'un seul coup, depuis le sommet du cerveau jusqu'au delà du ganglion ; et ce mode de développement leur semblait devoi être considéré comme primitif pour les Vertébrés. Beard, après véri- fication, trouve cette conception erronée et voit chez la Grenouille la même suite de phénomènes que chez les Élasmobranches. Tout en acceptant, dans l'ensemble, les résultats de son travail, je crois utile, relativement aux Batraciens, de préciser particulière- ment les débuts des racines dorsales, eu égard à la complication spéciale de l'épiblaste dans ce groupe de Vertébrés. Je veux aussi montrer la genèse des ganglions, ce qu'il n'a jamais fait, se bornant toujours à parler d'un épaississement épiblastique préexistant. J'ai pu suivre cet épaississement épiblastique, d'abord sous la forme de deux bandes insegmentées, qui se divisent ensuite, en rapport avec les progrès de la métaméiïe du système nerveux central, du mésoblaste et de l'hypoblaste céphaliques. Je ne pourrai, à ce propos, suivre Beard jusqu'aux limites de ses critiques contre le Zivischenstrang de His. Bref, sans contester aucun des faits avancés dans son remarquable mémoire, et dont je reconnais la parfaite exactitude, je panse eu 180 FRÉDÉRIC IIOUSSAY. ajouter de nouveaux tout aussi exacts, el tirer de l'ensemble des in- terprétations un peu différentes, en ce qui concerne surtout la ligne latérale, que je ne puis me résoudre à considérer avec lui comme une dépendance de la tête {gill-bearing portion) étendue peu à peu sur le tronc par un processus secondaire. Examinons d'abord la succession des faits. 4° Histoire de l'épiblaste. La complication primaire de l'épiblaste est le résultat de l'abon- dance du vitellus nutritif de l'œuf. Chez l'Axolotl, aussi bien que chez les Anoures, aussitôt qu'il peut être question du feuillet externe, on voit qu'il est composé de trois couches. Gotte (31) a donné le nom de Deckschicht à la couche superficielle, et il désigne l'ensemble des autres par celui de Grundschicht. C'est que, dans son idée, l'épiblaste va passer directement de cet état primaire au suivant, dans lequel il sera formé de deux couches seulement : la Deckschicht étant de- meurée sans modifications, tandis que les assises de la Grundschicht se sont étalées en une seule. Or, ceci est une erreur, car il existe un état in termédiaire dans lequel l'épiblaste n'a qu'une seule épaisseur de cellules, sauf dans sa partie neurale. Comment reconnaître ce qui appartient à l'une ou à l'autre de ces deux couches fondamentales? Il est vrai que, bientôt, cette assise unique de cellules va se dédoubler sur toute la périphérie, et alors la distinction de Gotte deviendra tout à fait légitime et même importante ; car, ainsi qu'il l'observe, la couche superficielle n'in- tervient jamais dans la formation du système nerveux périphérique. Ses distinctions peuvent donc être acceptées à ce moment; avant, elles sont prématurées. Scott et Osborn (63) disent que, chez le Triton, l'épiblaste étant primitivement à une couche, devient plus tard à deux ; l'état de plu- sieurs assises n'existerait pas d'après eux. Pour l'Axolotl, je puis affirmer qu'il existe tout aussi bien que chez les Anoures. Dans une ÉTUDES D'EMBRYOLOGIE SUR LES VERTÉBRÉS. 181 note préliminaire, Houssay et Bataillon (36) avaient cru devoir dési- gner par épiblaste seulement la couche superficielle de la morula, c'est-à-dire la Deckschicht de Gotte ; mais c'était là une interprétation défectueuse provenant surtout de ce qu'on n'avait pas le droit d'em- ployer les noms d'épiblaste et d'hypoblaste avant l'apparition du blastopore, qui est la seule ligne de démarcation sûre entre ces deux feuillets. Précisons davantage les âges auxquels correspondent les divers états de l'épiblaste. Au stade a (blastopore en ligne brisée), l'épi- blaste est formé de trois assises (pi. X, fig. \8) très différenciées déjà du côté dorsal, et beaucoup moins du côté ventral. En (3, quand le blastopore a l'apparence d'un fer à cheval, les trois assises sont dif- férenciées sur toute la périphérie (pi. XI, fig. 22, 23). Enfin, cet état primaire est terminé lorsque l'anus de Rusconi se forme, stade -( (pi. XI, fig. 26). Au stade o (aire et bourrelets médullaires), il apparaît avec la der- nière évidence que le feuillet externe n'a qu'une seule assise de cellules (pi. XI, fig. 25), sauf dans les abords du soulèvement des lames neurales, où il est formé de deux rangées, et même de trois, dans leur voisinage immédiat. C'est alors que débute des deux côtés du soulèvement nerveux, dans la région de l'épiblaste double et à la face interne de celui-ci, le décollement des deux lames qui vont suivre les bourrelets médullaires dans le mouvement qu'ils font pour se réunir en un tube (pi. XII, fig. 31, rp). Dans cet état, l'épiblaste des Batraciens, simple partout, sauf aux deux côtés du système nerveux, où se produit le détachement dont nous venons de parler (ganglionic Anlagen de Beard), est absolument comparable à celui de tous les Ver- tébrés. L'assise interne (Grundschicht de Gotte) est donc localisée d'abord sur la face dorsale; elle l'est encore au stade £ (pi. XII, fig. 30). Une teinte grise indique sur la figure les points où l'épi- blaste est double; la teinte claire marque la région où il est simple. A ce stade s, les racines dorsales primaires {ganglionic Anlagen) sont déjà formées tout le long du système nerveux. A la fermeture de 18-2 FRÉDÉRIC IlOUSSAY. calui-oi, .'lies vont produire sur la ligne do suture l'amoncellement ci'llulaii e que Balfour (4, 5) a déiignâ sous le nom de crôte neurale, prenant pour initial un phénomène leeondaire. Le £witchen9tvcm§ de Mis, que, à la vérité, je trouve seulement dans la région do la tête, existe aussi, insegmonté, et c'est de lui que doivent sortir, comme j'espère le montrer plus tard, tous les gan- glions crâniens. Quoi qu'il en soit, c'est seulement à partir du mo- ment où sont déjà constitués les rudiments do toutes les parties essentielles du système nerveux périphérique que l'épiblaste com- mence à se doubler intérieurement en dehors de la région neurale. Ce dédoublement est donc un phénomène tardif, secondaire, comme l'ont bien dit Scott et Osborn (63), malgré les différences que j'ai signalées entre nos interprétations, La couche interne existant d'abord sur le dos, gagne peu à pou sur les côtés. Au stater,, les trois vésicules cérébrales sont constituées, et l'épiblaste reste simple encore sur la ligne ventrale. En Ç (pi. XII, fig. 39, 41), la tête est tout entière entourée d'une double assise épiblastique, tandis que le tronc conserve sa ligne médiane ventrale encore unique (pi. XII, fig. 43, 44; pi. XIII, fig. 45, 46). C'est seulement en>., quand toutes les fentes branchiales sont constituées, que la périphérie complète de l'embryon est formée par deux couches d'éléments. C'est à partir de ce moment seulement que va se différencier dans la couche interne la ligne latérale, dans le prolongement de la région occupée autrefois par le ganglion pneumo-gastrique. Cette remarque faite, nous nous réser- vons d'en tirer parti plus tard. De cette étude de l'épiblaste, retenons les conclusions suivantes : 1° Etat primaire à plusieurs assises; %" Etat typique à une seule couche, sauf dans la région neurale. Dans cette région, la couche interne donne à ce moment l'ébauche des racines dorsales de tous les nerfs crâniens et spinaux; 3° Le dédoublement gagne latéralement et s'étend finalement sur toute la périphérie; ÉTUDES D'EMBRYOLOGIE SUR LliS VERTÉBRÉS. 183 4° Enfin, il est beaucoup plus rapide dans la tète que dans la région du tronc. Ceci établi, recherchons l'origine du système nerveux périphé- rique. Elle se manifeste dès le début de la formation du système nerveux central, c'est-à-dire au stade o. 2° Phénomènes communs aux nerfs crâniens et spinaux. 1er Etat. — Stade o. L'épiblasle est simple sur les régions latérale et ventrale. Les lames médullaires se soulèvent, et, des deux côtés des saillies, l'épiblaste est à plusieurs couches (pi. XI, fîg. 25). Cette région épithéliale particulière, que nous pouvons appeler neuro- épithélium, est formée par les cellules qui vont se détacher pour se différencier en racines dorsales de nerfs. Celte apparence peut être suivie sans modifications, coupe par coupe, depuis une extrémité de l'embryon jusqu'à l'autre. Donc le tout premier rudiment est inseg- menté, comme la chorde, comme le mésoblaste, l'hypoblaste et le système nerveux central. 11 suit la loi générale. 2e Etat. — Stade s. Les bourrelets médullaires soulevés marchent au-devant l'un de l'autre. Ici, l'aire médullaire, c'est-à-dire l'espace compris entre les deux soulèvements, étant beaucoup plus large dans la région de la tête que dans celle du tronc, il se produit une diffé- rence de détail entre la manière d'être des nerfs crâniens et spinaux, malgré laquelle ils acquièrent le même état. Dans la région antérieure, la couche profonde de l'épiblaste se décolle de l'assise externe, et constitue une petite languette de cel- lules (ganglionic Anlage; rp, pi. XII, fig. 31) qui suitle mouvement de 'involution neurale. On aperçoit, au point cg, un épaississemcntque Beard (7) reconnaît pour le Zivischenstrang de His. C'est la trace de la rupture qui vient de se produire, et il ne lui attribue aucune importance ultérieure. Je prétends, au contraire, que c'est la pre- mière ébauche des ganglions crâniens; mais nous allons y revenir. Le canal nerveux se constitue, et la lame décollée du neuro- 134 FRÉDÉRIC HOUSSAY. épithélium le suit tout en bourgeonnant et en s'allongeant (pi. XII, flg. 36). Enfin, lorsque le canal sera fermé, les deux lames neuro- épitbéliales, d'abord paires, se rejoignent au sommet du tube ner- veux pour former la crôte neurale de Balfour (pi. XII, fîg. 34). Je suis dont' tout à fait d'accord avec Beard sur tous ces faits, et je passe rapidement. Dans la région dorsale (pi. XII, fig. 40), le décollement ne se fait pas à une époque aussi précoce; le neuro-épithélium suit l'involu- lion médullaire; tout en lui restant accolé, rp, il en demeure cepen- dant toujours distinct; et quand le canal est fermé (pi. XII, fig. 35), on aperçoit les doux lames primitivement paires, réunies sur le som- met de la moelle et donnant une apparence absolument semblable à celle de la région cépbalique. Observons (pi. XII, fig. 30 et 35) que l'épiblaste, juste au-dessus de ces portions primaires des racines dorsales, n'est constitué que par une seule assise d'éléments; il a perdu ses cellules profondes, qui ont donné le nerf. Bientôt (pi. XII, fig. 38 et 39), les deux cou- ches vont se reconstituer en ces points. Qu'advient-il maintenant de ces ganglionic Anlagen, ou portions primaires des racines dorsales? Étudions séparément les nerfs spi- naux et crâniens. 3° Nerfs spinaux et leur segmentation. Les portions primaires des racines dorsales spinales restent très longtemps dans l'état où notre description les a laissées. — Sur des coupes horizontales, nous les retrouvons identiques aux différents stades, et ne subissant pas encore le bourgeonnement qui doit les amener au contact des éléments mésoblastiques. Cette croissance commence à s'opérer d'une façon sensible au stade 0. Comme l'a très bien indiqué Beard (7), elles ne reviennent plus au contact do la peau et croissent entre la moelle et les plaques musculaires. Mais, sur des coupes longitudinales, des modifications se mani- festent dès le début. Beard croit que ces premiers rudiments des ÉTUDES D'EMBRYOLOGIE SUll LES VERTÉBRÉS. 185 racines dorsales spinales apparaissent sur le mode segmentaire; mais il n'insiste pas et ne donne aucune preuve. Nous avons dit d'abord que la première ébauche neuro-épithéliale était, au con- traire, insegmentée (stade g) ; à ce moment, du reste, rien n'est en- core métamérisé dans l'embryon; les myotomes n'ont point apparu et le mésoderme indivis s'étend d'un bout h l'autre du corps. Au stade suivant (s), le mésoblaste est divisé en huit myotomes dans la région moyenne (pi. XI, fig. 30) ; encore insegmenté aux deux extrémités, céphalique et caudale. Or, dans la région moyenne, la moelle présente, en face de chaque myotome, un renflement fort net, se métamérisant ainsi elle-même en huit neurotomes, et restant insegmentée aux deux régions terminales. La métamérie du système nerveux central n'était pas, naguère encore, considérée comme directement prouvée, mais comme accusée seulement par la métamérie des paires de nerfs qui en partent. Or, je constate cette segmentation dans plusieurs stades et je propose de lui donner le nom de neurotomie. Le cordon nerveux, avec cette série de renflements, a une apparence qui évoque immédiatement l'idée de chaîne ganglionnaire. Ces renflements dans la moelle déterminent des ruptures dans la crête neurale l. Elle se trouve divisée en huit tronçons dans la région dorsale ; les deux extrémités, caudale et céphalique, restant inseg- mentées, comme les portions du canal médullaire et du mésoblaste correspondantes. A un stade plus avancé, fin de i\ (pi. XIII, fig. 55), le mésoblaste du tronc est divisé en douze myotomes, plus une portion caudale insegmentée ; et nous voyons avec une absolue netteté (cette figure n'est pas schématique), en face de chaque myotome, un renflement de la moelle ou neurotome. A chaque neurotome correspond une racine dorsale primaire. La segmentation de la crête suit encore i Je ne vois pas d'inconvénients à conserver ce nom classique, à la condition bien expresse de ne plus considérer la chose désignée comme un bourgeonnement secon- daire du toit de la moelle, mais comme une dérivation directe de l'épiblastc. jS(; PRÉDÊBIC HULJSSAV. les iutrei métimérie*. La partie caudale reste insegmentée, aussi bien dam le mêsoblarta que dans la moelle et la crête neurale. Q ne m'a pas été possible de suivre plus loin cette neurotomie. Il se peut que, plus tard, elle ne soit accusée que parla métamérie des paires de lierft; mais il n'en reste pas moins vrai que c'est un phé- Qomôna initial et, par suite, des plus importants au point de vue phylogénétique. Un peu plus loin, en parlant des neurotomes céré- braux, j'indiquerai los faits déjà reconnus à ce propos. 4° Nerfs et ganglions crâniens. Nous avons laissé les nerfs crâniens au moment où la portion pri- maire de leur racine dorsale était venue se placer sur le sommet du cerveau, tout comme celle des nerfs spinaux avait gagné la partie dorsale de la moelle. A partir de ce point, les différences commencent; même, elles sont déjà commencées. Nous verrons plus loin s'il y a lieu de les con- sidérer comme aussi fondamentales que le premier abord l'indique ; nous allons, en tout état de cause, bien préciser la nature de ces divergences. Quand la portion primaire des racines crâniennes s'est décollée de l'épiblaste, nous avons observé, au point où se faisait la rupture, un épaississement cg (pi. XII, fig. 31). C'est, dit Beard (7), le Zivischens- trang de His; et il n'a aucune espèce d'importance, attendu que c'est justement la partie du neuro-épithélium qui reste en place, et qui, par suite, n'intervient pas dans la formation de la portion pri- maire de la racine dorsale {ganglionic Anlage). Ceci est très juste ; mais, parce que cet épaississement ne joue point de rôle dans la constitution des ganglionic Anlagen, ce n'est pas une raison suffi- sante pour lui retirer, a priori, toute importance. C'est précisément lui qui doit fournir les matériaux des ganglions crâniens, dont Beard (6) lui-même a bien démontré l'origine épithéliale. Pour que ces premiers débuts aient échappé ù ses investigations, généralement ÉTUDES D'EMBRYOLOGIE SUU LES VERTÉBRÉS. 187 couronnées de succès, il faut que les faits soient moins nets chez les types qu'il a étudiés que chez l'Axolotl ; car, dans ce cas, il n'est pas possible de conserver le moindre doute. Au reste, l'auteur ne paraît pas avoir prêté une grande attention à cet épaississement. Il nous le signale une seule l'ois au cours de son travail, et cela à propos des racines dorsales des nerfs spinaux du Poulet. Or, je n'ai constaté, au début, un pareil épaississement, chez l'Axolotl, que dans la région de la tête. Ce n'est pas que je doute de l'exactitude de l'assertion de Beard (7), je l'accueille même avec satisfaction. Je m'écarte seulement de lui quant aux conclu- sions. Il ne lui accorde point d'intérêt ; comme, au contraire, je suis certain que, chez l'Axolotl, cet épaississement donnera, dans la ré- gion de la tête, les ganglions crâniens, je tiens pour assuré que, si on le rencontre dans le tronc chez d'autres types (comme le Poulet), c'est, à ce niveau, le premier rudiment de la ligne latérale, suite, dans les métamères du tronc, des ganglions crâniens, réputés spé- cifiques de la tête. Dans son mémoire sur les branchial sensé Organs, Beard (6) nous apprend que, chez les Élasmobranches, tous les ganglions crâniens se développent séparément, sauf les quatre du vague qui sont ori- ginairement fusionnés. Gela est possible, bien que j'aie peine à croire qu'il n'existe pas un état insegmenté, avant la formation des vésicules cérébrales, tel que je l'ai trouvé sur l'Axolotl. Quant aux ganglions des Amphibiens, Spencer indique, et Beard confirme ses données, que l'état initial est beaucoup moins segmenté que chez les Élasmobranches. C'est ainsi que tous les ganglions du vague sont d'abord fusionnés entre eux. De même aussi, le ganglion ciliaire serait fusionné avec le trijumeau. Bien que ceci soit plus rapproché de la vérité que l'idée d'une segmentation complète initiale, ce n'est pas encore exact. Dans le premier état, tous les ganglions crâniens sont soudés en deux épaississements latéraux ou cordons, un de chaque côté, sans une rupture d'une extrémité à l'autre (pi. XII, fig. 30. eg). Leur seg- |8g FRÉDÉRIC 1I0USSAY. mentation est consécutive et se produit dans le même temps que colle des autres parties de la tête. Chaque cordon se divise d'abord en deux, quand le cerveau antérieur se sépare du reste — puis en trois, quand le cerveau est divisé en trois vésicules; puis en un plus grand nombre, à mesure des progrès de la métaméric céphalique. Nous verrons les détails tout à l'heure. Enfin, à part l'état de continuité initial, dès que la segmentation a commencé, le ganglion ciliaire n'est jamais soudé avec le ganglion de Casser, mais bien avec le ganglion olfactif ; sa soudure avec le trijumeau n'est pas initiale, mais se produit beaucoup plus tard. Après avoir ainsi indiqué les points sur lesquels je ne suis pas d'accord avec mes prédécesseurs, je vais exposer mes propres re- cherches sur le sujet. Les deux cordons latéraux, ou épaississements indivis, dont j'ai déjà parlé, sont visibles dans la région de la tête, aussitôt que les portions primaires des racines dorsales se sont séparées de l'épi- blaste, quand la moelle va se fermer et que le cerveau est encore lar- gement ouvert. Ces portions primaires n'ayant pas absorbé tout le neuro-épithélium,ce qui reste sans emploi actuel constitue les cor- dons latéraux (pi. XII, fig. 30 et 31). Sur des séries de coupes transver- sales, sagittales et longitudinales du stade s, on peut suivre ces cor- dons; et en combinant les coupes des diverses séries, on obtient toujours le même résultat. Ces cordons (pi. XII, fig. 30) s'étendent, sans interruption, depuis l'extrémité tout à fait antérieure du sou- lèvement neural, avec laquelle ils sont en contact, jusqu'à l'extré- mité postérieure de la future région branchiale. En arrière, chez l'Axo- lotl, et pendant longtemps encore, ils ne s'étendent pas plus loin. Les deux cordons latéraux sont continus, sans rupture ; seulement deux encoches font présager leur prochaine division en deux d'abord, puis en trois. Les portions primaires des racines dorsales forment encore, dans cette région céphalique, deux petits bourgeons qui se poursuivent sans segmentation d'un bout à l'autre, dans l'angle du soulèvement cérébral et de l'épiblaste. Vers la fin du stade e, ces ÉTUDES D'EMBRYOLOGIE SUR LES VERTÉBRÉS. 189 deux cordons latéraux se trouvent à peu près au niveau de lachorde (pi. XII, fig. 34 et 3G), c'est-à-dire au point juste où vont se trouver les débuts des ganglions crâniens. La portion de l'épiblaste située entre cet épaississement et le bord du cerveau est simple, par suite du décollement de la racine dorsale, qui a déjà commencé à s'al- longer vers le cordon ganglionnaire. Il se redoublera plus tard. Cependant l'involution cérébrale se ferme et la segmentation poursuivie dans le tronc par la formation des myotomes, des neu- rotomes, et la métamérie des racines dorsales va se produire aussi dans la tête. Les vésicules cérébrales se forment ; il n'est venu à l'esprit d'aucun embryologiste que ce fut là le phénomène méta- mérique. Il n'y a pas pourtant d'autre façon de le concevoir. Dans le tronc, les myotomes apparaissent d'abord en petit nom- bre, puis se multiplient. Quoi qu'on ait pu dire du lieu où se pro- duisaient les nouveaux segments, la vérité est que nous n'en savons absolument rien, qu'il ne paraît pas y avoir de loi fixe, et qu'il s'en produit un peu partout, aussi bien par division des deux extrémités insegmentées au début que par subdivision des myotomes les pre- miers formés. Il suffit, pour s'en convaincre, d'examiner de près les tableaux que donne Van Yijhe (71) dans un travail de tous points excellent. Si l'on conservait quelque doute, il me serait aisé, sans recherches nouvelles, de mettre ce point en évidence. Dans la tête, où l'on peut mieux suivre le phénomène, c'est ainsi qu'il se passe. Il se produit d'abord deux segments; puis trois, cor- respondant chacun à une vésicule cérébrale; puis six, formés par la division en deux de la vésicule antérieure, et en trois de la vésicule postérieure \ la moyenne restant insegmentée. Enfin les deux vé- sicules postérieures nouvelles se subdivisent encore ; mais, cette fois, on ne peut plus suivre directement leur segmentation, et elle n'est plus accusée que par les racines nerveuses qui en partent. * Cette vésicule postérieure est généralement décrite comme se divisant en deux : cervelet et moelle allongée. J'espère montrer qu'on y peut saisir trois neurotomes ; cervelet, moelle allongée antérieure, moelle allongée postérieure. IM FRÉDÉRIC lionssw. Ceci justifie bien ce que je disais plus haut, à savoir : la segmen- tation dans tout le corps est loifl do so produire suivant une loi lixe, puisque môme pour une extrémité du corps, les segments apparaissent tantôt aux deux extrémités de cette portion, puis plus tard sur Tune d'elles seulement. Le tableau suivant indique bien le manque de loi simple dans le mode de formation des segments de la tête. (I i Cerveau antérieur A Cerveau moyen B III 3 ( e Cerveau postérieur C {V 7 IV \ 8 VI 9 i. En indiquant en chiffres arabes les neurotomes arrivés à terme, et en chiffres romains ceux qui doivent se retailler, le fait est encore plus apparent. M 1 I ••• S, "2 2. 3 3 ( k / IV .... ... , \ 6 III 1 5 7 ( S \VI. ... ) 9 ( 10 Observons d'ailleurs que la prétendue loi simple de bourgeonne- ment des segments chez les Vertébrés, invoquée parfois en faveur de leur descendance des Annélides, n'est en rien nécessaire à cette théorie, et son abandon n'entraîne aucune conséquence relative- ment ù ce point. Ce n'est pas arbitrairement que je considère ces différents états du système nerveux central comme les étapes d'une métamérie ÉTUDES D'EMBRYOLOGIE SUR LES VERTÉBRÉS. 191 progressant peu à peu. En effet, lorsque la vésicule cérébrale anté- rieure vient de se séparer, et que la division entre le cerveau moyeu et le cerveau postérieur n'est pas encore accusée, une première rupture se fait dans le cordon latéral : 1° Vésicule antérieure ; 1° masse épiblastique, olfactive et ciliaire ; 2° Vésicule moyenne et postérieure; 2° masse épiblastique, triju- meau, facial, auditif, glosso-pharyngien et vague. 11 y a aussi seulement dans la tête deux fragments mésodermi- ques séparés par une seule évagination hypoblastique (pi. XIII, Hg. 33). Puis les trois vésicules cérébrales se forment, donnant trois neu- rotomes auxquels correspondent trois masses ganglionnaires, sub- divisions des cordons latéraux : Neurotomes. Sections des cordons latéraux. Cerveau antérieur Olfactive et ciliaire (pi. XII, fig. 33, oc). — moyen Trijumeau (pi. XII, fig. 33, t). — postérieur Facial, acoustique, glosso-pharyngien vague (pi. XII, fig. 33, cg). A ce moment aussi, les portions primaires des racines dorsales sont divisées en trois tronçons correspondants aux trois masses gan- glionnaires précitées. Plus tard, les trois segments vont en donner six, et la mélamérie porte encore sur tous les éléments formateurs. Nous insisterons davantage dans notre étude III. Nous indiquons seulement ici les neurotomes et les fentes bran- chiales pour montrer leurs rapports avec la segmentation des cor- dons ganglionnaires latéraux (voir pi. XIII, fig. 54 et 55, les lettres entre parenthèses dans le tableau suivant s'y rapportent). 198 Nrurotomes. FRÉDÉRIC HOUSSAÏ. Fentes b ranch kl 6M Hémisphères (HS). Thalamenoéphale (TU). Cerveau moyen (C. M). Sections du cordon ganglionnaire. Nez. Olfactif (o). Cristallo-hypopliysaire(OII) Cifiaire (c). Cerveau postérieur (C. P)1. Bouche (B). Ilyo-mandibulaire. Hyoïde. Oreille. Moelle allongée ant. (M. A). lre fente branchiale. Moelle allongée post. (M. P)2. 2e, 3», 4e fente branch. Trijumeau (/). I Facial. ( Auditif. (/. a). Glosso-pharyngien (g. p). Vague (i>). Au stade X enfin (pi. XIV, fig. 56-62), les deux derniers neu- rolomes se sont métamérisés à nouveau, ce qui est indiqué par l'apparition de nerfs et de ganglions qui en proviennent. Neurotomes. Fentes branchiales. Ganglions et nerfa. Hémisphères. Nez. Olfactif. Thalamenoéphale. Crislallo-hypophysaire. Ciliaire. Cerveau moyen. Bouche. Trijumeau. 1 Hyo-mandibulaire. — 2 Hyoïde. — 2 _ 3 Oreille. Auditif. Moelle allongée antérieure lre fente branchiale. Glosso-pharyngien. Moelleallongée postérieure 1 2e — — 2 3e — — 2 3 4e _ _ 3 Tels sont les segments de la tête que m'ont permis de fixer mes études sur l'Axolotl. La suite de ce travail montrera quel degré de certitude j'ai apporté à cette détermination en plus de ce qu'avaient dit les auteurs antérieurs. Pour l'instant, je veux seulement établir que, par leur division, les deux cordons latéraux ont donné un certain nombre de ganglions distincts. D'abord insegmentés quand toutes les parties de la tête le sont également, ils se métamérisent peu à peu en concordance 1 L'ordre d'apparition est : 1° fente auditive, qui disparaît ; 2° fente hyoïde, per- sistante ; 3" fente hyo-mandibulaire, qui disparaît. Nous réservons, pour une pro- chaine étude, le processus fort intéressant de ces phénomènes. * Remarquons, en mettant à part les nerfs olfactifs et ciliaires dont les branchies ne persistent pas, que ce sont les nerfs hâtifs, trijumeau et glosso-pharyngien, qui rentrent le mieux dans le schéma de Beard pour les nerfs crâniens. ÉTUDES D'EMBRYOLOGIE SUR LES VERTÉBRÉS. 193 avec tous les éléments formateurs de la tôle. Ils suivent la loi gé- nérale de toutes les parties du corps dont aucune n'est segmentée au début. Indiquons, avec un peu plus de détails, comment les ganglions, d'abord tous réunis en deux cordons latéraux, deviennent de9 masses distinctes. La première segmentation du cerveau a coupé la masse d'abord en deux (pi. XIII, fig. 53), puis en trois tronçons (pi. XII, fig. 33). Puis les neurotomes se divisent à nouveau. En avant, l'appari- tion des hémisphères cérébraux détermine une rupture dans la masse naguère unique olfactive-ciliaire, aussi bien dans le ganglion que dans les portions primaires des racines dorsales. Le nerf olfac- tif (no) est attaché sur le cerveau antérieur, au-dessus du point où se détachent les hémisphères (pi. XIII, fig. 54) ; il est situé entre ceux-ci et l'épiblaste, et se dirige vers son ganglion, encore simple épaississement de la peau {go). Ceci est donc bien d'accord avec l'étude de Marshall (47), ainsi qu'avec celle plus récente de Yan Vijhe (70). Ce dernier avait cru pouvoir conclure de ce développement à la différence du nerf olfactif avec les autres racines dorsales, lorsque Bcard (8) a montré que si ce mode de formation était très exact pour le nerf olfactif, il ne l'était pas moins pour les autres nerfs, et que cela ne consti- tuait pas entre eux une différence, mais accusait au contraire leur identité. Le ganglion olfactif et son nerf se trouvant ainsi séparés par l'apparition des hémisphères, bien que sa racine n'ait pas de con- tact initial avec ceux-ci, il en résulte que le ganglion ciliaire et son nerf sont aussi devenus distincts, puisque la masse antérieure de l'état précédent était formée par la fusion de ces deux parties. On reconnaît (pi. XIII, fig. 54) la racine dorsale du nerf ciliaire at- tachée à la partie antérieure du cerveau moyen, puis filant entre le cerveau antérieur et la peau pour s'approcher de son ganglion (gc). Le premier des nerfs suivants est le trijumeau. Attaché d'abord à AHCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 2e SÉRIE, — T. VIII. ] 890. 13 1f)l FRÊDftttC HOUSSAY. la partir .intérieure du cerveau postérieur, il se lient entré le cer- wau in.iv.ii et la peau (pi. XIII, flg. 54, ht) pour se rapprocher de son ganglion qui se trouve dans une autre coupe plus éloignée du plan médian, et que l'on peut voir en gt sur la ligure d'ensemble (pi. XIII, flg: 55). Lès trois nerfs postérieurs, facial 1, facial 2 et auditif, encore réunis en une seule masse, sortent ensemble de la partie antérieure de la moelle allongée antérieure (pi. XIII, fig. 54), et se dirigent entre l'épiblaste et le cerveau postérieur, vers leur masse gan- glionnaire commune. (pi. XIII, fig. 55). Le glosso-pharyngien ngp (pi. XIII, fig. 54) sort isolé de la parlie antérieure de la moelle allongée postérieure et se comporte de même que les précédents (pi. XIII, fig. 55). (Juant à tous les nerfs du vague, soudés ensemble à ce moment, et partant de la région antérieure du premier neurotoine du tronc, ils s'approchent, de la même façon que les précédents, entre la moelle allongée et Tépiblaste de répaississement commun (pi. XIII, fig. 54 et 55). Gomme on le voit, mes indications du point d'attache des racines dorsales primaires diffèrent sensiblement de celles qui ont été don- nées jusqu'ici. Il m'est, d'après mes indications, permis de dire : Primitivement; chaque racine dorsale de nerf crânien ou spinal est atta- chée au système central derrière le neurotome de son segment. C'est plus tard, seulement, qu'elle vient s insérer sur le neurotome du segment qu'elle innerve. Ainsi, les rapports de l'olfactif et des hémisphères sont secondaires (Marshall, Van Vijhe, Beard). Il en va de même des rapports du : Ciliaire avec le Tlialamencéphale. Trijumeau — Cerveau moyen. Facial i, facial 2j auditif — Cerveau postérieur. Glosso-pharyngien — Moelle allongée antérieure. Vague — Moelle allongée postérieure. L'accord est donc parfait entre la manière dont se comportent ÉTUDES D'EMBRYOLOGIE SUR LES VERTÉBRÉS. 19"> toutes ces racines dorsales, el elles se modifient toutes de la menu; façon pour acquérir leurs rapports définitifs. Ainsi, à ce stàtië, (Juàttë racines dorsales et quatre ganglions sont déjà constitués. Ce sont: l'olfactif, le ciliaire, le trijumeau H II glosso-pliaryngïi'ii ; tous les autres sont encore réunis en deux masses. Les quatre nerfs qui ont subi leur dernière segmentation commencent à se compliquer dans leur forme, tandis que les six derniers attendent, pour effectuer cette complication, d'avoir subi leur métamérie définitive. Le neurotome nouveau que je désigne sous le nom de moelle allongée postérieure ne pourrait-il pas être aussi bien considère comme le premier spinal? C'est lui qui va être, plus tard, l'origine du vague ; dire s'il appartient au tronc ou à la tête, c'est une simple distinction de mots. Je sais bien que son myotome actuel est lié à celui du tronc, mais comme je ne vois aucune différence fondamen- tale entre les myotomes des deux régions, je ne trouve pas là une raison décisive. Au reste, je le répète et je le montrerai, il n'y a aucun critérium absolu pour distinguer un métamère céphalique d'un métamère du tronc. C'est affaire de convention arbitraire. Les renflements du système nerveux central, pour lesquels je pro- pose le nom de neurotomes, avaient été déjà aperçus avant moi ; mais on n'avait pas, je crois, mis autant en évidence leurs rapports avec les autres parties segmentées, ni surtout leur mode de formation. On les a, jusqu'ici, envisagés seulement, à un moment donné, sans se préoccuper de leur genèse. Remak (58) les avait aperçus dans la moelle et montré leurs rapports avec les racines des nerfs. Son ob- servation était demeurée sans application, quand Dohrn (14), en 1875, montrâtes rapports de ces renflements avec les somites mésoblas- tiques, et, par suite, leur valeur segmentaire. Depuis, on les reconnut dans le cerveau. Beraneck (10) indique quinze renflements dans la moelle allongée du Lézard. Kupffer (45) trouve huit segments pour former le cerveau postérieur et moyen chez la Truite et la Salamandre; il suppose encore que le èerveau 19i; FRÉDÉRIC HOOSSAY. antérieur échappe à cette métamérie. Itabl (57) compte sept ou huit replis dans le cerveau. Bans indiquer de rapports métamériques. Orr (50) décrit six plis dans le cerveau postérieur des Lézards et con- sidère le cerveau moyen comme équivalent à un de ces plis. Ceci est un grand progrès ; et, en ajoutant deux replis dans le cerveau an- térieur, je me trouve tout à fait d'accord avec lui. Mais je considère comme essentiel ce que j'ai dit du développement de ces segments nerveux, car on saisit ainsi leur lien avec les autres métaméries. Orr a proposé le nom de newomères; mais, comme ce mot a déjà été employé par Ahlborn (1) dans un autre sens, je préfère celui de neurotome, dont la désinence concorde avec myolome, sclérotome, néphrotome, etc. Enfin, tout récemment, Me Clure (46), dans une note prélimi- naire, a confirmé les données de Orr. Toutefois, il admet deux neu- romères dans le cerveau moyen (ou même trois) ; je crois, avec Orr, qu'il n'est formé que d'un seul, ainsi que cela ressort de mon exposé. 5° Développement secondaire des nerfs crâniens. Prenons un nerf crânien quelconque; nous avons vu comment la portion primaire de sa racine dorsale était formée et comment un épaississement épiblastique se trouvait dans le même segment au ni- veau de la corde, cet épaississement résultant, comme je l'ai montré, de la métamérie secondaire de deux cordons latéraux d'abord in- segmentés. Beard (6) nous a indiqjué les grands traits de ce développement secondaire : 1° La portion primaire de la racine dorsale (ganglionic Anlage) bourgeonne et, s' allongeant entre l'épiblaste et le cerveau, vient se mettre en rapport avec l'épaississement épidermique et continue un peu au delà dans la plaque musculaire ; L2° L'épaississement se détache de la peau et s'enfonce dans le mé- soderme, pour former le ganglion crânien; ÉTUDES D'EMBRYOLOGIE SUR LES VERTÈBRES. 197 3° De ce ganglion partent alors trois branches nerveuses : un ra- meau suprabranchial (dorsalis, de Van Vijhc), dont le début est formé parles cellules qui réunissent le ganglion à la place qu'il occupait naguère contre l'épiblaste. De nouveaux rameaux se décollent de l'épiblaste à mesure que le ganglion senfonce; un rameau pré- branchial {prxtermaticm, de Van Vijhe) séparé de l'épiblaste ; un rameau postbranchial (postrematicus, de Van Vijhe), (pie Beard (6) supposait d'abord la suite du bourgeonnement direct de la racine primaire, et que, dans son dernier travail (7), il indique comme dérivé de la peau. Il applique son schéma à tous les nerfs crâniens, sauf aux molo- culorius, trochlearis, abducens, qu'il considère comme des racines ventrales. Dans l'état actuel des choses, il peut, en effet, sembler légitime de les considérer ainsi ; car, au stade décamère, chez l'Axolotl, ils n'ont pas encore apparu. Mais comme, d'après mon exposition antérieure, nous avons vu que les segments ne se forment pas du même coup, que certains apparaissent tardivement par la subdivision des métamères précédents, il se peut fort bien que cette métamérie se poursuive encore après l'ouverture de toutes les fentes branchiales actuellement apparentes — et rien ne prouve l'impossi- bilité des trois segments tardifs que ces trois nerfs nous révèlent peut-être. En d'autres termes, si les études actuelles ne nous obligent pas à voir des racines dorsales dans les trois nerfs en question, elles ne s'y opposent pas non plus, et mes recherches sur la segmentation du cordon ganglionnaire et des racines nerveuses laissent même entre- voir la possibilité de leur apparition tardive par les progrès d'une métamérie que nous voyons progresser peu à peu, et qu'il est un peu arbitraire de supposer arrêtée au stade décamère. Il n'y a pas plus de raison pour l'arrêter là, a priori et sans preuves nouvelles, qu'aux stades trimère ou pentamère. Il peut très bien s'intercaler trois nou- veaux segments qui auront droit à la valeur métamère, au même titre que les métamères issus d'une partie, simple à un moment i!ls hœdkkh; I10USSAY. .Iniinr, e| qui 6B?0»t l'hyn-m;indil)ul;tirc, l'hyoïde et l'auriculaire, ■ l'un e part, et, d'autre part, tous les mélamôres de la région bran- chiale vraie, au même litre, également, que tous les nouveaux mé- taniùres qui vont survenir plus tard, dans le tronc, pour amener les mvulomes du nombre 12 à un nombre beaucoup plus grand. Disons, pour résumer: puisque les segments ne sont pas initiale- ment dislinels, puisqu'ils n'apparaissent pas tous ensemble, mais a des moments différents, il faut, pour refuser la valeur segmentaire aux trois nerfs moloculorius, trochlearis et abducem, un critérium direct, tiré surtout de considérations autres que le temps de leur ap- parition ou même le lieu de leur apparition. Il faudrait prouver qu'elles se développent sur le thème des racines ventrales, dont la première ébauche plasmique est, dès le début, en contact avec la plaque musculaire terminale (Dohrn 23). Jusque-là, la question ne peut être tranchée ni dans un sens, ni dans l'autre; toutefois, j'ai peine à admettre que parmi des racines dorsales, si pareilles dans la région crânienne, trois seulement, sans motifs bien apparents, vont acquérir des racines ventrales annexées. Dans notre prochaine étude, nous dirons encore quelques mots sur ce point. Parmi les nerfs (pie Bcard considère comme segmentaires, certains sont hors de contestation et le schéma [s'y applique. C'est le tri- jumeau, le glosso-pharyngien et les différentes racines du vague. Quant aux autres, j'ajouterai quelques observations aux siennes, en rappelant une fois pour toutes que ses études ont été faites surjles Elasmobranches et les miennes sur l'Axolotl, il se peut qu'entre les deux types existent les différences qui vont ressortir de mon expo- sition ; en tout état de cause, je pense que l'on doitreconnaître les étafs que j'indique comme plus primitifs. lîcard pense que le nerf ciliaire ne possède ni rameau prébranchial, ni postbranchial. J'ai reconnu que ce nerf possède parfaitement un rameau postbranchial qui passe derrière la fente cristallo-hypopliy- saire (pi. XIV, fig. 08, 59, 62, pbc). Je n'ai pas suivi son évolution ultérieure. ÉTUDES D'EMBRYOLOGIE SUR LES VERTÉBRÉS. 199 Beard et Van Vijhe (70) indiquent la division en deux du rameau supra-branchial du facial. Le second pense que cette division n'est pas un phénomène originel, et n'a guère d'intérêt ; le premier, au contraire, veut y voir le dernier reste de la duplicité primitive du facial. Pour appuyer cette manière de voir, mes coupes montrent de la façon la plus nette non seulement que le ganglion facial est double (pi. XIV, fig. 59 et 62), mais qu'il possède deux rameaux postbran- chiaux, passant l'un, derrière la fente hyo-iiiandibuhtirc, non pas supposée, mais existante (pi. XIV, fig. 59, GO, 61) ; l'autre, derrière la fente hyoïde. Et ceci, j'espère, donnera satisfaction à une réclama- tion de Dohrn (XIe étude), qui a aperçu, sans le nommer, ce rameau postbranchial hyo-mandibulaire, allant du ganglion facial vers l'angle de la mâchoire inférieure. 11 lui paraît contrarier le schéma de Beard, tandis qu'il le confirme, tout en donnant pleinement raison à Dohrn, relativement à la duplicité de l'hyoïde. Le nerf auditif, pour Beard (6), s'arrête à son ganglion. Or, j'ai dé- couvert son rameau postbranchial (pi. XIV, fig. 59, 60, 61), et celui-ci passe derrière la fente branchiale auriculaire qui lui correspond. La question de la segmentation étant résolue, indiquons rapide- ment les faits relatifs, dans chaque segment, à ce second emprunt du nerf à l'épiblaste, pour confirmer les données de l'embryologiste anglais et pour préciser un peu plus quelques points. La portjon primaire {ganglionic Anlage) de la racine dorsale bour- geonne et s'avance vers l'épaississement épiblastique cg (pi. XII, fig. 34). Elle s'en approche un peu plus en môme temps que cet épaississement grossit, grâce à une multiplication de cellules indi- quée par les nombreuses granulations pigmentaires (pi. XII, fig. 39). Le bourrelet ganglionnaire s'allonge beaucoup vers le bas par le l'ait que, à sa suite, l'épiblaste multiplie ses assises (pi. XII, iig. 4i, Vb)- En même temps, la portion primaire de la racine a rejoint le bour- geonnement épiblastique à sa partie supérieure g. Celte racine dor- sale est réduite à une file de cellules très petites, chargées do pig- ç:iio FRÉDÉRIC HOUSSAY. un Mil h la suite du travail interne (|ne leur multiplication a produit (pi. XII, fig. 41, rp). Puis le ganglion s'enfonce danslemésoblaste(pl.XII, fig. 42, g), et cctenfonccmentdéterminelci\imeausuprabranchialsé(pl.XlI,fig.42), qui relie encore le ganglion à l'épiblaste, et le rameau post-bran- chial pb, qui se détache de la peau à la suite de ce mouvement. Ce dernier rameau se retrouve sur toutes mes figures (pi. XIII, fig. 55; pi. XIV, fig. 5G-G2). Quant au prébranchial, il se forme beaucoup plus tard, et ne se rencontre à aucun des stades dont je traite actuel- lement. Sa présence est donc moins importante que celle des autres rameaux, puisqu'il arrive plus tard dans le même segment (voir étude 111, ]>. 211). Tout ceci avait, à peu près, été dit par Beard (6), sans que, toute- fois, il eût été aussi démonstratif relativement au rameau post- branchial. Mais revenons au moment où la portion primaire rp de la racine dorsale aborde le ganglion (pi. XII, fig. 41). Beard nous dit que cette racine primitive continue son cours, au delà du ganglion, dans la masse musculaire. Ce cours continué ne peut être autre chose que ce que je représente enrp' (pi. XII, fig 41). D'après le premier travail de Beard (6), cette portion fournirait au rameau postbranchial, as- sertion corrigée dans un autre mémoire (7), puisque, au contraire, ce rameau y est considéré comme dérivant de la peau. Quant à la por- tion rp', il n'en est plus question. Elle n'est cependant pas négli- geable. En premier lieu, on peut voir que ce n'est pas la racine qui se poursuit après le ganglion, mais bien avant le ganglion, auquel elle envoie un rameau rp", rameau secondaire d'abord et destiné à devenir ensuite le prolongement du tronc principal du nerf. Quant à rp\ qui est bien vraiment la suite de la portion primaire do la racine dorsale, il s'enfonce dans le mésoblaste, entre la chorde et la partie latérale, exactement comme la racine dorsale d'un nerf spinal. On le retrouve encore très accentué (pi. XII. fig. 42), lorsque ÉTUDES D'EMBRYOLOGIE SUR LES VERTÉBRÉS. 201 déjà le ganglion a commencé son mouvement de recul dans l'inté- rieur. Nous avons donc un véritable nerf spinal rp-\-rp'. 11 envoie à la peau un petit rameau secondaire rp", qui deviendra, plujsiologi- guementy fort important, en reliant à chaque neurotome la partie nerveuse secondairement détachée de l'épiblaste : « ganglion et ra- meaux branchiaux. » Que va devenir la partie rp'? Gomme rp" et sa suite se substituent à lui quant à l'innervation, il est destiné à disparaître ou, du moins, à ne se développer jamais beaucoup. Sans en être encore tout à fait assuré, je crois que, de plus, il fournit au sympathique de la tête , gardant ainsi une nouvelle analogie avec les racines spinales primaires. Or, dans chaque métamcre du tronc, de quoi est composé le sys- tème nerveux périphérique essentiel? 1° Une racine dorsale homo- dyname de rp+rp' ; 2° un fragment de ligne latérale et de nerf laté- ral, homodyname de l'épaississement épiblastique secondaire de la tête. Qu'y a-t-il en plus dans le nerf crânien? Seulement le rameau rp". Les deux parties fondamentales existent dans les deux cas ; mais, dans l'un, elles sont reliées entre elles ; dans l'autre, non. La diffé- rence est donc beaucoup moins grande que Beard ne veut la con- cevoir. La suppression ou l'existence de ce rameau rp" a pour effet de ren- verser l'importance physiologique des rameaux rp' et de la portion épiblastique secondaire, en donnant aux premiers la prépondérance dans le tronc, aux seconds dans la tête \ mais la valeur morpholo- gique de ces deux parties est la même dans l'une ou dans l'autre ré- gion. Il convient, peut-être, de développer la richesse des consé- quences de cette observation. 6° Comparaison des nerfs crâniens et spinaux. Signification de la ligne latérale. Il s'agit ici du plan fondamental sur lequel est construit le corps des Vertébrés. D'une façon générale, tous les zoologistes admettent o02 FltKDÊlUC HOUSSAY. que ce corps ft*1 cnnslilué par une suite de segments ou métamères ipiç Ih.ul a bout. Mais, pour ne pas nous arrêter, pour l'instant, aux discussions secondaires, les savants se partagent en deux grandes catégories relativement à cette mélamérie. Pour les uns, les métamères sont identiques les uns aux autres de- puis l'extrémité de la queue jusqu'à l'extrémité de la tête, et les dif- férences qu'on y observe sont insignifiantes. Pour les autres, l'identité entre les métamères n'est pas absolue, et ils distinguent une portion antérieure ou céphalique, dont les seg- ments constitutifs diffèrent assez de ceux du tronc pour qu'il y ait lieu, d'après eux, de les séparer au point de vue de leur signi- fication. Balfour doit être rangé dans cette seconde catégorie. Le plus avancé dans cette manière de voir est évidemment Ahlborn (1), puis- qu'il n'admet môme pas qu'un seul rythme préside à la segmenta- tion de la tête et du tronc. Il désigne la première par Branchiomérie , la seconde par Mésodermérie. Tous les faits s'opposent à cette dis- tinction, et nous espérons montrer, au contraire, quel accord absolu il y a entre les métaméries. Beard (6) croit voir entre les nerfs crâniens et spinaux une diffé- rence suffisamment tranchée pour distinguer dans le corps deux régions : l'une antérieure, branchiale (gill bearing portion); l'autre spinale. Il caractérise la première par l'apport épiblasfique secon- daire qui s'ajoute à la racine dorsale de ses nerfs, la seconde en étant dépourvue. Et la ligne latérale? Pour lui la ligne latérale est un simple prolon- gement de la gillbearing portion, qui s'étend en arrière sur tous les métamères du tronc, on ne voit pas bien pourquoi. Est-ce parce qu'il y avait là autrefois des branchies qui ont disparu? Mais, dans ce cas, le tronc serait typiquement tout aussi branchial que la tête. A priori, cette extension d'une partie delà tête sur les métamères du tronc paraît* une chose bien difficile à croire. Pourtant, s'il est démontré que cette conception est vraie et qu'il n'y a pas d'autre in- ÉTUDES D'EMBRYOLOGIE SUR LES VERTÉBRÉS. 203 terprétation possible, il faudra bien l'adopter. Nous verrons cela tout à l'heure. Gegenbaur et Dohrn, chacun de leur côté, admettent un seul rythme de segmentation d'un bout à l'autre. Beaucoup d'embryolo- gistes suivent avec eux cette voie, bien qu'un écart profond se ma- nifeste entre eux, quand il s'agit de la manière dont il convient d'en- tendre les segments de la tête et de compter ceux-ci. Pour l'instant, limitons-nous à cette question : Y a-t-il a distinguer entre les segments de la tête et ceux du tronc? On répondrait non sans hésiter, n'était l'opinion de Beard sur la ligne latérale. Les faits qu'il a observés sont exacts; mais ses interprétations ne me satisfont pas. Je doute très fort que le rameau intestinal du vague corresponde à des rameaux postbranchiaux de quelques fentes disparues. Il me semble bien plutôt que c'est la véritable suite des racines dorsales primaires que j'ai désignées par rp', et qui se continuent au delà du ganglion. Réservons cette question. Beard (6) lui-même, nous dit que, chez les Élasmobranches, les quatre ganglions du vague apparaissent comme une bandelette unique, puis donnent des rameaux postbranchiaux, un par bran- chie. A l'extrémité postérieure du cordon ganglionnaire qui repré- sente les quatre ganglions du vague, un épaississement se manifeste dans l'épiblaste. Cet épaississement gagne de plus en plus en arrière par un procédé quelconque. A mesure qu'il s'allonge, le nerf latéral s'en décolle et pénètre dans la profondeur. A la place de l'épaissis- sement se différencie une ligne d'organites sensoriels pareils à ceux que l'on a vus se produire dans la tête. Quoi donc, dans tout cela, prouve péremptoirement qu'il s'agisse là de phénomènes céphaliques se passant dans le tronc? L'affirmer, c'est faire une pétition de principes et admettre justement ce qu'il faut établir. N'est-ce pas, au contraire, un phénomène que nous avons vu se produire dans la tète, et qui se produit maintenant dans le tronc de la même manière, quoiqu'un peu plus tard? 11 montre ainsi la parfaite ressemblance entre les deux régions. 2oi FRÉDÉRIC HOUSSAY. L'épaississement latéral me paraît la suite de mes deux cordons •Millionnaires latéraux; il estinsegmenté d'abord comme ilsl'étaient eux-mêmes. Quant au nerf qui s'en décolle pour gagner la profon- deur, ce n'est pas la suite d'un rameau suprabranchial, mais bien le cordon ganglionnaire du tronc, insegmenté, qui même ne se seg- mente jamais, faute de fentes branchiales pour déterminer sa rup- ture. Le ganglion ou nerf latéral fait suite aux ganglions crâniens, et chacun de ses tronçons, dans chaque métamèrc du tronc, est homodyname d'un des ganglions crâniens. Sans doute, on va opposer à la nature ganglionnaire du nerf latéral qu'il est composé de fibres chez l'adulte. Qu'importe? Tous les élé- ments du système nerveux, primitivement semblables, ont le pouvoir de se transformer, les uns en fibres, les autres en cellules ganglion- naires, selon les besoins de l'innervation. D'ailleurs, parmi les gan- glions segmentaires, ceux du tronc n'auraient pas seuls la particu- larité de la structure fibreuse, et le ganglion olfactif lui-môme, si semblable par sa genèse à tous ceux des nerfs segmentaires, ne va-t-il pas devenir fibreux, tandis que les autres demeureront cellu- laires? Les vrais nerfs homodynames des suprabranchiaux sont les petites branches qui, dans chaque métamèrc du tronc, vont du ganglion insegmenté, ou nerf latéral, à l'organite sensoriel correspondant. Donc, dans le tronc, nous avons des racines dorsales primaires et un épaississement épiblastique qui se produit d'avant en arrière à la suite de celui de la tête et homodyname à lui. Cet épaississement, d'abord indivis comme dans la tête, se segmente, ultérieurement, toujours comme dans la tête. Un ganglion (nerf) latéral s'en détache, mais sa métamérie n'est accusée que par les suprabranchiaux qui en partent. Point de branchies et point de rameaux pré ou postbran- chiaux. La seule différence entre le tronc et la tête, c'est que les racines dorsales du tronc ne se mettent pas en rapport avec la partie correspondante épiblastique. Elle est donc fort réduite, comme on voit. ÉTUDES D'EMBRYOLOGIE SUR LES VERTÉBRÉS. 205 Gomme premier résultat de cette nouvelle interprétation, l'objec- tion considérable opposée par Beard à l'idée de Eisig (26, 27) n'exis- terait plus, et rien de formel ne contrarierait désormais l'homologie qu'il propose entre la ligne latérale des Vertébrés et les Seitenogane des Capitellidés. Après avoir ainsi indiqué à grands traits l'identité du plan de constitution du système nerveux périphérique dans tous les segments du tronc et de la tête, considérons encore quelques points en parti- culier. D'abord, qui a pu ainsi amener Beard à prendre ces parties du tronc pour des dépendances de la tête? J'aperçois plusieurs raisons (il y en a d'autres encore peut-être). N'ayant pas reconnu le stade insegmenté des ganglions crâniens, croyant, au contraire, qu'ils apparaissent tous séparés, la fusion des ganglions du vague lui a semblé un phénomène secondaire et de médiocre intérêt, tandis que, en réalité, c'est le reste d'un phénomène initial de fusion d'un bout à l'autre. Dès lors, il n'a pas eu l'idée de considérer ce long épaississement de la ligne latérale, comme une suite de nombreux ganglions, réunis à l'état de fusion primitive. Il lui a paru plus na- turel d'admettre un bourgeonnement secondaire du dernier gan- glion crânien vers le tronc. D'autant plus que c'est là le fait; l'épais- sissement gagne, en effet, de l'avant vers l'arrière. Pour nous, qui avons vu cet état de cordon insegmenté dans la tête, il nous paraît plus simple de présenter les choses de la manière suivante : le cordon épiblastique latéral, organisé d'abord dans la tête, se différencie plus tard dans le tronc d'avant en arrière. De même que la différenciation a débuté plus tôt dans la tête, la seg- mentation de ce cordon y commence plus tôt. Cette segmentation est plus profonde dans la région céphalique, à cause des évagina- tions branchiales qui rompent le cordon. Dans le tronc, cette rupture n'a pas lieu, et tous les ganglions restent réunis en un nerf latéral, dont la métamérie est accusée seulement plus tard et par ses supra- branchiaux. Il est si vrai que la rupture est due à l'apparition des i ,; FKKDKIUr; HOISS.W. fentes branchiales, que quand celles-ci ne persistent, pas, les gan- glions peuvent se ressouder. Par exemple, l'hyomandibulaire dispa* .mt, les deux ganglions faciaux se refondent en un seul. Le seul fait important que Beard puisse invoquer en faveur de soli idée, est le bourgeonnement d'avant en arrière. Et, nous le voyons, il se réduit à ceci : la différenciation du cordon épiblastique latéral est plus tardive dans le tronc que dans la tète. Môme ce retard n'est pas typique. Ilis ne signale-l-il pas dans le poulet ce cordon latéral dans le tronc aune époque très précoce? C'est son Zivischenstrang . Beard lui-même ne l'a-t-il reconnu tout en méconnaissant sa valeur? La portion dislalc du système nerveux périphérique se comporte donc de la môme façon dans tous les métamères du corps, sauf une réduction de fonction dans les segments dépourvus de branchies. Au point de vue phylogénétique, deux manières sont également accep- tables pour se rendre compte de ces faits. En premier lieu, je crois que tous sont d'avis de considérer l'apparition des fentes branchiales comme tardive; mais, cela étant, on a deux hypothèses à faire : A. 1er État. — Aucune branchie. 2e État. — Les branchies se développent dans les métamères anté- rieurs, et point dans les autres. Résultat : accroissement du rôle phy- siologique de la portion épiblastique secondaire de la tête, ganglions crâniens et nerfs branchiaux. B. 1er Etat. — Aucune branchie. 2° État. Des branchies dans tous les métamères, développement dans tous les métamères d'un système nerveux périphérique secon- daire distal, nécessité par l'innervation de ces nouveaux organes. 3e Etat. — Suppression de ces branchies dans le tronc. Résultat : réduction du rôle physiologique de la partie épiblastique secondaire qui devient le nerf et la ligne latérale sans liaison avec les racines dorsales. Je pencherais plutôt vers l'hypothèse B. Les Ascidies et l'Am- phioxusnenous indiquent-ils pas que les Vertébrés ont dû, à un mo- ment donné, posséder un nombre très considérable de branchies ÉTUDES D'EMBRYOLOGIE SHIi LES VERTÉBRÉS. 207 (2°étatB). C'est à celte époque que ecu\-l;t té s2 FRÉDÉRIC IIOURSAY. En arrière d'elle, passe un nerf postbranchial. Le ganglion facial s'est en effet divisé en deux portions qui restent encore unies entre elles ; mais peu importe : l'antérieure gft appartient à ce métamere hyomandibulaire et envoie un rameau derrière la fente fugitive que nous venons de décrire. Remarquons que, à ce stade, Yévent n'existe pas chez les Amphi- biens, mais, dans cette région, plus tard va se développer un nouveau nerf. Uabducensne représente-t-il pas un métamere de venue tardive, dont la fente branchiale estl'évent quand il existe? Quand cette der- nière fente persiste et que l'hyornandibulaire est supprimé, la branche antérieure du facial, retrouvée par Dohrn chez les Élasmo- branches, semble prendre rapport avec l'évent, tandis que, typique- ment, elle représente un rameau postbranchial appartenant au métamere postérieur. D'autre part, l'évent ne fonctionnant jamais comme branchie, une portion de sa musculature est détournée de ses attaches initiales et va mouvoir l'œil (rectus externus, Yan Vijhe), ce qui nous induit à rapporter Vabducens à cette région de l'œil, tandis que, typiquement, il est bien postérieur. Ceci est une hypothèse qu'il s'agit de vérifier par de nouvelles études ou d'abandonner; mais, si elle se trouve exacte, la structure de cette région compliquée deviendra extrêmement nette, grâce à la notion nouvelle du progrès constant de la métamérie et de l'ap- parition possible de nouveaux segments, ayant la même valeur que leurs aînés différenciés et fonctionnant. Nous nous occuperons plus tard des modifications qui peuvent survenir ; pour rester dans les faits certains, disons seulement que, au stade X, il n'existe encore qu'un seul segment entre la bouche et l'hyoïde ; c'est l'hyornandibulaire innervé par le ganglion et le post- branchial facial 1. Le doute que j'ai exprimé relativement à la valeur de la thyroïde ne porte aucune atteinte à la certitude relativement à l'existence du métamere lui-même. Son segment mésodermique est hors de con- testation. Les recherches de Dohrn (18, 49) à ce sujet sont très pro- ETUDES D'EMBRYOLOGIE SUR LES VERTÉBRÉS. 233 bantes, montrent fort bien que dans la masse mésoblastique de l'hyoïde (ancien) se différencient deux arcs complets avec leurs mus- culatures, leurs cartilages et leurs vaisseaux sanguins, et rendent compte des régressions survenues dans quelques-unes de ces parties. Ces résultats, déjà suffisants pour montrer en ce point l'existence d'un segment, en plus de ceux que Gegenbaur admet, sont singu- lièrement renforcés par leur absolue concordance avec ces recher- ches faites sur un type fort différent. Le métamère hyomandibu- laire peut être considéré comme définitivement fixé, au moins dans ses traits principaux. 5° Métamère hyoïde. De celui-ci, peu de chose à dire. Tout ce qu'il y a de particulier est la suppression de la partie antérieure et postérieure pour former deux segments nouveaux, l'un en avant de lui, l'autre en arrière. Ce que nous disons de ceux-ci suffit pour marquer comment nous en- tendons l'hyoïde ; il est d'ailleurs des plus nets et possède sa fente branchiale avec l'invagination entodermique (pi. XIV, fig. 57, 59), l'invagination ectodermique (pi. XIV, fig. 60). Son appareil nerveux est complet avec un ganglion gf2 et un rameau postbranchial pbfv constituant le facial 2. 6° Métamère auriculaire. Dans ces dernières années, plusieurs auteurs avaient été amenés, par des considérations de divers ordres, à compter un segment sup- plémentaire entre l'arc hyoïde et la première fente branchiale vraie. L'idée de l'oreille, fente branchiale, avait été émise, puis repoussée par différents auteurs ; mais je laisse de côté, pour le moment, toute cette période où les discussions portent seulement sur les parties annexes, à savoir : oreille moyenne et trompe d'Eustache. Dérivent- elles de la première fente branchiale ou sont-elles des évaginations secondaires du pharynx? peu importe. Il s'agit ici de l'oreille fon- 2ryoncn (Zool. Anz., 2i juin 1889). 36. Hocssay et Bataillon, Formation de la gastrula, du mésoblaste et de la chorde dorsale chez l'Axolotl (Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1888). «in FRÉDÉRIC HOUSSAY. 37. BoussATel Bataillon, Segmentation de l'oeuf et sort du blastopore chei l'Axolotl (Comptes rendus de /'Académie des sciences, Il 38. Houssay, Archives de zoologie expérimentale et générale(N. et R., 1889). 39# _ Études d'embryologie sur l'Axolotl [Comptes rendus de l'Académie des sciences, I889\ 40. — Sur la métamérie de la tète chez l'Axolotl (Ballet m de la Société de bio- logie, 1889). 41. Johnson (A.), The Fate of the Blastopore of the Newl (Quart. Journ. of Micr. Science, 1884). 42. Johnson (A.) et Sheldon L.),Noleonthedevelopment of the Newt (Quart. Journ. o/ Micr. Science, 1880). 43. Julin, Organisation des Ascidies simples (Archives de biologie, 1881). 44. — Recherches sur l'anatomie de VAmmocète (Bulletin scientifique du Nord, 1887). 45. Kltefer, Primwre Metamerie des Neuralrohres dur Vertebraten (Sitzung. der Math. Phys. Class. Akad. Mûnchen, 1885). 46. Me. Cllre, The primitive Segmentation of the Vertebrate Brain (Zool. Ans., 1889). 47. Marshall, The Morplwhgy of the Vertebrate olfactonj Organ (Quart. Journ. of Micr. Science, XIX, 1879). 48. Maurice, Étude monographique d'une espèce d'Ascidie composée (Archives de biologie, 1889). 49. Nuel, Développement du Petromyzon Planeri (Archives tic biologie, 1881). 50. Our (H.), Embryology of Anolis (John's Hopkins University Circulai-, Vil, 1888). 51. — Note on the devclopment of Amphibians [Quart. Journ. of Micr. Science, 1888). 52. Parker, On the Structure and development of theSkullin Sharks and Skales (Trans. Zool. Soc, 1878). 53. Peluger, XJeber den Einfluss der Schwerhraft ouf die Theilung der Zellcn (Pflùger's Archiv fur Gesam. Physiolog., X.\L, 1883). 54. — Ueber den Einfluss der Schiverkraft auf die Theilung der Zellen und auf die Entwicklung des Embryo (Pflùger's Archiv, XXII, 1883). 55. — Uber die Einwirkung der Schwerkraft und anderer Bedingungen auf die Richtung der Zelltheilung (Pflùger's Archiv, XXIV, 18^4). 56. Phisalix, Note sur lu nature des ganglions ophtalmiques et l'origine de la première cavité céphalique chez les Sélaciens [Bulletins de la Société zoologique de France, 1888). 57. Rare (C.)., Bemerkung ûber die Scgmcntirung des Hirnes (Zool. A»î..,1886). 58. Remak, Untersuchungen ûber die Entwicklung der Wirbelthiere, Berlin, 1850-1855. 59é Houx (W.), Uebér die Entwicklung der Froscheier bei Aufhebung der rich- ÉTUDES D'EMBRYOLOGIE SUR LES VERTÉBRÉS. 241 tenden Wirkung der Schwcre (Breslauer Aertz. Zeitsch., n° G, 1884). 60. Schdltze, Die Entwicklung der Keimblsetter und der Cliorda dorsahs von Rana fusca (Zeitsch., fur Wiss. ZooL, 1887). 61. — Ueber die Fwchung beim Axolotl. 62. Salensky, Développement du Sterlet (Archives de biologie, 1881). 63. Scott et Osborn, On Some points in the earlg development of the Neiot, (Quart. Journ. of Micr. Science, 1879). 64. Shippley, On some points in the development of Pelromyzon fîuviatilis (Quart. Journ. of Micr. Science, 1887). 63. Sidebotiiam, Note on the fate of the blastoporc in Rana tcmporaria (Quart. Journ. of Micr. Science, 1888). 66. Spencer (B.), On the fate of blastoporc in Rana tcmporaria (Zool, Anz., 188a). 67. Van Bambecke, Nouvelles recherches sur l 'embryologie des Batraciens (Ar- chives de biologie, 1880). 68. Van Beneden, Bulletin de l'Académie royale de Belgique, 1881. 69. Van Vijhe, Ueber die Mesodermsegmente und die Enttvicklung der Nerven des Selachierskopfes, Amsterdam, 1882. 70 . — Ueber die Kopfsomitc und die Phylogenie des Geruchsorgan der Wir- belthiere (Zool. Anz., 1886). 71. — Ueber die Mesodermsegmente des Rumpfes und die Entwicklung des Exkretionssystems bei Selachiern (Archiv fur Mikr. Anat., XXIll, 1889). EXPLICATION DES PLANCHES PLANCHE X. Fig. 1 . Ponte dAxoIotl. Tous les œufs orientés d'une façon quelconque dans une gaine de mucus adhérent. 2. La même, après quelques heures d'imbibition aqueuse. Un vide se déter- mine autour de chaque œuf qui se place le pôle noir en haut. 3. La même un peu plus tard. Par les progrès de l'osmose; la gaine muqueuse se distribue en sphères distinctes autour de chaque œuf, avec des stries d'hydratation qui simulent une coquille de structure compliquée. h, 5, 6, 7. Différents états d'un même œuf déplacé de sa position primitive. Le pôle A se change en A et la segmentation continue. 8. Déplacement du pôle de 90 degrés. A, ancien pôle; A, pôle nouveau. 9, 10. Changement de pôle à un stade très avancé; A, ancien pôle ; a', pôle nouveau. 11. Forme particulière de segmentation: A, pôle; a, quatre plans qui auraient dû être méridiens. ARCH. DE ZOOL. EXP.' ET GÉN. — 2e SÉRIE. — T. VIII. 1890. 16 |M FRÉDÉRIC HOUSSAY. i '. Slade a : bl, blastopore on ligne brisée. 13. Stade [i : W, blastoporc en fer à cheval. 1 i . Stade 7 : II, anus du Rusconi ; cck, bouchon d'Ecker. 15. Stade S : bl, blastopore ; bm, bourrelets médullaires ; am, aire mé- dullaire. 16. Stade s : bl, blastopore;?», moelle; en, encéphale. 17. Coupe verticale d'un œuf i un état avancé de segmentation; es, cavité de segmentation; pc, petites cellules supérieures ; ffê, grosses sphères in- férieures, is. C.iiupi' verticale perpendiculaire au blastopore d'un oBM du stade a ; ep, épiblaste différencié ; ep', épihlaste non différencié: ; hy, hypoblaste ; bl, blastopore; arch, archentéron ; es, cavité de segmentation. PLANCHE XI. 19. Stade * : région du blastopore; ep', épiblaste peu différencié; bl, blasto- pore ; arch, archentéron; hy, hypoblaste, identique des deux côlés de ['archentéron. 20. Stade fl : coupe transversale de l'intestin secondaire (in) ; hy, hypdblastë ; les cellules inférieures commencent à différer légèrement. 2t. Stade 3 : coupe longitudinale à l'extrémité profonde de l'intestin secon- daire (in) ; hy, hypoblaste. z)>. Coupe transversale d'un embryon du stade B; ep, épiblaste très différencié; moins différencié sur la ligne ventrale; in, intestin; hy, bypoblaste; mes, mésoblaste ; il existe sur la ligne dorsale. 23. Coupe longitudinale d'un embryon du stade (3 un peu plus âgé que le précédent. Mêmes indications; es, reste de la cavité de segmentation. 24. Coupe transversale dans la région céphalique d'un embryon du stade S; ne, neuroépithélium ; hy, hypoblaste; mes, mésoblaste. 2o. Coupe transversale, stade 8; bm, bourrelets médullaires; ne, neuroépi- thélium double; ep, épiblaste simple; in, intestin; mes, mésoblaste; hy, hypoblaste. 26. Coupe transversale, région dorsale. Stades; ne, neuroépithélium; mes, mésoblaste ; hy, hypoblaste (ligne primitive). 27. Stade Ç. 28. Stade r,. 29. Stade 6. PLANCHE XI t. 30. Embryon du stade t sur lequel sont reconstitués les myolomes, tny : les cordons ganglionnaires latéraux cg; la région épiblastique simple, es; double, ed; en, encéphale; m, moelle; bl, blastopore. 31. Coupe transveTsale d'un embryon s, région céphalique; bm, bourrelet médullaire; rp, première indication de la portion primaire d'une ra- cine nerveuse dorsale; cg, cordon ganglionnaire; ep, épiblaste simple; mes, mésoblaste; c/i, chorde. ETUDES I)' EMBRYOLOME SUR LES VERTÉBRÉS. 243 Fin. 32. Coupe transversale du même embryon, région dorsale; ne, nouro-épithé- lium ; ep, épiblaste simple ; hy, bypoblaste ; me, mésoderrae; ch, chorde. ,:;!. Embryon du stade vi jeune, cordon ganglionnaire coupé en trois; oc, ol- factif ciliaire ; t, trijumeau ; c<7,les autres ganglions crâniens; m, moelle; W, blastopore. 34. Coupe transversale, région céphalique, m; cm, cerveau moyen; ep, épi- blaste; rp, portion primaire de la racine dorsale; cg, coupe du cordon ganglionnaire. 35. La même, région de la moelle. Mêmes lettres; m, moelle. 3G. Stade t, âgé; 'cp, cerveau postérieur; rp, racine primaire; ch, chorde; mes, mésoblaste. 37. Même embryon que 34. Coupe dans une région où le cordon ganglionnaire est interrompu; la racine dorsale l'est également; ep, épiblaste double. 38. Embryon n âgé, région de la moelle ; ep, l'épiblaste s'est redoublé en face de la racine dorsale. 39* Embryon du stade 6. Mêmes lettres. 40. Même embryon que 36, région dorsale; ne, neuro-épithélium ; rp, portion primaire de la racine dorsale; m, moelle; ep, épiblaste simple; mes, mésoblaste; ch, chorde. 41 . Coupe transversale dans le cerveau postérieur au stade 6 ; rp, portion pri- maire de la racine dorsale ; rp', prolongement de cette portion entre la chorde et le mésoblaste ; rp", rameau qui relie la racine primaire au ganglion; cg, épaississement ganglionnaire; pb, épaississement du ra- meau postbranchial; hy, hypoblaste; mes, mésoblaste ; ch, chorde. 42. Mêmes lettres que précédemment, embryon un peu plus âgé; le ganglion s'enfonce dans le mésoblaste et le rameau postbranchial se détache de l'épiblaste. 43. 44. Coupes longitudinales d'un embryon, 6; go, ganglion olfactif; gc, gan- glion ciliaire; gt, ganglion trijumeau; gfa, ganglion facial auditif; ggp, ganglion glosso-pharyngien ; gv, ganglion du vague. Évaginations ento- dermiques : OH, oculo-hypophysaire; B, buccale; H, hyoïde; 1. B, première fente branchiale ; 2. 3. 4. B, les dernières fentes branchiales my, myotomes du tronc; my', de la tête. PLANCHE XIII. 45, 46. Deux coupes du même que 43, 44. Plus latérales, les somites sont coupés au lieu des myotomes. Mêmes lettres : pbc, postbranchial ciliaire; pbl, postbranchial trijumeau; I, II, III, IV, V, 1er, 2e, 3e, 4e, 5e segment mésoblastique de ce stade. 47 . Embryon du stade >.. 48, 49, 50, 51, 52. Coupes transversales successives, se rapprochant de l'ex- trémité supérieure dans un embryon e jeune; ib, intestin branchial ; OH, son prolongement oculo-hypophysaire ; rp, racine primaire dorsale; gne, ganglion nasal ciliaire; cg, cordon ganglionnaire indivis; m,ch, mésoderme et chorde ; m,, chu mésoderme et chorde du segment pré- * m FREDERIC HOUSSAY. oculaire; CA, cerveau antérieur; CP, cerveau postérieur; CM, cerveau moyen. Fig. 53. Figure composée du même embryon ; ib, intestin branchial ; OH, prolon gcment oculo-hypophysaire ; gnc, ganglion nasal ciliaire ; cg, cordon ganglionnaire ; my, myotomes ; m, mésoderme indivis de la tête; mlt segment préoculairo détaché. 54. Coupe longitudinale d'un embryon 8; HS, hémisphères; TH, thalamencé- phale; CM, cerveau moyen ; CP, cerveau postérieur ; MA, moelle al- longée antérieure ; MP, moelle allongée postérieure; go, ganglion ol- factif; gc, ciliaire; racines dorsales des nerfs : no, olfactif; ne, ciliaire ; n/.'trijumeau; nfa, facial auditif; ngp, glosso-pharyngien ; nv, vague. 55. Figure composée et non schématisée d'un embryon du même âge montrant les rapports des différents éléments métamériques de la tête. Parties du cerveau, mêmes lettres que 45. Nerfs : c, ciliaire ; t, trijumeau ; fa, facial auditif; gp, glosso-pharyngien; v, vague; OH, évagination oculo-hypophysaire; B, bouche; H, hyoïde; l.B, lre fente branchiale; 2, 3, 4 B, 2e, 3e, 4e fente branchiale indivise ; l.S, 2S, 1er et 2e neuro- tomes spinaux. PLANCHE XIV. 56. 57, 58,59,60,61. Six coupes longitudinales d'un embryon du stade X, allant du plan médian à la périphérie. 62. Composée avec cette série. HS, hémisphères; TH, thalamencéphale; ep, épiphyse ; CM, cerveau moyen ; CP, cerveau postérieur; ch, chorde; vo, vésicule optique. Fontes branchiales. C, cristallin; Hy, hypophyse; OHy, ocu- lo-hypophysaire. B, bouche. IIM, hyomandibulaire. H, hyoïde. A, auditive; au, oreille. IB, lre fente branchiale vraie. 2B, 3B, 4B, 2R, 3», 4e fente branchiale vraie. Rameaux postbranchiaUX. pbc gc . . pbt ■. gl.. PVi Sfi-- pbfi 9f*> pba ga . . pb,gp.... ggp. r/i'i, gvï, gv-i Ganglions. ciliaire. trijumeau. facial t. facial 2. auditif. glosso-pharyngien. vague. 11M et A représentent les masses résultant de la soudure des évaginations hyo- mandibulaire et auditive avec les somites de la région. ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DU CHÉTOPTÈRE {CHŒTOPTERUS VARIOPEDATUS, Rénier) SUIVIE D'UNE REVISION DES ESPÈCES DU GENRE CHŒTOPTERUS PAR J. JOYEUX-LA.FFUIE Professeur de zoologie à la Faculté des sciences de Caen, Directeur du laboratoire maritime de Luc-sur-Mer. AVANT -PROPOS. Il n'est pas un zoologiste qui, en voyant un Chétoptère pour la première fois, n'ait été frappé par l'aspect singulier de cet animal : pas de tête apparente, des appendices en forme de longs prolon- gements que l'on a comparés à des bras, d'autres imitant des pa- lettes qui servent à l'animal à déplacer l'eau comme avec des pelles, d'autres enfin, véritables appareils de fixation, disposés en forme de ventouses. L'organisation interne, telle qu'on la connaît d'après les travaux les plus récents, n'est pas moins curieuse, et nombre de données sur les systèmes nerveux, circulatoire, excréteur et repro- ducteur, sont plutôt de nature à surprendre qu'à satisfaire l'esprit et ne devraient être définitivement acceptées ou rejetées qu'après de nouvelles recherches. Depuis longtemps j'avais le désir d'étudier cette étrange annélide, mais toujours j'avais été retenu par d'autres travaux et surtout par l'impossibilité où j'étais de pouvoir me procurer en assez grande abondance et en bon état de conservation les matériaux nécessaires 246 •'• JOYEUX-LAFFUIE. à ce travail, lorsqu'il y a quelques .-innées, je fus chargé le la direction du laboratoire de Luc-sur-Mer, et là, je fus surpris de la quantité, parfois considérable, de Chétoptères que l'on peut recueillir sur la grève en une seule marée. Le manque d'ani- maux n'était plus un empêchement. Je me mis au travail cl ce sont les résultais de mes recherches que renferme le présent mémoire. Je dois rappeler ici que bien souvent mon vénéré maître, M. de Lacaze-Duthiers, dans les intéressantes causeries où il s'efforçait de développer chez ses élèves l'amour de la zoologie et l'esprit de re- cherche, nous signalait l'étude du Ghétoptère comme un intéres- sant sujet de travail. Peut-être ces indications n'ont-elles pas été étrangères à ma détermination ; aussi me fais-je un devoir de rap- porter à ce maître, qui a tant fait pour le développement de la zoologie en France, la part qui lui revient dans le choix de mon sujet. Le but que j'ai cherché à atteindre en publiant ce travail a été tout d'abord de donner de l'organisation du Ghétoptère une des- cription anatomique aussi exacte que possible ; puis de chercher dans les données anatomiques un fil conducteur pouvant servir à homologuer les différentes parties des appendices si variés que pré- sente notre Annélide. Il me suffît de rappeler que Sars (6), le na- turaliste norwégien bien connu par ses remarquables travaux sur les Annélides, a pris la face dorsale pour la face ventrale, pour montrer combien sont nombreuses les difficultés que l'on éprouve à reconnaître la véritable nature des parties et combien il importe d'être fixé à leur égard d'une façon certaine. Les animaux qui ont servi à mes recherches provenaient de. diffé- rentes localités. La majeure partie a été recueillie à Luc et sur les grèves environnantes. Quelques individus m'ont été envoyés bien vivants du laboratoire de Roscoff el m'ont surtout servi à constater que l'espèce des côtes de Bretagne est la même que celle qui vil sur les côtes de Normandie. Enfin quelques échantillons par- ÉTUDE .MONOGRAPHIQUE DU CIIÉTOPTÈRE. 247 faitement conservés m'ont été vendus et expédiés par le laboratoire de Naples. J'ai cru devoir rapporter, pour des motifs que j'indiquerai plus loin, tous ces animaux de différentes provenances à la môme es- pèce, au Chœtopterus variopedatus de Rénier et Claparède. BIBLIOGHAPUIE, Les travaux publiés sur le Chétoptère peuvent ôtro divisés en deux catégories : d'une part, ceux qui ont paru depuis une trentaine d'années environ, et de l'autre, ceux qui sont antérieurs. Ces der- niers ne renferment le plus souvent que de vagues indications ana- tomiques, et l'index "tri-bttbgraphique ci-joint, où les principaux tra- vaux ont été indiqués, me dispensera déplus longs commentaires. Quant aux premiers, chaque fois que mes résultats seront en con- tradiction avec ce qui aura été décrit par leurs auteurs, je le signa- lerai et au besoin je citerai les textes. Cette manière de procéder évitera un long chapitre bibliographique sans intérêt. INDES BIBLIOGBABHIQUE. 1 . Renieiu, Pmspetto dei Venin. 2. CuviEii, Rèi/m: animal, 2" edit. 3. Audouin et M. -Edwards, Classification dus Annclides et description de celles i/iii habitent les côtes de France [Annales des sciences naturelles, t. XXX, p. 414, 1833). 4. ŒliSTED, Annalaljirani Danieoram CÇfàspectus, 1843. 5. Will, Arc/tiv fur Naturg., t. X, p. 328, 1844. 6. Sars, Famia /i/t:tra/is Norn-ei/i.T, [846, 7. Muller, Mùll. Archiv, p. 101, 1840. 8. Busch, Mt'dl. Archio, p. 187, 1847. 9. Sars, Zur £}n.twiçkelungsgcçhichie der AnneUden{Archiv fur Natyrg, 1847). 10. Gwbe» Die farnilien der favr\çliden mit augabe ihrer Qattungen ami arien, 1851. 11. Max Muller, Qbs, Anal, de Venu. quib. mariais, p. 25, pi. III. 12. — Mûller's Archiv, 1855, p, 1. 13. William- John, On a ipcciea Qf*Chœtopteru$ from. N. Wales Transact Loin. Hue, vol. XXIV, pari. III, p. 483-480, 1864). 248 J. JOYEUX-LAFFUIE. 14. Baird (W.), 0» a spccies of British Annelidcs belonging of the fnmily Chœ- topteridœ (Transact.Soc. Lond., vol. XXIV, part. III, p. 477-483, 1864). lo. — Description ofnew variety of Lepidonotus (Polynoe) cirratus parasitic in the tube of Chœtopterus insignis [Journ. of Linn. Soc. Zool., vol. VIII, p. 161-165). 16. De Quatrefages, Histoire naturelle des Annelés marins et d'eau douce, Paris, 1865, vol. II, p. 210. 17. Jourdain (S.), Note sur le Chétoptère à parchemin (Chetopterus pergamen- taceus) [Mémoires de la Société nationale des sciences naturelles de Cherbourg, vol. XI, p. 76-80. 1865). 18. — Sur une espèce de Chétoptère des côtes de la Manche (Association scien- tifique de France, Bull, hebd., n° 33, 15 septembre 1867). 19. — Notice zoologique et anatomique sur une espèce de Chétoptère des côtes de la Manche (Chœtopterus Quatrefagesi). Paris, 1868. 20. Claparède, Les Annelidcs chœtopodes du golfe de Naples, Genève, 1868. 21 . — Les Annélides chœtopodes du golfe de Naples, suppl. 1870. 22. Lespès, Etudes anatomiques sur un Chétoptère [Annales des sciences natu- relles, 5e série, t. V, p. 63, 1872). 23 . De Lacaze-Duthiers, A propos de la station des Chétoptères et des Myxicoles sur les plages de Boscoff et de Saint-Pol-de-Léon, côtes de Bre- tagne (Finistère) (Archives de zoologie expérimentale et générale, vol. I, p. xvn-xxiv, 1872). 24. Claparède, Becherches sur la structure des Annélides sédentaires, Genève, 1873. 25. Barrois (Th.), Note sur la présence du genre Chétoptère à Groffliers (avec une note supplémentaire par M. Giard) (Bulletin scientifique du département du Nord,\o\. IX, 1877). 26. Cosmovici (Léon), Sur les organes segmentaires et les glandes génitales des Annélides polycheetes sédentaires (Comptes rendus de l'Académie des sciences de Paris, vol. LXXXVIII, p. 393-396, 1879). 27. — Glandes génitales et organes segmentaires des Annélides polycheetes (Archives de zoologie expérimentale et générale, lre série, t. VIII, 1879-1880). 28. Delage (Yves), Une pêche mnaculeuse de Chétoptères (Bulletins de la Société Linnéenne de Normandie, 3e série, vol. VIII, années 1883-1884). 29. Joyeux-Laffuie, Becherches sur l'organisation du Chétoptère (Comptes ren- dus de l'Académie des sciences de Paris, t. CV, 1887). 30. — Sur le système nerveux du Chétoptère (Comptes rendus de l'Académie des sciences de Paris, t. CVI, I! ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DU CHÉTOPTÈRE. 249 HABITANT. — PÊCHE. — TUBE. — MŒURS. La zone où vit le Chétoptère varie avec la nature du fond. C'est ce qui ressort d'une manière évidente des observations que j'ai faites dans les différents points de la côte où j'ai recueilli cet An- nélide. A Luc-sur-Mer et sur les grèves environnantes, tant au nord-ouest, à Langrune, Saint-Aubin, Bernières, Courseulles, Ver et Port-en- Bessin, qu'au sud-est, à Lion-sur-Mer, Ouistreham, etc., et à Morgate, dans la baie de Douarnenez, à l'extrémité du Finistère, plages cons- tituées en grande partie par un sable fin et mouvant, continuelle- lement remué par la vague, le Chétoptère ne vit en place qu'au- dessous des basses mers. Les embryons arriveraient-ils à se fixer au- dessus de ce niveau, ce qui doit se produire fréquemment, que bientôt les tubes seraient remplis par le sable, et les animaux ne tarderaient pas à périr. En outre, ces plages sableuses, très per- méables, assèchent complètement à marée basse. Pour ces différentes raisons, le Chétoptère est réduit, dans ces localités, à vivre dans une zone profonde, où le mouvement de la vague se fait à peine sentir. Aussi, à Luc-sur-Mer et aux environs, n'ai-je jamais eu l'occasion de recueillir, à mer basse et en place, un seul Chétoptère. Les nombreux individus que l'on rencontre parfois sur la grève, plus particulière- ment après les grandes tempêtes du nord-ouest, viennent du large, poussés par la vague, échouer sur la plage. C'est dans ces conditions que l'animal a été recueilli par M. de Quatrefages (16) et plus tard par M. Jourdain (19) à Saint-Waast-la-Hougue. Mon savant prédécesseur à la direction du laboratoire de Luc, M. Delage (28), a décrit de véritables pêches miraculeuses de Chétoptères eî j'ai eu moi-même la bonne fortune de pouvoir en faire quelques-unes. 11 me suffira d'en signaler une seule pour mon- trer la quantité de Chétoptères parfois extraordinaire que l'on peut recueillir dans le voisinage du laboratoire. En 1886, après une tempête o:,„ j. j Lan gr une, la présence d'une telle quantité de tubes roulés, qu'on pouvait facilemenl en évaluer le volume à dix mètres cubes au mi- nimum. La plupart de ces tubes renfermaient encore ranimai vivant. Pour recueillir le Chétoptère en place, il est indispensable d'avoir recours à la drague, un seul coup donné au large de Luc-sur-.Mer, par une profondeur d'une dizaine de mètres au-dessous des plus basses mers, ramène assez souvent un ou deux individus. Dans des dragages exécutés avec six dragues fonctionnant en môme temps, j'ai fréquemment recueilli de vingt à trente échantillons en parfait état. Tout cela prouve qu'à cette profondeur et sur la côte de Luc le Chétoptère doit être extrêmement abondant. Le Chétoptère peut vivre au-dessus du niveau des basses mers, sur los plages plus résistantes, formées par un sol plus compact, protégées par les rochers contre l'action destructive de la vague et où, à mer basse, l'eau est en partie retenue dans des bassins naturels di ml le fond est formé par un sable argileux et résistant. Ce sont les conditions que l'on rencontre par exemple à Roscoff, où j'ai recueilli plusieurs individus dans l'herbier situé entre le laboratoire et l'île Verte, ou encore sur la plage de Saint-Pol-de-Léon. A Roscoff, la drague ramène rarement le Chétoptère, ce qui porte à admettre qu'il doit y être plus rare qu'à Luc-sur-Mer, dans les zones profondes. l'our l'étude de notre Annélide, ces deux localités se complètent. Dans l'une, à Luc-sur-Mer, on peut se procurer des individus pres- que en aussi grande quantité qu'on le désire ; dans l'autre, à Roscoff, le Chétoptère est relativement rare, mais on l'observe et on le recueille sur place. On reconnaît la présenco du Chétoptère aux extrémités de son tube qui foui saillie au-dessus de la grève ; mais encore faut-il avoir une certaine, habitude de la recherche des animaux, car de nom blouses plantes marines ainsi que plusieurs espèces animales telles ETUDE MONOGKAl'HInUU; DU CHÉTOPTÈRE. ! -I que certaines Ascidies, qui trouvent là des conditions favorables à leur développement, se fixent sur ces extrémités et les dissimulent parfois complètement. Un des orifices reconnu, la première chose à faire, avant de se mettre en mesure d'extraire l'animal du sol, est de reconnaître l'au- tre extrémité. Sans cette précaution, il est rare d'obtenir le Chélop- tère entier. La deuxième extrémité découverte, on procède à l'ex- traction, qui est le plus souvent un travail assez pénible. Si, comme cela arrive parfois à Roscoff et sur les côtes rocheuses de Bretagne, le Chétoptère est établi dans les interstices des rochers remplis par du sable, il faudra le plus souvent se résigner à l'aban- donner, car en voulant le dégager, même avec toutes les précautions possibles, on brise le tube et on n'obtient qu'avec beaucoup de peine quelques fragments de l'Annélide. Dans les cas plus fréquents où il est tout entier situé dans le sable, ou dans du sable mélangé à du gravier, comme cela se voit par exemple sur la vaste plage de Saint-Pol-de-Léon, il suffit, pour mettre le tube à nu, de pratiquer soit avec une pelle ou simplement avec les mains une tranchée parallèle à la ligne réunissant les deux orifices. Gela fait, il faut saisir le tube avec précaution, pour ne pas briser l'animal, et le placer dans un récipient contenant de l'eau de mer. Pendant l'hiver, on peut encore conserver l'animal vivant pendant plusieurs jours en le laissant à sec, le peu d'eau qui reste dans le tube suffit à empêcher le dessèchement. Dans les aquariums, il est indispensable de donner au Chétoptère de l'eau de mer par- faitement pure et bien aérée, sinon il ne tarde pas à périr. Le tube du Chétoptère peut être représenté par un U très ouvert. C'est l'apparence qu'il revêt le plus ordinairement; mais il en est qui peuvent affecter des formes plus ou moins irrégulières. J'en ai recueilli qui étaient en forme de 8, ce chiffre non fermé. J'ai pu m'assurer que toutes ces variétés dans la forme du tube n'avaient aucune influence sur l'animal et étaient sans valeur au point de vue spécifique, ou en d'autres termes que deux Chétoptères de la même 252 J- JOYEUX-LAFFUIE. espèce peuvent habiter des tubes ayant l'un la forme d'un U et l'au- tre relie d'un 8. Pour extraire l'animal, on peut fendre le tube avec des ciseaux; mais, en agissant ainsi, on blesse souvent le Chétoptère, qui s'est contracte et ramassé en un point, et mieux vaut, en général, déchirer le tube avec les doigts ; on évite de la sorte, en procédant avec précaution, les blessures et les ruptures. On obtient un animal complet qu'il suffit de placer dans une cuvette remplie d'eau de mer pour l'examiner à loisir. La longueur et le diamètre du tube varient avec la taille de rani- mai. J'ai recueilli des tubes qui atteignaient jusqu'à 50 centimè- tres de long et qui présentaient 2 centimètres et demi de diamètre dans le point le plus volumineux, les extrémités toujours plus petites n'avaient guère que 1 centimètre de diamètre aux orifices. On remarque également d'autres différences dans les tubes : les uns sont mous et minces ; d'autres, plus résistants, offrent des parois plus épaisses; mais ce sont toujours des différences individuelles qui n'ont rien de constant et qui, le plus souvent, sont en rapport avec les conditions de milieu où vit l'animal. Gela est presque évident pour la forme générale du tube. Si l'animal est contrarié dans son développement par un obstacle, un rocher, par exemple, il le con- tourne et modifie en même temps la direction de son tube. Ce tube est un véritable tube à peu près régulièrement cylindrique, rugueux et souvent recouvert de sable à l'extérieur; il est parfaite- ment poli à l'intérieur. Ses parois, épaisses dans la partie médiane, amincies vers les extrémités, sont constituées par une matière papy- racée résultant, comme on le verra plus loin, de la solidification du mucus sécrété par l'animal. Il est même assez facile avec une pince de pouvoir séparer les unes des autres les différentes couches de cette substance. La couleur est variable, mais, en général, elle reste dans les teintes jaune sale et brunâtre. Le Chétoptère est un type d'Annélide sédentaire par excellence. Pendant toute son existence, il habite le même tube, où il se dé-- ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DU CHÊTOPTÈRE. 233 place, mais qu'il n'abandonne jamais. En cela il diffère de la plu- part des autres Annélides sédentaires, qui peuvent, selon leur volonté, sortir en partie hors de leurs demeures et s'y abriter complètement dès qu'elles sont inquiétées. C'est ainsi que les Sabelles, les Serpules, etc., montrent à l'extérieur leurs superbes panaches au moyen desquels elles respirent et attirent les parti- cules alimentaires qui servent à leur nourriture. Chez le Ghétoplère, les mœurs sont bien différentes. Toujours complètement retiré, il ne se montre jamais à l'extérieur de son tube traversé par le courant d'eau qui doit servir à sa respiration en même temps qu'il lui apporte les particules alimentaires utiles à sa nutrition. Chez les Sabelles et autres Annélides voisines, c'est l'animal qui va à la recherche d'un milieu respirable et nutritif; chez le Ché- toptère, c'est le milieu qui doit aller trouver l'Annélide dans sa demeure. Aussi cet animal est-il profondément modifié dans ce but, comme on le verra dans la suite. Extrait de son tube où il est emprisonné, et placé dans un vase contenant de l'eau de mer, il se contourne, s'allonge en certains points, se contracte dans d'autres, se place souvent la face dorsale en bas et devient complètement inhabile à se mouvoir. La liberté est pour lui le pire des maux. In- capable de se sécréter un nouveau tube, il est promptement destiné à périr. Il importe donc, pour tirer des conséquences physiologiques de son organisation, de toujours supposer par la pensée l'animal placé dans les conditions où il vit à l'état normal et de ne pas oublier un seul instant qu'il est adapté à un milieu particulier et soumis à des conditions absolument spéciales. Pour les besoins de la description, je supposerai toujours, dans le cours de ce mémoire, l'animal placé la bouche en haut et la face ventrale tournée vers l'observateur. I. .lOVKUX-l.AFIl II EXTÉRIEUR. — TÉGUMENTS. — LUMINOSITÉ. — GOUTTIÈRES VIBRATILES. CAVITÉ GÉNÉRALE. — MUSCUL/VTURE. Comme totiU \i iêi Annélides polychœtcs, le Chétoptère est consti- tué par ïi ne série, de segments placés les uns à la suite des autres ; mais loin d'affecter toujours la môme forme, comme cela se voit fré- quemment, ces segments présentent dans certaines régions des modifications profondes qui masquent souvent leur véritable nature. C'est là une simple apparence qui se laisse facilement dévoiler par l'étude morphologique, comme je le montrerai dans la suite. La hanche (pi. XV, fig. 1, b) est située à l'extrémité renflée de l'animal; elle est en forme d'entonnoir et a reçu polit- cette raison le nom iVcnlonnoir buccal. Pour mettre l'animal dans la position que j'ai adoptée, il reste à distinguer la face dorsale de la face ventrale. Tous les auteurs, excepté Sars (6), ont parfaitement admis et reconnu deux faces : une dorsale et une ventrale désignées aussi sous les noms de faces inférieure et supérieure, suivant la position que l'on donne à l'animal. Le savant norwégien est le seul qui ;iit commis la méprise regrettable de prendre la face dorsale polir U face ventrale et inversement. La face dorsale (pi. XV, fig. 1) se reconnaît à la présence des antennes, des grands pieds en forme de bras allongés sur le dou- zième segment; à une cupule sur le treizième et à des appendices en forme de palettes sur les quatorzième, quinzième et seizième segments. Les segments suivants offrent des rames coniques et allongées qui vont progressivement en diminuant jusqu'à la partie terminale. La lace ventrale (pi. XV, fig. 2) se distingue à première vue par un développement moins considérable des appendices qui, modifiés de différente façon, constituent des parties en forme d'écusson aux douzième, treizième, quatorzième, quinzième et seizième segments et des petites palettes aux segments suivants ; palettes en forme de ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DU ÊHÉTOPTÈRE. 188 rames qui diminuai l progressivement jusqu'à l'extrémité inférieure. Pour les besoins de 18 description, je distinguerai dans le Ghélo- ptère trois régions; une région supérieure, une région moyenne et une région inférieure. Ces trois régions, admises par la plupart des zoologistes qui ont étudié cet animal, ont été désignées par plusieurs d'entre eux sous les noms de région céphalique, thoracique et abdominale ou caudale. Mais, si tous les auteurs s'entendent sur le nombre des régions et sur la limite des régions moyenne et infé- rieure, il n'en est plus ainsi pour les régions moyenne et supérieure, comme je le montrerai dans un instant. Région supérieure. — La région supérieure élargie, convexe du côté ventral, légèrement concave du côté dorsal, présente dans ses traits généraux la forme d'un rectangle allongé de haut en bas. La partie médiane offre une assez grande épaisseur et les bords laté- raux amincis présentent une rangée de mamelons pédieux au nom- bre de neuf de chaque côté, ce qui indique déjà que cette région supérieure doit être formée d'au moins neuf segments; chiffre infé- rieur, comme on le verra dans la suite, au nombre total des anneaux qui rentrent dans la constitution de cette région et qui est réelle- ment de onze. Du reste, ce nombre neuf n'a rien de constant; j'ai observé des individus qui présentaient dix paires de mamelons pédieux, d'autres onze paires et j'ai même recueilli un spécimen chez lequel j'en ai compté douze paires. Chez un autre, il en existait onze à gauche et douze à droite. Assez fréquemment j'en ai observé dix d'un côté et neuf de l'autre ; mais ce sont là des exceptions et le nombre neuf est la règle. Cependant, ces cas particuliers ne sont pas sans intérêt au point de vue phylogénétique. Il n'existe aucune segmentation apparente sur la face ventrale, et c'est à peine si, sur les parties latérales de la face dorsale, on dis- tingue entre les segments de légères rainures peu apparentes. La métamérisation est limitée à l'organisation interne. gS6 J. JOVEUX-LAFFUIE. Toute la partie médiane de la face ventrale de la région supérieure est occupée par une large surface unie, de couleur légèrement rosée, plus étroite en bas qu'en haut, où elle est arrondie, et que je dési- gnerai sous le nom de plastron ventral fol. XV, fig. 2, c). Les parties latérales offrent à la base des pieds, de chaque côté du plastron ven- tral, une bande de couleur jaunâtre (pi. XV, fig. 2, o), qui va de la première paire de pieds au petit appendice mobile (pi. XV, lîg. 2, e), situé à la base du neuvième pied et qui doit être considéré, je le prouverai dans la suite, comme la rame ventrale du segment cor- respondant. Ces deux bandes encadrant le plastron ventral de cha- que côté sont, comme je le montrerai, les seuls vestiges des rames ventrales de la région supérieure. A la partie supérieure, la face ven- trale est limitée par un bord arrondi (pi. XV, fig. 2, b), d'un blanc jaunâtre qui gagne les côtés pour aller former sur la face dorsale deux petits lobes arrondis qui embrassent la base des tentacules (pi. XV, fig. \,c). Un bord droit réunit les bases de ces deux lobules et limite en haut la face dorsale de cette région. Les deux bords que je viens d'indiquer, le bord courbe et arrondi de la face ventrale et le bord droit de la face dorsale, forment avec les deux lobules la limite supérieure de l'entonnoir buccal. Aux deux extrémités du bord dorsal rectiligne, un peu sur les côtés, sont insérés les deux antennes (pi. XV, fig. 4, a). Près de la base d'insertion, du côté externe, se voit de chaque côté un point noir qui est l'œil. Il est parfois difficile d'apercevoir ces yeux, mais alors il suffit de relever les lobes du bord de l'entonnoir buccal pour les mettre en évidence. Les antennes coniques et allongées, dirigées en haut, dépassent le bord ventral de l'entonnoir et sont creusées sur toute leur longueur d'une gouttière ciliée. Je reviendrai plus loin sur ces appendices en m'occupant des organes des sens. Sur le milieu de la lèvre dorsale de l'entonnoir buccal est situé un petit tubercule, auquel vient aboutir une gouttière (pi. XV, fig. 4, d) qui règne sur la ligne médiane de toute la face dorsale de la région ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DU CHÉTOPTÈRE. 257 supérieure. Cette gouttière, que j'ai désignée (29) sous le nom de gouttière vibratile, sera décrite plus longuement au chapitre de la digestion. Tous les pieds de la région supérieure sont semblables et à peu près de môme volume, tous sont constitués par un mamelon sensi- blement conique, légèrement recourbé vers la face dorsale, qui représente la rame dorsale, la rame ventrale étant atrophiée. Seul le onzième segment porte à la face ventrale de chaque côté un petit appendice (pi. XV, fig. 2, e), qui représente la rame ventrale. Ce fait, à savoir que ces petits appendices doivent être considérés comme les rames ventrales du neuvième segment, a été signalé pour la pre- mière fois par M. Jourdain, le savant zoologiste de Saint-Waast-la- Hougue, dans la description qu'il nous a donnée du Chœtopterus Quatre fagesi, qui n'est autre que le Chœtopterus variopedatus qui nous occupe. Mais, par une erreur difficile à comprendre, cet auteur dis- tinguant parfaitement la face dorsale de la face ventrale, il désigne les rames dorsales comme rames ventrales et la rame ventrale du onzième segment comme étant une rame dorsale (19) ; je cite tex- tuellement le passage (p. 7) : « La rame ventrale existe seule aux huit paires antérieures ; la neuvième possède de plus une rame dorsale sous l'apparence d'un petit lobe triangulaire épaissi. » Évidemment une telle dénomination ne peut être acceptée qu'à la condition de prendre la face dorsale pour la face ventrale. Ce serait revenir à l'opinion de Sars qui est absolument insoutenable; aussi suis-je porté à penser que c'est là simplement une erreur de texte. Les rames dorsales présentent, sur leur bord ventral, un faisceau de soies étalées en éventail (pi. XVII, flg. 6, g). Ces soies allongées portent à leur extrémité une partie aplatie et lancéolée légèrement recourbée du côté dorsal (pi. XV, fig. 6). Dans un même faisceau, elles affectent des formes différentes suivant la position qu'elles occu. pent; celles qui sont situées du côté dorsal sont effilées et à peine dilatées à leur extrémité (pi. XV, fig. 7 et 8), tandis que celles du ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 2e SÉRIE. — T. VIII. 1890. 17 .). JOYEUX-LAFFUllï. Côtévenltàl sont Bioihg allongées et plus fortement aplaties à la pointe. Ces caractères différentiels entre les suies d'un même fais- ceau pourraient être considérés connue des détails sans importance s'ils n'étaient de nature à expliquer et à faire comprendre la forme , :i massue des soies qui existent à la quatrième paire de pieds. Là, les Miiesdu côté dorsal conservent leurs caractères, tandis que celles de la partie ventrale (pi. XV, flg. 9) sont courtes, fortes, tronquées à leur extrémité et d'une couleur noire qui les fait distinguer à pre- mière vue. On en compte généralement une quinzaine de chaque côté. Les plus ventrales sont celles qui présentent au plus haut degré les caractères que je viens d'indiquer. La plupart des auteurs ont vu et signalé ces soies, mais ne les ont pas toujours attentivement observées. Aussi Cosmovici doit évidem- ment y faire allusion dans le passage suivant (27, p. 307) : « Les soies de la troisième paire de pieds sont plus grosses et plus fon- cées que celles des autres, ce qui fait qu'on les prend pour des yeux ». Ce qui est inexact, ce sont les soies de la quatrième paire et non de la troisième. Quant à les prendre pour des yeux, aucun auteur, que je sache, n'a commis cette erreur, et ces soies sont faciles à distinguer même à l'œil nu. De Quatrefages (16, vol. II, p. 221) a également commis une erreur en plaçant ces soies sur la quatrième et la cinquième paire de pieds. L'illustre professeur du Muséum, dans la figure qu'il a donnée du Chétoptère et qui accompagne sa description, représente ces soies sur la face dorsale de la rame, alors qu'elles occupent réellement la lace ventrale. La présence d'une quinzaine de soies de chaque côté ainsi modifiées et n'existant que sur la quatrième paire de pieds conduit à se demander quelle peut bien être leur fonction. Ne pou- vant observer le Chétoptère dans l'intérieur de son tube et voir com- ment il s'y comporte, on ne peut se livrer qu'à des suppositions. Tout porte h penser que cet animal peut, en faisant saillir ces soies fortes et résistantes, fixer sa partie antérieure pour rétracter ensuite sa partie postérieure; en d'autres termes, prendre un point d'appui ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DU CHÉTOPTÈRE. 239 sur cette quatrième paire de pieds. Ces soies sont d'une constance remarquable non seulement chez les Chétoptères, mais aussi chez les Annélides des genres voisins, tels que les Tclcpsaves, les Phyllochœtopterus, les Polydores. Elles ne sont pas toujours en même nombre et peuvent affecter des formes différentes ; mais on trouve toujours dans la région supérieure, chez les animaux apparte- nant à ces différents genres, de chaque côté, deux faisceaux de soies modifiées. Région moyenne. — Cette région fait suite à la précédente qu'elle dépasse en longueur. Elle se reconnaît immédiatement aux rames en forme de palettes et aux boursouflures d'un noir bleuâtre qui se voient sur la face dorsale. Elle est constituée par cinq segments, depuis et y compris le douzième jusqu'au dix-septième. Les auteurs sont loin de s'entendre sur le nombre des segments que l'on doit faire entrer dans cette région. Les uns, comme Les- pès (22) et Cosmovici (27), placent le douzième segment dans la ré- gion supérieure, tandis que d'autres, comme de Quatrefages (16), le comprennent dans la région moyenne. Cette dernière opinion, accep- tée par Jourdain, est aussi celle que j'adopte comme étant la plus naturelle. Elle est basée sur des dispositions anatomiques que je ferai ressortir en traitant des organes internes, dispositions qui n'ont pas encore été signalées. Du reste, les caractères extérieurs suffisent à la justifier. En agissant ainsi, la région supérieure est homogène et ne présente que des pieds égaux ou semblables. Elle offre un caractère général de régularité, et la région moyenne reste formée de segments remarquablement dissemblables. En acceptant l'opi- nion de Lespès et Cosmovici, les deux régions seraient également constituées par des segments dissemblables. Des cinq segments qui forment la région moyenne, trois, les quatorzième, quinzième et seizième, sont semblables et diffèrent complètement des deux premiers, douzième et treizième, qui eux- mêmes diffèrent entre eux. ifH) J. J0YEUX-LAFFU1E. Il importe d'examiner ces tlifrérents segments et les appendice* qui leur appartiennent. Douzième segment {premier de la région moyenne). — Ce segment s'étend depuis le onzième jusqu'au-dessous du niveau de la première ventouse ventrale. Les téguments amincis et transparents laissent voir les organes internes. On distingue facilement sur la face ven- trale les deux gros muscles ventraux et sur la face dorsale le tube digestif déjà de couleur noirâtre avec quelques boursouflures. Le douzième segment porte, insérés sur ses parties latérales et dor- sales, deux grands prolongements, qui ont valu à l'animal le nom de Chétoptère (/ai-aj, soie, et 7:Tsp5v, aile). Ces appendices, que Guvier comparait à des ailes, sont des rames dorsales (pi. XV, fig. \,e). Elles offrent des dimensions considérables et une disposition assez compliquée. Presque toujours, l'animal les tient ramenées sur la face dorsale de la région supérieure qu'elles recouvrent en partie et où elles arrivent au contact par leurs extrémités. C'est, du reste, leur position normale lorsque le Chétoptère est enfermé dans son tube. Pour les étudier et les comparer plus facilement aux rames dorsales des autres segments, il est utile de les rabattre inférieurement et latéralement (pi. XVI, fig. 3). On voit alors que ces deux rames offrent chacune une face ventrale arrondie et une face dorsale légèrement concave. Cette dernière est parcourue dans toute sa longueur par une gouttière (pi. XVI, fig. 3, c) qui, sur la ligne médiane de l'animal, se réunit à celle du côté opposé pour se continuer avec la gouttière vibratile que j'ai signalée dans la région supérieure sur la ligne médiane dorsale (pi. XVI, fig. 3, a). Dans l'intérieur de chaque grande rame dorsale existe un faisceau de soies droites, fines et nombreuses, qui, au lieu de faire saillie extérieurement, comme c'est le cas habituel, jouent là un véritable rôle de squelette de soutien. C'est seulement chez les Chétoptères extraits de leurs tubes qui ont séjourné pendant plusieurs jours dans des cuvettes qu'on voit ces soies acérées traverser les téguments et se montrer à l'extérieur. A leurs extrémités, les grandes rames dor- ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DU CHÊTOPTÈRE. 2GI sales sont taillées en bec de flûte et les deux petites surfaces planes (pi. XVI, fig. 3, d) qui résultent de celte disposition viennent au contact lorsque ces rames sont dans leur position naturelle. Les rames ventrales (pi. XV, fig. 2, /) du douzième segment, net- tement distinctes des rames dorsales, rappellent, par leur forme, les rames ventrales du onzième; mais elles présentent un développe- ment plus considérable et sont soudées l'une à l'autre sur la ligne médiane, de manière à constituer une partie comparable à une petite selle placée sur la face ventrale. La soudure est indiquée par un sillon médian, qui présente, vers le milieu de sa longueur, une petile dépression. Cette partie, formée par les deux rames ventrales réunies, pré- sente des bords légèrement relevés et joue le rôle de ventouse. Sa face dorsale est intimement reliée aux deux gros muscles ventraux. Le bord supérieur est parcouru par une rainure longitudinale qui le divise en deux bords secondaires, ce qui produit au premier abord limpression de deux organes semblables, placés l'un sur l'autre, l'in- férieur débordant légèrement sous le supérieur. Cette disposition, qui existe également à la face ventrale du treizième segment (pi. XVIII, fig. 2), ne s'observe'plus sur les trois suivants, dont les rames ven- trales rappellent cependant, par leur apparence générale et leurs fonctions, celles des douzième et treizième segments, lui signalant cette différence, je dois indiquer dès maintenant que les ventouses ventrales des douzième et treizième segments renferment des parties qui n'existent pas dans celles des trois suivants. Comme je le prou- verai plus loin, les ventouses des douzième et treizième segments sont formées parles rames ventrales tout entières, tandis que celles des trois segments suivants sont constituées par les lobes internes seuls de ces rames ventrales. Ces considérations de morphologie générale indiquées, je reviens sur quelques détails concernant la ventouse ventrale du treizième segment. Les bords supérieur et inférieur de celle ventouse sont d'une teinte brunâtre plus foncée que celle des parties voisines. Cette .). .IOYKUX-LAFFUIE. coloration esl due à la présence do petites et nombreuses plaques oociales disposées sur plusieurs rangées transversales qui empiètent les unes sur les autres. Ces soies sont de petites lamelles chitincuses (pi. XV, fig. i). La plus grande partie transparente, de couleur jaune claire, est plongée dans les tissus. Le bord supérieur seul fait saillie à l'extérieur; il est de couleur brunâtre et plus résistant que les autres parties de la soie. Ce sont toutes les parties de ces plaques apparentes a l'extérieur qui donnent une teinte plus foncée aux bords des ventouses ventrales. Sur leur bord libre, ces plaques présentent des dentelures en forme de dents de scie qui, lorsque la soie est en place, sont tou- jours dirigées vers le centre de la ventouse ventrale qui les porte. Grâce à la présence de deux petits muscles qui s'insèrent chacun sur une des extrémités de la plaque (pi. XV, fig. 4, b) et qui vont se per- dre dans les couches musculaires profondes, ce petit appareil peut fonctionner comme une véritable scie et exécuter un mouvement de va-et-vient; sinon en se déplaçant longitudinalement comme une scie ordinaire, ce qui est impossible dans le cas actuel, la soie étant fixée dans les tissus, mais par un mouvement de bascule suivant qu'un des muscles se contracte plus ou moins que celui de l'extré- mité opposée. Ce mouvement a pour but non de scier, mais de per- mettre aux dents en crochets de pénétrer dans les parties avec les- quelles elles se trouvent en contact ou de s'en retirer facilement lorsqu'elles y sont engagées. C'est un mouvement qui rappelle un peu celui de la griffe qui rentre et sort à volonté. Cette disposition est éminemment favorable à l'adhérence des ventouses sur la face interne du tube. Les dentelures s'enfoncent dans la paroi du tube, déterminent l'adhérence des bords, et le vide n'a plus qu'à se produire par rétraction de la partie centrale de la ventouse. Connaissant l'organisation de ce petit appareil, il est facile, en observant l'animal, de se rendre compte de ses fonctions. Lorsqu'on extrait des Cûétoptères de leurs tubes, assez souvent ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DU CHËTOPTÈRE. 263 on voit l'animal adhérera la paroi interne au moyen de ses ven- touses. On est donc là en présence de rames ventrales ne servant que pou ou point à la locomotion, mais modifiées en organe d'adhé- rence pour fixer l'animal à l'intérieur de son tube. Des coupes transversales et longitudinales montrent que cet appa- reil ventral est en grande partie formé par des faisceaux muscu- laires provenant des deux gros muscles situés en arrière. Treizième segment {deuxième de la région moyenne). — Comme le précédent, ce segment est remarquable parla forme de ses appendi- ces et, de plus, par sa grande longueur. Il comprend toute la partie de l'animal située entre le douzième, que nous venons de voir, et le quatorzième, dont la limite supérieure est située immédiatement au-dessous des pieds du treizième. Plus encore que dans le douzième, les téguments sont amincis et transparents et laissent voir sur la face ventrale les deux gros muscles ventraux et longitudinaux qui portent une ventouse ventrale identiquement semblable à celle du segment précédent; aussi n'en parlerai-je pas davantage, me bornant à renvoyer le lecteur à la description que j'en ai donnée plus haut.- Sur la face dorsale est située la ventouse dorsale, la seule qui existe sur toute la face dorsale de l'animal. C'est une petite cupule saillante portée par un pédicule rétréci (pi. XV, fîg. 1, cu- lemenl des ventouses ventrales des douzième et treizième segments. Pour décrire la palette, je la suppose placée perpendiculairement au corps do l'animal; c'est, du reste, une dos positions qu'elle occupe successivement dans les mouvements qu'elle exécute con- stamment. Nous pouvons ainsi lui considérer deux faces et un bord : une face supérieure et l'autre inférieure1. Cette palette rappelle dans ses traits généraux, vue par la face supérieure, la partie en fer d'une petite pelle arrondie sur ses bords, ou encore la forme d'un croissant dont la concavité embrasserait le corps de l'animal. La partie médiane et centrale offre une épais- seur assez considérable, tandis que les bords sont très amincis, comme on le voit nettement dans une coupe passant par la ligne médiane (pi. XVIII, fig. 1). Les deux extrémités du croissant, auquel j'ai comparé cette palette, se portent sur les parties latérales et vont se réunir à la ventouse ventrale. La face supérieure de la palette présente, comme la face infé- rieure, un sillon circulaire, peu profond, parallèle au bord qui déli- mite la partie centrale et la sépare de la partie périphérique. Ces sillons, bien visibles sur les animaux vivants, sont surtout très accu- sés chez ceux qui ont été fixés. Ils sont en rapport avec une dispo- sition interne que je vais faire connaître. Le bord aminci et arrondi présente un bourrelet gaufré. En sui- vant ce bourrelet jusque sur les parties latérales, on rencontre de chaque côté un petit mamelon garni de plaques onciales (pi. XV, fig. \, i, et fig. 5,c) qui rappellent, par leur forme et leur disposition, celles qui existent sur les bords des ventouses ventrales. Parfois ce i Les palettes des quatorzième et quinzième segments dans la figure 1 de la planche XV sont vues par la face inférieure, tandis que celle du seizième segment montre sa face supérieure. ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DU CUKTOl'TÈKE. 267 mamelon rétracté laisse voir à sa place une petite dépression, sorte de petite cupule qui présente dans le fond les plaques que je viens d'indiquer. Ce mamelon représente le lobe externe de la rame ven- trale et en est l'homologue. Il est par conséquent l'homologue du bord supérieur des ventouses ventrales des douzième et treizième segments. Sur les parties latérales de la face inférieure de la palette, pres- que dans le sillon situé sur cette face, se voit de chaque côté un petit orifice taillé en bec de flûte, bien net chez les animaux qui sont en reproduction ; c'est l'orifice du canal segmentaire (pi. XV, Une coupe transversale et horizontale passant par le bord de la palette la divise en deux parties à la manière d'une graine, d'une fève par exemple, dont on séparerait les deux cotylédons. Une telle coupe montre nettement que la palette renferme dans son intérieur trois cavités : une centrale spacieuse qui correspond extérieurement à la partie centrale circonscrite par les sillons extérieurs, et deux latérales, plus petites, situées sur les côtés (pi. XX, fig. o). Les deux cavités latérales fusionnées et en continuité sur la ligne médiane correspondent à la partie circulaire et périphérique délimitée par les sillons extérieurs. La" cloison qui sépare la cavité centrale des cavités latérales et dont les insertions correspondent aux sillons extérieurs est une cloison incomplète, formée par de nombreux trac- tus (pi. XVIII, fig. 4, é). La cavité centrale n'est autre que la cavité générale fortement dilatée en ce point, et les cavités latérales sont les cavités internes des rames dorsales. C'est dire que la partie centrale de la palette représente le corps de l'animal, tandis que la partie périphérique est l'homologue des rames dorsales et d'une partie des rames ven- trales, rames qui sont soudées aux parois du corps par leur face interne. Il est facile de se rendre compte de la musculature de ces parties sur des animaux qui ont séjourné dans une solution faible d'acide J. JOYEUX-LÀFFDIE. acétique. Les parties molles, telles que l'épidémie, sont détruites, et les Hbres musculaires seules résistent. On voit ainsi que la face infé- rieure de la palette reçoit à sa base deux faisceaux musculaires qui, se perdent en s'irradiant dans la paroi (pi. XVIII, fig, 3, d) et en entre-croisant leurs libres (a). Ces deux faisceaux se détachent des deux gros muscles ventraux, qui fournissent également deux fais- ceaux à la face supérieure, qui se terminent comme ceux de la face inférieure. En écartant deux lamelles (pi. XVIII, fig. 3), on voit que ces faisceaux s'entre-croisent ; ceux qui se rendent à la face supé- rieure d'une palette passent entre les deux qui vont à la face infé- rieure de la palette précédente. Région inférieure. — Elle s'étend du seizième segment jusqu'à l'extrémité inférieure de l'animal et rappelle dans ses traits généraux l'aspect habituel des Annélides, ce qui n'était guère le cas'pour les deux régions précédentes, surtout pour la région moyenne. Tous ses segments sont semblables; volumineuse à sa partie supérieure, elle diminue progressivement jusqu'à l'extrémité inférieure, où est situé l'orifice anal. Des rainures transversales qui se voient sur la face dorsale indiquent les limites des segments; elles correspondent à des cloisons internes situées dans la cavité générale. Par transpa- rence, on distingue sur la ligne médiane dorsale le tube digestif, qui donne à cette partie une teinte légèrement foncée. Les auteurs sont loin de s'entendre sur le nombre des segments qui constituent cette région. C'est cependant un point qu'il importe de préciser, vu qu'ils en ont tiré le principal caractère pour la spéci- fication. De Quatrefages (16) en a compté une cinquantaine dans le Ch. Valencinii. Jourdain (19) indique le chiffre 25 chez le Ch. Quatrcfa- gesi. Huant à Cosmovici(27),ilse contente de donner quelques détails sur l'extérieur de cette région sans indiquer le nombre des segments qui la constituent. J'ai compté avec soin et à plusieurs reprises le nombre de ces ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DU CHÉTOPTÈRE. 269 segments et tant sur les individus provenant des côtes de Norman- die que sur ceux que je recevais des côtes de Bretagne (Roscoff), j'ai pu constater que ce nombre n'a rien de constant et varie ordi- nairement entre 27 à 40. Rarement il est inférieur à 25 et plus rare- ment encore supérieur à 40. Le nombre que j'ai le plus souvent observé est celui de 32. Que doit-on donc penser des indications données parles différents zoologistes? Je crois qu'elles n'ont rien de précis. De Quatrefages indique une cinquantaine comme étant un nombre variable ; la figure qu'il nous a donnée du Chétoptère ne présente même que 49 pieds d'un côté et 48 de l'autre, ce qui est une erreur, le nombre de ces pieds étant toujours le même des deux côtés. Le nombre 25 indiqué par Jourdain doit-être considéré comme un minimum. Évidemment, je n'entends parler que des individus complets, les échantillons que l'on recueille ayant fré- quemment perdu une portion plus ou moins considérable de la région inférieure. Il en est aussi qui, après avoir abandonné une portion de cette région, ont bourgeonné et reproduit en partie seulement les segments détachés. Ces derniers, que l'on arrive à reconnaître aisément avec l'habitude, doivent être également mis de côté. Tous les segments étant semblables, il suffit d'en étudier un en détail et d'y joindre quelques indications générales pour connaître exactement toute la région inférieure. Chaque segment est sensiblement arrondi et d'autant plus long qu'il est situé plus supérieurement. Les rames sont fixées sur les faces latérale et ventrale. Toutes les parties étant parfaitement symétriques par rapport à un plan longitudinal médian, il suffira, au point de vue de la description des rames pédieuses, de s'occuper de celles d'un côté seulement. Il existe de chaque côté deux rames : une rame ventrale et une dorsale. La rame ventrale (pi. XV, fig. 2, À; et /) se présente sous forme de deux petites palettes séparées par une échancrure (pi. XVI. fig. 6 * et /) ; je désignerai celle qui est placée au voisinage de la -27ti •». JOÎEUX-LAPFUIB. ligne médiane sous le non de lobe interne de la rame ventrale,' et l'autre BOUS celui de lobe externe de la rame ventrale. Le lobe interne de la rame ventrale est à peu près rectangulaire et pédnl à œlul du côté opposé, dont il n'est séparé qu'en partie par une petite échancrurc située sur la ligne médiane. Assez épais, il se termine par un bord libre plus mince et garni de plaques onciales semblables à celles qui sont situées sur les rames ventrales de la région moyenne (pi. XV, lig. 4). Ces plaques sont implantées de manière que les dentelures soient dirigées vers l'extrémité supé- rieure de l'animal ; disposition éminemment favorable à la fonc- tion que doit remplir le lobe interne de cette rame et qui consiste à permettre à l'animal de pouvoir se déplacer en arrière, en un mot, à reculer. Aussi voit-on ces palettes, lorsque l'animal est sorti de son tube, effectuer des mouvements continuels qui semblent avoir pour but de ramener en avant des parties situées en arrière. Dans l'inté- rieur du tube, les mouvements doivent être évidemment les mêmes ; mais ils ont un effet différent. Les plaques onciales s'accrochent aux parois du tube et l'animal, en contractant les rames, peut soutirer en arrière. Tel est le rôle des lobes internes des rames ventrales. Le lobe externe de la rame ventrale, séparé, comme on viont de le voir, de l'interne par une échancrure assez profonde, est plus large, plus épais et moins saillant que ce dernier. Gomme celui-ci, il présente son bord libre garni de plaques onciales ; mais ici les den- telures sont dirigées vers la partie inférieure de l'animal et là encore cette disposition est favorable au déplacement ; ce lobe externe exécute des mouvements dirigés de l'extrémité supérieure vers l'extrémité inférieure, qui ont pour but de déplacer l'animal en avant. Les lobes internes et externes des rames ventrales ont donc pour effet de déplacer l'animal en sens inverse. Sur le côté externe du lobe externe est implanté un petit appen- dice conique et allongé qui est un cirrhe (pi. XVI, fig. 0, m). La rame dorsale (pi. XV, lig. 1, et pi. XVI, fig. 6, n) volumineuse conique et allongée, se dirige en arrière sur la face dorsale. Légère- ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DU GHÉTOPTÈRE. 271 ment aplatie de haut en bas, on peut lui considérer deux faces : une supérieure et l'autre inférieure. C'est sur celle dernière qu'est situé l'orifice de l'organe segmentaire (pi. XVI, flg< 6, j) qui s'ob- serve sur tous les segments de la région inférieure, excepté sur les derniers, qui no possèdent pas encore d'organes segmentaires bien développés et où cet orifice n'est pas encore constitué. La rame dorsale renferme un faisceau de soies allongées, flexibles cl terminées en pointe. Ces soies sont tout entières renfermées à l'intérieur et remplissent là, comme dans les rames dorsales du dou- zième segment, un rôle de soutien. Ce n'est que lorsque les animaux ont déjà séjourné pendant un certain temps dans les cuvettes et qu'ils rentrent déjà en putréfaction qu'on voit ces soies traverser les téguments et venir saillir à l'extérieur. A l'état normal, le Chétoptère porte ses rames dorsales recourbées au-dessus de son dos. Elles limitent ainsi, sur les côtés et en arrière, un espace situé sur la face dorsale de l'animal, espace dans lequel, comme on le verra plus loin, circule le courant d'eau qui traverse le tube. La figure 6 de la planche XX permet de comprendre cet espace, quoique les portions terminales des rames dorsales ne soient pas assez repliées vers la ligne médiane, où elles devraient arriver pres- que en contact. L'anus, arrondi, occupe l'extrémité inférieure de l'animal; il est toujours béant et présente un bord plissé. Téguments. — Les téguments sont remarquables à l'état frais par leur transparence et leur grande délicatesse. Leur couleur varie avec les individus et avec les différentes parties d'un même animal; la teinte générale est le jaune sale. L'entonnoir buccal et le plastron ventral de la région supérieure sont habituellement colorés en brun rouge ou en rose. Enfin plu- sieurs parties sont plus ou moins enfumées, ce qui enlève la vivacité des couleurs. Au moment de la reproduction, les mâles se distin- guent des femelles par une teinte tirant sur le blanc d'argent, coloration surtout apparente dans la région postérieure et qui J7 j J. JOYEUX-LAFFUIE. est duo aux organes génitaux gorgés par le liquide spermatique. Les milieux semblent avoir une influence sur la couleur. Les indi- vidus qui m'ont été envoyés par le laboratoire de Roscoff ainsi que ceux que j'ai observés sur les lieux mômes, dans cette localité, étaient généralement beaucoup plus enfumés que ceux recueillis à Luc-sur- Mer. Les échantillons qui m'ont été vendus par la station zoologi- que de Naples, et qui étaient conservés dans l'alcool après avoir été préalablement fixés, devaient présenter, à l'état vivant, une grande délicatesse et une grande transparence des tissus, autant qu'il m'est permis d'en juger d'après les modifications que subit le Chétoptère en passant dans les liquides fixateur et conservateur. Peut-être ces animaux venaient-ils d'évacuer leurs produits repro- ducteurs, ce qui augmente toujours beaucoup la transparence, ou peut-être avais-je affaire à des femelles, ce que je n'ai point vérifié. Les téguments sont formés de deux couches : l'épiderme et le derme. L'épiderme toujours très net et bien évident sur des coupes pra- tiquées dans des animaux bien préparés est formé de deux sortes d'éléments : les cellules épithéliales et les glandes unicellulaires. Les cellules épithéliales ou épidermiques sont allongées, prisma- tiques et souvent ciliées (pi. XV, fig. 3, a); leur protoplasma ren- ferme de nombreuses et fines granulations, et leur noyau est situé près de l'extrémité libre. La longueur de ces cellules varie beaucoup. Sur le plastron ventral de la région supérieure, elles sont fort allon- gées, et l'épiderme constitue à lui seul une couche très épaisse (pi. XVII, fig. 1 et 6, a); mais, en général, les dimensions sont moin- dres, et même dans certains points, sur la face dorsale de la région moyenne par exemple, leur hauteur ne dépasse guère leur largeur. La cuticule épidermique est toujours très mince, surtout lorsque les cellules portent des cils vibratiles. Les glandes unicellulaires sont répandues dans l'épiderme sur toute la surface du Chétoptère ; elles jouent chez cet animal un rôle important, leur produit étant des- tiné à former le tube qui abrite l'animal. Ces cellules sont dissémi- ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DU CHETOPTÈRK. 273 nées parmi les cellules épidermiques, et, en certains points, elles sont en nombre presque égal à ces dernières. Tout permet de supposer que ce sont des cellules épithéliales modifiées. Elles se distinguent par leur volume considérable, par leur contenu réfringent et par la présence d'un gros noyau, qui peut occuper, dans l'intérieur, des positions variées. Elles sont surtout abondantes dans l'entonnoir buc- cal, sur la face dorsale de la région supérieure, sur le bord des rames en palettes de la région moyenne, et presque uniformément sur toute la région inférieure ; ce sont, du reste, ces parties qui sont les plus brillantes lorsque l'animal est lumineux. La figure que Glaparède (24) a donnée de ces glandes, et de l'épi- derme en général, est incomplète et en partie inexacte. Les cellules épithéliales n'y sont point figurées, et les cellules glandulaires ont des dimensions trop considérables par rapport à l'épaisseur de l'épi - derme, qu'il semble n'avoir étudié qu'à l'état frais et dont il n'a pas su distinguer les cellules. 11 signale également comme existant dans l'épiderme des grappes de petits sphéroïdes qu'il suppose être des glandes acineuses, dont il n'indique pas du reste les fonctions, et des glandes bacillipares. Je n'ai rien vu dans les nombreuses prépa- rations que j'ai faites de l'épiderme qui fût de nature à rappeler les uns ou les autres, si ce n'est certaines glandes unicellulaires qui, par suite de l'action des réactifs présentent un contenu protoplasmi- que fragmenté en petites masses (pi. XV, fig. 3, b). Peut-être sont-cc là les parties que Glaparède a prises pour des sphéroïdes, pour des acini glandulaires ? Les glandes unicellulaires de l'épiderme ont pour fonction de sécréter le mucus, parfois si abondant, qui recouvre l'animal à l'état frais et qui, en se solidifiant, forme le tube qui lui sert d'abri. Aussi, ces glandes sont-elles souvent désignées, en raison de leur fonction, sous le nom de glandes mucipares. Quant à moi, je les désignerai indifféremment par ces deux qualificatifs; le premier étant basé sur une disposition anatomique, et le second sur une fonction physiologique, tous les deux sont exacts. ARCH. DE ZOOU EXP. ET GÉN. — 2e SÉRIE. — T, VIII. 1890. 1S 2: i I. J0YF.HX-LAFFU1F. i..i sécrétion ps1 produite par rupture «le l'extrémité libre des cellules qui laissent échapper leur contenu. Le nombre de ces glan- dules 861 tellement considérable, que, malgré leurs Faibles dimen- sions, elles fournissent une énorme quantité d'un mucus épais, transparent et iilant, qui englue les instruments et gêne considé- rablemenl les études sur l'animal vivant. Luminosité. — Le mucus, sécrété par les téguments, est lumi- neux1 ; c'est un fait qui a été observé par tous les zoologistes qui ont attentivement étudié le Chétoptère. Will (5) signale le lait. Panceri écrivait à Glaparède (20) que cette production de lumière devait être attribuée au mucus abondant que sécrète l'animal, ce qui est exact. Depuis lors, Claparède, Jourdain et bien d'autres zoologistes ont observé des Chctoptères lumineux. Cette luminosité est parfois si accusée, que l'animal tout enlier est brillant dans l'obscurité. Je me souviens encore de l'étonne- ment que causa au milieu de la nuit, à mon savant ami Geddes, ce phénomène qu'il observait pour la première fois. C'était au labora- toire de Roscoff; il avait extrait de son tube et placé dans une cuvette contenant une quantité d'eau de mer insuffisante et mal aérée un Chétoptère qui avait sécrété une abondante quantité de mucus, si bien que non seulement l'animal, mais encore toute l'eau de la cuvette, projetaient des lueurs qui éclairaient une partie de l'appar- tement. C'est une expérience que j'ai eu l'occasion de répéter plu- sieurs fois depuis. Pour constater ce phénomène dans toute sa splen- deur, ii faut prendre des animaux nouvellement péchés et en parfait état de conservation. Ceux qui ont séjourné dans les aquariums, où ils vivent, en général, assez mal, le présentent à un degré bien in- férieur; j'indiquerai plus loin la raison de ce fait. Débarrassés avec soin de leurs tubes, et placés dans l'obscurité dans de l'eau de mer i A l'exemple de Kadcau du Kerville {les Animaux et les Végétaux lumineux, Paris, 1890), je fais usage du mot luminosité, au lieu de celui de phosphorrscence. Ce dernier ayant le grave défaut de laisser croire que la lumière émise par les ani- maux est due au phosphore ou à ses composés. ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DU CHÉTOPTÈRE. 27S bien aérée, il suffit de les exciter par le contact, avec les barbes d'un pinceau, par exemple, pour les voir devenir lumineux. Ce phéno- mène est encore plus accusé lorsqu'on projette ces animaux dans un liquide irritant tels que ceux que l'on emploie habituelle- ment pour les fixer (liquide de Kleinenberg, de Lang, etc.). Dans ces conditions, la lumière émise est plus considérable, mais de plus courte durée. C'est une sorte d'embrasement général qui s'éteint presque aussitôt. La lumière émise présente les mêmes propriétés que celle fournie par la plupart des autres animaux lumineux. Elle est identique en apparence à celle des Elathérides et des Pholodes, si bien étudiés par M. Dubois1, le savant professeur de la Faculté de Lyon. Sa cou- leur est d'un beau vert clair, et, de même que chez les Pyrophores, la chaleur semble accroître son intensité. Je n'ai point fait de cette lumière, chez le Chétoptère, une étude approfondie, qui nous sera certainement donnée un jour par M. Dubois. 11 n'est pas douteux, comme le pensait Panceri, que la luminosité ne soit due au mucus sécrété par l'animal. Ce sont, en effet, les parties qui présentent en plus grand nombre les glandes à mucus qui sont les plus lumineuses, et ce mucus, lui-même, détaché de l'animal, conserve encore pendant quelques instants une partie de son pouvoir photogénique. Si l'on triture dans l'obscurité un Chétoptère, on voit apparaître au milieu du magma ainsi obtenu des points lumineux produits par la rupture des glandes à mucus. Il semble donc que le contenu glandulaire n'est pas lumineux, tant qu'il reste enfermé dans l'enveloppe cellulaire, mais qu'il le devient dès qu'il se trouve rejeté à l'extérieur. Ce qui porte à sup- poser que, sorti de la cellule, il doit se produire dans le mucus des phénomènes d'ordre chimique qui ont pour effet de produire de la lumière. ' Contribution à l'étude de la production de la lumière par les êtres vivants (Bulletin de la Société zoologique de France, 1886). .'.. J0YEUX-LAFFU1E. i , I, du reste, ce que mon collègue M. Dubois1 a fait con- naître pour le mucus du Pholas dactylus, où il a réussi à isoler deux substances : la luciférine et la lucife?'ase, dont le contact, en présence de l'eau, détermine l'apparition de la lumière. Au-dessus de l'épiderme est situé le derme, toujours constitué par du tissu conjonctif mélangé à des cellules musculaires qui, dans certains points, sont longitudinales et transversales, et, dans d'au- tres, sont dirigées en tous sens. C'est de la face profonde du derme que partent les nombreux tractuset les minces lames mésentériques qui réunissent les viscères aux parois du corps. Gouttières vibraliles. — Après avoir examiné le nombre et la forme des segments qui constituent les trois régions du Cbétoptère, je dois, pour terminer ce qui est relatif à l'extérieur, donner quelques détails sur un système de gouttières que j'ai déjà signalé en décri- vant les régions supérieure et moyenne. Sur la ligne médiane de la face dorsale de la région supérieure existe une gouttière qui va du bord postérieur de l'entonnoir buccal jusqu'à la base des deux grandes rames dorsales du douzième seg- ment (pi. XV, fig. 1, d, et pi. XVI, fîg. 3, a). Loin de s'arrêter en ce point, en formant une arête comme de Quatrefages l'a indiqué (16) ou de se prolonger jusqu'à la cupule dorsale du treizième segment, comme le pense Cosmovici (27), elle se bifurque et se continue en deux profondes gouttières situées sur les deux grandes rames dor- sales du douzième segment (pi. XVI, fig. 3, c). Chaque gouttière de bifurcation parcourt la rame depuis sa base jusqu'à son extrémité libre. Jourdain (19) est le seul qui ait vu cette gouttière sans, toute- fois, en avoir indiqué la fonction. 111a désigne sous le nom de rigole. Je donne à cet ensemble de gouttières le nom de gouttières vibratiles, en raison du grand développement des cils vibratiles qui en gar- nissent l'intérieur. 1 Comptes rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des sciences, Paris, t. Ç V, 1887, séance du 17 octobre p. 090. ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DU CHÉTOPTÈRE. 277 La gouttière médiane se termine sur le bord postérieur de l'en- tonnoir buccal par une petite dilatation, qui n'est autre qu'un élar- gissement de l'extrémité de la gouttière elle-même, entouré par les deux lèvres qui se réunissent en ce point. Lespès (22, p. 1) et 40) considère cette petite dilatation comme un tubercule situé au-dessus des ganglions cérébroïdes, ce qui est une double erreur. Ce zoolo- giste n'a pas su distinguer la petite dilatation, et quant aux ganglions cérébroïdes, ils ne sauraient être en ce point, comme je le montrerai plus loin, car ils n'existent pas à proprement parler, du moins tels qu'on les rencontre chez les autres Annélides. Dans l'intérieur de son tube, le Chétoptère présente ses deux grandes rames recourbées en arrière et, en haut, les deux extrémités en contact sur la ligne médiane. Dans cette position, les deux gout- tières des bras sont en continuité et l'on pourrait, en suivant l'une d'elles, passer sans interruption dans celle du côté opposé. L'étude de la structure de ce système de gouttières doit être faite sur des coupes transversales pratiquées à différentes hauteurs sur la région supérieure et sur les grands bras. Des coupes transversales de la région supérieure (pi. XVII, fig. 6), montrent que la gouttière médiane est limitée par deux lèvres sail- lantes, formées chacune par un cordon de fibres musculaires longi- tudinales reposant sur le plan de fibres transversales de la face dor- sale. Lèvres et gouttière sont tapissées par un épithélium cilié qui n'est autre que la couche épidermique modifiée des téguments. Les cellules épithéliales (pi. XIX, fig. 10, b), volumineuses, sont fortement allongées et portent sur leur extrémité libre des cils bien développés, nettement visibles sur les tissus vivants et également très nets dans les préparations faites sur des animaux fixés au bichlorure de mer- cure ou à l'acide osmique. Les gouttières latérales creusées dans les grandes rames dorsales du douzième segment offrent une disposition un peu différente. Elles sont situées près du bord inférieur (pi. XVI, fig. 3) qu'elles longent jusque vers le milieu de la petite surface, taillée en biseau, J. J0YEUX-LAFFU1E. qui termine chacun des bras. La lèvre inférieure est formée par le bord du brftSj et la lèvre supérieure par un repli des téguments, sorte de mince lamelle qui peut, suivant la volonté de l'animal, s'écarter ou se rapprocher de la première. Le Ghétoptère extrait i\o, ion tube, tel qu'on l'observe habituellement à l'état vivant, main- tient presque toujours la lèvre supérieure appliquée sur l'inférieure et dissimule ainsi la gouttière aux yeux de l'observateur. Cela nous explique pourquoi plusieurs auteurs n'ont pas su l'observer; mais il suffît de relever la lèvre supérieure au moyen de la tête d'une épingle pour voir nettement les dispositions qu'affectent ces diffé- rentes parties. La gouttière tout entière est tapissée par l'épiderme, qui présente des cils vibratiles bien développés (pi XIX, fig. 9, a). Les cellules épithéliales conservent leur taille normale sur la lèvre supérieure ; elles sont bien nettes et présentent leur noyau près de leur extrémité libre. Sur la lèvre inférieure, les cellules sont plus allongées. Les cils vibratiles qui tapissent ces gouttières ont pour effet de déterminer un courant dirigé de l'extrémité des grands bras vers la base, et de ce point vers l'extrémité supérieure de la gouttière médiane. Il me reste à faire connaître les fonctions de ces gouttières vibra- tiles. Jusqu'ici, les auteurs sont restés muets sur ce sujet. Glaparède ne les signale même pas. Quant à Lespès et Cosmovici, ils n'ont pas su mettre à profit les données anatomiques de Jourdain et ne nous ont fourni aucune indication physiologique. Pour bien comprendre leur fonction, il faut, par la pensée, sup- poser l'animal placé dans son tube, les deux grandes rames dorsales recourbées vers le haut et en arrière de la région supérieure, les extrémités des gouttières en contact. Une observation attentive de ces gouttières, de la disposition qu'elles affectent, de la direction des courants déterminés par le* cils vibratiles, montre, d'une manière évidente, qu'elles ont pour fonction de conduire à l'entonnoir buccal les fines particules alimen- ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DU QHÊTOPTÈRE. '279 taires entraînées par le courant traversant le tube de l'animal, qui passe entre les deux grandes rames dorsales du douzième segment et le corps du Chétoptère, courant qui est déterminé par les mouve- ments continuels des rames en palettes de la région moyenne. Pour se convaincu' du t'ait mie j'avance, il suffit de répandre, sur la partie supérieure d'un Chétoptère bien vivant, une petite quantité de poudre à grains fins, telle que du bleu insoluble, par exemple. Malgré la position anormale de l'Annélide, malgré les nombreux efforts qu'il exécute en vain en tous sens pour se déplacer, on ne tarde pas à voir les fines particules, grâce aux cils vibratiles qui tapissent les téguments, se diriger vers les gouttières, et là elles se réunissent en petits boudins qui cheminent dans l'intérieur jusqu'à l'entonnoir buccal. Évidemment, ce système de gouttières chez le Chétoptère possède une fonction analogue à celle du raphé antérieur ou endostyle des Ascidies. Une gouttière qui existe le long de chaque antenne, et qui se termine également sur le bord de l'entonnoir buccal, a peut-être aussi pour fonction de conduire les particules alimentaires vers la bouche. Chez les Phyllochœtoptères et autres animaux voisins qui présen- tent des antennes très développées, ces gouttières antennaircs sont plus évidentes et doivent jouer un rôle plus important. Cavité générale. — La cavité générale ou périviscérale , bien déve- loppée chez le Chétoptère, s'étend, comme chez la plupart des Anné- lides, d'une extrémité à l'autre du corps et est divisée en chambres par des cloisons transversales, connues aussi sous les noms de septa, de dissépiments.Ces cloisons, bien développées dans la région supérieure, où elles sont épaisses et musculaires, deviennent plus minces dans la région inférieure et restent rudimentaires dans la ré- gion moyenne, où elles peuvent même l'aire complètement défaut dans qdelqu tents. Une coupe longitudinale, pratiquée sur le côté de la ligne médiane, dans la région supérieure, montre nette- 280 J- JOYEOX-LAFFUIE. ment ces cloisons, ainsi que les faisceaux musculaires qui les consti- tuent, faisceaux fournis par les couches musculaires dorsale et ven- trale. Chaque cloison, fixée, par sa périphérie, sur les parois du corps, est traversée, par le tube digestif, dans sa partie centrale. En outre, surtout dans les régions inférieure et moyenne, elles présen- tent des orifices irréguliers et diversement placés, qui permettent le passage du liquide de la cavité générale d'une chambre dans l'autre. Ces orifices, dont l'existence devient évidente lorsqu'on examine l'animal vivant et que l'on constate avec quelle facilité il gonfle une de ses parties aux dépens des voisines, sont cependant assez difficiles à voir, pour que Claparède n'ait pas su les distinguer. Cela tient à ce que cet éminent zoologiste avait observé des animaux fortement contractés et dont les orifices s'étaient fermés sous l'in- fluence des contractions musculaires. J'ai observé plusieurs fois ces orifices en forme de fente, dont les bords sont constitués par des faisceaux musculaires affectant des directions variées. La cavité générale tout entière est tapissée par un endothélium, qui recouvre toutes ses parois, ainsi que la surface des organes qu'elle renferme. Nulle part cette mince couche cellulaire ne fait défaut. Je l'ai toujours observée dans les coupes passant par la cavité générale ou ses diverticules. Elle est constituée par une couche de cellules aplaties, nucléées, à bords irréguliers. Les noyaux sont toujours très nets, mais les contours des cellules sont parfois plus difficiles à observer. Les chambres, limitées par les dissépiments, sont, dans plusieurs segments, des espaces fort irréguliers , présentant des diverticules situés dans les rames pédieuses; disposition qui explique la faci- lité avec laquelle ces rames peuvent augmenter ou diminuer de volume, suivant la volonté de l'animal. Chaque chambre de la région supérieure renferme, outre le tube digestif, les bases des faisceaux sétigères des deux pieds correspon- dants (pi. XVII, fîg. G, c). Dans les régions moyenne et inférieure, la disposition est un peu différente, en raison de la présence des ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DU CUÉTOPTÈRE. 2S1 organes segmentaires, qui font défaut dans la région supé- rieure. Dans la région inférieure, que je décris ici avec intention avant la région moyenne, on distingue une cavité centrale occupée, en grande partie, par le tube digestif (pi. XX, fig. 6, 1) et plusieurs diverticules de cette cavité qui se prolongent dans l'intérieur des rames. Deux d'entre eux sont remarquablement grands et situés dans les rames dorsales (même figure, D). Ils sont occupés parles organes segmen- tâmes (0, S), qui, au moment de la reproduction, sont fortement dis- tendus et remplissent, avec le faisceau de soie correspondant, toute la cavité pédieuse, On peut donc admettre que, dans un segment de la région infé- rieure, il y a trois chambres incomplètement séparées : une médiane qui renferme le tube digestif et deux latérales occupées par les organes segmentaires. Dans les trois derniers segments (quatorzième, quinzième et sei- zième) de la région moyenne, la disposition semble être tout autre au premier abord ; mais, connaissant celle d'un segment de la région inférieure, il est facile de s'en rendre un compte exact. J'ai déjà avancé, en décrivant l'extérieur, que la partie périphéri- que de chaque palette correspondait, était l'homologue des rames dorsales dans la région inférieure. S'il en est ainsi, on doit rencon- trer à l'intérieur les cavités latérales qui existent dans les segments de la région inférieure et les organes segmentaires qui occupent ces cavités. C'est en effet ce qui a lieu. La cavité centrale ou médiane renferme ici comme dans la région inférieure le tube digestif et les cavités latérales sont occupées par les organes segmentaires (pi. XX, fig. 5, 0, S). Les rames dorsales, qui renferment les .cavités latérales dans la région inférieure, n'ont pas ici conservé leur indépendance; elles sont accolées au corps de l'animal, à la partie centrale de la palette, et, dès lors, les cavités latérales doivent être séparées de la cavité médiane; c'est en effet ce qui a lieu. Il existe une séparation, très Kl J- JOrEOX-LÀFFOH nette, uiip cloison entre la cavité médiane el chaque cavité latérale (pi. XX, 0g. 5, I). Mais Éette cloison est en partie incomplète; elle représentée que par un grand nombre de brides musculaires (pi, wiïi, Bg. t, o), sorte de grillage qui laisse facilement passer I'' liquide de la cavité médiane dans les cavités latérales, mais ([ni suffit .i maintenir en plaec et à séparer lei organes, segmentaires du tube digestif. Les communications enlrc la cavité médiane et les cavités laté- rales, h grandes dans la région inférieure, sont ici beaucoup plus réduites (pi. XX. Bg. 5 et0, c), ce qui n'a rien de surprenant, le liquide ayant son libre parcours, comme je viens de l'indiquer, en lie 1rs brides musculaires de la cloison. Cosmoviei (27, p. 316) a signalé les cavités latérales, mais n'a pas su comprendre leur véritable nature, pas plus (pie celle des cloisons grillagées qui séparent ces cavités de la cavité médiane. Là, comme sur beaucoup de points, ce sont encore les travaux antérieurs de Glaparède qui, quoique incomplets, renferment les meilleurs rensei- gnements. Musculature. — Le système musculaire du Ghétoptère esl remar- quable à plus, d'un titre. De toutes les parties qui constituent l'ani- mal, c'est la seule qui présente une certaine résistance, la seule capable déjouer, vis-à-vis des autres beaucoup plus molles, le rôle de squelette interne. • '.lie/ la plupart des Annélides polychœtes, I'- muscles -ont gTOU- Q quatre masses : deux supérieures e1 deux inférieures, qui s'étcndcni (rinic, extrémité à l'autre du ver. Dans le Ghétoptère, cette disposition diffère et varie suivant les régions. Dans la région supérieure, toutes les parois sont abondamment pourvues de faisceaux musculaires longitudinaux et transversaux ; emiers toutefois étant de beaucoup plus nombreux que les seconds (pi. XVII, Bg. n 1873, la position des centres nerveux dans la région supérieure du Chétoptôre; mais il ne sut en observer ni la disposi- tion ni la structure et ne put, par cela même, en comprendre la véritable signification. Les connectifs provenant de la première paire de ganglions de la région moyenne, en pénétrant dans la région supérieure, s'écartent pour se porter sur les parties latérales et former deux gros cordons nerveux (pi. XVI, fig. 1,6), situés à la base des rames dorsales, les seules que possède cette région ; puis ils remontent jusqu'à l'enton- noir buccal, où ils gagnent la face dorsale en passant entre la pre- mière paire de pieds et le bord de l'entonnoir. Ils vont ainsi former à la face dorsale un cordon nerveux situé dans le bord dorsal de l'entonnoir (fig. 2, b). La transparence des téguments, jointe à la teinte jaunâtre des cordons nerveux, permet de les distinguer sur l'animal vivant ; leur présence se traduit à l'extérieur par une ligne jaune brunâtre, légèrement translucide, tranchant nettement sur la teinte rose du plastron ventral. Une étude attentive du système nerveux de cette région montre que, loin de présenter une disposition anormale, comme tous les zoologistes l'ont cru, on trouve des parties qui doivent être consi- dérées les unes comme des ganglions, les autres comme des con- nectifs, et d'autres enfin comme de véritables commissures. Pour acquérir une idée générale de ce qui existe, on peut supposer, dès maintenant, que les ganglions, ne trouvant pas une place suffisante, vu la faible longueur des segments, se sont fusionnés au lieu de rester fusiformes et nettement distincts, comme ceux des régions inférieure et moyenne. Ils se sont concentrés en deux cordons lon- gitudinaux, et, de ce fait, les connectifs ont complètement disparu, du moins en apparence. Chez les animaux qui ont séjourné pendant quelque temps dans des liquides conservateurs, l'épithélium du plastron ventral se dé- tache parfois facilement, soit presque tout entier, soit sous forme de grands lambeaux, en entraînant avec lui, à sa lace profonde, les ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DU CHÉTOPTÈRE. 297 cordons nerveux et les parties qui en dépendent. Un examen de ces lambeaux à un faible grossissement permet de prendre une première idée de la disposition de ces cordons. Des dissections délicates, prati- quées sur les organes en place, complètent ces premières notions; et, enfin, sur des coupes transversales passant à différents niveaux, on se rend un compte exact de la structure des différentes parties. Chaque cordon émet des deux côtés de nombreuses branches ner- veuses (pi. XVI,fig.l eU, pi. XVII, fig. 4). Parmi celles qui naissent du côté interne, il en est qui se font remarquer par leur volume plus considérable, et, en les suivant, on voit qu'elles vont aboutir au cordon nerveux situé du côté opposé ; ce sont de véritables com- missures réunissant les deux cordons nerveux. Leur nombre est considérable, ce qui n'a rien de surprenant, vu que dans cette ré- gion supérieure les deux cordons représentent au minimum onze paires de ganglions, et que les ganglions d'une même paire sont réunis dans les régions moyenne et inférieure, le plus souvent par six ou sept commissures. C'est donc une soixantaine de commissures qui devraient exister dans la région supérieure si elles étaient toutes présentes, chiffre bien supérieur à ce qui existe réellement. Le nombre m'a paru varier avec les différents individus; mais, le plus souvent, j'en ai compté une vingtaine, ce qui ferait environ deux commis- sures pour chaque paire de ganglion. Il y a donc eu également, dans la région supérieure, concentration et fusion des commissures. Ces commissures, toujours fort longues en raison de l'écartement des deux cordons, semblent être rectilignes vers la base et courbes vers la partie supérieure, au voisinage du bord de l'entonnoir; mais, en réalité, sur l'animal vivant, placé dans son tube, elles suivent les mouvements de la paroi du corps, du plastron ventral, qui affecte la l'orme d'une tuile courbe, et toutes, par conséquent, sont plus ou moins courbes. Des ramifications nerveuses partent de ces commissures et se rendent aux espaces situés entre ces dernières. Ce sont là des filets nerveux qui partent des cordons dans les mêmes points que les 298 J- JOYEUX-LAI- FUIE. commissures et qui restent accolés à celles-ci pendant un certain parcours. Hn outre, plusieurs filets partent isolément des cordons et donnent des filets nerveux très délicats et fort nombreux qui se rendent à la couche épilhéliale du plastron ventral ainsi qu'à la couche musculaire sous-jacente. Du côté externe, les cordons nerveux émettent un grand nombre de nerfs qui se rendent les uns aux pieds, les autres aux téguments. Parmi les premiers, deux plus volumineux (pi. XVII, fig. 4, d) vont l'un à la face supérieure, l'autre à la face inférieure de la rame pé- dieuse, la seule partie qui représente le pied dans cette région. Ce sont là les deux nerfs de la rame dorsale, la rame ventrale étant atrophiée, ou, pour parler plus exactement, ne s'étant pas déve- loppée. Quant aux seconds, ce sont de simples filets nerveux, qui doivent être considérés comme des nerfs tégumentaires, dont le nombre varie. Avant d'abandonner la description des nerfs qui partent des cor- dons nerveux, je dois donner quelques indications sur ceux qui se rendent aux appendices en forme de hache fixés sur les côtés de la face ventrale du onzième segment. Chacun de ces appendices (pi. XV, fig. % e, pi. XVI, fig. 1 et pi. XX, fig. 2) reçoit deux nerfs venant du cordon nerveux correspondant, l'un va à la face supé- rieure, l'autre à la face inférieure. Là l'innervation est insuffisante pour indiquer la véritable nature de ces parties, en raison de l'avor- tement d'un des lobes de la rame ventrale. Cependant, si l'on réunit les indications tirées du système nerveux aux caractères de la forme générale, de la direction des parties, ainsi qu'à ceux tirés de la pré- sence des plaques onciales et de la direction des dents de ces pla- ques dirigées vers la partie supérieure, il est encore facile d'homo- loguer avec certitude ces appendices aux lobes internes des rames ventrales des régions moyenne et inférieure. En résumé, on voit que, dans la région supérieure, les rames dor- sales existent à tous les segments, sauf aux deux premiers, et que les rames ventrales ne sont développées qu'au onzième segment, où ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DU CHÉTOPTERE. 299 les lobes internes seuls sont représentés par deux petits appendices. Outre les nerfs optiques et antennaires, la partie dorsale du cor- don nerveux (pi. XVI, fig. 2 et 3) émet plusieurs nerfs importants non décrits, dont les principaux sont : trois paires de nerfs buccaux qui se rendent à l'entonnoir buccal, et une paire qui descend dans les parois de la face dorsale sur les côtés de la ligne médiane (fig. 3, e) occupée par la gouttière vibratile. Des trois paires de nerfs buccaux, une, la plus externe et aussi la plus volumineuse, se détache du cordon dorsal près du point d'origine du nerf antennaire. Chacun de ces nerfs se dirige sur le bord correspondant de l'entonnoir buccal, où il se ramifie. Quant à la paire dorsale, les nerfs qui la constituent naissent près l'un de l'autre, de chaque côté de la ligne médiane, et au lieu de se porter vers la partie supérieure comme les nerfs des paires précédentes, ils descendent de chaque côté de la gouttière vibratile en donnant des ramifications aux téguments et aux lèvres de cette gouttière. Il est à remarquer que toute la partie du cordon nerveux située à la face dorsale et comprise entre les points d'émergence des nerfs optiques, doit être considérée comme étant le cerveau ; elle est l'homologue des ganglions cérébroïdes des autres Annélides poly- chœtes et doit être considérée comme formée par deux ganglions fortement allongés dans le sens transversal. Peut-être, pourrait-on considérer comme un stomato-gastrique les deux nerfs qui descendent sur la face dorsale, où ils donnent de nombreuses ramifications à la gouttière vibratile, et peut-être aussi à la face dorsale du tube digestif. Je n'ai pu réussir à voir ni gan- glions, ni anastomoses sur leurs trajets et à suivre leurs ramifications aussi loin que je l'aurais désiré. Des coupes transversales montrent nettement la position, les rap- ports et la structure des cordons nerveux. Chaque cordon est situé, tant à la face ventrale qu'à la face dorsale, entre la couche épithé- liale superficielle et la couche musculaire profonde. Cette dernière présente môme une sorte de gouttière dans laquelle il est placé, gOO J. JOÏiïUX-LAFFljlE. gouttière qui correspond à une gouttière semblable située extérieure- ment sur l'épithélium (pi. XVII, fig. 6, d). Le cordon tout entier se distingue facilement dans les coupes des parties voisines, par sa teinte claire due à la faible affinité que possède le système nerveux pour les matières colorantes. Chaque cordon est constitué, sur tout son parcours, par deux bandes placées l'une sur l'autre : l'une, volumineuse et profonde (pi. XVII, lig. 1, e) ; l'autre, plus mince et superficielle par rapport a la première (même ligure, f). La première forme à elle seule pres- que tout le cordon nerveux ; elle est constituée par des fibres ner- veuses dont la coupe se traduit même à un fort grossissement par un fin pointillé (substance ponctuée des auteurs?). Cette masse de fibres nerveuses est entourée par du tissu cellulaire qui envoie des prolongements dans l'intérieur, et forme ainsi des faisceaux secon- daires bien accusés et séparés par des sillons très nets. Sur cette première partie, est accolée la seconde bande du cordon nerveux qui, en général, dans les coupes, se colore plus facilement. Elle est constituée par des cellules nerveuses, toujours fort nom- breuses, le plus souvent unipolaires qui affectentla forme de larmes bataviques (pi. XVII, fig. 1, /", et fig. 40). L'extrémité effilée est dirigée vers la bande profonde où elle se continue fort probablement avec une fibre nerveuse. Le protoplasma des cellules nerveuses renferme de nombreuses granulations et un noyau volumineux dans lequel on distingue le plus souvent un ou deux nucléoles. Ces cellules sont surtout abon- dantes dans les nombreux sillons situés sur la bande profonde. Par- fois même on en distingue qui sont logées dans le tissu cellulaire qui sépare les faisceaux secondaires. Les cellules nerveuses sont ainsi fixées sur une face du cordon nerveux et seulement sur cette face. Les rapports qu'affectent ces deux parties, portion fibrillaire et portion cellulaire, sont toujours les mêmes sur tout le parcours des cordons, tant à la face ventrale qu'à la face dorsale delà région su- ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DU CIIÉl'OPTERE. 301 périeure. C'est également la même disposition qui apparaît dans les coupes transversales des ganglions des régions moyenne et inférieure. Là encore les fibres sont profondes et les cellules plus superficielles. Disposition qui est en faveur de ce que j'ai avancé plus haut, à savoir : que les cordons nerveux de la région supérieure sont con- stitués par la fusion des ganglions de cette région. ORGANES DES SENS. Les organes du tact et de la vue sont les seuls organes des sens que présente le Chétoptère. Nulle part je n'ai rencontré d'organe spécial pour l'audition, d'otocystes, comme cela s'observe chez quelques Annélides telles que les Arénicoles et les Fabricies. Tact. — Ce sens est diffus et il n'est guère que les antennes et les cirrhes qui doivent être considérés comme spécialement affectés au tact. Les téguments, grâce à leur riche innervation, à leur faible consistance et aux cils vibratiles qu'ils présentent sur plusieurs points, jouissent d'une sensibilité extrême. Dès qu'on touche, même légèrement, une partie quelconque de l'animal, il se contracte brusquement. Il est difficile de savoir si c'est l'action de la lumière ou le changement de milieu qui en sont la cause; mais, dès qu'un Chétoptère bien vivant est extrait de son tube et placé dans une cuvette d'eau de mer, on le voit, vivement irrité par les nou- velles conditions auxquelles il est soumis, se contracter en tous sens. Toutes ses parties doivent être fort sensibles. Certaines, cependant, paraissent en raison de leurforme.de leur position et du rôle qu'elles remplissent chez d'autres Annélides, plus spécialement affectées au tact. C'est le cas des deux antennes insérées sur le bord postérieur de l'entonnoir buccal et des cirrhes que présentent les segments de la région inférieure. Les antennes (pi. XV, fig. 1, a) coniques se présentent sous des aspects très différents ; parfois l'animal les contourne et les tient 3fh> .1. JOVEDX-LAPPDIE. recroquevillées près de leur point d'insertion; mais le plus souvent elles sont allongées, droites ou légèrement ondulées. Chacuned'elles est parcourue sur toute sa longueur par une gouttière, sorte de cannelure tapissée par des cellules vibratiles. Le nerf antennaire (pi. XVI, fig. 2) chemine dans l'épaisseur des parois de la gouttière à laquelle il envoie de nombreuses ramifications. Sans en avoir la preuve, je suis porté à penser, en raison de cette disposition, que ces antennes sont non seulement des organes du tact, mais peut- être en même temps des organes de l'odorat pouvant servir à per- cevoir la nature des particules entraînées par le courant dans l'inté- rieur du tube. Parfois, elles sortent à l'extérieur, et l'animal peut ainsi, jusqu'à un certain point, se rendre compte de ce qui se passe hors de son tube, où il les retire à la moindre alerte. Vue. — Les organes de la vue sont représentés, chez le Chétoptère, par deux yeux situés à la base et du côté externe des antennes. Recouverts par les lobes postérieurs du bord de l'entonnoir, il est nécessaire, pour les voir, d'écarter ces lobes ainsi que les an- tennes. On distingue alors, de chaque côté, une tache d'un brun noirâtre, de forme ovalaire, qui est l'œil (pi. XVI, fig. 2, c). Ces yeux ont été vus et indiqués par la plupart des zoologistes qui ont publié sur le Chétoptère. Lespès les signale comme fort difficiles à distin- guer, et il est à remarquer qu'il n'a pas su tirer de leurs connections des indications pour découvrir le système nerveux situé immédiate- ment au-dessous, ce qui lui eût évité de commettre de grosses erreurs. Gosmovici, n'attribuant probablement aucune fonction aux an- tennes, pense que les yeux sont les seuls organes des sens que pos- sède l'animal. 11 prétend que l'œil repose sur un renflement « à peine visible » du cordon nerveux sous-jacent. et il se pose, au sujet de ce renflement, la question suivante : « Serait-ce là un ganglion cervical?» A quoi il répond : « C'est possible. » Or, jamais je n'ai observé le ganglion dont parle Cosmovici, et la structure du cordon ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DU CHÉTOPTÈRE. 303 nerveux, telle que je l'ai donnée précédemment, ainsi que l'origine des nerfs antennaires et des nerfs de l'entonnoir, montre que ces ganglions cérébroïdes ne sauraient être limités en ces points, mais qu'ils sont représentés par toute la portion du cordon nerveux située sur la face dorsale. Du reste, l'étude histologique de ces parties ne laisse aucun doute à ce sujet. La constitution de l'œil est fort simple. Il est composé par un pinceau de longues cellules fortement pigmentées à leur extrémité externe et en communication par leur extrémité interne avec des fibres nerveuses qui se perdent dans le cordon nerveux sous-jacent. Je n'ai jamais observé de cristallin, ni dans les coupes ni dans les dissections fines, mais simplement un espace libre, sorte de chambre antérieure, limitée en avant par la cuticule épaissie qui joue le rôle de cornée. Un tel organe n'est évidemment qu'un œil rudimentaire ne pouvant servir à l'animal qu'à distinguer la lumière de l'obscurité. Il est naturel de se demander si c'est là un œil primitif ou un œil dégradé. En raison même de l'organisation générale du Chétoptère, on est conduit à admettre la dernière hypothèse. Dans les conditions d'existence où vit l'animal, un œil plus perfectionné ne lui serait d'aucune utilité. Connaissant la disposition du système nerveux et des organes des sens, on peut maintenant trancher la question des segments supé- rieurs, des deux premiers segments, du segment céphalique et du segment buccal. Puisqu'il existe une partie du système nerveux correspondant aux ganglions cérébroïdes des autres Annélides, il doit y avoir une partie céphalique correspondant à la tête de ces mêmes Annélides. Ce seg- ment, complètement déformé et fort réduit, renferme la portion dorsale du cordon nerveux; c'est la partie située sur la face dorsale, immédiatement en arrière de la lèvre postérieure de l'entonnoir. C'est un segment fortement réduit, et il est difficile de préciser ses limites. Cependant, il est certain que les parties de l'animal qui renferment le cordon nerveux dorsal, qui portent les tentacules et 304 J- JOYFUX-LAFFUIE. les yeux, appartiennent au segment céphalique. La réduction de ce segmenl explique suffisamment pourquoi on ne rencontre pas dans son intérieur de cavité céphalique. Pour se faire une idée exacte de ce segment, il faut prendre le segment céphalique d'une Annélide normale, telle qu'une Eunice, par exemple, et le supposer considéra- blement allongé transversalement. On passe ainsi de la forme que devrait avoir le segment, s'il était constitué comme chez les Anné- lides errantes, à la forme qu'il possède réellement. Si le segment céphalique est fortement réduit, en revanche, le segment buccal s'est considérablement accru, sinon le segment lui-même, du moins l'orifice buccal, et l'on peut dire que la bouche est devenue tellement grande qu'elle a envahi presque tout le seg- ment buccal dont il ne reste plus que quelques traces. Il n'est guère que les lobes (pi. XVI, fig. 1, c) et le bord de cet entonnoir (pi. XV, fig. 2, b) qui peuvent être considérés comme les vestiges du segment buccal. La première commissure ventrale (pi. XVI, fig- *» c) et peut- être la seconde doivent appartenir à ce segment buccal; c'est lui, en effet, qui renferme habituellement les premières commissures qui réunissent les premiers ganglions de la chaîne ventrale. Chez le Ghétoptère, il n'y a pas, à proprement parler, de collier œsophagien, du moins tel qu'on l'entend habituellement, c'est-à-dire formé par deux connectifs plus ou moins longs réunissant, en pas- sant de chaque côté du tube digestif, les ganglions cérébroïdes à la première paire de ganglions de la chaîne ventrale. La portion de système nerveux correspondant aux ganglions céré- broïdes se continue directement avec les premiers ganglions ven- traux, sous forme d'un cordon nerveux, qui comprend à la fois les ganglions et les connectifs. Mais comme, cependant, la bouche est fort grande et que les rapports des parties doivent rester toujours les mêmes, ce sont les commissures qui se sont énormément al- longées. Le Ghétoptère est une Annélide chez laquelle la bouche, au lieu de rester à la face ventrale, a été reportée sur la face dorsale, si bien ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DU CHÉTOPTÈRE. 305 que le bord inférieur est devenu supérieur (bord antérieur de l'en- tonnoir), et inversement le bord supérieur est devenu inférieur (bord postérieur de l'entonnoir). Le Chétoptère est, au point de vue de la bouche, vis-à-vis d'une Annélide à bouche ventrale, ce que, dans les poissons, la Baudroie est à un Squale ou à une Raie. DIGESTION. L'appareil digestif du Chétoptère est un tube situé sur la ligne médiane et dirigé en ligne droite de la bouche à l'anus. La disposition, les rapports et la structure variant dans les diffé- rentes régions, il est utile de l'examiner dans ces différentes parties. Région supérieure. — La bouche, transformée en un vaste enton- noir, occupe toute la partie supérieure de l'animal. En décrivant l'extérieur, j'ai déjà indiqué les principaux caractères de cet entonnoir buccal. Je n'y reviens pas ; mais une question se pose, à savoir : quelle est la partie qui doit être considérée comme orifice buccal. Kst-ce le bord ou le fond de cet entonnoir buccal? En d'au- tres termes, est-ce la base ou le sommet? La base est le bord supé- rieur en forme de collerette fortement échancrée à la partie posté- rieure, et le sommet le point où l'entonnoir se continue avec le tube digestif. Je n'hésite point à considérer la base, c'est-à-dire le pour- tour de l'entonnoir, comme le véritable orifice buccal. Assurément, c'est une bouche extraordinairement grande, mais dont le développement exagéré trouve une explication rationnelle dans les conditions biologiques auxquelles est soumis l'animal. Emprisonné dans son tube, dépourvu de tout organe de préhension comparable à ceux des Serpuliens ou des Térébelliens, l'orifice buccal seul, en atteignant son maximum de développement, a fait tous les Irais du perfectionnement. Le diamètre de la bouche est même plus considérable que celui du tube; aussi est-elle placée plus ou moins obliquement dans ce dernier. Cette bouche, immense ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 2e SÉRIE. — T. VIII. ]S90. 20 306 I. JOYKUX-LAITUIE. par rapport à la tailla de l'aninial, lui est évidemment favorable. On ne comprendrait pas un tel animal, qui se nourrit des particules alimentaires suspendues dans l'eau, avec un petit orifice buccal. Cet entonnoir buccal tranche, par sa coloration, sur les parties voisines. Sa teinte varie avec les différents individus, mais reste tou- jours dans les tons rouge brunâtre. Cette coloration le fait immé- diatement reconnaître. 11 est tapissé, sur toute sa surface interne, par un épithélium à cils vibratilcs, et c'est là un caractère commun avec tout le tube digestif dont il constitue la première partie. Ces cils vibratiles font ici fonction d'organe préhensile; ce sont eux qui, par leurs mouvements continuels, entraînent dans le tube digestif les particules alimentaires amenées par le courant d'eau qui traverse le tube. D'autre part, j'ai montré qu'il existe un système de gouttières qui entraîne également les particules alimentaires jusque sur le bord postérieur de l'entonnoir, et que, arrivées là, ces particules, réunies en petits boudins, tombent dans cet entonnoir. Le courant d'eau qui parcourt le tube est donc, pour ainsi dire, tamisé deux fois : une première fois par les cils de l'entonnoir buccal, qui retiennent la plus grande partie des particules, surtout les plus lourdes, qui peuvent môme tomber dans la bouche parleur propre poids, et, une deuxième fois, lorsque ce courant passe dans l'anneau formé par les deux grandes rames dorsales du douzième segment, réunies, comme je l'ai montré, par leurs extrémités, en une sorte d'arceau placé sur le dos, Le courant vient lécher les gout- tières vibratiles qui recueillent les particules alimentaires et les conduisent à la bouche. Dans la région supérieure, le tube digestif cylindrique est un peu aplati sur les côtés, de sorte qu'en coupe il se présente sous forme d'une ove (pi. XV11, iig. G, o), 11 est maintenu en place par les épaisses cloisons qui limitent les segments. Région moyenne. — Dans la région moyenne, l'intestin, coloré en vert foncé, se voit par transparence, présente un calibre plus fort et ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DU CHÉTOPTÈRE. 307 est irrégulièrement boursouflé. A lui seul, il constitue, dans cette région, la plus grande partie du corps. Il offre une disposition qui rappelle celle du gros intestin des animaux supérieurs, et les nom- breuses boursouflures qu'il présente ont pour effet d'augmenter la surface intestinale. Ces replis sont en rapport avec l'allongement considérable que peut atteindre cette région de l'Annélide. Aussi les voit-on en grande partie disparaître lorsque l'animal est fortement allongé, tandis qu'ils s'accusent et augmentent en nombre dans la contraction. Les lames mésentéroïdes, qui fixent l'intestin aux parois de la cavité générale, jouent ici le rôle des bandes musculaires longi- tudinales qui parcourent le gros intestin des Vertébrés supérieurs, de l'homme, par exemple, rôle qui rappelle celui rempli par le fil qui maintient en place les gaufrures ou plissés d'une étoffe. Au niveau des trois segments qui portent les palettes dorsales, l'intestin se développe considérablement et remplit complètement la chambre située dans la partie centrale de chacune de ces palettes, tandis qu'il s'étrangle fortement au niveau de la séparation des seg- ments, c'est-à-dire dans l'intervalle des palettes. Région inférieure. — Dans la région inférieure, le tube digestif, quoique moins fortement coloré que dans la région moyenne, offre cependant encore une teinte verdâtre, qui se voit par transparence sur la ligne médiane dorsale, où les téguments sont plus amincis. Il offre une disposition parfaitement régulière, qui se répète dans tous les segments et qui consiste en renflements correspondant aux cavités des segments séparés par des étranglements au niveau des cloisons. L'anus, situé à l'extrémité inférieure, regarde du côté du dos; il est plissé et toujours légèrement entr'ouvert. Structure du tube digestif. — Sur toute sa longueur, le tube digestif est formé de deux couches : une couche interne épithéliale et une couche externe cellulo-musculaire. Dans la région supérieure, la couche épithéliale est formée de :<08 J. J0YEUX-LAFFU1E. cellules prismatiques, ciliées d'une longueur considérable, par rap- port à la largeur. Le noyau ovalaire esl placé au voisinage de l'ex- trémité profonde. Ces cellules sont de deux sortes : les unes à con- tenu protoplasmique, iinement granuleux, constituent, à elles seules, la presque totalité de l'épithélium dans la région supérieure. Les autres renferment, dans leur protoplasma, un grand nombre de granulations de couleur verdâtre, jaunâtre ou jaune-verdâtre (pi. XVII, fig. (J), qui sont des granulations biliaires. Elles caracté- risent ces cellules comme cellules biliaires. Rares dans la première portion du tube digestif, où l'on en distingue seulement quelques- unes, éparses çà et là, ces cellules biliaires deviennent fort abon- dantes dans les portions moyenne et inférieure, surtout dans la portion moyenne, où elles constituent à elles seules presque enliè- rement l'épithélium intestinal. La deuxième couche, ou couche cellulo-musculaire, est, comme son nom l'indique, formée par du tissu musculaire mélangé à du tissu cellulaire. Dans la région supérieure, les fibres musculaires lisses sont régu- lièrement disposées en deux couches distinctes : une externe, formée de fibres circulaires, et une interne, constituée par des fibres longitudinales. Cette dernière présente une épaisseur supérieure à celle de la première (pi. XVII, fig. 6). Dans la portion moyenne, le principal caractère de l'épithélium est la présence d'un grand nombre de cellules biliaires (pi. XVII, fig. 2). Ce sont elles qui donnent à l'intestin la coloration vert foncé qu'il présente dans cette région, particularité d'autant plus évidente que les téguments très amincis et complètement trans- parents permettent de distinguer le tube digestif presque aussi nettement que s'il était à découvert. Vu de face, l'épithélium présentel'aspect d'une mosaïque(pl. XVII, fig. 3) formée par des pavés de forme et de dimensions variables, parmi lesquels un distingue çàet là des interruptions, des vides, qui correspondent fort probablement à des cellules qui, arrivées au ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DU CHÉTOPTÈRE. 300 terme de leur croissance, se sont rompues à leur extrémité libre pour laisser échapper leur contenu. On voit aussi dans certains points des cellules plus petites qui forment évidemment des foyers de multiplication cellulaire. La couche cellulo-musculaire ne présente plus, dans la portion moyenne, deux couches musculaires bien distinctes. Elle est formée par une couche de tissu cellulaire au milieu duquel se voient des fibres musculaires dirigées dans tous les sens et qui est revêtue du côté de la cavité générale par l'épithélium péritonéal. Dans la région inférieure,(la structure histologique n'offre guère à signaler que la présence de cellules biliaires dont le nombre di- minue à mesure qu'on examine des parties de plus en plus voisines de l'extrémité inférieure. Dépourvu d'organes préhensiles ou masticateurs durs et résistants, le Chétoptère est réduit à trouver sa nourriture dans les fines parti- cules qui flottent dans l'eau et qui sont entraînées par le courant qui traverse son tube. L'examen microscopique du contenu intestinal montre qu'aux nombreuses particules de vase et aux fins grains de sable qui en constituent la plus grande partie est mélangée des Diatomées et des Foraminifères qui forment évidemment la partie la plus nu- tritive. Ces fines particules, entraînées dans le tube digestif par les cils vibratiles de l'entonnoir buccal et des gouttières vibratiles, che- minent, grâce aux mouvements de l'intestin et aux cils vibratiles qui tapissent toute sa surface. Chemin faisant, ces particules se réunissent en petits boudins de 5 à 6 millimètres de longueur sur 1 millimètre environ de diamètre, remarquables par leur régula- rité. C'est sous cette forme que les matières fécales sont rejetées à l'extérieur, et qu'on les observe parfois en abondance dans les cuvettes où ces animaux sont conservés vivants. Le courant qui traverse le tube est déterminé par le mouvement des rames en palettes de la région moyenne. Il s'ensuit que plus ces P40 ■'• JOY1ÏUX-LAFFUIE. mouvements sont actifs, plus le courant est rapide et plus l'animal reçoit de matières alimentaires. L'alimentation est donc intimement liée aux mouvements des rames en palettes. On voit dès lors com- bien, chez les ancêtres du Chétoptère, le développement de ces pa- lettes a dû jouer un rôle important au point de vue philogénétique, et cela rend compte des grandes dimensions et du perfectionnement de ces palettes chez les Chétoptères actuels. Les matières fécales, sous forme de petits boudins, possèdent, grâce au sable qui en forme la plus grande partie, une densité assez considérable qui fait qu'elles tombent toujours et rapidement au fond du vase qui renferme l'animal. Ce fait, qui par lui-même semble être un détail bien secondaire, offre cependant un certain intérêt au point de vue de la position occupée par l'animal dans l'intérieur de son tube. Jamais l'intérieur de ce tube n'est souillé par les matières fécales, qui, si cela avait lieu, s'accumuleraient dans la partie la plus déclive et finiraient par l'obstruer complète- ment. Gela porte à admettre qu'au moment de l'expulsion des ma- tières fécales l'extrémité inférieure de l'animal occupée par l'anus doit être située près de l'orifice du tube, de manière à ce que ces matières tombent à l'extérieur. Sans vouloir exagérer la portée de cette simple observation, je tiens cependant à faire remarquer que souvent l'étude des plus petites particularités anatomiques peut offrir quelque intérêt et que, autant que possible, dans l'étude d'un animal, rien ne doit être négligé ou laissé volontairement de côté. Je ne veux point montrer en quoi la description que je viens de faire du tube digestif diffère de celles données par les zoologistes qui ont étudié le Chétoptère avant moi. Ce serait étendre cette des- cription sans beaucoup d'intérêt pour le lecteur. Cependant, il est quelques points que je dois rappeler en peu de mots. Lespès a décrit des anses intestinales dans les palettes de la ré- gion moyenne; or, il n'y a aucune trace d'anse intestinale, mais simplement une dilatation du tube digestif remplissant complète- ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DU CHÉTOPTÈRE. 311 ment la cavité centrale de chaque palette. Il en est ainsi dans les segments de la région inférieure, où cet auteur décrit des courbes analogues à celles des segments thoraciques. Enfin le tube digestif ne se termine point par une poche ovalaire, mais en diminuant progressivement jusqu'à l'anus. OCRCULATION. L'appareil circulatoire du Ghétoptère est une des parties de l'ani- mal les plus difficiles à étudier, et je dois dire dès maintenant que malgré des recherches assidues poursuivies avec ténacité, je ne suis point arrivé à un résultat qui me satisfasse complètement. Je ne me fais aucune illusion sur la valeur des résultats que j'ai obtenus, et si j'ai réussi à faire avancer la question, je suis convaincu qu'il reste encore beaucoup à faire pour arriver à connaître, dans tous ses dé- tails, la circulation de l'animal qui fait le sujet de ce travail et de tous les Chétoptériens en général. Plusieurs zoologistes, au nombre desquels il faut placer M. de Quatrefages, ont considéré le Chétoptère comme une Annélide anan- gienne, et Glaparède a confirmé cette manière de voir. Mais, plus tard, ce dernier, dans ses Recherches sur la structure des Annélides sédentaires, change d'opinion et déclare que non seulement les Chétoptériens, mais encore les Serpuliens, les Ammochariens et les Ariciens, offrent la particularité d'avoir l'intestin inclus dans une gaine vasculaire jouant le rôle de vaisseau dorsal, et il décrit, chez ces vers, tout un système de vaisseaux. Malheureusement, la description, quoique assez détaillée, ne sau- rait suppléer à l'insuffisance des figures et il est bien difficile, sinon impossible, de concevoir exactement l'appareil circulatoire décrit par ce zoologiste. On est même porté à supposer, et il ne le dissimule pas, qu'il a procédé par analogie avec ce qui existe chez les Aricies, les Eriographides et les Sabelles. Quoi qu'il en soit, d'après Clapa- rède, l'appareil circulatoire du Ghétoptère serait composé, dans la région supérieure (thoracique), d'un vaisseau dorsal et d'un vaisseau m j. joveiïx-laffuie. ventral, et, dans le reste de l'animal, le vaisseau dorsal serait rem- placé parus sinus intestinal entourant les parties dorsale et latérales du tube digestif. Comment ces deux vaisseaux communiquent-ils? L'illustre zoologiste genevois ne l'a pas indiqué. 11 est remarquable de voir que les auteurs qui, après lui, ont étudié le même sujet, ont, d'un commun accord, nié l'existence de tout appareil circulatoire. Evidemment, de deux choses l'une : ou ils ignoraient les recherches de Claparède, ou ils ne se sont pas donné la peine de vérifier les faits avancés par cet auteur. Cependant une exception mérite d'être faite en faveur de Cosmovici (27), qui signale la présence de quelques vaisseaux. Je cite textuellement le passage relatif à ce sujet : « Tout ce qu'il m'a été possible de voir se résume en un vaisseau sanguin suivant le bord inférieur de l'in- testin. Or, comme dans les vésicules de la région moyenne, le tube digestif se contourne en une anse soutenue par un mésentère, c'est suivant le bord de son insertion que se trouve le vaisseau cité. Enfin on voit, avec un peu de difficulté, deux autres vaisseaux sur les côtés de l'intestin dans le premier anneau de la région moyenne. » C'est, on en conviendra, un appareil brièvement décrit, et j'ajouterai même : malheureusement ; car le premier vaisseau avait déjà été signalé, même figuré par Claparède, ce qu'il ne dit point, et des deux vaisseaux latéraux, il n'existe aucune trace. Du reste, on ne saurait accuser Cosmovici d'avoir peu insisté sur ce qui concerne l'appareil circulatoire, ayant eu surtout pour but la connaissance des organes segmentaires. Dans l'état actuel des connaissances sur ce sujet, il était indiqué de reprendre les recherches de Claparède et de les compléter par la méthode des injections que ce zoologiste avait complètement laissée de côté. En raison du peu de résistance des tissus, des contractions conti- nuelles des animaux et du faible calibre des vaisseaux, ies injections présentent de grandes difficultés. Pour réussir, il est indispensable de s'adressera des individus préalablement immobilisés par le chlo- ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DU CHÉTOPTÈRE. 313 rai ou par la cocaïne. Avec un rasoir, on sectionne d'un coup trans- versalement la région supérieure, et sur les sections ainsi obtenues, on distingue le vaisseau dorsal situé sur la ligne médiane, entre les téguments et le tube digestif, dans l'épaisseur de la lame mésenté- rique. Ce vaisseau est d'un calibre qui permet d'y engager une fine canule; on peut ainsi, en poussant dans les deux parties de l'animal coupé, injecter l'appareil circulatoire, qui se compose, d'après ce que j'ai pu observer, d'un vaisseau dorsal, d'un vaisseau ventral et d'un collier péribuccal. Le vaisseau ventral (pi. XVII, fig. 6, », et pi. XIX, fig. 4, i), situé dans l'épaisseur du mésentère, qui réunit le tube digestif ù. la paroi ventrale de la cavité générale, parcourt toute la face ventrale de l'animal de l'extrémité supérieure à l'extrémité inférieure. Sa lumière est plus faible que celle du vaisseau dorsal. Il se montre nettement sur toutes les coupes transversales pratiquées à diffé- rentes hauteurs. C'est même le seul vaisseau apparent dans les coupes des régions moyenne et inférieure. Il ne donne aucune branche, c'est un simple tube bien limité et qui présente à peu près le même calibre sur tout son parcours. Le vaisseau dorsal (pi. XVII, fig. 6, k) dans la région supérieure est situé, comme je l'ai déjà indiqué, dans le mésentère dorsal; son calibre, supérieur à celui du vaisseau ventral, permet de le distinguer assez facilement à l'œil nu et de le suivre sur la ligne médiane jus- qu'au bord postérieur de l'entonnoir buccal où il débouche dans le collier péri-buccal (pi. XIX, fig. 3, e). Au niveau des derniers seg- ments de la région supérieure, ce vaisseau se dilate considérable- ment en un large sinus (même figure, g) situé au-dessus du tube digestif. Lorsque j'ai eu constaté cette dilatation du vaisseau dorsal dans le point où il passe dans la région moyenne, je me suis cru en présence du sinus dorsal décrit par Claparède, sinus qui régne- rait sur toutes les faces dorsale et latérale du tube digestif dans les régions moyenne et inférieure. Malgré tous les efforts que j'ai faits pour retrouver ce sinus, j'ai été réduit à conclure qu'il n'existait pas TU .). JOYRUX-LAFFUIE. et nue le vaisseau dorsal, après s'être dilaté, perd rapidement ses parois. Du moins, c'est ce que tendent à prouver les nombreuses injections que j'ai pratiquées, ainsi que l'examen des coupes trans- versales faites dans les régions moyenne et inférieure. Toutes les injections poussées par le vaisseau dorsal et dirigées vers la partie inférieure de l'animal se répandent dans la cavité générale et l'enva- hissent complètement. De plus, les coupes ne montrent aucune paroi membraneuse pouvant être considérée comme étant la paroi du sinus, .le ne me dissimule point tout ce que présente d'anormal un tel appareil circulatoire dont un des principaux vaisseaux communi- querait largement avec la cavité générale ; mais je ne puis décrire que ce que j'ai vu et seulement ce que j'ai vu. J'espère avant peu pouvoir me livrer à des recherches sur les appareils circulatoires d'animaux voisins du Chétoptèrc et peut-être pourrai-je arriver ainsi à mieux saisir la véritable disposition de celui-ci. Pour le moment, il me reste à donner quelques indications sur les vaisseaux situés dans l'entonnoir buccal, vaisseaux qui n'avaient point encore été signalés. Je désigne sous le nom de collier péribuccal un anneau vascu- laire situé autour de la bouche, dans l'épaisseur des parois de l'en- tonnoir buccal et qui fait communiquer le vaisseau dorsal avec le vaisseau ventral. C'est une double anse vasculaire (pi. XIX, fig. 3, c) d'un calibre à peu près égal à celui du vaisseau dorsal qui occupe des positions variables, suivant les différents points où on l'examine. Dans la lèvre postérieure, elle est située dans l'épaisseur du bord de cette lèvre, sur un plan supérieur à celui occupé par le système nerveux. Elle se dirige de chaque côté vers la base des antennes, passe au-dessous, puis, pénètre dans la collerette formée par les bords antérieurs et latéraux de l'entonnoir. Ce collier chemine dans l'épaisseur de la collerette, à une certaine distance du bord libre, jusque sur la ligne médiane où il se réunit au vaisseau ventral. Il donne, de chaque côté, deux branches, une qui va à l'antenne et la parcourt dans toute sa longueur, et l'autre qui se rend au lobe de la collerette. Ce ETUDE MONOGRAPHIQUE DU CHÉTOPTÈRE. Hir, sont là les seules ramifications que j'aie pu observer. Nulle part je n'ai pu constater les nombreuses divisions qui s'observent habituel- lement dans l'appareil circulatoire d'un grand nombre d'Annélides. Sans avoir pu observer directement la circulation, il est naturel d'ac- cepter que le sang parcourt le vaisseau dorsal de bas en haut, passe par l'intermédiaire du collier péribuccal dans le vaisseau ventral et de là se dirige vers la partie inférieure de l'animal. Mais comment le sang revient-il de nouveau dans le vaisseau dorsal ? c'est ce que je ne saurais dire. Dans des séries de coupes pratiquées sur la région inférieure, on suit fort loin le vaisseau ventral; peu à peu son calibre diminue pour disparaître complètement. Évidemment, si l'on acceptait la présence du sinus intestinal de Glaparède, la question serait résolue : le vaisseau ventral communi- querait inférieurement avec ce sinus qui, lui-même, ne serait que les parties moyenne et inférieure du vaisseau dorsal et le cercle vas- culaire serait parfaitement établi et complet. Mais il ne m'a pas été possible de pouvoir constater une telle disposition et toujours, en poussant des injections dans le vaisseau ventral, j'ai vu mon injec- tion se répandre dans la cavité générale en un point voisin del'extré- mité inférieure de l'animal, parfois même vers le milieu de la région inférieure. D'où j'en conclus que le vaisseau ventral, comme le vais- seau dorsal, s'ouvre dans la cavité générale des régions moyenne et inférieure. Un tel système circulatoire est remarquable à plus d'un titre, et il est naturel de se demander comment on doit l'interpréter au point de vue phylogénétique. Est-ce un système primitif ou dé- gradé? Il n'y a pas de doute possible: c'est un système dégradé et en voie de disparition. Tout porte à admettre, que le Chétoptère provient, comme toutes les Annélides! sédentaires, des Annélides errantes, et il est probable, que dans les nombreuses phases de trans- formation qu'il a subies pour arrivera la forme bizarre qu'il possède actuellement, son appareil circulatoire a dû se modifier et se dé- grader de plus en plus. Une étude attentive de l'appareil circulatoire des formes voisines, telles que les Télépsaves, les Spiochsetoptères et 316 •!• JOYKrX-LAFFUIE. les Phyllochadoplèrcs, pourrait donner de précieux renseignements à ce sujet. Le sang qui, chez certaines Annélides, est vivement coloré en rouge ou en vert, est ici incolore, et ce manque de coloration est, sans doute, une des causes qui ont fait que, pendant longtemps, on a considéré le Ghétoptère comme dépourvu de tout appareil circu- latoire. C'est également cette môme raison qui empêche de pouvoir suivre la direction du sang dans les vaisseaux, chez les individus jeunes et transparents. RESPIRATION. Le Chétoptère ne possède pas d'organes spécialement affectés à la respiration ; cette fonction s'accomplit par toute la surface des té- guments, surtout par les téguments dorsaux qui sont, plus que les téguments ventraux, en rapport avec le courant d'eau qui traverse le tube. Aucune partie externe ne possédant de vaisseaux, le liquide sanguin et, à la fois, de la cavité générale ne peut s'oxygéner qu'à travers les parois de cette cavité. Ces parois amincies se prêtent facilement à un échange gazeux, et j'ai montré précédemment que la cavité générale envoyait des prolongements sous forme de diver- ticules dans toutes les parties saillantes. Le système circulatoire ne remplit qu'un rôle secondaire dans l'acte respiratoire. Un mode de respiration aussi simple serait bien fait pour sur- prendre chez un animal d'un volume aussi considérable que le Ché- toptère, si l'on ne tenait compte des conditions éminemment favo- rables où il vit au point de vue respiratoire. On ne doit point oublier que, loin d'être, comme un grand nombre d'Annélides sédentaires, telles que les Térébelles, les Hermelles ou les Serpules, renfermé dans une demeure où l'eau se renouvelle difficilement, il habite un tube dont les deux extrémités sont libres au-dessus du sol, et qui est traversé par un courant d'eau continuel, grâce aux mouvements rythmiques et alternatifs des rames en palettes des quatorzième, quinzième et seizième segments. ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DU CHÉTOPTÈRE. '!17 Il est fort difficile d'apprécier exactement quelle est la quantité d'eau qui traverse le tube dans un temps donné; mais, vu la rapidité du courant, on peut affirmer qu'elle doit être considérable. Si, en effet, à l'orifice d'entrée du tube, on mélange à l'eau de mer de fines granulations colorées telles que celles qu'on obtient en broyant finement du bleu insoluble, on voit presque aussitôt la coloration apparaître à l'autre extrémité. Somme toute, le but est atteint, la pauvreté de l'appareil est compensée par la richesse du milieu où il fonctionne. Plusieurs auteurs, au nombre desquels se trouve Cosmovici, sem- blent ne pas s'être préoccupés de la manière dont s'effectue la respi- ration chez le Chétoptère. D'autres en parlent à peine, et il n'est guère que Jourdain qui nous ait donné quelques indications sur ce sujet. Ce zoologiste a parfaitement compris le rôle dans l'hématose des rames en palettes. Comme il le dit fort justement : « Ce mouvement établit, dans l'eau de mer qui remplit le tube, un courant qui favo- rise l'hématose et facilite en même temps l'apport des matériaux nutritifs. » Mais je ne puis accepter le passage suivant du même chapitre : « Le liquide de la cavité générale, dans lequel le micros- cope permet de reconnaître des globules avec nucléus granuleux, distend les trois derniers anneaux de la région moyenne. La crête qui les ceint, présente dans l'écartement des feuillets qui la con- stituent, une grande quantité de trabécules fibreux qui divisent le liquide cavi taire, le brassent pour ainsi dire et rendent alors son oxygénation plus complète. » Pas plus que les autres parties du corps, les rames en palettes ne servent exclusivement à l'oxygéna- tion du liquide cavitaire, d'autant que leurs téguments sont plus épais et plus résistants que dans d'autres parties des régions moyenne et inférieure. Quant aux tractus qui traversent ces rames et dont j'ai indiqué la véritable signification morphologique, ils ne rem- plissent aucun rôle dans le mouvement du liquide cavitaire. 318 J. J0YEUX-LAFFU1E. REPRODUCTION Eï EXCRÉTION. Chez le Chétoptère comme chez la plupart des Annélides, ces deux fonctions s'effectuent par des organes communs; de là, la difficulté de les étudier séparément. Cependant, comme tous les organes que je vais décrire dans ce chapitre font partie de l'appa- reil reproducteur, tandis qu'une portion seulement est affectée à la fois à la reproduction et à l'excrétion, pour éviter la confusion je décrirai d'abord l'appareil reproducteur, puis ensuite l'appareil excréteur. Appareil reproducteur. Les sexes sont séparés et portés par des individus différents. A première vue, lorsque les animaux sont en reproduction, il est possible de distinguer les mâles des femelles; La région inférieure chez les mâles est teintée en blanc mat, tandis que, chez la femelle, elle est légèrement colorée en rose transparent. Les mâles sont beaucoup plus nombreux que les fe- melles. Pour étudier aisément les organes reproducteurs, il est utile de choisir des individus dont les glandes ne sont pas encore com- plètement développées. Les Chétoptères qui sont sur le point d'é- vacuer leurs produits sont d'ordinaire tellement gonflés, et leur cavité générale est tellement remplie par les œufs ou les sperma- tozoïdes, que ces produits gênent considérablement les dissections. En raison de la grande contractibilité des tissus, il est également né- cessaire d'opérer sur des animaux morts et préalablement fixés; c'est le seul moyen dose rendre un compte exact des rapports parfois très variés de ces parties. Les observations faites sur les animaux morts doivent être contrôlées sur des individus vivants, surtout en ce qui concerne la couleur, la forme et les rapports des organes. C'est en procédant ainsi que je suis arrivé à saisir la véritable disposition des glandes reproductrices et des organes segmentaires qui rem- ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DU ÇHÉTOPTÈRE. 319 plissent ici, comme chez beaucoup de vers, le rôle d'organes éva- cuatcurs. Les organes reproducteurs sont semblablement situés dans les deux sexes, et il n'existe de différence bien marquée que dans les produits des glandes génitales, et dans l'aspect de ces glandes. Ils sont dis- posés par paires dans chacun des segments des régions moyenne et inférieure ; la région supérieure seule n'en renferme jamais. C'est là un caractère important qui établit une limite entre les régions supérieure et moyenne. Quelques auteurs, au nombre desquels se trouvent Lespès (22) etCosmovici(27), comprennent dans la région supérieure le douzième segment qui porte les pieds aliformes. Or, ce segment possède des organes reproducteurs et se distingue nettement par ce caractère des segments qui constituent la région supérieure telle qu'elle a été décrite précédemment. Ovaires. — Les ovaires sont situés de chaque côté du tube diges- tif, sur la face supérieure des diaphragmes qui séparent les seg- ments. Ce sont des bourrelets arrondis d'une longueur assez con- sidérable, offrant un grand nombre de circonvolutions, et dont la teinte varie avec le degré de développement des œufs qu'ils renfer- ment. Dans la période de repos, ils sont peu développés et d'une couleur jaune pâle, tandis qu'à l'état d'activité, ils sont plus volu- mineux, bien apparents, et présentent une teinte rosée. Chacun de ces ovaires est fixé sur la face supérieure du diaphragme par l'in- termédiaire d'un repli mésentérique qui affecte les mêmes rap- ports que le mésentère avec l'intestin chez les mammifères. L'ovaire (pi. XVII, fig. 1, b, et pi. XIX, fig. I) se termine par deux extrémités arrondies. C'est un cordon plein dans l'épaisseur duquel se dévelop- pent les œufs qui, au fur et à mesure de leur développement, font de plus en plus saillie à la surface, se pédiculisent et finissent par tomber dans la cavité générale par rupture du pédicule. Là ils s'ac- cumulent en grand nombre et y séjournent en attendant le moment d'être évacués à l'extérieur. L'œuf (pi. XIX, fig. 2) complètement développé est composé MO J. JOVEUX-UFFUIE. d'un wtellus légèrement jaunâtre qui lient eu suspension de nom- breuses granulations, et qui est entouré par uue mince membrane vitelline. Dans la partie centrale, se voit uue grande vésicule germi- nalive, à bords irréguliers, qui se distingue du vitcllus par l'absence de granulations et par sa teinte légèrement bleuâtre. Au centre de la vésicule germinative est situé un nucléus bien apparent. La mince membrane vitelline est remarquablement résistante et élastique. Les œufs, soumis à une forte pression, se déforment et s'allongent considérablement sans perdre la propriété de pouvoir reprendre leur forme première. Testicules. — La description que je viens de donner des ovaires permet d'abréger celle des testicules qui ne diffèrent des premiers que par le volume moins considérable, par la teinte blanc jaunâtre et par les produits. La forme, la situation et la disposition générale sont exactement les mêmes; à la place des œufs se développent les cellules mères des spermatozoïdes. Ceux-ci deviennent libres et tombent dans la cavité générale qu'ils remplissent complètement au moment de la reproduction. Ce n'est que lorsque la cavité gé- nérale est complètement remplie qu'ils sont évacués à l'extérieur par les organes segmentaires. Les spermatozoïdes (pi. XIX, fig. 5) offrent une partie antérieure globuleuse qui renferme le noyau, et de laquelle part un long fila- ment qui est la partie postérieure. Ils sont fort agiles et se meu- vent avec rapidité dans l'eau de mer. Il est difficile de concilier les descriptions que je viens de donner des ovaires et des testicules avec celles fournies précédemment par les auteurs. Jourdain (28), qui a parfaitement reconnu que les sexes étaient séparés, décrit le testicule comme « représenté par une glande lobulée blanche, dont le canal excréteur s'ouvre sur les parties latérales des ampoules contractiles pour les trois derniers anneaux de la région II (région moyenne), et vers la base de la rame dorsale pour les segments postérieurs. Cette glande est con- stituée par une enveloppe à libres lisses entrecroisées, doublée d'une ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DU CHÊTOPTÈRE. 321 membrane épithéliale qui produit par gemmation les cellules mères des spermatozoïdes. » Un peu plus loin, au sujet de l'ovaire, il ajoute : « La description que nous donnons de l'organe mâle est applicable à la glande femelle, avec cette différence, bien entendu, que la membrane interne de la glande, au lieu de donner naissance aux cellules mères des spermatozoïdes, produit des ovules. » Les quelques lignes que je viens de citer suffisent à montrer que Jour- dain a confondu les organes segmentaires avec les glandes repro- ductrices, et ce qu'il considère comme étant des ovaires ou des testicules, n'est autre chose que la partie terminale des organes segmentaires. Cela autorise à admettre que Jourdain n'a pas ob- servé les œufs et les cellules mères des spermatozoïdes en place, mais seulement lorsqu'ils étaient déjà engagés dans les organes segmentaires, c'est-à-dire longtemps après avoir abandonné les ovaires ou les testicules. Les renseignements fournis par Lespès ne sont guère, plus que ceux de Jourdain, de nature à éclairer la disposition des organes de la reproduction et de l'excrétion. On y trouve de nombreuses erreurs anatomiques qu'il serait trop long de réfuter ici. Quanta la description donnée par Cosmovici (27), elle renferme de nombreuses inexactitudes, comme je l'indiquerai plus loin en décrivant les or- ganes segmentaires, et, de plus, elle est souvent incompréhensible. Organes segmentaires. — Les organes segmentaires qui fonc- tionnent à la fois chez le Ghétoptère, ainsi que chez la plupart des Annélidcs, comme conduits vecteurs et comme organes de l'excré- tion, doivent maintenant attirer l'attention et être décrits avec quelques détails, d'autant plus que les descriptions données jus- qu'ici renferment de nombreuses erreurs. Ces organes n'existent, chez le Chétoptère, que dans les segments des régions moyenne et inférieure. Jamais la région supérieure n'en présente à aucun degré de développement, du moins à l'état adulte. Il serait intéressant de voir si, pendant le développement, ces organes apparaissent pour s'atrophier ensuite, ou de constater s'ils ne se montrent jamais AUCU. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 2° SÉKIE. -- T. VIII. IN'.1''. -1 •i-2-j .1. JOFEUX-LAFFUIE. dans la région supérieure à aucune époque du développement, Chaque se'gment des régions moyenne et inférieure possède une paire d'organes segmentaires, sauf les derniers segments de la ré- gion inférieure, où ils ne sont pas encore développés. Le nombre de ces derniers segments varie avec les individus; mais il est toujours peu considérable. La disposition de ces organes, loin de constituer une exception, comme on devrait l'admettre, d'après les recherches faites jusqu'ici, est entièrement conforme, comme je vais le montrer, au type général que l'on observe chez la plupart des Annélides polychœtes. Schématiquement, un organe segmentaire d'Annélidc peut être représenté par un tube contourné, dont une des extrémités s'ouvre dans la cavité générale. Le plus souvent, c'est le cas du Chétoptère ; l'extrémité interne s'ouvre dans un segment par un pavillon vibra- lile, puis le tube passe dans le segment suivant, où il débouche à l'extérieur à travers les téguments. Tout organe segmentaire appar- tient donc, par une de ses extrémités, à un segment, et par l'autre au segment suivant. Gomme, d'autre part, ces organes segmentaires se répètent régulièrement dans plusieurs segments successifs, il en résulte que chaque segment possède, à la fois, de chaque côté, la partie terminale d'un premier organe segmentaire et la partie ini- tiale d'un deuxième organe. En d'autres termes, chaque segment possède bien, en somme, une paire d'organes segmentaires; mais cette paire est composée de deux demi-paires et non d'une seule et même paire. Il y a là une disposition de la plus haute importance, qui a été laissée complètement de côté par les zoologistes qui ont étudié les organes segmentaires du Chétoptère, ce qui les a tous conduits à commettre la même erreur, à placer l'organe segmen- taire tout entier dans un même segment. Celle erreur suffit à montrer qu'ils n'ont pas nettement observé ces organes, ainsi que leurs rapports avec les parties voisines, et, en même temps, cela explique les descriptions parfois entièrement fantaisistes qu'ils ont données. ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DU CIlftTOPTÈRE. 323 Comme conséquence de la disposition que je viens de rappeler, on doit s'attendre à rencontrer, dans le premier segment de la région moyenne seulement, les deux extrémités supérieures des organes segmentaires qui s'ouvrent à l'extérieur dans le segment suivant. C'est, en effet, ce qui a lieu. Les seules portions des organes seg- mentaires que possède ce segment sont deux entonnoirs vibratiles auxquels font suite deux tubes cylindriques, qui se dirigent vers le segment suivant. Il est donc rationnel de ne point observer, sur ce premier segment, d'orifices externes des organes segmentaires, tandis que tous les autres segments placés à la suite, jusque vers l'extrémité inférieure de l'animal, présenteront toujours, symétri- quement placés, une paire d'orifices dont la position variera avec la forme des parties sur lesquelles ils seront placés. Au deuxième segment de la région moyenne (treizième de l'animal entier), ces orifices sont placés à la base des rames dorsales, sur la face inférieure (pi. XVIII, fig. 2, ,;*). De chaque côté de l'animal se voit un petit orifice à bord plissé, souvent fermé, ce qui ne permet pas toujours de pouvoir le distinguer facilement. Aux trois segments suivants, les orifices externes (pi. XV, fig. I, j) sont situés sur la face inférieure des rames en palettes dans le sillon qui sépare le bord de la partie médiane. On distingue souvent, par transparence, le tube qui vient y déboucher; le tout est d'un blanc mat, qui tranche nettement sur la teinte jaune sale des tégu- ments. Dans tous les segments de la région inférieure, les orifices sont semblablement placés. Ils sont situés sur la face inférieure des rames dorsales, et, comme dans les trois derniers segments de la région moyenne, ils possèdent une teinte d'un blanc mat qui les fait immédiatement reconnaître. Il importait de préciser la position de ces orifices externes, car tous les auteurs sont loin d'être du même avis. Lespès, par exemple, prétend que chez les individus femelles il n'existe d'organes seg- mentaires que dans la région inférieure; ce qui est inexact. Ces 3i'i J. JOYEUX-LAFFUIE. organes sont en nombre égal et semblablement placés chez les mâles et les femelles. Je dois dire, en abordant l'anatomie et l'histologie des organes scgmentaires, qui va m'occuper maintenant, que toutes les des- criptions qui en ont été données sont ou erronées ou entièrement inexactes. 11 importe donc d'en donner une nouvelle aussi com- plète que possible, et même de préciser certains détails. Ce sont les organes segmentaires du premier segment delà région moyenne qui doivent être choisis de préférence pour acquérir une notion exacte de ces organes ou encore ceux du deuxième segment. Il est même rare d'observer, chez les Annélides, des organes seg- mentaires offrant d'aussi grandes dimensions. Déjà, par transpa- rence , chez certains individus , plus particulièrement chez les femelles, après l'évacuation des œufs, on peut distinguer et suivre les organes segmentaires à travers les téguments amincis (pi. XVIII, fig.2, b). Une simple dissection les met, du reste, immédiatement en évi- dence. Il suffit de fendre les téguments, d'ouvrir largement la cavité générale, d'enlever le tube digestif ou de le rejeter de côté, pour voir, sur la face antérieure de cette cavité, accolées aux gros mus- cles ventraux et en arrière d'eux, deux traînées brunâtres qui lon- gent ces muscles parallèlement à la ligne d'insertion des téguments. Ces deux traînées sont des portions des organes segmentaires. Chaque organe segmentaire peut être considéré comme étant composé de trois parties (pi. XVIII, flg. 7) : 4° Une partie supérieure, qui est le pavillon vibratile ; 2° Une partie tubuleuse allongée, qui est le tube segmentaire ; 3° Une partie dilatée en forme de sac ou d'ampoule. C'est le sac de l'organe segmentaire, que je désignerai aussi, en raison de sa fonction, sous le nom de réservoir segmentaire. Il est nécessaire de donner quelques détails sur chacune de ces parties pour en connaître la structure et les fonctions. ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DU CHÉTOPTÈIŒ. 323 Le pavillon peut être justement comparé, au point de vue de la forme, à un nid de pigeon ou à une des valvules sigmoïdes de l'aorte des animaux supérieurs. C'est un entonnoir aplati sur un de ses côtés. Par sa partie aplatie, il adhère au muscle ventral corres- pondant et sa partie courbe est libre. Ce pavillon est très apparent, môme sans instruments grossissants, et, en raison de son volume, assez considérable; il est vraiment surprenant de voir que les zoolo- gistes qui ont étudié les organes segmentaires chez le Chétoptôre n'aient pas su le distinguer. Il est conique; son sommet se continue avec le canal segmentaire ; ses parois sont épaisses, son bord arrondi, et jamais il ne se présente sous forme d'une boutonnière, comme l'indique et le représente Cosmovici en décrivant et figurant un organe segmentaire de la région moyenne. La surface intérieure et le bord sont garnis de cils vibratiles dont les mouvements déterminent un courant dirigé vers le sommet du pavillon. Je n'ai jamais observé la disposition indiquée par plusieurs zoologistes, à savoir : que ces cils forment des bandes dirigées vers le sommet. Soit sur des préparations faites sur des tissus vivants, soit sur des coupes, je n'ai jamais constaté quoi que ce soit rappe- lant cette prétendue disposition, et je suis d'autant plus porté à croire qu'elle n'existe réellement pas, que la plupart de ces auteurs, tel que Lespès, par exemple, nous signalent ces moindres faits, alors qu'ils n'ont pas môme su observer la disposition générale de ces organes. Mes observations me permettent d'affirmer que la surface interne de l'entonnoir est recouverte d'un épithélium vibratile dis- posé uniformément sur toute cette surface. Le tube segmentaire, remarquable chez plusieurs Annélides par les nombreuses circonvolutions qu'il décrit, est ici dirigé en ligne droite depuis le sommet du pavillon jusqu'au réservoir segmentaire. Il se présente sous forme d'un tube légèrement aplati, présentant une lumière (pi. XVIII, fig. G) relativement considérable [a). Il est situé dans le tissu cellulaire qui entoure le muscle ventral correspon- 3iG J. JOYEUX-LAFFUIE. lant, cl il chemine dans celte couche cellulaire depuis l'entonnoir yjjbratile jusqu'au réservoir segmentaire. Là, il devient libre et ses parois se continuent avec celles du réservoir; elles sont de couleur brunâtre, et cette coloration permet de distinguer le tube par transparence à travers la couche cellulaire qui le recouvre. Le réservoir segmentaire (pi. XVIII, fig. 7, e) doit être considéré comme une partie différenciée et fortement agrandie du canal seg- mentaire. Il offre l'aspect d'un sac à parois irrégulières et forte- ment plissées, muni de deux orifices : un supérieur, auquel vient aboutir le tube segmentaire, et un inférieur, qui fait communiquer la cavité du réservoir avec l'extérieur; c'est l'orifice extérieur du canal segmentaire. La couleur du sac est jaune pâle, semée de petites taches (h) brunâtres ; elle diffère de celle du tube segmentaire, qui est uniformément et fortement coloré en brun. L'organe segmentaire tout entier est composé de deux couches : 1° Une couche externe cellulo-musculaire ; 2° Une couche interne de tissu propre. La couche externe cellulo-musculaire (pi. XVIII, fig. 6, b) entoure complètement l'organe et se continue avec le tissu cellulaire des parties voisines dans les points (tube segmentaire, orifice externe) où cet organe est relié aux organes voisins. Elle est formée en grande partie par des fibres conjonctives auxquelles sont mélangées des cellules musculaires lisses à noyaux bien apparents. La surface externe de cette couche est recouverte par l'épithélium de la cavité générale. La couche de tissu propre (pi. XVIII, fig. 6, cy de l'organe seg- mentaire offre une plus grande épaisseur, surtout dans les parois du réservoir. Par sa face profonde elle est accolée à la couche cellulo- musculaire, et, par sa face superficielle ou interne, elle limite la cavité interne de l'organe. Cette couche est composée par des cel- lules spéciales caractéristiques d'un organe d'excrétion. Vues à l'état fiais, après dilacération dans l'eau de mer, elles sont arrondies et possèdent un gros noyau qui renferme le plus souvent une ou plu- ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DU CHÉTOPTÈRE. 327 sieurs concrétions. Ces concrétions varient à l'infini; certaines cel- lules n'en renferment qu'une seule, d'autres, plusieurs ; souvent elles sont petites, parfois assez volumineuses, et quelquefois elles remplissent complètement la cellule (pi. XVIII, fig. 9, 10 et 11). Par tous leurs caractères, elles rappellent les cellules du rein des mol- lusques. Examinées sur des coupes de l'organe, elles présentent un contour polygonal et renferment un protoplasma granuleux qui en- toure le noyau. On n'y voit plus aucune trace des concrétions qui ont été dissoutes par les réactifs lors de la préparation. Ces concrétions (pi. XVIII, fig. 9, 10 et II) ont toujours de trop petites dimensions pour qu'il soit possible d'en recueillir une quan- tité suffisante pour pouvoir les analyser; mais, par leur couleur, leur forme et le lieu où elles prennent naissance, elles rappellent les concrétions qui s'observent dans les cellules du rein des Mollusques, et, de même que chez ces animaux, elles doivent être considérées comme étant des produits excrémentitiels. Gomme chez les Mol- lusques également, on rencontre parfois dans le réservoir segmen- taire de ces concrétions devenues libres et qui présentent un volume beaucoup supérieur à celui qu'elles ont lorsqu'elles sont encore en- fermées dans les cellules qui leur ont donné naissance. Du moins, tout porte à admettre que ce sont des concrétions qui se sont primitivement développées à l'intérieur d'une cellule dans un point du tube segmentaire et qui, plus tard, lorsque la cellule vieillie les a abandonnées par rupture, sont tombées dans la cavité de l'organe segmentaire où grâce aux cils vibratiles elles sont arri- vées jusque dans le réservoir. Là, elles continuent sans doute à s'ac- croître, car il en est dont le volume est tellement considérable par rapport au volume des cellules, qu'il est inadmissible qu'elles aient pu se développer entièrement dans l'intérieur d'une cellule. Quelle que soit leur provenance, soit des cellules, soit du réservoir, toutes présentent les mêmes caractères, la même coloration et la même structure. Elles se montrent formées par une quantité de minces couches concentriques déposées autour de plusieurs points qui 328 I. JOYEDX-LAFFOIE. sciiihltiil avoir rempli le rôle de centres de dépôt, et il est probable que ce sont plusieurs concrétions primitivement distinctes qui se sont réunies, et sur la masse unique ainsi constituée, se sont dé- posées de nouvelles couches recouvrant le tout. Il est nécessaire d'établir une distinction dans la couche du tissu propre de l'organe segmentaire, suivant qu'on la considère dans le réservoir, dans le tube ou dans le pavillon ; distinction qui pourrait être établie à la simple vue de l'organe frais d'après la différence de coloration. Dans le tube, cette couche (pi. XY1II, fig. 6, c) est mince et com- posée d'un petit nombre d'assises cellulaires, en moyenne deux ou trois seulement. Toutes ces cellules possèdent un noyau volumi- neux qui remplit presque complètement la cellule et qui renferme, le plus souvent, des concrétions de couleur brunâtre. Dans le réservoir (pi. XVIII, fig. 5, c), le noyau des cellules est plus petit et ne renferme que rarement des concrétions, excepté dans le voisinage du point où débouche le tube. Enfin, dans le pavillon, on trouve à la fois et mélangées les deux variétés de cellules indiquées. Des faits que je viens de signaler, je crois pouvoir conclure que c'est le tube qui fonctionne surtout comme organe excréteur ; que le pavillon ne prend qu'une faible part à cette fonction, et qu'enfin le réservoir y joue un rôle encore moindre, même peut-être abso- lument nul. Le réservoir segmentaire doit être considéré, comme je l'ai déjà indiqué, comme une partie modifiée et différenciée du tube seg- mentaire, qui, en ce point, s'est fortement dilaté, dont le canal interne s'est agrandi en même temps que les parois se sont épaissies. Chez le Chétoptère comme chez les autres Annélides polychœtes, les organes segmentaires fonctionnent à la fois comme organes de l'excrétion et comme organes évacuateurs des produits sexuels. Au moment de la reproduction, ils sont complètement remplis par ÉTUDE MONOGItAPIHQUF DU CHÉTOPTÈRE; 329 les œufs ou les spermatozoïdes qui s'y accumulent en attendant le moment d'être rejetés à l'extérieur. J'ai indiqué précédemment que les œufs et les spermatozoïdes, en abandonnant les ovaires et les testicules, tombent dans la ca- vité générale, où ils achèvent leur développement. J'ai montré, d'autre part, que les pavillons sont situés et accolés sur la paroi interne de cette cavité. Dès lors, on comprend aisément comment les œufs ou les spermatozoïdes peuvent être entraînés dans le canal segmentaire par l'action des cils vibratiles et les contractions du pavillon. Telles sont la constitution et les fonctions des deux organes seg- mentâmes du premier segment de la région moyenne. Ceux du second segment sont en tous points semblables à ceux du premier. Le pavillon et le tube segmentaire sont à peu près de mêmes dimensions et semblablement placés. Ce dernier se voit également de l'extérieur par transparence (pi. XYI1I, fig. 2, f). Le réservoir seul diffère un peu par sa situation, mais bien plus en apparence qu'en réalité, comme je vais le montrer bientôt. Tous les auteurs considèrent d'un commun accord les palettes des troisième, quatrième et cinquième segments (quatorzième, quinzième et seizième, fig. i de la pi. XV) de la région moyenne comme étant formées par les téguments dorsaux modifiés. Or, il n'en est rien. Ces palettes sont constituées à la fois par les tégu- ments dorsaux du segment et par les rames dorsales soudées à ces téguments. Cette manière d'envisager ces palettes est la seule vraie, comme je l'ai montré en étudiant l'innervation et les caractères * extérieurs de ces parties ; c'est aussi la seule qui permette de com- prendre la disposition des cavités internes que renferme chaque palette, ainsi que celle des organes segmentaires. Ces trois palettes étant semblables, il suffit d'étudier l'une d'elles. Dans une coupe transversale de l'animal passant par le bord libre d'une de ces palettes (pi. XX, fig. 5) et la divisant en deux parties, on voit trois cavités : une médiane (c), occupée par le tube digestif, 33Q J. JOYEUX-LAFFUII'. c'esi la cavité générée, la eavi1£du segment qui loge le tube digestif, cl deux latérales (D), occupées par les réservoirs des organes seg- mentâmes (0 S) correspondants qui sont les cavités des rames dor- sales, prolongements elles-mêmes de la cavité générale. J'ai déjà montré que les rames dorsales, en se repliant sur le dos, en s'accolant aux téguments, se sont fusionnées avec ceux-ci, mais non assez intimement pour qu'il n'y ait plus trace de cette soudure. Loin de là, la partie circulaire et périphérique de ces palettes n'est autre chose que les rames dorsales, comme le montrent la position des orifices des canaux segmentâmes (pi. XV, fig. 1,/), les nerfs qui innervent ces parties et les petits tubercules (i) por- teurs de soies en crochets situées de chaque côté. De plus, la ca- vité centrale est séparée de chaque côté de la cavité latérale cor- respondant par une cloison (pi. XX, 5, T) incomplète, vestige de la paroi du segment et de la paroi de la rame dorsale réunies. Cette cloison incomplète est facile à voir dans une coupe (pi. XVIII, fig. 1) longitudinale et médiane de l'animal, coupe qui divise la pa- lette en deux parties égales. On voit qu'elle est formée par un grand nombre de faisceaux musculaires (e) qui réunissent les deux faces de la palette, et dont les extrémités s'insèrent sur ces faces suivant la ligne circulaire qui délimite extérieurement la partie centrale de la partie périphérique de cette palette. Chaque cavité latérale est occupée par le réservoir de l'organe segmentaire correspondant. Comme pour les organes segmentâmes des segments précédents, les pavillons et les tubes (pl.XVIH,fig. 1, g) segmentâmes sont contenus dans la cavité médiane avec le tube digestif; les tubes cheminent en s'accolant aux muscles ventraux, et, arrivés au niveau des chambres latérales, ils y pénètrent et s'y dilatent en un sac plissé qui est le réservoir segmentaire. Dans la région inférieure du Chétoptère, on observe encore la même disposition générale. Les organes segmentaires diminuent progres- sivement de volume à mesure que l'on descend vers l'extrémité infé- rieure, mais les rapports sont toujours les mêmes. Pavillons et ÉTUDE MONOGKAPHIQUK DU CHÉTOPTÈRE. 331 tubes occupent toujours la cavité centrale, et les réservoirs les ca- vités latérales , qui ne sont autres que les cavités des rames dor- sales, prolongements de la cavité centrale. En résumé, dans tous les segments où il y a des organes seg- mentantes, les deux premières parties de ces segments, pavillon et tube, sont situées dans la cavité centrale du segment, et la troi- sième, réservoir, est logée dans la cavité de la rame dorsale, que cette rame soit libre comme dans tous les segments de la région inférieure, ou accolée aux parois du segment comme cela a lieu pour les quatre derniers segments de la région moyenne. Claparède et Cosmovici ont donné quelques détails sur la struc- ture des organes segmentaires ; mais n'ayant pas su se rendre compte de la disposition de ces organes, le premier de ces auteurs a considéré le réservoir segmentaire comme étant le tube segmen- taire plusieurs fois replié sur lui-même, et il ne nous donne que des détails sans valeurs et en grande partie incompréhensibles. Cosmo- vici (27), je ne sais trop pourquoi, distingue dans l'organe segmen- taire deux parties : une qui serait l'organe segmentaire, et une se- conde qu'il désigne sous le nom tXorgane de Bojanus. C'est, du moins, ce qui ressort du passage suivant concernant le Chétoptère : « Enfin les organes segmentaires s'ouvrent dans la chambre viscé- rale, et par l'intermédiaire des corps de Bojanus, débouchent au dehors sur la face postérieure des vésicules '. » Cette distinction, en un organe segmentaire et un corps de Bo- janus, tentée par Cosmovici non seulement pour le Chétoptère, mais encore pour les différentes espèces d'Annélides qui ont fait le sujet de ses recherches, ne saurait être maintenue. Elle est en oppo- sition avec les fonctions des différentes parties de l'organe segmen- taire, et il est admis depuis longtemps déjà que les organes segmen- taires des Annélides fonctionnent à la fois comme organes excréteurs et comme organes évacuateurs des produits sexuels. Or, [chez le » Archives de zvohgie, vol. VIII, p. 318. 332 •'• JOVElX-LAITUIi:. Chétoplère, ces deuj fonctions appartiennent à toutes les portions de l'organe segmentaire, et s'il en est une qui possède à un moindre degré la fonction excrétrice, c'est le réservoir segmentaire, c'est-à- dire celle que Cosmovici considère comme étant spécialement chargée de l'excrétion. En outre, pourquoi cette dénomination de corps de Bojanus ? Elle est à peine admissible pour les Mollusques, Bojanus ayant émis des opinions qui n'ont plus cours sur les reins de ces animaux, et elle ne saurait être acceptée pour les Vers dont Bojanus n'a jamais, que je sache, signalé les organes excréteurs. Du reste, ce sont des distinctions d'ordre secondaire, et pour les établir, il importait de bien connaître la topographie générale de l'organe segmentaire que Cosmovici n'a pas su observer. AUTOTOMIE ET RÉDINTÉGRATION. Le Chétoptère possède la propriété de s'autotomiser; c'est un fait signalé depuis longtemps (Jourdain), mais sur lequel je dois donner quelques détails complémentaires. Cette propriété qu'il partage avec plusieurs animaux tels que certains Vertébrés et quelques Insectes, les Phalangides, les Crabes, les Étoiles de mer, etc., est ici bien nette et très accusée. Si l'on saisit l'animal parla région supérieure, presque immédiate- ment il se rompt en deux parties avec une netteté comparable à celle du Crabe qui abandonne sa patte. La rupture a toujours lieu entre le premier et le deuxième segment de la région moyenne, dans un point qui est toujours le même et qui est indiqué parfois chez l'animal vivant par une ligne transversale blanchâtre. Les coupes ne fournissent point l'explication de ce fait et l'on est réduit à admettre que les fibres musculaires circulaires qui entourent les muscles ventraux, constitués en grande partie par des fibres longi- tudinales, doivent, sous l'influence de l'irritation produite, se con- tracter plus fortement en ce point qu'en tout autre. Les muscles ventraux rompus, les téguments et le tube digestif n'offrent pins ETUDE MONOGRAPHIQUE DU CHÉTOPTÈRE. 333 qu'une très faible résistance, insuffisante pour maintenir réunies les deux parties. Du reste, les contractions des libres circulaires du tube digestif et des téguments, jointes aux efforts que fait l'animal en se contournant, achèvent cette séparation. La contraction des fibres musculaires circulaires obture en même temps la lumière du canal digestif ainsi que celle de la cavité générale et empêche la sortie du liquide. Je crois avoir observé, chez plusieurs individus, que cette séparation se produisait sur le tube digestif au niveau de la réunion de la portion hépatique, de couleur noire verdâtre avec la portion supérieure teintée en jaunâtre. 11 n'est pas indispensable, pour provoquer cette rupture, de saisir l'animal par sa partie supé- rieure ; toute irritation un peu violente de cette partie, la provoque également. C'est ainsi qu'en plongeant le Chétoptère dans les liquides fixateurs, on le voit le plus souvent, malgré toutes les précautions, se séparer en deux parties dans le point que je viens d'indiquer. L'irritation de la partie supérieure seule, produit ce phénomène, et l'on peut impunément saisir l'extrémité inférieure. Parfois, dans ce cas, il y aura également rupture, mais alors, elle se produira, en général, au voisinage de la partie'saisie, comme cela sJobserve fré- quemment chez plusieurs Annélides. Pourquoi l'animal se rompt-il ainsi? Evidemment, c'est dans le but d'échapper en partie à la cause qui l'irrite, à l'ennemi qui l'at- taque. Il l'ait la part au feu. Grâce au pouvoir de rédintégration que possède à un haut de- gré le Chétoptère, cette rupture ne saurait être pour lui une cause de destruction. Si la séparation a lieu, comme cela arrive le plus souvent, entre le premier et le deuxième segment de la région moyenne, chacune des parties peut reproduire l'animal entier. M. Jourdain a déjà signalé le fait pour la portion supérieure qui re- produit, en bourgeonnant, toutes les parties manquantes. J'ai moi- même observé plusieurs fois des individus qui, après s'être autoto- misés, présentaient à la suite de la portion supérieure possédant son volume ordinaire, une partie beaucoup plus petite, de couleur J. JOYBUX-LÀFFUIE. différente, en général plus blanche, plus transparente et dans la- quelle on reconnaissait facilement les quatre derniers segments de la région moyenne, ainsi qu'un certain nombre de segments de la région inférieure. La partie détruite existait déjà en miniature. M. Jourdain pense que la portion inférieure est incapable de re- produire la portion supérieure ; c'est une erreur. J'ai recueilli plu- sieurs individus qui présentaient cette portion supérieure entière- ment reproduite, ce qui se reconnaissait aisément, comme précédem- ment, aux différences de volume et de couleur des deux parties. Il est fréquent d'observer des individus qui ont abandonné une partie plus ou moins considérable de la région inférieure, quelque- fois même avec une portion de la région moyenne. Dans les cas où la séparation a eu lieu depuis peu, il est facile de constater comment apparaissent, par bourgeonnement, les différents segments (pi. XVII, fi g. 8). Au voisinage du point où se fait la rupture, autour de l'anus de nouvelle formation, il se produit une multiplication rapide des éléments, qui a pour but la production d'un petit appendice conique. Sur la face ventrale de ce petit cône apparaissent de chaque côté de la ligne médiane des saillies transversales qui formeront les pieds. Peu à peu, on voit se dessiner les rames ventrales et les rames dor- sales ainsi que les parties secondaires de chacune d'elles; les soies se montrent également et au bout d'un certain temps toutes les parties occupent leur place définitive. La teinte jaune sale de l'adulte fait seule défaut et n'apparaît en général que lorsque toutes ces parties de nouvelle formation ont acquis leur volume normal. Il est remarquable de voir qu'un animal complètement renfermé dans un tube résistant et aussi bien protégé que le Chétoptère soit aussi fréquemment endommagé. Presque la moitié des individus qui viennent échouer sur la grève renfermés dans leurs tubes encore intacts ont perdu une portion plus ou moins considérable de leur corps. Ce fait porte à penser que souvent les extrémités de l'animal doivent se montrer hors des orifices du tube et que les animaux en quête de proies, tels que les nombreux poissons de fond, qui vivent ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DU CHÉTOPTÈRE. 333 dans les mêmes parages, doivent les saisir en passant. Cela doit surtout avoir lieu pour les individus dont les tubes ont été arrachés par la vague. Ceux recueillis en place sont le plus souvent intacts. COMMENSAUX. On trouve fréquemment, vivant en commensales dans le tube du Chétoptère, deux espèces d'Annélides de la famille des Polynoï- diens : la Polynœ setosissima, do Savigny, que Malmgren range dans son genre Lœnilla, sous le nom de Lœmlla ylabra; que Ray-Lan- kester a décrite sous le nom de Harmolhx Malmgreni, et la Nycàia cirrhosa de Malmgren, qui n'est autre que YAphrodUa cirrhosa de Pallas. La première atteint une taille supérieure à celle de la seconde, et elles se distinguent l'une de l'autre par des caractères très nets qui permettent de les reconnaître à première vue. Je crois devoir indiquer ce que j'ai observé relativement à ces Annélides et aux rapports qu'elles affectent avec le Chétoptère. Polynœ setosissima eiNychia cirrhosa se rencontrent soit isolément, soit réunies dans un même tube. Parmi le grand nombre de tubes recueillis sur la plage de Luc-sur-Mer, plus de la moitié renfer- maient l'une ou l'autre de ces Annélides, souvent les deux à la fois. Il est fort rare d'observer plus de deux individus de la même espèce dans un seul tube, et lorsque ce cas s'est présenté, j'étais toujours en possession de tubes ayant séjourné pendant un certain temps dans un même récipient, ce qui avait permis le passage d'une Annélide dans un tube qu'elle n'habitait pas primitivement. Ces deux commensales n'ont point pour unique habitat le tube du Chétoptère, et on les rencontre également, quoique moins fré- quemment, parmi les pierres et les algues de la grève. C'est même à l'état libre qu'ont été recueillis les premiers échantillons, bien avant que les zoologistes ne connussent leur habitat de prédilection. 11 n'est pas sans intérêt de remarquer qu'on ne trouve jamais, dans l'intérieur des tubes, des individus de très petite taille. 336 •'• JOYE0X-LÀFFU1E. La position occupée par les Annélides commensales dans l'inté- rieur du tube est intéressante à signaler. Ces Annélides sont tou- jours placées de telle sorte qu'elles regardent vers l'orifice d'entrée du tube et qu'elles tournent le dos à la face dorsale du Chétoptère. Elles se déplacent ainsi avec beaucoup de rapidité d'une extrémité à l'autre du tube, en suivant la ligne dorsale. La partie ventrale du tube étant occupée par le Chétoptère, il ne saurait y avoir place pour les Annélides commensales qu'à la partie dorsale, où elles trouvent d'excellentes conditions d'existence. Pla- cées au milieu du courant d'eau qui traverse le tube et qui leur ap- porte les particules alimentaires nécessaires à leur existence, elles s'y trouvent dans les meilleures conditions au point de vue respira- toire. Forcément, leur direction est en rapport avec celle du cou- rant; placées en sens inverse, les élytres seraient soulevées. 11 suffit d'avoir conservé en captivité, dans une cuvette pleine d'eau de mer, quelques Polynoïdiens, pour avoir été témoin de la voracité de ces animaux, qui, comme je l'ai observé, s'attaquent mutuellement et parfois se dévorent entre eux. Cela porte à sup- poser que, lorsqu'un individu pénètre dans un tube déjà habité, il doit y avoir lutte, et la place doit rester au plus fort; ce fait explique pourquoi on ne trouve que des individus d'assez forte taille dans les tubes. La lutte entre Polynœ selosissima et Nychia cirrhosa, si toutefois il y a lutte, doit être moins vive, puisqu'on trouve fréquemment ces deux espèces réunies dans un même tube. Peut-être un examen attentif des aliments dont elles se nourrissent donnerait-il quelques renseignements à ce sujet. Outre les avantages que trouvent ces Annélides dans le tube du Chétoptère relativement à la respiration et à l'alimentation, il en est d'autres, non moins importants, qui ont trait à la protection. Evi- demment, elles sont là en lieu sûr, où les ennemis qui les guettent et les poursuivent constamment ne sauraient les atteindre. A mon avis, il est exagéré de dire que ce sont des Annélides com- ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DU CHÉTOPTÈRE. 337 mensales, comme tous les zoologistes l'acceptent. Le commensal est un être qui vit aux dépens de son hôte. Or, ces Polynoidiens ne vivent point aux dépens du Chétoptère, et leur présence dans son tube n'a pour lui ni avantages ni désavantages. Ils s'abritent sous son toit sans vivre à sa table. Il y a simplement cohabitation. Ces Anné- lides ne sont pas plus les commensales du Chétoptère que la Tégé- naire de nos maisons n'est celle de l'homme. Si, au lieu d'occuper la partie moyenne du tube où on les trouve habituellement, elles se tenaient près de l'orifice d'entrée, elles pourraient, dans ce cas, être considérées comme commensales; en- core faudrait-il prouver qu'elles se nourrissent des mêmes particules alimentaires que le Chétoptère ; mais, comme ce n'est point le cas, elles ne saisissent que ce qui a échappé au maître du logis et ne lui nuisent en rien. Peut-être même lui sont-elles de quelque avantage, en détruisant ou en chassant des animaux qui, en s'introduisant dans le tube, pourraient nuire au Chétoptère. Cette cohabitation est intéressante, en ce sens qu'elle montre comment s'établit le com- mensalisme. Que pour une cause quelconque, que je n'ai pas à exa- miner ici, les individus libres, vivant sur la grève, disparaissent, et que ceux qui sont abrités dans les tubes du Chétoptère viennent se placer à l'entrée du tube pour saisir une portion des aliments du Chétoptère, ces Annélides seraient de véritables commensales. Les deux Polynoidiens que je viens de citer et dont l'habitat est connu depuis longtemps, ne sont pas les seuls animaux que l'on trouve habituellement dans le tube du Chétoptère. J'ai signalé pour la première fois la présence, dans la paroi interne du tube et sur cette paroi, d'un singulier Bryozoaire, auquel j'ai donné le nom de Delayia chœtopteri \ le dédiant à mon excellent ami le professeur Yves Delage, et voulant, par le nom spécifique, indiquer l'habitat de ce curieux animal. C'était à tort que j'avais cru avoir affaire à un 1 J. Joyeux-Laffuie, Description du Delagia chœtopteri, type d'un nouveau genre de Bryozoaire (Archives de zoologie, 2e série, vol, VI, et Comptes rendus de l'Aca- démie des sciences, t. CVI, 1876, p. 620). AKC1I. DE ZUOL. EX!'. ET GÉN- — 2e SÉRIE. — T. V1U. 1S90. 22 338 J. JOÎEUX-LAFFUIE. genre nouveau, et ce Bryozoaire doit prendre place dans le genre ffypophorella; orée quelques années auparavant par Ehlers, pour l'espèce Hypopfwrella expansa \ que ce savant zoologiste avait trouvée vivant dans les tubes de Terebella conchylega, dans la partie plongée dans le sable. N'ayant pas eu l'occasion d'examiner XHypo- phorella expansa, qui se trouve cependant à Luc-sur-Mer, où Topsent, l'un de mes élèves, bien connu pour ses intéressantes recherches sur les éponges, l'a rencontrée une fois dans les tubes de Térébelles, je n'ai pu décider si l'espèce Delayia chœtopteri devait être consi- dérée comme synonyme à.'Hypophorella expansa ou comme une espèce voisine. Quoi qu'il en soit, c'est un nouvel animal à ajouter aux deux précédents dans la liste de ceux qui vivent à l'intérieur du tube du Chétoptère. On trouve encore assez fréquemment un Nématode et différents Protozoaires, mais qui, tous, ne présentent pas une constance suffi- sante pour que je doive m'y attarder ici plus longtemps. MORPHOLOGIE. Il importe de faire, dans l'étude des animaux, une large place à la morphologie. Non comme autrefois, avec les partisans de la fixité de l'espèce, dans le but de comparer à quelques formes typiques, au type, les nombreuses formes prétendues aberrantes, mais pour con- stater les modifications subies par les parties homologues, établir les affinités, reconnaître les titres de parenté et par cela même la phylogénie. Les formes typiques et les formes aberrantes sont des conceptions de notre imagination qui peuvent aider à comprendre l'organisation des êtres que l'on étudie; mais il importe de bien se convaincre que, dans la nature, cette distinction ne saurait avoir lieu, et que ni les uns ni les autres n'existent réellement. * E. Ehlers, llypophorella expansa. Ein Beilrag sur Kenntniss der miniriden Bryo- :.oen (Abhdl. d. physik. CL d. k. Gesellsch. d. Wiss. su Gottingen, vol. XXI, p. 1-156, 1875, 5 pi.). ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DU CUÉTOPTÈKE. 339 Tous les êtres, sans distinction, sont soumis aux conditions de leur milieu, et le plus souvent admirablement adaptés à ce milieu. Tous se sont modifiés, transformés, et l'on ne peut dire que tel animal est un type, par rapport à un autre, qui serait une forme aberrante. La détermination des homologies n'appartient pas seulement à l'embryogénie, et quoique cette branche des sciences naturelles en révèle parfois de fort intéressantes et de bien inattendues, l'étude de l'adulte fournit également de précieuses données morphologiques. Les travaux si remarquables des élèves de l'école de Cuvier, de H. Milne Edwards, de Blanchard, de de Quatrefages, de de Lacaze- Duthiers, etc., en fournissent des preuves évidentes. Elève d'un de ces illustres maîtres, j'ai cru devoir, en m'inspirant de ses travaux, de ses méthodes, de ses recherches et de son esprit scientifique, chercher, dans le cours de mon travail, à établir de nombreuses homologies que j'ai dû parfois développer longuement et disséminer souvent dans les différents chapitres de ce mémoire. Aussi ai-je pensé qu'il serait utile, en terminant l'étude de l'organisation du Chétoptère, de réunir et de résumer ces différentes données mor- phologiques; tout en indiquant et en rappelant les faits qui ont servi à les établir. J'ai pensé qu'il serait utile également de ne pas me borner à homologuer les parties des différents segments, mais encore d'établir des homologies avec les animaux voisins, et enfin de donner quelques détails complémentaires sur plusieurs points. J'ai considéré la région supérieure du Chétoptère comme formée par onze segments : un segment céphalique, un segment buccal, plus neuf segments reconnaissables extérieurement aux neuf paires de mamelons pédieux. Quelques auteurs admettent seulement neuf segments, d'autres dix. Ces derniers acceptent un segment cépha- lique ; mais ils commettent encore une erreur en ne reconnaissant pas de segment buccal. Comme je l'ai montré, il existe non seule- ment un segment céphalique, mais encore un segment buccal, et pas plus l'un que l'autre ne fait défaut. En effet, qu'est-ce qui ca- ractérise le segment céphalique chez les Annélides? C'est d'abord sa 340 •>• JOYJSUXrLAFFUIE. position, son rang dans la série, qui est le premier. Puis encore, c'est lui qui porte certains organes des sens, les antennes, les yeux, et qui renferme l'extrémité supérieure des centres nerveux, le cerveau, d'où parlent les deux connectifs qui vont à la chaîne nerveuse ven- trale. Or, tous ces caractères existent chez le Chétoptère. Le segment céphalique est assurément très modifié et ne rappelle plus, par sa forme extérieure, la partie homologue de la plupart des autres Annélides polychètes ; mais il existe cependant avec tous les prin- cipaux caractères d'un segment céphalique. Chez les Annélides, comme cela a été démontré par Pruvot l, en se basant sur les connections nerveuses, les appendices du segment céphalique sont des antennes et ceux de l'anneau buccal des tenta- cules. Or, dans le cas actuel, les deux appendices que j'ai désignés sous le nom d'antennes, et qui sont considérés par tous les auteurs comme des tentacules, sont bien des antennes et non des tentacules, comme le prouvent les yeux placés sur les parties externes de leurs bases d'insertion et les nerfs qui les innervent. Dans le genre Phyllochœtopterus, il existe deux paires d'antennes que Claparède a considérées comme des tentacules, n'accordant pas au mot antenne, du moins chez les Annélides, le sens qu'on lui donne actuellement. Dans ce cas, il peut y avoir hésitation pour homologuer les antennes du Chétoptère à celles d'un Phylloché- toptère ; mais en examinant avec soin les appendices céphaliques de ces deux Annélides, on se convainc facilement que les antennes du Chéloptère sont les homologues des antennes externes du Phyllo- chétoptôre, qui se distinguent des antennes internes, non seulement par leur position, mais encore par leur grande dimension. Les an- tennes internes du Phyllochétoptère, portées par une portion sail- lante de la tête qui simule un petit segment céphalique, font défaut chez le Chétoptère, ainsi que le petit mamelon qui les porte. Au 1 G. Pruvot, Uecherches anutomiques et morphologiques sur le système nerveux des Annélides polychètes [Archives de zoologie expérimentale et générale, 2e strie, t. III, 1885). ETUDE MONOGRAPHIQUE DU CHÉTOPTÈRE. 341 reste, les antennes du Chétoptère offrent tous les caractères des antennes externes des Phyllochétoptériens : longueur, mollesse, si- tuation, tout y est, même le sillon vibratile, qui règne sur le côté, depuis la base jusqu'à l'extrémité libre. Les antennes internes sont petites, coniques, droites, et ne rap- pellent en rien les grandes antennes du Chétoptère, avec lesquelles on ne saurait les homologuer. L'anneau buccal, par les grandes dimensions de la bouche, rap- pelle celui des Télepsaves plutôt que celui des Phyllochétoptères. Mais, plus encore que dans les Télepsaves, où elle est immense, la bouche est fortement agrandie, et tout me porte à croire que c'est en raison de cet orifice buccal, démesurément grand, que les au- teurs n'ont pas su distinguer le segment buccal du segment cépha- liquc. La bouche est, en effet, tellement agrandie, qu'elle occupe presque complètement le segment buccal; cependant, celui-ci n'en existe pas moins. Les bords de l'entonnoir, excepté le bord posté- rieur qui représente l'anneau céphalique, et les parties qui renfer- ment la première et peut-être la deuxième commissure ventrale, doivent être considérées comme faisant partie de l'anneau buccal. C'est, en effet, chez les Annélides, dans ce segment buccal, que sont situés les premiers ganglions de la chaîne nerveuse ventrale, les commissures qui les unissent et les connectifs qui les mettent en rapport avec les ganglions cérébroïdes. Chez le Chétoptère, les cor- dons nerveux qui représentent les ganglions étant fort éloignés, les commissures sont très allongées, et les connectifs qui n'existent pas, à proprement parler, donnent à cette partie du système nerveux un aspect singulier qui ne rappelle que de fort loin ce que l'on observe habituellement chez les Annélides. Mais il n'en reste pas moins vrai que toutes les parties comprises entre le bord de l'entonnoir buccal, le cordon nerveux, sur les côtés, et les premières commissures, sur la face ventrale, appartiennent au segment buccal. Les neuf segments suivants, munis de leurs rames dorsales courtes et dépourvus de rames ventrales, sauf le dernier, offrent peu d'in- 342 J. JOVEUX-LAFFUIE. térôl morphologique. La quatrième paire de pieds, munie de grosses soies noires, et la dernière, avec ses appendices ventraux, vestige des rames ventrales, doivent seules retenir un instant l'attention. Plusieurs Annélides, voisines du Chétoptère, telles les Phylloché- toplères, les Télepsaves, les Polydores, possèdent des soies spéciales à une paire de pieds de la région supérieure. Ces soies, fortes et noires, sortes d'acicules à pointe tronquée, remplissent évidemment, chez les animaux qui les portent, la même fonction que les soies noires de la quatrième paire de pieds du Chétoptère. 11 est probable qu'elles servent à retenir ces animaux dans l'intérieur de leur tube, lorsque, pour des causes que je n'ai point à examiner ici, ils sont fortement sollicités de sortir par les extrémités. Par contre, dans aucun des genres que je viens de rappeler, on ne rencontre la dis- position qui se voit au onzième segment, chez le Chétoptère, et qui consiste dans la présence des deux petits appendices qui représen- tent les rames ventrales, sinon ces rames ventrales tout entières, du moins les lobes externes, comme je l'ai montré précédemment. Le plastron ventral de la région supérieure est l'homologue du plastron des Télepsaves et autres formes voisines ; mais, dans les autres régions de ces animaux, on ne trouve rien qui puisse être homologué avec cette partie de la région supérieure. La présence de ce plastron est due, d'une part, à l'aplatissement des muscles ventraux qui forment là, en s'étalant et en s'accolant l'un à l'autre, une couche musculaire ventrale d'épaisseur uniforme, et, d'autre part, au déplacement des parties situées dans les deux autres ré- gions, sur la ligne médiane, savoir : rames pédieuses ventrales et système nerveux. Le système des gouttières vibratiles de la face dorsale semble exister également chez quelques Annélides telles que les Phylloché- toptères, du moins, d'après les descriptions de Claparède. Malheu- reusement, ces systèmes de gouttières sont à peine signalés, et il serait utile, pour pouvoir les homologuer avec celui du Chétoptère, d'en avoir une description complète. ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DU CHÉTOPTÈRE. 343 Il est important de constater que la région supérieure est dé- pourvue d'organes segmentaires et de glandes reproductrices ; c'est là un caractère qui, joint à celui de la disposition du système ner- veux, établit une limite bien nette et bien tranchée entre cette région et la suivante. Cela montre, en même temps, l'erreur des zoologistes, qui placent cette limite des deux régions entre les douzième et trei- zième segments, au lieu de la fixer, comme cela doit être, entre le onzième et le douzième. En résumé, la région supérieure présente des segments courts, élargis, avec des pieds peu développés et en grande partie incom- plets. Cependant, quoique incomplets, les appendices qui existent sont normalement constitués, tandis que, dans la région moyenne, toutes les parties du pied sont présentes, mais elles sont le plus souvent considérablement modifiées. Le caractère extérieur dominant de cette région est donc l'absence de plusieurs parties importantes. La région moyenne, composée de cinq segments, est remarquable par le grand développement des appendices et par leurs modifica- tions nombreuses et variées. Rien de semblable ne s'observe dans les genres voisins. Les pieds foliacés des Phyllochétoptères et des Télepsaves ne rappellent que de loin les pieds des quatorzième, quin- zième et seizième segments du Chétoptère. Le nombre des segments est aussi plus considérable que chez ce dernier, et si, dans les pre- miers, on peut, avec Claparède, considérer ces appendices comme des branchies, il ne saurait en être ainsi chez le Chétoptère, où ces appendices jouent, il est vrai, un rôle important dans la respiration, mais en entretenant le courant d'eau qui baigne sans cesse l'animal, et non en fonctionnant comme de véritables branchies. Les cinq segments de la région moyenne présentent tous, sous des formes différentes, les mêmes parties ; les grands bras du dou- zième segment, les parties situées latéralement sur le treizième, qui se terminent en formant la ventouse dorsale et les bords des palettes des quatorzième, quinzième et seizième segments, sont des parties 844 J. JOYBDX-LAFFOIE. homologues. Ce sont des rames dorsales modifiées homologues des rames dorsales des régions inférieure et supérieure. Les modifica- tions sont parfois tellement profondes, comme au treizième segment, par exemple, qu'il semble presque audacieux d'homologuer ces par- ties avec les courtes rames dorsales munies de soies de la région su- périeure ; mais les caractères anatomiques et les connexions sont là pour établir, d'une manière indéniable, ces homologies. Les rames ventrales existent également à tous les segments. Les lobes internes présentent à peu près partout le même aspect et les mêmes caractères ; mais il n'en est plus de môme des lobes externes qui, dans les deux premiers segments, ne rappellent guère l'aspect qu'ils revêtent dans les trois derniers. Cependant, j'ai prouvé que les bords supérieurs des deux pre- mières ventouses ventrales et les tubercules situés de chaque côté des palettes représentent ces lobes externes et sont, par conséquent, des parties homologues. Enfin, il me suffit de rappeler que chaque segment renferme une paire d'organes segmentaires et, le plus souvent, une paire de glandes génitales, pour montrer que ce sont des segments complets. Le caractère dominant de cette région est d'être complète, mais d'avoir ses parties profondément modifiées. La région inférieure est, des trois, la plus normalement consti- tuée. Elle est composée d'un nombre assez considérable de segments qui se ressemblent et qui possèdent tous, sauf les derniers incom- plètement développés, les différentes parties des pieds ainsi que des organes segmentaires et des glandes reproductrices. Cette régularité et ce développement de toutes les parties s'observent également dans la région inférieure des Télepsaves et desPhyllochétoptères. Quoique revêtant un aspect particulier, les lobes internes et externes des rames ventrales n'en sont pas moins parfaitement reconnaissables et très bien développés. Le caractère de duplicité de la rame ven- trale est spécial au Chétoptère et aux Annélides voisines du groupe des Chétoptériens. ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DU CHÉTOPTÈRE. 3-45 Je puis, en dernier lieu, caractériser chacune de ces trois régions, en quelques mots seulement, de la manière suivante : L'inférieure est constituée par des segments complets et réguliers ; La moyenne, par des segments complets et irréguliers ; La supérieure, par des segments incomplets. Les indications morphologiques signalées dans le cours du mé- moire et relatives aux organes internes me dispenseront d'y revenir de nouveau, d'autant plus qu'il est difficile d'établir des homologies avec les animaux voisins, dont l'organisation est fort incomplète- ment connue. REVISION DES ESPÈCES DU GENRE « CHCETOPTERUS » . Il règne actuellement, au point de vue spécifique, dans le genre Chœtoplerus, une confusion regrettable. Il s'est produit, pour ce genre, ce qui est arrivé fréquemment pour beaucoup d'autres, mal connus au point de vue anatomique. Les caractères, mal établis, manquant de valeur, il s'en est suivi des descriptions insuffisantes qui ont donné lieu à une multiplication exagérée des espèces. Le nombre des espèces décrites est d'environ une quinzaine ; mais je suis intimement persuadé, après avoir pris connaissance des différentes descriptions, que ce chiffre doit être réduit de plus de moitié, peut-être même davantage; une revision complète du groupe s'impose ; c'est un travail que j'avais espéré pouvoir entreprendre; mais il est indispensable d'avoir sous les yeux des spécimens bien conservés de toutes les espèces décrites, et les difficultés que l'on éprouve à se les procurer, surtout celles des mers éloignées, m'ont forcé à abandonner momentanément mon projet, quitte à le reprendre plus tard, lorsque je serai plus abondamment pourvu de matériaux. Cependant, les observations faites sur les différents spécimens que j'ai examinés, me déterminent, dès maintenant, à montrer que plusieurs espèces doivent être considérées comme synonymes. 34G I. .IOYEUX-LAFFUIE. Les espèces du genre Chœtopterus décrites jusqu'ici sont les sui- vantes : 1. Chœtopterus variopedatus (1804), Rénier et Claparôdc (mers d'Europe). 2. — norvegus (1856), Sars (id.). 3. — insignis (1864), Baird (id.). /K — Valencinii (186.'i), De Quatrefages (id.). ;;. — Sarsii (1865), De Quatrefages (id.). 6. — Leuckarti (1865), De Quatrefages (id.). 7. — pergamentus (1866), Kowalewsky (id.). 8. Quatrefagesi (1868), Jourdain (id.). 0. — brevis (1872), Lcspès (id.). 1. Chœtopterus afer, Valenciennes et de Quatrefages (Mayotte). 2. austral, Valenciennes et de Quatrefages (Saint-Pierre et Saint-François). '3. — capensis, Stimpson (cap de Bonne-Espérance). 4. — hamatus, Schmarda (cap de Bonne-Espérance). 5. — macropus, Schmarda (Australie). 6. — pergamentaceus, Audouin et M. Edwards (Antilles). Je ne saurais donner, ne les ayant pas eu entre les mains, des renseignements de quelque valeur sur les six espèces des mers lointaines. Je dois donc les laisser complètement de côté ; cependant je tiens à indiquer qu'il est de toute impossibilité d'accepter ces dif- férentes espèces insuffisamment décrites et mal caractérisées; quelques-unes même ayant été établies sur un simple examen du tube qui renfermait l'animal. Gomme le fait justement remarquer Baird, il est fort probable que les deux espèces Ch. hamatus et Ch. macropus, de Schmarda, sont les mêmes que celles signalées précédemment par Stimpson. Elles vivent dans les mêmes régions, la première désignée sous le nom de Ch. capensis, par Stimpson, au cap de Bonne-Espérance, la seconde dans la mer de la Nouvelle-Galles du Sud. Quoi qu'il en soit, ces différentes espèces, considérées à tort ou à raison comme spécifiquement différentes, montrent que le genre Chœtopterus est largement répandu à la surface du globe. On a ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DU CHÉTOPTÈRE. 347 recueilli des exemplaires ou des tubes ayant renfermé des individus vivants dans les mers d'Amérique, d'Afrique et d'Océanie. Il importe davantage et il est plus facile de discuter la valeur des espèces vivant dans les mers d'Europe. Claparède a déjà réduit à leur juste valeur les espèces Ch. Leuc- karti (de Quatre fages) et Ch. pergamentus (Kowalewsky), en les con- sidérant comme synonymes de l'espèce Ch. variopedatus. Le nom- bre des espèces européennes se trouve déjà réduit de neuf à sept; mais il y a lieu de pousser plus loin cette réduction. Je vais mon- trer que le Ch. Valencinii (de Quatrefages) et le Ch. Quatre fagesii (Jourdain) appartiennent à la même espèce que le Ch. insignis, de Baird, créé antérieurement aux deux premières. De Quatrefages et Jourdain avaient créé ces deux espèces pour des Chétoptères provenant de la même localité, de Saint-Vaast-la- Hougue. D'après le premier de ces zoologistes, le Ch. Valencinii est la seule espèce que l'on recueille sur ce point de nos côtes. Il en est de même de Jourdain, qui n'a observé dans cette localité qu'une seule espèce d'individus qu'il a désignée sous le nom de Ch. Quatre fagesii, la dédiant à l'illustre professeur du Muséum de Paris. Or, il est inadmissible que ces deux zoologistes aient pu re- cueillir dans la même localité et en abondance une espèce à l'ex- clusion de l'autre. Évidemment, à Saint-Vaast comme dans toutes les localités des côtes de Normandie et de Bretagne où j'ai observé le Chétoptère, les individus doivent appartenir à la même espèce. Du reste, si Jourdain n'a pas cru devoir rapporter à l'espèce Ch. Valencinii les Chétoptères qu'il a recueillis à Saint-Vaast, cela tient à ce que la description de de Quatrefages renferme quelques inexac- titudes. Une comparaison des deux descriptions montre que les carac- tères différeneiels résident dans le nombre des segments de la ré- gion inférieure ou abdominale, qui seraient de quarante-huit à cin- quante dans le Ch. Valencinii, et de vingt-cinq seulement dans le Ch. Quatrefagesii. Or, d'une] part, les nombres quarante-huit à 348 J. JOYEUX-LAFFDIE. cinquante indiqué» par de Quatrefages doivent être rarement at- teints, et d'autre part le chiffre vingt-cinq donné par Jourdain est inférieur au nombre des segments qui constituent cette région chez le Chétoptère de la côte de Normandie. Ce nombre varie, comme je l'ai indiqué, avec les différents individus; il est rare d'observer successivement deux Chétoptères présentant le même nombre de segments à la région inférieure. Souvent on en compte une trentaine, quelquefois plus. C'est donc là un caractère d'ordre se- condaire de peu de valeur qui ne saurait à lui seul suffire pour caractériser une espèce , surtout si j'ajoute que fréquemment la partie inférieure détruite se reproduit, et que le nombre peut alors varier considérablement. Dans ce cas, il est vrai, on peut, au début, distinguer la partie reproduite ; mais il n'en est plus ainsi au bout d'un certain temps. En outre, le Ch. Valencinii posséderait un faisceau de soies courtes et noires à la base du quatrième et du cinquième pied de la région supérieure, tandis que le Ch. Quatre fagesii ne porterait ces mêmes soies que sur le quatrième seulement. Ce serait là un caractère différenciel plus important ; mais je suis forcé d'admettre que de Quatrefages a commis une erreur en indiquant la présence de ce faisceau sur la cinquième paire de pieds. Du reste, la position de ces soies sur la figure que nous a donnée l'illustre auteur de V His- toire des Annelés permet quelques doutes à ce sujet. Les caractères différenciels tirés de la longueur de l'animal, de la forme de l'entonnoir buccal, du plus ou moins de saillie du ma- melon situé sur le bord dorsal de cet entonnoir, ne peuvent être pris en considération. Les Chétoptères, grâce à la mollesse et à la grande contractilité de leurs tissus, peuvent revêtir des aspects très différents suivant les conditions où ils sont placés. Extrait de son tube et mis dans une cuvette remplie d'eau de mer bien aérée, le Chétoptère se contracte vivement, puis peu à peu il s'étend, se con- tourne, augmente de longueur ; les pieds s'allongent, les soies de- viennent apparentes et finissent même par tomber au bout de deux ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DU CHÉTOPTÊRË. 349 ou trois jours. Pendant ce temps, l'entonnoir revêt les aspects les plus variés. Largement ouvert au début, il se contracte en même temps que toute la région supérieure, s'allonge, se rétrécit, et finit par prendre l'apparence représentée par de Quatrefages dans la figure qui accompagne sa description. S'il restait encore quelques doutes sur l'identité de ces deux es- pèces, il me suffira, pour les faire disparaître, de citer textuellement les passages des deux auteurs relatifs à l'habitat. D'après de Quatrefages, l'espèce Ch. D'après Jourdain, à Saint- Vaast, le Valencinii « habite à une assez grande naturaliste n'aurait a que de rares occa- profondeur dans la mer et doit être sions d'observer les Chétoptères de la assez commune aux environs de Saint- Manche, et pour s'en procurer quelques Vaast, car j'ai bien des fois trouvé sur individus en bon état, faut-il, après les la plage des tubes rejetés par la vague, coups de vents, explorer les tubes que Mais ces tubes sont toujours vides et ce la lame a rejetés sur la plage, n'est que dans les débris rapportés par « Ces tubes, plus ou moins froissés la drague que j'ai pu me procurer le et endommagés, sont poussés à la côte Chétoptère lui-même ». en nombre souvent considérable, et leur abondance donne à penser que la dra- gue, promenée sur les fonds qui les recèlent, permettrait d'en ramasser de grandes quantités. » L'espèce créée par Jourdain, postérieurement à celle décrite par de Quatrefages, n'a donc pas lieu d'être maintenue. Si, maintenant, on compare la description du Ch. Valencinii h celle du Ch, insignis, de Baird, d'une année antérieure à la première, et que M. de Quatrefages a omis de citer dans son Histoire des An- nelés, on voit que l'une répond exactement à l'autre, surtout si l'on tient compte des quelques erreurs commises par le zoologiste français. Les espèces Ch. Valencinii et Ch. Quatre fagesii doivent être reléguées au rang de synonymes de l'espèce Ch. insignis, de Baird. Le nombre des espèces européennes se trouve ainsi réduit à cinq: variopedalus, norvegus, insignis, Sarsii q{ brevis; mais cette réduction ne saurait se borner là et il suffit de comparer la description du 350 J. JOYEUX-LAFFUIE. Cl>. instants, de Baird, ù ce que nous savons du Ch. variopedatus pour voir qu'il y a identité entre ces deux espèces, et que Ch. inafi gnis est synonyme de Ch. variopedatus, espèce admise depuis long- temps. C'est même la première espèce de Chétoptère connue; elle a été décrite par Renier eu 1804, sous le nom de Tricœlia variope- data, que Glaparède a changé, avec juste raison, en celui de Che- topterus variopedatus. Quant à l'espèce Ch. ùrevis, décrite par Lespès, elle ne saurait être maintenue ; c'est l'opinion de Marion, mon savant collègue de Marseille, ainsi que celle de Bobretzky \ qui pensent que le Ch. brevis, de Lespès, n'est autre que le Ch. vario- pedatus. Évidemment, d'après son mémoire et les figures qui l'ac- compagnent, Lespès n'a dû avoir affaire qu'à de jeunes individus, et c'est là ce qui l'a conduit à créer une nouvelle espèce. J'ai du reste, moi-même, reçu de Naples plusieurs Ch. variopedatus de petite taille qui, par tous leurs caractères, répondaient parfaitement à la description de Lespès. Ce naturaliste s'était surtout basé sur le petit nombre des segments de la région inférieure pour établir l'espèce Ch. brevis. Or, comme le font remarquer Marion et son collaborateur Bobretzky, il n'est pas possible de baser une distinc- tion spécifique sur le nombre des segments de la région inférieure, surtout à propos d'Annélides chez lesquelles une grande variation a été souvent constatée dans cette partie du corps. Il résulte également de la description que de Quatrefages nous a donnée du Ch. Sarsii, que cette espèce est synonyme du Ch. Va- lencinii, et par conséquent du Ch. variopedatus. Quant aux espèces Ch. norvegus, Leuharti et pergamentus, il est admis depuis longtemps qu'elles doivent être reléguées au rang de synonyme du Ch. vaiio- pedatus. D'où il résulte qu'actuellement il n'existe qu'une seule espèce européenne parfaitement caractérisée : l'espèce Ch. variopedatus, que l'on trouve dans la Méditerranée et dans l'Océan, et que toutes 1 Marion et Bobretzky, Étude des AnncHides du golfe de Marseille {Annales des s.ienees naturelles, Zoologte, t. II, 1875, p. 86). ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DU CHÉTOPTÈRE. 331 les autres espèces des mers d'Europe décrites jusqu'ici doivent être reléguées au rang de synonymes. Il est probable qu'une étude attentive des espèces des mers loin- taines donnerait un résultat analogue, et que nombre de ces espè- ces établies sur des caractères insuffisants devront tôt ou tard dis- paraître de la spécification. RESULTATS NOUVEAUX. Aujourd'hui, plus qu'autrefois, plusieurs travailleurs s'occupent fréquemment du môme sujet, et il n'est pas rare, après chaque pu- blication, de voir des discussions s'engager pour établir la part qui revient à chacun. Ces réclamations, qui devraient toujours être inspirées par des sentiments de justice et de bonne confraternité, et n'avoir pour but que la connaissance de la vérité, changent parfois, au cours de la discussion, pour dégénérer en attaques, qui, souvent, s'adressent plus à l'homme privé qu'au savant. Désirant ne point prendre part à ces tournois d'un nouveau genre et alimenter ces sortes de polémiques, j'ai cru devoir, en terminant ce travail, ré- sumer en quelques lignes les principaux résultats nouveaux qu'il renferme, comme suit : La zone où vit le Chétoptère est en rapport avec la nature du fond. — Il abonde au laboratoire de Luc-sur-Mer et aux environs et se trouve également sur plusieurs points de la côte française, où il n'avait pas encore été signalé (Morgate, rade de Brest, Saint-Malo et localités aux environs de Luc). — Il existe un segment céphalique et un segment buccal distincts. — Caractères anatomiques servant à établir la limite des régions supérieure et inférieure. — Onze seg- ments dans la région supérieure. Position des soies noires sur la quatrième paire de pieds. — Constitution des ventouses ventrales des douzième et treizième segments, ainsi que des palettes des qua- torzième, quinzième et seizième segments. — Nombre des segments de la région inférieure. — Structure des téguments. — Quelques 35Î J. JOYEUX-LAFFUIE. indications sur la luminosité. — Disposition du système de gouttières des deux grandes rames dorsales et de la face dorsale de la région supérieure. Sa fonction. — Disposition des diverticules de la cavité générale. — Quelques renseignements sur la musculature. — Aspect et position des ganglions nerveux dans les régions inférieure et moyenne. Commissures qui les réunissent. Nerfs qu'ils émettent et parties auxquelles ils se distribuent. — Homologies établies par les connections nerveuses. — Structure des centres nerveux de la ré- gion supérieure. Commissures qui réunissent ces centres. L'inner- vation de cette région est conforme au plan général. Une portion dorsale doit être considérée comme homologue des ganglions céré- broïdes. Les appendices céphaliques sont des antennes et non des tentacules. — Plusieurs renseignements sur l'appareil digestif et la digestion. — Quelques détails sur l'appareil circulatoire. Présence d'un collier péribuccal et de vaisseaux tentaculaires. - Caractères extérieurs qui permettent de reconnaître les mâles des femelles. — Position des ovaires et des testicules. Disposition des organes seg- mentâmes. Différentes parties et fonctions de ces différentes parties. — Détails complémentaires sur la rédintégration. — Quelques ren- seignements sur les commensaux. Un nouveau commensal, YBypo- phorella chœtopteri. — Homologies. Rames dorsales de la région inférieure = bords des palettes = replis latéraux et ventouse dor- sale du treizième segment = grands bras du douzième segment = pieds de la région supérieure. Lobes externes des rames ven- trales de la région inférieure = petits tubercules latéraux des pa- lettes = bord supérieur des ventouses ventrales des treizième et douzième segments. Lobes internes des rames ventrales de la région inférieure = ventouses ventrales des seizième, quinzième et qua- torzième segments = ventouses ventrales des treizième et douzième segments moins le bord supérieur = petits appendices en forme de hache du onzième segment. — Une seule espèce de Chétoptère dans les mers d'Europe (Chœlopterm variopedatus). Malgré ce qui précède, il reste encore beaucoup à faire pour ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DU CHÉTOPTÈR1. 3o3 arriver à une connaissance absolument complète du Chétoptère. J'ai signalé quelques points d'anatomie qui restent à étudier, et l'em- bryogénie, qui éclairerait certainement d'une vive lumière les affi- nités des Chéloptériens, esta peine ébauchée. J'espère, avant peu, pouvoir combler quelques-unes de ces lacunes. EXPLICATION DES PLANCHES. Lettres communes à toutes les figures. , I, région inférieure ; I, premier segment ; M, région moyenne; II, deuxième segment ; S, région supérieure ; X, dixième segment, etc. PLANCHE XV. EXTÉRIEUR. Fig. 1. Chétoptère vu par la face postérieure. L'animal est représenté à demi- contracté sous l'aspect qu'il revêt au sortir du tube. a, antennes; b, entonnoir; e, lobe droit de l'entonnoir buccal; d, gout- tière vibratile; d', peint où la gouttière vibratile se bifurque en deux gouttières situées chacune dans une des deux grandes rames dor- sales du douzième segment ; e, rame dorsale droite du douzième seg- ment; /', ligne médiane suivant laquelle, règne un bourrelet constitué par les téguments qui relie le douzième segment au treizième et le treizième au quatorzième ; g, ventouse dorsale du treizième segment ; i, petit tubercule représentant le lobe externe de la rame ventrale; j, orifice externe de l'organe segmentaire; k, anus. 2. Chétoptère vu par la face ventrale. a, antennes;| b, bord de l'entonnoir buccal; c, plastron ventral; d, rame dorsale (quatrième paire de pieds) du sixième segment, portant de grosses soies noires à sa base; e, lobe externe de la rame ventrale du onzième segment, représentée par un petit appendice en forme de hache ; /j ventouses ventrales des douzième et treizième segments, cons- tituées en grande partie par le lobe interne de la rame ventrale et pour une petite partie par le lobe externe de la rame ventr aie; g, ventouses ventrales des quatorzième, quinzième et seizième segments, formées uniquement par le lobe interne de la rame ventrale ; h, muscles ven- traux disposés sous forme de deux gros cordons parallèles; i, rame dor- sale en forme de palette du quatorzième segment; j, petit tubercule représentant le lobe externe de la rame ventrale; k, lobes internes des rames ventrales, dirigés vers l'extrémité inférieure de l'animal ; /, lobes externes des rames ventrales, dirigés vers l'extrémité supérieure de l'animal, et portant un cirrhe sur le côté externe; m, rames dorsales; o, bande représentant les rames ventrales. ARCII. DE Z00L. EXP. ET GÉN. — 2e SÉRIE. — T. VIII. 1S90. 23 % .1. JOYEUX-LAFFOIE. . Coupe 'li.' l'épidémie grossie environ 'i00 fois. a, cellules épithéliales ; b, cellule glandulaire ; c, derme; d, cellule glan- dulaire avec noyau. 4. Une des plaques onciales qui'arment les rames ventrales, grossie environ 100 fois. a, dents recourbées qui arment le bord libre de la plaque; fr, muscles dé- terminant les mouvements; c, partie inférieure fixée dans les tissus, o. Bord latéral d'une dos rames en palettes, fortement grossi. Cette figure est destinée à montrer le tubercule qui représente la rame ventrale externe, également modifiée dans les quatorzième, quinzième et seizième segments. a, nombreux plis produits par la contraction donnant à tout le bord de la palette un aspect gaufré; b, repli entourant la base du tubercule ; c, tubercule armé de plusieurs rangées de plaque onciales. 6. Une des soies de l'extrémité d'une rame dorsale de la région supérieure. 7. Une des soies de la base des rames dorsales de la région supérieure. 8. Une des soies qui arment les rames dorsales de la région inférieure. 9. Une des soies en massue, située à la base des rames dorsales de la qua- trième paire de pieds (sixième segment). PLANCHE XVI. SYSTÈME NERVEUX. FiG. i. Chétoptère vu par la face ventrale, avec les principales parties du système nerveux en place ainsi que quelques-uns des principaux nerfs, n, double chaîne nerveuse située dans les régions moyenne et inférieure; b, cordon nerveux faisant suite à la chaîne nerveuse et parcourant les parties latérales du plastron ventral de la région supérieure; c, commis- sures reliant les deux cordons nerveux; d, chaîne nerveuse. 2. Portion de l'extrémité supérieure du Chétoptère vue par la face dorsale. Le lobe gauche de l'entonnoir buccal est relevé en avant de l'antenne pour laisser voir l'œil. a, antenne avec le nerf antennaire ; b, cordon nerveux dorsal, situé dans Tépaisseur du segment céphalique ; c, œil; d, nerf du lobe et du bord de l'entonnoir buccal; e, nerf de l'entonnoir buccal; III et IV; rames dorsales des troisième et quatrième segments. 3. Région supérieure vue parla face dorsale. Celte figure est destinée à mon- trer la disposition de la gouttière vibratile et les nerfs fournis par la bande nerveuse cérébrale. a, gouttière médiane ; 6, point de bifurcation de la gouttière médiane; c, gouttière d'une des grandes rames dorsales du douzième segment; d, extrémité taillée en biseau d'une des grandes rames du douzième segment; e, nerf des parties latérales de la gouttière médiane; /j bande nerveuse cérébrale; #, nerfs de l'entonnoir. 4. Système nerveux isolé du Chétoptère. XII, XIII, XIV. etc., premiers gan- glions de la chaîne nerveuse ventrale des douzième, treizième et qua- torzième segments. ÉTUDIÎ MONOGRAPHIQUE DU CHÊTOPTÈRE. 355 a, portion latérale du cordon nerveux ventral de la région supérieure; b, portion dorsale (bande cérébrale) de ce même cordon avec les prin- cipaux nerfs qui en partent; c, nerfs antennaires; d, œil; e, commis- sures reliant les deux parties latérales et ventrales du cordon ner- veux. Pic b. Deux ganglions de la cbaîne nerveuse ventrale pris dans la région infé- rieure de l'animal. a, une des nombreuses et courtes commissures qui réunissent les deux ganglions; b, nerfs fournis par l'extrémité supérieure de chaque gan- glion; c, nerfs fournis par l'extrémité inférieure; d, conneclif; c, nerfs tégumentaires ; h, nerf de la rame dorsale; g, nerf du lobe externe de la rame ventrale; f, nerf du lobe interne de la rame ventrale. 6. Deux segments de la région inférieure vus par la face ventrale; ils sont renversés, le supérieur vers le haut et l'inférieur vers le bas. Cette figure est destinée à montrer l'origine et la distribution des nerfs qui se rendent aux différentes rames sur chaque face de ces segments. Le segment supérieur estvueparsa face inférieur et le segment inférieur montre sa face supérieure. a, un des deux conneclifs qui relient les ganglions des deux segments; b, un des ganglions du segment supérieur; c, un des ganglions du seg- ment inférieur; à, nerf de la rame dorsale innervant la face inférieure de cette rame ; e, nerf du lobe externe de la rame ventrale se rendant à la face inférieure de ce lobe ; f, nerf du lobe interne de la rame ventrale innervant la face inférieure de ce lobe; g, nerf de la rame dorsale inner- vant la face supérieure de cette rame : h, nerf de la face supérieure du lobe interne de la rame ventrale; i, nerf de la face supérieure du lobe interne de la rame ventrale; k, lobe interne de la rame ventrale ; l, lobe externe de la rame ventrale ; m, cirrhe; n, rames dorsales. 7. Vue ventrale du quatorzième segment après une coupe transversale de l'animal, pratiquée entre le quatorzième et le quinzième segment. Cette figure légèrement schématique est destinée à montrer en place la por- tion de la chaîne nerveuse appartenant à ce segment, les principaux nerfs qui naissent des ganglions et les différentes parties qu'ils inner- vent. Les nerfs partant des extrémités supérieures des ganglions n'ont été représentés qu'en partie. a, muscle ventral du côté droit; b, coupe de ce muscle; c, coupe de la cavité générale, les viscères n'ont pas été représentés; d, tubercule re- présentant le lobe externe de la rame ventrale ; e, lobe interne de la rame ventrale ; f, connectif; g, ganglion ; h, nerf de la face inférieure du lobe interne de la rame ventrale; i, nerf de la face inférieure du lobe externe de la rame ventrale; j, nerf de la face inférieure de la rame dorsale; k, nerf de la face supérieure de la rame dorsale ; l, nerf de la face supé- rieure du lobe externe de la rame ventrale; m, nerf de la face supérieure (qui est ici la face ventrale) du lobe interne de la rame ventrale ; n, paroi du corps prenant part à la constitution de la palette dorsale ; o, bord de la palette dorsale, représentant les deux rames dorsales soudées d'une 3S6 J. J0YEUX-LAFFU1E. part par leurs extrémités, et d'autre part avec les parois du corps; ï>, nerfs tégumentaires. PLANCHE XVII. INNERVATION. — DIGESTION. — OKGANES SEGMENTAIHES. — BOURGEONNEMENT. Kig. J . Coupe transversale du cordon nerveux du côlé gauche de la région supé- rieure et des parties voisines, grossie environ 50 fois, faite dans la partie moyenne de cette région (partie d,e la figure 6). a, épithélium du plastron ventral ; 6, épithélium de la partie latérale située à la base des pieds; c, sillon externe entourant le plastron ven- tral; d, faisceaux musculaires constituant la couche musculaire pro- fonde ; e, coupe du cordon nerveux; f, cellules nerveuses situées à la face inférieure du cordon nerveux; g, nerf se dirigeant vers la rame dorsale; h, commissure se rendant au cordon situé du côté opposé; i, couche de tissu cellulaire située à la base de l'épi thélium. C'est dans cette couche que sont situées les cellules nerveuses, les nerfs et les commissures. 2. Cellules épilhéliales de l'intestin hépatique pris dans la région moyenne, grossies environ 400 fois. a, contenu cellulaire renfermant un grand nombre de granulations de cou- leur brun verdàtre ; b, noyaux ; c, plateaux cellulaires et cils vibratiles. 3. Le même épithélium que dans la figure précédente vu de face. Même grossissement. a, cellules vieillies et en partie vidées ; b, foyer de multiplication cellulaire. 4. Cordon nerveux du côté droit de la région supérieure grossi, isolé et vu par la face ventrale. a, cordon nerveux; b, une des commissures reliant ce cordon à celui du côté opposé ; c, un des nombreux nerfs qui innervent le plastron ven- tral ; d, nerf allant à la rame dorsale correspondante; e, petits nerfs tégumentaires. o. Epithélium du tube digestif. Coupe prise dans la région supérieure, grossie environ 200 fois. C. Coupe transversale de la région supérieure pratiquée au niveau du cin- quième segment, grossie environ 20 fois. a, épithélium du plastron ventral ; b, couche musculaire ventrale ; c, bulbe sétigère ; d, sillon latéral ventral limitant sur les côtés le plastron ven- tral ; e, cordon nerveux; f, extrémité de la rame dorsale; g, soies de la rame dorsale ; h, cavité générale ; i, couche musculaire dorsale ; j, épiderme; k, vaisseau dorsal; /, gouttière vibratile dorsale; m, tube digestif; n, vaisseau ventral. 7. Glandes génitales et organes segmentaires du quinzième segment. Le segment a été ouvert parla partie dorsale, les téguments rejetés sur les côtés et le tube digestif enlevé. a, muscle ventral droit; b, ovaire ; c, téguments de la palette du qua- torzième segment; d, pavillon vibratile; e, espace séparant les deux ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DU CHÉTOPTÈRE. 357 muscles ventraux ; f, canal segmentairc se dirigeant dans le quinzième segment ; g, téguments du quinzième segment, rabattus sur les côtés. FiG. 8. Extrémité inférieure d'un individu en voie de rédintégration. a, rame dorsale ; b, lobe externe de la rame ventrale ; c, lobe interne de la rame ventrale ; d, cirrbe ; e, bourgeon de nouvelle formation ; /", anus ; g, un des bourrelets (le premier apparu) qui se développent sur le bour- geon de nouvelle formation, ce bourrelet ?e montre déjà divisé en trois parties qui donneront naissance aux deux rames ; h, partie de la chaîne ganglionnaire nouvellement formée ; », orifice externe de l'organe seg- mentaire. 9. Granulations hépatiques qui remplissent les cellules épithéliales de l'in- testin dans la région moyenne, grossies environ 500 fois. 10. Groupe de cellules nerveuses de la face inférieure du cordon nerveux de la région supérieure, grossies environ 500 fois. PLANCHE XV1H. ORGANES SEGMENTAIRES. Fig. 1. Quatorzième et quinzième segments coupés suivant le plan longitudinal médian antéro-postérieur. L'intestin a été enlevé de manière à mettre en évidence les organes segmentaires. a, muscle ventral gauche, vu par sa face interne; b, ventouse ventrale du quatorzième segment, coustituée par le lobe interne de la rame ventrale; c, bord de la palette du quinzième segment; d, cavité delà palette; e, cavité du bord de la palette formant une chambre où est logé le ré- servoir de l'organe segmentaire; /", pavillon de l'organe segmentaire; g, tube de l'organe segmentaire ; h, réservoir de l'organe segmen- taire. 2. Treizième segment vu du côté droit. a, muscle ventral droit; b, tube de l'organe segmentaire du douzième seg- ment vu par transparence à travers les téguments; c, portion de la ven- touse ventrale formée en grande partie par les lobes internes des rames ventrales; d, bord supérieur de la ventouse ventrale constitué par les lobes externes des rames ventrales; e, bord inférieur de la ventouse ventrale; f, tube de l'organe segmentaire du treizième segment vu par transparence; g, orifice de la ventouse dorsale; h, épaississement des téguments reliant la ventouse dorsale aux rames dorsales du douzième segment; i, tube digestif vu par transparence; y, orifice externe de l'or» gane segmentaire; k, réservoir de l'organe segmentaire; /, tractus re- liant la ventouse ventrale à la ventouse dorsale (partie modifiée de la rame dorsale). 3. Quatorzième et quinzième segments vus par la face dorsale. La palette du quatorzième segment est rabattue en haut; celle du quinzième, en bas. L'épiderme enlevé laisse les plans musculaires sous-jacents a nu, ce qui permet de voir la direction des fibres dans les différentes parties des palettes. 358 J- JOYEUX-LAFFUIE. a, face inférieure de la palette du quatorzième segment; b, bord de la palette (réunion des rames dorsales); c, petit tubercule qui repré- sente, aveo le bord de la palette situé au-dessous, lo lobe externe do la rame ventrale ; d, un des deux faisceaux musculaires inférieurs qui vont constituer la palette; e, un des deux faisceaux musculaires supérieurs qui vont constituer, en s'étalaut en éventail, la paroi supérieure de la palette du quinzième segment; f, tube segmentaire situé dans la cavité générale (l'intestin a été enlevé) ;#, bord intorne du muscle ventral droit; h, face supérieure de la palette du quinzième segment. FlG. 4 . Coupe transversale de la partie externe du muscle ventral droit pratiquée à peu près à égale distance des rames dorsales du douzième segment et de la ventouse dorsale du treizième. Cette figure est destinée à montrer les rapports du tube de l'organe segmentaire avec le muscle et les tégu- ments. Gross., environ 20 fois. a, coupe du muscle; b, téguments; c, tube de l'organe segmentaire d, téguments formant la paroi de la cavité générale. 5 . Coupe transversale du réservoir de l'organe segmentaire du douzième seg- ment. Gross., environ 30 fois. a, cavité interne; b, couche externe cellulo-musculaire ; c, couche interne de cellules excrétrices; d, un des nombreux replis des parois dans la cavité interne. fi, Coupe transversale du tube de l'organe segmentaire pratiquée sur l'or- gane segmentaire du douzième segment. Gross., environ 300 fois, a, ca- vité interne tapissée par des cils vibratiles; 6, couche de tissu cellulo- musculaire; c, couche de cellules excrétrices. 7. Organe segmentaire du douzième segment isolé. Gross., environ 10 fois. a, orifice interne de l'organe segmentaire; b, bord libre du pavillon ; c, pavillon vibratile; d, tube segmentaire; e, réservoir de l'organe seg- mentaire; f, téguments; g, orifice externe. S. Coupe des parois du réservoir de l'organe segmentaire. Gross., environ 300 fois. a, couche externe cellulo-musculaire; b, couche interne de tissu propre de l'organe portant des cils vibratiles du côté interne. 9. Cellules isolées du canal segmentaire. Gross., environ 400 fois. a, cellule avec un noyau volumineux qui la remplit presque complètement, et une concrétion au centre du noyau; b, autre cellule avec deux con- crétions; c, autre cellule avec une concrétion dans le noyau et deux concrétions en dehors du noyau; d, noyaux de volumes différents. 10. Noyau presque totalement envahi par les concrétions. Gross., environ 1200 fois. 1 1 . Une des concrétions libres qui se trouvent en abondance dans la partie dilatée de l'organe segmentaire. Gross., 500 fois environ. ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DU CHÉTOPTÈRE. 389 PLANCHE XIX. CIRCULATION. — REPRODUCTION. — GOUTTIÈRES VIRRATILEP. Fie 1. Partie du cordon ovarien avec le repli mésentérique, qui le maintient en place dans la cavité générale. Gross., environ 30 fois. a, lame mésentérique; A, œufs à différents étals do développement. 2. Œuf mûr. Gross., environ 500 fois. a, membrane vitelline; b, contenu protoplasmique avec de nombreuses granulations vitellines; c, noyau; d, nucléole. 3. Appareil circulatoire de la région supérieure. a, antenne; A, entonnoir buccal; c, anneau vasculaire péribuccal; d, vais- seau ventral ; e, vaisseau dorsal; f, rame dorsale du douzième segment; g, partie terminale et dilatée du vaisseau dorsal. 4. Coupe transversale pratiquée au niveau des ventouses ventrale et dorsale du treizième segment. Gros*., environ 10 fois, o, cavité de la ventouse dorsale; 6, parois de cette ventouse avec les nom- breux tractus qui relient les deux couches tégumentaires ; c, cavité du tube digestif avec les nombreux replis intestinaux dans cette cavité; d, tractus intestinaux; e, téguments;/-, réservoir de l'organe segmen- taire; g, muscle ventral droit; h, bord de la ventouse ventrale ; i, vais- seau ventral; /, ganglion nerveux; k, tissu cellule-musculaire ; /, cavité générale; m, points d'adhérence des parois de la rame dorsale, 5. Spermatozoïdes. Gross., 1000 fois environ. a, noyau; b, filament protoplasmique. G, Fibres musculaires des muscles ventraux isolés. Gross., 400 fois environ. a, noyau; b, extrémité d'une fibre. 7. Disposition des fibres musculaires dans la ventouse ventrale du quinzième segment. Celte ventouse étant symétrique, la moitié droite seulement a été figurée. a, faisceau musculaire situé sur le côté externe du muscle ventral et dont les fibres, en s'étalant en éventail, vont former en haut la face inférieure de la palette du quatorzième segment, où elles s'entre-croisent avec celles fournies par le faisceau du côté opposé (voir pi. XVIII, fig. 3, a). Ce même faisceau s'étale également en éventail à son extrémité inférieure pour prendre part à la constitution de la ventouse ventrale; b, faisceau musculaire se détachant du muscle ventral et allant se perdre dans la ventouse ventrale; c, muscle ventral du côté gauche, vu par sa face inférieure. 8. Coupe transversale d'un ovaire. Gross., environ G0 fois. o, partie centrale où les œufs sont a peine caractérisés ; 6, partie périphé- rique renfermant des œufs déjà volumineux; c, œuf se détachant de l'ovaire pour tomber dans la cavité générale; d, œuf détaché et libre dans la cavité générale; e, mésentère. 0. Coupe transversale de la rame dorsale gauche du douzième segment. Gross., environ 30 fois. 360 J. JOYEUX-LAFFUIE. a, gouttière vibratile; b, repli des téguments formant un des bords de la gouttière; c, bord de la rame formant un des bords de la gouttière; d, faisceau de soies de la rame; e, épiderme avec de nombreuses cellules glandulaires;^, cavité générale; g, tissu cellulo-musculaire ; h, épitlié- lium vibratile de la gouttière. Fin. 10. Coupe transversale de la gouttière vibratile médiane, grossie 20 fois. a, épidémie avec cellules glandulaires ; b, épithélium vibratile do la gouttière; c, fond de la gouttière; d, tissu cellulo-musculaire sous* jacent. PLANCHE XX. SCHÉMAS. Fig. 1. Cinquième segment de la région supérieure. 2. Onzième Begment (dernier de la région supérieure). 3. Douzième segment (premier de la région moyenne). 4. Treizième segment (deuxième de la région moyenne). 5. Quinzième segment (quatrième de la région moyenne). 6. Vingtième segment (quatrième de la région inférieure). Cette planche présente six coupes transversales demi schématiques du Chétop- tère, faites a différents niveaux et passant par les segments qui diffèrent le plus entre eux. Les parties homologues ont été représentées de la même manière dans les six figures, de façon à pouvoir distinguer au premier coup d'œil les parties qui se correspondent. Lettres communes à toutes les figures : C, cavité générale; D, rame dorsale; I, tube digestif; M, muscles ventraux; N, centres nerveux; 0 S, organes segmentaires ; T, tégument dorsal; VD, vaisseau dorsal; V E, lobe externe de la rame ventrale; VI, lobe interne de la rame ven- trale; V V, vaisseau ventral; S, soies;c, cirrhe; g, gouttière vibratile dorsale. RECHERCHAS SUR LA POURPRE PRODUITE PAU LC PURPURA LAPILLUS A. LETELLIER Docteur es sciences, professeur d'histoire naturelle au lycée de Caen. L'étude des matières colorantes végétales a reçu, dans ces der- nières années, grâce aux progrès de la synthèse chimique, une vigoureuse impulsion. Plusieurs de ces matières que l'on eût pu croire impossibles à reproduire par des procédés de laboratoire, ont cependant été reconstituées de toutes pièces au moyen des éléments minéraux qui les forment. Tel a été le cas de l'alizarine, par exemple, et, plus récemment, de l'indigo. Mais ces résultats admirables n'ont été rendus possibles qu'après les longues et patientes recherches des naturalistes, des industriels et des chimistes de profession qui avaient su déterminer antérieurement et très exactement la compo- sition élémentaire de ces corps et les conditions au milieu desquelles ils prennent naissance. Or, ces notions une fois acquises, s'il est possible de faire entrer la matière colorante dans une série orga- nique connue, on peut, on doit même espérer que, par un traite- ment approprié, on arrivera à la reproduire artificiellement. Cette espérance, ou plus exactement cette croyance, on la base sur ce que les êtres vivants, animaux ou végétaux, qui ne créent pas l'énergie, 362 A. LETELLIER. niais qui l'utilisent chacun à leur manière, sont, pour les phéno- mènes qu'ils produisent, soumis à toutes les lois mécaniques, phy- siques ou chimiques qui régissent le monde inorganique. Quant aux matières colorantes d'origine animale, il ne semble pas que les chimistes s'en soient beaucoup occupés jusqu'à ce jour. Elles sont plus complexes que les substances colorantes végétales ; le travail préliminaire, qui seul aurait permis de dire leur composition et de déterminer les phénomènes qui accompagnent ou provoquent leur formation, n'a pas été fait. On peut penser que la longueur des recherches, bien plus que leur difficulté, a rendu l'étude de ces corps insipide aux chimistes, qui ne sont pas suffisamment imbus de la belle maxime de Buffon, celle des naturalistes, que le génie, ou plutôt le savoir n'est qu'une longue patience. Rien n'a paru, dans ces dernières années, sur la pourpre, sur la cochenille, sur le kermès, et, à vrai dire, on ne sait rien de ces corps en dehors de ce qu'en savent les teinturiers. M. de Lacaze-Duthiers, qui connaît si bien l'insuffisance de nos connaissances sur ces choses, qui jadis nous a appris tout ce que Ton sait actuellement sur la pourpre, m'a engagé à étudier les matières colorantes animales. J'ai commencé par celle que fournit le Purpura lapillm et qui, par l'emploi qu'en ont fait les habitants de la vieille Bretagne, présente un vif intérêt, non pas seulement aux yeux des naturalistes et des chimistes, mais de tous ceux qui, aujourd'hui nombreux, cherchent à faire revivre les an- tiques civilisations, et étudient par suite avec amour les arts des anciens peuples du Nord. Dans ce premier mémoire, je me propose de montrer que la pourpre produite par le Purpura lapillus n'est pas fournie par un seul corps, mais par un mélange de trois substances : la première jaune et fixe, les deux autres photogéniques et devenant, l'une rouge carmin, l'autre bleu foncé, sous l'influence de la lumière directe ou diffuse. Aucune d'elles, si l'on excepte la première, n'existe toute formée dans l'épithélium sécrétant de l'animal, pas plus que l'indigo dans les feuilles de l'indigotier ; mais, contrairement à ce qui se passe RECHERCHES SUR LA POURPRE. 363 avec cette dernière matière colorante, elles donnent de la pourpro par un phénomène de réduction et non d'oxydation, comme on l'a pensé jusqu'à ce jour. Quand j'aurai réuni les quelques grammes de chacune de ces substances indispensables pour une analyse sérieuse, je dirai quelle est leur composition élémentaire, la série organique à laquelle elles appartiennent, dans quelles conditions elles produisent la pourpre. En attendant, j'acquitte un devoir de reconnaissance cher à mon cœur en remerciant, dans les Archives, M. de Lacaze-Duthiers, qui m'a indiqué le sujet de mes recherches, et M. le professeur Joyeux- Laffuie, qui, non content de m'avoir ouvert son laboratoire de la Faculté des sciences de Caen, a mis à ma disposition toutes les ressources de la station zoologique de Luc-sur-Mer. Je remercierai aussi M. Neyrneuf, professeur de physique à la Faculté, et M. Gos- sard, chargé de conférences de minéralogie, pour l'amabilité avec laquelle ils m'ont aidé de leurs conseils dans mes recherches spec- troscopiques et cristallographiques, qui ne sont pas l'objet habituel des études des naturalistes \ Ce mémoire ayant pour but d'exposer les résultats de mes pre- mières recherches sur la pourpre sécrétée par le Purpura lapdlus, il n'y sera pas question de la célèbre couleur qui a fait la fortune de Tyr et de Sidon, quoique les substances qui la fournissaient soient vraisemblablement analogues, sinon identiques. On sait, depuis M. de Lacaze-Duthiers \ que ce sont le Purpura hœmastoma et les Murex brandaris et trunculus qui la produisaient. Je parlerai seulement de cette pourpre coccinei coloris que connaissait le vénérable Bède 3, prêtre anglo-saxon qui vivait au septième siècle, et dont les Bretons i Je ne me suis pas cru autorisé à donner dès maintenant un nom à chacun des trois corps qui entrent dans la composition de la pourpre, parce qu'ils ne sont encore qu'imparfaitement connus. Le discours en éprouvera des longueurs, mais la raison, qui veut être satisfaite, sera respectée. 2 Annales des sciences naturelles, 4° série, t. XII, p. 5 et suivantes. a Bède, LUIerœ: De situ Britannim vel [liberniœ et priscis eorum incolis. 364 A. LETELLIER. se servaient encore pour marquer le linge bien longtemps après, au dire HENRI PROUHO. temenl évaporé. Au moment de leur métamorphose, les larves se fixent sur les parois du vase, c'est-à-dire sur le collodiou. Quand on veut étudier l'une d'elles, on incise tout autour la pellicule à laquelle elle adhère, et l'on obtient ainsi, sans difficulté, une petite lame transparente, portant en son milieu la larve, qu'il est désormais possible de soumettre à toutes les observations et manipulations nécessaires, sans que Ton soit, pour cela, obligé de la toucher. Le réactif fixateur qui m'a donné les meilleurs résultats est une solution saturée à froid de sublimé corrosif. Quant aux matières colorantes, je recommande tout spécialement le carmin aluné et une solution faible d'éosine dans l'alcool à 60 degrés. On obtient, en employant successivement ces deux colorants, une double colo- ration, qui facilite beaucoup la lecture des coupes. Je me suis attaché à reproduire mes préparations le plus exacte- ment que j'ai pu, estimant que seules les figures non interprétées sont un argument dans une question de faits. Les figures, ainsi com- prises, ont l'avantage de faciliter la tâche aux observateurs qui ont intérêt à vérifier nos recherches; elles ont le mérite d'être brutales. Avec elles, nous ne nous trompons pas à demi; nos erreurs sont claires, précises et, par conséquent, destinées à durer d'autant moins que, par leur précision même, elles sont plus faciles à relever. STRUCTURE DE LA LARVE. La larve de la Flmtrella hïsptda a été observée par Dalyell en 1847 (1). Depuis lors, MM. Hincks (2), Redfern (3), Metschnikoff (4), et, en dernier lieu, M. Barrois (5), ont étudié cet intéressant type larvaire; mais, comme tous ces observateurs se sont bornés à re- cueillir, sur sa structure et sa métamorphose les renseignements qu'a pu leur fournir l'observation directe par transparence, ces ren- seignements se trouvent aujourd'hui insuffisants; j'ai essayé de les compléter. SUR LA LARVE DE LA FLUSTRELLA HISPIDA. 413 La larve de Flustrella présentant à considérer les mêmes organes qu'une larve de Bryozoaire chéilostome ovicellé : Bugula, Sckizopo- rella, Lepralia, etc., je rappelle, en peu de mots, que ces organes sont, d'après la nomenclature de M. Barrois : la couronne, Y organe piriforme, le sac interne et la calotte. La couronne est une bande ci- liée plus ou moins large qui divise la larve en deux régions, appelées l'une orale, l'autre aborale. De la première dépendent l'organe piriforme et le sac interne, de la seconde dépend la calotte. L'orga- nisme larvaire est bilatéral ; son plan de symétrie est perpendicu- laire au plan de la couronne et partage en deux parts égales la calotte, l'organe piriforme et le sac interne, qui sont tous des or- ganes impairs. On distingue dans la larve un avant et un arrière ; l'organe piriforme est antérieur; le sac interne est postérieur. EXAMEN DE LA LARVE A L'ÉTAT VIVANT. Observée à l'état vivant, la larve de la Flustrella hispida laisse reconnaître les principaux traits de son organisation. Deux valves chitineuses, transparentes, recouvrent la région aborale, ne laissant à découvert qu'un petit organe aboral qui apparaît comme un bou- ton dans une boutonnière percée dans la mince membrane qui réunit le bord cardinal des deux valves. Ce bouton aboral supporte un pinceau de cils rigides, il a été considéré par M. Barrois (5) comme représentant la calotte de la larve de Flustrella (fig. 1 du texte, a). Tout autour du bord libre des valves on voit la couronne (c) munie de cils vibratiles très actifs, qui délimite la région orale (lig. 2 du texte). On distingue aisément, dans cette région, deux organes volu- mineux, l'un antérieur, l'autre postérieur. Le premier (fig. 1 et 2 du texte, pir), c'est Yorgane piriforme avec sa fente ciliée (f) aboutissant au plumet vibratile (p); le second (s), plus volumineux, se laisse mal définir à cause de son opacité ; néanmoins on soupçonne qu'il est formé par une invagination de la face orale, et l'on aperçoit les H | HfiNBl PHÛ1 HO. ,i,.ii\ lèvres qui limitenl l'ouverture de cette învaginatioa, quand on observe la larve de face (fig, c2 du texte, s); c'est le me interne, E» comprimant légèrement la larve», on rend apparents de norobreus Liixcaiix musculaires parmi lesquels il y a lieu do distinguer des muscles pairs latéraux, longitudinaux (»»/), ou transversaux (mit, mpi 6g- 1 du texte), et deux muscles impairs, dont l'un transversal, projeté en m (fig. 1 du texte), rattache les deux valves l'une à l'autre à la manière d'un muscle adducteur de lamellibranche, tandis que Fig. 1. — Vue latérale d'une larve de Flustrclla hùpida. Av, extrémité antérieure; Ar, extré- mité postérieure : a, organe aboral ; pir, organe piriforme ; s, sac interne ; C, couronne ; p, plu- met vibratile; mn, tractas musculo-nerveux ; ml, muscles longitudinaux; mp, muscles parié- taux ; mit, muscles latéraux transversaux ; ma, muscle adducteur. l'autre (mn), qui traverse en sautoir la partie antérieure de la larve, relie l'organe piriforme à l'organe aboral (a). On voit, de temps en temps, ce dernier organe sollicité par ce muscle en sautoir, se ré- tracter en dessous des téguments de la larve. Entre les organes que nous venons d'énumérer et la peau, on dis- tingue une vaste cavité dans laquelle de nombreux globules se déplacent au gré des contractions de la larve. HISTOLOGIE. Ecloderme aboral. — Dans toute la région aboralc de la larve, l'ec- toderme est constitué par une assise unique de cellules appliquée à la l'ace interne des valves (pi. XXII, lig. 1, 2, 4, e). Ces cellules ecto- dermiques sont plates et forment sous les valves un revêtement pavimenteux; mais, dans la région cardinale, elles deviennent plus SUR LA LARVE DE LA FLUSTRELLA HISPUU. «B allongées, plus serrées, et constituent, de pari et d'autre du plan de symétrie, un cpaississemcnt (pi. XXII, fig. 1, 8, 3, 4, le), qui est surtout bien accusé dans les environs du bouton cilié (a), c'est- à-dire dans cette partie de la larve que l'on peut appeler le pôle aboral. Couronne. — La couronne est formée par une rangée de cellules aplaties, discoïdes, présentant sur leur tranche externe des cils vi- bratiles nombreux et longs (pi. XXII, iig. 1, 2, 4, et-, pi. XXIII, fig. 11). Fig. 1. Larve de Flmtrella hispida vue par sa face orale, c, couronne ; pir, organe piriform f, fente ciliée ; p, plumet vibratile ; s, sac interne. Les cils sont implantés sur une cuticule bien apparente et chacun d'eux paraît se prolonger au-dessous d'elle, dans une masse proto- plasmique triangulaire, dont un sommet aboutit à la tranche interne de la cellule (pi. XXIII, fig. 11). Le noyau de celle-ci est situé contre la paroi interne ou proximale, près du sommet du triangle proto- plasmique ; le reste de la cavité de la cellule renferme un pro- toplasme granuleux peu abondant. Les cils d'une même cellule coronale forment un pinceau aplati dans lequel le mouvement vibratoire se propage graduellement d'un bord à l'autre, de telle sorte que lorsque le cil d'un bord est recti- ligne, celui du bord opposé possède son maximum de courbure. Entre ces deux extrêmes, les autres cils de la cellule présentent toutes les positions intermédiaires ; leur ensemble forme une sorte de palette hélicoïdale et, comme toutes les cellules coronales vibrent en même temps de la même façon, il en résulte que, chez une larve il., HENRI PR0UI10. vue de face, la ciliation de la couronne ne présente pas un mouve- ment confus de cils vibratiles, mais une striation des plus régulières cl des plus élégantes. Ectoderme oral. — L'ccloderme oral, c'est-à-dire celle partie des téguments qui s'étend entre la fente ciliée, le sac interne et la cou- ronne, se colore faiblement par les réactifs. Les noyauxy sont clair- semés; sa structure est tout autre que celle de l'ectoderme aboral, mais je ne puis la définir d'une façon aussi précise, car les coupes ne m'ont pas suffisamment éclairé sur la manière d'être de toutes les cellules qui le constituent. Certaines d'entre elles, qui se prolongent vers l'extérieur en un mamelon muni d'une houppe de cils vibra- tiles, méritent cependant une mention spéciale (pi. XXII, fig. 2, 4, b). Ces cellules sont régulièrement distribuées sur toute la partie orale des téguments; elles sont assez nombreuses pour que cette région paraisse uniformément ciliée quand on l'observe sur le vivant. Organe piri forme. — Sous ce nom, M. Barrois (10) désigne, chez la Lepralia, « une masse allongée, de nature énigmatique », formée de trois parties, qui sont : l'organe glandulaire, la fente ciliée [Mund- fùrche de Nitsche) et un épaississement à cellules radiaires qui vient remplir le vide compris en avant, entre l'organe glandulaire et la fente ciliée. Dans ses recherches ultérieures (11), le savant directeur du laboratoire de Villefranche a conservé la même déno- mination pour cet organe qui « occupe le devant de la face orale et se trouve composé d'une petite masse de nature glandulaire, débou- chant dans la fente de la face orale antérieure et surmonté d'un groupe de cellules rayonnantes (celles qui servent de base au plumet vibratile) ». L'étude de coupes transversales et longitudinales des larves de Flustrella nous fournit une notion exacte de la structure de l'organe piriforme dans lequel nous retrouvons l'organe glandulaire, la fente ciliée et le plumet vibratile. L'organe glandulaire (pi. XXII, fig. 4, g) est formé de grandes cel- lules à parois très distinctes, remplies d'un protoplasme compact, SUR LA LARVE DE LA FLUSTRELLA HISPIDA. 417 finement granuleux, se colorant en violet par le carmin aluné'. Les noyaux de ces cellules qui ont bien l'aspect de cellules glandulaires et que nous considérerons comme telles, sont situés vers leur extré- mité interne, c'est-à-dire à la périphérie de l'organe (pi. XXII, fig, 4, 5). Une coupe longitudinale (fig. 5) nous montre que cet organe présente deux dépressions de dimensions inégales. La plus petite est située à son extrémité antérieure ; nous l'appellerons la fossette antérieure (pi. XXII, fig. 5, fa); la plus grande est postérieure, et les coupes transversales nous apprennent qu'elle afl'ecte la forme d'un sillon étroit, peu profond, allongé longitudinalement suivant le plan de symétrie de la larve ; elle correspond à la fente ciliée. Les cellules de la partie glandulaire de l'organe piriforme se lais- sent diviser en trois groupes : deux groupes {g*) symétriques par rapport au sillon, et un groupe impair médian (pi. XXII, fig. 4, S,^1). On voit, avec la plus grande évidence (fig. A), que l'extrémité distale des deux premiers groupes (#2) aboutit dans le sillon (/"); quant au groupe impair {g1), la coupe sagitale (fig. 5) montre que les cel- lules qui le composent ont une direction générale parallèle à l'axe longitudinal, et qu'elles viennent aboutir dans la fossette antérieure. Le sillon de l'organe glandulaire est bordé, de chaque côté, par une rangée de grandes cellules ectodermiques munies de cils vibra- tiles (pi. XXII, fig. 4, cf), de telle sorte qu'il existe, sous cet organe, une sorte de gouttière ciliée, longitudinale. C'est cette gouttière qui représente ici le Mundfùrche de Nitsche {Bugula), la fente ciliée de M. Barrois {Bugula, Lepralia), Y E ctodermalfùrctie de Vigelius {Bugula). Les cellules qui bordent la fente ciliée de la larve de Flustrella sont plates, et en cela elles ressemblent à celles de la couronne (voir leur coupe longitudinale, fig. 4, et leur coupe transversale fig. 7) ; mais on n'y retrouve pas le triangle protoplasmique si caractéristique des cellules coronales. jLeur protoplasma se colore fortement par 1 Les colorations obtenues avec le carmin aluné sont en général plus ou moins violacées, mais les cellules en question prennent, sous son action, un violet plus franc que les autres tissus. ARCH. DE ZOOL. KXP. ET GBN. — 2e SÉRIE. — T. VIII. 1890. 27 H8 HENRI PROUHO. rôosine;leur noyau est volumineux, et leur cuticule, très nette, sup- porte des cils vibratiles plus courts que ceux de la couronne. La l'ente ciliée se termine en cul-de-sac vers l'extrémité antérieure de l'organe piriforme, en arrière de la fossette, et là les cellules vibratiles changent de forme ; de plates qu'elles étaient sur les bords latéraux de la fente, elles deviennent étroites et allongées avec une extrémité proximale très effilée. Ces cellules marquent la limite antérieure de la fente, et l'on voit sur la coupe représentée (fig. 'ô, cp) qu'elles possèdent de longs cils vibratiles. Vigclius (16) a remarqué, dans son mémoire sur la Bugula, que les fouets du plumet vibratile ne sont pas conservés dans les pré- parations, et il n'a pas pu voir où ils s'attachent. Je remarque, à mon tour, que, chez la Flustrella, ces fouets sont mal fixés par les réactifs ; mais, puisque les coupes montrent précisément à l'endroit où, d'après l'examen sur le vivant, doit être le plumet vibratile, un groupe terminal de cellules d'une forme différente de celle des cel- lules latérales de la fente et qui portent un paquet de cils plus longs que ceux des dernières, je n'hésite pas à considérer ce groupe de cellules (cp) comme supportant le plumet vibratile. Organe aboral. — ■ Je désigne ainsi le bouton muni de cils rigides situé au pôle aboral de la larve de Flustrella (fig. 1 du texte). Il est hors de doute que cet organe correspond, sinon à la totalité, du moins à une partie de la formation aborale des larves des Bryo- zoaires chéilostomes, de Y Alcyonidium mytili, etc., que M. Barrois appelle calotte (Kape). Vigclius (16) a appliqué à cet organe le nom de retractiles Scheibenorgan. Balfour (19) le nomme disque cilié. Je préfère donner à l'organe en question un qualificatif exclusivement tiré de la position qu'il occupe chez la larve, sans allusion aucune à la forme qu'il affecte chez telle ou telle espèce de Bryozoaire. Sa forme et peut-être aussi sa structure histologique peuvent varier, tandis que sa position aborale est constante chez toutes les larves où on le retrouve. L'organe aboral de la larve de Flustrella est formé par un amas de SUR LA LARVE DE LA FLUSTRELLA HISPIDA. 419 cellules longues et étroites dont le noyau est lui-même ordinai- rement allongé et dont les extrémités convergent vers un même point (pi. XXII, fig. 3, 5, 6, a). Nous avons déjà vu (p. 413) que cet organe n'est pas recouvert par les valves, la coupe transversale (fig. 3) indique ses rapports avec la fine membrane qui relie ces deux valves tout le long de leur bord cardinal. Nous avons vu également que l'organe aboral est muni de cils rigides, mais ceux-ci ne se con- servant pas sur les coupes, je ne puis dire si toutes ses cellules en sont pourvues. Remarquons enfin que la membrane limitant l'ectoderme vers l'intérieur de la larve s'interrompt au-dessous de l'organe aboral (fig. 6), précisément dans le point où convergent ses cellules et où aboutit un tractus fibrillaire que nous devons maintenant décrire. Système nerveux. — L'organe aboral est relié à l'organe piriforme par un faisceau fibrillaire rectiligne traversant la larve en sautoir (pi. XXIV, fig. 28; pi. XXII, fig. 5, mn). On distingue dans ce faisceau quelques fibres épaisses, se colorant en rose par l'éosine; ces fibres, ■ qui sont de nature musculaire, s'insèrent, d'une part, sur la mem- brane de revêtement de l'organe piriforme, dans la partie posté- rieure de cet organe (pi. XXII, fig. 5) ; d'autre part, elles parviennent au-dessous de l'organe aboral (pi. XXII, fig. 6, mr). Mais les prépa- rations que j'ai obtenues ne me permettent pas de dessiner le point précis où elles s'attachent. Il est certain, toutefois, d'après l'obser- vation mentionnée plus haut (p. 414) sur les mouvements de rétrac- tion de l'organe aboral, que quelques-unes de ces fibres s'attachent au-dessous de cet organe. Ces fibres musculaires sont accompagnées, depuis l'organe piri- forme jusqu'à l'organe aboral, par des fibrilles extrêmement déli- cates qui, pénétrant parla solution de continuité signalée plus haut dans la membrane limitante interne de l'ectoderme au-dessous de l'organe aboral, se perdent dans les extrémités proximales des cel- lules de cet organe (pi. XXII, fig. 6, n). Du côté oral, ces fibrilles arri- vent avec le muscle sur l'extrémité postérieure de l'organe piri- 420 HENRI PROUHO. forme, et là se divisent en trois faisceaux; l'un d'eux, médian, s'insinue entre les trois groupes de cellules que nous avons distin- gués dans l'organe glandulaire (pi. XXII, fig. 4, 5, np), et se met en rapport avec les extrémités proximales des cellules du plumet (fig. 5, cp), les deux autres sont latéraux et se rendent dans les tégu- ments de la face orale. Sur une coupe convenablement choisie (pi. XXII, fig. 2, ne), on peut les suivre jusqu'aux cellules de la cou- ronne. En résumé, les fibrilles dont nous venons de suivre le trajet relient une formation ectodermique ayant le caractère d'un organe sensoriel (organe aboral) avec la région de la larve où sont toutes les cellules vibratiles ; certaines de ces fibrilles se mettent en rapport avec les cellules du plumet, d'autres se terminent aux cellules de la couronne, c'est-à-dire du principal organe locomoteur. Ces connexions prouvent que les fibres en question sont de nature ner- veuse. Il n'est pas douteux que les cellules vibratiles de la fente ciliée reçoivent, elles aussi, leur part d'innervation, et c'est au point i (tig. 2) que les fibres des faisceaux latéraux m'ont paru se réfléchir en avant de chaque côté de la fente, pour aller innerver les cellules qui la bordent. Quant aux boutons vibratiles (b) dont est parsemée la face orale, on admettra, je crois, sans difficulté, après avoir vu les fibres nerveuses pénétrer dans les téguments oraux (fig. 2, ne), qu'ils reçoivent également quelques-unes de ces fibres. Pour découvrir les cellules de ce système nerveux larvaire, il faut s'adresser à des coupes longitudinales. Sur toutes ces coupes, on aperçoit, dans l'angle aigu formé par le tractus musculo-nerveux et l'cctoderme aboral (pi. XXII, fig. 6), un certain nombre de cel- lules {cg) dont le noyau sphérique, volumineux et pourvu d'un gros nucléole central, attire l'attention. Les noyaux de ces cellules qui, pour moi,sont les cellules nerveuses, sont entourés d'une enveloppe protoplasmique envoyant un prolongement vers le faisceau des fibres nerveuses (fig. 6). On les retrouve dans la même situation, et avec SUR LA LARVE DE LA FLUSTRELLA HISPIDA. 421 les mêmes caractères, chez toutes les larves de Flustrella; je les ai observés aussi bien chez des larves non encore ^écloses et n'ayant pas formé leurs larves que chez les larves libres. Sac interne. — L'organe ainsi nommé par M. Barrois et appelé S 'augnapf parles auteurs allemands consiste, chez la larve de Flus- trella, en un sac volumineux à parois épaisses entourant une grande cavité, qui s'ouvre sur la face orale par une fente longitudinale (pi. XXII, fig. I ; pi. XXIV, fig. 28, s). Les longues cellules qui cons- tituent ses parois (fig. \, 5) sont le siège d'une sécrétion à laquelle il faut très probablement attribuer la formation d'une matière gra- nuleuse qui, chez les larves adultes, vient oblitérer l'ouverture lon- gitudinale du sac (fig. 1, 5, 28, d). Mésoderme. — On sait, d'après les travaux auxquels a donné lieu l'embryogénie des Bryozoaires ectoprotes, quelle difficulté il y a à faire la part du mésoderme et de l'endoderme chez une larve adulte, même quand on a pu assister au développement de l'œuf. M. Bar- rois (10) a vu apparaître, en étudiant le développement de la Lepralia unicornis, un endoderme et un mésoderme libres et séparés qui n'existent que pendantf un temps très court. Ces deux feuillets se fusionnent, peu de temps après leur apparition, « en une masse volu- mineuse libre dans la cavité générale de l'embryon, et qui repré- sente unvitellus nutritif issu de la fusion du mésoderme; et de l'en- doderme. » Vigelius (16), malgré les nombreuses coupes qu'il a pu faire de jeunes embryons de Bugula, n'est pas parvenu à voir le mésoderme comme M. Barrois l'a observé chez la Lepralia, et il pense que le mésoderme, qui, chez cette dernière espèce, présente un caractère déjà très éphémère, a perdu sa personnalité chez la Bugula. Selon lui, le mésoderme n'existe pas comme feuillet distinct, et l'ensemble des cellules qui remplissent la cavité de l'embryon (Fullgewebe) correspond morphologiquement aussi bien à l'hypoblaste qu'au mésoblaste. M. Pergens (18) a étudié, dans une note récente, le développe- 422 HENRI PROUHO. menl de la Microporella et de la /tugula, et il paraît confirmer les observations de Vigelius. Je ne puis dire, pour le moment, comment les choses se passent au début du développement de l'œuf de la Flustrella, mais ce que l'on peut affirmer, après avoir fait l'étude histologique d'une larve adulte, c'est que, chez elle, le mésoderme n'a pas perdu son indivi- dualité. On observe, en effet, dans la région aborale, immédiate- ment au-dessous de la couche ectodermique recouverte par les valves, une assise de cellules formant une membrane continue que l'on retrouve sur toutes les sections transversales de la larve (pi. XXII, fig. 1, 2, 3, 4, m). Cette membrane cellulaire, qui est généralement épaissie au pôle aboral (pi. XXII, fig. 3, Im), constitue une partie du mésoderme particulièrement intéressante, car c'est grâce à elle que nous comprendrons aisément un point important de la forma- tion du polypide pendant la métamorphose. Le sac interne est revêtu par une membrane de même nature que la précédente (pi. XXII, fig. 1, S, m). Une autre portion du mésoderme est représentée par des muscles que nous avons déjà pu observer en partie sur une larve vivante (p. 414) et dont voici l'énumération complète : 1° Un muscle impair rétracteur de l'organe aboral ; 2° Un muscle adducteur des valves traversant de part en part la larve, perpendiculairement à son plan de symétrie, entre l'organe piriforme et le sac interne. Ce muscle est composé de trois ou quatre libres, dont on aperçoit la section en ma sur la figure 5 (pi. XXII) ; 3° Un muscle circulaire, formé de deux ou trois fibres, qui, appliqué contre les téguments entre le bord libre des valves et la couronne, suit exactement le même trajet que cette dernière. On le retrouve sur toutes les coupes transversales en me (pi. XXII, fig. I, % 4). On distingue, en outre, de part et d'autre du plan de symétrie : 4° Un faisceau musculaire longitudinal (ml, fig. 1 du texte) ; 5° Des muscles transversaux latéraux, prenant un point d'appui SDR LA LARVE DE LA FLUSTRELLA HISPIDA. 42.1 sur les valves et s'attachant, d'autre part, aux téguments de la face orale, soit à l'avant, soit à l'arrière (fig. \ du texte, mit, et pi. XXII fig- 1); 6° Des muscles pariétaux (mp, fig. 1 du texte), qui s'appuient sur les valves par leur extrémité orale et s'insèrent, à leur extrémité aborale, dans le voisinage de l'épaississement ectodermique aboral dont il a été question (p. 415). Endoderme. — Un tube digestif, avec pharynx et estomac, a été attribué par M. Barrois à la larve de la Flust?'ella, à la suite d'une série de recherches d'après lesquelles cet auteur avait cru recon- naître, chez les larves de plusieurs genres de Bryozoaires, la présence d'un appareil digestif. Depuis lors, M. Barrois a repris, clans deux remarquables mémoires, l'étude des larves de Lepralia et de Bu- gula, et il a été conduit à interpréter plus exactement leur struc- ture (10, 12). Le pharynx de ses premiers travaux est devenu l'organe piriforme; l'estomac est devenu le sac interne, et, dans un para- graphe spécial de son mémoire sur la Métamorphose des Escha- rines (10), paragraphe intitulé : « De l'absence d'intestin chez les larves d'Ectoproctes », il est dit : « Les globules qui remplissent la cavité générale et dérivent directement de la masse vitelline sont les seules parties qui représentent l'intestin » ; et plus loin : « Les trois grandes divisions du groupe des Ectoproctes présentent donc, en même temps qu'une condensation de l'embryogénie (développe- ment méroblastique), une absence complète de tube digestif. » Vigelius (16) constate également l'absence d'intestin dans les embryons de Bugula ; mais il est d'avis qu'on doit tenir compte des observations de Repiachoff sur la Tendra zostericola, de Mctschnicoff et Ostroumoff sur le Cyphonautes, et ne pas conclure que toutes les larves d'Ectoproctes sont dépourvues d'intestin. Dans un mémoire plus récent, accompagné d'excellentes coupes, M. Harmer (17) décrit, chez la larve de YAlcyonidium mytili, un tube digestif composé d'un œsophage et d'une poche stomacale ; chez les jeunes embryons, l'œsophage s'ouvre, à l'extérieur, entre l'organe 121 HENRI PROUHO. piriforme el le sac interne; mais ce canal alimentaire n'est qu'un organe rudimentaire n'ayant, dans les derniers stades, aucune com- munication avec l'extérieur. Voici, d'ailleurs, comment s'exprime M. Harmer au sujet de ce tube digestif : « 11 n'est cependant pas facile de distinguer l'épithélium qui le tapisse, pas plus à ce stade (celui pendant lequel l'intestin communique avec l'extérieur) qu'à aucun autre ; il doit se composer d'une masse de sphérules vitellines enveloppées de protoplasma, avec quelques noyaux de distance en distance, ou il doit se présenter comme une couche de protoplasma très mince dans laquelle les noyaux sont épars. L'épithélium de l'estomac est, en somme, aussi complètement différent d'un épithé- lium sécréteur ordinaire qu'on peut l'imaginer ». Mais revenons à la Flustrella. M. Barrois (5) a figuré, chez une très jeune larve (fig. 3:} de son mémoire), une invagination antérieure de la face orale au fond de laquelle, selon lui, se trouve la bouche; à ce même stade, apparaît l'organe que cet auteur regardait comme le pharynx. Dans un stade plus avancé (fig. 20 de son mémoire, 5), M. Barrois représente ce pharynx comme une grosse masse claire située en avant et tout près dej'estomac (sac interne actuel), et, en suivant l'évolution de cette masse claire, il a cru assister au développement de l'organe qu'il appellerait aujourd'hui Vorgane piriforme; mais, en réalité, il a observé, sur les jeunes embryons qu'il a figurés jusqu'au stade cor- respondant à la figure 20, un organe qui n'a rien de commun avec l'organe piriforme et qui représente un intestin rudimentaire. Les colonies de Flustrella qui m'ont fourni les matériaux d'étude étaient à une époque de la reproduction trop avancée pour me per- mettre de suivre le développement des organes larvaires. Toutefois, j'ai rencontré quelques larves n'ayant pas encore formé leurs valves et parvenues au stade représenté par la figure 20 du mémoire de M. Barrois ; c'est la coupe longitudinale d'un de ces embryons que j'ai représentée (pi. XXIV, fig. 21). A ce slade, le sac interne (s) est volumineux; mais ses parois, SUR LA LARVE DE LA FLUSTRELLA HISPIDA. 425 encore très minces, ne présentent pas les longues cellules qui le caractérisent chez la larve adulte, et des coupes transversales du même stade m'ont montré que ces cellules commencent à se déve- lopper sur les lèvres mêmes de l'orifice externe du sac. L'organe piri- forme [g), en voie de formation, n'a pas encore atteint ses dimensions définitives; l'organe aboral (a) présente, en son milieu, quelques cellules fusiformes munies de cils rigides ; le tractus musculo- nerveux (mn) qui le relie à l'organe piriforme est bien formé et on retrouve les cellules nerveuses à la place où je les ai signalées chez la larve adulte ; l'ectoderme est formé de cellules cubiques encore bien différentes de ce qu'elles seront chez la larve libre ; la lame mésodermique aborale (m) et celle qui revêt le sac interne sont à leur place; et, en somme, la jeune larve parvenue à ce stade serait organisée comme au moment de son éclosion, si ce n'était la pré- sence d'une volumineuse invagination de la face orale située entre le sac interne et l'organe piriforme (pi. XXIV, fig. 21, i). Cette invagination n'est rien autre chose que la masse claire aperçue par transparence, par M. Barrois, dans les jeunes embryons et considérée par lui comme le commencement de l'organe piriforme (pharynx de son mémoire). C'est, en réalité, une poche s'ouvrant, à l'extérieur, sur la face orale par un orifice bien délimité et situé entre l'extrémité de la gouttière ciliée et le sac interne. Cette poche, qui correspond à la cavité digestive de la larve d'Alcyonidium mytili et dont l'orifice est exactement situé au point où M. Harmer place la bouche de cette larve, représente, chez la larve de Ffustrella, un intestin rudimentaire. Ses parois sont formées de grandes cellules dont les noyaux restent ordinairement appliqués contre la face externe, c'est-à-dire celle qui limite la cavité du sac, et dans les- quelles on observe, çà et là, un contenu granuleux assez abondant. On remarque aussi, dans quelques-unes de ces cellules, des globules vitellins identiques à ceux qui sont disséminés dans la cavité de la larve. Ce sac intestinal est un organe transitoire, qui se résorbe à mesure MO HENRI PROUHO. que la larve m développe e1 qui ;i déjà disparu lorsque celle-ci sort de la cavité incubatrice. Toutefois, il reste, comme trace de cette formation, une petite cavité située entre le sac interne et l'organe piriforme (pi. XXIV, fie;. 28; pi. XXII, lig. 5, i). Chez la larve de la Fimtrella hispida, comme chez celle de VAlcyo- nt'dium mytili, le tube digestif est donc représenté, à un certain moment du développement, par une invagination de la face orale située entre l'organe piriforme et le sac interne ; mais, chez la Fim- trella, les parois de cette invagination sont bien mieux différenciées que chez l'Alcyonidium. On dirait qu'il y a là, ou bien un essai plus sérieux vers la formation d'un véritable appareil digestif, ou bien un souvenir plus récent d'un organe disparu. Quoi qu'il en soit, il n'existe pas de tube digestif chez la larve libre de la Fimtrella, et nous sommes dès lors fort embarrassé pour dire quelle est la partie des tissus larvaires qui, chez elle, représente l'endoderme. Il faut, sans doute, rechercher celui-ci parmi les éléments libres de la cavité générale de la larve. MM. Barrois et Vigelius ont perdu la trace de l'endoblaste dès les premiers stades du développement des larves des Lepralia et des Bugula ; peut-être, en suivant le développement de l'œuf de la Fimtrella jusqu'à la larve adulte, sera-t-il possible de s'assurer de l'origine endoblastique de tel ou tel élément de la cavité générale de cette larve? La question reste en suspens jusqu'à ce que cette étude ait été faite. Éléments libres renfermés dans la cavité générale de la larve. — Ces éléments sont de trois sortes : 1° Des cellules dont les noyaux, après l'action des réactifs, ne (liftèrent pas de ceux des cellules qui forment les lames méso- dermiques et sont entourés d'une zone de protoplasma irrégulière, plus ou moins abondante, dont les prolongements s'anastomosent fréquemment les uns avec les autres (pi. XXIII, flg. 10, pi. XXII, fîg. 3, cl); nous les désignerons sous le nom de cellule* embryonnaires libres; "2° Des globules vitellins de dimensions variées (pi. XXII, fig, 3, G; SUR LA LARVE DE LA FLUSTRELLA HISPIDA. 127 pi. XXIII, flg. 10, gv) se colorant fortement par féosine et pas du tout par le carmin aluné ; 3° Des sphérules très réfringentes à l'état vivant, généralement plus petites que les sphères vitellines, réunies en petites aggloméra- tions mûriformes et qui, ne se colorant ni par le carmin ni par l'éosine, restent à peu près incolores sur les coupes (pi. XXII, tig. 3 ; pi. XXIII, fig. 10, gr). COMPARAISON DE LA LARVE DE LA <( FLUSTRELLA UISPIDA » AVEC QUELQUES AUTRES LARVES DE BRYOZOAIRES ECTOPROCTES. Il existe, entre la larve que nous venons de décrire et celles des genres Bugula, Lepralia et Alcyonidium, une grande différence d'as- pect ; mais, chez toutes, on retrouve le même plan d'organisation, et, non seulement les organes de ces larves sont homologues, mais encore nous n'avons aucune raison pour ne pas admettre qu'ils rem- plissent les mêmes fonctions. Chez la larve de Bugula, l'organe piriforme et le sac interne pré- sentent avec les organes correspondants de la Fhist?%ella la plus grande analogie de structure ; quant à la couronne, il n'est guère possible, étant donnée l'insuffisance des renseignements que nous possédons sur cet organe chez la Bugula, de comparer ^sa structure avec celle que nous avons appris à connaître chez notre larve. On peut en dire autant de la calotte ou retractiles Scheibenorgan. La présence de cils rigides sur le pourtour de la calotte (voir les figures de M. Barrois, 5) ne nous permet pas de douter du rôle sen- soriel de cet organe chez la larve de Bugula, mais n'y a-t-il pas, dans la calotte de cette larve, autre chose que dans l'organe homo- logue de la larve de Flustrella? C'est ce qu'on ne peut affirmer, vu le manque de précision des auteurs qui ont étudié cet organe chez la Bugula. Quelle signification faut-il attribuer à cette dépression cen- trale signalée au milieu du disque de la calotte, dépression à la- quelle, d'après Vigelius (16), correspond un manque d'éléments cel- 428 HENRI PROUIIO. lulaires (voir pi. XXVI, lig. 14, Vigel) et qui ne supporte pas de cils? Il me paraît qu'il y a là un point à éclaircir. L'intérêt de cette ques- tion n'est d'ailleurs pas limité h une simple curiosité histologique ; il serait utile de mieux connaître la calotte des larves de Bugula pour pouvoir dire quel rôle cet organe joue pendant la métamor- phose et quelle part il prend à la formation du polypide. Ce que nous venons de dire de la larve de Bugula s'applique éga- lement à celle de Lepralia. La larve de VAlcyonidium mytili a été l'objet de recherches histo- logiques de la part de M. Harmer (17), depuis que M. Barrois, par de nombreux et beaux dessins, en a fait connaître l'organisation externe. Son sac interne n'a rien qui le distingue et son organe piri- forme est très semblable à celui de la larve de Flustella, à la forme et aux dimensions près. La couronne a une structure identique à celle que nous avons décrite (p. 415) ; j'ai constaté par moi-même qu'elle est formée de cellules discoïdes dans lesquelles on retrouve le triangle protoplasmique d'où paraissent émaner les cils vibra- tiles. M. Harmer a décrit, chez la larve VAlcyonidium, une formation fibrillaire qui unit l'organe piriforme à la périphérie de la calotte et donne, sur les côtés, des branches que l'on peut suivre jusqu'à la couronne ciliée ; l'auteur émet l'opinion que cette formation est de nature nerveuse. J'ai observé, chez la larve de VAlcyonidium mytili, les fibres dont parle M. Harmer, et je suis entièrement d'accord avec lui pour les considérer comme nerveuses, mais je ne puis adopter sa manière de voir relativement aux cellules ganglionnaires. « Le cerveau sup- posé de l'embryon VAlcyonidium, dit l'auteur anglais, consiste en une masse de fibres nerveuses entourée en partie de cellules gan- glionnaires qui sont, sur la figure (4), les masses de protoplasma nucléé qu'on voit sur les côtés de la masse fibreuse (17).» Les cel- lules auxquelles M. Harmer fait allusion n'ont, selon moi, aucun rapport avec les fibres nerveuses, et me paraissent devoir être con- SUR LA LARVE DE LA FLUSTKELLA HISPIDA. 429 sidérées comme appartenant au mésoderme de la larve. D'autre part, dans les préparations que j'ai obtenues de la larve d'Alcyoni- dium, je retrouve, sur le trajet des tractus fibrillaires réunissant l'organe piriforme à la calotte, des éléments cellulaires présentant un aspect identique à celui des cellules ganglionnaires de la larve de Flustrella, c'est-à-dire caractérisés par un gros noyau sphérique muni d'un gros nucléole central. Ces cellules sont peu nombreuses (comme chez la Flustrella) ; elles représentent, à mon avis, les véri- tables cellules ganglionnaires de la larve d'Alcyonidium, et j'estime que leur découverte, chez deux larves différentes, à la même place, avec les mêmes caractères, constitue une bonne preuve en faveur de la nature que je leur attribue. Il n'en est pas moins vrai que le mérite d'avoir, le premier, attiré l'attention sur le système nerveux des larves d'Ectoproctes revient en entier à M. Harmer. Parlant de la fonction de l'organe piriforme, l'auteur anglais pense que « la connexion intime de cet organe avec le système ner- veux central, jointe à la ciliation complète de l'organe, plaide en faveur, de l'idée que la partie en question est plutôt nerveuse que glandulaire » (17). A cela, je ferai remarquer que, chez la larve d'Alcyonidium, comme chez celle de Flustrella, il y a lieu de dis- tinguer dans l'organe piriforme deux parties bien distinctes, à sa- voir : la partie glandulaire proprement dite qui se compose (d'après mes préparations) de cellules identiques à celles que nous avons décrites chez la Flustrella (p. 417), et la fente ciliée, ou, pour mieux préciser, les cellules qui la bordent. Ce sont ces dernières seules, qui, tout comme chez la Flustrella, sont en rapport avec les fibres nerveuses. Chez la larve dWlcyonidium, comme chez celles de Bugula et de Lepralia, la structure de la calotte reste inexpliquée, et je crois qu'il serait téméraire, pour le moment, de dire que la totalité de cet organe représente l'organe aboral de la Flustrella. Cette réserve faite, nous devons constater que la forme larvaire de Y Alcyonidium mytili, chez laquelle, d'ailleurs, on a signalé un appareil digestif 430 HENRI l'HOUUO. transitoire (17), est plus voisine île la larve de la Fluslrella hispida que ne le sonl les larves des genres Bugula et Lepralia. Toutefois, il existe entre les Tonnes larvaires des genres Fluslrella et Alcyonidium des différences de conformation extérieure sur lesquelles il sciait superflu d'insister ici, car elles ont été très bien mises en lumière par M. Barrois(5). De toutes les larves de Bryozoaires connus jusqu'à ce jour, c'est la larve de ÏEucratea cftelata (voir les ligures et la description de cette larve donnée par M. Barrois) qui se rapproche le plus du type larvaire que nous étudions (type spécial jusqu'ici aux genres Flus- lrella et Pherusa) ; il ne lui manque que la coquille bivalve. De nou- velles recherches sont nécessaires pour savoir si la structure interne de la larve ftEucratea est aussi semblable à celle de la larve de Fluslrella que son organisation externe le fait supposer ; mais, à ne considérer que la conformation générale de ces deux larves, la res- semblance entre elles est frappante. M. Barrois voit dans la larve à'Eucratea une forme de passage à la larve de Fluslrella, et, dans celle-ci, qu'il qualifie même de Cyphonaules, un passage au Cypho- naules compressus de la Membranipora pilosa. Et, en effet, dans cet ordre, ces trois types sont bien à leur place pour un exposé des diverses formes larvaires des Bryozoaires. Mais doit-on dire que la larve de la Fluslrella hispida est un Cyphonaules, comme on dit, par exemple, que la larve d'un Oursin est un Pluleus? Je ne le pense pas, car le Cyphonaules se distingue des autres types larvaires par des caractères qui lui sont propres et que la larve de Fluslrella ne possède pas. La forme larvaire Cyphonaules a été étudiée par de nombreux observateurs ; néanmoins, en présence des descriptions qui en ont été données et après avoir comparé entre elles les figures qui en ont été publiées, notamment par MM. Schneider (7), Barrois (5) et Hatschek (8), j'ai cru utile d'ajouter à ce mémoire un nouveau dessin et une description succincte de cette larve ; j'ai choisi pour cela, de préférence, un jeune Cyphonaules chez lequel l'organisation est SUR LA LARVE DE LA FLUSTRELLA H1SPIDA. 431 beaucoup plus facile à observer que chez ceux qui ont atteint l'état adulte. Le Cyphonautes compressas présente la forme d'un cône très aplati ; on y distingue une région aborale (correspondant à la surface laté- rale du cône), recouverte par deux valves chitineuses, et une région orale, qui, au lieu d'être à peu près plane, comme chez la larve de Flustrella, offre une dépression très profonde. L'organe aboral est situé au sommet (pi. XXIV, fig. 23, a), et l'or- gane piriforme est placé à l'une des extrémités (extrémité anté- rieure) de la base du cône (fig. 23, g). Ces deux organes offrent une structure identique à celle des organes correspondants chez la larve de Flustrella. Ils sont reliés l'un à l'autre par un tractus (fig. 23, mn) composé de fibres musculaires, et aussi, la chose n'est point dou- teuse pour moi, de fibres nerveuses. Je n'ai pas étudié le Cyphonautes par les mêmes procédés que la larve de Flustrella, et je m'en suis tenu à l'examen par transpa- rence auquel cet organisme se prête, d'ailleurs, merveilleusement ; aussi n'est-ce que par analogie que je lui attribue un système ner- veux. Toutefois, lorsque, après avoir observé un tractus musculo- nerveux chez la larve de Flustrella, on retrouve, chez le Cypho- nautes, un tractus présentant les mêmes connexions, je ne crois pas qu'on puisse refuser à ce dernier les caractères du premier. Quand on observe le Cyphonautes par sa face orale, on aperçoit, à l'avant, l'organe piriforme, et, derrière lui, la grande dépression orale qui a été nommée vestibule (fig. 3 du texte). La coupe optique représentée (fig. 23) montre quelle est son importance relativement au volume delà larve. Dans l'examen de face, on distingue très bien la couronne ciliée, et l'on remarque que ce n'est point une bande continue comme chez la Flustrella. En effet, la couronne du Cypho- nautes, c'est là un des traits caractéristiques de cette forme larvaire, est formée de deux bandes séparées, dont l'une entoure l'organe piriforme (fig. 3 du texte, ca), tandis que l'autre (cp) circonscrit le bord postérieur des valves et pénètre dans le vestibule où elle forme 432 HENRI PROUIIO. un arceau {cp') qui délimite, dans cette cavité, deux chambres com- muniquant largement entre elles: l'une antérieure (h, pi. XXIV, fig. 23), l'autre postérieure (/r). Le Cyphonautes possède un véritable tube digestif fonctionnant pendant toute la vie libre de la larve, et dans lequel on distingue un pharynx, un œsophage, un estomac et un rectum. Le pharynx est la partie la plus profonde de la chambre antérieure du vestibule (fig. 23, ph); il est revêtu de cils vibratiles et ses parois sont munies de fibres musculaires circulaires (mo). A l'état de repos an . S A* Fig. 3. — Cyphonautes compressus (larve de Membranipora pilosa) vu par sa face orale: pir, or- gane piriforme ; f, fente ciliée ; p, plumet vibratile ; s, sac interne ; an, anus : ca, partie antp- rieure de la couronne (bande préorale) ; cp, cp', les deux ares qui forment la partie postérieure de la couronne (bande périanale) ; voir l'arceau cp' sur la ligure 23, pi. XXIV. des muscles circulaires, il est malaisé de délimiter le pharynx du reste de la chambre antérieure; mais, à certains moments, ces mus- cles se contractent vivement; les deux points marqués y sur la coupe optique se rapprochent l'un de l'autre, et la cavité pharyn- gienne apparaît alors bien distincte au fond du vestibule. Au pharynx fait suite l'œsophage (œ)f dont l'orifice (o), situé au- dessous et tout près de l'organe aboral, est ordinairement fermé et ne s'ouvre que pour donner passage aux particules alimentaires. L'œsophage, très court, conduit dans un estomac (es) dont les parois sont en partie chargées de granulations jaunâtres et auquel succède un intestin rectal [r) qui débouche en (a) dans la chambre posté- rieure ou anale. Immédiatement en avant du rectum, on aperçoit, chez le jeune SUR LA LARVE DE LA FLUSTRELLA H1SFIDA. 433 Cyphonautes que j'ai représenté, un organe (s) destine à acquérir, chez la larve adulte, une dimension bien plus considérable et que Schneider (7) avait appelé V'organe énigmatique. M. Ostroumoff (13) a montré que cet organe n'était rien autre chose que le sac interne. Nous voyons que son orifice est situé dans la chambre anale du vestibule (fig. 23), en avant de l'anus. Il nous reste, enfin, à signaler des muscles latéraux (m) et un muscle transversal, adducteur des valves (ma), placé contre la paroi du sac interne. Le muscle adducteur des valves a été parfaitement indiqué par Schneider (7). Telle est, très résumée, l'organisation du Cyphonautes de la Mem- branipora pilosa de Banyuls-sur-Mer. Nous voyons que si cette forme larvaire présente de nombreux points de ressemblance avec la larve de la F lustre lia hispida, savoir : grand développement de la région aborale, coquille bivalve, identité de structure et de relation entre l'organe piriforme et l'organe aboral des deux larves, présence d'un muscle adducteur semblablement placé à l'avant du sac interne, elle en diffère par des caractères importants qui sont : 1° la présence d'un tube digestif permanent; 2° la division de la couronne en deux bandes ciliées distinctes : l'une antérieure préorale, l'autre posté- rieure périanale; 3° la formation d'une profonde cavité ou vestibule résultant de l'enfoncement de la plus grande partie de la face orale. Que ces caractères soient adaptatifs, c'est très probable ; mais il n'en est pas moins vrai que, parmi les larves de Bryozoaires ecto- proctes marins, ils sont propres au type Cyphonautes. DU ROLE DES ORGANES DE LA LARVE. Nous verrons, dans le chapitre suivant relatif à la métamorphose, que le sac interne est le seul des quatre organes de la larve qui con- tribue directement à former une partie de la zoécie primaire. Les trois autres: couronne, organe piriforme et organe aboral, ne survivent pas à la larve, ils se désorganisent quand celle-ci a terminé sa vie ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 2e SÉftIE. — T. VIII. 1890. 28 i.V, HENRI PROUHO. libre. C'est donc pour remplir certaines fonctions utiles à la vie lar- vaire qu'ils se sont différenciés, et nous devons, dès à présent, nous demander quelles sont ces fonctions. La couronne est l'organe locomoteur de la larve; il ne saurait y avoir doute a cet égard. Ce qui est tout aussi certain, c'est que Vorgane aboral est un organe sensoriel qui, d'après ses connexions, transmet les sensations à la couronne et à Vorgane piriforme. Dans ce dernier organe, on doit, comme l'a déjà indiqué M. Barrois pour d'autres larves, distinguer deux parties qui sont : l'organe glandu- laire et la fente ciliée avec son plumet terminal. Les auteurs sont généralement d'accord sur la nature glandulaire de la masse prin- cipale de l'organe piriforme, mais on ignore quelle est son utilité. Yigclius(16), dans son étude de la Bugula, dit : « d'après son carac- tère histologique, je pense que tout l'organe doit être considéré comme une glande qui, plus tard, est peut-être employée pour la formation du squelette cutané ». Cette opinion est plus que hasar- dée ; l'étude de la métamorphose nous oblige à la rejeter absolu- ment. Plus on réfléchit et plus on est embarrassé pour définir la ou les fonctions de l'organe piriforme. L'organe aboral permet à la larve d'apprécier certaines conditions extérieures que nous ne pou- vons préciser; ces sensations sont transmises à l'organe piriforme. Mais en quel acte cet organe transforme-t-il ces sensations? Est-ce une sécrétion de la part de la masse glandulaire ? Est-ce un acte locomoteur, peut-être directeur de la part du plumet et de la gout- tière? Enfin, lorsque vient le moment de la lixation, cet organe n'est-il pas chargé d'apprécier les conditions de la fixation et de choisir le support de la future colonie? Toutes ces hypothèses sont permises; aucune affirmation n'est possible. Il MÉTAMORPHOSE. Après avoir vécu quelque temps à l'état de liberté, la larve de la Flustrella hUpida se lixc pour ^e métamorphoser eu une zoécie SUR LA LARVE DE LA FLUSTRELLA I1ISPIDA. 435 primaire qui deviendra le point de départ d'une nouvelle colonie. Ne pouvant pas figurer la série complète des cinquante-sept coupes qui m'a servi à étudier l'organisation de la larve au moment où elle vient de se fixer, j'ai représenté l'une d'elles (pi. XX1I1, fig. 13) qui passe par l'organe aboral, et j'ai reconstitué, à l'aide de ces cin- quante-sept coupes, une coupe longitudinale (pi. XXIII, fig. 16) qui, avec la figure 13, permet de comprendre les modifications que subit l'organisme larvaire dans ce prélude de la métamorphose. La lixation a lieu par la face orale, comme l'ont remarqué les observateurs qui ont assisté à ce phénomène, et, ici comme chez toutes les larves pourvues de sac interne, elle se fait par l'intermé- diaire de cet organe évaginé. Par suite de son évagination, la paroi (s) du sac devient exté- rieure, et, en même temps, la face orale, obéissant à l'appel des mus- cles latéraux (mit, fig. 1 du texte), se rétracte en entraînant la cou- ronne, qui se replie en dedans. La paroi du sac interne s'étale entre les bords libres des valves qui s'écartent par suite du relâchement du muscle adducteur, et ne tarde pas à former une large plaque adhésive (sb, fig. 13, 16) occupant la place de ce qui était la face orale. Il est probable que la substance granuleuse (d, fig. 1), dont on ne retrouve plus trace après la fixation, sert à assurer l'adhérence du sac évaginé par son interposition entre la paroi de celui-ci et le support. Si l'on veut bien se figurer la dévagination progressive du sac interne par son orifice (os, fig. 1), on comprendra comment les bords a (fig. 1) sontvenus en a (fig. 13), après sa dévagination com- plète et son aplatissement sur le support, et comment il se fornu' au-dessus de la plaque adhésive, un pédoncule d'évagination (fig. 13, 16, p) dans lequel viennent se loger une grande partie des élé- ments de la cavité de la larve. Les bords (a) de la plaque adhésive se soudent, sur tout le pourtour, avecl'ectoderme aboral (fig. 13, !6), et le résultat de cette soudure est la transformation de la larve en un sac clos, recouvert par les deux valves, limité en dessus par l'ec- toderme aboral et fermé en dessous par la plaque adhésive. il HENRI l'UOUHO. Pendanl que La larve se fixe ainsi, les téguments oraux se rétrac- tent el passent en entier dans l'intérieur de la larve transformée en sac dos. Us forment alors la paroi d'une cavité annulaire (fig. 13, 16, z) qui entoure le pédoncule d'évagination, et l'on voit, dans cette cavité, tous les cils vibratiles de la face orale, ainsi que les longs pinceaux des cellules coronales. La couronne, en effet, a suivi, comme nous l'avons dit, les téguments oraux dans leur mouvement di h solution, mouvement qui a été facilité et terminé par la con- traction du muscle circulaire (me) agissant à la manière des cor- dons d'une bourse. L'organe piriforme se rétracte en même temps que la face orale et vient se placer en dessous et tout près de la ligne cardinale (pi. XXIII, fig. 16, g)\ quant à l'organe aboral, il s'enfonce au-dessous de l'ectoderme dans une petite invagination (pi. XXIII, fig. 10, 13, 16 a). La transformation en un sac clos renfermant tous les organes larvaires s'effectue donc, chez la larve de la Flustrella hispida, par un procédé très semblable à celui qui a été décrit par M. Barrois chez les larves de Dugula et Lepralia. Les auteurs qui ont observé la fixation de la larve de la Flustrella hispida ont remarqué le retrait éprouvé par le corps de la larve qui vient de se fixer. Ce retraita lieu aux deux extrémités, et il est facile à expliquer par la contraction des muscles longitudinaux, contrac- tion qui se produit au moment de la fixation, et qui, entraînant la peau de la larve, la détache des valves sur une étendue plus ou moins grande (fig. 4 du texte, et fig. 16, pi. XXIII). Etat de cystide. — Peu de temps après la fixation pendant laquelle les organes de la larve n'ont, en somme, subi que des modifications de position, sans être altérés dans leur microstructure, la larve passe à l'état de cystide. Cet état, qui suit la fixation, précède l'apparition du polypide et est caractérisé par la désorganisation des organes larvaires, qui subissent, dans l'espace de quelques heures, une histolyse complète. tminé à l'état vivant, le cystide apparaît comme un simple sac SUK LA LARVE DE LA FLUSTKELLA HISPIDA. 437 recouvert par les deux valves et renfermant, dans son inférieur, de nombreux globules. Vers le milieu de sa paroi libre, c'est-à-dire à l'endroit où a disparu l'organe aboral au moment de la fixation, on distingue une aire ellipsoïdale, claire, assez mal délimitée (fig. 4 du texte, D), et, de part et d'autre de cette aire, on voit quelques muscles rappelant les muscles pariétaux bien connus chez les zoécies de Bryozoaires et s'insérant sur la paroi libre du cystide. Ces muscles, qui sont, en réalité, les muscles pariétaux de la larve (fig. 1 du texte), deviendront les muscles pariétaux de la zoécie ; on les voit se contracter de temps en temps, le cystide se déforme momentanément sous leur action, et les globules qu'ils renfer- ment se déplacent alors, dans son inté- rieur, d'un mouvement lent. Histologie du cystide. — Étudions, main- tenant, le cystide par la méthode des coupes, afin de voir quelles sont les trans- formations subies par les différents tissus larvaires, après que la larve s'est fixée comme il a été expliqué plus haut. Abandonnant les dénominations de face orale et face aborale, qui sont propres à la larve libre, nous appellerons paroi basede la face par laquelle le cystide adhère au support, c'est-à-dire celle qui est formée par le sac interne étalé (cette dénomination a été employée par M. Ostroumoff, 14), et paroi frontale sa paroi libre, c'est-à-dire celle qui est formée par la peau aborale de la larve. Les cellules ectodermiques qui constituent les parois du cystide sécrètent une épaisse cuticule (fig. 15, pi. XXIII, ec), qui formera le revêtement chitineux de la loge ou ectocyste (des auteurs). Les valves ne font pas partie de cet ectocyste; elles lui sont simplement super- Fig. 4. — Larve de Flustrella hispida passée, après sa fixa- tion, à l'état de cystide. Ar, ar- rière de la larve; Au, avant; », valves ; D, disque mesu- ectodermique ; mp, muscles pa- riétaux. .4.18 HENRI PBOUHO. posées; elles on1 été sécrétées pendant le développement de l'embryon et appartiennent à la larve, tandis que l'cctocyste définitif est sécrété pendant la métamorphose et appartient réellement au cystide. L'épaississement aboral de l'ectoderme, que nous avons observé chez la larve libre (pi. XXII, flg. 1, 3, le), et au-dessous duquel l'or- gane aboral s'est invaginé pendant la fixation (pi. XXIII, iig. 10, 13 le), l'orme, dans le cystide, une plaque épaissie (flg. 15, le), qui résulte de la soudure des deux parties symétriques de l'épaississement aboral (fig. 10, le) et s'étend maintenant dans la région moyenne de la paroi frontale. La lame mésodermique aborale de la larve libre (fig. 3, pi. XXII, Im) a été refoulée par l'organe aboral, lors de l'invagination de ce dernier (pi. XXIII, fig. 10, Im), et, chez le cystide, elle forme une deuxième plaque épaissie (fig. 15, Im), exactement située au-dessous de l'épaississement ectodermique (le). L'ensemble de ces deux plaques (fig. 15, le, Im) constitue une sorte de disque à deux feuillets, l'un ectodermique (le), l'autre mésoder- mique (lin), disque allongé dans le sens du grand axe de la larve et situé dans la partie moyenne la plus culminante de la paroi frontale. C'est ce disque qui, chez un cystide vivant, ^e présente sous l'aspect d'une aire ellipsoïdale mal délimitée au milieu de la paroi frontale (p. 437) ; nous l'appellerons disque méso-ectodermique. Mais, puisque, pendant la fixation, l'organe aboral s'est invaginé au-dessous de l'épaississement ectodermique aboral en refoulant le mésoderme, nous devrions retrouver cet organe entre les deux lames du disque méso-ectodermique. Or, en étudiant la série complète des coupes à laquelle appartient celle qui est figurée (pi. XXIII, fig. 15), on n'en retrouve pas trace. Qu'est devenu l'organe aboral ? Il fallait, pour le savoir, observer un stade intermédiaire entre ceux des figures 13 et 15, et ce n'est pas sans difficulté que j'ai pu me pro- curer ce stade, qui est de très courte durée. Cependant, j'ai été assez heureux pour pouvoir mettre en coupes deux larves chez lesquelles l'organe aboral était encore entre les deux feuillets du disque en for- SUR LA LARVE DE LA FLUSTRELLA HISPIDA. 439 mation, et j'ai constaté qu'il était déjà entré en dégénérescence, à ce stade qui suit de très près la fixation de la larve (pi. XXIII, fig. 18) '. L'organe aboral dégénère donc peu de temps après son invagina- tion et disparaît complètement, soit que les produits de son histo- lyse servent à alimenter la prolifération des feuillets du disque méso-ectodermique, soit que ces produits se mêlent aux débris des autres organes larvaires. Ceux-ci, en effet, subissent une histolyse complète, sur laquelle j'insisterai plus loin, et leurs éléments histo- logiques, dissociés et transformés, sont, chez le cyslide, renfermés dans un sac mésodermique, dont nous allons maintenant expliquer la provenance. Le sac interne, en s'évaginant, entraîne avec lui la membrane mésodermique qui le recouvre chez la larve libre (pi. XXII, fig. I , ms) ; cette membrane s'étale sur la plaque adhésive de la larve fixée (pi. XXIII, fig. 13, 16, ?ns), puis, lorsque l'histolyse commence, elle se soude avec la membrane mésodermique aborale (fig. 13, 16, m) et, de la sorte, se constitue, chez le cystide (fig. 15, sm), une membrane continue, qui enveloppe, en même temps que les éléments de la cavité générale de la larve, les débris des organes et tissus larvaires qui se sont rétractés pendant la fixation. En résumé, la larve, parvenue à ce stade de sa métamorphose, se compose d'un sac clos formé par une paroi ectodermique qui pro- duit, vers l'extérieur, l'ectocyste définitif de la jeune loge, et d'un deuxième sac, mésodermique, enveloppé par le premier et renfer- mant tous les produits de l'histolyse avec les éléments que nous avons observés dans la cavité de la larve libre. Dans la partie moyenne de la face frontale, on remarque un double épaississement ou disque à deux feuillets, l'un ectodermique, l'autre mésodermique, et, de part et d'autre de ce disque, quelques muscles pariétaux, 1 Cette observation, faite après la publication de ma note préliminaire du 15 mai 1889, annule la phrase de cette note dans laquelle je disais alors: « II n'est pas possible de décider si la calotte a participé à la dégénérescence des autres organes. » 140 IIENIU PHOUIIO. les seuls qui échappent à l'histolyse, s'attachent à la paroi fron- tale. Quelques détails sur l'histolyse des organes larvaires. — On ne trouve aucun renseignement sur ce sujet dans les travaux des auteurs qui se sont occupés du développement des Bryozoaires ectoproctes. Il y est question de dégénérescence donnant lieu à la production de glo- bules opaques, de cellules se résolvant en globules d'albumine, de masse brune, et là se bornent les explications fournies par les divers observateurs. L'étude de la métamorphose de la larve de Fluslrella nous permet de préciser davantage. En examinant les coupes pratiquées dans un cystide, on retrouve, dans le sac mésodermique, les globules vitellins, les granules inco- lores et les cellules embryonnaires de la larve; mais on remarque aussi un grand nombre d'éléments nouvellement apparus, qui fai- saient absolument défaut avant le commencement de la métamor- phose etTqui ont tous un air de famille bien caractérisé. Ce sont des sphères de diverses grosseurs, renfermant généralement un ou deux et quelquefois trois ou quatre gros grains de chromatine vivement colorés par le carmin (pi. XXIII, fig. 9, 14, 19). Ces sphères nucléées paraissent, au premier abord, irrégulièrement distribuées ; mais, en y regardant de plus près, on voit qu'elles abondent surtout dans les endroits primitivement occupés par les organes larvaires, et, par l'examen des débris de ces organes, on arrive à suivre la formation de ces sphères nucléées et à acquérir la preuve qu'elles sont les pro- duits immédiats de l'histolyse. Histolysede la couronne. — Les cils vibratiles des cellules coronales ainsi que tous ceux qui sont passés dans l'intérieur de la larve au moment de sa fixation se détruisent en se fragmentant en petits bâtonnets qui m'ont paru être englobés par le protoplasma des cel- lules embryonnaires. Après la disparition de leurs cils, les cellules dejla couronne se désagrègent, leur paroi disparaît et il ne reste plus de chaque cellule que le triangle protoplasmique dont il a été parlé plus haut (p. 415) auquel est accolé un gros grain de chroma- SUR LA LARVE DE LA FLUSTRELLA 1IISP1DA. 441 tine entouré d'une zone claire plus ou moins apparente. Ce grain de chromatine provient du noyau primitif de la cellule (fig. 11) par une modification qui me paraît être la suivante : le nucléole grossit en englobant toute la chromatine du noyau en même temps que la substance nucléaire diminue, et de la sorte, le noyau de la cellule coronale se trouve bientôt réduit à un nucléole énorme entouré d'une zone de substance nucléaire très mince et dont les limites, toujours peu accusées (fig. 12, pi. XXIII), sont parfois invisibles. Le noyau primitif de la cellule coronale est plongé dans un protoplasma granuleux peu coloré (pi. XXIII, fig 11), ce protoplasma reste attaché au triangle, après la désagrégation des cellules, et contient le noyau transformé (pi. XXIII, fig. 9, a'). Bientôt, la substance du triangle, facile à distinguer parce qu'elle conserve la propriété de se colorer vivement par l'éosine, perd ses contours anguleux et diminue pendant que l'aire protoplasmique, peu colorée, augmente (fig. 9, a", a', a'"\ a'"). En un mot, le protoplasma qui renferme le noyau transformé semble absorber peu à peu le triangle de la cellule coronale, et de la fusion complète des deux substances, résulte une sphère nucléée (fig. 9, a5). Supposons, ce qui arrive fréquemment, que la désagrégation des cellules coronales ne soit pas complète (pi. XXIII, fig. 12) et que deux, trois ou quatre triangles restent attachés les uns aux autres ; dans ce cas, chaque noyau évoluant comme il vient d'être dit, il se produit une grosse sphère pourvue d'autant de corps nucléaires qu'il y avait de trian- gles protoplasmiques non désagrégés. Histolyse de l'organe piriforme. — Le phénomène est ici des plus simples; il se réduit à une désagrégation des cellules glandulaires qui deviennent libres et prennent la forme sphérique. Le résultat final est encore une sphère nucléée (pi. XXIII, fig. 19) dont le noyau reste identique à ce qu'il était dans la cellule glandulaire, c'est-à- dire formé d'un gros grain de chromatine. Je n'ai pas suivi les transformations des cellules de la fente ciliée et du plumet; il est probable qu'elles produisent des sphères nucléées ii2 HENRI PKOUHO. analogues à celles qui proviennent de la couronne, mais de plus petite taille. ffistolyse des muscles. — Tous les muscles larvaires, excepté les muselés pariétaux, disparaissent pendant la métamorphose et sont remplacés, eux aussi, par des sphères nucléées à un ou plusieurs noyaux. On remarque çà et là, dans le cystide, de petits fragments de fibres musculaires, tordus, recroquevillés, réunis en petits pelo- tons; parfois ces petits pelotons sont englobés dans un protoplasma granuleux (fig. ]A, è1) qui se montre souvent pourvu d'un noyau identique à celui qui se produit dans l'histolyse de la couronne (fig. 14, b-). Ces débris de muscles sont absorbés peu à peu par le plasma qui les environne et il se produit finalement une sphère nucléée dans laquelle la substance musculaire a complètement dis- paru. Il est à remarquer que, pendant tout le temps que dure l'his- tolyse, la substance musculaire conserve son aspect homogène habi- tuel, sa réfringence et son avidité pour l'éosine; aussi peut-on la reconnaître dans les sphères aux divers états de leur évolution (pi. XXIII, fig. 14, bz, //, bs, t). Je ne saurais dire d'où proviennent le noyau de chromatine et le plasma qui absorbe la substance muscu- laire. Les quelques détails que je viens de donner sont nécessairement incomplets, car ils ne sont pas le résultat de recherches spécialement dirigées dans le but d'analyser l'hisiolyse des larves de Bryozoaires. De telles recherches ne seraient pas sans intérêt et nous appren- draient peut-être quelle est la part qui, dans ce phénomène, revient à la phagocytose. Nous avons vu que la cavité de la larve renferme, avant la métamorphose, des cellules embryonnaires à protoplasma ramifié, sans membrane d'enveloppe, et l'on est en droit de se demander si ces cellules ne joueraient pas le rôle de vrais phagocytes chargés de détruire les organes larvaires devenus inutiles, pour les transformer en matières assimilables par un procédé analogue à celui que M. Kowalesky a décrit chez les larves de Mouche (20). A la vérité, je n'ai jamais pu voir une de ces cellules ou supposés pha- SUR LA LARVE DE LA FLUSTRELLA HISPIDA. 443 gocytes affectant, avec les éléments des tissus larvaires qui subissent l'histolyse, les rapports que M. Kowalesky signale dans son remar- quable travail, et, en ce qui concerne les cellules de la couronne, je puis affirmer que la cellule embryonnaire libre n'est pour rien dans sa transformation en sphère nucléée; mais pour les muscles la ques- tion reste entière. En résumé et quelles que soient les lacunes existant dans l'analyse du phénomène, l'histolyse des organes larvaires a pour résultat final la production et la mise en liberté, dans le cystide, d'un grand nombre de sphères nucléées ou histolytes qui offrent le caractère commun de renfermer un ou plusieurs corps nucléaires très forte- ment colorés par les réactifs et paraissant formés d'un gros grain homogène de chromatine. Origine et développement du polypide. — Le stade de cystide tel qu'il vient d'être décrit est de courte durée, et d'importantes modi- fications ne tardent pas à survenir dans le disque méso-ectodermique. Les cellules du feuillet externe ou ectodermique de ce disque proli- fèrent symétriquement par rapport au plan sagittal et il en résulte bientôt un plissement de ce feuillet au-dessous de la cuticule ou ectocyste déjà formé. Ce plissement produit, en réalité, une invagi- nation de l'ectoderme, allongée suivant le plan de symétrie, à la- quelle l'ectocyste ne prend pas part; invagination qui, à aucun moment, ne présente d'orifice externe (pi. XXIV, fig. 20; pi. XXIII, fig. 47) et ne doit pas être confondue avec celle dans laquelle a disparu l'organe aboral pendant la fixation de la larve (pi. XXIII, fig. 10). Pendant que le feuillet ectodermique du disque s'invagine ainsi au-dessous de l'ectocyste, son feuillet interne ou mésodermique (fig. 15, 1m) est refoulé et participe au mouvement d'invagination du feuillet externe qu'il enveloppe (pi. XXIII, fig. 17; pi. XXIV, fig. 20, hn). Ainsi se constitue dans le cystide de la Flustrella, au-dessous de la l'ace frontale, une vésicule ovoïde dont les parois sont formées de I ; ; HENIU PROUHO. deux couches cellulaires, l'une interne ectodermique, l'autre externe mésodermique, vésicule qui va continuer à évoluer pour former le polypide de la zoécie primaire. Depuis longtemps, le polypide a été observé sous cette forme de vésicule à double paroi, soit dans un cystide provenant de la fixation de la larve, soit dans un bourgeon, soit, enfin, dans une vieille loge, qui renouvelle ses organes digestifs; mais les auteurs sont loin d'être d'accord sur l'origine des deux couches qui, dans ces divers cas, constituent le rudiment; nous n'avons à nous occuper ici que de l'origine du polypide dans le cystide issu de la larve et nous allons voir en quoi les résultats de ces recherches sur la Flustrella diffèrent des conclusions énoncées parles observateurs qui ont étudié d'autres espèces. (a) Couche interne du rudiment. — Dans son étude du développe- ment de la Lepralia unicomis (10), M. Barrois n'est pas bien fixé sur l'origine d'un épaississement qu'il voit, à un certain moment, oc- cuper la face supérieure de la calotte (p. 44); or, c'est précisément cet épaississement qui forme l'assise interne du rudiment du poly- pide ; il en résulte une incertitude regrettable relativement à la pro- venance de cette assise. Cependant M. Barrois la considère comme formée par une invagination de la calotte. Les renseignements que nous fournit le même observateur dans son étude de la métamorphose des larves de Bugula (12), ne sont pas plus précis, et, ici, comme chez la Lepralia, c'est encore une invagination de la calotte qui, selon lui, forme l'assise interne du polypide. M. Ostroumoff (14) arrive à la même conclusion; pour lui, le ru- diment ectodermique du tube digestif est constitué par les cellules de la calotte qui s'est invaginée (p. 333]. Nous ne pouvons pas accepter cette conclusion dans le cas de la Flustrella. L'organe aboral de la larve de Flustrella a été considéré par M. Barrois (5) comme représentant la calotte des autres larves de SUK LA LARVB I>E LA FLUSTRELLA HISPIDA. 445 Bryozoaires, et Balfour(19) a adopté cette opinion. J'ai fait quelques réserves à cet égard (p. 429), mais je n'hésite pas à affirmer que l'or- gane aboral de la larve de Flustrella représente au moins une partie delà calotte des larves de chéilostomes; il est donc nécessaire d'in- sister sur la destinée de cet organe chez notre larve. L'organe aboral de la Flustrella s'invagine, nous l'avons vu, au début de la métamorphose, pendant la période de fixation, et subit une histolyse complète pendant que le disque méso-ectodermique se constitue. C'est un organe dont le rôle se termine avec la vie lar- vaire; l'assise ectodermique du rudiment se constitue indépendam- ment de lui, elle provient directement du feuillet ectodermique du disque (voir plus haut), qui lui-même n'est qu'une modification d'une partie de l'ectoderme aboral de la larve n'appartenant pas à l'organe aboral. Est-ce à dire que chez les larves étudiées par MM. Barrois et Ostroumoff la couche interne ectodermique du rudiment de poly- pide ne soit pas formée par une invagination de la calotte? Je me garde de tirer cette* conclusion; mais ce que j'ai observé dans la métamorphose de la larve de Flustrella me porte à croire que de nouvelles recherches sur les larves de Lepralia et de Bugula seraient intéressantes; l'origine de la couche ectodermique du polypide de ces deux genres ne paraît pas suffisamment établie, et il serait né- cessaire, pour pouvoir discuter cette question, d'avoir une connais- sance plus précise de la structure de la calotte de leurs larves. On sait d'ailleurs que les larves de Cyclostomes n'ont point de calotte et que, chez elles, d'après M. Ostroumoff (15), la couche ecto- dermique du polypide est formée par une assise de cellules ectoder- miques qui se détache de l'ectoderme, soit après la fixation {Crisia), soit même pendant la vie libre de la larve (Phalangella). En ce qui concerne le Cyphonautes, M. Ostroumoff dit : « La ca- lotte (Knopf, Schneider), qui n'est que le simple changement de l'ectoderme, s'enfonce pour donner naissance à la partie la plus essentielle du polypide (13). » Il y a désaccord complet entre cette 4.tf, HENRI IMiuUHO. conclusion de l'observateur russe cl celle à laquelle m'a conduit l'étude de la Flustrella, et, ici, les deux conclusions peuvent être opposées l'une ô l'autre3 car il ne saurait y avoir le moindre doute sur la parfaite correspondance des organes aborau* des deux larves. Mes recherches sur la Flustrella m'autorisent à douter de l'assertion de M. OstroumoiF relativement au Cyphonaules, et je crois que lors- .[ii ou sera parvenu à obtenir des préparations satisfaisantes de cette larve aux premiers stades de sa métamorphose, on observera, comme chea la larve de Flustrella, l'hislolyse de l'organe aboral. {!>) Couche externe du rudiment. — En étudiant la métamorphose des larves de Lepralia, M. Barrois (10) a observé deux petits lobes placés sur la face orale, de part et d'autre de l'extrémité postérieure de la fente ciliée, et, selon lui, ces formations sont « destinées à fournir le feuillet externe du futur polypide ». Vigelius, dans son étude de la Bugula, a vu de tout petits corps situés dans la couche ectodermique de la larve, représentant, selon toute vraisemblance, une modification particulière de l'épiblaste et correspondant, par leur situation, à ceux dont parle M. Barrois. Mais Vigelius ne sait trop que penser de ces petits corps, et il regrette que les figures données par M. Barrois soient trop schéma- tiques. De son côté, M. Ostroumoff (14) n'a pas retrouvé les petits lobes en question, et il doute de leur existence. Pour lui, le revêtement mésodermique du rudiment ectodermique est formé par des cellules mésodermiques qui viennent se grouper autour de ce rudiment. Bien de comparable aux deux petits lobes signalés par M. Barrois chez la Lepralia n'existe chez la larve de Flustrella, dont la face orale ne contribue en rien à la formation de la couche externe du polypide. Nous avons vu plus haut que cette couche est formée par le feuillet mésodermique du disque méso-ectodermique, feuillet qui provient directement de la lame mésodermique aborale de la larve. Développement du polypide. — La vésicule à duiible paroi, dont PoL- SUR LA LARVE DE LA FLUSTRELLA HISPIDA. 447 nous venons de voir l'origine, est rattachée à l'eetoderme, et il ne saurait en être autrement d'après sou mode de formation. Peu à peu son attache ectodermique s'amincit (pi. XXIV, fig. 22) et finit par disparaître; cette disparition n'a pas lieu à la fois sur toute la lon- gueur de la vésicule, mais progressive- ment de l'avant à l'arrière de la larve. La couche interne s'isole donc de l'eeto- derme qui lui a donné naissance et alors les deux bords de la couche externe se rapprochent sur la ligne médiane fron- tale de la vésicule, pour s'unir l'un à l'autre (pi. XXIV, flg. 24). En même temps la région frontale de la couche interne s'amincit pendant que la région opposée, celle qui plonge dans la masse des histo- lytes, s'étrangle, comme l'indique une coupe transversale (pi. XXIV, fig. 24J et finit par produire, au-dessous de la vési- cule et à ses dépens, un petit eœcum Fi (fig. 25, r), qui s'ouvre dans la cavité du 'iirye ; *v> *vanL'> ?> .Yalvea ; v ° > /> 1 p0it rudiment du polypide; >nr rudiment vers l'extrémité qui correspond ïft^ ta?ïï£3ft*ttt tcurs. à l'arrière de la larve. Sur un polypide un peu plus âgé (fig. 5 du texte), on observe que l'épaisseur de la couche interne a considérablement diminué dans sa région frontale (pi. XXIV, fig. 27), tandis que les parois latérales de cette couche ont conservé leur épaisseur primitive, et il y a lieu de distinguer, dès à présent, deux cavités dans le rudiment : l'une supérieure (gaj, qui deviendra la cavité de la gaine tentaculaire; l'autre (pA), qui formera le pharynx. A la limite de ces deux cavités, on voit deux proéminences (l), qui sont le tout premier rudiment de deux tentacules. La figure 6 du texte, que j'ai établie à l'aide d'une série de dix- neuf coupes transversales à laquelle appartient la coupe représentée Stade plus ' de la ligure 4. Ar, arrière do la 4-iS HENRI l'ItOUHO. figure 27, permet de se rendre un compte exact de la structure du poly- pide parvenu ù ce stade. La couche externe mésodermique enveloppe maintenant la plus grande partie de la couche interne; elle pré- sente, vers une extrémité, un épaississement (mr) destiné à former les muscles rétracteurs du polypide, et, vers l'autre extrémité, on remarque un autre épaississement, dont nous verrons plus loin la destinée. La couche interne adhère encore à l'ectoderme par un tractus représentant le dernier Jjjipmiiiiiiniiiil.lllllllljil ~T~ vestige du pédoncule de l'invagi- nation qui a donné naissance à la vésicule. Le jeune polypide représenté sur les figures 5, 6 du texte pos- lt sède une cavité pharyngienne [ph) de polypide parvenu au stade de la ligure 5 . , . (du texte;, établie à l'aide de dix neuf coupes et un proctodœum (r) lormc par le transversales, e, ecloderme du cystide ; le, cou- ohe interne (ectodermique); im, oouohe externe cœClim, flUC 110US aVOnS VU appa- (mésodermique) ; mr, épaississement de cette * couche qui formera les muscles rétracteurs; ». Aaeenne rlp la VPJSlPlllp q, épaississement qui formera les muscles raitre ail-ClesSOUS Cle la \eslCUie, oècluseurs ; t, tentacules naissants ; ?•, proto- . ^„„f i„tA„0l .lœum; ph, cavité pharyngienne;?, amas cellu- par SUlte d Ull pincement lateiai laire aux dépens duquel se forme l'intestin moyen. des parois de cette dernière ; il lui manque la partie moyenne du tube digestif. Celle-ci se développe à l'extrémité aveugle du caecum, dans la région indiquée par un poin- tillé sur la coupe 6 du texte. Il y a là un petit amas cellulaire, coupé transversalement en im! (fig. ^6, pi. XXIV), dans lequel se perd la lumière du cœcum et qui a été détaché de l'assise interne en même temps que lui. Cet amas prolifère, en se creusant d'une cavité qui, d'abord en continuité avec celle du proctodaîum, ne tarde pas à se mettre en communication avec le pharynx par résorption de la paroi de celui-ci. Les observateurs qui ont étudié le développement du polypide, soit lorsqu'il renaît dans une loge après la formation du corps brun, soit dans un bourgeon, ne parviennent pas à s'accorder sur l'origine réelle de l'intestin moyen ; il ne leur est pas possible de fournir une bonne preuve de son origine endoblastique ; ce qui n'est pas surpre- SUR LÀ LARVE DE LA FLUSTRELLA H1SPIDA. 449 nant, puisque nous ignorons jusqu'à présent quel est le tissu qui, dans un bourgeon d'ectoprocte, représente l'endoblaste. M. Barrois a observé la formation du tube digestif, non plus dans un bourgeon, mais dans le cystide issu de la larve, et sa conclusion est la suivante : « Il n'y a rien de semblable à un rudiment séparé, destiné à former l'intestin, et il est hors de doute que le polypide provient, en totalité, du rudiment à deux feuillets. » D'après mes observations sur la Fluslrelh, je me range à l'avis de M. Barrois et suis conduit à admettre que l'intestin du polypide a une origine ectodermique. On peut dire, il est vrai, que, pour se développer, l'intestin emprunte les éléments nutritifs aux globules vitellins, et que ces globules peuvent être considérés comme représentant l'en- doderme ; mais, dans ces conditions, on n'a pas le droit de conclure que l'intestin du polypide a une origine endodermique. Une telle conclusion ne sera permise que lorsqu'on aura prouvé que les ini- tiales de l'intestin appartiennent à l'endoblaste, à cet endoblaste que l'on perd dès les premiers stades du développement de l'œuf (Bugula, Vigelius ; Lepralia, Barrois). Après que l'intestin s'est mis en communication avec la cavité pharyngienne, il ne tarde pas à prendre la forme représentée planche XXIV, figure 29, où l'on retrouve déjà toutes les parties du tube digestif du polypide adulte, et à mesure qu'il se développe, la membrane mésodermique du rudiment enveloppe les parties nou- vellement formées (fig. 29, mes). A peine ébauché au stade de la ligure 5 du texte, le lophophore acquiert peu à peu ses tentacules sous forme de petites proémi- nences qui ne se développent pas simultanément sur tout son pour- tour, mais apparaissent d'abord de chaque côté du plan de symétrie, puis se multiplient vers l'arrière; les derniers tentacules formés sont ceux qui avoisinent l'anus, de sorte qu'à un certain moment, le lophophore présente la forme d'un fer à cheval ouvert du côté de l'anus (fig. 7, du texte). En même temps que le lophophore se constitue, tout le polypide ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 2e SÉRIE. — T. VIII. 1890. 29 I i(| IIFNRT PR0U110. subit, autour d'un axe transversal, une rotation qui le fait basculer vers l'arrière de la larve et l'amène dans la position représentée sur les figures 89, planche XXIV, et 8 du texte; le polypide se trouve dès |or8 orienté comme il le sera dans la zoécie adulte; sa bouche est tournée vers l'arrière de la larve qui devient l'avant de la zoécie primaire. A «c stade, chaque tentacule est une papille creuse formée Fig. 7. — Stade plus âgé que celui de la figure 5. Mêmes lettres que pour la figure 5. tja, gaine tenta- culaire. Fig. 8. — Stade plus âgé que celui de la figure T. Mêmes lettres. par la couche ectodermique et recevant dans son intérieur un pro- longement de la couche mésodermique (fig. 29, mes) qui, lorsque la cavité de la papille sera devenue le canal du tentacule, formera son revêtement interne. La même coupe longitudinale (fig. 29) nous montre, à la base d'un tentacule du côté de l'anus, une invagination de la paroi ecto- dermique du lophophore (in); cette invagination est destinée à former le ganglion nerveux après s'être isolée de la paroi qui lui a donné naissance et l'on distingue déjà, dans la partie profonde de cette invagination, quelques noyaux cellulaires qui ressemblent beaucoup à ceux des cellules nerveuses de l'adulte. SUR LA LARVE DE LA FLUSTRIÏLLA I11SP1DÂ. 451 La gaine tentaculairo commence à se différencier de très bonne heure (fig. 27, pi. XXIV, gt) et les deux couches de rudiment prennent part à sa formation. La couche interne ectodermique forme son revêtement interne; la couche mésodermique forme son revêtement externe, de telle sorte que, lorsque la gaine s'évaginera par suite de l'épanouissement du polypide, ce sera sa paroi ectodermique qui deviendra extérieure. Tandis que le lophophore se développe, la gaine augmente con- sidérablement de volume; sa paroi devient très mince (fig. 29, gi) et forme alors, à l'avant du polypide, un sac à l'extrémité antérieure duquel on aperçoit un épaississement (fig. 8 du texte) par lequel il adhère à la paroi frontale de la loge. Cet épaississement, nous l'avons déjà observé dans les stades plus jeunes (fig. 6, 5, 7, du texte) et une coupe longitudinale (fig. 29) nous apprend qu'il est venu, main- tenant, envelopper une invagination de l'ectoderme de la loge (oq). La partie du mésoderme qui s'est appliquée contre cette invagina- tion (o) contribue, dans la suite, à former les muscles occluseurs de la loge, muscles qui s'attachent, d'une part, dé chaque côté de l'in- vagination (o), et, d'autre part, à la paroi basale de la zoécie. Plus tard, il se produit en u un orifice qui fait communiquer la cavité de la gaine avec celle de l'invagination ectodermique, et par lequel le polypide peut s'épanouir au dehors. Je n'insisterai pas sur la suite du développement de la zoécie primaire de la Flustrella, me réservant de donner des renseigne- ments complémentaires dans un mémoire sur le groupe des Hal- cyonellœ. Quelle est la destinée des éléments libres renfermés dans le sac mésodermique du cystide (pi. XX1I1, fig. 45, 17) ? 11 ne peut y avoir de doute à ce sujet ; ces éléments, dont l'ensemble constitue « la masse des globules » des auteurs, et dont nous avons fait l'analyse, fournissent aux tissus de la zoécie primaire les matériaux néces- saires à leur développement. Ils disparaissent au fur et à mesure que le polypide s'accroît, et si au stade de la figure 2(J nous voyons 4.M HENRI PKOUHO. encore une masse de globules considérable, plus tard, lorsque le polypide est susceptible de s'épanouir, il ne reste plus que quelques globules épars. Mais, s'il ne peut y avoir de doute sur le rôle physio- logique et le sort final de celte masse de globules au sein de laquelle se forme le polypide, nous ignorons par quelle série de phénomènes elle est mise en œuvre. Cette masse de globules se compose, nous l'avons vu, de sphères vitellines, de cellules embryonnaires libres et de tous les histolytes résultant de la désorganisation d'une partie de la larve. Elle renferme donc deux ordres d'éléments bien distincts, dont les uns ont continué sans arrêt leur évolution depuis la seg- mentation de l'œuf, tandis que les autres ayant une première fois atteint leur état parfait pendant la vie larvaire, en temps que cellules et fibres nerveuses, cellules sensitives, glandulaires ou mus- culaires, ont subi, après la fixation, une évolution rétrograde qui les a amenés à l'état d'histolytes et mêlés avec les premiers. La zoécie primaire profite des uns et des autres, mais est-ce au même titre? Dans cet amas qui nous paraît si embrouillé, où sont mélangés, au milieu de globules vitellins, des histolytes provenant, les uns de tissus eclodermiques, les autres de tissus mésodermiques, le poly- pide fait-il un choix judicieux? Tel organe s'alimente-t-il aux dé- pens de tel élément déterminé ? C'est ce que nous ignorons de la façon la plus complète. RÉSUMÉ. La forme larvaire de la Flustrella hispida présente le même plan d'organisation que les larves des Bryozoaires chéilostomes ovicellés et que la larve de Y Alcyonidium mytili. Les traits les plus saillants de sa structure sont : la présence de deux valves chitineuses recou- vrant la région aborale, la différentiation du mésoderme en muscles nombreux et en lames cellulaires dont la plus importante est située immédiatement au-dessous de l'ectoderme aboral, la présence d'un SUR LA LARVE DE LA FLUSTRELLA HISPIDA. 453 système nerveux, la réduction de la calotte en un bouton sensoriel, organe aborat, relié ù l'organe piriforme par un tractus musculo- nerveux. La tendance à la difïérentiationdu mésoderme et aussi de l'endo- derme (sac digestif transitoire) qui se manifeste dans cette larve, la présence de la coquille bivalve, la structure de l'organe aboral et le tractus musculo-nervcux sont autant de caractères qui la rap- prochent du Cyplionautes compressas, sans permettre pour cela de la réunir au type larvaire Cyplionautes, qui reste caractérisé par la présence d'un tube digestif permanent et par la division de la bande ciliée locomotrice ou couronne en une bande préorale et une bande périanale. La larve possède deux sortes d'organes : 1° ceux qui, pendant la métamorphose, passent directement à la zoécie primaire et parais- sent n'être d'aucune utilité à la larve libre; 2° ceux qui, au contraire, ayant à remplir des fonctions utiles à la larve pendant sa vie libre, se détruisent lorsque la vie larvaire cesse, ne passent pas directe- ment à la zoécie, mais sont utilisés par l'individu primaire comme réserve nutritive. Le sac interne et les muscles pariétaux appartiennent à la pre- mière catégorie ; les autres muscles larvaires, l'organe piriforme, l'organe aboral et la couronne appartiennent à la deuxième. La fixation de la larve se fait, comme chez toutes les larves pour- vues de sac interne, par l'intermédiaire de cet organe évaginé. La couronne, Y organe piriforme et tous les téguments oraux se rétractent à l'intérieur; ïoi'gane aboral s'invagine au-dessous de l'ectoderme et l'organisme larvaire devient un sac clos dont la paroi libre ou fron- tale est formée par l'ectoderme aboral de la larve libre, tandis que la paroi adhérente au support ou basale est formée par le sac interne étalé. Aussitôt après la fixation, commence le phénomène de l'histolyse, qui désorganise une grande partie des tissus larvaires et les trans- forme en une quantité de sphères nucléées ou hislolytes, qui se mêlent 1 i HBNR1 PROUHO. ■vix crlobules vitellins et sont, comme eux, destinés à être mis en œuvre par le jeune polypide. Les tissas larvaires qui subissent l'histolyse sont : le système ner- . les muscles (à l'exception des muscles pariétaux), l'organe piriforme, la couronne, l'organe aboral et tous les téguments oraux. La larve passe alors à l'état de cystide. L'ectoderme du cystide sécrète une épaisse cuticule, qui constitue l'ectoeyste de la loge primaire ; la lame mésodermique aborale se soude à la membrane de môme nature qui revêt le sac interne chez la larve libre et de cette union résulte une membrane mésodermique continue, enveloppant tous les éléments primitivement libres dans la cavité de la larve, ainsi que tous les produits de l'histolyse. Le cyslide présente, en outre, au pôle aboral, un disque épaissi à deux feuillets, dont l'un externe, ectodermique, provient d'un épaississe- ment de l'ectoderme aboral, et l'autre interne, mésodermique, pro- vient d'un épaississement correspondant du mésoderme. Ce disque méso-ectodermique est destiné à former le polypide. D'après les recherches de mes devanciers sur la métamorphose des Bryozoaires chéilostomes, il y avait lieu de penser que l'organe aboral de la Flustrella prenait part à la formation du polypide : il n'en est rien. Le polypide provient en entier du disque méso-ectodermique, qui, lui, se constitue indépendamment de l'organe aboral. Le rudi- ment en forme de vésicule résulte d'une invagination simultanée des deux feuillets du disque, invagination sous-cuticulaire qui se produit après la dégénérescence de l'organe aboral. Les initiales du polypide n'appartiennent à aucun des organes lar- vaires; les unes, ectodermiques, font partie de l'ectoderme aboral; les autres, mésodermiques, font partie de la lame mésodermique aborale. La couche interne (ectodermique) du rudiment forme le lopho- phore, la paroi externe des tentacules, le ganglion nerveux, le revê- tement interne de la gaine invaginée, le pharynx, le rectum et l'intestin moyen. L'assise externe (mésodermique) forme la paroi SUR LA LARVE DE LA FLUSTRELLA HISPIDÀ. 455 interne des canaux des tentacules, le revêtement externe de la gaine invaginée, les muscles rétracteurs du polypidc, les muscles occlu- seurs de la loge et le revêtement du tube digestif. EXPLICATION DES PLANCHES. Nota. — Malgié toutes les précautions que l'on peut prendre au moment où l'on fait agir les réactifs fixateurs sur les larves, il n'est pas possible d'éviter une con- traction générale des muscles qui occasionne un retrait de la face orale, ainsi que le retournement de la couronne. L*action du réactif produit artificiellement, chez la larve, une sorte d'invagination de la face orale qui a beaucoup d'analogie avec celle qui accompagne l'évagination du sac interne, au début de la métamorphose. Le lecteur devra tenir compte de cette déformation, en examinant les coupes repré- sentées dans ce mémoire. Lettres communes à toutes les figures. a, organe aboral ; couche mésodermique du polypide g, masse glandulaire de l'organe pi ri- chez le cystide ; forme; ms, membrane mésodermique qui revêt f, fente ciliée ; le sac interne; cp, cellules du plumet vibratile ; cf, cellules qui bordent la fente ciliée : s, sac interne ; ce, cellules de la couronne ; e, ectoderme aboral; b, boutons ciliés de la face oral.' ; le, épaississement aboral de l'ectoderme gv, globules vitellins; chez la larve libre, et couche ecto- gr, sphérules réfringentes ; dermique du polypide chez le cys- mû, muscle circulaire qui longe la cou- tide; ronne; m, lame mésodermique aborale ; mr, muscle rétracieur de l'organe aboral; Im, épaississement aboral de la lame fm, fibres musculaire» : mésodermique chez la larve libre, et v, valves. PLANCHE XXII. FiG. 1. Coupe transversale d'une larve adulte de Fluslrella hispida suivant 3 de la figure 28. os, orifice du sac interne ; d, substance granuleuse qui oblitère cet orifice ; mit, un des muscles latéraux ; ml, section d'un muscle longitudinal. Gross., ilo. 2. Coupe transversale de la même larve suivant y de la figure 28. ne, faisceau de libres nerveuses. Gross., 2lo. 3. Détail de la partie aborale de la coupe (1). cl, cellules embryonnaires libres. Gross., 500. 4. Coupe transversale de la même larve suivant 8 de la figure 2S. 4SC HENRI PROUHO. g1, groupe médian des cellules glandulaires ; gî, groupes latéraux ; np, faisceau Derveuxqui aboutit au plumet vibratile coupé transversalement. Groas., 215. Nota. — Sur les parties latérales des coupes (1) (2) (3) (4) on aperçoit des fragments de muscles, fm, coupés sous diverses incidences. Fm. 5. Partie antérieure d'une coupe sagittale d'une larve adulte. g1, groupe médian des cellules glandulaires de l'organe piriforme ; fa, fos- sette antérieure ; »07, 1871. '.'< . Barrois (J.), Recherches sur l'embryogénie des Bryozoaires. Lille, 1877. G. Prouho (IL), Structure et métamorphose de la larve de la Flustrella his- pida. .Xote préliminaire. (Comptes rendus de l'Académie des sciences de Paris, n° 19, 1889.) SUK LA LARVE DE LA FLUSTRELLA HISPIDA. 489 AUTRES MÉMOIRES CITES, 7. Schneider, Zûr Entiwiklung und systematischen Slellung der Bryozoen und Gephyreen. (Arch. Mikr. Anat. vol. V, 1869.) 8. Hatschek (IL), Embryonalentwiklung und Knospung der PedicelKna echinala. (Zeitsch. Wiss. Zool., vol. XXIX, 1877.) '.i . Repiaghoff, Uber die ersten embryonah;, Entwiklungworgange beiTendra zostericola. {Zeitsch. Wiss. Zool., vol. XXX. Suppl. 1877.) 10. Barrois (J.j, Mémoire sur la métamorphose des Bryozoaires. (Annales des sciences naturelles, t. IX, 6e série, 1879-1880.) 11. — Embryogénie des Bryozoaires. [Journal de VAnatomie et delà Physio- logie, t. XVIII, 1882.) 12. — Mémoire sur la métamorphose de quelques Bryozoaires. {Annales des sciences naturelles, 7e série, t. I, 1886.) 13. — Ostroumoff, Note sur la métamorphose du Cyphonautes. (Zool. Anz., n° 192, 1885.) 14. _- Contribution à l'étude zoologique et morphologique des Bryozoaires du golfe de Sébastopol. (Archives slaves de biologie, t. 11, 1886.) 15. — Zûr Entwiklungsgeschichte der Cyclostomen Bryozoen. (Mittheil. nus d. zool. St. :.. Neapel, vol. VII, 1886-1887.) 10. Vigelius, Zûr Ontogenie der Marinen Bryozoen. (Mittheil. aus. de zool. St. z. Neapel, vol. VI, 1880.) 17. Harmer (S. -F.), Sur l'embryogénie des Bryozoaires ectoproctes. (Arch,. zool. Exp., 2e série, t. V, 1887.) 18. Pergens, Untersuchungen an Seebryozoen. (Zool. Anz, no MB, 1880.) 10. Balfour(F.), Traité d'embryologie. (Traduction française, 1883.) 20. Kowalesky, Beitrage zur Kenntniss der Nachembryonalen Entwiklung der Musciden. (Zeits.f. Wiss. Zool, vol. XLV, 1887.) RECHERCHES SUR LES TURBELLARIÉS DES COTES DE FRANCE (NÉMERTES) PAR Le Docteur L. JOUBIN Maître de conférences a la Faculté des sciences de Rennes. Mes recherches sur les Brachiopodes, dont j'ai publié une partie des résultats dans les Archives de zoologie (vol. XIV, 1886), avaient été l'occasion d'un grand nombre de dragages sur les côtes voisines des laboratoires de Roscoff et de Banyuls. Dans ce point de la Médi- terranée, j'avais été frappé, dès 1883, de la grande quantité de Tur- bellariés que rapportaient les coups de drague. A Roscoff, leur étude n'avait point été entreprise, lorsqu'en 1885 M. Chapuis fit la liste des Némertes que l'on peut consulter dans les Notes et Revues du tome XIII de ces Archives. Le nombre des espèces trouvées à Banyuls, la richesse de cette localité en vers de toutes sortes et le fait que la région occidentale de la Méditerranée avait été bien moins explorée que les côtes de l'Italie et de la Sicile m'ont fait présumer qu'il y aurait quelque intérêt à étudier la faune des Turbellariés de nos côtes méridionales. Dans cette intention, j'ai employé à rechercher ces animaux, au laboratoire Arago, presque toute la belle saison pendant plusieurs années, et les envois qui m'ont été faits pendant l'hiver m'ont L. JOUBIN. permis d'étudier un bon nombre de types vivants au laboratoire do la Sorbonnc. Enfin, étant appelé, par mes fonctions de préparateur de la sta- tion de Roscoff.à résider en Bretagne pendant une partie de l'année, j'ai pu y rechercher les Némertes et Planaires pendant trois étés consécutifs, reprendre le catalogue sommaire établi par M. Chapuis, et comparer les résultats obtenus dans la Méditerranée à ceux que me donnaient les côtes de la Manche. J'ai eu là presque toutes les espèces dont il va être question, et les échantillons qui me sont par- venus ou que j'ai trouvés moi-même en d'autres localités n'ont servi qu'à étendre le champ de mes observations de Banyuls et Roscoff. Cette comparaison des deux faunes m'a fourni quelques faits qui me semblent intéressants; j'ai constaté que plusieurs espèces se rencontrent dans les deux mers, quelquefois elles y sont identiques, mais souvent elles revêtent des caractères particuliers dans chacune d'elles. D'autres espèces, au contraire, sont spéciales à l'une des deux mers et ne se rencontrent pas dans l'autre. Je n'ai pas besoin de renouveler, à propos de ce mémoire, l'exposé des services que m'ont rendus les deux stations de Banyuls et de Roscoff qui m'ont été si libéralement ouvertes par mon cher et illustre maître M. de Lacaze-Duthiers. Sans ces deux laboratoires, je n'aurais rien fait, car c'est là que j'ai pu établir la base, le sque- lette, si je puis ainsi dire, de mon travail. Je prie donc mon cher maître de vouloir bien agréer le témoignage de ma vive gratitude. Je désire encore exprimer à MM. Oberthur, de Rennes, ma recon- naissance pour le gracieux empressement avec lequel ils ont mis à ma disposition les deux meilleurs artistes de leur magnifique imprimerie. Dans ce mémoire, je m'occuperai uniquement des Némertes; les renseignements que j'ai recueillis sur ces animaux et les recherches anatomiques et bibliographiques que j'ai pu faire sur eux sont, en effet, beaucoup plus complets que pour les Planaires. Je réserve donc cette seconde partie de mes recherches. SUR LES TURBELLARIÉS DES COTES DE FRANCE. 403 Je n'ai point l'intention de publier une nouvelle bibliographie complète des Némerliens. On trouvera ce travail dans les ouvrages de.de Qnatrefages, Mac-Intosh, Hubrecht, Oudemans, etc. Je veux seulement indiquer à propos de chaque espèce les synonymes prin- cipaux par lesquels elle a été désignée. Je signale, à ce propos, le volume que M. Vaillant, le savant pro- fesseur au Muséum, fait paraître sur les Vers. C'est dans les suites à Buffon que cet important travail prend place, comme complément des Annélides de M. de Quatrefages. Je remercie vivement M. le pro- fesseur Vaillant qui a bien voulu m'en communiquer les épreuve pendant l'impression. J'ai pu prendre ainsi connaissance de toute la partie historique et du résumé anatomique qui précède l'ouvrage. N'ayant point davantage pour but de faire un travail sur l'ana- tomie comparée des Némertes, j'indiquerai seulement, à propos de chacune des espèces nouvelles ou qui m'ont paru plus spécialement intéressantes, les résultats de mes investigations. Mais ce n'est point la partie principale de ce mémoire, mon but étant, avant tout, de donner un aperçu de la faune des Némertiens de nos côtes, notant autant que possible leur habitat et les détails extérieurs, souvent fort difficiles à bien voir, qui les font différer des types décrits par les auteurs. Ayant pris pour base d'opérations les environs des laboratoires de Roscoff et de Banyuls, il serait utile d'en donner une description; mais ce travail a été fait, pour Roscoff, par M. de Lacaze-Duthiers, principalement dans ses belles recherches sur les Molgulidées. Pour Banyuls, on peut trouver des descriptions très suffisantes de la côte dans divers mémoires de ces Archives. Le seul trait saillant à signaler est l'absence presque complète des îlots que l'on trouve si fréquem- ment sur les côtes de la Bretagne. La côte rocheuse se termine d'une façon brusque dans un fond de 10 à 20 mètres de profondeur, des- cendant lentementjusqu'à 80 mètres environ. Quelques plages de sable fin, des herbiers de zostères, l'embouchure de quelques torrents, forment autant de l'ouds différents ayant leur petite faune spéciale. u o ++ I +++ + en O + + + + + - + i ++ — &C 3 es' 5* + + + + + + ++ + + + + + + ri*3 — ai a ^ + +++++++£ ++++ +++ + ++ + + +++++ £ Z5 V* 4 0"g H 73 3.2 — S. 2 P 5 = "en £D a s 3-5.2 23 « n - ? î ,1 s : ï £^ t* "3 O S s- - 5 « s ~ I*, S I I :~ 1j o> a _ o-- 0._ s ^ •^a AKCH. DE ZOOL. E.\P. ET liEW. 2e SÉRIE. T. vur. i.syo. 30 466 L- JOUBIN. Port-Vendres, où j'ai l'ait de nombreuses recherches, a été décrit par plusieurs auteurs. Cet admirable aquarium naturel a, d'ailleurs, son nom fait dans la zoologie, grâce aux travaux de de Quatrefages, Claparède, de Lacaze-Duthiers, etc. C'est dans ces pays que j'ai recherché les Turbellariés pendant plusieurs années. On verra par la suite de ce travail que j'en ai trouvé un bon nombre, étant donné le peu d'espèces sérieusement décrites et inattaquables que l'on trouve dans les auteurs. On aurait réellement grand'peine à en rassembler une soixantaine à l'abri des critiques. Voici maintenant quelle est la marche suivie dans l'exposé de mes recherches. D'abord, j'adopte pleinement la classification du savant hollandais Hubrecht; je suivrai, pour la description, son catalogue critique des Némertes de Naples. Il a été complété récemment par Carus dans son Prodroraus faunse mediterranex ; cette liste, com- mode par les courtes indications qu'elle renferme, est trop succincte pour servir à des diagnoses rigoureuses. Enfin, je renvoie toujours aux auteurs pour la détermination des espèces, car ce mémoire n'est point destiné à cet usage ; c'est un simple ouvrage de critique et de description des conditions spéciales où j'ai trouvé les Némertes sur nos côtes. J'ai cru bon de reproduire, sur le tableau précédent, à côté des espèces de Naples, celles que Mac-Intosh indique sur les côtes d'An- gleterre; avec les colonnes relatives à la Méditerranée et à l'Océan (surtout la Manche), on peut de suite se rendre compte des diffé- rences importantes de ces diverses faunes. J'ai indiqué sur ce tableau, en les marquant de la lettre C, des espèces créées par M. Chapuis, mais que je n'ai pas pu rencontrer après lui ; il n'y en a d'ailleurs qu'un très petit nombre dont plu- sieurs paraissent douteuses, même à leur auteur. Je les signale cependant pour être plus complet. Il reste évidemment bien des lacunes à remplir dans cette liste Correspondances des espèces anglaises de Mae-lntosh et Dalyell avec celles de de Quatrefages et Hubrecht. MAC-1NT0SH. DALYELL. DE QUATREFAGES HUBRECHT. Amphiporus lactiflo- Gordius albicans. Polia mandilla-mu- Amp. lactifloreus. ' reus. tabilis. — pulcher. Vermiculus rubens. » — pulcher. — spectabilis. Vermiculus crassus Cerebratulus spec- Drepanophorus ru- tabilis. brostriatus. — hastatus. » » — hastatus. — bioculatus. » » » Tetrastemma mela- Vermiculus coluber Polia pulchella. T. melanocephalum nocephala. (pars). — Robertianas. » » » — candida. » Polia quadrioculata — candidum. » Vermiculus lineatus Polia coronata. — coronatum. — vermicula. » Polia vermiculus. — vermiculatum. — flavida. Vermiculus coluber Polia baculus?Obs- — flavidum. (pars). cura. — dorsalis. Vermiculus varie- OErstedia tubicola — dorsalis. gatus. et maculata. Prosorochmus Cla- » Polia fumosa. Prosor. Claparedii. paredii. Nemertes gracilis. >» Nemertes Balmea. Nemertes gracilis. — Neesi. » Borlasia Camillea. — Neesi. — carcinophila. » » — carcinophila. Lineus marin us. Gordius maximus. Borlasia Anglite. Lineus longissimus. — gesserensis. Gordius miuor, vi- ridis, gesseren- sis. » — obscurus. — sanguineus. m » — sanguineus. — lacteus. Gordius albus. » — lacteus. — bilineatus. Gordius tœnia. Nemertes peronea. Cerebratulus bili- neatus. Borlasia Elizabetha? » » Borlasia Elizabethae Cerebratulus angu- Gordius fragilis. » Cereb. marginatus. latus. Mkrura fusca. Gordius fuscus. » Cerebratulus fuscus » Gordius fragilis spi- nifer. " — roseus. — fasciolata. Gordius fasciatus spinifer. » — fasciolatus. — purpurea. Gordius purpureus spinifer. Polia purpurea. — purpureus. — aurantiaca. » » — auranticus. Meckelia asulcata. » „ » Carinella annulata. Gordius anguis. Valencinia ornata. Cari», annulata. » » Valenc. splendida. — polymorpha. — linearis. » » » Valencinia linefor- » Valen. longirostris. Val. longirostris. mis. Cephalothrix linea- Gordius gracilis. Polia lilum. Cephal. linearis. ris. L6S L. J0U13IN. des Némerticns. Malgré l'exploration consciencieuse de la plupart des localités environnant Banyuls et Roscoff, il y a encore bien des rochers, des plages ou des bancs de sable a examiner avec un soin approfondi. A Roscoff, notamment, il y aurait à explorer avec plus de soin l'île de Bas, et surtout la partie nord de celte île; mais, pour cela, il faudrait des mois entiers de travail fort pénible, qui, j'en suis sûr, ne manquerait pas de fournir des résultats pleins d'intérêt et de nouveauté. Dans la Méditerranée, il y aurait à fouiller les plages immenses du Etoussillon; mais là je crois que les trouvailles seraient bien plus rares. J'ai eu l'occasion, en effet, de rechercher les Tur- bellariés à la Nouvelle, aussi bien sur la belle plage sableuse que dans les étangs de la côte, et je n'en ai rencontré aucun. Il me parait également utile de donner la correspondance des espèces de Mac-lntosh, Dalgell, de Quatrefages et Hubrecht. On peut ainsi .se rendre compte des principaux points de la bibliogra- phie (voir le tableau de la page précédente). Dans une note que j'ai remise dernièrement à l'Académie des sciences et dans un mémoire communiqué à l'Association française pour l'avancement des sciences, au congrès de Paris, j'ai indiqué les principaux traits de la répartition des Némertiens sur nos côtes, au point de vue de la hauteur à laquelle on les trouve, de leur habitat et des zones côtières ou profondes où on les rencontre. Ces deux courtes publications n'étaient que le résumé du présent mémoire, et trouvent ici, par conséquent, leur place naturelle. Première zone. — Je désigne ainsi celle qui n'est pas recouverte journellement par la mer; elle peut rester un ou deux jours à sec dans les mortes eaux. Celte zone est caractérisée par une seule espèce de Némerte que l'on y renconlre constamment, mais qui se trouve, d'ailleurs, aussi dans tontes les zones littorales; c'est le Lineus Gesserensis (O.-F. Mul- ler). Lorsque cette Némerte vit dans la vase, elle est complètement noire; c'est ce qui arrive à Saint-Malo; à Roscoff et quelques autres points des côtes de la Manche, elle est vert-olive plus ou moins foncé. SUR LES TURBI-LLAR1ÉS DES COTES DE FRANCE. 469 Le Lineus sanguin eus de Mac-Intosh nie paraît une simple variété de cette espèce. J'ai retrouvé cette espèce parmi les algues et la vase qui recouvre la paroi verticale des quais de Port-Vendres, avec un autre Lineus. C'est, je crois, la seconde fois (après Dewoletzky) que des représen- tants du genre Lineus sont signalés dans la Méditerranée, où ils manqueraient d'après llubrecht. Deuxième zone. — Celle-ci est recouverte tous les jours par la mer; c'est le niveau moyen des marées, zone des fucus. Sous les pierres, on retrouve Lineus Gesserensis [L. sangwneus). Dans le sable, Cepkalothrix fewearos(Ratkhe) etÇ. bioculata (GErsted). Je considère ces deux espèces comme distinctes ; une partie des auteurs les réunit, l'autre les regarde comme séparées; c'est à l'avis de ces derniers que je me range. Parmi les algues qui forment le fond des herbiers, on trouve plu- sieurs représentants de la famille des Tetrastemma. A Roscoff, ce sont Tetrastemma dorsalis, T. vermiculus (de Quatre!'.), T. coronàtum (Hubr.), T.candidum (O.-F. Muller), T.melanocephalum (Johnst.). Quelques-unes de ces espèces se retrouvent, en d'autres localités, à ce niveau. Enfin, une espèce est assez abondante, vivant à l'état libre parmi les algues : c'est CErstedia vittata (Hubr.); elle se rencontre encore à des niveaux inférieurs, parasite dans la branchie des Ascidies simples. Je la réunis à VŒrstedia unicoior, du même auteur, sous le nom de Amphiporus vittalus. Troisième zone. — Elle ne découvre, que tous les quinze jours, au moment des marées, et précède immédiatement la zone des grandes laminaires. Cette zone comprend un grand nombre de Némertes ; d'abord, la plupart de celles qui sont déjà signalées dans les zones supérieures; mais quelques autres font leur apparition sous les pierres, les Lineus précédents et le Lineus longissimus (Sow.) qui est extrêmement commun à Roscoff, surtout au rocher dit Roléa de m L. JOUBIN. Saint-Pol; puis, Tetraatemma coronatum el 7'. diadema (Ifubr.), Ain- phiporus lactifloreus (Mac -In t.), Nemerteê gmcilù (Johnst.). Entre les feuilleta des schistes, il y a toujours un peu de sable vaseux où l'on trouve en abondance, dans la Manche, Nemertes Neesi (CErsted),el à l'îlot Duon, près de Roscoff, une Némerte que je crois nouvelle »'t que je nomme Nemertes Duoni; elle est parfaitement distincte de iV. Neesi avec laquelle elle vit. Si l'on fouille le subie vaseux du fond des herbiers, on trouve une fort belle Némerte, la Carinella polymorpha (llubr.) ; c'est la Valen- cinia spiendida de M. de Quatrefages; elle est très commune à Ros- cofif, où je l'ai eue par centaines. On trouve encore le Cephalothrix linearis dans le même fond. Parmi les algues, on trouve quelquefois, mais assez rarement, la magnifique Carinella annulata (Mac-Int.). Dans la vase compacte, on trouve le premier représentant de la nombreuse famille des Gerebratulus, le Cerebraluhts marginatus (Renier). Quatrième zone. — C'est celle des grandes laminaires ; elle ne découvre que pendant une demi-heure ou une heure au plus dans les très grandes marées. Elle est d'ailleurs assez pauvre en Né- merles. On y trouve, à Roscoff, le très rare Prosorockmus Clapa- redii (Kef.); puis, assez fréquemment, Tetrastemma flavîda, enfin, Lineus longissimus et L. Gesserensis. Une seule fois, à Roscoff, j'ai trouvé, au nord de l'île de Ras, un magnifique exemplaire du Dre- panophorus serraticollis (de Quatref.). On y trouve aussi assez fréquem- ment un Tetrastemma atteignant tO centimètres de long, très grêle, avec la tète plus petite que le reste du corps et ressemblant fort à un Cephalothrix. C'est le Tetrastemma flavida, variété longissima. .l'ai trouvé aussi à Roscoff, en fouillant la vase des herbiers, au milieu des zostères qui forment un feutrage, une Némerte mal décrite et peu connue appartenant au genre Ampkiporus; c'est VAmphiporus bioculatus de Mac-Intosh. Ilubrecht ne l'admet pas; c'esl cependant une des espèces les mieux caractérisées de nos côtes. Il e>l vrai qu'elle a été fort mal représentée par Mac-Intosh. SUR LES TURBELLARIÉS DES COTES DE FRANCE. 471 Zones \ à 4 dans la Méditerranée. — Sur los côtes rocheuses des Pyrénées-Orientales et de la Provence, les quatre premières zones côtières de la Manche sont condensées en une seule; à Banyuls, on trouve dans les parties des rochers battues par la mer des incrusta- tions d'algues calcaires, s'avançant souvent de 1 mètre et formant des trottoirs tout percés de cavités où habitent des animaux très variés. Les Némertes y sont assez peu abondantes et préfèrent, au môme niveau, les algues entremêlées d'Épongés et d'Ascidies que l'on ren- contre dans les anses abritées. Au moyen d'une petite drague à main, j'ai raclé ces algues dans une foule d'endroits, jusqu'à des profondeurs atteignant environ tm,50. On rencontre là toute une faune spéciale de Némertes que l'on se procure simplement en met- tant toutes ces algues dans des cristallisoirs avec un peu d'eau. Au bout de quelques heures, les Némertes sortent et viennent se placer sur le bord de la cuvette où l'on n'a plus que la peine de les recueillir avec un pinceau. Des espèces que l'on trouve dans ces conditions sont fort abon- dantes. Ce sont d'abord deux espèces de Cannelles qui sont nou- velles. Je les nomme Carinella Banyulensis et C.Aragoi. La première est longue de 20 à 30 centimètres, d'un beau violet, avec une ligne blanche longitudinale; elle est excessivement mince, atteignant à peine la grosseur d'un crin, et est pourvue de fentes céphaliques recourbées en forme de crochet, ce qui, avec beaucoup d'autres caractères moins importants, la distingue nettement de toutes les autres Carinella. La Carinella Aragoi est, au contraire, toute petite ; elle atteint à peu près 2 centimètres ; elle est pourvue de deux gros yeux à bipartie antérieure de la tête. Avec ces deux Némertes, on trouve encore le Lineus Gesserensis, surtoul à l'ort-Vcndres, le long des quais du port, puis plusieurs Amphiporus, Amphiponu pulchei (Mac-Int.), A. lactifloreus (Mac-InL), A. Dubius (Hubr.). Les ïetrastemma sont aussi fort communs ; ce sont à peu près les mômes que dans la Manche : Tetrastemma dorsalis, T. flavida, 472 I.. JOUBIN. /. melanocephalum, T. diadema, T. Kefersteinii (Marion), Amphiporus vittalus, Nemertes gracîlis, N. echinoderma (Marion). Les sables plus ou moins vaseux que l'on trouve dans les anses abritées de Banyuls, Port-Vendres, Collioure, renferment des Né- mertes toul à fail différentes de celles de la cûle rocheuse. Ce sont, m grande quantité, devanl le laboratoire de Banyuls, le Lineus hirinis (Montagu), L. sanguineus. Quelquefois encore Nemertes An- tonina (île Quatref.), Cephalothrix linearis. On rencontre là aussi, parmi les racines de posidonies mêlées au sable vaseux, la plus grande des Nemertes connues. C'est le Cevebralulus marginatus (Re- nier) qui a été pris par M. Giard, en 1878, pour un genre nouveau e1 décrit par lui sous le nom (VAvenardia Priei, bien que, depuis longtemps, celte espèce ait été figurée et étudiée par divers auteurs, en particulier par Dalyell dont les dessins sont excellents. J'en ai rencontré à Banyuls un échantillon venant de l'anse de Paulilles, qui avait près de 3 centimètres de large sur 1 mètre de long et je n'en possédais pas certainement la moitié. Dans les sables parfaitement purs et dépourvus de vase que l'on trouve à Banyuls, dans l'anse du Troc et dans la plage d'Argelès, on rencontre le Cepholotltrix bioculala et le Lineus lacteus ; ce sont les seules espèces que j'y ai pu découvrir. Cinquième .zone. — Celle-ci commence immédiatement au-dessous du niveau des très grandes marées, au zéro des cartes marines, et s'étend jusqu'aux profondeurs de 40 ou 50 mètres dans la Manche cl l'Océan. Dans la Méditerranée, elle s'étend depuis environ 1 mètre au- dessous du niveau moyen jusqu'à environ 80 mètres, dans les fonds coralligènes, où se trouvent les dernières Nemertes qu'il m'ait été possible de recueillir. Dans les deux mers, cette zone est caractérisée par la grande abondance îles représentants du genre Cerebrahtlus. J'en ai trouvé, en effet, douze espèces à Banyuls et neuf espèces à Ftoscoff. SUR LES TURBELLARIÉS DES COTES DE FRANCE. 473 Toutes celles de cette dernière localité on1 été retrouvées dans la Méditerranée. Dans les fonds rocheux qui s'étendenl jusque vers 30 mètres, on trouve un bon nombre de Némertes qui s'abritent généralement dans les algues calcaires. Ce sont : Cerebratulus purpureus (Hubr.), C. fuscus (Mac-Int.), C. aurantiacus (Grube), C. fdsciolatus (Ehr.). Cette dernière espèce remonte quelquefois à 1 mètre de la surface, notamment dans le port de Port-Vendres. Enfin, Borlasia Elizabethx (Mac-Int.), Polia delineata (Délia Cbiaje) et P. curla (Hubr.). Les fonds formés de vieilles coquilles, de débris de toutes sortes, avec des Ascidies simples nombreuses, fournissent, dans la Méditer- ranée, une foule de Némertes; les principales sont : Carinella annu- lata et C. polymorpha, Cerebratulus bilineatm (Renier), C. lacteus (Grube), C. roseus (Hubr.), C. kepaticus (Hubr.). A une profondeur de 8 à 10 mètres, on trouve, sous les pierres et sous les algues, un très beau Cerebratulus, le Cerebratulus genieu- latus (de Quatref.), fort rare, et que les explorations au scaphandre ont permis de rapporter intact. Dans les mêmes localités, j'ai rencontré Valeua'uia longirostris (de Quatref.), tout près du laboratoire Arago. Dans les bancs de sable propre où vivent les gros Spatangues, à 30 mètres de profondeur, j'ai trouvé la belle et rare Langia formosa (Hubr.), signalée à Naples par Hubrecbt, et une autre Némerte qui me paraît être nouvelle comme genre et espèce et que je nomme Poliopsis Lacazei. Vers 50 mètres, parmi les Bryozoaires, on trouve Amphi parus marmoratw (Hubr.), quelques Telrastemma, quelques Cerebratulus, Cerebratulus tristis (Hubr.), C. pantherinus (Hubr.), Drepanophorus rubrostriatus et D. serratiaAlis. Dans la zone plus profonde s'étendant jusque vers 80 mètres, et qui est caractérisée par la présence de divers coralliaires, on ne rencontre plus que ces deux dernières espèces et le Telrastemma flavida. 474 L. .IOUBIN. A Roscoff, où les fonds accessibles au bateau du laboratoire ne dépassent pas 50 mètres, les deux mômes espèces, surtout le Drepa- nophorui rubrostriatus, se rencontrent aussi les dernières. Dans la .Manche, ces zones profondes sont moins riches que dans la Méditerranée; c'est surtout parmi les vieilles coquilles de Pectcn el de Pectunculus que l'on trouve quelques Némertes et surtout le Cerebratulus bilineatus. Telle est, rapidement exposée, la répartition des espèces qui vivent libres sur nos côtes. Mais il y a, en outre, un certain nombre d'espèces qui vivent en parasites. Parmi les œufs du Carcinus marnas, le crabe vert commun, on ren- contre la Némertes carcinophila (Kolliker), qui vit dans des tubes soyeux et résistants attachés aux filaments ovigères abdominaux de ce crustacé. J'ai trouvé constamment le mâle et la femelle réunis dans le môme tube et plies deux ou trois fois dans le sens de la longueur. Dieck signale la présence dans les branchies de la Galathea stri- gosa d'une Garinella, Carinella Galathex (Dieck). J'ai vainement exa- miné de nombreuses Galathées sans pouvoir la trouver, et cela aussi bien à Ranyuls qu'à Roscoff. On trouve libre, parmi les algues, une jolie Némerte, XŒrsleâia vittata de Hubrecht, dont j'ai fait Amphipor 'us vittalus. A Roscoff, on la trouve en abondance avec ses pontes, au mois de juillet, dans la branchie de la Phallusia sanguinolenta. Elle offre d'ailleurs les mômes caractères anatomiques lorsqu'elle est libre ou parasite. M. le professeur Manon, dans un mémoire sur les Némertes, si- gnale, incidemment, la présence d'un de ces animaux parasite chez les Ascidies. Malheureusement, il ne l'a ni décrit ni nommé. C'est un Tetrastemma fréquent, surtout à Roscoff, dans la môme Phallmiasan(jMnolenlact,à~B, fig. 22, pi. XXVI). De cette couche interne part une petite lame qui enveloppe le nerf latéral (a, fig. 23, pi. XXVI), et, autour de celui-ci, des fibres musculaires longitudinales se disposent en croissant, formant une sorte de fourreau musculaire au nerf (fig. 23, pi. XXVI). Dans les points où les glandes génitales sont très développées, le nerf latéral prend la forme indiquée figure 25, pi. XXVI. Les cellules sont disposées vers la pointe, les fibrilles vers la partie renflée. Cette espèce est une de celles où la division du noyau des cellules génitales s'observe le mieux, et on voit facilement la formation des spermatozoïdes. Les poches génitales sont en nombre considérable et arrivent à supprimer presque complètement la cavité digestive, où elles se touchent toutes les unes les autres. La rupture de la paroi externe, pour laisser échapper les spermatozoïdes, semble ne se pro- duire que longtemps après que ceux-ci sont formés. L'épithélium spermatogène est formé par un seul plan de cellules cubiques dont les noyaux se divisent et produisent indéfiniment des spermato- zoïdes. Cerceau. — Pour xMac-Intosh, les sacs céphaliques sont complète- 480 L. JUUlilN. iiniii absents. Dewolestzky, dont l'étude sur ces vésicules chez les Némertes a apporté des faits intéressants et très exactement obser- vés, ne fait pas, que je sache, mention de cet organe chez les Ccpha- lothrix. Jls existent cependant et ressemblent beaucoup à ce que cet auteur a signalé chez Carinella annulala. Un conduit, tapissé de cellules 1res longues., va s'ouvrir dans l'épithéliuin tégumentaire, qui est légèrement modifié dans le voisinage. Un petit enfoncement s'y observe, et les cellules muqueuses y sont presque complètement absentes (a, flg. 24). Les autres cellules sont beaucoup plus hautes, et ce sont elles qui semblent pénétrer dans le conduit pour les tapisser. Ce canal très court arrive de suite dans la masse cérébrale posté- rieure; qui forme un petit lobe spécial très net, et pénètre dans la niasse granulaire centrale; il la traverse obliquement dans toute sa longueur et arrive du côté opposé, où il se termine en cul-de-sac. L'ouverture extérieure de l'orifice est sur la face dorso-latérale du corps, et pénètre dans le lobe cérébral par sa face supérieure, sur le bord le plus voisin de la ligne médiane du corps. Il se courbe de suite à angle droit pour traverser tout ce ganglion et venir se terminer en cul-de-sac sur le bord extérieur, après avoir fait un nouvel angle droit (fig. 26, pi. XXVI). Il y a quelques cellules glandulaires autour du canal, mais peu nombreuses. On voit que cet appareil est plus compliqué dans Gephalothrix qu'il ne l'est chez Carinella, d'après les observations de Dewolestzky et les miennes qui seront exposées un peu plus loin. 2. CEPHALOTHRIX BIOOULATA (QERSTED). Cephalothrix bioculata (QErsted, 1844). A temma rufifrons (QErsted, 1844). Cephabthria ocellata (Keferstein, 1862). — linearis, pars (Mac-Intosh, 1872j. — linearis. pars (Hubrecht, 1874). Poliafilum (?),pars (bu Quatrefages, 1849). SUR LES TURBELLARIÉS DES COTES DE FRANCE. 481 Cette espèce diffère de la précédente par la présence de deux points oculiformes pouvant ou non se résoudre en plusieurs petits yeux. Ils sont situés tout à fait sur le bord antérieur de la tète. La coloration de la tête est d'un rouge vif, dû à un pigment ré- pandu sous forme de très fines granulations ; les grains en sont d'au- tant plus serrés que l'on se rapproche plus de la pointe de la tête. La coloration du corps est jaune vif, la section un peu aplatie ; le corps est proportionnellement plus court que dans l'espèce pré- cédente. L'intestin est pourvu de cœcums nombreux, réguliers et petits, imitant les dents d'une scie. Entre ces dents, quelques individus étaient porteurs au mois de juin, à Banyuls, de petits paquets de trois ou quatre œufs. On peut rapprocher cette espèce de laPolia filum de deQuatrefages. Mac-Intosh établit cette identification, bien que divers caractères, tels que la coloration générale d'un rose vif et la façon beaucoup trop complète dont se fait la contraction pour un Cephalothrix, fassent un peu douter de la légitimité du rapprochement. (Voir de Quatre- fages, Voyage en Sicile, pi. XIV, fig. 6.) Cet animal vit surtout dans le sable très propre et non vaseux. Rare à Itoscoff, il est plus commun à Banyuls, surtout dans le sable propre et jaune du Troc, où on le trouve avec le Lineus lacteus. Extension géographique. — Roscoff, Banyuls, Saint-Waast-la-IIougue (Keferstein), Naples (Hubrecht), divers points des côtes d'Angleterre (Mac-Intosh). 3. CEPHALOTBRIX SIGNATUS (HUBRECHT, 1874). Espèce signalée à Naples par Hubrecht, mais que je n'ai rencontrée en aucun point de nos côtes françaises. Voici la diagnose qu'en donne Carus : « Abdomen album, dorsum uniforme flavum, caput maculis dua- bus parallelis longitudinalibus clavatis, ad basin linea flava brevi AUCU. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 2° SEUlli. — T. V11I. 1890. 31 L. JOUBIN. unitis macula; similcs llavœ in latere ventrali capitis. Oculi parvi 30-10. Seriatim ad marginem capitis dispositi propc ab apice rostri acervi duo oculorum quisque 4 ad 5 continens. Proboscis organis urticantibus inslructa. Long. 15 m. m. Locus systematicus nundum certus. Napoli. » Localité. — Naples. 4. CEPUALOTDHIX VIRIDIS (CllArUls). M. Chapuis a public dans les Archives de zoologie (Notes et Revue, p. 21, t. IV, 1886) la diagnose d'une espèce de Cephalothrix, que je n'ai point pu retrouver à Koscoff où elle avait été trouvée. Voici la description de cet animal, telle que la donne M. Chapuis : « Longueur, 2 centimètres. Couleur verte, due au pigment vert de l'épiderme ; extrémité antérieure pointue plus pâle que le reste du corps. Corps cylindrique. Pas d'yeux. Pas de sillons ciliés visibles, ganglions incolores. La bouche est une fente longitudinale, posté- rieure aux ganglions. Un exemplaire dragué au large. » M. Chapuis fait ensuite remarquer que la distinction entre les genres Valencinia et Polia d'une part, Carinella et Cephalothrix de l'autre, faite par Hubrecht, est basée sur la présence ou l'absence de lobes postérieurs au cerveau. Or, le Cephalothrix viridis présente, au dire de M. Chapuis, des lobes postérieurs bien développés ; il ne peut donc rester dans le genre Cephalothrix. N'ayant point eu d'autre individu en ma posses- sion, je ne puis malheureusement établir la parenté réelle de cette Ncmerte. Extension géographique. — Roscoff. GENUS II. — CARINELLA (jOHNSTON). Tête plus large que le reste du corps, sensiblement arrondie en avant (Mac-lntosh), spalulée. Orifice de la trompe assez loin en arrière de la pointe de la tète. Les nerfs latéraux sont situés à Texte- SUR LES TURBELLARIÉS DES COTES DE FRANGE. 483 rieur du revêtement musculaire de la paroi du corps, qui est com- posée de deux couches. Un sillon transversal sous l'épidémie, situé au niveau du ganglion. Il y a un rudiment de canal cilié, mais qui ne traverse pas la couche de muscles circulaires pour rejoindre le cerveau, celui-ci étant dépourvu de lobe postérieur spécial. Intestin sans caecum (Hubrecht). Il n'y a presque jamais d'yeux. 1. CARINELLA ANNULATA (MAC-INTOSH, MONTAGU). Gerdias annulatm (Montagu, 1804). Tubidanus annulatm (Montagu). Carinella trilineata (Johnstcm, 1833). Polia crucigera (Délie Chiaje, 1841). Valencinia ornata (de Quatrefages, 1846 ; Grube, 1863). Carinella annulata (Mac-Intosh, 1873; Hubrecht, Cette magnifique espèce est commune à Banyuls et à Roscoff ; c'est une de celles qui sont le mieux connues. On en trouve d'assez bonnes figures dans de Quatrefages (pi. X, fig. 1 et 2, Voyage en Sicile) et Mac-Intosh (pi. VII, fig. 5, et pi. VIII, fig. 1). Ce dernier dessin est exact, comme rapport et dimension des lignes blanches. La couleur des individus varie du bleu foncé au rouge brique clair, avec tous les passages par le violet, le vert bronze ou le rouge vif. Je n'ai pas remarqué qu'il y eût de différence, au point de vue de la coloration entre les exemplaires de la Méditerranée et ceux de l'Océan. La disposition des lignes blanches qui parcourent cet animal est absolument la même aussi, et leur disposition est extrêmement constante. Hubrecht signale l'absence des anneaux blancs ; ce fait ne s'est pas présenté parmi celles que j'ai observées, même pendant la saison de la reproduction. J'indiquerai, un peu pins loin, quelques détails sur la disposition des organes génitaux. La tète est demi-circulaire et beaucoup plus large que le cou, 48» L. JOUBIN. qu'elle déborde de chaque côté. Sur le pourtour est une bande blanche très nette. Le corps atteint souvent 80 centimètres et même lm,50 dans les beaux individus ; je n'en ai pas trouvé de 2 mètres, comme M. de Quatrefages. Le corps est arrondi et non plal (de Quatrefages), sauf sur le bord de la tête. ABanyuls, au printemps, j'ai trouvé cette espèce dans un fond de 30 mètres, formé de pierres et de vase ; puis au cap Creux, par 77 mètres de fond, dans un banc de corail avec bryozoaires et Gor- gonia subtilis. — Dans le nord de Banyuls, on la trouve encore logée entre les Gynthia microcosmes, agglomérées par cinq ou six, ou môme davantage. J'en ai rencontré là souvent de très beaux exem- plaires provenant de 45 mètres, péchés au chalut, à Port-Vendres. Un fait curieux à signaler à Banyuls est le suivant : dans les bacs de l'aquarium vivent de très beaux et très grands Spirographis spallanzani, qui y étalent leurs magnifiques panaches. Si l'on met dans ces bacs des Carinella annulata, celles-ci, qui ont à choisir entre un grand nombre de trous pour se loger, ou de tubes vides de grosses Serpules, ou de paquets d'Ascidies, vont toujours s'intro- duire dans les tubes de ces Spirographis ; elles s'y tapissent et en expulsent le propriétaire qui pend à l'orifice de son tube, s'entoure d'une glaire épaisse et meurt au bout de peu de temps. Quand on met des Carinella annulata dans de petits bacs parfaite- ment propres, où elles ne peuvent pas accumuler de matériaux ou se glisser dans des trous, on les voit sécréter un tube dans un des angles. Ce tube est transparent et nacré, et l'animal qui l'occupe s'y tapit en se contractant assez fortement, car j'ai vu rarement des tubes de plus de 20 centimètres pour des animaux qui, allongés, avaient bien 1 mètre. Souvent elles s'y plient en deux ou trois par- ties. Une même Némerte ne m'a pas semblé rester très longtemps dans le même tube. Celles que j'ai observées s'en sécrétaient deux ou trois dans l'espace de moins d'un mois. L'animal, allongé dans son tube ou replié sur lui-même, est constamment agité par une sorte de mouvement d'ondulation, qui se répète de huit à quinze SUR LES TURBELLARIÉS DES COTES DE FRANCE, 485 fois par minute. L'ondulation part de la tête et, agissant comme un piston, produit un courant dans l'eau du tube qui est ouvert aux deux bouts. L'orifice voisin de la tête est plus étroit cpuo le calibre du tube, par un rétrécissement subit ; au contraire, la partie posté- rieure va en diminuant progressivement de diamètre. A Roscoff, j'ai trouvé cette espèce dans un dragage aux environs de la tour d'Astan, par 35 mètres; un fort bel exemplaire, que j'y ai pris, a vécu longtemps dans un aquarium et s'est sécrété un tube soyeux et transparent, comme celui de Banyuls.On trouve, en outre, cet animal dans les marées un peu fortes, dans l'herbier; il grimpe dans les touffes de cystoceris, et tantôt s'attache à une branche où il s'enroule en paquet, tantôt passe d'une touffe à l'autre comme un cordage tendu. Dans les grandes marées, on en trouve aussi de fort beaux exemplaires sous les pierres (rocher du Loup, juillet). La reproduction se fait, à Roscoff, en été. Un bel exemplaire dra- gué à Astan, le 20 juin, a pondu des milliers d'œufs dans mes cu- vettes, et j'ai pu constater qu'ils se développaient parfaitement. Ces œufs n'étaient pas réunis en une ponte spéciale, comme chez tant d'autres Némertes ; ils étaient libres et tombaient au fond du vase. Ces œufs sortaient par les orifices latéraux de la ponte. Dans la région moyenne des corps, on trouve de dix-huit à vingt orifices de chaque côté du corps, entre deux anneaux blancs, soit trente-six à quarante pour chacun de ces segments. Chaque orifice est un petit point noir, entouré d'un cercle blanc. Il y a aussi des orifices sur les lignes blanches, mais ils manquent dans la région antérieure du corps ; puis on en trouve sur une seule ligne de chaque côté, environ dix par anneau, puis quinze, puis dix-huit, sur deux rangs imbriqués. La figure 5, planche VII, de Mac- intosh se rapporte à une région où les orifices sont sur un seul rang. Vers le dernier quart du corps, il y en a au moins trente par anneau, et on en trouve presque tout près de l'anus. Extension géographique. — Roscoff, Banyuls, Port-Vendres, Col- lioure, Bréhat (de Quatrefages), Naples (Uubrecht), Trieste (Uewo- m L. JOUBIN. letzky), Jersey (Kœhler), côtes d'Angleterre (Mac-Intosh), Lussin (Grube). 2. CARINELLA POLYMORPnA (HUBRECHT). Valencinia splendida (de Quatrefages, 1846). Tubulanus polymorphus (Renier, 1800). Carinellu polymorpha (Hubrecht, 1880). Mac-Intosh n'a pas trouve cette espèce sur les côtes d'Angleterre ; elle a été signalée, au contraire, en France par de Quatrefages, à Bréhat, et par M.Chapuis, à lioscoff. Elle est donnée comme rare, à Bréhat, par M. de Quatrefages ; à Roscoff, M. Chapuis n'en a trouvé qu'un seul exemplaire. J'en ai trouvé au moins quinze dans la vase de l'herbier de Pempoull (près Saint-Pol-de-Léon). En bêchant les endroits où cette vase est mêlée de sable fin, tout à fait au haut de l'herbier, on en trouvera facilement. J'en ai trouvé d'autres à Roscoff, dans l'herbier du laboratoire, dans les mêmes conditions qu'à Pempoull. La couleur de ces ani- maux est d'un rouge un peu brun, plus foncé sur le dos, et se rap- proche assez de celle qu'a figurée de Quatrefages ; la tête est plus renflée, les deux prolongements latéraux sont plus aigus que dans cette figure, enfin je n'ai pas rencontré les lignes noires que l'on y voit çà et là, et qui ne me paraissent être que la saillie de la trompe et des cloisons latérales du tube digestif. Ces animaux vivent mieux en captivité que ne le dit de Quatrefages; j'en ai même eu qui ont pondu. Leur longueur ne dépasse pas, à Roscoff, 50 centimètres. Les individus de Banyuls sont remarquables par leur belle teinte rouge tirant sur le vermillon; ils ne sont pas tachés de brun comme à Roscoff, et leur teinte est uniforme sur tout leur corps. Gomme l'a indiqué Hubrecht, lorsqu'on plonge cet animal dans l'alcool, il devient gris pour la partie antérieure et brun pour les trois quarts postérieurs. La différence des couleurs a lieu sans transition et se fait suivant un cercle très tranché. Les individus que j'ai eus à Banyuls ont été péchés au chalut par environ 30 mètres de profon- SUR LES TURBELLÀRIÉS DES COTES DE FRANGE. 487 deur, dans les fonds à Cinthia microcosmus, parmi les bryozoaires et débris de toutes sortes qui se trouvent devant Port-Vendres. Ils se reproduisent en mai à Banyuls, en juillet à Roscoff. Cette espèce est particulièrement favorable à l'étude de la sper- matogenèse. On peut suivre toutes les phases de la transformation des cellules mères des spermatozoïdes, l'ouverture des sacs génitaux à l'extérieur, la structure de ces sacs, etc. Les sillons céphaliques sont très peu marqués, et leur structure est celle indiquée par Dewoletzky. Extension géographique. — Banyuls, Roscoff, Bréhat (de Quatre- fages), Naples (Hubrecht), Adriatique (Dewoletzky), Océan et Médi- terranée (Vaillant). 3. CARINELLA GALATUE.E (DIECK, 1874). Cette espèce a été trouvée par Dieck dans les sacs ovigères de la Galathea strigosa. Ce crustacé est extrêmement commun à Roscoff et à Banyuls; mais je n'ai jamais rencontré sa Némerte parasite. Voici la diagnose donnée par Carus : « Corpus longit. 70 m. m.(0,20mm), teres, subtus leviter angulatum, marginatum lœte latericium, ovaria alba translucentia, antice et postice paulo attenuatum ; caput haud distinctum ocellus utrinque singulus formam commatis obliqui brevis referens (forsan Nemertes carcinophila Kollik. est). Messina. In sacculis ovigeris Galatheœ stri- gosx. » Cette assimilation de Carinella Galathex à Nemertes carcinophila Kollik. est tout à fait inexacte. La Nemertes carcinophila (Polia car- cinophila de Barrois) est un enopla parfaitement caractérisé. Extension géographique. — Messine (Dieck). 4. CARINELLA INEXPECTATA (HUBRECHT). Cette espèce, trouvée par Hubrecht à Naples, a été revue par M. Chapuis à Roscoff, mais avec doute. En effet, voici la note que i.ss L. JOUBIN. M. Ghapuis a insérée sur la lidie de collection de cette Némerte, déposée au laboratoire deRoscoff: ., Je ne Miis pas sûr que cet animal soit la Carinella inexpcclala d'Hubrechl — 15 millimètres de long, orangé ; environ quatorze yeux de chaque côté. Sillons latéraux. Ressemble en tous points à un Amphiporus; mais la bouche est postérieure aux ganglions, la tète est plus étroite que le reste du corps et simplement arrondie en avanl (dragué à Astan, août 1885). » Voici, d'autre part, la diagnose de cette espèce donnée par Garus : « Corpus rubrum, fusco suffusum, long. 35 m. m., fossa trans- versa capitis fossulis secundariis munila. — In medio ventrali uti videtur cum ea lateris oppositi confluens in dorso prope ad lineam mcdianam extensa, orificio laterali prsedita. — Habit. : Gapri. Ne- mer les annulât a, Ehrhg. — Ex opinione auctorispropius ad Tubulanum polymorpkum accedit. » Je n'ai pas retrouvé cette espèce ni à Banyuls, ni à HoscofF; mais j'ai rencontré à Banyuls de très jeunes Drepanophorus serraticollis, qui répondaient tout à fait à cette description. 11 est possible qu'il y ait eu là confusion, d'autant plus que ces jeunes Drepanophorus sont fort différents de l'adulte. Extension géographique. — Capri (Hubrecht). 5. CARINELLA BANYULENSIS (n. SP.). (Planche XXV, figure 1.) Cette espèce est nouvelle et se rencontre à Banyuls dans les algues qui tapissent l'île Grosse, presque au niveau de la mer, à une pro- fondeur de 50 centimètres à 4m,50. J'avais cru d'abord que c'était une forme de la Carinella annulata jeune ; mais j'ai dû renoncer à cette interprétation, car j'ai trouvé des individus en état do reproduction. Ce sont donc des adultes. Cette Carinelle est toute petite; elle atteint, au plus, 3 centimètres de long sur 1 à 2 millimètres de large. On la trouve assez souvent SUR LIÎS TURBELLARIÉS DES COTES DE FRANCE. 489 autour de L'île Grosse, parmi les corallines, cl plus rarement, par 30 à 35 mètres de fond, dans un banc d'algues calcaires. Sa couleur est brun rouge, à peu près comme Carinella polymor* pha; le dos est plus foncé que le ventre. On voit sur le corps : 1° Une ligne blanche dorsale médiane, tantôt continue, tan lot formée de points assez espacés les uns des autres. 2° Deux lignes latérales rouges, formant liséré, une de chaque côté du corps ; mais, souvent, elles sont à peine distinctes, lorsque le corps entier est d'un brun plus rouge. 3° Une série d'anneaux circulaires formant ceinture autour du corps, et de couleur blanche. Il y en a de trois à dix, selon les di- mensions de l'animal; ils sont beaucoup plus nets sur la face dor- sale que sur le ventre, où ils sont atténués. Le premier anneau est souvent incomplet sur la face ventrale. A" Un anneau blanc, sur la tête, plus ou moins large et de dispo- sition assez variable. Tantôt, c'est un anneau à bords parallèles et circulaires, peu net sur la face ventrale. Tantôt, il forme sur la tête un angle dont le sommet est médian et postérieur ; tantôt, il s'élargit en deux plaques blanches, qui occupent presque toute la tête. Il n'y a pas de lignes blanches latérales, comme dans la Carinella annulata. La tête est arrondie et plate, plus large que le reste du corps, comme c'est le caractère des Cannelles ; mais elle ne pré- sente pas les deux espèces de prolongements latéraux de Carinella annulata ou polymorpka. En avant, sur le bord, il y a deux grosses taches pigmentaires noires, qui sont bien certainement des taches oculaires. Elles sont rondes ou en forme de virgules. L'oriûce de la trompe est presque au bout, et très petit. Dans l'épaisseur de la tète, par compression on voit une grande lacune en forme de fer à cheval, au-dessus des ganglions, et il y cir- cule des granulations nombreuses dans un liquide rosé. 11 y a, à la base de la tète, des fentes latérales très petites, mais bien nettes, surtout sous le compresseur. Elles se prolongent en deux petits sillons ventraux aboutissant à la bouche. Sur les côtés, 490 I.. JOUBIX. il y a un petit orifice étroit qui termine le sillon du côté dorsal ; mais les cils vibratilcs ne sont pas plus considérables sur cette partie que sur le reste du corps. La trompe est très grêle et inerme.pas d'appendice caudal; le col- lier nerveux esL assez épais; les deux ganglions sont prolongés en avant par une pointe vers les yeux, peu allongés en arrière. La bouche est assez grande, située en partie sous le corps, en partie sous la tête ; une strie médiane assez prononcée va de l'angle supé- rieur de la bouche à l'orifice de la trompe. J'ai observé plusieurs jours, dans un bol de cristal, un de ces ani- maux de 4 centimètres, avec dix anneaux blancs, provenant d'un scaphandrage autour de l'île Grosse, à \2 mètres de profondeur. Il s'est sécrété un tube soyeux comme les autres Cannelles, et a pondu en captivité. Il avait des yeux énormes et très développés. Je n'ai retrouvé cette espèce en aucun autre point de nos côtes. La structure microscopique de cette petite Némerte se rapproche beaucoup de ce .que l'on connaît chez les représentants de plus grande taille de ce genre. Quelques détails la font différer. La peau est remarquable par son extrême épaisseur, par rapport au diamètre du corps. Elle est plus épaisse sur la face dorsale que sur la face ventrale. La figure 2, planche XXYII, montre les princi- paux caractères du tégument, qui est principalement intéressant par le développement en longueur des éléments cellulaires. On aperçoit, dès le premier abord, une première zone de cellules pourvues de noyaux, immédiatement sous le plateau cilié (a). Puis une grande zone à vacuoles (b), qui sont de longues et larges cellules à mucus, coupées dans divers sens, car elles sont assez irrégulièrement pla- cées. Puis, plus profondément, une zone très riche en noyaux (c) ; enfin, une couche incolore, traversée çà et là par des bouquets de fibrilles nerveuses émanant de la couche nerveuse (d). Si l'on étudie cette peau à un plus fort grossissement, on trouve que les cellules, dont le plateau cilié forme la limite du tégument, sont fort longues, pourvues d'un noyau près de leur partie supé- SUR LES TURBELLÂRIÈS DES COTES DE FRANCE. 491 rieure, qui est granuleuse (a, fîg. 3). Les cellules à mucus sont aux trois quarts vides, et c'est seulement dans leur partie infé- rieure que se trouve du protoplasma et un noyau réduit, appliqué contre la paroi (6, fig. 3). Les cellules de soutien (a, fig. 3) sont nombreuses et de formes variées, la plupart ovales etpiriformes ou un peu arrondies (d, fig. 3). Enfin, les faisceaux de fibrilles nerveuses (n), qui traversent la mince couche amorphe (/'), s'épanouissent en éventail et semblent gagner les cellules superficielles. Entre toutes ces cellules, principalement dans la région dorsale de la tête, sont répandus de nombreux amas homogènes ou granuleux de pigment jaune et vert {g, fig. 3). Certaines préparations colorées d'une façon tout à fait spéciale permettent de se rendre compte de la marche des fibrilles nerveuses dans la peau. C'est ce que représente la figure 7, qui est une coupe dans la région des ganglions. On voit les faisceaux de fibrilles pro- venir de la face interne des ganglions, traverser les agglomérations de cellules nerveuses, et souvent même traverser toute la masse des ganglions de part en part, passer à travers la mince couche amorphe et se diviser en réseaux de fibrilles innombrables, rampant entre les cellules du tégument. Il est impossible de représenter la finesse des fibres de ce réseau; chaque faisceau comprend des cen- taines de ces fibres. Çà et là (fig. 7), des noyaux semblent attachés à ces fibrilles. Cette Carinella exagère donc, s'il est possible, le caractère du groupe indiqué par Hubrecht, c'est-à-dire le riche réseau nerveux tégumen- taire externe. Mais, vers la face interne, le réseau nerveux est aussi développé d'une façon intéressante; il encadre les paquets réguliers de fibres musculaires (pi. XXVII, fig. 5). La partie la plus externe du réseau est en rapport avec la couche nerveuse (n, fig. 5) et la partie la plus interne forme des mailles plus serrées (o, fig. 5), qui sont très voisines du tube digestif, mais que je n'ai pas vu y pénétrer. Le nerf latéral présente dans la région œsophagienne une dispo- m L. JOUBIN. sition spéciale. La portion flbrillaire en cordon est assez éloignée ,1,. la périphérie, et en dehors d'elle se trouvent les cellules ner- veuses habituelles. Mais ces cellules sont partagées en deux masses [a el /', pi. XXVII, fig. 7), séparées par une petite cavité c. Dans cette figure 7, les deux niasses cellulaires comprennent peu de fibrilles en rapport avec le cordon longitudinal (d). .Mais cette communication ne se fait pas sur toute la longueur du cordon, et on ne la rencontre que de distance en distance. Gela rappelle un peu une série de ganglions et est un indice de vague métamé- risation. Dans la cavité comprise entre les deux masses cellulaires, il y a un cordon flbrillaire (h) qui paraît détaché accidentellement du gros cordon nerveux (d). Les deux amas de cellules latérales sont tra- versés par les fibrilles, dont les prolongements, joints probablement à ceux des cellules, forment, entre la couche amorphe et la couche musculaire, une véritable nappe nerveuse. On peut encore signaler le nerf médian dorsal qui est très déve- loppé et correspond à une petite dépression longitudinale de l'épi- thélium, un peu plus pigmentée que le reste du tégument. L'organe latéral de sensibilité est excessivement peu développé. Il est réduit à une simple petite fossette où les cellules de la peau se disposent d'une façon plus serrée, étant dépourvues de glandes, et où arrivent de nombreuses fibrilles nerveuses partant de la région inférieure et interne du cerveau. La fossette ne s'enfonce même pas jusqu'à la couche amorphe. C'est, je crois, l'espèce de Carinelle où l'organe latéral est le moins développé, il est même plus réduit que ce qui a été indiqué par Dewoletzky pour Carinella annulata. La trompe est pourvue d'une musculature puissante \ elle est assez courte. Sa gaine est sur les sections (pi. XXVII, fig. 2, m) à peu près fusi- forme, et elle est entourée d'une courbe épaisse de fibres circulaires. Dans la région postérieure, la gaine est très aplatie et présente SUR LES TUKBELLARIÈS DES COTES DE FRANCE. 493 l'aspect d'une fente demi-circulaire entourant la face dorsale du tube digestif. La partie antérieure de la gaine de la trompe ou rhyncho- dœum est pourvue d'une quantité de glandes muqueuses; l'orifice central, entouré de petites cellules, est très réduit [a, fig. 4). Le tube digestif est pourvu d'un épithélium très élevé, disposé en papilles et en plis longitudinaux qui donnent à la coupe l'aspect représenté par la figure 2 (n). Le revêtement musculaire du corps comprend quelques fibres cir- culaires et un énorme développement des fibres longitudinales, sé- parées en faisceaux parallèles par des cloisons de substance con- jonctive amorphe, dans laquelle rampent les nerfs (fig. ... Cette couche est très épaisse, surtout des deux côtés du nerf latéral, où elle est creusée des canaux circulatoires et excréteurs. Le système des lacunes est un peu plus compliqué que dans les autres Garinelles. Par des séries de coupes, on peut le reconstituer de la manière suivante : A la pointe de la tête, une lacune unique (a, pi. XXVII, fig. 8) qui, bientôt, se partage en deux troncs (0) longitudinaux divergents. Ceux-ci se rapprochent pour se réunir au moment du passage dans le collier nerveux (e), puis, ensuite, ils se séparent encore pour constituer les deux grands troncs latéraux (d). Jusqu'ici, cela res- semble beaucoup aux autres Cannelles. Mais il y a, en plus, une grande anastomose dorsale (/) entre les deux troncs divergents dans le tiers antérieur de la tète. Un peu plus loin, une anastomose ventrale^) du milieu de laquelle part un vaisseau médian (h) qui semble se perdre à la l'ace inférieure de la gaine de la trompe. Du bord extérieur de chacune des deux lacunes céphaliques partent deux culs-dc-sac séparés par une cloison du reste du vaisseau (m), et tapissés intérieurement, par un épithé- lium beaucoup plus haut que celui du reste du vaisseau. Peut-être y a-t-il là un point de formation des globules du sang. J'ai observé que les deux extrémités de ce cul-de~sac pouvaient com- muniquer avec le canal principal (n). 194 L. JOUBIN. Knfin, dans la région buccale, au-dessus de l'épithélium qui forme le fond de la bouche, se détachent deux autres tubes (o) de la grande anastomose vasculairc. Leur paroi, d'abord bien nette, semble se fondre dans le tissu conjonctif supra-œsophagien. Je n'ai pas observé avec assez de précision pour la décrire la disposition du système excréteur dans la région de la grande lacune latérale. Mais ce que j'en ai vu me fait penser qu'elle a de grands rapports avec ce qui a été décrit par M. Oudemans pour la Carinella annulata. Extension géographique. — Banyuls. 6. CARINELLA ARAG0I (n. SP.) (Planche XXVII, figure 2.) Cette espèce provient aussi de Banyuls. Je l'ai trouvée dans les mômes fonds que la précédente, parmi les corallines et les algues brunes qui tapissent l'île Grosse. Elle a été pêchée au scaphandre par environ 12 mètres de profondeur. Cette Carinelle atteint environ 18 centimètres à son maximum d'extension; elle est excessivement grêle, à peu près de la grosseur d'un crin. Elle est de couleur carmin foncé tirant sur le violet, et elle est pourvue de diverses lignes blanches. La tête est moins large que le reste du corps, ce qui la distingue de toutes les autres Carinelles; elle est arrondie, aplatie au repos. Quand elle est en marche, elle est pointue en avant, et ressemble un peu alors à la Valencïnia longirostris. Le corps est arrondi et devient de plus en plus mince vers l'ex- trémité caudale. L'ouverture de la trompe est un petit orifice rond situé tout à fait à la pointe de la tête, ce qui la distingue de Carinella annulata. La bouche est une petite fente longitudinale quand elle est fermée ; ouverte, c'est un petit orifice rond. Le corps est pourvu d'une tren- taine d'anneaux blancs tranchant nettement sur la couleur foncée SUR LES TURBELLARIÉS DES COTES DE FRANCE. 495 de l'animal. Le premier collier blanc est à 2 millimètres en arrière du cou; à ce collier s'arrêtent nettement deux autres lignes blan- ches latérales. Sur la ligne médiane dorsale, il y a un autre trait blanc. Cette ligne traverse ce premier collier et va tout droit jusqu'à près de 1 millimètre de la pointe de la tête au repos. Là elle se bi- furque (pi. XXVII, flg. 2), et chacune des moitiés se dirige vers le dehors presque à angle droit, puis de nouveau chaque ligne se coude et revient vers la pointe de la tête limitant une sorte d'espace triangulaire d'un rouge plus clair que le reste de la tête. Enfin ces deux lignes viennent presque se rejoindre des deux côtés du petit orifice de la trompe, après avoir envoyé une étroite pointe sur la face ventrale de la tête. Les lignes blanches longitudinales sont situées au fond de petites dépressions de l'épithélium. Il n'y a pas de ligne blanche ventrale. Les sillons céphaliques sont plus nets et plus accentués dans cette espèce que dans aucune autre Garinelle. Ils rappellent un peu ce que Mac-Intosh a indiqué pour Carinella annulata. Ils occupent le fond du cou, et sont, non en creux, mais en relief; ils sont teintés en jaune. Sur la face ventrale, ils commencent au- dessus de la bouche, de chaque côté, mais sans se rejoindre sur la ligne médiane. Ils sont, dans toute cette portion, à peu près droits. Arrivés sur le bord latéral, dans le prolongement des lignes blanches dont il a été question plus haut, on aperçoit un petit orifice. Au delà, ils passent sur la face dorsale et forment des sinuosités tout à fait caractéristiques. La terminaison des deux sillons forme deux lignes séparées par la bande blanche dorsale (pi. XXV, fig. 2). J'avais pensé que la diagnose de la Carinella inexpectala d'Hubrecht pouvait s'appliquer à cette espèce, précisément à cause de la des- cription des sillons céphaliques : « Fossa transversa capitis fossulis secundariis munita, in medio ventrali uti videtur cum ea lateris oppo- siti confluens, in dorso prope ad lineam medianam extensa, orificio laterali prsedita. » Mon espèce ne présente pas ces fossettes secondaires qui doivent L. JODBIN. être semblables à celles des Polia ou de divers Amphiporus et Drepa- nophorus : de plus, elles ne se réunissent pas sur la ligne médiane ventrale. Bnfin,il n'est pas question des sinuosités qu'elles décrivent dans C.Aragoi. Ces raisons m'ont l'ail écarter cette détermination, d'autant plus que la taille (33 millimètres) et la couleur brune diffè- rent beaucoup de celle que je décris en ce moment. Carinella Aragoi esl dépourvue de taches oculaires. Cette Némerle est bien caractérisée, au point de vue de sa struc- ture anatomique, par un certain nombre de détails. La peau (pi. XXVII, fig. 9 à lw2) est extrêmement épaisse surtout sur la face dorsale. On y trouve des cellules serrées à la surface, longues et filamenteuses, dont le plateau porte les cils vibratiles. Les cellules glandulaires monocellulaires présentent à peu près le même caractère; elles sont fort longues; les unes semblent à peu près vides, mais il y en a d'autres qui prennent fortement la matière colorante, et sont remplies de granulations. Une couche plus claire se remarque au-dessous, et elle contient beaucoup moins de noyaux que dans la figure 3 se rapportant à Carinella Banyulensis. En dessous, une couche transparente très considérable, dépourvue d'éléments cellulaires et traversée seulement par l'épanouissement des multiples terminaisons de la couche nerveuse cutanée. Ce qui caractérise surtout cet épithélium, c'est que, sur toute sa surface, il est très fortement pigmenté en vert. Plus on est près de la périphérie sous le plateau même des cellules, plus il y a de pig- ment. Ce pigment diminue à mesure que l'on enfonce vers la pro- fondeur de la peau, et cesse tout à fait vers le milieu. Seuls les sil- lons de l'organe latéral, sur la tète, sont absolument dépourvus de pigment, et celui-ci cesse brusquement sur le bord de ces sillons (a et 6, fig. 9). Ceux-ci sont également pourvus de cils vibratiles beaucoup plus considérables. Dans la région étroite qui correspond à la ligne blanche médiane côphalique et aux deux lignes blanches latérales à partir du cou, le pigment descend jusqu'à la couche nerveuse, et par conséquent SUR LES TURBELLAR1ÉS DES COTES DE FRANCE. 497 traverse toute la peau (c, pi. XXVII, fîg. 0, et pi. XXVIII, fig. 12). Il esta remarquer qu'un gros neiT longitudinal dorsal correspond à la ligne blanche dorsale (n, fîg. 9 à 12), et que les lignes blanches latérales correspondent aussi aux deux gros troncs nerveux latéraux. Ces trois lignes blanches sont placées au fond des sillons tapissés de cil- vibratiles bien plus longs que sur le reste de la peau, et corres- pondent évidemment à un appareil spécial de sensibilité. La pigmentation de la peau cesse aussi brusquement au pourtour de la bouche (fig. 9 et 10). Au-dessous de la couche profonde de la peau se trouve une très mince membrane amorphe qui se colore vivement. Elle n'est pas, comme dans les autres Cannelles, intimement soudée à la couche de muscles circulaire sous-jacente; elle en est séparée par un inter- valle clair assez large (m. fig. 9 à 12). L'appareil musculaire est assez compliqué et remarquable en ce que les couches de fibres musculaires sont bien développées, ce qui n'est pas le cas pour d'autres Cannelles. Dans la tête, les fibres musculaires circulaires et longitudinales sont peu distinctes et se croisent en divers sens. Dans la région ner- veuse, au point où les ganglions sont appliqués à la peau (pi. XXVII, fig. 9), la couche circulaire est très réduite au contact des ganglions; la couche longitudinale ne présente que quelques fibres (d, fig. 9) sur la face ventrale, sous la commissure. C'est seulement dans la région dorsale et autour delà gaine de la trompe que l'on rencontre les fibres longitudinales bien nettes. Cette région, qui a la forme de coin, est principalement oc- cupée par les fibres longitudinales disposées en paquets allongés de fibres. La gaine de la trompe est entourée de fibres circulaires d'où se détachent des fibrilles allant rejoindre la couche périphérique et traversant, pour cela, les paquets de fibres longitudinales. La figure 9 en montre en /' deux faisceaux principaux limitant entre eux une petite lacune. La pointe de cet organe montre les fibres longitudi- ARCU. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. - i* SÉIUE. — T. VIII. ; 3J 408 L. JOUBIN. nftles pénétrant dans la gaine de la trompe pour aller dans cet organe dont L'insertion èsl très voisine {g, fig. 9). Dans une coupe passant un peu au-dessous de cette région (fig. 10), on voit que les libres rayonnantes ont pris une grande im- portance ; elles semblent partir toutes d'un point situe à peu près au centre; elles se dirigent Bd grande quantité autour de la gaine de la trompe, vers la bouche, au-dessus de la naissance des nerfs latéraux. Dans cette même coupe, on voit d'autres libres provenir de la périphérie, traverser, en haut, les canaux longitudinaux, puis l'épaisse gaine circulaire de la trompe, et pénétrer dans l'intérieur de cet organe (//, Bg. 10). Au-dessus de la naissance de la bouche, on voit deux gros nerfs accolés contenus dans une lacune limitée par les muscles. Ce sont les nerfs labiaux (c, fig. 10 et 11). Dans la région buccale, les muscles longitudinaux reprennent leur disposition fasciculée bien nette, sauf autour de la bouche où les fibres, encore un peu obliques, ne se disposeront qu'un peu plus loin dans l'ordre habituel (fig. 11). Enfin, tout le reste du corps pré- sente la disposition de la figure 12. La couche périphérique est bien nette; les fibres longitudinales, en faisceaux distincts, très régu- lières ; autour de la gaine de la trompe et de l'intestin, une zone minée, mais bien distincte, de fibres circulaires (f, fig. 12). Autour de l'intestin, on reconnaît aussi quelques fibres longitu- dinales plus abondantes à la partie postérieure du corps (g, fig. 12). Autour de la trompe proprement dite, les fibres musculaires circu- laires sont assez minces, tandis que les fibres longitudinales sont nettes et bien développées (fig. Il et 12, o). Le système vasculaire esta peu près semblable à celui des autres Cannelles. Dans la région céphalique, on trouve deux gros troncs Latéraux divergents qui viennent se réunir au niveau du collier nerveux comme pour Carinella Banyuiensis (fig. 8). La seule diffé- rence est l'absence des culs-de-sac latéraux (ri et m', même figure), de même que des culs-de-sac (oo' de la môme figure) sus-œsopha- giens. Les anastomoses transversales sont aussi absentes et rempla- SUR LES TUttBELLARJÉS DES COTES DE FRANCE. 499 cées par deux anses , à convexité interne se regardant ; chacun s'aboucherait au point de départ de l'anastomose supérieure (/) pour aller se rejeter dans le même vaisseau, un peu plus bas, au point de départ de l'anastomose inférieure g. En somme, c'est, à peu de choses près, le diverticule à deux ouvertures n, mais situé en dedans au lieu d'être en dehors. Les deux troncs longitudinaux descendent au-dessus et en dedans des nerfs latéraux, puis ils s'étendent contre la paroi intestinale qu'ils finissent par entourer (/;, fig. 12) ; dans cette région, il y a de nombreuses brides qui divisent la cavité. Ce qui frappe, dans tout ce système musculaire, c'est le peu de développement de l'épi- thélium qui le tapisse. Il y a des endroits où les fibres musculaires semblent à nu dans la cavité de la lacune, surtout dans la tôle. La trompe est très longue ; elle est pourvue de fortes parois musculaires, et sa gaine a une zone de fibres circulaires bien nettes. Dans la région antérieure de la tête, le rhynchodœum est pourvu de cellules glandulaires moins développées que dans la Carinella Banyulensis ; mais l'épithélium qui limite la lumière de cet organe est entièrement rempli de cellules pigmentaires comme celles de ta peau. Ceci se retrouve à l'entrée de la trompe proprement dite. Dans la région moyenne, la gaine de la trompe est considérable, et généralement on y trouve, sur les coupes, la trompe formant trois ou quatre replis. Dans la région antérieure, son épilhélium interne est tellement développé, que lu lumière est absolument obstruée. La figure 14 montre un secteur d'un cinquième de circonférence environ. La pointe de la plus grande cellule est au centre même de la trompe, de sorte que les pointes des cinq autres secteurs s'y trouvent en contact. L'épithélium est donc formé de cellules de tailles absolu- ment différentes. Celles du bord sont toutes petites et courbées ; celles du centre, toutes droites. Leur couleur est transparente, sauf la région moyenne un peu plus foncée et très finement granuleuse BOO L. JOUBIN. avec un petit noyau. La région (postérieure présente un épithélium bas (s fig. là), de sorte que l'organe a une eavité réelle. Le tube digestif ne présente rien de bien particulier. L'épithélium buccal (pi. XXVII, fig. 10 etH,r)esttrès élevé, fortement cilié; il reçoit des nerfs nombreux partant des nerfs labiaux et bien visibles sur la ligure 10. Cet épithélium contient quelques glandes muqueuses, mais peu abondantes et très difficilement colorables.Le tube diges- tif proprement dit présente un épithélium très régulier pourvu, de distance en distance, de grosses glandes qui se colorent fortement (fig. 12, t, ctlig. 13). Le système nerveux central est remarquable par le fort développe- ment des ganglions cérébroïdes, qui sont intimement accolés à la face interne de la couche circulaire. Les cellules forment un épais revêtement à la niasse fibreuse (pi. XXVII, o, fig. 9), et les libres musculaires longitudinales sont totalement absentes dans cette région. Les commissures sont nettes (fig. 9, p). Les lobes inférieurs d'où partent les nerfs latéraux sont gros (fig. 50 et 14, s). Sur la ligne médiane, un peu au-dessus de la bouche, partent deux gros troncs, les nerfs labiaux (/, fig. 10). Ils sont d'abord unis et échangent des fibres de l'un à l'autre, puis ils se séparent et se portent vers les bords des lèvres (l, fig. 11). Dans la région où ces deux nerfs (les nerfs vagues d' Hubrecht) se séparent du cerveau pro- prement dit, il en part de grosses fibres nerveuses ramifiées qui tra- versent la couche amorphe et viennent se ramifier dans la partie médiane et supérieure de l'épithélium buccal (L, fig. 10). L'organe latérales! formé par un sillon dont j'ai décrit les courbes et qui est représenté sur la planche coloriée. Ces sillons sont abso- lument dépourvus du pigment vert si abondant dans tout le reste de l'animal. Sur les côtés de la tête, il y a un tout petit enfoncement qui se traduit par un petit point sombre sur la tête. C'est l'entrée d'un petit canal qui se recourbe dans l'épaisseur de l'épithélium (r, pi. XXVII, Bg. 9), mais sans jamais arriver au contact de la couche SUR LES TURBELLAR1ÉS DES COTES DH FRANGE. 501 amorphe. Les cellules de cette région sont très longues, fortement ciliées, et reçoivent une quantité considérable de nerfs de la région postérieure du cerveau, comme ceux qu'a indiqués Dewolet/.ky. Il n'y a pas de cellules muqueuses dans ces sillons céphaliques. Je crois que cette Némcrte présente le maximum de complication des sillons et organes latéraux dans le genre Carinella. Extension géographique. — Banyuls. GENUS III. — VALENCINIA (DE QUATREFAGEs). Animaux de grande taille, arrondis, pourvus d'un lobe postérieur au cerveau. Orifice de la trompe assez près de la pointe de la lête. Fentes céphaliques réduites à un petit orifice de chaque côte do !a tête. VALENCINIA LONGIROSTRIS (DE QUATREFAGES, 184G). Lineus linearis (Montagu, 1808). Valencinia lineformis (Mac-Intosh, 1873 (?). Carinella linearis (Mac-Intosh, 1873). Valencinia Armandi (Mac-Intosh). La description de cette espèce donnée par Mac-Intosh me semble très inexacte, et cela est dû soit à ce qu'une autre espèce a été prise pour Valencinia longirostris, soit à ce que les exemplaires des côtes d'Angleterre peuvent être très différents de ceux des côtes de France. Dans ce cas, il vaudrait mieux faire une espèce distincte de cette Némerte anglaise. Les caractères que j'ai constatés sur la Valencinia longirostris trouvée à Banyuls coïncident parfaitement avec ceux que j'ai observes sur les nombreux échantillons trouvés a Saint-Malo, et aussi avec ceux de Naples, à la taille près. Voici les caractères donnés par Ilubrecht pour sa famille des Valenciniadx. « Nerves just within the muscles of the body walk separated From L. JOUMN. ihc epiderrn by only a thin layw, qo oephaUo funws or ûwures, but a Mii.iii opening al eaoti side of the head, toadiag by a eiliated duel inio ihc posterior lobe of the ganglion. « Genw Valencinia, The oponing for the proboscis far behind the tip of Hie snout. « Sp. Valencinia longirostris, Golour whitc with a roseate hue, which is occasionally stronger anteriorly. No cycs in the spéci- mens I had occasion to examine. Head poinled, though rarely so much as in Quatrefages' figure of species. <■ Spécimens at Naples did not exceed l dm. in length. Thcy were generally coiled together in knots, though not very long llieniselves. » Voici comment Mae-lntosh décrit l'animal qu'il a observé. « Golour. Richly roseate in front, the rest of the body being pale pinkish yellow or yellowish-white. « Head. Spathulate, as in the above mentioned species, the laté- ral fissures of course being absent. The eyes are also fewer in number and smaller, but arranged similarly. The mouth is large and situated far backwards, the position and size being eqnally interesting in this group. » On voit par cette citation combien les caractères donnés par ilnbrecht diffèrent de ceux que donne Mac-Intosh. C'est précisé- ment le propre de la Valencinia, et ce qui la distingue particulière- ment, d'avoir la tête très pointue, et en aucune façon spatnlée. De pins, la couleur est uniformément rose, sauf la tète qui est blanche, aussi bien à Saint-Malo qu'à Banyuls ou qu'à Naples. D'autre part, en lisant la description de la Carinella linearis de Mac-Intosh, on trouve certaines ressemblances avec Valencinia lon- girostris de M. de Ouatrefages,et lui-même semble y avoir songé, car il parle do cette espèce en disant qu'il y a « certain affini tics with this form although the second, as shown, in his figures, is much more pointed ». Il faut noter précisément que, dans le dessin de M, de (Jualrefages, la tête est beaucoup trop pointue, et, lorsqu'on a SUR LES TURBELLARIF.S DES COTES DR FRANCE. BQ3 l'animal sous les yeux, on constate que, à part la couleur, le dessin est peu ressemblant. Enfin, les caractères d'habitat donnés par Mac- intosh pour sa Carinella lincaris soûl tout à fait ceux de la véritable Valencinia Ion;/ ims! fis . J'assimile donc Corindla linearis à l'fgpèOS qu# M. de Ouatrefages a nommée Valencinia longirostris, et je ne serais pas élonné que la Valencinia lineformu de -Mao-Intosh fût le Lineus lacteus, comme il l'a lui-même soupçonné. Il me paraît aussi probable que la Valencinia Armandi de Mac-Intosli ejt synonyme de Valencinia longirostris de M. de Quatrefages. Voici maintenant les divers points où j'ai rencontré cette Né- merte, et les conditions de son existence. A Banyuls, j'en ai trouvé un seul individu de 30 centimètres de long, dans une petite anse située derrière le laboratoire Arago. La mer avait baissé de 50 centimètres environ et, en soulevant une grosse pierre, je trouvai cet animal roulé au milieu de débris va- riés. La tête était blanche, le corps rose, Je n'ai jamais retrouvé cette espèce en d'autres points de la Méditerranée. Le gardien du laboratoire de Roscoff, Marty, m'en a envoyé un fort bel exem- plaire ; c'est le seul qui ait été trouvé dans cette localité. A Saint-Malo, on en trouve en abondance dans quelques poi ils de l'herbier situés autour du fort National ; mais ce n'est que dans des points très spéciaux. On ne la trouve pas, quand le sous-sol de l'herbier est entièrement formé de vase noire. Il faut que ce soit un fond de sable à demi vaseux. En outre, ce nV.l que dans les petits herbiers de quelques mètres carrés, disséminés parmi les rnehers, au plus bas de l'eau, dans les grandes marées Elles y habitent un tube tapissé de matière agglutinante et auquel -oui miles des grains de sable très propre, de sorte que ce tube tranche, par sa couleur jaunâtre, sur le sable vaseux gris foncé. Qes liilje- mit 40 ou 50 centimètres de long, et les individus que l'on y rencontre ont jusqu'à 40 centimètres de longueur dans leur plus grande extension. 504 L. JOUBIN. Lorsqu'on place ces animaux dans une cuvette, ils se metteni à sécréter immédiatement un mucus visqueux qui se solidifie assez vile pour former un réseau enchevêtré dans ions les sens ; ces Némertes s'j réservent des espèces de petits couloirs où elles se tapissent, à demi contractées, el s'entourent de lils encore plus serrés qui leur constituent une sorte de tube. Quand on les prend dans l'herbier, elles se brisent instantanément en plusieurs fragments dans toute leur partie rose; la tête seule, de couleur blanche, ne se fragmente pas. La partie postérieure du corps est très aplatie, comme cela se trouve chez les Cannelles. Téguments et parois du corps. — Cette espèce est de celles qui se prêtent le mieux aux coupes. La figure 11, planche XXVI, représente une coupe de la région céphalique, un peu avant le cerveau. On trouve extérieurement un épithélium cilié (a) peu élevé, avec grandes cellules glandulaires ; en dissous, une couche hyaline (b), mince, qui se colore vivement par les réactifs. Cette couche est traversée par des filaments probable- ment nerveux, qui se terminent dans l'épi thélium cutané. En dessous se trouve une couche très épaisse de fibres muscu- laires ou conjonctives longitudinales, qui occupent toute l'épaisseur du corps jusqu'aux canaux centraux. Mais cette couche ne présente pas partout la même structure. Elle présente, à la périphérie, une première assise {d) de cellules musculaires qui, par suite probablement du contact de leurs voi- sines, ont pris un aspect polyédrique. Chacune a un gros noyau. Je pense que ce sont bien là des fibres musculaires ; mais, cepen- dant, elles diffèrent notablement de celles qui sont plus profondes, elles ont des stries transversales dans leur portion supérieure. lui dessous, les autres fibres musculaires sont disposées sans ordre ; mais elles sont extrêmement nombreuses, et paraissent toutes à peu pies de même dimension. Elles sont séparées par des faisceaux de libres rayonnantes, qui les divisent en paquets. Ces fibres sont musculaires el conjonctives, et contiennent aussi certainement des SUK LES TURBELLAR1ÉS DES COTES DE FRANCE. SOS éléments nerveux (g, fig. H). Dans la profondeur des faisceaux limi- tés par ces fibres rayonnantes, on trouve, dans toute la région cé- phalique, de grosses cellules (h), qui ont Ion! à fait l'aspect glan- dulaire ; mais je n'ai point vu leur canal excréteur, et ce sont peut-être des cellules destinées à former des corpuscules amiboïdes. Toutes les fibres rayonnantes proviennent d'une gaine centrale de fibres circulaires, qui occupe le pourtour des lacunes sanguines. On peut suivre, dans les figures 1 à 13 (pi. XXVI), les dispositions diverses de cette gaine fibreuse, qui d'abord entoure la lacune centrale (fig. i et 2), puis s'incurve vers son centre pour laisser la place de la trompe (fig. 3 et 4) et finalement se referme par-dessus cette gaine de la trompe (fig. 5 et suivantes). Ce sont ces fibres qui donnent surtout à la tête sa forme, et constituent, pour ainsi dire, le squelette de l'animal, et en tout cas forment une paroi solide et continue. La disposition des cavités sanguines est assez semblable à ce que M. Oudemans a décrit. La lacune céphalique est d'abord unique (fig. 1), puis se dédouble (fig. 2). Chacune des moitiés se divise en quatre vaisseaux, et les deux inféro-médians se soudent en un vais- seau unique et médian (fig. 3). On trouve ensuite des lacunes assez irrégulières, plus ou moins nombreuses (fig. 4 et 5), toutes séparées les unes des autres par des plans fibreux rayonnants, partant de l'axe dont il a été question plus haut. Au moment où la trompe s'ouvre à l'extérieur, les lacunes for- ment un réseau très lâche qui occupe presque tout le centre de la tête (fig. 5). A partir du point où la trompe a pris sa place dans le centre du corps (fig. 6), les lacunes deviennent plus petites, on approche en effet du cerveau, ce que l'on voit aux gros troncs ner- veux qui entourent la gaine circulaire dans cette même coupe. Au niveau du cerveau, les lacunes se sont réduites à deux sinus minces entourant la gaine de la trompe, et la troisième, impaire, qui est restée extracérébralc C'est par cette coupe (fig. 7) que l'on voit un des deux gros nerfs, qui innervent la trompe pénétrer dans cet organe. MO L. IOUBIN La coupe suivante montre (Kg. 8) la trompe bien détachée de i& saine et le vaisseau interne de la trompe qui s'est ouvert dans la oavité de pette gaine, <»ù il s'ouvre encore en arrière. Nous revion- , lions, d'ailleurs, plus loin sur ce vaisseau. Le vaisseau médian s'est dédoublé en deux autrei plus petits (a et b, flg. H). Au-dessus d'eux, on en trouve deux au 1res encore plus réduits {c, d). Je ne sais s'ils se mettent en rapport avec le vaisseau intérieur de la gaine do la trompo ou avec les vaisseaux médians ; je crois plutôt que c'est avec ces deux derniers. Les deux grands sinus latéraux sont larges, et le deviennent encore plus au moment où l'on arrive dans le voisinage de la bouche (Kg. 9). Ils finissent par entourer complètement le tube digestif sur ses côtés dans la région moyenne du corps (flg. 10). Ils sont coupés çà et là par des cloisons et des brides nombreuses. Dans la région postérieure du corps (Kg. 12) les vaisseaux deviennent bien plus nombreux. Le tube digestif est échancré par des brides latérales {m m', Kg. Il), qui servent souvent à faire passer des vaisseaux verti- calement de la face dorsale à la face ventrale. Dans cette région, le tissu qui entoure le tube digestif est devenu bien moins net; c'est un mélange de fibres longitudinales (a, Kg. 15), do quelques fibres transversales et de nombreuses fibres conjonc- tives limitant des lacunes (*) entrelacées dans lesquelles on voit de nombreux éléments cellulaires (c) qui paraissent libres dans ces ca- vités. Il semble fort probable que ces éléments sont migrateurs et se déplacent dans la cavité générale du corps. Il est possible que ce soit là le point de formation de ces cellules dans la région du corps la plus riche en vaisseaux. Dans la région anale, les vaisseaux sont encore plus nombreux ; ils sont môme si rapprochés les uns des autres, que la cavité géné- rale est à moitié occupée par eux, et le reste est rempli par le paren- chyme lacuneux dont il vient d'être question (pi. XXYI, Kg. 13). Tous ces vaisseaux et lacunes sont tapissés par des cellules en épithélium à gros noyaux très nets (Kg. H, m). Mais il y a un de ces vaisseaux qui présente un aspect tout particulier, c'est celui qui SUR LES TURBELLARIES DES COTES DE FRANCE. fi07 occupe la ligne médiane inférieure de la gaine do la trompe. Ce vais- seau est, en effet, presque libre, et il est tapissé extérieurement et intérieurement par un épithélium spécial. J'ai représenté (pi. XXVII, fig. 1) la coupe do cetorgane. Au dedans du canal, la voûte est tapissée par des paquets de cellules groupées les unes contre les autres (a, fig. 1). Elles semblent môme ôtre enveloppées par groupes de cinq ou six dans une mince enveloppe. Le fond de ce canal (b) n'est point pourvu d'une paroi propre, mais, au contraire, c'est le tissu mésen- chymateux qui se continue là, et les petites lacunes de ce tissu (d') sont la continuation de la cavité du vaisseau. Remarquons que ce tissu lacuneux se continue tout autour de l'intestin. Il me paraît donc vraisemblable que les liquides nourriciers provenant de la di- gestion peuvent être amenés abondamment dans le vaisseau de la gaine de la trompe par cette disposition. C'est aussi dans cette ré- gion que se trouvent les organes excréteurs. Le liquide qui arrive dans le vaisseau de la trompe peut se déverser en partie dans la gaine de la trompo, car le vaisseau s'y ouvre dans la région cérébrale. Mais ce vaisseau a aussi une autre fonc- tion. En voyant l'épithélium extérieur, c'est-à-dire le recouvrement épithélial interne de la gaine de la trompe dans la partie qui re- couvre le vaisseau, on trouve qu'il y a des caractères tout à fait dif- férents de ce qui s'observe dans les environs. Là on voit également des paquets de cellules enveloppés dans une mince membrane (c, fig. 1); mais, entre ces paquets, il y a des cellules allongées qui sont beaucoup plus hautes (/"), isolées les unes des autres, et dont les plus grandes semblent sur le point de se détacher (g), C'est en effet ce qui arrive, et l'on voit ces cellules devenir libres dans la cavité de la gaine de la trompe où elles pourront jouer le rôle de globules du sang. Tel me paraît être le rôle, non seulement du vaisseau, mais encore de l'épithélium qui le revêt extérieurement. Ces corpuscules, d'aspect amiboïde, présentent des formes spéciales chez l'adulte, et, r;os L. JOUBIN. étanl dépouffus de membrane, adhèrenl fréquemment les uns aux autres (>», flg. !)• J'ai décrit avec quelques détails ces faits chez Valencinia longiros- tris, paire que, dans cette espèce, ils sont plus nets que dans les autres Némertiens; mais je les ai observés aussi dans nombre d'au- tres espèces où on peut assez facilement les constater. Dans la région buccale et dans la première partie de l'œsophage, il y a un épithélium à cellules longues et étroites, qui, sur les coupes bien fixées, semblent absolument vides ; au premier abord, on n'aperçoit pas même de noyau. Ces cellules, disposées par groupes, en éventail, sont très régulières et donnent des coupes très élé- gantes. Cependant, tout au fond, collé contre la paroi (pi. XXYI, fig. 20), on aperçoit un tout petit noyau entouré de granulations fines. Dans l'intestin proprement dit, les cellules ont la même forme, les noyaux plus gros et les granulations plus abondantes. De plus, on trouve quelques cellules plus grosses, probablement muqueuses. Dans la région postérieure, les cellules sont en forme de cornet (pi. XXVI, fig. 19) et sont complètement remplies de granulations, sauf quelques petites vacuoles et un gros noyau situé contre la paroi. Dans la région anale, les cellules ainsi granuleuses sont très ser- rées par leur partie évasée, tandis que leurs bases effilées se collent entre elles de façon à limiter des lacunes et des espaces vides dans l'épithélium même (pi. XXVI, fig. 13). Parois de la trompe. — On découvre, en allant de dehors en dedans : 1° L'épithélium plat qui la sépare de la cavité de sa gaine (a, fig. 14, pi. XXVI); 2° Une légère couche hyaline (6) ; 3° Une épaisse couche de fibres musculaires longitudinales (c) ; 4° Une mince couche de fibres circulaires (d) ; 5° Une couche considérable de fibres longitudinales où l'on dis- lingue deux parties bien nettes. Vers la périphérie, les fibres sont SUR LES TURBELLAU1ÉS DES COTES DE FRANCE. BQ9 claires et ne prennent presque pas la matière colorante ; de plus, elles sont presque toutes de tonne arrondie et de même diamètre (e, fig. 14). Vers le centre, au contraire, les cellules sont de tailles assez différentes ; elles se colorent vivement par l'hématoxylinc ; elles sont en général ovales ; enfin elles sont réunies en petits pa- quets par une mince membrane hyaline [fg, fig. 14). 6° Une membrane hyaline (i) ; 7° Vers l'intérieur se trouve l'épithélium cavitaire de la trompe, formé de cellules pourvues d'un très petit noyau (A, fig. 14). L'organe de la sensibilité spéciale présente, chez Valencïnia lon- girostns; une disposition tout à fait particulière. On trouve, à l'exté- rieur, sur les côtés de la tête, une toute petite fossette en forme d'entonnoir (a, pi. XXVI, fig. 17 et 18). Du fond de cette fossette part un canal droit, court, qui plonge un peu obliquement ve s le cerveau (b, fig. 17 et 18). Si l'on fait des coupes de ce canal, on trouve qu'il est entouré, sur sa partie inférieure, de cellules petites, arrondies (fig. 16) qui se prolongent, en son intérieur, sous forme de deux lamelles concaves se regardant [a, a, fig. 16). A ces cellules, peut- être nerveuses, sont jointes des cellules muqueuses et de soutien. En réalité, ces deux languettes forment les deux lèvres d'une gout- tière longitudinale qui parcourt le canal, sinon dans toute sa lon- gueur, au moins dans une grande partie (c, fig. 17). Ce canal est plus large à son fond qu'à son orifice, et il se termine en cul-de-sac au contact d'un ganglion ovoïde allongé qui contourne sa direction (d, fig. 17 et 18). Mais, au point où la gouttière arrive au fond du canal, s'ouvre un petit conduit dont la lumière continue précisément la gouttière. Ce nouveau conduit, bien plus étroit que le premier, est entière- ment logé dans un ganglion spécial dépendant du cerveau. D'après les séries de coupes que j'ai pratiquées, j'ai reconstitué la direction de ce canal que l'on voit sur le dessin schématique représenté par la figure 18. Ce petit conduit, après deux ou trois coudes, vient se terminer en cul-de-sac tout contre le ganglion cérébroïde. Le gan- ,1,, L. JOUBIN. glion spécial oontientde nombreuses petites cellules nerveuses dis- posées à la périphérie, et des libres qui entourent le canal, et sont en continuité avec les fibres du ganglion cérébroïde {g, fig. 47). Kn outre, on trouve de petites cellules glandulaires. Extension géographique. — Banyuls, Saint-Malo, côtes d'Angle- terre, pointe d'Ecosse (Mac-Intosh), Jersey (Kœhler), Chausey, Bréhat (de Quatrefages), Naples (Hubrecht), Madère (Langerhans). GENUS IV. — POLIA (DELLE CIIIAJE, HUBRECHT). Hubrecht a, depuis, transformé ce genre en Eupolia. Animaux de grande taille. Le lobe cérébral postérieur est situé entre le supérieur et le moyen ; yeux nombreux, fentes céphaliques bien développées. 1. POLIA DELINEATA (DELLE CHIAJE). Baseodiscus delineatus (Diesing, 1863). Borla.sitt carinellina (de Quatrefagcs, 1843). Polia delineata (Hubrecht, Carus, 1880). Eupolia delineata (Hubrecht, 1887). Je n'ai rencontré cette espèce qu'une seule fois à Banyuls ; elle avait été draguée dans les algues calcaires agglomérées du banc des Cranies, par 40 mètres de fond. Elle atteignait 50 centimètres de long sur 2 ou 3 millimètres de large ; d'ailleurs, elle était susceptible de s'allonger plus encore. Elle a vécu longtemps en captivité. La couleur est d'un brun jaunâtre, assez bien représentée par de Quatrefages (Voyage en Sicile, pi. XII, fig. 4). Le fond de la teinte est gris tout parsemé de petites lignes inter- rompues. Hubrecht en compte six ou sept; Carus, de cinq à sept sur la face dorsale. Dans la région céphalique, où l'animal est un peu plus large, j'en ai compté huit. Hubrecht a signalé la couleur verte du lobe postérieur des ganglions, et vingt-trois paires d'yeux sur la tête; je n'en ai vu que vingt. 11 dit encore que c'est avec SUR LES TUHBELLARIÉS DES COTES DE FRANCE. 511 Cercbratulus maryinatus et Amphiporus pulchev, les espèces les plus communes de Naples. On voit que, sur nos côtes, elle est beaucoup plus rare, puisque je n'en ai, en cinq années, trouvé qu'un exemplaire à Banyuls, et aucune autre dans la .Manche ou l'Océan. Extension géographique. — Banyuls, Sicile, Favignana (de Quatre- fages), Sicile, Adriatique (Garus), Lussin (Grube), Naples (Hubrecht). 2. POLIA CURTA (HUBRECHT). Cette espèce ne se distingue pas autrement de la précédente que par sa largeur beaucoup plus grande par rapport à sa longueur. 11 est assez difficile de l'avoir parfaitement intacte. J'en ai eu à Banyuls un premier exemplaire dragué dans le banc des Granies à 35 mètres environ de profondeur. 11 avait été coupé en deux parties, l'une ne comprenant que la tête, l'autre tout le reste du corps à partir du sillon céphalique. L'animal a vécu plus d'un mois dans un bol de cristal, et s'est refait complètement une nouvelle tête; il a commencé par froncer la grande ouverture béante où s'attachait la tête, puis, d'un côté, s'est reproduite la fente céphalique, la bouche, enfin trois yeux. J'ai eu, plus tard, d'autres individus intacts de diverses dimensions. Un exemplaire de 6 à 7 centimètres, provenant du cap Creus et dragué par 75 mètres dans un fond de bryozoaires, portait, sur la tète comme sur le reste du corps, des stries rouge brique; ceci ne s'accorde pas avec ce que dit Hubrecht, à savoir que, chez les petits individus, la tête est blanche et ne prend les stries brunes que chez les grands. La partie médiane du corps est plus foncée, les régions céphalique et caudale sont un peu plus claires. Le ventre est gris jaunâtre. L'animal est assez plat et plisse sa partie postérieure. La face dorsale présente des stries rouges dont le parallélisme est beau- coup plus net que dans l'espèce précédente; elles sont au nombre de quinze à dix-huit chez les beaux exemplaires. Quand on irrite l'animal, il rentre sa tète dans la partie antérieure de son corps au niveau du collier céphalique. ;,|_. L. JOUBIN. j'ai reçu à Hennés un magnifique exemplaire de cet anima] pro- venant de Banyuls. Il avait près de iO centimètres de Long sur 10 mil- limètres de large. Il a vécu pendantplusde quinze jours. Le nombre des lignes brunes est bien plus grand que l'indique Hubrecht; elles sont très serrées sur la ligne médiane dorsale ; il y en a près de trente dans cette région. Le corps est aplati et la peau se relève un peu sur le milieu du dos pour former une sorte de carène longi- tudinale. Sur le bord du corps, les lignes brunes très serrées se fondent de façon à former comme une bordure brun chocolat tout autour. Le bord de la tête est blanc ; il a trente yeux de chaque côté. La face inférieure de la tête est blanche, ainsi que le pourtour de la bouche et le fond des sillons céphaliques qui sont assez profonds et formés de stries parallèles. On retrouve sur la face ventrale les lignes du dos, mais plus claires. On voit par cette description que les individus jeunes et les adultes présentent des caractères assez différents. Voici maintenant les observations anatomiques que j'ai faites sur cet animal qui se prête admirablement aux études histologiques, par la dissociation remarquable de ses éléments. Ceux-ci, en effet, au lieu d'être intimement unis entre eux sont, au contraire, séparés les uns des autres par une matière amorphe dans laquelle il est facile de voiries cellules, et en particulier les éléments nerveux. Cette Némerte s'écarte franchement de toutes celles qui ont été citées jusqu'ici par la multiplicité des couches du tégument, par la perfection des centres nerveux et des organes des sens. 1 Tégument. — La peau de l'animal est épaisse et composée d'éléments très élevés. A la périphérie, des cellules ciliées, peu nombreuses et petites, puis des cellules glandulaires à contour transparent (a, pi. XXVIII, fig. 1) qui sécrètent probablement du mucus. Quelques-unes sont en forme de bouteilles (fig. G) qui ont un contenu très granuleux. Vers la région inférieure, un trouve une foule de filaments SUR LES TURBELLARIÉS DES COTES DE FRANCE. 513 (é, fig. 1) qui sont entrecroisés et me paraissent être le contenu des glandes cutanées qui se trouvent pins profondément. Sous ces filaments, on trouve une région hyaline avec quelques gros noyaux (c, fig. 1) et un peu de pigment. 2° Couche amorphe striée transversalement par les nombreux canaux de glandes (d, fig. I). 3° Couche du pigment. — C'est ce pigment jaune rougeâtre qui constitue les bandes rouges que l'on observe sur tout le corps. Il est donc disposé par zones, alternativement plus claires et plus foncées ; il est moins marqué sur la face ventrale. A de très forts grossissements, le pigment se résout en une infinité de petits filaments foncés entrecroisés surtout au pourtour du sommet des glandes contre la couche amorphe. Il est possible qu'une partie des cellules de ces glandes soit destinée à la sécré- tion de ces filaments pigmentaires. La coloration de ces filaments a un peu diffusé dans les parties avoisinantes. Parmi ce pigment, on aperçoit quelques cellules nerveuses (a, pi. XXVIII, fig. 3). 4° Couche des glandes cutanées. — Ces glandes sont excessive- ment développées. Dans la région céphalique, il y en a jusqu'à six ou huit rangs semblables à la figure 2 ; dans la région moyenne du corps, il n'y a plus qu'un rang, et elles sont beaucoup plus petites (fig. 3), et dans la région anale, il n'y en a qu'un rang, mais elles sont aussi grandes que dans la région de la tête. Celles de-ces glandes qui sont appliquées à la couche amorphe, comme dans les figures 2 et 3, ne laissent voir que difficilement leur composition, et le mode d'expulsion de leur produit ; mais celles qui sont plus profondes montrent mieux cette disposition. Chaque glande se trouve entourée par une couche conjonctive (b, fig. 2 et 3), un peu plus étroite vers la périphérie que vers le centre, ce qui constitue une forme un peu arrondie et globulaire. A l'intérieur, on trouve des cellules, à contenu protoplasmique très restreint, avec un gros noyau. Les cellules sont longues et terminées par un goulot effilé (c, fig. 2 et 3) qui se continue jusqu'à la péri- ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 2e SÉRIE. — T. VIII. 1890. 33 r,l i L. J0UB1N. phélia du corps, et dans lequel on trouve les petits filaments colorés si abondants dans l'épithélium cutané. Ces goulots cellulaires ne se fondent pas les uns dans les autres en un canal excréteur unique; ils restent tous parallèles sur toute leur longueur. Gela se voit sur- tout bien pour les glandes venant de la profondeur; tous les petits canaux restent en faisceau jusqu'à la peau, sans se séparer les uns des autres. On les voit onduler et cheminer tous ensemble. Je signale, en passant, d'autres glandes qui sont situées plus pro- fondément dans l'épaisseur des couches musculaires, surtout dans la région céphalique. Elles sont formées de grosses cellules vivement colorées par l'hématoxyline. Toutes ces glandes sont maintenues par un tissu conjonctif à mailles très larges. 5° Première couche de fibres circulaires. — Cette couche est remar- quablement intéressante en ce que ses éléments sont très disso- ciés, de sorte que l'on peut étudier séparément les fibres et les autres éléments histologiques qui s'y rencontrent. Elle est peu nette dans la tête, et toute encombrée de fibres diri- gées dans tous les sens et de glandes innombrables. Mais, dès la ré- gion œsophagienne, elle prend l'aspect représenté en / dans la figure 4. Gela ressemble tout à fait à ces belles toiles régulières que fabrique l'araignée des jardins. Cette couche se compose d'environ dix rangs de fibres concentriques, reliées entre elles çà et là par des fibres perpendiculaires qui constituent des trabécules espacés. Tout l'espace vide entre ces fibres doit être rempli d'une matière liquide, peut-être muqueuse, qui se retrouve sur les coupes à l'état d'un ré- seau de filaments excessivement fins ne se colorant pas. C'est à tra- vers ces fibres que serpentent les canaux parallèles des glandes. Ces fibres paraissent être des rubans un peu aplatis, présentant, de distance en distance, des noyaux (g, fig. 1) ovales. Les fibres pro- fondes sont plus rapprochées les unes des autres que celles de la périphérie. Elles sont plus épaisses que les fibres conjonctives ordi- naires, et elles sont probablement musculaires. Dans les points où une glande génitale s'ouvre à l'extérieur, elle SUR LES TUKBELLARIÉS DES COTES DE FRANCE. 515 traverse toutes les autres couches sous forme d'un canal étroit ; mais, dans celle-ci, elle se dilate sous forme d'une large ampoule qui a un goulot rétréci au niveau de la couche amorphe, et s'élargit encore de nouveau dans l'épithélium cutané, dont les cellules sur- élevées forment une sorte de bourrelet autour de l'orifice. 6° Couches de fibres musculaires longitudinales (h, fig. I). — Cette couche est épaisse et constituée par des fibres musculaires régulières, beaucoup plus rapprochées les unes des autres que dans la couche supérieure, mais qui cependant ne sont pas contiguës, car on retrouve là encore la matière intercellulaire dont il a été question plus haut. Ces fibres musculaires ne sont pas disposées en faisceaux, comme cela se trouve dans tant d'autres Némertes; les fibres n'ont aucune connexion entre elles, elles ont toutes à peu près les mêmes dimensions ; quelques-unes, cependant, sont plus petites. 7° Sous cette couche se trouve la mince couche nerveuse périphé- rique sur laquelle nous reviendrons un peu plus loin (i, fig. 1). 8° Deux couches de fibres musculaires circulaires (k, pi. XXVIII, fig. i). — Ces fibres sont des cellules plus courtes que celles de la première couche circulaire; elles sont fusiformes et appliquées les unes contre les autres. On voit mieux leurs noyaux que dans la première. 9° Deux couches de fibres musculaires longitudinales (/, pi. XXVIII, fig. \). — Les cellules qui composent cette couche sont absolument les mêmes que dans la première couche longitudinale, et disposées de la même façon ; mais cette couche est plus irrégulière, et n'est séparée de l'intestin et des vaisseaux que par une mince couche conjonctive, ce qui occasionne ses irrégularités. Dans la région œsophagienne, la couche des muscles longitudi- naux est d'abord mélangée d'un grand nombre de fibres transver- sales, principalement autour de la bouche. Mais, plus bas, elle présente une disposition tout à fait spéciale des cellules muscu- laires. Celles-ci sont logées dans des sortes d'alvéoles creusées dans un tissu amorphe. Les cellules musculaires sont appliquées contre la 516 L. JOUBIN. paroi de l'alvéole, de sorte qu'elles lui forment une sorte de gaine longitudinale (fig. 7, pi. XXVIII). La cavité des alvéoles restant libres est considérable. C'est surtout dans cette région que l'on voit bien la structure intime des fibres musculaires. Au centre de chaque fibre, il y a une petite cavité en forme d'étoile sur la coupe, de sorte que la cellule présente des épaississements protoplasmiques longitudinaux. On voit, dans le tissu amorphe, qui remplit les interstices, des alvéoles, des noyaux ovales, disséminés çà et là. Il est probable que ce n'est qu'une variété de tissu conjonctif, de consistance gélatineuse dans cette région ; il est bien visible, parce que la distance qui sépare les alvéoles les unes des autres est considérable ; mais, dans d'autres régions, il est peu développé, ses noyaux sont peut-être pins rares, c'est ce qui fait la difficulté d'en reconnaître la nature exacte. En généralisant ce fait aux autres Némertes, il me semble justifié de conclure que la matière d'apparence homogène qui sépare les élé- ments n'est pas autre chose qu'un tissu conjonctif gélatineux, diffi- cile à colorer par les réactifs, et dont les contours cellulaires sont plus ou moins distincts. 10° Dans la région de la gaine de la trompe, on trouve une zone de fibres musculaires cellulaires, intimement accolée à la précé- dente ; puis, en dedans de celle-ci, une couche de fibres longitudi- nales obliques. Ces deux couches forment, avec l'épithélium interne, la paroi de la gaine de la trompe. Nous y reviendrons à propos de cet organe, car elles offrent une disposition tout à fait spéciale. Telle est la disposition des parois du corps. On voit qu'elle est beaucoup plus compliquée que dans les Némertiens précédents. Il est utile maintenant d'ajouter quelques détails nouveaux à ce qui a été dit de la couche nerveuse périphérique numéro 7. Celte couche [c, fig. 1) se trouve située entre la couche circulaire et la deuxième couche longitudinale. Elle est formée d'un plan unique de cellules plates, en continuité les unes avec les autres. Il me semble qu'il y a plus que continuité des prolongements filiformes des cel- SUR LES TURBELLARIÉS DES COTES DE FRANCE. 517 Iules ; les cellules mêmes semblent se toucher. Vu de face, cela constitue une sorte de réseau d'étoiles soudées par leurs branches. Cette couche est en continuité directe, sur toute la longueur du corps, avec les deux nerfs latéraux. De ceux-ci partent, en effet, de nombreuses cellules nerveuses qui les entourent, et le tout est con- tenu dans une gaine ouverte au niveau de la couche cellulaire. De ces cellules nerveuses, on voit très nettement partir et l'on peut suivre, avec la plus grande facilité, les prolongements fins qui rayonnent dans les diverses couches cutanées. On voit surtout bien ces détails dans les deux grandes couches musculaires. Les prolongements partent perpendiculairement aux cellules ner- veuses. Ils aboutissent, après un trajet plus ou moins long, à des cellules étoilées situées, les unes parmi les fibres musculaires longi- tudinales (m m, fig. 1), les autres parmi les fibres circulaires, et ce sont celles que l'on observe le mieux (m', fig. 1). Les prolongements de ces cellules vont dans divers sens. On voit aussi des cellules ner- veuses bipolaires («, fig. 1), ou même tripolaires (o, fig. 1), reliées par un fin prolongement à la couche cellulaire. Les fibrilles de ces cel- lules se dirigent vers divers points ; celui qui part de la cellule tripo- laire se dirige vers la peau. Il part aussi de la couche nerveuse des filets qui traversent les couches inférieures, pour se rendre à l'épi- thélium digestif ou aux vaisseaux. La gaine de la trompe est tapissée intérieurement d'un épithélium pavimenteux, qui ne présente rien de spécial ; il recouvre une couche de fibres musculaires obliques, disposées par faisceaux dans de petites loges conjonctives (b, pi. XXVIII, fig. 8). Au-dessus est une forte couche de fibres circulaires, serrées les unes contre les autres. A la face inférieure, cette couche est en relation avec les cellules du tube digestif (c, fig. 8) ; à la partie supérieure, avec la couche interne de fibres longitudinales. En face du point où le tube digestif est en relation intime avec la gaine, les fibres circulaires sont plus lâches et on y distingue des cavités assez vastes. Sur la ligne médiane longitudinale de cette gaine de la trompe, ;;is L. JOUBIN. en face de la ligne d'adhérence au tube digestif, se trouve un vais- seau aplati, présentant l'aspect d'une lame attachée par un bord, et Bottant dans toute la longueur de la gaine de la trompe. Son bord d'attache, élargi, repose sur deux des petites cavités qui contiennent des fibres obliques. Mais ces fibres sont très ré- duites ou môme ont disparu, et, à leur place, il y a des cellules à gros noyaux (a, fig. 8). Ces deux cavités sont plus grandes que les autres et sont situées au-dessus de la partie lacunaire de la couche do muscles circulaires (/). Dans toute cette région, on trouve de grosses cellules qui semblent émigrer du tube digestif à travers les lacunes pour passer dans la cavité du vaisseau où, en effet, on les trouve libres. Ce vaisseau est tapissé par un épithélium à cellules cu- biques, transparentes, pourvues d'un gros noyau. A l'extérieur aussi, l'épilhélium qui tapisse le vaisseau est plus haut que celui du reste de la gainc.Je n'ai pu voir si le vaisseau s'ouvre en arrière dans la cavité de la gaine; il m'a paru être clos en avant. Enlin, dans la région œsophagienne, la gaine de la trompe, par- tout ailleurs bien cylindrique, émet deux petits prolongements dont le sommet m'a paru s'ouvrir dans les lacunes qui surmontent les deux cornes du tube digestif sur la coupe. Ce vaisseau me semble jouer encore le rôle de formation des corpuscules du sang. La trompe est recouverte extérieurement d'un épithélium très plat. Au-dessous, une couche de fibres circulaires, plus intérieure- ment une couche de fibres obliques ; les fibres sont disposées par petits faisceaux disposés alternativement comme les branches d'un Y; cela produit une sorte de treillis assez curieux composé d'une série de V empiétant un peu les uns sur les autres. L'épithélium interne, dans la région antérieure de la trompe, se relève en deux crôtes longitudinales qui, sur la coupe, ont l'air de papilles épithéliales, sont voisines l'une de l'autre ; elles doivent former un sillon longitudinal sur la trompe dévaginée. Lç tube digestif ne présente pas une disposition très remarqua- ble ; dans les régions œsophagienne et postérieure, les cellules SUR LES TURBELLARIÉS DES COTES DE FRANCE. 519 gont sur une seule couche caliciformcs, extrêmement longues, et sont pourvues de noyaux très allongés (p, pi. XXV11I, fig. 8). Elles sont remplies de granulations noirâtres très fines, mélangées à des boules muqueuses de diverses grosseurs. D'autres cellules plus larges ont un noyau plus court avec plusieurs nucléoles. Enfin il y a d'autres cellules de même forme, du reste, qui se co- lorent vivement parles réactifs, ne contiennent pas de mucus, mais des granulations réfringentes assez semblables aux cellules à goulot de l'épithélium cutané (fig. 6). Cette partie du tube digestif paraît avoir une fonction d'excrétion. L'anus est large, et l'on peut suivre facilement sur les coupes le passage de l'épithélium rectal à l'épithélium cutané. C'est une des meilleures espèces pour constater l'existence réelle de l'anus. Les organes génitaux sont situés dans la partie postérieure du corps ; ce sont des poches plates contenant des œufs en assez grand nombre et fort petits; elles ne semblent pas se dilater au point de réduire sensiblement la cavité digestive. J'ai signalé leur mode d'ouverture à l'extérieur à propos des muscles. Le système nerveux central présente des ganglions bien dévelop- pés, pourvus d'un lobe postérieur très compliqué. Le cerveau est remarquable par la facilité avec laquelle on peut en distinguer les éléments, fibres et cellules. Ceux-ci, en effet, se colorent très facilement, et on peut observer les cellules qui sont figurées planche XXVIII, figure H. Ce sont des cellules bi et tri- polaires parfaitement nettes. On voit aussi plus nettement que dans aucune Némerte, l'origine réelle des nerfs. J'ai figuré (fig. 10) l'ori- gine d'un des nerfs de la trompe ; les cellules disposées en demi- cercle émettent chacune leur prolongement, qui s'unissent après une boucle pour former le nerf. Le lobe postérieur est formé de fibres nerveuses entourant le canal spécial, et de cellules nerveuses recouvrant les fibres. Deux amas glandulaires viennent s'ouvrir dans le canal à son entrée dans le lobe; le premier, fort petit, est à la limite entre le cerveau pro- L. JOUBIN. prement dit et le lobe spécial (a, fig. 5) ; le deuxième, bien plus grand, est situé en arrière et en dedans (b, fig. 9) et se continue par une mince traînée (c) entourant le canal excréteur. Le canal part de l'extérieur, au niveau du sillon céphalique, den- ticulé, par un orifice muni de grands cils vibratiles raides ; les uns sont simples {b, pi. XXVIII, fig. 5), les autres soudés entre eux (a). Puis le canal, fort étroit, traverse toutes les couches cutanées, et ne présente rien de bien remarquable ; il se colle au cerveau, puis descend dans le lobe où il se bifurque (rf, a', fig. 9). Les yeux sont nombreux mais fort petits et difficiles à examiner sur les coupes. Je crois pouvoir résumer ainsi les nombreuses ob- servations partielles que j'en ai faites. La forme est ovoïde, avec une petite pointe à la partie posté- rieure. A cette pointe aboutit le nerf optique qui entre dans l'œil par un trou de la capsule. L'intérieur de l'œil est tapissé par une couche de cellules ; les unes, dans l'hémisphère supérieur qui est transparent et joue le rôle de cornée, sont plates et à gros noyaux [c, pi. XXVIII, fig. 12); les autres, beaucoup plus élevées, tapissent de la môme façon l'hémisphère inférieur (d). Dans le prolongement de la capsule, il y a de nombreuses petites cellules disposées en éventail (b). Au-dessous d'elles, des cellules beaucoup plus grandes, ovales, contenant un noyau lui-même ovale et prolongé inférieu- rement par une petite queue (; L. JOUBIN. termine par un point brillant entouré d'une partie plus sombre, que j'ai pris tout d'abord pour un otocyste avec son otolithe; mais, sur les coupes, je n'ai plus rien constaté d'analogue à cet organe. Le corps est aux trois quarts formé par un tissu conjonctif lacu- naire ou aréolaire ; à la périphérie sont la peau et les muscles très réduits ; au centre, le tube digestif grêle et étroit, qui semble sus- pendu comme par des cordages enchevêtrés au centre de ce tissu. L'anus est tout à fait terminal, large et facile à observer. Cette Némcrte vit bien en captivité, pourvu qu'on lui donne un peu de sable très propre, à gros grains. Un des grands individus que j'ai observés a pondu, au mois de mai 1886, quelques œufs jaunes assez petits; puis il s'est fragmenté en trois ou quatre morceaux, après avoir desquamé tout l'épiderme de sa tête et de la région antérieure du corps. Ce fait m'a permis de compter beaucoup plus facilement les yeux, qui se sont trouvés mis à nu. J'ai été fort embarrassé tout d'abord pour déterminer cet animal. C'était bien évidemment une Némerte inerme, mais non une Schizo- némerte, par suite de l'absence de fentes latérales. Le collier ondulé l'écartait des Valencinia et des Carinella; il ne restait que les Polia; c'est à ce genre que je me suis d'abord adressé. Mais il y avait de telles différences entre les vrais Polia et celle-ci, que je me suis vu forcé d'en faire un genre nouveau. 11 s'en distingue par les sillons céphaliques dorsal et ventral, la forme du collier circulaire, la position de la bouche, la grosseur des lobes cérébraux, la présence de l'énorme couche de tissu conjonctif lacunaire. En raison du voisinage de cette Némerte avec les Polia, je me suis décidé à en faire le genre Poliopsïs. Extension géographique. — Je n'ai trouvé cet animal qu'à Banyuls. Téguments. — Ce qui est, avant tout, remarquable chez cette Né- merte, c'est l'excessif développement des téguments. On trouve, en partant de la périphérie, un plateau (/?, pi. XXIX, fig. 12) cilié recouvrant un épithélium très élevé, formé de longues cellules droites (e) ; on n'y rencontre pas de glandes unicellulaires, SUR LES TURBELLARIÉS DES COTES DE FRANCE. 525 comme chez tant d'autres Némertes. Les cellules sont toutes à peu près semblables, avec des noyaux situés à l'extrémité inférieure des cellules. Ces noyaux sont disposés en une région épaisse et forment, par leur ensemble, quatre ou cinq rangées d'épaisseur. Au-dessous est une couche amorphe d'une épaisseur beaucoup plus grande que dans les autres Némertiens. Elle atteint près du quart de la hauteur de l'épithélium, et l'on y distingue nettement une structure fibrillaire à éléments parallèles et dirigés selon la circonférence de l'animal (a). Au-dessous de la couche amorphe s'étend une énorme couche composée d'un lacis de tissu conjonctif, dont les fibres sont diri- gées dans tous les sens, de façon à limiter d'innombrables aréoles ou lacunes qui, probablement, sur l'animal vivant, sont remplis de liquide. C'est cette énorme couche conjonctive qui donne à l'animal la transparence caractéristique. Les lacunes, qui sont limitées par cette sorte de tissu spongieux, sont plus étroites à la périphérie et à la partie profonde de cette couche, qu'au centre où elles sont considérables. Tous ces trabé- cules entre-croisés sont pourvus, çà et là, d'éléments cellulaires. Dans la région céphalique, on trouve, tout autour de la gaine de la trompe et du cerveau, de très nombreuses fibres musculaires, qui servent probablement à produire l'invagination de la tête dans la région antérieure du corps, comme il a été dit plus haut. Là, le tissu conjonctif est tout rempli de fibres musculaires, surtout de fibres rayonnant de l'axe de l'animal vers la périphérie ; les lacunes sont donc moins considérables. En outre, des glandes particulière- ment nombreuses sont logées dans l'épaisseur de cette couche. Tout autour du cerveau, il y a une grande quantité de ces glandes, qui sont extrêmement développées. De plus, toujours dans cette même région, on trouve des lacunes et des vaisseaux sanguins. Mais, à partir du quart antérieur du corps jusqu'à l'extrémité pos- térieure, on ne trouve plus que de rares fibres musculaires, peu ou pas de vaisseaux, et, sur une coupe transversale du corps, le tissu L. JOUBIN. conjonctif périphérique occupe une zone dont l'épaisseur, de chaque côté, n'est pas moindre de la moitié du rayon. Dirai celte région, on trouve des éléments de natures diverses. D'abord, de nombreuses fibrilles très entre-croisées limitant les espaces vides et constituant la structure spongieuse de cette couche. Dans la région céphalique, on rencontre, en outre, de nombreuses cellules étoilées dont les branches s'anastomosent aux fibrilles. Au- dessous de la couche amorphe, tout à fait à la limite externe de la couche conjonctive, on trouve un rang de cellules polygonales, qui contiennent des granulations rouge brun. Ce sont elles probablement qui donnent à l'animal sa couleur rougeâtre (b, pi. XXIX, fig. 42). Dans cette portion extérieure se trouve une quantité innombrable de glandes, qui ont leur canal excréteur engagé dans la couche amorphe et dans l'épithélium externe, mais dont la partie renflée, et souvent même la plus grande portion du canal, pend dans l'épais- seur même de la couche spongieuse. Ces glandes sont toutes piriformes et constituées par dix à vingt grosses cellules, pourvues d'un noyau arrondi ; cette poche se ré- trécit en un goulot fin, qui présente souvent des renflements et peut être plus ou moins long (g et h, fig. 12). Ces glandes sont constituées par une paroi membraneuse extrê- mement mince qui renferme, dans la partie glandulaire, les grosses cellules dont il vient d'être question, et, dans le goulot, des cellules bien plus plates formant épithélium. En dehors de la glande, il y a un revêtement cellulaire dont les éléments font saillie sous forme de bosselures, bien plus nettes sur le goulot que sur la glande. Le canal excréteur traverse, dans toute leur épaisseur, la couche amorphe et l'épithélium, pour venir se terminer au plateau cilié, qui est très légèrement déprimé en entonnoir à chaque ouverture. Dans presque tous ces conduits, on voit des cylindres de substance très vivement colorée en bleu par l'hématoxyline ; tantôt ils sont con- tinus, tantôt partagés en petites boulettes arrondies ou ovales (m, iig. 18). Il est assez rare de ne pas rencontrer de cylindre SUR LES TURBELLARIÉS DES COTES DE FRANCE. 527 dans le canal excréteur (n, fig. 12). Ces produits d'excrétion sont évidemment du mucus. Les glandes en question ne sont que l'exa- gération de ce que l'on observe dans beaucoup de Némertes ; mais les glandes à mucus n'y dépassent pas la limite de l'épilhélium, encore moins traversent-elles la couche amorphe. Les glandes sont maintenues fixes dans les lacunes du tissu con- jonctif par une foule de petits cordages de structure conjonctifs. L'ensemble de la glande avec son canal excréteur a, dans un Poliopsis de grande taille, environ un dixième de millimètre. La couche musculaire est très réduite dans ces animaux. A part la région céphalique, où la tête est garnie intérieurement d'un grand nombre de fibres musculaires servant à la faire invaginer et à fer- mer par-dessus elle l'orifice par lequel elle est descendue, il n'y a que des couches musculaires, réduites plus que dans presque toutes les autres Némertes. — 11 y a, à l'extérieur, une mince couche de fibres longitudinales ; en dedans, une autre couche aussi réduite de fibres de même sens, et, entre les deux, une toute petite couche de fibres circulaires ; tout cela est très peu développé. Ces trois couches musculaires, m* m* m3, sont représentées sur la planche XXIX, figure 11. Pour avoir l'idée exacte de l'épaisseur correspondante du tissu spongieux, il faudrait le supposer occu- pant tout l'espace jusqu'au bord supérieur de la planche. On conçoit qu'avec des muscles aussi peu développés et noyés dans une pareille épaisseur de tissu conjonctif, les mouvements de l'animal soient lents et peu fréquents; il est probable qu'il s'enterre dans le sable et n'en bouge presque pas. Dans une cuvette, il se roule, et ce n'est que le soir ou la nuit qu'il se déroule et se pro- mène très lentement. La cavité générale est excessivement réduite et, à part quelques lacunes dans la tête, elle n'est pas visible le long du corps. Entre le tube digestif et la couche interne de muscles longitudinaux, on trouve quelques cellules mésodermiques, séparées les unes des autres; c'est à peu près tout ce qui reste de cette cavité. 328 L- JOUBIN. Je n'ai observé que deux individus femelles où les organes étaient en état d'activité. Sur des coupes de la région moyenne du corps, on observe des loges où se sont développés les œufs. La paroi de ces loges est formée d'une couche de cellules plates, en petit nombre, qui la tapissent dans toute son étendue. Cette loge est close, tant qu'elle n'a pas amené son contenu à maturité. A cette époque, les cellules qui forment la paroi et qui se continuent en un point situé immédiatement au-dessus du système nerveux (a, pi. XXIX, fig. H), en une sorte de cordon plein, s'écartent bientôt en arrière en ouvrant le passage peu à peu vers la périphérie, tra- versant les deux couches musculaires et la couche conjonctive épaisse. 11 me paraît probable que chez le mâle se produit un phé- nomène analogue, correspondant à ce qui a été observé par Saba- tier. On trouve à la périphérie une petite dépression, du fond de laquelle part une sorte de cordon correspondant à celui qui s'avance de l'intérieur vers la périphérie. Quoi qu'il en soit, on a bientôt un canal, probablement constamment fermé, mais préexistant, et aussi très dilatable, car les œufs qui doivent le parcourir sont beaucoup plus gros que son diamètre n'est grand. On trouve, à l'intérieur de cette poche, des œufs de diverses dimensions ; les uns très gros, les autres fort jeunes. Ils sont tous pourvus d'une fine enveloppe, qui se colore facilement par l'hé- matoxyline en violet foncé (b, fig. U). Le contenu de l'œuf, très homogène et finement granuleux, se colore, par le même réactif, en violet clair. Le noyau très gros prend une teinte bleuâtre, et contient un nucléole clair parsemé de grains foncés. Les œufs sont logés au milieu d'une sorte de matière gélatineuse qui, évidemment, se contracte beaucoup pendant |la préparation. Elle est, en effet, retenue à la paroi|externe de lafpoche ovarienne par de nombreux et fins tractus, qui semblent bien ne s'être formés que postérieurement à la fixation (d, fig. 11). De plus, la matière en question se divise en lames concentriques entourant les œufs, et il arrive que, par le retrait qu'elle subit, elle sépare les lamelles qui SUR LES TURBELLARIÉS DES COTES DE FRANCE. 529 la composent ; c'est ce qu'on voit en f (fig. 11). Je pense que cette matière, sécrétée par la paroi du kyste, est destinée à se gonfler dans l'eau et à produire la mucosité qui entoure l'œuf à sa sortie de l'ovaire. Le système nerveux. — La figure 1, planche XXIX, donne l'aspect du système nerveux, tel qu'on l'observe par transparence en compri- mant légèrement l'animal; on voit qu'il se compose de trois masses principales de chaque côté : l'une ventrale, la plus profonde sur cette figure (a), de laquelle naît le gros nerf latéral; une antérieure et moyenne (b), qui donne naissance à la grosse masse de nerfs re- montant vers la tête, et qui innervent à la fois les yeux et la peau de cette région antérieure du corps ; une, enfin, postérieure et supé- rieure (e), qui fait suite à la région moyenne et à laquelle est sus- pendu en arrière le petit organe sensitif spécial. Les deux moitiés du cerveau sont unies par deux commissures : une grosse, supé- rieure ; une petite, inférieure, sous la gaine de la trompe. Accolé au cerveau se trouve le canal de la sensibilité spéciale, qui présente des renflements assez considérables des deux côtés du cer- veau. Au compresseur, on distingue, comme un trait plus clair, le trajet de ce canal (g), qui vient se terminer en un point, brillant par transparence (o). Ce point correspond à un léger renflement dans le canal, à son extrémité, en une sorte d'ampoule. Ce canal descend d'abord obliquement de son orifice d'entrée, parmi les denticula- tions du cou, jusqu'à la rencontre des ganglions ; puis il descend verticalement jusqu'au renflement, où il prend une direction oblique, décrivant un demi-tour de spire (g, A, fig. 1). Sur des sections fines du cerveau, on trouve les cellules nerveuses périphériques extrêmement petites, souvent disposées sans ordre, mais quelquefois en traînées rayonnantes (a, pi. XXIX, fig, 2). Au centre des ganglions, il y a un amas de tissu sans noyau, que l'on peut résoudre, au moyen des objectifs très grossissants, en fibrilles entrecroisées dans tous les sens, et se colorant bien (b, fig. 2). Le canal de l'organe de sensibilité s'ouvre parmi les plis de la ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 2e SÉRIE. — T. VIII. 1890. 34 L. JOUBIN. région du cou. Il est d'abord large, et présente, sur sa face interne, une disposition de l'cpithélium comparable à celle même du cou. Sa face externe est, au contraire, lisse, à cellules très peu élevées (a, pi. XXIX, fig. 4) ; du côté opposé, sous les replis de l'épithélium, il y a un amas de cellules nerveuses qui constituent un véritable ganglion faisant suite au cerveau. Cet amas se poursuit sur toute la longueur du canal, mais n'occupe que la moitié du pourtour (b). Un peu plus loin, quand on pénètre dans la région moyenne où le canal n'est plus adhérent à la peau et ne l'est pas encore à la masse cérébrale, le conduit perd ses replis et sa lumière devient très étroite. Mais toujours on retrouve (a, pi. XXIX, fig. 5) un épithe. lium plat vers l'extérieur, et les cellules élevées, vers l'intérieur. En arrivant au contact de la partie moyenne du cerveau, le canal reprend son aspect ondulé, mais son diamètre est plus petit que dans la première partie de son parcours (c, fig. 2). Il se trouve relié à la masse cérébrale par une gaine de tissu conjonctif et fibreux. Cette masse fait saillie dans la grande lacune sanguine péri-céré- brale (d). Accolées dans cette région au cerveau et pendantes dans la lacune, se trouvent des cellules glandulaires (g), disposées en une masse compacte. On en trouve d'autres, d'ailleurs, un peu plus haut, très grosses, isolées les unes des autres, attachées au voisi- nage du canal (c, fig. o). La masse du ganglion sensitif se compose de trois parties dis- tinctes : le canal, les cellules nerveuses et les cellules glandulaires. On retrouve là toutes les parties qui ont été signalées par Dewo- lelzky dans son beau mémoire sur les Seitenorgan der Nemertinen. Le canal se recourbe en anse et descend vers le bas du ganglion, puis il tourne et remonte de façon à venir presque au contact, par son cul-de-sac, avec la partie postérieure du ganglion cérébral. Presque toute la partie supérieure du ganglion sensitif est com- posée par les glandes sécrétrices ; au contraire, la moitié inférieure et surtout la partie avoisinant le ganglion cérébroïde est composée de cellules nerveuses (6, pi. XXIX, fig. 3). 11 y a même, en un SUR LES TURBELLAR1ËS DES COTES DE FRANCE. 531 point (a), continuité entre les deux masses de cellules ner- veuses. Les cellules nerveuses en ce point sont très nombreuses, et le centre granuleux des ganglions cérébroïdes pousse un prolonge- ment descendant qui se rapproche du ganglion sensitif. Les cellules sécrétantes sont disposées en deux ou trois amas principaux, l'un externe (e), l'autre interne (i). Ces cellules sont beaucoup plus grosses que les cellules nerveuses (fig. 6); elles sont de couleur verdâtre, et ne se colorent pas du tout par l'hématoxyline, à part le noyau qui est fort petit (a). Les cellules sont pourvues d'un fin canalicule que l'on peut suivre pendant une certaine longueur. Il m'a paru que tous ces canalicules viennent se jeter dans le premier tiers du canal. La paroi du canal est formée de très petites cellules dirigées suivant les rayons de la section du canal et pourvues de cils vibratiles. Les yeux chez cet animal sont très nombreux et aussi extrême- ment petits; leur partie antérieure est hémisphérique, leur fond à peu près plat. Leurs coupes sont très difficiles à obtenir, car ils sont cassants, et leurs éléments sont si délicats qu'il est rare de les ob- serverentiers. Enfin, l'impossibilité de les orienter fait que les coupes passent au hasard ; la figure 7 est schématique. On trouve vers l'extérieur une cupule de pigment noir recouverte extérieurement par un mince enduit jaune ; cette cupule est solide, cassante, et formée de petits polygones plats juxtaposés, qui, peut- être, forment chacun le fond d'une des cellules (pi. XXIX, fig. 9 et 10). L'enduit jaune, transparent, semble avoir pour but de maintenir juxtaposées les petites pièces noires. Une couche continue de cel- lules couvre intérieurement la surface de l'écran noir (a, fig. 7 et 8). Elles sont bien plus élevées dans l'hémisphère inférieur, car sous l'hémisphère transparent supérieur, elles sont à peu près plates. Y a-t-il là une cornée transparente véritable? Je pense, sans en être sur, qu'il y en a une fort mince, car on la retrouve dans d'autres espèces plus développées. Chacune des cellules de cette couche est pourvue d'un gros noyau. 332 L. JOUBIN. Le nerf traverse le pigment par un orifice, puis la couche de cellules périphériques, et vient se terminer au centre de l'œil par un renflement. Entre le nerf et la couche de cellules périphériques se trouvent des cellules intermédiaires qui me paraissent former une sorte de remplissage gélatineux avec des noyaux disséminés (r, lig. 8). Je n'ai pu y suivre la marche des fibrilles nerveuses. Extension géographique. — Banyuls. DEUXIEME PARTIE. B. SCHIZONEMERTINI (HUBRECHT). Hubrecht a défini comme il suit les Schizonémertes : « Une fissure latérale profonde de chaque côté de la tête, du fond de laquelle un conduit cilié mène dans le lobe postérieur du gan- glion. Les nerfs latéraux entre la couche musculaire longitudinale et la couche circulaire interne de la paroi du corps. Le tissu nerveux profondément coloré par l'hémoglobuline. La bouche en arrière des ganglions. » Le caractère tiré de la coloration des ganglions par l'hémoglo- buline n'est pas constant; évidemment, il est très général, mais il arrive souvent que, lorsqu'on examine de nombreux individus de la môme espèce, on en trouve qui présentent ce caractère, et d'autres où il fait défaut; on le rencontre chez des Hoplonémertes. Développement accompagné de métamorphoses (Vaillant). GENUS I. — LINEUS (sOWERBY). Le corps est presque toujours excessivement long par rapport à sa largeur, mais ce n'est pas un caractère absolu. Par exemple, chez Lineus Gesserensis, les proportions du corps sont, la plupart du temps, celles de n'importe quel autre genre de Cerebratulus ou /'olia. D'autre part, les genres Nemerles (Hoplonémertes) et Cepha- lotrix (Paleoncmertes) sont aussi infiniment plus longs que larges. SUR LES TURBELLAR1ÉS DES COTES DE FRANCE. 533 Ce caractère donné par Hubrechl et Mac-Inlosh est donc sujet à exceptions et est loin d'être général. Le corps est plus ou moins aplati, la tête bien distincte, spatulée. Presque toujours des yeux disposés sur le bord des fentes latérales et rarement au bout(Mac-Intosh).Le nombre des yeux est aussi très variable, et n'est jamais bien grand ; il dépasse rarement vingt ou vingt-cinq. Fissures latérales très profondes, avec des lèvres mobiles. En somme, comme on pourra le voir par la description des Cere- bratulus, le genre Lineus en est très voisin ; il est possible qu'il soit nécessaire de le supprimer. On y trouve plusieurs espèces qui ont été tantôt considérées comme bien distinctes, tantôt, au contraire, comme de simples variétés. Deux espèces sont bien nettes, ce sont: 1° Lineus longissimus (le L. marinus de Mac-Intosh), et 2° L. lacteus. Mais il reste les Lineus obscurus, Gesserensis et sanguineus. Hubrecht considère les Lineus Gesserensis et sanguineus comme formant L. obscurus. Je partage l'opinion d'Hubrecht, quant à ce qui est de la réunion des deux espèces ; mais je crois devoir conserver le nom de Lineus Gesserensis, comprenant les espèces Lineus obscurus et L. sangui- neus. J'ai pu observer un nombre considérable d'individus des diverses variétés, et j'ai constaté tous les passages possibles entre elles, c'est ce qui m'a permis d'arrêter mon opinion. \. LINEUS LONGISSIMUS (SOWERBY, 180G). Sea long worm (Borlase, 1758). Gordius marinus (Montagu, 1804). Nemertes Borlasii (Cuvier, 1817). Borlasia angliœ (de Blaiuville, 1828; OErstcd, 18i2; de Quatrefages, 18i0). Gordius maximus (Dalyell, 1853). Nemertes Quatre fagei (Vaa Beneden, 1860). Lineus marinus (Mac-Intosh, 1873). — longissimus (Hubrecht, 1880). Cette espèce est sans contredit la plus facile à reconnaître et la plus constante dans ses caractères. On trouve cette Némerte à Fioscoff vu L. JOUBIN. dans toutes les marées descendant au-dessous de 15 décimètres; elle esl particulièrement abondante parmi les Imanthalia et dans la zone des Laminaires. Mais elle a des localités de prédilection. En particulier, le banc de Bistar entre la côte et l'île de Bas, à Boléa de Saint-Pol et au Caïnou, tandis qu'à Duon, par exemple, qui offre tout à fait les mômes conditions biologiques, elle est rare. A Saint-Malo, même dans les plus fortes marées, je n'ai pu en trouver un seul exemplaire. Cependant, j'en ai rencontré un de 3 mètres environ parmi les Ascidies des écluses. Mais cette espèce peut devenir bien plus grande; j'en ai trouvé un individu mesurant presque 7 mètres à Roscoff. M. Joyeux-Laffuie m'en a envoyé de très grands individus provenant des rochers du Calvados, où ils sont très communs. J'en ai reçu un d'Arcachon. Il est inutile de revenir sur les caractères spécifiques de cet animal ; il a été décrit et figuré dans nombre d'ouvrages. Le dessin de Mac- intosh est assez mauvais et ne vaut pas à beaucoup près celui de de Quatrefages, à part la couleur. ARoscoff, les individus sont toujours franchement violet foncé, même ceux qui proviennent des dragages jusqu'à 35 ou 40 mètres; le seul exemplaire trouvé à Saint-Malo était plus brun et se rapprochait assez du dessin de de Quatrefages. Extension géographique. — Roscoff (Roléa de Saint-Pol, Rech'hier- Doun, Bistar), Arcachon, Saint-Malo, côtes d'Angleterre (Mac-Intosh), rochers calcaires du Calvados, Chausey, Bréhat, Saint-Malo, Saint- Waast-la-Hougue (de Quatrefages), côtes de Belgique, côtes de Norwège (Jensen). N'a jamais été trouvé dans la Méditerranée. 2. LINEUS GESSERENSIS (0. F. MULLER, S. St?\). Puinaria Gesserensis (O.-F. Muller, 1788). — (Lamarck, 1816). Meckolia olivacea (Diesing, 1850). Gordius minor viridis et Gesserensis (Dalyell, 1853). tfeniertes flaccida (Van Beneden). Botiasia olivacea (Lankester, 1866). SUR LES TURBELLARIF.S DES COTES DE FRANCE. 833 Lineus Gesseremis (Macintosh, 1873). — obscurus (Hubrecht, 1880). — — (Barrois, 1879). Cette espèce est une des plus communes de notre littoral. On la trouve partout, et dans les endroits où il y a peu de Némertes, c'est toujours elle qui persiste. Hubrecht n'a pas trouvé de représentant du genre Lineus dans la Méditerranée. J'ai retrouvé cependant cette espèce dans le port de Port-Vendres, parmi les algues qui tapissent les quais, à quelques décimètres de profondeur. Comme je l'expose un peu plus loin, il y a plusieurs variétés de cette espèce, mais ce ne sont que des différences de coloration qui les distinguent, et par conséquent il faut les réunir. A Port-Vendres, c'est la variété vert-olive foncé que j'ai rencontrée. Le Lineus de cette localité diffère un peu de celui de la Manche, en ce que sa face dor- sale et sa face ventrale sont aussi colorées l'une que l'autre. La tête est large, plus étalée en avant, dépassant de partout la largeur du corps, pourvue de quatre yeux de chaque côté, le bord des fentes blanc, celles-ci très profondes et un peu rouges. A Roscoff,il faut distinguer les trois variétés de Mac-Intosh : ver- dâtre, vert-olive, rouge brun. Mais, de plus, une variété assez com- mune dans la zone des laminaires est bleu foncé, presque noire. Cette variété noire est presque seule représentant l'espèce dans les laminaires. La variété noire est plus petite que l'olive, qui atteint jusqu'à 25 centimètres, tandis qu'elle ne dépasse guère 10 centi- mètres. Elle a quatre yeux de chaque côté, quelquefois cinq. Les fentes céphaliques sont larges et profondes, à bords blancs, plus larges vers le bout de la tête que vers la terminaison postérieure. L'animal progresse en se renflant en trois ou quatre points de son corps, quand il veut aller très vite; il prend alors les diverses formes qui sont indiquées par de Quatrefages pour sa Polia opaca (/", pi. XIV, fig. 1,2,3). La description donnée par de Quatrefages pour sa Polia opaca 536 L. JOUBIN. se rapporte bien évidemment à cette variété noire de Lineus Gesse- rensis; ce qui pourrait faire hésiter, c'est que l'auteur, n'ayant pas retrouvé dans ses notes des renseignements relatifs à la trompe, pense néanmoins qu'elle était armée. Comme on le voit, cette affirmation n'est rien moins que prouvée, et je pense que laPolia opaca de de Quatrefages doit être assimilée au Lineus Gesserensis de Mac-Intosh, variété bleu noirâtre de Roscoff. Les variétés verte et olive se trouvent ensemble à la grève. La variété rouge est très commune et se trouve aussi bien sous le laboratoire, c'est-à-dire même dans les mortes-eaux, que dans les grandes marées, sous les pierres rondes de la zone des grandes laminaires, où elle est ordinairement en compagnie de la variété noire. La variété rouge est surtout abondante à Rech'-hier-Doun, dans la zone des laminaires et dans les mortes-eaux à Roch-ar-Gaurec et Carrec-ar-Vas. A Saint-Malo, on trouve, tout autour du fort National, sous les pierres à demi enfoncées dans la vase noire, le Lineus Gesserensis, variété noire. Celle-là n'est plus bleu foncé comme à Roscoff, mais franchement noire; elle est très commune, et quelques individus atteignent jusqu'à 40 centimètres de long. Elle vit très bien en cap- tivité. On trouve avec elle, sous les pierres, la variété verte, plus foncée qu'à Roscoff, et assez rarement la variété rouge. J'ai trouvé assez souvent une variété à fond rouge avec des marbrures vertes, faisant encore mieux le passage entre les deux. A Perros-Guirec, on trouve la variété verte parmi les ulves qui sont dans des eaux courantes. Voici, en résumé, comment on peut grouper ces diverses variétés : a, noire et bleu foncé \ 6, vert-olive foncé I P°Ua °paCa (de Quatrefa&es)- ... \ Lineus Gesserensis (Mac-Intosh). 7, vert clair ; v ' S, vert et rouge. ) s, rouge. ) SUR LES TURBELLAR1ÉS DES COTES DE FRANCE. 537 Il arrive assez souvent que, sur divers points du corps, le pigment coloré manque sur des lignes circulaires; celles-ci ne sont que des replis de la peau qui ne paraissent que quand l'animal est très étendu. Cela se voit aussi bien chez les rouges que chez les foncés. Sous les rochers très battus par la mer, comme il y en a au nord de l'île de Bas, on trouve des variétés claires, surtout le vert clair et le rouge-brique. Les jeunes individus de 2 ou 3 centimètres sont aussi beaucoup plus clairs que les grands. A Saint-Malo, dans les tunnels des écluses du port, parmi les Eponges et les Ascidies, j'ai trouvé de nombreux exemplaires de Lineus Gesserensis vert olive clair. J'ai même vu ce fait : un Lineus de 5 centimètres se trouvant brisé près de son extrémité caudale, laissant béant un assez large orifice, un autre Lineus, de 3 centimè- tres, se mit à entrer par la plaie et sortait par la bouche de l'autre, après être resté quelque temps dans son tube digestif. Cette espèce est remarquable par le très faible diamètre de sa trompe. Extension géographique. — Banyuls, Port-Vendres, Perros-Guirec, Erquy, Saint-Malo, Roscoff. — Ostende, Wimereux, Saint-Waast, Roscoff (Barrois, Chapuis), Saint-Waast (de Quatrefages), Shetland, Manche (Mac-Intosh), Bergen (Sars-Jensen), Trieste (Devoletzky). 3. LINEUS LACTEUS (MONTAGU, 1808). Lineus lacteus (Montagu, 1! Borlasia lactea (Mac-lntosh, 1867). Lineus lacteus (Mac-Intosh, 1873). — (Hubrecht, 1880). On trouve cet animal bien plus fréquemment à Banyuls qu'à Roscoff. Dans la Méditerranée, on le rencontre en quantité considé- rable devant le laboratoire Arago, dans le sable gris vaseux. Il pré- sente diverses variétés de coloration. L'espèce type est rouge sur la tête et un peu au delà des ganglions, mais on rencontre des variétés absolument blanches, d'autres où le rouge descend jusqu'au quart ou au tiers du corps ; d'autres, enfin, qui sont entièrement rouges :;.ts L. JOUBIN. el semblent, au premier abord des représentants de Lincus Gesse- r nsù, var. sanguineus. Mais, quand on examine ces individus plus attentivement, on trouve presque toujours des traces de la coloration blanche primitive, puis le corps est plus long et plus grêle, la têto plus pointue, la bouche plus grande et plus loin de la pointe de la tôle. On trouve cette espèce à Roscoff, dans le sable propre, au nord de l'île de Bas ; c'est la variété blanche. A Banyuls, la variété blanche se trouve surtout dans le sable pur de l'anse du Troc et dans la grève du cap Doun, où on la rencontre avec Cephalotrix linearis. J'ai obtenu, à Banyuls, vers la fin du mois de mai, de nombreuses pontes de ces animaux ; elles sont en longues files, semblables à des chapelets, et enfermées dans une glaire transparente. Le tout est disposé dans le sable dont les plus petits grains se collent àla masse glaireuse. On obtient facilement des pontes en captivité, et elles se développent parfaitement. Cette Némerte est plus facile à étudier sur les coupes que les deux précédentes. Les divers éléments sont plus nets et les couches plus distinctes les unes des autres. On y remarque principalement que la couche des muscles longitudinaux externes est divisée en deux feuil- lets, entre lesquels est intercalée une épaisse couche glandulaire. Celle-ci est très considérable dans la région céphalique, et se voit encore très nettement dans la région œsophagienne. Les fibres mus- culaires sont disposées par petits faisceaux entourés d'une mince couche de tissu conjonctif. Entre eux circulent les conduits de glandes ; celles-ci se colorent bien, et leur produit excrété prend une vive teinte violette par Phématoxyline; on suit bien ainsi leur trajet sinueux jusqu'à la surface externe de l'épi thélium cutané. Dans la région œsophagienne, les nerfs latéraux soulèvent la couche de muscles circulaires au point de produire une saillie très proéminente dans la cavité générale. J'ai représenté (pi. XXVIII, fig. 13) l'orifice d'entrée du canal laté- ral. On voit la disposition particulière des cellules épithéliales et des SUR LES TURBELLARIÉS DES COTES DE FRANGE. 539 trois amas ganglionnaires qui les entourent. Sur mes préparations, on distinguait fort bien les prolongements fibrillaires qui, partant des cellules ganglionnaires, se rendaient dans les cellules épithé- liales en passant par une foule de petits trous dont est percée la couche amorphe. Les ganglions spéciaux du cerveau sont extrême- ment développés. Extension géographique. — Roscoff (île de Bas), Banyuls. — Côtes sud de l'Angleterre (Mac-Intosh). 4. LINEUS VAMEGATUS (CQAPUIS). Cette Némerte a été trouvée à Roscoff, aux Bisayers, dans la zone des laminaires, par M. Chapuis, qui en donne, dans les fiches de la collection du Laboratoire, la description suivante : « Neuf à dix millimètres. Corps assez épais pour un Lineus, plus large que Lineus Gesserensis, brun dessus avec une marque longitu- dinale pâle due à la trompe vue par transparence ; dessous blanc jau- nâtre, envahit les côtés du corps, de sorte que, vu d'en haut, l'ani- mal semble bien à bords blancs. Sur la tête, la couleur brune est plus foncée, pourprée, et, à sa limite avec la couleur blanche, elle forme de petites arborescences. Tête à sillon caractéristique, dix à douze yeux, très grande bouche saillante dans mon spécimen. » Je n'ai pas retrouvé cette espèce, ni aux Bisayers, ni clans aucun autre point de la zone des laminaires. Extension géographique. — Roscoff. GENUS II. — BORLASIA (OKEN). De toutes les espèces qui ont composé ce genre Borlasia, il n'en reste plus qu'une seule à laquelle on peut donner ce nom. C'est Borlasia Elizabethœ, telle que Mac-Intosh l'a établie. La bibliographie de ce genre Borlasia est extrêmement complexe, et presque tous les genres de Némertes ont eu des espèces comprises dans cette déno- mination. 540 L. JOUBIN. La seule espèce qui reste a de nombreuses affinités avec le genre précédent Lineus, et le genre suivant Cereùralulus. 11 n'y aurait rien d'impossible à ce que, lorsqu'elle sera mieux connue, elle ne rentre dans l'un des deux. Le corps est éminemment contractile, dépourvu d'yeux, grandes fentes céphaliques, tête pointue, muscles rouges. BORLASIA ELIZABETH.E (MAC-INTOSH). J'ai trouvé cette belle Némerte seulement à Banyuls dans le banc des Cranies parmi les algues incrustantes par 30 à 35 mètres do profondeur. J'en ai eu trois exemplaires, un très beau mesurant 30 centimètres de long dans sa plus grande extension, et les deux autres plus petits. Ils présentaient absolument la disposition des couleurs figurée par Mac-Intosh, des marbrures brunes et vertes sur fond plus ou moins gris rosé, avec des taches violettes. Je n'ai jamais vu d'appendice caudal ni d'individus à tête blanche comme le signale Hubrecht. Les fentes céphaliques sont très pro- fondes, colorées en rouge sur le fond et en vert clair sur les bords ; la tête fort pointue est en forme de fer de lance. Cet animal vit fort longtemps en captivité. Le corps est très nettement annelé, les anneaux étant tous de même dimension et séparés par des sillons assez profonds, et sou- vent pourvus de lignes blanches. Extension géographique. — Banyuls, Naples, Marseille (Saint-Loup), Nord de Rat Island, Herm (Mac-Intosh). GENUS III. — CEREBRATULUS (RENIER). Ce genre comprend un nombre considérable d'espèces ; Carus donne la diagnose de dix-neuf Cerebratulus. J'en ai rencontré douze dans la Méditerranée, et neuf dans l'Océan. Ces neuf dernières ont toutes été retrouvées dans la Méditerranée ; il faut y ajouter une espèce, Cerebratulus modestus, trouvée à RoscoffparM. Ghapuis.mais que je n'ai pas pu rencontrer de nouveau. SUR LES TURBELLARIÉS DES COTES DE FRANCE. S41 Ce genre est très homogène, et la distinction des espèces est fort souvent difficile à faire, car elles se ressemblent beaucoup et pré- sentent des variations de couleur qui étendent encore les écarts du type franc de l'espèce. Pas de caractère tranché pouvant les séparer des Lineus. On a signalé un nombre considérable de Némertes se rattachant à cette famille, mais on doit la plupart du temps les considérer comme des synonymes et des répétitions. La bibliographie, comme je le disais plus haut à propos du Borlasia, est très compliquée. Je donne immédiatement la liste des espèces que je n'ai pas re- trouvées parmi celles décrites par Hubrecht. Ce sont : Cerebratulus délie Chiajei, liguricus, Dohrnii, Grubei, urli- cans, acutus, Eisigii. Quelques-unes d'entre elles me paraissent d'ailleurs être des es- pèces peu solides et ne devant pas être conservées ; malheureuse- ment, n'ayant pas eu les animaux vivants entre les mains, je neveux pas me prononcer. M. Saint-Loup, dans une note insérée aux Comptes rendus de V Académie des sciences, signale, sans le décrire, un Cerebratulus vi- ridis à Marseille ; il l'avait, dans une note précédente, appelé Lineus viridis ; je n'ai pas retrouvé cette espèce. Enfin, le Cerebratulus modestus de Chapuis n'a plus été rencontré à Roscoff. Bien d'autres espèces ont été décrites dans cette famille, par exemple : Cerebratulus Hubrechti et C. Mac-lntoshi, par Langerhans, à Madère ; mais ils n'ont jamais été vus dans nos mers d'Europe. Je ne puis en tenir compte. Mac-Intosh avait trouvé peu de représentants du genre Cerebratu- lus et attribuait une grande importance à la présence d'un appen- dice caudal ; il avait fait de la plupart d'entre eux le genre Micrura. C'était évidemment une exagération ; mais il faut cependant recon- naître que ce caractère n'est pas sans valeur, et je pense qu'il con- vient de grouper les Cerebratulus en deux parties, selon qu'ils pré- 542 L. JOUBIN. sentent OU non cet appendice. Celte division est beaucoup plus commode pour la détermination des espèces. Nous ferons donc deux groupes des Cerebratulus que nous avons pu examiner : 1° Cerebratulus pourvus d'un appendice caudal : Cerebratulus fasciolatus, aurantiacus, fuscus, purpureus, qui sont les quatre anciens Micrura de Mac-Intosh auxquels nous ajoutons Cerebratulus hepaticus, roseus, lacteus, marginatus, tristis ; 2° Cerebratulus dépourvus d'appendice caudal : Cerebratulus geniculatus, bilinealus, pantherinus . 1. CEREBRATULUS MARGÏNATUS (RENIER). Planaria (Fasciola) angulata (O.-F. Muller, 1774). Cerebratulus angidatus (QErsted, 1844). Mechelia somatotomus (Leuckart, 1850). Cerebndulus margïnatus (Renier, 1803). — angulatus (Mac-Intosh). grandis (Sars, 1837; Jensen, 1878). — marginatus (Hubrecht, 1880). Avenardia Priei (Giard, 1878). Cette grande Némerte se rencontre à Banyuls où elle est com- mune dans le sable gris de Fontaulé, juste au pied du laboratoire ; on la trouve encore dans la vase du fond de la baie de Paulilles, où elle atteint des dimensions considérables ; j'en ai eu là un échantil- lon qui avait 17 millimètres de large. Dans le sable, le corps est plus gris, plus dur ; les deux bords blancs mieux marqués que dans la vase où le corps est plus mou, plus plat et à bords moins blancs et plus jaunâtres. Cette seconde variété répond absolument à l'espèce décrite par Giard au Pouliguen, sous le nom d' Avenardia Priei. Les individus qui vivent dans le sable sont généralement gris- perle; mais ils tirent aussi sur le jaune ou le marron, qui devient foncé, surtout dans la région dorsale susœsophagienne. A Banyuls, les bords blancs bien nets existent toujours ; à Roscoff, SUR LES TURBELLARIÉS DES COTES DE FRANCE. S43 ils sont plus atténués et disparaissent quelquefois, et alors l'animal se rapproche encore davantage de l'Avenardia de Giard. Hubrecht a basé la différence principale entre Cerebratulus margi- natus et son C. pantherinus sur les variations de la couleur rouge du cerveau ; or, on trouve tous les passages sur les C. marginatus de Banyuls ; il en est de môme pour la forme des taches pigmentées de la peau du dos et de la tête. Il y a de grandes variations. Hubrecht dit aussi que les bords des fentes céphaliques du Céré- bral ulus pantherinus ne sont jamais blancs. Outre que c'est là un très mince caractère, on trouve souvent des C. marginatus où ils ne le sont pas non plus ; et même, sur un même individu, j'ai observé trois bords blancs et un qui ne l'était pas. Enlin, le caractère tiré de la plus ou moins grande sensibilité de l'animal à l'eau désoxygénée est certainement inconstant ; et com- ment baser une détermination sur un pareil caractère qui peut varier avec la taille, l'état de santé, les conditions d'habitation de l'animal? Il est donc, à mon avis, nécessaire de réunir le Cerebratulus pantherinus et le C. marginatus. A Banyuls, l'appendice caudal de ce Cerebratulus semble atteindre des dimensions bien plus considérables qu'à Naples, où Hubrecht ne signale qu'une courte papille anale. Extension géographique. — Banyuls, Paulilles, Boscoff, Le Pouli- guen, Naples (Hubrecht), Trieste (Dewoletzky), Madère (Langerhans), côtes d'Angleterre (Dalyell), Groenland (Mac-Intosh), Norwège (Sars). \ bis. CEREBRATULUS PANT11ERINUS (UUBRECHT). (Variété du Cerebratulus marginatus.) M. Chapuis signale la présence du Cerebratulus pantherinus à Roscoff, et le regarde comme une variété du C. marginatus, diffé- rant seulement par l'absence de bords blancs aux sillons. On a vu, à propos de l'espèce précédente, que telle est aussi mon opinion et qu'il convient de supprimer le C. pantherinus. Extension géographique. — Roscoff (Chapuis), Naples (Hubrecht). 544 L. JOUBIN. 2. CEREBRATULUS BILINEATUS (RENIER). Lineus bilineatus (Mac-Intosh, 1873). Cerebralulns Œrstedi (Van Beneden, 1860). Cerebratulua bilineatus (Mac-lntosh, 1809). — (Hubrccht, 1880). Nemertes peronea (de Quatrefages, 1846 [??]). On trouve cette Némerte à Banyuls et à RoscofF, parmi les vieilles coquilles brisées, à une profondeur de 20 à 30 mètres. Elle s'intro- duit surtout dans les tubes des Annélides, en particulier des Spiro- graphes, qu'elle chasse de leur demeure et qu'elle tue. Elle vit parfaitement dans les bacs de l'aquarium. Sa couleur va- rie du jaune clair au brun vert foncé en passant par le rouge-brique. La teinte la plus commune est le brun clair. La variété dessinée par de Quatrefages est jaune clair, si, au moins, sa Nemertes peronea est bien synonyme de Cerebratulus bilineatus, ce qui est douteux, étant donnée la très courte description de l'auteur ; de plus, il figure deux grosses lignes noires, tandis qu'elles sont blanches. Il arrive très souvent que ces animaux accumulent dans la pre- mière partie de leur corps tout le liquide rouge qu'il contient, de sorte que cette région est comme distendue. La partie ainsi gonflée est animée de mouvements de dilatation et de contraction commen- çant en arrière pour se propager peu à peu, comme une onde, jus- qu'à la pointe de la tête. Ce gonflement persiste sur l'animal même après qu'il a été fixé. Dans les très grandes marées, on rencontre quelquefois cette es- pèce parmi les laminaires. M. Chapuis note, dans les fiches de la collection de Roscoff, qu'il a trouvé un individu contenant des jeunes ; ce serait donc une espèce vivipare. Dalyell dit cependant avoir vu des œufs pondus dans une glaire, au mois de juin. Cette espèce présente quelques particularités de structure fort intéressantes. Les coupes sont faciles à faire, les éléments sont bien dissociés, et on peut en étudier les moindres détails. SUR LES TURBELLAKIÉS DES COTES DE FRANCE. SIS Les deux lignes parallèles de pigment qui parcourent toute la face dorsale de l'animal s'étendent dans toute la profondeur de la couche musculaire longitudinale. Elle commence au niveau de la couche amorphe pour se terminer au niveau de la couche de muscles circu- laires. Elle est formée d'une foule de granulations qui paraissent noires sur les coupes. Mais lorsqu'on fait le fond noir dans le microscope, toute la coupe devient invisible, sauf les deux bandes pigmentaires qui sont alors blanches et comme fluorescentes. Une épaisse couche de glandes [b, fig. 14) se trouve au milieu de la couche musculaire longitudinale, occupant un vaste espace où les fibres musculaires ont à peu près disparu. Ces glandes sont ramifiées et leurs canaux viennent s'ouvrir à la surface de l'épithélium cutané {a, pi. XXVIII, fig. 14). Cette couche de muscles longitudinaux est encore intéressante en ce que l'on peut étudier la disposition de la couche de cellules ner- veuses qui la sépare des muscles circulaires. Cette couche nerveuse (n, fig. 14 et 15) est en continuité avec les bords du nerf latéral dans la région ganglionnaire de ce nerf. Elle est formée d'épaisses cellules se tenant les unes aux autres, à peine plus renflées au niveau de leurs noyaux ; elles sont très granuleuses et ont une teinte jaune qui permet de les reconnaître facilement des éléments voisins ; de plus, elles ne se colorent pas par l'hématoxy- line. De ces cellules partent des prolongements ; les uns, peu nom- breux, vont vers l'intérieur (/", pi. XXVIII, fig. 14-); les autres, au contraire, très abondants, se dirigent vers l'extérieur. Ces prolonge- ments ne sont pas fibrillaires, comme on l'a vu pour d'autres espèces, mais sont au contraire épais, granuleux et jaunâtres comme les cel- lules mêmes dont ils émanent. Ces prolongements sont à peu près simples jusqu'au niveau des glandes, mais là ils se bifurquent et s'anastomosent (c, fig. 14) de façon à former tout un réseau jaunâtre autour de ces glandes. Çà et là on observe des noyaux cellulaires (d, fig. 14) contenus dans des renflements de ces cordons. Autour des glandes, il y a des dilatations en forme de plaque de ce réseau ARCH. DE ZOOL. EXP. ET UÉN. — 2e SÉRIE. — T. VIII. 1890. 35 L. IODBIN. nerveux («, fig. 1 '•)• Au niveau de la couche amorphe, les filaments nerveux la traversent, mais perdent leur couleur jaune, et il devient fort difficile de les suivre dans l'épaisseur de l'épiderme. Rien de spécial à noter pour la structure des organes latéraux. Si- gnalons seulement la disposition de l'entrée du canal. Elle ressemble à ce que nous avons indiqué pour le Lineus lacteus (pi. XXVIII, fig. 13), avec cette différence que les deux grandes languettes médianes sont beaucoup plus distinctes, et que les deux amas de grandes cellules latérales qui surmontent les deux masses ganglionnaires (b, fig. 13) sont, elles aussi, divisées en deux parties formant des languettes semblables à celles du milieu (pi. XXX, fig. 1). L'appareil excréteur se compose d'un système de canaux qui vien- nent s'ouvrir à l'extérieur dans la région œsophagienne, tout près du nerf latéral. Il y a, dans la région antérieure, un certain nombre de canaux ramifiés anastomosés qui se réunissent en un seul, ve- nant s'ouvrir à peu près à la fin de la région œsophagienne. J'ai figuré l'ouverture de ce canal, parce que l'on peut voir en même temps comment sont disposées les diverses couches du corps. Au niveau de l'ouverture, fort étroite, les cellules épithéliales s'enfon- cent dans ce canal, et la couche amorphe s'infléchit aussi pour lui faire un revêtement à peu près jusqu'au niveau de la couche de muscles circulaires. Un peu avant d'y arriver, le canal se renfle en une sorte d'ampoule dont on peut voir l'épithélium de revêtement. C'est là que vient se jeter le canal excréteur commun, qui est séparé de la cavité générale par une mince membrane, et est creusé dans la couche des fibres musculaires longitudinales internes. Extension géographique. — Roscoff (dragage et grève), Erquy, Ba- nyuls, Naples (llubrecht, Délie Ghiaje), Trieste (Dewoletzky), Ma- dère (Langerhans). 3. CEREBRATULUS PURPUREUS (RUBRECHT). Gordiu$4purpureus srpim/er (Dalyell, I8o3). Micrura purpurea (O.-J. Mullur, 1858). SUR LES TURBELLAlUÉS DES COTES DE FRANCE. 347 Stylus pur pur eus (Mac-lntosh, 1868). Micrura purpurca (Mac-lntosh, 18o9). Cerebratulus purpureus (Hubrccht, 1880). Cette Némerte se rencontre dans la zone qui vient au-dessous des laminaires, jusqu'à 40 mètres de profondeur environ. Elle est com- mune aussi bien à Roscoll' qu'à Banyuls. Hubrecht n'en a pas trouvé de grands exemplaires à Naplcs ; j'en ai dragué un, à Roscoff, de 22 centimètres, dans un fond de sable, coquilles brisées et laminaires, à Astan, par 30 mètres de profon- deur. Il était rempli d'œufs (juin) et était tout à fait conforme au type de Mac-lntosh, mais un peu plus plat. Dans la Méditerranée, j'ai rencontré cette espèce parmi les grosses Ascidies simples par 30 à 35 mètres, puis dans les grands fonds coralligènes, à 1 mille au nord de l'île Masa de Oro, près du cap Creus. Dans le banc des Cranies, par 40 mètres, un exemplaire vert olive, au lieu de brun pourpre ordinaire ; puis parmi les souches de zos- tères, devant le cap Doun; enfin, dans une pièce de bois pourri prise devant l'entrée de Port-Vendres. Les scaphandrages m'en ont procuré plusieurs autres exemplaires, à Port-Vendres, et dans la baie de Cerbère-, où j'ai eu divers échan- tillons complètement noirs. Mac-lntosh signale l'absence d'yeux ; j'en ai cependant constaté une dizaine d'extrêmement petits dans le plus grand échantillon que j'ai observé. Ils sont situés sur la bande jaune transversale qui limite la pointe blanche de la tète. — Quant à la couleur, elle est assez variable, rouge clair, brun, brun rouge, violet, noir, vert-olive. Extension géographique. — Roscoff, Banyuls, Cerbère, Port-Vendres, Naples, Trieste (Dewoletzky), Lussin (Grube), Ecosse, Shetland (Mac- intosh, Dalyell). 4. CEREBRATULUS ÏRISTIS (UUBRECHT). Le Cerebratulus purpureus est extrêmement voisin de cette espèce; il ne manque à celle-ci que la petite bande jaune et la pointe de la L. JOUBIN. tête blanche pour être identique. Mais, comme chez Cerebratulus purpureus, ces caractères sont très constants et je n'ai point trouvé de formes de transition entre les deux types, j'admets ce Cerebratulus tristis d'Hubrecht, mais avec réserves, et il me paraît probable que cette espèce est destinée à rentrer dans la précédente. J'ai trouvé cette espèce à Banyuls dans le banc des Cranies, sous les blocs de la jetée de Port-Vendres, dans les débris rapportés au scaphandre de 18 mètres de fond, au Troc, à Port-Vendres, à 10 mètres. — La longueur des échantillons que j'ai eus en assez grand nombre était variable entre 12 et 15 centimètres; la couleur rouge violacé foncé et comme veloutée; appendice caudal bien développé. Au premier examen, on croit avoir affaire à une variété de Lineus sanguineus (Gesserensis) , mais le corps est plus rond, la bouche plus petite, la tête plus pointue ; la couleur est différente et les fentes céphaliques plus petites chez ce Cerebratulus. Extension géographique. — Banyuls, Port-Vendres, Naples (Hu- brecht), Trieste (Dewoletzky). 5. CEREBRATULUS GENICULATUS (DE QUATREFAGES, 1846). Polio, geniculata (Délie Chinje, 1822). Notospermus drepanensis (Huschke, 1830). Notogymnm drepanensis (Ehrenberg, 1828). Meckelia annulata (Grube, 1840). Ncmertes geniculata (OErsted, 1844). J'ai figuré la partie supérieure de la tête et du cou de cette magni- fique Némerle (pi. XXV, fig. 5) ; les dessins qui en avaient été faits jusqu'ici me semblaient, en effet, beaucoup laisser à désirer. Celui de M. de Quatrefages (pi. XVII, fig. 11) est bien insuffisant, surtout pour la tête ; la couleur seule est à peu près exacte. A Banyuls, cette Némerte m'a toujours été rapportée par le sca- phandre. Elle habite, par 10 à 12 mètres de fond, sous les grosses algues feutrées si bizarres, appelées Codium bursa. Le vert de ces algues esl imité très exactement par cette Némerte. Hubrecht n'a pu trouver SUR LES TURBELLARIES DES COTES DE FRANCE. U9 à Naples qu'un très jeune individu présentant la teinte verte ; les autres étaient pourprés. A Banyuls, j'ai trouvé de très beaux exem- plaires, vert velouté, avec la tache rouge indiquée par Hucchke et que n'a point retrouvée Hubrecht, et le triangle blanc. Dans les très beaux échantillons, et j'en ai eu de 45 centimètres de longueur, on voit une mince ligne rouge dorsale qui se trouve juste à la coupure des anneaux blancs. Ceux-ci, en effet, sont incomplets dorsalement, et les deux extrémités, qui sont en face l'une de l'autre, sont pointues. C'est entre ces deux pointes qu'est la ligne rouge. Les fentes céphaliques sont très profondes ; la lèvre supérieure du sillon tombe par-dessus la lèvre inférieure et la rencontre sur une bonne partie de sa longueur. Le fond du sillon est rouge carmin vif; ces sillons se prolongent en avant de la tête, de façon à communi- quer d'un côté à l'autre, et c'est au fond, au point de jonction, que se trouve l'ouverture de la trompe ; dans les grands individus, la coloration rose de ce sillon persiste même à la pointe de la tête. Sur la face ventrale de la tête se trouve une ligne blanche en V, sem- blable à celle de la face dorsale. Sur la bande blanche et dans le V se trouvent sept ou huit yeux. J'ai trouvé des individus dont la partie supérieure du corps était vert bleu, avec des plis irisés, tandis que la partie antérieure est plutôt vert jaune. Le corps est assez aplati lorsque l'animal se contracte, et il devient très ridé. Mais, quand il est en marche, il est arrondi, et la tête se détache bien nettement du cou. Pas d'appendice caudal. Extension géographique. — Banyuls, Port-Vendres, Cerbère, Naples (Délie Chiaje, Hubrecht), Sicile(deQuatrefages),Trieste(Dewoletzky), Lussin(Grube). 6. CEREBRATULUS ROSEUS (HUBRECI1T, DELLE CniAJE). Polia rosea (Dette Chiaje). J'ai trouvé un exemplaire de cette espèce à Banyuls; long de 10 centimètres environ, il était dans de vieilles coquilles de Pinna et fut pris au chalut. 550 L. JOUBIN. L'appendice caudal ôtail très long; la couleur d'un, rose brunâtre, sale; la tète plus foncée et assez différente du type. Un échantillon plus petit, de S centimètres, est entièrement rose, avec un petit semis blanchâtre. La bouche est rose carmin vif; l'appendice caudal court mais assez gros ; les fentes céphaliques très longues mais très fer- mées par les lèvres. Il fut dragué par 15 mètres dans le sable vaseux, devant le Troc. M. Ghapuis a dragué cette espèce à Roscoff, à la tourelle d'Astan, dans le sable avec coquilles, par 30 mètres. 11 en a trouvé deux autres individus dans le banc de sable de Bistar, entre l'île Verte et l'île de Bas ; l'un d'eux avait 40 centimètres, l'autre 35 centimètres ; la tête aussi s'écarte du type décrit par Hubrecht. Hubrecht distingue ensuite le Cerebrutulus urticans, qui ne diffère du roseus que par la différence de taille des éléments urticants de la trompe. Je n'ai pas eu d'individus répondant à la description de cette seconde espèce; mais il me paraît probable que c'est une variété du Cerebratulus roseus. Extension géographique. — Banyuls, Roscoff, Naples (Hubrecht, Belle Ghiaje), Madère (Langerhans). 7. CEREBRATULUS LACTEUS (GRUBE, HUBRECHT). JMemertes lactea (Grube). Cette Némerte est assez rare à Banyuls et à Roscofl. On la drague, dans ces deux localités, par 35 mètres de fond environ, parmi les Ascidies simples. La variété absolument blanche ne se trouve que très rarement. Elle présente bien les stries et le pigment d'aspect plumeux que signale Hubrecht, ce sont de petits granules pigmentés ; très nombreux et serrés. Les fentes céphaliques sont profondes et roses ; il y a un appendice caudal. Quelquefois, les grains de pigment blanc sont moins serrés et laissent alors voir la couleur brune ou rouge des tissus sous-jacents, notamment sur la tête. J'ai trouvé un individu pourvu de quatre yeux de chaque côté ; les autres n'en SUR LES TURBELLARIKS DES COTES DE FRANCE. 551 avaient pas ; il était, d'ailleurs, de grande taille, 10 centimètres environ. M. Chapuis en signale un individu, à Hoscoff, sans yeux ni appendice caudal. Extension géographique. — Banyuls, Roscoff, Naples (Hubrecht, Grubc), Villefranche. 8. CEREBRATULUS HEPATICUS (nUBRECRT). Cerebratulus hepaticus (Hubrecht). J'ai reçu à Rennes, de Banyuls, au mois de juin, trois magnifiques échantillons de cette Némerte provenant du banc de Cranies, par 35 mètres de fond. Leur couleur était brun chocolat, avec la tête un peu plus rouge, et le bord des lèvres des sillons céphaliques un peu plus clair. Ils avaient environ 10 à 12 centimètres et étaient pourvus d'un appendice caudal ; à l'extrémité du corps se trouvait une tache jaune, de 2 ou 3 millimètres de longueur, sur laquelle s'at- tachait l'appendice caudal. Pas d'yeux. La tête assez pointue, en forme de fer de lance. Ces animaux ont vécu plus de quinze jours à Rennes, dans de l'eau de mer provenant de Saint-Malo. Hubrecht signale la présence de bandes brunes visibles sur la trompe comme des anneaux lorsqu'elle est projetée au dehors; je n'ai pas constaté ce caractère sur ces trois échantillons. M. Chapuis signale cette espèce à Roscolf, dans le banc de bryo- zoaires et sables d'Àstan, par 30 mètres de fond ; il note une bande longitudinale dorsale plus foncée que le reste du corps. Extension géographique. — Banyuls, Naples (Hubrecht), Roscoff. 9. CEREBRATULUS MODESTUS (CHAri'Is). Cette espèce a été trouvée à Roscoff par M. Chapuis, et je ne l'ai point rencontrée de nouveau. Voici la note qu'il a laissée dans les fiches de la collection. « Dragué, au nord de Tisaoson; un individu, août 1885, 3 à 4 centi- mètres, jaune brunâtre pâle ; bande blanche longitudinale dorsale, L. JOUBIN. noire sous le microscope, située dans la peau et non due àla trompe. Sur les côtés, deux petites lignes brunes, peu visibles, une de chaque côté. La tête porte les fissures caractéristiques. Pas d'yeux. Mon spécimen n'avait pas d'appendice caudal. Extension géographique. — Roscoff. 10. CEREBRATULUS FASCIOLATUS (EHRENBERG, HUBRECHT). Planarta filaris (O.-F. Muller, 1788). Micrura fasciolata (Ehrenberp;, 1831). — (Diesing, 1850). Gordius fragilis spinifer (Dalyell, 1853). — fasciatus spinifer (Dalyell, 1853). Pylidium girons (Claparède, 1861). Cerebratulus geniculatus (Ulianin, Grube). C'est encore une des Némertes les plus communes de nos côtes. Dans la Méditerranée, on la trouve presque au niveau de l'eau ; dans les dragages, au scaphandre, à quelques mètres; enfin dans la zone de coralliaires par 80 ou 90 mètres de fond. Sa couleur est aussi va- riable que pour l'espèce précédente ; les deux teintes fondamentales sont le vert et le rouge brique autour desquelles on peut grouper toutes les variétés possibles. Hubrecht n'a pas rencontré les variétés rouges à Naples ; elles existent à Banyuls. Je crois, comme l'a fait remarquer Hubrecht, que les individus de la Méditerranée sont plus petits que ceux de l'Océan. A Roscoff, on les trouve au niveau des laminaires, dans les très grandes marées (Rec'h-hier doun). Extension géographique. — Banyuls, Roscoff, Trieste (Dewoletzky), Sicile, Adriatique, Naples (Hubrecht), Shetland (Mac-Intosh). 11. CEREBRATULUS FUSCUS (MAC-INTOSH, HUBRECHT). Micrura fusca (Mac-Intosh, 1873). La figure de Mac-Intosh, pour son Micrura fusca, ne donne qu'une idée bien imparfaite de cette espèce. Il le représente, en effet, unifor- mément jaune, avec deux lignes roses sur les bords. SUR LES TURBELLARIES DES COTES DE FRANCE. 553 Ce qui le distingue réellement, ce sont les taches brunes qui se trouvent sur toute sa face dorsale. Elles sont quelquefois très espacées et pâles, ce qui fait que l'on se rapproche un peu de la ligure de Mac-Intosh ; mais, la plupart du temps, elles sont assez foncées. J'ai observé des individus où les taches prenaient l'aspect arbo- rescent, et se rejoignaient toutes les unes aux autres, de façon à former une sorte de réseau très irrégulier et particulièrement serré sur la tête et le cou. J'ai représenté un individu dont les taches avaient cette disposition (pi. XXX, fig. 4). La forme générale de l'ani- mal est assez courte et ramassée quand il se contracte, de sorte qu'il ressemble à un Amphiporus. Le nombre des yeux est plus variable que ne l'indique Mac-Intosh. M. Chapuis signale un échantillon avec vingt-deux yeux ; la plu- part du temps, il y en a seize dont le plus grand nombre est groupé sur le milieu et près de la pointe de la tôte. On rencontre cette espèce à Banyuls, parmi les Ascidies, que rapporte le chalut; tantôt on observe la tache rouge céphalique in- diquée par Mac-Intosh, tantôt elle fait défaut. J'en ai obtenu un bel exemplaire au cap Creus, en draguant par 77 mètres de fond; enfin, un très bel exemplaire de 15 centimètres, avec un grand appendice caudal, à Banyuls, dans les corallines autour de l'île Grosse. Généralement, l'appendice caudal est court, large, et logé dans une sorte d'échancrure que porte l'extrémité postérieure du corps. Cette extrémité est plus large que le reste du corps et se termine brusquement ; c'est un caractère unique dans le genre CereOratulus, où généralement le corps est pointu en arrière. J'ai représenté cette disposition (pi. XXX, fig. 3), principalement pour permettre la comparaison avec celle de Mac-Intosh. J'ai représenté aussi l'aspect des coupes pratiquées dans la région où vient s'ouvrir le canal du ganglion spécial ; c'est-à-dire tout à fait au fond de la partie postérieure des fentes céphaliques. Ce dessin est destiné à être comparé à celui qui représente la même ';.;t L. JODBIN. partie du fJnetti lacteus (pi. XXVIII, fig. 13) et des Cerebratulm bilineatus ( pi. XXX, fig. I) et aurantiaeus (pi. XXX, fig. 5). On voit que la région des hautes cellules est située bien plus pro- fondément et est bien mieux séparée do l'extérieur par la paroi des fentes céphaliques intimement accolées l'une à l'autre. C'est au fond d'une sorte de vestibule en l'orme de trèfle que vient s'ouvrir le canal (a, pi. XXX, fig. 2). Autour de lui se voient les masses ganglion- naires, avec les prolongements fibrillaires pénétrant dans les cellules à grands cilsvibratiles {b, c, fig. 2). Il n'y a pas là de distinction nette entre les lèvres internes et externes du sillon. Extension géographique. — Banyuls, RoscofF, Naples (Hubrecht), côtes d'Angleterre (Mac-Intosh). 12. CEREBRATULUS AURANTIACUS (GRUBE). Meckelia aurantiaca (Grube, 1855). Micrura aurantiaca (Mac-Intosh, 1873). Cerebratuhis croceus (Grube, 1868). — depressus (de Quatrefages, 1843). C'est une des espèces les plus communes des côtes de France; on la rencontre aussi fréquemment à Banyuls qu'àRoscoff. Le type figuré par Mac-Intosh est jaunâtre, avec la face dorsale vermillon, et un collier assez peu distinct, jaune, situé derrière la tête. Cette variété est assez rare. Celle que l'on trouve le plus fréquemment est rouge vermillon franc, avec un collier blanc très net en demi-cercle à concavité antérieure, situé près de la pointe de la tête et limitant une aire ovale, également vermillon. Mais cette teinte est susceptible d'un grand nombre de variations ; les principales sont la transfor- mation du vermillon en orangé et en jaune indien et quelquefois en jaune clair ; puis une série en sens inverse, allant du vermillon au rouge, puis pourpre, violet foncé, violet clair et lilas. Enfin, il arrive fréquemment qu'avec une quelconque de ces teintes, la petite aire elliptique antérieure devienne violet foncé, et cette tache est encore SUR LES TUHBELLARIÉS DES COTES DE FRANCE. 555 rendue plus apparente par le demi-cercle blanc qui la limite en arrière. Hubrecht dit qu'à Naples il n'a jamais eu d'exemplaire dépassant 7 centimètres. J'en ai observé de beaucoup plus grands. Ainsi, à Roscoff, j'en ai trouvé un à l'île Duon, sous une pierre, qui mesurait 20 centimètres de long. Les exemplaires de 10 à 45 centimètres sont communs. On en trouve de plus petits parmi les corallines, à l'île Grosse, à Banyuls. Les fentes latérales sont longues et profondes. Le Cerebratulus depressus de de Quatrefages est peut-être la variété lilas. On en trouve aussi à des profondeurs très variables, depuis le niveau des marées jusqu'à 60 mètres dans les fonds rocheux. Gomme pour d'autres espèces, j'ai figuré la disposition de l'orifice du canal latéral dans le fond des fentes céphaliques. La figure 5, planche XXX, indique les points principaux de cette structure sur des coupes. Les lèvres médianes sont grandes et à bord externe den- telé en scie ; elles contiennent quelques glandes à mucus en forme de bouteille, ce qui ne se rencontre pas chez les autres espèces que j'ai observées. L'orifice est situé près de l'extérieur et paraît être largement en communication avec le milieu ambiant. Les masses ganglionnaires sous-jacentes aux lèvres externes sont très déve- loppées. L'appendice caudal est très long. Extension géographique. — Banyuls, Roscoff, Naples (Hubrecht), Lussin (Grube), Sicile (de Quatrefages), Rat-Island (Mac-Intosh). GENUS IV. — LANGIA (HUBRECHT). Ce genre a été créé par Hubrecht pour une seule espèce trouvée à Naples ; il est surtout caractérisé par un profond sillon médian dorsal qui court tout le long du corps, et est limité par deux lèvres plus ou moins épaissies; cela lui donne l'aspect d'un tube incomplet, et si l'animal était bien étalé il serait plat. J'ai eu, depuis, l'occasion d'observer une seconde espèce rapportée d'Obock par le docteur Faurot. J'en ai donnéla description dans le tome XVI de ces Archives. 586 L. JOUBIN. LANGIA FORMOSA (nUBRECIlT). J'ai trouve à Banyuls cette espèce dans le banc de sable grossier voisin du banc des Cranies, par 40 mètres. Malheureusement je n'ai eu que la moitié antérieure d'un seul individu, d'un beau rouge vermillon, les deux bords latéraux du corps étaient très rapprochés l'un de l'autre. Extension géographique. — Naples, Banyuls (Obock, espèce voisine : Langia obokiana, mihi). TROISIÈME PARTIE. C. HOPLONEMERTINI (HUBREGHT). Voici la définition d'Hubrecht pour ce dernier groupe de Némertes. « Un stylet ou plus dans la trompe. La bouche située généra- lement en avant des ganglions. Les nerfs latéraux en dedans des revê- tements musculaires de la paroi du corps. Pas de fentes céphaliques profondes de chaque côté de la tête. » La couche de muscles longitudinaux est disposée presque toujours en faisceaux distincts rayonnant vers le centre de l'animal. GENUS I. — AMPHIPORUS. Un seul stylet central, avec des poches accessoires. Pas de sacs membraneux en communication avec la cavité proboscidienne. Des yeux généralement bien développés ; sillons céphaliques souvent pourvus de petits sillons secondaires, comme ceux des Polia. Corps généralement court, peu extensible, et couches musculaires bien développées. Hubrecht et Garus signalent les espèces suivantes : Amphiporus pulcher, lactifloreus, dubius,marmoratus, hastatus, pu- gnax, auxquelles il faut ajouter l'A. bioculalus de Macintosh et peut- être l'A. splendidus de Keferstein. SUR LES TURBELLARIÉS DES COTES DE FRANCE. 357 A part cette dernière et YAmphipoms pugnax, j'ai retrouvé toutes les autres soit dans la Manche, soit dans la Méditerranée. C'est une famille extrêmement homogène, et les variations de chaque espèce sont assez considérables pour amener de sérieuses dif- ficultés dans la détermination. Ils sont répandus dans toutes les mers et on en a signalé un bon nombre d'exotiques. 1. AMPHIPORUS DUBIUS (lUJBRECIIT). Amphiporus dubius (Hubrecht, 1880). Cette espèce vit à Banyuls, sous les pierres, derrière le cap Doun, avec le Lineus lacteus; mais elle est plus commune vers 70 mètres de fond, au cap Creus, près de l'île Masa d'Oro, parmi les bryozoaires et les coralliaires. Elle répond à peu près à la description d'Hubrecht, sauf en ce qui concerne les sillons cé- phaliques, qui se trouvent en arrière des derniers yeux et non entre les deux derniers groupes. Ces yeux sont disposés en trois groupes de chaque côté ; le premier est composé d'un seul œil assez petit ; le deuxième de trois yeux juxtaposés ; le troisième d'un seul œil bien plus gros que le premier, et situé Flg- L tout contre les ganglions. Le corps a 5 à 6 centimètres de long, de couleur blanche, avec la queue grise, tout semé de petits grains de pigment brun. Un très fin collier transversal autour de la tête, en arrière et tout près du troisième groupe d'oeil ; la tête est beaucoup plus étroite que le corps. Extension géographique. — Banyuls, Naples (Hubrecht), Madère (Langerhans). 2. AMPHIPORUS LACT1FL0REUS (MAC-INTOSH). Polia mandilla (de Quatrefages, 1846). — mutabilis (de Quatrefages, 1846). — berea (de Quatrefages, 1846). L. JOUBIN. Polia violacea (de Quatrefages, 1856). — glauca (de Quatrefages, 1856). Gordius albicans (Dalycll, 1853). Borhisia mandilla (Kcferstein, 1862). Ommatoplca rosea (Johnston, 1865). — alba (Diesing, 1850). C'est encore une des espèces les plus communes de nos côtes ; on la trouve à Roscoff, à Banyuls, au bord de l'eau, parmi les coral- lines; au scaphandre, par 7 à 8 mètres de fond, sous les pierres ou dans les algues, dans la zone des laminaires. Je l'ai rencontrée en abondance, avec Cephalotrix et Lmeus Gesserensis, à Perros-Guirec (Côtes-du-Nord), dans un banc de galets roulés couverts d'ulves, dans une sorte de chute produite par un réservoir d'eau de mer situé au-dessus de ces galets. A Port-Vendres, on s'en procure faci- lement en raclant les algues des quais. La couleur est extrêmement variable ; d'ailleurs, les nombreuses espèces de de Quatrefages ne sont basées que sur ce caractère. La variété la plus commune est le gris sale, passant au blanc, au rose, au vert clair, au jaunâtre, avec des mélanges variés de ces couleurs sur les mômes individus, la tète et la queue étant toujours plus claires. On trouve assez souvent une variété, à Roscoff, où Fi;,'. î. — Variété , , avec un gros les grains de pigment foncé sont plus serres sur le œil en arrière. tuiiefadiou^à C*0S' ma*s en resPectant une ligne médiane plus claire, suions 'de îa Les ganglions forment presque toujours deux taches face ventrale. rouges très nettement délimilées. Les yeux, en nom- bre variable, sont disposés en deux groupes de chaque côté : en avant, une ligne simple ou double d'yeux, disposée en arc de cercle ; en arrière, une sorte de rosette de quatre à huit yeux groupés en rond autour d'un ou plusieurs d'entre eux. Mac-Intosh note que, dans les variétés foncées, un des yeux est plus gros que les autres. J'ai constaté plusieurs fois ce fait, et tou- SUR LES TURBELLA1UÉS DES COTES DE FRANGE. 5S9 jours j'ai observé que c'était L'œil le plus reculé qui était le plus gros. Les sillons céphaliques forment un M dorsal, les deux extrémités des jambages étant l'ouverture des canaux ciliés ; de là repart une autre ligne à deux ou trois ondulations venant aboutir sur le milieu de la bouche, de chaque côté. J'ai trouvé des individus en activité sexuelle en avril, dans la Médi- terranée, en juin et août à Roscoff. Extension géographique. — Banyuls, Roscoff, Erquy, Perros, Saint- Waast, Brehat (de Quatrel'ages), Marseille (Marion). Mac-Intosh l'in- dique depuis les mers arctiques jusqu'à la Méditerranée; Naples (Hubrecht), Bergen (Jcnsen). 3. AMPI1IP0RUS PULCUER (MAC-INTOSU). Fasciola rosea (O.-F. Muller, 1774). Planaria rosea (O.-F. Muller, 1776). Nemertes pulchra (Johuston, 1837). Polystemma roseum (GErsted, 1837). Vermiculus rubens (Dalyell, 1835). Ommatoplea pulchra .Diesing-, 1862). Amphiporus pulcher (Mac-Intosh, 1873). J'ai trouvé cette espèce à Banyuls et à Roscoff: elle est cependant assez rare dans ces deux localités. Certains exemplaires étaient d'un beau vermillon, d'autres avec la queue jaunâtre. On y trouve souvent de petits grains de pigment blanc, et je n'en ai point vu de brun comme le dit Mac-In- tosh. La figure donnée par Mac-Intosh (pi. XIV, fig. 11) est assez défectueuse pour ce qui est des sillons. Les yeux aussi sont plus nombreux qu'il ne l'indique; j'en ai ren- contré trente-cinq à quarante-cinq de chaque côté au Fig,d3;~usi1.lon3 lieu de vingt-trois. Du reste, mes échantillons étaient plus grands que ceux qu'il a trouvés, de même que ceux de Naples, où, d'après Hubrecht, ils n'ont que 3 centimètres. On peut voir, par la ligure que je donne de ces sillons (pi. XXXI, 560 L. JOUBIN. flg. 22), face ventrale, et par le dessin ci-contre pour la face dor- sale, que je n'ai point vu les sillons secondaires que figure Mac- intosh, assez vaguement d'ailleurs. La forme du corps est plus large et plus plate dans la Méditer- ranée que dans la Manche. La bouche est très en avant de la tête. Extension géographique. — Banyuls, Roscoff, Naples (Hubrecht), côtes d'Angleterre (Mac-Intosh). 4. AMPQIPORUS UASTATUS (MAC-INTOSH). Amphiponis hastatus (Mac-Intosh, 1873). Akroslomum Stannii (Grulie, Hubrecht). Cette Némerte, très rare à Naples, l'est aussi à Roscoff, où je n'ai rencontré, comme Hubrecht, qu'un seul échantillon. A Banyuls, je ne l'ai pas trouvée. Elle est d'un beau rouge, non jaunâtre, comme l'indique la figure de Mac-Intosh (pi. VIII, fig. 7). Elle diffère delà description de cet auteur en ce que les yeux sont gros et très appa- rents, bien que profondément situés sous la peau. Les sillons cé- phuliques étaient bien nets, l'ouverture de la trompe très voisine de la bouche, ainsi que l'a fait remarquer Hubrecht. Je ne crois pas cependant qu'il soit utile de rétablir l'ancien genre Akrostomum, de Grube, pour une espèce qui, par tous ses caractères, est nettement un Amphiponis. Je l'ai draguée à la tourelle d'Astan, près de Ros- coff, par 35 mètres (sable grossier mêlé de coquilles brisées). Extension géographique. — Roscoff, Naples (Hubrecht), côtes d'An- gleterre, Shetland (Mac-Intosh), Bergen (Jensen). 5. AMPH1PORUS MARMORATUS (HUBRECHT). Cosmocephala cordiceps (Sars et Jensen). J'ai rencontré cette espèce plusieurs fois à Banyuls, et j'en avais fait primitivement, sous le nom d' Amphiponis maculatus, une espèce nouvelle, car la description qu'en a donnée Hubrecht est fort incom- plète, et des caractères très importants sont omis. SUR LES TURBELLARIÉS DES COTES DE FRANCE. 561 J'ai donné, dans la planche XXV, figures 6, 7 et 8, l'aspect exté- rieur de l'animal entier et de quelques détails de sa tête. La couleur du corps est un mélange de rose et de chamois, et sur le tout sont semées des taches brunes plus ou moins foncées et irré- gulières. Souvent, entre les taches, on voit un petit réseau de fila- ments pigmentaires qui les entoure. Sur le milieu de la tête est un sillon plus ou moins profond dont le centre est marqué d'une bande d'un beau jaune clair ; les deux bords sont limités par deux lignes brunes assez foncées. La tête est limitée inférieurement par un sillon large, d'un beau rose, à bords ondulés comme ceux des Polia. Ce sont les sillons céphaliques, et ils ont chacun environ huit ondulations de chaque côté. Les deux sillons ne se rencontrent pas sur la ligne dorsale médiane, mais s'arrêtent à la bande jaune. Sur la ligne médiane ventrale, au contraire, les deux sillons se continuent largement. Les échancrures des ondulations sont profondes, coloriées en brun, tandis que le fond est rose. Les taches brunes sont plus rares à la pointe de la tète et ont aussi beaucoup diminué vers la queue dont la pointe est presque sans taches. La face inférieure du corps est plus claire. La tête peut rentrer entièrement dans la partie anté- rieure du corps, qui se referme sur elle en se fronçant comme avec des cordons. L'animal rejette facilement sa trompe qui est pourvue d'un stylet dont le manche a deux ailerons latéraux et une sorte de crête longi- tudinale; il y a deux vésicules accessoires, et chacune contient quatre stylets. Les papilles de la trompe sont formées de cellules disposées en éventail, avec une couche de pigment rouge-brique à la base. Je n'ai pas constaté les espèces de poils, dont parle llubrecht, sur les côtés de la tête; d'ailleurs, il ne donne aucun renseignement sur la structure des sillons céphaliques. Il y a environ six à huit yeux très peu visibles de chaque côté ; ils sont, la plupart du temps, masqués par les taches brunes. Cette espèce habite la zone des bryozoaires, au commencement ARGII. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 2e SÉKIE. — T. VIII. 1890. 3G (jgg L. JOUBIN. dos eôralliaires, vers 50 mètres de profondeur. On observe Quel- ques variations dans la coloration, spécialement dans la plus ou moins grande longueur de la bande jaune, suivant la taille des indi- vidus ; les plus grands ont 7 à 8 centimètres de long. J'ai retrouvé cet animal à Roscoff, près d'Astan, par 40 mètres de fond. Il vit bien dans les cuvettes et s'entoure d'une glaire abon- dante. Enfin, j'ai constaté la parfaite identité de l'espèce de la Manche et de celle de la Méditerranée, ce qui, comme le pensait Hubrecht, fait disparaître le genre Cosmocephala de Sars et Jensen. Extension géographique. — Roscoff, Banyuls, Naples (Hubrecht), côtes de Norvège (Sars et Jensen). Cette espèce est une de celles du genre Amphiporus où l'on peut le mieux observer la disposition de l'appareil musculaire. Dans la région céphalique,les fibres sont entre-croisées et forment un réseau inextricable; mais, dès la région des ganglions spéciaux postérieurs du cerveau, elles prennent une disposition remarqua- blement régulière, qui est surtout développée dans la région œso- phagienne. C'est là en effet que la couche de muscles est la plus considérable ; plus loin, elle est bien moins épaisse. La figure 7 de la planche XXX donne une idée de la répartition des fibres musculaires chez cet animal. La couche de fibres circulaires (a) est épaisse ; la couche de fibres longitudinales qui est sous-jacente, est divisée en faisceaux rayon- nants qui convergent tous vers le centre de la coupe. Ces rayons sont simples ou bien formés de deux parties plus ou moins com- plètement accolées. Chacun d'eux s'appuie par une large base sur la couche circulaire, puis il se rétrécit légèrement, et ensuite se renfle en massue dans la région libre du rayon. Les fibres musculaires qui les composent sont bien plus serrées dans la partie ventrale que vers la base. Tous les rayons sont séparés les uns des autres par un plan conjonctif (b) qui vient se réunir à ceux qui sont les plus voi- sins, pour former, autour des organes centraux, tube digestif ou SUR LES TURBELLARIÉS DES COTES DE FRANCE. 863 système nerveux, une sorte de gaine dont tous ces plans semblent diverger. C'est aussi sur eux que l'on trouve les fibrilles nerveuses provenant des nerfs latéraux et se rendant à la périphérie. Sur la ligne médiane dorsale et ventrale, les faisceaux de fibres longitudi- nales sont plus ou moins fusionnés entre eux et viennent s'attacher sur la paroi de la gaine de la trompe ou du tube digestif (d, fig. 7, 10 et 14). Dans la région moyenne et postérieure du corps, les faisceaux rayonnants de fibres musculaires diminuent beaucoup d'importance et deviennent à peine plus épais que la couche de muscles circulaires (fig. 15). On trouve une grande quantité de vaisseaux anastomosés, princi- palement dans la région antérieure du corps, autour du cerveau. Au point où l'œsophage se sépare du rhynchodœum, un gros vais- seau transversal se trouve entre les deux organes. Ce qui m'a paru plus spécialement intéressant chez cette Némerte, c'est la structure compliquée du tube digestif. Le dessin ci-après est la représentation de cette structure d'après la série des coupes que l'on trouvera, planche XXX, des figures 6 à 15. L'orifice buccal est confondu avec celui de la trompe sur une lon- gueur appréciable; ce n'est qu'à une petite distance de l'orifice que se fait un pincement dans cette sorte de tube commun, qui limite, en bas, le canal digestif proprement dit, en haut, le rhynchodœum. C'est ce que représente la figure G. Toute la première portion du tube digestif est excessivement réduite comme diamètre, et, sur les premières coupes, on a réellement de la peine à retrouver l'épilhé- lium qui tapisse ce conduit fort étroit. Il me paraît bien clair que cet œsophage ne peut laisser passer autre chose que des liquides. Entre les coupes 6 et 7, la gaine de la trompe et l'œsophage s'é- cartent fortement l'un de l'autre, puis ils se rapprochent pour passer entreles ganglions nerveux. C'est dans cette région qu'est pratiquée la coupe 7 qui passe parle lobe spécial du cerveau. La coupe 8 montre l'intercalation, entre la gaine de la trompe et l'intestin, de deux cavités séparées par une cloison conjonctive, et 5G4 L. J0UB1N. tapissées d'un haut épithélium qui renferme de nombreuses cellules glandulaires. Un peu plus bas, au niveau de la coupe 9, ces deux ca- vités sont fondues en une seule et forment ensemble une sorte de cul-de-sac bifide de l'intestin. Plus bas, on trouve une sorte de large estomac dans lequel s'ouvre, par une fente longitudinale en forme de boutonnière, l'intestin antérieur. Autour de cette fente, l'épithélium est très élevé et se multiplie au moyen de trabécules conjonctifs qui le soulèvent en papille. C'est ce que représente la coupe n° 10. Au delà de la fente en question, l'estomac se prolonge en un cul-de-sac ventral et postérieur, pointu, qui continue la direction de l'œsophage; il est d'abord très large (fig. H), puis il est bientôt étroit et sa lumière obstruée par l'épithélium (*', fig- 12). La face dorsale de l'estomac émet en ar- rière l'intestin moyen qui est large, puis bientôt se rétrécit à mesure qu'il s'éloigne de la région antérieure (m, fig. 11 à 14). Mais, presque aussitôt en arrière du cul-de-sac de l'estomac, on en trouve un autre, plus large, qui débute aussi par deux culs-de-sac séparés ne tardant pas à se fusionner en un seul. Ce grand canal est ventral, large, et, sur toutes les figures, il porte la lettre /;. Ce grand cul- de-sac émet lui-même des culs-de-sac secon- daires (o dans toutes les figures). Le premier d'entre eux est fort long et se dirige en avant parallèlement à l'intestin. Les autres, au contraire, sont verticaux, recourbés en crosse, et embrassent plus ou moins l'intestin supérieur. A mesure que l'on s'éloigne de la lèle, ces diverticules ventraux deviennent de moins en moins proéminents. Au niveau de la coupe 45, l'intestin dorsal et le grand Fig. 4. — Reconstitution du tulir; digestif. Les numéros sont ceux des coupes figu- rées dans la planche XXX. Les lettres correspondent aussi à celles des coupes. SUR LES TURBELLARIÉS DES COTES DE FRANCE. 8ÔS cul-de-sac inférieur ne forment plus qu'un seul canal large, l'intes- tin postérieur. C'est l'intestin supérieur, fort étroit, qui se jette dans l'intestin inférieur beaucoup plus large et dilaté sur les côtés en culs-de-sac obtus qui disparaissent dans le tiers postérieur. Les culs-de-sac latéraux sont tapissés par un épithélium fort élevé dans la partie terminale, où les cellules sont remplies de granulations très nombreuses (fig. 16). Ces mêmes cellules se retrouvent dans toute la partie postérieure du tube digestif. Cette partie est devenue très considérable, elle occupe toute la cavité du corps ; les vaisseaux sont très réduits, la cavité générale oblitérée, et les muscles sont aussi devenus fort peu épais. On voit donc, en résumé, que, chez cet animal, le tube digestif est plus compliqué que dans aucune autre Némerte. Extension géographique. — Roscoff, Banyuls, Naplcs (Hubrecht); côtes de Norvège (Sars et Jensen). 6. AMPHIPORUS SPLENDIDUS (KEFERSTEIN, HUBRECHT). (??) Drepanophorus rubrostriatus (Hubrecht, 1880). (?) Amphiporus splendidus (Barrois, 1877). Hubrecht admet cette espèce comme étant réellement distincte dans l'Atlantique. Mac-Intosh assimile la Borlasia splendida de Ke- ferstein à son Amphiporus spectabilis, qui n'est autre que le Drepano- phorus rubrostriatus. Hubrecht n'admet pas cette assimilation. M. Chapuis, dans les fiches de la collection du laboratoire de Ros- coff, mentionne Amphiporus splendidus avec cette mention: Drague au large avec abondance. Or, dans tous les dragages de Roscoff, je n'ai pas rencontré une seule fois la Borlasia (Amphiporus) splendida de Keferstein, tandis que le Drepanophorus rubrostriatus est très commun. Il me semble dès lors probable que M. Chapuis n'a pas rencontré le vrai Amphiporus splendidus, mais bien le Drepanophorus. rubrostriatus. 11 faut donc attendre de nouvelles recherches pour être à même de se prononcer sur l'existence. réelle de cette Némerte F,. J0UB1N. à Roscoff. J'ajoute encore que les raisons données par Hubrecht pour établir la différence entre Amphiporns splendidus et Drepano- phorus rubrostriatus, ne m'ont nullement convaincu. En particulier, je considère les échantillons de Drepanophorus rubrostriatus récoltés à Banyuls, comme absolument semblables à ceux de Roscoff. Enfin Barrois, dans son Embryologie des Némertes, mentionne la présence de cet Amphiporus splendidus comme parasite dans les Ascidies simples (Ciona intestinalis, Ascidia sanguinolenta). Il me paraît probable, dès lors, que l'espèce ainsi déterminée par Barrois est YCErstedia vittata d'Hubrecht. (Voir plus loin.) Extension géographique. — Roscoff (Chapuis), Saint- Waast (Kefer- slein, Barrois), Marseille (Marion). 7. AMPHIPORUS BIOCULATUS (maC-INTOSH). Hubrecht, dans son Gênera, donne une courte liste des espèces qu'il n'a point rencontrées à Naples, mais qui lui semblent devoir être admises comme bien caractérisées dans les mers d'Europe. L1 Amphiporus bioculatus de Mac-Intosh ne figure point dans cette liste, et pourtant, s'il y a une espèce bien distincte, à caractères tranchés, c'est celle-là. Je l'ai rencontrée à Roscoff, dans l'herbier au-dessous du labora- toire, exactement sous le câble télégraphique qui va de la terre à l'île de Bas. Cette Némerte était confinée dans le sable vaseux, parmi les racines des zostères ; j'en ai trouvé seulement deux exemplaires La figure coloriée donnée par Mac-Inlosh (pi. VIII, fig. 3) ne ré- pond pas du tout à la variété que j'ai rencontrée. Le dessin est jaune [dull orange, dit le texte), et l'animal que j'ai observé est franche- ment vert, sauf la tête légèrement jaunâtre. Cette Némerte a de 6 à 8 centimètres et présente, comme carac- tère très saillant, deux gros yeux tout près de la pointe de la tête. J'ai représenté l'extérieur de cette Némerte (pi. XXXI, fig. 1 et 2). Dorsalement, entre les yeux, on voit un sillon longitudinal pro- fond qui s'étend assez loin en arrière, jusqu'à un collier blanchâtre, SUR LES TURBELLARIÉS DES COTES DE FRANCE. 5>G7 et qui s'atténue à mesure que l'on s'éloigne de la pointe de la tête* Sur la face ventrale, on trouve un sillon médian correspondant, partant de l'extrémité do la tête, où il se continue avec lo sillon dorsal. La bouche est dans ce sillon. De chaque côté de la tête sont les fentes latérales, sous forme de deux lignes blanches en V; la pointe du V est en arrière et sert d'ori- fice d'entrée du canal céphalique. Les branches, de chaque côté, se rencontrent sur la ligne médiane, les deux branches supérieures sur la ligne dorsale, les deux branches inférieures sur la ligne ventrale, au bord du sillon; ces dernières ne se touchent pas tout à fait. La couleur de la tête est d'un vert jaunâtre très pâle jusqu'aux sil- lons céphaliques en V ; au delà, le vert est un peu plus foncé jusqu'au collier blanc, après lequel le vert olive est tout à fait franc. Tout le corps, sauf la partie claire de la tète, est semé d'un pointillé brun foncé qui a l'aspect d'un semis de très fins grains de sable. L'ouverture de la trompe est presque à la pointe du corps, sur la face ventrale, et est limitée par quatre petites lèvres formées par les bords des sillons médians dorsal et ventral. Cette ouverture sert à la fois d'orifice buccal et d'orifice pour la trompe. Les deux croquis que Mac-Intosh donne dans le texte de la tête de cet animal sont inexacts, car il fait la tête trop petite pour le rcsle du corps; les sillons céphaliques trop près de la pointe, le sillon mé- dian à peine indiqué, de même que le petit collier blanc, qui d'ail- leurs est peu profond et peu accentué. Cette Némerte présente quelques particularités intéressantes. La paroi du corps, peu épaisse dans la portion médiane et postérieure, est au contraire bien développée dans la partie antérieure du corps. Dans la région cérébrale, on trouve, sous Tépithélium cutané, une couche amorphe épaisse (a, pi. XXXI, fig. 3), puis la couche circulaire des muscles, et, en dessous, la couche longitudinale. Celle-ci est divisée en deux parties séparées par une épaisse couche gélatineuse {d). La zone la plus externe (c) est formée de faisceaux de fibres rayonnants, composés chacun d'une seule file défibres musculaires. 568 L. JOUBIN. Li /une profonde (e) est formée de gros paquets de fibres entourés d'une gaine fibreuse ; ces paquets sont décomposés par des cloisons secondaires plus ou moins incomplètes. Enfin on trouve des libres conjonctives qui entourent le tube digestif ou le cerveau (/). Dans la région antérieure du corps, la couche interne de libres longitudinales a disparu, et il ne reste plus que les libres rayon- nantes qui viennent s'accoler soit à la gaine de la trompe, soit à la paroi du tube digestif (pi. XXXI, fig. 5). Le tube digestif présente un orifice commun avec la trompe, et les deux organes sont assez longtemps confondus. Puis ils se sé- parent avant le cerveau, et on a une portion faisant fonction d'œso- phage, arrondie, à épithélium élevé (fig. 4). Plus loin, on trouve une cavité inférieure qui est un cul-de-sac antérieur de l'intestin, et enfin l'œsophage vient s'y ouvrir largement. L'intestin, dès lors unique, est fort étroit et comprimé par la gaine de la trompe, qui est énorme (fig. 5). Plus loin encore, la gaine de la trompe étant fort petite, l'intestin occupe toute la cavité du corps; mais alors les organes génitaux sont développés, et ils compriment tellement l'in- testin que sa cavité est absolument virtuelle, et qu'il est réduit à un ruban plat, irrégulier, serpentant entre les ovaires. Extension géographique. — Roscoff, Bressay Sound (Mac-Intosh). ŒRSTEDJA. 11 ubrecht range, sous le nom d'OErstedia, deux espèces nouvelles et qui ne répondent en rien aux deux autres décrites par M. de Qua- trefages, auteur de ce genre, espèces qu'il n'a point observées. D'autre part, les deux espèces décrites par llubrecht sont, par tous les caractères, des Amphiporus ; il n'y a d'ailleurs qu'à lire la note (p. 229, Notes from the Leyden Muséum) que cet auteur a insérée à la suite de Rémunération des caractères du genre OErstedia, pour voir combien il est peu sûr de la valeur de son nouveau genre. Voici, en effet, sur quoi est basé le genre OErstedia d'Hubrecht : « Four cyes, large and well développée! as in Amphiporus. » Voilà un SUR LES TÛRBELURIÉS DES COTES DE FRANCE. 569 premier caractère d'Amphiporus, de l'aveu même d'Hubrect. « Body short and slout ; more so than in Tetrastemma. » Cette forme du corps est bien encore générale chez les Amphiporus. « Ilespiratory lobe of thc ganglion in front of the superior lobe with which it is in close connection. » Cette portion du lobe respiratoire est presque la même dans les Amphiporus, où elle est d'ailleurs assez variable, et je ne vois aucune difficulté dans ce fait pouvant empêcher l'homo- logation des genres. J'ajoute que les sillons céphaliques ont beau- coup de rapport avec ceux des Amphiporus, de même que le déve- loppement des yeux. Quant aux deux espèces d'OErstedia décrites par M. de Quatre- fages, Œrstedia maculala et (JE. tubicola, Hubrecht ne les a pas retrouvées, et Mac-Intosh les fait rentrer dans l'espèce Tetrastemma dorsalis. Je ne les ai pas trouvées non plus, je ne puis donc avoir d'opinion sur la valeur de cette assimilation. Je crois donc qu'il faut réserver le nom d'Œrstedia aux deux es- pèces de M. de Quatrefagcs, si au moins il est démontré plus tard que Mac-Intosh a eu tort de les faire rentrer dans l'espèce Tetras- temma dorsalis. Quant au genre Œrstedia, tel que l'a compris Hubrecht, il ne me paraît pas basé sur des caractères assez solides pour être conservé ; d'autre part, il est tellement voisin du -genre Amphiporus, que le mieux me paraît être de l'y rattacher. Les deux Œrstedia d'Hubrecht sont les deux suivantes: Œrstedia vittata, (Œ. unicoior. Dans la première, il y a quatre bandes longitu- dinales de pigment brun, tandis que dans la seconde, le pigment est répandu sur toute la surface du dos de l'animal, et ce pigment, vu au microscope, semble consister : « Of an exceedingly fine meshwork.» Cette disposition du pigment est précisément la cause de nombreuses variétés et permet de passer par toutes les transitions d'une espèce à l'autre. Je ne crois donc pas pouvoir non plus conserver les deux espèces d'Hubrecht, qui ne diffèrent par aucun autre caractère en dehors de la coloration. Il est certain que si l'on prend l'espèce à coloration uniforme d'une part, et que l'on place à côté d'elle l'es- S70 JOUBIN. pèce à bandes longitudinales brunes, elles semblent très différentes; niais quand on examine les passages, on trouve d'abord une variété à bandes transversales, et une autre présentant le mélange des bandes transversales et longitudinales formant un quadrillage serré, bien voisin de l'espèce uniformément colorée. Je réunis donc, sous le nom Cl Amphiporus vitlalus, les Œrstedia vittata et unicoîor d'IIubrecht. 8. amphiporus vittatus (n. sp.). Œrstedia vittata (Hubrecht, 1880). — unicoîor (Hubrecht, 1880). (?) Amphiporus splendidus (Barrois, 1877). Voici les variétés de cette espèce que j'ai rencontrées à Banyuls ou àRoscoff: a, -variété brun clair uniforme, presque blanche; b, variété brun foncé uniforme; c, variété à bandes longitudinales et transversales ; d, — transversales ; e, — longitudinales ; Ces variétés sont si nettes que l'on serait presque tenté d'en faire quatre espèces avec les quatre dernières. M. Chapuis a, d'ailleurs, fait la même remarque que moi. Il a établi une première fiche de collection pour Œrstedia vittata, puis une seconde pour Œrstedia unicoîor, avec cette mention : Il y en a de bruns, la plupart sont blancs à bandes transverses ; on en pourrait faire deux espèces. Il est à remarquer que jamais ces bandes ne sont à bords nets, mais, au contraire, ils sont mal définis et rendus en dents de scie par des ramifications du pigment brun qui empiète plus ou moins sur le blanc. Derrière la tête, les bandes se fusionnent les unes dans les autres, dans les espèces très pigmentées, tandis que dans les moins pigmentées, elles restent distinctes, et les deux médianes seules passent sur la tête entre lès yeux ; tantôt ces deux bandes se ter- SUR LES TURRELLAR1ÉS DES COTES DE FRANCE. 571 rainent isolement^ tantôt elles se rencontrent en avant, formant une sorte de bande arrondie. Il en est de même vers la queue ; la plupart du temps, les lignes brunes ne sont plus distinctes, mais se fusionnent en une seule masse ou en deux bandes larges. L'orifice des fentes céphaliques est situé sous l'épithélium cutané qui le recouvre ; c'est assez semblable à ce que j'ai figuré pour Nemerles gracilis (pi. XXXI, fig. 20). Le Tetrastemma Robertianse de Mac-Intosh est peut-être une variété de cette espèce. On trouve cette espèce parmi les algues des quais de Port-Vendres; à Roscoff, sous les pierres, à l'île de Bas et dans le chenal, dans la zone des laminaires et un peu au-dessus. Elle vit, en outre, en parasite dans les Phallusia sanguinolenta et Ciona intestinales (plus rarement). (Duon et banc de Bistar.) Extension géographique. — Banyuls, Port-Vendres, Roscoff, Naples (Hubrecht), Madère (Langerhans). GENRE II. — DREPANOPHORUS (HUBRECHT). Le caractère le plus saillant du genre est la transformation du stylet de la trompe en une plaque courbe, hérissée de dents qui lui donnent un peu l'aspect d'une Radula; autour de la plaque, on trouve de nombreuses vésicules accessoires avec stylets de remplacement; la cavité de la poche proboscidienne communique avec une série de sacs membraneux latéraux, réguliers. Fentes céphaliques pro- fondes, pourvues de dcnticulations secondaires, comme celles des Polia ou de quelques Amphiporus. Les yeux nombreux, gros, et très élevés en organisation: Presque tous ces caractères ont été bien mis en évidence par Hubrecht, qui a étudié tout spécialement les deux espèces qui composent ce genre. i. DREPANOPHORUS RUBROSTRIATUS (nUBRECDî). Ccrebratulus spectabilis (de Quatrefagcs, 1840; Grubo, 1804). Ampldporus spectabilis (Mac-Intosh, 1873). K7f L. JOUBIN. (?) Borlasia splendida (Keferstein, dS62). Drepanophorus spectabilis (Barrois). J'ai déjà indiqué, à propos d' Amphiporus splendidus, quels étaient les doutes que m'inspirait la réalité de cette espèce; Hubrecht, en effet, à propos de son Drepanophorus rubroslriatus, dit que l'espèce de l'Atlantique devra être considérée comme Y Amphiporus splendidus (Keferstein, Barrois), tandis que l'espèce méditerranéenne sera le Drepanophorus rubroslriatus (Hubrecht). Or j'ai eu entre les mains de nombreux exemplaires de cette espèce à Banyuls et à Roscoff; je les ai eus de toutes les tailles, en état de reproduction ou non, et je suis sûr de l'identité des deux types. Il n'y a qu'une différence insi- gniflante dans la coloration de celles de l'Océan qui sont un peu plus pâles. D'autre part, Barrois a trouvé son Amphiporus splendidus dans la cavité branchiale des Ascidies simples, et moi, de mon côté, j'ai retrouvé une Némerte semblable à Roscoff, dans les mêmes con- ditions et dont je ne puis faire autre chose que YŒrstedia vittata d'IIubrecht. Je n'ai malheureusement pas pu voir le parasite trouvé par Barrois, et je ne puis affirmer que ce qu'il a observé est iden- tique à ce que j'ai vu à Roscoff; cela me semble seulement très probable. Je conclus que V Amphiporus spectabilis de Barrois me paraît êlre VOErstedia vittata d'IIubrecht ; d'autre part, je suis porté à croire que Y Amphiporus splendidus de Keferstein est identique au Drepanophorus rubroslriatus d'IIubrecht, enfin, je suis sûr de l'identité de l'espèce de l'Atlantique avec celle de la Méditerranée. On trouve le Drepanophorus rubrostriatus à Roscoff dans les dra- gages, autour d'Astan, par 33 à 40 mètres de profondeur dans le sable et les vieilles coquilles. Quelques individus atteignent jusqu'à 12 ou 13 centimètres de longueur. La couleur rouge des lignes du dos est assez pâle, le fond grisâtre. Au mois de juin, les glandes génitales étaient en pleine activité. A Banyuls, cette espèce est commune. On en trouve de beaux exemplaires à couleurs vives dans le banc des Cranies, et au cap Greus, près de l'île Masa de Oro (80 mètres de fond). SUR LES TURBELLARIÊS DES COTES DE FRANCE. 5?3 J'ai cru devoir reproduire le dessin de la tête de cet animal, car les figures de de Quatrefages, Hubrecht, Mac-Intoshsont bien peu satis- faisantes (voir pi. XXV, fig. 9). Dans ce dessin, le tirage a un peu écrasé et exagéré les cils raides qui se trouvent à la pointe de la tête. J'ai fait sur cette espèce quelques observations sur la structure des yeux, qui sont compliqués. Mais, comme ils sont gros, les coupes donnent des détails intéressants. Toutesles préparations autres que celles que donne l'acide osmique ne fournissent aucun bon résul tat. On obtient seulement les noyaux des cellules contenues dans l'œil, mais la marche des fibrilles nerveuses n'est nullement indiquée. La meilleure méthode à employer est de fixer l'animal bien vivant par l'eau chaude, puis de couper la tête, et de la plonger pendant vingt-quatre heures dans l'acide osmique à 1 pour 100. Les coupes à la paraffine doivent avoir au maximum i trois centième de millimètre. L'œil se compose d'une mince capsule ovoïde [a, pi. XXXI, fig. G et 7) recouverte, pour sa moitié inférieure légèrement pointue, par le pigment noir (b) ou brun foncé. Ce pigment se résout sur les coupes très minces en tout petits bâtonnets extrêmement délicats, accolés les uns aux autres. La partie antérieure forme une cornée transparente, hémisphérique. Le nerf optique pénètre dans l'œil par un trou percé [d) au centre de la moitié pigmentée et pointue. L'intérieur de l'œil est tapissé par une couche continue de cellules qui prennent des formes différentes; sous la cornée, elles sont à peu près plates (e), polygonales, pourvues chacune d'un gros noyau qui se colore bien par l'hématoxyline. Au contraire (f), dans la région pigmentée, elles sont beaucoup plus hautes, polyédriques et res- semblent à des cellules de gâteaux de miel. Chaque cellule a sa base appliquée contre la couche pigmentée, la base opposée est â peu près sphérique, et forme une petite calotte ou couvercle sous laquelle est le noyau de la cellule. Ces grosses cellules semblent complètement vides quand on les S74 L, J0U13IN. traite par l'acide osmiquc qui colore la paroi; l'hcmatoxyline y montre un contenu protoplasmique homogène ou réticulé. Les fibrilles nerveuses pénètrent en un faisceau serré par la pointe de l'œil. Tout le paquet monte, en se dissociant légèrement, vers la cornée, et avant d'y arriver, il s'épanouit en une sorte de bouquet (g). Une partie minime des fibrilles continue son chemin directement vers la cornée et paraît pénétrer dans les cellules qui la tapisse (h) (fig. 8 et 9). L'autre partie des nerfs se recourbe en boucle (m) et re- descend vers la partie inférieure de l'œil. En arrivant presque au contact des grosses cellules polyédriques, chaque fibrille nerveuse prend un renflement ovoïde (n), comparable à un noyau de renforcement ; puis le filament s'engage entre deux ou trois cellules (fig. 8), et se divise bientôt en une arborisation plus ou moins compliquée, et les branches ont encore çà et là de petits noyaux. Je ne puis affirmer avec certitude qu'un filet nerveux pénètre dans l'intérieur des cellules polyédriques. Quelques-uns d'entre eux vont jusqu'à la périphérie de l'œil, sous le pigment, et lorsque celui-ci a été enlevé tangentiellement par le rasoir, on voit, entre les renflements terminaux de ces fibrilles, des anastomoses qui forment un réseau à mailles polygonales, entre les cellules du fond de l'œil et tapissant le noyau de cet organe (pi. XXXI, fig. 10). Enfin, sous la cornée, on trouve, parmi les anses des nerfs, de gros noyaux, qui sont probablement ceux de la substance conjonctive amorphe remplissant la cavité de l'œil. J'ai figuré un des replis œsophagiens; il est formé de grosses cellules muqueuses, cubiques, qui reposent sur une couche con- jonctive (pi. XXXI, fig. 11). Les replis sont fort nombreux. Cette espèce est aussi remarquable par la facilité avec laquelle on observe l'ouverture des vaisseaux longitudinaux par deux petits canaux Iransverses dans la gaine de la trompe (pi. XXXI, fig. 12). Extension géographique. — Banyuls, Roscoff, Naples (Hubrecht), côtes de Sicile, parmi les Vermets (de Quatrefages), Saint- Waast-la- SUR LES TURBELLAR1ÈS DES COTES DE FRANCE. 57b Hougue, Adriatique, Trieste(Dcwoletzky),Guernesey, Lussin(Grube), Marseille (Marion),Saint-Malo (Vaillant), parmi les coquilles d'huîtres. 2. DREPANOPHORUS SERRATICOLLIS (UUBRECUT). Cerebratulus crassus (de Quatrefages, 4 846). (?) Vcrmicuhis crassus (Dalyell, 1883). C'est une des espèces de Némertes les plus belles par la vivacité de ses couleurs ; elle atteint des dimensions assez considérables, jusqu'à 10 centimètres. Le dos est brun fauve, d'un ton très chaud, dans les exemplaires typiques ; les bords sont légèrement rosés ; les jeunes individus sont plus jaune clair que les grands. Les sillons céphaliques sont plus clairs, garnis de denticulations, comme dans l'espèce précédente. J'ai trouvé à Banyuls, autour de l'île Grosse, de très petits indi- vidus ; les sillons étaient seulement indiqués par quelques petits plis; les yeux étaient indiqués par deux petits amas brunâtres ; le dos était jaune très clair. Chez l'adulte, les yeux sont bien déve- loppés, gros, situés sur deux rangées courbes de chaque côté. On trouve cette espèce dans la Méditerranée, disséminée à diverses profondeurs. Autour de l'île Grosse, je n'ai jamais rencontré que les petits individus ; au scaphandre, par 18 mètres de fond, devant Port-Vendres, j'en ai trouvé dans un bloc de vieux bois pourri ; au banc des Canies, par 40 mètres, on en rencontre assez souvent. Enfin, c'est à peu près la dernière espèce que l'on rencontre au cap Greus, dans les fonds de 80 à 100 mètres, au milieu des coralliaires. A Roscoff, j'ai retrouvé cette espèce dans une très forte marée, où la mer avait baissé un peu au-dessous du zéro. Je n'ai eu qu'un seul échantillon absolument identique, comme taille et comme couleur, à la figure donnée par M. de Quatrefages du Cerebratulus crassus. Hubrecht met (en doute l'identité du Cerebratulus crassus (de Qua- trefages) avec le Drepanophorus serraticollis. Je ne pense pas que ce doute soit fondé, ni surtout que la Némerte de M. de Quatrefages soit l'Amphiporus pulcker, comme semble le croire Hubrecht. $7G L. JOUBIN. Extension géographique. — Roscoff, Banyuls, Sicile (de Quatre- fages), Trieste (Dewoletzky), Naples (Hubrecht), Lussin (Grube). GENUS III. — TETRASTEMMA. Les espèces de ce genre sont nombreuses; les unes sont libres, quelques autres sont parasites. Presque toutes sont de petite taille, cylindriques, peuvent s'allonger ou se raccourcir (Hubrecht) ; les yeux, petits par rapport à la dimension des individus (Hubrecht), sont au nombre de quatre, disposés en carré ou en rectangle (Mac- intosh). Les fentes céphaliques sont de simples sillons en arc de cercle dirigés en arrière. Quelques-uns hermaphrodites. 1. teïrastemma dorsalis (Abildgaard). Planaria dorsalis (Abildgaard, 1806). Tetrastemma fuscum (OErsted, 1844). Œrstedia tubicola, mandata (de Quatrefages, 1846). Tetrastemma variegatum (Leuckart, 1859). — marmoratum (Claparède, 1863). — dorsalis (Mac-Intosh, 1873; Hubrecht, 1880). Cette espèce est très commune à Banyuls comme à Roscoff. Mac- intosh signale son abondance parmi les laminaires. C'est surtout à un niveau plus élevé, parmi les zostères, les cystoseires et les coral- lines qu'on la trouve en abondance. La variété marbrée, à fond brun, est la plus commune; c'est elle que j'ai représentée. Les des- sins qui en avaient été donnés ne m'ont pas paru suffisants; c'est ce qui m'a décidé à la reproduire encore (pi. XXV, fig. 13). Cette espèce est remarquable par la facilité avec laquelle les marbrures se mettent en harmonie avec la couleur du fond qu'elle habite. Dans les zostères, c'est la teinte verte qui domine ; le pourpre dans les corallines ; le brun rouge dans les bancs de Cynthia rus- tica, où on la trouve fréquemment à Roscoff. La ligne blanche dorsale peut manquer ; quelquefois, comme l'a indiqué Mac-lntosh, les marbrures s'effacent pour faire place à une SUR LES TUKBELLAK1HS DES COTES DE FRANCE. 577 teinte uniforme, avec une bande dorsale jaune ou blanche. Dans cette môme variété, j'ai trouvé un individu rose pale, avec une grosse bande longitudinale chocolat, commençant au milieu des yeux. A Banyuls, une autre variété est vert franc, avec une ligne blanche dorsale large sur la tête, étroite au cou, puis bien ramifiée sur le dos. La teinte verte est duc à des granulations dans la paroi de L'intestin, tout à fait semblables aux Zoochlorelles des Convolula Scliulzii. Le sang du vaisseau dorsal est très rouge. Extension géographique. — Roscoff, Banyuls, Naples (Ilubrecht) , Shetland, Manche (Mac-Intosh), Wimereux (Barrois), côtes de Sicile de Quatrefages), Normandie (Claparède), côtes de Norvège (Jensen). 2. ÎETRASTEMMA FLAVIDA (eUREMBERG) . Teirastemma flavida (Ehremberg, 1831). — flavidum (OErsted, 1844). Point sanguirubra (de Quatrefages, 1846). Polia obscura (Van Beneden, 1800). Tetrastemma varicolor (Mac-Intosh, 1869). Vermiculus coluber, pars (Dalyell, 1853). Je distingue dans cette espèce deux variétés : l'une, assez courte, répondant au type de Mac-Intosh ; l'autre, beaucoup plus grêle, analogue à un Gephalothrix ; c'est' la variété longissima. J'ai trouvé cette espèce à Banyuls et à Roscoff, et la variole Ion- gissima appartient à cette dernière localité où je l'ai trouvée, dans la zone des laminaires. On la rencontre assez fréquemment parmi les Cynthia rustica, qui tapissent, en plaques serrées, certaines grottes, à Saint-Malo, à Roscoff et à Ploumanac'h. Dans la Méditerranée, je l'ai obtenue à la drague, au large du cap Creusa par près de 100 mètres de fond, parmi les bryozoaires cl les coralliaires. Le scaphandre me l'a procurée par 18 à 22 mètres autour de l'île Grosse, à Cerbère et à Port-Vcudres. Ces Némertes s'étaient sécrété de petits tubes résistants comme ceux de la Némertes carcino[jkila, et se tenaient pliées sur elles- mêmes deux ou trois fois en longueur. Le sang est rouge. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 2e SÉR'E- — T. VIJI. IS'JO. 37 578 L. JOUBIN. Les ganglions sont 1res allongés, comme la tôte, en général, dont les yeux sont plus distants que clans aucun autre Tetrastemma. J'ai observé la reproduction, en juin et juillet, à Roscoff. Extension géographique. — Roscoff, Saint-Malo. Ploumanac'h, Banyuls, Cerbère, Port-Vendres, cap Creus, Saint- Vaast, Bréhat (de Quatrefages), Ostende (Van Beneden), Cette (Yung) , Naples (Hubrecht), Trieste (Dewoletzky), côtes océaniques (Ehremberg), Madère (Langerhans). 3. TETRASTEMMA CANDIDUM (o.-F. MULLER, CERSTED). Fasciola candida (O.-F. Muller, 1774). Polia quadrioculata (de Quatrefages, 1846). Tetrastemma varicplor (OErsted, 1837; Claparède, 1861). — algœ (Leuckart, 1859). Vermiculus coluber (Dalyell, 1853). Celte Némerte est très commune sur tous les points de nos côtes, et très sujette aux variations de couleur. Dans les corallines et les ulves, on trouve généralement la variété blanche, quelquefois vert clair. Parmi les pierres et les coquilles des dragages, c'est la variété rouge clair. A Roscoff, dans les grandes marées, on rencontre sur- tout la variété jaune, ou verte avec une bande jaune longitudinale. Elle est pleine d'œufs, en juin, dans la Manche; en avril, dans la Méditerranée. Elle habite aussi, parmi les Cynthia rustica. Extension géographique. — Banyuls, Port-Vendres, Cerbère, Ros- coff, des Shetland à la Manche (Mac-Intosh), Greenland (Fabricius), côtes de Norvège (Jensen), Naples (Hubrecht), Trieste (Dewoletzky). 4. TETRASTEMMA VERMICULUS (DE QUATREFAGES). Polia vermiculus (de Quatrefages, 1846). Tetrastemma vcrmicula (Mac-Intosh, 1873). — vermiculatum (Hubrecht, 1880). Nemertes vermiculus (Diesing, 1850). Le caractère distinctif de cette espèce est d'avoir une bande de pigment foncé de chaque côté, entre l'œil antérieur et l'œil posté- SUR LES TURBELLARIÉS DES COTES DE FRANCE. 579 rieur. Or, ce caractère est assez peu net ; chez les jeunes, il n'existe qu'à peine, et c'est seulement chez les individus tout à l'ait adultes qu'on peut l'observer franchement. Dans les individus observés à Roscoff, la bande blanche dorsale que Mac-Intosh a dessinée, se trouve bien plus nettement et devient un caractère préférable, comme fixité, aux taches noires. En outre, la tète ovale, plus grande que le reste du corps, est assez caractéristique. A Port-Vendres, on trouve cette espèce parmi les algues des quais du port ; le corps a les deux bords blancs et la bande blanche mé- diane, de sorte que l'on dirait qu'il y a deux bandes brunes et trois bandes blanches. Les taches interoculaires sont peu marquées. On trouve souvent à Roscoff une autre variété où le pigment brun est très prépondérant, et a envahi toute la tête et une partie du corps. On trouve cette espèce dans les algues, devant le laboratoire, à Saint-Malo, dans les tunnels des écluses, parmi les balanes. Extension géographique. — Port-Vendres , Roscoff, Saint-Malo, embouchure de la Rance,Rréhat (de Quatrefages), nord de l'Ecosse, Manche (Mac-Intosh), Norvège (Jensen), Naples (Hubrecht), Madère. 5. TETRASTEMMA MELANOCÉPUALUM (jODNSTON). Nemer tes melanocephala (Johnston, 1837; OErsted, 1842). Polia coronata, pulchella (de Quatrefages, 1846). Tetrastemma melanocephalum (Diesing, 1862; Hubrecht, 1 — coronatum (Hubrecht, 1 Les trois espèces d'Hubrecht, Tetrastemma melanocephalum, T. coro- natum et T. diadema, n'ont longtemps paru n'en faire qu'une seule; après avoir examiné un grand nombre d'individus, car ces Némerles sont très communes, j'ai fini par me convaincre que, seuls, les Tetras- temma melanocephalum et coronatum devaient être réunis, le Diadema formant une espèce réellement distincte. Ces deux espèces réunies sont caractérisées par une tête plate, arrondie, plus large que le reste du corps, et pourvue d'une grosse tache de pigment noir. Le bord de cette jtète est pourvu d'un bour- 580 L. JOUB1N. relet blanc qui entoure la lâche noire. Les deux yeux antérieurs sont seuls compris dans cette partie, les deux postérieurs sont en arrière du bourrelet. Le plus souvent; les deux yeux antérieurs sont compris dans la tache pigmentaire, de sorte qu'ils sont assez diffi- ciles à découvrir. C'est la variété la plus commune qui a été figurée par Mac-Intosh (pi. "2, fig. 1); la tache est assez exactement dessinée, mais la cou- leur du corps est beaucoup plus verte que ne l'indique ce dessin, sans cependant être aussi crue que celle des Polia coronata et pul- chella données par M. de Quatrefages. Lorsque la bande noire, au lieu d'être aussi large et aussi carrée que celle dont je viens de parler, est au contraire plus étroite, on a la Némerte qu'Hubrecht a distinguée sous le nom de Tetrastemma coronatum; mais on trouve entre les deux types, d'ailleurs très peu différents, tous les passages. Hubrecht ne les a pas vus à Naples ; je les ai observés très nettement à Roscoff et à Banyuls. En repro- duction à Roscoff en juin, à Banyuls en avril. On rencontre cette espèce en abondance aussi bien dans la Médi- terranée que dans l'Océan. Parmi les algues de la côte, on trouve les variétés vert clairet vert- olive; dans les dragages, des variétés vert jaune se rapprochant un peu plus de celle qu'à donnée Mac-Intosh. On en rencontre aussi parmi les Cynthia rustica, où elles sont assez communes. A Port-Vendres, j'en ai vu plusieurs parmi les algues des quais. A Banyuls, on la trouve parmi les algues, à sec, quand la mer baisse seulement de 40 centimètres. Extension géographique. — Port-Vendres, Banyuls, Saint-Malo, côtes d'Angleterre, Guernesey (Mac-Intosh), Bréhat (de Quatrefages), Roscoff, Naples (Hubrecht), Sicile (de Quatrefages), Trieste (Dewo- letzky), Madère (Langerhans). G. TETRASTEMMA DIADEMA (UUBRECIIT). Cette espèce est bien distincte de la précédente. Elle en diffère SUR LES TURBELLARIÉS DES COTES DE FRANCE. 581 surtout en ce que, sur la tête, il y a deux grosses taches de pigment blanc séparées par une bandelette noire, ordinairement en'forme de fer à cheval ; mais celle-ci est assez variable ; elle va souvent d'un œil postérieur à l'autre, mais aussi souvent d'un œil antérieur à l'autre ; quelquefois elle fait défaut. Les petites taches blanches latérales sont beaucoup moins constantes. Le corps, de couleur vert-olive, est tout couvert de petites taches rondes de pigment blanc, semées régulièrement dans le dos; sur la face ventrale, ce sont de tout petits grains de pigment noir. Cette espèce a été draguée à 2 milles au nord de Port-Vendres, parmi de vieilles coquilles. M. Ghapuis dit que c'est la plus commune des Némertes de Roscoff; je ne pense pas qu'elle soit aussi commune, et peut-être M. Chapuis l'a-t-il confondue avec le Telrastemma coronatum d'Hubrecht. Je l'ai trouvée six fois parmi les algues du fond vaseux de l'herbier. Extension géographique. — Roscoff, Banyuls, Naples (Hubrecht). 7. TETRA STEMMA MARIOXIS (» . Sj).). (?) Polio quadrioculata (Grube, 18G8). M. Marion, le savant professeur de la Faculté de Marseille, dans son mémoire sur une Némerte hermaphrodite (Iiorlasia Kefersteiniï), trouvée par lui, à Marseille, parmi les rhizomes de posidonies, men- tionne une autre Némerte rencontrée dans labranchic des Phallusies. Il dit qu'il existe, dans les mêmes fonds fréquentés par la Borlasia Kefer&teinii, une autre petite espèce parasite des Phallusies qui, par ses dimensions et sa coloration rose légèrement blanchâtre aux deux extrémités, rappelle beaucoup la Borlasie hermaphrodite. Mais cette ressemblance extérieure est bientôt renversée par l'examen an ato- mique. La Borlasie parasite des Ascidies simples porto bien deux yeux assez volumineux en avant de la tête, mais la forme du stylet, ses dimensions et surtout le contour du socle diffèrent totalemenl dans les deux espèces. ggg L. JOUBIN. Chez la Borlasia hermaphrodttica (Kef.), il y a deux petits yeux, et elle «liffèrc beaucoup de celle de Marseille; chez la Borlasia Refera teinii, il y a quatre gros yeux. L'espèce que j'ai rencontrée a Banyuls, dans la PkaUusia mamil- lata, a donc été vue par M. Marion, et c'est pour cela que je la nomme Tetrastemma Marionis. Elle n'est pas synonyme de Tetraslemma (Bor- lasia) Kefersteinii trouvée libre par M. Marion (et par moi à Port- Vendres); ce n'est pas non plus la Borlasia hermaphroditica de Keferstein. Il reste à savoir si c'est le Tetrastemma candidum. Voici, en effet, ce que dit Grube dans son mémoire : « Die Insel Lussin, und ihre Muresfauna. » C'est à propos de la Polia quadrioculata(de Quatref.). Il décrit d'abord l'espèce : « Brevis, subteres, utrinque obtusa, haud proteiformis, alba, parte capitali haud distincta, oculis quatuor qua- dratim dispositis, proboscide stylifera, una tantum perula styligera insigni. [Val d'Arche (30 Faden) frei, Lussin piccolo in der Kiemen- hohle einer Phallusia mamillata aus 19 faden Tiefe in dem Hafen, mehrere Exemplare. » Il y aurait donc à penser que la Némerte parasite de la Phallusia mamillata serait le Tetrastemma candidum, qui lui-même est la Polia quadrioculata (de Quatref.). Je crois que cette assimilation n'est pas exacte et que le Tetras- temma Marionis doit faire une espèce distincte. Il y a d'abord une petite erreur à relever dans la description de M. Marion : il ne signale que deux yeux; il y en a toujours quatre, mais les deux postérieurs sont très petits. C'est un Tetrastemma. Comme Ta indiqué lui-même M. Marion, le stylet et le socle qui le porte sont différents dans Tetrastemma Kefersteinii ai T. Marionis. Chez ce dernier, le stylet est bien plus petit, la trompe plus longue, avec des papilles plus cylindriques et non ramifiées. La tête est pointue en avant, renflée en arrière, séparée du corps par un cou très net. Les deux yeux antérieurs sont bien plus gros que les postérieurs qui sont de simples taches pigmentaires, et n'ont point un degré d'orga- nisation élevé comme le Tetrastemma Kefersteinii. Les fossettes SUR LES TURBELLARIÉS DES COTES DE FRANCE. 583 vibratiles sont petites et'situées plus bas que chez l'espèce décrite par M. Marion. Cette Némcrtc est hermaphrodite. L'espèce découverte par M. Marion est rose, longue, au plus, de 2 centimètres et demi et se trouve non seulement dans la branchie de Phallusia mamillata, mais aussi, plus rarement il est vrai, dans Cynthia microcosmus. Je l'ai rencontrée aussi deux ou trois fois dans de grosses Molgules noires, très abondantes à Banyuls, et qui m'ont paru être Molgula impura. A Roscoff, on trouve la môme Némerte très communément dans Phallusia sànguinolenla, encompagnie A'Amphiporus vittalus. Presque toutes ces Ascidies sont pourvues de la Némerte parasite. A Banyuls, en avril et mai, on trouve dans la Phallusia mamillata les pontes delà Némerte (pi. XXXI, fig. 14). Ce sont des amas de petits œufs blancs ou légèrement roses; vers le mois de juin, on ren- contre les jeunes éclos, et ils fourmillent littéralement. Dans une seule Ascidie, j'ai compté unTetrastemma de 30 millimètres, quinze de 12 à 14 millimètres, dix de 10 millimètres, et au moins vingt tout petits, de 2 à. 3 millimètres. Les plus grands individus étaient bourrés d'œufs et de spermato- zoïdes, alternant par paquets, comme le représente M. Marion pour sa Borlasia Kefersteinii. Les muscles sont très réduits. Les fentes céphaliques s'ouvrent dans le canal spécial par un petit orifice à peine distinct, même sur les coupes; c'est un tout petit enfoncement de l'épithélium, sans différenciation des cellules, comme cela se voit chez tant d'autres Némertes. Extension géographique. — Banyuls, Roscoff, Marseille (Marion). 8. TETRASTEMMA RUSTICA (tt. .S/9.). Ce Tetrastemma présente une tète à peine plus large que le reste du corps, qui est rouge-vermillon, avec de grosses taches rondes blanches, dues aux œufs chez les adultes. La partie antérieure du corps est jaune et la pointe de la tète un peu blanche. Les deux yeux antérieurs sortt plus rapprochés que les deux postérieurs. K84 L. JOUBIN. I„i bouche, petite, est placée en arrière du point de rencontre des sillons céphaliques sur la face ventrale. Assez loin derrière la bouche, des deux côtés du corps, on trouve une fossette ciliée qui esl assez profonde chez certains individus, mais qui souvent est très diriicile à voir. Les sexes sont séparés. On trouve celte Némerte en grande abondance, à Roscoff, parmi les Cynthia rustica. Cette Ascidie esl d'un beau rouge vermillon, et celle Némerte prend exactement la même teinte rouge. Dans le jeune âge, elle est jaune clair, puis, plus tard, jaune foncé, avec quelques grains de pigment rouge vers le tiers antérieur du corps ; ce pigment augmente peu à peu et finit par envahir tout le corps, sauf la tête. Au moment de la reproduction, les œufs, gros et blancs, arrivent à la surface de la peau et le pigment rouge disparaît au-dessus d'eux. On voit alors l'animal marbré, comme le représentent les figures 11 et 12 de la planche XXV. J'ai hésité longtemps à faire de cette Némerte une espèce nou- velle, me demandant si je n'étais pas en présence d'une variété de Tetrastemma candida modifiée, dans sa couleur et aussi dans quel- ques-uns de ses caractères anatomiques, par le parasitisme sur les Ascidies rouges. J"ai fini, cependant, par me convaincre de la réalité de l'espèce, en comparant des échantillons ordinaires du Tetrastemma candida avec ces Némertes rouges. M. Chapuis, dans les fiches de la collection du laboratoire de Roscoff, inscrit au Tetrastemma dorsalis la note suivante : «Couleur variable ; abondant dans les Cynthia ; dans ce cas, rouge carmin ; au large, fauve ». Il me semble qu'il y a là une erreur. Cette Némerte, surtout lorsqu'elle ne présente pas la marbrure des œufs, ne ressemble en aucune façon au Tetrastemma dorsalis, qui est bien plus rond, beaucoup moins agile dans ses mouvements, dont la tête est encore plus indittincle du corps que dans mon espèce. J'ai retrouvé cette espèce àSaint-Malo, parmi les mêmes Cynthia, SUR LES TURBELLARIES DES COTES DE FRANCE. SS3 mais beaucoup plus brune ; les Ascidies étaient, d'ailleurs, elles aussi, d'un rouge moins vif qu'à Roscoff. Extension géographique. — Roscoll", Saint-Malo. 9. TETRASTEMMA KEFERSTEINII (MARION, IIUBRECHT). Borlasia Kefersteinii (Marion, 1877). Tetrastemma Kefersteinii (Hubrecht, 1880). (??) Borlasia hermaphroditica (Keferstein), J'ai rencontre cette espèce dans les mêmes conditions que M. Ma- rion, à Marseille ; elle habite parmi les souches de zostères, à l'entrée de Port-Vendres et dans l'anse des Elmes, près de Ranyuls. Je n'ai pu me procurer qu'un seul exemplaire dans chacune de ces localités. Je n'ai rien à ajouter aux caractères énumérés par M. Marion. Je n'ai pas trouvé dans la Méditerranée ni dans l'Océan la Borlasia her- maphroditica de Keferstein; il eût été intéressant de constater par quels points elle diffère de la Borlasia Kefersteinii de M. Marion. Extension géographique. — Ranyuls, Port-Vendres, Marseille. GENUS IV. — NEMERTES (GUVIER). Le corps est presque toujours très long, tandis que la trompe est relativement petite, surtout la première partie, de sorte que le stylet est voisin des ganglions (Mac-Intosh). Les yeux sont presque tou- jours nombreux, et la tète, plus large que le corps, est spatulée; le corps est plat. Fentes céphaliques développées. I. NEMERTES GRACILIS (jOQNSTON). Nemertes balmea (de Quatrefages, 1846). Polystemma gracile (OErsted, 1844). Cette Némertc est commune àBanyuls et à lîoscoff. On la trouve, sous les pierres, parmi les algues vertes, parmi les plaques de Cynthia ruslica. On la prend aussi à la drague par 30 à 40 mètres de fond. A Ranyuls, on la trouve dans les trottoirs d'algues calcaires, nsf, L. .fOUBIN. dans les lithophyllum. La couleur la plus commune est le vert clair bleuté. La partie antérieure du corps est d'un vert jaunâtre. La tête est plus large que ne le figurent de Quatrefages et Mac-Intosh. Les fentes céphaliques sont difficiles à voir ; cependant elles exis- tent. Mac-Intosh dit qu'il n'y en a pas d'évidentes, et qu'inférieure- ment il n'y a que la fente buccale. Il y a cependant deux sillons de chaque côté de la tête, obliques de bas en haut et de dehors en dedans. Ils occupent la même position sur la face dorsale (pi. XXXI, fig. 21) et sur la face ventrale de la tête où ils viennent rejoindre le haut de la bouche. Ils coupent en deux groupes la masse des yeux. Ceux-ci sont très nombreux, disposés en for à cheval à convexité antérieure. Ils sont inégaux et peu développés. La face inférieure de la tête est creusée en cuiller, un très petit sillon transversal limite en arrière la région des yeux. Le corps est très long, coupé de très petits plis longitudinaux et transversaux, avec de très nombreux granules de pigment brun; l'intestin se voit par transparence sous forme de taches brunes en plaques. Les coupes, pratiquées dans la région de l'ouverture du canal de la sensibilité spéciale, donnent l'aspect de la figure 15, planche XXXI. Le canal est perpendiculaire à la peau, et vient s'enfouir dans l'épithélium cutané. Celui-ci forme une sorte de petite fossette sphérique, ouverte par un petit orifice arrondi (pî. XXXI, fig. 15, a). Dans la région céphalique , l'intestin s'ouvre dans la partie moyenne du rhynchodœum, très près du niveau des ganglions. Il est d'abord excessivement petit ; un peu après le cerveau, il s'élargit, et un épithélium se développe d'abord sur la face dorsale (fig. 46). Dans toute la longueur de l'animal, la couche de fibres circulaires se colore d'une façon intense par l'hématoxyline (pi. XXXI, fig. 10, b). Extension géographique. — Banyuls, Iloscoff, Naples (Hubrccht), Arcachon, Saint-Malo (embouchure de la Rance), Bréhat (de Quatre- fages), côtes d'Angleterre, mais non dans la Manche (Mac-Intosh), Trieste (Dewolctzky), Madère (Langerhans). SUR LES TURBELLARIÉS DES COTES DE FRANCE. 587 2. NEMERTES DUONI (ïl. sp.). Planche XXV, figure 10. J'ai rencontré cette espèce à l'île Duon, près de lloscoff, à 3 kilo- mètres au large, sous une pierre, par une marée de zéro, c'est- à-dire tout à fait à la partie inférieure de la zone des laminaires qui peut découvrir. Je n'ai eu que deux échantillons : l'un do 50 centi- mètres, l'autre de 40. Le corps est très plat; la tête, de la même lar- geur que le reste du corps ; elle est de couleur jaune clair ; tout le corps est uniformément brun, avec la partie médiane du dos plus foncée ; le centre de cette région dorsale est occupé par une ligne d'un beau jaune d'or qui s'étend sur toute la longueur du corps et jusqu'à la pointe de la tête. La partie claire est limitée postérieurement, sur la face dorsale, par un sillon circulaire qui, arrivé sur le bord du corps, s'infléchit brusquement en avant, de sorte que les deux pointes viennent se ter- miner sur la face ventrale, près de l'extrémité de la tête, assez loin au-dessus de la bouche ; ces deux extrémités des sillons ne se ren- contrent pas. Tout le corps est pourvu de petites rides transversales ; lorsque l'animal est plongé dans l'alcool, le corps devient ovale en section, et ses plis s'accentuent de façon à simuler toutà fait quelque chose d'analogue aux petits anneaux d'une sangsue. Il n'y a pas d'yeux, même dans la peau; la trompe est pourvue d'un stylet court, à manche renflé à la base. Je n'ai pas vu de vésicules stylifères acces- soires. La trompe est courte. J'ai trouvé cette espèce en compagnie de Nemertes Neesi, avec laquelle j'ai cherché à voir s'il n'y aurait pas de parenté, pensant que peut-être ce n'en serait qu'une variété. Mais le stylet, la colo- ration, la forme du corps, de la tête, l'absence des yeux si nombreux chez la Nemertes Neesi, m'ont fait abandonner cette opinion. Dans cette Némerte, les couches musculaire, circulaire et longi- :;88 L. JOUBIN. tudinalc, sont très développées, et cette dernière disposée en fais- ceaux rayonnants très nets. Des deux côtés du corps, contre le nerf latéral, on trouve un amas de grosses glandes, probablement uni- cellulaires ; elles ont chacune un canal excréteur qui se dirige vers la périphérie, séparant deux rayons musculaires; il traverse, en devenant onduleux, la couche de muscles circulaires, et vient se jeter entre les cellules épithéliales. Cette disposition se trouve dans toute la région œsophagienne de l'animal, et se continue probable- ment jusque sur le milieu du corps. Les glandes se colorent très vivement par l'hématoxylinc (pi. XXXI, fig. 18). Extension géographique. — Roscoff (Duon). Borlasia echinoderma (Marion, 1877). Nemcrtes echinoderma (Hubrecht, 1880). Hubrecht signale à Naples des individus de coloration intense, vert-olive, rouge ou orange. Je n'ai trouvé à Banyuls'que deux indi- vidus, tous deux de coloration pâle, blanchâtre, avec une légère teinte verdâtre qui les faisait tout d'abord ressembler à Nemertes gracilis. Mais la présence des corpuscules en forme de C (pi. XXXI, fig. 17) qui se trouvent dans la peau, m'a fait immédiatement changer d'inter- prétation. D'ailleurs, M. Marion, dans sa description, parle de la coloration vert jaunâtre brillant qu'il a FlNemwtcsechie- observée, ce qui se rapproche davantage de ce que j'ai noderma. vu moi-même. Le fait intéressant constaté par M. Ma- rion, c'est que les yeux reçoivent leur nerf en partie des troncs latéraux; les onze premières paires en partent et vont une branche à l'œil, une branche à la peau voisine. La tête est spatulée,et ses deux bords se continuent en arrière sur la face dorsale limitant deux sillons. Un petit pli circulaire limite la tète en arrière, comme dans les deux espèces précédentes. Les yeux sont disposés sur deux arcs de cercles imbriqués de chaque côté ; SUR LES TURBELLAR1ÉS DES COTES DE FRANCE. S89 ceux qui sont en avant sont plus gros que les plus en arrière, il y en a une douzaine environ tic chaque côté. J'ai trouvé cette espèce à Banyuls, autour de l'île Grosse, parmi les ulves et les corallines, à 1 mètre de profondeur. Extension géographique. — Banyuls, Marseille (Marion), Naples (Hubrecht), Trieste (DewoleUky). 4. NEMERTES NEESI ((ERSTED, MAC-INTOSH). Planaria flaccida (Johnston, 1828). Amphiporus JSeesi (OErsted, 1844). Borlasia Camillea (de Quatrefages, 1840). Gordius fuscus (Dalyell, 1853). Nemertes Neesi (Mac-Intosh, 1873; Hubrecht, 1880). Cette espèce est assez commune à Roscoff, à l'îlot Roléa-de-Saint- Pol ; elle habite entre les feuillets des schistes, parmi le sable vaseux où elle se creuse des galeries ; on rencontre avec elle, en abondance, la Marphise sanguine. Elle est de couleur brun grisâtre; la coloration est formée d'un fond jaunâtre clair, sur lequel sont semés une foule de petits points pigmentaires en forme de virgule. La figure de cette espèce, donnée par Mac-Intosh, représente une variété plus foncée que celle de Roscoff; celle de Dalyell est aussi très bonne et repré- sente bien la grandeur réelle et la couleur de l'animal, qui atteint jusqu'à 50 et 60 centimètres. La tête est spatulée, plus large que le reste du corps, à bords lé- gèrement blancs. Sur la face dorsale, deux petits sillons latéraux perpendiculaires au bord du corps. Des yeux nombreux, bien mar- qués. Sur la ligne médiane de la tête, on voit souvent une traînée de pigment qui commence à l'ouverture de la trompe et se termine à peu près au niveau des fentes céphaliques. Cette petite ligne est à peu près indiquée sur le dessin de Mac-Intosh (pi. III, fig. 6). Sur la face inférieure de la tète, qui est blanc grisâtre, les fentes céphaliques sont en forme de deux croissants se regardant par leur concavité, avec chacun une proéminence au milieu. Leurs pointes L. JOUBIN. viennent se rejoindre à l'angle supérieur de la bouche, qui se con- tinue en avant par un sillon jusqu'à l'ouverture de la trompe. Mac-Intosh donne (pi. VII, fig. 6) une figure plus détaillée de la tête de cette Némerte , il me paraît probable, étant donné ce des- sin, qui est d'ailleurs bien rudi- mentaire, qu'il a eu affaire soit à une Nemertes Antomna, soit à une variété rouge de Nemertes gracilis. J'ai reçu de M. le professeur Hal- lez plusieurs individus de grande taille provenant du Portel (Somme). C'est une variété jaune, avec des marbrures brunes ; elle diffère un peu par la disposition des yeux, par une ligne blanche sur le milieu de la tête et par la forme des fentes céphaliques ; les inférieures et les supérieures se rejoi- gnent plus nettement, sur la ligne latérale, et leur forme n'est pas tout à fait la même ; elles ressemblent un peu à la lettre S. Extension géographique. — Roscoff, le Portel, Saint-Waast (de Qua- trefages), Sark, Shetland, côtes d'Ecosse (Mac-Intosh), Berwikbay (Johnston), Greenland (Mac-Intosh), Naples (Hubrecht). Fig. 6. — I, face ventrale; II, face dorsale de la Nemertes Neesi de Roseoll'; III, Ne- mertes Neesi du Portel. 5. NEMERTES ANT0NINA (DE QUATREFAGEs). Nemertes antonina (de Quatrefages, 1849). Espèce très grêle, de couleur rouge vermillon, se trouve à Ba- nyuls, le long de la jetée du laboratoire, dans le sable grossier, avec Lineus lacteus ; elle est d'ailleurs assez rare. Je n'ai eu qu'un seul exemplaire de cette jolie espèce ; il était long de 15 centimètres, large tout au plus de 2 millimètres, avec une trompe filiforme. Hu- brecht note que le stylet de la trompe peut manquer ; il était présent dans mon échantillon. Deux séries de quinze yeux. On trouve un fait intéressant chez cette Némerte : c'est la com- SUR LES TURBELLARIÉS DES COTES DE ERANCE. 591 munication du vaisseau de droite avec la gaine de la trompe au ni- veau de la partie postérieure du cerveau (pi. XXXI, flg. 19). Les deux grands vaisseaux parallèles proviennent de la partie antérieure de la tête ; ils passent entre les deux lobes du cerveau, puis, quand le ré- trécissement est franchi, l'un d'eux envoie une branche qui se dirige vers la ligne médiane et s'ouvre sur le milieu de la paroi ventrale de la trompe. Je ne sais si l'autre vaisseau présente un fait semblable. Les cellules de l'œsophage sont caliciformes et contiennent de fines granulations avec grande quantité de protoplasma (fig. 20). Extension géographique. — Banyuls, Naples (Hubrecht), côtes de Sicile (de Quatrefages). 6. NEMERTES CARCINOPUILA (K0LL1KER). Polia carcinophila (Barrois, 1877). — invalida (Van Benedeu, 1860). Nemcr tes carcinophila (Diesing, 1802; Kolliker, 1845). J'ai trouvé, en septembre, cette espèce à Roscoff, parmi les œufs d'une femelle de Crabe, Carcinus msenas. Au mois de juin 1889, j'en ai reçu de Roscoff plusieurs bien vi- vantes dans leurs tubes parcheminés, où elles sont pliées trois ou quatre fois sur elles-mêmes. Elles étaient en pleine reproduction. J'ai toujours trouvé le mâle avec la femelle dans le même tube ; le mâle est plus petit. Lorsque les œufs sont très gros, ils refoulent le pigment qui forme alors des lignes brisées assez régulières sur le dos de l'animal. Deux yeux extrêmement petits ; pas de fentes céphaliques dis- tinctes. Longueur : 4 à 5 centimètres pour les femelles, 3 centi- mètres pour les mâles. Extension géographique. — Roscoff, côtes de Belgique (Van Bene- den), pas de Calais (Barrois), Messine (Kolliker). GENUS V. PROSOROGHMUS. Quatre yeux non disposés en rectangle (?). lobe céphaliquc anté- rieur. Ovovivipare (Mac-lntosh). Très peu distinct des Telrastemma. 592 L. .I0UB1N. PROSOROCHMUS CLAPAREDII (KBFERSTEIN). Prosorochmus Claparedii (Kefersteiu, '1802). .' Polia fumosa (de Quatrefages, 1846). Mac-Intosh ;t trouvé cette Némcrle très fréquemment; je ne l'ai rencontrée qu'une seule fois à Uoscoff parmi les laminaires; M. Cha- puis l'a observée une autre fois, provenant d'un dragage au nord de Tisaoson. L'espèce indiquée par M. de Quatrefages (pi. XIV, iig. 9, A et B) ne ressemble pas du tout au Prosorochmus que j'ai observé, qui était de couleur jaune clair. Seule, la forme des ganglions et la forme aplatie du corps pourront faire penser à cette assimilation indiquée par Mac-lntosh. Les deux yeux antérieurs sont moins nets que les deux postérieurs, contrairement au dessin de Mac-Intosh (pi. II, fig. 4) ; la fente mé- diane de la tête est aussi très accentuée. Glandes génitales actives en août (Ghapuis). Extension géographique. — Roscoff, côtes sud d'Angleterre et Manche (Mac-lntosh), Saint-Waast, Bréhat (de Quatrefages), Saint- Waast (Keferstein), Trieste (Dcwoletzky). GENUS VI. — MALACOBDELLA. MALACOBDELLA GROSSA. Cette curieuse Némerte est extrêmement rare sur nos côtes. A Roscoff, elle n'a jamais été rencontrée, bien que les Mya arenaria, dans la branchie desquelles elles vivent de préférence, soient extrê- mement communes. Je n'en ai eu qu'un seul exemplaire provenant de la rade de Brest, où il avait été recueilli dans la branchie du Cardium aculeatum. Cette Némerte, capturée en juillet, était en pleine reproduction. Extension géographique. — Brest, mer Adriatique. SUR LES TURBELLARIÉS DES COTES DE FRANCE. 593 EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE XXV. Fig. L. Carinella Banyulensis . Grossie 10 fois environ. 2. Carinella Aragoi. Tète, face dorsale, grossie 40 fois environ. 3. Polyopsis Lacazei. Grandeur naturelle. 4. Polyopsis Lacazei. Tête, face dorsale, grossie 5 fois environ. 5. Cerebratulus genicutatus . Tête, face dorsale, grossie 6 fois environ. G. Amphiporus murmoralus. Grandeur naturelle. 7. amphiporus marmoratus. Tête, face dorsale, grossie 12 fois environ. 8. Amphiporus marmoratus. Détail de la région moyenne de la tête, grossie 22 fois environ. 9. Drepanophorus rubrostriatus. Tête, face dorsale, grossie 5 fois environ. 10. Nemertes Duoni. Tête, face dorsale, grossie 8 fois environ. 1 1 . Tetrastemma rustica. Tête, face ventrale, grossie 25 fois environ. 12. Tetrastemma rustica. Face dorsale, grossie 8 fois environ. 13. Tetrastemma dorsalis. Face dorsale, grossie 10 fois environ. PLANCHE XXVI. VALENCINIA LONGIROSTRIS. Fig. 1. Coupe dans la région tout à fait antérieure de la tête pour montrer la dis- position de la grande lacune et des fibres circulaires et rayonnantes. Gross., 50;p. environ. a, tégument ; b, grande lacune ; c, fibres circulaires et rayonnantes. 2. Coupe un peu au-dessous de la précédente. La lacune est divisée en deux; la couche fibreuse commence à plonger vers le centre. Gross., 50 d. a, tégument ; bb', lacune divisée en deux ; c, fibres circulaires et rayon- nantes. 3. Coupe un peu au-dessous de la précédente. La lacune est triple de chaque côté, et il y a un vaisseau médian ventral. a couche circulaire; bb', lacune; c, fibres circulaires et rayonnantes; d, vaisseau impair ventral. 4. Coupe un peu au-dessous de la précédente, immédiatement au-dessus de l'orifice de la trompe. Mêmes lettres que dans la figure 3. 5. Coupe au niveau où la trompe s'ouvre a l'extérieur. Mêmes lettres que dans la figure 3. g, gaiue de la trompe. 6. Coupe après la pénétration «le la gaine de la trompe dans la gaine ven- trale. Mêmes lettres que dans les figures 3 et 5. n, nerfs de la tête. 7. Coupe de la région centrale de la tête, passant par le milieu du cerveau, a, couche circulaire; b, lacunes latérales; c, couche fibreuse rayonnante; ARCU. bE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 2» SÉRIE. — T. VIII. 1890. 38 59i L. JOUBIN. d, vaisseau inférieur et médian ; g, gaine de la trompe au point où la trompe va s'individualiser ; n, nerf de la trompe se détachant du renfle- ment spécial du cerveau; o, masse moyenne du cerveau; r, commissure cérébrale ; s, nerfs latéraux de la tête. FiG. 8. Coupe immédiatement, au-dessous de la région cérébrale. a et b, les deux vaisseaux nés de l'anneau médian céphalique ; c et d, deux petits vaisseaux parallèles en communication probable avec les deux précédents ; g, cavité de la gaine de la trompe ; h, trompe ; //, les deux lacunes latérales; wj, vaisseau de l'intérieur de la gaine de la trompe ; n, fibres rayonnantes et circulaires. 9. Coupe passant par la bouche. Mêmes lettres que dans la figure précédente. r, la bouche ; s, nerf latéral. 10. Coupe dans l'œsophage à 1 centimètre environ au-dessous de la bouche. Mêmes lettres que dans les figures 8 et 9. œ, œsophage ; p} brides maintenant l'œsophage. 11. Coupe des téguments dans la région céphalique. Gross., 500 d. a, épithélium avec cellules muqueuses ; b, couche hyaline ; c, fibres mus- culaires longitudinales ; d, cellules en un seul rang, striées transversa- lement; g, fibres radiales et circulaires ; h, cellules glandulaires entou- rant les lacunes; m, épithélium tapissant les lacunes; n, cavité des lacunes ; o, fibrille nerveuse traversant la couche hyaline. 12. Coupe dans la région moyenne du corps. Gross., 50 d. a, couche de fibres circulaires et rayonnantes ; b, vaisseaux longitudinaux ; c, vaisseaux longitudinaux inférieurs; l, cavité périintestinale; m, m', coupe des brides transversales limitant des renflemenls latéraux de Tin- testin ; n, intestin, partie centrale ; o, o', intestin, parties en culs-de-sac latéraux; s, nerf latéral ; t, glandes génitales (ovules). 13. Coupe dans la région anale. Gross., 50 d. a, épithélium cutané ; 6, couche amorphe; c, grande commissure des nerfs latéraux s'anastomosant en arrière près de l'anus ; d, lacunes formées par les nombreux vaisseaux anastomosés ; i, intestin; m. couche muscu- laire interne mélangée à du tissu spongieux. 14. Coupe à travers la trompe montrant la disposition des éléments. Gross., 500 d. a, épithélium limitant la cavité de la gaine ; 6, couche amorphe; c, fibres musculaires longitudinales; d, fibres musculaires circulaires; e, fibres musculaires longitudinales non colorables ; f, fibres musculaires longi- tudinales colorées et enveloppées par paquets dans une gaine conjonctive mince ; g, gaine conjonctive ; ht cellules de la cavité de la trompe ; (', couche amorphe. 16. Coupe, dans la région anale, de la partie entourant un vaisseau. a, faisceaux de fibres musculaires longitudinales; b, lacunes conjonctives; c, cellules libres; d, épithélium interne du vaisseau; e, couche de fibres circulaires. 16. Coupe du canal de la sensibilité spéciale montrant la gouttière cellu- laire. SUR LES TUKBELLAR1ÉS DES COTES DE FRANCE. 593 a, a', coupe des lèvres de la gouttière ; 6, petites cellules à fibres se con- tinuant dans les lèvres; c, cavité du conduit. Fig. 17. Coupe par le lobe postérieur du cerveau. Gross., 500 d. a, entrée du conduit a l'extérieur; b, canal large ; c, sillon qui se termine a l'orifice 0 ; d, zone où sont les cellules nerveuses ; f, coupe du petit conduit dans l'intérieur du ganglion; g, continuité des fibres du cerveau et du ganglion ; m, cellules glandulaires. 18. Schéma montrant la disposition du canal dans le ganglion spécial. Gross., 500 d. Mêmes lettres que dans la figure 17. 19. Cellules de la région anale du tube digestif. Gross., 1 100 d. 20. Cellules de la région œsophagienne. Gross., 1000 d. CEPHALOTHRIX LINEARIS. Fig. 21. Coupe de la peau dans le côté du corps. a, cellules glandulaires; 6, cellules à granulations; c, couche amorphe ; d, couche musculaire. 22. Coupe du corps dans la région œsophagienne pour montrer la disposition des couches musculaires. a, couche mince circulaire; 6, couche externe longitudinale ; c, couche interne longitudinale; d, croissant de fibres longitudinales autour du nerf; g, glande génitale; n, nerf latéral; œ, œsophage; v, renflement ventral de la couche longitudinale musculaire. 23. Coupe de la région du nerf latéral montrant la disposition des fibres lon- gitudinales en arceau autour de ce nerf. a, couche musculaire en arceau ; b, feuillet musculaire externe ; c, feuillet musculaire interne. 24. Coupe de la région céphalique où s'ouvre le conduit céphalique. a, entrée du canal. 25. Le nerf latéral dans la région où les glandes génitales sont très déve- loppées. a, région des cellules ; 6, région des fibrilles. 26. Schéma de la direction du canal dans le cerveau. PLANCHE XXVII. VALENCINIA LONGIROSTRIS. Fig. 1. Coupe de la région inférieure de la gaine de la trompe. Gross., 640 d. a, cellules en paquets réunis à la voûte du canal ; b, cellules parenchyma- teuses formant le fond mal délimité du canal ; c, paquets de cellules externes ; d, lacunes parenchymateuses en continuité avec la cavité du canal ; f, bouquets de cellules à long pédicule ; g, cellule en train de se détacher; m, cellules amiboïdes agglutinées; o, épithélium de la gaine de la trompe. 596 L. J0UI31N. CARINELLA BANYULENSIS. Fig. 2. Coupe transversale dans la région moyenne du corps. Gross., 80 d. a, surface ciliée de l'épithélium ; b, couche des cellules muqueuses; c, cel- lules de soutien ; d, couche transparente avec les faisceaux de fibrilles nerveuses; m, gaine de la trompe; n, épilhélium digestif ; o, vaisseau longitunal et excréteur. 3. Coupe de la peau dans la région céphalique. Gross., 530 d. a, cellules sensitives avec noyau et granulations; b, cellules muqueuses avec noyau inférieur; c, cellules de soutien allongées en fuseau ; d, cel- lules de soutien arrondies ; f, couche amorphe traversée par les fibrilles nerveuses; g, grains de pigment vert; n, fibrilles nerveuses en fais- ceaux. 4. Coupe dans la région antérieure de la gaine de la trompe (rhynchodœum). Gross., 300. d. a, cellules ciliées limitant l'orifice; b, cellules muqueuses. 5. Coupe dans la région des muscles longitudinaux. Gross., 560 d. a, paquets musculaires séparés par une lamelle amorphe où se trouve une fibrille nerveuse l'encadrant ; n, couche nerveuse circulaire ; o} réunion en un étroit lacet des fibrilles nerveuses. 6. Préparation montrant la disposition des fibrilles nerveuses dans le tégu- ment de la région ganglionnaire. a, cellules nerveuses du ganglion cérébroïde ; b, couche amorphe ; c, pa- quet de fibrilles provenant de la profondeur ; d, noyau des cellules péri phériques de la peau. 7. Nerf latéral dans la région œsophagienne. Gross., 400 d. a, masse cellulaire supérieure ; b, masse cellulaire inférieure ; c, lacune médiane ; d, cordon nerveux latéral ; h, cordon nerveux supplémentaire; m, fibrilles nerveuses cutanées. 8. Schéma de la disposition des lacunes vasculaires dans la région céphalique reconstitué d'après des séries de coupes. a, lacune à la pointe de la tête; 6, les deux troncs principaux : c, réunion au niveau du collier nerveux ; d, origine des deux grands troncs laté- raux ; f, anastomose dorsale; g, anastomose ventrale; h, vaisseau mé- dian ; m, cul-de-sac latéral ; n, cul-de-sac communiquant aux deux extré- mités avec le tronc principal ; o, culs-de-sac susœsophagiens. CARINELLA ARAGOl. Fig. 9. Coupe de la région céphalique au niveau de la commissure nerveuse infé- rieure. Gross., 80 d. a, sillon céphalique dorsal; b, sillon céphalique latéro-ventral ; c, sillon médian dorsal pigmenté; d, fibres musculaires longitudinales sous la commissure ventrale ; f, faisceaux allant de la gaine de la trompe à la périphérie; g, premières fibres longitudinales de la trompe; fi, lacunes vasculaires droites ; i, lacunes vasculaires gauches ; m, couche amorphe SUR LES TUKBELLARIÉS DES COTES DE FRANCE. S97 séparée de la couche circulaire; n, nerf du sillon dorsal; o, cellules ner- veuses ganglionnaires; p, commissure ventrale; r, tracé du couduit latéral dans l'épaisseur de l'épithélium. FiG. 10. Coupe au niveau de la naissance de la bouche. Gross., 80 d. a, fibres circulaires ; c, sillon médian dorsal ; h, muscles circulaires de la gaine de la trompe traversée par les fibres rayonnantes; l, naissance des nerfs labiaux ; m, couche amorphe ; n, nerf du sillon dorsal; o, lacune principale ; p, lacune entourant le nerf labial; s, lobes inférieurs, origine des nerfs latéraux; r, épithélium buccal; /, nerf du lobe moyen de la lèvre. 11. Coupe passant par le milieu de la bouche. Gross., 80 d. a, a', lacunes longitudinales ; l, nerf labiaux ; m, couche amorphe ; n, nerf dorsal médian ; o, fibres musculaires longitudinales de la trompe ; r, épi- thélium buccal; s, commencement des nerfs latéraux. 12. Coupe dans la région œsophagienne. Gross., 80 d. c, sillon dorsal pigmenté ; d, sillon latéral et son pigment profond ; f, fibres circulaires de la gaine de la trompe ; g, fibres longitudinales intestinales ; m, couche amorphe; n, fibres circulaires sous-cutanées; o, fibres lon- gitudinales de la trompe ; p, la lacune latérale s'étendant autour de l'in- testin ; r, cavité de la gaine de la trompe; s, épithélium de la trompe ; t, glandes épithéliales de l'intestin. 13. Epithélium œsophagien. Gross., 320 d. 14. Epithélium de la région antérieure de la trompe. Gross., 280. PLANCHE XXVIII. POLIA CURTA (FIG. 1 A 12). Fig. 1. Coupe de toute l'épaisseur du tégument dans la région moyenne du tube digestif. Gross., 240 d. a, cellules à mucus ; b, filaments ; c, couche à noyaux; d, couche amor- phe ; e, pigment ; f, couche de fibres longitudinales; g, noyau des cel- lules musculaires; », couche nerveuse périphérique; k, deuxième couche de fibres musculaires circulaires; l, deuxième couche de fibres muscu- laires longitudinales ; m, m', cellules nerveuses étoilées ; n, cellule ner- veuse bipolaire ; o, cellule nerveuse tripolaire ; p, cellule digestive à noyau coloré; q, cellule digestive à nucléoles; r, vaisseau ; s, cordon de mucosité sortant d'un canal glandulaire. 2. Coupe d'une glande cutanée dans la région postérieure du corps. Gross., 250 d. 6, enveloppe conjonctive; d, couche amorphe; c, canalicule d'une cellule sécrétrice. 3. Coupe d'une glande cutanée dans la région moyenne du corps. Gross., 250 d. o, cellule nerveuse ; b, enveloppe conjonctive ; c, canalicule d'une cellule sécrétrice. 4. Un des faisceaux de tubes excréteurs de cellules glandulaires à son pas- sage dans les couches de fibres musculaires circulaires. Gross., 510 d. 398 L. JOUBIN. Fig. 5. Cils vibratiles raides à l'entrée du canal céphalique. Gross., 1020 d. a, un cil double; b, deux cils simples. 6. Une cellule glandulaire à granulations en forme de goulot de l'épithélium cutané. Gross., 270 d. 7. Coupe de la couche musculaire longitudinale interne dans la région œso- phagienne. Gross., 500 d. a, fibres musculaires ; b, cavité de l'alvéole ; c, noyau du tube conjonctif amorphe. 8. Coupe dans la région inférieure de la gaine de la trompe pour montrer la disposition du vaisseau longitudinal. Gross.. 400 d. a, épithélium de la gaine de la trompe; b, loges des fibres obliques ; c, cellules digestives ; d, alvéoles des fibres obliques dilatées et pleines de grosses cellules ; f, lacunes dans la couche circulaire ; g, cavité du vaisseau; h, éléments libres dans le vaisseau. 9. Coupe longitudinale du cerveau (demi-schématique). Gross., 100 d. o, amas glandulaire supérieur; b, amas glandulaire inférieur; c, canal de la glande inférieure; d, cul-de-sac supérieur; d', cul-de-sac inférieur; f, partie fibrillaire centrale du cerveau; g, partie cellulaire externe. 10. Origine réelle d'un nerf dans le cerveau. Gross., 230 d. 11. Cellules nerveuses isolées dans le cerveau. Gross., 760 d. 12. OEil de Polia curta (coupe demi-schématique). Gross., 550 d. a, petit cul-de-sac inférieur de la capsule optique ; b, nerf optique ; c, cel- lules de la cornée ; d, cellules tapissant l'hémisphère inférieur ; f, petites cellules inférieures; g, grandes cellules centrales à noyaux allongés; h, fragment du pigment perforé ; l, cavité supérieure. LINEUS LACTEUS. Fig. 13. Coupe passant par l'orifice externe du canal latéral. Gross.,* 400 d. o, orifice du canal; b, cellules ganglionnaires sur trois points principaux; c, fibrilles nerveuses allant aux cellules épithéliales. GEREBRATULUS BILINEATUS. ig. 14. Coupe de la région des muscles longitudinaux. Gross., 380 d. a, orifice externe d'une glande ; b, glande; c, réseau nerveux anastomosé; (/, cellule nerveuse ; e, plaque nerveuse à la base des glandes ; /, filament nerveux interne; g, fibre musculaire longitudinale externe ; h, couche musculaire circulaire ; k, couche des fibres musculaires longitudinales internes. 15. Coupe de la région où vient s'ouvrir à l'extérieur le canal excréteur. Gross., 230 d. a, orifice externe; b, canal; c, couche amorphe tapissant le canal ; d, am- poule ; e, canal latéral commun ; f, muscles circulaires ; g, muscles lon- gitudinaux externes; h, muscles longitudinaux internes; k, gaine de la trompe ; i, épithélium de la gaine de la trompe; l, épithélium delà cavité générale; m, nerf latéral; n, couche nerveuse; o, glandes; p, nerfs superficiels. SUR LES TURBELLAKIÉS DES COTES DE FRANCE. 599 PLANCHE XXIX. POLIOPSTS LACAZEI. Fia. 1. Aspect extérieur du système nerveux vu par transparence au compresseur. Gross., 40 d. a, lobe inférieur d'où part le nerf latéral ; b, lobe moyen d'où partent les nerfs optiques ; c, lobe supérieur où est accolé le ganglion sensitif ; d, commissure supérieure ; e, commissure inférieure; g, canal de l'or- gane sensitif; h, tour de spire du canal; o, point brillant terminant le canal. 2. Coupe dans la région moyenne du cerveau. Gross., 200 d. a, cellules nerveuses disposées en traînées rayonnantes; b, partie cen- trale dépourvue de cellules ; c, canal sensitif au point où il vient s'accoler au ganglion; d, lacune sanguine; g, cellules glandulaires; t, trompe. 3. Coupe transversale du lobe postérieur du ganglion cérébroïde contenant l'organe de sensibilité spéciale. Gross., 500 d. a, point où les cellules nerveuses se continuent avec celles du ganglion; b, cellules nerveuses entourant la terminaison du canal; d, section pas- sant par l'entrée du canal ; e, cellules glandulaires externes; i, cellules glandulaires internes; h, coupe du canal au niveau du renflement ter- minal ; l, couche conjonctive séparant le ganglion cérébral du ganglion de la sensibilité. 4. Coupe du canal de la sensibilité spéciale peu après son orifice externe. Gross., 400 d. a, épithélium externe à cellules basses ; b, cellules nerveuses ganglion- naires ; c, épithélium élevé disposé en ondulations. 5. Coupe du canal de la sensibilité spéciale au point où il a quitté la peau. Gross., 500 d. o, épithélium plat; b, épithélium élevé surmontant les cellules nerveuses; c, cellules tapissant la lacune sanguine. 6. Cellules sécrétantes de l'organe spécial de la sensibilité. Gross., 1100 d. a, noyau; b, corps de la cellule granuleux et jaunâtre; c, canal excréteur. 7. Coupe longitudinale demi-schématique de l'œil. Gross., 1000 d. environ. a, cellules périphériques ;6, nerf central; c, couche cellulaire moyenne. 8. Coupe oblique du même œil. Mêmes lettres que dans la figure précédente. 9. flaques pigmentaires séparées par compression et montrant les espaces jaunes séparant les polygones. Gross., 1550 d. 10. Cellules de la couche externe de l'œil, situées contre les plaques pigmen- tées. Gross., 1500 d. 11. Coupe dans l'ovaire passant par l'orifice par lequel s'effectuera la sortie des œufs. Gross., 150 d. environ. a, canal en voie de formation; b, membrane de l'œuf; c, paroi de la poche ovarienne; d, tractus fin provenant probablement de la rétraction de 600 L. JOUBIN. la masse gélatineuse ovarienne; f, lamelle isolée de cette substance gé- latineuse ; mlt ms, wî8, couches musculaires externe, moyenne et interne; o, épithélium du tube digestif; p, couche conjonctive; r, nerf latéral. Fig. 12. Coupe de la peau dans la région moyenne du corps. Gross., 5S0 d. a, couche amorphe très épaisse; b, couche de cellules polyédriques à pig- ment jaune; e, épithélium cutané; g, glande sécrétant le mucus; h canal de cette glande ; /, cellules épithéliales recouvrant le canal excréteur; m, cylindre de mucus fortement coloré en bleu; n, canal excréteur sans mucus; p, plateau vibratile; r, fibrilles conjonctives for- mant un feutrage serré autour de la glande ; s, grandes lacunes dans le tissu conjonctif; t, noyaux de l'épithélium ; u, fibres nerveuses (?) traversant le tissu conjonctif. PLANCHE XXX. Fia. t. Entrée du canal latéral du Cerebratulus bilineatus. Gross., 360 d. a, point où se fait l'ouverture du canal ; b, cellules ganglionnaires ; c, fi- brilles nerveuses; d, lame latérale dédoublée. 2. Entrée du canal latéral du Cerebratulus fuscus. Gross., 190 d. a, point où vient s'ouvrir le canal ; b, cellules nerveuses ganglionnaires ; c, fibrilles nerveuses; d, culs-de-sac latéraux; e, fentes formées par l'ac- colement des deux lèvres des sillons latéraux; g, lèvres médianes. 3. Appendice caudal du Cerebratulus fuscus. Gross., 6 d. 4. Partie antérieure du Cerebratulus fuscus. Grandeur naturelle. o. Entrée du canal latéral du Cerebratulus aurantiacus. Gross., 430 d. a, point où s'ouvre le canal; è, cellules nerveuses ganglionnaires; c, fi- brilles nerveuses; d, lèvres latérales simples; g, lèvres médianes con- tenant des glandes à mucus. AMPHIPORUS MARMORA.TUS. Fig. 6 à 15. Coupes de la région centrale du corps de cette Némerte pour mon- trer la disposition toute spéciale du tube digestif. Gross., 90 d. Lettres communes à ces figures, a, couche de muscles circulaires; b, couche de fibres conjonctives longi- tudinales; c, couche de muscles longitudinaux; d, muscles longitu- dinaux sous-intestinaux; g, gaine de la trompe; t, intestin antérieur; m, intestin moyen; n, nerfs latéraux; o, culs-de-sacs intestinaux; p, in- testin postérieur; v, vaisseaux. PLANCHE E. Fia. 6. Coupe à la partie antérieure du corps au point où l'orifice commun de la trompe et du tube digestif se séparent, v, vaisseau qui va former une barre transversale immédiatement après la séparation. 7. Coupe passant par les ganglions spéciaux. SUR LES TUKBELLARIÉS DES COTES DE FRANCE. 601 Fig. 8. Coupe passant par le cul-de-sac antérieur de l'estomac, dans la région où il est encore bifide. L'intestin antérieur est tapissé par un épithélium excessivement réduit. 9. Coupe passant parle cul-de-sac antérieur de l'eslomac dans la région où il n'est pas bifide. 10. Coupe passant par le milieu de l'estomac, par la fente en boutonnière faisant communiquer L'intestin antérieur avec l'estomac. 11. Coupe passant en arrière de la fente en boutonnière. 12. Coupe passant par la partie terminale du cul-de-sac posléro-inférieur de l'estomac. 13. Coupe passant par la région bifide du grand cul-de-sac antérieur de l'in- testin postérieur. 14. Coupe passant par un des culs-de-sac latéraux de l'intestin inférieur, l'in- testin supérieur est très réduit. 15. L'intestin supérieurs'est jeté dans l'intestin inférieur, et il n'ya plusqu'une seule cavité qui se prolongera jusqu'à l'extrémité postérieure du corps. 16. Un des culs-de-sac latéraux montrant l'épithélium élevé et granuleux dans le fond. Gross., 170 d. PLANCHE XXXI. AMPHIPORUS BIOCULATUS. Fig. 1. Extérieur de l'animal. Face dorsale. Gross., 10 d. environ. 2. Aspect de l'animal vu de côté pour montrer la disposition des lignes blanches et des sillons. Gross., 10 d. environ. a. Coupe du tégument dans la région céphalique. Gross., 120 d. a, couche transparente; b, couche des muscles circulaires; c, couche externe de fibres musculaires longitudinales; d, couche conjonctive; e, couche interne de fibres musculaires longitudinales; f, fibres con- jonctives; g, ganglion cérébroïde. 4. Coupe de la région centrale au niveau du tiers antérieur de l'animal. Gross., 110 d. a, gaine de la trompe; b, intestin antérieur; c, intestin postérieur. 5. Coupe du corps de l'animal dans la région moyenne du corps. Gross., S0 d. a, gaine de la trompe; b, trompe; c, intestin ; d, couche de libres mus- culaires longitudinales ; n, nerf latéral ; v, vaisseau. DREPANOPHORUS RUBROSTRIATUS. Fig. 6. Dessin demi-schématique indiquant la disposition de l'œil. Gross., 500 d. environ. a, capsule de l'œil; b, pigment; d, trou du nerf optique; e, cellules de la cornée transparente; f, cellules hautes polyédriques; g, épanouissement du nerf optique; h, fibrilles allant a la cornée; m, fibrilles se courbant en anses; n, renflement des fibrilles nerveuses. 602 L. JOCBIN. F/G. 7. Schéma de la marche des fibres nerveuses dans l'œil. Mêmes lettres que dans la figure 6. 8. Terminaison des fibres nerveuses entre les cellules. 9. Terminaison de la fibrille nerveuse dans les cellules de la cornée, lft. Roseau nerveux périphérique sous la couche de pigment. 11 . Coupe d'un des replis de la muqueuse œsophagienne. Gross., 360 d. a, lame conjonctive; b, cellules muqueuses à petits noyaux. 12. Coup" dans la région antérieure de la tête, au point où un de3 canaux s'ouvre dans la gaine de la tro -., 230 d. a, gaine de la trompe; 6, canal longitudinal; c, canal de communication; d, lacunes; e, fibres musculaires; f, glandes. 13. Cn des corpuscules sa-.guir. ,00 d. 1i. Tetra temma Marionis. Ponte dans la branchie de PhaUusia mamillata. d. \'> Serrants gradUs. Coupe dans la région céphalique au niveau de l'ouver- ture du canal spécial L80 d. par l'épithélium; b, cinal; c, lèvres. 16. Coupe dans la région œsophagienne. a, a t>, muscles circulaires; c, muscles longitudinaux; d, gaine de la trompe; n, nerf latéral ; », vaisseau. 17. es de la peau de Semer tes echino'ierma. Gross., 600 d. environ. 18. C .agienne de Semertes Ouoni. Gross., 80 d. a, épithéiium cutar.<- : b, c i -elie circulaire; c, couche des fibres longi- tudinales; ri, gaine de la trompe ;e, trompe ; g, glandes latérales;»», nerf latéral; /, tube digestif. 19 Semertes Antonina. Coupe passant par la région postérieure du cerveau pour montrer l'ouverture du vais.seau latéral dans la gaine de la trompe. M., 80 d. a, gaine de la trompe ; t», i u ; i, intestin antérieur; g, partie pos- - • -nrnurjication entre le vaisseau de droite et la gaine 'le la trompe. 20. Cellules de . iOO d. 21. Semertes gracilv, GhrOM., 32 d. 22. Amphiporus puteher. Disposition du sillon sur la face ventrale de la -., t>i d. STRUCTURE HISTOLOGIQUE DES BARBILLONS ET DES RAYONS LIBRES DU PERISTEDION CATAPHRACTUM M. ET. JOURDAN Chargé d'un cours complémentaire à la Faculté des sciences de Marseille. Il y a quelques années déjà, nous annoncions, dans uue note parue dans les Comptes rendm de ? Académie '/es sciences*, notre intention de publier un travail d'ensemble sur les terminaisons nerveuses gus- tatives de quelques-uns de nos poissons des côtes de la Méditer- ranée. Depuis lors, des occupations nouvelles et des recherches dirigées daus uue autre voie ont retardé nos observations sur ee sujet, l.e travail de Merkel a est venu nous montrer aussi qu'il était inutile de poursuivre nos études sur quelques points que nous avions L'intention d'examiner. Ces considérations nous engagent à publier dès aujourd'hui les observations que nous avons pu faire sur un poisson de notre golfe, qui appartient à la famille des Tri- gles, le Peristedion cntaphraclum ou Malarmat. Nous ne prétendons pas donner iei un historique même abrège du sujet, l'ouvrage de Merkel. que nous venons de citer, fournit 1 Sur ta organes tin goût des poissons NMNt Xomytts rendus de l'Académie >-'<-* sciences. M mars 188 1.) * Mbrksl, Dm Ntrvtwiigu*gw m itr Haut étr WirMthiert. 804 HT. JODRDAN. sur ce point des renseignements complets; on pourra cependant consulter l'analyse du mémoire de Todaro publié par T. Viault1, ainsi que la thèse de M. Jobert 2. Nous attirerons aussi l'attention sur quelques mémoires dont la connaissance nous semble nécessaire pour l'intelligence du sujet qui nous occupe. Le mémoire de F.-E. Schulze 3 sur les terminaisons nerveuses sensitives en forme de coupe de la Tanche et du Barbeau est un des plus anciens et en même temps des plus remarquables. L'au- teur prend pour point de départ de ses recherches un fait anato- mique. Les rameaux du glosso-pharyngien se distribuent, chez les Poissons, à la muqueuse pharyngienne et buccale ; chez les Vertébrés supérieurs, ce nerf est considéré comme remplissant les fonctions d'un nerf gustatif ; chez les Poissons, il doit en être de même et les organes qui se trouvent aux extrémités de ces ramifications doivent être des terminaisons gustatives. L'histologiste allemand trouve, comme terminaisons nerveuses, des organes, ou plutôt des corpus- cules particuliers qu'il désigne sous le nom de corps cyathi formes; il décrit leur distribution sur la muqueuse buccale, la langue et les barbillons du Barbus fluviatilis, et il fait observer que ces corpus- cules manquent dans la peau de beaucoup de Poissons. Il combat ensuite l'opinion de Leydig sur la structure des corps cyathi- formes et la nature des éléments qui les constituent. Les cellules qui composent les corps cyathiformes sont de deux sortes, les unes, situées à la périphérie, sont cylindriques, volumineuses, munies d'un noyau ovale ; les autres ressemblent aux cellules olfac- tives découvertes et décrites par M. Schulze, et aux cellules du goût observées par Axel Key dans la langue de la Grenouille. 1 Recherches faites dans le laboratoire de l'Université de Rome, publiées par I. To- daro; analyse et traduction par M. Viault {Archives de zoologie expérimentale, t. II, n» 4, 1873). * Jobert, Études sur les organes du toucher {Ann. se. nat., 1S72). 3 F. E. Schulze, Ueber die becherformigenorgane der Fischer (Zeitschr. f. w. Zool., 1862). BARBILLONS ET KAYONS LIBRES DU PE1USTEDION. GOo F.-E. Schulze n'a malheureusement pas trouvé les communica- tions qui unissent les extrémités nerveuses avec ces cellules, et il ne croit pas être en droit de considérer comme nerveux les fins pro- longements qui hérissent les papilles. Le savant histologiste fait remarquer d'abord la situation de ces corpuscules justement sur les points où doivent se terminer les nerfs du goût, et ensuite la ressemblance qui existe entre les cellules des corps cyathiformes et les éléments cellulaires qui sont situés à l'extrémité des nerfs gus- tatifs et olfactifs des autres Vertébrés. Il admet, comme conclusion nécessaire de ses observations, que les corps cyathiformes sont des terminaisons gustatives. Nous devons également rappeler les principaux résultats du mé- moire d'Engelmaiin sur les terminaisons des nerfs du goût dans la langue de la Grenouille l. L'auteur, après avoir analysé les travaux de ses prédécesseurs, et en particulier celui d'Axel Key sur le même sujet, décrit les méthodes employées par lui, et leur attribue les résultats nouveaux de son travail. Engelmann décrit, dans l'épi- derme qui surmonte les papilles gustatives, trois sortes de cellules. Il désigne ces éléments sous les noms de cellules cylindriques, de cellules calici formes, et de cellules en fourchette. Il entre dans de minutieux détails sur la structure de ces différents éléments cel- lulaires, mais il attribue aux cellules en fourchette seules des fonc- tions gustatives. Ces remarquables appareils, que l'on peut à peine appeler cellules, sont construits, dit-il, sur un type défini, malgré leurs grandes variations de forme. Le corps a une forme ellipsoïde, allongée, presque entièrement remplie par un noyau vésiculaire et un nucléole presque central. Les prolongements prennent naissance aux deux pôles du corps. Engelmann distingue, dans les prolonge- ments qui naissent au pôle périphérique, le manche et les dents de la fourchette. Le manche est en rapport avec le corps de la cellule et donne naissance aux dents ; celles-ci sont au nombre 1 Engelmann, Ueber die Endigungsweise der Geschmacksnerven in den Papillœ der Froschzunge [Zeilschr. der wiss. Zoologit, 18G3). Q06 ET. JOUHDAN. de deux ou de trois, et peuvent donner naissance à des dents secondaires. Tous ces prolongements ont l'aspect homogène et l'éclat mat du cylindre-axe. Du pôle central prend naissance le plus souvent un seul prolongement. La forme de ces cellules en four- chette est d'ailleurs fort variable et leurs dents ne font pas saillie à la surface de l'épithélium. Engelmann considère ces cellules en fourchette comme les terminaisons des nerfs du goût, et il base son opinion non seulement sur leurs caractères, mais encore sur leurs rapports. Il fait remarquer que les prolongements basilaires de ces cellules sont en relation intime avec l'extrémité de la papille. Cette extrémité de la papille repose sur un stratum conjonctif, présente la forme d'un court cylindre; elle est constituée par un tissu dense ; Engelmann la désigne sous le nom de coussinet ner- veux. Ce disque ou coussinet serait forme de fibres nerveuses, min- ces et pâles. Les libres nerveuses, qui se rendent à la papille, per- dent leur myéline et y constituent un réseau nerveux très délicat. Ces fibres sont faiblement brillantes et non variqueuses. Engel- mann ne met pas en doute la nature nerveuse de ce réseau fibril- laire, et il pense que les nerfs sont en relation avec les cellules en fourchette par l'intermédiaire de ce réseau du coussinet nerveux. Il achève son mémoire en considérant les cellules en fourchette comme les terminaisons caractéristiques des nerfs du goût. F.-E. Schulze, dans un nouveau mémoire publié en 1870 l, dé- crivit les organes du goût des têtards du Pelobates fuscus, étudia en détail leur distribution à la surface de la muqueuse, ainsi que les éléments qui les constituent. La structure histologique de ces corpus- cules concorde entièrement avec celle des corps cyathiformes des poissons. F.-E. Schulze insiste sur cette identité de structure et sur la ressemblance de ces organes avec les corpuscules de même nature décrits par Loven et Schwalbe chez les Mammifères. Nous avons analysé peut-être un peu longuement ces trois mé- moires, afin que le lecteur puisse comparer les résultats obtenus 1 F.-E. Schulze, Die Geschmacksorgane {Archiv. /'. mikr., Anat., VIII, p. 455). BARBILLONS ET RAYONS LIBRES DU PERISTEDION. «07 par nos prédécesseurs avec les nôtres ; nous terminerons enfin ces exposés analytiques en rappelant Les études remarquables do M. Jo- bert et celles de M. Todaro sur le même sujet. Le premier de ces mémoires a paru dans les Annales des sciences naturelles, l'autre a été analysé dans les Archives de zoologie expérimentale; ils sont par conséquent bien connus des zoologistes français. Nous aurons d'ail- leurs l'occasion de revenir sur ces deux derniers travaux en expo- sant les résultats de nos propres recherches. BARBILLONS. Le Peristcdion cataphraclum ou Malarmat est décrit dans les ou- vrages de la plupart des auteurs, tels queBrunnichii, Risso, qui se sont occupés de la faune ichthyologique des côtes de la Provence. Le Malarmat habite les fonds vaseux, à 30 ou 40 mètres de profon- deur ; on le prend dans le golfe de Marseille, pendant l'hiver. Les barbillons de ce poisson, au nombre de deux principaux, sont ramifiés au lieu d'être simples comme ceux du Rouget, et ils for- ment, de chaque côté de la mâchoire inférieure, une sorte de houppe; leur disposition a déjà été décrite, nous n'y reviendrons pas. Chez le Malarmat, le Rouget, ainsi que chez la plupart des Pois- sons, l'épithélium des barbillons se détache avec la plus grande faci- lité ; aussi, pour étudier la structure histologique de ces organes, doit-on s'adresser à des individus en parfait état de conservation. Il est même préférable, ainsi que nous avons pu le faire, d'enlever les barbillons à des individus vivants *. Nous avons mis en usage, pour l'étude des barbillons et des rayons libres, différents réactifs fixateurs. L'acide osmique, la liqueur de Kleinenberg, le bichromate d'ammoniaque, la liqueur chromo- acéto-osmique de Flemming, ont été employés dans des cas diffé- 1 Ce travail a été fait au laboratoire de zoologie de la Faculté dea Boiencea il.' .Marseille où, grâce à la bienveillance de M. le professeur Maiion et au zèle du patron pêcheur Armand, nous avons pu avoir des animaux en parfait état de con- servation. G08 ET. JOURDAN. rents. Nos pièces, après coloration en masse par le carmin aliiné ou le carmin boracique, étaient coupées dans la parafine et exa- minées dans le baume du Canada. Pour les dissociations, nous avons employé la liqueur de Muller et le sérum iodé. L'examen des coupes des barbillons nous a montré que leur axe était constitué par une variété de tissu cartilagineux, rare chez les Vertébrés supérieurs adultes, beaucoup plus répandu chez les Pois- sons. Ce tissu cartilagineux est caractérisé par le peu d'importance de la substance fondamentale, qui n'est représentée que par de sim- ples travées sans structure, et par le grand nombre de capsules de cartilage, qui se montrent tellement serrées les unes contre les au- tres, qu'elles paraissent exister seules ; aussi le nom de tissu carti- lagineux sans substance fondamentale s'applique-t-il parfaitement au cas que nous avons sous les yeux (fig. 1, 2 et 3, a). La forme de ces capsules de cartilage est légèrement différente suivant qu'on examine le barbillon en coupe longitudinale ou en coupe transversale. Dans le premier cas, ces capsules, aplaties par pression réciproque, prennent quelquefois un aspect fusiforme; dans le second cas, elles paraissent parfaitement sphériques ou un peu déformées et irrégulièrement polygonales. La substance fonda- mentale, qui n'existe qu'à l'état de trace dans les plus petits barbil- lons, se montre nettement sur ceux qui ont acquis une plus forte dimension. Ce tissu cartilagineux a été déjà souvent signalé comme formant les pièces de soutien du squelette ou de certains appendices de plusieurs Poissons. M. Jobert l'a rencontré chez les Silures où il constitue également l'axe des barbillons. Cet anatomiste le com- pare avec raison au tissu de la corde dorsale. Nous l'avons trouvé également comme pièce squelettique au centre de la languette buc- cale de Y Uranoscopus scaber. Immédiatement autour de Taxe cartilagineux des barbillons et lui constituant une véritable gaine, on distingue une zone dont l'aspect, sur les coupes transversales, est identique à celui de l'en- BARBILLONS ET RAYONS LIBRES DU PERISTEDION. 609 veloppe de la corde dorsale des embryons de certains Poissons. L'examen des coupes longitudinales, des coupes transversales ainsi que l'étude des pièces dissociées, démontre nettement que cette couche correspond à un véritable étui fibreux formé par du tissu conjonctif disposé en lamelles juxtaposées et parfaitement distinctes du reste du barbillon. Cette disposition rappelle celle du tissu lamelleux de la gaine des nerfs. Le tissu conjonctif lâche qui entoure cet axe fibro-cartilagineux, et dans lequel sont situés les vaisseaux et les nerfs offrent une parti- cularité digne d'attirer l'attention. Les vaisseaux sont nombreux, surtout à la périphérie de la couche conjonctive; quelques-uns contiennent encore des globules ellip- tiques, tous présentent des noyaux saillants. On aperçoit également les coupes des troncs nerveux , faciles à reconnaître sur les pièces qui ont été traitées par l'acide osmique. Ces troncs nerveux sont remarquables par leur volume. Ils n'offrent, d'ailleurs, aucune autre particularité (fig. 1). L'épithélium est épais et remarquable par la facilité avec laquelle il se détache du reste du barbillon (fig. i , e, fig. 4). Il renferme les corpuscules désignés sous le nom de corps cyathiformes par les uns, de corps ovoïdes par les autres, et sur les fonctions desquels les phy- siologistes sont loin de s'entendre. Les cellules épithéliales (fig. 4, e, fig. 7) sont disposées en couches serrées et ont des formes variées suivant qu'elles sont situées à la surface ou dans l'épaisseur même del'épiderme; les unes sont polyédriques; elles peuvent même de- venir fusiformes, comme c'est le cas pour le barbillon du Mullus Larbatus; les autres, celles de la surface de l'épiderme, sont cylin- driques et présentent des dimensions variables (fig. 7) ; elles ont un plateau élevé et finement denté. Dans les dissociations, ces cellules restent souvent réunies en plaques, présentant des intervalles qui correspondent aux extrémités des corps cyathiformes. On distingue encore, dans cette couche épithéliale, des cellules glandulaires, fa- ciles à reconnaître à leur forme et à la nature de leur contenu. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 2» SÉUIE. — T. VUI. 1890. 39 ct0 ET. JOUHDAN. Les corps cyathiformes du Malarmai, dont nous venons de signa- ler l'existence (lig. 4, 5 et (5) dans la couche épithéliale, sont remar- quables par leur volume. Ils sont sans doute inférieurs à ceux du Mullus barbatus, mais ils atteignent les dimensions de ceux du Barbeau. Ils existent chez le Malarmat non seulement dans les bar- billons, mais aussi dans la muqueuse linguale et pharyngienne, et même sur les arcs branchiaux. Ils sont répandus en couche variable suivant les régions; si nous considérons, par exemple, les barbillons, nous voyons qu'ils sont très rares à la base, tandis qu'ils sont bien plus nombreux sur les rameaux qui se détachent du tronc prin- cipal; à l'extrémité même, ils sont tellement serrés, qu'ils paraissent presque juxtaposés. Tandis que, dans les barbillons, ils sont dis- posés isolément, dans la langue, ils sont groupés au nombre de deux, trois ou davantage au sommet de petites papilles (fig. 10); de même, dans la muqueuse pharyngienne, ils sont disposés réguliè- rement sur les plis de cette région. Dans tous les cas, leur structure est la même, et les descriptions des corps cyathiformes du barbillon s'appliquent entièrement à ceux de la langue et du pharynx. Les corps cyathiformes présentent, sur les coupes, un aspect presque toujours semblable à celui que nous avons représenté figure 4. Les cellules qui constituent ces corpuscules sont complè- tement différentes des autres éléments de l'épithélium (fig. 4, 8 et 9). Les unes sont cylindriques, d'autres nettement fusiformes et terminées même par des extrémités effilées qui font saillie au fond des petites dépressions de l'épiderme où se terminent les corps cyathiformes; les premières établissent une sorte de transition entre les cellules des corps cyathiformes et celles de l'épithélium propre- ment dit, car il n'existe pas, entre ces différentes formes de cellules, des limites bien tranchées. Les noyaux de ces cellules sont situés près de leur extrémité centrale, ils sont ovales, volumineux, et sur les coupes ils paraissent disposés au niveau de la région basilaire du corps cyathiforme. Ils se colorent vivement par le carmin, tandis que le protoplasma cellulaire conserve la teinte grise résultant de BARBILLONS ET RAYONS LIBRES DU PERISTEDION. 6 H l'action de l'acide osmique; cette coloration caractérise môme les corps ovoïdes et permet de les distinguer facilement dans la couche épidermique. Les éléments que nous avons représentés figure 9 sont ceux que l'on rencontre le plus souvent dans les dissociations des corps ovoïdes, quelques-uns sont loin cependant d'avoir cette forme régulière; beaucoup, au lieu d'un seul, portent plusieurs prolonge- ments basilaires; quelquefois aussi l'extrémité périphérique, au lieu d'être unique, est constituée par deux prolongements de dimen- sions différentes; ces cellules deviennent alors comparables aux cellules en fourchette d'Engelmann. A la base des corps cyathiformes (fig. 4, 5 et G, g), on aperçoit, chez le Malarmat comme chez le Rouget, un amas granuleux, coloré en gris par l'osmium et formé par les prolongements basilaires des cellules. Cet amas granuleux nous paraît tout à fait comparable au coussinet nerveux décrit par Engelmann au sommet des papilles gustatives de la langue de la Grenouille. Les corps cyathiformes sont situés au sommet des petites papilles du derme, mais il est difficile d'avoir une; idée nette du mode de terminaison des cylindres-axes qui montent dans ces papilles, ainsi que de leurs rapports avec les cellules du corps ovoïde. Il est facile de distinguer, dans l'espèce que nous étudions, aussi bien que chez le Rouget (1), les extrémités des fibres nerveuses faisant saillie au sommet des papilles du derme. Contrairement à l'opinion de F.-E. Schulze et avec M. Jobert, nous croyons que ces fins prolongements sont bien de nature nerveuse; ils manquent, en effet, complète- ment, au sommet des papilles qui existent à la base des barbillons, et qui sont dépourvues de corps ovoïdes. Il est cependant bien dif- ficile de savoir ce que deviennent ces cylindres-axes dans le corps cyathiforme, et il nous est impossible de dire s'ils sont en conti- nuité avec les cellules des corps ovoïdes, ou bien s'ils se perdent entre les éléments cellulaires de ces corpuscules. Les corps cyathiformes offrent chez le Malarmat, outre la structure » Jobert, loc. cit., p. 4t, et pi. V, ûg. 29 et 31. SU ET. JOUHDAN. typique décrite dans le paragraphe précédent, quelques variétés sur lesquelles nous devons nous arrêter un instant. Sur quelques corps cyathiformes, appartenant à des coupes de barbillons traités par l'acide osmique, on trouve tantôt au centre môme du corps ovoïde, tantôt un peu latéralement, une ou plu- sieurs cellules qui tranchent nettement sur les éléments voisins par leur volume et leur coloration (fig. 5 et 6, k). Tantôt il existe une seule de ces cellules pour un corps ovoïde, d'autres fois on en distingue plusieurs. Ces cellules présentent des caractères qui les distinguent nettement de tous les éléments constitutifs des corps cyathiformes. Elles s'éloignent, par l'aspect de leur contenu et par leurs formes, de l'apparence habituelle des épithéliums sensitifs; elles se rapprochent, au contraire, sensiblement des cellules de sécrétion. Elles diffèrent de ces derniers éléments par leur forme ovoïde ou en massue. On doit admettre qu'elles ne peuvent jouer qu'un rôle secondaire dans les fonctions des corps cyathiformes. RAYONS LIBRES DES NAGEOIRES PECTORALES. M. Jobert a étudié les rayons libres des Trigles, et sa description est accompagnée d'une figure qui donne une idée bien exacte de la structure générale de l'un de ces organes. Le Malarmat possède des rayons libres semblables à ceux des Trigles, et leur structure histologique est conforme à la description de M. Jobert. Aussi nous nous occuperons seulement de l'épidémie et du derme sous-jacent, et nous laisserons de côté l'étude de l'axe squelettique des vais- seaux et des nerfs. Les cellules qui constituent la couche épidermique sont dispo- sées en couches serrées ; quelquefois ces cellules sont tellement rap- prochées les unes des autres que leurs limites deviennent difficiles à distinguer, au point qu'on serait tenté de croire à l'existence, dans certains cas, d'une seule couche de longues cellules cylin- driques. Un examen attentif démontre cependant que l'épiderme est toujours constitué au moins par deux rangs de cellules ; les unes BARBILLONS ET RAYONS LIBRES DU PERISTEDION. 613 en contact immédiat avec le derme sont polyédriques, les autres formant la couche cellulaire superficielle sont cylindriques; de plus, il existe souvent entre ces deux couches cellulaires un ou plusieurs rangs de cellules semblables à celles de la couche basilaire. Ces cellules épithéliales ne présentent aucune particularité remarqua- ble, à l'exception toutefois des cellules cylindriques de la couche superficielle. On remarque sur les coupes, et surmontant ces cel- lules, une zone hyaline, transparente, sans structure, à peine colo- rée par les réactifs (fig. 11, b). Cette couche sur la nature de laquelle il est difficile d'avoir une opinion bien arrêtée, est analogue à une cuticule. Mais s'il est permis de la considérer comme une couche de protection, il est bien difficile de savoir quelle est son origine. Elle ne présente pas ces stratifications qui distinguent souvent les couches cuticulaires ; elle offre, au contraire, des stries perpendiculaires à l'épiderme, indiquées vaguement par le carmin. Ces stries à peine visibles correspondent en général chacune à un espace intercellulaire, de telle sorte qu'elles permettent de consi- dérer la cuticule comme formée par les plateaux soudés entre eux des cellules cylindriques. Une couche cuticulaire analogue existe, mais bien moins épaisse chez lesTrigles. On retrouve également sur les rayons des nageoires pectorales de quelques autres poissons, et en particulier sur ceux des Blennies et des Rascasses, une cuticule analogue à celle que nous venons de décrire chez le Malarmat. Sur la région antérieure des premiers rayons des nageoires pectorales des Blennies, cette couche de protection peut même atteindre une épaisseur égale à celle de l'épiderme tout entier. Ces rayons libres du Malarmat ne présentent aucune formation cellulaire analogue aux corps cyathiformes. L'épiderme renferme, cependant, outre les cellules glandulaires à mucus, quelques amas de cellules faciles à distinguer des autres éléments de l'épiderme (fig. 11, /"). Ces cellules ne se colorent pas par l'acide osmique; elles prennent, sous l'influence du carmin, une couleur rose, paraissent ,;ii ET. JOURDAN. dépourvues de contenu et réduites à leurs membranes d'enveloppe. Ces caractères, joints à cette particularité que ces amas cellulaires ne sont jamais situés au sommet d'une papille du derme, ne permet- tent pas de les confondre avec les corps cyathiformes. Aussi con- sidérons-nous ces corpuscules comme de simples glandes à mucus, et nous les comparerions volontiers aux petites glandes à mucus de la peau des Batraciens, ainsi qu'aux glandes analogues décrites par Todaro et figurées par lui *. L'épiderme des rayons libres repose sur une couche conjonctive très dense, au milieu de laquelle on distingue les prolongements anastomosés de quelques rares chromatoblastes, ainsi que les extré- mités des fibres nerveuses qui, réduites à leur cylindre-axe, vont se terminer dans les petites papilles conjonctives qui hérissent toute la surface du derme en s'insinuant entre les cellules de la couche ba- silaire. Nous n'avons pas pu distinguer au sommet de ces petites papilles ces fins prolongements fibrillaires qui existent à la base des corps cyathiformes des barbillons. Nous croyons donc que les fibres nerveuses se terminent dans ces petites papilles, et dans cer- tains cas, il nous a même été possible de distinguer, à l'extrémité des cylindres-axes et dans l'épaisseur de la petite papille dermique, un petit renflement terminal. Nous achèverons cette courte note en examinant quelles sont les fonctions probables des organes dont nous venons d'étudier la structure. Il nous semble quïl est bien difficile d'attribuer aux uns et aux autres des usages semblables. Il résulte, en effet, des recher- ches précédentes que les corps cyathiformes sont très nombreux dans les barbillons, tandis qu'il nous a été impossible de les décou- vrir dans les rayons libres. On doit donc admettre que les barbil- lons et les rayons libres des nageoires pectorales du Peristedion catapkractum remplissent des fonctions différentes. Si l'on compare maintenant notre description des corps cyathi- formes du Malarmat, avec ceile que F.-E. Schulze donne de ces cor- » Loc. cit., pi. XXIV, flg. 2. BARBILLONS ET RAYONS LIBRES DU PERISTEDION. 615 puscules chez le Barbeau, il sera facile de voir qu'ils possèdent des structures identiques. Nous sommes ainsi conduit à admettre les conclusions de l'histologiste allemand, et à penser que les barbil- lons sont des organes du goût. La présence de l'amas granuleux situé ici, comme chez le Mullus barbatus, à la base des corps cya- thiformes, nous semble favorable à cette opinion, parce qu'elle permet d'établir une analogie de plus entre les corps cyathiformes des Poissons et les boutons gustatifs de la langue de la Grenouille. Si nous considérons maintenant les rayons libres des nageoires pectorales, nous voyons qu'il nous a été impossible de démontrer dans la couche épidermique la présence de ces corps cyathiformes si nombreux dans les barbillons. Nous avons vu les cylindres-axes se terminer dans de petites papilles du derme, et nous n'avons jamais pu suivre ces extrémités nerveuses au-delà de la couche conjonctive. De l'absence de corps cyathiformes, nous devons conclure que les rayons libres ne peuvent pas percevoir des impressions gustatives, et nous devons penser que ces organes, ainsi que tendent à le dé- montrer leurs petites papilles dermiques, servent à percevoir des modifications plutôt mécaniques que chimiques. Les rayons libres sont, à notre avis, des organes du toucher. Nous devons, d'ailleurs, faire remarquer que les corps cyathi- formes manquent dans les organes appendiculaires de plusieurs Poissons. Nous les avons cherchés en vain dans les tentacules des Blennies, ainsi que dans les lambeaux cutanés de la Rascasse. Chez ces poissons, les corpuscules ovoïdes existent cependant dans la muqueuse buccale, et se présentent avec leurs caractères habituels. Nous avons cherché également dans les extrémités libres des rayons des nageoires pectorales des deux genres, que nous venons de citer, des terminaisons nerveuses semblables à celles des Trigles et du Malarmat ; mais nos recherches ont été infructueuses, et il nous a été impossible de découvrir des papilles semblables à celles des nageoires pectorales des Triglidés. 616 ET. JOURDAN. EXPLICATION DE LA PLANCHE XXXII. BARBILLONS ET~RAYONS LIBRES DES NAGEOl RES~ PECTORALES DU PerXStfidion CataphraCtUM . Fig. 1. Coupe transversale d'un barbillon, a, axe constitué par des cellules cartila- gineuses ; b, tissu conjonctif disposé en lamelles serrées; d, tissu con- jonctif lâche; v, vaisseaux; n, troncs nerveux; e, épithélium; c, corps cyathiformes. Acide osmique. Liqueur de Kleinenberg. GO d. 2. Axe fibro-cartilagineux d'un barbillon en coupe transversale, a, cellules de cartilage; b, tissu conjonctif dense offrant en coupe transversale un aspect semblable à celui des coupes de tendon. Acide osmique. Liqueur de Kleinenberg. 300 d. 3. Axe fibro-cartilagineux d'un barbillon isolé après l'action de la liqueur de Muller. Même explication que pour la figure précédente. 160 d. 4. Epithélium et corps cyathiformes d'un barbillon en coupe transversale, e, épithélium ; c, corps cyathiforme; g, amas granuleux situé à la base des corps cyathiformes et correspondant au coussinet nerveux décrit par Engel- mann à la base des boutons gustatifs de la langue de la grenouille; n, fibres nerveuses. Liqueur de Kleinenberg. 300 d. 5. Corps cyathiformes offrant à leur centre, une ou plusieurs cellules hya- lines, c, corps cyathiforme; k, cellule a mucus des corps cyathiformes. Acide osmique. Liqueur de Kleinenberg. 300 d. 6. Un corps cyathiforme présentant une cellule, k, semblable à celles de la figure précédente. 300 d. 7. Cellules épithéliales d'un barbillon. Liqueur de Muller. 300 d. 8. Corps cyathiforme isolé. Liqueur de Muller. 300 d 9. Cellules des corps cyathiformes. 300 d. 10. Papille de la langue contenant un groupe de trois corps cyathiformes. c, corps cyathiforme; f, glande à mucus; v, vaisseau; n, nerf. Acide os- mique. Liqueur de Kleinenberg. 160 d. 11 . Coupe transversale d'un rayon libre des nageoires pectorales, e, épithélium ; b, couche hyaline formant une cuticule ; f, glande à mucus ; p, papilles du derme faisant saillie entre les cellules de la baie de l'épithélium; n, nerfs; v, vaisseaux; d, tissu conjonctif lâche. Acide osmique. Liqueur de Kleinenberg. 300 d. DE LA VALEUR RELATIVE DE QUELQUES PROCÉDÉS D'INVESTIGATION EN ANATOMIE COMPARÉE PAR H. DE LACAZE-DUTHIERS Membre de l'Institut. I En 1858, ayant passé l'été à Mahon et trouvant dans cette admi- rable station maritime les Haliotides tuberculeuse et lamelleuse en abondance, je voulus profiter de l'occasion qui se présentait d'avoir ce mollusque à tout moment et avec une facilité extrême, pour en faire une monographie détaillée; mais, entraîné vers d'autres études par les sujets variés et intéressants qui se présentaient en foule, je ne pus, à mon retour en France, publier qu'une première partie, Y Histoire du système nerveux, que nous ne connaissions que par les très célèbres mais aussi fort anciens Mémoires de Cuvier. Un jeune savant suisse, M. Wegmann, élève de M. Frey, de Zurich, ayant, beaucoup plus tard, passé plusieurs années dans mes labo- ratoires de Roscoff, de Banyuls et de la Sorbonne, continua, d'après mes conseils, la monographie de l'Haliotide. Il en fit le sujet de sa thèse pour le doctorat es sciences naturelles (I), et ce fut ainsi que son nom se trouva mêlé à la discussion qui va nous occuper. 1 Archives de zoologie expérimentale et générale, année 1884, 2e sér., vol. II, p. 289. 018 H. DE LACAZE-DUTHIERS. Mon travail est déjà très ancien, on le voit; cependant, jusqu'à ces derniôres années, il n'avait pas été critiqué et plusieurs de ses figures avaient été môme empruntées pour des ouvrages clas- siques. Que l'on se reporte à l'époque où nous travaillions avec nos pro- pres ressources, avec des moyens souvent bien insuffisants; où, nous transportant au bord de la mer à la recherche d'une localité propice, nous devions organiser par nous-même nos recherches et où, certes, nous ne trouvions pas, comme aujourd'hui, toutes les facilités désirables pour faire nos études; peut-être alors sera-t-on enclin à avoir quelque indulgence pour ceux qui, par amour seul de la science, se condamnaient à de lourds sacrifices, à de grosses dépenses et à des peines qu'on ne connaît plus guère maintenant. A ces époques aussi, la technique histologique n'existait pour ainsi dire pas, et l'on a peine à comprendre comment les nou- veaux venus dans les études malacologiques, bénéficiant de tous les progrès des sciences anatomiques, s'étonnent que quelques détails laissent à désirer dans des travaux datant déjà de plus de trente ans. Leurs critiques, il faut le croire, ne sont inspirées que par un amour sincère de la science, mais elles ne perdraient rien à être plus justes. De tout temps on verra des hommes sans initiative dans le choix des sujets de leurs recherches, pour faire du bruit et attirer l'atten- tion sur leur nom, s'attacher à critiquer ce que d'autres, plus an- ciens, ayant déjà fait leurs preuves, ont produit. Ce procédé n'est pas nouveau ; il n'est pas de ceux qui disparaissent même avec les progrès, et l'on peut encore, sans crainte de se tromper, répéter avec Mme Pernelle : Les envieux mourront, mais non jamais l'envie. INVESTIGATION EN ANATOMIE COMPARÉE. 619 II Il y a déjà quelque temps que M. Spengel, employant le procédé si fréquemment usité aujourd'hui , chercha à démontrer, à l'aide des coupes, que l'une des principales conclusions de mon travail n'était pas justifiable. M. Spengel fit sa critique en homme qui cherche la vérité et n'invoqua que des arguments scientifiques. Plus tard, reprenant les observations de M. Spengel, MM. Weg- mann, Boutan et moi-même, nous n'avions pas cru pouvoir nous ranger à son opinion; ce fut alors que M. Bêla Haller intervint et, dans la discussion des observations en litige, employa des termes tels que la critique purement scientifique changea de direction et fut accompagnée d'assertions fort désobligeantes pour ceux qui en étaient l'objet et qui avaient bien voulu se dire mes élèves. Enfin, un professeur de l'École normale primaire de Bruges reprit la question et se plut à reproduire les critiques peu bienveillantes de M. Bêla Haller, sous le singulier prétexte que le journal où elles étaient consignées était malheureusement trop peu lu en France (1). Cette insinuation est aussi malveillante que fausse, puisque, lors- que parut le Zool. Anzeiger, publié par M. le professeur Carus, mes laboratoires furent immédiatement abonnés à ce recueil périodique; ils le sont toujours. Enfin, dans mes Archives, vol. VII, Notes et revue, p. xv, note V, la publication de Y Anzeiger fut annoncée dans les termes suivants : « 11 est inutile de dire h quel besoin urgent répond ce recueil. Il y aurait plutôt lieu de s'étonner que nul n'ait songé encore à prendre l'initiative d'une entreprise dont le succès est si certain et qui sera saluée par une commune reconnaissance. » Cette citation, opposée au passage cité plus haut, permettra au lecteur de juger dans quel esprit ont été conduites les critiques. M. Boutan répondit vertement, et après nombre de notes et petits mémoires, le professeur de Bruges fit paraître une nouvelle notice 1 Bulletin scientifique du nord de la France et de la Belgique^ 1888, u° IV-V1II, p. 188. 620 H. DE LACAZE-DUTHIERS. sur l'épipodium, où il reproduisit les arguments adressés à M. Boutan et à moi. Les différents auteurs n'ont point trouvé en faute les résultats anatomiques contenus dans mon travail, que je sache; ce sont les interprétations et les déductions que j'en ai tirées qu'ils ont sévère- ment jugées, et ce premier jugement a été la conséquence des ré- sultats obtenus par des procédés de technique histologique inconnus en 1858. Jusqu'ici, je m'étais abstenu de répondre, car chacun doit in- terpréter à sa guise un fait scientifique. Les interprétations varient et varieront non seulement avec la méthode, mais aussi avec la tournure d'esprit et les tendances des auteurs. De là naissent des controverses surtout quand, par des idées pré- conçues, on cherche à déprécier les méthodes excellentes pour leur substituer des procédés nouveaux, séduisants sans doute, mais qui conduisent tout aussi bien à l'erreur que les procédés anciens dont on ne veut plus, parce qu'ils ne sont ni aussi expéditifs, ni aussi faciles à manier. Mon but dans la publication actuelle est certainement de répondre aux critiques qui m'ont été adressées, mais je désire surtout mon- trer l'insuffisance des résultats fournis par les procédés exclusive- ment employés par mes contradicteurs, en les comparant à ceux que donne la méthode morphologique que j'ai suivie, préconisée, et que j'enseigne à mes élèves. Je n'aurais peut-être pas fait cette réponse, s'il ne s'était agi que de mon travail. J'aime peu la polémique et le lecteur me rendra, je l'espère, cette justice que rarement il a trouvé mon nom mêlé aux discussions. J'ai bien peu répondu, si même je l'ai fait, car il ne m'en souvient guère, aux attaques qui m'ont été adressées. Je n'avais surtout jamais critiqué les auteurs qui m'ont si directement pris à parti; le nom de l'un d'eux est-il même jamais venu sous ma plume? Je INVESTIGATION EN ANATOMIE COMPARÉE. 621 crois que la science gagne peu à des discussions qui tôt ou tard s'enveniment. Ne vaut-il pas mieux, d'ailleurs, laisser de côté les insinuations malveillantes. Quels qu'en aient été les inspirateurs, elles s'usent d'elles-mêmes, leurs causes et leurs origines étant toujours facile- ment reconnaissables. Mais dans le cas actuel, deux jeunes savants ayant longtemps travaillé dans mes laboratoires ont été critiqués peu convenable- ment. Ils avaient bien voulu se dire mes élèves. Dans ces condi- tions, je n'ai pas cru pouvoir me dispenser de relever les accusa- tions. J'ai donc repris la question. M. Bêla Haller a laissé entendre d'une manière blessante que j'im- posais mes opinions à mes élèves, et cela de telle façon que, mal- gré l'évidence des faits, ils n'en continuaient pas moins à soutenir des idées fausses; et c'est cette assertion qui, rééditée par le pro* fesseur de l'École normale de Bruges, lui a valu très justement une réponse fort raide de M. Boutan. Si deux de ces messieurs ont avancé que mes opinions étaient im- posées dans mes laboratoires à mes élèves, c'est sans doute qu'ils ont oublié que la France n'est pas le pays de la schlague, et que l'on n'impose pas par la force à un jeune Français une opinion qui lui répugne. La critique de M. Bêla Haller a quelque chose de blessant pour les jeunes savants qui ont suivi mes leçons, et pour moi-môme, car elle fait comprendre que malgré la démonstration d'une vérité, on continue à soutenir volontairement, sciemment, et par soumis- sion, une erreur évidente. Je n'aurais certes pas relevé une aussi sotte accusation si, en la rappelant, je ne montrais à quel point de vue se sont placés quelques-uns des critiques dont je vais avoir à m'occuper. Si mes élèves ont de la confiance dans les préceptes et les méthodes que je leur enseigne, je ne puis qu'en être heureux; mais de là à dire, comme le fait l'auteur allemand ou hongrois, que, dans mes laboratoires, on ne jure que par ma façon de penser, on QH 11. DE LACAZE-DUTHlfiKS. voit bien qu'il ignore quel est l'esprit régnant dans mon entourage. M. Boutan a, du reste, assez vigoureusement relevé cette singulière et fausse accusation pour n'avoir pas à y revenir, et surtout pour que ces messieurs soient parfaitement convaincus de l'indépen- dance de caractère de celui qui a bien voulu continuer à se dire mon élève. On est libre dans mes laboratoires, et la preuve en a été procla- mée par ceux-là mêmes que l'ingratitude a marqué de son coin le plus profondément accusé ; elle est écrite et peut être produite. Mais pourquoi parler plus longtemps de l'esprit qui a guidé quelques-uns des critiques? Ne suffit-il pas en général, pour être éclairé, de savoir où ont été faits et publiés les travaux ? m Il s'agit, on le sait, de décider s'il est vrai que dans l'Haliotide, la Fissurelle et les Troques, le gros cordon nerveux courant sur le dos de la lame pédieuse et qui fournit deux ordres de nerfs, les uns postérieurs, les autres antérieurs, est un seul et même organe, ou bien s'il répond à deux parties différentes du système nerveux cen- tral juxtaposées, soudées et innervant des organes qui par cela même seraient distincts. En admettant la première opinion, l'épipodium, innervé parla partie dorsale du cordon, serait une partie intégrante du pied. En adoptant la seconde, l'épipodium deviendrait une dépendance du manteau, et serait par cela même distinct du pied. J'ai soutenu, dès 1858, cette seconde opinion. Je la soutiens en- core ; mes contradicteurs défendent la première. C'est dans cette interprétation différente que réside toute la discussion. Après la critique de M. Spengel, M. Wegmann reprit la ques- tion dans son travail général sur l'Haliotide, et M. Boutan, dans sa monographie anatomique et embryologique de la Fissurelle, ainsi que dans son étude du Parmophore, l'un et l'autre arrivèrent aux mêmes conclusions ; ils furent conduits de la sorte à l'opinion que INVESTIGATION EN ANATOMIE COMPARÉE. 8fS j'avais soutenue en 1858; c'est alors que les critiques ont donné à comprendre que j'avais imposé cette opinion fausse à ces jeunes savants. IV Voyons sur quelles raisons nos contradicteurs ont fondé leurs critiques. Il faut remarquer tout d'abord que mon premier travail sur l'IIa- liotide, celui qui a donné naissance à la discussion, a été inspiré par la loi des connexions, car j'ai toujours pensé que les données mor- phologiques qu'elle fournit conduisent de la façon la plus sûre, la plus certaine, à la connaissance des parties homologues, tandis que mes contradicteurs se sont appuyés exclusivement, à l'origine, sur quelques faits d'histologie auxquels ils ont accordé une valeur de premier ordre, valeur telle qu'ils ont été amenés à la négation des résultats qu'imposent les lois de la morphologie. Là est toute la différence qui nous sépare. Nous soutenons, à l'aide de deux ordres de faits, des idées s'excluantàpeu près, et nos opinions sont opposées, parce que nous employons des méthodes différentes ; nous avons donc à rechercher, en les comparant, quelle est la valeur relative de ces méthodes. A l'origine de la discussion, les arguments n'étaient pas nombreux, car ils se réduisaient pour ainsi dire à un seul ; mais il était fonda- mental pour nos contradicteurs. Ce fut M. Spengel qui le mit le pre- mier en avant, il n'a été plus tard que réédité par les auteurs ayant suivi et qui ont cherché à le faire leur. Le voici : On ne trouve pas de gaine conjonctive séparant les deux bandelettes admises par moi dans le grand cordon pédieux1 de VHaliotide. Si, dit-on, il y avait deux parties différentes dans ce cordon, elles devraient être séparées, et les coupes 1 Pour plus de simplicité et de facilité dans la description, je nommerai cordon pédieux la partie qui doit nous occuper, me réservant de revenir sur la valeur da ces expressions : nerf pédieux, centre pédieux, que j'ai successivement employées. Ce dont le professeur de Bruges m'a fait un gros reproche. V C24 U- DE LACAZE-DUTIHERS. microscopiques ne pourraient manquer de montrer leur distinction par la différence existant entre les éléments conjonctifs et les élé- ments nerveux, que nul ne peut méconnaître. Or, ni M. Spengel, ni M. Bêla llaller, ni après eux le professeur de Bruges n'ont trouvé de lame conjonctive séparant et distinguant les deux bandelettes admises par moi. Ils en ont conclu que le grand cordon pédieux était un seul et même organe, et que les distinctions que j'avais établies entre l'épipodium et le pied d'après l'innervation et l'existence de deux centres dans le grand cordon, étaient inad- missibles et purement imaginaires. C'est cet argument seul qui a été le point de départ de la négation des interprétations que j'ai données de la morphologie de l'Halio- tide, et il se présente avec l'apparence d'une importance telle que j'ai voulu m'assurer par moi-même de sa valeur; aussi ai-je fait beaucoup de coupes afin d'être mieux éclairé que je ne l'étais à une époque aussi reculée que 1858, car alors on n'en faisait pas. Dans l'Haliotide, M. Wegmann a indiqué l'existence de la sépa- ration sans en définir la cause. M. Boutan ne l'a point vue dans la Fissurelle, et le naturaliste de Bruges, après les anatomistes alle- mands, aidé des meilleurs objectifs à immersion, n'a pu trouver la plus légère trace de tissu conjonctif entre les deux bandelettes, bien qu'il fût, dit-il, a priori favorable à mon opinion l, bienveillance à laquelle j'ai sans doute le tort, on le comprend, de n'être pas très sensible. Naturellement, il triomphe en montrant que M. Boutan n'a pas établi la séparation névrilematique et il pourra ajouter à son argumentation, si cela lui plaît, l'aveu nouveau qu'il va trouver ici et que je vais faire moi-même, je le dis très franchement, sans aucune peine, sans aucun regret. Je n'ai pas pu trouver la moindre trace de tissu conjonctif entre les deux bandelettes dorsale et ventrale du cordon pédieux, pas plus chez le Troque que chez l'Haliotide. La séparation histologique 1 Comptes rendus de l'Académie des sciences, p. 579, vol. CV. «Je tiens à ajouter, a priori, que M. de Lacaze-Duthiers me paraissait avoir raison contre M. Spengel.» INVESTIGATION EN ANATOMIE COMPARÉE. 625 n'existe donc pas dans ces animaux. Cela est absolument certain, et le fait est si facile à vérifier, qu'il n'est pas besoin, pour le con- stater, de recourir à des instruments particulièrement bons. Voici donc un aveu qui semble donner raison à l'argumentation. Mais le naturaliste belge épilogue sur tout et cherche à trouver des erreurs dans le sens des mots. Par exemple, il veut me trouver en contradiction avec moi-même, parce que j'ai dit tantôt nerf, tantôt centre pour désigner le cordon du pied. Dieu sait s'il y aurait à trouver à redire si l'on prenait toutes les phrases, tous les mots de la discussion. Quels que soient les mots employés : nerf, centre, cordon, il s'agit de savoir s'il y a un ou deux centres dans le cordon pédieux. Je dis deux; nos contradicteurs disent un : voilà le fait à éclairer. Ne voyons pas la difficulté dans le sens d'un mot; voyons l'idée et cherchons où est la vérité. Cherchons d'abord si l'absence d'une séparation névrilématique a bien l'importance qu'on lui attribue. Un argument ayant une valeur absolue doit pouvoir être présenté dans tous les cas où des conditions identiques se rencontrent. S'il n'en était pas ainsi, sa valeur serait singulièrement amoindrie. L'on nie la présence de deux centres différents dans le grand cordon pédieux parce que, entre les deux parties supposées existantes et soudées, on ne trouve pas une séparation nette produite par une lame conjonctive. La déduction toute naturelle qu'on peut tirer de cet argument, c'est que, pour distinguer deux parties différentes très rapprochées et paraissant confondues, il faut trouver nécessairement entre elles une lame de tissu autre que celui qu'elles renferment. Si l'on n'admet pas cette interprétation, l'argument disparaît en perdant toute sa valeur. Or, dans l'étude du système nerveux des Mollusques, on trouve à ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 2° SEME. — T. VIII. 1890. 40 626 H. DE LACAZE-DUTHIERS. chaque pas des soudures, des fusions ; ce qui n'empêche pas de distinguer les parties différentes en ayant recours à la méthode mor- phologique et non à la méthode histologique. Prenons quelques exemples ; ils sont nombreux. Chez les Céphalopodes, comment peut-on arriver à déterminer les parties composantes de cette masse centrale où tous les ganglions groupés sont tellement rapprochés et unis autour de l'œsophage qu'on n'en reconnaît pas à la vue les différents éléments. Voici la figure schématique donnée par le professeur de Bruges ; elle représente de profd le cerveau d'un Céphalopode. Où sont donc ici les connectifs qui doivent unir le gan- glion appelé pleural au ganglion pédieux et au ganglion cérébral ? Quelles sont les préparations, les coupes démontrant clai- rement l'existence, la distinction, la sépa- ration de ces centres. Ne sommes-nous Fig. 3. - Schéma du système pas en droit de demander ce qu'on nous nerveux central d'un Cépha- ~.a—,.« lopode vu du côté droit! demande à nous-mêmes. a, ganglion cérébral ; b, gaagiioa \\ est bien évident que, voyant des nerfs .< pédieux » ; b\ ganglion « bra- chial » ; c ganglion pieurai ; Dartjr ci;im point de cette masse nerveuse d, connectif cerebro-pedieux ; 1 r U^i>th« et aller aux bras ou aux pieds, on peut, missure viscérale. . avec raison, en conclure que, dans ce point de départ des nerfs, se trouvent les ganglions pédieux, et de même pour les autres parties. Il y a bien longtemps que, dans mes cours du Muséum dès 1865 et depuis à la Sorbonne, j'ai interprété le cerveau des Céphalopodes en me laissant guider exclusivement par la loi des connexions. 11 est curieux de voir l'auteur belge, sauf sur certains points relatifs au centre asymétrique, interpréter le système nerveux central de ces animaux comme je le fais et le professe en Sorbonne depuis plus de vingt ans, ce qui, pour le dire en passant, n'est pas nouveau. Si nous arrivons au même résultat, cela n'a rien d'étonnant: nous employons la même méthode, la méthode morphologique. La mé- INVESTIGATION EN ANATOMIH COMPARÉE. 6-27 thode des coupes serait-elle capable de lever les difficultés? Il est bien évident que le rapprochement des centres et leur fusion appa- rente sont tels que les lames de tissus conjonctifs révélatrices des séparations ne pourraient être démontrées chez ces animaux. A ce propos, il est curieux de voir comment le contradicteur belge raisonne et de rapprocher sa critique des arguments qu'il donne en faveur de ses idées. Il faut citer: « L'argumentation de M. deLacaze-Duthiers se réduit surtout à ceci : la partie dorsale du cordon pédieux de Trochus est de nature palléale parce qu'elle innerve 1 epipodium (Bulletin du Nord, 1888, p. 186). » Et après cette critique partant de cette idée théorique introduite dans la science par Huxley, à savoir : que l'en- tonnoir est l'homologue de l'épipodium, il en conclut que le sillon qui sépare le ganglion en patte d'oie d'où partent les nerfs des bras des Céphalopodes est identique au sillon qui règne sur les côtés du cordon dorso-pédieux que j'ai, dit-on, si malheureusement inter- prété. Il arrive enfin à homologuer les différentes parties du centre nerveux, en ne tenant compte que de la distribution des nerfs. « En réalité, c'est le ganglion brachial, dit-il, qui est le vrai gan- glion pédieux, puisqu'il innerve les bras correspondant au pied. Le ganglion dit pédieux est un ganglion épipodial, puisqu'il innerve l'épipodium (entonnoir). » (Voir système nerveux central des Cépha- lopodes, Archives de biologie, p. 29 du tirage à part.) Je le demande, quelle différence y a-t-il entre nos deux façons de raisonner? Est-il, dès lors, possible d'arriver à une conclusion dif- férente? Nous sommes, dans ce cas, l'un et l'autre dans la môme voie, et forcément nous tombons ou dans la môme faute ou nous arrivons à la même vérité, et alors pourquoi faire un reproche de l'emploid'une méthode que l'on utilise soi-même. On le remarque, en effet, il faudrait d'abord démontrer que l'entonnoir est un epipodium. Je le répète, on ne peut retrouver dans les Céphalopodes les centres cérébraux, pédieux et asymétriques qu'en se basant sur les rapports et les connexions des nerfs, des organes et du ganglion 628 H. DE LACAZE-DUTHIERS. cérébral. L'histologie ne suffit pas et la soudure, la fusion des parlies centrales, n'infirment en aucune façon les résultats donnés par cette méthode morphologique. VI Voici un autre exemple relatif à la valeur des soudures des parties. Il prouve, je crois, que les règles de la morphologie l'emportent et de beaucoup sur les arguments tirés de l'absence d'une séparation conjonctive. Plus de quarante espèces de Gastéropodes présentent toutes, sans exception, le nerf acoustique remontant de l'otocyste placé sur les ganglions pédieux ou à côté d'eux jusqu'au cerveau. Il y a là une connection indéniable, une loi morphologique certaine et, tous les jours, quand on étudie cette disposition sur de nouvelles espèces, la relation que j'ai indiquée, il y a vingt-deux ans, est confirmée. Ce fut en 1868 que j'établis le premier cette loi, qui fut d'abord confirmée par M. Leydigdans le travail qu'il publiaen 1870 et ensuite par tous les malacologistes ayant recherché cette disposition dans des espèces non étudiées à ce point de vue. Je m'explique difficilement que M. Veyssière ait pu écrire que nous avions découvert cette connexion en même temps, M. Leydig et moi. Mon travail est aux Comptes rendus, t. LXVII, p. 882 (1868)1. Voilà un fait positif, indéniable. Supposons que le nerf acoustique s'unisse à un connectif avant d'arriver au cerveau, en conclura-t-on 'qu'il naît du connectif et que ses relations avec le cerveau n'existent pas, comme on le faisait avant que je l'eus suivi et disséqué à partir du ganglion pédieux jusqu'au ganglion cérébral. 1 Voici la phrase de M. Weyssière, p. 44, art. n° 1, Annales des sciences naturelles, 6e série, t. XV. « Ce fait, que le nerf auditif prend toujours naissance chez les Mol- lusques sur le centre cérébroïde, a été démontré simultanément par MM. de La- caze-Duthiers et Leydig. (En note, mon travail est rapporté à 1872. C'est la date de la publication avec planches. Mais la date de présentation à l'Académie, avec un résumé complet, est de 1868.) INVESTIGATION EN ANATOMIE COMPARÉE. 629 Peut-on admettre que, d'un côté, le nerf naisse du cerveau, tandis que, de l'autre, il naîtrait d'un connectif ? Peut-on croire qu'un nerf aussi spécialisé que le nerf acoustique puisse indifféremment tirer son origine, tantôt d'un ganglion, tantôt d'un cordon unissant des centres divers? Il n'est pas un anatomiste convaincu de la valeur de la loi des connexions, qui puisse admettre qu'une relation de l'importance de celle que j'ai rappelée ici puisse varier aussi profondément. Il n'est pas un zoologiste confiant dans les principes généraux de la morphologie, qui puisse admettre une telle supposition. Or, dans mon travail sur les otocystes et leurs relations avec le cerveau chez les Gastéropodes, j'ai cité l'exemple de la Patelle, comme offrant une exception remarquable à la loi. Le nerf acoustique, avant d'arriver au cerveau, s'accole au con- nectif cérébro-asymétrique. La figure1 que j'en ai donnée conserve une exactitude absolue, et sa valeur est encore démontrée de la façon la plus complète par les coupes dont on va trouver plus loin la description. Mais avant d'aller plus loin, il est nécessaire de revenir sur le travail dans lequel mes études ont été de nouveau sévèrement jugées. Le naturaliste de Bruges dit, dans une note au bas de la page 185 (loc. cit.) : « Les anciennes figures du système nerveux de Patella sont très peu satisfaisantes... Aussi je crois que la figure que je publie ici (fig. 2) pourra encore être utile aux anatomistes. » Eh bien, je crois que l'auteur s'est en cela fort abusé. Si la figure 2 de sa planche est utile, c'est certainement à la thèse soutenue ici , car elle prouve, par Terreur morphologique grossière qu'elle renferme, combien le professeur belge tient peu de compte des connexions les plus importantes, les plus invariables. J'ai démontré qu'un autre rapport constant existait dans la po- 1 Voir Archives de zoologie expérimentale , vol. I, pi. IV, fig. 17 ; pi. V, fig. 18. 830 H. DE LACAZK DUTH1ERS. sition et la marche du nerf acoustique. Jamais je n'ai trouvé ce nerf contenu dans l'intérieur du collier œsophagien. Quelle que soit la position d'un otocyste sur le dos des ganglions pédieux, le nerf se porte en dehors pour se placer sur les côtés ou contre la partie latérale du collier. Quelquefois la poche auditive est à ce point élevée sur le dos des ganglions pédieux (Clausilie, Testacelle), que le nerf acoustique doit descendre d'abord pour contourner le point d'inser- tion du connectif allant du centre asymétrique au ganglion pédieux, et remonter ensuite sur les côtés du collier œsophagien, c'est-à-dire contre l'aire du triangle formé par les trois ganglions pédieux, asy- métrique et cérébral formant les angles et les trois connectifs représentant les côtés. Cette position du nerf acoustique ne fait jamais défaut. Dès lors, il est fort étrange que le professeur de Bruges ait fait l'erreur que présente la figure qu'il publie comme devant être utile aux anato- mistes. Elle les induit au contraire en erreur, car elle montre le nerf de l'audition passant dans l'intérieur du collier œsophagien, ce qui n'est pas. La figure 2 de la planche XXXIII a été copiée fort scrupuleuse- ment d'après le mémoire du professeur de Bruges, afin de permet- tre au lecteur de juger de la valeur de la critique. Au-dessous d'elle, j'ai reproduit la partie de cette figure qui nous intéresse, et dans la figure 2 bis, j'ai accusé plus fortement les otocystes et le nerf acoustique, afin qu'on pût comparer les deux figures et mieux juger de l'erreur. Les otocystes sont placés sur le dos des ganglions pé- dieux, et le nerf acoustique passe (fig. 2 bis) en avant des connectifs pédieux-asymétrique, tandis que, dans la figure 2, il passe en ar- rière de ce même connectif, ce qui fait que, dans ce second cas, il est contenu dans le collier œsophagien, tandis que dans le premier il est en dehors. En comparant les deux figures, on distinguera aisément la différence des deux dispositions ; il est impossible de ne pas reconnaître l'erreur. N'est-il pas étrange qu'on se porte en critique aussi sévère, quand INVESTIGATION EN ANATOMIE CO.MPAKÉH. G31 on fait soi-même une erreur d'anatomie de cette importance, et qu'on méconnaît une disposition déjà décrite avec détail. Cette er- reur n'eût pas été commise si l'on se fût plus enquis des relations morphologiques que de la perfection d'une coupe dont l'importance sera certainement trouvée moindre dans le cas après les détails qui vont suivre. On ne peut attribuer l'erreur à un défaut de gravure, car la re- production du"dessin a été faite non par un graveur, mais par la glyptographie, et le dessin original a dû être reproduit tel qu'il a été donné. En outre l'auteur, dans une seconde note l, revient sur le cas de la Patelle, et renvoyant à la figure 2 de son première mémoire, il n'y indique pas l'erreur, d'où il faut conclure qu'il considère sa figure comme étant parfaitement exacte; il décrit même, comme on va le voir plus loin, le passage du nerf acoustique sur le centre nerveux asymétrique. Cette figure pèche encore par une autre inexactitude qui, si elle eût été évitée, aurait permis peut-être de ne pas commettre la faute grave qui vient d'être relevée. Dans la Patelle, les deux otocystes sont unis transversalement par une bandelette très grêle et constante, visible à la simple loupe, et dans la composition de laquelle entrent des fibres musculaires des cellules et fibres conjonctives. Des deux extrémités de cette ban- delette partent des fibres qui entourent les otocystes et qui, les dé- passant, les fixent en rayonnant sur les parties voisines 2. Si ce ligament musculo-conjonctif eût été suivi et dessiné, si surtout des coupes eussent été faites, et c'était bien le cas puisqu'on a en elles une si grande confiance, l'erreur relative au trajet du nerf n'eût peut-être pas été commise. Pour compléter la citation relative à la Patelle, voici un spécimen i Voir Bulletin scientifique de la France et de la Belgique, 28 mai 1S90, Deuxième Note sur l'Epipodium des Mollusques, p. 147. 2 hoc. cit., Archives de zoologie expérimentale de Lacaze-Duthiers. 6S2 H. I)K LACAZE-DUTH1EHS. des déterminations el des raisonnements du professseur belge : « La nature de ce ganglion, que je nomme pleural, est détermi- « née : « a, par le connectif cérébro-pleural dont les fibres s'y rendent; « (3, par les fibres qui en partent : a, la commissure viscérale ; b, a le nerf palléal ; « y, par le nerf acoustique qui le traverse dans son revêtement cortical (comme celui de Patella (pi. XV, fig. 2) traverse le ganglion pleural à sa surface) venant de l'otocyste et se rendant au ganglion cérébral. » (Loc.cit., deuxième notice, 1890, p. Ii6.) Sans vouloir épiloguer, on peut cependant demander : Que si- gnifie cette expression : un nerf qui (pour la Patelle) traverse un gan- glion à sa surface, et qui, pour le Trochus, traverserait ce ganglion dans son revêtement cortical? Pour ce dernier cas, d'après la figure 1, planche VI, ce nerf serait dans la couche nerveuse cellulaire. Est-ce bien l'expression de la vérité? Quand on avance des faits sem- blables, les détails à l'appui sont indispensables. Il eût été surtout nécessaire de savoir si ce nerf a été suivi jusqu'au cerveau en par- tant de l'otocyste. Le fait anatomique dont il est ici question est difficile à vérifier, et l'on aurait été heureux de voir l'auteur belge, qui cherche à don- ner tant de précision à ses critiques, fournir des figures éclairant l'obscurité qui règne encore sur la marche du nerf acoustique après sa sortie des otocystes, chez l'Haliotide et le ïrochus. Certai- nement il tiendra à faire connaître cette marche, en la décrivant complètement à l'aide de figures. Revenons aux coupes faites sur la Patelle. Je rappelle (voir mon travail sur les otocystes) que le nerf acous- tique entre dans l'otocyste, qui est un peu piriforme, par l'extrémité allongée et extérieure de la vésicule. La figure dont je parle a été publiée en 187-2 ». En étudiant de nouveau la Patelle pour le présent 1 Voir vol. I des Archives de zoologie expérimentale : Mémoire sur les otocystes. H. de Lacaze-Duthiers. INVESTIGATION EN ANATOMIK COMPARÉE. 833 travail, j'ai pu en constater la parfaite exactitude. Ce nerf passe en dessous du connectif plcuro-pédieux, le contourne, puis se redresse et remonte au côté externe du connectif pleuro-cérébral, et, s'appro- chant de plus en plus, finit par s'unir à lui, plus ou moins haut, suivant les individus et les côtés. C'est le plus souvent à la hauteur du tiers inférieur du connectif qu'a lieu l'union, dont les coupes montrent avec pleine évidence les curieuses conditions. Bien au-dessous du point qui paraît être celui de jonction, on peut suivre le nerf acoustique très grêle, placé sous le névrilème du connectif. On trouve là un exemple de la précision excessive que donnent aux préparations les coupes bien faites et bien entendues. D'abord, dans l'angle qu'il forme en abandonnant l'otocyste pour se porter en dehors et remonter à côté du connectif, le nerf est enfermé dans un névrilème propre dont les éléments se confondent et se mêlent avec les prolongements du ligament interotocystaire, du tissu conjonctif général entourant les masses ganglionnaires, enfin, plus haut, du névrilème du connectif; puis, s'écartant un peu du gros cordon avec lequel il doit se fusionner, il s'enferme dans un dédoublement d'une première gaine extérieure du connectif (pi. XXXIV, fig. 18, na). Peu à peu, cette gaine devient de moins en moins grande et, par cela même, le nerf se rapproche du gros cordon; alors on le voit comme un tout petit cylindre placé à côté du con- nectif (pi. XXXIV, fig. 19, na). J'ai fait alternativement des coupes en descendant du cerveau vers les otocystes, ou en partant de ceux-ci et remontant vers le centre sus-œsophagien, et toujours j'ai retrouvé les mêmes disposi- tions, que rendent quelques figures de la planche XXXIV prises de loin en loin dans une grande série de coupes qu'il était inutile de reproduire en totalité. Lorsque, en se rétrécissant, la gaine commence à amener au contact le connectif et le nerf acoustique, la coupe des deux cordons donne (pi. XXXIV, fig. 20, na) deux cercles de très inégale grandeur et tangents, mais sans déformation de l'un ni de l'autre. La lame 634 H. DE LACAZE-DUTHIERS. conjonctive qui formait le névrilème du nerf disparaît peu à peu à son tour du côté du contact, et alors les deux cylindres, surtout le petit, parce que son diamètre est infiniment moins grand, se trouvent diminués du côté tangent. On voit l'union se faire, d'abord suivant une corde, ensuite suivant le diamètre, et enfin l'étendue du petit segment va tellement et progressivement en diminuant, qu'il n'existe plus qu'une faible partie du petit cylindre accolée contre le plus gros. A cet endroit (pi. XXXIV, fig. 22, na), je ne crois pas qu'il soit possible de découvrir une trace quelconque de névrilème ou de tissu conjonctif entre le nerf acoustique et le connectif. Dira-t-on pour cela qu'il n'y a là qu'un seul et même organe? Faudra-t-il, s'incli- nant devant la coupe nécessairement bien faite, comme dit le na- turaliste belge, et parce qu'elle ne nous montrera pas trace de lame névrilématique, faudra-t-il ici nier l'existence de deux élé- ments que l'on voit soudés, mais non séparés par du névrilème? Personne, je pense, ne voudrait soutenir une pareille opinion? Que devient alors le fameux argument? Enfin remontant toujours de plus en plus vers le cerveau, il se trouve un point où les fibres du nerf de l'audition et celles du con- nectif ne peuvent plus être distinguées. Voilà cependant ce que montrent ici les coupes ; ne peut-on pas dire qu'il en est de même du cordon pédieux pour les deux élé- ments qui le composent? Que faut-il conclure de ces faits ? Si l'on ne s'en tient qu'à l'apparence et à l'absence du névrilème dans le point où a lieu la fusion des deux cordons nerveux, comme cela existe, comme on l'a vu pour les cordons pédieux, certaine- ment il faut admettre qu'il n'y a qu'un élément, et, chose antimor- phologique et antiphysiologique, que le nerf acoustique naît du connectif. Telle est la conclusion à laquelle on arrive forcément si l'on s'en tient à l'observation de la Patelle seule et des coupes, en ne INVESTIGATION EN ANATOMIE COMPARÉE. 635 tenant compte que de l'argument donné comme étant irréfutable. Mais si n'oubliant pas que, sauf des exceptions qui se rencontrent justement dans le groupe objet du litige (Haliotide, Fissurelle et Troques), voyant toujours le nerf acoustique ôtre indépendant et remonter au cerveau, en invoquant la loi des connexions, on ar- rivera à cette autre conclusion plus sage et plus en rapport avec les principes de la saine morphologie, à savoir que le nerf acoustique est né du cerveau, mais que ses fibres, masquées par celles du connectif, après être restées un moment protégées par le même névrilème, ont pu sembler disparaître, mais n'en continuent pas moins cependant à être distinctes physiologiquement. Combien d'exemples semblables ne trouverions-nous pas ? Les masses nerveuses centrales des Céphalopodes ne nous ont- elles pas déjà montré la soudure par rapprochement des différents centres, et cela sans existence de la fameuse lame conjonctive qui seule, d'après l'argumentation, devrait faire distinguer les diffé- rentes parties? Dans les Troques et les Haliotides, la fusion du nerf acoustique et du connectif se fait bien plus près des otocystes que dans la Patelle ; aussi n'avons-nous pour ainsi dire pas de description bien faite de la marche du nerf acoustique chez ces animaux. La chose est d'ailleurs difficile. M. J. Theile en a indiqué l'origine (pi. XVI, fig. 3, c, de la Zeits- chrift ' ac), Ursprung des Nervus acusticus, et le naturaliste belge a donné une figure faisant connaître que le nerf acoustique (pi. YI, fig. 1, vi) « traverse le ganglion pleural dans son revêtement cor- tical, venant de l'otocyste et se rendant au ganglion cérébral ». Tout cela est bien vague et bien insuffisant pour quelqu'un qui réclame si impérieusement des preuves à l'appui des opinions qu'il con- teste. Tous ceux qui ont fait l'anatomie de l'Haliotide ont vu ce nerf i Zeitschrift fiir Wissench. Zoologie, 1889. Drittes heft. 886 il- DE LACAZE-DUTHIERS. acoustique, mais aucune personne n'a donné un dessin complet de h,-i marche. Le naturaliste belge tiendra certainement à faire la lumière sur ce point encore obscur, el nous attendons de lui un dessin dé- monstratif, ainsi que je l'ai dit plus haut. On remarquera, à ce propos, qu'il est Tort curieux de voiries animaux présentant des conditions toutes spéciales pour les cen- tres nerveux, en offrir de môme pour le nerf acoustique, alors que les rapports de celui-ci sont habituellement si nets; les soudures sont aussi marquées que celles qu'on observe sur le cordon pédieux. Chez L'Haliotide, on trouve encore quelques faits relatifs aux soudures qui sont curieux, et qu'il est utile de rapprocher de ceux qui viennent d'être indiqués. Dans les Gastéropodes normaux, on ne peut se refusera admettre que le nerf optique est tout à fait spécialisé, de môme que le nerf acoustique, et qu'il est possible de le disséquer et de le conduire de l'œil au cerveau, sans lui voir émettre de rameaux secondaires, conservant d'ailleurs un môme diamètre depuis le centre nerveux jusqu'au globe oculaire. Ce fait-là est indiscutable, par exemple, chez le Cyclostome et tant d'autres. Or, dans l'Haliotide, le nerf1 optique émet dans toute sa longueur des filets qui se rendent au tégu- ment, aux muscles, et aux autres parties du tentacule ou tuber- cule oculaire. Dira-t-on que le nerf optique a perdu sa spécialisation, ou bien, ce qui est bien plus en rapport avec la vérité, admettra-t-on que les libres de la sensibilité générale et de la motricité se sont asso- ciées au nerf spécial de la vue dés leur sortie du cerveau, et se sont ensuite séparées pour aller au tégument, aux muscles, auxquels elles étaient destinées? 11 ne paraît pas douteux que cette seconde opinion soit la seule admissible, et que nous nous trouvions ici en face d'un cas de 1 Voir Annales des sciences naturelles, t. XII, pi. X, fig. 2, de Laoaze-Duthiers. INVESTIGATION EN ANATOMIE COMPARÉE. 637 soudure et de mélange de fibres de nature diverse. Croit-on que les coupes parviendront dans ce cas à les faire distinguer? Dans les animaux supérieurs, qui donc a découvert et établi la séparation des fibres motrices et des fibres sensitives dans les nerfs mixtes résultant de la fusion des racines antérieures et postérieures? Peut-on, dans ce cas, nier la distinction physiologique en môme temps que la fusion? Dans l'encéphale des Vertébrés, combien ne trouve-t-on pas d'exemples d'organes fort distincts physiologiquement et ne pré- sentant entre eux aucune séparation névrilémalique, étant au con- traire unis par des soudures intimes. 11 arrive souvent que les chercheurs de généralités quand même, parlant d'un fait isolé, arrivent à des conclusions contraires aux données de l'anatomie philosophique. La valeur de leurs déductions est en rapport avec l'étendue de leurs études et la multiplicité de leurs comparaisons. Vil Voici enfin un dernier exemple tiré d'animaux différents , et démontrant encore le peu d'importance que peut avoir l'absence d'une lamelle conjonctive, ce dont on a fait tant de bruit. Tous les malacologistes admettent, je pense, cette proposition : chez les Acéphales, à part le tube digestif, tous les organes sont pairs, car, de chaque côté de leur corps, on trouve la répétition des mêmes parties, semblables et symétriquement disposées : branchies, voiles labiaux, corps de Bojanus, muscles rétracteurs du pied, voiles palléaux, enfin ganglion nerveux. Tous ces organes sont doubles. Si la symétrie bilatérale est vraie chez quelques Mollusques, c'est bien certainement chez les Acéphales. Prenons pour exemple l'un des centres nerveux, celui qui, placé en avant du muscle adducteur inférieur des valves, préside à-l-inner- H38 IL DE LACAZE-DUTI1IKKS. vation des branchies et de la partie inférieure du manteau. Il n'est douteux pour aucun anatomiste que ce centre ne soit double et ne se compose, comme, du reste, tous les autres centres du système nerveux des Acéphales, de deux moitiés symétriques et latérales, plus ou moins éloignées ou rapprochées suivant les espèces. Morphologiquement parlant, il n'est pas douteux que, quel que soit le peud'écartement de ces deux masses nerveuses, on peut affirmer qu'il y a deux ganglions branchiaux. Chez les Acéphales, le fait de la dualité des ganglions étant admis et, je le répète, je crois que personne ne peut s'opposer à cette interprétation, voyons si toujours la chose est démontrable par les coupes prouvant l'existence ou l'absence de la lame névrilématique. Au moment où j'ai réuni les matériaux pour ce travail, il ne m'a pas été possible de me procurer des espèces dont les ganglions sus- œsophagiens soient tellement rapprochés qu'ils ne forment plus qu'une masse. Mais ils n'est pas nécessaire de multiplier outre mesure les faits, et je m'en tiendrai à l'un des mieux caractérisés qui m'est tombé sous la main ; il se rapporte au Taret. Chez cet Acéphale, les ganglions branchiaux sont extrêmement développés, cela se conçoit. Les organes à l'innervation desquels ils président, représentent à eux seuls la plus grande .partie du corps, et l'on sait, j'en ai donné de nombreux exemples dans mes différents travaux, que le développement du système nerveux est corrélatif au développement des parties auxquelles il se distribue. Ainsi, sur la première portion des gros nerfs palléaux, on voit, de chaque côté du centre branchio-palléal, se surajouter deux ganglions de renforcement. Les deux ganglions primitifs occupent le] centre et, tout en se développant beaucoup, se rapprochent et aussi dans certaine situa- tion, paraissent ne former qu'une masse globuleuse, bilobée en des- sous. Ici encore, si la présence ou l'absence d'une "couche conjonctive INVESTIGATION EN ANATOMIE COMPARÉE. 639 peut et doit servir à décider exactement de la séparation ou de la fusion de deux parties nerveuses, nous avons un moyen sûr de reconnaître la dualité ou l'unité des ganglions branchiaux et, par conséquent, la valeur de l'argument employé par nos contradicteurs. Faut-il donner une longue explication de la série des figures 24 à 29 de la planche XXXIV? La disposition est si simple, si claire et si facile à reconnaître, que quelques mois suffiront. Dans la figure 21, on voit quatre ganglions : les deux du milieu (a, a) sont les vrais ganglions branchiaux; ils sont tout à fait dis- tincts et séparés; les deux masses latérales représentent des gan- glions de renforcement ajoutés sur les origines des nerfs palléaux. Dans la figure 25, on voit les deux cercles médians devenir tan- gents, puis la courbe, dans le point de tangence, disparaître et être remplacée peu à peu par une corde qui sous-tend les restes des deux cercles (pi. XXXIV, fîg. 24 à 29). A mesure que l'on s'éloigne de la figure 24, la corde devient de plus en plus étendue, et quand elle a atteint !a grandeur du dia- mètre (pi. XXXIV, flg. 29), il n'y a plus possibilité de distinguer les deux moitiés symétriques et latérales représentant les deux gan- glions (fîg. 29, a, a). Sur le pourtour des ganglions, il est facile de voir, avant qu'ils ne soient arrivés au contact, l'enveloppe cellulaire ou la gaine névrilé- matique-, mais, du moment où la corde et surtout le diamètre se sont produits, il n'est plus possible de reconnaître le ganglion droit du ganglion gauche si ce n'est par la position, et, cependant encore sur le pourtour de la sphère unique (fîg. 29) l'existencede l'enveloppe conjonctive névrilématique ne fait aucun doute. Si donc la présence d'un névrilème était indispensable pour faire reconnaître deux parties nerveuses accolées ou soudées, et en causer la distinction, nous devrions conclure qu ici, dans la partie supérieure du centre branchial, on ne doit admettre qu'un seul ganglion, chose contraire à toutes les données do la morphologie. Bien plus, on arriverait, en ne prenant que la présence du névrilème 640 U. DE LACAZE-DUTHIERS. pour critérium, à cette conclusion absolument illogique que, dans lu partie inférieure du centre branchial, il y aurait deux ganglions, et que, dans la partie supérieure, il n'en existerait qu'un. VIII On voit, par ces exemples, pris dans les groupes les plus éloi- gnés et les moins semblables : les Céphalopodes, les Gastéropodes (Patella), les Acéphales, que des soudures existent tout aussi pro- fondes et complètes entre quelques parties du système nerveux que celles qu'on voit exister entre les deux bandelettes nerveuses du grand cordon pédieux de l'Haliotide, du Troque et de la Fissurelle. On voit encore que si l'absence de la lame névrilématique est admise comme fournissant elle seule un caractère absolu, on est amené à des conclusions antimorphologiques, puisqu'on admet- trait la confusion dans les centres nerveux des Céphalopodes, l'ori- gine du nerf acoustique sur un connectif (Patelle), enfin l'existence d'un seul ganglion branchial chez quelques Acéphales, toutes choses impossibles et irrationnelles. Nous n'admettons donc pas que la soudure, démontrée par l'ab- sence d'un revêtement névrilématique, que nous-même reconnais- sons, soit une raison suffisante pour rejeter notre interprétation ; dès lors, nous maintenons notre opinion. IX Lorsque la discussion se produisit, il n'y avait qu'un seul argu- ment, mais il fut bientôt difficile d'en rester là ; on pouvait, d'ail- leurs, prévoir que l'on serait forcé de nous suivre sur le terrain morphologique, l'argumentHiré des coupes histologiques devenant insuffisant. Il existe une disposition anatomique de la plus haute importance. Elle nous avait tous frappes, et lorsque M. Boutan a, le premier, répondu, il ne pouvait manquer de la faire ressortir. L'objection INVESTIGATION EN ANATOM1E COMPARÉE. 641 est d'autant plus importante qu'elle est plus embarrassante pour nos contradicteurs. L'existence de deux connectifs partant du cerveau et descendant au sommet du grand cordon pédieux fait naturellement naître la pensée qu'à l'extrémité de chacun de ces connectifs correspond l'un des deux centres qu'on voit leur correspondre dans les cas où les ganglions sont bien dissociés, distincts et séparés. Dans ses réponses, M. Boutan n'a certes pas manqué de présenter cette considération; on va voir comment il y a été répondu. L'argument est fort important, car jamais, de chaque côté du col- lier oesophagien, ne descendent deux cordons du ganglion cérébral aux ganglions pédieux. Si donc deux connectifs unissent le sommet du grand cordon pédieux au cerveau, c'est qu'il y a, représentés dans cette tête, deux centres différents. La loi des connexions est là, in- flexible, qui ne permet pas d'écarter cette interprétation. En 1885 (Comptes rendus, t. G, p. 324), j'avais déjà insisté sur ce fait important. Le terrain de la discussion a donc un peu changé, et c'est à la morphologie qu'il a fallu demander des preuves. Toutefois elles étaient difficiles à trouver contre notre opinion. Voici comment, dans sa dernière note, M. le professeur de Bruges répond. Il importe de citer textuellement : « L'existence de deux connectifs qui se rendraient du ganglion pédieux au ganglion cé- rébral ne prouverait pas nécessairement que le ganglion pleural est fusionné avec le ganglion pédieux. « J'ai montré, en effet, que chez Actxon (=Tornalella) , où les gan- glions cérébral et pédieux sont réunis par deux connectifs, que le ganglion pleural est fusionné avec le premier, puisque c'est de celui-ci que part la commissure viscérale. » Ce passage est précieux pour montrer combien les lois de la morphologie sont méconnues par le naturaliste belge. Lorsqu'on se laisse guider par la loi des connexions, on voit qu'il n'y a pas de Gastéropodes normaux chez qui manque l'union AUCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 2e SÉHIE. — T. VIII. 1890. 41 6t2 H. DE LACAZE-DUTH1ERS. du premier ganglion asymétrique, par un connectif, avec le gan- glion pédieux, et que jamais il n'y a deux connectifscérébro-pédieux proprement dits de chaque côté ; qu'on cite donc d'autres exem- ples de Gastéropodes chez qui les connectifs cérébro-pédieux sont doubles et où le connectif pédieux asymétrique n'existe pas, à moins qu'il n'y ait des soudures comme nous le soutenons. En ce point l'argumentation qu'on croit sans doute très forte ressemble à toutes celles qu'on fournit. Ainsi un seul exemple, Tor- natella, suffirait à renverser une loi que tous les malacologistes tiennent certainement pour absolue, et cela parce qu'on a trouvé un seul exemple qui n'est pas étudié de telle façon qu'il ne puisse être interprété comme on doit le faire. Je l'avoue, le fait de l'Actéon (=Tornatella) fût-il démontré, que je n'y pourrais voir qu'une seule exception dont il faudrait encore rechercher la cause ou l'explication, mais qui ne pourrait en au- cune façon infirmer ce que des milliers d'autres exemples démon- trent péremptoirement. De plus, dans cet argument, n'est-il pas curieux de voir employer une façon de raisonner semblable à celle qui est critiquée quand il s'agit de nos opinions : « J'ai [montré (dit le professeur de Bruges) que le ganglion pleural est fusionné avec le premier (cérébral), puisque c'est de celui-ci que part la commissure viscérale. » Mais nous ne disons pas autrement pour les ganglions pleural et pédieux, et l'on va voir que le naturaliste belge étant dans l'im- possibilité de limiter, de dire où finit le ganglion pleural, il nous sera permis de soutenir, comme lui, « que le ganglion pleural est fusionné avec le ganglion pédieux, puisque c'est du dos du cordon pédieux que part ou naît la commissure viscérale ». D'ailleurs ne voit-il pas que, dans la fusion du ganglion pleural avec le cerveau, il y a une preuve que la fusion peut tout aussi bien se produire ailleurs, et que, dans le second connectif qui est dit partir du cerveau pour aller au ganglion pédieux, on doit voir le connectif pleuro-pédieux devenu long par cela même que ce INVESTIGATION EN ANATUMIE COMPARÉE. 643 ganglion pleural est forcément remonté pour se rapprocher du cer- veau, qu'enfin le connectif pleuro-cérébral semble avoir disparu, tellement il s'est raccourci. Je rappelle que j'ai donné le nom de Notoneurés aux Gastéropodes présentant cette disposition {Comptes rendus, t. CVI, 12 mars 1888). Est-il besoin d'ajouter que le travail que je rappelle a été critiqué par l'auteur de Bruges ? Il semble inutile d'insister plus longuement sur un argument dont la faiblesse est évidente, puisqu'il ne repose que sur une exception encore douteuse, parce qu'elle est insuffisamment étu- diée ou que la présence des deux connectifs est faussement inter- prétée. Occupons-nous de l'anatomie proprement dite, car il importe d'y revenir. Les dissections nous ont conduits à des résultats bien différents, M. le professeur de Bruges et moi, si l'on en juge par la différence des dessins que nous avons donnés ; en quelques points, ils se res- semblent en effet bien peu. Les observations anatomiques doivent porter sur les points sui- vants : proportions relatives des parties ; sillon latéral du grand cor- don; pénétration des connectifs dans le haut de la masse nerveuse du cordon; origines de la grande commissure croisée; commissure pédieuse ; enfin nerfs pédieux et épipodiaux. XI Étudions d'abord le Troque qui présente des conditions d'obser- vations excellentes. Dans une note insérée aux Comptes re?idus (t. C, p. 323), je disais : « Dans les Troques, la démonstration prend un caractère d'évidence extrême ; elle devient élégante par la netteté des résul- tats qu'elle donne. » C'est, paraît-il, cette indication qui a conduit 044 H. DE LACAZE-DUTHIERS. M. le professeur de l'école de Bruges à reprendre l'étude de ces animaux, et après ses nouvelles études, il m'a trouvé plus en faute que jamais, ce qu'il a montré dans une seconde note renfermant toujours les mêmes arguments, mais accompagnés cette fois de dessins. Comme c'est plus particulièrement à propos des observations re- latives au Troque présentées par moi à l'Académie en 1885 {Comptes rendus, t. C, p. 320) que le professeur belge m'a de nouveau adressé des critiques, j'ai disséqué de nombreux individus de Trochus magus et T. umbilicatus , afin de m'assurer si je n'avais pas fait quelques erreurs. J'ai revu les dessins que j'avais en portefeuille, et en les rapprochant de mes préparations, je n'ai pas eu à y modifier grand chose. J'en opposerai quelques-uns à ceux qu'a donnés mon contra- dicteur. On doit remarquer d'abord que la figure 1 de la planche XXXIII, exactement copiée sur celle qui accompagne le travail du profes- seur de Bruges, afin qu'on puisse plus facilement la comparer à celle que je donne et qui est tout à côté d'elle, ne représente pas le côté gauche, comme le dit l'auteur, mais bien le côté droit l. Je n'insiste pas, bien que la précision soit nécessaire, ne fût-ce que par prudence, quand on se porte en critique si sévère. Ce qu'il importe de remarquer en comparant cette figure à celle que je lui oppose (pi. XXXIII, fig. 3 et A), c'est la différence dans les proportions des parties. Dans cette figure, le connectif (k) est à peine deux fois aussi long que le plus grand diamètre du cerveau (a). Or, sur les animaux que j'ai disséqués, c'est au moins quatre fois cette longueur que le con- nectif cérébro-asymétrique mesure; les proportions que j'indique 1 Voici la légende de la figure tirée de l'explication des planches, toc. cit., p. 199, fig. 1. — Trochus umbilicatus; partie antérieure du système nerveux, vue du côté gauche: a, ganglion cérébral; a', commissure cérébrale; b, cordon pédieux; c, gan- glion pleural; o, commissure viscérale; p, nerf columellaire; g, nerf pédieux; g', nerfs épipodiaux; r, sillon latéral. INVESTIGATION EN ANATOMIE COMPARÉE. 645 ont été évaluées à l'aide du compas, ce dessin n'a pas été fait par à peu près. Ensuite, c'est le ganglion (c) qui, dans cette figure, est très bien sorti et différencié; aussi, d'après ce dessin, ne serait-il pas possible de se refuser à reconnaître dans la partie (c) un ganglion parfaite- ment délimité. Mais la brièveté du connectif cérébro-asymétrique (k) est bien faite encore pour détacher ce ganglion et pour le différen- cier nettement du centre pédieux en le relevant vers le cerveau. Dans aucun des très nombreux individus que j'ai disséqués et dont je conserve les préparations ne laissant aucun doute, je n'ai trouvé une masse aussi renflée et aussi pédonculée. Si telles étaient les dispositions dans les individus disséqués par mon contradicteur, je comprends son opinion -, voici pour moi ce que j'ai vu (pi. XXXIII, fïg. 3 et 4). Les deux connectifs ont à peu de chose près la même longueur; mais le renflement ganglionnaire faisant suite au connectif cérébro- asymétrique et à l'origine de la commissure croisée, tout près de la tête du grand cordon, a la forme d'un V et n'est jamais aussi éloigné du cordon pédieux que dans la figure du naturaliste de Bruges. Nous aurons à revenir sur cette partie du cordon à un autre point de vue. Mon dessin a été fait avec le plus grand soin, sur des animaux diversement préparés et à l'aide de mesures précises, évaluées avec le compas, je le répète, en prenant pour unité de grandeur le grand diamètre du cerveau. M. le naturaliste belge a étudié Haliotis, comme Trochus, sur plusieurs spécimens, afin de n'être pas trompé par une disposition individuelle ou un cas tératologique ; pour moi, j'ai tellement multiplié les préparations et examiné tant d'individus que je n'ai pas eu à craindre les cas tératologiques, n'en ayant jamais rencontré, et quant à la variabilité individuelle, elle se manifeste dans des limites qu'on apprécie rapidement quand on a fait de fort nombreuses dissections. Bien qu'il soit difficile de tuer les Troques dans une grande 646 H. DE LACAZE-DUTHIERS. oxpansion, le lecteur, après avoir comparé la figure \ aux figures 3 et 4, remarquera certainement que la longueur des connectifs, ou pour mieux dire du collier œsophagien, dans la figure que je donne opposée à la môme longueur de la figure que je critique, n'indique pas dans la mienne une grande contracture de l'animal. Ce serait, au contraire, dans la figure donnée par le professeur de Bruges qu'il faudrait chercher les effets de la rétraction due à la préparation. Je dois dire que, dans le Trochus umbilicatm, le V du centre asy- métrique est plus dégagé de la tête du grand cordon que dans le Trochus magus (fig. 3 et 4). On aurait ce qui existe dans cette espèce en abaissant dans la figure 4 et la figure 3 la tête du cordon pédieux pour la partie correspondant au connectif(c) pédieux, à peu près jusqu'au niveau des deux gros nerfs placés au-dessus de la ligne ponctuée partant de X. Dans quelques individus même, on verrait cette extrémité du centre pédieux descendue un peu plus bas encore; mais jamais la partie Z n'est semblable à ce qu'elle est dans la figure i'(c). Les figures 3 et 4 sont prises sur les exemples les plus caractérisés par la disposition que nous avons opposée à celle qu'on voit dans la figure 1, c'est-à-dire qu'elles représentent les cas où les deux points d'arrivée des deux connectifs sont les plus voisins et où le V asy- métrique est le moins élevé. Je le répète, les différences individuelles sont telles que la partie asymétrique, dans les points d'union avec le centre pédieux, peut être un peu plus sortie, mais jamais la pointe du V ne manque de se continuer avec le bord dorsal du sillon latéral. Le sillon latéral du cordon pédieux est bien caractérisé et à bords fort nettement accusés. Cependant, si quelquefois il peut paraître peu profond, jamais il n'a été possible de le voir semblable à la re- présentation qui en est donnée dans la figure I, pi. XXXIII. J'ai tellement multiplié les préparations, je les ai répétées un si grand nombre de fois dans la crainte de me tromper, que je crois pouvoir affirmer que jamais on ne rencontre sur la face latérale du cordon INVESTIGATION EN ANATOM1E COMPARÉE. 647 pédieux un sillon rcpréscntable par une ligne presque délicate comme c'est le cas dans la figure donnée par mon contradicteur (voir pi. XXXIII, fig. I, ;•). Malgré cela, que l'on considère cette figure sans esprit de parti, tout inexacte qu'elle paraîtra, si on la compare aux figures 3 et 4 de la môme planche, n'indique-t-elle pas néan- moins avec pleine évidence le partage du cordon en deux moitiés correspondant chacune à chacun des connectifs? Dans les Troques, ce sillon latéral est loin d'être aussi profond que dans l'Haliotide, comme on le verra plus loin. Cependant, les coupes le montrent encore parfaitement évident (pi. XXXIV, fig. i à 17), mais dans des proportions moindres ; cela est certainement dû à l'état de contracture que déterminent toutes les manipulations nécessaires pour arriver à l'inclusion dans la paraffine. Ce qui ne peut surtout faire de doute quand on compare, dans la planche XXXIII, les figures 3 et 4 à la figure 1, c'est la continuité du bord antérieur du bourrelet dorsal avec le même bord du connectif cérébro-asymétrique. Dans la figure 3, on voit surtout un exemple bien caractérisé de la gouttière dont la limite dorsale est continuée avec le bord anté- rieur du connectif asymétrique. Je conserve une préparation du lrochus magus où la partie du système qui nous occupe est in situ. Les parois du pied et du corps ont été seules enlevées pour laisser voir le grand cordon pédieux de profil et l'on y reconnaît absolument la forme et la disposition dessinées dans cette figure 3. Si l'on fait une préparation sur un animal fraîchement tué, la distinction de la partie dorsale et de la partie ventrale séparées par la dépression, le sillon, la gouttière (comme on voudra), est facilitée par la différence de la coloration des parties. La portion pédieuse est jaunâtre, tandis que la partie formant le bourrelet dorsal est plus blan- châtre, Cette différence de la coloration aide beaucoup à reconnaître la partie pédieuse. C'est pour cela que j'avais dit dans ma note qui a ^té critiquée que, dans les Troques, la démonstration était élégante. G48 H. DE LACAZE-DUTHIERS. Mais il est encore facile de rendre plus évidente la distinction des deux bourrelets limitant le canal, en colorant la totalité du cordon à l'aide d'un carmin quelconque dissout. 11 faut seulement avoir le soin d'arrêter l'imprégnation assez tôt, afin d'obtenir l'effet désiré. Voici ce qui se passe. On va retrouver encore ici les mêmes faits quepour l'Haliotide. Le fond de la gouttière ,où se trouvent des élé- ments plus avides de matière colorante, se colore plus vivement que les deux bourrelets. L'on voit alors avec toute évidence la dé- pression rouge correspondant à la gouttière entre les deux bandes à peine rosées. La partie du cordon pédieux qu'il importe le plus d'étudier ana- tomiquement est sans contredit le point où arrivent et convergent les deux conneclifs, point que nous désignons, pour la commodité de la description, par les mots de tête du cordon pédieux. Les diamètres des connectifs pédieux et asymétrique sont loin d'être égaux; le diamètre du premier est toujours bien inférieur à celui du second ; en arrivant surtout auprès de la tête du cordon pédieux, ils se renflent l'un et l'autre, mais c'est principalement la base du connectif asymétrique qui se développe et prend vite l'ap- parence d'un centre ; cependant je ne l'ai jamais vu comme il a été représenté dans la figure 1. Le connectif pédieux arrive au sommet arrondi en avant du cordon et se perd dans cette partie qui varie un peu de forme 'avec les indi- vidus, mais qui. toujours est un peu étalée, et plus ou moins évidente, suivant que, par suite des manipulations et de l'action des réactifs, la portion dorsale du cordon s'est ou relevée en arrière ou rabat- tue sur les côtés, et a découvert ou masqué la gouttière; ce sont ces deux états que représentent les deux figures 3 et 4, dans lesquelles le bourrelet dorsal paraît très étroit et la gouttière large (fig. 3), ou bien fort large et la gouttière plus étroite (fig. 4). Voyons maintenant comment se comportent les deux connectifs d'un même côté. Ainsi que le prouvent les coupes, on les voit d'abord se rappro- INVESTIGATION EN ANATOMIE COMPARÉE. 649 cher, puis devenir tangents (pi. XXXI V, flg. 1, 2 et 3), enfin se sou- der, se fusionner, leur masse se confondant suivant la ligne d'union. En descendant du point où ils sont séparés et en arrivant dans la tête du cordon pédieux, on reconnaît très bien cette fusion des deux parties faisant suite aux connectifs. La distinction en ce point, par une lame conjonctive de séparation, est impossible à trouver: la lame n'existe pas; cependant il n'est pas douteux que les deux parties arrondies qui sont accolées d'abord, confondues ensuite, correspondent aux connectifs, bien qu'elles ne soient plus séparées. Mes contradicteurs soutiennent que là s'arrête tout à coup la partie dépendant du premier ganglion asymétrique faisant suite au connectif correspondant. Je soutiens, au contraire, que le centre asymétrique se prolonge après s'être uni au centre pédieux, mais que bien qu'il lui; soit soudé et uni, il n'en reste pas moins mor- phologiquement et physiologiquement différent par ses attribu- tions. Du reste, puisque l'on invoque d'une façon si impérieuse la valeur des coupes, pourquoi n'en donne-t-on pas une série au lieu de n'en présenter que quelques-unes, et encore dans des points éloignés ? On aurait montré peut-être où s'arrête le centre asymétrique, et en fixant ainsi le point net où il finit, on eût bien mieux déterminé la conviction. Revenons maintenant au connectif asymétrique, et voyons ce qu'il devient, d'après ce que l'on peut constater par l'anatomie seule. Les figures 3 et 4 montrent que ce connectif, en arrivant au voi- sinage de la tête du grand cordon pédieux, se renfle et devient plus ou moins conique; mais aussi que de nombreuses variations se présentent en ce point, quant au volume, et que si le renflement remonte plus ou moins sur la partie libre du connectif, on découvre quelque différence de forme dans le point d'origine de la grande commissure croisée. 6S0 H. DE LÀGAZE-DUTHIERS. Toujours est-il que l'origine de cette commissure est, elle aussi, plus ou moins développée et, que s 'ajoutant au gonflement de la partie où arrive le connectif, elle forme un V (fig. 3 et 4, Z, Z) dont les deux branches correspondent aux connectifs eux-mêmes d'une part, et à l'origine de la commissure d'autre part, et dont la pointe s'allongeanl beaucoup forme le bourrelet dorsal limitant la gout- tière en arrière. C'estpour observerceVqueles imprégnations au carmin sont utiles et rendent les démonstrations faciles. Je ne crois pas qu'il puisse y avoir un doute possible pour quiconque a fait la préparation que j'indique, et que les figures 3 et 4 représentent; surtout si on les rapproche de la figure 1 du travail belge, il n'est personne qui puisse se refuser à reconnaître, à la vue du cordon partant de la pointe du V (figure 3,Z), que la bandelette dorsale est bien la continuation de la partie Z (centre asymétrique). Que l'on dispute tant que l'on voudra sur l'absence de la lame conjonctive; je reconnais moi-même qu'elle n'existe pas. Mais vraiment, en face du peu de valeur qu'ont les soudures pour arriver à unifier des parties rapprochées mais différentes physiologique - ment, il faut être bien prévenu pour nier la continuité des parties telles que nous les indiquons et telles qu'on les voit en faisant les préparations convenablement. Sans invoquer des lettres d'auteurs, auxquels je n'ai pas plus écrit que M. Boutan, je dirai pourtant que j'ai montré des préparations, et qu'elles ont paru convaincantes à des zoologistes dont la compé- tence en fait d'anatomic fine est incontestable, parce qu'elle est incontestée après des travaux de grande valeur sur lesquels il n'est pas besoin d'appeler l'attention par la polémique. Puisque l'auteur a cru avoir montré le système nerveux du Tro- chus umbilicatus du côté gauche, je présenterai cette partie qui sou- lève les difficultés du même côté (pi. XXXIII, fig. 3), mais sans atta- cher une grande importance à la différence que présentent les deux côtés. L'arrivée des deux connectifs se fait sensiblement de la même INVESTIGATION EN ANATOMIE COMPARÉE. 651 manière, à droite et à gauche; seule l'origine de la commissure en a est moins relevée, elle se porte plus directement en arrière. Gette disposition est la conséquence de la marche différente suivie par les deux branches des deux côtés du corps. L'un des arguments que M. le professeur de Bruges considère comme ayant une grande importance, cela est rendu évident par l'insistance qu'il met à le reproduire dans la seconde notice, c'est l'absence d'une commissure qui ne doit pas exister entre les gan- glions pleuraux ou premiers asymétriques. Il nous reproche de faire commissurer ces deux ganglions ; nous réfuterons cet argument en nous occupant de l'Haliotide, afin d'éviter les répétitions. Mais je veux revenir encore sur une différence qui existe entre les figures 3 et 4, d'une part, et la figure 1, d'autre part, de la plan- che XXXIII. D'un côté, dans la figure 1 , on ne voit que deux nerfs pédieux très espacés (q, q), tandis que pour la même étendue, dans les figures 3 et 4, les nerfs pédieux sont relativement très nombreux. A quoi peuvent bien tenir ces différences, si ce n'est que le dessin de la figure 1 a été fait, sans doute, un peu précipitamment et par à peu près? Les nerfs pédieux sont très nombreux et rapprochés dans les Troques ; ils naissent en avant des deux côtés et leur direction est perpendiculaire à celle du cordon pédieux. Qu'on le remarque, ce n'est là ni le mode habituel d'origine ni celui de la distribution des nerfs pédieux, qui ordinairement nais- sent par paires, fort souvent une supérieure, une moyenne et une, beaucoup plus grande, inférieure. Ces trois nerfs sont de grosseur différente et proportionnée à la longueur de leur parcours ainsi qu'au nombre de leurs branches de division et de terminaison. Ici, sauf le nerf -supérieur, qui est un peu plus volumineux, qui se porte dans la partie supérieure ou sub-buccale du pied et qui naît de la terminaison antérieure et renflée du cordon pédieux, tous les autres 632 H. DE LACAZE-DUTHIERS. sont à peu près de grosseur égale et sortent perpendiculairement de la bandelette. Ils semblent naître d'un centre et ne pas être le résultat d'une subdivision d'un ou plusieurs nerfs. On a vu que le professeur belge n'a pas manqué de rappeler que j'ai appelé tantôt nerf, tantôt cordon ganglionnaire, tantôt centre, le cordon pédieux; cela est vrai. Dans mon premier travail, j'avais dit le nerf pédieux; plus tard, les considérations que je viens de rap- peler m'ont fait pencher vers cette autre idée, que le cordon pouvait bien avoir le^caractère d'un centre. D'autant plus que, véritablement, dans ces animaux comme dans l'IIaliotide, tous les centres s'allongent, s'aplatissent, et que l'on ne trouve plus l'apparence et la forme globuleuse des ganglions si net- tement dessinée de tant d'autres Gastéropodes. Lorsque, pour une discussion, les arguments sont peu nombreux, il faut bien en trouver coûte que coûte, et alors on épilogue sur les mots. Dans les études morphologiques, bienheureux sont ceux qui, du premier coup, arrivent à des conceptions définitives ; mais ceux-là sont rares, les idées générales ne s'acquièrent qu'après une longue suite d'études, elles ne se constituent que lentement et peu à peu. Ce ne sont pas quelques dissections faites à main levée pour se jeter au travers d'une discussion qui les donnent. Il est bien plus facile de prendre une idée trouvée par un autre pour la critiquer, que d'arriver par soi-même et du premier coup à découvrir du neuf et du vrai. Il est bon de le répéter, les idées générales ne s'acquièrent qu'après de longues recherches consciencieuses et non par des cri- tiques n'ayant d'autre but que de faire du bruit sur son nom. XII Voyons maintenant quelles dispositions on rencontre dans l'IIalio- tide. Les critiques que j'avais d'abord laissées sans réponse ont fini INVESTIGATION EN ANATOMIE COMPARÉE. 653 par me conduire à refaire une partie de l'anatomie du système ner- veux de ce Mollusque intéressant. Les dessins, figures 6, 7, 8 et 9, de la tête du cordon pédicux donnent, d'une façon bien plus com- plète que je ne l'avais fait en 1859, les origines des nerfs nombreux qui naissent en ce point. Ce sont les nerfs du cou et du manteau. A côté des faits anciennement publiés et dont je n'ai eu qu'à con- stater la parfaite exactitude, sauf une erreur sur laquelle je revien- drai, j'ai revu plus attentivement certaines dispositions et, en parti- culier, j'ai étudié de nouveau le sillon longitudinal sur lequel il me sera possible d'ajouter quelques détails qui ne se trouvent pas dans mon premier travail. Le sillon latéral est si caractérisé, il apparaît si facilement quand on regarde de profil une préparation d'Haliotide, qu'on reste étonné en face de quelques dessins qu'on en a donnés. Quant on lit les travaux des critiques, c'est à se demander si les auteurs ont fait des préparations soignées du cordon, avant d'en avoir fait les coupes. J'ai donc de nouveau, sur de très gros, sur de très petits et sur des individus de moyenne taille, cherché à revoir ce sillon; j'ai varié mes préparations de toute manière en durcissant avec les liquides les plus divers et estimés, et toujours j'ai pu me convaincre que si j'avais un reproche à faire à mes premiers dessins, c'est qu'ils n'ac- cusaient pas assez cette gouttière, ce canal établissant la séparation entre le bourrelet dorsal et le bourrelet ventral. Il faut le dire, à l'époque où je fis mes études (1858), j'étais loin de prévoir les cri- tiques qu'on a depuis soulevées. Alors, en eû'et, l'idée générale me frappait seule, je ne songeais guère à accumuler les preuves à l'aide des détails ; elle dominait toutes les considérations, et les dessins n'avaient pas été, pour les détails, peut-ôtre assez finis en quelques points, chose qui m'est, bien entendu, reprochée. Pour l'Haliotide comme pour le Troque, je possède des prépa- rations qui sont absolument démonstratives. J'ai multiplié, disais-je, les préparations, et j'avoue qu'il faut ou 684 H. DR LACAZE-DUTHIlîKS. être bien prévenu, ou avoir bien peu disséqué l'Haliotide pour ne pas reconnaître les faits suivants : Si l'on isole, avec tous les soins nécessaires, la partie correspon- dant à l'union des ganglions pédieux et des premiers ganglions asy- métriques, ainsi qu'une certaine étendue du cordon pédieux; si l'on place la pièce sur le côté, afin de l'observer de profil, surtout per- pendiculairement à l'incidence des rayons lumineux tombant à 45 degrés d'une loupe éclairante, on reconnaît que les deux con- nectifs, descendant du cerveau, viennent s'unir l'un et l'autre à la tête du cordon pédieux à peu près à la même hauteur; que la gouttière commence immédiatement au-dessous de leur jonction, et que les bourrelets antérieurs et postérieurs s'accusent davantage à mesure qu'on s'éloigne un peu de cette extrémité où sont arrivés les deux conneclifs. On reconnaîtra aisément la gouttière qu'a très bien décrite M. Weg- mann, bien mieux que je ne l'avais fait, et que les coupes démontrent absolument et bien plus profonde (fig. 1 1 et 12 et toutes les figures de la planche XXXV) que ne l'a montrée le professeur belge. Il y a, sans doute, beaucoup de différences individuelles ; mais, entre les figures que je donne et les figures 10 et 11 delà notice de l'auteur belge il n'est pas possible d'établir de comparaison; dans sa figure 11 surtout, le sillon n'existe pour ainsi dire pas. Ce qui paraît de la façon la plus manifeste encore, comme le montrent les figures 6, 7, 8 et 9, planche XXXIII, c'est que le bour- relet dorsal se continue avec la base du connectif cérébro-asymé- trique, et que l'origine de la commissure croisée naît des parties unies formant non plus un V, comme dans le Troque, mais un arc à concavité supérieure. Pour bien exécuter la préparation et laisser les parties en place, voici comment on doit s'y prendre : supposons qu'elle soit faite par le côté droit; après avoir fendu sur le dos la paroi du cou, et décou- vert les branches de la commissure croisée pour les écarter et ne pas les tirailler, on doit enlever par tranches minces le muscle colu- INVESTIGATION EN ANATOMIE COMPARÉE. 638 mellaire perpendiculairement à sa large surface d'insertion sur la coquille ainsi que toutes les parties musculaires pédieuses consti- tuant la cavité cervicale, jusqu'à ce que l'on découvre le canal dans lequel flotte le grand cordon pédieux; on peut alors avec quelques précautions mettre à nu la tête du cordon et respecter facilement les différents nerfs qui naissent de cette partie compliquée, comme le montrent les figures 7 et 8. Le bourrelet (cp) pédieux et le bour- relet (cz) asymétrique limitent bien la gouttière qui est remplie par un vaisseau enlevé dans la partie supérieure et resté en place dans la partie inférieure du dessin (pi. XXXIII, flg. 8). Dans la figure 19, planche XXXV, correspondant à la fin du tiers supérieur du cor- don, la coupe de ce vaisseau a été conservée en face de l'ouverture de la gouttière; à mesure que l'on descend plus bas, le vaisseau se dégage, en effet, de la gouttière et n'est plus placé qu'en face de son ouverture, comme le montre cette figure. Que l'on considère les parties isolées, soit par le dos (pi. XXXIII, fig. 6), soit du côté antérieur (flg. 9), toujours les deux bourrelets sont extrêmement évidents et la dépression entre eux deux est fort caractérisée. L'amincissement de la partie médiane du grand cordonest souvent tel, qu'on distingue (fig. 10) au travers de sa paroi, en l'observant par le côté interne, l'intérieur du canal; tous les échantillons ne montrent pas aussi bien cette transparence, mais on la rencontre chez quelques gros sujets assez fréquemment. Quant à l'argument tiré de l'absence d'un sillon sur la face interne de chacun des cordons que le professeur belge met en avant1, il n'a vraiment aucune valeur et ne mérite même pas de nous arrêter. Dans quelques cas, j'ai vu les deux moitiés du cordon tellement ployées l'une sur l'autre (pi. XXXIII, fig. 12) que je me suis expliqué comment M. Wegmann et moi-même en 1858 avions pu croire aux deux moitiés; et l'amincissement est quelquefois tel entre ces deux 1 Voir loc. cit., deuxième notice, 1890, p. 148. 686 H. DE LACAZE-DUTHIERS. parties que la déchirure se produit pendant les dissections sans qu'on cherche à la déterminer. L'idée que l'on doit se faire du cordon pédieux est celle-ci : Il est représenté en général par une lame plus mince dans le milieu, ployée suivant la longueur sur la ligne médiane, et dont les bords sont plus épais et forment les bourrelets d'où naissent les nerfs épipodiaux et pédieux. Ici, plus encore peut-être que chez le Troque, ces deux bourre- lets, quand on colore la pièce totalement, sont d'un rouge moins foncé que la partie médiane de la lame répondant au fond de la gouttière ; leur apparence (je dis leur apparence) est plus voisine de celle d'un nerf, d'un connectif, que de celle d'un centre gan- glionnaire proprement dit. C'est pour cela probablement que je l'ai d'abord appelé nerf. C'est surtout dans l'Haliotide que les colorations bien conduites donnent des résultats absolument démonstratifs par l'intensité dif- férente des tons du rouge qu'acquièrent les parties. L'une des préparations qui montrait le mieux la continuité des bourrelets et des connectifs avait été faite sur un animal plongé, pendant son épanouissement, dans le liquide de Kleinemberg à l'acide sulfurique, et y avait séjourné plusieurs jours. Les fibres des muscles ramollies se dissociaient aisément, et le système nerveux avait pu être isolé sans aucune difficulté; mais comme il était un peu mou, je dus le faire durcir par une immersion nou- velle dans l'acide chromique à 1 pour 100. La teinte jaunâtre donnée par ce dernier réactif avait déjà fait apparaître avec pleine évidence la continuité des connectifs et des bourrelets du cordon pédieux. Mais ce fut surtout après une coloration totale peu intense au carmin de Grœnacker mélangé à l'eau que la disposition devint aussi évidente que possible. Le connectif cérébro-asymétrique et le bourrelet dorsal du cordon pédieux étaient à peine rosés et ne pa- raissaient faire qu'un, tant leur continuité était évidente. INVESTIGATION EN ANATOMIE COMPARÉE. 657 Du reste, les animaux durcis au sublimé, à la liqueur de Lang, à l'alun, à l'alcool seul, ont tous montré celte continuité du connec- tif et du bourrelet dorsal. Si l'on veut bien réussir cette préparation, la coloration doit être surveillée, afin d'obtenir, sur les bourrelets, la teinte aussi lé- gère que possible. La différence dans la coloration des bords et du fond de la gouttière tient évidemment à la nature des tissus qui se trouvent là, et qui s'imprègnent différemment et plus facilement les uns que les autres. Avant d'aller plus loin, je dois faire remarquer que l'état de con- tracture de l'animal ne m'a pas paru avoir d'influence sur les rap- ports et les proportions des parties nerveuses entre elles. Le point du corps où se trouve la réunion des ganglions pédieux et des premiers asymétriques est tellement musculeux et a des rapports tels avec le muscle columellaire, que, toujours sur les animaux que j'ai pu obtenir morts dans le plus grand relâchement, et sur ceux plongés vivants dans les liquides durcissant, je ne trouvais pas de différence. Une cavité infundibulaire existant vers la fin ou le bas de la région cervicale, là, les centres nerveux ne peuvent pas être déformés, puisque les parois de la cavité ne les touchent pas. Le pied lui-même ne peut pas se raccourcir assez pour que, par suite de ses contractions, le cordon pédieux soit également dé- formé. La raison en est dans ce fait que le cordon est toujours flot- tant dans un espace béant chez les animaux même les plus durcis. D'ailleurs, quiconque a observé une Haliotide dans son plus bel état d'épanouissement reconnaîtra qu'entre elle et un autre individu mort fortement durci, la différence des proportions de la partie centrale de leur corps est infiniment moindre que pour les autres Gastéropodes. Cela tient à la disposition du muscle columellaire, qui, aplati et énorme, occupe une place telle, qu'il ne permet pas la rentrée du corps dans la coquille à peine turbinée. Tout me fait donc penser que les dispositions que je décris et que j'ai dessinées, vu le grand nombre]de préparations faites, nesont ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 2° SÉ1UE. — T. VIII. 1890. 42 658 II- DE LACAZIi-DUTHIERS. nullement la conséquence des macérations dans les liquides, ou d'an état tératologique que je n'ai jamais rencontré. Revenons aux connectifs et considérons leur arrivée dans la tête du cordon pédieux. L'un est antérieur et d'un diamètre un peu plus faible que le pos- térieur. Celui-ci, en arrivant auprès de la tête du cordon, se tumé- fie légèrement; immédiatement après sa fusion avec le cordon pé- dieux, naît un gros tronc également renflé, plus ou moins olivaire, tout près de son origine. Ces gros troncs marqués (u), (v), dans la planche XXXIII et dans les figures 6, 7, 8, 9, forment la première partie, l'origine de la grande commissure croisée. Les points où se trouvent les origines de la commissure croisée et où arrivent les connectifs asymétriques correspondant aux gan- glions, appelés par les auteurs pleuraux, que je nomme premiers asymétriques droit et gauche, sont intimement soudés avec la tète des ganglions pédieux. Supposons pour un moment que les ganglions correspondant à chacun de ces groupes soient arrondis, sphéroïdaux, comme c'est l'habitude, on les reconnaîtrait aisément; mais ici il n'en est plus de même, que ferons-nous de tout le reste du cordon pédieux descendant jusqu'à l'extrémité du pied? Évidemment ce ne peut être un nerf, puisqu'il présente une couche extérieure de cellules nerveuses. C'est donc un prolongement ganglionnaire qui court sur la face dorsale de la lame pédieuse ; mais quel est celui des deux centres pédieux ou asymétrique qui s'est ainsi prolongé? Est-ce le centre asymétrique? On le nie. Est-ce le centre pédieux seul? C'est ce que soutiennent MM. Spengel et Bêla Haller. C'est cette opinion que l'auteur belge fait tous ses efforts pour rendre sienne, alin d'arriver, peine perdue, à résumer en lui seul toute la discussion. Or, dans cette tête du grand cordon pédieux où l'on voit venir se souder, se confondre en s'accolant, le connectif asymétrique et le conncclif pédieux, où incontestablement se trouvent représentés ces INVESTIGATION EN ANATOMIE COMPARÉE. <;.VJ deux centres, on soutient que le centre asymétrique s'arrête brus- quementaupointd'où émerge la grandeeommissurc.Jeprie le lecteur de porter ses regards sur les figures 7, 8, 9 et 10 de la planche XXX111 qui ont été faites d'après nature avec le plus grand soin, et je lui demande s'il lui sera possible de fixer un point où devrait s'arrêter le centre asymétrique, comme le soutiennent nos contradicteurs ; s'il lui sera même possible de trouver un indice quelconque pou- vant faire supposer l'arrêt de ce centre? Dans ces figures, les con- nectifs, à leur arrivée près de la tête du grand cordon pédieux, ont été écartés beaucoup trop, afin de mieux montrer leur distinction ; on verra dans les coupes, qu'en réalité, pour devenir coalescents, ils doivent être plus rapprochés qu'ils ne le paraissent dans ces figures. Il faut avoir des idées bien arrêtées d'avance, pour, en face de ces préparations, soutenir que tel centre s'arrête brusquement, que tel autre continue sa marche en s'allongeant seul. Mais, en admettant qu'il n'y a qu'un centre qui s'allonge, au moins faudrait-il indiquer les caractères permettant de reconnaître les limites de celui qui s'arrête ; c'est ce qu'on ne fait pas. Nous sommes ici en présence d'un état de la forme ganglionnaire tout particulier. On ne peut nier, ni la soudure des deux centres, ni rallongement au moins de l'un deux. Pourquoi refuser ce caractère général du groupe à un seul des ganglions? En étudiant les coupes, nous allons voir encore l'impossibilité où l'on est, de dire : là s'arrête le centre asymétrique, là commence le centre pédieux. J'espérais trouver dans le travail critique du contradicteur belge le moyen de discerner la ligne de partage entre les deux centres. Voici ce qu'on y trouve relativement au connectif podo-asymétrique. « Le ganglion pleural est accolé au cordon pédieux par une large surface qui représente le connectif pleuro-pédieux réduit à sa plus simple expression (loc. cit., p. 184). » Voilà une singulière façon d'indiquer la présence d'un connectit' en le prenant pour une surface. 6G0 H. DE LACAZE-DUTHIERS. Qu'on se reporte à la figure 1 reproduite dans la planche XXXIII et qu'on se demande où doit être cette surface représentant le con- nectif pleuro-pédieux réduit à sa plus simple expression. Dans cette figure si heureusement disposée pour la démonstration de l'opinion de la critique, et que je ne puis accepter comme étant exacte, car jamais je n'ai vu le ganglion asymétrique (c, pleural de la planche XXXIII, figure 1) du Troque aussi séparé du cordon pé- dieux, dans cette figure, dis-je, ne serait-il pas tout naturel de con- sidérer l'espace compris entre les deux lignes 3 et 4 et représentant un véritable étranglement ou pédoncule au-dessous du ganglion pleu- ral (c), comme étant le connectif pédieux-asymétrique.Dans ce cas, on pourrait prendre tout ce qui est au-dessous de la ligne 4, comme appartenant au centre pédieux. Mais une simple surface représen- tant un connectif, c'est là vraiment une expression qui étonne quand on considère cette figure 1 . Si mes préparations m'avaient montré des dispositions semblables, si j'avais fait un dessin comme celui de la figure 1, je n'aurais certes pas balancé à considérer le pédon- cule compris entre les lignes 3 et 4 comme étant un connectif, et tout ce qui est au-dessous de la ligne 4 comme dépendant du centre pédieux. Mais l'auteur belge n'est-il pas revenu lui-même sur sa définition du connect if-sur face? On pourrait le croire en lisant son résumé, deuxième note, page 154, où il dit : « Dans tous les Rhipido- glosses,il existe des ganglions pleuraux distincts reliés aux ganglions pédieux par des connectifs pleuro-pédieux distincts quoique courts. » C'est là une affirmation à l'appui de laquelle nul dessin ne vient donner une confirmation; pour mon compte, j'attendrai avec une grande curiosité la figure du connectif pleuro-pédieux distinct des Haliotides. J'espère bien que notre contradicteur belge se hâtera de donner cette satisfaction à ceux qu'il critique si activement et si les objets lui manquent, je puis lui faire expédier, de Roscoff, une bourriche d'Ilaliotides, qui, d'ailleurs, lui serviraient aussi à donner une figure précise de la marche du nerf acoustique de cet animal. INVESTIGATION EN AMATOMIE COMPAREE. GG1 XIII Mais nous voici arrivés à l'un des arguments les plus importants, puisque je soutiens, dit l'auteur belge, une chose qui n'arrive jamais chez les Gastéropodes, puisque je fais commissurer (suivant son expression) les deux premiers ganglions asymétriques « alors que, chez aucun Mollusque, les ganglions pleuraux ne sont com- missures1 ». Considérons, en arrière, en avant, sur les côtés, cette tête du cordon pédieux. Voyons ce qu'on y observe. Sur le dos (pi. XXXIII, fig. t>), on voit en haut, entre les deux ren- flements des bases des cordons (u et v), origines de la commissure croisée, les deux vésicules otolithiques (ot) enfoncées et sur un plan antérieur. Tout près, au-dessous d'elles, paraît une bande transver- sale, et sur un plan plus postérieur encore une seconde bande trans- versale (ca) unissant les deux bourrelets postérieurs qui descendent des connectifs (b) asymétriques. Celle-ci est jetée comme un point d'un côté à l'autre, immédiatement au-dessous des origines (u, v) de la commissure en X. De cette bande transversale, tout près de la base des origines de la commissure croisée, on voit naître un gros nerf qui se porte dans la partie dorsale du manteau2. Si l'on tourne la préparation de façon à la voir de profil, on re- connaît que cette bandelette transversale (ca, fig. 7 et 8) forme comme une bosse au-dessous du nerf (g), né lui-môme au-dessous des origines de la commissure croisée. En étudiant la même préparation par la face pédieuse ou anté- rieure, on reconnaît encore qu'il existe, entre les bases des deux connectifs pédieux (c), une autre bandelette transversale (fig. 9, cp)\ celle-ci est la véritable commissure pédieuse. i Comptes rendus, t. CV. p. 578. * Voir mon travail sur l'Haliotide, 1859. 662 H. DE LACAZE-DUTHIERS. Malgré l'assertion opposée de l'auteur belge, je considère ces deux bandelettes transversales comme étant les commissures : la pos- térieure du centre asymétrique, l'antérieure du centre pédieux. Et comme dans tous ces animaux les soudures sont multiples, ces deux lamelles jetées transversalement sont unies l'une à l'autre par une lame assez mince de tissu nerveux que nous allons retrouver dans les coupes. Ces deux commissures ne sont pas dans le même plan horizontal ; elles sont unies et forment une lame mince qui est un peu inclinée, et disposée comme une voûte. Aussi arrive-t-il que, dans les coupes, le sommet de la coupole de la voûte étant enlevé (pi. XXXV, fig. 15), on produit un orifice et alors on peut voir les deux commissures séparées (ca, cp). Une commissure transversale postérieure étant indéniable, auquel des deux centres peut-elle bien appartenir ? D'une part, pour ré- pondre à la question, il faudrait qu'on eût d'abord limité et distingué la partie correspondant au centre pédieux et celle dépendant du centre asymétrique; d'autre part, on ne peut se refuser à admettre que très exceptionnellement les deux centres ne soient fusionnés et que cette commissure a pour conséquence d'en causer une autre. Ce n'est pas moi qui fais comrm'ssurer les deux portions latérales du centre asymétrique, c'est l'organisation même qui, à ce point de vue, est tout aussi exceptionnelle en cela que pour le reste. Il n'est pas rare de rencontrer des individus sur lesquels les rela- tions entre les connectifs asymétriques, l'origine de la commissure croisée et de la commissure que je viens de décrire, soient fort évi- dentes, et l'on voit même des apparences de fibres partant des con- nectifs asymétriques s'élever dans la bosse formée par le pont jeté transversalement en arrière d'elles (fig. 6 et 7). D'ailleurs, en face de quoi se trouve celte commissure postérieure? On n'a qu'à jeter les yeux sur les figures pour voir qu'elle unit la partie où les branches de la commissure asymétrique prennent leur origine ; et cette partie descend certainement du centre asymétrique. INVESTIGATION EN ANATOMIE COMPARÉE. 663 Au moment où je préparais la rédaction de ce travail, un mémoire de M. Johannes Theil paraissait sur le système nerveux des Mol- lusques {Zeitschrift fur ivissenschaftliche Zoology, IS89), dans lequel sont indiqués quelques faits relatifs au sujet qui nous occupe. On trouve1 à la « planche XVI, figure 3, /et 3, g : {pic) commissure pleurale, (pc) commissure pédieuse ». L'auteur admet donc comme moi une commissure entre les gan- glions pleuraux. Voilà un nouveau savant que notre contradicteur belge aura à argumenter et à rayer de l'universalité des savants à nous opposés. M. J. Theil s'est occupé de la discussion relative à la nature de l'épipodium -, il résout la question d'une façon originale. Naturelle- ment, c'est en invoquant les données de la phylogénie qu'il arrive à la solution suivante : « Chez Haliotis, dit-il, les nerfs de l'épipodium sont ganglion- naires dans et sous les tentacules. « Ils forment un riche réseau, et je les tiens pour homologues aux cordons latéraux du Chiton. « Les idées de de Lacaze-Duthiers et de von Hiéring ont été com- battues..., mais mes observations de l'innervation des tentacules opèrent une transformation. « La collerette est une formation qui appartient aussi peu au pied qu'au manteau, et qui est phylogénétiquement plus vieille que les deux, puisque, comme nous l'avons dit, elle correspond aux bords latéraux des Polyclades sous lesquels le pied et sur lesquels le manteau se sont formés. « On ne peut pas plus conclure que les deux formations sont de même ordre en se fondant sur la similitude des tentacules de l'épi- podium et du manteau, qu'on ne peut conclure la similitude du pied et de l'épipodium en se basant sur les organes sensoriels du côté. » Le travail de M. Theil est très général ; il traite d'une foule de 1 Année 1889, 3° fascicule. 664 H. DE LACAZE-DUTHIERS. questions morphologiques dont nous ne pouvons nous occuper ici. Il importait néanmoins de rapporter son opinion sur la commissure asymétrique, car elle montre que l'unanimité en faveur des opi- nions que le naturaliste belge veut faire siennes n'est pas aussi complète que sa dernière note le ferait supposer. Car, puisque la commissure pleurale existe pour M. Theil, je ne suis pas seul à blâmer avec M. Boutan pour avoir fait commissurer les ganglions pleuraux. On remarquera d'ailleurs que la dernière note du profes- seur belge est de 1890, et qu'il ne parle pas du travail de M. Theil, qui est de 1889. Mais y a-t-il donc une si grande faute dans cette commissuration (puisqu'on a fait le verbe, on peut bien faire Je substantif, et quel français!) des ganglions pleuraux? On se plaît à dissocier les ganglions que j'ai réunis sous le nom de centre asymétrique. J'aurai, dans un prochain travail, occasion de revenir sur ce fait. Je veux seulement observer en ce moment que cette union établie entre deux moitiés de cette chaîne asymé- trique n'a rien d'extraordinaire; ici, elle est due au grand rappro- chement de ces deux ganglions, mais elle existe encore souvent sous une autre forme dans d'autres types. On rencontre, en effet, un pont jeté entre les deux moitiés de la commissure asymétrique croisée prise dans son ensemble; je l'ai montré le premier, je crois, chez les Vermets, et plus tard M. Bouvier l'a retrouvé dans un grand nombre de types divers ; j'en avais des dessins nombreux en portefeuille quand a paru le remarquable travail du jeune et savant professeur de l'École de pharmacie de Paris, qui a même tiré parti, pour la classification, de la présence de cette union des deux moitiés de la grande commissure croisée. Qu'on le remarque, dans le groupe des Mollusques qui nous oc- cupe, on ne trouve pas cette seconde union entre les deux branches de la commissure croisée; on doit donc admettre qu'elle est ici représentée parle pont transversal jeté au-dessous et entre les bases des origines de la commissure croisée ; par conséquent, je ne fais INVESTIGATION EN ANATOMIE COMPARÉE. 665 point commissurei- les ganglions pleuraux; je retrouve seulement l'union des deux branches de la commissure croisée sous une forme exceptionnelle répondant à une disposition générale elle-même exceptionnelle. Il n'y a donc dans l'union des deux moitiés du centre asymétrique rien qui doive étonner; seulement, cette union est exceptionnelle dans sa forme comme le reste du système nerveux est lui-môme exceptionnel. Chez les Troques, les mêmes choses existent, mais la lamelle s'étendant du centre pédieux au centre dorsal asymétrique n'est pas amincie autant dans son milieu que dans l'Haliotide; de là une plus large étendue présentée par elle dans les coupes, de là aussi une plus grande régularité dans les dessins. Dans le Troque, le revêtement cellulaire ou mieux conjonctif très développe du système nerveux peut, dans quelques conditions de macération, être enlevé en laissant le tissu nerveux parfaite- ment à nu. Je n'ai malheureusement pas pris la précaution de me rendre compte de ces conditions qui ont été l'effet du hasard ; je ne puis les indiquer, à mon grand regret. Mais après avoir en- levé ce revêtement et en regardant du haut le sommet du cordon pédieux, ou bien en dessous en renversant la préparation comme on le voit dans la figure 5, planche XXXIII, la partie asymétrique (Z) (u) (b) (v) étant rabattue vers l'observateur, tandis que la partie pédieuse (X) (pa) (e) est restée en place, on voit en avant entre les deux origines de la commissure croisée {u) et (v), près de l'orifice du canal sanguin qui existe chez tous ces animaux, deux petits cercles qui sont les otocystes, et en avant de ceux-ci, une bandelette trans- versale qui se termine par quatre extrémités allant dans les quatre parties composant les deux centres pédieux et asymétriques. Dans cette figure, les lignes blanches centrales ont été rendues par le graveur d'une façon beaucoup trop accusée, les bords devraient s'effacer peu à peu. Cette partie cruciale représente la commissure étendue entre les deux centres et les unit. fifin H. DE LACAZE-DUTHIERS. XIV Étudions maintenant les coupes. Puisqu'on m'a reproché d'avoir fait des erreurs dues à ce que je n'avais pas employé la méthode si grandement à la mode aujour- d'hui, j'ai multiplié beaucoup les sections, et je n'ai point à le re- gretter, car elles me paraissent fournir des arguments en faveur des interprétations que j'ai données. Je suis d'ailleurs heureux qu'elles me fournissent l'occasion de revenir sur une opinion que je m'explique facilement aujourd'hui. Sans contredit, la séparation des deux bandelettes du grand cordon pédieux est due à une déchirure tout à fait artificielle, dans le Troque comme dans l'Haliotide. Mais, on l'a vu, l'absence du septum n'a pas la valeur qu'on a voulu lui attribuer et n'infirme en rien les idées générales que j'ai soutenues et que je soutiens encore. Toutefois, si chez l'Haliotide on peut aisément diviser en deux le cordon pédieux, il n'en est pas de même dans les Troques. Cela s'explique parce que la gouttière est beaucoup moins profonde et que la lame unissant les deux moitiés étant massive, est plus résistante et se déchire moins faci- lement. Il faut ici faire une remarque relativement au septum névrilé- matique. Quand on cite l'opinion d'un homme pour la critiquer, il est au moins, comment dirai-je? convenable, pour ne pas employer une autre expression, de ne pas dénaturer la forme employée par lui. Page 141 (loc. cit.) le professeur belge dit : « 2° un septum névrilé- matique sépare deux centres dans le cordon (Trochus) de de Lacaze- Duthiers », et en renvoi au bas de la page : «'De Lacaze-Duthiers, De Vépipodium de quelques Gastéropodes, Comptes rendus, t. G., p. 323). » Plus loin, page 148 de la môme note : « MM. de Lacaze-Duthiers et INVESTIGATION EN ANATOMIE COMPARÉE. 667 Wegmann soutenaient qu'un septum névrilématique effectuait cette séparation entre les parties dorsales (prétendument pleurale) et ventrale du cordon pédieux. » Il était nécessaire de citer littéra- lement ce texte curieux. Où donc l'auteur a-t-il vu à la page 323 du travail auquel il renvoie que j'aie dit qu'il existait un septum? Je viens de déclarer n'avoir pas fait de coupes du cordon avant celles qui étaient destinées au présent travail. Gomment, sans avoir fait de préparation, aurais-jc pu affirmer une chose semblable? Voici ma phrase, page 323 : « Mais en supposant que le rappro- chement des deux bandelettes fût tel que, dans une section mince, on ne pût distinguer les membranes névrilématiques qui doivent séparer et différencier les nerfs, serait-il permis d'admettre qu'il n'y a réellement qu'un seul cordon innervant à la fois le pied et les tentacules de l'épipodium? « La loi des connexions ne permet pas un seul instant une telle supposition. » Il est évident qu'en parlant de la séparation, j'ai entendu faire allusion à l'enveloppe névrilématique que nos contradicteurs di- saient devoir exister entre les deux parties du cordon. On sait que jusqu'à ce moment j'avais admis qu'il était possible de produire, par la traction, la séparation en deux parties du cordon; je faisais une déchirure, ce que j'avoue aussi franchement que sans regret. Revenons aux coupes de l'Haliotide. On doit les faire en com- mençant par les connectifs et descendant vers la tête du cordon pédieux. Il importe, pour avoir l'axe passant entre les deux moitiés symé- triques du système nerveux et perpendiculaire à la surface de coupe, de prendre quelques précautions dans le durcissement des pièces. Après avoir enlevé les parties nerveuses du milieu muscu- laire dans lequel elles sont enfermées, il faut les durcir de nouveau en les fixant par leurs deux extrémités ; je conserve tout le collier œsophagien ; il est ainsi plus facile de rendre les connectifs parallèles f;r,8 II. DH I.ACAZE-DUTHIERS. et de les avoir bien symétriquement disposés non loin les uns des autres; pour cela, il suffit de les tendre en piquant et fixant les deux extrémités par des épingles. Il faut aussi avoir le soin de commencer assez haut les sections pour avoir les connectifs pédieux et asymétriques isolés et enfermés chacun dans son névrilème. On arrive ainsi tout près de la tête du cordon pédieux qui est la partie difficile et importante à analyser1. Les connectifs, en approchant de la tête du cordon pédieux, cessent d'être isolés et enfermés chacun dans une gaine distincte. Ils se rapprochent d'abord sous le même névrilème et deviennent tangents, puis se soudent. La non-symétrie de l'organisation de ces animaux, leur légère torsion dextre, cause une différence entre les deux côtés, relative- ment à la coalescence des deux cordons. Cette coalescence s'établit plutôt à droite qu'à gauche, ainsi qu'on peut le remarquer sur les figures 1, 2 et 3, dans lesquelles on voit à droite la gaine (fig. 1) des deux connectifs venir au contact, puis, dans la figure 2, la gaine étant unique, les deux cordons sont rapprochés et se touchent, tandis qu'à gauche ils sont encore libres. Une remarque importante est ici nécessaire. Est-on en droit de considérer les deux cordons (b et c), dans les figures 1 et 3, comme étant distincts? Personne ne voudra, je crois, répondre par la néga- tive, et cependant où est le septum cellulaire invoqué par nos con- tradicteurs ? Dans la figure 3, à gauche, la ligne de soudure entre b cl c peut encore être reconnue parla différence des granulations. Mais à droite déjà, l'échancrure entre les parties (bclc), causée par Le rapprochement, est profonde, et quand on suit avec les coupes intermédiaires, sans avoir besoin de multiplier davantage les dessins, 1 Suivre les descriptions sur la planche XXXV qui représente quelques-unes des coupes les plus utiles à considérer, depuis les connectifs jusqu'aux cordons pédieux isolés, par conséquent, au-dessus et au-dessous de la commissure existant dans la tète du cordon, mais pas au delà du quart supérieur de la longueur totale. INVESTIGATION EN ANATOM1E COMPARÉE. 869 on arrive à homologuer absolument (b et c) avec Z et X des deux côtés et dans toute la longueur de la série. On trouve donc ici, dans l'étude des sections des connectifs après leur union, un argument irréfutable démontrant le peu de valeur du septum cellulaire. Or, ce septum manque bien avant que les parties, répondant au centre pédieux et asymétrique, soient caractérisées. Dans ce point de la préparation, est-il possible qu'on veuille se re- fuser à reconnaître la distinction des cordons connectifs l, puis- qu'on n'est pas encore arrivé aux centres proprement dits. Dans la figure 4, deux nouveaux éléments se présentent : ce sont les deux masses [u et v) placées en avant du cordon dont les deux moitiés sont désignées par les lettres Z etX. Ce sont les origines de la grande commissure croisée. Ici encore, il n'est pas possible de ne pas admettre de la figure 4 à la figure 7 et môme 8 (dans cette dernière pour le côté gauche) que les parties (u et v) naissant sur la moitié Z du cordon ne soient bien les origines de la commissure croisée, et comme cette com- missure est une dépendance du ganglion asymétrique et ne peut naître que sur lui, je pense qu'ici nos contradicteurs seront au moins d'accord avec nous ; ils ne pourront pas se refuser à admettre dans ces figures y compris la neuvième) que la partie notée Z ap- partient au centre asymétrique, à ce qu'ils appellent le ganglion pleural. Si l'on accorde ce premier point, et je crois qu'il est difficile de le refuser, la partie X ou bandelette antérieure du grand cordon pédieux doit correspondre seule évidemment au centre pédieux. Que si ces distinctions ne sont pas admises, de la ligure 4 à la figure 8, il faudra du moins qu'on démontre que la précédente description n'est pas exacte, ce qui me paraît difficile. Dans tous les cas, si l'on soutient le contraire, il faudra nécessai- rement montrer où s'arrête le cordon (Z) correspondant au ganglion i Dans les figures 1, 2 et 3, il y a une erreur, toutes les parties désignées par (c) doivent l'être par (6) et inversement. 670 H. DE LACAZE-DUTHIERS. pleural, et si l'on n'assigne pas le point de cette séparation, de cette limite, comment soutenir l'argumentation? Il nous sera alors permis de la rejeter. Dans ces figures, je ne le rappelle que pour mémoire ; on a vu (ot) les otocystes subir, eux aussi, un peu l'effet de la torsion, la vésicule de droite étant un peu plus avancée que la gauche apparaît la pre- mière, figure 5, puis s'épuise plus vite, figure 6. Reprenons la série des coupes aux figures 8 et 9, où l'on voit les dernières traces (u et v) de l'origine de la grande commissure croisée. Dans cette figure 8, les parties Z et X sont aussi distinctes qu'évidentes. Mais dans la figure 9, toujours avec la présence des origines (u et y), on voit deux prolongements au-dessous du chiffre 9, qui, dans les figures 10, il, 12, 13 et 14, vont non seulement se rejoindre, mais encore s'étendre et former la commissure asymétrique, pleurale si l'on veut, et qui est marquée (cz). Dans ces mêmes figures se voit déjà (dans la figure 10, mais mieux dans la figure il) une seconde bande transversale. Elle est due à ce que la voûte que produisent les deux commissures a eu son sommet enlevé; mais dans un autre point, aux figures 13 et 14, la lame commissurale étant tout entière tombée dans la coupe, on a une grande surface représentant la lamelle unissant les moitiés Z et X, et représentant la commissure asymétrique (cz) et la commis- sure pédieuse (cp). En arrivant à la figure 15, on retrouve l'orifice qui marque le bas de la voûte de cette double commissure, et enfin aux figures 16 et 17, il n'y a plus que la bandelette (cp) représentant le peu qui reste de la commissure pédieuse. Mais, qu'on le remarque, dans toute cette longue série de figures, jamais la continuité des parties (notées Z asymétrique et X pé- dieuse) n'a cessé d"être manifeste, et, sur l'ensemble des dessins, on ne peut trouver dans aucun d'eux une particularité permettant de dire : là s'arrête la partie Z ou asymétrique. Aussi arrivons-nous aux INVESTIGATION EN ANATOMIË COMPARÉE. 071 dernières coupes dont j'ai donné les figures 18 et 19, où l'on trouve les deux lames du grand cordon pédieux disposées symétriquement, et dans lesquelles je crois qu'en partant des connectifs (iig. 1) on retrouve la partie Z et la partie X soudées, cela est vrai, mais qu'il n'a pas été possible de confondre dans un point quelconque de la longue série des figures, en partant de leur origine indiscutable sur les connectifs. Je le répète encore, le fait de l'absence d'un septura cellulaire ne me touche pas, et l'aveu que j'en ai fait ne me coûte nulle- ment; on en voit maintenant la raison. L'observation du Troque conduit à des résultats identiques, mais présente des différences qui sont la conséquence des dispositions anatomiques particulières du type. Parcourons les figures de 1 à 17 de la planche XXXIV (Trochus magus). Dès les premières figures ï et surtout 2, on trouve les connec- tifs (b) asymétriques infiniment plus gros que les pédieux (c). Ceci s'explique; on a vu que, à leur arrivée près de la tête du grand cordon pédieux, ils se tuméfiaient (voir fig. 4, pi. XXXI11). Je dois faire une observation : dans la série des figures qui suivent, je n'ai pas représenté la première partie de l'origine de la commis- sure croisée ; elle se porte en arrière, et elle n'a pas l'intérêt que nous lui avons trouvé dans l'Hîliotide. On la retrouve cependant dans les deux figures 3 et 4 {u et v). Après ce qui vient d'être décrit chez iTIaliotide, nous n'avons pas autant de détails à donner ici, la vue de la planche suffisant presque à elle seule pour établir le passage de l'une à l'autre des figures. Les figures 3 et 4 sont surtout intéressantes, car elles montrent les origines de la commissure croisée (u et v) et la soudure des con- nectifs (c et b). On y voit avec la plus grande netteté le passage des connectifs c et b aux parties Z et X. En comparant le côté gauche au côté droit dans la figure 3, on peut déjà homologuer [b) avec (Z) et 672 H. DK LACAZIi-DUTHIERS. dire que c'est bien la base du connectif asymétrique qui est devenue le centre môme asymétrique; si du côté gauche on a aussi l'im- pression que (b) est l'origine de Z, on trouve encore le connectif pédicux (c) tangent, mais non fusionné avec l'asymétrique l ; plus loin encore, figure 4, la soudure des deux connectifs est complète et le centre bilobé présente, en dehors, le sillon qu'on peut suivre jusque dans la ligure 47. Nous n'avons rien à ajouter à ce qui a été dit précédemment sur les otocystes qu'on voit bien dans la situation qu'ils occupent habi- tuellement. Jusqu'à la figure 7, les deux cordons de droite et de gauche avec les renflements basilaires qui les caractérisent sont distincts, mais ils se sont tellement rapprochés que bientôt ils deviennent tangents, el que leur soudure s'accomplit dans la figure 8. On peut remarquer encore que si les parties X et Z restent tou- jours parfaitement reconnaissables en passant d'une figure à l'autre, on constate néanmoins que la partie Z ou asymétrique perd de son importance par rapport à la partie X qui devient de plus en plus prépondérante à mesure que Ton descend plus bas, ce qui est tout à fait en rapport avec les fonctions et les relations anatomiques des deux centres. Déjà dans la figure 9, mais surtout dans la figure 10, une large bande transversale établit l'union entre les deux cordons droit et gauche, mais X et Z restent toujours complètement distincts et reconnaissables. Est-il alors possible de dire que les deux centres asymétriques Z ne sont pas commissures? Comme d'après les coupes et leurs figures il est absolument im- possible de dire où finissent les centres asymétriques ; il faut bien ou reconnaître qu'ils se commissurent ou affirmer que toute la surface 1 11 faut remarquer que la partie (b) est ici beaucoup plus volumineuse que la partie (c). Cela se comprend. Lorsque la soudure a lieu, déjà au connectif asymé- trique a succédé le renflement ganglionnaire formant la branche antérieure du V décrit plus baut. INVESTIGATION EN ANATOMIE COMPARÉE. 673 représentée ici de chaque côté (par Z et X) est à elle seule le centre pédieux; or, en remontant de cette figure jusqu'aux supérieures 6, 5, 4 et 3, il me paraît bien difficile d'arriver à une pareille conclusion. La figure 10 montre, à peine accusées, les fibres transversales de ces deux commissures pédieuse et asymétrique '. Dans la série des figures 9, H, 12, 13, 14, on reconnaît la dimi- nution progressive de la commissure transversale, et en même temps on voit la partie (Z asymétrique) se rejeter de plus en plus en dehors et en haut. La partie pédieuse prenant une plus grande prépondé- rance en dedans aux numéros 13 et 14, il est bien évident qu'alors la commissure est seulement pédieuse ; enfin, elle existe à peine à la figure 14. Il ne m'a pas paru utile de multiplier les dessins des coupes plus loin en dessous de la tête des cordons pédieux et de leur sépa- ration. Les trois figures 15, 16 et 17 sont certainement suffisantes pour donner l'idée de la disposition des grands cordons pédieux toujours formés des deux parties nettement distinctes Z et X, l'un postérieur, l'autre antérieur. Je crois qu'en examinant attentivement toutes ces figures et passant successivement de l'une à l'autre, il est difficile de ne pas arriver de la figure 1 à la figure 17 en retrouvant, dans la dernière, les parties dérivant des deux connectifs et conduisant aux deux centres ganglionnaires accolés. Dès lors, je maintiens que, puisque l'on peut suivre la partie Z depuis le bas du cordon jusqu'au connectif asymétrique, cette partie Z représente bien le centre asymétrique intimement soudé au centre pédieux. XV L'auteur belge ayant publié ses observations surtout d'après l'anatomie du Troque, faite par coupes, il nous reste à rappro- ' Observation :1a figure 9 occupe la place de la figure 10; celle-ci devrait être au no 9, et la précédente au n» 10. Ceci n'a pas, du reste, une grande importance. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 2e SÉRIE. — T. VIII. 1890. 43 H. DE LACAZE-DUTH1ERS. cher quelques observations des faits qui viennent d'être indiqués. Que le lecteur veuille bien considérer de nouveau la figure i de la planche XXXIII copiée exactement sur la planche XV, figure 1 de la publication b; - sera frappé delà position des coupes 3 et 4, très rapprochées par rapport à la cinquième, faite très bas. Il eût été cependant utile de connaître quelques-unes des figures com- car la figure 5 donnée par Fauteur belge est tout à fait analogue à l'une de celles qui se trouvent dans notre planche XXXIV. et il eût été intéressant de voir comment de ses premier - issait à sa dernic On remarquera encore que, dans les conditions que présente cette figure I, conditions anatomiques qu'il ne m'a pas été p'i - de rencontrer, la description de l'accolement d'abord, de la fusion ensuite, c lonnectifs, ne serait guère réalisable. De plus, ris coupes, figure- .ne permettent point de juger de la continuité des parties, les deux premières étant très rapprochées, la troisième étant trop éloignée des premiè; is tout cela est dans l'esprit du travail; aussi, en arrivant à la description du centre péc. juve-t-on la phrase suivante : « Le second connectif (/) arrive au cordon pédieux proprement fe dernier présente un sillon latéral externe, dorsalement auquel naissent les nerfs épipodiaux {q), tandis que, ventralement, sortent les nerfs de la sole pédieuse. » îc une telle description, qu'il fallait rapporter littéralement, car elle le mérite, on voit que tout concourt à une opinion basée sur des faits non suffisamment élucidés. Dans une deuxième note, toujours avec les mêmes faits et la même manière d'argumenter, cherchant dans les expressions em- ploya jets de critique, l'auteur belge montre que j'ai aban- donné plusieurs de me ions. Sans nul doute; mais ce sont des assertions tout à fait secondaires et qui n'infirment en rien l'idée générale, ce qui prouve mieux encore la faiblesse des argu- ments employés contre nous. INVESTIGATION EN ANATOMIE COMPAREE. 675 Il invoque aussi des lettres qu'il s'est fait écrire et. après avoir montré que M. Wegmann n'a jamais répondu, il nous réunit, M. Boutan et moi, pour nous présenter comme étant seuls opposés à l'opinion qu'il soutient et qu'il dit être l'opinion de l'universalité des naturalistes! Cela n'est pas un argument: car, dans cette - ralité des naturalistes, je suis persuadé qu'il en est bien peu ayant fait les dissections qui viennent de nous occuper. En ce qui me touche, je pense avoir répondu aux arguments et aux critiques relativement au Troque et à l'Haliotide. A dessein, je me suis abstenu de m'occuper des parties se rapportant au travail de M. Boutan sur le Parmophore et la Fissurelle. Je termine par une dernière observation. En lisant les recherches du contradicteur belge, je croyais y trouver relevée une erreur qui est à la fois dans le texte et dans les dessins de mon travail de 1838. Il s'agit de l'origine des premiers nerfs se distribuant à la partie de la collerette épipodiale et venant innerver cette portion qui. placée tout près de la tète, remonte de chaque côté jusqu'au muffle buccal. J'ai fait naître ces nerfs du connectif c é ré bro -a symétrique: or, cela n'est pas exact. C'est du connectif cérébro-pédieux qu'il fallait dire. La discussion d'aujourd'hui, si elle ne servait à rien autre chose, aurait du moins pour moi l'avantage de me permettre de rectifier moi-môme une erreur que j'ai faite. XVI CONCLUSIONS. — L'observation publiée pour la première fois par le professeur Spengel est exacte : les deux moitiés du grand cordon pédieux de l'Haliotide et du Troque ne sont pas séparées par un septum né- vrilématique. — Mais l'absence de ce septum n'est pas une raison suffisante 676 H. DE LACAZE-DUTH1ERS. pour faire admettre qu'il n'y a qu'un seul centre dans le grand cordon pédieux. — La coalescence des deux connectifs de l'Haliotide et leur sou- dure en arrivant aux centres asymétrique et pédieux unis pour former le grand cordon, prouve que deux parties, confondues ana- tomiquement, peuvent rester néanmoins distinctes physiologique- ment et morphologiquement. Les exemples tirés de la soudure du nerf acoustique avec le con- nectif cérébro-asymétrique, chez la Patelle; des deux ganglions branchiaux dans le Taret; et de tous les centres périœsophagiens chez les Céphalopodes, en fournissent une preuve concluante. — Les données morphologiques ;et la loi des connexions con- duisent à des résultats dont la valeur l'emporte de beaucoup sur ceux que fournissent, du moins dans la question actuelle, les indi- cations histologiques. L'une des preuves les plus frappantes de cette valeur se trouve dans ce fait que deux connectifs descendant du cerveau à la tête du grand cordon pédieux démontrent par cela même, dans cette extré- mité supérieure du grand cordon, la présence de deux centres mor- phologiquement et physiologiquement différents, mais paraissant confondus anatomiquement. — L'exception trouvée chez l'Actéon (Tornatella) ne prouverait rien contre une loi confirmée dans l'universalité des Gastéropodes ; elle n'est, d'ailleurs, pas accompagnée d'une démonstration anatomique suffisante et permettant de l'admettre sans réserve. — Pour toutes ces raisons et après les détails qui précèdent, je ne suis pas convaincu de la valeur de l'opinion qui m'est opposée, et je soutiens de nouveau les mêmes idées générales qui sont contenues dans mon travail de 1859; acceptant d'ailleurs les modifications de détail que l'état de la science, à cette époque déjà ancienne, ne permettait pas de constater comme il est aujourd'hui possible de le faire. — Dans l'opinion contraire, enfin, il reste à répondre à cette INVESTIGATION EN ANÀTOMIE COMPARÉE. 677 question : Où s'arrête le centre asymétrique si profondément modifié dans sa forme, sa longueur, ses rapports ? S'il ne descend pas en s'al- longeantsur le dos du centre pédieux, il faut de toute nécessité, afin d'être conséquent avec soi-même, prouver qu'il ne dépasse pas telle limite qu'on doit assigner. C'est ce qui n'a jamais été fait, et, jusqu'à plus ample information, les raisons données à l'appui de l'opinion contraire à celle que je soutiens ne sont pas acceptables. Au moment où ce travail est rédigé, deux mémoires m 'arrivent, dont je ne puis me dispenser de parler. L'un est de M. Boutan, maître de conférences à la Faculté des sciences de Lille. C'est une nouvelle réponse à M. Bêla Hallcr et à la seconde note du contradicteur belge ; l'autre a été insérée aux Comptes rendus, tome CXI, page 245 ; elle est de ce dernier naturaliste. Les travaux de M. Boutan sur le Parmophore ont été plusieurs fois attaqués par l'auteur belge et par le savant hongrois Bêla Haller. On les a dit de nouveau entachés d'erreur. Cela a conduit M. Boutan à disséquer encore une fois des Parmo- phores, qu'il a rapportés de ses voyages en Australie, et il a donné une photographie de l'une de ses préparations. Il démontre que non seulement on peut suivre un nerf partant de la partie dorsale du grand cordon pédieuxjusque dans la collerette de l'épipodium ; mais encore que l'une des branches de ce nerf se partage en deux rameaux: l'un, palléal dorsal, allant dans la portion du manteau recouvrant la coquille; l'autre, palléal latéral, allant dans la portion du man- teau réfléchie sur les côtés du corps. Il faut le remarquer, c'est encore par la méthode des coupes que l'on a cru démontrer l'erreur prétendue de M. Boutan, et c'est par l'anatomie fine que celui-ci a montré la vérité de son opinion et Ter- reur commise par ses adversaires ; c'est toujours l'opposition des deux méthodes. Relativement à la Fissurelle, M. Bêla Haller va môme jusqu'à écrire cette phrase : « S'il y a quelqu'un à qui cette figure (fig. 40 (78 H. DE LACAZE-DUTHIERS. de son travail à lui) ne prouve pas suffisamment la nature d'unité complote des cordons pédieux, je ne veux plus discuter plus long- temps avec lui, car ce serait perdre ses peines. » Eh bien, il y a une peine que tout naturaliste doit ne pas regretter ; c'est lorsqu'il relève une erreur. Aussi je critiquerai la figure 19 du deuxième mémoire, Morph. Jahrbuch, vol. XI. Elle est incomplète ou elle contient une erreur morphologique semblable à celle que le professeur belge a faite lui-même pour la Patelle. Le nerf acous- tique ne peut être dans la situation où il a été dessiné dans la figure \ 9; car il serait contenu dans le collier œsophagien, ce qui n'existe pas. Cette erreur s'ajoute, d'ailleurs, à bien d'autres que M. Bouvier a relevées dans les travaux du savant hongrois, dont les critiques sont habituellement faites dans des termes peu en rapport avec l'urba- nité qui ne devrait jamais faire défaut dans les discussions sérieuses et indépendantes de tout esprit de parti. C'est ainsi qu'il adresse à M. Boutan une apostrophe quejesuis bien un peu endroit de prendre pour moi-même, puisque son collaborateur dans ses réponses à M. Boutan, le naturaliste de Bruges, a pris le soin de me réunir avec le jeune et savant maître de conférences de zoologie de la Faculté de Lille, nous opposant ainsi tous deux seuls, ce dont je ne me plains pas, à l'universalité des naturalistes, universalité qui semble un peu hyperbolique. Voici cette apostrophe : « Que M. Boutan continue à plaider en faveur de son opinion, qu'il croie aussi longtemps qu'il voudra à son hypothèse, que ceux1 même qui veulent, d'une façon incompréhensible et insoutenable, maintenir ce vieux préjugé, l'ap- prouvent, il aura peine, cependant, à conquérir de nombreux par- tisans. » Ce qui est incompréhensible et insoutenable, c'est que l'on con- tinue à discuter en donnant des figures inexactes, insuffisantes ou incomplètes, et des arguments d'une valeur toute relative et nepou^ vant s'appliquer généralement à tous les cas. 1 C'est moi qui ai souligné ce mot ; d'après son collaborateur belge, il aurait dû dire : celui. INVESTIGATION EN ANATOMIE COMPARÉE. 679 Les lecteurs des Archives trouveront aux Notes et Revue de ce même volume les conclusions du travail de M. Boutan, accompagnées d'une figure bien autrement démonstrative que celles données par nos contradicteurs. Dans le second travail ou note ayant pour but d'homologuer les parties du système nerveux des Acéphales avec celles des Gastéro- podes [Comptes rendus, t. CXI, p. 245, 1890), le professeur belge affirme que, chez les Acéphales, le premier ganglion asymétrique de chaque côté, ce que beaucoup appellent le ganglion pleural, est soudé, fusionné avec le ganglion sus-œsophagien ou cérébral. Mais il est préférable de citer textuellement ; on y trouve toute la théorie dans la phrase suivante : o Les ganglions cérébral et pleural sont fusionnés dans une masse ganglionnaire unique (toujours appelée ganglion cérébral), ainsi qu'on peut le reconnaître dans des sections de cette masse ; et les deux connectifs cérébro-pédieux et pleuro-pédieux sont réunis sur toute leur longueur. » Puisqu'il est question de soudure de ganglions et de connectifs, il serait tout à fait légitime d'employer ici les arguments qui m'ont été adressés et de les retourner contre leur auteur. Mais, comme on a une si grande foi dans la valeur du caractère fourni par la présence d'un septum conjonctif pour distinguer des parties dif- férentes, on montrera certainement ce septum dans les Acéphales, non seulement pour les ganglions, mais encore pour « les connectifs soudés dans toute leur longueur ». Il y a dans ce dernier travail plus d'une chose appelant des éclaircissements; je n'en parle en ce moment que pour montrer qu'on emploie, relativement aux soudures, les mêmes affirmations que celles employées pour la première fois par moi en 1859, et qui sont traitées de vieux préjugés par M. Bêla Haller. Étant conduit aux Acéphales par ce dernier travail, je ne puis passer sous silence un argument tiré de l'organisation de ces ani- maux par le professeur de Bruges. Il s'agit de l'épipodium du Pec- 680 II. Uli LACAZE-DUT11IERS. tunculus, figure A du texte, page 153, et figure 11 de la planche VII [Bulletin scientifique de la France et de la Belgique, 28 mai 1890). Je citerai encore textuellement, cela en vaut la peine : a Cet épipodium est bien développé, s'étendant de la région buc- cale jusqu'à l'extrémité postérieure du pied, donc en une situation identique à celle de l'épipodium des Ithipidoglosses. « Mais ici, la distance estijtelle entre le manteau et l'épipodium, qu'on ne peut plus songer à les rapporter l'un à l'autre. Cet épipo- dium, comme tout le pied, est d'ailleurs innervé par les ganglions pédieux. » L'assertion m'a paru tellement étrange et les figures si singu- lières, que je me suis empressé d'observer des Pétoncles dans tous les états de conservation et de contraction; ici la critique me paraît inutile, tant la chose est peu sérieuse. Il importe cependant, pour que les malacologistes jugent bien, d'après cet exemple, de la valeur des arguments que produit notre contradicteur belge, de les engager à observer eux-mêmes le Pétoncle. Ils se demanderont certainement, à la vue de cet animal, s'il est possible sérieusement de lui attribuer un épipodium. Chez les Acéphales, la masse viscérale est logée en arrière de cette couche musculaire ou lame épaisse, formant le pied par ses fibres entre-croisées et recevant (pour les cas semblables à celui du Pétoncle) dans sa concavité postérieure la masse des glandes génitales, le tube digestif et la partie antérieure du foie. Quand le pied est violemment contracté, les fibres musculaires sur le bord de la limite de la masse viscérale font une saillie, un bourrelet longitudinal. Eh ! c'est ce bourrelet qu'on prend pour un épipodium ! Véritable- ment, c'est à n'y pas croire ; car, dans un l'ectunculus dont le pied est bien épanoui, on ne voit rien qui puisse rappeler un vestige quelconque, je ne dirai pas d'un épipodium, mais d'un bourrelet dû à la contraction. Aussi l'on comprend très bien, ainsi que le fait remarquer le professeur belge lui-même, que l'on ne puisse songer INVESTIGATION EN ANATOMIE COMPAREE. 681 à rapporter l'un à l'autre le manteau et ce singulier épipodium, la distance qui les sépare étant trop grande. Déjà, du reste, M. J. Theil avait fait justice de cet argument puéril. Si M. Bêla Haller, qui collabore pour ses réponses avec notre contradicteur belge, admet de telles preuves pour combattre ce qu'il appelle les vieux préjugés, je crois qu'il attendra longtemps avant de conquérir de nombreux partisans. En terminant, me gardant bien d'employer la forme qu'a donnée le savant hongrois à ses conclusions, je déclare cependant que je ne reviendrai plus sur une question qui est jugée. Je n'aime pas les polémiques, je l'ai dit en commençant; je n'en ai pas besoin. Je les laisse à ceux pour qui il est utile d'attaquer afin d'attirer l'attention. ggg H. DE LACAZE-DUTHIERS. EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE XXXIII. Fia. li Cette figure est copiée exactement sur celle de la planche XV, Notice sur répipodium des Mollusques, 1888 (Bulletin scientifique du Nord et de la Belgique). Voici la légende copiée du travail : « Trochus umbilicatus, partie antérieure du système nerveux, vu du côté gauche. « a, ganglion cérébral; a', commissure cérébrale; b, cordon pédieux; c, ganglion pleural; ;', connectif cérébro-pédieux; k, connectif cérébro- pleural; o, commissure viscérale; p3 nerf columellaire; q, nerf pédieux; q', nerfs épipodiaux ; r, sillon latéral. » 2. Système nerveux de la Patella vulgata emprunté à la planche XV du travail de l'auteur belge ; elle montre le nerf acoustique partant de l'otocyste (o) et passant en arrière du connectif (l). Ce qui est une erreur, ce nerf ne passe pas dans le champ du collier œsophagien. 2 bis. Portion de la figure 2 dans la partie où se trouvent les otocystes. Le nerf acoustique a été remis à sa place et passe en avant du connectif (cap) asymétrique pédieux. La position vraie a été rendue à ce nerf qui, dans cette seconde figure, se trouve en dehors du collier œsophagien. Il suffit de comparer les deux figures 2 et 2 bis, pour voir où est l'erreur, où est la vérité. 3 et h. Extrémité supérieure du gros cordon pédieux vu à droite et à gauche. Dans la figure 3, le collier œsophagien est conservé (Trochus magus). Une omission existe dans chacune de ces figures; la chose est fâcheuse. Il manque sur la partie asymétrique un gros nerf important, qui a été omis par le graveur. Il devrait se trouver à peu près dans la direction et à la hauteur de la ligne ponctuée allant au Z. C'est celui qui, dans la figure l,a été noté (p). C'est le même qui, dans l'Haliotide, est désigné par la lettre (g) dans les figures 6, 7 et 9, et par erreur dans la figure 8 [ep'). Je répète à propos de ces figures ce qui en a été dit dans le texte, que la partie Z est dessinée d'après les exemples où le centre asymétrique est le plus bas. Ce qui n'est pas aussi marqué dans le Trochus umbilicatus, mais quel que soit le relèvement en haut de la partie Z, jamais elle n'a ni la position, ni le volume de cette partie (c) dans la figure 1. V, cerveau; c, connectif pédieux; (6), connectif asymétrique; Z, centre asymétrique ; X, centre pédieux. En comparant ces figures avec la figure 1, on voit combien, dans les deux cas, le nombre et la disposition des nerfs pédieux sont différents, o. Extrémité supérieure de la tète du cordon pédieux. La partie asymétrique est rabattue en bas, et la partie pédieuse est relevée en avant. Elle a pour but, en faisant voir du haut la préparation, de montrer la INVESTIGATION EN ANATOMIE COMPARÉE. 683 commissure transversale qui unit les deux centres dans ce point de con- jonction. La partie pédieuse X (pa), c, est plus foncée; la partie asymé- trique Z, m ett), est plus pâle; entre ces deux et en avant d'un grand rond (sinus sanguin), de deux petits cercles (otocystes), on voit une partie cruciale blanche, dont les contours et les extrémités, beaucoup trop accusés, devraient se perdre en se fondant avec les tissus voisins. C'est la commissure pédieuse et asymétrique unissant les deux moitiés de la tète du grand cordon. FlG. 6. Extrémité supérieure de la tête du grand cordon de l'haliotide vue par le côté dorsal. c, connectif cérébro-pédieux; b, connectif cérébro-asymétrique ; u et v, ori- gines de la commissure croisée; ot, otocystes. ca, commissure de la partie du centre asymétrique correspondant aux ganglions pleuraux. C'est cette commissure admise par J. Theil comme par moi dont l'auteur belge nie l'existence. Plusieurs remarques sont à faire sur cette figure ; on pourrait les répéter pour les figures 7, 8 et 9, où les mêmes lettres désignent les mêmes parties. Le connectif b se continue évidemment avec le bourrelet dorsal du grand cordon pédieux; sa continuité avec la bandelette transversale ca, est non moins évidente; enfin le nerf g naît du dos au point où arrive le connectif, et à la base des origines de la commissure croisée u, v. Com- ment peut-on se refuser à voir dans ce bourrelet dorsal du grand cordon autre chose que la continuation du centre asymétrique, quand on a sous les yeux une préparation semblable à celle que représente le dessin de la figure 6 ? Autre observation : le professeur de Bruges m'a reproché de n'avoir pas vu et dessiné le renflement qui est à la base des origines de la commis- sure croisée, m, v. Mon premier dessin date de 1S58; je n'avais alors en vue que l'idée générale ; il ne pourra pas m'adresser ce même reproche en considérant les figures qui accompagnent le présent travail; mais il faut remarquer qu'il y a de très nombreuses différences individuelles quant au développement de cette base des origines de la commissure croisée; et dans bien des cas, il n'y a pour ainsi dire pas de gonflement ganglionnaire. J'avais représenté cette commissure comme étant un cordon aplati dans mon travail de 1859, et j'ai rencontré nombre de fois, pendant mes préparations nouvelles, des exemples absolument sem- blables à mes premiers dessins. Dans les figures 6, 8 et surtout 9, le renflement ganglionnaire de la base de m et de v est exagéré, en tant que moyenne. Ce sont les cas où le dé- veloppement est le plus considérable qui ont été représentés. Le plus souvent le renflement est à peine sensible. Le nerf g, palléal, est l'homologue .du nerf p, de la figure 1. Dans cette figure, il est bien considéré comme appartenant au centre asymé- trique. Comment, dans les figures 6, 7, 8 et 9 de l'haliotide, se refuser à admettre que les parties sous-jacentes à l'origine de ce nerf font partie C8i H. DE LACAZE-DUTHIERS. de ce centre asymétrique, et comment surtout limiter et distinguer les parties appartenant au centre pédieux assez précisément pour dire : la B'arrête le ganglion asymétrique? FiG. 7. Même préparation que dans la figure précédente',, vue de profil par le côté droit. On y remarque la bosse que fait la commissure transversale au- dessous du nerf (g). On y voit surtout la continuité du bord antérieur du connectif asymétrique avec le bord antérieur du bourrelet dorsal du cordon pédieux. Par le tiraillement, les deux conneclifs c et b ont été écartés plus qu'ils ne devraient l'être, vers le point où ils arrivent au sommet de la tête du cordon pédieux, là où a lieu leur coalescence avant qu'ils ne soient perdus dans le grand cordon lui-même. 8. C'est encore la même partie, mais vue par le côté gauche. Les lettres Z et X désignent la bande asymétrique et la bande pédieuse. Enlace de cp, le vaisseau remplissant la gouttière est coupé et conservé plus bas. 9. La même préparation, vue par la face antérieure. On y voit cp, la commis- sure pédieuse; les mêmes lettres correspondent aux mêmes parties. Les deux cordons pédieux sont un peu retroussés de telle sorte que la gout- tière qui est latérale semble ici supérieure; elle est très évidente et Ton voit bien l'origine des nerfs pédieux pa' , p', sur le bourrelet antérieur, et le nerf épipodial ep', sur le bourrelet postérieur. Remarque sur les figures 6, 7, 8 et 9 : les proportions n'ont pas été absolument gardées quant à la grandeur des figures, bien que ce soient les dessins d'une même préparation vus dans différentes positions. C'est une chose qui arrive souvent quand on dessine une préparation dans des positions différentes ; mais les proportions et les rapports de grandeur des parties et les origines des nerfs sont tous respectés dans une même figure; enfin la séparation des deux connectifs est exagérée vers leur ar- rivée à la tête du grand cordon. 10. Une portion de peu d'étendue du grand cordon vue par son côté interne, et prise dans le milieu de sa longueur, pour montrer l'amincissement du milieu et les deux bourrelets latéraux chez VHaliotis tuberculala. 11. Coupe des deux cordons pédieux sur lesquels j'ai observé la gouttière la moins marquée et profonde. C'est le plus petit nombre des cas. 12. Disposition qui se présente souvent; les deux moitiés de la lame formant le cordon pédieux sont tellement ployées l'une sur l'autre que l'on croirait à l'existence d'un canal clos. C'est dans ce cas que l'on a pu penser que les deux moitiés du cordon se divisent facilement, et en voyant cette coupe, on comprend aisément que la déchirure soit facile sur la ligne médiane, où l'amincissement est très grand. Cette déchirure que j'ai faite, je dois le reconnaître, puisque j'ai admis la continuité des deux moitiés du cordon, comme l'a démontré, le pre- mier, M.Spengel, s'explique naturellement, mais n'infirme en rien les résultats que j'ai obtenus, malgré la contrefaçon belge de ma phrase. INVESTIGATION EN ANATOMJE COMPARÉE. 685 PLANCHE XXXIV. Fig. 1 à 17. Trochus magus. Les coupes sont faites en descendant du cerveau au grand cordon pédieux; elles comprennent les connectifs, la tête du grand cordon et les otocystes; les deux grands cordons, au point où ils sont unis par une commissure transversale et plus bas jusqu'à séparation complète. 1 et 2. La grandeur très différente des parties 6 et c montre que la partie b correspond au renflement de la base du connectif asymétrique. 3. Intéressante figure, car elle montre l'union des connectifs c et b, l'origine de la commissure croisée m et v, et surtout que Z et X succèdent à 6 et à c de la façon la plus évidente. En partant de la partie droite de cette figure, on ne peut manquer de suivre Z et X jusqu'à la figure 17, et de voir combien il serait difficile de pouvoir indiquer le point où Z cesse d'exister. Quelques remarques sont à faire sur l'ensemble de ces figures : à partir de la figure 6, on voit que c'est la partie X qui devient prépondérante, et cela est naturel : le pied étant bien autrement développé que l'épipodium, son centre d'innervation est aussi proportionnellement plus considérable. La figure 10 a aussi de l'intérêt. En effet, Z et X sont parfaitement dis- tincts, le sillon qui les sépare, sans être aussi profond et large que dan3 l'Haliotide, est bien marqué. Comment serait-il possible de nier ici l'existence d'une bande commis- surale étendue à la fois entre Z et X? 12. Dans cette figure, la partie Z commence à être rejetée sur le côté, et la partie pédieuse X devient prépondérante. Il suffit de jeter les yeux sur les autres figures jusqu'à la figure 17 pour voir disparaître la commissure et arriver aux deux cordons disjoints pré- sentant la gouttière latérale externe. 18 à 23. Patella vulgata. Coupe du connectif asymétrique et du nerf acous- tique. b, connectif; na, nerf acoustique. Ces figures montrent que les deux cordons ont chacun d'abord un né- vrilôme distinct, figure 18, puis que le nerf passe sous le névrilème du connectif figure 20 ; que plus bas, figures 21 et 22, le nerf na s'accole au connectif; qu'enfin, au numéro 23,1e nerf acoustique n'est plus représenté que par une légère élévation latérale. Cette élévation correspond certai- nement au nerf acoustique, nul ne pourrait le nier; et cependant on ne trouvera pas de lame névrilématique le séparant du connectif. 24 à 29. Centre branchial du Taret, Tertdo navalis . Figure 24, a, a, ganglions branchiaux symétriques et séparés; b, b, gan- glions surajoutés sur les nerfs naissant des ganglions a, a. Figure 25, les ganglions a, a sont accolés. Figure 26, les ganglions a + a sont largement soudés. Figure 29, il n'y a plus qu'un seul ganglion impair médian dans lequel on 686 H. DU LACAZE-DUTH1ERS. ne voit pas trace de septum névrilémalique et cependant le ganglion unique représente morphologiquement les deux ganglions (a + a) bran- chiaux unis et soudé9. PLANCHE XXXV. Toute cette planche est consacrée à l'étude de la tête du grand cordon pédieux de l'Haliotis tuberculata. Fig. 1 à 3. Coupe des connectifs dont on peut voir le rapprochement puis la fu- sion. Dans la série des figures, comme pour le Troque, les parties Z asymé- triques, et X pédieuses, peuvent être suivies en partant de leurs connectifs respectifs. 11 faut signaler les parties «élu qui correspondent aux premières parties de la commissure croisée. Observation importante : dans ces trois figures, une erreur de gravure existe, c et b ont été interposés, et le lecteur devra remettre les lettres en leur place. 9, 10, 11 et 12. Dans ces figures, la commissure es, transversale, qui unit d'abord en arrière la partie asymétrique, ce qui est nié par le profes- seur de Bruges, puis en avant le centre pédieux. 13. es, commissure asymétrique; cp, commissure pédieuse. 14. Les deux commissures occupent toute la surface de la coupe. 15. Un orifice paraît au milieu de la coupe, et correspond au sommet de la voûte formée par la lame des deux commissures et qui est ici enlevé. 16 et 17. Il ne reste qu'une faible partie, ep, de la commissure pédieuse. 18 et 19. Les deux cordons sont distincts et la profondeur de la gouttière est grande. i TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES 2» SÉRIE. TOME VIII Alger (Études sur les animaux de la baie d'] (voir Viguier). Axolotl (voir Houssay). Anatoinie comparée (voir de Lcicaze- Duthiers). Balbiani. Études auatomiques et histo- logiques sur le tube digestif des Cryp- tops, p. 1. Balbiani. Sur la structure intime du noyau du Loxophyllum meleagris, N. etR. IV, p. xv. Bout an. Le système nerveux du Par- mophoreus australis dans ses rapports avec le manteau, la collerette et le pied, N. et R. XIV, p. xliv. Cryptops (voir Balbiani). Cœlomates (voir Roule). Chétoptère (voir Joyeux-La ffuie). Discopus (voir Zelinka). Driopithecus (voir Gaudry). Étoiles de mer (voir Prouho). François. Mission. Sixième lettre de Nouméa, N. et R. II, p. vi. Fossiles secondaires (voir Gaudry). Flustrella bispida (voir H. Prouho). Gaudry {Albert). Les enchaînements du monde animal dans les temps géolo- giques, N. et R. VII, p. xxiv. Gaudry (Albert). Driopithecus, N. et R. IX, p. xxxiv. Guitel (voir Marion). Guitel. Sur la structure de la Baudroie et des terminaisons nerveuses de la ligne latérale, N. et R. VIN, p. xxxm. Houssay. Études d'embryologie sur les Vertébrés (Axolotl), p. 143. Joyeux-Laffuie. Étude monographique du Chétoptère, p. 245. Joubin. Recherches sur les Turbella- riés des côtes de France (Némertes), p. 461. Jourdan. Structure desbarbillons et des rayons libres du Péristédion, p. 603. Lacaze-Duthiers (de). De la valeur rela- tive de quelques procédés d'investi- gation en anatoinie comparée, p. 618. Letellier. Recherches sur la pourpre pro- duite par le Purpura lapillus, p. 361. Loxophyllum (voir Balbiani). Marion et Guitel. Dispersion du Salmo quinnat sur les côtes méditerra- néennes du sud-ouest de la France, N. et R. XII, p. xl. Nouméa (voir François). Néoméniées (voir Pruvot). Némertes (voir Joubin). Odorat (voir Prouho). Oursins (voir Prouho). Packard. La faune des cavernes de l'Amérique du Nord, avec remarques sur l'anatomie du cerveau et sur l'ori- gine des espèces aveugles, N. et R. XI, p. xxxix. Parmophorus (voir Boutan). Péristédion (voir Jourdan). Pourpre (voir Letellier). Prouho. Du rôle des pédicellaires gem- miformes des Oursins, N. et R. XIII, p. XLII. Prouho. Du sens de l'odorat chez les Étoiles de mer, N. et R. X, p. xxxvi. Prouho (H.). Recherches sur la larve de la Flustrella hispida (structure et mé- tamorphose), p. 409. Pruvot. Sur quelques Néoméniées nou- velles de la Méditerranée, N. et R. VI, p. xxi. Rotateurs fvoir Zelinka). Roule. Remarques sur l'origine des centres nerveux chez les Cœlomates, p. 81. Salmo quinnat (voir Marion et Guitel)» 688 TAULE DES PLANCHES. Système nerveux (voir Roule). Tétraptère (voir Figuier). figuier. Etudes sur les animaux infé- rieurs de la baie d'Alger (le ïétra- ptère), p. 101. Wiedersheim. Manuel d'anatomie com- parée, N. et R. III, p. xiv. Whitmem. Développement des poissons osseux. Histoire de l'œuf depuis la fé- condation jusqu'à la segmentation N. et R. V, p. xvn. Zelinka. Etudes sur les rotateurs (pa- rasitisme et anatomie du Discopus synaptae), N. et R. I, p. i. TABLE DES PLANCHES 2e SÉRIE. TOME VIII I à VI. Tube digestif des Cryptops. VII à IX. Tetraptera volitans. X à XIV. Axolotl (développement). XV h XX. Chétoptère. XXI. Organe et cristaux de la Pourpre. XXII à XXIV. Flustrella hispida. XXV à XXXI. Némertiens des côtes de France. XXXII. Structure des Barbillons du Péristédion. XXXIII à XXXV. Système nerveux de l'Haliotide et du Troque. PARIS. — TYPOGRAPHIE A. HENNUYER, RUE DARCET, 7. Arch de Z 2' Série Prl % RYPT0P3 Zool.Exp1* et Ce TUBE DIGESTIF DES CRYPTOPS ch.de Zoo] Exp1' et Génle I /•"' aPPff ••';'.• '■<,!"• '•'"•' .. / J ! < i „/ 'v ',.//„«„„„ ./../ : TUBE D1CESTIF DES CRYPTOPS I ,';'/i Itlh Ai h de Zool Expie ei Cenle 20 mi :'/ a;;/ 2e Série Vol VilL PIVIIt Arch de Zool Expls et Génle 2e. Série. Vol Vin. PI 39 4 S TETRAPTERE Tetr aplati a. Vohtans (Buach, L Gén ,>' AXOLOTL : Arci de Zool.JSaj - 4? rl/r/l A» '/ol.VIII ! _'_' ?" #• i/*////-. //// /y t • t , h,r %. ■■•£. 'y /", 2à ■•• fy Arch de Zcol . Exple et Grén 3o •; .>••-.. • • *'';'••/;•. •/.•••'•. •.:»:••.•. ■• " .• 7- jj> •. ' à ,,. 38 ep ào .-. •'•••:^v.;.;-:.V.'!-. '7> a .■.•• 4; /-' •>VVv;:-;;- •..* « • • .y .<" ....-•■:-. A .. • - ' rru, ; pi ' ' r-p ■ .-.•••. 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Ober>: CHETOPTERE (Organes Segmenlaires) Arch.de Zool.Exp-et Geale 2e Série V ?1.XK. J. Joyeux- LajfuU oui nai-. cUl CHETOPTERE krch àe Zool Exple et Gén]e 2Ê Séné. Vol VQI P1XX l.Vf 5 2. XI f S 5. XV! s JbyeuJC, -La/fû-zï CHETOPTEEE Arch de Zoo\ Exp - el . Pi m Or;; cnstarax de la. poixrpr e Arch.de Zool. Exple et Genle . a 2 e Série. Vol, VIII. PI. XX1L le* .Si 4&§ — la. mr ... PN^L. TRELLA HISPIDA de Zool.Exple et Gén Le 2e Série. Vol, VIII, PI. XXIII. " ■ B n 12 •- i ■'',■;■;•; J-m -A". ""A - V| W. b3 ji bi h9-m //mie/i/ FLUSTRELLA HISPIDA ArcK.de Zool.Exple et Gen Le 29 Série, Vol. VIII. PL XXIV. Himelu .rc FLUSTRELLA HISPIDA Arch.de Zool.Exp1.8 et Gén1 2e Série V XXV bin axi nat del Chromolith. Oberthur NÉMERTIENS des Côtes de France Arch.de ZooLExp1? et Gén]e 2e Série Vol. VIII PI. XXVI. s 19 ■ d ^r^np'n ^â0 NÉMERTIENS des Côtes de France. Lilh OberthC Arch.de Zool.Exp1.8 et Gén1 l —m 2e Série Vol. VIII PI. XXVII. m ,b ; iSgS 3 V a-+— — i *i< iavv»^.; i - - - : ; îbin c«i nat. de] Lith.Oberthiïr NÉMERTIENS des Côtes de France. .3l.VllI.Pl XXVIII. NEMERTIENS DES COTES DE FRANCE ZooLExple et Gen le 2eSerie.Vol.VIII.Pl.:\ »» 2 l$$$ A '• - l Joubin .;